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Droit administratif
Séance 1 Le préjudice
CE, Ass., 21 mars 1947, Dame veuve Aubry
Faits : Une femme a été renversée le 28 Avril 1941 par une automobile au service des Chantiers de la
jeunesse, roulant à une vitesse excessive
Procédure : recours en indemnité de la veuve. La responsabilité de l’État est entière.
Question de droit : A quelle date le CE doit-il se placer pour évaluer le préjudice subi par la victime et
ainsi fixer l'indemnité ?
Motifs :
– principe = le droit à réparation du préjudice s'ouvre à la date de l'accident
– atténuations = c'est au CE, qui fixe l'indemnité et évalue en fonction du dommage subi par
la victime afin qu'elle reçoit une somme qui correspond, au jour de la décision, à l’entière
réparation du préjudice subi (ici la perte effective de revenu éprouvée du fait de l’accident).
Mais il doit Prendre aussi en compte le retard apporté à la réparation du dommage et donc
évaluer le préjudice en faisant état des circonstances existant à l’époque où la décision
aurait du normalement intervenir.
→ En l'espèce, la veuve a du être hospitalisée, durant ce temps elle a été privée de son salaire, elle
est atteinte d'une incapacité de 46%. + modification des taux de salaire (elle ne doit pas en profiter) +
retard de la requérante à la présentation de son indemnité.
L’appréciation du dommage a lieu dès le moment où le dommage a lieu. Mais il ne faut pas que les
circonstances postérieures amène à une surévaluation de l’indemnité.
Cet arrêt marque le début de la prise en compte par le JA du préjudice moral des victimes pour
déterminer le montant des indemnités. L’appréciation du juge se fait in abstracto : l’évaluation de
l’indemnité est forfaitaire. Certaines considérations in concreto sont tout de même prises en
compte.
Faits : Une femme de 42 ans est enceinte, et à la naissance on découvre que l’enfant est atteint d’une
trisomie 21 non détectée au cours d’une amniocentèse par le centre hospitalier de Nice. Elle avait
précisé qu’en cas de détection d’une trisomie, elle aurait recours à une IVG. Le médecin se trompe
dans son examen et affirme que l’enfant n’était pas trisomique. L’information faussement rassurante
d’un examen médical avait empêché les parents de recourir à une interruption médicale de
grossesse.
Procédure :
Les époux Quarez exerce un recours en indemnisation au nom des parents (eux-mêmes) et au nom de
l’enfant devant le TA.
CAA Lyon, 21 novembre 1991 : Centre hospitalier de Nice doit réparer les conséquences
dommageables pour les deux (parents et enfant). La CAA fait une indemnisation mélangée des
parents et de l’enfant. Elle conclut qu’il y a un lien de causalité direct de la faute du médecin
également pour l’enfant. Le centre hospitalier demande l’annulation de la décision.
CE, Sect., 14 février 1997 (arrêt en question)
Question de droit : Doit-on indemniser le préjudice de l’enfant né handicapé ?
Motifs : Le CE considère que la CAA a fait une erreur de droit. Le CE décide d'indemniser les parents
pour le préjudice résultant du défaut d'information et de ses conséquences. Cependant, il refuse le
dédommagement de l'enfant du fait de sa naissance, la charge de l'entretien de l'enfant étant incluse
dans l'indemnisation parentale : il considère qu’il n’y pas de causalité entre la faute du médecin et le
handicap de l’enfant. Finalement il n’y a pas de préjudice pour l’enfant (trisomie dans son patrimoine
génétique donc sa seule alternative était de naitre handicapé ou de ne pas naitre, or on n’a pas de
droit subjectif à ne pas naitre).
Portée : Cet arrêt opposé aux conclusions de l'arrêt Perruche (indemnisation des parents et de
l’enfant né handicapé) rendue par la Cour de cassation. Pas vraiment de contradiction puisque
juridiction administrative et juridiction judiciaire sont distinctes, mais ici JP très différente en le CE et
la Cass. Dans l’arrêt époux Quarez, le CE reprend la même argumentation de l’avocat général pour
l’affaire Perruche, et cite même les conclusions du commissaire au gouvernement pour l’affaire
Quarez (Valérie Pécresse).
NB : Conclusions de Valérie Pécresse (alors commissaire du gouvernement au CE) qui estimait "nous
ne pensons pas qu'un enfant puisse se plaindre d'être né tel qu'il a été conçu par ses parents (...)
Affirmer l'inverse serait juger qu'il existe des vies qui ne valent pas la peine d'être vécues et imposer à
la mère une sorte d'obligation de recourir, en cas de diagnostic alarmant, à une interruption de
grossesse ».
Quelques notes → Alors que l'arrêt Perruche avait décidé l'indemnisation de l'enfant, l'arrêt Quarez
du Conseil d'État avait refusé le dédommagement de l'enfant du fait de sa naissance, la charge de
l'entretien de l'enfant étant incluse dans l'indemnisation parentale.
Le Conseil d'État avait refusé l'indemnisation de l'enfant suivant les conclusions de Valérie Pécresse
(alors commissaire du gouvernement au Conseil d'État) qui estimait "nous ne pensons pas qu'un
enfant puisse se plaindre d'être né tel qu'il a été conçu par ses parents (...) Affirmer l'inverse serait
juger qu'il existe des vies qui ne valent pas la peine d'être vécues et imposer à la mère une sorte
d'obligation de recourir, en cas de diagnostic alarmant, à une interruption de grossesse".
Par rapport à l'arrêt Perruche : la Cour de cassation et le Conseil d'Etat admettent tous deux qu'une
faute médicale ayant empêché la mère d'un enfant né handicapé d'exercer son droit de recourir à
une interruption de grossesse cause aux parents un préjudice qui doit être indemnisé ;
- la Cour de cassation reconnaît un lien de causalité direct entre la faute médicale ayant empêché la
mère de recourir à une interruption de grossesse et le handicap de l'enfant, acceptant en
conséquence l'indemnisation du préjudice de ce dernier. Le Conseil d'Etat ne reconnaît pas ce lien ;
- les solutions de la Cour de cassation comme du Conseil d'Etat permettent une indemnisation au
titre des charges matérielles particulières résultant du handicap de l'enfant.
Le Conseil d'Etat admet que les parents peuvent être indemnisés à ce titre et cette possibilité a été un
des arguments du commissaire du Gouvernement pour refuser de reconnaître un préjudice de
l'enfant : « Cet effort juridique semble d'autant plus inutile qu'il est possible de donner, dans une large
mesure, satisfaction aux demandes indemnitaires formulées devant la Cour sans avoir à reconnaître
l'existence pour le jeune enfant d'un préjudice directement lié à la faute hospitalière ».
La Cour de cassation admet que l'enfant lui-même puisse être indemnisé du préjudice matériel
résultant de son handicap. Son rapporteur a souligné l'inconvénient de la solution retenue par le
Conseil d'Etat : « La position du Conseil d'Etat, qui alloue en réalité aux parents l'indemnisation due à
l'enfant (...) comporte d'ailleurs l'inconvénient d'un risque de dilapidation, en particulier si le couple se
disloque ou abandonne l'enfant, ce qui est malheureusement assez fréquent. Et dans l'hypothèse où
les parents meurent avant d'avoir pu agir, la solution « camouflée » de la réparation du préjudice de
l'enfant à travers ses parents n'est même plus possible ».
(le TC garantit ainsi sa propre compétence. Cf. thèse de Guillaume Tusseau qui invente un concept de
norme d’habilitation, qui serait la norme déterminée par un juge et qui a pour conséquence d’offrir
une habilitation à un autre organe. Ces normes d’habilitation donnent un pouvoir à celui qui la reçoit,
pouvoir que celui qui habilite délaisse. MAIS en réalité il s’agit d’une hausse de pouvoir pour celui qui
donne la norme d’habilitation puisqu’il augmente ses compétences de contrôle. Ici le TC, en
répartissant les compétences entre JJ et JA, s’offre un pouvoir de contrôle accru).
En l'espèce, M. Pelletier avait demandé à un tribunal judiciaire de déclarer illégale la saisie du journal
qu'il se proposait de publier, opérée en vertu de la loi sur l'état de siège, d'ordonner la restitution des
exemplaires saisis et de condamner le commandant de l'état de siège, le préfet du département et le
commissaire de police compétent au paiement de dommages et intérêts.
Le Tribunal des conflits jugea que la demande du requérant se fondait exclusivement sur l'acte de
haute police administrative, consistant dans l'interdiction et la saisie du journal, pris par le
commandant de l'état de siège, agissant comme représentant de la puissance publique, dans
l'exercice des pouvoirs exceptionnels que lui conférait la loi sur l'état de siège. En dehors de cet acte,
aucun fait personnel de nature à engager leur responsabilité particulière n'était imputé aux
défendeurs, et en réalité, la poursuite était "dirigée contre cet acte lui-même, dans la personne des
fonctionnaires qui l'ont ordonné ou qui y ont coopéré". Il en résultait que le juge judiciaire n'avait pas
compétence pour en connaître. L’agent n’est considéré que comme le corps biologique de l’acte
attaqué.
C'est de cet arrêt que découle la distinction entre faute personnelle (compétence du JJ) et faute de
service (compétence du JA). Mais ça n’apparait pas tel quel dans l’arrêt. Le TC utilise l’expression
« fait personnel » (faute personnelle) qui serait de nature à engager une « responsabilité
particulière » (devant le juge judiciaire). La faute personnelle est celle qui se détache assez
complètement du service pour que le juge judiciaire puisse en faire la constatation sans porter pour
autant une appréciation sur la marche même de l'administration. La faute de service, en revanche,
est le fait de l'agent qui est tellement lié au service que son appréciation implique nécessairement un
jugement sur le fonctionnement de l'administration. Selon les formules de Laferrière, il y a faute de
service "si l'acte dommageable est impersonnel, s'il révèle un administrateur plus ou moins sujet à
erreur" ; il y a faute personnelle s'il révèle "l'homme avec ses faiblesses, ses passions, ses
imprudences".
La responsabilité pécuniaire de l'agent ne peut être mise en jeu qu'en cas de faute personnelle, et
elle l'est alors devant le juge judiciaire. Toutefois, la jurisprudence a évolué dans un sens plus
protecteur des victimes, confrontées à l'insolvabilité des agents publics, et de ces agents eux-mêmes,
qui peuvent être l'objet de poursuites abusives : même en cas de faute personnelle, sauf dépourvue
de tout lien avec le service, la victime peut également, comme en cas de faute de service, poursuivre
l'administration devant le juge administratif. L'administration pourra cependant, dans une telle
hypothèse, exercer une action récursoire à l'encontre de l'agent responsable
La fête annuelle de la commune de Roquecourbe proposait une attraction consistant en un tir sur des
buts flottants sur la rivière. A cette occasion, Madame Lemonnier, qui suivait la promenade longeant
la rive opposée, fut blessée par une balle provenant du tir. Les époux Lemonnier assignèrent alors le
maire devant la juridiction judiciaire, qui le déclara personnellement responsable et le condamna à
leur verser une indemnité en réparation du préjudice. Ils engagèrent ensuite une action devant le
Conseil d'État, tendant à la condamnation cette fois-ci de la commune.
Le Conseil d'État considéra que la circonstance que l'accident serait la conséquence d'une faute d'un
agent public chargé de l'exécution d'un service public, qui aurait le caractère d'une faute personnelle
et pourrait ainsi entraîner la condamnation de l'agent à des dommages et intérêts par les tribunaux
judiciaires, ne privait pas la victime de l'accident du droit de poursuivre directement, contre la
personne publique qui a la gestion du service considéré, la réparation du préjudice. Il incombait
seulement au juge administratif de rechercher s'il y avait une faute de service de nature à engager la
responsabilité de la personne publique.
En l'espèce, il fut jugé qu'en autorisant l'établissement du tir sans s'assurer que les conditions de
l'installation et l'emplacement retenu offraient des garanties suffisantes pour la sécurité des voies
publiques, les autorités communales avaient commis une faute grave et que la commune devait ainsi
être déclarée responsable de l'accident. En même temps, pour éviter que sa décision ait pour effet de
procurer à la victime une réparation supérieure à la valeur totale du préjudice subi, le Conseil d'État
subrogea la commune, à concurrence de la somme à laquelle elle était condamnée, aux droits des
requérants résultant des condamnations prononcées contre le maire, à raison du même accident, par
l'autorité judiciaire.
Depuis l'arrêt Pelletier, le juge distinguait entre la faute de service, engageant la responsabilité de
l'administration et relevant de la compétence du juge administratif, et la faute personnelle,
engageant la responsabilité de l'agent et relevant de la compétence du juge judiciaire. Toutefois, par
un arrêt Anguet (3 février 1911), le Conseil d'État avait déjà admis qu'une faute personnelle pouvait,
dans certains cas, se cumuler avec une faute de service, laquelle était de nature à engager la
responsabilité de l'administration. Avec l'arrêt Epoux Lemonnier, il va plus loin, considérant qu'une
même faute peut entraîner à la fois la responsabilité de l'agent et celle de l'administration,
aboutissant ainsi à un cumul de responsabilités.
Le Conseil d'État jugea à cette occasion que les agents publics sont pécuniairement responsables
envers leur administration quand le préjudice qu'ils lui ont causé est imputable à des fautes
personnelles. En l'espèce, en utilisant la voiture militaire à des fins personnelles, M. Laruelle avait
commis une telle faute. Il ne pouvait se prévaloir de la faute du service public pour obtenir
l'atténuation de sa propre responsabilité, dès lors que ce défaut de surveillance avait été provoqué
par les manoeuvres auxquelles il s'était livré afin d'induire en erreur le gardien des véhicules de
l'armée. C'était donc à bon droit que le ministre avait demandé à M. Laruelle le remboursement de la
totalité de l'indemnité à laquelle l'État avait été condamné.
Cette décision est une conséquence logique de l'évolution de la jurisprudence qui avait admis dans
des cas de plus en plus fréquents que la faute personnelle d'un agent engage, à l'égard de la victime,
non seulement la responsabilité de cet agent, mais également celle de l'administration.
L'arrêt Delville constitue le corollaire de l'arrêt Laruelle : dans cette seconde affaire, M. Delville,
employé comme chauffeur au ministère de la reconstruction et de l'urbanisme, avait été condamné
par les tribunaux judiciaires à réparer l'intégralité des dommages subis par la victime d'un accident
qu'il avait causé en conduisant un camion de l'administration en état d’ébriété. Toutefois, l'accident
était imputable à la fois, et dans une égale mesure, à l'état d'ébriété dans lequel il se trouvait,
constituant une faute personnelle, et au mauvais état des freins du camion, constituant une faute à
la charge de l'État.
Dans ces conditions, le Conseil d'État jugea que M. Delville était fondé à demander à l'État le
remboursement de la moitié des indemnités qu'il avait été condamné à payer. Ainsi, dans le cas où
un dommage a été causé par les effets conjugués de la faute d'un service public et de la faute
personnelle d'un agent de ce service, la victime peut demander à être indemnisée de la totalité du
préjudice soit à l'administration, devant le juge administratif, soit à l'agent, devant le juge
judiciaire. Mais la répartition de l'indemnité entre l'administration et l'agent doit être réglée, sous
le contrôle du juge administratif, en fonction de l'existence et de la gravité des fautes respectives
constatées. L'agent condamné par le juge judiciaire peut donc se retourner contre l'administration
pour obtenir le remboursement partiel de l'indemnité en cas de partage de responsabilité. Cela
simplifie l’action de la victime : la victime peut, en cas de cumul des responsabilités, demander la
réparation du dommage soit devant le JA soit devant le JJ.
- La victime a le choix mais in fine, le JA est compétent pour déterminer la répartition de
l’indemnité entre l’administration et l’agent. (si c’était le JJ, il devrait apprécier la faute de
l’Etat, ce qui remettrait en cause la répartition des compétences entre les 2 ordres de
juridictions).
- Le coresponsable condamné à payer la totalité de l’indemnité a la possibilité vis-à-vis du
coresponsable d’engager une action récursoire.
Ce dernier admet que dans les faits comme les deux hommes étaient hors service, aucune faute n'est
imputable au service. Pourtant, l'accident ne pouvant être regardé comme dépourvu de tout lien avec
le service, en raison, d'une part, de l'obligation faite aux gardiens de la paix de conserver leur
pistolet à leur domicile et, d'autre part, des dangers qui résultent pour les tiers de la possession par
des agents de la force publique d'une arme à feu en dehors du service, la faute personnelle de
l'agent n'est pas de nature à dégager la collectivité publique de sa responsabilité vis-à-vis de la
victime. Condamnation, en l'espèce, de la ville de Paris, qui demeure subrogée dans les droits des
parents de la victime à l'encontre de l'auteur de l'accident.
Cette décision réaffirme avec fermeté l’idée que même si on distingue les fautes, les responsabilités
peuvent parfois être cumulées lors de la faute personnelle d’un agent impliquant des objets de
l’administration et créant pour cette dernière une responsabilité sans faute.
M. Papon s’appuie sur l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des
fonctionnaires qui dispose que « Lorsqu’un fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de
service et que le conflit d’attribution n’a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où
une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions n’est pas imputable à ce
fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui. », pour que l’Etat prenne
en charge cette somme. Essuyant un refus du ministre de l’intérieur tandis qu’il était préfet, M. Papon
exerce un recours auprès du CE.
Pour le ministre de l’intérieur, le fait que l’article 3 de l’ordonnance du 9 août 1944 relative au
rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental annule tous les actes de Vichy
pour cause d’illégalité, suffit à exonérer l’Etat républicain de toute responsabilité en la matière.
Le litige en cause porte donc sur la responsabilité de l’Etat français à raison des agissements
perpétrés par un agent public sous le régime de Vichy. Outre l’enjeu pécuniaire, il s’agit de déterminer
si le requérant n’a agi que sous les ordres de ses supérieurs et sous la menace de l’occupant ou si au
contraire M. Papon s’est rendu personnellement coupables d’agissements emportant la qualification
de faute personnelle. Le CE statuant sur la requête, a confirmé d’une part la faute personnelle de M.
Papon qui a motivé sa condamnation par la cour d’Assises et a jugé d’autre part que la responsabilité
de l’Etat français pouvait être engagé pour des actes commis sous ce régime soit qu’il y avait aussi
une faute de service. Le CE opère ainsi un revirement avec la tradition exonérait l’Etat français de
toute responsabilité pour des actes commis par une autorité de fait mais non républicaine.
2 apports :
- Précisions des règles et conditions pour chaque cas :
o Cas où le dommage pour lequel l’agent a été condamné civilement trouve son origine
exclusive dans une faute de service, l’administration est tenue de couvrir
intégralement l’intéressé des condamnations civiles prononcées contre lui
o Cas où le dommage provient exclusivement d’une faute personnelle détachable de
l’exercice des fonctions, l’agent qui l’a commise ne peut au contraire, quel que soit le
lien entre cette faute et le service, obtenir la garantie de l’administration
o Cas où une faute personnelle a, dans la réalisation du dommage, conjugué ses effets
avec ceux d’une faute de service distincte, l’administration est tenue de couvrir
l’agent qu e pour la part imputable à cette faute de service.
- Fin à l’irresponsabilité de l’Etat en raison de changements de régime politique. Revirement
avec la tradition exonérait l’Etat français de toute responsabilité pour des actes commis par
une autorité de fait mais non républicaine. Ici, la République est responsable pour des actes
commis sous le régime de Vichy.
Saisi d’un conflit négatif, le Tribunal va reconnaître en premier lieu que, eu égard à la gravité de la
faute (subornation de témoin) et aux objectifs purement personnels poursuivis par son auteur, cette
faute, commise par le maire, doit être regardée comme une faute personnelle détachable du service.
Il appartient alors à la juridiction judiciaire, saisie d’une action civile exercée accessoirement à l’action
publique, de connaître de la demande d’indemnisation présentée par la victime exercée contre le
maire.
En second lieu et faisant application des deux jurisprudences précitées, le Tribunal ajoute que la faute
du maire a été commise à l’occasion de l’exercice de ses fonctions et qu’elle n’est pas, alors même
qu’elle a fait l’objet d’une condamnation par le juge pénal, dépourvue de tout lien avec le service. La
connexion avec le service justifie alors la reconnaissance de la compétence de la juridiction
administrative pour connaître des conclusions de la victime afin d’engager la responsabilité de la
commune.
En dernier lieu, le Tribunal précise, à toutes fins utiles mais de manière évidente et compréhensible,
que les juges administratif et judiciaire devront veiller à ce que l’intéressée n’obtienne pas une
réparation supérieure à la valeur du préjudice subi du fait de la faute commise. C’est la mise en
œuvre du principe de réparation intégrale de l’entier préjudice mais sans que celui-ci ne soit
indemnisé au-delà de ce qu’il est évalué.
Puis la faute lourde disparait dans beaucoup de domaine. Elle devient même rare. CE, 1992, Epoux V
fait disparaitre la faute lourde pour les actes médicaux. La faute lourde est d’abord préservée en
matière fiscale. Dans CE, 1990, Bourgeois, on distingue entre les simples missions administrations (où
une faute simple suffit) et les missions de recouvrement de l’impôt (où la faute lourde est exigée).
Dans l’arrêt KRUPA de 2011, le CE abandonne définitivement la faute lourde en matière fiscale. La
faute lourde disparait de plus en plus. A côté de cette disparition de la faute lourde, on assiste à
l’émergence d’une responsabilité de l’administration sans faute.
Dans CE, 1895, CAMES, le CE attribue une rente à vie, sur le fondement d’une responsabilité sans
faute pour risque professionnel. Depuis, les lois sont venues instaurer des régimes. La JP CAMES a
lancé le début de la responsabilité sans faute pour risque, entre étendue, notamment dans CE, 1919
Regnault Desrosiers (l’usine d’armement explose et commet des dommages autour, les tiers victimes
attaquent donc l’Etat et le CE reconnait la responsabilité sans faute de l’Etat pour risque de
voisinage). Le risque est étendu dans CE, 1956, Thouzellier (risque lié à la proximité d’une maison de
correction). Dans CE, 2005 GIE Axa Courtage, le CE se fonde sur la garde. Dans CE, 2006, MAIF, le CE
cumule la garde et du risque. CE, 1946, Commune de Saint-Priest-La-Plaine se fonde sur la théorie du
collaborateur occasionnels (personnes placées sous la garde de l’administration), qui marche si les
collaborateurs ont collaboré de obligatoirement ou involontairement.
CE, 1956, Thouzellier : le CE décide que du fait de la responsabilité de l’Etat qui a placé l’enfant pour
des mesures répressives libérale et qui a fait courir un risque pour les gens aux alentours. L’arrêt
Thouzellier fonde une responsabilité pour risque dans le cadre des centres de rétention pour jeunes
délinquants. L’Etat, en ce qu’il mettre en place un système plus libéral et moins contraignant que les
prisons classiques, il place les personnes habitant aux alentour à un plus grand risque. Les victimes
éventuelles n’ont pas à payer ce risque, c’est pourquoi l’Etat est responsable. Dans l’arrêt Cames :
début du risque, risque professionnelle. Etendu aux risques de voisinages avec Thouzellier.
CE, Section 11 février 2005 : Le fondement de la responsabilité sans faute de l’Etat est ici la garde
(responsabilité de l’administration du fait des personnes placées sous sa garde. La JP antérieure
prévoyait une responsabilité pour faute (CE, 1973, département de la Marne) pour la victime d’un
mineur protégé dans un centre. On distinguait les mineurs délinquants et les mineurs en danger,
placés dans les centres. Thouzellier offrait pour les enfants délinquants une responsabilité sans faute
pour risque et pour les enfants en danger, on recherchait une responsabilité pour faute, avec faute
caractérisée.
Dans l’arrêt Bliek de 1991, responsabilité de plein droit et le fondement en est la garde. Alors le CE
décide d’homogénéiser les régimes de responsabilité : il consacre une responsabilité sans faute sur le
fondement de la garde, pour les mineurs placés sous protection. Pour le risque, l’Etat est toujours
responsable, pour la garde, le gardien est responsable (département, association, etc.)
Devys, le commissaire au gouvernement qui a rendu les ccl sous l’arrêt GIE Axa Courtage, admet que
la garde est l’importation d’un concept de droit privé en droit public et il le justifie en expliquant que
la garde implique nécessairement des risques. Garde et risque sont finalement très proches. Garder
des enfants protégés présentent des risques. Pierre Bon (Professeur de droit à Assas), a écrit une note
après les conclusions de Devys : il y explique que la garde n’est qu’une variante des risques.
Une partie de la doctrine s’opposait à l’introduction du risque. Gilles Lebreton estime que GIE Axa
Courtage crée un fondement subsidiaire au risque, puis concurrence, puis substitution.
Le fondement de la repsonsabilité pour les mineurs délinquants et pour les mineurs protégés diffère,
même s’ils sont dans le même centre, même en cas d’action commune.
CE, Section, 1er février 2006, Garde des Sceaux contre MAIF : On a un enfant délinquant, mais le
fondement retenu pour indemniser la victime est la garde. La garde concurrence directement le
risque sur son propre terrain. ) La décision par laquelle une juridiction des mineurs confie la garde
d'un mineur, dans le cadre d'une mesure prise en vertu de l'ordonnance du 2 février 1945, à l'une des
personnes mentionnées par cette ordonnance transfère à la personne qui en est chargée la
responsabilité d'organiser, diriger et contrôler la vie du mineur. En raison des pouvoirs dont elle se
trouve ainsi investie lorsque le mineur lui a été confié, sa responsabilité peut être engagée, même
sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur.
L'action ainsi ouverte ne fait pas obstacle à ce que soit également recherchée, devant la juridiction
administrative, la responsabilité de l'Etat en raison du risque spécial créé pour les tiers du fait de la
mise en œuvre d'une des mesures de liberté surveillée prévues par l'ordonnance du 2 février 1945.
Dans CE, 2006, MAIF, le CE cumule la garde et du risque. Finalement, le risque et la garde diffèrent.
Selon le fondement, les mécanismes diffèrent (exemple : actions récursoires). Pour définir la garde
dans GIE Axa Courtage et dans MAIF, le CE fait référence à la responsabilité d'organiser, diriger et
contrôler la vie du mineur (définition mot pour mot du droit privé).
Matthias Guyomar, dans ses conclusions sous l’arrêt MAIF, proposait de substituer le fondement du
risque à la garde.
Quelques mois plus tard : Commune de Bolène en 2006, la garde continue de s’étendre puisque la JP
reconnait une responsabilité sur le fondement de la garde pour les dommages causés aux tiers par les
ouvrages publics.
[En matière de dommages causés par ouvrages et travaux publics, il existe un système de réparation
qui repose sur 3 régimes de responsabilité :
CE, 26 mais 2008, Département des Côtes d'Armor : a retenu la responsabilité sans faute d'un
département du fait des agissements d'un mineur pris en charge par un service d'aide sociale à
l'enfance en raison de l'impossibilité provisoire de le maintenir dans son milieu habituel.
Cette prise en charge était fondée sur l'article L.222-5 du Code de l'Action Sociale et de la Famille. Le
Conseil Général avait accepté la prise en charge d'un enfant mineur, à la demande de ses parents qui
ne pouvaient plus s'en occuper. Au cours de cette garde, le mineur a dérobé un véhicule et a causé
des dommages avec. Les faits sont assez banals.
La Cour Administrative d'Appel de Nantes applique un principe de responsabilité sans faute fondé sur
la garde et s'inspirant très largement de la jurisprudence de la Cour de Cassation. Le Conseil d'Etat
adopte le raisonnement de la Cour en jugeant que « la décision par laquelle le Président du Conseil
Général admet la prise en charge d'un mineur par le service de l'aide sociale à l'enfance du
département a pour effet de transférer à ce dernier la responsabilité d'organiser, diriger et contrôler
la vie du mineur pendant la durée de sa prise en charge ; qu'en raison des pouvoirs dont le
département se trouve ainsi investi lorsque le mineur est placé dans un service ou établissement qui
relève de son autorité, sa responsabilité est engagée, même sans faute, pour les dommages causés
aux tiers par ce mineur ; que cette responsabilité est susceptible d'être atténuée ou supprimée que
dans le cas où elle est imputable à un cas de force majeure ou à une faute de la victime ».
Il est remarquable de noter qu'au surplus le Conseil d'Etat rend cette décision dans une affaire dans
laquelle le mineur a été placé à la demande des parents sans aucune intervention du Juge des
Enfants.
Le placement de celui-ci auprès des services de l’aide sociale à l’enfance du département a pour effet
de transférer à ce dernier la responsabilité d’organiser, diriger et contrôler la vie du mineur pendant la
durée de sa prise en charge Par le truchement de cette jurisprudence, le Conseil d’Etat précise sa
jurisprudence GIE AXA Courtage, du 11 février 2005, relative à la responsabilité d’un mineur placé
dans un organisme public
CE, 17 décembre 2008, Garde des Sceaux : le gardien est responsable même quand il n’en a pas la
garde. La garde s’étend largement.
CE, 13 févr. 2009, Dpt Meurthe-et-Moselle : Le Conseil d’Etat vient de juger que la responsabilité du
Département est engagée même en cas de placement par le Juge d’un mineur en foyer privé. Il est
sous la garde de l’administration mais placé en foyer privé. Dans cette affaire, le Juge des Enfants du
Tribunal de Grande Instance avait confié la garde d’une jeune fille au service départemental de l’aide
sociale, sur le fondement de l’article 375 du Code civil, « en souhaitant son placement » dans un foyer
géré par une association. Cette jeune fille a grièvement blessé deux personnes alors qu’elle circulait à
bord d’un véhicule volé appartenant à l’institut national de la recherche agronomique. Ce dernier
s’est retourné contre le département en lui demandant, sur le terrain de la responsabilité sans faute,
le remboursement de la somme qu’il avait été condamné à verser aux victimes de l’accident.
La Haute Juridiction retient que la décision par laquelle le juge des enfants confie la garde d’un
mineur, dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative prise en vertu des articles 375 et suivants
du Code Civil, à l’une des personnes mentionnées à l’article 375-3 du même code, transfère à la
personne qui en est chargée la responsabilité d’organiser, diriger et contrôler la vie du mineur. En
raison des pouvoirs dont le Département se trouve ainsi investi lorsque le mineur lui a été confié, sa
responsabilité est engagée, même sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur.
Cette responsabilité n’est susceptible d’être atténuée ou supprimée que dans le cas où elle est
imputable à un cas de force majeure ou à une faute de la victime.
Dans cette décision, le Conseil d’Etat précise que la circonstance que le Juge des Enfants assortisse sa
décision de confier un mineur à la garde du service départemental d’aide à l’enfance du « souhait »
que ce mineur soit placé au sein d’un organisme privé qu’il désigne est sans incidence sur le transfert
au Département de la responsabilité d’organiser, diriger et contrôler la vie du mineur.
Le Département pouvait donc être condamné à réparer les dommages causés par la jeune fille
confiée à sa garde.
CE, 3 juin 2009, Garde des Sceaux contre GAN assurances : y compris lorsque le mineur est hébergé
par ses parents, dès lors qu’aucune décision judiciaire n’a suspendu ou interrompu cette mission
éducative.
CE, 13 novembre 2009, Garde des Sceaux, Min. Justice c/ Assoc. tutélaire des inadapté. le Conseil
d'Etat précise le régime de la responsabilité sans faute de l'Etat fondée sur la garde.
Le Conseil d'Etat juge ainsi que la responsabilité sans faute de l'État fondée sur sa qualité de gardien
d'un mineur délinquant hébergé dans une institution dépendant de la direction départementale de la
protection judiciaire de la jeunesse et auteurs d'un dommage (CE, sect.,1er févr. 2006, n° 268147,
Garde des Sceaux, Min. Justice c/ MAIF) bénéficie à la victime placée dans la même structure que ses
agresseurs :
"Considérant que la décision par laquelle une juridiction des mineurs confie la garde d'un mineur,
dans le cadre d'une mesure prise en vertu de l'ordonnance du 2 février 1945, à l'une des personnes
mentionnées par cette ordonnance, transfère à la personne qui en est chargée la responsabilité
d'organiser, diriger et contrôler la vie du mineur ; qu'en raison des pouvoirs dont elle se trouve ainsi
investie lorsque le mineur lui a été confié, sa responsabilité peut être engagée, même sans faute,
pour les dommages causés aux tiers par ce mineur".
En l'espèce, l'intéresé, placé, dans le cadre d'une mesure de protection judiciaire, dans un foyer
d'action éducative, structure relevant de la direction départementale de la protection judiciaire de la
jeunesse, a fait l'objet d'une agression commise par trois mineurs placés dans le même foyer sur
décision judiciaire au titre de l'ordonnance du 2 février 1945.
Il a demandé au Garde des Sceaux de l'indemniser de la somme que ses agresseurs avaient été
solidairement condamnés à lui verser par le tribunal pour enfants, dès lors qu'ils n'étaient pas en
mesure de faire.
En raison des pouvoirs dont la personne à laquelle est confiée la garde du mineur se trouve ainsi
investie lorsque le mineur lui a été confié, sa responsabilité peut être engagée, même sans faute,
pour les dommages causés aux tiers par ce mineur.
De ce seul fait, l'État auquel était rattaché le foyer s'est substitué aux parents des mineurs agresseurs
au titre de la responsabilité civile puisqu'il exerçait la garde de ces derniers.
La circonstance que la victime, bénéficiaire d'une mesure de protection, d'une part, et les auteurs
de l'agression, mineurs placés au titre de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance
délinquante, d'autre part, soient tous usagers du service public de la justice, ne peut faire obstacle
à ce que la victime bénéficie du régime de réparation prévu.
CE, 13 novembre 2009, Garde des Sceaux contre MAIF : Pour les enfants délinquants : c’est garde ou
risque. Pour les enfants protégés : c’est uniquement sur le fondement de la garde.
CE, 19 juin 2015, Département des Bouches du Rhône : Un département qui s’est vu confier la garde
d’un mineur par un jugement de placement judiciaire est responsable même sans faute des
dommages causés aux tiers par ce mineur. L’association qui prend en charge ce mineur en qualité de
participante à l’exécution du service public de l’aide sociale à l'enfance doit être regardée comme un
tiers et peut donc obtenir du département la réparation des dommages que lui a causé ce mineur.
L’appréciation du tiers est surprenante puisqu’en l’espèce, le tiers, qui peut bénéficier de la
responsabilité sans faute pour la garde est le gardien !
Logique d’indemnisation évidente grâce à une abstraction de la garde. La garde est devenue un
fondement à part entière dans la JP du CE. Pour Gilles Lebreton, il y a 2 inconvénients :
- Déstabilisation du fondement du risque car la garde se substitue au risque, ce qui entrainerait
une déresponsabilisation de l’Etat (avec la responsabilité du gardien). Le rôle de sanction
n’est plus rempli par la responsabilité.
- Privatisation de la responsabilité administrative, au mépris de l’intérêt du justiciable et de
l’esprit du droit public.