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SOMMAIRE

INTRODUCTION
I. DEFINITION
II. L’EMPIRISME DE LA GENESE. LE PROBLEME DE LA
REFLEXION A L’AGE CLASSIQUE
III. L’EMPIRISME DE LA CONSTITUTION : FONDER LES
SCIENCES
IV. EMPIRISME ET METAPHYSIQUE
V. LE PROBLEME DE LA NORMATIVITE DE LA
CONNAISSANCE

CONCLUSION

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INTRODUCTION
En philosophie, le terme « empirisme » désigne un courant de pensée très
ancien, mais dont on considère qu’il a connu son plein épanouissement aux
17ème et 18ème siècles, sous la plume de philosophes britanniques tels que
Thomas Hobbes, John Locke, George Berkeley ou encore David Hume. Tel
qu’on le présente d’ordinaire, cet « empirisme britannique » se serait constitué
en réaction au « rationalisme continental », mouvement sous la bannière duquel
on enrôle habituellement des auteurs tels que Platon, René Descartes, Nicolas
Malebranche ou encore Gottfried Leibniz. L’opposition entre empirisme et
rationalisme reposerait alors sur un désaccord concernant la source de la
connaissance : tandis que pour l’empirisme, celle-ci dérive essentiellement de
l’expérience sensible et est en ce sens a posteriori, pour le rationalisme elle n’est
au contraire rendue possible et garantie que par la raison, et a donc un
fondement a priori (indépendante de l’expérience).
Aux yeux des historiens de la philosophie cependant, cette dichotomie est
simplificatrice et demande à être amendée. Dans une large mesure, on peut en
effet considérer que l’idée d’une opposition stricte entre empirisme et
rationalisme renvoie moins à une réalité historique qu’à un artifice de
classement rétrospectif des positions philosophiques de l’époque moderne : c’est
notamment l’usage qu’en fait Kant dans la Critique de la Raison Pure, et on y a
encore largement recours en ce sens dans les classes de philosophie, à des fins
pédagogiques (Norton, 1981 ; Woolhouse, 1988)

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I. DEFINITION
Qu’est-ce que l’empirisme ?
Il existe trois manières canoniques de le définir. La première se ramène à un
simple adage, une maxime sans âge – Nihil est in intellectu quin prius fuerit in
sensu, rien n’est dans l’intellect qui n’ait été auparavant dans les sens. Un tel
énoncé, outre qu’il ne dit à proprement parler rien du passage des sens à
l’intellect, limite l’empirisme à sa dimension psychologique : à savoir, l’histoire
– non relatée en fait puisqu’occultée – de l’esprit à partir de cette forme
primitive d’expérience (du grec empeiria) que constitue l’expérience des sens.
La seconde manière est plus un héritage du positivisme comtien que
l’expression formelle de l’empirisme lui-même. C’est le dépassement de la
métaphysique au moyen de la théorie de la connaissance – et Rudolf Carnap,
cosignataire du Manifeste du Cercle de Vienne ira plus loin : une théorie de la
connaissance construite sur l’analyse logique du langage. Une telle présentation,
cette fois plus générale, s’enracine cependant dans une vision tout à fait
caricaturale de la métaphysique, celle que renferme par exemple la fameuse « loi
des trois états » dans la Première Leçon du Cours de philosophie positive. L’état
métaphysique y est décrit comme un état « abstrait », « bâtard », car
intermédiaire entre l’état théologique et l’état positif (dont l’adéquation avec
l’empirisme des Lumières est complète). Son modèle explicatif, qui repose sur
l’inhérence supposée de forces dans le monde, tenant lieu de « causes » des
phénomènes pris comme effets, ne constitue qu’une modification malheureuse
d’un modèle théologique plus performant, surtout si l’on considère le cas des
religions monothéistes où un seul agent surnaturel est cause de tous les
phénomènes du monde.
La troisième manière de décrire l’empirisme enfin, le recentre sur des questions
de méthode. On la doit à Michel Foucault, dans Les mots et les choses : il s’agit
de la genèse ou « constitution des ordres à partir des suites empiriques », qui
vient s’articuler à la mathesis et à la taxinomia pour former ce que Foucault
appelle l’épistémè classique. La genèse foucaldienne se dégage cette fois du
contexte psychologique pour interroger plus directement l’origine des
connaissances aussi bien que l’historicité propre des sciences constituées.

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II. L’EMPIRISME DE LA GENESE. LE PROBLEME DE LA
REFLEXION A L’AGE CLASSIQUE

La thèse exposée dans cette première partie peut être résumée sous l’affirmation
suivante : c’est à l’initiative de la tradition empiriste que la tradition rationaliste
a tâché de définir les compétences de la réflexion. La thèse peut sembler
paradoxale, au sens propre du terme. Or la démarche d’André Charrak consiste
précisément à montrer comment une doxa au sujet de l’empirisme s’est
constituée en passant sur les considérations qui sont l’objet de ce premier volet,
et qui consistent en une analyse précise du dialogue Locke-Leibniz ouvert
par les Nouveaux Essais sur l’entendement humain. Par delà l’héritage cartésien,
l’auteur estime en effet que la réflexion en son sens propre doit son acte de
naissance à un empirisme qui ne peut manquer d’être embarrassé par une telle
notion. La réflexion fonctionnerait comme un crible à partir duquel s’organisent
des alternatives architectoniques pour l’histoire de la philosophie classique.
Deux positions, internes à la tradition empiriste, se dessinent en effet : une
approche où la réflexion accomplit un simple perfectionnement des opérations
de l’âme engagées avant elle, où elle relève ainsi de la simple constitution du
donné (Condillac) ou une approche qui comprend la réflexion dans son
originalité irréductible (Rousseau).

La thèse centrale de cette première partie est cependant moins dans cette
distinction que dans la mise en évidence de ce qu’elle doit à la critique
leibnizienne de Locke, critique opérée à l’initiative de l’auteur de l’Essai. C’est
donc moins à une histoire interne à l’empirisme que nous sommes confrontés
qu’à un « bloc Locke-Leibniz ». Cette thèse est étayée notamment par la
réception de certains arguments leibniziens, répondant à Locke, chez
Condillac via l’héritage wolffien. Mais elle s’illustre de manière exemplaire
chez Rousseau, qui répète une double attitude héritée de Leibniz, en soutenant,
dans la Profession de foi, l’irréductibilité des actes réflexifs, qui nous dévoilent
quelque chose de la nature de l’esprit.

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III. L’EMPIRISME DE LA CONSTITUTION : FONDER LES
SCIENCES

Le premier moment d’Empirisme et théorie de la connaissance s’attachait à une


analyse doxographique de laquelle découlait une thèse proprement
philosophique : il s’agissait, à travers l’analyse des échos internes à un corpus,
de redessiner le visage d’un empirisme initiateur de concepts et de débats que
l’on n’a pas coutume de lui attribuer. Le deuxième moment de l’ouvrage adopte
une méthode semblable, en partant non pas tant des textes que des champs précis
où les principes de l’empirisme s’appliquent. L’auteur passe ainsi du corpus au
champ déterminé des sciences et, en premier lieu, à l’exemple de la théorie
harmonique. Le concept d’application est en effet fondamental pour une saisie
renouvelée de la tradition emprise, et ce pour deux raisons.

Comme nous l’avons noté, l’empirisme se pose à lui-même le problème des


limites de la constitution, de la difficulté qu’il y aurait à vouloir reconduire
l’ensemble des notions et des opérations de l’esprit à l’expérience sensible :
c’est ici la possibilité même du réductionnisme qui se trouve vivement débattue,
par les empiristes eux-mêmes, comme d’Alembert. Il s’agit de monter que
l’empirisme lui-même prend acte d’une « solution de continuité dans la chaîne
des connaissances », « entre le rationnel et l’empirique »[3]. Ce regard critique
de l’empirisme sur lui-même est présenté par le biais du problème de
la mathesis universalis. André Charrak revient ici sur le concept foucaldien
d’épistémè et, via l’exemple de la théorie musicale ramiste[4], le révèle dans sa
pertinence comme dans son insuffisance. En effet, la tradition empiriste
participe bien de la pensée de l’ordre que met en évidence l’auteur des Mots et
les Choses, mais elle relève avant tout de la mathesis universalis en ce qu’elle
tente de penser l’application des sciences les unes aux autres.

C’est là que se manifeste toute l’originalité de la thèse de l’auteur concernant le


concept d’application. En effet, si l’application fonctionne comme la pierre de
touche de l’empirisme de la constitution, ce concept se voit en creux doté d’une
positivité théorique fondamentale : la question sera moins pour la tradition
empiriste de comprendre comment penser la constitution de vérités générales à
partir de la simple expérience particulière que de mener une enquête sur les
progrès positifs des sciences. C’est répondre au problème de la méthode
analytique convoquée par l’empirisme.

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IV. EMPIRISME ET METAPHYSIQUE
L’alternative qui s’impose aux empirismes de la genèse (ainsi que les nomme
André Charrak) est impensable sans la transmission de quelque chose de
semblable à un bloc Locke-Leibniz, qui figure comme un défi lancé à tous les
tenants d’une évacuation pure et simple de la métaphysique, réduite comme chez
Comte à un trop long préliminaire à la théorie de la connaissance. L’empirisme
continental tout au moins – si l’on veut par commodité le distinguer d’un
empirisme britannique plus porté vers les questions de philosophie morale
au XVIIIe siècle (c’est le cas de Hume spécialement) – n’est pas tant héritier de
Locke que des remarques adressée par Leibniz à l’auteur de l’Essai, transmises
notamment via le recueil de Pierre Des Maizeaux, et qui imposent un
réaménagement complet de ses thèses.

V. LE PROBLEME DE LA NORMATIVITE DE LA
CONNAISSANCE
L’épistémologie naturalisée promue par Quine a cependant été, et est encore la
cible de nombreuses critiques. On lui reproche notamment de ne plus rien avoir
de philosophique, puisque, par principe, elle se limite à une enquête empirique
portant sur les faits plutôt que sur les concepts, sur ce qui est plutôt que sur ce
qui doit être : comment des créatures comme nous, telles du moins que nos
meilleures théories scientifiques nous dépeignent, parviennent-elles à entretenir
des croyances et des théories qu’elles jugent adéquates à propos du monde
extérieur (compte tenu de ce que nos meilleures théories scientifiques décrivent
également comme étant ce « monde extérieur ») ? Une telle épistémologie,
réduite à la description des phénomènes perceptuels et cognitifs, ne serait pas «
modeste » comme l’affirment ses partisans en y voyant une vertu : en réalité elle
serait tout simplement vide, n’ayant rien offrir que la psychologie empirique ou
les sciences cognitives ne sauraient dévoiler par leurs propres moyens. Aux yeux
de ceux qui s’objectent ainsi à la naturalisation de l’épistémologie, il y a quelque
chose dans la connaissance humaine, qui justifie une approche proprement
philosophique et rend l’empirisme « psychologiste », si l’on peut dire,
problématique sur le plan conceptuel : ses propriétés normatives. C’est
notamment le cas de Wilfrid Sellars et de plusieurs de ceux qu’il a influencés.
Sur ce point, il se sépare donc résolument de Quine.

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CONCLUSION
Si l’empirisme s’accorde bien avec les intuitions du sens commun, il ne va
épistémologiquement pas de soi. En effet, toute expérience n’est pas
nécessairement porteuse de vérité : les apparences sont parfois trompeuses, et
même le paléoanthropologue le plus scrupuleux est susceptible de faire des
erreurs. Il semble donc faux d’affirmer que l’expérience suffit à fonder la
connaissance : d’une part, elle est toujours limitée et d’autre part il faut qu’elle
soit conduite et interprétée avec un minimum de méthode et de raison

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