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La jurisprudence est-elle injuste avec les parents responsables ?

P. Jourdain a écrit à propos de la jurisprudence relative à la responsabilité


des parents que cette dernière conduit vers “une spirale d'objectivation excessive et
dévastatrice”. Il convient alors de s’intéresser aux conséquences d’une telle position
jurisprudentielle et du caractère juste d’une telle responsabilité qu’elle instaure.

La responsabilité est le corollaire de la liberté. En effet, l’article 4 de la


Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 imposait déjà cette limite
à la société. Ainsi, répondre de ses actes devant la justice en réparant le dommage
causé à autrui est un principe à valeur constitutionnelle, dont le fondement de
justice s’identifie aisément. En effet, la réparation du préjudice permet de corriger
une injustice, de retrouver une situation rompue par un déséquilibre.
L'objectivation de la responsabilité conduit au recul de la faute et le passage
à une responsabilité pour risque afin de satisfaire les intérêts des victimes. La
responsabilité parentale conduit à rendre responsable le père et la mère du fait des
actes dommageables de ses enfants mineurs. Avant l’arrêt Levert de 2001 d’une
part et l’arrêt Bertrand de 1997 d’autre part, il s’agissait d’une responsabilité pour
faute présumée des parents et pour faute de l’enfant. Il ressort ainsi, la conséquence
directe de l'objectivation de la responsabilité dans le courant jurisprudentiel. Cette
nouvelle responsabilité n’est pas sans débats, ainsi, dans le projet de réforme, le fait
causal de l’enfant ne suffit plus à engager la responsabilité des parents. La
jurisprudence a alors joué un rôle important en interprétant très largement le nouvel
article 1240 du Code civil fondant cette responsabilité. Par conséquent, la doctrine a
vu émerger de nombreux détracteurs des apports jurisprudentiels, affirmant ainsi
que la position de la cour de cassation est trop sévère à l’égard des parents tenus
responsables du fait causal de leurs enfants.

L'objectivation de la responsabilité des parents du fait de leur enfant


conduit-elle à une injustice ou une simple sévérité ?

La jurisprudence renforce la responsabilité des parents en instaurant une


responsabilité de plein droit ce qui n’est pas injuste à condition d’exiger la faute de
l’enfant.
L'objectivation conduisant à une responsabilité de plein droit des parents est certes
sévère mais non injuste (I) toutefois elle conduit à exclure l’exigence de faute de
l’enfant ce qui est source d’injustice (II).

I. Une jurisprudence sévère : une responsabilité de plein droit des parents


Avant deux revirements jurisprudentiels, la responsabilité des parents était
conditionnée par la présence d’une faute de surveillance ou d’éducation. Influencé
par l'objectivation de la responsabilité cette faute présumée a été abandonnée (A) et
de manière consécutive l’exonération des parents est devenue difficile (B)

A. L’abandon d’une responsabilité pour faute présumée des parents


Cette jurisprudence apparaît donc sévère mais pas nécessairement injuste car elle
amène une réparation du préjudice des victimes plus certaine (I). Toutefois,
l’absence d’exigence de faute de l’enfant conduit à faire peser sur les parents un
risque du fait de leur autorité parentale.

Si en principe la responsabilité devait être établie par l'existence d'une faute,


d'un dommage et d'un lien de causalité, cela a été remis en cause par l'arrêt de la
Cour Bertrand admettant la responsabilité sans faute des parents. Ainsi, la doctrine
qui se demandait si les parents étaient au courant d'un régime de responsabilité
était correcte.
Cet arrêt de la deuxième chambre de la Cour de cassation de 1997 suppose
un régime de pleine responsabilité parentale, impliquant ainsi qu'il y a une
responsabilité présumée et plus de faute présumée. Ainsi, cet arrêt complète une
série de décisions de 1984. Il a évolué dans l'arrêt de 1997 puisqu’il précise que les
parents n'étaient déclarés irresponsables qu'en cas de force majeure ou de preuve
apportée d'faute de la victime, ce qui signifie que les parents ne pouvaient plus
prouver leur absence comme leur empêchant de prévenir le dommage causé par
l’enfant.

B. La difficulté consécutive d’exonération de la responsabilité des


parents
De manière consécutive, la Cour a retenu que la force majeure devait être extérieure
à l’enfant et à la famille (1) et l’appréciation de la cohabitation est devenue juridique
en l’absence d’exigence de faute de surveillance (2). 1. Du fait des conditions
tenant à la force majeure
Non seulement la force majeure est la seule source exonératoire avec la faute
de la victime faisant de la responsabilité parentale une responsabilité de plein droit
mais de plus celle-ci est difficilement caractérisable et la preuve à apporter difficile
car elle doit non seulement être extérieure à l’enfant dans le dommage qu’il cause et
également extérieure au parent dans son inaction. Pour la Professeure Annabelle
Girardet “la jurisprudence est stricte [...] faisant de la force majeure un cas
d’exonération quasiment impossible.
2. Du fait de l’appréciation de la condition de cohabitation
La Cour de cassation dans l’arrêt Samba du 19 février 1997 précise que du
moment que l’autorité parentale est établie même si les parents n’exercent pas un
pouvoir effectif de surveillance alors ils sont responsables du fait de leur enfant. Il
s’agit de la conséquence logique de l’abandon de la faute. La Cour de cassation
opère une appréciation abstraite de la cohabitation qui vient élargir les cas de
cohabitation au détriment des parents et qui peut être perçue comme injuste pour
eux. La conception concrète a été abandonnée au profit d’une conception abstraite
qui veut donc que même si le mineur ne réside pas chez ses parents leur
responsabilité peut être engagée.

La cohabitation sera alors plus facilement caractérisée qu’avant ce qui


conduit à un engagement quasi-systémique de la responsabilité des parents.

II. Une jurisprudence injuste : une responsabilité pour risque des parents A.
Une responsabilité des parents par le simple fait causal de l’enfant
Si le principe de responsabilité doit être mis en place par l'existence d'une
faute, un préjudice et un lien de causalité, cela a été reconsidéré par la Cour qui a
admis la responsabilité sans faute. Par conséquent, la doctrine s’est interrogée sur
le caractère juste d’une telle décision. En effet, nsuite, c’est dans le dernier des
arrêts de cette série que la Cour abandonne l’exigence de cette faute par l’arrêt
rendu par l'assemblée plénière de la Cour, Fullenwarth du 9 mai 1984. Elle admet
donc cet abandon du moment que le lien de causalité entre le fait de l’enfant et le
préjudice subi est établi en affirmant qu’ « il suffit que celui-ci ait commis un acte qui
soit la cause directe du dommage invoqué par la victime».
L’exigence de la faute est donc bien abandonnée et seul le fait de l’enfant
tant qu’il existe un lien causal peut désormais engager la responsabilité des parents.
Cette responsabilité peut donc être qualifiée de responsabilité sans faute. La
doctrine a vivement critiqué cet arrêt disant qu’il pouvait mener à des solutions
absurdes et qu’il était bien trop sévère pour les parents et que c’est donc la porte
ouverte à des indemnisations en masse pour n’importe quel préjudice tant qu’il
existe un lien de causalité entre le fait de l’enfant et le dommage subi. Cependant la
Cour n’a pas abandonné sa jurisprudence puisqu’elle rappelle dans un arrêt de la
deuxième chambre civile du 10 mai 2001 que « la responsabilité de plein droit
encourue par les père et mère du fait des dommages causés par leur enfant mineur
habitant avec eux n’est pas subordonnée à l’existence d’une faute de l’enfant ».

B. Une responsabilité par le simple fait causal indifférente du


discernement de l’enfant
Tout d’abord elle abandonne, par une série d’arrêts en 1984 l’exigence
d’imputabilité de la faute, c’est à dire que même non discernant un enfant en bas
âge qui commet une faute engage la responsabilité de ses parents. Ce sont donc le
sens des arrêts Derguini et Lemaire du 9 mai 1984 rendu en assemblée plénière.
Cela rend le risque pesant sur les parents d’autant plus important que le
comportement des non discernants sans faute est plus à même de causer un
dommage à autrui.

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