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TD

Droit administratif
Séance 1 Le préjudice
CE, Ass., 21 mars 1947, Dame veuve Aubry
Faits : Une femme a été renversée le 28 Avril 1941 par une automobile au service des Chantiers de la
jeunesse, roulant à une vitesse excessive
Procédure : recours en indemnité de la veuve. La responsabilité de l’État est entière.
Question de droit : A quelle date le CE doit-il se placer pour évaluer le préjudice subi par la victime et
ainsi fixer l'indemnité ?
Motifs :
– principe = le droit à réparation du préjudice s'ouvre à la date de l'accident
– atténuations = c'est au CE, qui fixe l'indemnité et évalue en fonction du dommage subi par
la victime afin qu'elle reçoit une somme qui correspond, au jour de la décision, à l’entière
réparation du préjudice subi (ici la perte effective de revenu éprouvée du fait de l’accident).
Mais il doit Prendre aussi en compte le retard apporté à la réparation du dommage et donc
évaluer le préjudice en faisant état des circonstances existant à l’époque où la décision
aurait du normalement intervenir.
→ En l'espèce, la veuve a du être hospitalisée, durant ce temps elle a été privée de son salaire, elle
est atteinte d'une incapacité de 46%. + modification des taux de salaire (elle ne doit pas en profiter) +
retard de la requérante à la présentation de son indemnité.

L’appréciation du dommage a lieu dès le moment où le dommage a lieu. Mais il ne faut pas que les
circonstances postérieures amène à une surévaluation de l’indemnité.

CE, Ass., 21 mars 1947, Compagnie Générale des Eaux


Faits : le CE avait à statuer sur les dommages afférents à la rupture d’une conduite d’eau de la
Compagnie générale des eaux.
Procédure : Recours en indemnité
Question de droit : A quel moment doit être évalué le préjudice subi par la victime ?
Motifs : L’évaluation des dégâts subis par l’immeuble du fait de la rupture d’une codnuite d’eau doit
être faite à la date où il pouvait être procédé aux travaux de réparation, leur cause ayant pris fin et
leur étendue étant connue. En l’espèce la victime n’apportait pas la preuve que les travaux ont été
retardés par l’impossibilité soit d’en assurer le financement soit de se procurer les matériaux
nécessaire à leur exécution, de sorte que les juges ont pu évaluer le préjudice au jour où les travaux
auraient du être normalement réalisés.

La réparation du dommage matériel s’ouvre à partir du moment où la cause du dommage a


disparu. Pour apprécier l’étendue du préjudice subi, il convient donc de vérifier que la cause du
dommage a cessé/disparu. On distingue le dommage instantané et le dommage continu, pour
déterminer le préjudice.

CE, Ass., 24 novembre 1961, Letisserand


Faits : En 1955, un homme qui circulait avec son fils à motocyclette fut heurté par un camion qui se
déplaçait pour le compte du département de l’Allier. Le père et le fils furent tués sur le coup. Leurs
proches, femme et père de l'homme décédé, demandèrent une indemnité.
Procédure : Recours en indemnité devant le TA de Clermont-Ferrand. Jugement du 5 Juin 1959,
jugement qui met à la charge de l'Etat les conséquences dommageables de l'accident mortel. Recours
du Ministre des Travaux Publics et des transports au secrétariat du contentieux le 20 Avril 1959.
Condamnation de la faute personnelle du chauffeur par le Tribunal correctionnel de Cusset. Devant le
CE : BUT, responsabilité du département (camion appartenant au département, chantier exécution
travaux public pour le compte du département).
Question de droit : Est-ce que le préjudice du grand-père, qui est dépourvu de tout caractère autre
que moral, peut être indemnisé ?
Motifs : Le CE reconnaît pour la première fois que la douleur morale causée par la disparition
prématurée d’un fils génère en elle-même un préjudice indemnisable.
Portée : Abandon de la théorie selon laquelle le pretium affections ne peut être évaluable en argent,
et donc indemnisé. Fin de l’incohérence entre la jurisprudence judiciaire et la jurisprudence
administrative.

Cet arrêt marque le début de la prise en compte par le JA du préjudice moral des victimes pour
déterminer le montant des indemnités. L’appréciation du juge se fait in abstracto : l’évaluation de
l’indemnité est forfaitaire. Certaines considérations in concreto sont tout de même prises en
compte.

CE, Ass., 3 mars 1978, Veuve Müesser


Faits : Un sapeur-pompier non-professionnel est mort en combattant un incendie dans la commune
de Neuilly-en-Theille.
Procédure : Sa concubine demande à la commune réparation du préjudice qui lui a causé la mort de
son compagnon
Question de droit : est-ce qu'une réparation de préjudice peut être demandée sans qu'une faute ait
été causée ?
Motifs : la concubine qui vivait depuis plusieurs années en concubinage avec le défunt et avait avec
lui une liaison suffisamment stable et continue pour lui donner vocation à obtenir réparation du
préjudice que lui a causé le décès de son compagnon. On ne peut pas étendre le régime pour les
veuves non remariées de sapeurs-pompiers non professionnels décédés en service aux concubins
mais le concubin peut néanmoins engager la responsabilité de l’administration, classiquement. En
revanche, il faut caractériser une faute lourde de l’administration (en l’espèce, pas de faute lourde,
donc pas d’indemnisation).

CE, Sect., 14 février 1997, Epoux Quarez = ARRÊT À COMMENTER

Du droit de ne pas naître, Olivier Cayla (sur l’affaire Perruche)

Faits : Une femme de 42 ans est enceinte, et à la naissance on découvre que l’enfant est atteint d’une
trisomie 21 non détectée au cours d’une amniocentèse par le centre hospitalier de Nice. Elle avait
précisé qu’en cas de détection d’une trisomie, elle aurait recours à une IVG. Le médecin se trompe
dans son examen et affirme que l’enfant n’était pas trisomique. L’information faussement rassurante
d’un examen médical avait empêché les parents de recourir à une interruption médicale de
grossesse.
Procédure :
Les époux Quarez exerce un recours en indemnisation au nom des parents (eux-mêmes) et au nom de
l’enfant devant le TA.
CAA Lyon, 21 novembre 1991 : Centre hospitalier de Nice doit réparer les conséquences
dommageables pour les deux (parents et enfant). La CAA fait une indemnisation mélangée des
parents et de l’enfant. Elle conclut qu’il y a un lien de causalité direct de la faute du médecin
également pour l’enfant. Le centre hospitalier demande l’annulation de la décision.
CE, Sect., 14 février 1997 (arrêt en question)
Question de droit : Doit-on indemniser le préjudice de l’enfant né handicapé ?
Motifs : Le CE considère que la CAA a fait une erreur de droit. Le CE décide d'indemniser les parents
pour le préjudice résultant du défaut d'information et de ses conséquences. Cependant, il refuse le
dédommagement de l'enfant du fait de sa naissance, la charge de l'entretien de l'enfant étant incluse
dans l'indemnisation parentale : il considère qu’il n’y pas de causalité entre la faute du médecin et le
handicap de l’enfant. Finalement il n’y a pas de préjudice pour l’enfant (trisomie dans son patrimoine
génétique donc sa seule alternative était de naitre handicapé ou de ne pas naitre, or on n’a pas de
droit subjectif à ne pas naitre).
Portée : Cet arrêt opposé aux conclusions de l'arrêt Perruche (indemnisation des parents et de
l’enfant né handicapé) rendue par la Cour de cassation. Pas vraiment de contradiction puisque
juridiction administrative et juridiction judiciaire sont distinctes, mais ici JP très différente en le CE et
la Cass. Dans l’arrêt époux Quarez, le CE reprend la même argumentation de l’avocat général pour
l’affaire Perruche, et cite même les conclusions du commissaire au gouvernement pour l’affaire
Quarez (Valérie Pécresse).

NB : Conclusions de Valérie Pécresse (alors commissaire du gouvernement au CE) qui estimait "nous
ne pensons pas qu'un enfant puisse se plaindre d'être né tel qu'il a été conçu par ses parents (...)
Affirmer l'inverse serait juger qu'il existe des vies qui ne valent pas la peine d'être vécues et imposer à
la mère une sorte d'obligation de recourir, en cas de diagnostic alarmant, à une interruption de
grossesse ».

Commentaire d’Olivier Cayla :


- Thèse Perruchiste : raisonnement en 3 temps (une faute, un préjudice, un lien de causalité). :
o Présence d’une faute du médecin contestée par personne (erreur de diagnostic,
manque de vigilance alors que la femme enceinte avait explicitement exprimé sa
volonté de recourir à une IVG en cas de maladie = faute dans l’obligation de moyens
du médecin)
o Caractérisation du handicap de l’enfant : le préjudice de l’enfant est constitué des
souffrances, charges, contraintes, et coûts que l’enfant devra assumer du seul fait de
son handicap. Le droit positif en vigueur affirmait aussi que le handicap de l’enfant
engendrait un préjudice pour les parents (donc forcément pour lui-même).
o (Pour les anti-perruchistes, même en l’absence de faute médical, l’enfant aurait été
atteint de la rubéole mais le parti perruchiste avance qu’un tel raisonnement aurait
mené, dans l’affaire du sang contaminé, à ne pas retenir la faute de
l’administration…) il ne faut pas retenir l’appréciation d’un lien de causalité strict et
scientifique mais retenir un lien de causalité juridique. Madame Perruche avait
explicitement fait savoir qu’elle avorterait au cas où elle avait contracté la rubéole
(volonté de ne pas mettre au monde un enfant handicapé). Ici la faute du médecin a
empêché la femme enceinte d’avorter comme elle le voulait.
- Thèse anti-Perruchiste (Quarez donc) : le point de vue ne devrait diverger que dans
l’appréciation du lien de causalité : pas de lien de causalité scientifique entre la faute du
médecin et la maladie de l’enfant. Mais l’anti-Perruchiste soulève en fait la question du
préjudice : confusion entre le lien de causalité et le préjudice. La conséquence de la faute
n’est pas le handicap mais la naissance de l’enfant, laquelle naissance ne saurait constituer un
préjudice. Ainsi, il n’y a pas de préjudice à naître handicapé. C’est nier les faits : faire comme
si la femme ne voulait pas éviter le handicap. Ce n’est pas parce qu’elle a dit qu’elle aurait
avorté qu’elle l’aurait effectivement fait.
⇨ La détermination
I/ L’admission d'un préjudice indemnisable aux parents suite à la naissance d'un enfant handicapé

A) Un préjudice causé par une insuffisance de l'information : la faute simple de l'hôpital

B) La reconnaissance comme source de préjudice de la naissance d'un enfant handicapé

II/ Le refus d'un droit à indemnisation à l'enfant lui-même du fait de sa naissance

A) Le patrimoine génétique : une limite à l’indemnisation de l'enfant handicapé

B) Une solution du conseil d'État divergente de celle de la cour de cassation

Quelques notes → Alors que l'arrêt Perruche avait décidé l'indemnisation de l'enfant, l'arrêt Quarez
du Conseil d'État avait refusé le dédommagement de l'enfant du fait de sa naissance, la charge de
l'entretien de l'enfant étant incluse dans l'indemnisation parentale.

Le Conseil d'État avait refusé l'indemnisation de l'enfant suivant les conclusions de Valérie Pécresse
(alors commissaire du gouvernement au Conseil d'État) qui estimait "nous ne pensons pas qu'un
enfant puisse se plaindre d'être né tel qu'il a été conçu par ses parents (...) Affirmer l'inverse serait
juger qu'il existe des vies qui ne valent pas la peine d'être vécues et imposer à la mère une sorte
d'obligation de recourir, en cas de diagnostic alarmant, à une interruption de grossesse".

Par rapport à l'arrêt Perruche : la Cour de cassation et le Conseil d'Etat admettent tous deux qu'une
faute médicale ayant empêché la mère d'un enfant né handicapé d'exercer son droit de recourir à
une interruption de grossesse cause aux parents un préjudice qui doit être indemnisé ;

- la Cour de cassation reconnaît un lien de causalité direct entre la faute médicale ayant empêché la
mère de recourir à une interruption de grossesse et le handicap de l'enfant, acceptant en
conséquence l'indemnisation du préjudice de ce dernier. Le Conseil d'Etat ne reconnaît pas ce lien ;
- les solutions de la Cour de cassation comme du Conseil d'Etat permettent une indemnisation au
titre des charges matérielles particulières résultant du handicap de l'enfant.
Le Conseil d'Etat admet que les parents peuvent être indemnisés à ce titre et cette possibilité a été un
des arguments du commissaire du Gouvernement pour refuser de reconnaître un préjudice de
l'enfant : « Cet effort juridique semble d'autant plus inutile qu'il est possible de donner, dans une large
mesure, satisfaction aux demandes indemnitaires formulées devant la Cour sans avoir à reconnaître
l'existence pour le jeune enfant d'un préjudice directement lié à la faute hospitalière ».

La Cour de cassation admet que l'enfant lui-même puisse être indemnisé du préjudice matériel
résultant de son handicap. Son rapporteur a souligné l'inconvénient de la solution retenue par le
Conseil d'Etat : « La position du Conseil d'Etat, qui alloue en réalité aux parents l'indemnisation due à
l'enfant (...) comporte d'ailleurs l'inconvénient d'un risque de dilapidation, en particulier si le couple se
disloque ou abandonne l'enfant, ce qui est malheureusement assez fréquent. Et dans l'hypothèse où
les parents meurent avant d'avoir pu agir, la solution « camouflée » de la réparation du préjudice de
l'enfant à travers ses parents n'est même plus possible ».

CE, Sect. 29 mars 2000, APHP Affaire du sang contaminé


Faits : Un homme décède d’une hépatite C suite aux transfusions sanguines qu’il a reçu lors de son
séjour à l’hôpital Avicenne. Ses héritiers tentent de mettre en cause la responsabilité de
l’établissement public afin d’obtenir réparation du préjudice causé au défunt.
Procédure :
CAA : fait droit à la demande
CE (arrêt en question) confirme la décision d’appel, recours par l'Assistance publique des hopitaux de
Paris
Question de droit : Les héritiers peuvent-ils se prévaloir d’un droit d’indemnisation appartenant au
défunt ?
Motifs : Le CE estime que le droit à la réparation d’un dommage est entré dans le patrimoine du
défunt avant son décès, et est donc transmis à ses héritiers.

CE, 27 janvier 2006, Commune d’Amiens


Faits : Commune d'Amiens a attribué à une entreprise le marché relatif à la construction d'antenne
de collecteurs d'eaux usées et pluviales, réalisation de branchements particuliers ainsi que l'entretien
du réseau existant. Une autre entreprise, exerçant dans le même marché estime avoir subi un
préjudice.
Procédure : Tribunal administratif d'Amiens le 4 mai 1992 annule la décision de la commune
d'attribuer le marché à une seule entreprise. Et le 13 mars 1995, le même tribunal reconnaît la
commune comme responsable du préjudice subi par l'entreprise exerçant dans le même marché.
Demande d'expertise pour déterminer le préjudice commercial et financier de l'entreprise évincée.
Tribunal administratif d'Amiens condamne la commune dans un jugement du 21 Mars 2000 une
indemnité de 176 714 euros + intérêts légaux + capitalisation. Appel interjeté par l'entreprise
évincée, et la Cour d'appel de Douai le 28 mai 2003 porte l'indemnité de la commune à 290 360
euros. Pourvoi en cassation de la Commune d'Amiens.
PB de droit : (haha, est-ce que l'entreprise peut forcer au max du max pour demander des sous?)
Est-ce que l'entreprise candidate à un marché public peut demander réparation du préjudice quand
elle a été évincée de celui-ci par la commune ?
Motifs : Le juge va devoir se poser la question de la chance qu’avait le candidat d’emporter le marché.
En effet, si l’entreprise n’avait aucune chance d’emporter le marché, elle n’aura droit à rien. Si elle
avait une chance de l’emporter, elle aura droit au remboursement des frais engagés pour présenter
l’offre. Mais si la chance était non seulement réelle mais sérieuse, l’entreprise aura droit à «
l’indemnisation de l’intégralité du manque à gagner qu’elle a subi » - soit la marge bénéficiaire dont
elle a été privée.

CE, Sect., 21 décembre 2007, CH de Vienne


Faits : Un homme a été opéré de son œil droit en Septembre 1995 dans un établissement de santé
privé. Aggravation de l'état de son œil → il se rend aux urgences du CH de Vienne le 5 Novembre
1995 dans l'après-midi. On lui a prescrit des antibiotiques, et on lui a dit d'aller voir son médecin
traitant. Suite à des douleurs, il revient aux urgences dans la nuit, et on lui donne un antalgique par
voie veineuse. Lundi 6 novembre, il est allé voir son médecin traitant, qui lui a dit d'aller aux
urgences. En début d'après-midi, il y est admis → on constate un truc, et il perd la vue de son œil
droit malgré le traitement antibiotique par voir veineuse. Le gars demande sûrement indemnité pour
le préjudice subi.
Procédure : tribunal administratif de Grenoble a désigné un expert. Diagnostic définitif n'a été
constaté qu'à la 3e consultation aux urgences, alors qu'elle l'aurait du l'être à la deuxième. Ce retard
constitue une faute de nature à entraîner la responsabilité du CH. CAA de Lyon dans son arrêt du 22
Novembre 2005 met à la charge du CH de Vienne la réparation de l'entier dommage corporel subi par
le mec. Le mec fait appel + appel incident du CH.
PB de droit : Est-ce que l'indemnité peut porter sur la réparation entière du dommage corporel subi
par la victime ?
Motifs : « le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être
intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chante d'éviter que ce
dommage soit advenu ». La réparation qui incombe au CH doit alors être évaluée à une fraction du
dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue.

CE, 30 janvier 2013, Imbert


Faits : M. Imbert exploitait, sans autorisation, un établissement d’élevage de sangliers. Le préfet du
Puy-de-Dôme ordonna, par un arrêté du 11 Octobre 2000, l’abattage des sangliers.
Procédure : Cet arrêté fut annulé par la juridiction administrative au motif que la décision de détruire
ce cheptel n’était pas justifiée. Par la suite, l'éleveur a saisi le Tribunal administratif de Clermont
Ferrand pour obtenir réparation du préjudice ainsi subi, mais sa requête a été rejetée le 30 Avril 2008.
Il a donc saisi le Cour administrative d’appel de Lyon, mais celle-ci a, le 8 Avril 2010, refusé
d’indemniser ce préjudice au motif que celui-ci résultait de l’irrégularité de la situation dans laquelle
il s’était placé. L’intéressé se pourvoit donc en cassation.
Le préjudice né d’une situation irrégulière est-il susceptible d’être indemnisé ?
Motifs : le Conseil d’Etat, le 30 Janvier 2013, lui accorde une indemnisation partielle en considérant
qu’une partie du préjudice est imputable non à l’illégalité de la cette situation, mais à une faute de
l’Administration.

CE, 16 décembre 2013, De Moraes


Faits : accident du travail, une femme se fait soigner sa main au centre hospitalier Albertville, elle
subit une amputation de deux doigts + une partie de sa paume. Elle recherche la responsabilité du
centre hospitalier devant le juge administratif.
Procédure : jugement du 25 avril 2002, du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Savoie =
indemnisation par son employeur de certains préjudices personnels. Tribunal administratif de
Grenoble, le 25 septembre 2002, retient l'existence de fautes médicales engageant la responsabilité
du centre hospitalier d'Albertville. Appels dirigés contre ce jugements à la CAA de Lyon dans un arrêt
du 13 mars 2007. CE annule cet arrêt le 21 Octobre 2009. Affaire renvoyée devant la CAA de Lyon
statue dans un arrêt du 9 décembre 2010 et accore à la victime une indemnité correspondant à la
perte de ses revenus et rejette demande concernant les préjudices personnels. Cassation de la
victime contre cet arrêt.
Pb de droit :
Motifs : insuffisance de motivation → les frais de transports et d'aide à domicile de la victime. Mais
elle ne justifie pas ces frais.
préjudices temporaires : périodes d'incapacité lui valant une indemnisation. Périodes de souffrance
qui lui valent une indemnisation également.
Déficit fonctionnel permanent : incapacité permanente partielle qui lui vaut une indemnisation.
Préjudice esthétique : une somme lui est allouée.
Préjudice d'agrément : difficultés à pratiquer des activités qu'elle avait l'habitude de pratiquer, une
indemnisation sera aussi faite.
→ On lui donne, la différence entre l'évaluation de la somme qui correspond aux préjudices qu'elle a
subit – la somme qui lui a déjà été versée par son employeur.

Séance 2 Faute personnelle et faute de service

TC, 30 juillet 1873, Pelletier


L'arrêt Pelletier est à l'origine de la distinction entre faute personnelle et faute de service et fonde
ainsi le partage de responsabilité entre l'administration et ses agents, en cas de faute causant des
dommages à des tiers.
Avant, les juridictions judiciaires ne pouvaient connaitre d’aucune affaire autour d’un acte
administratif ou d’un fonctionnaire. L’article 75 de la Constitution de l’an 8 posait ce principe mais un
décret ultérieur l’abroge ultérieurement, de sorte qu’en l’absence d’interdiction, le juge judiciaire
peut se saisir de telles affaires. Le TC précise toutefois que cela ne peut pas remettre en cause une
certaine réalité de la séparation des pouvoirs et ordres juridictionnels traduite par la création du TC
en 1872. Le décret ne doit pas être interprété de telle sorte que cela remettrait en cause la
séparation des 2 ordres de juridictions et la répartition des compétences, puisque la TC a été créé
ensuite. Le droit doit être considéré comme cohérent. (On est dans une logique Kelsénienne : l’ordre
juridique est forcément cohérent et complet). Ainsi le juge administratif peut toujours avoir
compétence dans ces affaires, tout comme le juge judiciaire peut parfois être incompétent. Alors le
TC crée un critère e compétence pour répartir les compétences entre JA et JJ en matière d’affaire
relative à un fonctionnaire ou à un acte administratif.

(le TC garantit ainsi sa propre compétence. Cf. thèse de Guillaume Tusseau qui invente un concept de
norme d’habilitation, qui serait la norme déterminée par un juge et qui a pour conséquence d’offrir
une habilitation à un autre organe. Ces normes d’habilitation donnent un pouvoir à celui qui la reçoit,
pouvoir que celui qui habilite délaisse. MAIS en réalité il s’agit d’une hausse de pouvoir pour celui qui
donne la norme d’habilitation puisqu’il augmente ses compétences de contrôle. Ici le TC, en
répartissant les compétences entre JJ et JA, s’offre un pouvoir de contrôle accru).

En l'espèce, M. Pelletier avait demandé à un tribunal judiciaire de déclarer illégale la saisie du journal
qu'il se proposait de publier, opérée en vertu de la loi sur l'état de siège, d'ordonner la restitution des
exemplaires saisis et de condamner le commandant de l'état de siège, le préfet du département et le
commissaire de police compétent au paiement de dommages et intérêts.

Le Tribunal des conflits jugea que la demande du requérant se fondait exclusivement sur l'acte de
haute police administrative, consistant dans l'interdiction et la saisie du journal, pris par le
commandant de l'état de siège, agissant comme représentant de la puissance publique, dans
l'exercice des pouvoirs exceptionnels que lui conférait la loi sur l'état de siège. En dehors de cet acte,
aucun fait personnel de nature à engager leur responsabilité particulière n'était imputé aux
défendeurs, et en réalité, la poursuite était "dirigée contre cet acte lui-même, dans la personne des
fonctionnaires qui l'ont ordonné ou qui y ont coopéré". Il en résultait que le juge judiciaire n'avait pas
compétence pour en connaître. L’agent n’est considéré que comme le corps biologique de l’acte
attaqué.

C'est de cet arrêt que découle la distinction entre faute personnelle (compétence du JJ) et faute de
service (compétence du JA). Mais ça n’apparait pas tel quel dans l’arrêt. Le TC utilise l’expression
« fait personnel » (faute personnelle) qui serait de nature à engager une « responsabilité
particulière » (devant le juge judiciaire). La faute personnelle est celle qui se détache assez
complètement du service pour que le juge judiciaire puisse en faire la constatation sans porter pour
autant une appréciation sur la marche même de l'administration. La faute de service, en revanche,
est le fait de l'agent qui est tellement lié au service que son appréciation implique nécessairement un
jugement sur le fonctionnement de l'administration. Selon les formules de Laferrière, il y a faute de
service "si l'acte dommageable est impersonnel, s'il révèle un administrateur plus ou moins sujet à
erreur" ; il y a faute personnelle s'il révèle "l'homme avec ses faiblesses, ses passions, ses
imprudences".

La responsabilité pécuniaire de l'agent ne peut être mise en jeu qu'en cas de faute personnelle, et
elle l'est alors devant le juge judiciaire. Toutefois, la jurisprudence a évolué dans un sens plus
protecteur des victimes, confrontées à l'insolvabilité des agents publics, et de ces agents eux-mêmes,
qui peuvent être l'objet de poursuites abusives : même en cas de faute personnelle, sauf dépourvue
de tout lien avec le service, la victime peut également, comme en cas de faute de service, poursuivre
l'administration devant le juge administratif. L'administration pourra cependant, dans une telle
hypothèse, exercer une action récursoire à l'encontre de l'agent responsable

CE, 26 juillet 1918, Epoux Lemonnier


L'arrêt Epoux Lemonnier étend les cas dans lesquels la responsabilité de l'administration peut être
engagée à raison de fautes commises par ses agents.

La fête annuelle de la commune de Roquecourbe proposait une attraction consistant en un tir sur des
buts flottants sur la rivière. A cette occasion, Madame Lemonnier, qui suivait la promenade longeant
la rive opposée, fut blessée par une balle provenant du tir. Les époux Lemonnier assignèrent alors le
maire devant la juridiction judiciaire, qui le déclara personnellement responsable et le condamna à
leur verser une indemnité en réparation du préjudice. Ils engagèrent ensuite une action devant le
Conseil d'État, tendant à la condamnation cette fois-ci de la commune.

Le Conseil d'État considéra que la circonstance que l'accident serait la conséquence d'une faute d'un
agent public chargé de l'exécution d'un service public, qui aurait le caractère d'une faute personnelle
et pourrait ainsi entraîner la condamnation de l'agent à des dommages et intérêts par les tribunaux
judiciaires, ne privait pas la victime de l'accident du droit de poursuivre directement, contre la
personne publique qui a la gestion du service considéré, la réparation du préjudice. Il incombait
seulement au juge administratif de rechercher s'il y avait une faute de service de nature à engager la
responsabilité de la personne publique.

En l'espèce, il fut jugé qu'en autorisant l'établissement du tir sans s'assurer que les conditions de
l'installation et l'emplacement retenu offraient des garanties suffisantes pour la sécurité des voies
publiques, les autorités communales avaient commis une faute grave et que la commune devait ainsi
être déclarée responsable de l'accident. En même temps, pour éviter que sa décision ait pour effet de
procurer à la victime une réparation supérieure à la valeur totale du préjudice subi, le Conseil d'État
subrogea la commune, à concurrence de la somme à laquelle elle était condamnée, aux droits des
requérants résultant des condamnations prononcées contre le maire, à raison du même accident, par
l'autorité judiciaire.

Depuis l'arrêt Pelletier, le juge distinguait entre la faute de service, engageant la responsabilité de
l'administration et relevant de la compétence du juge administratif, et la faute personnelle,
engageant la responsabilité de l'agent et relevant de la compétence du juge judiciaire. Toutefois, par
un arrêt Anguet (3 février 1911), le Conseil d'État avait déjà admis qu'une faute personnelle pouvait,
dans certains cas, se cumuler avec une faute de service, laquelle était de nature à engager la
responsabilité de l'administration. Avec l'arrêt Epoux Lemonnier, il va plus loin, considérant qu'une
même faute peut entraîner à la fois la responsabilité de l'agent et celle de l'administration,
aboutissant ainsi à un cumul de responsabilités.

3 apports de l’arrêt Lemonnier :


- La distinction faute de service et faute personnelle est mieux formulée et mieux maîtrisée.
Le régime, les conséquences de la distinction sont précisés :
- Le cumul de responsabilités : la faute de service et la faute personnelle ne sont pas exclusive
l’une de l’autre. Les victimes ont le droit autant d’attaquer l’administration devant le JA que
l’agent devant le JJ.
- Le juge doit faire en sorte que le montant de l’indemnité ne dépasse pas le préjudice subi.
CE, Ass, 28 juillet 1951, Laruelle et CE, Ass, 28 juillet 1951, Delville
Par les arrêts Laruelle et Delville, le Conseil d'État a admis la possibilité pour l'administration d'exercer
une action récursoire contre son agent lorsqu'elle a été condamnée au versement de dommages et
intérêts à raison d'une faute commise par lui et, de façon réciproque, la possibilité pour un agent
d'être remboursé par l'administration d'une partie des sommes au paiement desquelles il a été
condamné, en cas de partage de responsabilité.
Dans la première affaire, un sous-officier, M. Laruelle, avait causé un accident en utilisant à des fins
personnelles la voiture militaire dont il était le conducteur. La victime avait obtenu du juge
administratif la condamnation de l'État à réparer le préjudice subi, à raison de la faute de service
commise par l'autorité militaire en ne prenant pas les mesures suffisantes pour contrôler la sortie des
voitures. Le ministre des anciens combattants et victimes de la guerre avait ensuite pris un arrêté qui
a rendu l'agent débiteur envers le trésor d'une somme correspondant à l'indemnité payée par l'État
en exécution de la décision de justice et M. Laruelle demandait au juge l'annulation de cet arrêté.
(Action récursoire de l’administration contre l’agent)

Le Conseil d'État jugea à cette occasion que les agents publics sont pécuniairement responsables
envers leur administration quand le préjudice qu'ils lui ont causé est imputable à des fautes
personnelles. En l'espèce, en utilisant la voiture militaire à des fins personnelles, M. Laruelle avait
commis une telle faute. Il ne pouvait se prévaloir de la faute du service public pour obtenir
l'atténuation de sa propre responsabilité, dès lors que ce défaut de surveillance avait été provoqué
par les manoeuvres auxquelles il s'était livré afin d'induire en erreur le gardien des véhicules de
l'armée. C'était donc à bon droit que le ministre avait demandé à M. Laruelle le remboursement de la
totalité de l'indemnité à laquelle l'État avait été condamné.

Cette décision est une conséquence logique de l'évolution de la jurisprudence qui avait admis dans
des cas de plus en plus fréquents que la faute personnelle d'un agent engage, à l'égard de la victime,
non seulement la responsabilité de cet agent, mais également celle de l'administration.

L'arrêt Delville constitue le corollaire de l'arrêt Laruelle : dans cette seconde affaire, M. Delville,
employé comme chauffeur au ministère de la reconstruction et de l'urbanisme, avait été condamné
par les tribunaux judiciaires à réparer l'intégralité des dommages subis par la victime d'un accident
qu'il avait causé en conduisant un camion de l'administration en état d’ébriété. Toutefois, l'accident
était imputable à la fois, et dans une égale mesure, à l'état d'ébriété dans lequel il se trouvait,
constituant une faute personnelle, et au mauvais état des freins du camion, constituant une faute à
la charge de l'État.

Dans ces conditions, le Conseil d'État jugea que M. Delville était fondé à demander à l'État le
remboursement de la moitié des indemnités qu'il avait été condamné à payer. Ainsi, dans le cas où
un dommage a été causé par les effets conjugués de la faute d'un service public et de la faute
personnelle d'un agent de ce service, la victime peut demander à être indemnisée de la totalité du
préjudice soit à l'administration, devant le juge administratif, soit à l'agent, devant le juge
judiciaire. Mais la répartition de l'indemnité entre l'administration et l'agent doit être réglée, sous
le contrôle du juge administratif, en fonction de l'existence et de la gravité des fautes respectives
constatées. L'agent condamné par le juge judiciaire peut donc se retourner contre l'administration
pour obtenir le remboursement partiel de l'indemnité en cas de partage de responsabilité. Cela
simplifie l’action de la victime : la victime peut, en cas de cumul des responsabilités, demander la
réparation du dommage soit devant le JA soit devant le JJ.
- La victime a le choix mais in fine, le JA est compétent pour déterminer la répartition de
l’indemnité entre l’administration et l’agent. (si c’était le JJ, il devrait apprécier la faute de
l’Etat, ce qui remettrait en cause la répartition des compétences entre les 2 ordres de
juridictions).
- Le coresponsable condamné à payer la totalité de l’indemnité a la possibilité vis-à-vis du
coresponsable d’engager une action récursoire.

CE, Ass, 26 octobre 1973, Sadoudi


Sieur Ahmed Sadoudi porte plainte contre la ville de Paris car un gardien de la paix, Sieur Mohand
Afir, tue accidentellement un de ses collègues, Sieur Sadoudi Amar, fils de Sieur Sadoudi Ahmed, en
manipulant son pistolet de service, alors qu'ils se trouvent l'un et l'autre hors du service. Le sieur
Sadoudi saisit d’abord le Tribunal Administratif de Paris puis devant le rejet de sa demande se
pourvoit devant le Conseil d’Etat.

Ce dernier admet que dans les faits comme les deux hommes étaient hors service, aucune faute n'est
imputable au service. Pourtant, l'accident ne pouvant être regardé comme dépourvu de tout lien avec
le service, en raison, d'une part, de l'obligation faite aux gardiens de la paix de conserver leur
pistolet à leur domicile et, d'autre part, des dangers qui résultent pour les tiers de la possession par
des agents de la force publique d'une arme à feu en dehors du service, la faute personnelle de
l'agent n'est pas de nature à dégager la collectivité publique de sa responsabilité vis-à-vis de la
victime. Condamnation, en l'espèce, de la ville de Paris, qui demeure subrogée dans les droits des
parents de la victime à l'encontre de l'auteur de l'accident.

Cette décision réaffirme avec fermeté l’idée que même si on distingue les fautes, les responsabilités
peuvent parfois être cumulées lors de la faute personnelle d’un agent impliquant des objets de
l’administration et créant pour cette dernière une responsabilité sans faute.

CE, 17 décembre 1999, Moine


En raison de son extrême gravité, la faute justifie qu’ait été mise à la charge de l’agent la totalité des
conséquences dommageables qui en sont résultées, même s’il y a faute de service. Finalement la
distinction faute de service et faute personnelle ne joue pas pour l’indemnisation de la victime mais
elle est essentielle pour la répartition éventuelle en cas de partage de responsabilité.

CE, Ass, 12 avril 2002, Papon


L’arrêt apporte un nouvel éclairage sur la théorie du cumul de fautes. Le 2 avril 1998, la Cour d’Assises
de Gironde condamne Maurice Papon : d’une part, à 10 ans de réclusion criminelle avec perte des
droits civiques, civils et familiaux pour complicité de crime contre l’humanité à raison de sa
participation, en tant que secrétaire général de la préfecture de Gironde entre 1942 et 1944, à
l’internement et l’arrestation de personnes juives dans les camps nazis et d’autre part à verser aux
parties civiles environ 720 000 euros.

M. Papon s’appuie sur l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des
fonctionnaires qui dispose que « Lorsqu’un fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de
service et que le conflit d’attribution n’a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où
une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions n’est pas imputable à ce
fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui. », pour que l’Etat prenne
en charge cette somme. Essuyant un refus du ministre de l’intérieur tandis qu’il était préfet, M. Papon
exerce un recours auprès du CE.
Pour le ministre de l’intérieur, le fait que l’article 3 de l’ordonnance du 9 août 1944 relative au
rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental annule tous les actes de Vichy
pour cause d’illégalité, suffit à exonérer l’Etat républicain de toute responsabilité en la matière.

Le litige en cause porte donc sur la responsabilité de l’Etat français à raison des agissements
perpétrés par un agent public sous le régime de Vichy. Outre l’enjeu pécuniaire, il s’agit de déterminer
si le requérant n’a agi que sous les ordres de ses supérieurs et sous la menace de l’occupant ou si au
contraire M. Papon s’est rendu personnellement coupables d’agissements emportant la qualification
de faute personnelle. Le CE statuant sur la requête, a confirmé d’une part la faute personnelle de M.
Papon qui a motivé sa condamnation par la cour d’Assises et a jugé d’autre part que la responsabilité
de l’Etat français pouvait être engagé pour des actes commis sous ce régime soit qu’il y avait aussi
une faute de service. Le CE opère ainsi un revirement avec la tradition exonérait l’Etat français de
toute responsabilité pour des actes commis par une autorité de fait mais non républicaine.

2 apports :
- Précisions des règles et conditions pour chaque cas :
o Cas où le dommage pour lequel l’agent a été condamné civilement trouve son origine
exclusive dans une faute de service, l’administration est tenue de couvrir
intégralement l’intéressé des condamnations civiles prononcées contre lui
o Cas où le dommage provient exclusivement d’une faute personnelle détachable de
l’exercice des fonctions, l’agent qui l’a commise ne peut au contraire, quel que soit le
lien entre cette faute et le service, obtenir la garantie de l’administration
o Cas où une faute personnelle a, dans la réalisation du dommage, conjugué ses effets
avec ceux d’une faute de service distincte, l’administration est tenue de couvrir
l’agent qu e pour la part imputable à cette faute de service.
- Fin à l’irresponsabilité de l’Etat en raison de changements de régime politique. Revirement
avec la tradition exonérait l’Etat français de toute responsabilité pour des actes commis par
une autorité de fait mais non républicaine. Ici, la République est responsable pour des actes
commis sous le régime de Vichy.

TC, 19 mai 2914, Bertet contre Filippi


Le Tribunal des conflits fait une application combinée de deux jurisprudences rendues par le Conseil
d’Etat : JP Epoux Lemonnier posant la théorie du cumul de responsabilités et de la possibilité de
rechercher une indemnisation devant les deux ordres de juridiction et JP Demoiselle Mineur de 1949.
Le Tribunal confirme la volonté de permettre une entière réparation des préjudices subis par des
victimes d’agents publics par les deux ordres de juridictions.

Saisi d’un conflit négatif, le Tribunal va reconnaître en premier lieu que, eu égard à la gravité de la
faute (subornation de témoin) et aux objectifs purement personnels poursuivis par son auteur, cette
faute, commise par le maire, doit être regardée comme une faute personnelle détachable du service.
Il appartient alors à la juridiction judiciaire, saisie d’une action civile exercée accessoirement à l’action
publique, de connaître de la demande d’indemnisation présentée par la victime exercée contre le
maire.

En second lieu et faisant application des deux jurisprudences précitées, le Tribunal ajoute que la faute
du maire a été commise à l’occasion de l’exercice de ses fonctions et qu’elle n’est pas, alors même
qu’elle a fait l’objet d’une condamnation par le juge pénal, dépourvue de tout lien avec le service. La
connexion avec le service justifie alors la reconnaissance de la compétence de la juridiction
administrative pour connaître des conclusions de la victime afin d’engager la responsabilité de la
commune.
En dernier lieu, le Tribunal précise, à toutes fins utiles mais de manière évidente et compréhensible,
que les juges administratif et judiciaire devront veiller à ce que l’intéressée n’obtienne pas une
réparation supérieure à la valeur du préjudice subi du fait de la faute commise. C’est la mise en
œuvre du principe de réparation intégrale de l’entier préjudice mais sans que celui-ci ne soit
indemnisé au-delà de ce qu’il est évalué.

CE, 11 février 2015, Garde des Sceaux

Un ministre la justice refuse de protéger un magistrat poursuivi au pénal. Le magistrat se pourvoit d


PGD qui s’applique à tous les agents publics selon lequel lorsqu’un agent public est mis en cause par
un tiers en raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de lui accorder
sa protection dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénale, sauf s’il a commis une faute
personnelle. La juge envisage la faute au travers d’un faisceau d’indices (au regard de la nature, des
conditions dans lesquelles elle a été commise, des objectifs poursuivis par son auteur, des fonctions
exercées).

Séance 3 : La responsabilité de l’administration du fait des personnes placées sous sa


garde
Au départ, il n’existe pas de responsabilité de l’administration. Avec CE, 1905, Tomasso Greco, on
oublie cependant l’irresponsabilité totale de l’administration, notamment en matière de police où
l’on exige une faute lourde. L’irresponsabilité est abandonnée mais une faute lourde est exigée.

Puis la faute lourde disparait dans beaucoup de domaine. Elle devient même rare. CE, 1992, Epoux V
fait disparaitre la faute lourde pour les actes médicaux. La faute lourde est d’abord préservée en
matière fiscale. Dans CE, 1990, Bourgeois, on distingue entre les simples missions administrations (où
une faute simple suffit) et les missions de recouvrement de l’impôt (où la faute lourde est exigée).

Dans l’arrêt KRUPA de 2011, le CE abandonne définitivement la faute lourde en matière fiscale. La
faute lourde disparait de plus en plus. A côté de cette disparition de la faute lourde, on assiste à
l’émergence d’une responsabilité de l’administration sans faute.

Dans CE, 1895, CAMES, le CE attribue une rente à vie, sur le fondement d’une responsabilité sans
faute pour risque professionnel. Depuis, les lois sont venues instaurer des régimes. La JP CAMES a
lancé le début de la responsabilité sans faute pour risque, entre étendue, notamment dans CE, 1919
Regnault Desrosiers (l’usine d’armement explose et commet des dommages autour, les tiers victimes
attaquent donc l’Etat et le CE reconnait la responsabilité sans faute de l’Etat pour risque de
voisinage). Le risque est étendu dans CE, 1956, Thouzellier (risque lié à la proximité d’une maison de
correction). Dans CE, 2005 GIE Axa Courtage, le CE se fonde sur la garde. Dans CE, 2006, MAIF, le CE
cumule la garde et du risque. CE, 1946, Commune de Saint-Priest-La-Plaine se fonde sur la théorie du
collaborateur occasionnels (personnes placées sous la garde de l’administration), qui marche si les
collaborateurs ont collaboré de obligatoirement ou involontairement.

Le corps et l’argent, Ruwen Ogien

CE, 1956, Thouzellier : le CE décide que du fait de la responsabilité de l’Etat qui a placé l’enfant pour
des mesures répressives libérale et qui a fait courir un risque pour les gens aux alentours. L’arrêt
Thouzellier fonde une responsabilité pour risque dans le cadre des centres de rétention pour jeunes
délinquants. L’Etat, en ce qu’il mettre en place un système plus libéral et moins contraignant que les
prisons classiques, il place les personnes habitant aux alentour à un plus grand risque. Les victimes
éventuelles n’ont pas à payer ce risque, c’est pourquoi l’Etat est responsable. Dans l’arrêt Cames :
début du risque, risque professionnelle. Etendu aux risques de voisinages avec Thouzellier.

CE, Section 11 février 2005 : Le fondement de la responsabilité sans faute de l’Etat est ici la garde
(responsabilité de l’administration du fait des personnes placées sous sa garde. La JP antérieure
prévoyait une responsabilité pour faute (CE, 1973, département de la Marne) pour la victime d’un
mineur protégé dans un centre. On distinguait les mineurs délinquants et les mineurs en danger,
placés dans les centres. Thouzellier offrait pour les enfants délinquants une responsabilité sans faute
pour risque et pour les enfants en danger, on recherchait une responsabilité pour faute, avec faute
caractérisée.

Dans l’arrêt Bliek de 1991, responsabilité de plein droit et le fondement en est la garde. Alors le CE
décide d’homogénéiser les régimes de responsabilité : il consacre une responsabilité sans faute sur le
fondement de la garde, pour les mineurs placés sous protection. Pour le risque, l’Etat est toujours
responsable, pour la garde, le gardien est responsable (département, association, etc.)

Devys, le commissaire au gouvernement qui a rendu les ccl sous l’arrêt GIE Axa Courtage, admet que
la garde est l’importation d’un concept de droit privé en droit public et il le justifie en expliquant que
la garde implique nécessairement des risques. Garde et risque sont finalement très proches. Garder
des enfants protégés présentent des risques. Pierre Bon (Professeur de droit à Assas), a écrit une note
après les conclusions de Devys : il y explique que la garde n’est qu’une variante des risques.

Une partie de la doctrine s’opposait à l’introduction du risque. Gilles Lebreton estime que GIE Axa
Courtage crée un fondement subsidiaire au risque, puis concurrence, puis substitution.

Le fondement de la repsonsabilité pour les mineurs délinquants et pour les mineurs protégés diffère,
même s’ils sont dans le même centre, même en cas d’action commune.

CE, Section, 1er février 2006, Garde des Sceaux contre MAIF : On a un enfant délinquant, mais le
fondement retenu pour indemniser la victime est la garde. La garde concurrence directement le
risque sur son propre terrain. ) La décision par laquelle une juridiction des mineurs confie la garde
d'un mineur, dans le cadre d'une mesure prise en vertu de l'ordonnance du 2 février 1945, à l'une des
personnes mentionnées par cette ordonnance transfère à la personne qui en est chargée la
responsabilité d'organiser, diriger et contrôler la vie du mineur. En raison des pouvoirs dont elle se
trouve ainsi investie lorsque le mineur lui a été confié, sa responsabilité peut être engagée, même
sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur.

L'action ainsi ouverte ne fait pas obstacle à ce que soit également recherchée, devant la juridiction
administrative, la responsabilité de l'Etat en raison du risque spécial créé pour les tiers du fait de la
mise en œuvre d'une des mesures de liberté surveillée prévues par l'ordonnance du 2 février 1945.

Dans CE, 2006, MAIF, le CE cumule la garde et du risque. Finalement, le risque et la garde diffèrent.
Selon le fondement, les mécanismes diffèrent (exemple : actions récursoires). Pour définir la garde
dans GIE Axa Courtage et dans MAIF, le CE fait référence à la responsabilité d'organiser, diriger et
contrôler la vie du mineur (définition mot pour mot du droit privé).

Matthias Guyomar, dans ses conclusions sous l’arrêt MAIF, proposait de substituer le fondement du
risque à la garde.

Quelques mois plus tard : Commune de Bolène en 2006, la garde continue de s’étendre puisque la JP
reconnait une responsabilité sur le fondement de la garde pour les dommages causés aux tiers par les
ouvrages publics.
[En matière de dommages causés par ouvrages et travaux publics, il existe un système de réparation
qui repose sur 3 régimes de responsabilité :

- Si la victime participe à l’ouvrage ou au travail public : elle pourra engager la responsabilité de


la P publique sur le fondement de la faute, à prouver
- Si la victime est un usager de l’ouvrage public : mécanisme de responsabilité pour faute
présumée (l’administration doit prouver l’entretien normal de l’ouvrage).
- Si la victime est tiers à l’ouvrage ou au travail public : responsabilité sans faute]

CE, 26 mais 2008, Département des Côtes d'Armor : a retenu la responsabilité sans faute d'un
département du fait des agissements d'un mineur pris en charge par un service d'aide sociale à
l'enfance en raison de l'impossibilité provisoire de le maintenir dans son milieu habituel.

Cette prise en charge était fondée sur l'article L.222-5 du Code de l'Action Sociale et de la Famille. Le
Conseil Général avait accepté la prise en charge d'un enfant mineur, à la demande de ses parents qui
ne pouvaient plus s'en occuper. Au cours de cette garde, le mineur a dérobé un véhicule et a causé
des dommages avec. Les faits sont assez banals.

La Cour Administrative d'Appel de Nantes applique un principe de responsabilité sans faute fondé sur
la garde et s'inspirant très largement de la jurisprudence de la Cour de Cassation. Le Conseil d'Etat
adopte le raisonnement de la Cour en jugeant que « la décision par laquelle le Président du Conseil
Général admet la prise en charge d'un mineur par le service de l'aide sociale à l'enfance du
département a pour effet de transférer à ce dernier la responsabilité d'organiser, diriger et contrôler
la vie du mineur pendant la durée de sa prise en charge ; qu'en raison des pouvoirs dont le
département se trouve ainsi investi lorsque le mineur est placé dans un service ou établissement qui
relève de son autorité, sa responsabilité est engagée, même sans faute, pour les dommages causés
aux tiers par ce mineur ; que cette responsabilité est susceptible d'être atténuée ou supprimée que
dans le cas où elle est imputable à un cas de force majeure ou à une faute de la victime ».

Il est remarquable de noter qu'au surplus le Conseil d'Etat rend cette décision dans une affaire dans
laquelle le mineur a été placé à la demande des parents sans aucune intervention du Juge des
Enfants.

Le placement de celui-ci auprès des services de l’aide sociale à l’enfance du département a pour effet
de transférer à ce dernier la responsabilité d’organiser, diriger et contrôler la vie du mineur pendant la
durée de sa prise en charge Par le truchement de cette jurisprudence, le Conseil d’Etat précise sa
jurisprudence GIE AXA Courtage, du 11 février 2005, relative à la responsabilité d’un mineur placé
dans un organisme public

CE, 17 décembre 2008, Garde des Sceaux : le gardien est responsable même quand il n’en a pas la
garde. La garde s’étend largement.

CE, 13 févr. 2009, Dpt Meurthe-et-Moselle : Le Conseil d’Etat vient de juger que la responsabilité du
Département est engagée même en cas de placement par le Juge d’un mineur en foyer privé. Il est
sous la garde de l’administration mais placé en foyer privé. Dans cette affaire, le Juge des Enfants du
Tribunal de Grande Instance avait confié la garde d’une jeune fille au service départemental de l’aide
sociale, sur le fondement de l’article 375 du Code civil, « en souhaitant son placement » dans un foyer
géré par une association. Cette jeune fille a grièvement blessé deux personnes alors qu’elle circulait à
bord d’un véhicule volé appartenant à l’institut national de la recherche agronomique. Ce dernier
s’est retourné contre le département en lui demandant, sur le terrain de la responsabilité sans faute,
le remboursement de la somme qu’il avait été condamné à verser aux victimes de l’accident.

La Haute Juridiction retient que la décision par laquelle le juge des enfants confie la garde d’un
mineur, dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative prise en vertu des articles 375 et suivants
du Code Civil, à l’une des personnes mentionnées à l’article 375-3 du même code, transfère à la
personne qui en est chargée la responsabilité d’organiser, diriger et contrôler la vie du mineur. En
raison des pouvoirs dont le Département se trouve ainsi investi lorsque le mineur lui a été confié, sa
responsabilité est engagée, même sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur.
Cette responsabilité n’est susceptible d’être atténuée ou supprimée que dans le cas où elle est
imputable à un cas de force majeure ou à une faute de la victime.

Dans cette décision, le Conseil d’Etat précise que la circonstance que le Juge des Enfants assortisse sa
décision de confier un mineur à la garde du service départemental d’aide à l’enfance du « souhait »
que ce mineur soit placé au sein d’un organisme privé qu’il désigne est sans incidence sur le transfert
au Département de la responsabilité d’organiser, diriger et contrôler la vie du mineur.

Le Département pouvait donc être condamné à réparer les dommages causés par la jeune fille
confiée à sa garde.

CE, 3 juin 2009, Garde des Sceaux contre GAN assurances : y compris lorsque le mineur est hébergé
par ses parents, dès lors qu’aucune décision judiciaire n’a suspendu ou interrompu cette mission
éducative.

CE, 13 novembre 2009, Garde des Sceaux, Min. Justice c/ Assoc. tutélaire des inadapté. le Conseil
d'Etat précise le régime de la responsabilité sans faute de l'Etat fondée sur la garde.

Le Conseil d'Etat juge ainsi que la responsabilité sans faute de l'État fondée sur sa qualité de gardien
d'un mineur délinquant hébergé dans une institution dépendant de la direction départementale de la
protection judiciaire de la jeunesse et auteurs d'un dommage (CE, sect.,1er févr. 2006, n° 268147,
Garde des Sceaux, Min. Justice c/ MAIF) bénéficie à la victime placée dans la même structure que ses
agresseurs :

"Considérant que la décision par laquelle une juridiction des mineurs confie la garde d'un mineur,
dans le cadre d'une mesure prise en vertu de l'ordonnance du 2 février 1945, à l'une des personnes
mentionnées par cette ordonnance, transfère à la personne qui en est chargée la responsabilité
d'organiser, diriger et contrôler la vie du mineur ; qu'en raison des pouvoirs dont elle se trouve ainsi
investie lorsque le mineur lui a été confié, sa responsabilité peut être engagée, même sans faute,
pour les dommages causés aux tiers par ce mineur".

En l'espèce, l'intéresé, placé, dans le cadre d'une mesure de protection judiciaire, dans un foyer
d'action éducative, structure relevant de la direction départementale de la protection judiciaire de la
jeunesse, a fait l'objet d'une agression commise par trois mineurs placés dans le même foyer sur
décision judiciaire au titre de l'ordonnance du 2 février 1945.

Il a demandé au Garde des Sceaux de l'indemniser de la somme que ses agresseurs avaient été
solidairement condamnés à lui verser par le tribunal pour enfants, dès lors qu'ils n'étaient pas en
mesure de faire.
En raison des pouvoirs dont la personne à laquelle est confiée la garde du mineur se trouve ainsi
investie lorsque le mineur lui a été confié, sa responsabilité peut être engagée, même sans faute,
pour les dommages causés aux tiers par ce mineur.

De ce seul fait, l'État auquel était rattaché le foyer s'est substitué aux parents des mineurs agresseurs
au titre de la responsabilité civile puisqu'il exerçait la garde de ces derniers.

La circonstance que la victime, bénéficiaire d'une mesure de protection, d'une part, et les auteurs
de l'agression, mineurs placés au titre de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance
délinquante, d'autre part, soient tous usagers du service public de la justice, ne peut faire obstacle
à ce que la victime bénéficie du régime de réparation prévu.

CE, 13 novembre 2009, Garde des Sceaux contre MAIF : Pour les enfants délinquants : c’est garde ou
risque. Pour les enfants protégés : c’est uniquement sur le fondement de la garde.

CE, 19 juin 2015, Département des Bouches du Rhône : Un département qui s’est vu confier la garde
d’un mineur par un jugement de placement judiciaire est responsable même sans faute des
dommages causés aux tiers par ce mineur. L’association qui prend en charge ce mineur en qualité de
participante à l’exécution du service public de l’aide sociale à l'enfance doit être regardée comme un
tiers et peut donc obtenir du département la réparation des dommages que lui a causé ce mineur.
L’appréciation du tiers est surprenante puisqu’en l’espèce, le tiers, qui peut bénéficier de la
responsabilité sans faute pour la garde est le gardien !

Logique d’indemnisation évidente grâce à une abstraction de la garde. La garde est devenue un
fondement à part entière dans la JP du CE. Pour Gilles Lebreton, il y a 2 inconvénients :
- Déstabilisation du fondement du risque car la garde se substitue au risque, ce qui entrainerait
une déresponsabilisation de l’Etat (avec la responsabilité du gardien). Le rôle de sanction
n’est plus rempli par la responsabilité.
- Privatisation de la responsabilité administrative, au mépris de l’intérêt du justiciable et de
l’esprit du droit public.

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