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COURS DE DROIT DES OBLIGATIONS 1

Pr Papa Banga GUISSE

Introduction au droit des obligations

1. Notion d’obligation :

L’obligation est définie par l’article 1er du COCC comme suit : « L'obligation lie un débiteur à son
créancier en donnant à celui-ci le droit d'exiger une prestation ou une abstention. »

L’obligation désigne le lien de droit qui unit le débiteur à son créancier. Ainsi considérée,
l’obligation exprime deux idées : d’une part celle de la dette dont est tenu le débiteur et, d’autre part,
celle de créance dont bénéficie le créancier, et qui peut en exiger l’exécution au débiteur.

L’obligation crée donc un lien de droit entre deux ou plusieurs personnes. Elle a un caractère
personnel ; c’est ce qui explique que le droit du créancier envers son débiteur soit appelé droit
personnel ou droit de créance : vocable qui désigne le lien de droit existant entre deux personnes, et
en vertu duquel l’une « [le créancier] est en droit d’exiger quelque chose de l’autre [le débiteur]1 ».

Pour rappel, le droit de créance (ou droit personnel) se distingue du droit réel, qui octroie à une
personne un droit, opposable à tous, qui s’exerce directement sur la chose sans passer par
l’intermédiaire d’une personne. Il en est ainsi du droit de propriété, de la servitude, de l’usufruit, de
l’hypothèque et autres que vous verrez en droit des biens.

Mais l’obligation n’est pas toujours entendue dans ce sens. Dans son acception courante, il y a
obligation chaque fois qu’une personne est tenue de se conformer à une prescription de quelque
nature que ce soit. Si les automobilistes sont tenus de tenir leur droite en vertu du Code de la route,
l’obligation n’est pas entendue dans son sens juridique, en tant que lien de droit devant unir deux
personnes. Il faut y ajouter une autre différence : l’obligation, vue sous un angle juridique, a un
caractère patrimonial, en ce sens qu’elle peut être appréciée en argent, et constitue alors un élément
du patrimoine.

C’est la raison pour laquelle les obligations sont classées dans la catégorie des droits patrimoniaux
(par opposition aux droits extrapatrimoniaux) au rang desquels figurent par exemple les droits de la

1 Marius TCHENDJOU, Droit des Obligations, Ed. Vuibert


1
personnalité1 tels que le droit à la vie, à l’honneur, au respect de la vie privée (Voir votre Cours du
droit de la famille et des personnes).

L’on peut enfin observer que l’obligation est en principe sanctionnée par la loi, car elle est un
« devoir assorti de contrainte ». L’obligation est donc « un devoir juridique imposé par la loi ». Elle
a un caractère contraignant pour celui à qui elle s’impose, et qui est tenu de l’exécuter, sous peine
de sanctions civiles. En cela, l’obligation civile confère au créancier le droit d’exiger de son débiteur
qu’il exécute ce à quoi il s’est engagé, au besoin en recourant à la force publique (entendue ici
comme les mesures d’exécution forcée) pour l’y contraindre.

Au contraire, l’obligation naturelle est un simple devoir moral, ou de conscience, qui conduit un
individu à fournir une prestation, sans qu’il y soit tenu. À la différence des obligations civiles,
l’obligation naturelle ne confère à son créancier aucun moyen de contrainte : il ne peut ni exiger de
son débiteur son exécution ni lui en demander une garantie. Toutefois, si elle a volontairement fait
l’objet d’un début d’exécution, il est trop tard pour que le débiteur puisse y renoncer. L’obligation
naturelle se « nove », c’est-à-dire se transforme en obligation civile et peut dès lors faire l’objet
d’une exécution forcée. Il en est de même lorsque le débiteur s’est engagé à l’exécuter. Selon la
Cour de cassation française, une obligation naturelle ne peut naître lors d’une audition de police. Il
faut approuver cette solution, car pareil engagement ne semble pas, a priori, commandé par un
devoir de conscience et d’honneur, mais plutôt par des circonstances d’ordre public, par « la pression
des événements ».

Dans les deux cas, le débiteur ne peut plus revenir sur ses engagements et, par exemple, agir en
répétition au motif que la prestation fournie était indue. Cette solution a été dans un premier temps
justifiée par le recours à la novation, l’obligation naturelle, ainsi que nous l’avons précédemment
exposé, était censée se « nover » en obligation civile. Mais elle a été critiquée, notamment car dans
cette optique, il aurait fallu que l’obligation initiale soit éteinte, pour laisser place à une nouvelle
obligation. Cela explique qu’actuellement, la jurisprudence préfère fonder ses décisions sur un
engagement unilatéral de volonté du débiteur. En conséquence, le créancier n’est pas tenu de
prouver l’existence d’un engagement volontaire, exprès ou tacite du débiteur d’exécuter l’obligation
naturelle. Les illustrations des obligations naturelles sont nombreuses ; par exemple, une personne
qui paye une dette prescrite, ou qui s’engage à apporter une aide à son épouse divorcée ou à son
ancienne concubine, ou encore à subvenir aux besoins de son fils présumé pendant toute la durée de
ses études. Il en est également ainsi lorsqu’un frère s’engage à apporter aide et assistance à sa sœur

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ou à partager avec elle un bien qui lui a été légué ; ou lorsqu’un individu s’engage à héberger
gratuitement des membres de sa belle-famille.

2. Classifications des obligations

L’obligation constitue une catégorie générique qui peut être subdivisée en trois sortes selon
son objet : donner, faire ou ne pas faire (art. 3 COCC).

L’obligation de donner est celle qui vise à transférer un droit réel ou personnel
principalement au moyen de la délivrance (art. 4 COCC).

L’obligation de faire nécessite l’accomplissement d’un fait positif (une action), tandis que
l’obligation de ne pas faire exige une abstention (art. 6 COCC).

Suivant la finalité de l’obligation, nous distinguons celles relatives au résultat et celles se


rapportant aux moyens (art.7 COCC). L’obligation de résultat entraine la production de la
satisfaction promise et l’obligation de moyens « qui est de faire au mieux par les soins d’une
diligence appropriée »2.

Enfin, la prestation, plus singulièrement son objet permet de voir l’obligation monétaire en
opposition à l’obligation en nature (art. 8 COCC). L’obligation monétaire porte sur une somme
d’argent et justifie ainsi sa nature spécifique par rapport aux autres choses juridiques pouvant servir
à l’exécution de la prestation due.

Aujourd’hui, l’évolution de l’activité sociale révèle de nouvelles obligations répondant aux


contraintes du commerce juridique ou de la prise en compte de la dignité humaine. Nous pouvons
citer l’obligation de valeur (en argent ou en nature), l’obligation de sécurité et l’obligation naturelle.

3. Preuve des obligations

Le droit commun de la preuve en matière d’obligations est régi par un certain nombre de principes
classiques. Il en est ainsi de l’identification de la partie qui doit prouver, de la validité de certaines
conventions sur la preuve ou encore de la liberté de la preuve des faits juridiques. Pour articuler ces
quelques principes aux diverses situations juridiques à établir, le législateur a opté pour une
présentation de la charge de la preuve avant d’aborder les divers modes de preuve.

2
D. MARTIN, « Diverses espèces d’obligations », in Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription (sous
dir. P. CATALA), Paris, La documentation française, 2006, p. 50.
3
La charge de la preuve est attribuée à l’une ou l’autre des parties sous la forme de deux
maximes (art. 9 COCC) :

 Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit en prouver l’existence.


 Celui qui se prétend libéré doit prouver que l’obligation est inexistante ou éteinte.
La preuve du contrat porte sur son existence formelle et/ou matérielle, son contenu et
éventuellement sur le caractère partiel ou total de son inexécution. La date du contrat peut également
être prouvée pour situer l’exigibilité de la prestation querellée ou son opposabilité aux tiers.

Les modes de preuve doivent être appréciés à l’aune de la distinction entre les actes
juridiques et les faits juridiques. Les faits juridiques sont gouvernés par le principe de la liberté de
la preuve. Par contre, les actes juridiques pour être prouvés doivent obéir aux conditions posées par
la loi. D’un point de vue procédural, la preuve doit être obtenue de manière légitime et correspondre
à celle prévue par la loi pour la situation juridique en cause. D’un point de vue substantiel, la loi
opère une différenciation entre les preuves parfaites et les autres moyens de preuve pouvant
compléter les premières, le cas échéant les suppléer. Ainsi, aux termes de l’art. 12 COCC, les
moyens de preuve admis sont :

 L’écrit,
 Le témoignage,
 La présomption du fait de l’homme,
 L’aveu judiciaire,
 Le serment.
Cependant, il existe une hiérarchie entre les moyens de preuve. De manière explicite, la loi
impose la préconstituion de preuve par écrit pour tout engagement juridique dont la valeur excède
20.000 FCFA (art. 14 COCC). C’est admettre que la preuve par excellence des actes juridiques est
l’écrit et que les autres moyens de preuve peuvent venir en appoint. Toutefois, de manière implicite
la liberté de preuve reste le principe pour les actes n’atteignant pas la valeur minimale indiquée (art.
15 COCC). Ainsi, pour prouver un acte juridique, il faut produire un écrit sous la forme souhaitée
par le législateur.

Une lecture combinée des art. 17 et 19 COCC laisse voir que l’écrit recouvre deux formes :
l’acte authentique et l’acte sous seings privés. L’acte authentique est « celui qui a été reçu par un
officier public compétent instrumentant dans les formes requises par la loi » (art. 17 COCC).

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La force probante spécifique attachée aux actes authentiques s’étend seulement aux
énonciations vérifiées par l’officier public instrumentant, les autres énonciations émanant des parties
souffrent de la preuve contraire. La force probante des mentions personnelles à l’officier public peut
être contestée par la procédure de l’inscription de faux.

L’acte sous seings privés est « valable lorsqu’il est signé par les parties » (art. 19 COCC). Il
doit exister en autant d’exemplaires que de parties ayant un intérêt distinct. Cette règle est
communément appelée « la formalité du double » ou la « formalité du bon pour » si une seule partie
s’engage (signature électronique).

La force probante des actes sous seings privés (art. 23 COCC) ne vaut que jusqu’à
l’administration d’une preuve contraire. La preuve contraire doit respecter la même forme afin de
prouver contre et outre l’acte contesté.

Pour diverses circonstances pouvant mettre l’une des parties dans l’impossibilité de fournir
un écrit tel que l’exige l’art. 14 COCC, la loi a prévu des palliatifs. En présence d’un commencement
de preuve par écrit (tout écrit qui rend vraisemblable le fait allégué et qui émane de celui auquel on
l’oppose, de son auteur ou de son représentant, art. 16 al. 2 COCC), la loi autorise sa perfection à
l’aide de témoignages ou de présomptions du fait de l’homme. Autrement, il est des hypothèses où
la production d’une preuve par écrit est matériellement ou moralement impossible (proche parent,
perte par suite d’un cas fortuit ou d’une force majeure), dans ces conditions, la loi prévoit de recourir
aux témoignages, aux présomptions, à l’aveu judiciaire ou encore au serment. Les témoignages et
présomptions sont laissés à la discrétion du juge, tandis que l’aveu constitue une preuve souveraine
et le serment est régi par la convention des parties devant le juge.

Concernant les conventions sur la preuve, le législateur donne la liberté aux parties de choisir
un moyen précis de preuve quant à leur opération juridique. Cependant, les conventions portant sur
la modification de la charge de la preuve sont prohibées (art. 38 COCC).

4. Sources.

Au Sénégal, il s’agit, à titre principal, de la loi n°63-62 du 10 juillet 1963 entrée en vigueur le 1er
janvier 1967. Ce texte s’applique indifféremment aux diverses obligations civiles et commerciales
constitue le droit commun des obligations de nature commerciale.

L’appartenance du Sénégal à des espaces juridiques régionaux ou internationaux est à l’origine de


quelques mouvements de modernisation ou d’intégration du régime général des obligations. A ce
propos, les divers textes communautaires sur les échanges économiques complètent le dispositif.
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Cependant, des projets plus ciblés tel que l’Avant-projet d’Acte uniforme sur le droit des contrats
reste un indicateur pertinent d’harmonisation des traditions juridiques espagnole, portugaise, belge,
anglo-saxonne et française. Le projet de réforme avait choisi d’exclure la novation, la délégation,
les obligations indivisibles et le paiement avec subrogation. Ainsi, le choix des principes
UNIDROIT (version 2004) visait l’élaboration d’un régime général des obligations commun à
l’espace OHADA. A un autre niveau, les travaux des Nations-Unies sur les échanges à caractère
commercial pourraient à terme influer sur le contenu du régime général des obligations. Un premier
pas a été franchi avec la Convention des Nations-Unies sur les contrats de vente internationale de
marchandises (Vienne, 1980) mais d’autres pourraient suivre.

Dans un autre ordre d’idées, la loi 2008-08 du 25 janvier 2008 sur les transactions électroniques
apporte des adaptations du droit commun à l’environnement numérique. Ceci ne remet pas en cause,
pour l’instant, la philosophie d’encadrement des obligations.

Avec la prolifération de textes particuliers et épars les règles du droit des obligations ont alors perdu
beaucoup de leur cohérence. Nous en citerons deux : un embryon de droit de la consommation
protecteur du consommateur et la règlementation en matière de responsabilité des auteurs d’accident
de la circulation et des transporteurs en général.

Mais malgré cette complexité, les obligations doivent pour autant être ordonnées autour de la
question suivante : pourquoi le débiteur se trouve-t-il lié au créancier ?

Pour y répondre on dira :

- ou bien parce qu’il l’a voulu par contrat ou plus rarement par acte unilatéral de volonté; dans
ce cas il est mis en avant le privilège et la dignité de l’homme de pouvoir s’engager librement
envers autrui :
- ou bien parce que la loi l’a voulu à la suite d’un fait, d’un dommage causé ou d’un avantage
reçu ce qui renvoie à la responsabilité civile et aux quasi-contrats.

Cette division a, en outre, l’avantage de refléter la distinction entre l’acte juridique


(manifestation de volonté destinée à produire des effets juridiques) et le fait juridique (événement
auquel la loi attache des conséquences juridiques : quasi-contrat et responsabilité).

La distinction repose donc sur la création de l’obligation, selon que la personne s’oblige ou
qu’elle soit obligée.

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Il faut simplement avoir à l’esprit que l’obligation, même si elle est engendrée par la volonté
individuelle, doit évidemment être conforme à la loi. De plus, les obligations partagent le même
régime juridique.

Toutefois pour des raisons pratiques :

- le contrat et le quasi-contrat seront abordés au cours du premier semestre,


- la responsabilité civile et le régime général des obligations, au second semestre

Titre I : le contrat

Un contrat est gouverné, outre ses propres clauses, par deux grandes catégories de règles :
celles qui s’appliquent uniformément à tous les contrats (le droit commun), et celles qui régissent
spécialement un contrat déterminé (le contrat de vente par exemple) ou un contractant (le droit de
la consommation notamment).

Ce qui sera étudié ici c’est le contrat en général et non telle ou telle convention particulière
(contrats spéciaux), autrement dit, le cadre dans lequel sera forcément construit tout contrat. Aux
termes de l’article 40, al. 2 : « Les règles du droit des obligations relatives à la conclusion, aux effets
et à l'extinction des contrats sont applicables, sauf dispositions contraires, à tous les contrats,
conventions et actes juridiques. »

Ainsi l’étude portera sur :

- la notion de contrat ;
- la formation du contrat
- les effets du contrat

Chapitre 1 : La notion de contrat

Le contrat est à définir, à expliquer dans son évolution et à ordonner dans des classifications.

Section 1 : La définition du contrat

Par rapport à l’obligation, en général, le contrat est la pièce essentielle. En effet dans beaucoup de
législations, le contrat est érigé en principale source d’obligations.

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Comme l’obligation, le contrat est donc un lien, mais un lien que l’on a voulu créer et auquel on a
désiré faire produire des effets juridiques. A ce titre, le contrat le prototype de l’acte juridique, bien
qu’il en existe d’autres comme l’acte juridique unilatéral, l’acte juridique collectif et le contrat
judiciaire.

§ I : Les autres actes juridiques

L’acte unilatéral suppose qu’une volonté individuelle puisse engendrer des conséquences
juridiques : testament, renonciation à un droit, promesse de récompense, reconnaissance d’enfant
naturel, exemples auxquels on peut ajouter la possibilité de créer une société unipersonnelle ou une
fondation.

Somme toute assez rares, les actes juridiques unilatéraux obéissent pour l’essentiel au régime du
contrat, sauf évidemment les règles qui supposent les deux parties.

Certes, la volonté unilatérale peut être une source d’obligation. Mais il n’est pas question qu’une
personne décide d’elle-même qu’une personne lui devra une prestation. Tout au plus peut-on, par la
volonté unilatérale, se constituer débiteur (offre de contrat par exemple) mais dans ce cas, encore
faut-il que l’offre soit connue et acceptée au moins tacitement ou qu’à la rigueur, l’engagement ait
fait naître l’espérance légitime qu’il soit exécuté. De même, il nécessite que soit désignée la
personne envers qui l’on s’engage.

Malgré tout, la théorie de l’acte juridique unilatéral garde une certaine vigueur en jurisprudence,
puisqu’il a été constaté qu’une obligation naturelle pouvait se transformer en obligation civile,
précisément par l’effet d’un engagement unilatéral.

- L’acte juridique collectif occupe également une place à part car, au-delà de ses signataires,
il lie tous les membres d’un groupe, exemples : conventions collectives de travail, règlement
de copropriété. De l’acte juridique collectif, il faut aussi distinguer le contrat conjonctif où
plusieurs personnes ne forment qu’une partie : co-acquéreurs, co-assureurs ou encore
plusieurs personnes chargeant l’une d’entre elles de participer à un jeu. La pluralité des
participants ne change la nature contractuelle de l’acte.
- Il faut enfin mettre à part le contrat judiciaire, engagement des parties constaté par le juge et
mettant fin à un litige.

§ II : Le contrat, le prototype de l’acte juridique

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Le contrat est défini par l’article 40 al.1 du COCC comme « un accord de volontés générateur
d’obligations » entre deux ou plusieurs personnes.

Il est donc une convention particulière génératrice d’obligations. En effet, le mot « convention » a
un sens légèrement plus large que celui de contrat. Selon Aubry et Rau « la convention est un accord
ayant pour but de modifier une situation juridique : créer, éteindre ou modifier un droit. Mais à noter
que le législateur utilise souvent indistinctement contrat et convention.

Le contrat suppose surtout l’engagement d’une personne envers une autre, d’un débiteur envers un
créancier, c-a-d deux personnes dont les intérêts sont généralement concurrents.

Le contrat est normalement l’œuvre des parties sans ingérence extérieure. Son objet peut être le plus
vaste possible.

Comme pour l’obligation en général, il consistera en une prestation :

- donner, c-a-d ici transférer la propriété et non consentir une donation ;


- faire, c-a-d accomplir une prestation positive (construire, réparer, par exemple) ;
- ou même ne pas faire : s’obliger à une abstention (obligation de non concurrence, par
exemple.

Une précision, tout de même, l’objet de l’obligation ne peut être que juridique et plus précisément
patrimonial.

Le contrat est donc un accord de volonté destiné à produire des effets de droit. Cette définition
montre que cet instrument qu’est le contrat, permet de réaliser toute chose, avec pour seules limites
sa licéité et l’imagination des partenaires en cause.

Ainsi, selon l’article 42 du COCC : « Libres de contracter ou de ne pas contracter, d’adopter toute
espèce de clauses, de modalités, les parties ne peuvent cependant porter atteinte par conventions
particulières à l’ordre public et aux bonnes mœurs. ».

Section 2 : l’évolution du contrat

Par principe et à l’origine, le contrat est entre les mains des parties : c’est le principe de l’autonomie
de la volonté.

Ce principe a tout de même subi de sérieuses atteintes par d’incessantes interventions du législateur
pour encadrer certains contrats : c’est l’ordre public contractuel.
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Pour autant, la vigueur du contrat est restée intacte.

§ I Le principe de l’autonomie de la volonté

Il signifie que la volonté crée sa propre obligation. Dans cette conception on pourrait même dire que
l’obligation n’est légitime que si elle est fondée sur la volonté. Mais ceci ne fut pas toujours le cas
notamment en droit romain fortement attaché au formalisme.

Le principe de l’autonomie de la volonté plonge ses racines dans la philosophie individualiste du


18e siècle. La volonté toute puissante de l’individu doit l’emporter sur celle du groupe. Le contrat
est donc forgé par les parties et non par le législateur.

Le principe de l’autonomie de la volonté transparait dans plusieurs articles du COCC :

- Article 39 : « les obligations naissent des contrats légalement formés » ;


- Article 41 : « aucune formalité n’est requise pour la formation des contrats….. » ;
- Article 42 : « libres de contracter ou de ne pas contracter, d’adopter toute espèce de clause,
de modalités, les parties ne peuvent pas cependant…. » ;
- Article 96 : « le contrat légalement formé crée entre les parties un lien irrévocable ».

Tout le principe tient alors en deux propositions :

- Le contrat est la loi des parties


- Le contrat a la même force que la loi.

Le principe fondamental de l’autonomie de la volonté, aux conséquences multiples, a pour lui,


d’assez nombreuses justifications.

A. Justifications du principe
1) Justification philosophique : le principe repose sur l’équation liberté = justice. Celui qui
s’engage librement est censé contracter à bon escient. Décider pour lui serait source d’injustice,
alors que toute injustice est inconcevable quand on décide pour soi-même. Ce que l’adage « qui
dit contractuel, dit juste » signifie. Le législateur devra se contenter d’assurer simplement les
conditions de cette liberté.
2) Justification pratique : le contrat est adapté aux besoins de chacun, à la différence de la loi
abstraite qui ne peut tout prévoir pour chaque individu et qui se tient nécessairement « à
distance ».

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Le libéralisme du « laisser-faire, laisser-passer » se traduit ici par le « laisser-contracter ».
3) Justification économique : le contrat est le moteur essentiel des échanges de biens et services.
C’est vrai en économie libérale, mais aussi en économie dirigée ou socialiste.
4) Justification psychologique : CAMBACERES disait : « le droit de contracter n’est que la
faculté de choisir son bonheur ».

B. Conséquences du principe

Dans l’esprit des rédacteurs du COCC le premier rôle est dévolu aux parties, le législateur et le juge
ne devant occuper qu’une place secondaire.

1. Les parties font théoriquement ce qu’elles veulent et leur liberté s’exprime sur tous les plans :
- L’initiative du contrat
- Le choix du partenaire
- La forme du contrat
- La détermination du contenu du contrat (ses clauses)
2. Le législateur n’a qu’un rôle subalterne, ce qui montre que le contrat est considéré comme la loi
principale source d’obligation. Il sera donc supérieur à la loi sous réserve de distinguer entre :
- Les lois impératives, celles que ne peuvent écarter les parties ;
- Les lois supplétives, destinées à agencer les contrats lorsque les parties ne l’ont pas fait,
autrement dit destinées à remplir les « blancs du contrat ».
- Les lois dispositives, destinées mettre des options délimitées à la disposition des parties.
3. Quant au juge, il est le serviteur de la loi contractuelle (tout comme celui des textes de lois) et
se contentera donc d’appliquer fidèlement les vœux des parties interprétant le contrat en
s’interdisant de le modifier : seuls les contractants eux-mêmes peuvent défaire leur accord ou le
reconstruire : dans ce cas il s’agit d’un nouveau contrat et un nouveau pour le principe de
l’autonomie de la volonté. C’est bien le sens de l’article 97 du COCC : « le contrat ne peut être
révisé ou résilié que du consentement mutuel des parties ou pour les causes prévues par la loi. »

Mais au-delà de cet équilibre apparent, il faut remarquer que la liberté accordée aux parties est assez
artificielle.

Une pression de plus en plus forte s’est exercée sur le contrat, tout au long du 20e siècle où l’on a
assisté à l’avènement d’un véritable ordre public contractuel portant ainsi atteinte à l’autonomie de
la volonté.

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§. 2 Les atteintes à l’autonomie de la volonté

Dès la fin du 19e s un changement du décor contractuel a suscité de vives critiques et les rôles ont
été progressivement inversés. Le dogme de l’autonomie de la volonté dans les contrats a été attaqué
de la même manière que le libéralisme, en général.

Tout d’abord, a-t-on fait remarquer, la liberté n’est pas la seule valeur : il y’a aussi la sécurité et
l’équité, que seule la loi peut assurer. Surtout, la liberté ne vaut que si l’égalité règne entre les
partenaires. Or les transformations sociales et économiques (industrialisation, chômage,
discrimination sexuelle ou autre, genre, consumérisme…) ont creusé peu à peu un fossé entre
l’égalité formelle et l’égalité réelle : ce que traduit la célèbre phrase de Lacordaire « entre le fort et
le faible, c’est la liberté qui opprime et la loi libère ».

Ensuite, les contractants faibles défendent très mal leurs propres intérêts tout en osant pas avouer
leur ignorance ou leur fragilité. Or la distance grandit entre ceux qui savent (professionnels puissants
et habiles) et ceux qui ne savent pas (profanes faibles et timides). Et cet écart peut être source de
déloyauté, d’injustice que seule une réglementation impérative peut corriger.

Force est de constater, tout de même, que la capacité intellectuelle n’est pas une condition de validité
du contrat et la timidité n’est pas un vice du consentement.

Enfin, il y’a souvent urgence à contracter : notre monde est pressé et ce phénomène d’accélération
des rapports sociaux conduit à des décisions hâtives, mal ajustées et parfois lourdes de
conséquences.

Toutes ces critiques ont fait intervenir le législateur dans le cercle réservé jusqu’alors qu’aux seules
parties. Ce qui était inéluctable, car chaque fois que les acteurs de la vie juridique ne peuvent
maitriser leurs relations, la loi intervient. Mais si on se réfère à l’adverbe « légalement » de l’article
96 du COCC on se demande si l’ombre de la loi ne planait pas toujours. D’ailleurs, le principe de la
liberté contractuelle n’est garanti par aucune norme de valeur constitutionnelle (contrairement à la
liberté de créer une association ou une société article 9 de la Constitution). Et d’ailleurs, l’article 42
du COCC a vite posé des restrictions en faisant référence à l’ordre public et aux bonnes mœurs.

Dès lors, le principe de l’autonomie de la volonté a cédé partout où il triomphait :

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1) Dans la liberté de contracter ou non : certains contrats rares sont imposés dans certaines
situations : le droit au renouvellement du bail, le contrat d’assurance automobile et le contrat
d’assurance voyage etc.
2) Dans la liberté de choisir ou non son contractant : le législateur institue dans certaines
situations un droit de préemption ; exemple, il est fait obligation au bailleur, s’il souhaite
vendre son logement, d’en faire la proposition en priorité à son locataire.
3) Dans la liberté de déterminer le contenu du contrat : non seulement, il est parfois difficile
de délimiter exactement ce qui entre matériellement dans le contrat, mais les espaces de libre
choix s’amenuisent de plus en plus : c’est le cas dans les contrats d’assurance, de transport,
de travail et bientôt dans les contrats pétroliers et gaziers.
4) Dans la liberté de déterminer la forme du contrat : si le consensualisme n’est pas mort,
on constate néanmoins un regain de formalisme, qui se traduit par l’exigence croissante d’un
écrit parfois notarié (vente d’immeuble par exemple), plus souvent sous seing privé (le
contrat de cautionnement) non seulement pour des raisons de preuve mais aussi dans un
objectif d’information (droit de la consommation).
5) Dans la liberté des modalités d’exécution : le juge pénètre peu à peu dans le cercle
contractuel pour modérer les excès (au cas de mauvaise foi ou d’abus de droit ou même pour
découvrir de nouvelles obligations d’information et de sécurité par exemple.

Toutes ces incursions législatives ou judiciaires montrent qu’à l’idéal de liberté s’est peu à peu
substitué un impératif de sécurité. D’ailleurs, la jurisprudence et la pratique contractuelle mettent de
plus en plus à la charge d’une des parties une obligation d’assistance) afin que le contrat soit mieux
exécuté dans l’intérêt des deux parties (contrat de franchise par exemple). La jurisprudence n’hésite
pas à imposer à la partie la plus expérimentée « d’agir au mieux des intérêts du contractant ».

Quoi qu’il en soit, on constate que les contrats se portent mieux et il y’en a une telle foule qu’il est
nécessaire de les ordonner, de classifier.

Section 3 : La classification des contrats

Elle répond à un besoin de clarification. Mais elle est surtout utile pour connaître le régime juridique,
les règles les marquantes qui gouvernent tel ou tel contrat.

Trois classifications principales sont proposées par la doctrine.

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§1 Classification selon le mode de formation

La distinction est importante tant pour la preuve que pour la validité du contrat. Trois catégories
sont répertoriées.

A. Les contrats consensuels

C’est la règle car selon l’article 41 du COCC « Aucune forme n'est requise pour la formation du
contrat, sous réserve des dispositions exigeant un écrit ou d'autres formalités pour la validité d'un
contrat déterminé » : c’est le principe du consensualisme.

C’est une conception très intellectuelle. En effet, la création du contrat par le seul échange des
consentements paraît aujourd’hui artificielle et irréaliste dans beaucoup de cas : pour le commun
des mortels, le contrat n’existe vraiment que s’il est exécuté. Et pour plus d’efficacité, les
contractants retardent souvent la formation effective du contrat au jour où les prestations sont
accomplies : c’est le cas de la clause de réserve de propriété dans la vente à crédit.

Certes la plupart des contrats courants restent conformes au principe du consensualisme, mais l’on
a déjà constaté la place grandissante d’un formalisme de circonstance et parfois le caractère
unilatéral, destiné à protéger ponctuellement telle catégorie de contractant dans les conventions
complexes.

B. Les contrats solennels

Leur validité même est subordonnée à certaines formes (par déduction de l’article 41). Il ne faut pas
les confondre avec les contrats formels où l’écrit est requis « ad probationem » c’est-à-dire pour
raison de preuve uniquement et non « ad solemnitatem » c’est-à-dire pour des raisons de validité.

La solennité requise a une fonction de protection, de mise en garde : il s’agit d’attirer l’attention des
signataires sur la gravité de l’acte et ses conséquences.

Exemples : le contrat de mariage, les conventions portant sur un immeuble.

C. Les contrats réels

Il s’agit des contrats dont la formation est subordonnée non seulement à l’échange des
consentements mais en outre à la remise d’une chose. C’est le cas pour le contrat de dépôt, de prêt
….

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§2. Classification selon le contenu du contrat

Trois distinctions possibles :

A. Entre les contrats synallagmatiques et les contrats unilatéraux

Selon l’article 43 al.1 du COCC « le contrat est synallagmatique lorsque les contractants s’obligent
par réciprocité l’un envers l’autre ».

Dans le cas de la vente, par exemple, le vendeur ne s’engage à livrer la chose que parce que
l’acheteur s’oblige à payer le prix. En conséquence, si l’une des parties n’exécute pas son obligation,
l’autre peut refuser d’exécuter la sienne (exception d’inexécution unilatérale) ou obtenir la rupture
du contrat : sa résolution.

Aux termes de l’article 43, al.2 du COCC « le contrat est unilatéral lorsqu’il engendre des
obligations à la charge d’une seule des parties ». Il n’empêche que le consentement est requis des
deux parties (donation en vifs), à la différence d’un acte unilatéral (testament par exemple) où une
seule partie s’engage et consent.

B. Entre contrats à titre gratuit et contrats à titre onéreux (art. 44 du COCC)

Le critère qui les distingue, c’est l’existence d’une contrepartie économique, ce qui oppose par
exemple la vente à la donation. Les contrats à titre gratuit ont toujours connu un régime juridique
particulier notamment sur le plan de la garantie des vices cachés. Les donations peuvent aussi être
révoquées lorsqu’elles grèvent la masse successorale.

C. Entre contrats commutatifs et contrats aléatoires (art. 45 du COCC)

Dans les contrats commutatifs existe une contrepartie déterminée (le prix d’un bail par exemple),
même si ce prix ne correspond pas forcément à la valeur objective de la contre prestation.

En revanche, dans les contrats aléatoires, la contrepartie existe mais ne peut pas être déterminée lors
de la conclusion du contrat. Exemple le contrat d’assurance (où la garantie est exclue s’il n’y a pas
d’aléa) ; la vente d’immeuble contre rente viagère (où il ne sera pas concevable, en principe,
d’invoquer une lésion.

§3. Classification selon le mode d’exécution du contrat

La doctrine distingue entre :

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- Les contrats à exécution instantanée où les obligations peuvent être accomplies en une seule
fois (vente au comptant par exemple) ;
- Les contrats à exécution successives ou contrats successifs, dans lesquels les obligations sont
échelonnées dans le temps.

Toutes ces distinctions on le voit, présentent des intérêts particuliers, dans la perspective ponctuelle
où se s’est placé le législateur.

Pour le reste et indépendamment des règles spéciales régissant les contrats nommés, l’article 47 du
COCC pose les conditions générales pour tous les contrats. Ce sont elles que nous allons maintenant
aborder, tout d’abord celles qui ont trait à la formation du contrat, ensuite celles qui concernent ses
effets.

Chapitre 2 : La formation du contrat

Le contrat prend normalement naissance par la seule volonté des parties et celles-ci gardent encore,
sauf exception, l’initiative de contracter.

Cependant, pour être valable, le contrat doit être légalement formé (art. 96 du COCC). C’est ainsi
que des règles de validité sont prévues par l’article 47 du COCC et, lorsque l’une d’elle n’est pas
respectée, une sanction particulière est encourue : la nullité du contrat (art. 85 et 86 du COCC).

Section 1 : Les conditions générales de validité du contrat

L’article 47 du COCC énumère quatre conditions communes à tous les contrats : le consentement
des parties, leur capacité, un objet et une cause réels et conformes à l’ordre public et aux bonnes
mœurs. Chaque contrat particulier pourrait être, en outre, soumis à des conditions spécifiques.

Ces conditions sont essentielles pour la validité d’une convention, ce qui est dans la logique du
consensualisme. Mais dans la mesure où la conclusion d’un contrat ne s’accompagne, en principe,
d’aucune forme, il est fondamental de vérifier la valeur de l’accord.

Sous-section 1 : Le consentement

Tel que formulé négativement à l’article 61 du COCC, le consentement est l’essence même du
contrat « il n’y a point de consentement valable….. ». Plus qu’une condition, le consentement

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permet de définir le contrat : « le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs
personnes…. ».

Cet accord doit être particulièrement solide puisqu’à lui seul il construit ou déconstruit le contrat.
C’est ainsi que l’article 97 du COCC dispose : « les conventions ne peuvent être révoquées que par
l’accord mutuel des parties ». D’où son importance quant à sa manifestation, quant à la rencontre
des volontés et quant à l’intégrité de ce consentement.

§1 : La manifestation du consentement

La manifestation du consentement renvoie à deux questions : comment consentir ? Qui doit


consentir ?

A. Formes de manifestation du consentement

La volonté suffit, mais dans la mesure où elle est psychologique, il faut qu’elle puisse s’extérioriser,
ne serait-ce que pour pouvoir être prouvée en cas de litige.

Le problème essentiel tient à la distance entre volonté interne et volonté déclarée. C’est pourquoi
on se demande d’ailleurs, si le silence peut valoir manifestation de volonté.

1. La liberté de manifestation de la volonté

Selon l’article 60 du COCC « le consentement peut s’exprimer de quelque manière que ce soit ». Il
peut donc être écrit, verbal ou tacite

- Le consentement peut être donné par écrit. L’écrit est évidemment le moyen le plus sûr
d’éviter toute déception ultérieure. Il peut s’agir d’un acte authentique ou d’un acte sous
seings privés ;
- Le consentement peut être verbal. C’est de cette manière que sont nouées les conventions
les plus courantes de la vie quotidienne. On peut leur assimiler les contrats par geste telle la
vente aux enchères publiques.
- Le consentement peut enfin être tacite, c’est-à-dire résulté d’une attitude (exposition en
vitrine) ou d’un comportement (taxi en maraude). Néanmoins le comportement ne saurait
suffire si la loi exige un écrit à peine de nullité. Une manière plus simple de consentir consiste
tout bonnement à accomplir sa prestation : tendre un billet ou remettre un objet par exemple.
Une limite semble pourtant infranchissable : l’absence de tout signe perceptible.

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2. Le silence vaut-il manifestation de consentement ?

En principe et contrairement à l’adage « qui ne dit mot consent », le silence pur et simple ne vaut
pas acceptation en droit.

Il existe néanmoins des exceptions d’ordre légal et d’ordre jurisprudentiel à ce principe.

Selon l’article 81 al.3 du COCC, le silence gardé par la personne à qui l’offre est faite vaut
acceptation dans deux cas :

- Lorsqu’il existe des relations d’affaires antérieures, un flux de contrats de nature


commerciale le plus souvent, entre les intéressés ;
- Lorsqu’il s’agit de clauses accessoires au contrat principal en matière commerciale.

La jurisprudence consacre une troisième exception : c’est lorsque l’offre a été faite dans l’intérêt
exclusif de celui à qui elle est adressée.

B. Les personnes aptes à manifester leur consentement

En vertu de l’art. 48 COCC « chaque contractant peut exprimer sa volonté lui-même ou la


faire exprimer par un représentant ». Et l’art. 341 CF d’ajouter : « pour exprimer valablement son
consentement, il faut être sain d’esprit ». Consentir personnellement à la proposition de contrat est
le principe, toutefois, des circonstances particulières peuvent provoquer un transfert du pouvoir de
consentir à l’acte contractuel au moment de sa conclusion. La représentation pour être valable doit
ressortir de la volonté des parties, d’une décision judiciaire ou d’une disposition de la loi. Les effets
de la représentation sur le contrat sont organisés suivant deux situations :

 Entre le représentant et le tiers contractant, le consentement est valide si le


représentant justifie son mandat ;
 Entre le tiers contractant et le représenté, le contrat conclu produit tous ses effets
directement dans la personne de ce dernier.

§2. La rencontre des consentements, des volontés (article 78 du COCC)

Dans les contrats complexes, on peut noter l’importance grandissante d’une période
précontractuelle.

Mais en tout état de cause, il n’y aura contrat qu’avec la jonction entre une offre et une acception
même si cela est difficile à fixer dans le cas particulier de contrats conclus à distance.

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A. La période précontractuelle

Le degré d’engagement des futurs contractants varie selon qu’il s’agit de simples pourparlers ou de
véritables promesses.

a) Les pourparlers contractuels

Les contrats importants ont besoin de préparation sous la forme de propositions, contre-
propositions, discussions, échanges de correspondances, devis, expertises, etc. L’on parle de
construction du contrat par couches successives (voir contrats pétroliers et miniers).

Il est également nécessaire de ménager un temps de réflexion qui permet normalement aux futurs
contractants de mesurer la portée de leurs engagements.

Les pourparlers doivent être conduits de bonne foi par les futurs contractants (voir nouveau code
civil français et jurisprudence). De plus, une obligation précontractuelle de renseignement est mise
à la charge du contractant professionnel.

b) Les promesses de contrat

Ce sont des engagements à contracter plus tard (art. 83 du COCC). Actes préparatoires au contrat
définitif, il s’agit bien de contrats, parfois désignés sous l’appellation « d’avant-contrats ». Il en
existe deux variétés : la promesse unilatérale de contrat et la promesse synallagmatique de contrat.

1) La promesse unilatérale de contrat

Il s’agit d’un acte par lequel une personne s’engage envers une autre à conclure par la suite un
contrat déterminé. C’est un véritable contrat qui suppose un accord de volontés, mais c’est un contrat
unilatéral car seul le promettant est engagé.

Le bénéficiaire de la promesse consent bien aux clauses de l’avant-contrat, mais reste libre de
conclure ou non le contrat définitif, de « lever » ou non l’option.

Tenu par son engagement, le promettant engage sa responsabilité contractuelle s’il ne tient pas sa
promesse. Si le promettant cède le bien à un tiers, le bénéficiaire devra se contenter de dommages
et intérêts comme sanction de l’inexécution. Il ne pourra en effet revendiquer le bien dont le
promettant est resté propriétaire. Cependant, si le tiers est de mauvaise foi (s’il connaissait
l’existence de la promesse) la nullité de la vente pourrait exceptionnellement être prononcée.

Libre, en principe, de ne pas lever l’option, le bénéficiaire est cependant tenu de verser une somme
d’argent à titre de dommages et intérêts s’il existe une clause de dédit. Le dédit ou indemnité
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« d’immobilisation » est le prix de l’exclusivité consentie au bénéficiaire. Et si le montant de ce
dédit est important, le juge pourra même requalifier l’acte en promesse synallagmatique.

2) La promesse synallagmatique de contrat

C’est l’acte par lequel deux personnes s’engagent l’une envers l’autre à conclure plus tard un contrat.
Les parties se trouvent d’ores et déjà obligées et la promesse ne fait que retarder la conclusion du
contrat définitif : avec les mêmes sanctions que pour la promesse unilatérale, mais cette fois ci
bilatérales.

Mais, le contrat ne sera parfait qu’avec la jonction définitive d’une offre et d’une acceptation.
Toutefois, en matière immobilière, l’article 382 du COCC dispose : « l’acte par lequel les parties
s’engagent, l’une à céder, l’autre à acquérir un droit sur l’immeuble, est une promesse
synallagmatique de contrat ». C’est seulement devant notaire que le contrat sera conclu.

B. L’offre et l’acceptation

Pour qu’il y’ait contrat, il faut l’existence de volontés individuelles et la rencontre de ces deux. Ceci
se traduit par une offre ou pollicitation de la part d’une personne et d’une acception par une autre
personne (article 78 du COCC).

a) L’offre ou pollicitation

On peut la définir comme une déclaration unilatérale de volonté adressée par une personne à une
autre personne ou à des personnes indéterminées et, par laquelle, l’offrant propose la conclusion
d’un contrat.

Pour constituer juridiquement une offre, la proposition doit obéir à certaines conditions. L’on verra
ensuite si l’offre peut être retirée avant d’être acceptée.

1) Les conditions de l’offre

L’offre doit être ferme, non équivoque, précise et complète.

1.1 L’offre doit être ferme

Il peut s’agir d’un simple projet, une invitation à entrer en pourparlers. L’offre peut néanmoins être
assortie de réserves concernant, par exemple, le prix.

1.2 L’offre doit être non équivoque

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L’offre de contracter ne doit pas prêter à interprétation, notamment lorsqu’elle est tacite (l’objet
exposé dans la vitrine d’un magasin, par exemple).

1.3 L’offre doit être précise et complète

Pour que l’acceptation pure et simple suffise à former l’accord, l’offre doit être précise et complète ;
ce qui n’est pas le cas pour une annonce telle que : « prix à débattre » ou « cherche voiture
d’occasion ».

Ainsi caractérisée, l’offre pourra être adressée à telle ou telle personne, ou à des personnes
indéterminées ; dans ce dernier cas, l’offrant est lié par la première acception, sauf dans les contrats
conclu en considération de la personne (intuitu personae) comme le contrat de travail.

2) Le retrait de l’offre

Il suscite deux difficultés :

- La 1ère concerne le refus de contracter alors qu’une offre a été émise : selon le droit commun,
l’offrant engagerait sa responsabilité s’il se dérobait au contrat à moins qu’il s’agisse d’un
contrat conclu intuitu personae. En outre, l’article 26 de la loi 94-63 du 22 août 1994
sanctionne le refus de vente.
- La 2ème difficulté porte sur le délai pendant lequel l’offre doit être maintenue. Il n’y a pas de
problème lorsque l’offre est rapidement acceptée ou lorsqu’elle précise le délai
d’acceptation. Dans les autres cas, pendant combien de temps l’offre doit-elle être
maintenue ? L’offrant peut-il librement la rétracter ?

Les solutions sont inspirées de celles qui sont adoptées par la jurisprudence au cas de rupture des
pourparlers : le principe est bien celui de la liberté de rétracter, mais un retrait brutal reviendrait à
une absence d’offre et engagerait la responsabilité de son auteur.

Si le délai n’est pas fixé, la jurisprudence estime que l’offre doit être maintenue dans un délai
raisonnable, au terme duquel elle devient caduque. Cette formule qui peut paraître exagérément
simple a le mérite de s’adapter à la variété des transactions. Et les juges recherchent d’ailleurs si
l’offre ne comporte pas implicitement un délai raisonnable d’acceptation. Voir aussi l’article 243 de
l’acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général.

b) L’acceptation de l’offre

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Elle fait naître le contrat et le rend, en principe, irrévocable sauf droit exceptionnel de rétractation
accordé par un texte. L’acceptation suppose une manifestation extérieure de volontés expresse ou
tacite. Elle doit évidemment intervenir avant l’expiration du délai de l’offre et sans réserve, ni
contre-proposition, sinon ce serait une nouvelle offre.

C. Les contrats à distance

Cette hypothèse – désignée encore contrats par correspondance ou contrats entre absents – suppose
un éloignement géographique entre les deux futurs contractants qui doivent communiquer par lettre,
téléphone, fax ou courrier électronique.

La conclusion de ces contrats pose une difficulté juridique qui est la détermination du moment et du
lieu de la formation du contrat.

Difficulté résolue par le COCC et l’acte uniforme portant sur le droit commercial général.

Pour l’article 82 COCC : « Entre absents, le contrat se forme comme entre personnes présentes au
moment et au lieu de l’acceptation.

Cependant, si l’offre est acceptée tacitement, le contrat se forme au moment où l’acceptation tacite
est réputée être intervenue. »

Quant à l’article 218 de l’acte uniforme portant sur le droit commercial général : « l’offre, une
déclaration d’acceptation ou toute autre manifestation d’intention est considérée comme étant
parvenue à son destinataire lorsqu’elle lui a été faite verbalement, où lorsqu’elle a été délivrée par
tout autre moyen au destinataire lui-même, à son principal établissement, ou à son adresse postale. »

§ 3. L’intégrité du consentement

Dans la mesure où le contrat, selon la conception du législateur, est fondé sur l’autonomie de la
volonté, il est logique d’exiger que le consentement ne soit pas vicié : c’est la contrepartie de la
liberté contractuelle.

Pour autant, le législateur n’a pas voulu que les contrats puissent être trop facilement remis en cause,
sous prétexte que l’une des parties n’en a pas une vision parfaitement claire ou lucide.

Les textes s’efforcent donc de concilier deux impératifs contradictoires :

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- Protéger le consentement contre les vices qui pourraient l’affecter, ce qui conduit à
l’annulation du contrat ;
- Préserver la sécurité contractuelle, ce qui suppose le maintien du contrat.

L’article 61 du COCC énumère, dès lors, trois vices possibles : « Il n’y a point de consentement
valable si le consentement n’a été donné que par erreur, s’il a été surpris par dol ou extorqué par
violence ».

L’erreur et le dol correspondent à un consentement qui n’a pas été donné en connaissance de cause,
alors que la violence suppose un consentement qui n’a pas été libre.

A. L’erreur

C’est le fait de se tromper, de s’être faussement représenté la réalité. Plus juridiquement, l’erreur est
la représentation inexacte que se fait un contractant d’un élément qui a déterminé son consentement.
Autrement dit c’est la différence entre la conviction et la réalité.

Selon l’article 62 du COCC « Il y a nullité lorsque la volonté de l’un des contractants a été
déterminée par erreur ». Ce fait est établi lorsque l’autre contractant a pu connaître le motif
déterminant par lequel le contrat a été conclu.

L’erreur de droit est vice de consentement dans les mêmes conditions que l’erreur de fait. L’erreur
de droit est l’erreur commise par méconnaissance de la règle juridique. La seule question est de
savoir si la volonté a été ou non altérée, si le consentement a été ou non lucide.

Le COCC calque le régime juridique de l’erreur de droit sur celui de l’erreur de fait. Autrement dit
les conditions et les effets sont les mêmes.

1. Les conditions de l’erreur vice du consentement

Deux conditions sont posées : une de fond et une de preuve

a) Condition de fond

Pour constituer un vice de consentement, l’erreur doit être déterminante. L’erreur déterminante est
l’erreur qui, portant sur une qualité substantielle de la chose ou sur la personne, est de telle nature
que, sans elle, la partie n’aurait pas contractée. Le COCC ne fait aucune distinction entre l’erreur
sur la substance et l’erreur sur la personne dès lors que l’erreur est déterminante. L’erreur est
déterminante lorsque le motif déterminant de l’errans rentre dans le champ contractuel et a été érigé
en qualité convenue.

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b) La preuve de l’erreur

L’erreur étant un fait juridique, elle se prouve par tous moyens. La charge de la preuve pèse en
principe sur le contractant qui s’est trompé.

Mais pour contourner les difficultés de preuve, l’article 62 al. 2 du COCC établi une présomption
légale qui fait présumer que la volonté de l’errans a été déterminée par une erreur lorsque l’autre
partie « a pu connaître le motif déterminant pour lequel le contrat a été conclu ».

2. Les effets de l’erreur

L’erreur vice du consentement entraine la nullité du contrat : une nullité relative qui ne peut être
demandée que par la personne dont le consentement a été vicié.

Lorsque le cocontractant a eu connaissance de l’erreur, s’il n’en informe pas l’errans, celui-ci
pourrait, en qualité de consommateur, invoquer en plus le non-respect d’une obligation
précontractuelle d’information.

B. Le dol

Aux termes de l’article 63 du COCC :

« Le dol est une tromperie provoquée par des manœuvres que l’un des contractants a pratiquées à
l’encontre de l’autre pour l’amener à donner son consentement. »

« Il y a également dol ces manœuvres exercées par un tiers contre l’une des parties ont été connues
de l’autre ».

Il en résulte dès lors de l’article 63 que le dol suppose des manœuvres, que celles-ci doivent émaner
de l’une des parties ou d’un tiers en collusion avec l’une des parties, avec comme conséquence la
tromperie de l’autre partie.

1. Les manœuvres

Ce sont des actes destinés à tromper comme par exemples : les ruses, les fraudes, les mises en scènes,
toutes les manœuvres qui constituent le délit de faux et usage de faux et celui d’escroquerie. La
réticence peut aussi être qualifiée de dol lorsque l’une des parties s’abstient de communiquer des
informations pertinentes à l’autre partie.

2. Des manœuvres émanant d’une des parties ou d’un tiers

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Rien de plus normal que de sanctionner la partie qui cherche à tromper, de par des manœuvres, son
cocontractant.

Qu’en est-il du tiers ? Pour le législateur sénégalais, il y a dol lorsque les manœuvres exercées par
le tiers sur l’une des parties sont connues de l’autre. Par contre la jurisprudence française retient le
dol commis par le représentant du contractant ou par les dirigeants d’une société (Cass. Com. 24
mai 1995, D. 1995, p. 88) même si les représentés ne pas au courant.

3. Des manœuvres déterminantes

Elles doivent avoir une influence décisive sur le consentement, c-a-d provoquée l’erreur. La
situation doit être telle que sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.

Toutefois, le caractère déterminant doit être apprécié in concreto, par rapport à la résistance que
pouvait opposer la personne trompée aux manœuvres dolosives (âge, expérience, etc.).

C. La violence

Elle est régie par l’article 64 du COCC qui met plus l’accent sur les caractères que sur la notion.

1. Notion de violence

La violence peut se définir comme une contrainte exercée sur un cocontractant en vue d’obtenir un
consentement forcé. La violence peut prendre deux aspects :

- Une contrainte physique, hypothèse rare qui suppose d’infliger un mal (tortures,
séquestration, drogue, etc. pour extorquer un consentement ;
- Une contrainte morale ou matérielle, plus fréquemment sous la forme d’une menace ou d’un
chantage qui pousse à conclure un contrat par peur du mal auquel on se trouve exposé :
menace de mort, de blessures ou de ruine (perte de la fortune ou d’un emploi par exemple),
menace contre l’honneur ou la réputation (cette violence intellectuelle est beaucoup plus
souvent utilisée parce que probablement plus efficace et moins facile à prouver).

2. Les caractères de la violence

La violence doit être déterminante et injuste.

a) Une violence déterminante

La contrainte doit véritablement emporter le consentement peu importe qu’elle soit l’œuvre du
cocontractant ou d’un tiers.
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b) Une violence injuste

Il s’agit normalement d’un acte illégitime. Si la contrainte était légitime (menace d’user
légitimement d’un droit : grève, procès contre son employeur, etc.), la nullité devrait être écartée.

La menace devient injuste dans les cas suivants :

- lorsque les moyens employés sont abusifs (séquestration d’un employeur) ;


- lorsque l’avantage obtenu est excessif (reconnaissance de dette 15 fois supérieures à ce qui
est dû au cas de flagrant délit d’adultère par exemple).

Sous-Section 2 : L’objet

L’objet est une condition qui concerne le contenu du contrat. Aux termes de l’article 73 du COCC
« L’objet du contrat est fixé par la volonté des parties dans les limites apportées à la liberté
contractuelle. »

En réalité l’objet peut prendre trois significations différentes :

- Il peut s’agir de l’objet du contrat : c’est-à-dire une vente ou un bail et, dans cette acception
l’objet sera seulement utile à la classification des contrats ;
- Il peut concerner directement la chose objet du contrat : un immeuble, un véhicule par
exemple ;
- Enfin, il peut s’agir l’objet de l’obligation, c’est-à-dire la prestation convenue : payer le prix,
livrer la chose dans le contrat de vente par exemple.

C’est ce dernier qui est le plus important. Dans tous les cas, pour que le contrat soit valable, il faut
que l’objet existe et, de façon plus discutable, qu’il ait une certaine valeur (c’est le problème de la
lésion).

§1. L’existence de l’objet

Aux termes de l’article 74 du COCC « La prestation promise doit être possible et porter sur des
choses qui sont dans le commerce.

Elle doit être déterminée ou déterminable quant à son espèce et sa qualité »

Elle peut porter sur des choses futures »


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Cela signifie non seulement que l’objet doit être déterminé et possible, mais encore qu’il doit revêtir
certaines qualités : être licite et moral.

A. L’objet doit être déterminé

Il est évident qu’il n’y a pas de contrat si l’on ne sait pas à quoi l’on s’engage ou si l’on s’engage
sur un objet qui n’existe pas ou, qui n’existe plus.

Il n’empêche que la chose peut ne pas exister au moment de la conclusion de l’accord : « elle peut
porter sur des choses futures ». Mais si finalement la chose ne vient pas à exister, le contrat tombe
(il est caduc), sauf faute d’une des parties exposée alors à devoir une indemnité.

En revanche, il faut que l’objet soit suffisamment identifiable, déterminé tant dans son espèce que
dans sa quotité.

A cet égard on distingue les choses de genre et les corps certains.

Une chose de genre ou chose fongible est une chose non individualisée qui se pèse, se mesure ou se
compte. Elle se détermine uniquement par ses caractéristiques et sa quantité. Les choses de genre
sont interchangeables.

Un corps certain est une chose individualisée ; non susceptible d’être remplacée par une autre. Il
s’agit d’une chose corporelle déterminée par sa matérialité.

B. L’objet doit être possible

Le contrat pourrait être annulé si le débiteur est vraiment dans l’impossibilité d’exécuter sa
prestation. L’impossibilité peut être matérielle ou juridique. Le contrat n’est annulable que dans le
cadre d’une impossibilité absolue. En revanche, si l’impossibilité n’est que relative, la nullité sera
écartée. La partie qui aura défailli pourra être condamnée à des dommages et intérêts.

C. L’objet doit être licite

Ce qui signifie qu’il doit être conforme au droit, l’illicéité pouvant concerner la prestation elle-même
(article 47 du COCC).

D’une part, la prestation peut être illicite (s’engager à voler ou à tuer ou à transporter de la
contrebande par exemple) et, d’autre part, la chose objet du contrat peut être hors du commerce
juridique (la personne humaine, l’état des personnes, certains biens d’intérêt public, stupéfiants etc.).

D. L’objet doit être moral

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Cette condition résulte de l’article 42 du COCCC : « Libres de contracter ou de ne pas
contracter….les parties ne peuvent porter atteinte par conventions à l’ordre public et aux bonnes
mœurs ».

La notion de bonnes mœurs correspond selon chaque pays à un minimum de moralité admis dans
un lieu donné et à un moment donné, ce qui donne un large pouvoir d’appréciation au juge du fond.

§2. La valeur de l’objet

Il peut arriver qu’il y ait un déséquilibre entre les prestations : la lésion dont le domaine est
strictement limité.

A. Définition de la lésion

La lésion peut se définir comme un défaut d’équivalence entre les prestations au moment de la
conclusion du contrat. Lors de l’exécution du contrat se posera la question différente de la révision
du contrat renvoyant à la théorie de l’imprévision.

Le déséquilibre des prestations résulte le plus souvent de l’insuffisance du prix. A cet égard, le prix
lésionnaire doit être distingué :

- Du prix dérisoire, tellement bas qu’il vaut absence de prix ;


- Du prix usuraire qui renvoie à un taux d’intérêt dépassant plus de deux fois le taux
d’escompte fixé à cette date.
B. Domaine de la lésion

Le principe est qu’il n’y a pas de lésion sans texte. En effet, selon l’article 75 du COCC : « La lésion
résultant du déséquilibre des prestations promises dans le contrat au moment de sa formation
n’entraîne la nullité ou rescision du contrat qu’en vertu d’une disposition expresse de la loi ».

En droit sénégalais, il n’y a lésion que dans les cas suivants : dans les contrats conclus par les
mineurs et en matière de partage.

a) Dans les contrats conclus par les mineurs

L’article 275 al. 2 du Code de la famille permet au mineur de faire annuler les actes qu’il a posés en
violation des règles de protection auxquelles il est soumis, en cas de lésion. On dit qu’il y a
consécration de la lésion en fonction de la personne.

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b) En matière de partage

Lorsqu’un ascendant partage ses biens entre ses enfants (par donation ou entre vifs ou testament),
l’enfant qui a subi une lésion de plus d’un quart dans l’évaluation des biens compris dans son lot,
peut demander la nullité de l’acte lésionnaire. On dit que la lésion est consacrée en fonction de
l’acte.

Sous-Section 3 : La cause

La théorie de la cause est l’une des matières les plus complexes et les plus controversées en doctrine.
La notion de cause tend à chercher pourquoi le contrat a été conclu, c’est-à-dire la raison pour
laquelle les parties ont accepté de s’obliger. Mais la réponse est différente selon que l’on se place
au niveau des obligations de chaque contractant ou au niveau de l’opération contractuelle dans son
ensemble.

Ainsi le COCC distingue la cause de l’obligation de celle du contrat.

§1. La cause de l’obligation

L’article 77 du COCC dispose : « L’absence de cause pour l’une des obligations nées du contrat
rend celui-ci annulable.

Le contrat est valable bien que la cause de l’obligation ne soit pas exprimée. La charge de prouver
l’absence de cause pèse sur celui qui l’allègue ».

Ainsi qu’on le constate, la cause de l’obligation correspond donc au contrôle de l’existence. Il


convient dès lors de préciser la notion de cause de l’obligation, puis le contrôle de son existence.

A. La cause de l’obligation selon chaque type de contrat

La cause de l’engagement de chaque contractant réside dans le contrat lui-même c’est-à-dire dans
l’avantage ou la fin qu’il recherche d’après l’économie du contrat. C’est une notion objective : pour
un type de contrat donné, la cause est toujours la même. Par exemple dans un contrat de vente : pour
un acheteur, la cause de son obligation au prix est l’acquisition de la chose : ici on ne recherche pas
pourquoi il veut l’acquérir car ceci constitue un simple motif.

1) La cause dans les contrats synallagmatiques commutatifs

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Il s’agit de contrats dans lesquels il y a échange de prestations (vente, bail, prestation de service).
La cause de chaque obligation réside dans la contre prestation : dans la vente, le prix pour le vendeur,
la chose pour l’acquéreur ; dans le bail, les loyers pour le bailleur et la jouissance de la chose pour
le locataire, etc. Lorsque la contrepartie n’existe pas le contrat est nul à la fois pour absence d’objet
et de cause. En effet, l’objet pour l’une des parties est la cause pour l’autre et vice-versa.

2) La cause dans les contrats synallagmatiques aléatoires

Dans ce type de contrat, la cause de l’engagement de chacun n’est pas la contrepartie. En effet, on
n’est pas certain qu’il y aura bien une contre-prestation. Par exemple dans un contrat d’assurance
responsabilité, si aucun accident n’intervient, les primes versées pour le risque garanti ne seront pas
utilisées au profit de l’assuré. La cause est en fait ici l’existence de l’aléa. A chaque fois que l’aléa
existera, le contrat aura une cause normale.

3) La cause dans les contrats unilatéraux

La cause ne peut résider ici dans la contre-prestation puisqu’il n’y en a pas. Elle se situe dans le fait
qui sert de base au contrat. Ainsi dans le cautionnement gratuit, la cause réside dans l’existence
d’une dette à garantir. Et dans le contrat de prêt, la cause réside dans la remise de la chose prêtée et
l’obligation de restituer trouve sa cause dans le fait que l’emprunteur a reçu la chose prêtée.

4) La cause dans les contrats à titre gratuit

Ici la notion de cause réside dans un élément subjectif : l’intention libérale de celui qui consent
l’avantage. Il faut donc analyser les motifs déterminants du donateur (Civ. 1ère, 6 oct. 1959, D. 1959,
515). Si les motifs sont faux, le motif déterminant n’existe pas et la prestation à titre gratuit va être
dépourvue de cause. L’absence de cause se confondrait ici avec les vices du consentement (voir
Grelon, l’erreur dans les libéralités, Rev. T. D. Civ. 1981, 261).

B. Contrôle de l’existence de la cause

Il se pose ici le problème du moment d’appréciation et celui de la preuve de la cause.

1) Moment d’appréciation

C’est au moment de la conclusion du contrat qu’il faut se placer pour apprécier l’existence de la
cause. Si la cause disparait ensuite, il y a éventuellement extinction ou caducité du contrat à
exécution successive (ex. destruction de la chose louée) mais non nullité : le contrat était valable à
l’origine.

30
2) La charge de la preuve

La cause est présumée exister (art. 77 al. 2). Il appartient donc à celui qui demande la nullité de son
engagement pour défaut de cause d’établir que la cause n’existe pas (qu’il soit demandeur ou
défendeur). En principe, l’absence de cause peut être prouvée par tous moyens.

Si l’acte contient en lui-même la cause, il suffit d’en démontrer la fausseté. Et si le bénéficiaire


prétend que l’engagement est quand même valable parce qu’il a une autre cause qui n’avait pas été
énoncée, c’est alors à lui de le prouver (Civ. 1ère , 14 juin 1988, Bull. Civ. I. n° 190).

Cette présomption est renforcée dans ce qu’on appelle « les actes abstraits » où la preuve contraire
n’est alors pas possible. Ce sont des actes de nature commerciale destinée à une sécurité juridique
absolue (effets de commerce, garanties à 1ère demande). Le signataire de tels actes est alors tenu de
payer sans être admis à prouver l’absence de contrepartie. Exemple : le signataire d’un chèque ne
peut pas s’opposer à son encaissement même s’il prouve l’avoir signé sans contrepartie. Il pourra
néanmoins intenter une action en remboursement.

§2. La cause du contrat

Aux termes de l’article 76 du COCC :

« Le contrat est nul pour cause immorale ou illicite lorsque le motif déterminant de la volonté des
parties est contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs »

« Le caractère déterminant du motif résulte des circonstances de la formation du contrat que les
parties ne pouvaient ignorer ».

Pour connaître la raison d’être du contrat, il faut rechercher les motifs qui ont poussé les parties à le
conclure. L’appréciation de la licéité de la cause sera différente dans les contrats à titre gratuit et les
contrats à titre onéreux.

A. La licéité de la cause dans les contrats à titre gratuit

Si le but poursuivi, c’est-à-dire le motif déterminant, est illicite ou immoral, le contrat sera frappé
de nullité. Une des applications les plus fréquentes concerne les libéralités entre concubins, pour
lesquelles la jurisprudence établit une subtile distinction.

- Si la donation est consentie dans un souci de respecter un devoir moral, on estime que le
motif est louable : du fait que le concubin n’hérite pas la donation reçue est considérée
comme un signe de reconnaissance, donc licite.

31
- Si au contraire, la libéralité est inspirée par le souci d’établir le concubinage ou de le
maintenir, la jurisprudence considère qu’il s’agit d’acheter une partie de la liberté
individuelle de l’autre. Ce motif est immoral.

La preuve incombe à celui qui invoque l’illicéité ou l’atteinte aux bonnes mœurs de la cause du
contrat. La sanction est la nullité absolue du contrat.

B. La licéité de la cause des contrats à titre onéreux

La cause du contrat induit alors les mobiles de l’un des contractants, mais seulement s’ils
remplissent deux conditions :

- Le mobile doit être un mobile déterminant


- Le mobile doit avoir été connu.

En effet, si ce mobile n’est pas connu de l’autre cocontractant, il n’est pas entré dans le champ
contractuel et on ne peut le considérer comme étant un des éléments du contrat.

Lorsque le mobile est illicite ou immoral, le contrat est affecté de nullité pour cause illicite ou
immoral. Ainsi, il a été jugé que le contrat de transport de marchandises doit être considéré comme
nul et pour cause d’illicéité lorsqu’il s’agit de produits de contrebande. En conséquence, le
propriétaire d’une telle marchandise ne peut se prévaloir du contrat de transport pour obtenir la
garantie de l’assureur du véhicule en cas d’accident (CA n°9 du 11 janv. 1974).

Section 2 : La sanction des conditions de formation : la nullité du contrat

Avant de déterminer les conditions et les effets de la nullité, il convient de situer, d’abord, cette
sanction.

§1. La place de la nullité

La nullité se définit comme l’anéantissement d’un contrat qui n’a pu valablement se former. En ce
sens elle doit être distinguée d’autres sanctions qui correspondent à des situations différentes, mais
qui ont en commun la paralysie du contrat. En revanche, certaines autres sanctions se rapprochent
davantage de la nullité.

A. Les sanctions distinctes de la nullité

Elles tendent à briser le contrat mais dans des conditions ou avec des effets distincts de l’annulation.

32
1. La résolution

Elle sanctionne un défaut d’exécution ou une mauvaise exécution du contrat, et qui concerne non
pas sa formation, mais son exécution.

2. L’inopposabilité

Elle prive le contrat d’effets à l’égard des tiers. Exemple : non-respect en matière de publicité de
l’acte.

3. La caducité

Elle sanctionne la disparition d’un élément du contrat indépendamment de la volonté des parties.
Exemple : décès du légataire avant le testateur.

4. La suspension

C’est une sorte de mise en sommeil du contrat, qui interrompt temporairement et provisoirement
l’exécution : soit au cas d’impossibilité (maladie du salarié par exemple) ; soit en vertu d’un texte
(suspension d’un contrat d’assurance en cas de non-paiement de la prime) ; soit selon l’accord des
volontés (suspension de certaines garanties en cas d’immobilisation du véhicule).

B. Les sanctions proches de la nullité


1. La clause réputée non écrite

Ici on a recourt à la technique de la fiction : la clause est retirée du contrat et tout se passe comme
si elle n’avait jamais été écrite. Le juge devra se borner à constater que le contrat ne comporte pas
cette clause.

2. La théorie de l’inexistence

Toujours en marge de la nullité, on a parfois soutenu la théorie de l’inexistence, au cas où il


manquerait un élément essentiel à la formation du contrat. A l’origine, le recours à cette notion
permettait d’éviter les résultats absurdes auxquels aurait conduit l’adage selon lequel « pas de nullité
sans texte ». Depuis, les auteurs sont, pour la plupart, très réservés sur cette notion, qui serait tout à
la foi illogique (car l’acte a bel et bien existé) et inutile (car faisant double emploi avec la nullité
absolue).

Pourtant, la jurisprudence y recourt de temps à autre notamment lorsque, dans un contrat, le


consentement fait totalement défaut : exemple une donation qui n’est pas acceptée (Civ. 1ère, 10 juin

33
1986, Bull. Civ. I n° 159) ou, l’achat d’un véhicule à crédit pour lequel un incapable majeur n’avait
pas signé l’acte d’emprunt (Civ. 1ère, 5 mars 1991, D. 1993, 508).

§. 2 Les conditions de la nullité

Elles varient suivant la gravité du défaut qui affecte le contrat et l’on oppose à cet égard la nullité
relative à la nullité absolue. A partir de cette distinction s’ordonnent les règles qui gouvernent la
nullité d’un contrat, c’est-à-dire le régime de la nullité.

A. La distinction entre nullité relative et nullité absolue

Les articles 85 et 86 du COCC dégagent un critère de la distinction et fixent le domaine


d’application.

1. Critère de la distinction

C’est celui qui s’attache au fondement de la règle qui a été violée dans le contrat, autrement dit
l’intérêt que l’on souhaite protéger. La nullité relative a pour but de protéger l’intérêt individuel,
privé, tandis que la nullité absolue a pour but de protéger l’intérêt général, l’ordre public.

2. Domaine de la distinction

La nullité absolue, protectrice de l’intérêt général, sanctionne le défaut d’objet, la cause ou l’objet
illicite ou immoral et l’inobservation des formes solennelles du contrat s’il y a lieu. Plus
exceptionnellement, la nullité absolue pourra sanctionner un vice du consentement qui
s’apparenterait à une absence de consentement (cas de l’erreur-obstacle).

La nullité relative, protectrice d’un intérêt privé, sanctionne tous les vices du consentement, y
compris la violence, auxquels il faut ajouter la lésion, les incapacités d’exercice et l’absence cause
(conséquence de la présomption de la cause de l’obligation : C. Suprême n° 26 du 28 fév. 1976).

B. Le régime de la nullité

On peut l’aborder sur deux plans où les règles diffèrent selon le type de nullité.

1. Les personnes aptes à invoquer la nullité

La nullité relative ne peut être demandée que par la personne que la loi a voulu protéger (victime
d’une erreur par exemple), éventuellement son représentant légal ou son héritier. Sont exclus le
contractant et le juge. De la sorte, une seule personne a le destin du contrat entre ses mains.

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La nullité absolue, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ne peut être demandée par tout le
monde mais uniquement « par tout intéressé » c’est-à-dire les deux parties, leurs représentants et
leurs héritiers, mais encore un créancier d’un des contractants (le contrat peut lui être préjudiciable)
ou le juge qui peut « relever d’office » la nullité.

2. Les obstacles au droit d’invoquer la nullité

C’est ici que s’exprime le double impératif contradictoire qui commande le régime de la nullité :
supprimer un contrat irrégulier tout en sauvegardant, si possible, l’accord des volontés.

Deux obstacles peuvent ainsi entraver l’action : le sauvetage de l’acte par sa confirmation et la perte
du droit d’agir par la prescription.

a) La confirmation

C’est l’acte par lequel un contractant efface le vice qui altérait le contrat en renonçant à demander
l’annulation. La confirmation couvre le défaut et diffère par-là de la réfection du contrat qui
impliquerait un nouvel accord. Ici, au contraire, l’acte est unilatéral et, par exemple, l’une des
parties, pourtant consciente de l’erreur qu’elle a commise dans le contrat, décidera de ne pas
invoquer ce vice du consentement. La confirmation n’est concevable qu’au cas de nullité relative :
la personne protégée pouvait seule attaquer l’acte, elle seule peut donc y renoncer expressément ou
tacitement.

b) La prescription

C’est l’écoulement d’un laps de temps qui a pour effet de faire perdre ou acquérir un droit. En
l’occurrence il s’agit d’une prescription extinctive : passé un certain délai, celui qui pouvait agir
perd le droit d’invoquer la nullité (nous y reviendrons la 2è partie du cours).

§. 3 Les effets de l’annulation

L’objectif est l’anéantissement du contrat. L’annulation (par le juge) doit avoir pour conséquence,
non seulement, de priver la convention de toute efficacité, mais encore de replacer les parties dans
la situation où elles se trouvaient avant d’avoir contracté : le contrat annulé est censé n’avoir jamais
été conclu.

L’application de ce principe admet cependant des limites tant dans l’espace (étendue de
l’annulation) que dans le temps (rétroactivité de l’annulation).

35
A. L’étendue de l’annulation

Le contrat est privé d’efficacité et cette sanction affecte aussi bien les personnes que l’acte lui-
même.

1. Etendue de l’annulation quant aux personnes

L’annulation concerne d’abord, bien sûr, les parties elles-mêmes : si le contrat n’a pas encore été
exécuté, le créancier ne pourra exiger la prestation. L’annulation peut également atteindre les
intérêts d’un tiers. Par exemple, deux contrats sont passés successivement sur le même bien et que
le premier est annulé : en principe, la nullité rejaillit sur le tiers (le second acquéreur) car le premier
acquéreur n’a pu lui transférer un droit qu’il n’avait pas lui-même (« nemo plus juris ad alium
transfere potest quam ipse habet »). Selon l’article 261, al. 2 du COCC « l’acquéreur devient
propriétaire lorsque son auteur avait le droit de propriété ». Cette assertion est néanmoins limitée
par l’article 262 du COCC lorsque l’acheteur d’un meuble est de bonne foi.

2. Etendue de l’annulation quant au contrat

En principe, l’acte est entièrement détruit, mais une question se pose lorsqu’une partie seulement
du contrat est irrégulière. L’annulation est-elle alors limitée à cette clause ou bien s’étend-elle à
l’acte tout entier ?

Selon la jurisprudence, les tribunaux doivent rechercher, dans chaque cas, si les parties ont considéré
la clause irrégulière comme déterminante ou non de leur accord : si la clause était essentielle, son
annulation entraîne, par voie de conséquence, la nullité de l’acte tout entier.

La jurisprudence s’efforce cependant de modérer les conséquences de la nullité en ayant recours à


d’autres procédés : la réduction ou la rectification de l’acte.

- Dans le cas de la réduction de l’acte, le contrat sera abrégé ou le prix adapté à ce qui reste
du contrat (encore un moyen pour combattre la lésion). On peut aussi remarquer que
lorsqu’une clause est réputée non écrite, c’est un moyen pour le législateur d’éviter que le
contrat ne soit entièrement anéanti.
- Dans le cas de la réfection de l’acte, par exemple un contrat rédigé à tort dans une langue
étrangère sera traduit en français.

B. La rétroactivité de l’annulation

36
Non seulement le contrat n’a plus d’effet pour l’avenir, mais ses conséquences passées doivent
logiquement être détruites. Et cette rétroactivité a lieu aussi bien au cas de nullité absolue qu’au cas
de nullité relative. Il n’y a aucune difficulté lorsque le contrat n’a pas été exécuté. Dans le cas
contraire, chaque contractant restituera la prestation qu’il a reçue : par exemple, le vendeur rendra
le prix et l’acheteur restituera la chose. Néanmoins, cette rétroactivité ne jouera pas quand la
restitution est impossible ou lorsqu’elle n’est pas souhaitable.

1. Restitution impossible dans certains contrats à exécution successive

Dans ce type de contrats, la rétroactivité se heurte à une impossibilité matérielle car l’une des
prestations ne peut pas être restituée ; par exemple : le bailleur peut restituer les loyers reçus, mais
le locataire ne peut pas restituer la jouissance des lieux. Il serait donc injuste qu’il puisse seul obtenir
restitution et, pour éviter cet enrichissement sans cause, l’annulation ne produira ses effets que pour
l’avenir (le bailleur conservera donc les loyers ou plus exactement une somme équivalente à une
indemnité d’occupation).

2. Restitution non souhaitable

La restitution est écartée dans les contrats conclus avec les incapables ou dans les contrats
immoraux.

En effet, l’article 93 du COCC dispose « l’incapable est tenu de restituer dans la mesure de son
enrichissement » et, l’article 93, al. 2 du COCC d’ajouter : « celui qui a exécuté un contrat contraire
aux bonnes mœurs ne peut obtenir la répétition de sa prestation ». Ceci est une application de la
règle « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans » : Nul ne peut se prévaloir de sa propre
turpitude.

Chapitre III : Les effets du contrat


L'effet normal d'un contrat c'est, bien entendu, d'être exécuté (section 1). Mais, parfois, il y aura
difficulté d'exécution (section 2) et à la limite, inexécution (section 3).

Section 1 : L'exécution du contrat


37
L'accord a été noué : il s'agit maintenant de "passer aux actes", c'est-à-dire d'accomplir les
prestations promises ("payer" dans le langage juridique). Cette phase doit être soigneusement
distinguée de celle où le contrat se forme. Ce qui n'est pas toujours facile lorsqu'il s'agit d'un contrat
à exécution instantanée. Par contre, la distinction entre formation et exécution est
beaucoup plus nette lorsqu'il s'agit d'un contrat successif. Dans cette hypothèse qui suscite
forcément plus de difficultés juridiques, l'exécution doit se poursuivre jusqu'à son terme ou jusqu'à
la rupture du contrat.

Les personnes concernées par l'exécution du contrat sont évidemment les parties et normalement
elles seules. Néanmoins, le contrat est de moins en moins conçu comme un acte juridique isolé et il
pourra donc produire certains effets à l'égard des tiers.

§ 1 : Les effets du contrat à l'égard des parties

Tout contrat a un effet obligatoire : les parties sont tenues de l'exécuter et de l'exécuter de bonne
foi.
Le principe fortement établi par l'art. 96 du COCC demeure fondamental même si sa portée se réduit
progressivement.

A) Le principe de l'effet obligatoire des contrats

De l'art. 96 du COCC ("le contrat légalement formé crée entre les parties un lien irrévocable"), il
résulte que les parties sont liées par le contrat comme les citoyens le sont par la loi.
Pour autant, le contrat ne saurait être assimilé à la loi. D'ailleurs, les raisons qui expliquent l'effet
obligatoire de la loi ne sont pas exactement les mêmes que celles qui justifient le principe de l'effet
obligatoire du contrat. Ce principe repose, en effet, sur un double fondement :

- un fondement moral : le respect de la parole donnée ("pacta sunt servanda") qui est en même
temps un principe indispensable d'ordre juridique;

- un fondement économique : la sécurité des transactions est évidemment nécessaire au


créancier, mais également utile au débiteur car, si tel n'était pas le cas, le créancier perdrait
confiance et exigerait toujours une contrepartie immédiate au débiteur.

Il en résulte deux conséquences :

- en cas de défaillance du débiteur, le créancier peut recourir à l'exécution forcée (saisie,

38
astreinte), à moins qu'il ne préfère demander la rupture du contrat (sa résolution) ou demander
réparation au débiteur si l'exécution lui a causé un dommage.

- selon l'art. 97 du COCC "le contrat ne peut être révisé ou résilié que du consentement mutuel
des parties ou pour les causes prévues par la loi".

B) La portée du principe

Il s'applique essentiellement aux parties et au juge mais non au législateur car celui-ci peut adopter
un texte à l'encontre de l'art. 96. De la sorte, la loi va pouvoir elle-même déroger au principe de
l'effet obligatoire du contrat, et permettre, d'une part, aux parties de révoquer exceptionnellement
leur accord, et d'autre part, au juge d'intervenir dans l'exécution du contrat.

1) La modification du contrat par le législateur

Il peut intervenir lors de la formation du contrat mais aussi lors de son exécution. Ceci s'explique
en général par des facteurs économiques ou sociaux qui rendent le contrat trop difficile à respecter.
A la lecture de l'art. 97, la possible intervention du législateur ne fait aucun doute: "le contrat ne
peut être révise ou résilie que du consentement mutuel des parties ou pour les causes prévues par
la loi". Certains textes accordent des délais de paiement au débiteur (moratoire), d'autres prolongent
la durée du contrat notamment en matière de bail (droit au renouvellement du bail) ou modifient le
contenu de l'obligation à exécuter (réduction du coût des loyers, augmentation du SMIC par
exemple) ou enfin accordent une faculté de résiliation (contrat de travail ou contrat d'assurance-vie
après un an).

2) La révocation du contrat par les parties

La révocation unilatérale est certainement l'atteinte la plus grave à l'effet obligatoire des contrats
car elle permet à une partie de faire volte-face. C'est pourquoi son domaine est très limité. C'est le
cas, par exemple, dans les contrats à durée indéterminée (rupture unilatérale),

3) L'intervention du juge dans l'exécution du contrat

En principe, il n'a pas pour mission de pénétrer dans ce qui forme la loi des parties, mais bien au
contraire de faire en sorte que cette loi soit respectée. En l'absence de texte, le juge ne peut
normalement s'immiscer dans le contrat.

Mais, lorsque l'art. 32 de la loi n° 94-63 du 22 aout 1994 fait obligation aux opérateurs
39
économiques d'avoir une attitude loyale vis-à-vis des consommateurs, on peut se demander s'il ne
s'agit pas d'une autorisation accordée au juge lui permettant d'intervenir dans l'exécution de tous les
contrats de consommation (ceux passés entre un professionnel et un consommateur). Le juge
devrait donc veiller à ce que ces contrats soient exécutés de bonne foi. Beaucoup d'autres textes
sanctionnent la mauvaise foi dans l'exécution des contrats. Le juge peut également se fonder sur la
notion d'abus de droit défini par l'art. 122 COCC pour intervenir dans l’exécution et sanctionner la
partie fautive.

§ 2 : Effets du contrat à l'égard des tiers

Dans la logique de l'effet obligatoire du contrat et du principe de l'autonomie de la volonté, le


contrat, est d’un côté la loi des
parties et d'elles seules, de l'autre, les tiers, par principe indépendants, ne sauraient être concernés.
L'art. 110 COCC proclame ainsi que "le contrat ne produit d'obligation pour les tiers que dans les
cas prévus par la loi.

Cependant, le contrat leur est opposable dans la mesure où il crée une situation juridique que les
tiers ne peuvent méconnaitre".

Ceci traduit une conception individualiste du contrat conçu comme un espace clos, un cercle fermé:
c'est ce que l'on appelle le principe de l'effet relatif des conventions qui, avec celui de l'effet
obligatoire, constitue les deux piliers du droit des contrats.

A) Le principe de l'effet relatif des contrats

II signifie que :

- les tiers ne sauraient normalement être concernés par un contrat auquel ils n'ont pas participé
; ce qui amène à préciser la situation des tiers par rapport au contrat;

- en revanche, le contrat ne doit pas être caché aux tiers ; ce qui pose le problème de la
simulation.

1) La situation des tiers par rapport au contrat

Sommairement, le mot "tiers" désigne toute personne étrangère à un rapport juridique. Celui qui
n'est pas partie à un contrat ne saurait donc normalement y être impliqué, directement ou

40
indirectement.

Mais, le contrat étant un "fait" que l'on ne peut ignorer, il arrive qu'il concerne d'autres personnes
que les contractants eux-mêmes, c'est ce qu'exprime l'art. 110 a1. 2 COCC. Seulement, la notion de
tiers connait forcement des degrés selon qu'une personne est plus ou moins proche du contrat : et
entre les parties et ceux qui sont vraiment extérieurs à la convention, existe une catégorie
intermédiaire : les ayants-cause, dont la situation est très différente de celle des tiers étrangers.

a) Les ayants-cause

Ce sont les personnes qui acquièrent un droit de l'une des parties (leur "auteur"). II en existe trois
catégories :

- Les ayants-cause universels: ce sont ceux qui recueillent la totalité du patrimoine d'une
personne, ce qui ne peut se concevoir que par succession (l'ayant-cause à titre universe1 ne
recueille qu'une quote-part). Les contrats passés par leur auteur (le défunt) continuent à avoir
effet, sauf les contrats conclu intuitu personae : ces contrats obligent l'ayant-cause universel
ou lui profitent. Ce prolongement du contrat s'explique par le principe, propre au droit des
successions, que l'héritier continue la personne du défunt (du moins s'il accepte la succession).

- Les ayants-cause particuliers: ce sont ceux qui acquièrent de l'une des parties un ou plusieurs
biens déterminés (acheteur ou donataire par exemple). La question, très complexe, est de savoir
si l'ayant-cause particulier recueille ou non les droits et obligations de son auteur en même
temps que le bien transmis.

41
Le problème a pris de l'ampleur avec le phénomène des groupes de contrats, qui commande de relier
entre elles des opérations juridiques au sein d'une même activité économique et qui suggère donc
d'admettre une nouvelle catégorie: les "sous-contractants''. Dans ces groupes de contrats, la doctrine
distingue généralement les ensembles contractuels qui réunissent des conventions différentes mais
interdépendantes (crédit-bail, sous-traitance, ...) et les chaines de contrats, composées de plusieurs
conventions conclues successivement sur un même objet (la vente successive d'une chose, depuis sa
fabrication jusqu'à sa consommation).

Pour répondre à la question posée, nous dirons que les droits et actions accessoires au bien transmis
peuvent en principe être exercés par l'ayant-cause. En revanche, les obligations attachées à la chose
ne lient pas en principe l'ayant-cause particulier sauf s'il s'agit d'obligations dépendantes de la chose
telle une obligation de non concurrence.

- Les créanciers chirographaires d'une des parties: ce sont ceux qui ne sont munis d'aucune sureté
particulière. Mais, parce qu'ils sont plus touchés que les autres par les fluctuations du patrimoine de
leur débiteur, ils disposent de certains moyens pour combattre les actes susceptibles d'affaiblir leurs
créances, il s'agit de l'action oblique.

b) Les tiers étrangers

Ils n'ont aucun rapport juridique avec les parties et le principe de l'effet relatif est vraiment fait pour
eux. Mais, il faut distinguer entre les effets du contrat et son opposabilité. Ainsi, et de manière
générale, les tiers doivent respecter les contrats passés autour d'eux.

Le tiers étranger (appelé "penitus extranei") peut cependant parfois subir des effets indirects du
contrat ou en tirer avantage. En effet, un tiers pourrait être rendu responsable à l'égard d'un
contractant: celui qui, par exemple, s'immisce dans un contrat de travail pour débaucher le salarié
d'un concurrent ou encore l'hypothèse ou un tiers se rend complice de l'inexécution d'une promesse
unilatérale de vente.

Inversement, un contractant peut être rendu responsable à l'égard d'un tiers : par exemple,
l'entreprise liée par un contrat d'entretien d'un ascenseur, en cas d'accident subi par un utilisateur.

2) La simulation du contrat

Les parties souhaitent parfois, "masquer" leur contrat en passant, parallèlement à leur contrat

42
officiel (l'acte ostensible), une convention secrète, un accord clandestin appelé "contre-lettre"
(parce que contredisant l'acte apparent).

La simulation peu porter sur :

- un élément du contrat (exemple: dissimulation d'une partie des prix dans la vente d'un immeuble);
- une personne: c'est le cas en matière de prête-nom ou d'interposition;
-le contrat lui-même (exemple: donation masquée sous forme de vente ou contrat fictif).

Bien que la simulation serve généralement à réaliser une fraude, l'art. 111 COCC dispose: "sauf
dispositions contraires de la loi, la simulation n'est pas une cause de nullité et les contractants
doivent exécuter les obligations résultant de toute contre-lettre ». En effet, selon l'art. 111, c'est
l'acte secret qui prévaut car c'est lui qui reflète la volonté réelle des parties. Quant aux tiers, ils peuvent,
à leur profit, choisir de s'en tenir à l'acte ostensible ou de se prévaloir de l'acte secret. La
contre-lettre ne peut point nuire aux tiers.

Par conséquent, lorsque dans une vente fictive les tiers du vendeur invoquent la contre-lettre pour
pouvoir saisir le bien, les tiers créanciers de l'acquéreur pourraient quant à eux, invoquer l'acte ostensible
dans le même but ; et c'est l'acte ostensible qui prime dans ce contrat.

B) Les exceptions au principe de l'effet relatif des contrats

Elles correspondent non plus à la situation objective des tiers mais à l'hypothèse où les parties ont
voulu que leur contrat produise effet à l'égard de certaines personnes.

En principe, cette volonté est inefficace car il n'est pas normal que l'on puisse engager les autres
sans leur avis. Mais, le COCC a prévu deux dérogations : la stipulation pour autrui et les conventions
collectives.

1) La stipulation pour autrui

II s'agit ici d'une véritable exception au principe de l'effet relatif, mais qui n'a rien de choquant
puisqu'on y trouve la volonté d'avantager un tiers.

Il résulte, en effet, de l'art. 114 COCC que la stipulation pour autrui est un contrat par lequel une
personne - le stipulant - obtient d'une autre - le promettant - un engagement au profit d'un tiers - le
bénéficiaire.

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Opération juridique à trois personnes, la stipulation pour autrui trouve principalement application
dans l'assurance-vie, mais aussi, par exemple, dans la donation avec charge ou dans le transport de
marchandises. Son originalité juridique, et en même temps son intérêt pratique, c'est que le tiers
bénéficiaire acquiert un droit direct et propre contre le promettant, alors qu'il n'est pas partie au
contrat, ni représenté, Mais, le stipulant peut révoquer la stipulation tant que le bénéficiaire ne l'a
pas acceptée.

2) Les accords collectifs

Les contrats d'association ou de groupement (syndicat, GIE) lient en principe toutes les personnes ayant
adhéré par la suite. L'exception ne s'apprécie pas par rapport au contrat de base qu'est le contrat
d'association ou de groupement matérialisé par les statuts, mais par d'autres contrats mettent, par
exemple a la charge des membres des dettes contractées antérieurement par l'association ou le
groupement. Cela s'explique par la théorie de la solidarité. C'est là une exception au principe de
l'effet relatif.

C'est conscients de la rigidité de la règle que les rédacteurs de l'acte uniforme de l'OHADA sur les
sociétés commerciales et le GIE ont prévu une disposition permettant à un nouvel adhèrent d'un
GIE d'être épargné des conséquences des dettes contractées antérieurement à son adhésion (art.
873).

En revanche, s'agissant des conventions collectives de travail, tant qu'elles restent dans leur nature
contractuelle, elles constituent une fausse exception au principe de l'effet relatif des contrats. Ces
accords ne lient que ceux qui ont été représentés (les travailleurs de la profession) lors de leur conclusion.
Donc, ici, c'est l'idée classique de représentation qui justifie la force obligatoire du
contrat.

Lorsque les conventions collectives sont reprises dans un texte règlementaire, on ne saurait parler d'effet
relatif car il ne s'agit plus de contrat mais d'acte administratif unilatéral.

Section 2 : Les difficultés d'exécution du contrat

Elles peuvent naitre de l'interprétation du contrat ou du besoin de sa révision.

§ 1 : L'Interprétation du contrat

Les règles d'interprétation du contrat sont fixées par les articles 99 à 103 du COCC. L'interprétation du
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contrat est essentiellement fondée sur la recherche de l'intention des parties. Le juge doit tenter de déceler
la volonté interne des contractants; ce n'est qu'à défaut d'y parvenir qu'il pourra recourir aux dispositions
légales supplétives, aux usages ou à l'équité.

A) La recherche de la volonté des parties

Aux termes de l'art. 99 du COCC, "par de là la lettre du contrat, le juge doit rechercher la commune
intention des parties pour qualifier le contrat et en déterminer les effets". Cela signifie que la volonté
interne doit d'abord être recherchée dans la déclaration de la volonté : dans les termes du contrat. Si ces
termes sont clairs et non ambigus, le juge commettrait un excès de pouvoir en les dénaturant (art.100),
sauf s'il était démontré qu'ils ne correspondent pas à la volonté réelle des parties. La déclaration de
volonté, lorsqu'elle est claire, est sensée refléter la volonté interne.

Cependant, en présence d'un texte obscur, imprécis, ambigu, c'est-à-dire libellé en des termes
généraux, le juge retrouve son pouvoir d'interprétation. Ainsi, il peut déceler la volonté des parties en
confrontant les clauses de la convention les unes avec les autres (art. 101 du COCC) ou en préférant les
clauses manuscrites aux clauses dactylographiées ou imprimées (art. 102 du COCC).

L'interprétation du contrat sert non seulement à déterminer préalablement avec précision les obligations
que les parties ont entendu assumer, mais encore à déterminer le régime de ce contrat. Ranger un contrat
dans la catégorie correspondant à son économie constitue l'opération de qualification. C'est par exemple
le cas lorsqu'une personne pense avoir donné une lettre d'intention alors qu'en réalité il s'agit d'une
garantie à première demande.

Cette qualification est une opération de droit sur laquelle la Cour Suprême exerce son contrôle.

B) Complément de la volonté des parties

C'est seulement lorsque les éléments intrinsèques ou extrinsèques ne lui auront pas permis de
déceler la volonté des parties que le juge aura le pouvoir de recourir à la loi, à l'usage ou à l’équité.

Pour les contrats les plus courants, la loi elle-même a organisé un régime: ce sont les contrats nommés.
Les dispositions contenus dans ces textes ne sont que l'expression de la volonté probable des parties et
viennent « suppléer » au silence de leur contrat. La qualification du contrat est donc un préalable pour
sa mise en œuvre.

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S'agissant des usages, les usages professionnels ont plus de force que les usages non
professionnels. Et même en cas de conflit entre une loi supplétive et un usage contraire qui ne se
serait instauré que depuis la promulgation de la loi, il a été indiqué que l'usage doit l'emporter, car
les parties, en gardant le silence, ont entendu vraisemblablement se référer à un usage connu plutôt
qu'à un texte tombé dans l'oubli : on dit que la loi supplétive est abrogé par désuétude.

Quant au recours à l'équité, les règles classiques d'interprétation ne permettent au juge de recourir à
l'équité qu'en dernière analyse c'est-à-dire lorsqu'il lui est impossible de déceler la volonté
exprimée ou présumée des parties. Dans ce cas, le législateur voudrait que les stipulations soient
réputées être faites en faveur de celui qui s'oblige (art. 103 al 2). Mais en pratique, les textes font une
large place à l’équité dans certains contrats : une obligation de sécurité chaque fois que la sécurité des
personnes est en jeu (contrats de transport, manèges) ; une obligation de renseignement et même de
conseil dans de nombreux contrats à la charge des professionnels (assurance, banque, commerce ...) ; et
enfin une obligation de surveillance dans les lieux où les clients déposent, à l'occasion, leurs affaires.

§ II - LA REVISION DU CONTRAT

C'est une deuxième difficulté : l’exécution du contrat devient très pénible pour l'une des parties, en
raison de circonstances extérieures qu'elles n'avaient pas prévues,

Présentons ce problème avant d'en indiquer les solutions.

A) Le problème de l’imprévision

L'hypothèse doit être bien délimitée :

- il faut supposer un contrat à exécution successive;

- une circonstance extérieure qui vient bouleverser l’équilibre du contrat : par exemple, la hausse
brutale du prix de matières premières qui rend très difficile la poursuite d'un contrat de fournitures
au prix initialement convenu.

L'imprévision se distingue donc de la lésion, car cette dernière est un déséquilibre qui se manifeste
dès la conclusion du contrat.

En outre, l’imprévision n'est qu'une difficulté d'exécution et non un cas de force majeure, qui supposerait

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une impossibilité d'exécution.

Enfin, il ne s'agit pas d'une difficulté personnelle au débiteur.

La question est alors de savoir si, faute d'accord entre les parties, convient-il d'intervenir pour
réadapter le contrat ? II y a des arguments favorables et des arguments hostiles à la révision.

1) Arguments favorables à la révision

Le premier est fondé sur la volonté des parties : elles ne s'engagent que sous la condition (tacite)
d'une certaine stabilité économique ; sinon elles ne l'auraient fait qu'à des conditions différentes
(c'est ce que l'on appelle la clause « rebus sic stantibus »).

Le deuxième argument est un argument moral de justice sociale : le contrat n'est plus juste lorsque le
déséquilibre important. Ce qui pose le problème de l'équité.

Enfin, le troisième argument est économique et social : le contractant avantagé par les circonstances
a peut-être paradoxalement, intérêt à ce que le contrat soit révisé car si son partenaire est ruiné, cela
risque d'entrainer l’inexécution du contrat.

2) Les arguments hostiles à la révision

- A l'argument tiré de la volonté des parties, on répond que rien ne prouve qu'elles ont tacitement
convenu de réadapter leur contrat et certainement pas celui qui est avantagé ; or il faut tenir
compte de la commune intention des parties (contractants).

- A l'argument d'équité, on réplique que le droit et la morale ne se confondent pas ; et réviser le


contrat serait contraire au principe, lui aussi d'équité, et de celui du respect de la parole donnée (pacta
sunt servanda).

- Sur le plan économique, on peut redouter les conséquences catastrophiques de la révision : trop de
contractants la réclameraient, et celui qui subirait la révision ne manquerait de la demander à son
tour à l'égard d'une autre personne. Comme l'a écrit un auteur (FLOUR) : «La révision appelle la
révision».

B) Les solutions au problème de l’imprévision

a) Les interventions du législateur


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Le législateur sénégalais s'est bien gardé de permettre en général la révision des contrats, mais s'est
efforcé, par des mesures ponctuelles et impératives déjà mentionnées, de rééquilibrer les conventions
les plus exposées aux crises économiques.

Quant au législateur, l’article 1195 nouveau du Code civil Français permet désormais la révision du
contrat privé et enterre, du coup, la fameuse jurisprudence du Canal de Craponne (Civ. 6 mars 1876 (D.
76. 1. 193, note Giboulot), qui avait refusé d’admettre la révision du contrat par le juge en cas
d’imprévision affectant les contrats privés.

L’article 1195 du CCF dispose, en effet : « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la


conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté
d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle
continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.

En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat,
à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder
à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie,
réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe. »

b) L'initiative des parties

Elles peuvent se prémunir contre l'imprévision en insérant, dès la conclusion du contrat, des
clauses permettant la révision des prestations. Ce sont les clauses d'indexation, encore appelées
clauses d'échelle mobile prévues par le législateur.

Entre professionnels, des clauses de plus en plus nombreuses permettent également de tenir compte
des fluctuations économiques, et notamment la clause de renégociation ou de «hardship», qui
oblige les parties à se concerter afin de réaménager le contrat.

Section 3: L'inexécution du contrat

Un contrat valable mais qui ne reçoit pas exécution (totalement ou partiellement) constitue une
atteinte grave au principe de l'effet obligatoire du contrat.

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En face d'un débiteur qui n'accomplit pas sa prestation, que peut faire le créancier ?

Le créancier peut, certes, contraindre son débiteur en recourant à l'exécution forcée. Mais pour plusieurs
raisons, il préfèrera demander la rupture du contrat : c'est ce que l'on appelle la résolution. Et s'il subit
un préjudice du fait de l'inexécution, il pourra obtenir des dommages-intérêts.

La résolution peut intervenir dans deux cas correspondant à une défaillance ou une impossibilité
d'exécution.

§ 1 : L'impossibilité d'exécution

L'impossibilité d'exécution doit s'entendre d'un obstacle véritablement insurmontable ou irrésistible


et imprévisible. On dit alors qu'il y a force majeure.

Mais que se passe-t-il lorsque ces conditions sont remplies ? Dans ce cas, le contrat est privé de
son efficacité soit totalement, soit partiellement selon l'intensité de l'impossibilité d’exécution. De
plus, dans les contrats synallagmatiques, le cocontractant sera en principe libéré en application de la
théorie des risques.

A) Le sort du contrat

S'il est impossible d'exécuter un contrat, celui-ci doit en principe disparaitre : « A l'impossible nul
n'est tenu ». Mais, cette brèche dans la force obligatoire du contrat dépendra du degré ou de
l’intensité de l'impossibilité. Ainsi, quatre mécanismes différents vont être mis en œuvre :
suspension, résolution, résiliation ou caducité et réduction du contrat.
1) En cas d'impossibilité temporaire, le contrat est généralement suspendu : ex. salarié malade.

2) Lorsque l'une des parties est dans l'impossibilité définitive ou totale de fournir sa prestation
(impossibilité totale), le contrat est bloqué. On estime qu'il est alors résolu, c'est-à-dire anéanti
avec rétroactivité. (Ex. lorsque la construction confiée à un entrepreneur est interdite par l’autorité
administrative, il y a résolution de plein droit c'est-à-dire automatique, sans qu'il soit nécessaire
de demander une décision de justice (Com. 28 avril 1982, Bull. IV n° 145).

3) Si l'impossibilité survient en cours de contrat, pour les contrats à exécution successive, il est mis
fin au contrat. On parle alors de résiliation ou de caducité.

4) Si l'impossibilité n'affecte qu'une partie des obligations d'un contractant, le choix s'offre entre
deux solutions : admettre la résolution du contrat tout entier ou au contraire en séparer la
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fraction inexécutable, seule résolue lorsque le contrat est divisible.

B) Les conséquences pour l'autre contractant : la théorie des risques


L'impossibilité d'exécuter sa prestation libère le débiteur, sans qu'il soit en faute et par conséquent sans
qu'il doive une quelconque indemnité à son cocontractant qui pourrait subir un préjudice. Par exemple,
le locataire du bien détruit ne pourra être indemnisé des frais qu'il doit
exposer pour se reloger, ou encore, l'employeur du salarié malade, des frais de recours à des services
d'intérim, ou bien l'acheteur d'un bien disparu, des frais de remplacement, etc.

Mais, dans les contrats synallagmatiques, est-ce que la contrepartie est néanmoins due c'est-à-dire
est-ce que le débiteur empêché d'exécuter peut néanmoins réclamer l'obligation corrélative? En
somme qui doit supporter la force majeure ? 11 existe un principe.

Selon l’article 108 du COCC : «Dans les contrats synallagmatiques, lorsque l'une des parties est
dans l'impossibilité d'exécuter sa propre prestation, l'autre est déliée du contrat ». Cela signifie que le
débiteur empêché de s'exécuter supporte le risque de cet empêchement : c’est la règle «Res
perit debitori ». Rien de plus normal.

Mais dans les contrats translatifs de propriété, la règle se trouve perturbée par une autre règle dite
« Res Perit domino » : la chose périt à la charge de son propriétaire. Aux termes de I' article 109 du
COCC : « Le transfert des risques de la chose est lié au transfert de la propriété, qu'il se produise au
moment de la délivrance ou tout autre moment fixé par l'accord des parties ».

En cas de conflit entre les deux règles, c'est cette dernière qui l'emporte. Ce qui conduit à des
solutions parfois nuancées.

1) En cas de vente

L'acquéreur n'acquiert, en principe, un droit de propriété sur la chose qu'au moment de la délivrance
(art 276 du COCC). Mais les parties peuvent décider que l'acquéreur deviendra propriétaire
immédiatement dès l'échange de consentements (c'est le principe solo consensu). Si la perte de la chose
a eu lieu avant la délivrance, le risque est à la charge du vendeur dans le 1er cas ; et de l'acheteur dans
le second cas parce qu'ayant acquis la propriété de la chose. Mais dans le second cas, si nous sommes
en présence d'une clause de réserve de propriété, le vendeur étant propriétaire continue de
supporter les risques : la perte sera pour lui et il ne pourra réclamer le prix.

2) En cas de prêt à usage d'une chose


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Le préteur reste en principe propriétaire et supporte donc la perte de la chose par cas fortuit entre les
mains de l'emprunteur. Mais pour les choses de genre qui se consomment, l'emprunteur
devient propriétaire à charge de rendre l'équivalent (art 535 COCC).

3) En cas de contrat d'entreprise

La situation du joaillier (bijoutier) varie selon le cas : s'il « fournit la matière », il reste
propriétaire jusqu'à la livraison et en cas de perte, il ne peut demander ni le prix des fournitures, ni
la rémunération de son travail ; mais s'il travaille sur un bijou confié par son client, ce dernier en est
propriétaire : le joaillier ne doit rien au titre de la perte du bijou en l’absence de faute de sa part (res
perit domino) mais ne peut demander paiement de son travail (res perit debitori).

La mise en demeure vient compliquer davantage ces règles. En effet, si le débiteur non propriétaire
a été mis en demeure de livrer ou de restituer la chose, les risques passent à sa charge. Selon l'art. 5
du COCC, « le créancier acquiert le droit sur la chose au moment de la délivrance ... ». Par exemple
s'il était convenu entre les parties que le transfert de la propriété aurait lieu dès la conclusion du
contrat, le risque serait normalement pour l'acquéreur. Mais si le vendeur n'a pas livré la chose, la
mise en demeure fait repasser les risques de la chose à sa charge. II s'agit ici d’une sanction.

§ 2. La défaillance d’exécution

Les contractants sont tenus d'exécuter de bonne foi toutes les obligations stipulées ainsi que leurs
« suites naturelles ».
Toute défaillance constitue un manquement contractuel : qu’il s'agisse non seulement d'une inexécution
totale ou partielle, mais encore d'une exécution défectueuse, soit au regard de la qualité soit au
regard des délais.

La défaillance d'un contractant l'expose à des sanctions de deux sortes : d'une part c'est la question du
maintien d'un contrat non respecté ; d'autre part, elle engage la responsabilité contractuelle de son auteur.
Ces deux sanctions peuvent être exercées ensemble et se cumuler.

A) Le sort du contrat

Le créancier peut toujours poursuivre l'exécution du contrat en intentant une action en exécution ou
refuser d'exécuter son obligation en cas de défaillance de l'autre ou demander la résolution du contrat.

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a) L'action en exécution

L'exécution du contrat dans les termes mêmes convenus constitue pour chaque partie un droit dont elle
peut toujours exiger l'exécution. Selon la jurisprudence l'action tendant à l'exécution
d'une obligation contractuelle n'est pas subordonnée à l'existence d'un préjudice (Civ. 30, 6 mai
1980, Bull III n° 91).
Toutefois, il y a faute à pousser son droit jusqu'à l'extrême sans intérêt légitime. Il est par
exemple abusif de refuser à un locataire une résiliation anticipée du contrat (Civ. 3e, 22 février
1968 D. 1968. 608, note Malaurie). D'autre part, quelques décisions font appel à l'idée de bonne foi
pour (tempérer le rigorisme contractuel) l'exécution d'une stipulation contractuelle conduisant à un
résultat contraire à l'équité ; cas des clauses résolutoires pour fautes minimes.

Mais, pour obtenir l’exécution du contrat, chaque partie dispose des moyens de contrainte auxquels
peut recourir tout créancier (saisies, astreintes etc.).

b) L'exception d'inexécution

L'exception d'inexécution (exceptio non adimpleti contractus) est un moyen dont dispose un
créancier dans un contrat synallagmatique pour obliger son débiteur à exécuter sa prestation envers lui.
Selon l'art. 104 COCC « chacun des contractants peut refuser de remplir son obligation tant que l'autre
n'exécute pas la sienne ».

Elle ne peut jouer que dans certaines conditions et n'emporte que des effets limites,

1 - Conditions

Elles sont au nombre de trois :

- il faut qu'il s'agisse d'un contrat synallagmatique


- il faut que l'obligation inexécutée soit exigible
- il faut que l'inexécution constitue un manquement grave aux obligations contractées.

Les juges du fond apprécieront la proportionnalité entre la riposte et l'attaque. Peu importe l'origine
fautive ou fortuite de l'inexécution originaire. « L’exceptio non adimpleti contractus » constitue une
exception au principe «nul ne peut se faire justice soi-même ».

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2 - Les effets
L'exception d'inexécution ne rompt pas le contrat. Elle ne fait que retarder son exécution normale
même si elle débouche, en pratique, soit sur une rupture amiable, soit sur une rupture judiciaire.

c) La résolution pour inexécution

Lorsqu'une partie n'obtient pas satisfaction, elle peut craindre que le contrat ne lui apporte que des
déboires, même en recourant à l'exécution forcée. Le fondement théorique est l'idée de cause : le
contractant pouvant se délier de son obligation si la contrepartie qui en est la cause n'est pas fournie.
C'est pourquoi d'ailleurs, on affirme traditionnellement que la résolution ne concerne que les contrats
synallagmatiques.

Mais dans les contrats unilatéraux le même mécanisme se retrouve parfois sous d'autres vocables.
Ainsi, pour les donations on parle de révocation pour inexécution des charges. Pour les contrats de
prêt, de déchéance pour inexécution. Il s'agit, dans tous les cas de mettre fin au contrat en raison de
son inexécution. Le mécanisme est donc d’application générale sauf en matière de partage ou de
contrat de travail où il existe des procédures spécifiques (Ass. Plen. 28 janvier 1983, D. 1983.269).

1 - Conditions

En principe, le recours au juge est obligatoire: c'est l'action en résolution judiciaire (art. 105
COCC). La résolution judiciaire peut être demandée par le contractant mécontent (ou par les deux).
La jurisprudence (Com. 17 mai 1982, D. 1983 I.R. 479, note LARROUMET) ouvre
également le droit de la demander à des tiers qui y sont intéressés et en tireront un avantage : cas du
sous-acquéreur ou de la caution.

L'appréciation du degré de gravité de l’inexécution par l'un des contractants de ses obligations
pour justifier la rupture de contrat est une question de fait dont l’appréciation échappe au contrôle
de la Cour de Cassation (C.S. n° 20 du 3017/1974).

Mais afin d'éviter la nécessité d'une action en justice et l'aléa inhérent au pouvoir d'appréciation
des juges du fond, les contractants insèrent souvent dans leur accord une clause résolutoire,
L’originalité est que la résolution se produit alors de plein droit, par le seul effet de la clause (art 106
al. l COCC). S'agissant des contrats à exécution successive, la résiliation peut intervenir après
notification au défaillant des manquements constatés à sa charge (art 106 al 2 COCC). Les parties
peuvent également, dès la conclusion du contrat, convenir que l'une d'elles pourra y mettre fin
53
unilatéralement (c'est la clause de dédit) en payant a l'autre une somme forfaitaire. Une faculté de
résiliation de plein droit existe aussi dans les contrats à durée indéterminée et dans les contrats à durée
déterminée reposant sur la confiance.

2 - Les effets

Que la résolution soit prononcée par le juge ou qu'elle résulte de la mise en œuvre d'une clause
résolutoire, la résolution produit les mêmes effets : le contrat est en principe anéanti
rétroactivement. Cette rétroactivité s'applique comme en matière de nullité et soulève les mêmes
difficultés,

Lorsqu'il prononce la résolution, le juge peut l'accompagner éventuellement de dommages-intérêts,


selon les règles de la responsabilité contractuelle

54
B) La responsabilité contractuelle

D'une manière générale, la responsabilité civile désigne l'obligation de réparer le dommage


causé à autrui. La responsabilité contractuelle est la variété de responsabilité civile s'appliquant
lorsque le dommage a été causé par l’inexécution ou la mauvaise exécution d'un contrat. Elle
se distingue, par cette origine du dommage, de la responsabilité délictuelle, relative aux
dommages extérieurs à un contrat. Les deux types de responsabilité se ressemblent beaucoup et
c'est pourquoi le législateur sénégalais institue un régime unique de responsabilité mais qui vise
plus le délit que le contrat.

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TITRE II : LE QUASI-CONTRAT
Le législateur sénégalais range uniquement dans cette catégorie la gestion d’affaires et
l’enrichissement sans cause. En effet, traditionnellement le paiement de l’indu est considéré
comme une source quasi contractuelle d’obligation, alors qu’il n’en est rien. Il est plutôt la
sanction d’une forme particulière d’enrichissement sans cause.

CHAPITRE I : LA GESTION D’AFFAIRES

C’est le fait d’une personne, le gérant ou « negotiorus gestor », qui sans en avoir été chargé,
s’occupe des affaires d’une autre personne, le géré ou maitre de l’affaire.

Par certains points, la gestion d’affaires ressemble au mandat mais elle en diffère sensiblement,
car elle ne repose pas sur un accord de volontés des parties.

Il sera donc envisagé les conditions puis les effets de cette source d’obligations.

Section 1 : Les conditions

Parmi les conditions de la gestion d’affaires, certaines concernent le géré, une autre le gérant,
d’autres enfin sont relatives à l’acte de gestion.

Paragraphe I : Conditions relatives au géré

Le géré ne doit pas avoir consenti à la gestion, d’une part ; il ne doit pas s’être opposé à la
gestion d’autre part (art. 157 du COCC).

A- Le géré ne doit pas avoir consenti à la gestion

Si le géré avait consenti même tacitement, à la gestion avant qu’elle ait été entreprise, il y aurait
contrat de mandat ou contrat d’entreprise selon les circonstances, et non gestion d’affaires. Sa
capacité est différente dans la mesure où la gestion d’affaires oblige le géré hors de sa volonté.

B- Le gérant ne doit pas s’être opposé à la gestion

La personne qui s’immiscerait dans l’affaire d’autrui contre la volonté du propriétaire, ne ferait
pas un acte de gestion d’affaires mais commettrait une faute engageant sa responsabilité
délictuelle.

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Paragraphe II : Conditions relatives au gérant

Le gérant doit avoir en principe l’intention de gérer les affaires d’autrui, mais il n’est pas
indispensable qu’il ait agi dans l’intérêt exclusif du maitre : un copropriétaire qui fait un acte
utile à l’indivision gère l’affaire de tous.

Le gérant agissant sans la volonté de s’engager, sa capacité est indifférente. Mais une capacité
a une incidence sur la validité des actes juridiques qu’il a pu passer en son propre nom : il a le
droit d’en demander la nullité, et, dans ce cas, le géré n’est pas tenu envers lui.

Paragraphe III : Conditions relatives à l’acte de gestion

L’acte de gestion peut être un fait matériel ou un acte juridique. Il doit présenter deux
conditions.

A- L’acte doit être utile au moment où il est accompli

Il n’y a gestion d’affaires que si l’acte a été utile au géré. Cette utilité s’apprécie au moment où
il est accompli. En effet, il est possible que, par suite de circonstances postérieures, le géré ne
réalise aucun enrichissement. C’est le cas lorsque l’immeuble sur lequel le gérant avait entrepris
des travaux a été détruit par un incendie. Certes le géré ne s’est pas enrichi du fait de la gestion,
mais l’acte a été utile au moment où il a été réalisée.

B- L’acte de gestion ne doit pas en principe dépasser les limites de l’acte de


l’administration

Cette condition n’est pas rigoureusement respectée par la jurisprudence. Néanmoins, il faut
retenir qu’un acte d’administration même s’il emporte aliénation peut être accompli au titre de
la gestion d’affaires. Au contraire sera interdit l’acte de disposition proprement dit.

Aliénation et disposition ne sont pas synonymes. Elles diffèrent au moins par l’esprit de remploi
qui fait défaut à la seconde.

Section 2 : Les effets de la gestion d’affaires

La gestion d’affaires fait naître des obligations à la charge du gérant et du géré (art. 158 et 159
du COCC)

Paragraphe I : Obligations du gérant

Le gérant peut avoir des obligations tant à l’égard des tiers qu’à l’égard du géré.
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A- A l’égard des tiers

Le gérant n’est tenu à l’égard des tiers que s’il a passé avec eux des actes juridiques en son
propre nom.

B- A l’égard du géré

Trois obligations pèsent sur le gérant à l’égard du géré. Il doit achever l’acte qu’il a entrepris.
Il doit gérer en bon père de famille. Sa faute est appréciée in abstracto par référence à celle d’un
bon père de famille. Il doit rendre compte de sa gestion.

Paragraphe II : Obligations du géré

Le géré peut avoir des obligations à l’égard des tiers et à l’égard du gérant.

A- A l’égard des tiers

Le géré est tenu à l’égard des tiers des actes utiles qui ont été passés par le gérant pour son
propre compte à lui géré.

B- A l’égard du gérant

Le maître doit indemniser le gérant de toutes les dépenses qu’il a pu faire, des intérêts de ses
avances, des engagements qu’il a contractés en son propre nom, du dommage qu’il a subi du
fait de la gestion. En principe, la gestion est gratuite, mais on admet que le gérant puisse
réclamer une rémunération si cela est justifié. Le gérant n’étant tenu que si la gestion a été
utile, le maître ou géré ne doit rembourser que les dépenses utiles et nécessaires.

Enfin, lorsque le géré ratifie l’acte de gestion, il transforme rétroactivement la gestion d’affaires
en mandat. Il en résulte que le géré sera tenu de l’acte ratifié, même si cet acte n’a pas été utile.

CHAPITRE II : L’ENRICHISSEMENT SANS CAUSE

L’enrichissement sans cause est défini comme « celui qui, en l’absence d’un acte juridique
valable, s’est enrichi aux dépens d’autrui, est tenu de l’indemniser dans la mesure de son
propre enrichissement jusqu’à concurrence de l’appauvrissement » art. 160 du COCC. C’est
la consécration du principe qui interdit un enrichissement aux dépens d’autrui (suum cuique
tribuere = rendre à chacun le sien). Ce principe a été généralisé par la Cour de cassation dans
son arrêt du 16 juin 1892 lorsque le juge retient que « attendu que cette action, dérivant du
58
principe d’équité qui défend de s’enrichir aux dépends d’autrui…qu’il suffit pour la rendre
recevable que le demandeur allègue et offre d’établir l’existence d’un avantage qu’il aurait,
par un sacrifice ou un fait personnel, procuré à celui contre lequel il agit ». L’action en
indemnisation est soumise à des conditions spécifiques de recevabilité (Section I) pour que son
effet soit certain (Section II).

Section I : Les conditions de l’enrichissement sans cause


Le succès de l’enrichissement sans cause pour celui qui l’invoque dépend de la réunion d’une
condition d’ordre économique ou matériel (§ 1) et d’une condition juridique tenant à la cause
de l’enrichissement (§ 2).

§ 1 – La corrélation entre l’enrichissement et l’appauvrissement

La loi exige une relation de causalité entre l’enrichissement du défendeur (A) et


l’appauvrissement du demandeur (B).

A. L’enrichissement du défendeur
La notion d’enrichissement est entendue de manière très large par la jurisprudence. De manière
générale, il renvoie à un avantage quelconque susceptible d’être apprécié en argent. Il peut
s’agir d’une augmentation de l’actif du patrimoine sans contrepartie ou d’une diminution du
passif sans payement préalable. La notion d’enrichissement a même été étendue à un avantage
moral obtenu par le défendeur. En tout état de cause, l’enrichissement doit être la source
nécessaire et exclusive de l’appauvrissement du demandeur.

L’appauvrissement du demandeur

La notion d’appauvrissement est interprétée comme une perte quelle que soit sa nature
appréciable en argent. C’est l’opposé de l’enrichissement. La jurisprudence a une conception
large du phénomène (dépense, prestation restée impayée).

Les conditions matérielles doivent être rapprochées d’une condition juridique pour que l’action
de in rem verso prospère.

§ 2 - L’absence de cause

La loi exige un acte juridique valable pour justifier l’enrichissement de quelqu’un. A contrario
son absence laisse présumer un enrichissement sans cause. L’absence de cause s’entend du

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défaut de contrepartie soit de l’enrichissement soit de l’appauvrissement. La preuve d’une telle
situation incombe au demandeur à l’action conformément aux règles du droit commun.

La faute de l’appauvri doit être envisagée comme un élément d’exclusion de l’action de in rem
verso ou du moins un fait susceptible de réduire le montant de l’indemnisation.

Section II : Les effets de l’enrichissement sans cause


La mise en œuvre de l’action de in rem verso permet d’indemniser l’appauvri en restaurant
l’équilibre entre les patrimoines concernés. Le COCC pose les conditions de recevabilité de
l’action en indemnisation (§1) et en fixe le principe (§2).

§ 1 – La recevabilité de l’action de in rem verso

L’article 161 COCC énumère deux conditions relativement à l’exercice de l’action de in rem
verso. Il s’agit de la faute de l’appauvri qui en exclut la poursuite et du caractère subsidiaire de
l’action. Le caractère subsidiaire de l’action signifie que l’appauvri ne doit disposer d’aucune
autre action découlant d’un acte ou d’un fait juridique permettant le retour dans son patrimoine
de l’élément sorti. Il en est ainsi de l’interdiction de contourner certains obstacles de droit ou
de fait par le moyen de l’action de in rem verso (rescision pour lésion, prescription de la dette,
absence de preuve).

§ 2 – L’indemnisation de l’appauvri

L’indemnisation de l’appauvri est encadrée par un système de plafond qui concerne son
montant, le moment d’appréciation et l’évaluation de l’appauvrissement. Le remboursement est
enfermé dans un double plafond : le montant ne peut ni être ni supérieur à l’appauvrissement ni
supérieur à l’enrichissement. L’enrichissement est apprécié au moment de l’introduction de
l’action en justice tandis que l’appauvrissement est définitivement acquis dès la sortie de l’actif
du patrimoine de l’appauvri (impossibilité d’évolution de son montant).

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