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NOTES DE COURS DE DROIT DES OBLIGATIONS

INTRODUCTION
CHAPITRE 1. LE DOMAINE ET LA DÉFINITION DES OBLIGATIONS

GENERALITES
Le mot « obligation » fait son apparition dans la langue française au début du XIIIe siècle (1235)
pour exprimer l’action d’engager. Comme aujourd’hui, il désigne à la fois l’engagement et l’acte
authentique par lequel on s’engage. Ce n’est que plus tard, aux XIVe et XVe siècles, que
l’obligation prend le sens plus général de « lien moral » puis de « dette de reconnaissance ». A la
fin du Second Empire (1868-1872), le terme acquiert une nouvelle signification, plus technique :
celle de titre négociable1.

A- Définition juridique de l’obligation


Si le langage courant s’avère moins précis que le vocabulaire juridique, tous deux s’accordent sur
le sens du terme obligation : « être obligé » signifie être contraint à quelque chose. En droit
romain, il s’agit de la contrainte qui pèse sur une personne pour qu’elle fasse quelque chose, pour
qu’elle s’acquitte de quelque chose
(Institutes, 3, 13). Le jurisconsulte Paul ajoute que la substance des obligations ne consiste pas à
nous rendre propriétaires d’une chose, ou titulaires d’une servitude, mais à astreindre une
personne envers nous : soit à transférer la propriété ( dare ), soit à faire quelque chose ( facere ),
soit encore àpraestare, c’est-à-dire à livrer une chose pour en user ou en jouir, comme dans le cas
du louage (Digeste, 44, 7, 3).
Dans le vocabulaire courant, l ’obligation est le devoir qui pèse sur une personne. Juridiquement,
l’obligation ou droit personnel, définit le lien de droit par lequel, une ou plusieurs personnes
(physiques ou morale, créancier(ères)) peuvent exiger d’une ou d’autre personnes, (le ou les
débiteurs) l’exécution d’une prestation de faire, de ne pas faire ou de donner. Ce lien de droit est
juridiquement obligatoire, le propre de l’obligation est de pouvoir être exécuté en justice. C’est
aussi un devoir imposé par la loi.

Le Code civil ne définit pas directement l’obligation ; mais l’article 897 nous indique quels
peuvent en être les divers objets, en définissant le contrat : « Le contrat, dit-il, est une convention
par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à donner, à
faire ou à ne pas faire quelque chose ».

A la lumière de ce qui vient d’être dit, trois éléments peuvent être dégagés dans une obligation :
elle crée un rapport entre des personnes (A) ; elle a un objet, la dette, ce qui est dû (B) ; elle
présente un caractère contraignant (C).
1. L’obligation crée un rapport entre des personnes
Emprunté au verbe ligare, signifiant « lier », « attacher », le mot obligatio exprime l’idée de «
s’engager dans des liens ».

1 Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye, Dictionnaire historique de l'ancien langage françois, publié par L. Favre,
Niort, 1876-1882, 10 vol. ; Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l'ancienne langue française, Paris, 1880-1902, 10 vol. ;
Dictionnaire historique de la langue française, sous la dir. de Alain Rey, Le Robert, Paris, 1992, sous l'art. obliger ; G.
Piéri, « Obligation », Archives de philosophie du droit, 1990, pp. 221-231 ; Jean-Louis Gazzaniga, Introduction historique
audroit des obligations, coll. droit fondamental, P.U.F., Paris, 1992, n° 16, pp. 28-29.

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Ce n’est que progressivement, au terme d’une évolution dont nous connaissons mal les étapes,
que les jurisconsultes classiques dégageront l’idée d’un lien de droit entre deux personnes, avec
un sujet actif, le créancier (creditor, reus credendi), et un sujet passif, le débiteur (debitor, reus
debendi). Cette définition fait aujourd’hui encore l’unanimité.
Le mot creditor (du latin credere, signifiant « croire », « confier ») implique une notion de
confiance. Plutôt que d’exiger satisfaction immédiate, le créancier se fie au débiteur pour l’
exécution de l’ obligation : toute l’ opération repose sur le crédit accordé par le créancier au
débiteur. L’obligation, explique Eugène Gaudemet ( 1872-1933 ), « c’est le crédit considéré au
point de vue juridique »2. Les anciens commentateurs du droit romain avaient pour habitude de
dire : « on lie les bœufs par les cornes et les hommes par les paroles... » ; d’où l’on fit ce vieux
proverbe français : « Comme les bœufs par les cornes on lie, aussi les gens par les mots font folie
» ; l’espagnol dit également : « Al bueypor el cuerno, y al hombrepor el vierbo »3.

2. L’obligation a un objet
L’obligation a toujours pour finalité d’obtenir un avantage, le plus souvent d’ordre économique :
somme d’argent (pecunia certa), chose certaine (res certa) ou incertaine (res incerta), service,
prestation, et parfois même une abstention (non facere). Cette chose due, la res, c’est ce qu’on
appelle vulgairement la dette, le debitum (Digeste, 46, 2, 1 ; 2, 14, 9).
Etymologiquement debitum viendrait du latin de habitum (de habere), signifiant « avoir en moins
» : il y a en effet appauvrissement pour celui qui doit, le débiteur, une diminution de son
patrimoine correspondant à la dette. Cependant, le créancier n’exerce pas un droit direct sur la
chose due, celle qui doit être transférée (dandum). Il ne peut que s’adresser au débiteur qui a pris
des engagements. En cela le droit des obligations s’avère très éloigné du régime des droits réels.
On doit en effet éviter toute confusion entre le rapport obligatoire unissant le créancier au débiteur
et le droit du propriétaire sur la chose. Non seulement le droit réel procure une jouissance
immédiate à son titulaire, mais il est durable, il emporte droit de suite et droit de préférence. Le
droit de créance, au contraire, ne permet pas au créancier de suivre un élément du patrimoine du
débiteur, fût-ce la chose due, entre les mains d’un tiers.

3. L’obligation présente un caractère contraignant


Comme nous l’avons déjà souligné, la personne obligée peut être contrainte à l’exécution de ce à
quoi elle s’est engagée et plus généralement à l’exécution de l’obligation qui pèse sur elle.

4. Les caractères de l’obligation


L’obligation présente trois caractères 2 3
C’est d’abord un lien personnel parce qu’il met nécessairement en face au moins deux personnes.
L’une pouvant exiger de l’autre une certaine prestation. Par conséquent, le pouvoir du créancier
s’exerce sur la personne du débiteur, ce qui en fait un lien de droit personnel, un droit de créance
par opposition au droit réel qui est le pouvoir de direction d’une personne sur une chose.
C’est ensuite un lien juridique. Son application peut être assurée par la force publique. Il y a un
élément de contrainte dans toute obligation, ce qui permet de la distinguer des autres obligations
qui n’ ont pas un tel caractère, telles que l’ obligation morale et l’ obligation matérielle.

2Théorie générale des obligations, publiée par H. Desbois et J. Gaudemet, Sirey, Paris, 1937, p. 10 ; réimp. 1965 ).
3v. les Institutes coutumières d'Antoine Loysel, avec les notes d'Eusèbe de Laurière, Paris, 1846, t. 1, n° 357, p. 359

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Enfin l’obligation a un caractère patrimonial en ce sens qu’il s’agit d’un droit susceptible d’être
évalué en argent, d’un droit pécuniaire. Le droit des obligations porte donc sur le nerf de la guerre
: l’ argent.

5. La classification des obligations


On peut à titre provisoire retenir que les obligations peuvent être classées soit selon leur mode
d’exécution, soit selon leur nature.
La classification selon le mode d’exécution renferme elle-même deux variantes.
• En premier lieu, il y a la distinction entre l’obligation de faire, de ne pas faire et l’
obligation de donner.
Il y a obligation de faire lorsque le débiteur est astreint à l’exécution d’une certaine prestation,
d’un certain acte positif. L’entrepreneur est tenu de réaliser l’ouvrage commandité.
Par contre l’obligation est de ne pas faire lorsque le débiteur s’astreint à ne pas agir, lorsqu’il est
tenu d’une abstention. Par exemple le salarié est tenu d’une obligation de non concurrence vis-à-
vis de son employeur.
Quant à l’obligation de donner, c’est celle qui consiste à transférer la propriété d’une chose. C’est
une obligation que l’on rencontre rarement dans le droit haïtien parce que dans notre droit le
transfert de propriété s’opère solo concensus, dès le seul échange de consentement.
• La seconde variante c’ est la distinction entre obligation de moyens et obligation de
résultat.
Lorsqu’un débiteur est tenu d’une obligation de résultat, si ce résultat promis n’a pas été atteint, il
engage sa responsabilité. Le créancier n’ a donc pas à prouver que le débiteur a commis une faute,
il suffit de faire constater que le résultat n’ a pas été atteint.
Par contre, lorsque le débiteur est tenu a une obligation de moyens, il ne promet pas un résultat, il
s’engage simplement à se comporter en bon père de famille, c’est-à-dire en homme prudent,
diligent et avisé. Des lors, pour que le créancier puisse engager sa responsabilité, il lui faudra
prouver que le débiteur a commis une faute.
L’obligation de résultat est donc mieux protégée que l’obligation de moyens. Par exemple
l’obligation du médecin vis-à-vis du patient.
S’agissant de la classification selon la source, l’obligation peut résulter soit de la loi comme en
matière de responsabilité civile : elle a donc une origine légale. Elle peut aussi avoir pour source
le contrat, c’ est-a-dire une source contractuelle.

SECTION 1. LE DROIT DES OBLIGATIONS.


Le droit des obligations se démembre en deux branches. La première se définie comme un acte
juridique, qui se traduit par une convention entre deux personnes, le droit des contrats (§1).
Ensuite et le droit de la personnalité.

§1. LE DROIT DES CONTRATS

Le droit des contrats va permettre de formaliser en terme juridique les échange qui sont
nécessaires à la vie économique (par exemple, le contrat de vente). L’article 897 du Code civil
dispose que c’est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une

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ou plusieurs autres à donner, à faire ou ne pas faire quelque chose. Il représente ainsi la partie la
plus importante des actes juridiques. C’est un instrument essentiel tant sur le plan juridique que
sur le plan économique.
Economiquement d’abords, c’est un instrument essentiel des échanges économiques ; il suffit de
considérer le bail ou le contrat de vente pour comprendre son importance.
En suite, juridiquement parlant, il constitue la source principale des obligations, comme un mode
privilégié de création et de transfert du droit. Il forme un ensemble cohérent gouverné et structuré
par des principes directeurs, constitués de règles générales applicables à tout contrat. Ainsi le droit
des contrats se préoccupe de la vie des contrats. Leurs formations, dictant tel ou tel règle de
formalisme ou de consensualisme à suivre.

§2. LE DROIT DE LA RESPONSABILITÉ

En droit des obligations il y a le droit des contrats et le droit de la responsabilité : Le droit de la


responsabilité va permettre aux victimes d’un préjudice d’obtenir une réparation lorsqu’elles ont
été injustement frustrées dans leur intégrité physique ou morale, dommage extra-patrimonial. Si le
dommage touche les biens c’est le dommage patrimonial.
Ainsi le droit de la responsabilité est lui aussi très vaste de part le domaine qu’il couvre. On parle
ainsi de responsabilité civile, contractuelle, ou délictuelle et quasi-délictuelle. C’est donc un droit
qui tend à s’étendre sur tous les effets des différents actes juridiques dont le contrat. Ces actes
peuvent être légaux - encadré par la loi ou illégaux. Pour finir, on qualifie parfois ces droits de la
responsabilité de faits juridiques cela illustrant mieux la portée du droit de la responsabilité.
SECTION 2. L’EXTENSION DE LA NOTION D’OBLIGATIONS
Ainsi, tel que nous l’avons vu, droit des contrats et de la responsabilité demeurent distincts (§1).
Néanmoins, ce n’est pas le seul domaine que recouvre l’obligation, on parle aussi d’obligation
naturelle (§2).

§1. UNE DISTINCTION À OPÉRER.

Il faut distinguer l’obligation au sens technique qui va lier deux personnes et l’obligation dans un
sens plus général qui est un devoir imposé par la loi et qui ne va pas bénéficier à un créancier
donné. Ex : obligation de s’arrêter au feu rouge. L’obligation au sens technique est donc un lien
de droit, entre deux personnes, juridiquement obligatoire. C’est-à-dire que le propre d’une
obligation est de pouvoir être exécuté en justice. Il est possible lorsqu’on est créancier d’obtenir le
concours de la force publique pour faire exécuter sa créance. On ne peut pas parler d’obligation
lorsqu’il n’y a pas d’obligation pour un créancier ou un débiteur. À coté, il convient de distinguer
l’ obligation morale au sens littéral, qui elle constitue un devoir de conscience, comme par
exemple le cas de la personne qui fait acte de charité.
Elle n’est pas tenue juridiquement, elle remplie seulement un devoir moral. Le devoir de
conscience, non consacré par le droit (le versement d’un subside à un collatéral ne pourra pas faire
l’ objet d’ une restitution). Ou alors, l’ hypothèse du devoir de conscience qui est non consacré par
le droit comme le « devoir» de subside entre collatéraux.
§2. LA NOTION D’OBLIGATION NATURELLE ET CIVILE.

Il y a parfois des hypothèses où le droit est plus souple c’est le cas par exemple de tout ce qui
relève de la morale, de la religion ou de la politesse... Ainsi, il existe des obligations naturelles
qui constituent des obligations qui ne sont pas juridiquement sanctionnées par le droit mais qui

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peuvent dans certaines circonstances produire des effets juridiques. Selon Pothier, c’est celle qui,
« dans le for de l honneur et de la conscience, oblige celui qui l ’a contracté à l ’accomplissement
de ce qui est contenu ».
À coté demeure l’obligation civile, qui elle, négativement est celle dont l’exécution est
sanctionnée par le droit. Cela généralement par le biais de la contrainte étatique. Ainsi un
créancier peut obtenir son exécution forcée.
Le dépassement de ces obligations donne lieu a des atténuations dans ces principes. Par exemple,
lorsqu’une personne qui se sent tenu d’un devoir de conscience et qui accompli volontairement
une prestation alors même qu’elle sait qu’elle n’est pas liée juridiquement, elle ne pourra pas en
réclamer la restitution on dit alors que l’obligation naturelle c’est novée en obligation civile (par
exemple l’ obligation nulle, mal formée ou prescrite qui est exécutée spontanément et qui devient
insusceptible de répétition).

CHAPITRE 2. LA CLASSIFICATION DES OBLIGATIONS.


On classe traditionnellement les obligations civiles, soit en fonction de leurs objets soit de leurs
modalités soit de leurs sources.

SECTION 1. CLASSIFICATION SELON L’OBJET DE L’OBLIGATION.


Le Code civil, à l’article 897 distingue les obligations de donner, de faire et ne pas faire. Les
obligations de donner constituent celles ou le débiteur est tenu de transférer la propriété qu’il a
sur un bien. Une obligation de faire signifie qu’un créancier oblige un débiteur à faire quelque
chose. Dans ces obligations traitées à l’article 933 du Code civil, on distingue différentes qualités
que revêt l’obligation de faire. Dans un premier temps, il peut y avoir obligation de résultats, ce
qui signifie qu’un débiteur va s s’engager à un résultat précis et si il n’est obtenu, cela constitue
une inexécution d’une obligation.
Ensuite, on trouve l’obligation de moyen qui réside en le fait que le débiteur n’est pas tenu au
résultat mais s’engage à utiliser tout les moyens qui sont en son pouvoir pour arriver au résultat
demander.
Pour finir, négativement il y a l’obligation de ne pas faire consacrée à l’article 933 et suivant.
Elle a pour objet une abstention, comme ne pas faire de la concurrence ou divulguer un secret lié à
son activité professionnelle. En définitive c’est celle en vertu de laquelle un débiteur est tenu de
s’abstenir de faire quelque chose. Ces deux derniers types d’obligations prennent formes sous
trois conditions, elles doivent être déterminées, licites et possible.

SECTION 2. DES MODALITÉS DIFFÉRENTES.

Là, le Code civil distingue l’obligation pure et simple immédiatement exigible des obligations à
terme ou les conditionnelles. Les obligations à termes consacrées par l’article 975 du Code,
dispose que « le terme diffère de la condition, en ce qu ’il ne suspend point l’engagement, dont
il retarde l’exécution ». Ainsi l’obligation est reportée dans le temps. Puis, l’obligation
conditionnelle est consacrée à l’article 958 du Code civil qui dispose : « L’obligation est
conditionnelle lorsqu’on la fait en dépendre d’un évènement futur et incertain, soit en la
suspendant jusqu’à ce que l’évènement arrive, soir en la résiliant selon que l’évènement arrivera
ou n’arrivera pas ». On en déduit donc que la formation et la résolution formée à la survenance
d’un évènement futur et incertain. Néanmoins dans certains contrats on parle de condition

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résolutoire qui consiste à ne pas revenir sur le contrat quand bien même le temps entre son
exécution surviendrait tard.

Une obligation à terme signifie que l’obligation est reportée dans le temps. Une obligation
conditionnelle est une obligation dont la formation ou la résolution est subordonnée à la
survenance d’un événement futur et incertain.
Quand c’est la formation du contrat qui est subordonné on parle de condition résolutoire et
quand c’est la résolution du contrat qui est subordonnée on parle de condition suspensive. La
condition résolutoire permet de ne pas revenir sur la formation du contrat mais mettre un terme
au contrat de façon rétroactive, elles sont rares car fiscalement elles ne sont pas avantageuses.
On parle plutôt de clause résolutoire

SECTION 3. LES DIFFÉRENTES SOURCES DE L’OBLIGATION.

Il y a 5 sources d’ obligations :
- Le contrat : un accord valable de volonté.
- Le quasi-contrat : Ce n’est pas un contrat car c’est un fait volontaire licite qui ne résulte pas d’
un accord.
C’est une obligation qu’impose l’équité. Ex : le quasi-contrat de gestion d’affaire.
- Le délit : c’est un fait volontaire illicite qui cause un dommage à autrui.
- Le quasi-délit : c’est un fait licite mais non intentionnel. Ex : l’acte d’imprudence. En droit civil
on ne fait plus de distinction entre le délit et le quasi-délit. On a objectivité la responsabilité pour
éviter de trop avoir à regarder l’ intention qui est trop subjective.
- La loi : elle impose un certain nombre de contraintes indépendamment de la volonté des parties.
LES CONTRATS
Division. La théorie générale des contrats qui fait l’objet de ce titre comprendra six chapitres :
1° Notions générales, classifications des contrats ; 2° Conditions de formation et de validité des
contrats ; 3° Effets des contrats entre les parties ; 4° Effets des contrats à l’égard des ayants cause
des parties et à l’égard des tiers ; 5° Extinction et résolution des contrats ; 6° Annulation des
contrats et prescription de l’action en nullité.

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CHAPITRE PREMIER
NOTIONS GÉNÉRALES ET CLASSIFICATIONS DES CONTRATS
SECTION I. — Notions générales.
§ 1. — Définition.

L’article 897. « Le contrat, dit l’article 897, est une convention par laquelle une ou plusieurs
personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque
chose. » Il est bon de compléter cette définition en ajoutant que le contrat est un accord de
volontés et qu’il peut engendrer soit des obligations réciproques, soit une obligation à la charge
seulement de l’un des contractants.
On observera que l’article 897 considère le contrat comme un genre de convention. Dans la
terminologie du Code, la convention comprend tous les accords de volontés, qu’ils aient pour
objet de créer des obligations, ce sont les contrats proprement dits, ou de les éteindre, par
exemple, la convention faite en vue de dissoudre un contrat antérieurement formé.
Le contrat est un accord de volontés créateur d’obligations, la convention c’est un accord de
volonté qui peut créer, modifier, transférer ou éteindre des droits.
Par conséquence la convention est plus large que le contrat, tout contrat est une convention, mais
toute convention n’est pas un contrat. La réciproque n’est donc pas vraie. Mais, par commodité
de langage, on utilise souvent les deux termes comme étant synonymes.
Une remise de dette est un accord entre créancier et débiteur mais cela n’ est pas un contrat car il
ne fait pas naitre d’ obligations.

§ 2. Principe de la liberté des contrats.


L’ article 925 « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites »
dit l’article 925, Ier alinéa. Ce principe, qui domine la réglementation légale des contrats, signifie
1° Que les particuliers peuvent faire tous les contrats qu’ils veulent et qu’ils peuvent en régler
librement les effets. Cette liberté est proclamée à nouveau dans l’article 963, relatif au contrat de
mariage, en ces termes : « La loi ne régit l’association conjugale, quant aux biens, qu’à défaut de
convenions spéciales, que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos. ».

2° Que les contractants sont liés par les stipulations qu’ils ont édictées comme si ces stipulations
étaient imposées par la loi elle-même. Il résulte de là que le contrat oblige les contractants d’une
façon définitive. Le débiteur qui a promis de donner ou de faire quelque chose ne peut pas, par sa
seule volonté, se dégager de son obligation ; il est obligé de faire ce qu’il a promis, à moins qu’il
ne se soit réservé au moment du contrat la faculté de se désister.
Pour qu’une convention puisse être révoquée, il faut le consentement des deux parties, comme le
dit l’article 925, 2e al. ; en d’autres termes, il faut un nouvel accord des volontés.
La conséquence du principe énoncé dans l’article 925 est que presque toutes les dispositions
légales édictées dans le titre troisième, de même que celles des titres sixième et suivants consacrés
aux divers contrats, sont interprétatives et non obligatoires. Elles s’appliquent lorsque les
contractants ne les ont pas expressément écartées ; mais ceux-ci sont libres d’y déroger.

Limites à la liberté des parties

Si grande qu’elle soit, la liberté des parties n’est cependant pas complète. Le législateur la

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restreint en prohibant, d’abord, d’une manière générale, toute dérogation conventionnelle à l’ordre
public ou aux bonnes mœurs, puis, plus spécialement, un certain nombre de clauses ou de contrats
qui, pour des motifs divers, y porteraient atteinte.

- L’ordre public et les bonnes mœurs.

D’une manière générale et indépendamment de toute prohibition particulière prononcée


expressément par la loi, sont frappés de nullité les contrats qui engendrent des obligations
contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Cette limitation résulte de l’article 924 du Code
civil, d’ après lequel une obligation est illicite, c’ est-à-dire sans effet, quand elle a une cause
contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public.
Par l’expression de bonnes mœurs, la loi vise la morale, c’est-à-dire l’ensemble de préceptes et de
règles qui sont, à une époque déterminée, imposés par les croyances et les idées du milieu social.
L’ordre public est plus difficile à définir ; il comprend toutes les règles qui sont inspirées surtout
par des considérations d’intérêt général. Ainsi, les rapports de famille intéressent l’ordre public ; il
n’est pas permis de déroger par contrat aux dispositions concernant le droit de la famille, ni de
modifier par contrat les règles relatives à la succession.

Les lois impératives ou prohibitives


En dehors de cette prohibition générale, il existe toute une série de prohibitions spéciales édictées
par le Code ou par des lois postérieures. Telles sont la prohibition" des pactes sur successions
futures (art. 924), l’interdiction faite aux particuliers de vendre certains produits, soit parce qu’ils
sont l’objet d’un monopole d’État, soit parce qu’ils sont dangereux pour la santé ou la moralité
publique.
D’autres prohibitions ont pour" but d’empêcher que l’un des contractants, abusant de son autorité
ou de sa supériorité économique, n’impose à l’autre des clauses léonines. La liberté risque en effet
de tourner à l’oppression lorsque l’un des contractants se trouve à l’égard de l’autre dans une
situation économique qui ne lui permet pas de défendre utilement ses intérêts.
Le législateur s’efforce, par son intervention, de rétablir l’égalité entre les contractants, en
prohibant les clauses abusives qui pourraient être imposées à celui des contractants qui se trouve
en état d’ infériorité.

Les contrats d’adhésion.

Il existe aussi une catégorie de contrats dans lesquels l’accord de volontés s’établit non pas après
libre discussion entre les contractants, mais par une adhésion pure et simple de l’un d’eux aux
conditions arrêtées à l’ avance par l’ autre, précisément parce que celui-ci se trouve dans une
situation économique supérieure. D’où l’expression de contrats d’adhésion sous laquelle on les
désigne communément.
Tel est très souvent le cas du contrat de travail individuel pour le salarié, du contrat d’assurance
pour l’assuré.
Il incombe au législateur de réglementer ces contrats et d’y interdire l’emploi des clauses trop
désavantageuses pour le contractant qui ne peut défendre utilement ses intérêts.
Les contrats passés par les particuliers avec les compagnies concessionnaires de services publics,
transport, par avion, eau, gaz, électricité, téléphone, internet etc., rentrent aussi dans cette
catégorie. Mais ici les particuliers se trouvent protégés par le cahier des charges dressé par
l’administration concédante, dans lequel celle-ci détermine les tarifs et conditions que le

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concessionnaire devra appliquer aux particuliers.

SECTION II. — Classifications des contrats.

Comment on peut classer les contrats.

Les contrats sont fort nombreux et de nature très diverse. Il est indispensable ici, comme dans
toute science, de les classer en groupes et en sous-groupes, d’après leur nature, leurs effets
juridiques, leur forme et leur durée.
Pour faire ce classement, il faut prendre en considération :
1° Le but poursuivi par les contractants ;
2° Les obligations engendrées par les contrats ;
3° Les conditions de forme prescrites par la loi ;
4° La durée du contrat.
I. CLASSIFICATION D’APRÈS LE BUT POURSUIVI PAR LES CONTRACTANTS :
CONTRATS A TITRE ONÉREUX; CONTRATS DÉSINTÉRESSÉS ; CONTRATS A
TITRE GRATUIT.
1° Contrats à titre onéreux.

Le plus souvent les contractants sont guidés par l’intérêt ; ils s’obligent en vue d’obtenir en
échange une prestation correspondante à celle qu’ils promettent. En d’autres termes, la plupart des
contrats, vente, louage, prêt à intérêt, assurances, société, transaction, etc., sont à titre onéreux.
L’article 900 définit le contrat à titre onéreux celui qui assujettit chacune des parties à donner ou à
faire quelque chose. Cette définition n’est pas absolument exacte, elle convient seulement aux
contrats qui engendrent des obligations réciproques, c’est-à-dire aux contrats synallagmatiques.
Or nous verrons que, dans notre conception, le prêt à intérêt est considéré comme un contrat
unilatéral, et pourtant c’ est un contrat à titre onéreux, puisque le prêteur stipule des intérêts pour
le capital qu’il prête. Il vaut donc mieux dire que le contrat à titre onéreux est celui qui procure à
chaque contractant un avantage correspondant à sa propre prestation.

2° Contrats désintéressés.

Il y a certains contrats dans lesquels l’un des contractants agit uniquement pour rendre service à
l’autre ; il ne demande donc rien en échange de ce qu’il donne, mais il n’a pas l’intention
d’enrichir gratuitement son cocontractant, il veut simplement lui rendre un service. Tels sont le
prêt à usage ou commodat (art. 1644), le prêt d’argent sans stipulation d’intérêts (art. 1673), le
dépôt (art. 1682), le mandat non salarié, le cautionnement non rémunéré (art. 1775).

3° Contrats à titre gratuit.

Enfin un contractant peut s’obliger envers l’autre avec l’intention de faire à celui-ci une libéralité.
Les contrats à titre gratuit sont la donation entre vifs et l’institution contractuelle, ou contrat ayant
pour objet de donner à une personne tout ou partie des biens qu’on laissera en mourant. Ces
contrats sont soumis à une réglementation particulière qui sera étudiée ultérieurement.

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NOTES DE COURS DE DROIT DES OBLIGATIONS

II. CLASSIFICATION D’APRÈS LES OBLIGATIONS ENGENDRÉES : CONTRATS


SYNALLAGMATIQUES, CONTRATS UNILATÉRAUX.

1° Contrats synallagmatiques.

« Le contrat est synallagmatique ou bilatéral, dit l’article 898, lorsque les contractants s ’obligent
réciproquement les uns envers les autres ». Ainsi, dans la vente, le vendeur s’oblige à transférer la
propriété paisible et utile de la chose, et l’acheteur s’oblige à payer le prix convenu; dans le
louage d’ immeubles, le bailleur s’ oblige à livrer l’ immeuble en bon état de réparations, le
preneur à en jouir en bon père de famille, et à payer le prix convenu ; dans l’assurance contre
l’incendie, l’assuré s’oblige à payer annuellement la prime convenue et l’assureur à indemniser
l’assuré si la chose est détruite ou détériorée par le feu. La plupart des contrats rentrent dans cette
classe.
2° Contrats unilatéraux.
« Le contrat est unilatéral, dit l’article 899, lorsqu’une ou plusieurs personnes sont obligées
envers une ou plusieurs autres, sans que de la part de ces dernières il y ait engagement ».
Le contrat unilatéral n’engendre donc d’obligation qu’à la charge d’un seul des contractants, mais
cette obligation étant acceptée par l’ autre contractant ne peut plus être supprimée par la seule
volonté de celui qui en est débiteur, ce qui distingue le contrat unilatéral de l’ acte unilatéral
comme le testament, par exemple, que son auteur peut révoquer à son gré jusqu’à son décès, parce
que les bénéficiaires des dispositions qu’il contient n’y ont pas été parties.
Sont unilatéraux les contrats à titre gratuit, les contrats désintéressés et même certains contrats à
titre onéreux, le prêt d’argent avec stipulation d’intérêts, la promesse de vente, la promesse de
bail. Ces promesses constituent des contrats ou, comme on dit aussi, des avant-contrats, par
lesquels un propriétaire promet à une personne, qui accepte et devient ainsi créancière, de lui
vendre ou de lui donner à bail son bien pour un prix ou un loyer déterminé, s’il plaît à cette
personne de l’ acheter ou de le prendre à bail dans un délai qui est ordinairement fixé par le
contrat.
Il n’y a donc que le promettant qui s’oblige et il le fait dans l’espoir que le créancier consentira
par la suite à acheter le bien ou à le prendre à bail. C’est pour cela qu’on donne à ces promesses le
nom d’ avant-contrats.

Contrats synallagmatiques imparfaits.


Il faut noter que le mandant, le déposant, le débiteur gagiste et le commodant s’obligent de leur
côté à rembourser les dépenses que l’autre partie peut être obligée de faire, soit pour exécuter son
mandat, soit pour conserver la chose déposée, prêtée ou reçue en gage. C’est pourquoi on dit
quelquefois que ces contrats sont des contrats synallagmatiques imparfaits. Malgré ce point de
ressemblance avec les contrats synallagmatiques, ils en diffèrent en ce que ladite obligation
présente un caractère subsidiaire et éventuel; elle n’est pas la contre-partie normale de l’obligation
principale qui existe à la charge du mandataire, du dépositaire, du gagiste, de l’ emprunteur.
Subdivision des contrats synallagmatiques en contrats commutatifs et contrats aléatoires.

Les contrats synallagmatiques se subdivisent en deux groupes, les contrats commutatifs et les
contrats aléatoires.
« Le contrat est commutatif, dit l’article 900, Ier al., lorsque chacune des parties s’engage à
donner ou à faire une chose qui est regardée comme l’équivalent de ce qu’on lui donne ou de ce

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qu’on fait pour elle ». Ainsi, la vente, l’échange, le louage, la transaction, le mandat salarié, sont
des contrats commutatifs.

« Le contrat est aléatoire, ajoute le même article, lorsque l’équivalent consiste dans la chance de
gain ou de perte, pour chacune des parties, d’après un événement incertain ».
L’article 1731 donne une définition un peu différente : « Le contrat aléatoire est une convention
réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit
pour l’une ou plusieurs d’entre elles, dépendent d’un événement incertain ». A la différence du
premier, ce second article suppose, ce qui est inexact, que le risque ou aléa peut n’exister que
pour l’une des parties.
Dans un contrat de ce genre, chacune des parties prend en considération le risque envisagé et
s’oblige en vue de ce risque. Le jeu, le pari, le contrat d’assurance, la constitution à titre onéreux
d’une rente viagère, sont des contrats aléatoires.

III. CLASSIFICATION D’APRÈS LES FORMES REQUISES: CONTRATS


CONSENSUELS, SOLENNELS, RÉELS.

1° Contrats consensuels. La règle : Solus consensus obligat.

Son origine. — Les contrats consensuels se concluent par le seul accord des volontés, sans qu’il
soit besoin d’aucune formalité, pas même de la rédaction d’un acte écrit. Notre Droit actuel admet
comme principe que le simple accord suffit pour lier les parties. Chose curieuse, ce principe si
important n’est nulle part énoncé dans le Code, mais il résulte implicitement de ce que le Code
civil n’exige l’emploi de formalités que pour certains contrats expressément indiqués par lui.
On sait que le Droit romain avait consacré le principe opposé. En dehors de certains contrats
consensuels, vente, louage, mandat, société, il n’admettait pas qu’un contrat pût se former par le
seul échange des consentements des intéressés. Il fallait que ce consentement fût constaté dans
une forme solennelle dont la stipulation était le type.

Tempérament résultant de l’article 918.

Si le seul échange des consentements suffit pour obliger les parties, sans qu’il soit besoin de le
constater par écrit, le Code civil exige cependant que les contractants rédigent un acte écrit pour
toute convention dont l’objet représente une valeur excédant seize gourdes (art. 918). Il interdit en
effet la preuve par témoins au-dessus de ce chiffre.
Il faut bien remarquer que cet article n’ est en rien contraire au principe sus-énoncé. Il n’ impose
la rédaction d’un écrit qu’en vue de la preuve de la convention, non pour sa validité. Une
convention, quelle que soit son importance, est valable, bien qu’elle n’ait pas été constatée par
écrit ; même si elle excède seize gourdes, elle pourra encore être établie au moyen de l’aveu ou du
serment, la loi n’écartant que les témoignages et les présomptions de l’homme. Il n’est pas
douteux toutefois que ces restrictions détruisent en partie la portée du principe. Un contrat dont on
ne peut faire la preuve n’a pas grande valeur, il n’en a plus guère qu’entre gens de bonne foi.

2° Contrats solennels.

Ce sont des contrats qui, à peine de nullité, doivent être passés dans des formes déterminées, le
plus souvent devant un notaire. La rédaction d’un écrit est donc requise ici pour la validité même

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de l’acte, et non pas seulement pour sa preuve. Ils sont au nombre de six : la donation entre vifs
(art. 750), la constitution d’hypothèque (art. 1894), la subrogation à l’hypothèque légale de la
femme mariée (art. 7, loi 27 aout 1913), le paiement avec subrogation conventionnelle consentie
par le débiteur (art. 1036, 2e al.), le contrat de mariage (art. 970, Ier al.). Pour ces contrats, la loi
impose la solennité, soit à cause des difficultés de leur rédaction (contrat de mariage, constitution
d’hypothèque), soit dans l’intérêt de celui qui s’oblige (donateur, femme mariée renonçant à son
hypothèque légale, etc.).
Notons que le mariage et l’adoption sont également des contrats solennels.

3° Contrats réels.
On désigne sous ce nom le commodat ou prêt à usage, le prêt de consommation, la constitution de
gage et le dépôt. Outre l’accord des volontés, ces contrats exigent pour leur formation la remise de
la chose à l’emprunteur, au gagiste, au dépositaire. Ainsi la promesse de prêter un objet est bien
un contrat valable, mais ce n’est pas le prêt. Pour qu’il y ait prêt, il faut que l’ emprunteur soit mis
en possession de la chose.
Cette conception, qui nous vient du Droit romain, est du reste fort contestable. Rationnellement,
elle ne se comprend pas. On ne voit pas pourquoi il est nécessaire que l’ objet soit remis à
l’emprunteur pour qu’il y ait prêt. Pourquoi faire de cette remise une condition du contrat? Dans
le louage d’immeubles, le contrat est formé avant même que le preneur soit entré en possession
des lieux loués.
Dans l’antichrèse, ou nantissement d’un immeuble, il en est de même. Pourquoi donc la remise
serait-elle nécessaire pour le nantissement d’un meuble, ou pour le prêt. En vérité, le prêt, le gage,
sont des contrats synallagmatiques comme le louage, comme l’antichrèse.
Quand j’ai promis de vous prêter mon cheval, le contrat est dès à présent conclu. Ainsi, dans la
pratique, celui qui prête de l’argent a bien soin de rédiger l’acte de prêt et de le faire signer par
l’emprunteur avant de lui verser les deniers.
En réalité, il n’y a qu’un contrat réel, c’est le dépôt. Le dépôt consiste dans le fait de recevoir la
chose d’autrui en s’obligeant à la garder et à la restituer en nature (art. 1682).
Par sa nature même, le dépôt ne peut se former qu’au moment où le dépositaire reçoit l’objet.

IV. CLASSIFICATION D’APRÈS LA DURÉE DU CONTRAT : CONTRATS


SUCCESSIFS, CONTRATS INSTANTANÉS.

1° Contrats à exécution successive.


On appelle ainsi les contrats par lesquels les contractants se lient l’un à l’autre ou les uns aux
autres pour un certain temps, que ce temps soit fixé à l’avance ou laissé indéterminé. Tels sont le
louage de meubles ou d’immeubles, le contrat de travail, le prêt, le contrat d’assurance, le contrat
de rente viagère, la société, l’association, etc. La plupart des contrats usuels sont des contrats
successifs.

2° Contrats à exécution instantanée.


Ce sont les contrats qui donnent naissance à des obligations susceptibles d’ être exécutées par une
seule prestation, comme la vente, l’échange, le mandat (à moins qu’ils n’aient pour objet une série
d’ opérations).

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CHAPITRE II

CONDITIONS DE FORMATION ET DE VALIDITÉ DES CONTRATS


Quatre conditions, dit l’article 903 du Code Civil, sont essentielles pour la validité d’une
convention :
1) Le consentement de la partie qui s’oblige ;
2) La capacité de contracter ;
3) Un objet certain qui forme la matière de l’engagement ;
4) Une cause licite dans l’obligation.

Telles sont les quatre conditions requises pour la validité du contrat, le consentement, la capacité,
l’objet et la cause. En réalité cette énumération est incomplète en ce sens que l’article 10 prévoit :
« On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et
les bonnes mœurs », fait implicitement allusion à une sorte de condition négative nécessaire pour
la validité du contrat, à savoir, qu’il ne soit pas contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Il
y a là une cinquième condition sans laquelle le contrat serait nul : le contrat ne doit pas être
contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. En outre, s’il est vrai que les contrats n’ont pas
besoin d’être revêtus d’une forme, ce n’est qu’un principe, et il y a tout de même à se préoccuper
de la forme des contrats dans certains cas, Cela fait, non pas une condition générale, mais une
sixième condition possible de la validité du contrat.
Finalement, nous aurons à nous préoccuper de six exigences distinctes, auxquelles correspondront
six sections : le consentement, la capacité, l’ objet, la cause, la non-contrariété à l’ordre public et
aux bonnes mœurs, enfin, éventuellement, la forme du contrat.
SECTION I. Le consentement, les vices qui peuvent l’infecter (art. 903 à 912 C. civ.).
§ 1. Analyse de la manifestation de volonté du contractant.
L’article 903 parle du consentement de la partie qui s’oblige. Le contrat consiste dans l’accord des
contractants. On a reproché au Code civil de ne pas mettre en lumière ce trait essentiel, car il ne
parle dans l’article 903 que du consentement de celui qui s’oblige. Mais le mot consentement, qui
vient de cum sentire, indique bien l’ idée d’ un accord. La conception du Code civil est du reste
rationnelle, car elle vise à la fois les contrats unilatéraux et les contrats synallagmatiques. Or, dans
un contrat unilatéral, il n’y a que celui qui s’oblige qui consente à quelque chose ; l’autre partie ne
fait que prendre acte de l’engagement contracté envers elle. Si le contrat est synallagmatique, ce
qui est le cas le plus fréquent, alors chaque contractant s’oblige envers l’autre, et c’est ce fait de
s’obliger que le Code civil désigne par le mot de consentement. Consentir c’est donc s’obliger à
exécuter une prestation.
Mais le consentement ne représente pas à lui seul toute la manifestation de volonté du contractant.
En effet, le contractant ne s’oblige qu’en vue d’atteindre un but déterminé. Il n’y a pas d’
obligation sans but. On ne s’ oblige que pour obtenir un résultat. Dans la vente, par exemple, le
vendeur ne consent à transférer la propriété paisible et utile de sa chose que parce qu’il veut
recevoir le prix promis par l’acheteur, et réciproquement, l’acheteur ne consent à payer ce prix
que parce qu’il veut acquérir la propriété paisible et utile de la chose. Le but poursuivi par le
contractant nous apparaît donc comme l’élément principal, essentiel de sa manifestation de
volonté ; l’obligation qu’il contracte n’est pour lui que le moyen d’arriver à ce but. Nous verrons

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plus loin qu’on désigne ce but sous le nom de cause de l’obligation, et nous étudierons sous peu
dans une prochaine section.

Dans un contrat unilatéral nous savons qu’il y a une partie qui s’oblige et l’autre qui ne s’oblige
pas ; c’est-ce à dire que dans un contrat unilatéral il n’est pas besoin de se préoccuper du
consentement de la partie qui ne s’oblige pas ? Il faut rectifier : dans tout contrat il y a besoin du
consentement des deux parties, même de la partie qui ne s’oblige pas. Ainsi dans une donation,
qui est un contrat unilatéral, où seul le donateur s’oblige à quelque chose, il n’y a pas donation si
le donataire n’a pas accepté l’opération. Il faut le consentement des deux parties. Sur ce point la
formule de l’article 903 a besoin d’une rectification.
Du consentement ce sont les articles 904 et suivants qui vont traiter plus en détail cependant, si
nous lisons ces articles 904 et suivants du Code nous constatons qu’ils n’envisagent le
consentement que sous le rapport des vices dont il peut être atteint, des imperfections dont il peut
être affecté ou réciproquement, si vous retournez le problème, les articles 904 et suivants
n’envisagent le consentement que sous le rapport des qualités dont il doit être revêtu. Mais avant
de savoir si le consentement est exempt de vices, il faut savoir s’il existe ;
§ 2 - L’existence du consentement
Le consentement est nécessaire pour qu’il y ait contrat. Nous devons bien poser cette nécessité du
consentement et en marquer les aspects pratiques. Mais nous devons aussi essayer de voir en quoi
consiste le consentement, essayer d’analyser le consentement car, dans la pratique, la formation
du consentement, la rencontre des volontés soulève des difficultés.
Comment se réalise l’accord des volontés?
L’accord des volontés peut se réaliser de façon différente. Dans les contrats ordinaires qui mettent
en présence deux personnes, il se fait expressément par le simple échange des paroles, ou, si les
parties en décident ainsi, par la rédaction d’un écrit qu’elles signeront. Mais il peut arriver aussi
que l’accord se réalise par un acte matériel, sans qu’il soit besoin d’un échange de paroles, ou
même par le seul fait du silence. Ainsi, quand à l’expiration du bail d’un immeuble le preneur
reste dans les lieux loués, il manifeste par là son intention de renouveler le bail, et si le bailleur le
laisse en possession des lieux loués, il se forme entre les deux parties un nouveau bail qui
s’appelle tacite reconduction (art. 1509 C. civ.). De même, le mari qui laisse sa femme
entreprendre un commerce sans s’y opposer, l’autorise par le fait même de son silence. Mais ce
sont là des cas exceptionnels ; en principe, le silence ne vaut pas consentement. L’adage « qui ne
dit rien consent » ne s’applique pas en matière juridique.
Pour s’obliger, il faut manifester sa volonté d’une façon non équivoque ; or, une telle
manifestation ne résulte pas en principe du seul fait du silence. Toutefois, la jurisprudence admet
que quand deux personnes sont en rapports habituels d’affaires, et que l’une d’elles fait une
commande à l’autre, l’absence de réponse de cette dernière peut être considérée comme une
acceptation de la commande.
A) NÉCESSITÉ DU CONSENTEMENT
Pas de contrat sans consentement ; pas de contrat sans accord de volontés entre les deux parties,
c’est l’aspect le plus élémentaire de l’autonomie de la volonté. Il résulte de ce principe que là où
n’existe pas une véritable volonté, j’entends une volonté consciente, lucide, raisonnable, il ne peut

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pas y avoir de contrat ; si l’une des parties est en état de démence ou en état d’ivresse, s’il s’agit
d’un moribond qui n’a plus conscience de ce qu’il fait, il ne peut pas y avoir de contrat4.
Mais déclarer le consentement nécessaire, cela signifie surtout que le contrat doit être voulu,
accepté par les deux parties, en les supposant toutes deux capables d’une volonté lucide et
raisonnable. Il faut que les deux parties consentent vraiment à s’obliger.
a) Le consentement est nécessaire pour la conclusion même du contrat.
Chacun est libre nous retrouvons ici un aspect du principe de l’ autonomie de la volonté quant au
fond libre de dire oui ou non, de décider s’il veut ou non faire tel ou tel contrat ? les contrats ont,
en principe, un caractère facultatif. En principe, car il y a aujourd’hui des exceptions, des
hypothèses où l’on peut être obligé de passer un contrat.
On peut citer notamment les hypothèses où le contrat d’assurance est obligatoire, où il est
obligatoire de s’assurer dans l’intérêt des tiers envers qui on peut avoir à assumer une
responsabilité.
C’ est une limite au principe que le contrat est facultatif.
Le contrat étant facultatif, le refus de contracter est licite. C’est une idée un peu différente, qui se
traduit par des conséquences pratiques : refuser de contracter en principe n’est pas une faute, on
n’engage pas sa responsabilité en refusant de signer un contrat qui vous est proposé, par une autre
personne.
Ici encore, toutefois, il faut tenir compte de certaines exceptions. Il y a des cas où le refus de
contracter peut engager la responsabilité, n’est pas licite. Il en est ainsi lorsqu’il s’agit de
professions qui sont soumises à une taxation par l’autorité publique.
Un exemple jurisprudentiel célèbre est celui de l’entrepreneur qui refuse d’embaucher des
ouvriers parce qu’ils sont syndiqués. C’est un refus de contracter traduisant, dit la jurisprudence,
un esprit de malveillance envers le syndicat, visant à atteindre la liberté syndicale. En
conséquence, il y a abus du droit, et cet abus ne peut être protégé.
b) le consentement est nécessaire pour la détermination du contenu du contrat.
Comment le contrat v a-t-il être modelé ? Il faut, en principe, que toutes les clauses, toutes les
stipulations aient été voulues par les contractants. Dans le contrat du type classique, chaque
clause, chaque disposition, chaque article du contrat est examiné, pensé par les contractants et fait
l’objet d’un débat, d’un marché entre eux. C’est le contrat du type classique tel qu’on peut encore
le rencontrer pour certains actes importants de la vie, comme par exemple la constitution d’une
société.
Mais, à côté de ce contrat de type classique où chaque clause est considérée et débattue par les
contractants, il est des formes de contrats où le consentement est donné en bloc, bien souvent la

4 Dans une affaire il s’agissait d’un acte de vente reçu par un notaire alors que le vendeur est mourant, ne pouvait plus
signer ni même parler distinctement. Selon la Loi sur le notariat, quand l’une des parties ne peut signer, il y a une possibilité
de dresser tout de même un acte notarié. On avait profité de cette possibilité, et l’ on avait dressé un acte de vente au nom de
ce mourant qui n’arrivait plus à parler distinctement, mais qui avait tout de même fait comprendre paraît-il qu’il voulait
vendre. Les juges du fond (la Cour d’Appel) avaient annulé ce contrat, la Cour de Cassation les approuva. Elle fit remarquer
que pour qu’un contrat soit valable, il faut que les parties aient été, en donnant leur consentement, physiquement capables
d’exprimer leur volonté ; voilà l’exemple d’un contrat annulé pour défaut de consentement.

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volonté d’un contractant ne se porte que sur le principe du contrat à conclure, mais non pas sur les
détails : j’achète telle chose pour tel prix et je ne pense pas à toutes les obligations (garantie, etc..)
que le contrat de vente peut faire naître à la charge du vendeur ou de l’acheteur. C’est au fond ce
que veut dire l’article 926 du Code civil lorsqu’il déclare : les conventions obligent, non
seulement à ce qui y est exprimé (ce qui a été vraiment voulu d’une façon directe et précise par les
contractants).
L’usage encore peut ajouter des suites au contrat ; les parties n’ont pas réglé tel ou tel point de
leur opération, mais l’usage, la coutume des lieux, s’appliquera comme une suite du contrat.
Ainsi, dans le contrat de bail, les parties ont très bien pu ne rien dire sur la charge des réparations.
Quelles seront les réparations à la charge du bailleur ?
Celles à la charge du locataire ? Le locataire a la charge des réparations dites de menu entretien,
ou réparations locatives. Mais quelles sont au juste ces réparations ? L’article 1525 nous dit qu’à
défaut de clause contraire, ce sont celles désignées comme telles par l’usage des lieux. On
interrogera donc l’usage de la localité pour savoir quelles sont les réparations que le locataire doit
supporter ou, au contraire, celles qui incombent au bailleur.
Semblablement, il est beaucoup de contrats où n’existe aucun débat, aucun marchandage entre les
contractants. Vous savez que notre civilisation est une civilisation de masse ; les entrepreneurs qui
opèrent par grandes masses sont dans l’impossibilité matérielle de discuter leurs contrats
individuellement avec chacun des usagers ou des clients, il y a des types préconstitués de contrats
qu’ils imposent à tous leurs co-contractants.
C’est d’abord le mécanisme, tout à fait usuel dans les grands magasins, de la vente à prix fixe,
aucun marchandage n’est possible quant au prix, le prix s’impose aux clients.
C’est, plus largement, ce que l’on a appelé d’une expression qui a fait fortune : les contrats
d’adhésion, où aucune discussion n’est possible sur le prix ni sur les autres conditions de
l’opération. Un très grand nombre de contrats de la vie moderne sont des contrats d’adhésion qui
excluent tout débat entre les contractants. Les clauses, les conditions du contrat sont établies
d’avance par l’un des contractants, toujours le même, celui qui est, économiquement, le plus fort :
la compagnie d’assurance qui établit ses polices et qui, en principe n’y déroge pas, la compagnie
de transport par terre ou par mer qui a des contrats types ; dans les grandes usines, semblablement,
il exige, pour l’embauchage des ouvriers et des employés, un règlement d’atelier auquel le patron
n’ admet aucune dérogation.
Quelle est la condition juridique de ces contrats d’adhésion ? Ils paraissent s’éloigner beaucoup de
la notion traditionnelle du contrat, il semble même que soit absent un des éléments requis pour la
validité du contrat, qu’il n’y ait pas vraiment consentement de l’une des parties, puisque les
conditions sont imposées par le contractant le plus fort qui les dicte à l’autre.
La jurisprudence, cependant, considère les contrats d’adhésion comme de véritables contrats ; elle
les fait rentrer dans le Droit commun en faisant appel à cette considération que chacune des
parties reste libre de contracter ou de ne pas contracter ; dès lors quelle accepte de contracter, elle
est censée accepter tacitement toutes les stipulations qui ont été préétablies par l’autre.
La seule condition requise, et encore la Cour de Cassation s’en est parfois écartée, est que le
contractant à qui les conditions sont dictées par l’autre, le contractant qui ne fait qu’adhérer au
contrat ait pu connaître les clauses qu’ensuite on veut lui imposer ; il faut qu’il y ait eu, sinon

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connaissance effective, du moins possibilité de prendre connaissance.


Par exemple, si le règlement d’atelier a été affiché dans les locaux où avait lieu l’embauche, on
considérera qu’il y a un contrat obligatoire, que les clauses du règlement de l’atelier sont
opposables à l’ouvrier : il avait la possibilité d’en prendre connaissance et, par conséquent, ces
clauses sont obligatoires pour lui.
B - ANALYSE DU CONSENTEMENT
Le consentement se présente comme la rencontre de deux volontés. Normalement, un contrastant
prend l’ initiative de l’ opération, qui offre de contracter, ce que nous appelons encore
pollicitation. Un fabricant, par exemple, envoie des circulaires par lesquelles il offre le produit de
sa fabrication, c’est là une pollicitation ; il offre sa marchandise à tel ou tel prix, à telles ou telles
conditions. Ce n’est pas encore un contrat. Le contrat n’existera qu’à partir du moment où le
destinataire de l’une de ces circulaires aura déclaré qu’il veut acheter aux conditions proposées.
Cette seconde manifestation de volonté constitue l’acceptation.
Le contrat ainsi formé par la rencontre de l’offre, ou pollicitation d’une part, et d’autre part de l’
acceptation. Il faut donc, dans la formation du contrat, envisager au point de vue psychologique,
la volonté de chaque contractant en elle-même, et d’autre part la rencontre de ces deux volontés.
a) La volonté de chaque contractant
Il faut que cette volonté se manifeste pour que le contrat prenne forme. Il y a plusieurs degrés
concevables dans l’extériorisation de la volonté. En principe, la manifestation de volonté est
expresse, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une parole ou d’un écrit, par exemple, la circulaire par laquelle
notre fabricant de tout à l’ heure a fait ses offres de contracter à des clients éventuels.
Souvent la manifestation de volonté expresse se présente sous une forme particulière : celle de la
signature ; on a réuni les deux contractants éventuels ; on a rédige un projet de contrat ; tout est
prêt, mais le déclic n’est pas encore donné. Le déclic qui exprime la volonté, ce sera la signature
que chaque contractant, l’un après l’autre, viendra apposer au bas du papier ; la signature est un
signe usuel de la volonté expresse.
Il y a des hypothèses où la volonté expresse ne consiste ni dans des mots, ni dans des écritures,
mais dans de simples gestes. Si, par exemple, vous faites signe à un chauffeur de taxi dans la rue,
c’est une manifestation de volonté expresse. Ce n’est ni une parole, ni une écriture, mais c’est un
geste qui est accompli afin de manifester votre volonté de faire un contrat avec le chauffeur de
taxi. Cette manifestation a lieu spécialement pour nouer le contrat, voilà pourquoi nous la disons
expresse.
On oppose à la manifestation de volonté expresse la manifestation de volonté tacite. C’est une
action qui n’a pas été accomplie spécialement afin de porter une volonté à la connaissance
d’autrui. Mais le destinataire pourra en déduire raisonnablement que l’autre partie veut contracter.
Les manifestations de volonté tacite sont des indices de la volonté.
Ainsi je fais à quelqu’un la proposition d’être mon mandataire ; le destinataire de cette proposition
ne me répond pas, mais il exécute le mandat que je lui ai proposé ; en exécutant le mandat, il
accepte tacitement mon offre de contracter, le contrat s’est formé. C’est ce que nous dit l’article
1749 du Code civil au titre du mandat, alinéa 2 : "l’acceptation du mandat peut n ’être que tacite
et résulter de l ’exécution qui lui a été donnée par le mandataire".

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L’acte n’a pas été accompli spécialement pour porter la volonté de contracter à la connaissance d’
autrui, mais sa meilleure explication est que l’ on veut contracter.
Est-ce à dire que jamais le silence ne pourra valoir acceptation d’une offre de contracter ? La
solution serait trop absolue ; il y a des hypothèses où le silence prend un sens en raison des
circonstances qui l’entourent, il y a, a-t-on dit, des silences circonstanciés, qui sont éloquents, qui
peuvent être interprétés comme l’acceptation d’une pollicitation.
On en rencontre des exemples dans la loi elle-même : celui de la tacite reconduction dans le bail
par exemple. Quand à l’expiration d’un bail, le locataire reste dans les lieux et que, d’autre part, le
bailleur l’y laisse, la loi considère (art. 1509 C.C) qu’il se forme un nouveau bail par le silence
réciproque que les parties ont gardé. Mais c’est qu’ici le silence prend un sens en raison des
circonstances qui l’entourent, en raison de cette circonstance capitale que le locataire est dans les
lieux et en possession, et que le bailleur, de son côté, connaissant la situation, accepte de le laisser
en possession, leur silence par là même, prend une signification très directe, et l’on comprend que
le contrat puisse non pas se fermer, mais se renouveler (ce qui simplifie beaucoup) par le silence
qui a été garde.
b) L’accord des volontés
L’un a proposé un contrat, l’autre déclare accepter. Le contrat va se former, mais il ne se formera
que si l’acceptation coïncide avec l’offre. Bien souvent, il n’en est pas ainsi du premier coup dans
la vie des affaires. Il arrive que l’un fasse une première proposition, mais le destinataire répond en
faisant des contre-propositions. L’un, par exemple, a offert de vendre à un certain prix, l’autre
répond qu’il est disposé à acheter, mais à un prix inférieure L’émission de cette contre-
proposition ne peut pas former le contrat les volontés ne se sont pas encore rencontrées, il faut que
le premier pollicitant prenne part à son tour sur cette contre-proposition qu’il reçoit. S’il déclare
qu’il accepte la contreproposition au prix inférieur, à ce moment-là le contrat sera formé, mais s’il
marchande, s’il répond que le prix offert n’est pas suffisant et s’il forme une nouvelle pollicitation
à un chiffre intermédiaire, les pourparlers vont se poursuivre, il n’ y a pas encore de contrat.
Ceci est important au point de vue pratique. L’un a fait une offre de contracter, mais cette offre de
contracter n’a pas encore été acceptée. On est dans la période intermédiaire des pourparlers. Tant
que l’offre de contracter n’est pas acceptée, le principe est qu’elle peut être retirée, révoquée par
celui qui l’a faite. Il en a, en principe, le droit, car il n’y a pour le moment, qu’une émission de
volonté qui est restée unilatérale, que rien n’a accrochée or, une volonté unilatérale, en principe,
n’oblige pas. Au principe que l’offre de contracter peut être retirée tant qu’elle n’a pas été
acceptée, la jurisprudence apporte, cependant, des tempéraments? nécessaires pour la sécurité des
affaires. Il est évident que l’on ne saurait jamais à quoi s’en tenir si, sans aucune condition, les
offres de contracter pouvaient être retirées à tout moment. Le destinataire de l’ offre a tout de
même besoin de réfléchir. Et s’il était établi qu’à tout moment l’offre de contracter peut être
retirée, sa réflexion risquerait d’ être troublée ; il serait conduit à se précipiter pour donner une
acceptation immédiate sans avoir le temps de peser le pour et le contre. Il faut donc,
nécessairement, restreindre la possibilité de principe, le pouvoir qui appartient à l’offrant, de
retirer l’offre à tout instant. La jurisprudence décide que, si en faisant son offre le pollicitant l’a
accompagnée d’un délai (exemple, il a déclaré qu’il attendrait la réponse pendant un mois) il n’a
plus le droit de retirer son offre avant l’expiration de ce délai, sinon il engagerait sa responsabilité
envers le destinataire. Et niera, lorsqu’il n’y a pas dé délai fixé, la jurisprudence considère que le

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pollicitant engage sa responsabilité s’il retire son offre d’une manière brutale et vexatoire, sans
aucun ménagement pour le destinataire. Il a le droit de révoquer son offre, mais il ne peut pas
abuser de ce droit. Il y aurait abus du droit si, après avoir fait une offre normale, il l’a retirait de
façon à nuire au destinataire. Il y a donc là un tempérament jurisprudentiel, et on peut dire que le
pouvoir de retrait qui est certain, en principe, s’exerce sous le contrôle des tribunaux par le moyen
de la théorie de l’ abus du droit.
L’intégrité du consentement
La volonté qui est juridiquement efficace, c’est une volonté éclairée et libre. Si l’une des parties
n’a pas consenti au contrat en connaissance de cause, ou bien si elle a subi une pression en vue de
contracter, son consentement, sans être inexistant, n’est pas juridiquement efficace. Il est vicié, et
le contrat sera annulable ; c’est-à-dire qu’il donnera lieu à une action en nullité qui a le caractère
d’ une nullité relative, nullité de protection que peut seul invoquer le contractant dont la volonté
n’a pas été éclairée et libre.
§ 3. Des vices qui peuvent infecter la manifestation de volonté. Erreur, dol, violence.
« Il n’y a point de consentement valable, dit l’article 904, si le consentement n ’a été donné que
par erreur, ou s ’il a été extorqué par violence ou surpris par dol ».
L’erreur, le dol, la violence, enlèvent au consentement toute sa valeur, car il n’y a plus
véritablement volonté de s’obliger de la part du contractant qui en est la victime.
C’est pourquoi la loi permet à celle-ci de demander l’annulation du contrat. Nous traiterons
successivement de ces trois vices et ensuite de la lésion qui peut, dans certains cas, annuler
également l’ obligation. Nous préciserons enfin le caractère de la nullité qui résulte de ces vices.
I. - L’ERREUR
Définition. Effet de l’erreur sur le contrat
L’erreur est une représentation fausse ou inexacte de la vérité. Elle consiste, disait Doneau, à
croire vrai ce qui est faux ou faux ce qui est vrai.
Cerati la définit comme toute fausse représentation de la vérité qui a conduit une personne à
contracté alors qu’elle ne l’aurait pas fait si elle avait connu la réalité.
L’effet juridique que produit l’erreur varie suivant la gravité de celle-ci. Tantôt l’erreur empêche
la formation du rapport contractuel ; tantôt elle permet à celui qui en a été victime de demander
l’annulation du contrat ; tantôt elle ne porte pas atteinte à la validité du contrat.
1° Cas où l’erreur empêche la formation du contrat
Il y a des cas où l’erreur commise par les contractants est telle, qu’elle met obstacle à l’accord de
leurs volontés. Il en est ainsi lorsqu’elle porte soit sur la nature du contrat, soit sur son objet.
Sur la nature du contrat : ainsi le vendeur a bien l’intention de vendre sa chose, mais l’acheteur
croit que la stipulation du prix n’est qu’apparente et que l’aliénateur veut lui faire une donation
déguisée. De même, le déposant croit que celui à qui il confie sa chose la reçoit comme
dépositaire, c’est-à-dire gratuitement, et ce dernier entend réclamer un salaire comme locateur de
services.
Sur l’objet du contrat : chacun des contractants a en vue une chose différente.
Le Code civil ne parle pas de ce genre d’erreurs, et il a bien raison, d’abord parce qu’on ne le
rencontre jamais en pratique, et ensuite parce que, dans les cas susvisés, il n’ y a pas à proprement
parler erreur. Chaque contractant sait bien ce qu’il veut, mais les deux volontés ne s’accordent pas
sur la nature du contrat ou sur son objet ; c’est pour cela que le lien contractuel ne peut pas se

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former.
Laissons donc de côté ces hypothèses, et supposons qu’il y a bien eu accord des volontés sur le
contrat et sur les divers éléments qui le constituent ; mais l’un des contractants s’est obligé sous
l’influence d’une erreur. Quel va être l’effet de cette erreur sur l’obligation qu’il a contractée?
La réponse dépend de la nature et de l’importance de l’erreur qu’il a commise. Il y a des cas,
avons-nous dit, où l’erreur est une cause d’annulabilité du contrat ; il y en a d’autres où elle ne
porte pas atteinte à sa validité.

2° Cas où l’erreur emporte annulabilité du contrat


D’après l’article 905, l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que dans les deux cas
suivants :
A. - Lorsqu’ elle porte sur la substance5 même de la chose qui en est l’ objet ;
B. - Lorsque la considération de la personne avec laquelle on contracte est la cause principale de
la convention et qu’il y a erreur sur cette personne.

Premier cas : Erreur sur la substance de la chose. — « L ’erreur n ’est une cause de nullité, dit
l’article 905, Ier alinéa, que lorsqu ’elleporte sur la substance même de la chose qui en est l’objet
».
Le sens de ces mots : substance de la chose. On peut, en effet, les interpréter de deux façons : soit
en considérant la chose elle-même et en recherchant quelles sont dans cette chose les qualités qui
doivent être tenues pour substantielles, c’est le point de vue objectif; soit au contraire en
s’inspirant de la volonté du contractant et en se demandant quelles sont les qualités qu’il a
principalement recherchées dans la chose par lui stipulée, c’est le point de vue subjectif.
De ces deux systèmes, c’est le second qui est adopté aujourd’hui par la doctrine et la
jurisprudence, et on comprend aisément pourquoi on l’ a préféré au premier. En effet, ce qui
importe en notre matière, c’ est moins la chose prise en elle-même que la volonté du contractant
victime de l’erreur. Si ce contractant ne trouve pas dans la prestation qui lui a été promise la
qualité qui était à ses yeux essentielle, on peut dire que le but visé par lui n’est pas atteint.
Ainsi donc, nous dirons qu’il y a erreur sur la substance, quand l’erreur tombe sur une qualité à
laquelle le contractant attachait une importance telle que, s’il avait su que cette qualité qu’il
recherchait dans la chose ne s’y trouvât pas, il n’aurait pas contracté. Pothier donnait l’exemple
suivant qui est devenu classique : J’achète des chandeliers d’argent parce que je les crois anciens.
Ils sont bien anciens, mais au lieu d’être d’argent ils sont de cuivre. L’erreur que j’ai commise ne
me permet pas de faire annuler le marché.
Si, au contraire, je les avais achetés parce que je voulais des chandeliers d’ argent, je pourrais agir
en nullité. S’inspirant de cette idée, la jurisprudence annule le contrat lorsque l’erreur commise
par le contractant a été la cause principale et déterminante de sa promesse. Ainsi, elle a annulé la
vente d’un terrain destiné à la construction d’une école, parce que ce terrain présenté comme
suffisant par le vendeur, n’avait pas la contenance exigée par l’Administration pour l’ouverture de
l’ école ; de même pour la vente d’ un tableau donné comme étant de tel artiste, alors que
l’expertise a démontré qu’il avait seulement été retouché par lui. L’exemple typique c’est celui
qui croyait acheter de l’or alors qu’il a acquis du bronze.
De même, j’achète un vieux cheval alors que j’en voulais un jeune ; l’âge du cheval est une

5 Le mot substance doit être compris largement, autant la matière dont la chose est faite que toute qualité substantielle de la
chose objet du contrat. Notion délicate résultant de la jurisprudence, on considère que la qualité essentielle est la qualité que
les parties ont eu principalement en vue au moment de la conclusion du contrat.

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qualité substantielle de l’opération.

Deuxième cas : Erreur sur la personne


« L ’erreur n ’estpoint une cause de nullité, dit l’article 905, 2e alinéa, lorsqu ’elle ne tombe que
sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette
personne ne soit la cause principale de la convention ».
Si donc la considération de la personne n’est pas la cause principale de la convention, l’erreur
commise est indifférente.
Par exemple, je veux acheter un objet, mais au lieu d’aller chez tel commerçant, je vais par erreur
chez un autre. Peu importe, cette erreur n’influe pas sur la validité du contrat. Si, au contraire, je
veux commander mon portrait à un peintre connu et que, trompé par l’homonymie, je m’adresse à
un autre, je pourrai demander l’annulation du contrat.
Ou encore, on traite avec une société commerciale car on croit qu’elle existe depuis longtemps
alors qu’en réalité je suis son premier client.

Troisième cas non énoncé par l’article 905 : Erreur de droit


Aux deux cas énoncés par l’article 905, il faut en ajouter un troisième, celui de l’erreur de droit,
c’est-à-dire de l’erreur consistant dans le fait d’ignorer une prescription légale. Par exemple, un
héritier cède à vil prix ses droits successifs, parce qu’il se trompe sur l’étendue de la part
héréditaire que la loi lui attribue.
Bien que l’erreur de droit consiste dans le fait d’ignorer la loi, et semble exclue en conséquence
par l’adage Nemo censetur ignorare legem, néanmoins on admet qu’elle vicie la manifestation de
volonté du contractant. Il n’y a pas là de contradiction. L’adage précité signifie qu’une personne
ne peut pas se faire un titre de son ignorance pour échapper à l’application de la loi ; mais il n’
empêche nullement un contractant de se prévaloir de cette ignorance dans ses rapports avec son
cocontractant.
Pour que l’erreur de droit puisse être invoquée comme cause de nullité de l’obligation, il faut
qu’elle ait été la cause principale et déterminante de cette obligation. Ainsi le débiteur d’une
obligation naturelle qui, se croyant civilement tenu, signe un billet par lequel il s’engage à payer
une somme d’argent à telle échéance, peut se prévaloir de son erreur pour faire annuler cet
engagement.
Question commune à ces divers cas

Pour que l’erreur soit une cause de nullité de l’obligation, faut-il qu’elle ait été commise par les
deux contractants, ou suffit-il qu’elle existe dans la pensée de celui qui l’invoque? Un exemple va
nous montrer l’ intérêt de la question : Je crois acheter un objet ancien, mais je ne le dis pas au
vendeur, qui, lui, sait que l’objet qu’il vend est de fabrication récente. Puis-je demander
néanmoins l’ annulation du contrat? Oui, en principe, bien que le vendeur ait ignoré la qualité que
j’avais principalement en vue. Il n’est pas nécessaire que lui aussi ait cru à l’antiquité de l’objet ;
il n’est pas même nécessaire que je lui aie fait connaître la qualité que je recherchais. Du moment
que ma manifestation de volonté était viciée par l’erreur que j’ai commise, j’ai le droit de faire
annuler le contrat. Toutefois, si l’annulation cause à l’autre partie un préjudice, si, par exemple,
elle l’a empêché de profiter d’une autre occasion de vente, j’en devrai réparation, car c’est moi qui
suis cause de ce préjudice, et j’en suis responsable en vertu de l’article 958.

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3° Cas où l’erreur n’influe pas sur la validité du contrat


Dans les cas autres que ceux que nous avons énoncés, l’erreur commise par le contractant n’est
pas une cause de nullité de son engagement.
Ainsi n’emportent pas nullité :
1° L’erreur qui porte sur une qualité non substantielle de la prestation qui a été promise au
contractant en retour de son obligation ;
2° L’erreur sur la personne dans les cas où la considération de la personne n’est pas la cause
principale qui a déterminé la conclusion du contrat ;
3° L’erreur sur l’évaluation de l’objet du contrat. Par exemple, j’achète très cher un objet qui a
peu de valeur, je vends très bon marché un objet qui en a beaucoup : ni dans un cas ni dans l’
autre je ne puis demander l’ annulation du contrat. J’ ai fait un mauvais marché ; tant pis pour
moi.
Nous verrons, en effet, que la lésion n’est pas une cause de nullité des contrats.
4°Enfin l’erreur sur les motifs qui ont déterminé l’une des parties à s’obliger n’annule pas non
plus le contrat. Ainsi, j’achète une maison parce que je crois à tort avoir fait un héritage ; ou bien j
’ achète un cheval parce que je crois que le mien a péri. Pourtant une erreur de cette nature exerce
une influence déterminante sur ma volonté; c’est bien elle qui me décide à contracter. Pourquoi
donc n’emporte-t-elle pas l’annulation de l’engagement? En voici la raison: le motif qui pousse
une personne à s’engager ne fait pas partie de la manifestation de volonté par laquelle elle
s’oblige ; il est antérieur à cette manifestation. Donc l’ erreur commise ne vicie pas l’engagement
lui-même. Les mobiles d’ordre psychologique qui déterminent une personne à s’obliger sont trop
variables, trop divers, pour que le Droit puisse en tenir compte. Permettre à un contractant
d’invoquer une erreur de cette nature, qui est d’ordre purement psychologique, ce serait porter
atteinte à la solidité des rapports contractuels.

II — LE DOL (art. 909).

Définition. - On appelle dol les manœuvres frauduleuses, tromperies, mensonges, réticences, dont
une personne use pour en tromper une autre à l’occasion d’un contrat.
Le dol suppose ordinairement des manœuvres frauduleuses. Par exemple, un maquignon emploie
des moyens fallacieux pour dissimuler l’âge d’un animal ou faire croire qu’il est apte à un service
dont il le sait incapable. Un commerçant simule des bénéfices exagérés pour vendre plus cher son
fonds. Mais l’emploi de ces manœuvres n’est pas nécessaire pour qu’il y ait dol, comme pourrait
le faire croire tout d’abord l’article 909 qui se sert de ce mot. La simple affirmation de qualités
que l’on sait ne pas exister peut constituer un dol. La simple réticence même, c’est-à- dire le fait
de dissimuler certains faits que l’on est tenu par le contrat de déclarer, est également dolosive. Tel
est le cas de la personne qui, dans un contrat d’assurance sur la vie ou contre l’incendie, omet
sciemment de faire les déclarations prescrites par la police.

Exception concernant les incapables.

Si le simple mensonge est parfois assimilé au dol, il en est autrement quand il s’agit d’un
incapable. L’article 1090, que l’on applique par analogie aux autres incapables, décide en effet
que la simple déclaration de majorité, faite par le mineur, ne fait point obstacle à sa restitution. Si,
en effet, une simple déclaration de capacité suffisait pour priver un incapable du droit de faire
annuler le contrat passé par lui, les tiers qui contractent avec lui ne manqueraient pas, en pratique,

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d’ exiger de lui cette déclaration.

Conditions requises pour que le contractant trompé puisse faire annuler le contrat

L’ article 909 déclare que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres
pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre
partie n’ aurait pas contracté.
D’après ce texte, deux conditions sont donc nécessaires pour que le dol entraîne nullité du contrat.
1° Il faut qu’il ait été commis par l’un des contractants. Si donc il est l’œuvre exclusive d’un tiers,
le contractant qui en est victime ne peut pas faire annuler le contrat, bien que pourtant sa
manifestation de volonté soit également viciée dans les deux cas. C’est que l’annulation causerait
à l’ autre partie qui est innocente du dol un préjudice immérité. La victime devra se contenter de
poursuivre le coupable en dommages-intérêts.
2° II faut que les manœuvres soient telles, qu’il soit évident que, sans ces manœuvres, la victime
n’aurait pas contracté. C’est la même idée que nous avons déjà rencontrée pour l’erreur. Et, en
effet, si les manœuvres n’ont pas été la cause de la convention, il n’y a pas lieu d’annuler celle- ci.
Quand il en est ainsi, on dit qu’il y a simplement dol incident et non plus dol principal. La victime
d’un dol incident ne peut pas demander l’annulation du contrat, mais elle est en droit de réclamer
à l’autre partie des dommages-intérêts en réparation du préjudice que ce dol a pu lui causer.

Observation concernant l’effet de l’erreur provoquée par le dol

Il est bon de noter ici que si l’erreur sur le motif qui a déterminé un des contractants à s’obliger
n’est pas une cause d’annulation du contrat, il en est autrement quand cette erreur a été provoquée
par le dol de l’autre partie ; différence qui du reste se comprend très bien, puisque ce sont les
manœuvres du contractant. Cette condition n’est pas nécessaire dans la donation entre vifs, parce
que l’engagement du donateur ne vaut qu’autant qu’il est pur de tonte altération. Il en est de
même, bien entendu, pour les actes unilatéraux comme l’acceptation d’une succession qui ont
trompé l’autre, tandis que, dans le cas d’erreur sur les motifs non provoquée, par le dol, on peut
dire que l’accord des deux volontés est exempt de tout vice.
III. - LA VIOLENCE6

Violence morale, violence physique

Dans les articles 909 à 914 qu’il consacre à ce vice, le Code ne parle que de la violence morale,
c’est-à-dire de celle qui s’exerce par des menaces dirigées contre une personne pour la contraindre
à s’obliger. Il ne s’occupe pas de la violence physique, très rare du reste, qui consisterait à guider
de force la main d’une personne pour lui faire tracer contre sa volonté sa signature sur un écrit.
C’est que, dans ce dernier cas, il n’y a pas volonté, donc il n’y a pas obligation.
Il en est autrement dans le cas de menaces. Le contractant consent sous l’empire de la crainte,
mais il consent : coactus voluit, sedvoluit.

Différence entre la violence et le dol

Pour que la violence emporte nullité du contrat, il n’ est pas nécessaire que les menaces soient le

6 Une contrainte exercée sur une personne pour l’amener à contracter peu importe qu’il s’agisse d’une contrainte physique
ou morale, qu’elle émane d’un tiers ou d’un contractant.

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fait de l’un des contractants ; même si le coupable est un tiers qui agit à l’insu du cocontractant, la
victime peut faire annuler le contrat (comparer l’art, un et l’art. 909). Logiquement, on ne peut pas
justifier cette différence entre les effets de la violence et ceux du dol. Elle s’explique uniquement
par cette considération qu’il est plus difficile de résister à la violence que de découvrir le dol, et
qu’en conséquence la victime de l’une mérite plus d’indulgence que la victime de l’autre.

Conditions pour que la violence annule l’obligation

Ceci dit, voici les conditions exigées par la loi pour que la violence soit une cause de nullité :
1° Il faut qu’elle soit de nature à faire impression sur une personne raisonnable et qu’elle puisse
lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent (art.
906, Ier al.).
L’article tempère du reste cette condition en ajoutant qu’on a égard, en cette matière, à l’âge, au
sexe et à la condition des personnes, car il est évident qu’un enfant, une femme, un subordonné
sont plus faciles à violenter qu’un adulte, un homme ou un égal. Il n’est pas nécessaire, au
surplus, que les menaces soient dirigées personnellement contre celui que l’on veut contraindre à
s’obliger. « La violence est une cause de nullité du contrat, dit l’article 907, non seulement lorsqu
’elle a été exercée sur la partie contractante, mais encore lorsqu ’elle l ’a été sur son époux ou
sur son épouse, sur ses descendants ou ses ascendants. »
L’article 908 ajoute, à titre d’application de cette première condition, que la seule crainte
révérentielle envers le père, la mère ou un autre ascendant, sans qu’il y ait eu de violence exercée,
ne suffit point pour annuler le contrat. Ceci était bon à dire, car l’autorité paternelle peut parfois
produire un effet comparable à celui de la violence. Mais l’ enfant qui n’ a donné son
consentement que par la crainte de la colère de ses parents ne peut pas plaider en nullité.

2° Il faut que la violence soit injuste ou illicite.


Cette seconde condition n’est pas indiquée par le Code, mais elle va de soi. Ainsi, le créancier qui
menace son débiteur de la saisie, s’il ne veut pas lui donner une garantie, le patron qui menace
l’employé infidèle de le faire arrêter, s’il ne consent pas à signer une reconnaissance de la somme
qu’il a détournée, ne se rendent pas coupables de violence. Mais il en serait autrement s’ils en
profitaient pour se faire promettre plus qu’il ne leur est dû.
Par exemple la menace d’une voie de droit n’est pas illégitime (l’exemple du bailleur qui menace
un locataire mauvais payeur de l’ assigner en justice).

IV. - LÉSION.
Définition
La lésion est le préjudice résultant du défaut d’équivalence des prestations réciproques que se
promettent les contractants dans un contrat à titre onéreux. Elle peut résulter soit d’une erreur du
contractant lésé sur la valeur de la prestation fournie par son cocontractant, soit de son état de
nécessité qui le contraint à accepter des conditions trop désavantageuses. Par exemple,
l’emprunteur qui accepte de restituer une somme supérieure à celle qui lui est prêtée, ou de payer
un taux d’intérêt excessif, le vendeur qui vend trop bon marché, l’acheteur qui achète un objet
plus cher qu’il ne vaut, subissent une lésion.
La lésion ne vicie - pas l’obligation. Pourquoi?
Le consentement du contractant lésé est donc donné sous l’empire d’une erreur ou de la nécessité.

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Faut-il dès lors admettre celui qui subit une lésion à demander l’annulation de son obligation? Le
Code civil s’est prononcé pour la négative, dans l’article 911 : « La lésion ne vicie les
conventions, nous dit ce texte, que dans certains contrats ou à l’égard de certaines personnes ».

La règle est donc que la lésion ne vicie pas les conventions


Pourquoi? Parce que la valeur des choses est variable suivant les besoins des individus. Celui qui
désire ardemment une chose consent à la payer plus cher pour satisfaire son désir. L’homme qui a
un besoin pressant d’argent pour ses affaires, le paiera plus cher qu’un autre, ou consentira, pour
s’en procurer, à vendre un objet au-dessous de sa valeur.
Il va donc lui-même au-devant de la lésion qu’il subit ; ou plutôt, il estime qu’il a encore intérêt à
traiter aux conditions qui lui sont imposées par l’autre partie. Si donc le législateur avait fait de la
lésion une cause de nullité des contrats, il aurait incité par là même tout contractant mécontent à
attaquer l’engagement qu’il a pris et provoqué un grand nombre de procès.

Cas où la loi tient compte de la lésion


Pourtant, l’article 911 apporte des exceptions à la règle précédente, en faveur de certaines
personnes et pour certains contrats.

Premier cas : Mineurs.

En faveur de certaines personnes, cela vise les mineurs. Cette exception est traditionnelle. Nos
anciens auteurs la formulaient en disant : Minor restituitur non tamquam minor sed tanquam
loesus. L’article 1090 l’a reproduite en des termes trop larges et dont l’interprétation a donné
lieu à une longue controverse : « La simple lésion, dit-il, donne lieu à la rescision, en faveur du
mineur non émancipé, contre toutes sortes de conventions ; et en faveur du mineur émancipé,
contre toutes les conventions qui excèdent les bornes de sa capacité ».

D’après l’interprétation admise aujourd’hui sans discussion, il faut, pour déterminer les cas où un
mineur peut invoquer la lésion, faire une distinction que l’article 1090 ne laisse pas apercevoir et
qui est la suivante :

A. - Mineur non émancipé

Si un mineur non émancipé a contracté seul, sans être habilité par son tuteur, le contrat sera,
suivant les cas, annulable ou seulement rescindable pour cause de lésion : annulable, s’il s’agit
d’un contrat pour lequel la loi exigeait l’autorisation du conseil de famille ; rescindable, si c’est un
contrat qui rentre dans les pouvoirs d’administration du tuteur.

B. - Mineur émancipé

Il faut faire ici la même distinction. Si le mineur émancipé a fait seul un contrat pour lequel il
aurait dû être assisté de son curateur, il ne peut l’attaquer que s’il a été lésé, c’est-à-dire s’il a
traité avec un tiers qui a fait une bonne affaire à son détriment.
Si le mineur émancipé a passé un contrat qui aurait dû être autorisé par le conseil de famille, il y a
alors nullité. Il faut noter que ces dispositions sont spéciales aux mineurs : elles ne s’appliquent
pas aux autres incapables. Pour ceux-ci, il n’y a qu’une sanction à la non-observation des règles
de protection établies par la loi, c’ est l’ action en nullité.
Deuxième cas : Contrats passés par des majeurs. Il n’y a que deux contrats qui soient rescindables
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NOTES DE COURS DE DROIT DES OBLIGATIONS

pour cause de lésion quand ils sont conclus par des majeurs : le partage (art. 717 CC) et la vente
d’ immeubles. Il faut y ajouter l’ acceptation de succession.
V. - CARACTÈRE DE LA NULLITÉ QUI DÉCOULE DE L’ERREUR, DU DOL, DE LA
VIOLENCE OU DE LA LÉSION.

Nullité relative

L’article 910 déclare que la convention contractée par erreur, violence ou dol, n’est point nulle de
plein droit ; elle donne seulement lieu à une action en nullité ou en rescision (quand il s’agit de
lésion), dans les cas et de la manière expliqués dans les articles 1089 et suivants.
Ainsi, seul le contractant dont le consentement est altéré peut demander l’annulation du contrat. Il
dépend donc de lui, soit de le faire annuler, soit de l’exécuter.
Le contrat est obligatoire pour l’un des contractants et annulable au gré de l’autre. C’est un contrat
boiteux. Le droit de le faire annuler dure pendant dix ans (délai beaucoup trop long). Ce temps ne
court, dans le cas de violence, que du jour où elle a cessé, dans le cas d’erreur ou de dol, du jour
où ils ont été découverts (art. 1089).
Le contractant peut du reste confirmer son engagement, soit tacitement en l’exécutant en
connaissance du vice qui l’ infecte, soit expressément.

FORMATION ET VALIDITÉ DES CONTRATS

SECTION II
DE LA CAPACITÉ DE CONTRACTER

Aux termes de l’art. 915 : « Toute personne peut contracter, si elle n’en est pas déclarée
incapable par la loi ». La capacité de contracter est donc la règle générale, l’ incapacité
l’exception. D’où il suit que c’est à celui qui allègue l’incapacité d’une personne d’en fournir la
preuve : ce qu’elle ne peut faire qu’en démontrant que cette personne se trouve dans l’un des cas
d’incapacité édictés par la loi. L’art. 916 donne la liste des personnes qui sont juridiquement
incapables de contracter :
Les incapables de contracter sont,
• Les mineurs,
• Les interdits,
• Les femmes mariées, dans les cas exprimés par la loi,
• Et généralement tous ceux à qui la loi interdit certains contrats.
Il y a donc des personnes qui sont frappées d’une incapacité générale de contracter, et d’autres qui
sont frappées d’une incapacité spéciale.

A. Personnes frappées de l’incapacité générale de contracter.

Ce sont les mineurs, les interdits et les femmes mariées.

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a) Les mineurs.

Cette formule comprend dans sa généralité, même le mineur émancipé. Le législateur lui accorde
il est vrai, au chapitre De l’émancipation, une certaine capacité, qui lui permet d’accomplir seul
tous les actes relatifs à l’administration de son patrimoine; mais le mineur émancipé est incapable
en dehors de cette sphère. L’ incapacité de contracter est donc pour lui la règle générale, la
capacité l’exception.
On devait par conséquent le ranger parmi les personnes frappées de l’incapacité générale de
contracter : il est incapable pour tous les contrats en général, sauf pour ceux relatifs à
l’administration de son patrimoine.
Au surplus, nous verrons sous l’art. 1097 que les expressions employées par le législateur dans
l’art. 916 défigurent peut-être sa pensée. Le mineur est plutôt restituable pour cause de lésion
contre les conventions qu’il fait qu’incapable de contracter; car la loi ne lui permet d’attaquer le
contrat qu’autant qu’il est lésé, restituitur non tanquam minor sed tanquam loesus. Si l’on veut
conserver le mot incapable, il faut dire que le mineur est incapable de se léser par un contrat.
b) Les interdits.
On sait qu’il en existe deux catégories : les interdits judiciairement et les interdits légalement. Les
premiers sont placés sous le coup d’une présomption d’insanité d’esprit permanente : cette
présomption supprime en droit les intervalles lucides qui peuvent exister en fait, de sorte que
l’incapacité dont est frappé l’interdit s’étend même aux actes qu’il passe pendant un intervalle
lucide. L’interdit légalement est frappé d’une incapacité du même genre, bien que la cause de son
interdiction soit toute différente.

c) Les femmes mariées.


Leur incapacité consiste dans la nécessité d’obtenir l’autorisation de leur mari ou de la justice
pour contracter valablement. Ce qui est contraire aux dispositions de l’article 2 du décret du 8
octobre 1982 fixant un nouveau statut à la femme mariée : « Le mariage n’affecte plus la capacité
des époux. La femme à l’instar de l’homme, a le plein exercice de sa capacité juridique »
Les contrats passés par un mineur, par un interdit ou par une femme mariée non autorisée ne sont
pas inexistants ou nuls de plein droit (expressions synonymes) ; ils sont seulement nuls ou
annulables.
L’art. 917 en contient une double preuve. En effet dans son alinéa 1 il dit que l’incapacité permet
d’attaquer le contrat, expression qui fait allusion à l’action en nullité et qui suppose par suite un
contrat existant, mais imparfait, nul par conséquent et non pas inexistant ; attaque-t-on le néant?
Et l’ alinéa 2 ajoute que la partie capable, qui a contracté avec un mineur, un interdit ou une
femme mariée, ne peut pas, en se prévalant de l’incapacité de ceux-ci, demander la nullité du
contrat ; or, quand un acte est inexistant, tout intéressé peut opposer son inexistence.
Voici au surplus le texte de l’art. 917 : « Le mineur, l’interdit et la femme mariée ne peuvent
attaquer, pour cause d’incapacité, leurs engagements, que dans les cas prévus par la loi. Les
personnes capables de s’engager ne peuvent opposer l’incapacité du mineur, de l’interdit ou de la
femme mariée, avec qui elles ont contracté ».

B. Personnes frappées d’une incapacité spéciale de contracter.

« Et généralement tous ceux à qui la loi interdit certains contrats », dit l’art. 916 in fine. C’est

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ainsi que le tuteur ne peut acheter les biens de son pupille, ainsi que le mandataire des biens qu’ils
sont chargés de vendre (art. 1381),. De même le contrat de vente est interdit entre époux (art.
1380). D’autres incapacités spéciales de contracter sont prévues çà et là dans le code civil. Nous
rangeons également les prodigues et les faibles d’esprit soumis à l’autorité d’un conseil judiciaire
dans la catégorie des personnes auxquelles la loi interdit certains contrats ; il n’est pas exact de
dire qu’ils sont d’une manière générale incapables de contracter, car la capacité est pour eux la
règle, l’incapacité l’exception.

SECTION III
DE L’OBJET ET DE LA MATIÈRE DES CONTRATS

D’après les idées généralement reçues, l’objet de l’obligation, et par suite du contrat, c’est ce sur
quoi porte l’obligation, c’est la matière de l’obligation.
Aux termes de l’art. 918 : « Tout contrat a pour objet une chose qu ’une partie s ’oblige à donner,
ou qu’une partie s’oblige à faire ou à ne pas faire ».

Donner signifie ici transférer la propriété, dare. Le législateur s’occupera dans deux sections
distinctes de l’obligation de donner (section II du chap. III), et de l’obligation de faire et de ne pas
faire (section III du même chapitre).

Nous étudierons successivement ces deux hypothèses.

I. L’obligation a pour objet une chose.


La chose, qui forme l’objet de l’obligation, doit :
1° être in rerum natura;
2° être dans le commerce;
3° être déterminée ou déterminable (objet certain).
1° La chose, qui fait l’objet de l’obligation, doit être in rerum natura, c’est-à-dire qu’elle doit
exister; autrement l’obligation serait sans objet et par suite inexistante. Ainsi je vous vends mon
cheval, qui est mort la veille à mon insu ; il n’y a pas de vente, parce qu’il n’y a pas d’objet.
2° La chose doit être dans le commerce, in hominum commercio, c’ est-à-dire susceptible de faire
l’objet du droit que les parties veulent établir sur elle à l’aide de la convention. « Il n’y a que les
choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des conventions », dit l’art. 919. Une
chose peut être hors du commerce : Soit à raison de sa nature, comme l’air, la mer; Soit à raison
de sa destination, comme les choses faisant partie du domaine public, par exemple les places
fortes, les routes nationales, les fleuves... ;
Soit par des considérations d’ ordre public : telles sont les substances vénéneuses, dont la vente
est interdite, certaines armes et enfin les successions futures. Ce dernier point mérite de fixer
quelque temps notre attention.
L’art. 650, que vous avez probablement déjà étudié, défend de renoncer à la succession d’un
homme vivant. L’art. 921 renouvelle cette prohibition, et dégage en même temps le principe dont
elle n’est qu’une déduction :
« Les choses futures peuvent être l’objet d’une obligation. On ne peut cependant renoncer à une
succession non ouverte, ni faire aucune stipulation sur une pareille succession, même avec le
consentement de celui de la succession duquel il s’agit ».
Les pactes sur succession future sont donc proscrits d’une manière générale dans notre Droit. A
tort ou à raison, notre législateur, conformément à une tradition séculaire, les a considérés comme

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immoraux et dangereux : immoraux parce qu’on y spécule sur la mort d’une personne, le stipulant
aura intérêt à ce que cet événement se réalise le plus promptement possible; dangereux parce que,
comme le dit fort bien M. Laurent, une espérance coupable peut faire naître des pensées
criminelles.
Et de là résulte une conséquence importante consacrée par une jurisprudence constante: c’ est que
les conventions, faites en violation de la prohibition dont il s’agit, ne sont pas seulement nulles,
mais bien inexistantes.
Dans sa sévérité notre législateur est allé très loin : le consentement de la personne, à l’hérédité
future de laquelle le pacte est relatif, ne le validera pas (art. 921 in fine); et, comme la loi ne
distingue pas, on doit décider que le pacte serait nul, alors même que la personne de la succession
de laquelle il s’agit serait l’une des parties contractantes, alors même en autres termes que la
convention serait passée avec elle.
Exceptionnellement la loi autorise dans certains cas des pactes sur une succession non ouverte.
Nous en avons trouvé un exemple dans les articles 882 et suivants.
A part l’exception relative aux successions non ouvertes, les choses futures peuvent faire l’objet
d’une obligation (art. 921 al. 1). Ainsi je puis vendre la récolte que mon vignoble produira l’année
prochaine, et je puis faire cette vente à tant la mesure, par exemple à 2,000$ le tonneau, ou pour
un prix ferme, par exemple toute la récolte pour 50,000$. Les ventes de choses futures sont
fréquentes dans le commerce. Souvent un industriel vend, livrables à terme, des marchandises
qu’il n’a pas fabriquées et dont il ne possède peut-être pas la matière première. Ainsi un fabricant
de papier vendra à une compagnie d’édition 10,000 caisses de papier pour imprimer les ouvrages
scolaires, livrables dans un an, alors qu’au moment où il passe ce marché il n’ a ni papier, ni rien
du tout pour le fabriquer. Ces ventes portent le nom générique de ventes à livrer.
1° La chose qui forme l’objet de l’obligation doit être déterminée ou déterminable. On lit à ce
sujet dans l’ art. 920 : « Il faut que l’obligation ait pour objet une chose au moins déterminée
quant à son espèce. La quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu’elle puisse être
déterminée ».
Ce texte n’est qu’un développement de l’art. 903 al. 3, qui exige que l’obligation ait un objet
certain. Entendez par objet certain celui que la convention détermine d’une manière suffisante
pour que le débiteur soit lié sérieusement. Si le lien de l’obligation est tellement élastique que le
débiteur puisse se libérer en faisant une prestation dérisoire, c’ est-à-dire une prestation nullement
onéreuse pour lui et sans utilité pour le créancier, l’obligation sera nulle.
Il en serait ainsi dans deux cas :
1° si l’objet de l’obligation n’est déterminé que quant à son genre, par exemple si le débiteur s’est
obligé à livrer un animal, sans dire de quelle espèce ; car le débiteur pourrait, sans sortir des
termes de la convention, livrer au créancier un animal de nulle valeur ou même un animal nuisible
;
2° si, la chose objet de l’obligation étant de celles qui ne peuvent être utiles qu’à la condition d’
être prestées en certaine quantité, le contrat ne contient aucune base pour déterminer la quantité à
livrer, par exemple si le débiteur a promis du blé ou du vin sans dire combien ; car il pourrait
alors, toujours en restant dans les termes de la convention, s’acquitter en livrant quelques grains
de blé ou quelques gouttes de vin, c’ est-à-dire en faisant une prestation illusoire.
En résumé, on peut concevoir trois degrés dans la détermination de la chose qui fait l’objet de l’
obligation :
1° La détermination peut être tellement précise qu’elle individualise complètement la chose, et ne
laisse aucune latitude au débiteur dans l’ accomplissement de la prestation promise, par exemple :
l’anneau que je porte au doigt. On dit alors que l’obligation a pour objet un corps certain.

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2° Une détermination, qui, tout en laissant au débiteur une certaine latitude pour l’exécution de
son obligation, l’enferme cependant dans un cercle assez étroit pour qu’il soit obligé d’effectuer
une prestation présentant une utilité réelle pour le créancier : par exemple s’il a promis un chien
courant, une barrique d’ huile d’ olives, la quantité de bois nécessaire pour le chauffage de telle
maison. On dit alors que l’objet de l’obligation est un objet certain.
3° Une détermination tellement vague qu’elle équivaut à une indétermination complète, en ce sens
qu’elle laisse au débiteur une latitude presque indéfinie pour l’exécution de son obligation et lui
permet de se libérer en effectuant une prestation dérisoire et par conséquent sans utilité pour le
créancier : par exemple si le débiteur a promis un animal ou même un quadrupède, du vin, du blé.
Le lien de l’obligation est alors tellement relâché qu’il y a en réalité absence de lien ; l’obligation
est nulle.
Aux termes de l’art. 918 : « Le simple usage ou la simple possession d’une chose peut être,
comme la chose même, l’objet d’un contrat ». Comme la chose même..., c’est-à-dire comme la
propriété de cette chose. La loi oppose ici les contrats qui ont pour objet le simple usage ou la
simple possession de la chose à ceux qui ont pour objet la chose même : entendez la propriété de
la chose. Comme exemples de contrats ayant pour objet l’usage d’une chose, on peut citer le
louage et le prêt à usage ou commodat : le locataire et l’emprunteur à usage n’acquièrent que le
droit de se servir de la chose louée ou empruntée, le premier moyennant un prix, le second
gratuitement.
Le gage nous offre l’exemple d’un contrat ayant pour objet la simple possession d’une chose : le
créancier gagiste n’ acquiert pas le droit de se servir de la chose donnée en gage, mais seulement
celui de la posséderpignoris jure jusqu’au paiement de la dette. Ce paiement une fois effectué, il
doit la restituer. Si le débiteur ne paye pas à l’échéance, alors le créancier a le droit de faire vendre
la chose et de se payer par privilège sur le prix. Enfin la vente, l’échange et la donation sont des
contrats ayant pour objet la propriété d’une chose ; ils ont pour but de transférer la propriété.
II. L’obligation a pour objet un fait.

L’obligation peut astreindre le débiteur à faire ou à ne pas faire quelque chose. Ainsi je puis
m’obliger à construire une maison, à peindre un tableau, à jouer sur un théâtre... (obligation de
faire), ou à ne pas planter sur mon terrain, à ne pas bâtir, afin de laisser à votre maison une vue
libre sur la campagne... (obligation de ne pas faire) ; je promets dans le premier cas un fait, dans le
second l’abstention d’un fait.
Le fait positif ou négatif qui forme l’objet de l’obligation doit être possible, utile au créancier et
licite.
1° Possible.
La promesse d’un fait impossible n’oblige pas le débiteur, impossibilium nulla obligatio : ce qui
toutefois ne doit s’entendre que d’une impossibilité absolue, c’est-à-dire d’une impossibilité
existant pour tout le monde, et non d’une impossibilité relative au débiteur. Ainsi la promesse de
construire une machine obligerait celui qui l’a faite, alors même qu’il ne posséderait pas les
notions les plus élémentaires de l’ art mécanique ; l’ inexécution de cette promesse le rendrait
donc passible de dommages et intérêts.
2° Utile au stipulant.
Car autrement le créancier, n’ ayant aucun intérêt à l’ exécution de la promesse, n’ aurait aucune
action pour y contraindre le débiteur; celui-ci pourrait donc y contrevenir impunément : ce qui
revient à dire qu’il n’est pas lié.
3° Licite.
La promesse d’un fait illicite, c’est-à-dire contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, ne

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saurait engendrer aucune obligation, parce que de semblables faits sont légalement ou moralement
impossibles, impossibles pour un homme honnête, nec nos facere posse credendum est.
SECTION IV
DE LA CAUSE

La cause est la dernière condition que l’art. 903 nous présente comme essentielle à la validité, il
faut même dire à l’existence des conventions. Il règne une grande obscurité sur cette matière. On
peut définir la cause : le but immédiat et par conséquent essentiel qu’on se propose d’obtenir en
s’obligeant, id quod inducit ad contrahendum.
La cause est donc le mobile de celui qui s’oblige : il y en a toujours un, car nul ne s’oblige sans
but; elle est la raison d’être de l’obligation, son pourquoi.
Exemple :
Je vous vends ma maison moyennant 100,000$. Ce contrat fait naître des obligations réciproques ;
car la vente est un contrat synallagmatique : obligation pour moi, vendeur, de vous rendre
propriétaire de la maison et de vous la livrer; obligation pour vous, acheteur, de me payer le prix.
Quelle est la cause de ces diverses obligations? En ce qui concerne le vendeur tout d’abord?
Pourquoi me suis-je obligé, dans l’espèce proposée, à vous rendre propriétaire de ma maison et à
vous la livrer? C’est pour obtenir que vous vous obligiez de votre côté à me payer la somme de
100,000$ dont j’ai besoin ; votre obligation sert donc de cause à la mienne; elle en est la raison
d’être en même temps que la contre-partie.
Voyons maintenant quelle est la cause de l’obligation de l’acheteur. Pourquoi vous êtes-vous
obligé dans l’espèce à me payer 100,000$? C’est pour me déterminer à contracter vis-à-vis de
vous l’obligation de vous rendre propriétaire de ma maison et de vous la livrer; l’obligation de l’
acheteur a donc pour cause l’ obligation du vendeur, de même que celle-ci a pour cause l’
obligation de l’ acheteur.
En un mot, le but immédiat que se propose le vendeur est d’obliger l’acheteur envers lui; le but
immédiat que se propose l’acheteur est d’obliger le vendeur envers lui. Ces deux obligations se
servent donc réciproquement de cause. Ce qui vient d’être dit de la vente peut être appliqué à tous
les contrats synallagmatiques. Nous établirons donc en principe que, dans les contrats
synallagmatiques, les obligations de chacune des parties ont pour cause celles de l’autre ou des
autres.
Dans les contrats unilatéraux, la cause varie suivant la nature du contrat.
S’agit-il d’un prêt (à usage ou de consommation, peu importe) ? la cause de l’obligation de
l’emprunteur est dans la prestation qui lui a été faite par le prêteur : c’ est en considération de
cette prestation qu’il s’est obligé. Pourquoi doit-il? parce qu’il a reçu ; c’était là le but immédiat
qu’il poursuivait en empruntant, c’est-à-dire en s’obligeant à rendre : recevoir la chose objet du
prêt. La cause serait la même dans le dépôt et dans le gage. Dans le contrat de donation, il n’y a
pas d’autre cause à l’obligation du donateur qu’une pensée de bienveillance, le désir de procurer
un avantage au donataire. Le but immédiat que se propose d’ obtenir le donateur en s’ obligeant,
c’est de gratifier le donataire, il est mû par une pensée de libéralité.

« La cause est dans l’intérêt réciproque des parties ou dans la bienfaisance de l’une d’elles ».
L’intérêt réciproque des parties dans les contrats synallagmatiques ne peut consister que dans les
obligations réciproques engendrées par le contrat ; l’intérêt de chaque partie consiste dans la
promesse de l’autre. Ainsi, dans la vente par exemple, l’intérêt du vendeur consiste dans
l’obligation de l’acheteur, de même que l’intérêt de l’acheteur dans l’obligation du vendeur.

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Distinction de la cause, de l’objet et du motif.


Il importe beaucoup de ne pas confondre la cause de l’obligation, soit avec l’objet, soit avec le
motif.
Avec l’objet.
La distinction est facile : pour trouver la cause il faut, nous l’avons vu, se demander cur debetur ;
pour trouver l’objet, il suffit de rechercher quid debetur. Ainsi, dans la vente, l’obligation du
vendeur a pour objet la chose vendue, celle de l’acheteur le prix ; dans le prêt, l’obligation de
l’emprunteur a pour objet la chose même qu’il a reçue ou une chose équivalente, suivant qu’il y a
prêt à usage ou prêt de consommation; dans la donation, l’obligation du donateur a pour objet la
chose donnée...
Nous avons dit qu’il ne faut pas confondre non plus la cause avec le motif de l’obligation. La
distinction entre la cause et le motif est délicate, parce qu’il y a une étroite parenté et par suite une
assez grande similitude entre ces deux choses. L’une et l’autre sont un mobile ; or les mobiles des
actions humaines présentent une extrême diversité, et la difficulté est de savoir quel est entre eux
tous celui qui constitue la cause et quels sont ceux qui constituent les motifs. J’ai besoin de blé
pour ensemencer mes terres ; j’en achète 20 hectolitres moyennant 400$. Si, voulant rechercher la
cause de l’obligation que j’ai contractée envers le marchand de lui payer 400$, nous nous posons
la question Oudot Cur debetur, il y a deux réponses : 1°j’ai contracté cette obligation pour obtenir
que le marchand s’obligeât à me livrer 20hectolitres de blé;
2° je l’ai contractée pour arriver à pouvoir ensemencer mes terres. Eh bien! la première réponse
donne l’ indication de la cause et la deuxième celle du motif : la cause de mon obligation, c’ est
celle que le marchand a contractée vis-à-vis de moi ; son motif, c’est la nécessité d’ensemencer
mes terres. Mais pourquoi n’est-ce pas tout aussi bien l’inverse ?
Des deux buts que je me suis proposés en achetant, il y en a un qui est immédiat, qui est essentiel,
qui se rencontrera toujours dans tous les marchés du même genre : acquérir du froment et par suite
obliger quelqu’un à m’en fournir, c’est la cause; l’autre but, ensemencer mes terres, est plus
éloigné, il n’est pas essentiel, en ce sens qu’il pourrait ne pas exister dans un marché absolument
semblable : on peut acheter du froment pour se nourrir, pour le distribuer aux pauvres, pour le
revendre..., c’est le motif de l’obligation.
On voit que le motif, comme la cause, est un but, but immédiat et essentiel dans un cas, but plus
éloigné et accidentel dans l’autre ; de sorte que c’est en quelque manière une question de
proximité qui distingue la cause du motif, si bien qu’on pourrait peut-être définir ces deux choses
l’une par l’autre en disant : la cause, c’est le motif prochain, immédiat, essentiel de l’obligation ;
le motif, c’est la cause éloignée, causa remota, la cause de la cause, causes causarum, le pourquoi
du pourquoi.
En deux mots, parmi les divers buts qu’on peut se proposer en contractant, le plus prochain est la
cause, les autres sont les motifs de l’ obligation. Le premier est essentiel : il sera toujours le même
dans une convention d’une nature déterminée. Le second est accidentel: il variera à l’infini dans
diverses conventions exactement semblables les unes aux autres. Si deux personnes achètent
chacune une maison, la cause de leur obligation sera la même, le motif sera probablement
différent.
La cause est un élément essentiel à l’ existence de l’ obligation.
Aussi l’art. 922 dispose-t-il que « L ’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une
cause illicite, ne peut avoir aucun effet ».
La loi nous parle d’abord d’une obligation sans cause. On ne conçoit guère qu’une personne
s’oblige sans cause; comme on l’a fort bien dit, il n’y a qu’un fou qui puisse agir ainsi. Notre

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NOTES DE COURS DE DROIT DES OBLIGATIONS

article parle ensuite de l’obligation contractée sur une fausse cause. La fausse cause peut être
erronée ou simulée.
Elle est erronée, lorsqu’elle n’existe que dans l’imagination de celui qui s’oblige : il croit à
l’existence d’une cause qui n’existe pas en réalité, il est donc dans l’erreur relativement à la cause,
d’où le nom de cause erronée. Ainsi vous me présentez un testament olographe de mon père
aujourd’hui décédé, contenant à votre profit un legs de mille caisses de vin; pour m’acquitter de
ce legs, je vous propose, ce que vous acceptez, de vous donner 10,000$ à la place des mille
caisses de vin, et je souscris un engagement de vous payer cette somme dans un mois. Quelle est
la cause de cet engagement? C’est l’acquittement du legs : le but immédiat que je me propose
d’obtenir en m’obligeant à vous payer les 10,000$, c’est de me libérer de l’obligation dont je me
crois tenu en vertu du testament. Plus tard je découvre un codicille contenant la révocation du legs
fait à votre profit ; que résulte-t-il de là? C’est que l’obligation que j’ai contractée de vous payer
les 10,000$ a une cause erronée, par conséquent une fausse cause : je croyais être débiteur, et je
ne l’étais pas; mon obligation ne produira donc aucun effet.
C’est seulement la fausseté de la cause qui, aux termes de l’art. 922, rend l’obligation sans
valeur ; la fausseté du motif ne produirait pas le même résultat. Ici apparaît donc l’intérêt de la
distinction entre la cause et le motif. Ainsi, dans la persuasion où je suis qu’une riche succession
m’est échue, j’achète une maison ; puis j’apprends que la personne dont je me croyais héritier est
encore vivante, ou qu’elle m’a dépouillé par un legs universel. Bien que le motif qui m’a
déterminé à acheter soit faux, je n’en serai pas moins lié par le contrat que j’ai passé.
La cause est simulée, lorsque les parties ont volontairement et sciemment assigné à l’obligation
une cause autre que la véritable. Il faut supposer que les parties ont quelque intérêt à dissimuler la
vérité sur ce point, et, pour mieux faire illusion, elles ne se bornent pas à garder le silence sur la
cause véritable de l’obligation, elles en indiquent une autre qui est fausse. Ainsi on me soustrait
une somme de 1,000$ ; je découvre le voleur, qui promet de me rembourser en me suppliant de
garder le silence; je consens, pour ne pas lui faire signer l’aveu de son délit, à accepter de lui une
reconnaissance ainsi conçue ; « Je promets payer à Mr N. la somme de 1,000$ qu ’il m ’aprêtée ».
La véritable cause de cette obligation est une restitution; le prêt qui est indiqué dans l’écrit n’est
qu’une cause simulée.
L’indication d’une cause simulée, d’une fausse cause par conséquent, ne rend pas nécessairement
l’obligation nulle. En effet la simulation n’est pas dans notre Droit par elle-même et par elle seule
une cause de nullité. Cette proposition n’est pas contredite par l’art. 922 ; car il ne dit pas que l’
obligation ne peut avoir aucun effet, lorsque la cause a été faussement indiquée, mais bien
lorsqu’elle a été contractée sur une fausse cause; or ici l’obligation n’a pas été contractée sur la
fausse cause que les parties ont indiquée, mais bien sur la véritable cause dont elles ont à dessein
dissimulé l’existence.
Bien entendu, l’obligation dont la cause est simulée ne sera valable qu’autant que sa cause vraie
sera licite ; autrement rien ne serait plus facile aux parties que d’éluder la règle, qui déclare
destituées de toute efficacité les obligations contractées sur une cause illicite.
Nous arrivons à la cause illicite. L’art. 924 nous en donne la définition en ces termes : « La cause
est illicite quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou à
l’ordre public ». On trouvera peut-être cette définition un peu vague ; mais elle devait
nécessairement l’être pour comprendre tous les cas que le législateur avait en vue et qui sont
extrêmement nombreux. Quoi qu’il en soit, le défaut de précision voulu et peut-être inévitable de
notre article a fait naître dans la pratique de nombreux procès, et il faut reconnaître que c’est
souvent une question fort délicate en effet que celle de savoir si la cause d’une obligation est ou n’
est pas illicite.
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NOTES DE COURS DE DROIT DES OBLIGATIONS

Il y a cependant un certain nombre de cas où le caractère illicite de la cause est évident. Nous
citerons notamment les suivants :
1° Lorsque la cause consiste dans la promesse d’accomplir un fait délictueux, ou même seulement
contraire à la morale : par exemple si un homme s’oblige à payer une certaine somme d’ argent à
une femme comme prix de la promesse que lui fait celle-ci de nouer ou de continuer avec lui des
relations illicites.
2° Lorsqu’elle consiste dans la promesse de s’abstenir d’un fait délictueux, comme si je vous ai
promis une certaine somme pour vous déterminer à renoncer à une liaison adultérine. Il y a
immoralité à stipuler une somme d’argent comme prix de l’abstention d’un fait que la loi
réprouve.
3° Lorsqu’une obligation est contractée dans le but de soustraire le promettant à des poursuites
criminelles à raison d’un délit qu’il a commis. Telle serait l’obligation contractée par un voleur
envers celui qu’il a dépouillé pour obtenir que celui-ci ne le dénonce pas.
4° Lorsqu’on stipule une somme d’argent pour l’accomplissement d’une obligation dont on est
déjà tenu : par exemple si un dépositaire se fait promettre une somme d’argent pour restituer le
dépôt qu’il a reçu. Effet de l’absence de cause ou de l’existence d’une cause vicieuse. «
L’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun
effet », dit l’art. 922 déjà cité plus haut.

De cette formule énergique les auteurs et la jurisprudence tirent cette conclusion : que l’obligation
sans cause ou l’obligation sur une cause vicieuse n’est pas seulement nulle, mais inexistante. De
là plusieurs conséquences.
a. Tout intéressé peut opposer l’inexistence d’une semblable obligation.
b. L’obligation sans cause ou sur une cause vicieuse n’est pas susceptible de confirmation ou de
ratification soit expresse soit tacite : on ne confirme pas le néant.
c. Enfin ce qui a été payé en exécution d’une semblable obligation pourra être répété. Les
développements que ce point comporte seront donnés sous l’art. 1163.

Preuve de la cause.
Dans notre Droit, les conventions sont valables en principe indépendamment d’un acte écrit qui
les constate. Cependant, quand il s’agit de conventions d’une certaine importance, les parties
dressent ordinairement ou font dresser un acte écrit, en l’absence duquel celui qui réclame l’
exécution de la convention courrait le risque de se trouver embarrassé plus tard pour faire la
preuve que l’art. 1100 met à sa charge.
Si la convention est synallagmatique, l’écrit qui sera dressé pour la constater indiquera
nécessairement la cause des diverses obligations qu’elle engendre; car on sait que, dans les
contrats de cette nature, les obligations des parties se servent réciproquement de cause, et il n’est
pas possible que l’acte constate la convention sans parler de ces obligations.
Concevrait-on par exemple qu’un acte dressé pour constater une vente n’indiquât pas quelle est la
chose que le vendeur s’engage à livrer et quel est le prix que l’acheteur s’engage à payer? Mais
alors qu’indiquerait-il donc? L’écrit qui constate un contrat synallagmatique sera donc
nécessairement causé; on ne peut pas imaginer un écrit prouvant la convention sans prouver en
même temps sa cause.
En présence d’un écrit non causé, est-ce au créancier de prouver que l’obligation a une cause
valable, ou au débiteur de prouver qu’elle n’en a pas ? Telle est la question que nous parait avoir
voulu résoudre l’art. 923, et on va voir qu’il la résout en faveur du créancier. « La convention n’en

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est pas moins valable, quoique la cause n’en soit pas exprimée ».
La convention, lisez l’écrit qui la constate : ce n’est pas la seule fois qu’il soit arrivé au législateur
de prendre dans ce sens le mot convention ou celui de contrat qui est équivalent. D’ailleurs, si on
conservait ici au mot convention sa signification usuelle, l’art. 923 n’aurait pas de sens ; car il est
bien évident que les parties en contractant se sont nécessairement mises d’ accord sur la cause de
la convention, et que par conséquent cette cause a été exprimée par elles. Concevrait-on une vente
par exemple, dans laquelle les parties n’auraient parlé ni de la chose vendue ni du prix, et auraient
par suite passé sous silence l’obligation que le vendeur contracte du premier chef et l’acheteur du
second ?

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Notre article signifie donc que l’écrit dressé pour constater une convention n’en est pas moins
valable quoiqu’il n’exprime pas la cause, que par conséquent le silence qu’il garde sur ce point ne
l’ empêchera pas de prouver d’ une manière complète la prétention du créancier, sans que celui-ci
ait à démontrer que l’obligation dont il réclame l’exécution a une cause et une cause valable ; la
loi en présume l’existence à son profit. Présomption très rationnelle d’ailleurs; car on ne s’engage
pas sans cause, et, étant admis que l’obligation a nécessairement une cause, on devait la présumer
licite, parce qu’on ne doit pas facilement
supposer que les parties aient voulu violer la loi en contractant une obligation sur une cause
illicite. C’est donc le débiteur qui devra, s’il veut échapper à la nécessité d’exécuter l’obligation,
prouver qu’elle n’a pas une cause valable.

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CHAPITRE III
DE L’EFFET DES OBLIGATIONS
Le législateur traite pêle-mêle dans ce chapitre de l’effet des conventions et de l’effet des obligations, deux choses qu’il
importe de ne pas confondre et que l’auteur Pothier n’avait pas manqué de distinguer.

Effet des conventions.


Les conventions produisent ordinairement des obligations, soit à la charge des deux parties si le contrat est synallagmatique,
soit à la charge d’une seule s’il est unilatéral. Quelquefois elles ont seulement pour but de modifier ou d’éteindre des
obligations préexistantes. Enfin dans certains cas elles opèrent un transport de propriété ou l’établissement d’un droit réel.

Effet des obligations.


L’obligation met le débiteur dans la nécessité juridique d’accomplir la prestation qu’il a promise, de faire ce qu’il a promis de
faire, de payer. Contractus suntab initio voluntatis, ex postfacto necessitatis. La loi vient en aide au créancier, en lui prêtant au
besoin le concours de la force publique, pour lui permettre d’ obtenir l’ exécution forcée de l’ obligation, lorsque le débiteur
refuse de s’exécuter de bonne grâce.
Ainsi le créancier d’une somme d’argent pourra après avoir obtenu un jugement contre son débiteur qui refuse de payer, ou
même recta via s’il a un titre exécutoire, saisir les biens de son débiteur et les faire vendre pour se payer sur le prix. S’agit-il de
l’obligation de livrer une chose déterminée, telle maison par exemple, en exécution d’un contrat de vente? Si le débiteur (le
vendeur) refuse d’effectuer la livraison, le créancier (l’acheteur) pourra obtenir l’assistance de la force publique pour entrer en
possession; force doit rester au droit.
S’agit-il d’une obligation de ne pas faire à laquelle le débiteur contrevient en faisant ce dont il a promis de s’abstenir? Le
créancier pourra se faire autoriser à détruire, avec le concours de la force publique au besoin, ce qui a été fait en violation de
son droit, par exemple à faire démolir les constructions que le débiteur avait promis de ne pas élever.
Dans un seul cas, le créancier ne pourra pas obtenir l’ exécution directe de l’ obligation qui a été contractée envers lui : c’est
celui où cette exécution suppose nécessairement le fait personnel du débiteur, comme il arrivera si un artiste s’est engagé à
peindre un tableau, à jouer sur un théâtre... Celui qui a contracté une semblable obligation peut seul l’exécuter, car son talent
personnel a été pris en considération, et comment arriver à l’y forcer s’il s’y refuse ? Il y a là un obstacle matériel que le
législateur ne peut pas vaincre malgré sa puissance.
Voilà, selon nous, tout ce que signifie le vieil adage Nemo potest proecise cogi adfactum, qui signale l’existence d’un obstacle
de fait plutôt que d’un obstacle de droit à l’exécution de l’obligation. Si la puissance humaine pouvait forcer le débiteur à faire
ce qu’il a promis de faire, la loi devrait permettre de l’y contraindre, fallût-il pour cela exercer des violences sur sa personne ;
car il a enchaîné sa liberté en s’obligeant à faire ce qu’il a promis, et il n’est que juste de permettre au créancier d’obtenir ce
qui lui est dû. N’accorderait-on pas le secours de la force publique à l’acheteur d’une maison, non seulement pour lui permettre
d’en prendre possession si le vendeur refuse de la livrer, mais aussi pour jeter le vendeur à la porte s’il s’obstine à ne pas
vouloir sortir ? Refuserait-on ce même secours à l’acheteur d’un objet mobilier pour forcer le vendeur, qui le garde dans sa
poche, à le délivrer ? Et cependant il faudra dans l’un et l’autre cas exercer une violence sur la personne du débiteur. Mais cette
considération n’a pas dû arrêter le législateur, parce qu’à l’aide de cette violence on peut arriver directement au but proposé.

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SECTION I
DISPOSITIONS GÉNÉRALES

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites », dit l’art. 925 al. 1. En mettant les
conventions sur la même ligne que les lois, ce texte rend la justice gardienne de l’observation des premières comme des
secondes. Si donc quelque contestation amène les parties contractantes devant le juge, il devra assurer la stricte exécution de la
convention ; c’est une loi privée dont il doit leur faire l’application, et qui l’enchaîne au même titre qu’une disposition
législative.

L’art. 925 ajoute dans son alinéa 2 : « Elles [les conventions] ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou
pour les causes que la loi autorise ».
De leur consentement mutuel. C’est le consentement qui forme le contrat; un consentement contraire doit donc pouvoir le
dissoudre, conformément à cette règle de raison : Nihil tam naturale est quam eogénère quidquid dissolvere quo colligatum
est.
Et toutefois la révocation, résultant du consentement en sens contraire manifesté par les parties contractantes (distractus), ne
produit ses effets que dans l’avenir, non dans le passé ; elle opère ex nunc, et non ex tune. Le passé n’appartient plus aux
parties contractantes, et il n’est pas en leur pouvoir de supprimer ce qu’il contient; ce qui est fait est fait, nemo potest condicere
factum. Les effets que le contrat a produits dans le passé seront donc maintenus ; leur anéantissement aurait pu d’ailleurs porter
atteinte à des droits acquis à des tiers. Ainsi je vous vends ma maison moyennant un certain prix ; cette convention vous rend
immédiatement propriétaire (art. 925); quelques mois après, nous convenons que la vente sera non avenue. Résultera-t-il de
cette nouvelle convention que la vente sera considérée comme n’ayant jamais existé, que par suite vous serez censé n’avoir
jamais été propriétaire de la maison et moi n’avoir jamais cessé de l’être? Non; notre nouvelle convention n’agira que dans
l’avenir ; elle aura seulement pour résultat de me retransférer la propriété que la vente vous a transmise, de sorte qu’il y aura
dans mon droit de propriété une solution de continuité que notre volonté commune ne peut pas faire disparaître. Les
conventions peuvent aussi être révoquées pour les causes que la loi autorise. Ainsi la vente peut être révoquée (ou résolue)
pour défaut de paiement du prix (art. 1439) ; la donation peut être révoquée pour cause d’ inexécution des charges, d’
ingratitude du donataire ou de survenance d’enfant au donateur (art, 771). L’art. 925 contient un dernier alinéa, ainsi conçu : «
Elles (les conventions) doivent être exécutées de bonne foi », c’ est-à-dire conformément à l’intention des parties et au but
qu’elles se sont proposé en contractant tous les contrats doivent aujourd’hui être exécutés de bonne foi, dit l’art. 925 in fine, et
l’article suivant ne fait que déduire une conséquence de ce principe, lorsqu’il ajoute :
« Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi
donnent à l’obligation d’après sa nature » (art. 926). —

SECTION II
DE L’OBLIGATION DE DONNER

Dans cette rubrique et dans les articles de la section, le législateur nous paraît avoir pris le mot donner dans son sens
traditionnel : transférer la propriété, âare. L’ obligation de donner est donc celle de transférer la propriété, ajoutons : ou un
droit réel, tel qu’un droit d’usufruit ou de servitude.
L’obligation de donner résulte d’une convention de donner. Ainsi le vendeur est tenu de l’obligation de transférer à l’acheteur
la propriété de la chose vendue, par conséquent d’une obligation de donner ; cette obligation dérive de la vente, qui est une
convention de donner.
Aux termes de l’art. 927 : « L’obligation de donner emporte celle de livrer la chose et de la conserver jusqu’à la livraison, à
peine de dommages et intérêts envers le créancier ».
Ainsi donc l’obligation de donner en engendre elle-même deux autres :
1° l’obligation de livrer la chose au créancier, c’est-à-dire de la mettre en sa puissance et possession (art. 1389) ;
2° l’obligation de la conserver jusqu’à l’époque de la livraison. Nous parlerons d’abord de cette dernière, comme le fait le

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Code civil et comme l’exige l’ordre logique des idées.

§ I. De l’obligation de conserver la chose jusqu’à la livraison.

L’obligation de conserver la chose, ou plutôt de veiller à sa conservation, suppose qu’il s’agit d’un corps certain. Elle ne
saurait exister dans une obligation ayant pour objet une chose déterminée seulement quant à son espèce. Ainsi je vous ai vendu
la pendule Louis XVI qui est sur la cheminée de mon cabinet de travail ; je serai tenu de veiller à sa conservation jusqu’à
l’époque fixée pour la livraison. Si au contraire je vous ai vendu vingt hectolitres de froment sans préciser autrement, on
comprend que je ne serai tenu d’aucune obligation de conserver ; à quoi pourrait-elle s’ appliquer, puisque la chose que je dois
vous livrer en exécution de la convention n’ est pas individuellement déterminée ?
L’ obligation de conserver est une obligation de faire et de ne pas faire : de faire ce qui est nécessaire pour empêcher la chose
de périr ou de se détériorer, de ne pas faire ce qui pourrait entraîner sa destruction ou sa détérioration. Comme toutes les
obligations de ce genre, elle se résoudra en dommages et intérêts en cas d’inexécution (art. 933), mais tout autant seulement
que cette inexécution pourra être imputée à faute au débiteur (art. 936 et 937).
Naît alors la question de savoir de quelle faute le débiteur est responsable, quelle est l’étendue des soins qu’il doit apporter à la
conservation de la chose, quelle est la mesure de sa responsabilité.
C’est la célèbre théorie de la prestation des fautes. On a écrit bien des volumes sur la matière. Disons tout de suite qu’elle a
beaucoup moins d’importance dans le domaine de la pratique que dans celui de la théorie. On s’explique ainsi que notre
législateur, qui composait une œuvre essentiellement pratique, ait réduit la théorie de la prestation des fautes à des proportions
fort exiguës. Elle est contenue dans l’art. 928, ainsi conçu : « L’obligation de veiller à la conservation de la chose, soit que la
convention n’ait pour objet que l’utilité de l’une des parties, soit qu’elle ait pour objet leur utilité commune, soumet celui qui
en est chargé à y apporter tous les soins d’un bon père de famille. Cette obligation est plus ou moins étendue relativement à
certains contrats, dont les effets, à cet égard, sont expliqués sous les titres qui les concernent ». Ainsi le débiteur, en tant qu’il
est tenu de veiller à la conservation de la chose faisant l’objet de son obligation, est responsable de la faute que ne commettrait
pas un bon père de famille, c’est-à- dire un propriétaire soigneux et diligent ; il répond de la faute que les commentateurs du
Droit romain appellent culpa levis in abstracto. Telle est la règle.
La loi l’a formulée dans des termes absolus ; elle peut donc être invoquée, le cas échéant, par le débiteur aussi bien que contre
lui, c’est-à-dire que, si le débiteur apporte à la gestion de ses propres affaires une diligence exceptionnelle, on ne pourra pas
exiger de lui cette diligence relativement à la conservation de la chose qu’il s’est obligé à donner et par suite à livrer. Il ne doit
que la diligence d’un bon père de famille.
Mais la partie finale de l’art. 928 nous annonce que la règle reçoit quelques tempéraments relativement à certains contrats.
Quels sont ces contrats? On cite :
1° Le dépôt. Aux termes de l’art. 1694 : « Le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins
qu’il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent ». Le dépositaire peut donc être tenu d’une diligence moindre que
celle qu’exige en règle générale l’art. 928. Le déposant n’a aucune réclamation à élever contre lui, du moment qu’il n’a pas
apporté moins de diligence à la conservation de la chose déposée qu’à celle des choses qui lui appartiennent, alors même qu’il
aurait commis quelque faute que n’aurait pas commise un bon père de famille ; s’il est négligent pour ses propres affaires, il a
le droit de l’être dans la même mesure pour la chose déposée. En le décidant ainsi, la loi ne fait qu’interpréter la volonté
probable des parties contractantes. C’est le déposant qui a pris l’initiative du dépôt ; en l’acceptant, le dépositaire n’a pas eu
d’autre but que de lui rendre service, car le dépôt est gratuit. Dans ces conditions, le déposant peut-il raisonnablement
demander au dépositaire plus de soin pour la conservation de la chose déposée que pour celle des autres choses qui lui
appartiennent et au milieu desquelles il l’a sans doute placée ?
2° Le prêt à usage ou commodat. L’art. 1648 commence par dire que « L ’emprunteur est tenu de veiller, en bon père de
famille, à la garde et conservation de la chose prêtée ». C’ est la responsabilité du droit commun.
Mais voilà que l’art. 1650 vient l’aggraver dans un cas particulier :
« Si la chose prêtée périt par cas fortuit dont l’emprunteur aurait pu la garantir en employant la sienne propre, ou si, ne

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pouvant conserver que l’une des deux, il a préféré la sienne, il est tenu de la perte de l’autre ». La chose prêtée est de moindre
valeur qu’une autre chose appartenant à l’emprunteur; ne pouvant sauver que l’une des deux, il sauve la plus précieuse, c’est-à-
dire la sienne. Il a fait ce qu’aurait fait un bon père de famille, et cependant la loi le déclare responsable ; il devra la valeur de
la chose empruntée. On exige donc de lui dans ce cas particulier une diligence plus grande que celle d’un bon père de famille
(art. 1648) : ce qu’explique la nature particulière du contrat, qui, intervenant dans l’intérêt exclusif de l’emprunteur, permet
d’exiger de lui une diligence exceptionnelle pour la conservation de la chose. L’art. 1648 est relatif à la faute contractuelle,
c’est-à-dire à celle qui consiste à ne pas exécuter ou à mal exécuter une obligation résultant d’un contrat. Peu importe
d’ailleurs que ce soit l’obligation de conserver la chose due jusqu’à l’époque de la livraison, comme le suppose l’art. 1648, ou
toute autre obligation de faire, car il n’ y a pas de motif de distinguer.

§ II. De l’obligation de livrer la chose.

L’accomplissement de cette obligation constitue ce que l’on appelle la délivrance ou tradition. Je vous ai vendu ma montre
moyennant un certain prix ; cette convention m’ oblige à vous la livrer. Je remplirai cette obligation en transportant la chose en
votre puissance et possession, par exemple en vous mettant la montre dans la main ; il y aura alors délivrance ou tradition (art.
1389).

N° 4. Du transport de la propriété.

I. Entre les parties contractantes.


La délivrance ou tradition est-elle nécessaire pour opérer le transport de la propriété qu’on s’est obligé à transférer? Elle l’était
en Droit romain.

Pourquoi donc exiger le fait tout matériel de la tradition pour opérer la translation de la propriété, qui est un droit, une chose
immatérielle par conséquent ? Rationnellement le seul consentement des parties doit suffire à produire ce résultat. C’est ce
que décide, en termes assez peu satisfaisants d’ailleurs, l’art. 929, ainsi conçu : « L ’obligation de livrer la chose est parfaite
par le seul consentement des parties contractantes. Elle rend le créancier propriétaire et met la chose à ses risques dès
l’instant où elle a dû être livrée, encore que la tradition n’en ait point été faite, à moins que le débiteur ne soit en demeure de
la livrer ; auquel cas la chose reste aux risques de ce dernier ».

En Droit romain et dans notre ancienne jurisprudence, la convention de donner est simplement productive d’obligations : elle
crée des droits personnels, des créances; mais elle ne déplace point la propriété, qui n’ est transférée que par un fait nouveau et
postérieur au contrat. Celui qui a promis de transférer la propriété de la chose devient donc débiteur avant d’être aliénateur ; il
n’a pas encore aliéné, mais il est obligé d’aliéner : il aliène en exécutant son obligation, c’est-à- dire en livrant la chose due.
Celui auquel cette promesse a été faite devient créancier avant d’être acquéreur; il n’est pas encore propriétaire, mais il aie
droit d’exiger qu’on lui transfère la propriété promise : c’est le paiement de sa créance, c’est-à-dire la tradition de la chose due,
qui le rend propriétaire.
Il n’en est plus de même aujourd’hui. La mutation de propriété est un effet de la convention aussi immédiat, aussi direct, que la
création des obligations ; celui qui a valablement promis la propriété de sa chose devient aliénateur en même temps que
débiteur ; celui auquel elle a été promise devient acquéreur en même temps que créancier. Le débiteur devra sans doute livrer
la chose promise ; mais cette tradition n’a d’autre objet que de fournir à l’acquéreur le moyen de se servir de la chose dont la
propriété lui a été transférée par l’effet du contrat, de l’employer à l’usage auquel il la destine, d’en disposer.

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II.- De la translation de la propriété à l’égard des tiers.


A. Droit actuel.
L’art. 929 ne tranche la question de translation de la propriété qu’entre les parties contractantes : il détermine comment
l’acquéreur devient propriétaire dans ses rapports avec l’aliénateur. Nous avons à rechercher maintenant comment il le devient
à l’égard des tiers, c’est-à-dire des autres ayant-cause à titre particulier de l’aliénateur.
Ainsi j’achète un bien ; le seul effet du consentement suffit pour m’en rendre propriétaire à l’égard de mon vendeur ; suffit-il
aussi pour m’en rendre propriétaire vis-à-vis des tiers, par exemple vis-à-vis de celui auquel l’ aliénateur aurait vendu le même
bien ou de celui au profit duquel il l’ aurait hypothéqué ou grevé d’ une servitude? En cas de conflit entre moi et ces divers
ayant-cause, qui devra être préféré, qui sacrifié? Pour résoudre cette importante question, il faut distinguer s’il s’agit
d’immeubles, d’objets mobiliers corporels ou de créances.

1. Immeubles.
Nous avons vu plus haut que l’acquéreur à titre gratuit d’un immeuble n’en devient propriétaire à l’égard des tiers que par la
transcription de son titre. La logique semblait exiger qu’on fît l’application du même principe à l’acquéreur à titre onéreux ; ses
inspirations ne furent pas écoutées.

2. Objets mobiliers corporels.


On ne pouvait songer à soumettre les aliénations de meubles corporels à la transcription. Cette formalité n’a de raison d’être
qu’autant qu’elle peut produire une publicité sérieuse et efficace; or, appliquée aux aliénations de meubles, elle n’ aurait
nullement atteint ce but, soit parce que l’ infinie variété des objets mobiliers n’ aurait pas permis aux tiers qui auraient eu
connaissance de la transcription de savoir d’une manière précise à quel objet s’applique l’aliénation qu’elle relate, soit parce
que, les meubles n’ayant pas d’assiette fixe, il eût été impossible de déterminer, comme on l’a fait pour les immeubles, un lieu
immuable, où la transcription devrait être effectuée et où les tiers devraient prendre leurs renseignements. La transcription
écartée, on ne voit pas par quelle mesure de publicité on aurait pu la remplacer.
D’ailleurs l’intérêt du commerce exige la libre et rapide circulation des meubles, et on l’aurait entravée en soumettant leur
aliénation à une formalité quelconque en vue d’en assurer la publicité. Ces motifs justifient surabondamment la règle, que
l’aliénation des objets mobiliers corporels devient efficace erga omnes,uav conséquent à l’égard des tiers de même qu’entre les
parties, par le seul effet de la convention. Ainsi je vends aujourd’hui ma montre à Paul; demain je vends la même montre à
Pierre; elle est encore en ma possession. Lequel des deux acquéreurs aura le droit d’en exiger la livraison ? Le premier en date,
Paul ; il a acquis en effet un droit de propriété opposable à tous, même à Pierre qui est un tiers par rapport à lui.
Supposons que j’aie livré la montre à Pierre, deuxième acquéreur ; Paul pourra-t-il la revendiquer contre lui? Il semblerait bien
que oui d ’ après notre principe ; mais il reçoit ici une limitation importante par suite de l’application de la règle En fait de
meubles la possession vaut titre (art. 2044). Cette formule, un peu cabalistique peut-être, signifie, comme nous le verrons plus
tard, que la revendication d’un meuble corporel n’est pas admise contre celui qui le possède avec juste titre et bonne foi.
Pierre a un juste titre dans l’espèce : c’est la vente consentie à son profit. Si en outre il est de bonne foi, c’est-à-dire s’il
ignorait lors de son entrée en possession la vente consentie antérieurement au profit de Paul, la revendication ne sera pas
admise contre lui.
Ainsi, entre deux acquéreurs successifs du même objet mobilier corporel, on préfère celui dont le titre est antérieur en date ;
toutefois celui dont le titre est postérieur l’emporte, s’il a été le premier mis en possession réelle et qu’il fût de bonne foi lors
de son entrée en possession.
C’est en ce sens qu’il faut entendre l’art. 932 ainsi conçu : « Si la chose qu’on s’est obligé de donner ou de livrer à deux
personnes successivement, est purement mobilière, celle des deux qui en a éternise en possession réelle est préférée et en

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demeure propriétaire, encore que son titre soit postérieur en date, pourvu toutefois que la possession soit de bonne foi ».

3. Créances.
Aux termes de l’art. 1463 : « Le cessionnaire [d’une créance] n ’est saisi à l’égard des tiers que par la signification du
transport faite au débiteur. Néanmoins le cessionnaire peut être également saisi par l’acceptation du transport faite par le
débiteur dans un acte authentique ».

Il résulte notamment de ce texte qu’entre deux acquéreurs successifs de la même créance, on préfère celui qui le premier a
signifié le transport ( la cession) au débiteur cédé, ou qui le premier a obtenu l’ acceptation de celui-ci dans un acte
authentique. Nous renvoyons les développements au siège de la matière.

No 2. Des risques.
Le mot risques désigne dans la langue du Droit un danger, un péril, periculum, d’une nature particulière, celui que fait courir à
une personne l’obligation où elle se trouve de supporter les pertes ou détériorations qu’une chose déterminée est exposée à
subir par suite d’un cas fortuit ou de force majeure. Ainsi on dira que, dans le contrat de dépôt, la chose déposée est aux
risques du déposant : ce qui signifie que, si elle périt ou se détériore entre les mains du dépositaire par un cas fortuit ou de
force majeure, c’ est-à-dire par un événement quelconque provenant d’ une cause étrangère et non imputable au dépositaire,
par exemple le feu du ciel, la perte sera pour le déposant.
Il va de soi que la perte fortuite d’une chose qui ne fait l’objet d’aucun contrat ne peut être que pour celui à qui elle appartient ;
pour qui périrait-elle donc, si elle ne périssait pas pour celui qui en est le propriétaire ? C’est purement et simplement cette
vérité banale que nous paraît exprimer l’ adage Res périt domino.
La question des risques ne peut se présenter que pour les choses qui font l’objet d’une obligation, et particulièrement d’une
obligation de donner ; encore faut-il supposer qu’il s’agit d’un corps certain. Voici donc le sens de la question : en supposant
que le corps certain, qui fait l’objet de l’obligation, vienne à périr ou à se détériorer par un cas fortuit ou de force majeure avant
que l’ obligation ait été exécutée, pour qui sera la perte ou la détérioration? pour le créancier ou pour le débiteur?
En d’autres termes, aux risques de qui la chose est-elle ? La loi répond : aux risques du créancier. « Elle [l’obligation de
livrer] rend le créancier propriétaire et met la chose à ses risques dès l’instant où elle a dû être livrée, encore que la tradition
n’en ait point été faite, à moins que le débiteur ne soit en demeure de la livrer ; auquel cas la chose reste aux risques de ce
dernier » (art. 929 al. 2).
Nous savons que les mots dès l’instant où la chose a dû être livrée signifient dès l’instant où la livraison a été due, c’est-à-dire
du jour du contrat, et cela même quand un terme a été stipulé pour la livraison.
Le terme n’empêche donc pas les risques d’être immédiatement pour le compte du créancier.
Ainsi je vous vends mon cheval, non pas un cheval in génère, mais tel cheval déterminé, moyennant 2,000$ ; avant l’expiration
du terme fixé pour la livraison, l’animal périt par cas fortuit, par exemple il meurt subitement dans son écurie. Qui supportera
les conséquences de ce cas fortuit? C’est le créancier de la chose, dit la loi, le créancier devenu propriétaire par le seul effet de
la convention, l’acheteur en un mot, vous dans l’espèce proposée. Mais ne serez vous pas au moins libéré de l’ obligation de
me payer le prix? Nullement ; autrement il est clair que c’est moi qui supporterais le risque, et la loi le met à votre charge.
N’y a-t-il pas là une injustice criante? L’acheteur ne peut-il pas dire qu’il ne s’est obligé que pour avoir la chose, et que, du
moment où cela est impossible, il doit être dispensé de payer son prix? L’injustice n’est qu’apparente. Sans doute, dans le
contrat de vente comme dans tous les contrats synallagmatiques, l’obligation de chaque partie a pour cause celle de l’autre ;
mais, une fois que les deux obligations se sont valablement formées par le consentement des parties, elles deviennent
indépendantes l’ une de l’ autre ; elles acquièrent chacune une existence distincte, et doivent par conséquent être envisagées
isolément. Or que voyons-nous dans l’espèce proposée? Le vendeur est dans l’impossibilité d’exécuter son obligation : le
cheval n’existe plus, comment pourrait-il en effectuer la délivrance ? La loi lui fait l’ application de la maxime A l’impossible
nul n’est tenu; elle le déclare libéré (art. 1087). Il ne doit même pas de dommages et intérêts à l’acheteur pour le préjudice
qu’il éprouve, parce que ce préjudice ne résulte pas d’un fait qui lui soit imputable.

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Le vendeur, par suite de l’obligation de donner qu’il a contractée, était tenu de veiller à la conservation de la chose et de la
livrer à l’époque convenue. Nous supposons qu’il a rempli ponctuellement la première obligation ; et, quant à la seconde, il se
trouve dans l’ impossibilité de la remplir par suite d’un fait qui lui est étranger. On ne peut donc lui reprocher aucun
manquement à ses obligations ; à quel titre serait-il tenu vis-à-vis du créancier ? Il doit être complètement libéré.
Mais tout cela est étranger à l’obligation de l’acheteur. De ce qu’il y a impossibilité pour le vendeur de livrer la chose, il n’en
résulte pas qu’il y ait impossibilité pour l’acheteur de payer le prix. Il devra donc exécuter son obligation, puisque l’ exécution
est possible. On trouve étonnant que l’acheteur puisse être exposé à payer le prix d’une chose qu’il ne reçoit pas ; mais est-ce
que le vendeur n’est pas exposé de son côté à perdre la chose et le prix par suite de l’insolvabilité de l’acheteur, auquel il aura,
en exécution de la convention, fait la livraison de la chose avant d’être payé ? Ce sont là les fortunes diverses des obligations
résultant d’un même contrat ; chaque partie les subit. D’ailleurs il faut ajouter qu’à côté des mauvaises chances il y a les
bonnes. En même temps que la loi inflige à l’ acheteur le periculum rei venditoe, elle lui donne à titre de compensation le
commodum. Que la chose vendue vienne à doubler de valeur dans l’intervalle de la vente à la livraison par suite d’une
circonstance fortuite, l’acheteur trouvera tout simple de profiter de ce bénéfice sans augmentation du prix. Alors pourquoi se
récrie-t-il quand on veut lui faire supporter la perte ? C’est la contrepartie.
En somme, la règle, qui met les risques à la charge de l’acheteur dans le contrat de vente, et d’une manière générale à la charge
du créancier dans l’obligation de donner, lorsqu’elle est relative à un corps certain, n’est qu’une application particulière de la
maxime Debitor rei cerloe rei interitu liberatur. Cette interprétation est confirmée par les art. 1031 et 1087.
Les risques cessent d’être à la charge du créancier dans trois cas :
1° Lorsqu’une clause de la convention les met à la charge du débiteur; l’art. 1087 al. 2 autorise cette stipulation.
2° Lorsque le cas fortuit, qui a fait périr la chose ou qui l’a fait disparaître ou qui l’a détériorée, a été occasionné par une faute
du débiteur, par exemple si la chose a été volée parce que le débiteur a négligé de la mettre en lieu sûr.
3° Si la chose a péri pendant la demeure du débiteur. La loi formule cette exception dans les termes suivants : « à moins que le
débiteur ne soit en demeure de la livrer : auquel cas la chose reste aux risques de ce dernier ». La demeure reporte donc sur le
débiteur les risques de la chose (au moins certains risques, nous préciserons bientôt), qui auparavant étaient pour le compte du
créancier.
Le mot demeure, mora, éveille l’ idée d’ un retard que le débiteur apporte à l’ exécution de son obligation. Mais tout débiteur
qui est en retard n’est pas par cela même en demeure; toute demeure implique un retard, mais tout retard ne constitue pas la
demeure. Pour que le débiteur qui est en retard soit en outre en demeure, il faut qu’il soit juridiquement constaté que ce retard
cause préjudice au créancier, qu’il est contraire à ses vues : ce qui n’a lieu en principe que lorsque le créancier a interpellé le
débiteur. D’où résultera l’interpellation? La loi dit d’une « sommation » ou d’un « autre acte équivalent » (art. 930), par
exemple un commandement ou une demande en justice. Tant que le débiteur n’a pas été interpellé, la loi suppose que le retard
qu’il apporte à l’exécution de l’obligation ne cause pas préjudice au créancier, que celui-ci n’a pas d’intérêt à l’exécution
immédiate, et qu’il consent à ce que le débiteur prenne son temps. Le Code civil a donc rejeté la règle romaine Dies
interpellâtpro homine, qui avait pour conséquence de transformer de plein droit le retard en demeure. Et toutefois la loi permet
aux parties de ressusciter cette ancienne règle en déclarant dans le contrat que le débiteur sera en demeure « sans qu’il soit
besoin d’acte et par la seule échéance du terme », expressions qui bien entendu n’ont rien de sacramentel. Le débiteur se
trouve alors interpellé par anticipation ; il est averti que le créancier tient essentiellement à l’exécution immédiate de
l’obligation aussitôt que le terme sera échu; il n’a qu’à se tenir sur ses gardes.
Nous venons d’analyser l’art. 930 ainsi conçu : « Le débiteur est constitué en demeure, soit par » une sommation ou par autre
acte équivalent, soit par l’effet de la convention, lorsqu’elle porte que, sans qu’il soit besoin d’acte et par la seule échéance du
terme, le débitera sera en demeure ».

Nous savons ce que c’est que la demeure et d’où elle résulte.


L’art. 929 nous a dit que l’un de ses effets (il y en a d’autres que nous indiquerons plus tard) est de reporter les risques de la
chose sur le débiteur, mais non pas tous les risques cependant, quoi que paraisse dire le texte. L’art. 1087 précise en expliquant
qu’il ne s’agit que des risques qui sont une conséquence de la demeure, des nouveaux risques que la demeure fait courir au

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créancier et qu’il ne courrait pas si le débiteur avait rempli fidèlement son obligation. En d’autres termes, le débiteur
supportera les cas fortuits qui n’ auraient pas fait périr la chose si elle eût été livrée au créancier ; mais les autres demeureront à
la charge de celui-ci, parce qu’il n’y aucun lien entre eux et la demeure du débiteur.
Ainsi vous m’avez vendu votre cheval livrable au bout d’un mois; le terme expiré, je vous mets en demeure, et vous ne livrez
pas; un incendie survient qui dévore votre écurie, et le cheval y périt. Voilà un cas fortuit qui n’aurait pas fait périr la chose, si
elle m’eût été livrée; il est trop juste que vous en répondiez, car il est une conséquence de votre demeure. Supposons au
contraire que le cheval soit mort d’un coup de sang; la perte sera pour moi; car votre demeure n’est pas la cause de ce cas
fortuit; il se serait tout aussi bien produit si l’animal eût été entre mes mains. La demeure du débiteur ne peut le rendre
responsable que du préjudice qu’elle occasionne; or ici le préjudice a une cause étrangère à la demeure.

En résumé, le débiteur qui est en retard est en faute, qui in mora est culpa non vacat, et, en le rendant responsable des cas
fortuits dont sa demeure est la cause, la loi ne fait qu’une application particulière de ce principe, que le débiteur répond des cas
fortuits qui ont été occasionnés par sa faute, de sorte que la troisième exception rentre dans la seconde.

SECTION III
DE L’OBLIGATION DE FAIRE OU DE NE PAS FAIRE

L’obligation de faire est celle par laquelle le débiteur s’engage à accomplir un fait, par exemple à construire une maison, à
labourer un champ, à creuser un fossé. L’obligation de livrer est un cas particulier de l’ obligation de faire.
Quant à l’obligation de donner, nous savons que le législateur l’oppose à l’obligation de faire. L’obligation de ne pas faire est
celle par laquelle le débiteur s’engage à s’abstenir d’un fait, par exemple à ne pas écrire dans tel journal, à ne pas jouer sur tel
théâtre...
La plupart du temps, il est impossible de contraindre directement le débiteur à faire lui-même ce qu’il a promis de faire ou à ne
pas faire ce dont il s’est engagé à s’abstenir. Nemo potestproecise cogi adfactum.
La mauvaise volonté du débiteur pourra donc mettre le créancier dans l’impossibilité d’obtenir ce qui lui a été promis; alors la
loi lui permet d’en réclamer l’équivalent sous forme de dommages et intérêts. De là l’art. 933 : « Toute obligation défaire ou
de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur ». Ainsi le débiteur ne construit
pas la maison qu’il a promis de construire, ou bien il écrit dans un journal dans lequel il a promis de ne pas écrire ; cette
contravention donne lieu à des dommages et intérêts au profit du créancier.
Mais le créancier est-il obligé de s’en tenir là? Non; il a droit à l’exécution directe de l’obligation, toutes les fois qu’elle est
possible. Ainsi tout d’abord, si le débiteur a contrevenu à une obligation de ne pas faire, le créancier peut exiger, si elle est
possible, la destruction de ce qui a été fait en violation de l’engagement. Par exemple j’ ai loué une maison de campagne pour
la belle saison, et j’obtiens du voisin qu’il s’engage à ne pas clore son avenue pour m’y laisser passer. S’il contrevient à cet
engagement, je pourrai obtenir de la justice l’autorisation de faire détruire à ses frais la clôture, et en outre j’aurai droit à des
dommages et intérêts pour le préjudice que j’ai éprouvé de ne pouvoir passer pendant tout le temps qu’a subsisté la clôture.
C’est ce que dit l’art. 933 al. 2 : « Néanmoins le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à
l’engagement, soit détruit; et il peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur, sans préjudice des dommages et
intérêts, s ’ily a lieu ».
De même, s’il s’agit d’une obligation de faire que le débiteur refuse d’accomplir, le créancier peut obtenir de la justice
l’autorisation de la faire exécuter aux dépens du débiteur. Ainsi mon voisin s’est obligé à abattre un arbre qui gêne la vue de
ma maison sur la campagne; je pourrai me faire autoriser par la justice à le couper à sa place et à ses frais, s’il s’y refuse. C’est
ce que dit l’art. 934 : « Le créancier peut aussi, en cas d’inexécution, être autorisé à faire exécuter lui- même l’obligation aux
dépens du débiteur ». Nous retrouverons bientôt l’art. 935, aux termes duquel : « Si l’obligation est de ne pas faire, celui qui y
contrevient doit les dommages et intérêts par le seul fait de la contravention ». Si par exemple vous avez promis de me prêter
votre concours pour l’exploitation d’une découverte que j’ai faite et de ne confier à personne mes procédés, du moment où
vous les aurez divulgués, vous serez de plein droit débiteur envers moi de dommages et intérêts.

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SECTION IV
DES DOMMAGES ET INTÉRÊTS RÉSULTANT DE L’INEXÉCUTION
DE L’OBLIGATION

Lato sensu, le mot dommages et intérêts ou dommages-intérêts désigne l’indemnité qui est due à titre de réparation d’un
préjudice. Le préjudice, que les dommages et intérêts ont pour but de compenser, peut résulter, soit de l’inexécution d’une
obligation, soit d’un délit ou d’un quasi- délit. C’est dans les art. 958 et suivants que le législateur traite des dommages et
intérêts ayant leur source dans un délit ou dans un quasi-délit; il ne s’occupe ici que des dommages et intérêts résultant de
l’inexécution d’une obligation, ainsi que l’indique très nettement la rubrique de notre section.
L’inexécution d’une obligation peut faire subir au créancier une perte, damnum; elle peut en outre l’empêcher de réaliser un
gain, lucrum. Double préjudice, dont le débiteur doit naturellement la réparation, si l’inexécution de l’obligation lui est
imputable. Comment la fournira-t-il? En payant au créancier une somme d’argent suffisante pour l’indemniser. Le créancier
sera ainsi replacé dans une situation équivalente à celle où il se fût trouvé si l’obligation eût été fidèlement exécutée. Pothier
avait donc raison de dire que « les dommages et intérêts ne sont autre chose que l’estimation de l’intérêt qu’a le créancier à
l’exécution de l’obligation »; c’est la compensation pécuniaire du préjudice que lui cause l’inexécution, et ce préjudice, nous l’
avons dit, peut être double : perte éprouvée, damnum emergens, gain manqué, lucrum cessans. Ces deux éléments sont
représentés dans le mot dommages et intérêts (dommage, damnum, intérêt, lucrum), qui contient ainsi presque une définition
de l’indemnité dont il s’agit.
L’inexécution partielle peut, aussi bien que l’inexécution totale, donner naissance à des dommages et intérêts ; par conséquent
les dommages et intérêts peuvent être dus à raison du retard dans l’exécution, qui n’est qu’un cas particulier d’inexécution
partielle, minus solvit qui tardius solvit (art. 933).
On donne ordinairement dans la doctrine le nom de dommages et intérêts compensatoires à ceux qui sont dus au créancier à
raison de l’inexécution de l’obligation; ils ne sont que l’évaluation en argent de l’ intérêt que le créancier avait à ce que l’
obligation fût exécutée, la compensation par conséquent du préjudice que l’inexécution lui cause; à la place d’une exécution en
nature qui n’est plus possible, le créancier obtient une exécution en argent. Quant aux dommages et intérêts qui sont dus au
créancier à raison du simple retard dans l’exécution, on les appelle dommages et intérêts moratoires, parce qu’ils sont dus
propter moram; ils sont l’évaluation en argent de l’intérêt que le créancier avait à ce que l’obligation fût exécutée à l’époque
où elle aurait dû l’être.

I. Conditions requises pour qu’il y ait lieu aux dommages et intérêts.

Pour que l’ inexécution totale ou partielle d’ une obligation puisse donner lieu à des dommages et intérêts, trois conditions sont
requises. Il faut :
1° que l’inexécution ait causé un préjudice au créancier;
2° qu’elle soit imputable au débiteur;
3° que le débiteur, au moins au cas où il s’agit d’un simple retard dans l’exécution, soit en demeure.
PREMIÈRE CONDITION.
Il faut que l’ inexécution de l’ obligation ait causé un préjudice au créancier. La loi fait allusion à cette première condition par
les mots s’il y a lieu de l’art. 937, qui signifient : si le juge estime que le créancier a éprouvé un dommage. Sans dommage on
ne comprendrait pas une action en dommages et intérêts; le préjudice est évidemment l’élément essentiel d’une action, qui est
destinée à procurer la réparation d’un préjudice. Ainsi j’ai donné mandat à un notaire, qui s’est chargé de cette commission, de
faire inscrire une hypothèque pour mon compte ; le notaire néglige de remplir son obligation; je ne pourrai de ce chef lui
réclamer aucuns dommages et intérêts, si l’événement démontre que mon hypothèque, au cas où elle aurait été inscrite, ne
serait pas venue en ordre utile.
C’est au créancier de prouver l’existence du préjudice qu’il invoque comme base de sa demande en dommages et intérêts,
actoris estprobare. Toutefois nous verrons que ce préjudice est présumé dans l’hypothèse prévue par l’art. 939.

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DEUXIÈME CONDITION.
Il faut que l’ inexécution de l’ obligation ou le retard dans l’ exécution soit imputable au débiteur ; car c’est seulement en ce
cas qu’il peut être considéré comme étant l’auteur du préjudice subi par le créancier, et que par suite il peut être tenu d’en
fournir la réparation.
L’inexécution de l’obligation est imputable au débiteur, lorsqu’elle est le résultat de son dol, de sa faute ou même de son
simple fait. On sait que la faute consiste dans une négligence commise sans intention de nuire, culpa factum inconsultum quo
alteri nocetur. Si l’intention de nuire existe, il y a dol. Enfin il y a simple fait, quand le débiteur, sans être coupable de dol ni
même de faute, est cependant la cause du préjudice subi par le créancier; comme si, ignorant que mon père, qui vient de mourir
et dont je suis héritier, vous a vendu son cheval, j’en dispose au profit d’une autre personne à laquelle je le livre.
Le simple fait, nous l’avons dit, suffit pour rendre le débiteur responsable de l’inexécution de son obligation.
L’imputabilité cesse, et avec elle la responsabilité civile qu’elle engendre, lorsque l’inexécution de l’obligation est le résultat
d’une cause complètement étrangère au débiteur, c’est-à-dire d’un cas fortuit.
C’est ce que dit l’art. 937 ainsi conçu : « Le débiteur est condamné, s ’ily a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à
raison de l’inexécution de l’obligation, soit la raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que
l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu ’il n ’y ait aucune mauvaise foi de sa
part».
La cause étrangère qui ne peut être imputée au débiteur constitue, nous venons de le dire, ce que l’on appelle un cas fortuit. La
partie finale de l’article 938 revient donc à dire que le débiteur n’est pas responsable de l’inexécution de l’obligation, et que
par suite il ne doit de ce chef aucuns dommages et intérêts, lorsque cette inexécution est le résultat d’un cas fortuit, et par
conséquent l’art. 938 contient une répétition inutile de cette disposition quand il dit : « Il n’y a point lieu à dommages intérêts
lorsque, par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était
obligé, ou a fait ce qui lui était interdit ».

D’une FORCE MAJEURE OU d’un CAS FORTUIT.

Ces deux expressions, qui paraissent équivalentes et que la loi emploie souvent l’une pour l’autre, désignent tout événement
qu’on ne saurait prévoir et auquel on ne saurait résister quand même il serait prévu, comme le feu du ciel, les tremblements de
terre, la grêle, la maladie, la mort, la guerre. Ce sont là des faits complètement étrangers au débiteur et dont il ne saurait être
responsable. Si l’exécution de l’obligation est devenue impossible par suite de l’un de ces faits, le débiteur est libéré parce qu’à
l’impossible nul n’est tenu (art. 1087). C’est au débiteur à prouver le cas fortuit qu’il allègue à l’appui de sa libération (art.
1087).
TROISIÈME CONDITION.
Il faut que le débiteur soit en demeure.
L’art. 936 dit à ce sujet : « Les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son
obligation, excepté néanmoins lorsque la chose que le débiteur s’était obligé de donner ou de faire ne pouvait être donnée ou
faite que dans un certain temps qu’il a laissé passer ».
On sait que la demeure est la constatation légale du retard du débiteur; elle résulte d’une interpellation faite par le créancier
(sommation ou autre acte équivalent). Tant que le créancier n’ a pas accompli cet acte de rigueur, la loi suppose que le retard
ne lui est pas préjudiciable, et qu’il autorise tacitement le débiteur à prendre son temps.
Voilà pourquoi elle exige que le créancier mette le débiteur en demeure pour avoir droit à des dommages et intérêts.
Et toutefois cette règle souffre deux exceptions.
La première a lieu, lorsqu’il existe un texte déclarant que le débiteur sera en demeure indépendamment de toute interpellation.
On en trouve un exemple dans l’art. 1087 al. 4, duquel il résulte que le voleur est de plein droit en demeure de restituer la
chose volée, fur semper moram facere videtur, et un autre dans l’art. 935, que nous connaissons déjà, et aux termes duquel le
débiteur qui contrevient à une obligation de ne pas faire doit des dommages et intérêts par le seul fait de la contravention.

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La deuxième exception a lieu, lorsqu’il a été convenu entre les parties que le débiteur serait de plein droit en demeure
indépendamment de toute interpellation. Cette convention peut être expresse ou tacite.
Elle est expresse, lorsque le contrat porte que, « sans qu’il soit besoin d’acte et par la seule échéance du terme, le débiteur
sera en demeure » (art. 940 in fine), ou toute autre formule équivalente; car bien entendu celle-ci n’a rien de sacramentel.
Elle est tacite, lorsque l’ obligation ne peut être exécutée utilement que dans un certain délai : comme si je loue un chien
couchant pour le jour de la clôture de la chasse et qu’on me l’amène le lendemain, ou si je donne mandat à un avoué
d’interjeter appel en mon nom et qu’il laisse passer le délai. L’art. 936 in fine dit qu’en pareil cas les dommages et intérêts sont
dus, sans qu’il soit nécessaire que le débiteur soit en demeure; il eût été plus exact de dire : sans qu’il soit nécessaire que le
débiteur ait été interpellé, qu’il ait été mis en demeure, car il s’y trouve en réalité par suite de la convention tacite dont nous
venons de parler.
Observation. — La mise en demeure suppose que l’exécution de l’obligation est encore possible ; car elle n’est qu’une
demande d’exécuter accompagnée de cet avertissement que le créancier considère tout retard comme lui étant préjudiciable et
entend en rendre le débiteur responsable. La mise en demeure n’est donc pas nécessaire, lorsque l’exécution de l’obligation est
devenue impossible par la faute ou par le fait du débiteur, comme s’il a laissé périr la chose due faute de remplir l’obligation
dont il était tenu de veiller à sa conservation. Dans ce cas, les dommages et intérêts sont dus dé plein droit au créancier ; il ne
reste plus qu’à les faire liquider. C’est ce qu’on peut induire de l’art. 935, aux termes duquel le seul fait de la contravention à
une obligation de ne pas faire rend le débiteur passible de dommages et intérêts : dans toute obligation le débiteur s’engage
tacitement à ne rien faire qui rende impossible l’exécution de l’obligation ; si donc il contrevient à cette obligation, les
dommages et intérêts seront dus de plein droit.

II. De l’évaluation des dommages et intérêts.


Les règles du droit commun sur cette matière sont contenues dans les art. 939 à 942. Une exception fort importante, relative
aux dommages et intérêts dus à raison du retard dans l’exécution de l’obligation de payer une somme d’argent, est déposée
dans les art. 943 à 945.

Étudions successivement la règle et l’exception.


A. Le droit commun.
Aux termes de l’art. 939 : « Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain
dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après ».
De la perte qu’il a faite : c’est le damnum emergens.
Du gain dont il a été privé : c’est le lucrum cessans.
Voilà le principe ; mais, après l’avoir établi, la loi nous indique immédiatement qu’il reçoit certaines limitations. Passons les en
revue.

PREMIÈRE LIMITATION.
Elle résulte des art. 940 et 941, ainsi conçus : Art. 940. « Le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été
prévus ou qu ’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n ’est point par son dol que l’obligation n’est point exécutée ».
Art. 941. « Dans le cas même où l’inexécution de la convention résulte du dol du débiteur, les dommages et intérêts ne doivent
comprendre, à l’égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et
directe de l’inexécution de la convention ».
Il faut donc distinguer, pour le calcul des dommages et intérêts, si le débiteur est ou non coupable de dol.
a) Nous supposerons d’abord, comme le fait la loi, que le débiteur est exempt de dol : c’est par son fait ou même par sa faute
que l’obligation est demeurée sans exécution ; mais il n’a pas agi dans l’ intention de nuire à son créancier. Ici la loi se montre
relativement indulgente : le débiteur ne sera tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou que l’ on a pu prévoir lors
du contrat. Décision très juridique ; car l’ obligation de payer les dommages et intérêts doit être considérée dans ce cas comme

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résultant d’une convention tacite, et naturellement cette convention n’a pu comprendre que les dommages et intérêts qu’il a été
possible de prévoir lors du contrat.
b) Si le débiteur est coupable de dol, la loi le traite avec plus de rigueur; il répondra même des dommages et intérêts qui n’ont
pas pu être prévus lors du contrat (arg., art. 940 et 941). La raison en est que l’ obligation pour le débiteur de payer les
dommages et intérêts ne peut plus être ici considérée comme ayant sa source dans une convention tacite accessoire, et qu’il n’y
a plus à se préoccuper par suite de savoir si les dommages et intérêts réclamés par le créancier ont pu ou non être prévus lors
du contrat. L’hypothèse du dol n’a pas dû se présenter à la pensée des parties contractantes ; et, à supposer qu’elle soit entrée
dans leurs prévisions, toute clause, ayant pour but de restreindre la responsabilité du débiteur quant aux conséquences de son
dol, devrait être considérée comme nulle. Illud nullapactione ejficipotest ne dolusproestetur.
Que reste-t-il donc? c’est que le dol est ici la cause, et la cause unique de l’obligation du débiteur. Il doit par suite être
tenu,velit,nolit, comme le dit Dumoulin, d’en réparer toutes les conséquences. Voilà pourquoi il est tenu, même des dommages
et intérêts qui n’ ont pas pu être prévus.
Et toutefois, comme le débiteur, même dans le cas où il est coupable de dol, ne doit que la réparation du préjudice dont il est
vraiment l’ auteur, il ne sera tenu, dit la loi, que du dommage « qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution de la
convention ». Il est facile de reconnaître la source de cette disposition dans le passage suivant de Pothier, qui en est, à notre
avis, le meilleur commentaire. « La règle, qui me paraît devoir être suivie en ce cas, est qu ’on ne doit pas comprendre dans
les dommages et intérêts dont un débiteur est tenu, pour raison de son dol, ceux qui non seulement n’en sont qu’une suite
éloignée, mais qui n’en sont pas une suite nécessaire, et qui peuvent avoir d’autres causes ».
DEUXIÈME LIMITATION.
Elle résulte de l’art. 942 ainsi conçu : « Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine
somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre ».
En fixant ainsi à l’avance par une stipulation qui porte le nom île clause pénale, le montant des dommages et intérêts qui
pourront être dus à raison de l’inexécution de la convention, les parties se proposent pour but d’éviter les contestations et les
procès auxquels ce règlement pourrait donner lieu, quelquefois aussi de se prémunir contre l’arbitraire, inévitable en cette
matière, des décisions du juge. Cela étant, notre article décide avec raison que la convention des parties fera loi sur ce point, et
ne permet pas au juge, ainsi que le faisait Pothier d’après Dumoulin, de modérer le taux des dommages et intérêts lorsqu’ils lui
paraissent trop élevés; les parties ne sont- elles pas après tout les meilleurs arbitres de leurs intérêts ?

B. L’exception.

Elle est relative aux obligations ayant pour objet une somme d’argent. On remarquera tout d’ abord que, tandis que, dans les
autres obligations, le créancier a droit à des dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution soit à raison du retard dans
l’exécution, il ne peut être question ici de lui allouer des dommages et intérêts qu’à raison du retard dans l’exécution, des
dommages et intérêts moratoires. En effet les dommages et intérêts dus à raison de l’inexécution, les dommages et intérêts
compensatoires, comme on les appelle, ne sont que la compensation pécuniaire du préjudice que l’ inexécution de l’ obligation
cause au créancier : à la place d’ une exécution en nature il obtient une exécution en argent. Les dommages et intérêts
compensatoires consistent donc dans la transformation de l’obligation contractée par le débiteur en une obligation de somme
d’argent.
Or cette transformation suppose nécessairement que l’obligation à transformer n’a pas elle-même pour objet une somme
d’argent; autrement la transformation est toute faite, ou pour mieux dire elle est impossible. Les dommages et intérêts à allouer
au créancier ne pourront donc être dans notre espèce que des dommages et intérêts moratoires.
Mais ce n’est pas tout : il y a ici, soit en ce qui concerne le taux des dommages et intérêts, soit en ce qui concerne les
conditions requises pour qu’ils puissent être réclamés, trois particularités à noter. Elles résultent de l’art. 943 ainsi conçu : «
Dans les obligations qui se bornent au paiement d’une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans
l’exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts fixés par la loi; sauf les règles particulières au
commené et au cautionnement. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.

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Ils ne sont dus » que du jour de la demande, excepté dans les cas où la loi les fait courir de plein droit ».

PREMIÈRE PARTICULARITÉ.

D’après le droit commun, le taux des dommages et intérêts moratoires varie suivant l’ importance du préjudice que le retard a
causé au créancier. La loi déroge ici à cette règle : quel que soit le préjudice souffert par le créancier par suite du retard, il ne
pourra jamais réclamer à titre de dommages et intérêts que l’intérêt légal de la somme due, soit 5 % en matière civile et 6 % en
matière commerciale. Le taux est plus élevé en matière commerciale, soit parce que l’argent prêté dans ces conditions rapporte
davantage, pluris valet pecunia mercatoris, et qu’il est juste par cela même que celui qui le prête puisse en retirer un intérêt
plus élevé, soit parce qu’il est exposé à de plus grandes chances de perte.

DEUXIÈME PARTICULARITÉ.
D’après le droit commun, le créancier ne peut obtenir des dommages et intérêts moratoires qu’à la condition de justifier que le
retard du débiteur lui a causé un préjudice. La loi dispense ici le créancier de faire cette justification : il a droit à l’ intérêt légal
de la somme due sans être tenu de justifier d’aucune perte (art. 943 al. 2).
Ainsi, par une première dérogation aux règles du droit commun, la loi, dans les obligations de sommes d’argent, tarife d’une
manière invariable les dommages et intérêts dus au créancier par suite du retard du débiteur, quel que soit le préjudice par lui
subi. En revanche, par une deuxième dérogation, elle lui alloue ces dommages et intérêts sans qu’il soit tenu de justifier
d’aucune perte. Pothier va nous dire la raison de cette double déviation : « Comme les différents dommages et intérêts qui
peuvent résulter du retard de l’accomplissement de cette espèce d’obligation, varient à l’infini, et qu’il est aussi difficile de les
prévoir que de les justifier, il a été nécessaire de les régler, comme par une espèce de forfait, à quelque chose de fixe. C’est ce
qu’on a fait, en les fixant aux intérêts de la somme au taux ordinaire..., ces intérêts étant le prix commun du profit légitime que
le créancier aurait pu retirer de la somme qui lui était due, si elle lui eût été payée ».

TROISIÈME PARTICULARITÉ.
En règle générale, une simple sommation suffit pour rendre le débiteur passible des dommages et intérêts moratoires. Elle ne
suffit plus, lorsque l’obligation que le débiteur est en retard d’exécuter est une obligation de payer une somme d’argent.
La loi exige ici une mise en demeure plus énergique ; elle ne se contente même pas d’un commandement. L’ art. 943 in fine
dispose que les intérêts moratoires ne sont dus que du jour de la demande: expression qui fait allusion très certainement à une
demande en justice

De l’anatocisme.
L’anatocisme (de ava, TOXOÇ, nouveau produit, iteratus foetus) est l’intérêt des intérêts. Au lieu de payer à son créancier les
intérêts échus, le débiteur les garde et en sert l’intérêt ; les intérêts sont ainsi capitalisés, c’est-à-dire qu’ils se joignent au
capital et deviennent comme lui productifs d’intérêts.
Ainsi je vous prête 20,000$ à 5 % ; au bout d’un an vous me devez 4,000$ d’intérêts. Je conviens avec vous que vous garderez
ces 4,000$ et que vous m’en servirez l’intérêt; vous me devez donc désormais 24,000$ et l’intérêt de cette somme à 6 %, soit
4,050$ par an. Au bout de la seconde année, je conviens avec vous que vous garderez encore les 4,050$ d’intérêts échus et que
vous m’en servirez l’intérêt à 8 °/o ; votre dette sera donc désormais de 22,050$ et l’intérêt de 4102$, 50 c. En procédant ainsi
successivement le capital de la dette se trouve doublé en quatorze ans environ. Les usuriers connaissent tous cette loi, que
beaucoup de débiteurs ignorent ; elle fournit une arme puissante à leur coupable industrie ; aussi de tout temps le législateur a-
t-il proscrit ou tout au moins sévèrement restreint l’anatocisme. Dans l’ancien Droit romain, l’anatocisme était permis pour les
intérêts échus, proelerili temporis, mais prohibé pour les intérêts à échoir, futuri temporis; supprimant cette distinction,
Justinien prohiba l’anatocisme d’une manière absolue.

Préparé par Me. Widner THEANO, Mag. Page 49 of 82


NOTES DE COURS DE DROIT DES OBLIGATIONS

Le Code civil a cru devoir autoriser l’anatocisme en principe ; mais il l’a restreint dans des limites assez étroites à cause du
danger de ruine dont il menace les débiteurs imprévoyants. Ces restrictions sont établies par l’art. 944, ainsi conçu ; « Les
intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale,
pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s ’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière ».
Ainsi les intérêts peuvent produire des intérêts en vertu d’une convention ou d’une demande en justice. Voilà le principe : il est
le même, on le voit, pour les intérêts que pour le capital. Voici maintenant les restrictions : il faut qu’il s’agisse, soit dans la
convention, soit dans la demande :
1° d’intérêts échus ;
2° d’ intérêts dus au moins pour une année entière.

Étudions successivement ces deux points.


PREMIÈRE RESTRICTION.
Les intérêts des capitaux ne peuvent être rendus productifs d’intérêts, soit par une demande en justice, soit même par une
convention, qu’autant qu’ils sont échus au moment de la demande ou de la convention. En faisant un prêt d’argent pour un
certain nombre d’années, le prêteur ne pourrait donc pas valablement stipuler par anticipation que chaque année les intérêts
échus seront retenus par le débiteur, et joints au capital pour devenir comme lui productifs d’ intérêts. Les emprunteurs
accepteraient presque toujours une semblable proposition, qui est aussi menaçante pour l’avenir que séduisante pour le
présent ; car elle conduit le débiteur tout droit à sa ruine. La loi veut que chaque année le débiteur soit obligé d’ouvrir les yeux
sur sa situation, qu’une convention spéciale ou une demande lui apprenne que sa dette grossit, grossit toujours, le force à
aligner les chiffres et à s’arrêter enfin sur la pente fatale où il s’est engagé.

DEUXIÈME RESTRICTION.
Les intérêts échus ne peuvent être rendus productifs d’ intérêts par demande ou par convention qu’autant qu’ils sont ans pour
une année entière. Ainsi je vous ai prêté 20,000$ avec intérêts à 5 % payables tous les six mois, stipulation qui est certainement
valable. A l’échéance du premier semestre, je ne pourrai pas convenir avec vous que vous garderez les 500$ d’intérêts dont
vous êtes débiteur, et que vous m’en servirez l’intérêt à 5 % ; je ne pourrai faire cette convention que lorsque vous me devrez
une année d’intérêts. Observons d’ailleurs que la loi parle d’intérêts dus. Pour une année entière, et non depuis une année
entière. Les intérêts dus pour une année peuvent donc être immédiatement rendus productifs d’ intérêts par convention ou par
demande.
La règle établie par l’art. 944 souffre plusieurs exceptions qu’indique l’art. 945. Dans les divers cas prévus par ce texte, les
intérêts échus peuvent être capitalisés, bien qu’ils soient dus pour moins d’ une année entière, pour trois mois par exemple. «
Néanmoins les revenus échus, tels que fermages, loyers, arrérages de rentes perpétuelles ou viagères, produisent intérêt du
jour de la demande ou de la convention. La même règle s’applique aux restitutions de fruits, et aux intérêts payés par un tiers
au créancier en acquit du débiteur ». Dans toutes les hypothèses prévues par ce texte, le débiteur n’a pas de capital à
rembourser, et il n’y avait pas à redouter pour lui par conséquent les dangers résultant de la cumulation du capital et des
intérêts.

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NOTES DE COURS DE DROIT DES OBLIGATIONS

SECTION V
DE L’INTERPRÉTATION DES CONVENTIONS

Les articles qui composent cette section ont été à peu près complètement copiés dans Pothier; aussi croyons-nous ne pouvoir
mieux faire que de les éclairer à l’aide des exemples que donne ce grand jurisconsulte.

PREMIÈRE RÈGLE.

« On doit, dans les conventions, rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s
’arrêter au sens littéral des termes » (art. 946).
Ainsi, dit Pothier, « vous teniez à loyer de moi un petit appartement dans une maison dont j ’ occupais le reste ; je vous ai fait
un nouveau bail dans ces termes : J’ ai donné à loyer à un tel ma maison pour tant d’années, pour le prix porté au précédent
bail; serez-vous fondé à prétendre que je vous ai loué toute ma maison ? Non ; car quoique ces termes ma maison, dans leur
sens grammatical, signifient ma maison entière et non un simple appartement, néanmoins il est visible que notre intention n’ a
été que de renouveler le bail de l’ appartement que vous teniez de moi, et cette intention dont on ne peut douter doit prévaloir
aux termes du bail.
DEUXIÈME RÈGLE.
« Lorsqu’une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l’entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet,
que dans le sens avec lequel elle n’en pourrait produire aucun » (art. 947).
Par exemple, s’il est dit à la fin d’un acte de partage : il a été convenu entre Pierre et Paul que Paul pourrait passer sur ses
héritages, entendez sur les héritages de Pierre, autrement la clause n’aurait aucun effet.
TROISIÈME RÈGLE.
« Les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat » (art. 948).
Si, par exemple, je vous loue pour neuf années ma maison moyennant 1,000$, on devra considérer que ce n’est pas une somme
de 4,000$ une fois payée, mais 4,000$ par an que nous avons entendu stipuler; car il est de la nature du contrat de louage que
le prix consiste dans une somme annuelle.

QUATRIÈMERÈGLE.
« Ce qui est ambigu s’interprète par ce qui est d’usage dans le pays où le contrat est passé » (art. 949). Ainsi je fais marché
avec un vigneron pour qu’il cultive ma vigne moyennant une certaine somme, sans expliquer le nombre de labours qu’il devra
donner; nous sommes censés être convenus qu’il donnera le nombre de labours qu’on a coutume de donner dans le pays.

CINQUIÈME RÈGLE.
« On doit suppléer dans le contrat les clauses qui y sont d’usage, quoiqu’elles n’y soient pas exprimées » (art. 950). In
contraclibus tacite veniunt ea quce sunt moris et consuetudinis.

SIXIÈME RÈGLE.
« Toutes les clauses des conventions s’interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l’acte
entier » (art. 951).

SEPTIÈME RÈGLE.
« Dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé, et en faveur de celui qui a contracté l’obligation » (art.
952).
En général, dans les contrats, chaque clause est dictée par celui qui y joue le rôle de stipulant; s’il ne s’est pas expliqué
clairement, il est naturel d’interpréter contre lui le doute que peut présenter la clause, legempotuit apertius dicere. On trouve
une application de ce principe dans l’art. 1247 in fine.

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NOTES DE COURS DE DROIT DES OBLIGATIONS

HUITIÈME RÈGLE.
« Quelque généraux que soient les termes dans lesquels une convention est conçue, elle ne comprend que les choses sur
lesquelles il paraît que les parties se sont proposé de contracter » (art. 953).
« Par exemple, dit Pothier, si un légataire a composé avec l’héritier à une somme pour ses droits résultant du testament du
défunt, il ne sera pas exclu de la demande d’un autre legs à lui fait par un codicille qui n’a paru que depuis la transaction ».

NEUVIÈME RÈGLE.
« Lorsque, dans un contrat, on a exprimé un cas pour l’explication de l’obligation, on n’est pas censé avoir voulu par là
restreindre l’étendue que l’engagement reçoit de droit aux cas non exprimés » (art. 954).
Qum dubitalionis tollendoe causa contractibus inserunlur, jus commune non loedunt.
Ainsi, d’après l’art. 976, tout le mobilier présent et à venir des époux tombe dans la communauté ; de ce que dans un contrat de
mariage on stipule que le mobilier des successions qui écherront aux futurs entrera dans la communauté, il ne suit nullement
que tout autre mobilier en sera exclu.

SECTION VI
DE L’EFFET DES CONVENTIONS A L’ÉGARD DES TIERS

I. Principe.

Les conventions tirent leur force obligatoire du consentement des parties; il est donc tout simple qu’elles n’aient d’effet
qu’entre ceux qui ont consenti. C’est ce que dit un vieil adage : Bes inter alios acta aliis nec nocere necprodessepotest. L’art.
955 n’en est guère que la reproduction : « Les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent
point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l ’article 913 ».
D’une manière générale, il faut entendre ici par tiers toute personne qui n’a pas participé à la convention et qui n’y a pas été
valablement représentée. Ainsi le mandant n’est pas un tiers par rapport à la convention dans laquelle il a été représenté par son
mandataire, qui mandat ipsefecisse videtur, ni le maître par rapport à la convention où le gérant d’affaires a parlé en son nom.
De même, les ayant-cause universels des parties contractantes, héritiers, donataires ou légataires universels, créanciers
chirographaires, ne sont pas des tiers quant aux conventions dans lesquelles a figuré leur auteur.

II.- Du droit qui appartient aux créanciers d’exercer les actions de leur débiteur.
Ce droit est consacré par l’art. 956 ainsi conçu : « Néanmoins les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur
débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne ».
Tous les biens d’un débiteur sont affectés d’une manière générale au paiement de ses dettes ; ils servent, comme le dit l’art.
1840, de gage commun à ses créanciers, qui peuvent les saisir et les faire vendre pour se payer sur le prix. Or, parmi les biens
du débiteur, figurent les droits et actions qui lui appartiennent ; ces droits et actions sont donc compris dans le gage de ses
créanciers. Mais ce n’est pas l’action elle-même que les créanciers saisiront et feront vendre pour se payer sur le prix, c’est le
bien que son exercice fera entrer dans le patrimoine du débiteur. Il faut donc commencer par réaliser l’action, si l’on peut ainsi
parler, c’est-à-dire par l’exercer, afin d’atteindre ensuite le bien qu’elle aura fait obtenir.
Or il peut arriver que le débiteur néglige ou refuse d’agir. Cela se conçoit facilement de la part d’un débiteur dont le passif
excède l’actif.
Affaissé et découragé, il se dira souvent : « A quoi bon me donner la peine d’exercer les actions qui m’appartiennent, puisque
le profit qu’elles procureront sera absorbé par mes créanciers ? Qu’ils agissent eux-mêmes ». Eh bien ! précisément la loi leur
permet d’agir et de triompher de l’ inertie du débiteur : ils exerceront l’ action à sa place en vue de se faire payer sur le prix des
biens qu’elle permettra de conquérir.

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NOTES DE COURS DE DROIT DES OBLIGATIONS

Ainsi le débiteur a une action en dommages et intérêts contre un tiers; ou encore il peut acquérir les biens dépendant d’une
succession, à laquelle il est appelé comme héritier légitime, en faisant annuler le testament par lequel le défunt l’a dépouillé ;
ou enfin il peut, en exerçant une action de réméré, reprendre un immeuble qu’il a aliéné pour un prix de beaucoup inférieur à
sa valeur. Ses créanciers seront fondés à exercer ces diverses actions en son lieu et place, s’il néglige d’agir lui-même. Telle est
l’action de l’art. 956; on l’appelle quelquefois indirecte, parce que les créanciers n’ agissent pas directement en leur nom
personnel, mais au nom de leur débiteur, nomine débitons. Nous verrons au contraire que, lorsqu’ ils exercent l’ action
paulienne, ils agissent en leur nom personnel.

1. Conditions requises pour l’exercice de l’action indirecte.


En négligeant d’entrer dans aucune explication sur ce point, le législateur a fait naître des difficultés graves. Nous croyons que
la considération suivante peut beaucoup aider à les résoudre : l’exercice par un créancier, agissant en vertu de l’art. 956, d’une
action appartenant à son débiteur est plus qu’un acte conservatoire et moins qu’un acte d’exécution.
C’est plus qu’un acte conservatoire : car les actes conservatoires supposent, ainsi que leur nom lui-même l’indique, le maintien
du statu quo ; ils excluent toute idée de transformation ; or l’ exercice d’ une action appartenant au débiteur amène un
changement dans son patrimoine, puisqu’il substitue une valeur réalisée à une valeur réalisable. C’est moins qu’un acte d’
exécution : car le créancier ne met encore la main sur aucun bien de son débiteur, il travaille seulement à faire rentrer un bien
dans le patrimoine de celui-ci pour le saisir ensuite ; l’action qu’il exerce est voisine de l’exécution, elle en est un préliminaire,
mais elle n’est pas un acte d’ exécution.

De là nous concluons :

1° Qu’un créancier, dont la créance est exigible, peut seul exercer l’action indirecte de l’art. 956. Celui dont la créance est à
terme ne le pourrait pas avant l’échéance du terme, ni à plus forte raison celui dont la créance est conditionnelle avant la
réalisation de la condition. L’un et l’autre peuvent bien accomplir des actes conservatoires, mais non des actes d’exécution, ni
par conséquent des actes qui la préparent.
2° Il n’est pas nécessaire que le créancier, pour agir en vertu de l’art. 956, ait un titre exécutoire ; car il n’accomplit pas encore
un acte d’exécution, mais seulement un acte préliminaire de l’exécution ; or c’est pour l’exécution seulement que la loi exige
un titre exécutoire.
Mais ne faut-il pas tout au moins que le créancier se fasse subroger judiciairement dans l’action qu’il prétend intenter au lieu et
place du débiteur? L’affirmative est admise par un parti fort important dans la doctrine. Un créancier, dit-on, ne peut pas de sa
propre autorité s’emparer d’un bien appartenant à son débiteur; ce serait une voie de fait, une invasion illicite dans les droits du
débiteur. Laissons de côté ces mots pompeux. Le créancier ne s’empare d’aucun bien appartenant à son débiteur ; il exerce
seulement une action en vue de faire rentrer un bien dans son patrimoine, et, si l’action réussit, il agira suivant les règles du
droit commun pour obtenir son paiement sur le prix de ce bien. Les créanciers sont autorisés par la loi (art. 1466) à agir au lieu
et place du débiteur, ils n’ont pas besoin de l’être par le juge.
D’ailleurs la mission du juge n’est pas de donner des autorisations; il n’a ce droit que quand la loi le lui confère par une
disposition formelle. La jurisprudence de la Cour de cassation parait fixée dans ce sens, et nous croyons qu’il y a lieu de
l’encourager à persister dans cette voie : c’est ajouter à la loi que d’exiger une autorisation judiciaire pour l’exercice d’un droit
qu’elle accorde sans condition aucune.
La Cour de cassation juge aussi, et en cela elle est conséquente avec elle-même, que l’exercice par un créancier d’une action
appartenant à son débiteur n’a pas pour résultat d’exproprier celui- ci du droit que l’action met en mouvement; il en conserve
donc la libre disposition. D’où il résulte notamment que le créancier agissant est obligé de respecter tous les actes faits sans
fraude par le débiteur, et notamment la transaction par laquelle il aurait mis fin à l’ action intentée.
Il va de soi qu’un créancier ne peut exercer une action du chef de son débiteur qu’autant que celui-ci refuse, ou tout au moins

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NOTES DE COURS DE DROIT DES OBLIGATIONS

néglige de l’exercer; car on ne peut agir au nom d’une personne qu’autant qu’elle n’agit pas elle-même ; et d’ailleurs l’action
des créanciers n’a plus de raison d’ être, lorsque le débiteur agit.
Mais il n’ est pas nécessaire à notre avis que le créancier mette préalablement le débiteur en demeure d’agir, nulle loi ne
l’exige; sauf le droit pour celui contre qui l’action est exercée par le créancier de demander la mise en cause du débiteur, afin
que le jugement à intervenir ait l’autorité de la chose jugée par rapport à lui. Dans la pratique, le débiteur sera presque toujours
mis en cause, soit à la requête du créancier demandeur à l’action, soit à la requête du tiers contre qui elle est exercée.
C’est là une mesure de prudence dont l’omission pourrait faire naître des complications d’une extrême gravité. La nature de cet
ouvrage ne nous permet pas de les étudier; aussi, dans la suite de nos explications sur cette matière, supposerons-nous toujours
que le débiteur a été mis en cause.
2. Effets de l’action intentée par les créanciers du chef de leur débiteur.
Les créanciers, qui usent du droit que leur confère l’art. 956, agissent au nom du débiteur ; c’est son action qu’ils exercent, et
par suite le produit de cette action, c’est-à-dire les biens qu’elle fait obtenir, tombent dans le patrimoine du débiteur; ils
deviennent par conséquent le gage de tous ses créanciers, et le prix en doit être réparti entre eux d’après les règles du droit
commun, c’est-à- dire par contribution, à moins qu’il n’existe au profit de quelques-uns des causes légitimes de préférence (art.
1840).

3. Exception relative aux droits personnels.

Après avoir établi dans les termes les plus généraux le principe que les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de
leur débiteur, l’art. 956 y apporte une restriction fort importante par ces mots à l’exception de ceux qui sont exclusivement
attachés à la personne.
Ce n’ est pas chose facile que de préciser les limites de cette exception, qui, comprenant une infinité de cas, a été à dessein
conçue dans des termes très larges et par cela même un peu vagues. Tâchons cependant de circonscrire son domaine.

Dans ce but, nous remarquerons d’abord, et ce premier point n’est susceptible d’aucun doute, que, le droit conféré aux
créanciers par l’art. 956 n’étant qu’un auxiliaire du droit qui leur appartient de se faire payer sur le prix des biens appartenant à
leur débiteur, tous les droits, qui ne sont pas susceptibles de se traduire en un profit pécuniaire, doivent échapper
nécessairement à l’ action des créanciers. Le caractère de personnalité de ces droits éclate avec une telle évidence qu’il est
inutile d’ insister. Quel est donc le créancier qui songerait à exercer du chef de son débiteur le droit de correction qui lui
appartient sur la personne de ses enfants, ou le droit que la loi lui accorde de consentir à leur mariage, à leur adoption, à leur
émancipation... ?
Quant aux droits dont l’exercice peut procurer un profit pécuniaire, il faut distinguer quel est leur fondement.
a) Le droit est-il fondé sur un intérêt purement moral? on devra le considérer comme exclusivement attaché à la
personne. Il en est ainsi notamment du droit de demander la séparation de corps, du droit d’exercer le retrait
successoral, de celui d’intenter une action en désaveu de paternité, une action en révocation d’une donation pour cause
d’ ingratitude, ou une action en dommages et intérêts pour crimes ou délits contre la personne.
b) Quant aux droits fondés sur un intérêt exclusivement pécuniaire, comme le droit d’exercer une action en réméré,
une action en rescision pour cause de lésion..., en règle générale l’exercice en appartiendra aux créanciers, à moins
qu’un texte ne le leur refuse, ainsi qu’on en voit un exemple pour le droit qui appartient à la femme de demander la
séparation de biens.
La séparation de biens a pour but unique de sauvegarder la dot de la femme mise en péril par la mauvaise administration du
mari, elle est fondée par conséquent sur un intérêt exclusivement pécuniaire ; et cependant la loi ne permet pas aux créanciers
de la femme d’exercer ce droit de son chef, parce que son exercice est de nature à compromettre la bonne harmonie entre les
époux, qui aux yeux de la loi est un intérêt supérieur à celui des créanciers. il reste les droits mixtes, ceux qui ont leur
fondement dans un intérêt moral et dans un intérêt pécuniaire tout à la fois. Il faudra voir en pareil cas quel est celui des deux
fondements du droit qui domine : si c’est le fondement moral, le droit devra être considéré comme exclusivement attaché à la

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personne ; la solution contraire devra être admise, si c’est le fondement pécuniaire.

III. De l’action paulienne ou révocatoire.


Aux termes de l’art. 1840 : « Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers... » : ce qui signifie que les biens,
qui composent le patrimoine du débiteur, répondent d’une manière générale du paiement de toutes ses dettes, qu’ils sont
affectés en bloc à tous et, à chacun de ses créanciers. Diverses fluctuations peuvent se produire dans le patrimoine du débiteur ;
elles profiteront ou nuiront à ses créanciers.
Le débiteur acquiert-il un bien? l’importance du gage commun se trouve augmentée d’autant. Consent-il une aliénation? ses
créanciers en subissent le contre-coup. Qu’ils ne se plaignent pas; en négligeant de stipuler de leur débiteur des sûretés
spéciales, ils lui ont témoigné une confiance entière, absolue, ils ont cru en lui, crediderunt (d’où le nom de creditor,
créancier); ils ont donc ratifié d’avance tous les actes par lui accomplis, et ils ne peuvent par conséquent venir les critiquer.
Mais cela suppose que le débiteur agit de bonne foi. En traitant avec lui, ses créanciers ont pu consentir, sans exiger des sûretés
particulières, à lui laisser le droit de gouverner son patrimoine avec une entière indépendance, s’exposant ainsi à subir les
conséquences des spéculations malheureuses ou fausses, dans lesquelles il pourrait s’engager ; mais ils n’ont certes pas
entendu l’autoriser à conspirer contre eux. Ils ont suivi sa foi, fidêm ejus secuti sunt; mais par cela même ils ont entendu
échapper aux conséquences de sa mauvaise foi. Si donc le débiteur a agi en fraude des droits de ses créanciers, il ne pourra
plus être considéré comme les ayant représentés ; représente-t-on celui que l’ on trahit?
Les créanciers deviennent alors des tiers par rapport à l’acte frauduleux, et ils peuvent en faire prononcer la nullité. Il est trop
juste que le débiteur ne puisse pas compromettre par des aliénations ou autres actes frauduleux le droit de gage général, qu’il a
conféré à ses créanciers sur tous ses biens en s’obligeant. C’est ce que dit en substance l’art. 957 al. 1, ainsi conçu : « Ils [les
créanciers] peuvent aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits ».
Ainsi un débiteur, dont le passif égale l’actif, mais qui ne tient nullement à payer ses créanciers ou qui peut-être tient à ne pas
les payer fait donation d’ un immeuble à un ami, ou bien il dote richement sa fille : il en coûte si peu d’être généreux aux
dépens d’autrui ! Les créanciers victimes de cette fraude pourront s’adresser à la justice, et faire annuler la donation, afin d’
obtenir leur paiement sur les biens donnés.
L’action, que la loi leur accorde h cet effet, est connue dans la doctrine sous le nom d’action révocatoire. On l’appelle
fréquemment aussi action paulienne, du nom du préteur romain qui l’introduisit le premier dans l’Édit. Notre législateur s’est
borné à en poser le principe en trois lignes, ce qu’on ne peut expliquer qu’en lui prêtant l’intention de se référer à la tradition;
cette matière est donc toute traditionnelle.

1. Conditions requises pour qu’il y ait lieu à l’action paulienne.


Les conditions requises pour qu’il y ait lieu à l’action paulienne sont au nombre de deux : le préjudice, eventus damni, et la
fraude, consilium fraudis.

PREMIERE CONDITION.
Il faut que l’ acte accompli par le débiteur ait causé préjudice aux créanciers qui l’ attaquent. La loi ne le dit pas expressément,
car elle ne parle que de la fraude ; mais elle le sous-entend.
L’idée de préjudice est ici contenue dans celle de fraude : évidemment la loi veut parler d’une fraude préjudiciable aux
créanciers ; car autrement on ne comprendrait pas de quel droit ils viendraient s’en plaindre et en demander la réparation.

L’acte, accompli en fraude des droits des créanciers, ne leur porte préjudice que lorsqu’il a fait naître ou augmenté
l’insolvabilité du débiteur.
Pour que l’action paulienne réussisse, il faut donc qu’il soit établi d’une part que le débiteur est insolvable, et d’autre part que

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NOTES DE COURS DE DROIT DES OBLIGATIONS

son insolvabilité résulte, au moins en partie, de l’acte attaqué. Double preuve qui est à la charge du créancier demandeur dans
l’ action paulienne, conformément à la règle Actori incumbit probatio. La preuve de l’insolvabilité du débiteur se fera en le
discutant dans ses biens.
L’ action paulienne est donc une action subsidiaire ; un créancier ne peut y avoir recours que lorsqu’il lui est impossible
d’obtenir son paiement par un autre moyen. Ainsi un débiteur, qui a 100,000$ de dettes et qui croit n’avoir que 100,000$ de
biens, aliène un immeuble en fraude des droits de ses créanciers ; mais ce débiteur est plus riche qu’il ne le pense ; au moment
où il fait l’aliénation, une succession opulente vient de lui échoir à son insu, et il l’accepte plus tard ; le voilà riche de ruiné
qu’il était! Les créanciers ne pourront pas attaquer l’aliénation par l’action paulienne ; elle a bien été faite en fraude de leurs
droits, mais elle ne leur cause pas préjudice.
DEUXIÈME CONDITION

La fraude consiste ici dans le seul fait de la part du débiteur d’avoir causé sciemment et volontairement à ses créanciers le
préjudice dont ils se plaignent. En d’ autres termes, il y a fraude du débiteur, par cela seul qu’il connaissait le véritable état de
ses affaires au moment où il a accompli l’acte préjudiciable à ses créanciers; il les lèse ainsi, le sachant et par suite le voulant.
Tel est ici le sens traditionnel du mot fraude.
Par où l’on voit que la fraude paulienne diffère grandement du dol, en ce sens qu’elle ne suppose pas comme celui-ci l’emploi
de manœuvres dolosives destinées à tromper quelqu’un. Il n’est même pas nécessaire que le débiteur ait agi dans l’ intention de
nuire à ses créanciers, il suffit qu’il ait eu conscience du préjudice qu’il leur causait ; par cela seul il manque à la bonne foi qui
doit présider à l’exécution des engagements. L’action paulienne réussira-t-elle contre un tiers de bonne foi?
En d’autres termes, la fraude du débiteur suffit-elle pour le succès de l’action paulienne, ou bien faut-il en outre que celui avec
qui le débiteur a traité et contre lequel l’action doit réfléchir soit lui-même de mauvaise foi, qu’il ait participé à la fraude
commise par le débiteur, ou tout au moins qu’il en ait eu connaissance ; faut-il qu’il soit conscius fraudis? La question doit se
résoudre par une distinction traditionnelle, dont on trouve la source jusque dans la loi romaine.
a) Le tiers qui a traité avec le débiteur est-il un acquéreur à titre onéreux ? L’action paulienne ne réussira contre lui qu’autant
qu’il aura participé à la fraude. Ainsi le débiteur a vendu un immeuble à un acheteur qui en a payé le prix comptant, sachant
que le débiteur se proposait pour but de le soustraire à ses créanciers ; ceux-ci pourront faire rescinder la vente par l’action
paulienne et évincer l’acheteur ; ils ne le pourront pas au contraire, si l’on suppose que l’acheteur a été de bonne foi.
b) Celui qui a traité avec le débiteur est-il un acquéreur à titre gratuit? plus généralement le tiers auquel, a profité l’ acte
accompli par le débiteur en fraude de ses créanciers, a-t-il réalisé ce profit gratuitement? La fraude du débiteur suffira pour le
succès de l’ action paulienne ; la complicité du tiers ne sera plus nécessaire. Ainsi l’action paulienne réussira contre un
donataire, alors même qu’il serait de bonne foi.
Cette distinction, qui trouverait au besoin un point d ’appui très résistant peut se justifier en outre par les considérations
suivantes. Les créanciers qui intentent l’action paulienne demandent la réparation d’un préjudice, certant de damno vitando. Si
leurs traits sont à l’adresse d’un acquéreur à titre onéreux, ils luttent contre un adversaire dont la situation est équivalente à la
leur, en ce sens que lui aussi certat de damno vitando ; car, s’ il succombe, il sera en perte, puisqu’ il a fourni l’ équivalent du
bien dont on prétend le dépouiller.
Les deux parties adverses sont donc in pari causa. L’adage In pari causapossessor potior haberi débet doit faire donner la
préférence à l’acquéreur, à moins qu’il ne soit de mauvaise foi; car alors il ne mérite plus la protection de la loi. Autre est le
cas où les créanciers trouvent en face d’ eux un acquéreur à titre gratuit, ou plus généralement un tiers qui n’ a pas fourni l’
équivalent de l’avantage dont on prétend le priver à l’aide de l’action paulienne. Celui-là certat de lucro captando; sa défaite
aura pour résultat, non pas de lui faire subir une perte, mais seulement de le priver d’un gain. Entre deux adversaires dont l’un
(le créancier) certat de damno vitando, tandis
que l’autre (le tiers) certat de lucro captando, la loi n’hésite pas : elle donne la préférence au premier, le second fût-il de bonne
foi ; son droit est plus sacré.

A quels créanciers appartient le droit d’exercer l’action paulienne.

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NOTES DE COURS DE DROIT DES OBLIGATIONS

L’action paulienne n’est pas nécessairement une mesure collective, une mesure d’ensemble, qui suppose le concours de tous
les créanciers, ainsi que pourraient le faire croire les termes de l’art. 957al. 1. Chaque créancier a le droit individuel d’exercer
cette action.
Notons cependant qu’au cas de faillite du débiteur, l’action paulienne est intentée, s’il y a lieu, au nom de la masse par les
syndics ; chaque créancier n’a plus alors le droit individuel d’agir. Notons aussi que dans ce même cas la discussion préalable
des biens du débiteur n’est plus nécessaire.
L’ action paulienne peut d’ ailleurs être exercée par un créancier privilégié ou hypothécaire aussi bien que par un créancier
chirographaire : ce qui suppose toutefois que les biens grevés du privilège ou de l’ hypothèque sont insuffisants pour assurer le
paiement de la dette ; car, ainsi que nous l’ avons vu, l’ action paulienne n’ est que subsidiaire.

4. Des effets de l’action paulienne.


L’ instance, à laquelle donne lieu l’ action paulienne, est close par un jugement qui déclare bien ou mal fondée la prétention du
créancier ou des créanciers demandeurs. Supposons que le tribunal estime cette prétention bien fondée ; il annulera l’acte
frauduleux attaqué par les créanciers. L’action paulienne est donc une action en nullité (ou en révocation, d’où le nom d’action
révocatoire) ; l’art. 957 le donne à entendre par le mot attaquer.
L’acte frauduleux attaqué par l’action paulienne étant annulé, le bien dont le débiteur s’était dépouillé par cet acte rentre
fictivement dans son patrimoine, in bonis débitons mansisse censetur; les créanciers reconquièrent ainsi le gage dont leur
débiteur avait voulu les spolier.
Mais la révocation résultant de l’ action paulienne est toute relative.
Elle n’a lieu qu’en faveur des créanciers du fraudator, non au profit de celui-ci; car sa fraude ne peut pas engendrer pour lui un
droit; il ne pourra donc en aucun cas se prévaloir de cette nullité vis-à-vis du tiers avec qui il a traité ; entre lui et ce tiers le
contrat subsiste. Ainsi un débiteur fait donation d’un immeuble à son neveu en fraude des droits de ses créanciers; ceux-ci font
annuler la donation par l’ action paulienne.
Le bien donné redevenant ainsi leur gage, ils le font vendre et se paient sur le prix; mais, le prix étant supérieur au montant de
leurs créances, il reste un excédent disponible ; à qui reviendra-t- il? Au donataire, et non au débiteur; car dans leurs rapports
respectifs le contrat est maintenu, et le donataire peut dire par conséquent : « C ’est mon bien qui a été vendu, et j ’ai droit à la
portion du prix que vos créanciers n ’ontpas absorbée ». Il n’est pas douteux non plus que le tiers qui a traité avec le débiteur
pourra, s’il est acquéreur à titre onéreux, exercer une action en garantie contre le débiteur.
CHAPITRE IV
DES DIVERSES ESPÈCES D’OBLIGATIONS

Le législateur va s’occuper ici des diverses modalités (du latin modus) ou manières d’être des obligations. Les principales sont
la condition, le terme, l’alternativité, la solidarité, la divisibilité ou l’indivisibilité et la clause pénale. Une de ces modalités fait
l’objet de chacune des six sections qui composent ce chapitre. L’obligation qui n’est affectée d’aucune modalité est dite pure et
simple.

SECTION I

DES OBLIGATIONS CONDITIONNELLES § I. De la condition en

général, et de ses diverses espèces.


Une obligation est conditionnelle lorsqu’elle dépend d’une condition. Cette modalité est ordinairement indiquée par l’emploi
de la conjonction si : s’il fait beau temps demain, si ma nièce se marie...
Il résulte de l’art. 958 que la condition est un événement futur et incertain. a. L’ événement doit être futur. Un événement
actuellement arrivé ne forme donc point une condition, alors même qu’il serait inconnu des parties au moment où elles
contractent : aut statim perimit aut omnino non differt obligationem, dit la loi romaine. Ainsi la récolte de mon vignoble est

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NOTES DE COURS DE DROIT DES OBLIGATIONS

terminée, et j’en ignore le résultat; je vous achète une certaine quantité de futailles sous cette condition si la récolte a produit
plus de 500 tonneaux. De deux choses l’une : ou bien la récolte a dépassé le chiffre fixé, et alors la vente existe
immédiatement; ou bien elle est restée au-dessous de ce chiffre, et la vente est non avenue. Et toutefois, tant que les parties
sont dans l’incertitude sur le point de savoir si l’événement prévu s’est ou non réalisé, elles sont mentalement dans la même
situation que si l’obligation était conditionnelle, et c’est sans doute en se préoccupant de cette circonstance toute de fait que
l’art. 958 a pu considérer comme conditionnelle l’ obligation subordonnée à un événement actuellement arrivé, mais encore
inconnu des parties; en droit il est certain qu’une semblable obligation n’est pas conditionnelle. Cette observation concilie dans
la mesure du possible les dispositions en apparence contradictoires de l’article 958.
b) L’ événement doit être incertain. L’ événement, qui serait futur sans être incertain, constituerait un terme, et non une
condition. Ainsi la prétendue condition si telle personne meurtrie peut être qu’un terme, car il n’y a aucune incertitude sur la
réalisation de l’événement prévu; la seule chose qui soit incertaine, c’est l’époque de sa réalisation; mais tout ce qui résulte de
là, c’est que
le terme est incertain, dies incertus.

1. Conditions suspensives, conditions résolutoires.

« L’obligation est conditionnelle lorsqu’on la fait dépendre d’un événement futur et incertain, soit en la suspendant jusqu’à ce
que l’événement arrive, soit en la résiliant, selon que l’événement arrivera ou n ’arrivera pas » (art. 958).
La condition suspensive est donc celle qui affecte l’existence même de l’obligation. Par exemple je vous loue votre maison de
Delmas moyennant 5,000$ par an, si, comme je l’espère, je suis nommé d’ici à un mois dans cette ville à telle fonction
publique.
La condition résolutoire ou résolutive est celle qui affecte, non l’existence de l’obligation, mais sa résolution. Par exemple : «
Je vous donne une somme de 100,000$, mais la donation sera résolue si vous mourez avant moi » ; c’est le cas du retour
conventionnel, qui n’est qu’une condition résolutoire d’une nature particulière. L’obligation contractée sous condition
résolutoire existe immédiatement, et produit de suite ses effets; seulement, si la condition prévue se réalise, l’obligation sera
résolue, c’est-à-dire que tout sera remis au même état que si l’obligation n’avait jamais existé.

2. Conditions affirmatives ou positives et conditions négatives.


Qu’elle soit suspensive ou résolutoire, la condition est affirmative ou négative, suivant que son accomplissement consiste dans
la réalisation ou dans la non-réalisation de l’événement qui la constitue.
Ainsi la condition si j’ai des enfants est affirmative; au contraire la condition si je n’ai pas d’ enfants est négative.

3. Conditions casuelles, potestatives et mixtes.


a) « La condition casuelle est celle qui dépend du hasard, et qui n’est nullement au pouvoir du créancier ni du débiteur » (art.
959).
Telle serait la condition si vous mourez avant moi.
La condition, dont la réalisation dépend de la volonté d’un tiers, est casuelle, par exemple la condition si Paul se marie.
b) « La condition potestative est celle qui fait dépendre l’exécution de la convention, d’un événement qu’il est au pouvoir de
l’une ou de l’autre des parties contractantes défaire arriver ou d’empêcher » (art. 960).
Une obligation peut être valablement contractée sous une condition potestative de la part du créancier ou de la part du débiteur
(arg. des mots de l’une ou de l’autre des parties). De la part du créancier.
Exemple : je vous promets mille francs si vous abattez tel arbre ou tel mur qui me bouche la vue. De la part du débiteur; si par
exemple je suis convenu avec vous de vous vendre ma maison moyennant 60,000$ si je vais habiter une autre localité.
Avec la condition potestative il ne faut pas confondre la condition purement potestative, qui n’est pas autre chose que la

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condition si voluero, si je veux. Une obligation peut bien être contractée valablement sous une condition purement potestative
de la part du créancier ; ainsi je puis m’obligera vous vendre ma maison moyennant 100,000$, s’il vous plaît de l’acheter pour
ce prix : c’est la promesse unilatérale de vente ; de même je puis vous vendre telle barrique de vin moyennant 300$, si vous
trouvez le vin de votre goût : c’est la vente ad gustum.
Mais une obligation ne pourrait pas être valablement contractée sous une condition purement potestative de la part de celui qui
s’oblige, parce que ce n’est pas s’obliger que de s’obliger si l’on veut. Nullapromissiopotest consistere, quce ex
voluntatepromittentis staium capit. C’est ce que dit, ou plutôt ce qu’a voulu dire l’art. 964 ainsi conçu : « Toute obligation est
nulle, lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s ’oblige ».
Il n’est guère douteux que ce texte soit relatif à la condition purement potestative; s’il entendait parler de la condition
potestative, il serait en contradiction avec l’art. 960. Le mot purement potestative figurait dans la rédaction primitive, et il
paraît n’avoir été remplacé par le mot potestative que pour rendre l’article applicable, non seulement à la condition si voluero,
qui pouvait paraître exclusivement visée par les mots purement potestative, mais à toute autre équivalente, par exemple la
condition si je lève le bras.

c) « La condition mixte est celle qui dépend tout à la fois de la volonté » d’une des parties contractantes, et de la volonté d’un
tiers » (art. 961).
Telle serait la condition si vous épousez ma nièce.
Notre article ne déclare mixte que la condition qui dépend de la volonté d’une des parties et de la volonté d’un tiers. Celle qui
dépendrait de la volonté d’une des parties et du hasard devrait être considérée comme casuelle : telle serait la condition si je
m’établis à Port-au-Prince.

4. Conditions possibles et impossibles, licites et illicites.

Nous connaissons déjà cette distinction qui forme la base de la disposition de l’art. 900. Nous avons aussi étudié par
anticipation la disposition de l’art. 962 : « Toute condition d’une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs, ou
prohibée par la loi, est nulle et rend nulle la convention qui en dépend ». Ce n’est qu’une application de cette règle de raison,
qu’un acte juridique ne peut produire aucun effet lorsqu’il est subordonné à une condition irréalisable; or tel est le caractère des
conditions dont parle l’art. 962 : les conditions impossibles ne peuvent aucunement se réaliser, et les conditions illicites
(conditions contraires aux bonnes mœurs ou prohibées par la loi) ne peuvent pas se réaliser utilement ; elles sont juridiquement
irréalisables. Nous avons vu que la loi déroge à cette règle en matière de donations (art. 900), sans qu’il soit bien facile de
donner une explication satisfaisante de cette dérogation.
L’art. 963 ajoute : « La condition de ne pas faire une chose impossible ne rend pas nulle l’obligation contractée sous cette
condition ». C’était tellement évident qu’on aurait pu sans inconvénient se dispenser de le dire.

N° 2. Règles générales relatives à l’accomplissement des conditions.

L’art. 965 tranche cette controverse célèbre en trois mots : « Toute condition doit être accomplie de la manière que les parties
ont vraisemblablement voulu et entendu qu’elle le fût ».

Les art. 966 et 967 exposent en termes très clairs quand la condition est accomplie et quand elle est censée défaillie.
Aux termes de l’ art. 966 : « Lorsqu’une obligation est contractée sous la condition qu’un événement arrivera dans un temps
fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l ’événement soit arrivé. S’il n’y a point de temps
fixe, la condition peut toujours être accomplie; et elle n’est censée défaillie que lorsqu’il est devenu certain que l’événement

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n’arrivera pas ».
Ainsi j’ai contracté envers vous une obligation sous cette condition si vous vous mariez dans deux ans. La condition sera
censée défaillie, si les deux ans expirent sans que vous ayez contracté mariage. Au contraire la condition si vous vous mariez,
sans indication de délai, pourrait utilement être remplie à une époque quelconque; elle ne sera donc censée défaillie qu’à votre
mort.
L’art. 967 ajoute : « Lorsqu’une obligation est contractée sous la condition qu’un événement n’arrivera pas dans un temps
fixe, cette condition est accomplie lorsque ce temps est expiré sans que l’événement soit arrivé : elle l’est également, si avant
le terme il est certain que l’événement n’arrivera pas ; et s’il n’y a pas de temps déterminé, elle n’est accomplie que lorsqu’il
est certain que l’événement n’arrivera pas ».
J’ai contracté envers vous une obligation sous cette condition si ma fille ne se marie pas dans un délai de deux ans. La
condition sera défaillie si ma fille se marie avant l’expiration du délai, accomplie si les deux ans expirent sans qu’elle ait
contracté mariage ou si elle meurt avant cette époque. La condition si ma fille ne se marie pas, sans indication de délai, ne
pourra être accomplie qu’à la mort de ma fille ; car jusqu’à cette époque il est possible qu’elle se marie.

« La condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché
l’accomplissement » (art. 968).
Décision sévère, mais juste. En rendant la réalisation de la condition impossible, le débiteur a causé un préjudice au créancier.
A titre de dommages et intérêts la loi alloue au créancier l’avantage qu’il aurait obtenu si la condition s’était accomplie, c’est-
à-dire qu’elle lui permet d’ exiger l’ exécution de l’ obligation.

N° 3. Effet de la condition accomplie.


« La condition accomplie a un effet rétroactif au jour auquel l’engagement a été contracté. Si le créancier est mort avant
l’accomplissement de la condition, ses droits passent à son héritier ». Ainsi s’exprime l’article 969.

Les conventions doivent produire leur effet à partir du moment où les parties consentent, in stipulationibus id tempus spectatur
quo contrahimus.
Cela est conforme à la volonté probable des contractants non moins qu’aux principes du Droit. De là l’ effet rétroactif attaché à
la condition. Par suite de cet effet rétroactif les parties seront liées du jour du contrat si la condition se réalise, et elles ne
l’auront jamais été si elle vient à défaillir.
L’art. 969 est conçu dans les termes les plus généraux. La rétroactivité qu’il édicté s’applique donc, quelle que soit la nature de
la condition, aussi bien par conséquent lorsqu’elle est résolutoire que lorsqu’elle est suspensive, et aussi quelle que soit la
nature du droit qu’elle affecte, non seulement donc lorsque c’est un droit personnel, mais aussi lorsque c’est un droit de
propriété ou tout autre droit réel.

Le principe de la rétroactivité de la condition engendre, entre autres conséquences, les suivantes : 1° Lorsqu’une obligation de
donner un corps certain a été contractée sous condition suspensive, le créancier, la condition une fois accomplie, sera considéré
comme étant devenu propriétaire le jour même du contrat.
D’où il résulte que tous les droits réels, consentis par l’aliénateur dans l’intervalle écoulé entre le contrat et la réalisation de la
condition, seront non avenus comme émanant a non domino. Ainsi je vous vends ma maison sous une condition suspensive ;
six ans plus tard la condition se réalise ; vous serez considéré comme étant devenu propriétaire de la maison dès le jour même
du contrat, et par suite les aliénations et les constitutions de droits réels que j’ aurais faites depuis la vente seront non avenues ;
car en droit j’ai cessé d’être propriétaire à dater de la vente, et le propriétaire seul peut aliéner une chose et la grever de droits
réels. Il y aurait lieu de maintenir au contraire les aliénations et les constitutions de droits réels par vous consenties depuis la
vente ; car, par suite de l’effet rétroactif de la condition, vous êtes propriétaire à dater de cette époque.

Le tout sauf les questions de transcription, d’inscription et de prescription.

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2° Celui qui a aliéné un bien sous condition suspensive est tenu, si la condition se réalise, de livrer à l’acquéreur, non
seulement la chose, mais aussi les fruits qu’il en a retirés pendente conditione ou leur équivalent, à moins qu’il n’apparaisse
une intention contraire des parties, intention qui pourrait être manifestée tacitement aussi bien qu’expressément.

Il faut appliquer les mêmes principes mutatis mutandis à la condition résolutoire.

Situation du créancier conditionnel avant la réalisation de la condition.

Pothier dit que jusqu’à la réalisation de la condition il n’est encore rien dû, mais qu’il y a seulement espérance qu’il sera dû.
pendente conditione, nondum debetur, sedspesest debitum iri. Ce que Pothier et la loi romaine appellent une simple espérance,
le Code civil l’appelle un droit (art. 969 in fine et 970), et ce langage est plus correct. Le droit conditionnel est un droit
imparfait sans doute, un droit en herbe, comme dit Ricard; mais enfin c’est un droit, un droit éventuel; il figure dès maintenant
dans le patrimoine du créancier. La loi tire deux conséquences de notre principe.
1° Si le créancier meurt avant l’accomplissement de la condition, il transmet son droit à ses héritiers (art. 969 in fine). La
condition pourra donc se réaliser utilement à leur profit.
Nous savons qu’il en est autrement en matière de legs; la condition ne peut se réaliser utilement que pendant la vie du
légataire. La raison en est que, les dispositions testamentaires étant personnelles comme l’affection qui les dicte, le droit au
legs ne peut s’ouvrir que dans la personne du légataire.
2° « Le créancier peut, avant que la condition soit accomplie, exercer tous les actes conservatoires de son droit » (art. 970).
Ainsi le créancier conditionnel pourra faire inscrire pendente conditione l’hypothèque qui garantit sa créance. Mais il ne peut,
avant la réalisation de la condition, accomplir aucun acte d’ exécution, pas même une saisie-arrêt; car il ne lui est encore rien
dû, et il est incertain s’ il lui sera jamais dû quelque chose.

§ II. De la condition suspensive.


Le législateur débute ici par un article très défectueux dont la disposition nous est déjà connue. « L’obligation contractée sous
une condition suspensive est celle qui dépend ou d’un événement futur et incertain, ou d’un événement actuellement arrivé,
mais encore inconnu des parties. Dans le premier cas, l’obligation ne peut être exécutée qu’après l’événement. Dans le second
cas, l’obligation a son effet du jour où elle a été contractée » (art. 971).

Nous savons que la loi dit trop en nous présentant ici comme conditionnelle l’obligation qui dépend « d’un événement
actuellement arrivé, mais encore inconnu des parties ». D’ un autre côté elle ne dit pas assez, quand elle dispose que
l’obligation ne peut être exécutée qu’après la réalisation de la condition. Il aurait fallu dire que jusque-là l’obligation n’existe
pas encore; du moins elle n’existe qu’en germe. Et de là résultent quatre conséquences :
1° Le débiteur sous condition suspensive ne peut pas être poursuivi en exécution de son obligation, tant que la condition n’est
pas accomplie ; car il ne doit rien encore, pendente conditione nondum debetur.

2° Si le débiteur a payé pendente conditione, il aura la condictio indebiti; car il a payé ce qu’il ne devait pas (arg., art. 975 et
976).

3° La prescription ne court pas à l’égard d’une créance conditionnelle jusqu’à la réalisation de la condition (art. 2025 al. 2).

4° Les risques de la chose due sous condition suspensive sont pendente conditione à la charge du débiteur. C’est ce qui résulte
de l’art. 972 ainsi conçu : « Lorsque l’obligation a été contractée sous une condition suspensive, la chose qui fait la matière de
la convention demeure aux risques du débiteur qui ne s’est obligé de la livrer que dans le cas de l’événement de la condition.
Si la chose est entièrement périe sans la faute du débiteur, l’obligation est éteinte. Si la chose s’est détériorée sans la faute du
débiteur, le créancier a le choix ou de résoudre l’obligation, ou d’exiger la chose dans l’état où elle se trouve, sans diminution
du prix. Si la chose s’est détériorée par la faute du débiteur, le créancier a le droit ou de résoudre l’obligation, ou d’exiger la

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chose dans l’état où elle se trouve, avec des dommages et intérêts ».

§ III. De la condition résolutoire.

N° 4. Généralités.

Aux termes de l’art. 973 : « La condition résolutoire est celle qui, lorsqu’elle s ’accomplit, opère la révocation de l’obligation,
et qui remet les choses au même état que si l’obligation n’avait pas existé. Elle ne suspend point l’exécution de l’obligation;
elle oblige seulement le créancier à restituer ce qu’il a reçu, dans le cas où l’événement prévu par la condition arrive ». Les
jurisconsultes romains disaient de l’obligation sous condition résolutoire : pura obligatio quoe sub conditione resolvitur. Et en
effet l’obligation sous condition résolutoire existe dès maintenant ; le créancier peut en exiger l’exécution de suite ; il devient
immédiatement propriétaire, s’il s’agit d’une obligation de donner ayant pour objet un corps certain. Mais, si la condition se
réalise, l’obligation sera résolue, c’est-à-dire rétroactivement anéantie ; toutes choses seront alors remises dans le même état
que si l’obligation n’avait jamais existé ; par conséquent, si l’obligation n’est pas exécutée, le créancier ne pourra pas en exiger
l’exécution, et, si elle a été exécutée, il devra restituer ce qu’il a reçu. Au cas où les deux parties se seraient fait des prestations
réciproques en exécution de la convention aujourd’hui résolue, chacune devra restituer ce qu’elle a reçu.
Ainsi je vous vends ma maison moyennant 50,000$ payables comptant; mais je me réserve par une clause formelle du contrat
le droit de rentrer dans la propriété de mon bien en vous remboursant le prix dans un délai de cinq ans. C’est la vente à réméré,
qui n’est qu’une vente sous condition résolutoire. Vous devenez de suite propriétaire de la maison, et moi créancier du prix ;
vous pouvez donc exiger la délivrance immédiate de la maison, et moi le paiement du prix. Mais le contrat, et par suite les
obligations qui en résultent, sont subordonnés à une condition résolutoire, qui est ici potestative de ma part, le remboursement
du prix dans le délai convenu.
Si j’effectue ce remboursement, la condition résolutoire étant accomplie, la vente sera résolue, c’est-à-dire qu’elle sera censée
n’avoir jamais existé ; par suite vous serez considéré comme n’ayant jamais été propriétaire de la maison, et moi comme
n’ayant jamais cessé de l’être ; vous devrez donc me la restituer. Si vous l’avez aliénée, je pourrai la revendiquer contre
l’acquéreur auquel vous l’auriez livrée ; car, votre droit de propriété étant résolu, l’aliénation que vous avez consentie tombe
en vertu de la règle Resoluto jure dantis resolviturjus accipientis, de même que tous les autres droits réels, tels que servitude,
usufruit, dont vous auriez pu la grever. Redevenu propriétaire avec effet rétroactif, je puis reprendre mon bien, partout où je le
trouve, franc et quitte de toutes charges établies de votre chef ; car j’ai toujours été propriétaire, et vous ne l’avez jamais été.

N° 2. Du pacte commissoire.
On appelle pacte commissoire (lex commissoria) la clause, par laquelle les parties conviennent que le contrat sera résolu si
l’une ou l’autre d’entre elles ne satisfait pas à son engagement. Ainsi je vous prête une somme de 20,000$ pour dix années
avec intérêts à 5 % l’an, et je conviens avec vous que, si vous ne payez pas régulièrement les intérêts, le contrat sera résolu et
que je pourrai exiger immédiatement le remboursement du capital. Le pacte commissoire n’est donc qu’une condition
résolutoire d’une nature particulière.
En Droit romain, le pacte commissoire ne pouvait être qu’exprès, c’est-à-dire qu’il exigeait nécessairement une déclaration
expresse de volonté. Notre Droit actuel admet en outre le pacte commissoire tacite, qui a été emprunté à notre ancien Droit
coutumier. Nous aurons donc à nous occuper successivement du pacte commissoire exprès et du pacte commissoire tacite;
nous commencerons par ce dernier.

I. Du pacte commissoire tacite.


Le pacte commissoire tacite est réglementé par l’art. 974 ainsi conçu : « La condition résolutoire est toujours sous-entendue
dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le
contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer

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l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts. La
résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances ».

Ainsi la loi, interprétant la volonté des parties qui font un contrat synallagmatique, suppose qu’elles sont tacitement convenues
que, si l’une d’entre elles n’exécute pas son engagement, l’ autre aura le droit de demander la résolution du contrat ; et elle
déclare en conséquence que cette clause sera de plein droit sous-entendue dans le contrat. Tel est le pacte commissoire tacite. Il
est fondé sur une considération d’équité : dans les contrats synallagmatiques, l’obligation de chaque partie sert de cause à
l’obligation de l’autre ; cela posé, il a paru équitable que, si l’une des parties refuse de tenir son engagement, l’autre pût
demander la résolution du contrat, soit pour se dispenser d’exécuter elle-même l’engagement dont elle est tenue, soit, si elle l’a
déjà exécuté, pour obtenir la restitution de ce qu’elle a payé.
Ainsi je vous ai vendu ma maison moyennant 100,000$ ; quand vous viendrez me demander d’exécuter le contrat, c’est-à-dire
de vous livrer la maison, je pourrai m’y refuser, si vous n’êtes pas prêt à payer immédiatement le prix; et si, vous ayant fait la
tradition, je ne puis pas obtenir de vous le paiement du prix, je serai fondé à demander la résolution du contrat pour reprendre
la maison. La loi suppose que tout cela est sous-entendu dans la convention ; et en effet, c’est justice.
Nous allons indiquer maintenant les principaux traits caractéristiques de la résolution, à laquelle peut donner lieu le pacte
commissoire tacite : ils constituent autant de différences avec la condition résolutoire expresse.
1° La résolution, qui a sa source dans le pacte commissoire tacite, ne s’opère pas de plein droit, parce qu’autrement elle serait
imposée à la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté; or c’est seulement une faveur que la loi entend lui
accorder et dont elle est libre de ne pas user : elle peut, si elle le préfère (son intérêt le demandera souvent), exiger par les voies
de droit l’ exécution de l’ obligation. La partie, envers laquelle l’ engagement n’ a pas été exécuté, a donc une option à
exercer : ce qui exclut la possibilité d’une résolution s’opérant de plein droit. La solution contraire aurait conduit d’ailleurs à ce
résultat inouï : que l’une des parties aurait pu par sa seule volonté résoudre le contrat en refusant de l’exécuter. Voyez toutefois
une exception à cette règle dans l’art. 1657.
2° La résolution doit être demandée à la justice; il ne suffirait donc pas que la partie, envers laquelle l’engagement n’a pas été
exécuté, manifestât à l’autre par acte extra-judiciaire sa volonté de résoudre le contrat.
Quel est l’office du juge saisi de la demande en résolution?
La loi en fait à un certain point de vue un ministre d’équité : ce qui est tout naturel, puisque c’est une considération d’équité
qui a fait admettre la résolution sur laquelle il est appelé à statuer. Notre article l’autorise à accorder au défendeur un délai
suivant les circonstances, expressions qui lui confèrent un pouvoir d’appréciation souverain relativement à la concession du
délai. Mais là se borne la latitude qui lui est accordée. Si le débiteur laisse passer le délai de grâce, qui lui a été concédé, sans
exécuter son engagement, le juge, saisi par une nouvelle demande, doit nécessairement prononcer la résolution (arg., art. 1440
in fine). Il le doit, alors même que l’engagement aurait été exécuté en partie; car, d’après l’art. 974 al. 1, il y a lieu à la
résolution qui nous occupe lorsque l’une des parties ne satisfait point à son engagement, et ce n’est pas y satisfaire que de
l’exécuter partiellement.
3° La partie, qui demande la résolution en vertu de l’art. 974, a le droit de réclamer en outre des dommages et intérêts. En effet
la résolution peut tout au plus replacer le demandeur dans la situation où il se trouverait s’il n’avait pas contracté; or cela ne
suffit pas; il a le droit en outre d’ être indemnisé du préjudice que lui cause l’ inexécution du contrat, puisqu’ il subit ce
préjudice par la faute de l’autre partie. Il obtiendra cette indemnité sous forme de dommages et intérêts.

Différences entre la condition résolutoire expresse et la condition résolutoire tacite.


L’indication succincte de ces différences fournira le meilleur résumé que nous puissions présenter des explications que nous
avons données jusqu’ici sur cette matière.

PREMIÈRE DIFFÉRENCE.
La résolution résultant de la condition résolutoire expresse s’opère de plein droit, dès que la condition est réalisée ; au contraire

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NOTES DE COURS DE DROIT DES OBLIGATIONS

la résolution résultant du pacte commissoire tacite ne peut résulter que d’une décision judiciaire qui la prononce; le juge,
auquel elle est demandée, peut d’ailleurs accorder un délai de grâce au défendeur pour exécuter son engagement.
DEUXIÈME DIFFÉRENCE.
La résolution fondée sur le pacte commissoire tacite est subordonnée à la volonté de la partie envers laquelle l’engagement n’ a
pas été exécuté; seule elle peut la demander; libre à elle, si elle le préfère, d’ y renoncer et d’ exiger l’ exécution du contrat.
Rien de pareil n’ a lieu dans la condition résolutoire expresse; son accomplissement dépend de la réalisation de l’événement
qui a été prévu par les parties contractantes ; aussitôt que cet événement est réalisé, le contrat est résolu de plein droit, et tout
intéressé peut se prévaloir de la résolution.
TROISIÈME DIFFÉRENCE.
La résolution résultant d’une condition résolutoire expresse ne peut jamais donner lieu à des dommages et intérêts au profit de
celle des parties à qui elle préjudicie, car elle est une loi du contrat; elle ne peut être imputée à faute à aucune des deux parties,
puisqu’ elle se produit en vertu de leur volonté commune. Au contraire la résolution, qui a sa source dans l’art. 974, peut être
accompagnée d’une condamnation à des dommages et intérêts qui en forme l’appoint.

II. Du pacte commissoire exprès.


Le pacte commissoire exprès est celui qui résulte d’une stipulation expresse des parties. Son utilité apparaît dans les contrats
unilatéraux ; car le pacte commissoire tacite n’y est pas sous- entendu. Elle peut apparaître aussi dans un contrat
synallagmatique, si les parties veulent modifier les effets du pacte commissoire tacite tel qu ’il est établi par l’art. 974.

SECTION II
DES OBLIGATIONS A TERME
Le terme, dies, est, dit Pothier, un espace de temps accordé au débiteur pour s’acquitter de son obligation. Tant que le terme
n’est pas expiré, le débiteur ne peut être contraint de payer. Le créancier ne peut même exercer aucun acte de rigueur contre
lui, si ce n’est le lendemain de l’ échéance du terme; car le jour de l’ échéance appartient tout entier au débiteur, Mus is dies
arbitrio solveniis tribui debet. Tant que la dernière minute de la dernière heure du dernier jour du terme n’est pas expirée, le
débiteur est dans le délai ; il n’est pas encore en retard, et par conséquent le créancier ne peut pas agir contre lui.
Le terme est certain ou incertain, suivant que l’époque à laquelle il doit arriver est connue ou inconnue. Ainsi le terme est
certain, si j’ai dit : « Je paierai dans deux ans » ; incertain, si j’ai dit : Je paierai à la mort de Paul ».
L’événement, qui serait incertain non seulement quant à l’époque de a réalisation mais quant à sa réalisation elle-même,
constituerait une condition, et non un terme. Ainsi je promets de vous payer une certaine somme, quand je me marierai ; c’ est
un engagement conditionnel, bien que la formule paraisse annoncer un engagement à terme.

Différences entre le terme et la condition.

« Le terme diffère de la condition, en ce qu’il ne suspend point l’engagement, dont il retarde seulement l’exécution » (art. 975).
La condition affecte donc l’existence même de l’obligation, tandis que le terme affecte seulement son exécution. L’obligation
sous condition suspensive n’existe pas tant que la condition n’est pas réalisée, pendente conditione nondum debetur; au
contraire l’ obligation à terme existe immédiatement, l’ exécution seule est différée, staiim quidem debetur, sed peti priusquam
dies venerit non potest. Par où l’on voit que l’axiome Qui a terme ne doit rien exprime une contre-vérité, si on le prend à la
lettre; il faut l’entendre en ce sens que celui qui a terme ne peut pas être forcé de payer avant l’ échéance du terme, mais il est
immédiatement débiteur.
Telle est la différence fondamentale entre la condition et le terme ; elle en engendre deux autres : 1° Les risques de la chose
due à terme (en supposant que ce soit un corps certain) sont à la charge du créancier. Au contraire les risques de la chose due
sous condition sont pour le compte du débiteur.
2° Ce qui a été payé par erreur avant la réalisation de la condition peut être répété ; en effet les règles du droit commun

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NOTES DE COURS DE DROIT DES OBLIGATIONS

accordent l’action en répétition (condictio indebiti) à toute personne qui fait par erreur un paiement indu ; or telle est la
situation de celui qui a payé ce qu’il ne devait pas encore, car pendente conditione nondum debetur; il pourra donc répéter (de
repetere, redemander). Au contraire le débiteur, qui paie avant l’ échéance du terme, n’ est pas admis à la répétition ; car il n’a
pas fait un paiement indu, il a payé ce qu’il devait, le terme n’empêchant pas l’obligation d’exister immédiatement. « Ce qui
n’est dû qu’à terme dit l’art. 976, ne peut être exigé avant l’échéance du terme; mais ce qui a été payé d’avance, ne peut être
répété ».

Diverses espèces de termes.

On en distingue deux : le terme de droit et le terme de grâce.


a) Le terme de droit est ainsi nommé, parce qu’il constitue pour celui auquel il appartient un droit, et non une
faveur individuelle. Il peut être légal ou conventionnel. Légal, lorsqu’il résulte d’une disposition législative.
b) Le terme de grâce est ainsi nommé, parce qu’il constitue pour le débiteur une faveur individuelle qui aurait pu
lui être refusée; c’est celui que le juge est autorisé dans certains cas à accorder au débiteur.
Nous en avons trouvé un exemple dans l’art. 974 al. 3. Nous en retrouverons d’autres dans les art. 1030, 1440 et 1668.
Les dispositions qui suivent ne sont en général applicables qu’au terme conventionnel.

En faveur de qui le terme est établi.


On lit à ce sujet dans l’art. 976 : « Le terme est toujours présumé stipulé en faveur du débiteur, à moins qu’il ne résulte de la
stipulation ou des circonstances, qu’il a été aussi convenu en faveur du créancier ».
Le plus souvent le terme est stipulé en faveur du débiteur ; et, comme la loi présume volontiers ce qui a lieu ordinairement,
presumptio sumitur ex eo quod plerumque fit, notre article dispose que le terme est toujours présumé stipulé en faveur du
débiteur.
Exceptionnellement le terme est quelquefois stipulé en faveur du créancier. Quand la convention le dit, il n’y a pas de doute.
Mais cela peut résulter aussi de la nature du contrat ou des circonstances. De la nature du contrat, par exemple s’il s’agit d’un
dépôt. Le dépositaire n’ayant aucun intérêt à conserver pendant un certain temps la chose déposée, puisqu’il n’a pas le droit de
s’en servir (art. 1697) et qu’il ne reçoit aucun salaire (art. 1684), il est clair que le terme, qui a été fixé pour la restitution du
dépôt, n’a pu être stipulé qu’en faveur du déposant, du créancier par conséquent.
Des circonstances : ainsi j’achète au mois de juin un chien couchant livrable le jour de l’ouverture de la chasse; il est clair que
le terme fixé pour la livraison a été stipulé dans mon intérêt; j’ai voulu jusqu’au jour de l’ouverture m’exonérer des frais de la
nourriture et des ennuis de la garde d’ un animal dont je ne puis pas encore me servir.
Quelquefois enfin le terme est stipulé pour l’avantage du créancier et du débiteur tout à la fois. Il en est ainsi dans le prêt à
intérêt; car, si d’une part le débiteur est intéressé à pouvoir conserver la jouissance du capital prêté jusqu’à l’expiration du
terme fixé, le créancier peut avoir intérêt de son côté à ne pas être remboursé avant l’échéance, parce qu’il ne trouverait peut-
être pas de ses fonds un placement aussi profitable.
De même, en matière commerciale, le terme, fixé pour le paiement d’ une lettre de change ou d’ un billet à ordre, est toujours
présumé stipulé en faveur du débiteur et du créancier tout à la fois ; en effet, si les commerçants ont intérêt à ne pouvoir être
forcés de payer leurs dettes avant l’échéance, ils ont intérêt aussi à ne pas être forcés de recevoir ce qui leur est dû avant le
terme fixé. Un commerçant règle ordinairement l’emploi de ses fonds d’après les échéances, et un paiement anticipé peut lui
être préjudiciable, en ce sens qu’il lui fait supporter pendant un certain temps les risques d’un capital dont il ne peut faire
aucun emploi.
Lorsque le terme a été stipulé en faveur du débiteur seul, ce qui a lieu ordinairement et ce que la loi présume dans le doute, le
débiteur peut renoncer au bénéfice du terme et forcer le créancier à recevoir avant l’échéance. Si le terme a été stipulé au profit
du créancier seul, il peut y renoncer et forcer le débiteur à payer avant l’échéance ; ainsi le déposant peut exiger la restitution
du dépôt avant l’expiration du délai fixé. Enfin, si le terme a été stipulé en faveur des deux parties, chacun peut en revendiquer

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NOTES DE COURS DE DROIT DES OBLIGATIONS

le bénéfice, et par conséquent leur consentement mutuel est nécessaire pour que le paiement puisse être fait valablement avant
l’échéance du terme.
Déchéance du terme. « Le débiteur ne peut plus réclamer le bénéfice du terme lorsqu’il a fait faillite, ou lorsque par son fait il
a diminué les sûretés qu’il avait données par le contrat à son créancier » (art. 977).

Le débiteur est donc déchu du bénéfice du terme dans deux cas :


1° Lorsqu’il a fait faillite. La faillite est l’état d’un commerçant qui cesse ses paiements (Co., art. 437). Pourquoi la faillite du
débiteur lui fait-elle perdre le bénéfice du terme? Pothier va nous le dire : « Le terme que le créancier accorde au débiteur est
censé avoir pour fondement la confiance en sa solvabilité; lors donc que ce fondement vient à manquer, l’effet du terme cesse
». Il y en a une autre raison, et peut-être plus puissante : l’exigibilité des dettes non échues du failli a paru indispensable pour
faciliter la liquidation générale que la faillite rend nécessaire.
2° « Lorsque par son fait il a diminué les sûretés qu’il avait données par le contrat à son créancier ». Il ne s’agit pas du cas où
le débiteur d’une créance à terme compromet par son fait le droit de gage général qui appartient à son créancier sur tous ses
biens en vertu de l’art. 1860, mais du cas où ce débiteur, ayant donné par le contrat des sûretés particulières à son créancier, les
diminue par sa faute ou par son fait. Ainsi le débiteur avait donné par le contrat à son créancier une hypothèque sur sa maison
ou sur son domaine, et voilà qu’il démolit la maison ou fait abattre une futaie qui doublait la valeur du domaine : il perdra le
bénéfice du terme ; car il ne lui avait été accordé qu’en considération des sûretés fournies, et par conséquent sous cette
condition implicite qu’il ne les diminuerait pas.
La jurisprudence et les auteurs admettent que le fait par le débiteur de ne pas fournir les sûretés qu’il a promises par le contrat
doit être assimilé à la diminution des sûretés promises, et entraîne par suite la déchéance établie par l’art. 977.

SECTION III
DES OBLIGATIONS ALTERNATIVES
L’obligation alternative est celle qui comprend deux choses, ou mieux deux prestations, sous une alternative, de sorte que le
débiteur n’est tenu d’effectuer que l’une des deux. « Le débiteur d’une obligation alternative est libéré par la délivrance de
l’une des deux choses qui étaient comprises dans l’obligation », dit l’art. 978. Alterius solutio totam obligationem interimit.
Par exemple, je constitue à ma fille par son contrat de mariage une dot payable au bout de cinq ans et consistant en une somme
de 200,000$ ou en terres d’égale valeur; je ne devrai payer que l’une des deux choses.
A l’obligation alternative on oppose l’obligation conjonctive, qui comprend diverses prestations dues cumulativement, et non
disjonctivement : comme si un testateur a légué à une même personne sa maison et une somme de 20,000$; l’héritier sera tenu
d’une double prestation, il devra délivrer au légataire la maison et en outre lui payer les 20,000$. La particule disjonctive ou est
caractéristique de l’obligation alternative, la conjonctive ET de l’obligation conjonctive.
D’ ailleurs l’ obligation alternative peut comprendre plus de deux prestations ; cette complication n’amènerait aucun
changement dans les règles à appliquer. « Les mêmes principes », dit l’art. 984, « s ’appliquent au cas où il y a plus de deux
choses comprises dans l’obligation alternative ». Aux termes de l’art. 978 : « Le choix appartient au débiteur, s’il n’a pas été
expressément accordé au créancier ». Ce n’est qu’une conséquence du principe : dans le doute, la loi prononce en faveur du
débiteur.
L’art. 979 ajoute : « Le débiteur peut se libérer en délivrant l’une des deux choses promises; mais Une peut pas forcer le
créancier à recevoir une partie de l’une et une partie de l’autre ». Ainsi je vous ai promis 20 hectares de terre ou 20,000$; je
ne pourrai pas vous forcer à accepter 10hectares de terre et 10,000$ : ce serait dénaturer l’obligation, en vertu de laquelle je
suis tenu de l’une des deux prestations, et non de chacune pour partie.
« L’obligation est pure et simple, quoique contractée d’une manière alternative, si l’une des deux choses promises ne pouvait
être le sujet [lisez l’OBJET] de l’obligation » (art. 980). Ainsi vous m’avez promis sous une alternative deux choses dont l’une
m’appartient (c’est l’un des exemples proposés par Pothier); l’obligation est pure et simple, c’est-à-dire qu’elle a

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NOTES DE COURS DE DROIT DES OBLIGATIONS

exclusivement pour objet la chose qui ne m’appartient pas; car celle qui m’appartient ne peut pas faire l’ objet d’une obligation
contractée envers moi de m’en transférer la propriété, quum res sua nemini deberi possit.

Des risques dans l’obligation alternative.


Ainsi que nous l’avons annoncé, nous nous bornons à transcrire les textes qui régissent cette matière en les donnant pour ce
qu’ils valent, c’est-à-dire pour peu de chose.
Art. 981. « L ’obligation alternative devient pure et simple, si l’une des choses promises périt et ne peut plus être livrée, même
par la faute du débiteur. Le prix de cette chose ne peut pas être offert à sa place. Si toutes deux sont péries, et que le débiteur
soit en faute à l ’égard de l ’une d’elles, il doit payer le prix de celle qui a péri la dernière ».
Art. 982. « Lorsque, dans les cas prévus par l’article précédent, le choix avait été déféré par la convention au créancier, Ou l
’une des choses seulement est périe; et alors, si c ’est sans la faute du débiteur, le créancier doit avoir celle qui reste; si le
débiteur est en faute, le créancier peut demander la chose qui reste, ou le prix de celle qui est périe ; Ou les deux choses sont
péries; et alors, si le débiteur est en faute à l’égard des deux, ou même à l’égard de l’une d’elles seulement, le créancier peut
demander le prix de l’une ou de l’autre à son choix ».
Art. 983. « Si les deux choses sont péries sans la faute du débiteur, et avant qu’il soit en demeure, l’obligation est éteinte,
conformément à l’article 1502 ».

Différences entre l’obligation alternative et l’obligation facultative.


Une obligation est dite facultative, lorsqu’elle ne comprend qu’une seule prestation, mais avec faculté pour le débiteur de se
libérer en accomplissant une autre prestation. Ainsi un testateur a dit : « Je lègue à Paul dix hectares de terre à prendre dans
mon domaine de N. ; cependant je laisse à mon héritier la faculté de se libérer vis-à-vis du légataire en lui payant à la place une
somme de 10,000$ ».
L’héritier n’est tenu que d’une seule prestation, une seule chose est due par lui, et le légataire ne peut réclamer que celle-là, les
dix hectares de terre ; mais l’ héritier a la faculté de se libérer en payant une autre chose, aliudpro alio, une somme de 10,000$.
On voit la différence qui existe entre l’ obligation alternative et l’ obligation facultative. Dans l’ obligation alternative, il y a
deux choses également dues, sous une alternative il est vrai, duo sunt in obligalione; chacune est due sous la condition qu’elle
sera choisie. Dans l’obligation facultative au contraire, une seule chose est due, una est in obligalione; l’autre peut être payée à
la place, mais elle n’est pas due, elle est seulement in FACULTATE solutionis : d’ où le nom d’ obligation facultative, que
Delvincourt a le premier donné à cette obligation et qui lui est resté.

SECTION IV
DES OBLIGATIONS SOLIDAIRES

Le plus souvent, au moment où une obligation se forme, on ne trouve qu’un seul sujet actif (un seul créancier) et un seul sujet
passif (un seul débiteur). Mais accidentellement il peut arriver qu’une même obligation prenne naissance au profit de plusieurs
créanciers ou à la charge de plusieurs débiteurs. Aussi l’art. 897 définit-il le contrat : « ... une convention par laquelle une ou
plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres... » On dit alors que l’ obligation est conjointe, parce qu’elle
existe à la charge de plusieurs conjointement ou au profit de plusieurs conjointement.

En principe l’ obligation conjointe se divise entre les divers créanciers ou entre les divers débiteurs (arg., art. 1004).
Entre les divers créanciers. Ainsi j’ai promis 20,000$ à Pierre et à Paul conjointement ; la créance se divise entre eux, et elle se
divise par portions viriles, c’est-à-dire égales, à moins que la convention n’en ait opéré la répartition d’une manière différente.

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Pierre sera donc créancier de 10,000$ et Paul de pareille somme; chacun ne pourra me poursuivre que pour 10,000 $, et, si je
payais le tout à un seul, je paierais mal en ce qui concerne la part revenant à l’autre, et je pourrais être , obligé de la payer de
nouveau en vertu de la règle Qui paie mal paie deux fois.
Entre les divers débiteurs. Ainsi Pierre et Paul ont promis conjointement de me payer 20,000$ ; la dette se divise entre eux et
par portions viriles, sauf convention contraire; chacun ne doit que 10,000$, et je ne puis demander que cette somme soit à l’un
soit à l’autre; si l’un des deux est insolvable, l’ autre ne répondra pas pour lui, hoc coeteros non onerat.
Ces règles reçoivent exception au cas de solidarité. La solidarité est un lien d’une nature particulière, existant soit entre les
divers créanciers soit entre les divers débiteurs d’une même obligation. Quand il existe entre créanciers, il porte le nom de
solidarité active; on l’appelle au contraire solidarité passive, quand il existe entre débiteurs. Le principal effet de ce lien est
d’empêcher la division de la créance ou de la dette entre les divers créanciers dans leurs rapports avec le débiteur, ou entre les
divers débiteurs dans leurs rapports avec le créancier.
Au cas de solidarité active, chacun des sujets actifs de l’ obligation est créancier pour le tout, et peut par conséquent recevoir et
même demander le paiement intégral, solidum. De même, au cas de solidarité passive, chacun des sujets passifs de l’obligation
est débiteur pour le tout, et peut être contraint de payer le total, solidum. D’où les dénominations de solidarité, obligation
solidaire. Ainsi, en reprenant nos exemples de tout à l’heure, si je dois 20,000$ à Pierre et à Paul et que le lien de la solidarité
existe entre eux, je pourrai être obligé de payer le tout soit à l’un soit à l’autre, mais je serai libéré quand j’aurai payé à l’un ou
à l’autre ; car, s’il y a plusieurs créanciers pour le tout, il n’y a qu’une seule créance, ou plutôt l’objet du droit des divers
créanciers est le même, una res vertitur. De même, si Pierre et Paul me doivent solidairement 20,000$, je pourrai demander le
paiement intégral soit à l’un soit à l’autre, de sorte que l’insolvabilité de l’un retombera sur l’autre.

Mais, une fois que j’aurai été payé par l’un des deux, la dette sera éteinte; car, s’il y a plusieurs débiteurs, il n’y a qu’une seule
dette, ou plutôt la dette des divers débiteurs a le même objet, una res vertitur, et, si je me faisais payer deux fois, il y aurait
double emploi.
De la langue du Droit le mot solidarité a passé dans la langue du monde. On dit par exemple qu’il y a solidarité d’honneur
entre tous les membres d’une même famille : ce qui signifie qu’au point de vue de l’honneur ils répondent tous les uns pour les
autres. On dit de même que toutes les pièces d’un système sont solidaires, en ce sens que l’absence d’une seule empêche tout le
système de fonctionner.

§ I. De la solidarité entre les créanciers.


« L’obligation est solidaire entre plusieurs créanciers lorsque le titre donne expressément à chacun d’eux le droit de
demander le paiement du total de la créance, et que le paiement fait à l’un d’eux libère le débiteur, encore que le bénéfice de
l’obligation soit partageable et divisible entre les divers créanciers » (art. 985). Ce texte, dont la disposition nous est déjà
connue en partie par les explications qui précèdent, contient une définition de la solidarité entre créanciers. En outre, il nous
apprend que cette solidarité ne peut résulter que du titre qui donne naissance à la créance, convention ou testament; jamais la
loi ne l’ établit de plein droit, à la différence de la solidarité entre débiteurs.
Les mots qui terminent l’article nous donnent à entendre qu’en règle générale celui des créanciers, qui reçoit le paiement
intégral de la créance, n’a pas le droit de garder le tout pour lui : il doit le partager avec ses cocréanciers. Dans quelles
proportions? Il y a lieu de s’en référer sur ce point à la convention ; si elle est muette, le partage doit s’opérer par portions
viriles, c’est-à- dire égales.
A quel créancier le débiteur doit-il payer? L’art. 986 al. 1 répond : « Il est au choix du débiteur de payer à l’un ou à l’autre des
créanciers solidaires, tant qu’il n’a pas été prévenu par les poursuites de l’un d’eux ». Donc, à partir du moment où le débiteur
a été prévenu par les poursuites de l’un des créanciers, il ne peut plus valablement payer aux autres. On l’a vainement
contesté ; le texte est formel.
La solidarité active suppose entre les divers créanciers unis par ce lien une société, ou tout au moins une communauté
d’intérêts. Comme associé chaque créancier peut et doit agir dans l’ intérêt commun ; il a donc mandat de faire tout ce qui est

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avantageux à ses cocréanciers, mais non ce qui pourrait leur être préjudiciable.
Nous disons d’abord qu’il peut faire tout ce qui est susceptible d’améliorer la situation commune. L’art. 986 al.3 contient une
application de ce principe : « Tout acte qui interrompt la prescription à l’égard de l’un des créanciers solidaires, profite aux
autres créanciers ». De même, il faut décider que la demande d’intérêts, formée par l’un des créanciers solidaires, fait courir
les intérêts au profit des autres.
En second lieu, les actes préjudiciables aux intérêts communs, qui seraient accomplis par l’un des créanciers, demeureraient
sans effet par rapport aux autres, parce qu’ils sont en dehors du mandat que les intéressés se sont réciproquement donné. C’ est
à ce principe que se rattachent les dispositions des art. 986 al. 2 et 1151 al. 2.
Le premier de ces textes porte : « Néanmoins la remise qui n’est faite que par l’un des créanciers solidaires, ne libère le
débiteur que pour la part de ce créancier ». Ainsi Pierre et Paul sont créanciers solidaires d’une somme de 10,000$ ; Pierre fait
remise de la dette au débiteur, c’est-à- dire qu’il le libère de l’obligation de la payer. Cette remise n’éteindra la créance que
pour la part qui appartient à Pierre, soit pour la moitié; Paul conservera donc le droit de réclamer le paiement de l’autre moitié.
Et voici maintenant la disposition de l’art. 1151 al. 2, qui est conçu tout à fait dans le même ordre d’ idées ; nous nous bornons
pour le moment à la reproduire, sauf à la développer plus tard : « Néanmoins le serment déféré par l’un des créanciers
solidaires au débiteur ne libère celui -ci que pour la part de ce créancier ».
Le principe est général, et il comporte d’autres applications.

§ II. De la solidarité de la part des débiteurs.

Je prête 20,000$ à Pierre et à Paul pour trois ans; nous convenons qu’à l’échéance je pourrai demander le tout soit à l’un soit à
l’autre comme s’il était seul débiteur, et que le paiement fait par l’un libérera l’autre. Pierre et Paul sont débiteurs solidaires.
On voit de suite l’avantage que la solidarité (nos anciens disaient la solidité) procure au créancier : les débiteurs solidaires
répondent les uns pour les autres, ils sont cautions les uns des autres, de sorte qu’il suffira que l’un d’eux soit solvable pour
que le créancier ait la certitude d’être payé.
L’exemple qui précède va nous aider à saisir la définition qui se trouve dans l’art. 1200. « Il y a solidarité de la part des
débiteurs, lorsqu’ils sont obligés à une même chose, de manière que chacun puisse être contraint pour la totalité, et que le
paiement fait par un seul libère les autres envers le créancier ». L’obligation solidaire est unique quant à la prestation qui en
forme l’objet, una res vertitur, mais multiple quant aux liens de droit qu’elle engendre ; car il y a plusieurs débiteurs et par
suite plusieurs engagements.

On conçoit facilement que ces divers engagements puissent se distinguer les uns des autres par certaines nuances, certaines
variantes.
C’est en effet ce que dit l’art. 988 : « L ’obligationpeut être solidaire quoique l’un des débiteurs soit obligé différemment de
l’autre au paiement de la même chose; par exemple, si l’un n’est obligé que condition nettement, tandis que l’engagement de
l’autre est pur et simple, ou si l’un a pris un terme qui n’est point accordé à l’autre » .

N° 4. D’où peut résulter la solidarité passive.


« La solidarité ne se présume point ; il faut qu’elle soit expressément stipulée. Cette règle ne cesse que dans les cas où la
solidarité a lieu de plein droit, en vertu d’une disposition de la loi » (art. 989).

La solidarité est une dérogation au droit commun, d’après lequel l’obligation contractée par plusieurs conjointement se divise
entre les débiteurs, et cette dérogation constitue une aggravation pour les débiteurs. Double motif pour ne pas la présumer. Il
faut, dit notre article, qu’elle soit expressément stipulée : ce qui toutefois ne veut pas dire que le mot solidarité doive
nécessairement être employé, car il n’ y a pas dans notre Droit de termes sacramentels.
D’ailleurs la solidarité peut résulter, non seulement d’une convention, mais aussi d’une disposition testamentaire ; le mot
stipulé est souvent employé par la loi lato sensu. Ainsi un testateur pourrait dire ; « Je lègue 20,000$ à Pierre; mes trois

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héritiers seront tenus solidairement du paiement de ce legs ». Le testateur pourrait mettre le legs tout entier à la charge d’un
seul de ses héritiers ; à plus forte raison peut-il déclarer qu’ils en seront tous tenus solidairement : ce qui est moins onéreux,
puisque celui qui sera forcé de le payer aura un recours contre les autres pour leur part.
Il résulte de l’ alinéa 2 de notre article que dans certains cas la solidarité est établie de plein droit par la loi. Les cas de
solidarité légale sont nombreux.

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