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Droit et Patrimoine, Nº 267, 1er mars 2017

‐ LE CONCOURS DES RESPONSABILITÉS CIVILES DU FAIT D’AUTRUI


LE CONCOURS DES RESPONSABILITÉS CIVILES DU FAIT D’AUTRUI
I ‐ LE CONCOURS DE RESPONSABILITÉS AUX FONDEMENTS IDENTIQUES A ‐ LE CONCOURS DE RESPONSABILITÉS FONDÉES SUR LE CONTRÔLE DU MODE DE VIE
D’AUTRUI
I ‐ LE CONCOURS DE RESPONSABILITÉS AUX FONDEMENTS IDENTIQUES B ‐ LE CONCOURS DE RESPONSABILITÉS FONDÉES SUR LE CONTROLE DE L’ACTIVITÉ
D’AUTRUI
II ‐ LE CONCOURS DE RESPONSABILITES AUX FONDEMENTS DISTINCTS A ‐ DE LEGE LATA : UN DROIT POSITIF INCERTAIN
II ‐ LE CONCOURS DE RESPONSABILITES AUX FONDEMENTS DISTINCTS B ‐ DE LEGE FERENDA : POUR UNE CONDAMNATION IN SOLIDUM DES RÉPONDANTS

AUTREFOIS AFFIRMÉ PAR LA COUR DE CASSATION, LE PRINCIPE DU NON‐CUMUL DES RESPONSABILITÉS CIVILES DU FAIT
D’AUTRUI POSE, À L’HEURE OÙ LA RESPONSABILITÉ CIVILE POURRAIT ÊTRE RÉFORMÉE, LA QUESTION DE LA PERTINENCE DE
SON MAINTIEN.

Sophie prétot

DOCTEUR EN DROIT, ATER À L’UNIVERSITÉ PARIS 1 ‐ PANTHÉONSORBONNE

« Lorsque le droit positif met deux moyens juridiques à la disposition du même individu, le sens le plus élémentaire
de ce double don est le cumul. Si le législateur a agi délibérément, que sa volonté soit faite. Si c’est par
inadvertance, ce n’est pas un mal qu’un peu de désordre vienne dénoncer la surabondance des lois ». C’est au nom
de la « sainte liberté », de « la liberté du demandeur sur chacune des voies de droit qui lui sont ouvertes
distinctement », que Carbonnier s’exprimait en ces termes (1) . Celui‐ci évoquait alors la question du concours des
actions de l’acheteur, mais ses propos pourraient, très certainement, guider aussi la résolution du concours des actions
en responsabilité civile du fait d’autrui. Le cas échéant, la victime d’un dommage causé par un mineur salarié, par
exemple, pourrait engager tant la responsabilité civile des parents de ce mineur (C. civ., art. 1242, al. 4) que la
responsabilité civile de l’employeur de ce dernier (C. civ., art. 1242, al. 5). Au regard des circonstances de l’affaire, la
victime choisirait donc librement sa voie de droit. Par exemple, si l’employeur s’avère plus solvable que les parents du
mineur, la victime se prévaudra certainement de l’application de l’alinéa 5 de l’article 1242 du Code civil. À l’inverse,
s’il paraît difficile de démontrer la faute de l’enfant, elle recherchera plus vraisemblablement l’application de l’alinéa 4
(2) . Hésitant entre les deux fondements et souhaitant s’assurer de son indemnisation effective, elle pourrait même
souhaiter la condamnation in solidum des parents et du commettant, par l’application simultanée des deux alinéas.

Mais une telle orientation n’est pas celle qui semble avoir été choisie par la Cour de cassation, il y a quelques années
déjà. « Les différentes responsabilités du fait d’autrui ne sont pas cumulatives mais alternatives » (3) : tel est en
effet le principe énoncé par la Haute juridiction. Censée guider l’articulation des différents alinéas de l’article 1242 du
Code civil, la règle n’a, depuis, jamais été clairement remise en cause. Pourtant, celle‐ci pourrait être aujourd’hui
quelque peu dépassée, inopportune, voire infondée.

Il n’est effectivement pas sûr que les fondements de ce principe soient encore d’actualité : les jurisprudences
l’édictant sont antérieures à l’élargissement des cas de responsabilité du fait d’autrui, initié par le célèbre arrêt «
Blieck » (4) , et leurs justifications sont probablement surannées (5) ,.

En outre, cette application alternative des responsabilités du fait d’autrui exclut la condamnation in solidum de deux
responsables pour autrui, alors même qu’une telle solution offrirait à la victime de meilleures chances d’indemnisation

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et s’inscrirait parfaitement dans la philosophie contemporaine de la responsabilité civile (6) . Critiquable (7) , cette
règle du non‐cumul l’est aussi par l’absence de fondement textuel venant l’étayer. Or, cette lacune théorique est
d’autant plus dommageable qu’elle peine à être autrement comblée. En effet, si l’on connaît par ailleurs la règle du
non‐cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle (8) , celle‐ci s’explique aisément : conforme à l’« économie
même du contrat » (9) , elle évite de déjouer les prévisions des contractants qui, sans elle, auraient pu se prévaloir de
la responsabilité délictuelle, souvent plus favorable aux victimes que la responsabilité contractuelle. Par ailleurs, en
droit de la responsabilité civile, d’autres fondements peuvent être simultanément invoqués et prospérer sans que les
juges s’y opposent. Ainsi en est‐il de la responsabilité de l’enfant qui a commis une faute (C. civ., art. 1240) et de celle
des parents du fait de l’enfant (C. civ., art. 1242, al. 4) (10) , ou encore de la responsabilité du préposé (C. civ., art.
1240) et de celle du commettant (C. civ., art. 1242, al. 5) (11) . Enfin, au sein même de la responsabilité du fait
d’autrui, la loi prévoit la possible condamnation, non pas seulement in solidum, mais même solidaire, des père et mère
du fait de leur enfant mineur (12) .

Bien que l’application alternative, et non cumulative, des responsabilités civiles du fait d’autrui puisse paraître, au
premier abord, délicate à justifier, il semblerait qu’elle continue à guider les solutions jurisprudentielles : à notre
connaissance, leur cumul n’est jamais adopté. Une sélection opportuniste des responsabilités du fait d’autrui,
finalement « idoines » (13) , semble davantage orienter leur mise en œuvre. Peut‐être que cette orientation
jurisprudentielle, à défaut de fondement théorique, répond à une préoccupation pratique : écarter le cumul évite aussi
de s’embarrasser des questions de contribution à la dette. Néanmoins, nous ne pouvons pas nous contenter d’une telle
observation. Une rationalisation du paysage jurisprudentiel paraît nécessaire. Elle permettrait de mieux saisir l’état du
droit positif et faciliterait ainsi les démarches des victimes, à l’heure où les cas de responsabilité du fait d’autrui sont
multiples (14) . Elle formerait également un pré précieux outil d’analyse et d’appréciation du projet de réforme de la
responsabilité civile émis par la Chancellerie (15) . Cet effort de mise en ordre du droit positif pourrait être poursuivi en
ayant égard aux données techniques, d’opportunité et conceptuelles (16) de nature à interférer dans la résolution du
cumul des cas de responsabilité du fait d’autrui. Dans un tout autre domaine et si un tel contrepoint nous est permis,
ces données ont en effet été déterminantes du chaos qui a pu affecter, en droit de la vente, les actions de l’acheteur,
et c’est en considérant celles‐ci qu’une clarification du droit positif a été possible. En particulier, parce que l’action en
garantie des vices cachés et celle fondée sur l’obligation de délivrance connaissaient des conditions de recevabilité très
disparates, au regard de leurs délais (17) , et que la proximité des situations susceptibles de relever de l’une ou de
l’autre action peut être réelle (18) , la délimitation de leurs frontières paraissait problématique et leur «
chevauchement » (19) encouragé. Un effort de conceptualisation de ces actions, suivi d’un rapprochement de leurs
délais, a alors permis de mieux délimiter leurs domaines (20)

Ainsi, tout en analysant ses raisons techniques et ses enjeux pratiques, le concours des cas de responsabilité civile du
fait d’autrui pourrait être résolu en partant de leur fondement théorique. Il pourrait, par conséquent, être analysé à
l’aune de la traditionnelle distinction des cas de responsabilité fondés sur le contrôle du mode de vie d’autrui, d’une
part, de ceux fondés sur le contrôle de l’activité d’autrui, d’autre part (21) . Alors que les premiers réunissent la
responsabilité liée à la garde d’autrui découlant de l’alinéa 1er de l’article 1242 du Code civil (22) et la responsabilité
des père et mère du fait de leur enfant mineur prévue à l’alinéa 4, les seconds concernent la responsabilité liée au
contrôle et à l’organisation de l’activité d’autrui sur le fondement de l’alinéa 1er (23) et la responsabilité du
commettant du fait de son préposé prévue à l’alinéa 5 (24) .

Finalement, la confrontation des cas de responsabilité aux fondements identiques (I) puis celle des cas de responsabilité
aux fondements distincts (II) pourraient éclairer l’état de la jurisprudence et ainsi permettre de formuler des
propositions.

I ‐ LE CONCOURS DE RESPONSABILITÉS AUX FONDEMENTS IDENTIQUES


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Alors que la résolution du concours de responsabilités fondées sur le contrôle du mode de vie d’autrui comporte des
enjeux pratiques réels (A), le concours de responsabilités fondées sur le contrôle de l’activité d’autrui (B) en paraît
dénué.

A ‐ LE CONCOURS DE RESPONSABILITÉS FONDÉES SUR LE CONTRÔLE DU MODE DE VIE D’AUTRUI

Le concours des responsabilités découlant du contrôle du mode de vie d’autrui résulte de l’articulation des alinéas 1er
et 4 de l’article 1242 du Code civil. Il renvoie à la situation dans laquelle un mineur, qui est confié à un tiers chargé
d’organiser son mode de vie, est l’auteur d’un fait dommageable. Ainsi en serait‐il par exemple d’un enfant
fréquentant un internat scolaire. Dans de telles circonstances, il serait envisageable que la victime du dommage puisse
rechercher tant la responsabilité des père et mère de l’enfant mineur, sur le fondement de l’alinéa 4, que la
responsabilité du tiers chargé d’organiser le mode de vie de l’enfant, sur le fondement de l’alinéa 1er (25) .
L’articulation de ces deux alinéas n’est d’ailleurs pas dépourvue d’intérêt pratique, au moins au regard de leurs
conditions de mise en œuvre, puisque le simple fait causal de l’enfant suffit aujourd’hui (26) à engager la responsabilité
des père et mère (27) alors que l’application de l’alinéa 1er requiert a priori la caractérisation d’une véritable faute (28)
. Néanmoins, l’analyse de la jurisprudence montre qu’un tel concours est éludé : la notion prétorienne de « garde
juridique », qui détermine la mise en œuvre de l’alinéa 1er, et la condition légale de « cohabitation », qui guide
l’application de l’alinéa 4, évitent que ces cas de responsabilité n’entrent en concours. En subordonnant la
responsabilité du tiers chargé du contrôle du mode de vie du mineur (al. 1er) à un transfert judiciaire ou légal de sa
garde (29) , tel qu’un placement judiciaire ou une mise sous tutelle, la jurisprudence exclut par là même la réunion
concomitante des conditions de la responsabilité des père et mère (al. 4). Privés de leur mission éducative qui a été
transférée à un tiers, les parents sont considérés comme ne « cohabitant » plus avec leur enfant mineur et, de ce fait,
ne peuvent pas voir leur responsabilité engagée sur le fondement de l’alinéa 4 (30) . Finalement, les solutions
jurisprudentielles conduisent à ce que l’alinéa 1er ne puisse être actionné que lorsque l’alinéa 4 ne peut pas l’être.

Cet état du droit positif ne se justifie certainement pas par l’existence d’un principe général qui découlerait de l’alinéa
1er et qui, de ce fait, aurait vocation à s’appliquer subsidiairement, lorsque la règle spéciale prévue à l’alinéa 4 ne peut
pas être mise en œuvre. En effet, l’alinéa 1er ne forme pas, à proprement parler, un principe général (31) , la rédaction
très factuelle de l’arrêt « Blieck » et les arrêts postérieurs limitant l’élargissement de son domaine à deux grandes
hypothèses en témoignant (32) ,. Il apparaît plutôt que les conditions d’application de l’alinéa 1er (33) ,, telles
qu’envisagées par la jurisprudence, aient davantage pour objet de faire prévaloir la responsabilité des père et mère
qui, en raison de leur seul statut de parents et des prérogatives qui leur sont conférées, doivent assumer tous les faits
dommageables de leur enfant mineur (34) . Déformant la notion de cohabitation (35) , cet état de la jurisprudence fait
peser sur les parents une charge considérable. En outre, peu cohérent, il ne poursuit pas pour autant pleinement la
logique de garantie de la responsabilité des père et mère qui paraît être recherchée. En effet, si une telle finalité de
garantie innervait véritablement le droit positif, il devrait être considéré que les parents restent responsables du
dommage causé par leur enfant même lorsque celui‐ci a fait l’objet d’un placement judiciaire. Le lien de filiation et la
fonction de garantie adjointe le justifieraient. Perfectible, la jurisprudence ne vise en outre pas non plus la protection
des victimes. Effectivement, une condamnation in solidum du tiers chargé du contrôle du mode de vie de l’enfant et de
ses père et mère, comme cela avait été proposé dans le projet « Catala » (36) , aurait été plus favorable à celles‐ci.
Pourtant, ce n’est pas la voie empruntée par le récent projet de la Chancellerie (37) . Celui‐ci s’inscrit en effet dans la
continuité du droit positif et du projet « Terré (38) », et prévoit que « la personne physique ou morale chargée par
décision judiciaire ou administrative d’organiser et contrôler à titre permanent le mode de vie du mineur » est
responsable de plein droit du fait du mineur mais que, dans « cette hypothèse », la responsabilité parentale est exclue.

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Soucieux de justifier l’application alternative de ces cas de responsabilité du fait d’autrui, les rédacteurs du projet en
précisent les conditions d’application et, ce faisant, procèdent à une clarification conceptuelle de ces cas de
responsabilité. La responsabilité parentale est plus clairement rattachée à l’exercice de l’autorité parentale, la notion
de cohabitation est supprimée (39) et la responsabilité du tiers chargé du contrôle du mode de vie du mineur est
désormais expressément liée à l’existence d’une décision judiciaire ou administrative (40) .

Quant au concours des responsabilités fondées sur le contrôle de l’activité d’autrui, le projet de la Chancellerie ne le
résout pas expressément, peut‐être parce que les enjeux pratiques l’entourant sont inexistants.

B ‐ LE CONCOURS DE RESPONSABILITÉS FONDÉES SUR LE CONTROLE DE L’ACTIVITÉ D’AUTRUI


Le concours des responsabilités fondées sur le contrôle de l’activité d’autrui survient lorsqu’une même personne
pourrait être actionnée à la fois en tant que commettant sur le fondement de l’alinéa 5 de l’article 1242 et en tant que
personne contrôlant l’activité d’autrui sur le fondement de l’alinéa 1er (41) . Il en irait ainsi, par exemple, d’un club de
footballeurs professionnels (salariés) dans le cas où l’un de ses joueurs est l’auteur d’un dommage. Dans une telle
configuration, la jurisprudence n’a, à notre connaissance, jamais expressément pris position en faveur de l’application
prioritaire de l’un ou l’autre des alinéas. D’ailleurs, une hiérarchisation de ces actions paraît difficile. Lors du match,
l’auteur du dommage endosse‐t‐il davantage un rôle de footballeur ou de salarié ? Nul ne saurait le dire. Cependant,
l’étude de la jurisprudence tend à révéler que la responsabilité des commettants est davantage envisagée (42) . Ainsi,
dans des affaires dans lesquelles un sportif professionnel a été à l’origine d’un fait dommageable, la victime obtient
réparation sur le fondement de l’alinéa 5. L’adage « Specialia generalibus derogant » (43) ne peut justifier une telle
solution, sa mise en œuvre supposant un rapport d’espèce à genre entre les dispositions en concours et une véritable
incompatibilité entre elles. Or, au sein de cet alinéa 1er de l’article 1242 du Code civil, la découverte d’un principe
général paraît, comme nous l’avons déjà souligné (44) , périlleuse. En outre, les conditions d’application des alinéas 1er
et 5 ne se contredisent pas : un même cas d’espèce pourrait a priori relever tant de l’alinéa 1er que de l’alinéa 5 et les
solutions s’ensuivant ne différeraient pas réellement. Ainsi est‐ce probablement davantage par simplicité que les
victimes se prévalent de l’alinéa 5, la responsabilité des commettants étant plus anciennement admise et de ce fait plus
balisée. La résolution d’un tel concours des responsabilités du fait d’autrui ne présente effectivement aucun intérêt
pratique. L’abus de fonction du préposé (45) , de nature à écarter la responsabilité du commettant, exclut a priori aussi
la mise en œuvre de l’alinéa 1er. Supposant en effet que le préposé ait agi en dehors des limites objectives de ses
fonctions (46) , en dehors de son activité de footballeur par exemple, l’abus de fonction empêche d’envisager
l’application du premier alinéa de l’article 1242 du Code civil. De surcroît, la jurisprudence a pu considérer que le
préposé peut invoquer son immunité civile (47) même lorsque la responsabilité du commettant n’est pas engagée sur le
fondement de l’alinéa 5 de l’article 1242 du Code civil (48) . Dès lors, il semblerait que le préposé puisse encore se
prévaloir de son immunité civile lorsque la responsabilité de son commettant est établie sur la base de l’alinéa 1er. Sans
enjeu pratique, ce concours de responsabilités ne fait finalement pas l’objet de véritables débats jurisprudentiels.

Ainsi, qu’il soit susceptible d’aboutir à l’engagement de la responsabilité de deux personnes distinctes, conformément à
différents alinéas de l’article 1242 du Code civil, ou qu’il permette de solliciter la responsabilité d’une même personne
par l’application d’alinéas distincts, le concours des responsabilités du fait d’autrui aux fondements identiques paraît,
en droit positif, toujours contourné. Leur cumul n’est, de fait, pas envisagé.

C’est à un constat quelque peu différent que l’étude du concours des responsabilités aux fondements distincts tend à
conduire.

II ‐ LE CONCOURS DE RESPONSABILITES AUX FONDEMENTS DISTINCTS


Lorsqu’une victime pourrait se prévaloir tant d’une responsabilité fondée sur le contrôle du mode de vie d’autrui (C.

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civ., art. 1242, al. 1er ou 4e) que d’une responsabilité résultant du contrôle de l’activité d’autrui (al. 1er ou 5e), la
responsabilité de plusieurs répondants est de nouveau à examiner. À cet égard, l’état du droit positif est incertain. De
lege lata, la responsabilité découlant du contrôle de l’activité d’autrui semble parfois prévaloir, mais cette solution
n’est pas systématique et ne peut pas être généralisée (A). En outre, critiquable, cette solution nous semble devoir
être révisée de lege ferenda. Une condamnation in solidum des répondants serait en effet plus opportune (B).

A ‐ DE LEGE LATA : UN DROIT POSITIF INCERTAIN


Dans un arrêt du 18 mars 1981 édictant la règle du non‐cumul des différentes responsabilités du fait d’autrui (49) , la
responsabilité de l’employeur d’un mineur était en concours avec la responsabilité du père de ce dernier, auteur du
dommage. Dans cette affaire, un mineur salarié avait causé un accident. Bien que son employeur fût reconnu civilement
responsable du fait de son préposé, le père avait indemnisé spontanément la victime et s’était retourné ensuite contre
son assureur. Alors que les juges du fond avaient admis la responsabilité parentale en faisant valoir que la réunion des
conditions de la responsabilité du commettant ne suffit pas à écarter la responsabilité du père dont les conditions sont
également réunies, la Cour de cassation censura l’arrêt, au motif que « les différentes responsabilités du fait d’autrui
ne sont pas cumulatives mais alternatives ». Cette cassation de l’arrêt d’appel pourrait induire l’application prioritaire
de la responsabilité des commettants, prévue à l’alinéa 5 (50) . Néanmoins, cette solution relativement ancienne (51)
ne semble pas pouvoir être généralisée et ainsi permettre la résolution de tous les conflits de responsabilités du fait
d’autrui aux fondements distincts.

Certes, l’étude de la jurisprudence met en lumière des espèces dans lesquelles la responsabilité fondée sur le contrôle
de l’activité d’autrui, en vertu de l’alinéa 1er, est appliquée alors même que l’auteur du dommage est un enfant. Ainsi
en est‐il, par exemple, d’une espèce dans laquelle la responsabilité d’une association scoute avait été engagée à la
suite d’un dommage causé par un jeune au cours d’un match de rugby (52) . Tandis que la responsabilité des parents de
l’auteur du dommage aurait pu être envisagée, seule la responsabilité de l’association chargée d’organiser l’activité de
l’enfant est établie. Mais il ne peut pas être déduit de cette espèce que la jurisprudence confère, avec certitude et de
façon générale, la priorité à la responsabilité fondée sur le contrôle de l’activité d’autrui sur celle qui résulte du
contrôle du mode de vie d’autrui. La solution s’explique probablement davantage par le simple fait que le demandeur
s’est prévalu du seul premier alinéa : l’auteur du dommage n’ayant pas, en l’espèce, pu être identifié, la victime
n’avait, en réalité, pas d’autre choix que de rechercher la responsabilité de l’association scoute.

Surtout, il est également possible de relever des jurisprudences ne s’inscrivant pas dans l’exacte continuité de la
solution proposée par la Cour de cassation en 1981. Ainsi, tout en énonçant le caractère alternatif des cas de
responsabilité du fait d’autrui, la cour d’appel de Caen, dans un arrêt du 18 février 2003, a fait expressément prévaloir
la responsabilité des père et mère sur celle de l’association sportive pour la faute dommageable commise par un mineur
au cours d’un match de football (53) .

Il résulte finalement de l’étude du droit positif que la résolution du concours de responsabilités aux fondements
distincts est très incertaine et qu’il convient par conséquent de proposer une solution de nature à mieux assurer, de
lege ferenda, la sécurité juridique des justiciables.

B ‐ DE LEGE FERENDA : POUR UNE CONDAMNATION IN SOLIDUM DES RÉPONDANTS


En cas d’application alternative des cas de responsabilité du fait d’autrui, il est vrai que la primauté accordée à la
responsabilité fondée sur le contrôle de l’activité d’autrui, comme elle semble ressortir de l’arrêt de la Cour de
cassation de 1981, semble, au premier abord, attrayante. Elle paraît en effet conforme à une certaine présomption de
réalité (54) puisqu’il peut paraître plus probable que le dommage soit lié au déroulement de l’activité, plus circonscrite
dans le temps et dans l’espace, qu’au mode de vie de son auteur. Néanmoins, si la primauté de la responsabilité
résultant du contrôle de l’activité d’autrui devait être de droit positif, elle semblerait, en réalité, peu cohérente avec
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les solutions, aperçues précédemment (55) , qui sont adoptées en cas de concours des responsabilités fondées sur le
contrôle du mode de vie d’autrui. Le cas échéant, comment en effet justifier que l’établissement s’occupant
quotidiennement de l’enfant engage moins aisément sa responsabilité que l’association ne contrôlant l’activité du
mineur que quelques heures par semaine ? Cet état du droit positif serait peu admissible : lorsque l’enfant est confié à
temps plein par ses parents à un tiers, ce dernier ne répondrait pas des faits dommageables commis par l’enfant tandis
que, lorsque l’enfant est confié quelques heures seulement à un club sportif, seul ce dernier engagerait sa
responsabilité pour le fait fautif de l’enfant.

Indéniablement, l’adoption d’une règle générale du cumul des responsabilités du fait d’autrui serait plus opportune.
Plus protectrice des intérêts de la victime, la condamnation in solidum des répondants pour autrui gommerait en outre
ces hésitations et contradictions du droit positif.

Cette proposition n’a néanmoins pas été adoptée par la Chancellerie. Faisant a priori table rase de la responsabilité de
l’association sportive du fait de ses membres (C. civ., art. 1242, al. 1er) (56) , celle‐ci limite les cas de concours des
responsabilités du fait d’autrui. Il reste encore le concours de la responsabilité des père et mère avec celle des
commettants que le projet ne résout pas. Si l’appréhension conceptuelle de ces cas de responsabilité civile a été
précisée, des chevauchements restent toutefois envisageables et les enjeux pratiques attachés à ceux‐ci demeurent. En
effet, bien que la responsabilité parentale semble désormais liée à l’exercice de l’autorité parentale (57) et que le
commettant soit désormais défini comme « celui qui a le pouvoir de donner des ordres ou des instructions en relation
avec l’accomplissement des fonctions du préposé » (58) , il n’empêche que, dans certaines situations, il pourra être
difficile de discerner si le fait fautif du mineur paraît relever de l’exercice de ses fonctions professionnelles ou d’un
mauvais comportement qu’il appartient aux parents, exerçant l’autorité parentale, d’accompagner. Le flou des
frontières ne sera en outre pas dépourvu d’intérêt pratique si ces cas de responsabilité ne s’appliquent
qu’alternativement : la victime aura peut‐être intérêt à agir contre l’un ou l’autre des répondants du mineur, selon
l’état de leur solvabilité en particulier.

En conclusion, si la substitution aux différents cas de responsabilité civile du fait d’autrui d’un principe général unique
(59) limiterait l’intérêt du débat à la seule question de l’identification du répondant, il reste qu’aujourd’hui des
différences notables persistent entre ces responsabilités (60)

Mais, même si ces différences techniques étaient gommées, comme le projet de réforme tend à le faire (61) , la victime
peut avoir intérêt à exercer l’une ou l’autre des voies de droit proposées par l’article 1242 du Code civil, la solvabilité
des répondants pouvant varier. C’est pourquoi il semble impérieux d’établir clairement la règle du non‐cumul si tel est
vraiment l’état du droit positif et, le cas échéant, de procéder à un effort de conceptualisation des cas de
responsabilité civile du fait d’autrui. Or, à cet égard, le projet de réforme n’établit pas de règle générale de résolution
des concours d’actions. Outre le silence global affectant le thème, le texte ne s’intéresse qu’au concours des
responsabilités fondées sur le mode de vie d’autrui. Limitant par ailleurs les cas de responsabilité du fait d’autrui (62) et
faisant a priori disparaître la responsabilité des associations sportives du fait de leurs membres (63) , le projet restreint
en réalité les risques de concours des responsabilités du fait d’autrui. Toutefois, il persiste des situations dans lesquelles
un tel concours n’est pas expressément résolu. Ainsi en est‐il, notamment, du concours de la responsabilité des père et
mère (Avant‐projet de loi, art. 1246) avec celle du commettant de l’enfant (art. 1249), ou encore du concours de la
responsabilité du tuteur d’un majeur handicapé (art. 1247) avec celle de la personne qui, par contrat, assume, à son
égard et à titre professionnel, une mission de surveillance (art. 1248), telle qu’un institut accueillant des majeurs
handicapés. Peut‐être qu’à défaut de précision, leur cumul pourrait être envisagé et que, le cas échéant, les
répondants pourraient être solidairement condamnés, par application de l’article 1265 du projet de réforme (64) . Dans
ce cas, et au regard des incertitudes affectant aujourd’hui le droit positif, il est alors nécessaire de l’exprimer
clairement. L’exigence de prévisibilité du droit de la responsabilité civile, un des objectifs du projet de réforme (65) ,

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le requiert.

Néanmoins, même si une telle règle de non‐cumul était expressément établie, il n’est pas sûr que les frontières
séparant les cas de responsabilité soient suffisamment sûres pour que des chevauchements n’émergent aucunement. Le
projet de réforme a, certes, davantage précisé les spécificités de chacune des responsabilités civiles du fait d’autrui.
En particulier, la responsabilité parentale paraît liée à l’exercice de l’autorité parentale, la responsabilité du tiers
chargé du contrôle du mode de vie du mineur à une mission judiciaire ou administrative et la responsabilité du
commettant à l’exercice de fonctions. Mais, malgré cet effort de conceptualisation, il est des situations dans lesquelles
il pourra être difficile de discerner l’identité du répondant du fait d’autrui (66) .

Ainsi la consécration du cumul des responsabilités civiles du fait d’autrui nous paraît‐elle souhaitable. Elle remédierait
aux incertitudes et incohérences que la règle de l’application alternative des responsabilités civiles du fait d’autrui,
d’ailleurs dépourvue de véritable fondement théorique, peut produire. Plus favorable aux victimes et s’inscrivant
davantage dans les évolutions du droit de la responsabilité civile, l’application cumulative des alinéas de l’article 1242
du Code civil assurerait, par conséquent, aux protagonistes une meilleure sécurité juridique. La condamnation in
solidum ou solidaire des responsables, la solidarité paraissant avoir les faveurs de la Chancellerie (67) , le permettrait
indéniablement. Ce n’est donc qu’au stade de la contribution à la dette que la répartition de celle‐ci entre les
répondants devrait être envisagée. Tous condamnés sur le fondement d’une responsabilité objective, les coobligés
pourraient voir la dette finale répartie par parts viriles. Plus équitable, la contribution à la dette pourrait encore se
résoudre par parts viriles seulement à titre subsidiaire, lorsque les coobligés ne sont pas parvenus à prouver la faute de
ceux avec lesquels ils sont tenus responsables (68) .

(1) J. Carbonnier, RTD civ. 1961, p. 333, obs. sous Cass. 2e civ., 19 juill. 1960.

(2) Le simple fait causal de l’enfant suffisant à engager la responsabilité de ses parents. V. Cass. 2e civ., 10 mai 2001, no 99‐
11.287, Bull. civ. II, no 96, D. 2001, p. 2851, note O. Tournafond, JCP G 2001, II, 10613, note J. Mouly, RTD civ. 2001, p. 601,
obs. P. Jourdain.

(3) Cass. 2e civ., 18 mars 1981, no 79‐14.036, Bull. civ. II, no 69, D. 1981, I.R., p. 319, obs. C. Larroumet, Gaz. Pal. 1981, 2,
pan., p. 238, obs. F. Chabas, RTD civ. 1981, p. 855, obs. G. Durry ; Cass. crim., 2 oct. 1985, no 84‐92.443, Bull. crim., no
294.

(4) Cass. ass. plén., 29 mars 1991, no 89‐15.231, Bull. civ. ass. plén. no 1, D. 1991, jur., p. 324, note C. Larroumet, JCP G
1991, II, 21673, note J. Ghestin, Gaz. Pal. 1992, 2, p. 513, note F. Chabas, RTD civ. 1991, p. 312, obs. J. Hauser, RTD civ.
1991, p. 541, obs. P. Jourdain, D. 1991, chr., p. 157, note G. Viney.

(5) Dans ces jurisprudences, la responsabilité des père et mère était en concours avec la responsabilité du commettant, d’une
part, et de l’artisan, d’autre part. La responsabilité parentale avait été écartée au profit de celle des commettants et
artisans, et certains auteurs justifiaient la solution au regard du fondement de la responsabilité des père et mère (v.
spécialement F. Chabas, note précitée sous Cass. 2e civ., 18 mars 1981, no 79‐14.036). À moins de prouver une faute
d’éducation, il ne pouvait être reproché aux parents un défaut de surveillance, le mineur étant, lors de la commission du
fait dommageable, sous la surveillance du commettant ou de l’artisan. C’est pourquoi l’objectivisation de la
responsabilité des père et mère, à la suite de l’arrêt « Bertrand » (Cass. 2e civ., 19 févr. 1997, no 94‐21.111, Bull. civ. II,
no 56, D. 1997, jur., p. 265, note P. Jourdain, JCP G 1997, II, 22848, note R. Kessous et G. Viney, Gaz. Pal. 1997, 2, p. 572,
note F. Chabas), pourrait rendre ces deux jurisprudences dépassées.

(6) (V. spécialement M. Bacache‐Gibeili, Les obligations, La responsabilité civile extracontractuelle, Economica, 3e éd., 2016,

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nos 3 et s.

(7) En ce sens, v. P. Brun, Responsabilité civile extracontractuelle, LexisNexis, 4e éd., 2016, no 491 ; L. Clerc‐Renaud, Les
concours de responsabilités civiles délictuelles, Resp. civ. et assur. 2012, dossier 9, nos 12 à 14 ; F. Leduc, Les rapports
entre les différentes responsabilités du fait d’autrui, Resp. civ. et assur. 2000, hors‐série, p. 18 ; P. le Tourneau (dir.), Droit
de la responsabilité et des contrats, Régimes d’indemnisation, Dalloz Action, 10e éd., 2014/2015, no 7318 ; G. Viney, P.
Jourdain et S. Carval, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 4e éd., 2013, nos 789‐28 et 789‐29.

(8) V. par exemple Cass. 2e civ., 9 juin 1993, no 91‐21.650, Bull. civ. II, no 204, JCP G 1994, II, 22264, note F. Roussel.

(9) P. Malaurie, L. Aynès et P. Stoffel‐Munck, Les obligations, LGDJ, 8e éd., 2016, no 1006.

(10) V. par exemple Cass. 2e civ., 11 sept. 2014, no 13‐16.897, Bull. civ. II, no 185, D. 2015, p. 124, obs. P. Brun, JCP G 2014,
1074, note G. Deharo.

(11) Lorsque le préposé a agi en dehors des limites de sa mission et ne bénéficie pas, de ce fait, de l’immunité civile, v. Cass.

ass. pén., 25 févr. 2000, no 97‐20.152, Bull. civ. ass. plén., no 2, JCP G 2000, II, 10295, note M. Billiau et R. Kessous.

(12) C. civ., art. 1242, al. 4.

(13) P. Brun, Responsabilité civile extracontractuelle, précité, no 491.

(14) En particulier à la suite de la jurisprudence « Blieck » (v. supra) et des arrêts postérieurs empruntant la même voie.

(15) Avant‐projet de loi portant réforme de la responsabilité civile, 29 avr. 2016.

(16) Triptyque emprunté à F. Collart Dutilleul et P. Delebecque, in Contrats civils et commerciaux, Dalloz, 10e éd., 2015, nos

319‐321.

(17) Pendant longtemps, l’action en garantie des vices cachés était enfermée dans « un bref délai ». Depuis l’ordonnance no

2005‐136 du 17 février 2005 (JO 18 févr.), le délai est de deux ans à compter de la découverte du vice (C. civ., art. 1648).
Quant à l’action en responsabilité civile en cas de nonconformité (C. civ., art. 1611), son délai de prescription, autrefois
trentenaire, est désormais de cinq ans, à la suite de la réforme du 17 juin 2008 relative à la prescription en matière civile
(L. 2008‐561, 17 juin 2008, JO 18 juin).

(18) V. spécialement F. Collart Dutilleul et P. Delebecque, Contrats civils et commerciaux, précité, no 321.

(19) Ibid., no 316, les deux auteurs recourant à cette expression.

(20) V. A. Bénabent, Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, LGDJ, 11e éd., 2015, nos 184 et 239 ; F. Collart Dutilleul

et P. Delebecque, Contrats civils et commerciaux, précité, nos 320 et 331 ; P. Malaurie, L. Aynès et P.‐Y. Gautier, Les
contrats spéciaux, LGDJ, 8e éd., 2016, no 285 ; P. Puig, Contrats spéciaux, Dalloz, 6e éd., 2015, no 461.

(21) Pour cette distinction, v. par exemple G. Viney, P. Jourdain et S. Carval, Traité de droit civil, Les conditions de la
responsabilité, précité, nos 788‐10 et 788‐11.

(22) A la suite de la jurisprudence « Blieck », v. supra.

(23) Cass. 2e civ., 22 mai 1995, no 92‐21.871, Bull. civ. II, no 155, JCP G 1995, II, 22550, note C. Mouly, RTD civ. 1995, p. 899,
obs. P. Jourdain.
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(24) À ce stade, il convient de rappeler que la responsabilité des instituteurs du fait de leurs élèves ne constitue plus, à
proprement parler, un cas de responsabilité civile, la responsabilité de l’Etat se substituant à celle des instituteurs (v. G.
Viney, P. Jourdain et S. Carval, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, nos 897 et s.), et que la
responsabilité des artisans du fait de leurs apprentis semble aujourd’hui désuète (v. P. Brun, Responsabilité civile
extracontractuelle, précité, no 473 ; G. Viney, P. Jourdain et S. Carval, Traité de droit civil, Les conditions de la
responsabilité, précité, no 893).

(25) Dans la continuité de la jurisprudence « Blieck ».

(26) On relèvera que la Chancellerie, dans son projet de réforme de la responsabilité civile, propose de mettre un terme à
cette jurisprudence puisqu’elle prévoit, en son article 1245, que la responsabilité du fait d’autrui « suppose la preuve d’un
fait de nature à engager la responsabilité de l’auteur direct du dommage ».

(27) Cass. 2e civ., 10 mai 2001, no 99‐11.287, précité.

(28) (Cass. ass. plén., 29 juin 2007, no 06‐18.141, Bull. civ. ass. plén., no 7, D. 2007, p. 2408, note J. François, JCP G 2007, II,
10150, note J.‐M. Marmayou, RTD civ. 2007, p. 782, obs. P. Jourdain. Néanmoins, cette jurisprudence concernait un cas de
responsabilité fondée sur le contrôle de l’activité d’autrui et il n’est pas certain qu’elle puisse être étendue aux cas de
responsabilité fondée sur le contrôle du mode de vie d’autrui. La Cour de cassation ne s’est pas encore prononcée sur
cette question.

(29) Cass. crim., 18 mai 2004, no 03‐83.616, Bull. crim., no 123, RTD civ. 2005, p. 140, obs. P. Jourdain ; Cass. crim., 8 févr.

2005, no 03‐87.447, Bull. crim., no 131, JCP G 2005, II, 10049, note M.‐F. Steinlé‐Feuerbach.

(30) Cass. 2e civ., 6 juin 2002, no 00‐15.606, Bull. civ. II, no 120, RTD civ. 2002, p. 825, obs. P. Jourdain.

(31) V. P. Jourdain, Existe‐t‐il un principe général de responsabilité du fait d’autrui ?, Resp. civ. et assur. 2000, hors‐série, p. 5.

(32) V. spécialement M. Bacache‐Gibeili, Les obligations, La responsabilité civile extracontractuelle, précité, no 350.

(33) Ainsi, lorsque l’auteur du dommage est majeur, la Cour de cassation ne semble pas exiger une telle garde juridique.
N’ayant plus ici à faire primer la responsabilité des père et mère, elle admet un transfert simplement contractuel de la
garde, v. Cass. 2e civ., 25 févr. 1998, no 95‐20.419, Bull. civ. II no 62, RTD civ. 1998, p. 388, obs. P. Jourdain. Un arrêt plus
récent, mais maladroitement rédigé et à la portée incertaine, laisse néanmoins planer un doute quant au maintien de
cette jurisprudence, v. Cass. 1re civ., 15 déc. 2011, no 10‐25.740, Bull. civ. I, no 220, JCP G 2012, 205, note D. Bakouche,
JCP G 2012, 530, obs. P. Stoffel‐Munck, RTD civ. 2012, p. 321, obs. P. Jourdain.

(34) V. M. Fabre‐Magnan, Droit des obligations, 2 ‐ Responsabilité civile et quasi‐contrats, PUF, 3e éd., 2013, p. 409.

(35) V. G. Viney, P. Jourdain, S. Carval, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, précité, no 876.

(36) V. P. Catala (dir.), Avant‐projet de réforme du droit des obligations (Articles 1101 à 1386 du Code civil) et de la
prescription (Articles 2234 à 2281 du Code civil), 22 sept. 2005, Doc. fr., art. 1356.

(37) Avant‐projet de loi Chancellerie, précité, art. 1246.

(38) V. F. Terré (dir.), Pour une réforme du droit de la responsabilité civile, Dalloz, 2011, art. 14.

(39) En son article 1246, l’avant‐projet de loi supprime la condition de cohabitation et prévoit que les parents « sont

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responsables de plein droit du fait du mineur (...) en tant qu’ils exercent l’autorité parentale ».

(40) (À l’article 1246 de l’avant‐projet de loi, les critères de la garde sont rigoureusement établis. Il est en effet clairement
précisé qu’est responsable de plein droit du fait du mineur « la personne physique ou morale chargée par décision
judiciaire ou administrative, d’organiser et contrôler à titre permanent le mode de vie du mineur ».

(41) Cass. 2e civ., 22 mai 1995, no 92‐21.871, précité.

(42) V. par exemple Cass. 2e civ., 26 oct. 2000, no 98‐19.387, Bull. civ. II, no 145 ; CA Paris, 9 déc. 2002, JurisData no 2002‐

196786 ; Cass. 2e civ., 8 avr. 2004, no 03‐11.653, Bull. civ. II, no 194, D. 2004, p. 2601, note Y.‐M. Serinet, RTD civ. 2004, p.
517, obs. P. Jourdain. Sur cette question, v. J.‐P. Vial, Responsabilité des groupements sportifs amateurs du fait de leurs
membres. Plaidoyer pour un retour à l’article 1384, alinéa 5, du Code civil, D. 2011, p. 397.

(43) V. H. Roland et L. Boyer, Adages du droit français, Litec, 4e éd., 1999, p. 843, no 418 ; A. Siri, Des adages Lex posterior

derogat priori & Specialia generalibus derogant. Contribution à l’étude des modes de résolution des conflits de normes en
droit français, RRJ 2009, p. 1781.

(44) V. supra.

(45) Cass. ass. plén., 19 mai 1988, no 87‐82.654, Bull. civ. ass. plén., no 5, D. 1988, jur., p. 513, note C. Larroumet, RTD civ.

1989, p. 89, obs. P. Jourdain.

(46) V. spéc. P. Brun, Responsabilité civile extracontractuelle, précité, no 464.

(47) Cass. ass. pén., 25 févr. 2000, no 97‐20.152, précité.

(48) Cass. 2e civ., 28 mai 2009, no 08‐13.310, Bull. civ. II, no 128, D. 2009, p. 2667, note N. Pierre. La responsabilité du

commettant était ici engagée sur le fondement de la loi no 85‐677 du 5 juillet 1985 (JO 6 juill.).

(49) Cass. 2e civ., 18 mars 1981, no 79‐14.036, précité. On notera que, dans le passé, la Cour de cassation a également eu

l’occasion de faire prévaloir la responsabilité des artisans sur celle des parents, v. Cass. crim., 2 oct. 1985, no 84‐92.443,
précité, l’application de celle‐ci étant envisagée que lorsque les conditions de la première font défaut, v. Cass. crim., 13
juin 1991, no 90‐84.242, inédit.

(50) V. spécialement F. Chabas, note précitée sous Cass. 2e civ., 18 mars 1981, no 79‐14.036 : « L’intérêt de cette décision est

de préciser sans ambiguïté que la responsabilité du commettant du fait d’un préposé mineur (art. 1384, al. 5) exclut
nécessairement celle des père et mère (art. 1384, al. 4) » ; F. Leduc, Les rapports entre les différentes responsabilités du
fait d’autrui, précité, no 7.

(51) Sur le caractère probablement dépassé de la solution, v. supra.

(52) CA Paris, 9 juin 2000, JurisData no 2000‐12119, Resp. civ. et assur. 2001, comm. no 74, obs. L. Grymbaum.

(53) CA Caen, 18 février 2003, JurisData no 2003‐204618.

(54) V. F. Leduc, Les rapports entre les différentes responsabilités du fait d’autrui, précité, no 8.

(55) V. supra.

(56) V. J.‐S. Borghetti, L’avant‐projet de réforme de la responsabilité civile. Commentaire des principales dispositions, D.

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2016, p. 1442, no 28.

(57) V. supra.

(58) (Avant‐projet de loi, art. 1249, al. 1er.

(59) C. Radé, Faut‐il reconnaître l’existence d’un principe général de responsabilité du fait d’autrui ?, in Études offertes à
Hubert Groutel. Responsabilité civile et assurances, LexisNexis, 2006, p. 375.

(60) Par exemple, alors que le simple fait causal du mineur suffit à engager la responsabilité de ses parents, la responsabilité
des commettants requiert la preuve d’un fait fautif du préposé. V. supra.

(61) V. Avant‐projet de loi, art. 1245, al. 2, qui conditionne l’engagement de la responsabilité parentale, à l’image des autres
cas de responsabilité civile du fait d’autrui, à la preuve d’un fait fautif commis par l’enfant. V. supra.

(62) V. J.‐S. Borghetti, L’avant‐projet de réforme de la responsabilité civile. Commentaire des principales dispositions, précité,

no 23.

(63) V. supra.

(64) Celui‐ci dispose en effet que « lorsque plusieurs personnes sont responsables d’un même dommage, elles sont
solidairement tenues à réparation envers la victime ».

(65) V. J.‐S. Borghetti, L’avant‐projet de réforme de la responsabilité civile. Vue d’ensemble de l’avant‐projet, D. 2016, p.

1386, nos 11 et s.

(66) V. supra.

(67) V. Avant‐projet de loi, art. 1265. Il s’agit là de la suite logique de l’ordonnance no 2016‐131 du 10 février 2016 (JO 11

févr.) portant réforme du droit des contrats, du régime de l’obligation et de la preuve des obligations qui n’a pas consacré
la notion jurisprudentielle d’obligation in solidum (C. civ., art. 1309 et s.).

(68) Mais il s’agit là d’un autre débat...

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