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Pr.

Nadia Birouk S4- Module : Théâtre romantique et


Module : Histoire des idées et de l’Art au 20ème siècle/ Séances jeudi 09-Avril 2020

Séances jeudi 09-Avril 2020


Séance: jeudi le 09-Avril 2020 de: 08h00 à 10h30
S4 Module: Théâtre romantique au 19ème siècle
Les caprices de Marianne d'Alfred de Musset
Extrait 2 / Scènes 3- 4 de L’Acte II
Scène IV de L’acte II
Compétence visée : Analyser et commenter les scènes 3-4 de L’Acte II

Chez Coelio.
Coelio, un domestique.
COELIO. – Il est en bas, dites-vous ? Qu’il monte. Pourquoi ne le faites-vous
pas monter sur-le-champ ?
(Entre Octave.)
Eh bien ! Mon ami, quelle nouvelle ?
OCTAVE. – Attache ce chiffon à ton bras droit,
Coelio ; prends ta guitare et ton épée. – Tu es l’amant de Marianne.
COELIO. – Au nom du ciel, ne te ris pas de moi !
OCTAVE. – La nuit est belle ; – la lune va paraître à l’horizon. Marianne est
seule, et sa porte est entr’ouverte. Tu es un heureux garçon, Coelio.
COELIO. – Est-ce vrai ? – est-ce vrai ? Ou tu es ma vie, Octave, ou tu es sans
pitié.
OCTAVE. – Tu n’es pas encore parti ? Je te dis que tout est convenu. Une
chanson sous sa fenêtre ; cache-toi un peu le nez dans ton manteau, afin que les
espions du mari ne te reconnaissent pas. Sois sans crainte, afin qu’on te craigne ;
et si elle résiste, prouve-lui qu’il est un peu tard.
COELIO– Ah ! mon Dieu, le cœur me manque.

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OCTAVE – Et à moi aussi, car je n’ai dîné qu’à moitié. Pour récompense de
mes peines, dis en sortant qu’on me monte à souper.
(Il s’assoit.)
As-tu du tabac turc ? Tu me trouveras probablement ici demain matin. Allons,
mon ami, en route ! Tu m’embrasseras en revenant. En route, en route! La nuit
s’avance.
(Coelio sort.)
OCTAVE seul. – Écris sur tes tablettes, Dieu juste, que cette nuit doit m’être
comptée dans ton paradis. Est-ce bien vrai que tu as un paradis ? En vérité, cette
femme était belle, et sa petite colère lui allait bien. D’où venait-elle ? C’est ce
que j’ignore. Qu’importe comment la bille d’ivoire tombe sur le numéro que
nous avons appelé. Souffler une maîtresse à son ami, c’est une rouerie trop
commune pour moi. Marianne ou toute autre, qu’est-ce que cela me fait ? La
véritable affaire est de souper ; il est clair que Coelio est à jeun. Comme tu
m’aurais détesté, Marianne, si je t’avais aimée ! Comme tu m’aurais fermé ta
porte ! Comme ton bélître de mari t’aurait paru un Adonis, un Sylvain, en
comparaison de moi ! Où est donc la raison de tout cela ? Pourquoi la fumée de
cette pipe va-t-elle à droite plutôt qu’à gauche ? Voilà la raison de tout.
– Fou! Trois fois fou à lier, celui qui calcule ses chances, qui met la raison de
son côté ! La justice céleste tient une balance dans ses mains. La balance est
parfaitement juste, mais tous les poids sont creux. Dans l’un il y a une pistole,
dans l’autre un soupir amoureux, dans celui-là une migraine, dans celui-ci il y a
le temps qu’il fait, et toutes les actions humaines s’en vont de haut en bas, selon
ces poids capricieux.
UN DOMESTIQUE, entrant.
– Monsieur, voilà une lettre à votre adresse ; elle est si pressée que vos gens
l’ont apportée ici; on a recommandé de vous la remettre, en quelque lieu que
vous fussiez ce soir.
OCTAVE. – Voyons un peu cela.
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(Il lit.)
« Ne venez pas ce soir. Mon mari a entouré la maison d’assassins, et vous êtes
perdu s’ils vous trouvent.» « MARIANNE. » Malheureux que je suis ! Qu’ai-je
fait ? Mon manteau ! Mon chapeau! Dieu veuille qu’il soit encore temps !
Suivez-moi, vous et tous les domestiques qui sont debout à cette heure. Il s’agit
de la vie de votre maître.
(Il sort en courant.)

Clés d’analyse
L’art de la surprise
Les scènes 3 et 4 ne se suivent pas immédiatement. En effet, malgré le
changement de décor («Chez Cœlio »), il est impossible qu’Octave quitte
Marianne et se trouve quelques instants plus tard chez Cœlio. Cette petite «
tricherie » avec le temps réel a pour effet de densifier encore l’action, de la
ramasser dans une séquence temporelle courte, de ne délivrer que l’essentiel, la
quintessence du temps qui passe. La rapidité de la prise, de décision d’Octave à
la scène 3, de la rencontre avec Cœlio à la scène 4, permet de comprendre que le
dénouement est proche. Les différentes surprises réservées dans cette scène : le
renoncement effectif d’Octave, le billet de Marianne. Le coup de théâtre
consiste dans la lecture du billet de Marianne. Il suit un monologue où Octave se
dévoile encore plus et produit un effet d’accélération optimale (idéale) d’une
action qui aurait dû suivre un cours banal. Il annonce le dénouement funeste que
plusieurs indices au cours des scènes précédentes faisaient pressentir.
Les didascalies : Cœlio, chez lui, est d’abord seul, puis Octave entre. Après leur
conversation, Octave se retrouve seul et se parle à lui-même pour faire le point.
Un domestique entre, remet un billet. Octave le lit et se précipite à l’extérieur.
La scène est donc mouvementée. Il s’y passe quantité de choses importantes

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selon des rythmes différents. D’enthousiaste au début, elle devient


mélancolique, avant de prendre un tournant tragique. Sur le plan du texte lui-
même, elle fait se suivre un dialogue, un monologue et une lecture à haute voix.

Un jeu sur les rythmes


L’exaltation de Cœlio est exprimée par des tournures interrogatives (« dites-
vous ? ... pourquoi ... quelle nouvelle ? », des interjections exclamatives (« Eh
bien ! »), des tournures impératives (« qu’il monte ... ne te ris pas de moi »), des
répétitions (« est-ce vrai ... est-ce vrai ... »). Le personnage vit dans l’urgence
(« Sur-le-champ »), dans la réaction exacerbée (irritée) à ce qui l’entoure et
dans l’idée d’une dualité essentielle (« ou tu es ma vie, Octave, ou tu es sans
pitié »).
Les dominantes syntaxiques présentées par les phrases d’Octave : ce sont
des phrases très courtes de structure très simple, d’où un effet apaisé
(adouci) sur le rythme.
On y note l’emploi fréquent de l’impératif (« Attache », « prends », cache-toi »,
« Sois sans crainte », « prouve-lui », « dis ») et des tournures déclaratives (« Tu
es l’amant de Marianne »). Parfois, on relève encore un lyrisme caractéristique
du personnage (« la nuit est belle ; – la lune va paraître »). À la rêverie sont
juxtaposés le cynisme (« si elle résiste, prouve-lui qu’il est un peu tard »),
l’enthousiasme envers Cœlio. On sent qu’Octave veut vite balayer dans son
esprit ce qui se passe, de peur d’en regretter les conséquences affectives.
Les idées d’Octave dans son monologue : le sacrifice qu’il fait pour Cœlio est
inhabituel pour lui ; Marianne est désirable ; l’honneur se conjugue avec
l’amitié; idée qu’il est valorisant d’avoir renoncé à Marianne ; il faut s’en
remettre à la justice divine ; tout est caprice du destin dans la destinée humaine.
Octave s’élève peu à peu vers des conceptions plus philosophiques :
interrogations du destin, futilités (frivolités) des projets humains, puissance du

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hasard. Les caprices de Marianne ne seraient-ils pas plutôt ceux de la


destinée ?
Les idées d’Octave empruntent diverses modalités d’expression : -la question
oratoire (« D’où venait-elle ? ») ; la parodie biblique(« En vérité cette femme
était belle »), le paradoxe («La véritable affaire est de souper »), l’exclamation
(« Comme tu m’aurais ... »), l’argumentation (« La justice céleste tient une
balance ... [cette] balance est parfaitement juste », « Dans l’un ... dans
l’autre»). Le billet de Marianne est laconique (bref) voire très direct dans son
expression (impératif, phrases déclaratives). Il traduit l’angoisse générée par la
nouvelle situation. C’est une déclaration d’amour signée, une prise de risque
dans une pareille situation. Marianne trouve le moyen et le courage de faire
porter ce billet malgré le fait qu’il constituerait une « pièce à conviction » pour
son mari, s’il était intercepté (surpris).

De la comédie badine au drame


-Tous les genres et registres sont mêlés : comédie, drame, tragédie – lyrisme,
comique, tragique.
-« Comme tu m’aurais détesté, Marianne, si je t’avais aimée ! » : cette
remarque finale d’Octave est paradoxale. Elle présuppose que toute
déclaration d’amour est un pas vers la fin du sentiment amoureux et l’échec
d’une relation durable, que la réussite amoureuse est le résultat d’une
stratégie où personne n’avoue rien. L’amour se trouve ainsi placé au cœur
d’un rapport de forces entre deux personnes ; ce n’est pas l’expression d’un
sentiment extrême.
Source : http://www.petitsclassiques.com/upload/complement_4f28036dd17f5.pdf

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Séance: jeudi le 09-Avril 2020 de: 10h30 à 13h00


S4 Module: Histoire des idées et de l'Art au 20ème siècle

L’EXISTENTIALISME ET L'ABSURDE
Compétences visées - Expliquer l’existentialisme et ses représentations. (Découvrir les
idées et les auteurs représentants l’existentialisme)
-Déterminer La philosophie de l’Absurde. (Délimiter la philosophie de l’absurde et ses
manifestations.)

L’existentialisme et ses représentations


-Expliquer l’existentialisme et ses représentations.

-Découvrir les idées et les auteurs représentants l’existentialisme.

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Sartre

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Source : https://www.espacefrancais.com/lexistentialisme/

Sartre

Prolongement
Vidéos à suivre sur Le You tube
https://www.youtube.com/watch?v=1ngGLEtHpBQ
https://www.youtube.com/watch?v=xtX2FKqNccU
https://www.youtube.com/watch?v=PRVEd5ufuoM

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La philosophie de l’Absurde
-Déterminer La philosophie de l’Absurde.

- Délimiter la philosophie de l’absurde et ses manifestations.

La philosophie de l’Absurde
Définitions générales
Source : https://la-philosophie.com/absurde-camus
En latin, absurdus, qui a un son faux, qui détonne, absurde,
saugrenu.
– Logique : contradictoire, contraire à la logique et à ses
règles, qui viole ces règles.
– Vocabulaire existentialiste : désigne ce qui est dépourvu de
sens, ce qui ne saurait être justifié de manière rationnelle (ex :
l’existence humaine est absurde).
Définitions particulières de philosophes :
Sartre :
– « Un tel choix est absurde comme étant par delà toutes les
raisons » : L’Etre et le Néant
Citations de Camus :
– « Ce monde en lui-même n’est pas raisonnable […] Mais ce
qui est absurde, c’est la confrontation de cet irrationnel et (du)
désir éperdu de clarté dont l’appel résonne au plus profond de
l’homme » : Le Mythe de Sisyphe
Expressions et termes liés ou dérivés :
Raisonnement (démonstration par l’absurde) : type de
raisonnement où l’on démontre la vérité d’une proposition en
soulignant les conséquences fausses auxquelles la proposition
contradictoire aboutit.

Qu’est-ce que l’Absurde chez Camus ?

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L’absurde est un concept central chez Camus et dans le


courant existentialiste : l’Etranger (1942) et le Mythe de
Sisyphe (1942) voient dans l’absurde un divorce entre
l’homme et le monde, être les interrogations
métaphysiques de l’homme et le silence du monde.
Cependant, l’absurde est une expérience positive :
l’expérience de l’absurde est celle de l’authenticité. Chez
Camus, le non-sens des choses doit être assumé avec
sérénité.
Termes et expressions connexes :
Cas d’absurde en tant qu’adjectif :
– Relation de voisinage : contradictoire, illogique, irrationnel,
– Relation de dépendance : condition humaine, existence, logique, raison,
sens,
– Relation d’opposition : logique, rationnel,
LA CHUTE DE CAMUS

La Chute de Camus explore le thème de la culpabilité : la thèse de ce roman


philosophique tient en une phrase : nous sommes tous responsables de tout. Si
la Peste était concentrée sur l’action et sur les moyens de dépasser le sentiment

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d’absurde, la Chute quant à elle analyse le thème de l’inaction et ses


conséquences.

Résumé

La Chute est en effet le récit d’une confession, d’un homme à un autre dans un
bar d’Amsterdam, sous la forme d’un monologue. Jean-Baptiste Clamence,
ancien avocat parisien, relate l’évènement qui a bouleversé sa vie. Avant cet
évènement, Clamence se décrit comme un parfait égoïste, amoureux de lui-
même. Jusqu’au soir où, rentrant chez lui, il passe sur un pont duquel il entend
une jeune fille se jeter. Il ne lui porte pas secours. A partir de ce moment-là, la
culpabilité gonfle au point de devenir une obsession. Cet évènement éclaire d’un
jour nouveau l’ensemble de son existence, qu’il juge alors comme inutile et
prétentieuse : il ne se supporte plus et vit emmuré dans le remords.

Analyse de La Chute de Camus

Au travers du personnage de Clamence, c’est l’humanité que


dépeint Camus : égoïste, voire autiste, vivant dans le pur
divertissement, l’homme moderne semble avoir perdu de vue
les notions de justice et de responsabilité. L’injonction
de Socrate « Une vie sans examen ne vaut pas d’être vécue »
pourrait être celle de Camus dans ce roman. Camus affirme
qu’il faut se juger soi-même sans complaisance grâce à une
mise à distance entre le moi et le je. Car seul le moi peut
légitimement formuler un jugement lucide sur le je.
Cependant, le bilan philosophique de cette auto mise en
examen (de l’homme par l’homme) est lourd : quelles que
soient nos tentatives pour nous améliorer, nous juger,

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tout le monde est coupable, personne ne sera sauvé de sa


conscience. En ceci, l’existentialisme de Camus est patent.
Source : https://la-philosophie.com/la-chute-camus

Camus et l'absurde

« Un jour vient [...] et l'homme constate ou dit qu'il a trente ans. Il affime ainsi sa
jeunesse. Mais du même coup, il se situe par rapport au temps. [...] Il appartient au
temps et, à cette horreur qui le saisit, il y reconnaît son pire ennemi. Demain, il
souhaitait demain, quand tout lui-même aurait dû s'y refuser. Cette révolte de la chair,
c'est l'absurde ».

Bien qu'apparenté dans une certaine mesure à l'existentialisme, Albert Camus s'en est assez
nettement séparé pour attacher son nom à une doctrine personnelle, la philosophie de
l'absurde. Définie dans Le Mythe de Sisyphe, essai sur l'absurde (1942), reprise
dans L'Etranger (1942), puis au théâtre dans Caligula et Le Malentendu (1944), elle se
retrouve à travers une évolution sensible de sa pensée, jusque dans La Peste (1947). Il
importe, pour lever toute équivoque, d'étudier cette philosophie dans Le Mythe de Sisyphe et
de préciser la signification de termes comme l'absurde, l'homme absurde, la révolte, la
liberté, la passion qui, sous la plume de Camus, ont une résonance particulière.

Le non-sens de la vie

La vie vaut-elle d'être vécue ? Pour la plupart des hommes, vivre se ramène à « faire les
gestes que l'habitude commande ». Mais le suicide soulève la question fondamentale du
sens de la vie : « Mourir volontairement suppose qu'on a reconnu, même
instinctivement, le caractère dérisoire de cette habitude, l'abscence de toute raison

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profonde de vivre, le caractère insensé de cette agitation quotidienne et l'inutilité de la


souffrance ».

I. Le sentiment de l'absurde.

Pareille prise de conscience est rare, personnelle et incommunicable. Elle peut surgir de la «
nausée » qu'inspire le caractère machinal de l'existence sans but : « Il arrive que les
décors s'écroulent. Lever, tramway, quatre heures de bureau ou d'usine, repas, tramway,
quatre heures de travail, repas, sommeil et lundi mardi mercredi jeudi vendredi et samedi sur
le même rythme, cette route se suit aisément la plupart du temps. Un jour seulement, le
« pourquoi » s'élève et tout commence dans cette lassitude teintée d'écœurement ». Cette
découverte peut naître du sentiment de l'étrangeté de la nature, de l'hostilité primitive du
monde auquel on se sent tout à coup étranger. Ou encore de l'idée que tous les jours d'une
vie sans éclat sont stupidement subordonnés au lendemain, alors que le temps qui conduit à
l'anéantissement de nos efforts est notre pire ennemi. Enfin, c'est surtout la certitude de la
mort, ce « côté élémentaire et définitif de l'aventure » qui nous en révèle l'absurdité : « Sous
l'éclairage mortel de cette destinée, l'inutilité apparaît. Aucune morale, aucun effort ne sont a
priori justifiables devant les sanglantes mathématiques de notre condition ».
D'ailleurs l'intelligence, reconnaissant son inaptitude à comprendre le monde, nous dit aussi
à sa manière que ce monde est absurde, ou plutôt « peuplé d'irrationnels ».

I. Définition de l'absurde

Source :http://mael.monnier.free.fr/bac_francais/etranger/absca
mus.htm

En fait, ce n'est pas le monde qui est absurde mais la confrontation de


son caractère irrationnel et de ce désir éperdu de clarté dont l'appel
résonne au plus profond de l'homme. Ainsi l'absurde n'est ni dans
l'homme ni dans le monde, mais dans leur présence commune. Il naît de
leur antinomie. « Il est pour le moment leur seul lien. Il les scelle l'un à
l'autre comme la haine seule peut river les êtres... L'irrationnel, la
nostalgie humaine et l'absurde qui surgit de leur tête-à-tête, voilà les trois
personnages du drame qui doit nécessairement finir avec toute la
logique dont une existence est capable ».

L'homme absurde

Si cette notion d'absurde est essentielle, si elle est la première de nos


vérités, toute solution du drame doit la préserver. Camus récuse donc
les attitudes d'évasion qui consisteraient à escamoter l'un ou l'autre
terme : d'une part le suicide, qui est la suppression de la conscience ;
d'autre part les doctrines situant hors de ce monde les raisons et les
espérances qui donneraient un sens à la vie, c'est-à-dire soit
la croyance religieuse soit ce qu'il appelle le « suicide
philosophique des existentialistes » (Jaspers, Chestov, Kierkegaard)
qui, par diverses voies, divinisent l'irrationnel ou, faisant de l'absurde le
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critère de l'autre monde, le transforment en « tremplin d'éternité ». Au


contraire, seul donne au drame sa solution logique celui qui décide
de vivre seulement avec ce qu'il sait, c'est-à-dire avec la conscience
de l'affrontement sans espoir entre l'esprit et le monde.
« Je tire de l'absurde, dit Camus, trois conséquences qui sont ma
révolte, ma liberté, ma passion. Par le seul jeu de ma conscience, je
transforme en règle de vie ce qui était invitation à la mort - et je
refuse le suicide ». Ainsi se définit l'attitude de « l'homme absurde ».

I. Le défi

« Vivre une expérience, un destin, c'est l'accepter pleinement. Or on ne


vivra pas ce destin, le sachant absurde, si on ne fait pas tout pour
maintenir devant soi cet absurde mis à jour par la conscience... Vivre,
c'est faire vivre l'absurde. Le faire vivre, c'est avant tout le
regarder... L'une des seules positions philosophiques cohérentes, c'est
ainsi la révolte. Elle est un confrontement perpétuel de l'homme et de sa
propre obscurité. Elle remet le monde en question à chacune de ses
secondes... Elle n'est pas aspiration, elle est sans espoir. Cette révolte
n'est que l'assurance d'un destin écrasant, moins la résignation qui
devrait l'accompagner ». C'est ainsi que Camus oppose à l'esprit du
suicidé (qui, d'une certaine façon, consent à l'absurde) celui du
condamné à mort qui est en même temps conscience et refus de la mort
(voir épilogue de L'Etranger). Selon lui c'est cette révolte qui confère à
la vie son prix et sa grandeur, exalte l'intelligence et l'orgueil de
l'homme aux prises avec une réalité qui le dépasse, et l'invite à tout
épuiser et à s'épuiser, car il sait que « dans cette conscience et dans
cette révolte au jour le jour, il témoigne de sa seule vérité qui est
le défi ».

II. La liberté

L'homme absurde laisse de côté le problème de « la liberté en soi » qui


n'aurait de sens qu'en relation avec la croyance en Dieu ; il ne peut
éprouver que sa propre liberté d'esprit ou d'action. Jusqu'à la rencontre
de l'absurde, il avait l'illusion d'être libre mais était esclave de l'habitude
ou des préjugés qui ne donnaient à sa vie qu'un semblant de but et de
valeur. La découverte de l'absurde lui permet de tout voir d'un regard
neuf : il est profondément libre à partir du moment où il
connaît lucidement sa condition sans espoir et sans lendemain. Il se
sent alors délié des règles communes et apprend à vivre « sans
appel ».

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III. La passion

Vivre dans un univers absurde consistera à multiplier avec passion les


expériences lucides, pour « être en face du monde le plus souvent
possible ». Montaigne insistait sur la qualité des expériences qu'on
accroît en y associant son âme ; Camus insiste sur leur quantité, car
leur qualité découle de notre présence au monde en pleine conscience :
« Sentir sa vie, sa révolte, sa liberté, et le plus possible, c'est vivre
et le plus possible. Là où la lucidité règne, l'échelle des valeurs
devient inutile... Le présent et la succession des présents devant
une âme sans cesse consciente, c'est l'idéal de l'homme absurde ».

« Tout est permis » s'écriait Ivan Karamazov. Toutefois, Camus note


que ce cri comporte plus d'amertume que de joie, car il n'y a plus de
valeurs consacrées pour orienter notre choix ; « l'absurde, dit-il, ne
délivre pas, il lie. Il n'autorise pas tous les actes. Tout est permis ne
signifie pas que rien n'est défendu. L'absurde rend seulement
leur équivalence aux conséquences de ces actes. Il ne recommande
pas le crime, ce serait puéril, mais il restitue au remords son inutilité. De
même, si toutes les expériences sont indifférentes, celle du devoir est
aussi légitime qu'une autre. » C'est justement dans le champ des
possibles et avec ces limites que s'exerce la liberté de l'homme absurde
: les conséquences de ses actes sont simplement ce qu'il faut payer et il
y est prêt. L'homme est sa propre fin et il est sa seule fin, mais parmi
ses actes il en est qui servent ou desservent l'humanité, et c'est dans le
sens de cet humanisme que va évoluer la pensée de Camus.

Prolongement
Vidéos à suivre sur Le You tube
https://www.youtube.com/watch?v=byt5bgadD20
https://www.youtube.com/watch?v=TNo7gWjTFzU
https://www.youtube.com/watch?v=8Bg3ZLsV5L4&t=19s
https://www.youtube.com/watch?v=1rwHcEo4JY4

BONNE CHANCE
ET BON COURAGE !
Pr. Nadia BIROUK
FLSH Aïn Chock
Université Hassan II
2019-2020

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