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Le contrat

Bibliographie à titre indicatif.

- Jean Carbonnier, Droit civil, t. 4, Thémis.


- Rémy Cabrillac, Droit des obligations, Dalloz.
- Jacques Flou et Jean-Luc Aubert, Droit civil, Les obligations, l’Acte juridique, t. 1,
Armand Colin.
- Jacques Ghestin, Traité de droit civil, les effets des contrats, LGDJ.
- Jacques Ghestin, Traité de droit civil, la formation du contrat, LGDJ.
- Christian Larroumet, Les obligations, Le contrat, t. 3, Economica.
- Philippe Malaurie, Laurent Aynès, Cours de droit civil, Les obligations, Cujas.
- François Terré, Philippe Simler, Yves Lequette, Droit civil, Les obligations, Dalloz.
2

Introduction générale

La vie des hommes en société donne lieu à divers liens juridiques. On peut citer le lien de
parenté, le lien de filiation, les obligations. Le contrat objet de notre étude est l’une des
sources des obligations. Pour cerner la notion de contrat, il serait donc opportun de se
référer d’abord à la notion d’obligation.

Section 1. Les obligations.

Il faudra définir la notion d’obligation, en préciser les sources avant d’exposer les grands
traits du droit des obligations.

§1. La notion d’obligation

L’obligation ou droit personnel se définit comme le lien de droit par lequel une ou plusieurs
personnes (le ou les créanciers) peuvent exiger d’une ou d’autres personnes (le ou les
débiteurs), l’exécution d’une prestation de faire, de ne pas faire ou de donner.

Le lien d’obligation met donc en présence un ou plusieurs débiteurs face à un ou plusieurs


créanciers. La phase passive de l’obligation est la dette et son aspect actif est représenté par
la créance. Il importe de préciser que le lien d’obligation a un caractère contraignant ou
obligatoire. Pour mettre l’accent sur ce caractère obligatoire, on parle d’obligation civile
que l’on oppose à une obligation naturelle. En effet, l’obligation naturelle n’est pas
susceptible d’une exécution forcée. Mais si le débiteur de l’obligation naturelle l’exécute
volontairement et en connaissance de cause, il est censé exécuté une obligation reconnue
par le droit positif, et celui qui a payé ne peut exiger remboursement (exemple, le fait de
payer une dette prescrite). Ainsi, l’obligation naturelle est définie comme celle dont
l’exécution forcée ne peut être exigée en justice mais dont l’exécution volontaire ne donne
pas lieu à répétition en tant qu’elle est l’accomplissement d’un devoir moral.

C’est à l’obligation naturelle qui pourrait se transformer en une obligation civile que fait
allusion l’article 1100 al. 2 de l’ordonnance de 2016 lorsqu’il dispose que les obligations
« peuvent naître de l’exécution volontaire ou de la promesse d’exécution d’un devoir de
conscience envers autrui ».

Parce qu’elle est un lien de droit entre deux personnes, l’obligation se distingue d’un droit
réel qui donne à une personne un pouvoir direct sur une chose (jus in re), comme le droit de
propriété.

L’obligation peut être de donner, de faire ou de ne pas faire.


3

Par l’obligation de donner, le débiteur s’engage à transférer au créancier un droit réel sur
une chose lui appartenant. Tel est le cas du vendeur qui s’engage à transférer la propriété du
bien à l’acquéreur dans un contrat de vente. Cette catégorie d’obligation est aussi envisagée
dans l’ordonnance de 2016 à l’article 1196 qui dispose que « Dans les contrats ayant pour
objet l’aliénation de la propriété ou la cession d’un autre droit, le transfert s’opère lors de
la conclusion du contrat ».

Le transfert de la propriété dès l’échange des consentements a fait douter par une partie
de la doctrine de l’existence d’une obligation de donner.

Par l’obligation de faire, le débiteur est obligé d’accomplir une prestation. Exemple de
l’architecte qui s’engage à élaborer le plan de construction d’une maison ou du salarié qui
s’engage à travailler pour le compte de son employeur ou l’auteur d’un dommage qui doit
réparer le dommage causé à la victime.

Par l’obligation de ne pas faire, le débiteur est tenu de s’abstenir. Par exemple l’obligation
de ne pas faire concurrence à un ancien employeur, l’obligation de ne pas divulguer un
secret.

§ 2. Les sources des obligations

La Déclaration des droits de l’Homme de 1789 affirme que « les hommes naissent libres et
égaux en droit s ». Dans ce contexte, il apparaissait légitime que l’homme ne pût être lié que
par sa promesse (sa volonté) et par sa faute. Malgré tous les débats philosophiques et
juridiques autour de cette idée, il faut observer que le droit positif est encore empreint de
cette conception. Deux articles du code civil l’attestent. Aux termes de l’article 1134 al. 1 er du
code civil, « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont
faites ». Ce texte rappelle le respect de la parole donnée. L’autre texte non moins important
est l’article 1382 du même code. Il dispose « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à
autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». L’idée de
faute est apparente dans ce texte. Cependant, il faut souligner qu’aujourd’hui, des
obligations peuvent aussi naître en dehors de toute faute. Ainsi, les sources des obligations
s’articulent autour de deux idées fondamentales à savoir, les actes juridiques et les faits
juridiques.

A. Les actes juridiques et les faits juridiques

Les actes juridiques sont des manifestations de volonté accomplies en vue de produire des
effets de droit. De cette définition, il ressort d’abord que les actes juridiques sont des actes
volontaires, c’est-à-dire résultant de la volonté de leurs auteurs. Ces actes ont selon les
prévisions de leurs auteurs, une finalité, celle de produire un effet de droit. Non seulement
l’acte est recherché, mais aussi ces effets sont voulus.
4

L’article 1100-1 de l’ord. de 2016 reprend la même définition en disposant que « Les
actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit.
Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux ».

Parfois, les effets juridiques recherchés, pour être effectifs, exigent le concours de deux ou
plusieurs volontés. Il en résulte dans ces cas que la manifestation d’une seule volonté est
insuffisante pour atteindre ce résultat. Ce sont des actes juridiques « conventionnels ». Tel
est le cas du contrat qui est un accord de volontés destiné à créer des obligations.

Il est défini par l’article 1101 du code civil comme une « convention par laquelle une ou
plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas
faire quelque chose ».

Il importe de préciser que l’ordonnance de 2016 donne une autre définition du contrat. Aux
termes de l’article 1101 résultant de ladite ordonnance, « Le contrat est un accord de
volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou
éteindre des obligations ».

Avant cette définition, on retenait que le contrat est une convention qui crée des
obligations. Il n’avait pas pour effet de modifier ou d’éteindre des obligations. Avec la
nouvelle définition, le contrat et la convention sont devenus strictement des synonymes.
Ce qui est d’ailleurs conforme à ce qui se fait dans la pratique.

Dans d’autres circonstances, une seule volonté peut suffire à produire des effets de droits.
On parle dans ces cas d’actes juridiques unilatéraux. Tel est le cas du testament qui est
l’acte juridique par lequel une personne dispose de ses biens pour la période qui suivra son
décès. On peut citer aussi la reconnaissance d’un enfant naturel ou encore la résiliation
unilatérale d’un contrat. Le doyen Carbonnier observe à juste titre qu’ « il est plus naturel à
l’homme de vouloir tout seul que de vouloir à deux, et le droit ne pouvait pas ne pas
attacher de conséquences à un acte aussi familier de la vie que celui qui consiste à prendre
une décision »1.

Les faits juridiques sont des événements quelconques auxquels une règle de droit attache
des effets juridiques qui n’ont pas été spécialement et directement voulues par les
intéressés. L’article 1100-2 reprend la même définition ; « Les faits juridiques sont des
agissements ou des événements auxquels la loi attache des effets de droit ».

Il résulte de cette définition que les faits juridiques peuvent être volontaires ou
involontaires. Mais, à la différence des actes juridiques, les effets qui s’y attachent n’ont
pas été voulus, en tant que tels, par leurs auteurs. Il en est ainsi de l’auteur d’un fait
volontaire qui cause un dommage à autrui. C’est la loi qui impose la réparation.

B. Les obligations nées des contrats et celles qui se forment sans convention
1
Carbonnier, les Obligations, n° 10.
5

Les titres III et IV du code civil semblent opposer les obligations nées d’un contrat et celles
qui se forment sans convention. Il est vrai que parmi les actes juridiques, le contrat occupe
une place particulière car il joue un rôle social de premier plan. Il permet la création et la
circulation des richesses notamment. En opposant les obligations nées du contrat et celles
qui se forment sans convention, l’accent est mis sur l’importance du contrat. Il faut
néanmoins souligner que cette deuxième catégorie (les engagements qui se forment sans
convention) est moins précise et constitue un fourre-tout. En effet, l’article 1370 al. 2 du
code civil distingue deux catégories d’engagement qui se forment sans convention à savoir
les engagements qui naissent de la seule autorité de la loi et des engagements qui naissent
d’un fait personnel à celui qui se trouve obligé. Cette dernière catégorie se subdivise à son
tour en engagement résultant d’un quasi-contrat 2, engagement résultant d’un délit3 et en
engagement résultant d’un quasi-délit.

En résumé, le code civil semble distinguer cinq sources des obligations, le contrat, le quasi-
contrat, le délit, le quasi-délit et la loi.

Cette présentation n’a pas été remise en cause par la nouvelle ordonnance. En effet, l’od.
De 2016 après avoir disposé que les obligations naissent des actes juridiques, des faits
juridiques et de l’autorité de la loi (art. 1100) précise que les actes juridiques sont
soumis aux règles qui gouvernent le contrat (art. 1100-1), les faits juridiques sont régis
par les règles de la responsabilité extracontractuelle (délictuelle et quasi
délictuelle ; article 1240 à 1245-17) et affirme que les autres sources d’obligations
sont les quasi contrats (article 1300).

§ 3. Le droit des obligations

Le droit des obligations est la matière essentielle du droit parce qu’il constitue une théorie
générale au cœur des préoccupations humaines.

Le droit des obligations constitue une théorie générale car il est le droit commun par
oppositions aux statuts spéciaux. Par exemple, le droit des obligations comporte la théorie
générale des contrats, par rapports aux règles particulières à certains contrats. Cette théorie
générale des contrats a vocation à s’appliquer d’abord à tout contrat, même si d’autres
règles spécifiques à certains contrats pourront aussi recevoir applications dans ces cas
particuliers. Ainsi, qu’il s’agisse du contrat de travail, de la vente, du mandat ou du bail, ils
sont soumis à la théorie générale des contrats.

2
Les quasi-contrats sont « les faits purement volontaires de l’homme, dont il résulte un engagement
quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproques des deux parties » (art. 1371 du code
civil. Exemple ? la gestion d’affaires ;
3
Faits illi cites intentionnels (délit) ou non (quasi délits) entraînant une obligation à la charge de leur auteur de
réparer le préjudice causé (articles 1382 et s. du code civil).
6

Le droit des obligations comporte aussi les règles applicables aux rapports juridiques nés en
dehors de tout contrat, par exemple, les dommages causés à autrui, par son fait personnel,
par les choses dont on a la garde etc.

Le droit des obligations transcende la distinction droit privé – droit public puisque les
contrats administratifs et la responsabilité administrative s’inspirent aussi du droit des
obligations.

Si le droit des obligations constitue la théorie générale, il n’en est pas moins concret. Chaque
individu passe chaque jour de nombreux contrats ou peut causer un dommage susceptible
d’engager sa responsabilité. Ainsi le droit des obligations ne peut rester insensible aux
progrès de la technique. Par exemple, la naissance du machinisme et de l’automobile à la fin
du XIXe siècle ont profondément marqué l’évolution du droit de la responsabilité.

Le droit des obligations est marqué par les grands mouvements sociologiques qui affectent
notre monde contemporain, notamment l’idéologie sociale substituant la protection du
faible ou du supposé plus faible à l’égalité théorique du code civil.

Le droit des obligations subit également l’internationalisation croissante de la société. Cet


aspect est déjà très effectif en Europe avec le rôle croissant des directives européennes sur
le droit du contrat et de la responsabilité en France. Ce mouvement d’internationalisation
est déjà amorcé aussi en Afrique comme l’atteste le projet d’Actes Uniforme relatif au droit
des contrats. On signalera aussi la Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations
contractuelles

Depuis 1980 une Commission présidée par Ole Lando a élaboré des Principes du droit
européen des contrats, destinés à constituer les prémices d’un futur code européens des
contrats ou des obligations.

Il faut souligner que l’essentiel du droit des obligations applicable au Togo résulte du code
civil français tel qu’il était appliqué au Togo au moment des indépendances. Cependant
notre étude prendra en compte toutes les évolutions postérieures intervenues en France. Ce
code civil a été élaboré en 1804 et a été marqué par la Révolution de 1789. La liberté fut
présentée comme le remède à tous les maux. C’est parce que l’on est libre qu’on pouvait se
lier, et qu’on était responsable de ses fautes et tenu d’en réparer les conséquences
dommageables. Longtemps, le régime des obligations retenu par les auteurs du code civil a
donné satisfaction. Mais il y a lieu de relever deux mouvements dans l’évolution du droit des
contrats. Du côté des obligations contractuelles, on observe que le débiteur est mieux traité
que par le passé ; spécialement lorsqu’il est consommateur, il lui arrive même de revenir sur
sa parole donnée. Au contraire du côté des obligations délictuelles ou quasi-délictuelles,
c’est de la victime que l’on se préoccupe de plus en plus.
7

Malgré l’important rôle créateur de la jurisprudence en la matière, les textes du code civil
qui datent pour la plupart de 1804 ont incontestablement vieilli. Un projet de rénovation du
droit des obligations sous l’égide de l’Association Capitant initié et conduit par le Professeur
CATALA a été remis aux pouvoir s publics en France en 2005.

Les projets de réforme du droit des obligations en France ont abouti à l’ordonnance du 10
février 2016. Il importe de préciser que cette ordonnance n’est pas applicable au Togo.
Cependant, il sera fait référence à ses dispositions afin de mettre en relief les évolutions ou
nuances qu’il y a eu par rapport au droit antérieur.

Section 2. Contrats et notions voisines.

Il résulte de l’article 1101 du code civil précité que le contrat est d’abord une convention
c’est-à-dire un acte juridique formé par l’accord de deux ou plusieurs volontés individuelles.
On enseignait que si tout contrat est une convention, toute convention n’est pas
nécessairement un contrat. Alors que le contrat vise nécessairement à faire naître une ou
plusieurs obligations, la convention est une notion plus large et comprend en outre les
accords de volonté ayant pour objet de modifier ou d’éteindre une obligation. Le contrat
est donc une espèce qui appartient au genre de la convention. Il faut ajouter que cette
distinction n’a plus guère d’intérêt ; dans la pratique et parfois dans le code civil, les deux
termes sont utilisés indifféremment. L’ordonnance de 2016 consacre légalement la
synonymie des deux expressions. Le nouvel article 1101 dispose en effet que « Le contrat
est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier,
transmettre ou éteindre des obligations ».

En revanche, il paraît important de distinguer clairement le contrat de l’acte juridique


unilatéral, de l’acte juridique collectif et de des conventions non obligatoires.

A. Contrat et acte juridique unilatéral.

Il faut le rappeler, l’acte juridique unilatéral est une manifestation de la volonté émanant
d’un individu qui entend créer certains effets de droits sans le secours d’aucune autre
volonté. De tous les exemples d’actes unilatéraux cités, on peut observer qu’aucun ne crée
d’obligation ; le testament produit un effet translatif, la reconnaissance d’enfant naturel un
effet déclaratif, et la renonciation un effet extinctif. Aussi s’est-on demandé si un individu
peut, par sa seule volonté, faire naître une obligation. En d’autres termes, la volonté
unilatérale est-elle source d’obligation ? La réponse est certainement négative si l’auteur de
cette manifestation de volonté entend ainsi créer une obligation à la charge d’autrui. A
l’évidence, personne ne peut se rendre créancier par le pouvoir de sa seule volonté. En
revanche, la question reste ouverte de savoir si un individu peut, par la seule opération de
sa volonté, se rendre débiteur envers autrui.
8

La philosophie individualiste et libérale qui imprégnait, à l’origine, le code civil paraît


orienter vers une réponse négative. Un individu ne peut être rendu créancier par la volonté
d’un autre. Les auteurs classiques, se fondant sur l’article 1101 du code civil enseignaient
qu’une obligation ne peut naître que d’un concours de volontés. Sous l’influence de la
doctrine allemande, un courant d’auteurs dont l’initiateur a été Saleilles a contesté cette
analyse à partir de la fin du XIXe siècle. Le fait que le code civil ignore l’engagement
unilatéral créateur d’obligation n’empêcherait pas de l’admettre.

La controverse s’est aujourd’hui apaisée. La grande majorité des auteurs admet qu’une
obligation puisse naître d’un acte unilatéral de volonté. Cette reconnaissance présente
plusieurs avantages ; d’abord elle permet d’expliquer bon nombre des situations juridiques ;
Par exemple, l’obligation de maintenir l’offre dans un délai raisonnable pour l’acceptation
ou encore l’engagement d’exécuter une obligation naturelle.

Cette obligation est rappelée par le nouvel article 1116 résultant de l’ord. de 2016 ;
l’offre « ne peut être rétractée avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut,
l’issue d’un délai raisonnable ».

Cette solution était déjà admise par la jurisprudence4.

B. Contrats et actes de volonté non obligatoire.


1. Les actes de courtoisie ou de complaisance

Il y a des accords de volontés qui n’obligent pas juridiquement parce que leurs auteurs
n’ont pas voulu établir entre eux un rapport juridique qui permette d’exiger l’exécution
d’une obligation5. Tel est le cas des promesses politiques, lesquelles n’obligent pas
civilement leurs auteurs envers leurs bénéficiaires. Tel est aussi celui des actes de courtoisie,
sorte d’accords au titre des « rapports mondains », qui n’obligent que suivant les règles de
la politesse. Par exemple, une invitation lancée et acceptée ne constitue pas un contrat 6.
Cependant parfois, la frontière entre le contrat et l’acte de complaisance est plus délicate à
tracer notamment en cas de prestation de services gratuits. Dans le cas de prestations
gratuites de travail au profit d’un voisin ou d’un ami ou dans celui des soins médicaux
gratuits, la solution est incertaine7. Si quelques décisions écartent la qualification
contractuelle8, la plupart analysent les relations d’aide bénévole en un contrat de service
gratuit9. S’agissant des accidents survenus alors qu’un sauveteur portait secours à une
personne en danger, la jurisprudence raisonne parfois en termes de responsabilité civile

4
Civ. 1re 28 mars 1995, RT D civ. 1995, 887, obs. J. MESTRE.
5
Paris, 26 septembre 1995, RTD civ. 1996, 143, obs. J. MESTRE.
6
D. MAYER, L’amitié, JCP 1994, I, n° 2663.
7
A. VIANDIER, La complaisance, JCP 1980, I, 2987 ;
8
Cass. 2e , 18 mars 1992, IV, 1525.
9
Civ. 1re 13 janvier 1998, D. 1998, 580, note Viala.
9

délictuelle10 ou de gestion d’affaires mais retient aussi dans de nombreuses décisions


l’existence d’une convention d’assistance11.

2. L’engagement d’honneur

Il arrive que des personnes s’engagent « sur l’honneur ». Cette pratique est désignée sous
l’expression gentlemen’s agreement. Il faut se demander si ces engagements sont
juridiquement pourvus de force contraignante12. Lorsque de tels engagements se situent
dans l’ordre des relations familiales, ils sont généralement privés de cette force et relèvent
seulement des rapports de courtoisie ou de complaisance 13. Dans les autres cas, il en va
autrement. Ainsi, la jurisprudence a jugé que lorsque le failli s’engage sur l’honneur, lors de
la conclusion du concordat ou ultérieurement à payer ses créanciers « en cas de retour à
meilleure fortune », son engagement était juridiquement obligatoire14.

3. L’acte juridique collectif

Un auteur a considéré que l’acte collectif suppose le concours de plusieurs volontés tendues
vers un même but lors de la naissance de l’acte. Tel est le cas de la décision prise par la
majorité d’une assemblée délibérante ou les actes constitutifs d’une personne morale. Cette
définition est reprise par l’avant-projet Catala selon lequel « l’acte juridique collectif est la
décision prise collégialement par les membres d’une collectivité ». Mais la majorité de la
doctrine enseigne qu’il ne s’agit là que d’une catégorie d’actes collectifs, les actes collectifs
unilatéraux. Seraient également des actes collectifs, les contrats collectifs dont les effets
vont s’appliquer à d’autres personnes que les parties contractantes. L’acte juridique collectif
a pu donc être défini comme l’acte juridique, de nature conventionnel ou unilatérale, dont
les effets de droit sont destinés à régir la situation juridique d’une collectivité abstraite
d’individus étrangers à la création de l’acte »15. L’exemple le plus topique d’acte collectif
peut alors être trouvé dans la convention collective de travail, conclue entre un ou plusieurs
employeurs d’une part et un ou plusieurs syndicats de salariés d’autre part, pour fixer les
règles applicables aux rapports de travail. Le trait marquant de ces contrats est qu’ils
dérogent à l’effet relatif des contrats. La jurisprudence a aussi considéré que le contrat
relatif au raccordement au câble d’un immeuble conclu avec certains locataires s’impose à
tous16.

Précisons que l’ordonnance de 2016 n’a pas consacré la notion d’acte juridique collectif.

Section 3. Fondements du contrat.

10
Cette question sera étudiée plus tard.
11
Civ. 1re 1er décembre 1969, D. 1970, 422.
12
Voir B. OPPETIT, L’engagement d’honneur, D. 1979, chr. 106.
13
Civ. 2e 27 nov. 1985, Bull. civ. II, p. 168, RTD civ. 1986, 749.
14
Req. 4 juill. 1904, S. 1905, 1, 37.
15
A-L. Pastré –Boyer, L’acte juridique collectif, PUAM 2006, pr éf. R. Cabrillac
16
Civ. 3e , 28 juin 2000, RTD civ. 2001, 160, note P. – Y. Gautier.
10

Le fondement d’une institution évoque la base c’est-à-dire ce sur quoi repose l’institution ou
encore sa justification. Le fondement du contrat est dans la dépendance des idées
philosophiques et économiques qui prévalent à une époque donnée. Alors qu’une politique
qui privilégie la liberté et la responsabilité offre un cadre propice à l’épanouissement du
contrat, une politique socialisante et une économie dirigée lui impose un cadre qui le prive
d’une part de ses vertus. Un fondement classique, l’autonomie de la volonté, a connu un
déclin à l’époque contemporaine et est concurrencé par d’autres fondements.

§ 1. La théorie de l’autonomie de la volonté

Cette théorie d’ordre philosophique dont il faut préciser le contenu, a débouché sur des
conséquences juridiques précises.

A. Le contenu

Les auteurs qui inspirent directement le code civil, comme Domas et Pothier, les rédacteurs
du code civil, et surtout ses interprètes du XIXe et du début du XXe siècle fondaient le
contrat sur la théorie de l’autonomie de la volonté. Le contrat repose sur la volonté de ceux
qui s’engagent. Cette théorie s’inspire de doctrines philosophiques et économiques variées.
La philosophie des lumières professe que chaque homme est fondamentalement libre. Dans
ces conditions, c’est la volonté individuelle qui peut être la source essentielle de toute
obligation. Poser que l’homme est obligé uniquement parce qu’il l’a voulu, et dans la mesure
où il l’a voulu, c’est encore respecter sa liberté. De là, deux propositions : un individu ne
saurait être assujetti à des obligations qu’il n’a pas voulues ; un individu doit respecter
toutes les obligations auxquelles il a librement consenti. Dans cette conception, le contrat
devient la source du droit par excellence.

Source de droit par excellence en ce qu’il respecte la liberté des individus, le contrat l’est
aussi en ce qu’il permet d’établir les rapports individuels les plus justes et socialement les
plus utiles. La loi du marché repose sur l’idée d’échange, et son meilleur instrument est le
contrat dont la conclusion et le contenu sont abandonnés à la libre négociation des
individus. Aussi Fouillée affirmait-il que « Qui dit contractuel, dit juste ». Ce libre jeu des
volontés individuelles assure l’équilibre économique et la prospérité générale.

B. Conséquences.

Plusieurs corollaires juridiques découlent de la théorie de l’autonomie de la volonté ;

- Le principe de la liberté contractuelle : les relations contractuelles entre individus


doivent être abandonnées à leur libre volonté et le législateur ne doit intervenir que
le moins possible. Cette liberté comporte trois aspects, la liberté de contracter ou de
ne pas contracter, la liberté de choisir son cocontractant et la liberté de déterminer
le contenu du contrat c’est-à-dire qu’on ne doit pas imposer à un contractant, une
clause qu’il ne souhaite pas.
11

Le principe de la liberté contractuelle est aujourd’hui affirmé à l’article 1102 de


l’ord. du 10 février 2016 : « Chacun est libre de contracter ou de ne pas
contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme
du contrat dans les limites fixées par la loi »

- Le principe du consensualisme : la volonté d’une personne suffit à l’engager. Le


contrat est valable du seul échange des consentements sans qu’aucune condition de
forme ne soit exigée.
- Le principe de la force obligatoire des contrats: un individu qui s’est librement
engagé ne peut se délier de cet engagement ; l’article 1134 traduit ce principe : « Les
conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
- Le principe de l’effet relatif des contrats : seul celui qui a manifesté sa volonté de
s’engager dans un contrat est lié par ce contrat : « Les conventions n’ont d’effet
qu’entre les parties contractantes » (article 1165 C. civ.).

§ 2. Le déclin de la théorie de l’autonomie de la volonté.

Quelles en sont les causes et les conséquences,

A. Les causes
1. Les critiques doctrinales

Plusieurs critiques ont été formulées contre la théorie de l’autonomie de la volonté.


D’abord, l’autonomie de la volonté n’est pas le fondement unique des textes du code civil.
En effet, en se référant à l’article 1134, on s’aperçoit déjà que le contrat ne tire pas sa force
uniquement de la volonté des parties car il est précisé que seules « les conventions
légalement formées » tiennent lieu de loi entre les parties. C’est dire que le contrat tire sa
force obligatoire non de lui-même mais d’une norme qui lui est extérieure. Le pouvoir
reconnu aux volontés individuelles n’est donc pas originaire, mais dérivé. Ensuite, si le
débiteur est tenu parce qu’il l’a voulu, comment expliquer qu’il continue à être lié si sa
volonté change ? N’est-ce-pas « la volonté actuelle, vivante » qui devrait l’emporter sur la
« volonté passée, morte » ?

Ensuite, l’autonomie de la volonté peut aboutir à des conséquences injustes. En effet,


l’autonomie de la volonté repose sur la liberté et l’égalité des individus. Or, il ne s’agit que
d’une égalité théorique qui contraste avec les inégalités de fait. Quelle est par exemple la
liberté d’un demandeur d’emploi affamé devant un employeur propriétaire des moyens de
production ? Ainsi, à la formule de Fouillée « Qui dit contractuel dit juste », répond celle de
Lacordaire « Entre le fort et la faible, c’est la liberté qui asservit, la loi qui affranchit ».

Il faut aussi ajouter qu’un individu clairvoyant peut s’engager sans mesurer toutes les
conséquences de cet engagement ou sans pouvoir prévoir de brusques bouleversements de
circonstances.
12

2. Le développement de l’ordre public.

Selon l’article 6 du code civil, « on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux
lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs ».

L’article 1102 al. 2 de l’ord. rappelle aujourd’hui encore la même règle : « La liberté
contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre public ».

La référence à l’ordre public et aux bonnes mœurs a été conçue pour permettre au juge de
sanctionner les contrats qui heurteraient les valeurs essentielles de la société. La notion
d’ordre public a connu un développement remarquable. Cette intervention accrue résulte du
constat que la liberté pouvait ne pas satisfaire, d’une part, la justice lorsque les contractants
étaient dans un rapport inégalitaire, d’autre part, l’utilité sociale. Ainsi, afin d’éviter que le
fort n’exploite le faible, le législateur réglemente de manière impérative le contenu de
certains contrats passés entre des parties qui sont dans une situation d’inégalité
structurelle : employeur et salarié par exemple. Parfois, afin de répondre à certaine vision de
l’intérêt général, le législateur tente de canaliser l’activité contractuelle dans le sens qui lui
paraît le plus utile à la collectivité. Par exemple, la fixation du prix des biens et services.

B. Conséquences

Les corollaires juridiques de l’autonomie de la volonté se sont assouplis et la doctrine a


recherché d’autres fondements au contrat. Cependant, le déclin de l’autonomie de la
volonté n’a pas entamé la vitalité du contrat.

1. L’assouplissement des corollaires juridiques de l’autonomie de la volonté.


 L’affaiblissement de la liberté contractuelle

La liberté contractuelle a d’abord été affaiblie par la standardisation de certain contrat, le


développement des contrat-type établis par des organismes professionnels, que les
partenaires reprennent souvent en se contentant de combler les blancs.

D’une manière plus drastique, la liberté contractuelle a été réduite par le législateur. Il est
des cas dans lesquels la conclusion du contrat a été imposée ; par exemple, tout conducteur
d’un véhicule terrestre à moteur doit souscrire un contrat d’assurance couvrant les
dommages susceptibles d’être causés aux tiers par ce véhicule. Dans d’autres hypothèses, le
contenu du contrat est largement imposé par le législateur. C’est le cas du bail commercial.
Parfois, c’est le cocontractant qui est imposé par le législateur. Tel est le cas du droit de
préemption existant entre les coïndivisaires en cas de cession par l’un d’entre eux de ses
droits sur le bien indivis (article 815-14 C. civ.). La liberté contractuelle peut aussi être
réduite par l’interdiction de certaines clauses ; tel est le cas de l’interdiction des clauses
abusives résultant de la loi du 10 janvier 1978 en France.

 Affaiblissement du consensualisme
13

Le consensualisme est menacé par la renaissance du formalisme. Parfois, est exigé la


rédaction d’un acte authentique pour la validité du contrat. Plus souvent, le législateur
impose la rédaction d’un écrit. Tel est le cas de l’hypothèque conventionnelle dans l’acte
Uniforme portant organisation des sûretés (articles 4 et 128).

 Affaiblissement de la force obligatoire des conventions

Le principe de la force obligatoire des contrats a été réduit par le législateur et même par
le juge. Le législateur peut permettre à une partie de rétracter le consentement qu’elle a
librement donné. L’article L. 121-25 C. consom. prévoit en matière de vente à domicile que
le client peut renoncer à son engagement d’achat dans les sept jours. L’article 1152 du code
civil permet au juge de réduire une clause pénale manifestement excessive ou de
l’augmenter lorsque le montant est dérisoire. Cette disposition a été reprise par l’article
1231-5 al. 2 de l’ord. « Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la
pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire ».

 Affaiblissement de l’effet relatif des contrats

L’effet relatif du contrat est également menacé. Depuis longtemps déjà, le contrat est
considéré comme un fait social, que les tiers doivent respecter ou même qu’ils peuvent
invoquer contre les parties. Par exemple, dès lors que les formalités de l’article 1690 du code
civil sont remplies, dans la cession de créance, le cédé peut valablement refuser de payer au
cédant17.

2. La recherche d’autres fondements

Le déclin de l’autonomie de la volonté a conduit la doctrine à rechercher d’autres


fondements au contrat. Ainsi, il a été fait de l’efficacité économique du contrat son
fondement ; on peut permettre aux contractants de ne pas exécuter leur contrat si
l’inexécution est plus efficace sur le plan économique.

D’autres auteurs ont fait de l’utilité sociale du contrat son fondement. Ainsi, selon Ghestin,
« la liberté contractuelle et même la règle morale du respect de la donnée, doivent se
concilier avec d’autres préoccupations : d’une part l’utilité sociale, le bien public qu’exprime
particulièrement la notion d’ordre public et celle de sécurité juridique, qui protège à la fois la
confiance, notion morale, et le crédit, besoin social et économique ; d’autre part, la justice et
son corollaire la loyauté, que traduisent les nombreuses références à la notion de bonne
foi ». En résumé, selon Ghestin, « Le contrat est obligatoire parce qu’il est utile »18. Il ne
s’agit pas de l’utilité particulière, mais de « l’utilité publique » résultant du fait que le contrat
« permet des opérations socialement utiles »19, les besoins concrets que le contrat permet de
satisfaire.
17
Com. 22 oct. 1991, D. 1993, 181, note J. GHESTIN.
18
J. GHESTIN, « L’utile et le juste dans les contrats », D. 1982, Chr. P. 1.
19
Idem.
14

Selon un autre courant, le solidarisme contractuel, le contrat n’est plus la rencontre


d’intérêts égoïstes mais une œuvre de coopération entre partenaire 20. Cette conception se
traduirait en particulier par un devoir de loyauté et de coopération des parties pour une
bonne exécution du contrat21. Ce courant ne fait pas non plus l’unanimité.

La théorie de la reliance, développée depuis quelques année dans les pays anglo-saxons
explique la force obligatoire du contrat en se plaçant non plus du côté de celui qui promet
mais celui à qui la promesse est faite. Un engagement serait obligatoire parce que quelqu’un
a légitimement cru qu’il serait tenu. Cette tendance traduit ce qui est convenu d’appeler la
théorie des attentes. « Ce qui fonde alors la force obligatoire, c’est l’attente du créancier qui
ne doit pas être déçue »22.

3. La vitalité du contrat

Le déclin de l’autonomie de la volonté n’a pas entraîné celui du contrat. Le contrat investit
même des secteurs qui lui étaient traditionnellement fermé : le droit de la famille par
exemple. La souplesse du contrat en fait un instrument privilégié pour le législateur
contemporain préférant à un droit imposé un droit concerté, comme en témoigne le rôle
croissant des conventions collectives de travail.

Section 4. Source du droit des obligations

Sur le plan interne, le droit des obligations a pour source essentiel la loi. Cette primauté du
législatif a été, limité d’une double manière en France.

En premier lieu, il n’est pas possible au législateur de porter atteintes à certains principes
ayant valeur constitutionnelle. Ce système a permis au conseil constitutionnel d’annuler des
dispositions législatives portant atteinte à la liberté d’association. Il a par contre décidé
qu’aucune norme de valeur constitutionnelle ne garantit le principe de la liberté
contractuelle. Il a cependant été jugé que « le législateur ne saurait porter à l’économie des
conventions et contrats légalement conclus une atteinte d’une gravité telle qu’elle
méconnaisse manifestement la liberté découlant de l’article 4 de la déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789 ».

D’après la constitution française (article 34), seules « les principes fondamentaux du régimes
des obligations civiles et commerciales relèvent de la loi ». Tout le reste résulte des
règlements. Les mêmes exigences résultent de l’article 84 de la constitution togolaise. Le

20
R. Demogue, Traité des obligations en général, t. 6, Paris, 1931, n° 3.
21
D. Mazeaud, « Loyauté, solidarisme, fraternité : la nouvelle devise contractuelle ? », Mélanges F. Térré
22
J. CARBONNIER, L’évolution contemporaine du droit des contrats, Journées R. SAVATIER, cité par H.
LECUYER, « Redéfinir la force obligatoire du contrat ? », Petites affiches, 6 mai 1998.
15

conseil constitutionnel a retenu comme principe fondamentaux, en la matière, l’autonomie


de la volonté, l’immutabilité des conventions, et la liberté contractuelle 23.

Les usages jouent aussi un rôle dans les sources du droit des obligations. Par exemple, la loi
renvoie aux usages pour compléter les contrats. Ainsi, aux termes de l’article 1135 du code
civil, « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes
les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ». Ces
dispositions ont été reprises à l’article 1194 de l’ord. « Les contrats obligent non seulement à
ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la
loi ».

La jurisprudence a joué aussi un rôle d’adaptation des textes aux besoins. C’est surtout dans
le domaine de la responsabilité délictuelle que le rôle de la jurisprudence a été déterminant.
A titre indicatif, l’article 1384 al. 1 er du code civil qui initialement avait été considéré comme
un simple chapeau annonçant les différents cas de responsabilité, est devenu d’une part le
droit commun de la responsabilité du fait des choses et d’autre part le fondement de la
responsabilité général du fait d’autrui.

Sur le plan international, on relèvera l’existence de conventions internationales édictant des


règles ayant pour objet certains types de contrats revêtant un caractère international ; tel
est le cas de la convention de Vienne du 11 avril 1980 règlementant la vente internationale
de marchandises.

On soulignera dans l’Union Européenne l’existence de directives destinées à être transposés


dans les droits nationaux dans le domaine des obligations.

Dans l’espace OHADA, il y a lieu de souligner l’existence d’un projet d’Acte Uniforme sur le
Droit des contrats. Ces différents éléments traduisent les volontés d’harmonisation du droit
des obligations qui d’ailleurs s’y prêtent davantage que d’autres branches du droit
notamment le droit de la famille.

On signalera aussi l’existences de l'Institut international pour l'unification du droit privé


(UNIDROIT) qui est une organisation intergouvernementale ayant son siège à Rome, dont
l'objet est l'étude des moyens et des méthodes destinées à la modernisation, à
l'harmonisation et à la coordination du droit privé et plus particulièrement du droit
commercial. Il s'est donné pour objet d'élaborer des instruments de droit uniforme, des
principes et des règles juridiques.

Section 5. Classification des contrats

Plusieurs classifications des contrats peuvent être faites. Nous retiendrons la classification
des contrats quant à leur formation et la classification quant à leurs effets.

23
Cons. Const. 27 nov. 1959, D. 1960, 555note L. HAMON.
16

§ 1. Classification des contrats quant à leur formation

Suivant leur formation, on distingue :

- Le contrat consensuel est celui qui se conclut par le seul accord de volontés, sans
qu’aucune condition de forme ne soit requise.

- Le contrat solennel est celui pour la validité duquel la loi exige que le consentement soit
donné en certaines formes notamment par la rédaction d’un écrit.

- Le contrat réel est celui qui, pour sa formation, exige non seulement l’accord des parties,
mais la remise d’une chose au débiteur. Exemple du prêt à usage.

Cette classification des contrats quant à leur mode de formation est reprise à l’article
1109 de l’ord. « Le contrat est consensuel lorsqu’il se forme par le seul échange des
consentements quel qu’en soit le mode d’expression.

Le contrat est solennel lorsque sa validité est subordonnée à des formes déterminées par la
loi. « Le contrat est réel lorsque sa formation est subordonnée à la remise d’une chose ».

Intérêt de la distinction

Un contrat solennel pour lequel la formalité exigée ne sera pas accomplie ou un contrat réel
dans lequel la chose objet du contrat ne sera pas remise est nul.

§ 2. Classification des contrats quant à leurs effets

Suivant l’effet des contrats, on distingue :

1) Les contrats synallagmatiques et contrats unilatéraux

Aux termes de l’article 1102 C. civ « le contrat est synallagmatique ou bilatéral lorsque les
contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres ». Ce qui caractérise le
contrat synallagmatique, c’est qu’il crée des obligations réciproques et interdépendantes
entre les parties. En d’autres termes dans ce type de contrat, chaque partie est à la fois
débiteur et créancier de l’autre. Exemple : dans la vente, le vendeur est débiteur de la
délivrance de la chose et créancier du prix. L’acheteur est débiteur du prix et créancier de la
délivrance de la chose.

Aux termes de l’article 1103 C. civ, le contrat unilatéral est celui dans lequel une ou
plusieurs personnes sont obligées envers une ou plusieurs personnes, sans que de la part de
ces dernières il y ait engagement. Ce qui caractérise ce genre de contrat est qu’il crée une
obligation à la charge d’une seule partie. Exemple du contrat de donation qui ne crée que
l’obligation de délivrance à la charge du donateur. Autres exemples : le prêt, le dépôt.
17

Il ne faut pas confondre acte juridique unilatéral et contrat unilatéral. L’acte juridique
unilatéral est l’œuvre d’une seule personne (volonté) alors que le contrat unilatéral est
toujours, comme tout contrat l’œuvre de deux ou plusieurs parties.

Ces dispositions ont été reprises par l’ord. de 2016 à l’article 1106 : « Le contrat est
synallagmatique lorsque les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les
autres.

Il est unilatéral lorsqu’une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs


autres sans qu’il y ait d’engagement réciproque de celles–ci ».

Intérêts de la distinction

Quant à la preuve : Les contrats synallagmatiques doivent être rédigés en autant d’originaux
qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct afin de permettre à chaque contractant de faire
la preuve de son droit.

Si le contrat est unilatéral, l’écrit qui le constate peut être rédigé en un seul exemplaire qui
sera remis au créancier car c’est lui seul qui a intérêt à détenir un écrit pour prouver son
droit.

Quant au fond : Dans les contrats synallagmatiques, les obligations qui sont à la charge de
chacune des parties se servent réciproquement de cause. L’obligation de l’une des parties
est la cause de l’engagement de l’autre. Aussi, aucune partie ne peut être contrainte
d’exécuter ses engagements lorsque l’autre n’exécute pas les siens.

2) Les contrats à titre onéreux et contrats de bienfaisance

Un contrat à titre onéreux est celui par lequel chacune des parties recherche un avantage
qui est la contrepartie de celui qu’elle procure à l’autre. Exemple du contrat d’assurance,
contrat de travail.

Un contrat à titre gratuit est celui dans lequel une partie procure à l’autre un avantage sans
rien recevoir en échange. Exemple de la donation.

Cette classification est reprise à l’article 1107 résultant de l’ord. « Le contrat est à titre
onéreux lorsque chacune des parties reçoit de l’autre un avantage en contrepartie de celui
qu’elle procure.

Il est à titre gratuit lorsque l’une des parties procure à l’autre un avantage sans attendre ni
recevoir de contrepartie ».

Intérêt de la distinction
18

En raison des dangers que représentent les contrats à titre gratuit pour le disposant et sa
famille, ces derniers sont soumis à des règles spéciales tant en ce qui concerne la capacité, le
pouvoir, les règles de fond et de forme.

3) Les contrats commutatifs et contrats aléatoires

Un contrat commutatif est un contrat à titre onéreux dans lequel, la contrepartie que
chaque partie contractant reçoit est d’ores et déjà certaine et déterminée ; les parties
connaissent dès la conclusion du contrat l’étendue des prestations qu’elles doivent et les
avantages qu’elles retirent.

Le contrat est aléatoire lorsque les avantages et les pertes qui en résulteront dépendent
d’un évènement incertain. Exemple un contrat de vente avec un prix déterminé est un
contrat commutatif. Si la vente est consentie moyennant une rente, les sommes à débourser
par l’acheteur dépendent de la durée de vie du vendeur ; dans ce cas la vente est un contrat
aléatoire.

L’article 1108 résultant de l’ord. reprend les mêmes dispositions « Le contrat est
commutatif lorsque chacune des parties s’engage à procurer à l’autre un avantage qui est
regardé comme l’équivalent de celui qu’elle reçoit.

Il est aléatoire lorsque les parties acceptent de faire dépendre les effets du contrat, quant
aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d’un événement incertain ».

Intérêt de la distinction

Il apparaît en matière de lésion. En effet, les contrats aléatoires ne peuvent être rescindés
pour lésion ; chacune des parties ayant accepté de prendre un risque, aucune d’elles ne
peut prétendre avoir été lésée quoi qu’il advienne, l’aléa chasse la lésion.

4) Les contrats à exécution instantanée et contrats successifs

Le contrat est à exécution instantanée lorsqu’il donne naissance à des obligations


susceptibles d’être exécutées en une seule fois. Exemple de la vente d’un objet, le mandat
portant sur une seule opération, l’échange.

Un contrat est dit successif lorsqu’il comporte l’exécution d’obligation s’échelonnant dans le
temps ; exemple du contrat de travail.

Parmi les contrats à exécution successive, il faut distinguer les contrats à durée déterminée
dont la durée d’exécution est limitée par l’existence d’un terme et les contrats à durée
indéterminée qui s’appliquent sans détermination de durée.

Le contrat à durée déterminée peut donner lieu à une prorogation du terme ou à un


renouvellement. La prorogation d’un contrat encore appelé « report » ou substitution de
19

terme consiste en son prolongement et permet de différer ou de supprimer le terme


extinctif prévu au contrat et, partant, de prolonger son existence.

La reconduction d’un contrat consiste en son renouvellement, c’est-à-dire à la substitution


du contrat échu, d’un nouvel accord. Il y a conclusion d’un second contrat. Il fait suivre un
contrat expirant, d’un contrat nouveau-né. Cet accord sera par conséquent soumis à la loi
applicable au jour du renouvellement et point à celle en vigueur au jour de la conclusion du
contrat initial. Il est donc inexact de dire que « Le présent contrat se poursuivra … par
tacite reconduction ».

Aux termes de l’article 1111-1 résultant de l’ordonnance de 2016, « Le contrat à


exécution instantanée est celui dont les obligations peuvent s’exécuter en une prestation
unique.

Le contrat à exécution successive est celui dont les obligations d’au moins une partie
s’exécutent en plusieurs prestations échelonnées dans le temps ».

Intérêt de la distinction

Traditionnellement, la résolution pour inexécution consiste dans la disparition rétroactive du


contrat et donc dans la restitution des prestations de chacune des parties. Dans les contrats
à exécution successive la nullité et la résolution ne peuvent opérer un effet rétroactif et se
réduisent à une résiliation opérant pour l’avenir. En effet, comment concrètement restituer
au salarié la prestation du travail qu’il a déjà exécuté ? Aussi, considère-t-on qu’il ne peut y
avoir de résolution du contrat à exécution successive, mais simplement résiliation, qui ne
produit ses effets que pour l’avenir.

L’intérêt de la distinction entre contrats à durée déterminée et à durée indéterminée est que
traditionnellement, les parties ne peuvent rompre les premiers avant l’arrivée du terme fixé,
alors que chacune peut en principe résilier unilatéralement les seconds. Mais cette
jurisprudence tend à être remise en cause aujourd’hui.

§ 3. Classification des contrats quant à leur réglementation

1) Les contrats nommés et les contrats innommés

Un contrat nommé est un contrat auquel la loi, les règlements ou l’usage ont donné un nom
et dont le régime est fixé par un texte. Exemple de la vente, du louage, du mandat.

Un contrat innommé est un contrat que la loi ne réglemente pas sous une dénomination
propre mais qui relève donc avant tout du droit commun des contrats.

En l’absence d’une réglementation propre, un contrat est considéré comme innommé


malgré une dénomination ; exemple du contrat de déménagement.
20

La répartition des contrats entre les deux catégories n’est pas immuable, un contrat
innommé peut devenir un contrat nommé.
Cette classification qui relevait de l’article 1107 du code civil est aussi consacrée par l’ord. à
l’article 1105 : « Les contrats, qu’ils aient ou non une dénomination propre, sont soumis à
des règles générales, qui sont l’objet du présent sous-titre.
Les règles particulières à certains contrats sont établies dans les dispositions propres à
chacun d’eux.
Les règles générales s’appliquent sous réserve de ces règles particulières ».

« Art. 1111. – Le contrat cadre est un accord par lequel les parties conviennent des
caractéristiques générales de leurs relations contractuelles futures. Des contrats
d’application en précisent les modalités d’exécution.

2) Les contrats internes et les contrats internationaux

Un contrat est dit interne lorsque tous ses éléments à savoir le lieu de conclusion, le lieu
d’exécution, l’objet, la nationalité et la résidence des parties sont localisés à l’intérieur des
frontières d’un pays.

Un contrat est international dès lors qu’il présente un élément d’extranéité c'est-à-dire qu’il
a des liens avec au moins deux ordres juridiques.

Un contrat international est régi par la loi choisie par les parties ; c’est la loi d’autonomie. A
défaut de choix, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus
étroits.

§ 4. Classification quant à la qualité des contractants

1) Les contrats de gré à gré et contrats d’adhésion

Le contrat de gré à gré est celui dont les termes ont été librement discutés et consentis par
les parties.

Le contrat d’adhésion est celui dont la conclusion résulte non d’une libre discussion mais de
l’adhésion de la partie économiquement faible au projet pré rédigé par la partie forte.
Exemple du contrat d’assurance.
L’article1110 de l’ordonnance réaffirme la règle : « Le contrat de gré à gré est celui dont
les stipulations sont librement négociées entre les parties.
Le contrat d’adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation,
sont déterminées à l’avance par l’une des parties ».

Dans les contrats d’adhésion, les clauses obscures s’interprètent au détriment de la partie la
plus forte qui a rédigé le contrat.
21

Le nouvel article 1171 fait échos à cette exigence en rappelant que « Dans un contrat
d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et
obligations des parties au contrat est réputée non écrite ».

2) Les contrats égalitaires et contrats de consommation

Le contrat de consommation est celui conclu entre un professionnel et un consommateur


alors que le contrat égalitaire est celui intervenu soit entre deux professionnels ou soit entre
deux particuliers.

En raison de la position de supériorité des professionnels, il a paru souhaitable de faire


bénéficier les consommateurs de certaines mesures de protection. Ainsi en est-il de
l’obligation d’information qui incombe au professionnel et de l’interdiction des clauses
abusives.

3) Les contrats égalitaires et contrats de dépendance

Il existe au sein des contrats conclus entre professionnels, des situations structurelles
d’inégalité. Tel est le cas lorsqu’une entreprise dépend totalement pour son existence des
relations privilégiées qu’elle a nouées avec une autre plus puissante, on parle alors de
contrat de dépendance. Tel est le cas de certains sous-traitants dans le domaine de la
production ou des distributeurs dans le domaine de la distribution.

§5. Classification des contrats quant à leur structure

1) Contrats complexes

Ils résultent de la combinaison de plusieurs contrats spéciaux au point que chacun d’eux
perd son individualité. Il en résulte que certaines règles propres à chacun de ces contrats
sont écartées parce qu’elles sont incompatibles avec l’esprit de l’opération globale. Le
contrat complexe est un contrat unique.

Exemple du crédit bail qui résulte de la juxtaposition de trois éléments à savoir l’achat d’une
chose, la location de cette chose et une promesse unilatérale de vente.

2) Les groupes de contrats

L’expression vise des contrats qui, tout en étant liés entre eux, conservent leur
individualité, à la différence du contrat complexe. En d’autres termes, le groupe de contrats
associe plusieurs contrats sans en faire un contrat unique.

Parmi les groupes de contrat on distingue les chaînes de contrats qui portent en tout ou en
partie sur le même objet. Tel est le cas d’une série de ventes successives ayant toutes pour
objet le même bien ; vente du fabricant au grossiste, du grossiste au détaillant, du détaillant
au consommateur. La chaîne est dite homogène dans ce cas puisqu’ il s’agit des contrats de
22

même nature (la vente). Lorsque des contrats successifs portant sur le même objet sont de
nature différente, il y a chaîne hétérogène. Achat de matériaux pour construire (vente)
construction (contrat d’entreprise), cession par le maître d’ouvrage (vente).

§ 6. Contrat d’échange et contrat d’organisation

Les contrats d’échange sont ceux qui ont pour objet de réaliser une permutation des biens
ou des services. Exemple de la vente, du louage.

Le contrat d’organisation a pour objet de réaliser non une permutation de biens ou services
mais une agrégation de biens et services afin d’atteindre un certain but ; exemple du contrat
de société.

§ 7. Contrat simple et contrat conjonctif

Le contrat conjonctif est celui dans lequel plusieurs personnes sont rassemblées au sein
d’une partie plurale (coentreprise ou coassurance). A l’inverse, un contrat simple est
constitué d’une seule personne (exemple, vente conclue entre un seul vendeur et un seul
acheteur).

 Intérêt de la distinction

L’intérêt principal est de faire apparaître une obligation de collaboration et une obligation de
ne pas se nuire au sein de la partie plurale. Ainsi par exemple, les coentrepreneurs sont
tenus de s’informer mutuellement de l’état d’avancement de leurs travaux respectifs, voire
de s’entraider pour assurer la meilleure exécution au maître de l’ouvrage.

Plan du cours. L’étude du contrat sera articulée autour de trois points essentiels. La
formation du contrat (Titre 1) permettra de cerner les conditions de fond ou de forme
requises pour sa formation, de même que son contenu. Une fois le contrat formé il produit
des effets (Titre 2). Il a vocation à être exécuté. Qu’advient-il lorsque le lien contractuel a été
violé ? L’inexécution du contrat (Titre 3) permettre de répondre à cette question.
23

Titre 1. Formation du contrat

La formation du contrat est soumise à certaines conditions impératives dont l’inobservation


est sanctionnée. Seront donc successivement étudiées, les conditions de formation du
contrat (chapitre 1) et la sanction de ces conditions de formation (chapitre 2).

Chapitre 1. Conditions de formation du contrat.

Aux termes de l’article 1108 du code civil, quatre conditions sont essentielles pour la validité
d’une convention :

 Le consentement de la partie qui s’oblige ;


 Sa capacité de contracter ;
 Un objet certain qui forme la matière de l’engagement ;
 Une cause licite de l’obligation.

Toutes ces conditions seront étudiées. Ce texte n’exige aucune condition de forme.
Cependant cette observation doit être nuancée. Il conviendrait donc de consacrer une
section aux conditions de forme.

On observera un changement introduit par l’ord. de 2016. Aux termes de l’article 1128
résultant de l’ord. « Sont nécessaires à la validité d’un contrat : «
1° Le consentement des parties ;
« 2° Leur capacité de contracter ;
« 3° Un contenu licite et certain ».

On le constate, seulement trois conditions contre quatre prévues à l’article 1108.


Cependant, cette troisième condition semble absorber l’objet et la cause. En effet, l’objet
qui se définit comme ce sur quoi porte le contrat fait forcément partie du contenu du
contrat ; ce que dit expressément le nouvel article. C’est la cause qui est le pourquoi de
l’engament qui semble avoir disparu. Or, ici encore on remarquera déjà que la cause a
une double conception ; dans sa conception objective, elle est la contrepartie de
l’engagement de chaque partie. Sous cet angle, elle est nécessairement incluse dans le
contenu. Cette exigence est déjà prise en compte au nouvel article 1169 qui dispose que
« Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie
convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire ».

Dans sa conception subjective, la cause est le mobile personnel pour lequel une partie
s’engage. Et ce mobile doit être licite. Cette exigence est prise en compte aussi au nouvel
article 1162 de l’ordonnance qui affirme que « Le contrat ne peut déroger à l’ordre
24

public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par
toutes les parties ».

Au total, au fond, peu de changements interviendront dans les conditions de formation


du contrat. C’est donc à juste titre que la doctrine parle de l’art de « refaire sans
défaire ».

Cette ordonnance n’étant pas applicable au Togo, nous le cours sera toujours organisé
autour des quatre contions de formation du contrat. Il sera par moment fait références
aux dispositions de l’ordonnance. On rappelle une fois encore que la troisième condition
à savoir le contenu du contrat absorbe à la fois l’objet et la cause du contrat.

Il importe de relever que le consentement constitue toujours la pierre d’angle du contrat.


Les autres éléments indispensables à la formation du contrat ne se retrouvent pas à
l’identique dans tous les systèmes juridique. Le droit anglais fait de la considération
contrepartie fournie ou promise par un cocontractant, l’élément fondamental du contrat.
Les projets européens ignorent les notions de cause ou d’objet, préférant la notion de
contenu du contrat.

Section 1. Le consentement.

Le législateur n’a pas défini la notion de consentement. D’ailleurs l’ordonnance de 2016 n’a
pas non plus défini la notion. Le terme revêt une double acception. Il désigne d’abord la
manifestation de volonté de chacune des parties, l’acquiescement qu’elle donne aux
conditions du contrat projeté. Le mot consentement désigne aussi l’accord, le concours de
deux volontés, celle du débiteur qui s’oblige et celle du créancier envers lequel il s’oblige.
Qu’il soit pris dans le premier sens ou dans le second, le consentement doit non seulement
exister, mais il doit aussi être intègre.

§ 1. L’existence du consentement

L’exigence de l’existence du consentement est rappelée par l’ordonnance de 2016 en


consacrant, dans la sous-section se rapportant au consentement, un paragraphe à
l’existence du consentement. Ce paragraphe comporte un seul article (article 1129) qui
dispose que « Conformément à l’article 414-1, il faut être sain d’esprit pour consentir
valablement à un contrat ». Il rappelle qu’il n’est pas possible de donner un consentement
lorsque les facultés mentales sont suffisamment altérées.

A. L’existence du consentement en tant que manifestation de la volonté

Contracter, c’est vouloir ; le consentement est d’abord fondamentalement, une opération


mentale, une disposition intérieure. Mais le consentement ne pourra donner lieu à un
contrat que s’il est extériorisé, de sorte que l’autre partie en prenne connaissance. C’est dire
que le consentement est à la fois quelque chose qui se pense (c’est la volonté interne) et
25

quelque chose qui s’exprime (c’est la volonté déclarée). Cette dualité ne soulève aucune
difficulté lorsque volonté interne et volonté déclarée concordent parfaitement. Mais
qu’advient-il lorsque la pensée ayant été maladroitement traduite par l’expression, il y a
un décalage entre les deux ?

La théorie de l’autonomie de la volonté enseigne dans ce cas que la volonté interne doit
l’emporter. On justifie cette solution par le fait que l’individu étant lié par ce qu’il l’a voulu et
dans la mesure où il l’a voulu, seule compte sa volonté réelle de s’engager.

Avantage et inconvénient de cette conception :

Certes, cette solution protège la liberté de celui qui a mal exprimé sa pensée. Mais elle a
l’inconvénient d’exposer l’autre partie à une insécurité juridique car c’est tromper la
confiance légitime de celui qui s’est fié à la manifestation extérieure de la volonté. En effet,
chacun des contractants ne connaît la volonté de l’autre que suivant ce qu’il a extériorisé.

Ainsi, selon une autre tendance, l’élément essentiel à la formation du contrat n’est pas le
fait psychologique de la volonté, mais l’extériorisation de celle-ci. Celui qui émet une
déclaration de volonté qui dépasse sa volonté réelle doit en supporter les conséquences,
comme il subit celles de tous ses autres actes. Cette solution est consacrée par le code civil
allemand dans sa théorie générale de l’acte juridique.

En pratique, aucune de ces deux conceptions n’est appliquée dans toute sa rigueur en
France. La volonté déclarée l’emportera sur la volonté réelle si l’on ne peut parvenir à
prouver leur discordance. Mais lorsque la volonté réelle est établie, celle-ci prime, car on
ne saurait retenir une déclaration de volonté que ne sous-tend pas une volonté véritable.
Il en résulte alors un décalage entre les volontés des deux parties qui fait obstacle à la
rencontre de celles-ci et entraîner la nullité du contrat. Néanmoins, celui qui par sa faute
fait une déclaration qui n’est pas conforme à sa volonté, pourra être tenu de réparer le
préjudice subi par l’autre partie.

B. Le consentement en tant que rencontre de volontés


Le contrat naît de la rencontre de deux volontés, l’offre et l’acceptation. Le nouvel article
1113 l’atteste aussi : « Le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une
acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager.
Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de
son auteur ».

Quand l’auteur de l’offre, le pollicitant, et l’acceptant sont en présence l’un de l’autre, cet
accord se réalise par l’émission spontanée de l’offre et de l’acceptation. Mais parfois
interviennent d’autres facteurs de complications ; il en est ainsi du contrat par
correspondance encore appelé contrat entre absents, ou encore lorsque le contrat, en
26

raison de sa complexité, doit se conclure en plusieurs étapes. Ces facteurs de complication


seront étudiés après l’analyse de la situation classique.

1. Analyse classique de l’échange des consentements.

Le contrat naissant de la rencontre de l’offre et de l’acceptation, on analysera chacun de ces


éléments.

a. L’offre ou la pollicitation
 Définition

L’offre est la proposition ferme de conclure, à des conditions déterminées, un contrat de


telle sorte que son acceptation suffit à la formation de celui-ci. Il résulte de cette définition
que toute proposition de contracter n’est pas une offre. L’offre doit être non seulement
précise mais aussi ferme. A défaut, la proposition de contracter ne peut être qu’une
invitation à entrer en pourparlers.

La même exigence est reprise au nouvel article 1114 : « L’offre, faite à personne
déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essen tiels du contrat envisagé
et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. A défaut, il y a
seulement invitation à entrer en négociation ».

L’offre doit être précise signifie que l’offrant doit indiquer les éléments essentiels du contrat
qu’il souhaite conclure. Par exemple, l’offre de vente doit au moins préciser la chose et le
prix (article 1583 du code civil).

L’offre doit être ferme signifie qu’elle doit indiquer la « volonté de son auteur d’être lié en
cas d’acceptation »24. Cette exigence de fermeté soulève le problème des offres assorties de
réserve. Tel est le cas lorsque l’auteur de l’offre a marqué sa volonté de ne pas être lié en cas
d’acceptation. Par exemple, il se réserve la possibilité d’agréer son cocontractant.

La réserve peut résulter d’une stipulation expresse. Par exemple, un industriel formule une
proposition contractuelle précise auprès de ses clients potentiels, tout en indiquant que son
offre est sujette à confirmation.

La réserve peut aussi être implicite et résulter de la nature de la convention. Par exemple
lorsqu’une offre a été faite au public en vue de la conclusion d’un contrat intuitu personae.

Une offre assortie de réserve n’est pas nécessairement disqualifiée en invitation à entrer en
pourparlers. Tout dépendra de la nature de cette réserve. Selon la doctrine 25, il importe de
rechercher si la réserve laisse ou non à l’auteur de la proposition de contracter la possibilité

24
Com. 6 mars 1990, JCP 1990, II, 21583, note B. GROSS.
25
J. GHESTIN, “Traité de Droit civil », « Le contrat : Formation », 3e éd. n° 295.
27

« de se dégager arbitrairement ». Dans l’affirmative, il y a simple invitation à entrer en


pourparlers.

 Caractères de l’offre

L’offre peut être adressée à un contractant déterminé ou au public (exemple : petites


annonces). Cette solution est reconduite par l’ordonnance de 2016 comme le confirme le
nouvel article 1114.

Il faut observer que cette règle est différente de celle retenue par l’acte uniforme
portant sur le droit commercial général (OHADA) dans ses dispositions se rapportant
à la vente commerciale qui ne retient, sauf stipulation contraire, que l’offre faite à
personnes déterminées.

Aux termes de l’article 241 dudit acte, « Le contrat se conclut soit par l’acceptation
d’une offre, soit par un comportement des parties qui indique suffisamment leur
accord.
Une offre est suffisamment précise lorsqu'elle désigne les marchandises et,
expressément ou implicitement, fixe la quantité et le prix ou donne les indications
permettant de les déterminer.
Une proposition de conclure un contrat, adressée à une ou plusieurs personnes
déterminées, constitue une offre si elle est suffisamment précise et si elle indique la
volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation.
Une proposition adressée à des personnes indéterminées est considérée seulement
comme une invitation à l’offre, à moins que la personne qui a fait la proposition n’ait
clairement indiqué le contraire ».

L’offre peut être expresse ou tacite (exemples, exposer des marchandises en vitrine avec un
prix, être au volant d’un taxi dans un emplacement réservé26 sont des offres tacites).
Cette éventualité a été rappelée par le nouvel article 1113 al. 2 qui précise que « Cette
volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son
auteur ».

 L’offre et le délai

L’offre lie l’offrant à l’égard du premier acceptant. Avant l’acceptation, l’offre semble
révoquée par le décès27 ou l’incapacité de l’offrant, et doit pouvoir être valablement
rétractée. Dans cette conception, seul un accord de volontés peut mettre le destinataire de
l’offre à l’abri d’une révocation. Cette solution présente des inconvénients car elle ne
protège pas le destinataire de l’offre. Ainsi, la nécessaire protection des destinataires de
l’offre a engendré d’importantes exceptions à la libre révocation de l’offre. L’offre
expressément ou tacitement assortie d’un délai doit être maintenue jusqu’à l’expiration
26
Civ. 1re , 2 déc. 1969, Bull. civ. n° 381.
27
Civ. 3e , 10 mai 1989, D. 1990, 365. Civ. 3e 10 déc. 1997, Bull. Civ. n° 223
28

du délai. L’offre qui n’est pas assortie d’un délai ne peut être révoquée avant l’écoulement
d’un délai « raisonnable », qui puisse permettre à un éventuel acceptant de manifester son
intention28. La durée de ce délai est, en général, brève, spécialement en matière
commerciale, afin de respecter la rapidité des transactions. Cette durée est souverainement
appréciée par les juges du fond et dépend des circonstances29.

Comment expliquer cette obligation de l’offrant de maintenir son offre pendant un certain
délai ? Selon une première analyse, l’obligation de maintenir l’offre découlerait d’un avant-
contrat : le maintien de l’offre pendant un certain temps étant favorable à l’acceptant, aurait
été tacitement accepté par lui30. Cette explication n’est pas satisfaisante. La rétractation
hâtive de l’offre constitue une faute susceptible d’engager la responsabilité délictuelle de
l’offrant. Les tribunaux sanctionnent un retrait brutal de l’offre par des dommages-intérêts.
Cette solution s’explique par le fait que l’offrant est engagé par sa manifestation unilatérale
de volonté. Lorsque l’offre est faite sous forme électronique, son auteur est engagé « tant
qu’elle est accessible … de son fat » c’est-à-dire tant qu’il l’a laissée en ligne (article 1369-3
al. 1 C. civ.).

Selon le code civil allemand, « Celui qui propose à autrui de conclure un contrat est lié par
l’offre, à moins qu’il n’ait exclu ce lien obligatoire » (article 145).

Il faut observer que cette question qui n’avait pas été traitée par le code civil de 1804, a été
prise en compte par l’ordonnance de 2016. En effet aux termes du nouvel article 1115
l’offre « peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son
destinataire ».

Ensuite l’ordonnance distingue entre l’offre assortie de délai et l’offre sans délai.
Lorsqu’elle est assortie de délai, l’offre ne peut être rétractée avant l’expiration du délai
fixé par son auteur. Lorsque l’offre n’est pas assortie de délai, elle ne peut être rétractée
avant un délai raisonnable. C’est ce qui résulte du nouvel article 116.
A l’expiration du délai fixé ou du délai raisonnable, l’offre devient caduque aux termes
des nouvelles dispositions (Article 1117). Le même texte affirme que l’offre devient
caduque également en cas d’incapacité ou de décès de son auteur sans distinguer selon
que l’offre est assortie ou non de délai ou encore selon que le contrat soit ou non intuitu
personae
Le texte prévoit par ailleurs la sanction de la rétractation irrégulière c’est –à -dire avant
l’expiration du délai fixé ou du délai raisonnable. Certains arrêts admettaient que la
rétractation avant le délai était sans effet et lorsque l’acceptation intervient dans le délai
fixé, le contrat est formé malgré la prétendue rétractation.
L’ordonnance écarte cette solution. En effet, aux termes de l’article 1116 al. 2 et 3, « La
rétractation de l’offre en violation de cette interdiction empêche la conclusion du contrat.

28
Req. 28 fév. 1870, DP 1871, 1, 61.
29
Bordeaux, 17 janvier 1870, D. P. 71, 2, 96. S. 70, 2, 219.
30
Demelombe, Cours de code Napoléon, t. XXIV, Pedom-Lauriol, 1877, n° 63 et s.
29

Elle engage la responsabilité extracontractuelle de son auteur dans les conditions du droit
commun sans l’obliger à compenser la perte des avantages attendus du contrat ».

b. L’acceptation

L’acceptation est l’expression du destinataire de l’offre de conclure le contrat aux


conditions prévues dans l’offre. Pour qu’il y ait acceptation, il faudrait donc qu’il y ait
adéquation entre l’acceptation et l’offre qui a été faite, au moins quant aux éléments
essentiels du contrat.

Si le destinataire de l’offre exprime d’autres conditions, il n’y a pas acceptation mais


contre-proposition et le contrat n’est pas formé.

Lorsqu’aucune forme n’est requise pour la validité de la convention, ce qui est le principe,
l’acceptation suffit à former le contrat.
L’ensemble de ces principes ont été repris à l’article 118 al. 1 et 3 résultant de l’ordonnance
de 2016. Ce texte dispose « L’acceptation est la manifestation de volonté de son auteur
d’être lié dans les termes de l’offre.
Tant que l’acceptation n’est pas parvenue à l’offrant, elle peut être librement rétractée,
pourvu que la rétractation parvienne à l’offrant avant l’acceptation.
L’acceptation non conforme à l’offre est dépourvue d’effet, sauf à constituer une offre
nouvelle ».

 Le silence et l’acceptation.

L’acceptation peut prendre des formes variées : expresse ou tacite (exemple, à la suite d’une
offre d’un acheteur, le vendeur livre les marchandises). Mais le silence suffit-il pour
caractériser l’acceptation ? La jurisprudence a répondu par la négative. En principe, le
silence ne vaut donc pas acceptation : « le silence de celui qu’on prétend obligé, ne peut
suffire, en l’absence de toute autre circonstance, pour faire preuve contre lui de l’obligation
alléguée »31. Cette solution se justifie. En effet, comme le relève la doctrine, « le silence a
une signification équivoque : il y a des approbations tacites, mais il y a aussi des réprobations
muettes, sans oublier les silences prudents. Or le consentement doit être indiscutablement
établi ».32 Ce principe présente l’avantage de protéger le consentement et de préserver la
liberté contractuelle.

Mais ce principe connaît cinq séries d’exceptions, d’origine légale ou jurisprudentielle.

La loi a pu expressément conférer une valeur au silence gardé : l’article 1738 du code civil
prévoit par exemple que si à l’expiration du bail le preneur reste dans les lieux, le silence du
bailleur vaut acceptation du renouvellement. Le nouvel article1215 résultant de

31
Arrêt de principe : Civ. 25 mai 1870, DP 1870, 1, 257 ; S. 1870, 1, n° 147.
32
François Terré, Philippe Simler et Yves Lequette, « Droit civil Les obligations », Précis Dalloz, 8e éd. 2002, n°
124.
30

l’ordonnance de 2016 va dans le même sens : « Lorsqu’à l’expiration du terme d’un


contrat conclu à durée déterminée, les contractants continuent d’en exécuter les
obligations, il y a tacite reconduction. Celle–ci produit les mêmes effets que le
renouvellement du contrat ». L’article L 112-2 du code des assurances dispose que le
silence de l’assureur pendant dix jours à compter d’une proposition de modification du
contrat par l’assuré vaut acceptation de cette modification. Des dispositions similaires sont
contenues dans le code CIMA.

- le silence vaut également acceptation si les parties étaient déjà en relation d’affaires
antérieures : quand un client commande des marchandises à son fournisseur
habituel, le silence gardé par ce dernier vaut acceptation.
- Les usages d’une profession peuvent prévoir que le silence vaut acceptation33.
- Le silence vaut acceptation lorsque l’offre a été faite dans l’intérêt exclusif de son
destinataire34. Il a été jugé que le silence gardé après réception d’une offre de remise
de dette pouvait valoir acceptation35.
- Enfin, la jurisprudence a récemment décidé que le silence vaut acceptation « lorsque
les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d’une
acceptation »36.

Toutes ces règles ont été synthétisées à l’article 1120 résultant de l’ord. de 2016 : « Le
silence ne vaut pas acceptation, à moins qu’il n’en résulte autrement de la loi, des usages,
des relations d’affaires ou de circonstances particulières ».

2. Les facteurs de complications

Plusieurs situations peuvent rendre plus complexe le mécanisme de l’échange des


consentements précédemment analysé. Deux cas retiendront notamment notre attention, le
contrat à distance et le contrat par étape.

a. Le contrat à distance

L’acceptation suffit-elle à former le contrat, ou faut-il que cette acceptation ait été portée à
la connaissance de l’offrant ? C’est la délicate question des contrats entre absents : quand et
où est formé le contrat lorsque l’acceptation résulte d’une lettre ? Où est formé un contrat
lorsque l’acceptation résulte d’un coup de téléphone ou d’un télex ?

 Intérêts du débat

La détermination du lieu et de la date de formation du contrat présente de nombreux


intérêts on peut évoquer les principaux.
33
Com. 9 janv. 1956, Bull. n° 17. Un commissionnaire à la bourse ne pouvait ignorer qu’après avoir reçu une
commande écrite, le fait de ne pas répondre télégraphiquement vaut acceptation.
34
Req. 29 mars 1938, DP 1939, 1, 5, note Voirin.
35?
Req. 29 mars 1938, DP 1939, 1, 5, note Voirin.
36
Civ. 24 mai 2005, D. 2006, 1925, note A. Bensamoun.
31

La capacité des parties, le transfert de propriété et des risques pour


les contrats translatifs de propriété, la loi applicable en cas de
promulgation d’une loi nouvelle s’apprécie au moment de la formation
du contrat. C’est en principe à ce moment que l’offrant peut, en
principe, retirer son offre et l’acceptant son acceptation ;
le lieu de formation du contrat est un élément pouvant permettre de
déterminer la loi applicable à un contrat international
 Théorie proposées

Schématiquement, deux théories ont été proposées par la doctrine pour trancher la
controverse.

Le système de l’émission et ses variantes

Selon ce système, le contrat est formé au moment et au lieu où intervient l’acceptation. La


coexistence des deux volontés suffirait à former le contrat. Cette théorie est d’ailleurs
susceptible de plusieurs variantes :

On peut considérer que le contrat est formé dès que le destinataire de l’offre a pris la
décision de l’accepter (théorie de la déclaration ; exemple : rédaction de la lettre
d’acceptation).

Cette conception laisse la formation du contrat à la merci du destinataire de l’offre ; certes, il


peut expédier la lettre immédiatement, en différer l’envoi ou même la détruire. Ces raisons
ont conduit à apporter au système un correctif. Le contrat se forme alors au lieu et au
moment où l’acceptant se dessaisit de son acceptation par exemple en postant sa lettre.
C’est la théorie de l’expédition.

Le système de la réception et ses variantes

Selon une seconde théorie, le contrat n’est formé qu’après une véritable rencontre des
volontés ; l’acceptation doit avoir été portée à la connaissance du pollicitant. Cette théorie
connaît aussi des variantes.

Dans sa version la plus exigeante, ce système repose sur le postulat que l’on ne peut
admettre la naissance du lien obligatoire que lorsque le pollicitant a pris connaissance de la
réponse affirmative et concordante de son correspondant ; par exemple : il ouvre cette
lettre. C’est alors la théorie de l’information.

On peut considérer que le contrat est formé au moment et au lieu où est reçue l’acceptation
(théorie de la réception au sens strict; exemple : la lettre d’acceptation est dans la boîte de
l’offrant).
32

Si la doctrine dominante considère que le moment et le lieu de formation du contrat doivent


obéir aux mêmes règles, une opinion contraire a été défendue.

Solutions jurisprudentielles

La cour de cassation considérait traditionnellement que la détermination du moment et du


lieu de formation du contrat est une question de fait qui relève du pouvoir souverain
d’appréciation des juges du fond37. Mais une décision remarquée s’est prononcée pour la
théorie de l’émission en l’absence de manifestation de volonté contraire des parties. Elle a
décidé que « la formation de la promesse est réalisée et le contrat rendu parfait par
l’acceptation des propositions qui sont faites, dès l’instant où cette acceptation a eu
lieu »38. Si certains commentaires en ont réduit la portée en l’attribuant à ces considérations
d’équité, le doute a semblé levé lorsque la Cour de cassation a persisté 39 dans sa solution.
On peut ajouter que la convention de vienne sur la vente internationale de marchandises a
au contraire privilégié la théorie de la r éception (article 18 : « l’acceptation d’une offre
prend effet au moment où l’indication d’acquiescement parvient à l’auteur de l’offre »).

L’ordonnance de 2016 a adopté la théorie de la réception au sens strict. L’article 1121


dispose en effet que « Le contrat est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant. Il est
réputé l’être au lieu où l’acceptation est parvenue ».

b. Le contrat par étapes

 Principe régissant les négociations précontractuelles

On enseigne traditionnellement que le consentement est formé par la rencontre de l’offre et


de l’acceptation. D’une manière plus générale, si ce schéma du « coup de foudre »
contractuel correspond à la réalité pour la plupart des contrats de la vie courante portant sur
des prestations de faible valeur économique, les « gros contrats » sont au contraire le fruit
de négociations qui s’étalent dans le temps.

Ces négociations doivent être menées de bonne foi : si chaque partie reste libre de conclure
ou pas le contrat définitif, elle engagera sa responsabilité si elle a rompu « sans raison
légitime, brutalement et unilatéralement des pourparlers avancés », comme en décide une
jurisprudence déjà ancienne et constante 40. Bref, celui qui rompt les pourparlers de
manière abusive engage sa responsabilité. Il en sera ainsi non seulement lorsque l’auteur
de la rupture est animé par l’intention de nuire à son partenaire, mais aussi lorsqu’il agit
avec mauvaise foi41, ou même avec une légèreté blâmable42 au cours de la négociation. Si

37
Req. 6 août 1867, DP 68, 1, 35 ; Req. 29 janv. 1923, DP 1923, 1, 176.
38
Req. 21 mars 1932, DP 1933, 1, 65.
39
Com. 7 janv. 1981, Bull. civ. IV, n° 14. RTD civ. 1981, p. 849.
40
Com. 20 mars 1972, JCP 1973, II, 17543.
41
Paris, 10 mars 2000, JCP 2001, II, 10470.
42
Com. 22 fév. 1994, Bull. IV, n° 79.
33

l’un des intéressés fait naître chez son partenaire une confiance qu’il a ensuite trompée, sa
responsabilité sera engagée. Cette confiance sera d’autant plus grande que les pourparlers
seront plus avancés43. Cette responsabilité est de nature délictuelle 44, aucun contrat ne
s’étant formé.

Le préjudice réparable est alors constitué par les pertes subies : frais occasionnés par la
négociation voire atteinte à l’image découlant de la rupture des négociations 45. Il peut
s’étendre au manque à gagner lié à la perte d’une chance de conclure un contrat avec un
tiers. Mais la jurisprudence se refuse à aller au-delà : la réparation ne peut être étendue à la
perte d’une chance de conclure le contrat avec l’auteur de la rupture. En effet, selon le
raisonnement de la Cour de cassation, c’est la rupture des pourparlers elle-même et non la
faute dans cette rupture qui est la cause du préjudice consistant dans la perte d’une chance
de conclure un contrat fructueux.
L’article 1112 nouveau reprend les mêmes solutions : « L’initiative, le déroulement et la
rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement
satisfaire aux exigences de la bonne foi.
En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte
ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non
conclu ».
L’exigence de la bonne foi dans la négociation du contrat est aussi rappelée par le nouvel
article 1104.

 L’accord de principe ou « punctation »

Arrivées à un accord sur certains éléments du contrat, les parties peuvent souhaiter préciser
les points de cet accord avant de continuer la négociation. On parle de « punctation », selon
un mot emprunté au droit allemand, ou d’accord de principe. Deux questions surgissent
alors. Quelle est la valeur de cet accord de principe ? A quelle étape le contrat définitif est-
il formé ? La jurisprudence refuse de tenir un tel accord comme constitutif d’un contrat,
dès lors du moins que les modalités incertaines ne sont pas purement accessoires 46. Les
parties ont une obligation de négocier le contrat définitif 47, qui n’est pas une obligation de
conclure. Les parties continuent la négociation sans pouvoir remettre en cause les points
d’accord déjà acquis.

Le contrat définitif est formé par l’accord des parties sur les éléments essentiels du
contrat : éléments objectivement essentiels ou éléments secondaires que les parties ont
entendu considérer comme essentiels. L’avant-projet Catala prévoit en ce sens que « les
parties peuvent, par un accord de principe, s’engager à négocier ultérieurement un contrat

43
Civ. 1re, 14 juin 2000, Contrats, conc. Consom. 2000, n° 174.
44
Com. 7 janv.et 22 avril 1997, D. 1998, 45, note P. CHAUVEL. Com.23 mai 1989, JCP 1989, E, II, 18761.
45
Versailles, 1er avril 1999, RJDA 1999, n° 1285.
46
NAJJAR, L’accord de principe, D 1991, chr. 57.
47
Soc. 24 mars 1958, JCP 1958, II, n° 10868, note J. Carbonnier.
34

dont les éléments sont à déterminer, et à concourir de bonne foi à leur détermination »
(article 1104-1).

 Contrat précédé d’un avant-contrat

A l’inverse du simple accord de principe, le contenu juridique de l’avant-contrat est bien


précis. Elle vient d’être réglementée par l’ordonnance de 2016. On peut citer les principaux,
que l’avant-projet Catala envisage d’inclure dans le Code civil (article 1106 et s.) :

- La promesse unilatérale de contrat est la convention par laquelle un individu, le


promettant, s’engage envers un autre qui l’accepte, le bénéficiaire, à conclure un
contrat dont les conditions sont dès à présent déterminées si celui-ci le lui demande
dans un certain délai. En d’autres termes, le bénéficiaire de la promesse prend acte
de l’engagement du promettant mais ne promet pas de conclure le contrat définitif.
Il dispose d’une option qui lui laisse dans l’avenir la liberté de donner ou non son
consentement au contrat définitif (exemple : promesse unilatérale de vente : je vous
accorde un délai de trois ans pour vous décider à acheter ou pas mon appartement).

Cette définition est consacrée par l’article 1124 al. 1 er qui dispose que « La promesse
unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le
bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels
sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du
bénéficiaire ».

L’ordonnance précise la sanction de la rétractation de la promesse avant l’expiration du


délai. A la différence de la rétractation de l’offre, celle de la promesse unilatérale est sans
incidence. Il en résulte que lorsque la levée d’option intervient dans le délai, le contrat
est formé malgré la rétractation de la promesse. C’est ce qui résulte de l’article 1124 al. 2
qui dispose que « La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire
pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis »

Cette solution est conforme à la nature de la promesse unilatérale qui est un contrat par
conséquent régie par la force obligatoire des conventions. Cependant lorsque le contrat
a été plutô t conclu avec un tiers en violation de la promesse, la solution varie selon que
le tiers soit de bonne ou de mauvaise foi. Dans le premier cas, le bénéficiaire de la
promesse devra simplement se contenter des dommages et intérêts. Par contre lorsque
le tiers est de mauvaise foi, le contrat est nul. C’est ce qui résulte de l’article 1124 al. 3 de
l’ordonnance. Il dispose que « Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale
avec un tiers qui en connaissait l’existence est nul ».

- La promesse synallagmatique de contrat est la convention par laquelle deux


personnes s’engagent l’une envers l’autre à passer plus tard tel ou tel contrat
(exemple : promesse synallagmatique de vente : je vous promets de vous vendre
mon appartement, vous me promettez de l’acheter). La différence avec la promesse
35

unilatérale est évidente : les deux parties ont consenti au contrat définitif. De ce
fait, il est plus difficile de distinguer cet avant contrat du contrat définitif. Si celui est
consensuel, l’accord de volontés sur les éléments essentiels suffit à le former. Ainsi,
l’article 1589 du code civil affirme que « la promesse de vente vaut vente lorsqu’il y a
consentement réciproque des deux parties sur la chose et le prix ». En réalité, pour
que la distinction entre promesse synallagmatique et le contrat définitif acquière une
réelle signification, il faut que la conclusion du contrat nécessite, outre l’accord des
volontés, l’accomplissement d’une certaine formalité. Ainsi, la promesse donnera
naissance non pas au contrat définitif mais à l’obligation de faire les formalités
requises.

- Le pacte de préférence est le contrat par lequel une personne s’engage envers une
autre, qui l’accepte, à ne pas conclure avec des tiers (d’autres personnes) un contrat
déterminé avant de lui en avoir proposé la conclusion aux mêmes conditions
(exemple : si je vends mon appartement, je vous le propose en priorité). Le
bénéficiaire n’est pas titulaire d’un droit d’option mais d’un droit de priorité. Tant
que le promettant n’a pas manifesté sa volonté de vendre, la priorité conférée par le
pacte au bénéficiaire est maintenue. Lorsque le promettant conclu le contrat projeté
avec un tiers sans l’avoir au préalable proposé au bénéficiaire, il engage sa
responsabilité et est redevable des dommages-intérêts. Le contrat avec le tiers
pourra être annulé lorsque le tiers est de mauvaise foi48.

L’ordonnance de 2016 comporte des dispositions similaires à l’article1123. L’alinéa 1er de ce


texte dispose que « Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s’engage à
proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait
de contracter ». Ce qui correspond à la définition antérieurement donnée par la doctrine
et la jurisprudence.

L’alinéa 2 du texte prévoit les sanctions en cas de violation du pacte de préférence. Il


dispose que « Lorsqu’un contrat est conclu avec un tiers en violation d’un pacte de
préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers
connaissait l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce dernier
peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le
contrat conclu ».

Ce texte prévoit trois options. La première est la réparation du dommage subi qui se fera
par l’allocation des dommages et intérêts. Cette solution peut intervenir que le tiers soit
de bonne ou de mauvaise foi. Lorsqu’il est de bonne foi, il va de soit que c’est celui qui a
conclu le pacte de préférence qui sera exclusivement tenu des dommages et intérêts. Par
contre lorsque le tiers est de mauvaise foi il pourrait être condamné solidairement à
réparer le préjudice. Toujours en cas de mauvaise foi du tiers, il est possible, le
bénéficiaire peut soit obtenir la nullité du contrat ou demander à se substituer, dans le
48 ?
Ch. Mixte, 26 mai 2006.
36

contrat, au tiers de mauvaise foi. On le constate, l’ordonnance tout comme la


jurisprudence antérieure a une conception étroite de la mauvaise foi. Elle ne consiste
pas seulement en la connaissance de l’existence du pacte de préférence ; encore faut-il
que le tiers connaisse l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir.

En cas de doute, il est possible au tiers de demander au bénéficiaire de clarifier la


situation afin de lui permettre de prendre position. C’est ce qui résulte de l’article 11123
al. 3 et 4 « Le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai
qu’il fixe et qui doit être raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et s’il entend
s’en prévaloir.

L’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du pacte ne


pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du
contrat ». Cette solution permet d’éviter une situation d’incertitude qui dure.

§ 2. L’intégrité du consentement
Pour que le contrat se forme, il ne suffit pas que le consentement émane des individus en
pleine possession de leurs facultés. Il faut encore qu’il présente certaines qualités.
Contracter, ce n’est pas seulement consentir, c’est consentir en pleine connaissance de
cause et librement. Consentir en connaissance de cause renvoie à l’exigence d’un
consentement éclairé. Le consentement n’est pas éclairé lorsqu’il y a erreur ou dol.
Consentir librement implique l’absence d’une contrainte ou une violence qui altérerait le
consentement. Ainsi, les trois vices du consentement sont l’erreur, le dol et la violence. Dans
tous les cas pour être un vice du consentement, l’erreur, le dol ou la violence doit avoir été
déterminant de la décision du contractant. Ces éléments sont confirmés par le nouvel article
1130 résultant de l’ordonnance : « L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement
lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou
aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
« Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans
lesquelles le consentement a été donné ».

A. L’erreur

L’erreur est une fausse représentation de la réalité. C’est la situation d’une personne qui
considère comme vrai ce qui est faux, soit qu’elle considère comme faux ce qui est vrai.
Commise à l’occasion de la conclusion d’un contrat, elle consiste dans l’idée fausse que se
fait un contractant de tel ou tel élément de celui-ci. C’est dire que, même en matière
contractuelle, il existe une grande variété d’erreur possible ; erreur sur l’objet des
obligations qui naissent du contrat, erreur sur la valeur des prestations promises, erreur sur
la personne avec laquelle on contracte, erreur sur les motifs du contrat. On remarquera que
l’ordonnance de 2016 tout comme la législation antérieure ne définit pas la notion d’erreur.
Il faut préciser que l’erreur n’est pas sanctionnée dans tous les cas. En effet, la sécurité
dans les relations contractuelles s’oppose à ce qu’une personne puisse, sous le prétexte
37

qu’elle s’est trompée, attaquer un contrat qui tourne à son détriment. Il importe donc de
déterminer les cas dans lesquels l’erreur peut être sanctionnée et préciser les
caractéristiques de l’erreur vice du consentement.

1. Cas où l’erreur peut être sanctionnée.


a. L’erreur constitue en toute hypothèse un vice du consentement dans deux séries de
cas.
 L’erreur-obstacle

L’erreur-erreur obstacle est l’erreur tellement grave qu’il n’y a pu avoir de contrat
valablement formé. Elle résulte d’un malentendu radical. L’accord ne s’est pas opéré parce
que les parties n’ont pas en réalité voulu la même chose.

Elle peut porter sur la nature du contrat. Par exemple, X croit vendre, Y croit recevoir à titre
de donation. Elle peut aussi porter sur l’objet du contrat, notamment sur l’identité de la
chose (X croit vendre une maison A, Y croit acheter une maison B) ou encore sur le prix dans
un contrat de vente (Par exemple, le vendeur a fixé son prix en euros alors que l’acheteur
raisonne en francs). Il ne faut pas confondre l’erreur sur le prix, qui entraîne la nullité, et
l’erreur sur la valeur qui est, en principe, indifférente. Dans ce dernier cas, il y a eu bien
accord des parties sur le prix, mais l’une des parties conteste ensuite celui-ci au motif qu’il
ne correspond pas à la valeur économique réelle du bien ou du service fourni.

 L’erreur sur la substance

L’article 1110 du code civil dispose « L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que
lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet ; … ». Que faut-il
entendre par substance de la chose ?

Selon une première conception dite objective, la substance est la matière dont la chose est
faite. Par exemple, j’achète des flambeaux en bronze alors que je crois acheter des
flambeaux en argent.

Une seconde conception dite subjective doit son origine à Pothier. La substance de la chose
est sa qualité ou ses qualités qui étaient essentielles pour celui qui s’engage. C’est la qualité
de la chose que celui qui s’est trompé avait fondamentalement en vue, celle qui a été
déterminante de sa volonté, celle dont l’absence, s’il en avait eu connaissance, l’aurait
amené à ne pas contracter. Par exemple, si l’acheteur d’un tableau l’a acquis parce qu’il
pensait que ce tableau avait été réalisé par un peintre déterminé, il y aurait erreur sur la
substance s’il se révèle que ledit tableau a été en réalité peint par un autre artiste.

La jurisprudence a préféré cette dernière conception. Selon la cour de cassation, « l’erreur


doit être considérée comme portant sur la substance lorsqu’elle est de telle nature que sans
38

elle l’une des parties n’aurait pas contracté »49. La difficulté se déplace alors sur le terrain
probatoire : le demandeur doit alors démontrer que telle qualité était substantielle pour lui.
L’identification de la qualité substantielle serait une question de fait, d’intention, relevant de
l’appréciation souveraine des juges du fond. Des auteurs ont proposé de présumer qu’est
substantielle pour le demandeur, une qualité objectivement substantielle, c’est-à-dire qui
serait substantielle aux yeux de tous. A l’inverse, le demandeur devrait prouver qu’une
qualité qui n’était pas objectivement substantielle l’était à ses yeux. Les tribunaux ont eu
une conception extensive de la notion d’erreur sur la substance : matière de la chose50 ,
authenticité d’une œuvre d’art51, l’aptitude de la chose à remplir l’usage auquel il est
destiné52.

Cette exigence d’une erreur sur les qualités substantielles est reprise à l’article 1132
résultant de l’ord. lorsqu’il dispose que « L’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne
soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités
essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant »

Le nouvel article 1133 confirme que « Les qualités essentielles de la prestation sont celles
qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les
parties ont contracté ».

On peut observer que l’erreur cause de nullité peut être de droit ou de fait. L’article 1132
nouveau le confirme expressément. L’alinéa 2 de l’article 1133 précise que « L’erreur est
une cause de nullité qu’elle porte sur la prestation de l’une ou de l’autre partie ». En
d’autres termes l’erreur de la victime peut aussi porter sur sa propre prestation. Ce qui
est conforme à la jurisprudence antérieure.

b. L’erreur sur la personne du contractant constitue parfois un vice du consentement.

Aux termes de l’article 1110 al. 2 du code civil, l’erreur « n’est point une cause de nullité,
lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a l’intention de contracter, à
moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention ».
Alors que l’erreur sur la substance peut se rencontrer dans toutes les conventions, l’erreur
sur la personne n’est concevable que si la considération de celle-ci a joué un rôle
déterminant, si le contrat a été conclu intuitu personae 53. C’est la même règle qui ressort
de l’ord. de 2016 en son article 1134 : « L’erreur sur les qualités essentielles du
cocontractant n’est une cause de nullité que dans les contrats conclus en considération
de la personne ».

49
Cass. Civ. 28 janv. 1913, S. 1913, 1, 487 ; Com. 20 oct. 1970, JCP 1971, II, n° 16916, note J. Ghestin.
50
Req. 5 nov. 1929, DH 1929, 539.
51
Civ. 1re, 25 fév. 1970, D. 1970, 604.
52
Civ. 1re, 1er juin 1983, JCP 1983, II, 289.
53
Valleur, L’intuitu personae dans les contrats, thèse Paris, 1938.
39

S’il est impossible d’établir une liste précise des contrats conclus intuitu personae, les
contrats à titre gratuit, le mandat ou le contrat d’ouverture de crédit sont souvent conclus
intuitu personae. A l’inverse, la plupart des contrats à titre onéreux ne sont pas conclus
intuitu personae, sauf circonstances particulières54. L’erreur doit porter sur un élément de la
personnalité du contractant. Ce peut être une erreur sur l’identité civile du contractant (on
croit contracter avec X mais on contracte plutôt avec Y), ou sur certaines de ses qualités
essentielles, l’honorabilité, le sérieux professionnel, la solvabilité55.

c. L’erreur ne constitue jamais un vice du consentement lorsqu’elle porte sur la valeur


de la chose.

On appelle ainsi l’erreur sur l’évaluation de l’objet du contrat. Qu’une personne vende un
bien d’une valeur de 10 000 francs à 1 000 francs, elle ne peut demander la nullité du
contrat. Cette solution fondée sur la sécurité des relations juridiques est tempérée par
l’admission de la lésion. L’article 1136 reprend les mêmes exigences « L’erreur sur la
valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un
contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n’est pas une
cause de nullité ».

d. L’erreur sur le motif

L’erreur sur le motif s’entend celle qui porte sur le motif qui a conduit une personne à
contracter dès lors que ce motif reste extérieur à l’objet du contrat, qu’il ne prend en
compte ni les qualités de la chose objet du contrat, ni celle de la personne. Par exemple, une
personne achète un véhicule parce qu’elle escompte obtenir prochainement un emploi qui
le requiert. Si la nomination attendue n’intervient pas, il y aura erreur sur les motifs. Cette
erreur n’est pas sanctionnée. Il n’en ira autrement que si ce motif a été incorporé au champ
contractuel56. C’est ce qui résulte aussi du nouvel article 1135 « L’erreur sur un simple
motif, étranger aux qualités essentielles de la prestation due ou du cocontractant, n’est pas
une cause de nullité, à moins que les parties n’en aient fait expressément un élément
déterminant de leur consentement ».

Le motif peut être conventionnellement érigé en une condition du contrat condition


suspensive ou condition résolutoire. La condition suspensive est celle dont la défaillance
entraîne l’anéantissement du contrat. La condition résolutoire est celle dont la réalisation
entraîne l’anéantissement du contrat.

Si le motif est la cause de l’engagement, alors il n’est pas étranger aux qualités essentielles
de la prestation due. L’erreur s’y rapportant peut alors être une cause de nullité.

2. Caractéristiques de l’erreur vice du consentement


54
Civ. 1re, 26 mars 1963, JCP 1963, II, 13228.
55
Idem.
56
Civ. 1re 13 février 2001, Bull. civ. n° 31.
40

 L’erreur ne doit pas être inexcusable. Une personne ne peut se prévaloir d’une
erreur que sa négligence rend inexcusable. En s’abstenant de prendre les
précautions élémentaires, l’errans a commis une faute de négligence qui sera
sanctionnée par le refus d’annulation. L’appréciation de ce caractère se fait in
concreto, en fonction des circonstances de la cause, de l’âge, de l’expérience et de la
profession du demandeur en nullité. Ont été par exemple débouté de leur demande
en nullité du contrat : un architecte qui a commis une erreur sur la constructibilité
d’un terrain57, un employeur qui ne vérifie pas le curriculum vitae d’un directeur qu’il
embauche58. L’éviction d’une erreur inexcusable des vices du consentement est
confirmée par l’ord. qui dispose à l’article 1132 que « L’erreur de droit ou de fait, à
moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle
porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du
cocontractant ».

 L’erreur doit être commune. L’expression est classique mais trompeuse. En effet, la
jurisprudence n’exige pas une erreur des deux parties mais que le cocontractant ait
su l’importance attachée par son partenaire à une qualité de la chose objet du
contrat. En d’autres termes, il faut que les deux parties aient considéré comme
substantielle la qualité sur laquelle l’une d’entre elles s’est trompée. Par exemple,
l’acheteur d’un meuble neuf qu’il croyait ancien ne pourra obtenir la nullité de cette
vente que s’il prouve que son cocontractant savait qu’il voulait acheter un meuble
ancien. Ce qui est commun ce n’est pas l’erreur, mais l’intention des deux parties de
considérer telle qualité de la chose comme substantielle. Il est donc plus exact de
dire que la qualité objet de l’erreur est « entrée dans le champ contractuel »59 ou
encore que l’erreur doit porter sur une « qualité convenue »60. Cette exigence se
justifie par un souci d’équité et de sécurité des relations juridiques ; le partenaire
risquerait de subir un préjudice injustifié par une nullité qu’il ne pouvait pas prévoir.

 Le doute et l’erreur. Une personne vend un tableau croyant qu’il est de l’Ecole de
Carrache alors que plusieurs experts l’attribuent par la suite à Nicolas Poussin. Le
vendeur peut-il agir en nullité alors qu’il est simplement possible voire probable,
mais pas certain que ce tableau soit un Poussin ? En un mot, peut-il y avoir erreur en
l’absence d’une réalité certaine, l’erreur est-elle compatible avec le doute ? La
jurisprudence répond par l’affirmative ; l’erreur est admise si le vendeur croit que le
tableau n’est pas un poussin alors que malgré les incertitudes, il peut l’être 61.
L’erreur est en revanche exclue lorsqu’au moment de la vente l’attribution est
incertaine : les deux parties ont alors accepté un aléa qui empêche toute

57
Civ. 1re, 2 mars 1964, Bull. civ. n° 122.
58
Soc. 3 juill. 1990, RTD civ. 1991, 316, obs. J. MESTRE.
59
Y. LOUSSOUARN, obs. RTD civ. 1971, 131.
60
J. Ghestin, note JCP 1971, II, 16916.
61
Civ. 22 fév. 1978, D. 78, 601, note Malinvaud ; Civ. 1re, 13 déc. 1983, D. 1984, 940, note J.-L. Aubert.
41

contestation ultérieure62. Cette idée est confirmée par l’al. 3 de l’article 1133
nouveau qui dispose que « L’acceptation d’un aléa sur une qualité de la prestation
exclut l’erreur relative à cette qualité ».

Comme le montrent ces exemples, l’erreur s’apprécie par rapport à la réalité


existante au jour du contrat, mais en tenant éventuellement compte d’éléments
postérieurs, comme par exemple les analyses et expertises.

B. Le dol

Il est visé à l’article 1116 du code civil. Le dol dans la formation du contrat désigne toutes les
tromperies ou manœuvres frauduleuses par lesquelles un contractant provoque chez son
partenaire une erreur qui le détermine à contracter. C’est la même idée qui résulte du
nouvel article 1137 : « Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de
l’autre par des manœuvres ou des mensonges ».

Celui qui en est victime ne s’est pas trompé, on l’a trompé en vue de l’amener à
contracter. De cette définition, on peut se demander si le dol ne fait pas double emploi avec
l’erreur. L’erreur ayant en cas de dol sa source dans la déloyauté, le droit civil le sanctionne
avec plus de rigueur. C’est cette rigueur qui est mis en relief dans le nouvel article 1139 qui
dispose « L’erreur qui résulte d’un dol est toujours excusable ; elle est une cause de nullité
alors même qu’elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du
contrat ».

D’abord s’agissant de son domaine, les cas dans lesquels l’erreur n’est pas prise en compte
lorsqu’elle est spontanée (par exemple erreur sur la valeur), sont sanctionnés lorsqu’elles
sont provoquées par les tromperies du cocontractant. Ensuite le dol résultant de la faute
intentionnelle du cocontractant, en plus de la nullité du contrat qui sanctionne
traditionnellement l’erreur, la victime pourra agir en responsabilité contractuelle, y compris
contre les tiers complices du dol.

Le dol suppose de la part de son auteur un acte de déloyauté lors de la conclusion du


contrat, c’est l’aspect délictuel dont il résulte chez la victime un vice du consentement, c’est
l’aspect psychologique.

1. Aspect délictuel du dol.

Il y a une analogie entre le dol et l’escroquerie. Emanant nécessairement d’un cocontractant,


le dol suppose la réunion d’un élément matériel et d’un élément intentionnel.

a. L’élément matériel

62?
Civ. 24 mars 1987, D. 1987, 489, note J. – L. Aubert.
42

Il s’agit des manœuvres frauduleuses. On entend par manœuvres toutes les machinations,
toutes les mises en scènes tous les artifices qu’une personne peut mettre en œuvre pour
surprendre le consentement de son partenaire et l’amener à contracter. La jurisprudence a
une conception large des manœuvres frauduleuses. Il peut s’agir d’un mensonge 63. Un
silence peut même constituer un dol par réticence 64. L’alinéa 2 de l’article 117 le
réaffirme : «Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des
contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie ».

b. L’élément intentionnel

L’auteur du dol doit avoir eu l’intention de tromper son cocontractant : il n’y a pas dol si
un contractant a fourni à son partenaire des renseignements erronés par ignorance ou
même négligence65. La jurisprudence considère qu’une publicité excessive 66, l’insistance d’un
contractant pour pousser son partenaire à conclure ne constitue pas un dol 67. En cas de
réticence dolosive, l’élément intentionnel est plus délicat à établir. Le silence conservé par
l’une des parties peut, en effet, provenir de l’ignorance, de l’oubli ou de la négligence, plutôt
que de la volonté de tromper le contractant.

c. L’origine du dol
Le dol n’est admis que lorsqu’il émane du cocontractant, non d’un tiers 68. S’il est le fait
d’un tiers, il donnera lieu uniquement à des dommages-intérêts. C’est une différence
classique avec la violence qui infecte le contrat quelle qu’en soit la provenance. Cette
solution s’explique aussi par le fait que l’annulation pour dol est aussi considérée comme
une peine qui ne doit frapper que celui qui en est personnellement responsable. Cependant,
la nullité sera prononcée si le cocontractant a été complice du dol ou l’a inspiré 69 ou encore
lorsque le dol émane de son représentant. Cette solution jurisprudentielle est reprise à
l’article 1138 « Le dol est également constitué s’il émane du représentant, gérant
d’affaires, préposé ou porte- fort du contractant.
« Il l’est encore lorsqu’il émane d’un tiers de connivence ».

2. L’aspect psychologique

Les manœuvres, mensonges et réticence ne sont prises en compte que lorsqu’ils ont pour
effet de provoquer chez le cocontractant une erreur qui le détermine à contracter.

a. Une erreur

63
Civ. 3e 23 avril 1971, JCP 71, II, 16841.
64
Civ. 3e 15 nov. 2000, JCP 2002, II, 10153, obs. Mazeaud.
65
Civ ; 1re , 3 mai 2000, JCP 2001, II, n° 10 153, note C. Jamin.
66
Riom, 12 mai 1884, S 1885, II, 13.
67
Com. 2 juin 1981, Bull ; II, n° 205.
68
Civ. 1re, 27 juin 1973, D 73, 733, note P. Malaurie. Ainsi, le silence du débiteur principal sur son insolvabilité
n’entraîne pas la nullité du contrat passé entre le créancier et le Com. 22 juill. 1986, D. 1987, Somm. p. 445.
69
Com ; 23 nov. 1993, D. 93, Som. Com. P. 234.
43

Peu importe la nature de cette erreur. Ce peut être une erreur sur la substance, ou une
erreur sur la personne, une erreur sur la valeur ou sur les motifs. Elle peut porter aussi sur la
prestation reçue de l’autre partie.

b. Une erreur déterminante du consentement

Il faut que les manœuvres soient telles que sans elles, le cocontractant n’aurait pas conclu le
contrat : on parle dans ce cas de dol principal. C’est ce que rappelle l’article 1137 lorsqu’il
évoque l’obtention du consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges.
On parle de dol incident lorsque même sans les manœuvres, le cocontractant serait quand
même engagé mais à des conditions différentes. Le dol principal est sanctionné par la nullité
et le dol incident par des dommages et intérêts. Selon certains auteurs, le dol incident
devrait aussi permettre d’obtenir l’annulation, car en son absence, on aurait conclu non le
contrat considéré mais un autre contrat. L’option serait donc laisser à la victime de
demander soit des dommages intérêts, soit la nullité70.

Pendant longtemps, la jurisprudence décidait que le dol incident ne pouvait donner lieu à
l’annulation du contrat mais seulement à l’allocation des dommages-intérêts 71. La
jurisprudence actuelle admet la nullité pour dol incident72.

C. La violence

Il y a violence lorsqu’une personne contracte sous la menace d’un mal qui fait naître chez
elle un sentiment de crainte.

Alors qu’en matière d’erreur ou de dol le consentement est vicié parce qu’il n’a pas été
donné en connaissance de cause, en cas de violence, il est vicié parce qu’il n’a pas été libre.
Aux termes de l’article 1112 du code civil, « Il y a violence lorsqu'elle est de nature à faire
impression sur une personne raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa
personne ou sa fortune à un mal considérable et présent. Ces dispositions sont reprises par
le nouvel article 1140 : « Il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une
contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses
proches à un mal considérable ».

On a égard, en cette matière, à l'âge, au sexe et à la condition des personnes.

La violence présente aussi un aspect délictuel et un aspect psychologique.

1. Aspect délictuel

Il comporte un élément matériel qui doit revêtir un caractère injuste. A la différence du


dol, l’origine de la violence importe peu.
70
Ripert et Boulanger, t. II, p78, n° 185.
71
Civ. 5 avril 1968, D. 68, som. 89 ; Com. 11 juillet 1977, D. 78, 155 ; Com. 2 mai 1984, JCP 84, IV, p. 218.
72
Civ. 3e 22 juin 2005, Bull. III, n° 137.
44

a. L’élément matériel

La violence peut être physique (séquestration, menace de mort, coups) ou moral (menace de
priver une personne de sa profession, menace de divulguer un fait contraire à l’honneur).

La victime de la violence peut être directement le contractant lui-même ou ses proches


(conjoint, ascendants, descendants etc.). La contrainte économique se rattache également à
la violence73.

b. L’élément injuste

Cette exigence implique que la contrainte doit être illégitime. Ceci signifie que le moyen de
contrainte mis en œuvre ne doit pas être conforme à la loi. Ainsi, l’emploi des voies de droits
(par exemple la menace d’une action en justice, une saisie) ne constitue pas une violence
cause de nullité de la convention. Il a été jugé qu’il n’y a pas violence si une femme, sachant
son mari menacé de poursuites bien fondées, s’engage comme sa caution 74 . De même
l’employé indélicat qui signe une reconnaissance de la somme qu’il a détournée sous la
menace d’une plainte au pénal ne subit qu’une contrainte légitime 75. Le nouvel article 1141
rappelle la même exigence : « La menace d’une voie de droit ne constitue pas une violence.
Il en va autrement lorsque la voie de droit est détournée de son but ou lorsqu’elle est
invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif ».

c. L’origine de la violence

Aux termes de l’article 1111 du code civil, « la violence est une cause de nullité encore qu’elle
ait été exercée par un tiers, autrement que celui au profit duquel la convention a été faite ».
On retrouve la même formulation au nouvel article 1142 « La violence est une cause de
nullité qu’elle ait été exercée par une partie ou par un tiers ».

Contrairement au dol, la violence est prise en compte alors même qu’elle n’émane pas du
cocontractant. Alors se pose une question essentielle : le contrat peut-il être annulé
lorsque la violence n’émane pas d’un individu mais dérive des événements, des
circonstances extérieures? Exploitant l’état de nécessité dans lequel se trouve son
partenaire, une personne en profite pour lui imposer des conditions particulièrement
rigoureuses. Par exemple, un capitaine de navire en difficulté accepte de payer au patron
d’un remorqueur une rémunération sans proportion avec les tarifs habituellement pratiqués
afin que celui-ci lui porte secours. La cour de cassation dans une décision du 27 avril 1887 a
affirmé, en matière de sauvetage maritime, que l’état de nécessité constitue une cause de
nullité du contrat. Plus récemment, la cour de cassation a rejeté un pourvoi contre un arrêt
73
Civ. 1ère, 30 mai 2000 ; N° de pourvoi: 98-15242
74
Cass. Civ. 25 fév. 1879, D. P. 79, 1, 273.
75
Com. 30 jan. 1974, D. 74, 382. Il en va autrement si l’emploi des voies de droit est détourné de son but, s’il
devient abusif ; ainsi commet une violence illicite celui qui menace son débiteur de saisie et de procès pour lui
extorquer des engagements excessifs, pour atteindre autre résultat que celui auquel il pouvait légitimement
prétendre (Req. 17 août 1865, S. 65, 1, 399. Req. 6 avril 1903S, 1904, 1, 505.
45

qui a annulé, pour violence morale, un contrat de travail désavantageux qu’un salarié
avait conclu sous l’influence d’un pressant besoin d’argent 76. Cette solution est consacrée
par l’ordonnance lorsqu’il est disposé au nouvel article 1143 que « Il y a également
violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son
cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une
telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif ».

S’agissant de la violence pouvant résulter de la situation de dépendance économique, il a été


décidé que la subordination du salarié à son employeur ne constitue pas en elle-même une
violence susceptible de vicier les contrats passés entre eux. Néanmoins, lorsque cette
situation de subordination se double de pressions caractérisées, la violence sera retenue 77.

2. L’aspect psychologique : le sentiment de crainte.

Pour que la violence soit une cause de nullité, elle doit susciter chez la victime un sentiment
de crainte d’exposer sa personne, ses proches ou sa fortune à un mal considérable et
présent (article 1112 du code civil). Peu importe que le mal redouté soit réel ; il suffit que le
sentiment de crainte soit effectif et grave. L’appréciation se fait in concreto : les tribunaux
recherchent si celui qui demande la nullité était effectivement sous l’empire de la crainte.

Lorsque la main d’une personne a été guidée de force pour obtenir sa signature, le
consentement n’est pas donné sous l’empire de la crainte, mais de façon plus radicale, le
consentement est inexistant.

D. La fongibilité des vices du consentement

Cette formule signifie que dans certaines circonstances, ces vices du consentement sont
interchangeables, c’est-à-dire que leurs domaines se recoupent. Par exemple, lorsque seule
la victime de l’erreur s’est trompée sur la qualité convenue, il est possible d’invoquer à la
fois l’erreur et le dol par silence puisque l’autre partie savait que la qualité convenue faisait
défaut et avait gardé le silence. Par contre, lorsque les deux parties se sont trompées sur la
qualité convenue, seule l’erreur pourra être invoquée.

Selon certaines décisions, le critère du dol serait « la malhonnêteté qui inspire les
manœuvres et non la tromperie »78. Partant, les manœuvres pourraient être sanctionnées
par un dol alors même qu’elles n’auraient provoqué aucune erreur. Ainsi en irait-il par
exemple d’une personne qui, « chambrée » par ses proches, aurait consenti à une donation,
non par erreur, mais par lassitude79. Il semblerait que cette hypothèse aurait pu aussi être
analysée en termes de violence.

76
Soc. 5 juill. 1965, Bull. IV, n° 545. Aix, 19 fév. 1988, RTD civ. 1989, 535.
77
Soc. 3 oct. 1973, Bull. civ. V, n° 541.
78
Colmar, 30 janv. 1970, JCP 1971, II, 16609, D. 1970, 297.
79
Colmar, 30 janv. 1970, préc.
46

E. Les mesures préventives des vices du consentement

Ce sont des mesures qui favorisent l’information et la réflexion des contractants.

1. L’information des contractants.

Elles consistent en une obligation générale d’information d’origine jurisprudentielle et des


obligations spéciales d’information d’origine légale.

a. L’obligation générale d’information

L’inégalité dans l’information peut tout autant que l’inégalité économique, nuire à l’équilibre
du contrat. La jurisprudence, consciente de cette situation a imposé à certains contractants
l’obligation d’informer leur partenaire. A cet effet, elle s’est appuyée sur a bonne foi de
l’article 1134 al. 3 du code civil quand bien même ce texte ne vise que la bonne foi dans
l’exécution du contrat. Ainsi, la bonne foi irrigue aussi la formation du contrat. L’obligation
générale d’information a été consacrée par la loi dans l’ordonnance de 2016 à l’article 1112-
1.

Cette communication obligatoire de la connaissance peut revêtir des intensités variables et


intéresser des périodes différentes de l’opération contractuelle.

Lorsqu’elle a pour objet des faits objectifs elle est qualifiée d’obligation d’information ou de
renseignements.

Elle devient une obligation de conseils lorsque celui sur qui pèse ce devoir doit éclairer son
partenaire sur l’opportunité du contrat qu’il se propose de conclure, sur ses avantages et ses
inconvénients. Dans ce cas, il a l’obligation d’orienter le choix du cocontractant.

Lorsque cette obligation existe avant la formation du contrat et tend à faciliter l’émission
d’un consentement éclairé, elle est qualifiée d’obligation précontractuelle de
renseignements. Elle devient une obligation contractuelle de renseignement lorsqu’elle se
présente comme un effet du contrat. Claire en théorie, la frontière entre ces différentes
notions est délicate en pratique.

 Nature de l’obligation d’information : L’obligation d’information est d’ordre public.


C’est ce qui résulte de l’al. 5 de l’article 1112-1 qui dispose que « Les parties ne
peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir ». Elle s’impose aux parties peu importe leur
qualité dès lors que les conditions de son existence sont remplies.

 Conditions d’existence de l’obligation précontractuelle de renseignement : Le


principe initialement est qu’il est du devoir de chacun de s’informer par lui-même 80.
Mais à partir du milieu du XXe siècle, un courant de pensée plus soucieux de réduire
80
Portalis dans le Discours préliminaire notait : un homme qui traite avec un autre homme doit être attentif et
sage ; il doit veiller à son intérêt, prendre les informations convenables.
47

les inégalités, a modifié l’équilibre en faveur de celui dont la capacité de s’informer


apparaît limitée. Le devoir de se renseigner laisse alors la place à l’obligation de
renseignements.

En premier lieu, une personne ne peut être tenue de renseigner son partenaire que lorsqu’il
détient une information pertinente, c’est-à-dire une information qui par sa nature peut
modifier le comportement de celui-ci. Cette condition est reprise à l’article 1112-1 al. 1er
qui dispose que « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est
déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement,
cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ».

L’alinéa 3 du même article précise la notion d’information d’importance déterminante. Il


dispose que « Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et
nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties ». Il s’agit d’informations
qui sont en lien avec ce qui correspondait à l’objet et à la cause de l’obligation d’une part
et de la personne des contractants d’autre part. Cette dernière exigence ne peut en
réalité jouer que dans les contrats intuitu personae.

L’alinéa 2 du même article relève que « Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas
sur l’estimation de la valeur de la prestation ». Ce qui est conforme au fait que l’erreur sur
la valeur n’est pas une cause de nullité. (article 1136 résultant de l’ordonnance).

En second lieu cette obligation d’information n’existe que lorsque celui qui se prétend
créancier de cette obligation a lui-même ignoré le fait recélé, encore faut-il que cette
ignorance soit légitime. Cette condition figure à l’article 1112-1 al. 1 er in fine : «… dès lors
que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son
cocontractant »

De fait concrètement, l’obligation d’information trouvera un domaine d’application naturel


dans les rapports entre professionnel et consommateur. Mais en réalité, tout dépend de la
capacité de chaque contractant à se renseigner par lui-même. Ainsi, certaines décisions ont
pu juger un profane responsable du défaut d’information d’un professionnel 81 alors que
d’autres considèrent que le professionnel n’était pas tenu d’une obligation d’information au
profit du consommateur82. Enfin, la jurisprudence fait parfois jouer l’obligation d’information
entre particuliers ou entre professionnels. Cette solution est encore d’actualité dans le cadre
des nouvelles dispositions dès lors que les conditions susmentionnées sont remplies.

 Preuve de l’obligation d’information : Conformément au droit commun de la preuve


résultant de l’article 1315 ancien du code civil, l’al. 4 de l’article 1112-1 précise qu’« Il

81
Cass. 1re civ. 24 nov. 1976, Bull. I, n° 370; “celui qui traite avec un professionnel n’est pas dispensé de lui
fournir les renseignements qui sont en sa possession et dont l’absence altère le consentement de son
cocontractant ».
82
Cass. Civ. 19 mars 1985, Bull. civ. I, n° 98, RTD civ. 1986, 339.
48

incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre
partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie ».

 Sanctions de l’obligation d’information : La violation de l’obligation d’information


est sanctionnée par le biais du droit commun notamment par la nullité parce qu’elle
constitue un vice du consentement (erreur ou dol), et par l’application des règles de
la responsabilité délictuelle parce qu’elle constitue une faute délictuelle. C’est le
même régime qui résulte de l’alinéa 6 de l’article 1112-1 : « Outre la responsabilité
de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner
l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants ».

 Sanction de la divulgation de l’obligation obtenue : L’obligation précontractuelle


d’information peut conduire à la transmission du partenaire des informations
confidentielles. Celui qui fournit les informations s’exposerait alors au danger de
divulgation desdites informations. La nécessaire protection de ses intérêts conduits
le législateur à imposer une obligation de confidentialité au bénéficiaire de
l’information. Aussi l’article 1112-2 résultant de l’ordonnance affirme –t- il que
« Celui qui utilise ou divulgue sans autorisation une information confidentielle
obtenue à l’occasion des négociations engage sa responsabilité dans les conditions
du droit commun ». Il s’agira d’une responsabilité délictuelle. Il en sera ainsi
lorsque cette divulgation intervient alors que le contrat, finalement, n’a pas été
conclu.

b. Les obligations spéciales d’information

Certains textes variés précisent les informations dues par une personne à son partenaire.
Ces textes interviennent, le plus souvent mais pas exclusivement, dans les rapports entre
professionnels et consommateurs. Nous citerons à titre d’exemple l’article 2 de la loi
française du 18 janvier 1998 devenu l’article L. 111-1 C. consom.). Ce texte dispose « Tout
professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du
contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du
bien ou du service ».

2. La réflexion des contractants

Décider en pleine connaissance de cause, c’est non seulement être informé, mais encore
réfléchir. C’est pourquoi le législateur a mis en place pour certains contractants dont il craint
que la décision ne soit précipitée deux mécanismes, le délai de réflexion et le droit de
repentir. Dans le premier cas, le consentement est différé et dans le second il est précaire.

a. Le délai de réflexion

Dans ce cas, le législateur interdit au destinataire de l’offre d’accepter l’offre pendant un


certain délai à compter de la réception de celle-ci, par exemple DIX jours en matière de
49

crédit immobilier (article L. 312-10 al. 2 C. consom). Ce texte est, selon la jurisprudence,
d’ordre public83. Par cette paralysie temporaire du processus de formation du contrat, on
espère amener l’intéressé à réfléchir à la portée de son engagement. Une Acceptation
prématurée serait inefficace. Mais la réitération de celle-ci, postérieurement à l’écoulement
du délai de réflexion, donnera naissance au contrat, du moins si cette réitération intervient
avant que l’offre ne devienne caduque.

b. Le droit de repentir

En principe, dans la formation du contrat, les parties sont irrévocablement liées dès la
rencontre des volontés. Le droit de repentir permet à celui qui en bénéficie de rétracter son
consentement durant un certain délai. En d’autres termes, au lieu de lui imposer un délai de
réflexion avant la conclusion du contrat, on le lui octroie après. Tel est le cas en matière de
démarchage à domicile (article L. 121-25 C. cons.

Section 2. La capacité et la représentation

A. La capacité

La capacité est l’aptitude d’une personne à être titulaire de droits et à les exercer. Il existe
donc deux niveaux de capacité, la capacité de jouissance et la capacité d’exercice. La
capacité est le principe puisque « Toute personne peut contracter, si elle n’en n’est pas
déclarée incapable » (article 1123 du code civil).
L’ordonnance de 2016 reprend les principes antérieurs. Le nouvel article 1145 dispose que
« Toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi.
La capacité des personnes morales est limitée aux actes utiles à la réalisation de leur objet
tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des
règles applicables à chacune d’entre elles ».
Les personnes morales, à la différence des personnes physiques, n’ont pas une capacité
générale en raison du principe de la spécialité. Les personnes morales, en effet, sont créées
pour des objets définis dans leurs statuts. Elles ne peuvent donc qu’accomplir que les actes
indispensables à la réalisation desdits objets. Elles sont aussi compétentes pour accomplir
les actes accessoires nécessaires en vertu de la règle selon laquelle « l’accessoire suit le
principal ». Le texte précise que les personnes morales accomplissent ces actes « dans le
respect des règles applicables à chacune d’entre elles ». Cette précision tient au fait que les
personnes morales sont de nature variée. On peut citer les associations, les syndicats les
sociétés civiles et commerciales, les personnes morales de droit public que sont l’Etat, les
collectivités territoriales (préfecture, communes etc.) et les établissements publics
(Universités, hôpitaux publics). A titre indicatif, les associations et les syndicats qui sont des
associations de nature professionnelle ne sont pas autorisés à réaliser des opérations à but
lucratif entraînant le partage des profits.

83
Civ. 1re 9 déc. 1997, D. 1998, IR, 29.
50

Les personnes physiques disposent d’une capacité générale sauf limitations qui ne peuvent
résulter que de la loi. L’ancien article 1124 du code civil précise que « sont incapables de
contracter, dans la mesure déterminée par la loi : les mineurs non émancipés, les majeurs
protégés ». Le nouvel article 1146 reprend les mêmes règles : « Sont incapables de
contracter, dans la mesure définie par la loi :
« 1° Les mineurs non émancipés ;
« 2° Les majeurs protégés au sens de l’article 425 ».

La capacité d’une personne peut être atteinte dans l’une ou l’autre de ses composantes.

Il y a une incapacité d’exercice lorsqu’un individu, titulaire des mêmes droits que tout autre
individu ne peut pas exercer tout seul ses droits. Soit elle a besoin d’être représentée
(régime de la tutelle) ou d’être assistée (régime de la curatelle).

Il y a incapacité de jouissance lorsque de façon plus radicale, la personne est privée d’un
droit. Il en résulte que non seulement il ne peut exercer ce droit par lui-même, mais
personne ne peut non plus l’exercer à sa place.

Les incapacités de jouissance sont toujours spéciales ; elles ne portent que sur certains
droits. En effet, soumettre une personne à une incapacité générale de jouissance, ce serait la
priver de sa personnalité juridique. En revanche, les incapacités d’exercice peuvent être
générales ou spéciales.

1. Les incapacités de contracter


a. Les incapacités d’exercice

C’est la situation dans laquelle un individu, en raison de son âge ou de l’altération de ses
facultés, est frappé d’une incapacité qui le prive de la possibilité de contracter lui-même ou
de contracter seul, c’est-à-dire sans être assisté.

S’agissant d’abord des mineurs, il faut relever qu’ils ont une capacité résiduelle de
contracter. D’une part le mineur dispose notamment d’une capacité pour les actes que
l’usage l’autorise à accomplir seul, en raison de son âge ou du caractère modeste de l’acte.
Le nouvel article 1148 reprend les mêmes exigences « Toute personne incapable de
contracter peut néanmoins accomplir seule les actes courants autorisés par la loi ou
l’usage, pourvu qu’ils soient conclus à des conditions normales ».

La loi prévoit le régime des actes courants accomplis par le mineur. Ils « peuvent être
annulés pour simple lésion. Toutefois, la nullité n’est pas encourue lorsque la lésion résulte
d’un événement imprévisible ». La lésion désigne le préjudice très particulier subi par l’un
des contractants du fait du déséquilibre existant, au moment de la formation du contrat,
entre les prestations. Il n’y a pas lésion lorsque le déséquilibre résulte d’un événement
postérieur à la formation du contrat et revêt un caractère imprévisible. Ce qui permet de
distinguer la lésion de l’imprévision comme on le verra. Il faut ajouter que « la simple
51

déclaration de majorité faites par le mineur ne fait pas obstacle à l’annulation de l’acte
lésionnaire (article 1149 al. 2).

Ces principes ne sont pas applicables lorsque le mineur accomplis les actes dans le cadre de
ses activités professionnelles. C’est ce qui résulte de l’article 11149 al. 3 « Le mineur ne peut
se soustraire aux engagements qu’il a pris dans l’exercice de sa profession ». Encore faut-il
que le mineur soit légalement autorisé à exercer cette activité professionnelle.

S’agissant des majeurs protégés, leur incapacité sera plus ou moins étendue selon la gravité
de leur état. Le majeur peut être placé sous protection de justice, sous le régime de la tutelle
ou celui de la curatelle. Ces règles sont rappelées au nouvel article 1150 qui dispose que «
Les actes accomplis par les majeurs protégés sont régis par les articles 435, 465 et 494-9
sans préjudice des articles 1148, 1151 et 1352-4 ».
S’agissant des moyens de défense dont dispose le cocontractant de l’incapable,
l’article 1151 dispose que « Le contractant capable peut faire obstacle à l’action en nullité
engagée contre lui en établissant que l’acte était utile à la personne protégée et exempt de
lésion ou qu’il a profité à celle-ci.
Il peut aussi opposer à l’action en nullité la confirmation de l’acte par son cocontractant
devenu ou redevenu capable ».

La confirmation est l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y
renonce. Cet acte mentionne l’objet de l’obligation et le vice affectant le contrat (voir
nouvel article 1182).

Il résulte de l’article 1151 précité que le mineur n’est protégé que lorsque l’acte
accompli lui est défavorable. Ces dispositions sont confirmées par celles de l’article
1352-4 qui précise que « Les restitutions dues à un mineur non émancipé ou à un majeur
protégé sont réduites à proportion du profit qu’il a retiré de l’acte annulé ».

b. Les incapacités de jouissance

C’est la situation dans laquelle une personne est privée du droit de conclure certains
contrats. Cette interdiction peut être fondée sur la nécessité de protéger le cocontractant.
Ainsi, le tuteur n’a pas le droit d’acquérir le bien de son pupille (article 219 du code togolais
de l’enfant). Dans d’autres cas, l’interdiction tend à protéger l’incapable lui-même. Ainsi, le
mineur lui-même pas plus que son représentant, ne peut consentir de donation.

2. Les personnes juridiquement capables mais souffrant d’une altération des facultés
mentales.

Tout en étant juridiquement capable, un individu peut être hors d’état de se rendre compte
de la portée de ses actes et par là même d’émettre un véritable consentement. Ainsi en va –
t-il de celui qui, étant illettré, ne peut comprendre la signification de ce qu’il signe 84. Ainsi en

84
Soc. 14 janv. 1997, D 1997, 612, note Djoudi.
52

va –t-il aussi de celui dont les facultés mentales sont altérées mais qui n’a pas encore fait
l’objet d’aucune mesure de protection ou encore celui dont les facultés mentales sont
passagèrement altérées par l’usage de la drogue ou de l’alcool. Dans tous ces cas, la sanction
est la nullité du contrat pour défaut de consentement. Mais il appartient à celui qui agit en
nullité sur ce fondement, de démontrer que le consentement faisait défaut.

3. La prescription des actes accomplis par les personnes incapables


Lorsqu’un acte est irrégulièrement accompli et qu’il est susceptible de nullité, celui qui
demande l’anéantissement de l’acte doit agir dans un délai donné. La prescription se définit
alors comme la perte du droit d’agir du fait de l’écoulement d’un certain délai. L’une des
préoccupations en la matière est de savoir de quand court le délai indiqué. Le nouvel article
1152 apporte des réponses à ces questions. Il dispose que « La prescription de l’action court
:
« 1° A l’égard des actes faits par un mineur, du jour de la majorité ou de l’émancipation ;
« 2° A l’égard des actes faits par un majeur protégé, du jour où il en a eu connaissance alors
qu’il était en situation de les refaire valablement ;
« 3° A l’égard des héritiers de la personne en tutelle ou en curatelle ou de la personne
faisant l’objet d’une habilitation familiale, du jour du décès si elle n’a commencé à courir
auparavant ».

B. La représentation des incapables

Elle est régie par les articles 1153 à 1161 résultant de l’ordonnance de 2016. Ces
dispositions reprennent les principes en matière de représentation notamment les
règles du mandat. La représentation peut résulter de la loi, du juge ou de la convention.
Dans tous les cas, le représentant ne peut agir que dans « les limites des pouvoirs qui lui
ont été conférés ». Il est précisé notamment l’étendue du pouvoir du représentant, les
effets des actes accomplis, la sanction des dépassements de pouvoirs.

1. L’étendue des pouvoirs du représentant

L’étendue des pouvoirs du représentant peut être définie en termes généraux ou


spécialement déterminée. La loi précise que dans le premier cas, le pouvoir ne couvre
que des actes conservatoires ou d’administration. Les actes de dispositions ne peuvent
être définis en termes généraux. Ces actes sont d’une gravité en ce qu’ils font sortir des
biens du patrimoine du représenté. Cette gravité explique que les actes de dispositions
doivent donner lieu à un mandat spécial (art. 1155). Dans l’hypothèse d’un pouvoir
spécialement déterminé, « le représentant ne peut accomplir que les actes pour lesquels
il est habilité et ceux qui en sont l’accessoire ». A titre d’exemple, le pouvoir donné pour
la vente d’un immeuble A ne peut s’étendre à un autre immeuble du représenté.
L’étendue des pouvoirs du représentant a, à l’égard des tiers, des incidences directes sur
l’effet des actes accomplis. Le tiers a donc intérêt à connaître avec précision l’étendue
des pouvoirs du représentant. C’est la raison pour laquelle le législateur invite le tiers à
faire preuve de prudence en cas de doute. L’article 1158 dispose en effet que « Le tiers
53

qui doute de l’étendue du pouvoir du représentant conventionnel à l’occasion d’un acte


qu’il s’apprête à conclure, peut demander par écrit au représenté de lui confirmer, dans un
délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, que le représentant est habilité à conclure cet
acte.
« L’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le représentant est réputé habilité
à conclure cet acte ».
2. Effets des actes accomplis par le représentant

Il faut distinguer selon qu’il s’agit des rapports entre le représentant et le représenté
d’une part et d’autre part les rapports entre le représentant et les tiers avec qui il a
conclu.

a) Dans les rapports entre représentant et les tiers

Plusieurs situations sont à prévoir :

- le représentant agissant au nom du représenté et pour son compte. Dans ce


cas seul le représenté est engagé par les actes du représentant. Encore faut-il que
le représentant ait agi dans les limites de ses pouvoirs. C’est ce qui résulte de
l’alinéa 1er de l’article 1154 « Lorsque le représentant agit dans la limite de ses
pouvoirs au nom et pour le compte du représenté, celui–ci est seul tenu de
l’engagement ainsi contracté.

En revanche lorsque le représentant agit sans pouvoir ou excède ses pouvoirs, il


n’engage pas le représenté. Il engage sa propre responsabilité. C’est ce qui résulte
de l’article 1156 « L’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de
ses pouvoirs est inopposable au représenté,… ». Le représenté peut même
demander la nullité de l’acte. Cette possibilité résulte du nouvel article
1157 : « Lorsque le représentant détourne ses pouvoirs au détriment du
représenté, ce dernier peut invoquer la nullité de l’acte accompli si le tiers avait
connaissance du détournement ou ne pouvait l’ignorer ».

L’inopposabilité de l’acte au représenté connait une limite essentielle. L’acte sera


opposable au représenté «… si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité
des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des
déclarations du représenté » (article 1154 al. 1er in fine). Il ne s’agit pas de la
simple bonne foi du tiers. Sa croyance à l’existence du pouvoir du représentant ne
doit pas résulter d’une légèreté de sa part. La croyance doit être légitime. Le
comportement du représenté peut notamment créer cette croyance légitime.
Cette solution est fondée sur la théorie de l’apparence qui voudrait que
l’apparence crée le droit.

Quand bien même l’acte accompli serait opposable au représenté, le tiers dispose
aussi de la possibilité d’invoquer la nullité de l’acte. Le tiers qui a légitimement
cru en l’existence des pouvoirs du représentant dispose donc de deux options.
54

Soit il invoque l’opposabilité de l’acte au représenté. Tel sera le cas lorsque le


tiers veut se prévaloir de l’acte. Soit il en invoque la nullité (article 1156 al. 2). Il
en sera ainsi surtout lorsqu’en définitive l’acte ne lui est pas profitable.

Enfin, le représenté peut ratifier les actes accomplis par le représentant en cas de
dépassement ou en l’absence de pouvoirs. Cette ratification purge l’acte de ses
vices. Le représenté assume les actes et ne peut même plus agir contre le
représentant en cas de ratification.

- le représentant agissant pour le compte du représenté mais en son nom


propre. Dans ce cas seul le représentant est engagé à l’égard du cocontractant.
C’est ce qui résulte de l’article 1154 al. 2 : « Lorsque le représentant déclare agir
pour le compte d’autrui mais contracte en son propre nom, il est seul engagé à
l’égard du cocontractant ». Cette situation correspond au mandat sans
représentation. Lorsqu’il est d’origine conventionnelle om parle de contrat de
commission.

b) Dans les rapports entre le représentant et le représenté

Lorsque le représentant agit en son nom propre mais pour le compte du représenté, tous
les actes accomplis par le représentant sont sensés l’être par le représenté dans ses
rapports avec le représentant. Ce dernier est engagé à l’égard du représenté qui lui, doit
répondre des engagements à l’égard des tiers.

Dans tous les cas, les actes accomplis par le représentant sans pouvoirs ou au delà des
pouvoirs qui lui sont donnés n’engagent pas le représenté. Il en résulte que même
lorsque le représenté répond à l’égard du tiers dans les conditions susmentionnées, il
pourra engager la responsabilité du représentant. Il en sera de même lorsque le
représenté commet des fautes dans l’exercice de ses pouvoirs et cause un dommage au
représentant.

3. Incompatibilité et fin de la représentation

Aux termes de l’article 1159 « L’établissement d’une représentation légale ou judiciaire


dessaisit pendant sa durée le représenté des pouvoirs transférés au représentant.
La représentation conventionnelle laisse au représenté l’exercice de ses droits ».

Il résulte de ces dispositions qu’en cas de représentation légale ou judiciaire le


représenté ne peut plus accomplir les actes pour lesquels il a été représenté. Au cas où il
le voudrait, il ne pourra de son propre chef mettre fin à la représentation.

Par contre lorsque la représentation est conventionnelle le représenté peut,


concomitamment, conserver les pouvoirs qu’il a donnés. A tout moment, il peut aussi
mettre fin à la représentation et accomplir les actes pour lesquels il a donné pouvoirs. La
solution se justifie par le fait que la représentation conventionnelle est fondée sur la
55

confiance entre le représentant et le représenté. Au cas où cette confiance ferait défaut, il


est loisible au représentant de mettre fin au pouvoir du représenté à tout moment.

Les pouvoirs du représentant cessent aussi s’il est atteint d’une incapacité ou frappé
d’une interdiction (article 1160).
Par ailleurs, aux termes de l’article 1161 « Un représentant ne peut agir pour le compte
des deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté.
En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne
l’ait autorisé ou ratifié ».
C’est une question de bon sens et de loyauté. On ne peut représenter à la fois deux
intérêts potentiellement distincts.

Section 3. L’objet

L’article 1108 du code civil exige pour la validité d’une convention « un objet certain qui
forme la matière de l’engagement ». On relèvera que la terminologie utilisée par le code civil
pour traiter la matière est imprécise puisque le code parle à la fois de l’ « objet du contrat »
(articles 1126 à 1128) et l’ « objet de l’obligation » (articles 1129 et 1130). Rigoureusement,
un contrat synallagmatique fait naître deux obligations ayant chacune un objet, la prestation
à fournir par le débiteur ou encore ce à quoi s’engage le débiteur ; C’est l’objet de
l’obligation. La doctrine a proposé de distinguer l’objet du contrat de l’objet de l’obligation.
L’objet du contrat désignerait l’opération juridique que les parties souhaitent réaliser. Il
s’agit alors d’une approche globale de la prestation des parties.

Il faut le rappeler, aux termes de l’article 1126 du code civil, « tout contrat a pour objet une
chose qu’une partie s’oblige à donner, ou qu’une partie s’oblige à faire ou à ne pas faire ». A
cette distinction traditionnelle, la doctrine moderne préfère celle qui oppose les obligations
pécuniaires aux obligations en nature. L’obligation monétaire est celle de transférer la
propriété d’une certaine quantité d’argent, l’obligation de payer un certain prix. Elle soulève
des problèmes propres du fait de la particularité de son objet, la monnaie. Les obligations en
nature se définissent négativement comme étant toutes celles dont l’objet n’est pas une
somme d’argent : obligation de donner un corps certain ou une chose de genre autre que la
monnaie, obligation de faire, obligation de ne pas faire. L’objet de l’obligation suscite deux
interrogations : existe-t-il ? Est-il équilibré ?

On observera que dans l’ordonnance de 2016 l’objet a disparu dans l’énumération des
conditions de validité du contrat (article 1128) pour réapparaître aussitôt comme un
élément du contenu du contrat à l’article 1163 : « L’obligation a pour objet une prestation
présente ou future ». Cette situation confirme l’idée précédemment relevées selon
laquelle le contenu du contrat absorbe les exigences de la cause et de l’objet. .

§ 1. L’existence de l’objet
56

L’objet doit exister équivaut aussi à dire que l’objet doit être possible : la vente de la lune
aurait par exemple un objet impossible ou encore rendre un homme immortel. Au-delà de
cette condition, l’objet doit être certain (A) déterminé ou déterminable (B) et licite (C).
Les mêmes exigences sont maintenues dans la nouvelle ordonnance. Il suffit de se référer
aux articles 1128 et 1163 pour s’en convaincre. Le premier dispose que « Sont nécessaires à
la validité d’un contrat :
« 1° Le consentement des parties ;
« 2° Leur capacité de contracter ;
« 3° Un contenu licite et certain ».
Le second précise que « L’obligation a pour objet une prestation présente ou future.
Celle–ci doit être possible et déterminée ou déterminable ».

A. L’objet doit être certain

En principe, le lien d’obligation ne peut être noué que s’il porte sur une chose qui existe au
moment de la conclusion du contrat.

Si la perte de la chose ne se produisait qu’après la conclusion du contrat, l’obligation


serait valablement formée, mais il resterait seulement à déterminer l’effet de cette perte.
L’objet de l’obligation n’existe pas par exemple lorsque les parties traitent sur une chose qui
était déjà détruite sans qu’elles le sachent. L’article 1601 du code civil prévoit par exemple
que « si au moment de la vente, la chose vendue était déjà périe en totalité, la vente est
nulle ». Lorsque la destruction est partielle, l’alinéa 2 du même texte offre une option à
l’acquéreur : « abandonner la vente, ou (…) demander la partie conservée, en faisant
déterminer le prix par la ventilation ».

Deux tempéraments sont apportés à cette exigence :

- L’article 1130 al. 1er du code civil prévoit que « les choses futures peuvent être
l’objet d’une obligation », par exemple, la vente d’immeuble à construire. Les
nouvelles dispositions vont dans le même sens. En effet, aux termes de l’article 1163,
« L’obligation a pour objet une prestation présente ou future ».
Si la chose objet du contrat vient à ne pas exister, le contrat est caduc. Les parties
pourraient éventuellement engager leur responsabilité. Cependant, pour des raisons
morales, les pactes sur successions futures sont en principe interdits (article 1130 al.
2 du code civil).
- Les parties peuvent conclure une convention aléatoire, dont on n’est pas sûr que
l’objet existe encore ou existera (exemple vente d’une récolte à venir). L’acheteur
devra en payer le prix même si la récolte est détruite par la suite.

B. L’objet doit être déterminé ou déterminable


1. Principe
57

Cette exigence ne soulève aucune difficulté lorsque l’obligation porte sur un corps certain. Il
suffit alors que celui-ci soit désigné. Par exemple la vente d’un immeuble. Plus délicate est
l’hypothèse où l’obligation porte sur une chose de genre, chose fongible qui se vend au
poids ou à la mesure, objet de série interchangeable. Aux termes de l’article 1129 du code
civil, la chose doit alors être déterminée dans son espèce et sa quotité.

Par son espèce, le code entend le genre auquel la chose appartient : du riz, de l’essence,
une automobile de tel modèle. Si la qualité n’est pas précisée, le juge recherchera la
volonté réelle des parties en se référant aux rapports antérieurs des parties ou au prix. A
défaut, le débiteur doit livrer une chose de qualité moyenne (article 1126 du code civil). La
nouvelle ordonnance prend en compte ces exigences. Aux termes du nouvel article 1166
« Lorsque la qualité de la prestation n’est pas déterminée ou déterminable en vertu du
contrat, le débiteur doit offrir une prestation de qualité conforme aux attentes légitimes
des parties en considération de sa nature, des usages et du montant de la contrepartie ».

Cette attente légitime des parties se réfère à leur volonté raisonnable qui tient compte des
rapports antérieurs des usages et du prix notamment.

Il n’est pas nécessaire que la quantité soit fixée dans le contrat. Il suffit qu’elle soit
déterminable à l’époque de son exécution d’après les indications même du contrat. Serait
en revanche nulle l’obligation portant sur une chose de genre dont la quantité supposerait
pour sa détermination un nouvel accord des parties 85. S’agissant par exemple de la vente des
marchandises, le prix est déterminable lorsqu’on se réfère au prix pratiqué sur le marché au
jour de la livraison.

2. Cas des contrats-cadre ; indétermination du prix

On désigne ainsi une convention initiale qui prévoit la conclusion de contrats ultérieurs.
Elle est destinée dans le monde des affaires à jeter les bases d’une coopération durable
entre acteurs économiques. Le nouvel article 1111dispose que « Le contrat cadre est un
accord par lequel les parties conviennent des caractéristiques générales de leurs relations
contractuelles futures. Des contrats d’application en précisent les modalités d’exécution ».

Par exemple, un contrat de distribution conclu entre une compagnie pétrolière et un


pompiste détaillant qui s’engage à se fournir exclusivement auprès de la compagnie
signataire. Conçus pour régir le long terme, de tels contrats se prêtent mal à l’exigence d’un
prix déterminé ou déterminable. Comment, en effet, fixer, avec précision et par avance, le
prix de produits qui en application du contrat-cadre ne seront commandés et livrés que
plusieurs années après ?

La jurisprudence se contentait donc de la référence au tarif en vigueur au jour de la


livraison ; le prix était alors considéré comme déterminable. A partir de 1971 la cour de

85
Com. 28 fév. 1983, Bull. IV, n° 86, p. 73.
58

cassation annulait, d’abord sur le fondement de l’article 1591 puis celui de l’article 1129
du code civil, les contrats-cadre. La jurisprudence exigeait que le contrat-cadre comportât
un prix déterminé ou déterminable par des éléments indépendants de la volonté de l’une
des parties86. Cette solution a été critiquée par une large partie de la doctrine car elle gênait
la conclusion de contrats à long terme et perturbait les réseaux de distribution. Aussi la
jurisprudence a dans un premier temps limité l’exigence d’un prix déterminé ou
déterminable aux contrats engendrant une obligation de donner 87. Cette distinction était
difficile à mettre en œuvre en pratique : tout contrat-cadre implique la conclusion de contrat
de vente, obligation de faire. La jurisprudence a alors préféré une autre formule, précisant
qu’il n’était plus nécessaire que le prix soit déterminable dans le contrat lui-même pourvu
qu’il puisse être « librement débattu et accepté » par les parties lors des contrats de vente
postérieurs88.

A travers l’exigence d’un prix déterminé, la haute juridiction entendait essentiellement


protéger la partie qui est placée dans une situation de dépendance. Mais cette
jurisprudence condamnait alors la clause d’exclusivité. Par deux arrêts du 29 novembre
1994, la première chambre civile de la cour de cassation a décidé que l’exigence de la
détermination du prix était satisfaite dès lors que la convention faisait référence à un tarif.
La jurisprudence admettait alors qu’il puisse être reconnu à une partie le droit de fixer
unilatéralement le prix et reconnaissait au juge le pouvoir de sanctionner le fournisseur qui
abuserait de son exclusivité pour majorer ses tarifs dans le but d’en tirer un profit illégitime.
Cette solution allait préparer le revirement opéré par l’Assemblée plénière de la cour de
cassation le 1er décembre 1995 : « lorsqu’une convention prévoit la conclusion de contrats
ultérieurs, l’indétermination du prix de ces contrats dans la convention initiale n’affecte pas,
sauf dispositions légales particulières, la validité de celle-ci, l’abus dans la fixation du prix ne
donnant lieu qu’à résiliation ou indemnisation »89. La jurisprudence devra déterminer
progressivement à l’avenir les contours de l’abus en la matière90.

Cette jurisprudence a été confirmée par le législateur dans les dispositions résultant de
l’ordonnance de 2016. En effet aux termes du nouvel article 1164 « Dans les contrats cadre,
il peut être convenu que le prix sera fixé unilatéralement par l’une des parties, à charge
pour elle d’en motiver le montant en cas de contestation.

« En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande tendant à
obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du contrat ».

3. Contrats de prestation de service et indétermination du prix

86
Com. 5 nov. 1971, D 1972, 353, note J. Ghestin.
87
Com. 9 nov. 1987, D. 1989, 35 , note Malaurie, JCP 1989, II, 21186, note G. Virrassamy.
88
Com. 16 juill. 1991, JCP 1992, II, 21796, note Leveneur.
89
Ass. Plén. 15 déc. 1995, D 1996, 18, note L. Aynès.
90
Com. 15 janv. 2002, JCP 2002, II, 10157, note C. Jamin, RTD civ. 2002, 294. Civ. 30 juin 2004, D 2005, 1828,
note Dénis Mazeaud.
59

La fixation du prix dans les contrats de prestations de service n’est pas indispensable au
moment de la formation du contrat. Il en est ainsi d’autant plus que très souvent, avant
la prestation, le bénéficiaire ne s’est pas avec précision quelle sera l’étendue de la
prestation. L’article 1165 confirme ces éléments en disposant que « Dans les contrats de
prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être
fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation. En
cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande en dommages et
intérêts ».

C. L’objet doit être licite

Aux termes de l’article 1128 du code civil, « il n’y a que les choses qui sont dans le
commerce qui puissent être l’objet des conventions ». Ces exclusions s’expliquent soit par
les nécessités de l’ordre public ou le caractère sacré de certaines choses.

1. Les choses hors commerce en raison des nécessités de l’ordre public.

L’organisation constitutionnelle administrative ou judiciaire de l’Etat ne peut faire l’objet de


conventions : serait par exemple nulle toute convention liée aux opérations électorales 91. De
même les biens du domaine public sont inaliénables, tout comme les fonctions publiques.
Enfin, certaines choses produites en infraction à la loi sont hors commerce (drogues,
marchandises contrefaites).

2. Les choses hors commerce en raison de leur caractère sacré

Le corps humain est indisponible en raison de son caractère sacré. La règle signifie que le
corps humain pas plus que l’état des personnes ne peuvent faire l’objet de convention soit à
titre gratuit, soit à titre onéreux. La convention par laquelle une personne se donnerait en
esclavage serait nulle. La cour de cassation a ainsi affirmé la nullité des conventions de
mère-porteuse92. Cette solution a été réaffirmée ultérieurement pas l’article 16-7 du code
civil. Mais le législateur a assoupli la rigueur du principe s’agissant des organes et des
produits du corps humain, pour des nécessités thérapeutiques. Il a ainsi admis les dons
d’organes humains (le sang par exemple) ou les prélèvements en vue des greffes. L’article L.
1231-1 C. sant. Publi. résultant de la loi du 31 décembre 1991 en France a aussi admis le don
de sperme.

La cession des droits de clientèle a soulevé quelques difficultés. La cession des clientèles
commerciales ne fait aucune difficulté. Par contre, la cession des clientèles civiles
(architecte, médecin avocat etc.) a donné lieu à des débats. On avait estimé que la clientèle
dépend essentiellement du lien de confiance personnelle qui unit un professionnel à sa

91
Civ. 1re 3 nov. 2004, Bull. n° 237. Est nul l’engagement pris par un candidat de rembourser les frais payés par
son parti, l’opération étant relative aux conditions de présentation d’un candidat aux suffrages des électeurs,
qui sont hors commerce.
92
Ass. plén. 31 mai 1991, D. 91, p. 417, JCP 1991, II, 21752.
60

clientèle et était donc hors commerce 93. Elle admettait néanmoins la validité de
l’engagement de présenter le successeur à la clientèle 94, de lui céder son local et son
matériel, de s’abstenir de lui faire concurrence. Renversant sa jurisprudence, la cour de
cassation a récemment décidé que la cession de la clientèle civile « n’est pas illicite » à
condition que soit sauvegardée la liberté de choix du client95.

§ 2. La valeur de l’objet : l’équilibre de l’opération contractuelle

Selon le principe de l’autonomie de la volonté, le droit n’a pas à se préoccuper de l’équilibre


des prestations ; dans la mesure où ce déséquilibre a été accepté par les contractants, la
lésion de l’un d’entre eux ne peut être prise en compte. Il faudra cependant relever que si la
loi prévoit que la prestation doit exister et doit être déterminée, c’est pour éviter que celui
qui en est créancier ne reçoive rien ou soit à la merci de son partenaire. Il est possible aussi
de relever que dans certains contrats, ceux qui remplissent une fonction d’échange, il
pourrait paraître souhaitable de vérifier non seulement que les prestations existent, mais
aussi qu’elles sont équilibrées. Dans ce cas, c’est à l’objet du contrat (et non à celui de
l’obligation) que l’on se réfère, au sens de l’opération juridique globale réalisée par les
parties. Lorsque cet équilibre fait défaut, il pourrait y avoir, dans les cas déterminés par la
loi, lésion. La lésion désigne donc le préjudice très particulier subi par l’un des contractants
du fait du déséquilibre existant, au moment de la formation du contrat, entre les
prestations. La lésion revêt un caractère exceptionnel quant à son domaine ; il est aussi un
vice objectif.

A. Domaine de la lésion

Soucieux de sauvegarder la stabilité du contrat, les rédacteurs du code civil n’ont pas érigé la
lésion en une cause générale de nullité. Ce vice de formation n’est pris en compte que dans
les cas limitativement spécifiés. En effet, aux termes de l’article 1118 du code civil, la lésion
« ne vicie les conventions que dans certains contrats ou à l’égard de certaines personnes ».
C’est le même esprit qui résulte du nouvel article 1168 aux termes duquel « Dans les
contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de
nullité du contrat, à moins que la loi n’en dispose autrement ».

La lésion peut être invoquée par toute personne dans certains contrats seulement : pour le
vendeur d’immeuble pour une lésion supérieure aux 7/12 e du prix (article 1674 du code
civil) ; pour les copartageants en cas de partage pour une lésion de plus du ¼ (article 889 du
code civil). Il faut souligner que même si certaines lois postérieures ont élargi son domaine,
la lésion reste l’exception.

La lésion peut être invoquée dans tous les contrats au profit de certaines personnes
seulement : les incapables mineurs ou majeurs.
93
Civ. 1re 17 juill. 1990, D. 91, Som. com. P. 319.
94
Civ. 1re 7 juin 1995, D. 1995, 560.
95
Civ. 1re, 7 nov. 2000, JCP 2001, II, 10452, note Vialla.
61

B. La lésion, un vice objectif

Dans le système français, la lésion n’est pas un vice du consentement, mais un vice
objectif. Elle procède exclusivement d’un déséquilibre économique. Pourtant, plusieurs
éléments semblent s’opposer à cette analyse.

D’abord, la lésion est traitée à l’article 1118 du code civil dans une section intitulée « Du
consentement ». Ensuite, elle bénéficie exclusivement au vendeur et non à l’acheteur car on
ne peut présumer un vice du consentement chez l’acheteur qui ne peut être contraint
d’acheter.

Se fondant sur ces éléments, certains juges du fond ont subordonné le prononcé de la
rescision pour lésion à la preuve d’un vice du consentement 96. Mais cette conception n’a pas
prévalu devant la cour de cassation. Il ne suffit pas de démontrer que la lésion a sa source
dans un vice du consentement pour qu’elle soit constituée et la rescision prononcée 97.
Inversement, la preuve de l’absence d’un vice du consentement ne fait pas obstacle à la
lésion98 : « Il importe peu que les parties aient donné leur adhésion en pleine connaissance
de cause, la lésion constituant en soi une cause de rescision, indépendamment de tout vice
du consentement ». Le droit allemand par contre admet de façon générale la rescision pour
lésion en cas de disproportion évidente entre les prestations, si elle a été déterminée par
l’exploitation de la gêne, de la légèreté ou de l’inexpérience de la partie lésée par l’autre.

Section 4. La cause

L’article 1108 du code civil exige une cause licite dans l’obligation. L’article 1131 du code civil
précise que « l’obligation sans cause ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite ne
peut avoir d’effet ». A s’en tenir au langage courant, le mot cause recouvre deux réalités
distinctes : il peut s’agir soit de la cause efficiente soit de la cause finale. Par la première,
on désigne un phénomène qui engendre un autre. Dans ce contexte, on parle par exemple
de la faute, cause du dommage en matière de responsabilité. La cause entendue dans ce
sens ne nous concerne pas ici. C’est plutôt la cause au sens de cause finale qu’il faudra
retenir dans la formation du contrat. Il s’agit alors du but que les parties poursuivent en
concluant le contrat, la raison qu’elles ont de le passer.

Alors que l’étude de l’objet du contrat répond à la question Qu’est-ce-qui est dû ?, celle de
la cause répond à la question Pourquoi est-ce dû ? On dit souvent dans les contrats
synallagmatiques que la cause de l’engagement de l’une des parties est l’objet de la
prestation de l’autre. On comprend aisément pourquoi la notion de contenu du contrat a
pu facilement absorber les notions de cause et objet du contrat.

96
Paris, 25 avril 1928, gaz. Pal ; 1928, 1, 723.
97
Req. 28 déc. 1932, DP 1932, 1, 87.
98
Civ. 1re 19 oct. 1960, Bull. civ. I, n° 366.
62

La notion de cause a donné lieu à des controverses doctrinales. A la conception objective de


la cause a succédé la conception subjective. Mais en réalité, dans la jurisprudence, les deux
conceptions coexistent. C’est l’analyse dualiste de la cause par opposition à l’analyse
moniste. La conception objective permet de vérifier l’existence de la cause alors que sa
conception subjective permet de s’assurer de sa licéité.

§ 1. Les deux conceptions de la cause

A la théorie classique correspondant à la conception objective, a été opposée la conception


moderne dite subjective.

A. Théorie classique de la cause.


1. Enoncé de la théorie

Cette conception dont on peut trouver l’origine chez Domat, privilégie la raison immédiate.
C’est la raison abstraite ; elle est la même, invariable pour chaque type de contrat. Elle
désigne la contrepartie de l’engagement.

- Dans un contrat synallagmatique, l’obligation de chaque partie à pour cause celle de


l’autre ; la cause de l’engagement du vendeur, c’est le prix qui sera payé et celle de
l’acheteur c’est le transfert du droit de propriété sur le bien.
- Dans les contrats unilatéraux réels, la cause de l’obligation d’une des parties, c’est la
remise de la chose lors de la formation du contrat ; par exemple dans le contrat de
prêt, la cause de l’obligation de restitution qui pèse sur l’emprunteur est la remise de
la chose par le prêteur.
- Dans les contrats à titre gratuit, la cause de l’obligation est l’intention libérale ; par
exemple dans le contrat de donation, la cause c’est la volonté de gratifier le
donataire.
2. Critique de la théorie

Ce courant dit anticausaliste a eu pour représentant Planiol. Selon cet auteur, la théorie de
la cause serait entachée d’une erreur historique, Domat ayant forgé une notion inconnue du
droit romain. En outre, cette théorie reposerait sur un paralogisme, car les obligations qui
naissent simultanément, comme c’est le cas dans les contrats synallagmatiques, ne sauraient
se servir de cause. Enfin, et surtout, elle serait inutile car elle ferait double emploi avec le
consentement et l’objet. De plus, la théorie classique ne permet pas d’obtenir la nullité du
contrat pour cause illicite. Cette critique a abouti à la naissance de la conception subjective
de la cause.

B. Théorie moderne de la cause

L’origine de cette théorie peut être trouvée dans les travaux d’Henri Capitant et de Jacques
Maury. La cause résiderait dans les motifs qui ont poussé une partie à contracter. La cause
est alors subjective et concrète ; elle varie pour chaque contrat. La difficulté principale tient
63

à la multiplicité des motifs qui peuvent pousser une personne à contracter. Les auteurs se
sont accordés pour ne considérer que le motif déterminant, « la cause impulsive et
déterminante ».

§2. Les applications jurisprudentielles

Dans la jurisprudence, la conception classique gouverne l’existence de la cause. Elle permet


d’annuler le contrat lorsque les obligations d’un contractant sont dépourvues de
contrepartie ; elle joue un rôle de protection individuelle. C’est au fond la même idée qui
est reprise par l’ordonnance au nouvel article 1169 qui dispose que « Un contrat à titre
onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de
celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire ».

La conception moderne s’applique à l’illicéité de la cause. Elle permet d’annuler un contrat


conclu dans un but illicite ; elle joue un rôle de protection sociale. C’est aussi cette idée qui
est reprise à l’article 1162 : « Le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses
stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties ».

A. Absence de cause

Alors que la cause joue un rôle fondamental dans la formation du contrat, la cour de
cassation hésite à faire jouer un rôle à la cause dans l’exécution du contrat.

1. Lors de la formation du contrat.

A la différence du droit allemand, le droit français ne reconnaît pas la validité de l’acte


abstrait, c’est-à-dire sans cause. Par exemple, une promesse de payer (« je reconnais devoir
10000F ») n’est valable que si elle a une cause. Cependant, l’article 1132 du code civil
dispose que « la convention n’en est pas moins valable, quoique la cause n’en soit pas
exprimée ». Ce texte institue une véritable présomption d’existence de la cause. En
d’autres termes, même si la cause n’est pas clairement indiquée dans l’acte, elle est
présumée exister. Mais il s’agit d’une présomption simple c’est-à-dire susceptible de
preuve contraire. Il appartient donc à la partie qui conteste l’existence de cette cause (le
débiteur) de prouver que son engagement n’a pas de cause ; le cas échéant, le contrat est
nul.

En se référant à la théorie classique de la cause, la jurisprudence considère qu’une obligation


est dépourvue de cause lorsque :

a. Cas des contrats synallagmatiques


- Elle n’a pas de contrepartie. Par exemple, une personne vend une chose qui a déjà
péri.
- Elle a une contrepartie inutile. Par exemple, un généalogiste s’était engagé à révéler
à une héritière une succession qui lui était échue, moyennant l’abandon d’une quote-
64

part de l’héritage. Si « l’existence de la succession devait normalement parvenir à la


connaissance de l’héritière sans l’intervention du généalogiste », l’obligation de
rémunération est dépourvue de cause et n’a pas à être exécutée 99. De même, en se
fondant sur l’article 1131 du code civil, la cour de cassation a considéré comme non
écrite la clause limitative de responsabilité de Chronopost qui privait de cause le
supplément de prix payé par l’expéditeur100.
- Dans un contrat aléatoire, une obligation est dépourvue de cause lorsqu’il n’y a pas
d’aléa. Par exemple, une rente viagère sur la tête d’une personne déjà morte au jour
du contrat.

Le plus souvent, l’absence de contrepartie ou l’existence de contrepartie inutile résulte


d’une erreur d’un contractant qui s’est engagé en croyant que cette contrepartie existait ou
était utile : on parle alors de fausse cause dont le régime est identique à celui de l’absence
de cause. La jurisprudence a dégagé la fausseté de la cause qui permettrait la réduction de
l’obligation à la mesure de la fraction de cause subsistante101.

b. Cas des contrats unilatéraux réels

Dans le contrat de prêt par exemple, la jurisprudence a décidé que la cause de l’obligation de
l’emprunteur réside « dans la mise à disposition des fonds nécessaires à l’acquisition qu’il
avait effectuée »102. Elle a donc refusé de voir la cause du contrat de prêt dans l’acquisition
envisagée, ce qui aurait permis d’annuler le contrat si l’acquisition ne pouvait se réaliser.
C’est la théorie classique de la cause qui a été retenue.

c. Dans les contrats à titre gratuit

Voir la cause dans l’intention libérale serait de peu d’utilité puisque celle-ci se confond avec
le consentement. Les tribunaux considèrent donc que la cause est le motif déterminant qui a
poussé l’auteur de la libéralité à s’engager. Ainsi, deux époux peuvent obtenir la nullité pour
absence de cause d’une donation-partage décidée en raison d’avantages fiscaux qui ont été
supprimés par la suite par une loi rétroactive103.

2. Lors de l’exécution du contrat.

La jurisprudence a montré une hostilité à faire jouer un rôle à la cause dans l’exécution du
contrat. Elle a affirmé que « l’existence de la cause d’une obligation s’apprécie au moment
de la formation du contrat »104. La dernière jurisprudence semble opérer une distinction
entre contrats instantanés et contrats à exécution successives. Si dans les contrats
instantanés la cause ne peut s’apprécier qu’au moment de leur formation, la cause d’un
99
Civ. 18 avril 1953, D 1953, 409 ; Gaz. Pal. 53, 2, 7.
100
Com. 22 oct. 1996, D. 1997, 121, note A. Sériaux.
101
Civ. 1re , 11 mars 2003, JCP 2003, I, 142, n° 5, obs. J. Rochfeld.
102
Civ. 1re 20 nov. 1974, Bull. civ. n° 311.
103
Civ. 1re 11 fév. 1986, JCP 1988, II, 21027.
104
Com. 21 oct. 1974, Bull. civ. n° 255.
65

contrat à exécution successive peut disparaître au cours de l’exécution. Une personne remet
à une autre une somme pour lui permettre d’acheter un véhicule devant servir à les
transporter toutes les deux ; mais au bout de quelques promenades ces personnes se
brouillent. La cour de cassation condamne l’acheteur à une restitution partielle de la somme
versée par son compagnon de promenade au motif que « sans méconnaître que la cause,
élément nécessaire à la constitution du contrat, doit exister au jour de la formation de celui-
ci, la cour d’appel a retenu à bon droit que l’inexécution par Mme X... de son obligation à
prestation successive justifiait la demande de M. Y... en restitution d’une partie de la somme
qu’il avait versée en exécution de son engagement réciproque et corrélatif »105.

B. Illicéité de la cause

Pour être valable, le contrat ne doit pas être contraire à l’ordre public et aux bonnes
mœurs (article 6 du code civil). Faisant échos à ce texte, l’article 1133 du code civil dispose
que « la cause est illicite quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux
bonnes mœurs ». La cause apparaît ainsi avec l’objet comme les instruments de contrôle
de la conformité des conventions à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Le contrat est
illicite lorsqu’il est contraire à la loi. La doctrine souligne les bonnes mœurs ne se confondent
pas à la morale. Alors que la morale poursuit le perfectionnement intérieur, les bonnes
mœurs visent seulement un conformisme extérieur. Les bonnes mœurs ne s’identifient pas
non plus aux pratiques de la majorité de la population. Ce n’est pas parce que la majorité
des couples mariés est infidèle que l’adultère deviendrait une composante des bonnes
mœurs. Il semble qu’on puisse définir les bonnes mœurs comme les règles de morale sociale
considérées comme fondamentales pour l’ordre même de la société.

La notion n’est pas figée. Elle évolue avec la représentation que se fait chaque société de ce
qui est fondamental. On relève aussi que la liberté de la vie privée refoule le concept de
bonnes mœurs.

Traditionnellement, on admettait que les libéralités entre concubins lorsqu’elles ont pour
but la formation, la reprise ou la poursuite des relations étaient contraires aux bonnes
mœurs. Mais la première chambre civile puis l’Assemblée plénière de la cour de cassation
ont décidé que « n’est pas nulle comme contraire aux bonnes mœurs les libéralités
consenties à l’occasion d’une relation adultère »106. Cette solution semble faire l’impasse sur
les dispositions du code civil aux termes desquelles « les époux se doivent mutuellement
fidélité ».

105
Civ ; 1re 16 déc. 1986, Bull. civ. n° 301.
106
Civ. 1re 3 fév. 1999, JCP 1999, II, n° 10083 ; Ass. Plén. 29 oct. 2004 D. 2004, P. 3175.
66

Le refoulement des bonnes mœurs était amorcé en de nombreux domaines. Ainsi, les
conventions de courtage matrimonial qui avaient été jugées contraires aux bonnes mœurs
au XIXe siècle107 ont été ultérieurement déclarées conformes aux bonnes mœurs108.

Les bonnes mœurs, c’est aussi la morale des affaires. Les contrats de corruption ou de trafic
d’influence sont ainsi nul pour cause immorale109.

Pour vérifier la licéité de la cause, la jurisprudence se réfère au motif déterminant


poursuivi par une partie. C’est la théorie subjective de la cause. Mais il se pose une question
importante. Faut-il exiger que le motif illicite soit connu de l’autre partie pour annuler le
contrat ? Quelle que soit la solution retenue, il pourrait y avoir des inconvénients. Décider
que le contrat sera nul même si l’autre partie ignorait l’illicéité de la cause, risque de léser le
contractant de bonne foi qui ignorait cette illicéité et qui ne pourra bénéficier de l’exécution
du contrat. Subordonner la nullité du contrat à la connaissance de l’illicéité de la cause par
les deux parties pourrait conduire à valider un contrat alors que la cause est en réalité
contraire à l’ordre public.

La jurisprudence avait décidé dans un premier temps que le motif devait être commun aux
deux parties110. Ensuite elle a opéré un revirement en décidant qu’un contrat peut être
annulé même si l’une des parties n’a pas eu connaissance du caractère illicite ou immoral
du motif déterminant111. C’est cette solution que reprend l’article 1162 : « Le contrat ne
peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été
connu ou non par toutes les parties ».

La partie qui ignorait l’illicéité pourrait alors obtenir des dommages et intérêts du
préjudice subi du fait de l’anéantissement du contrat. La preuve de la cause illicite se fait
par tous moyens.

L’annulation des contrats pour cause illicite est plus fréquente dans les contrats à titre
gratuit. La jurisprudence décidait que les libéralités entre concubins sont nulles « si elles
ont pour cause impulsive et déterminante la formation, le maintien ou la reprise de relations
immorales »112. Cette jurisprudence est aujourd’hui abandonnée : « n’est pas contraire aux
bonnes mœurs la cause de la libéralité dont l’auteur entend maintenir la relation adultère
qu’il entretient avec le bénéficiaire »113.

107
Civ. 1er mai 1855, D. P. 1856, 1, 147.
108
Req. 27 déc. 1945, D ; 1945, 121.
109
Com. 7 mars 1961, Bull. civ. III, n° 125.
110
Civ. 4 déc. 1956, JCP 1957, II, 10008.
111
Civ. 1re, 7 oct. 1998, D 1998, 563.
112
Civ. 1re, 4 nov. 1982, Bull. civ. 319.
113
C iv. 1re 3 fév. 1999, D 1999, 267. Ass. plén. 29 oct. 2004, D 2004, 3175.
67

S’agissant des contrats à titre onéreux, les tribunaux annulent les contrats permettant
l’exercice d’activité illicite : exploitation d’une maison de tolérance, exercice de métier de
devin114.

Section 5. Conditions de forme


Le principe est le consensualisme. Mais des atténuations et des exceptions qui tendent à se
développer lui sont apportées. L’ordonnance de 2016 reprend les mêmes règles à l’article
1172 : « Les contrats sont par principe consensuels.
Par exception, la validité des contrats solennels est subordonnée à l’observation de formes
déterminées par la loi à défaut de laquelle le contrat est nul, sauf possible régularisation ».

§ 1. Le principe du consensualisme

Aucune condition de forme n’est en principe exigée pour la validité du contrat. En dehors
des cas où le droit positif énonce des exigences particulières, aucune formule
sacramentelle, aucun écrit, aucune parole solennelle aucun geste rituel, bref aucune
formalité n’est nécessaire à la formation du contrat. C’est le principe du consensualisme
qui résulte de l’autonomie de la volonté. Il en résulte que les divers modes d’extériorisation
du consentement sont considérés comme équivalents dès lors qu’ils sont suffisamment
expressifs. Il faut remarquer que le formalisme a tendance à se développer aujourd’hui dans
le souci de protéger l’un des contractants, souvent le consommateur. Le formalisme tout
comme le consensualisme présente des avantages et des inconvénients. Le consensualisme
oblige à respecter la parole donnée alors que le formalisme permet de le renier au
prétexte d’une irrégularité de forme. Il présente de plus l’avantage de rendre plus simple et
plus rapide la formation du contrat. A l’inverse, le formalisme permet d’attirer l’attention de
celui qui s’engage sur l’importance de cet engagement. La rédaction d’un écrit, voire le
passage devant le notaire permettent d’éviter de se lier à la légère, d’être victime des
manœuvres de son cocontractant. Il assure davantage la sécurité des relations juridiques
dans la mesure où les obligations des parties sont précisément consignées dans un écrit qui
réduira les difficultés d’interprétation et de preuve quant au contenu du contrat.

§ 2. Les atténuations au principe du consensualisme.

A. L’exigence de la preuve écrite des actes juridiques

L’article 1341 du code civil impose le principe de la preuve écrite des actes juridiques. A
défaut, il faut tout au moins un commencement de preuve par écrit qui pourrait être
complété. Dans les contrats consensuels, l’écrit ne joue qu’un rôle probatoire. Son défaut ne
saurait être sanctionné par la nullité. C’est ce que reprend le nouvel article 1173 lorsqu’il
dispose que « Les formes exigées aux fins de preuve ou d’opposabilité sont sans effet sur la
validité des contrats ».

114
Civ. 1re, 12 juill. 1989, JCP 1990, II, 21546.
68

Certes, l’écrit n’est pas une condition de validité du contrat mais comme mode de preuve.
Mais en réalité, n’avoir pas de droit ou ne pouvoir le prouver sont la même chose (idem est
non esse aut non probari). Les progrès techniques ont conduit à reconnaître à certaines
conditions, la même force probante à l’écrit électronique qu’à l’écrit sur support papier
(article 1316-3 du code civil).

B. Les règles de publicité

La vente est un contrat consensuel qui produit ses effets entre les parties dès l’échange des
consentements. Mais ce système pourrait être dangereux pour les tiers en cas de double
vente du même immeuble, le second acquéreur ignorant que l’immeuble a été déjà vendu.
Dès lors, si la vente d’immeuble est parfaite entre les parties dès leur accord, elle ne devient
opposable aux tiers que par l’accomplissement de la publicité foncière auprès de la
conservation des hypothèques. Ainsi, lorsqu’une personne vend deux fois le même
immeuble, l’acquéreur est non pas celui qui a acheté le premier, mais celui qui a fait publier
la vente le premier. Pour éviter tout risque l’acheteur n’a qu’à vérifier auprès de la
conservation des hypothèques qu’aucune vente n’a encore été publiée.

§ 3. Les exceptions au principe du consensualisme


Certains contrats ne sont pas consensuels et obéissent au principe du formalisme. Il en est
ainsi des contrats réels (dont la formation est subordonnée à la remise d’une chose) et des
contrats solennels dont la validité dépend de la rédaction d’un écrit. C’est l’exigence
réaffirmée à l’article 1172 al. « Par exception, la validité des contrats solennels est
subordonnée à l’observation de formes déterminées par la loi à défaut de laquelle le
contrat est nul, sauf possible régularisation ».
69

Chapitre 2. Sanction des conditions de formation du contrat

La sanction des conditions de formation du contrat est en principe la nullité. Le contrat


disparaît rétroactivement, étant censé n’avoir jamais existé. Cette nullité peut se coupler
avec la responsabilité délictuelle de l’une des parties ou du tiers lorsque cette nullité leur
est imputable. L’article 1178 al. 4 le confirme : « Indépendamment de l’annulation du
contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du
droit commun de la responsabilité extracontractuelle ».

On oppose la nullité relative à la nullité absolue quand bien leurs effets sont identiques, une
fois constatée. Il existe aussi des notions voisines de la nullité.

Section 1. Nullité et notion voisines.

La nullité se caractérise par deux traits fondamentaux : quant à sa cause, elle sanctionne
l’inobservation d’une condition de formation du contrat ; quant à ses effets, elle anéantit
rétroactivement le contrat et le prive ainsi de toute efficacité.

Il se peut que les parties sans avoir recours au juge, reconnaissent elles-mêmes la nullité du
contrat, une nullité constatée à l’amiable. On parle de nullité conventionnelle. Il convient de
distinguer cette situation de l’abrogation du contrat. Il y a abrogation du contrat lorsque les
parties s’accordent pour revenir sur un contrat valablement conclu. Alors que la nullité
efface en principe rétroactivement le contrat, l’abrogation ne vaut que pour l’avenir.

A défaut d’accord entre les parties pour constater la nullité du contrat, le recours au juge
s’impose. Certains auteurs ont proposé à côté de la nullité du contrat, la théorie du contrat
inexistant. L’inexistence se définirait comme la sanction frappant un acte juridique auquel
manque un élément essentiel. Il en serait ainsi dans le cas du mariage entre deux hommes.
Ces auteurs ont soutenu qu’à la différence de la nullité, le contrat inexistant n’aurait pas
besoin d’être établi en justice et échapperait à toute prescription. Il faut souligner que la
théorie de l’inexistence n’a pas prospéré en droit positif. Dès lors qu’il y a une apparence
de contrat et que l’une des parties entend s’en tenir à celle-ci pour en demander l’exécution,
l’autre partie doit nécessairement saisir le juge pour en demander la nullité.

L’ordonnance de 2016 confirme les deux voies de nullité la nullité conventionnelle et la


nullité prononcée par le juge. Ceci résulte du nouvel article 1178 al. 1 er qui dispose que « Un
contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit
être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d’un commun accord ».

La nullité peut être invoquée par voie d’action ou par l’exception de nullité. Dans le
premier cas, celui qui se prévaut de la nullité agit en justice pour que le juge relève la nullité
70

de l’acte. Dans le second cas, la nullité est invoquée comme moyen de défense contre celui
qui demande l’exécution du contrat. L’exception de nullité permet de faire échec à la
demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a pas encore été exécuté 115. Elle est
imprescriptible. Ces règles sont toutes confirmées par le nouvel article 1185. Il dispose que
« L’exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n’a reçu
aucune exécution ».

Il faut observer que la cour de cassation avait jugé que le commencement d’exécution ne
constitue un obstacle à l’exception de nullité que lorsqu’il s’agit d’une nullité relative116.
A contrario, en présence d’une nullité absolue, le commencement d’exécution ne peut
être un obstacle à l’invocation de l’exception de nullité. On aurait pu penser qu’il
s’agissait pour la cour de ne pas permettre qu’un contrat qui porte atteinte à l’intérêt
général puisse produire effet. Mais la cour a opéré un revirement dans un arrêt du 24
avril 2013 : « Attendu, ensuite que, la règle selon laquelle l’exception de nullité peut
seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte qui n’a pas encore
été exécuté s’applique sans qu’il y ait lieu de distinguer entre nullité relative et
absolue »117

La résolution est la disparition rétroactive d’un contrat valablement formé mais qui est
inexécuté du fait de l’une des parties ou en raison de la survenance d’un événement que les
parties avaient érigé en condition résolutoire du contrat. Il ne faut pas confondre résolution
et résiliation. Quand bien même dans les deux interviennent dans la phase d’exécution du
contrat suite à une difficulté d’exécution, la résolution produit un effet rétroactif alors que la
résiliation ne met fin au contrat que pour l’avenir. Les effets déjà produits sont conservés.

La caducité est l’anéantissement pour l’avenir d’un contrat régulièrement formé, en raison
de la disparition postérieurement à sa conclusion d’un élément essentiel à sa validité, par
exemple l’objet ou la cause. Le nouvel article 1186 le confirme. Il dispose qu’ « Un contrat
valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît ». La caducité
met fin au contrat (article 1187al. 1er)

L’inopposabilité suppose un contrat valable, mais qui ne peut produire d’effet vis-à-vis des
tiers (exemple vente immobilière non publiée).Elle sanctionne en règle générale le non-
respect d’une règle qui a pour objet la protection des tiers.

Section 2. Remèdes à la nullité

La régularisation est le mécanisme qui permet de sauver un acte de la nullité par l’apport
d’un élément essentiel à la validité du contrat qui manquait initialement. Par exemple, la
vente de la chose d’autrui est nulle mais elle est régularisée si le vendeur acquiert la
propriété de la chose avant que la nullité ait été prononcée.
115
Civ. 1re , 1er déc. 1998, Bull. n° 338.
116
Civ. 1re, 20 mai 2009, Bull. I, n° 96.
117
Civ.1re, 24 avril 2013, bUll. I, n° 84.
71

La conversion permet également de sauver un acte de la nullité en le disqualifiant en un


autre acte dont il remplit les conditions de validité. Par exemple, l’acte authentique dont les
conditions ne sont pas respectées peut valoir acte sous seing privé s’il a été signé par les
parties (article 1318 du code civil) ou encore un contrat à durée déterminée qui n’est pas
conclu dans les conditions requises est requalifiée contrat à durée indéterminée.

La confirmation est l’acte par lequel une personne qui a qualité pour invoquer la nullité d’un
acte y renonce, permettant ainsi à l’acte de produire ses effets. L’acte nul de nullité absolue
n’est pas susceptible de confirmation. La confirmation a été entérinée par les dispositions de
l’ordonnance qui précisent son régime. S’agissant d’abord de sa définition l’article 1182 al.
1er dispose que « La confirmation est l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la
nullité y renonce ». Le même alinéa précise que « Cet acte mentionne l’objet de l’obligation
et le vice affectant le contrat ». Il faut cependant relever que la confirmation peut aussi
intervenir de manière tacite. Il en sera ainsi lorsque le contractant qui peut se prévaloir
de la nullité exécute en connaissance de cause le contrat entaché de vice (article 1182 al.
3). L’alinéa 3 in fine précise que « En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir
qu’après que la violence a cessé ». C’est une exigence de bon sens. En effet, la
confirmation est aussi l’expression d’un consentement libre. Elle ne peut exister que
parce que la violence a cessé.
L’alinéa du même article ajoute que « La confirmation ne peut intervenir qu’après la
conclusion du contrat ». C’est aussi une évidence. La confirmation permet de remédier à
un vice du consentement. Elle ne peut donc intervenir avant l’expression de ce
consentement, et en cas de contrat formaliste, avant que le contrat ne soit entièrement
formé.
Pour permettre au cocontractant de sortir de l’incertitude résultant de l’éventualité
d’une action en nullité, ce dernier peut exiger de l’autre partie de dire si elle entend se
prévaloir ou non de la nullité. Il s’agit de provoquer éventuellement la confirmation ou
l’action en nullité. L’incertitude est antinomique des vertus du contrat. C’est l’objectif
poursuivi par l’article 1183. Il dispose que « Une partie peut demander par écrit à celle
qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat soit d’agir en nullité dans
un délai de six mois à peine de forclusion. La cause de la nullité doit avoir cessé.
L’écrit mentionne expressément qu’à défaut d’action en nullité exercée avant l’expiration
du délai de six mois, le contrat sera réputé confirmé ».

Section 3. Nullité absolue et nullité relative

La doctrine classique proposait de fonder la distinction entre nullité absolue et nullité


relative sur la gravité du vice affectant l’acte. Le critère aujourd’hui retenu a été inspiré par
Japiot et Gaudemet : la nullité n’est pas considérée comme un vice affectant l’acte mais un
droit de critique reconnu à certaines personnes dès lors qu’une règle de droit n’a pas été
observée.
72

Si la règle de droit est destinée à protéger des intérêts particuliers, ce droit de critique est
réservé aux personnes que la règle protège : la nullité est alors relative. Il en est ainsi des
règles destinées à protéger une partie au contrat. La nullité sera relative pour vice du
consentement, pour lésion, pour absence de cause.

Si la règle violée est d’intérêt général, ce droit de critique peut être exercé par tout
intéressé : la nullité est absolue. Il en sera ainsi lorsque la cause du contrat ou son objet est
illicite. Il faut néanmoins reconnaître que les critères de distinctions des règles d’intérêt
général et les règles destinées à protéger les intérêts privés ne sont pas toujours très précis.
Il en résulte des fluctuations jurisprudentielles. Les nullités pour vice de forme ou pour
défaut de consentement sont en général considérées comme absolues.
Ces principes ont été rappelés par les nouvelles dispositions de l’ordonnance de 2016.
L’article 1179 dispose en effet que « La nullité est absolue lorsque la règle violée a pour
objet la sauvegarde de l’intérêt général.
Elle est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé ».

A. Nullité absolue

Trois règles les caractérisent.

- La nullité absolue peut être invoquée par toute personne ayant un intérêt à agir. Il
peut s’agir de contractants, de leurs héritiers et parfois des tiers qui ont intérêt à ce
que le contrat soit annulé. L’article 1180 al. réaffirme la règle « La nullité absolue
peut être demandée par toute personne justifiant d’un intérêt, ainsi que par le
ministère public ». L’intéressé doit avoir un lien avec le contrat. Par exemple un
voisin peut demander la nullité de la vente d’un immeuble sur lequel est installée
une maison de tolérance.

- La nullité absolue n’est pas susceptible de confirmation. L’article 1180 al. 2. reprend
la même règle.
- La nullité absolue se prescrit en principe par un délai de trente ans.
B. Nullité relative.

On trouve trois règles opposées à celles qui régissent la nullité absolue.


- La nullité relative ne peut être invoquée que par la ou les personnes que la loi a
voulu protéger en édictant la règle violée. Les créanciers de celui que la loi protège
peuvent aussi par la voie de l’action oblique invoquer la nullité de l’acte. Il est aussi
admis que le juge peut d’office relever la nullité de l’acte qui lui est soumis 118. Dans
tous les cas, le contractant à l’origine de la nullité ne peut s’en prévaloir.
L’ordonnance de 2016 reprend les mêmes dispositions. L’article 1181 dispose en
effet que « La nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi
entend protéger.

118
Civ. 3e 30 nov. 1985, Bull. n° 153.
73

Elle peut être couverte par la confirmation.


Si l’action en nullité relative a plusieurs titulaires, la renonciation de l’un
n’empêche pas les autres d’agir ».

- La nullité relative est susceptible de confirmation. L’interprétation a contrario de


l’article 1180 al. 2 aboutit à la même solution. La nullité ne peut émaner que de la
personne qui pouvait se prévaloir de la nullité. Elle peut être expresse ou tacite c’est-
à-dire découler de l’exécution de l’acte par la partie qui pouvait agir en nullité
(article 1338 al. 2 C. civ.).
- La nullité relative se prescrit par l’écoulement d’un délai de cinq ans en France et 10
ans au Togo (article 1304 du code civil, rédaction d’avant 1960). En cas de dol ou
d’erreur, le point de départ du délai est la découverte du vice et en cas de violence à
la fin de la violence.

Section 4. Effets de la nullité

Deux aspects seront étudiées à savoir l’étendue de l’annulation et sa portée.

A. L’étendue de l’annulation

La question qui se pose est celle de savoir si la nullité frappe l’ensemble de la convention
ou seulement ou certaines clauses de la convention. Parfois, le législateur règle
directement la question en précisant que c’est seulement la clause qui est réputée non
écrite. Dans ce cas, cette nullité n’influe pas sur le reste du contrat. En l’absence de
dispositions particulières, deux solutions sont possibles et résultent de deux articles du code
civil.

L’article 900 du code civil dispose que « Dans toute disposition entre vifs ou testamentaire,
les conditions impossibles, celles qui seront contraires aux lois et aux mœurs, seront
réputées non écrites ». A l’inverse, l’article 1172 du code civil dispose que « toute
condition d’une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs, ou prohibée par la loi,
est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend ».
La jurisprudence a rapproché le régime des deux textes, considérant que la clause infecte
l’ensemble du contrat si elle présente un caractère « impulsif et déterminant »119 dont
l’’appréciation relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond 120.
L’ordonnance de 2016 entérine cette jurisprudence. L’article 1184 dispose que « Lorsque la
cause de nullité n’affecte qu’une ou plusieurs clauses du contrat, elle n’emporte nullité de
l’acte tout entier que si cette ou ces clauses ont constitué un élément déterminant de
l’engagement des parties ou de l’une d’elles.
Le contrat est maintenu lorsque la loi répute la clause non écrite, ou lorsque les fins de la
règle méconnue exigent son maintien ».

119
Civ. 3e 24 juin 1971, Bull. civ. n° 405 ; Civ. 19 oct. 1910, DP 1911, 1, 463.
120
Com. 22 fév. 1967, Bull. n° 87.
74

B. Portée de l’annulation

Le principe est celui de la rétroactivité de la nullité. L’acte annulé disparaît rétroactivement.


Ses conséquences passées sont effacées. C’est ce qui résulte de l’article 1178 al. 2 « Le
contrat annulé est censé n’avoir jamais existé ». Si un contrat de vente est par exemple
annulé, le vendeur récupère le bien et l’acheteur le prix. Mais il faut souligner que la
restitution soulève parfois de nombreuses difficultés. Par exemple, dans quel état restituer
le bien ? Dans l’état où il était le jour du contrat 121. Doit-on rembourser les dépenses faites
pour l’entretien du bien ? Si le bien a été détruit, comment s’opère la restitution ?
Qu’advient-il si le bien a été vendu à un tiers. Qu’en est-il des contrats à exécution
successive ? Aussi la restitution connaît-elle des atténuations dans les rapports entre les
parties mais aussi dans les rapports avec les tiers. L’article 1178 al. 3 précise que « Les
prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles
1352 à 1352-9 ».

Titre 2. Les effets du contrat

Parmi les dispositions du code civil relatives aux effets du contrat, deux textes se détachent
plus particulièrement, les articles 1134 e t 1165. Le premier se rapporte à la force obligatoire
du contrat entre les parties et le second à l’effet relatif des contrats à l’égard des tiers. Ces
deux aspects seront étudiés dans ce titre.

Chapitre 1. La force obligatoire du contrat.

L’article 1134 al. 1 du code civil dispose que « Les conventions légalement formées tiennent
lieu de lois à ceux qui les ont faites ». Le nouvel article 1103 reprend la même formule
« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». Ce principe
de la force obligatoire des contrats s’impose avant tout aux parties (section 1) mais aussi au
juge (section 2).

Section 1. La force obligatoire du contrat entre les parties

Pour bien marquer la force obligatoire des conventions, les rédacteurs du code civil ont
rapproché la convention de la loi ; le contrat s’impose aux parties comme la loi s’impose à
l’ensemble des citoyens. On y a vu le principe de l’autonomie de la volonté. Selon cette
théorie, il y aurait entre la loi et le contrat non une différence de nature mais une différence
de degré. On remarquera que cette analyse est critiquable. En effet, le pouvoir reconnu aux
volontés individuelles n’est pas originaire mais dérivé. Les contrats n’ont une force
obligatoire qu’autant qu’ils sont formés conformément à la loi. Le contrat n’a de force
121
Ch. mixte, 9 juill. 2004, D. 2004, 2175.
75

obligatoire que lorsqu’il est conforme dans sa formation et dans sa teneur à la loi. La loi
n’entend donc pas entériner n’importe quel accord de volonté. Contracter, ce n’est pas
seulement vouloir, c’est aussi employer un instrument forgé par le droit. La loi apporte la
sanction au contrat en raison de l’utilité sociale qu’il y a, pour la paix publique et le
commerce, à ce que les hommes respectent la parole qu’ils ont donnée. Aussi admet-on
que l’utilité sociale du contrat constitue l’un des fondements de sa force obligatoire.

Si l’on fonde la force obligatoire du contrat sur son utilité sociale, on doit aussi admettre,
corrélativement, que cette force obligatoire est aussi au moins partiellement subordonnée à
l’utilité sociale du contrat. Il en résulte que l’intensité de cette force obligatoire se trouvera
atténuée partiellement si cette utilité sociale fait défaut. Cette observation peut donc
justifier en partie l’intervention du législateur et du juge dans le contrat. Malgré tout, le
principe demeure l’irrévocabilité du contrat ; il doit aussi être exécuté de bonne foi. Mais
ce principe se complique lorsque les parties ont caché leur volonté réelle derrière une
volonté apparente, car il faut alors protéger les tiers : c’est le problème posé par la
simulation.

A. L’irrévocabilité du contrat

1) Le principe

L’irrévocabilité du contrat signifie en principe que le contrat ne peut être modifié ni par la
loi, ni par le juge, ni par la volonté unilatérale de l’une des parties. On signalera au
préalable que conformément à l’article 1134 al. 2, le contrat peut être « révoqué du
consentement mutuel des parties ». Le nouvel article 1193 ne dit pas autre chose : « Les
contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties,
ou pour les causes que la loi autorise ». Ce que les parties ont fait par leur accord mutuel,
par le mutuus consensus, elles peuvent le défaire que par leur volonté commune, par le
mutuus dissensus. La convention révocatoire obéit aux conditions de validité des
conventions en général.

2) Les tempéraments

En nous situant dans les relations entre les parties - ce qui est l’objet de cette section - ce
principe admet trois tempéraments.

- Le législateur permet parfois à une partie de résilier unilatéralement le contrat.


Tel est le cas des contrats à durée indéterminée pour éviter qu’une personne soit liée
par un engagement perpétuel. C’est le cas des contrats de travail à durée
indéterminée. Cette rupture unilatérale est néanmoins soumise à des conditions
légales. La loi permet aussi la rupture de certains contrats à durée déterminée
lorsque la confiance qu’ils impliquaient a disparue ; c’est le cas du contrat de
mandat.
76

- Plusieurs stipulations contractuelles peuvent être prévues pour permettre à une


partie ou aux deux parties de se désengager. Tel est le cas d’une clause de résiliation
dans un contrat à exécution successive ou encore la clause de dédit. La clause de
dédit est la faculté offerte à un contractant de ne pas exécuter une obligation, de
s’en délier, généralement moyennant le versement d’une indemnité.
- Une jurisprudence récente a précisé que la gravité du comportement d’une partie à
un contrat peut justifier que l’autre y mette fin de façon unilatérale à ses risques et
périls, que le contrat soit à durée indéterminée ou non 122. S’il apparaît par la suite
que la résiliation unilatérale n’était pas justifiée, l’auteur de la rupture pourra être
condamné envers son ex-contractant au versement des dommages et intérêts. La
décision a été rendue sur le fondement de l’article 1184 du code civil.
B. L’exécution de bonne foi du contrat.
La bonne foi doit se comprendre ici comme le comportement loyal que requiert
l’exécution d’une obligation, une attitude d’intégrité et d’honnêteté. La bonne foi est selon
Ripert, le moyen de faire pénétrer la règle morale dans le droit positif. Cette exigence est
formulée par l’article 1134 al. 3 du code civil. Cette exigence a été longtemps ignorée par les
auteurs et les tribunaux. Pour certains, il s’agirait d’une « disposition technique, dépourvue
de signification substantielle »123. Elle constitue aujourd’hui une exigence en pleine
expansion. Elle est reprise au nouvel article 1104 « Les contrats doivent être négociés,
formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d’ordre public ». Cette nouvelle formulation prend en compte
l’exigence de la bonne foi dans la phase de la formation du contrat. Ce qui avait déjà été
réalisé par la jurisprudence. La bonne foi a permis à la jurisprudence d’imposer aux
contractants des devoirs précis notamment :

- Une partie ne peut abusivement invoquer une clause du contrat, par exemple la
clause résolutoire. Les juges refusent de prononcer la résolution si la clause n’est pas
invoquée de bonne foi124. Cette mauvaise foi peut être recherchée dans un brusque
changement d’attitude du créancier125, dans sa volonté de placer le débiteur dans
une situation d’inexécution irrémédiable126. Mais le recours au devoir d’exécution de
bonne foi ne peut porter atteinte aux obligations essentielles du contrat127.
- Les deux parties doivent exécuter loyalement le contrat, voir coopérer à l’exécution
du contrat. Ce devoir de coopération est plus ou moins marqué selon la nature du
contrat128. L’exécution loyale du contrat impose également de ne pas déjouer les
attentes légitimes du cocontractant par un brusque changement de
comportement129.
122
Civ. 1re, 20 février 2001, D 2001, 705 note JAMIN.
123
FLOUR et AUBERT, 7e éd. N° 374.
124
Civ. 1re , 31 janvier 1995, D 1995, p. 389.
125
Civ.1re 16 fév. 1999, n° 96-21997, Bull. civ. I, n° 52.
126
Civ. 3e 16 oct. 1973, Bull. III, n° 529.
127
Com. 10 juill. 2007, D. 2007, 1839
128
Y. PICOD, L’obligation de coopération dans l’exécution du contrat, JCP 1988, I, 3318.
129
Com. 8 mars 2005, RTD civ. 2005, 391.
77

C. La simulation

Il y a simulation lorsqu’un acte apparent cache la volonté réelle des parties, volonté qu’elles
ont exprimée dans un acte secret (contre-lettre). On se trouve alors en présence de deux
conventions, l’une qui correspond à leur volonté réelle mais qui est secrète, l’autre qui est
mensongère mais qui apparaît aux yeux des tiers (acte ostensible).

La simulation peut porter sur la nature même du contrat (par exemple une donation acte
secret, déguisée en une vente, acte apparent), sur son objet (par exemple dissimulation
d’une partie du prix (par exemple l’acte apparent porte 800 F alors que l’acte secret indique
1000 F).

La simulation peut porter sur l’identité du contractant qui est dissimulé. C’est la situation du
prête-nom ou interposition de personnes.

On étudiera les effets de la simulation dans les rapports entre les parties et ses effets vis-à-
vis des tiers.

1) Les effets de la simulation entre les parties

Entre les parties, c’est en principe l’acte secret qui prévaut, sous réserve qu’il remplisse
toutes les conditions de fond qui lui sont propres (article 1321 du code civil) et les conditions
de forme de l’acte apparent. Par exemple, s’agissant d’une donation déguisée en vente, il
importe d’abord que les conditions de fond de la donation soient remplies. Ensuite, il faut
respecter les conditions de forme de la vente ; constituant la façade de l’opération, l’acte
apparent doit pouvoir faire illusion. Le principe de la force obligatoire de l’acte secret entre
les parties est repris au nouvel article 1201 qui dispose que « Lorsque les parties ont
conclu un contrat apparent qui dissimule un contrat occulte, ce dernier, appelé aussi
contre-lettre, produit effet entre les parties…. ». Encore faut-il pour que s’applique ce
principe que l’acte secret soit prouvé. L’existence de l’acte secret sera établie au moyen
d’une action en déclaration de simulation 130. L’acte secret ne peut être établi dans son
existence et sa teneur que conformément aux règles ordinaires de la preuve des actes
juridiques.

L’ordonnance précise à l’article 1202 que « Est nulle toute contre-lettre ayant pour objet
une augmentation du prix stipulé dans le traité de cession d’un office ministériel.

« Est également nul tout contrat ayant pour but de dissimuler une partie du prix,
lorsqu’elle porte sur une vente d’immeubles, une cession de fonds de commerce ou de
clientèle, une cession d’un droit à un bail, ou le bénéfice d’une promesse de bail portant sur
tout ou partie d’un immeuble et tout ou partie de la soulte d’un échange ou d’un partage
comprenant des biens immeubles, un fonds de commerce ou une clientèle ».

130
Cass. 1re , 9 mai 1955, D. 1955, 467.
78

La jurisprudence était déjà dans ce sens. En effet il s’agit de pénaliser le vendeur qui entre en
complicité avec l’acquéreur pour frauder le fisc en minimisant les prix d’achat. Le vendeur
qui prendrait qui adopterait cette attitude s’expose au risque que l’acheteur se prévale du
prix indiqué dans l’acte ostensible en obtenant la nullité de l’acte secret.

2) Les effets de la simulation vis-à-vis des tiers

En principe, « les contre-lettres … n’ont point d’effet contre les tiers », créanciers
chirographaires des parties ou ayants cause à titre particuliers. Interprétant strictement
l’article 1321 du code civil, la jurisprudence considère que si les parties ne peuvent pas se
prévaloir de l’acte secret vis-à-vis des tiers, ceux-ci peuvent s’en prévaloir vis-à-vis des
parties, s’ils y ont intérêt. Par exemple les créanciers d’un vendeur peuvent se prévaloir du
caractère fictif de la vente pour saisir l’immeuble de leur débiteur. L’article 1201 in fine le
confirme « Lorsque les parties ont conclu un contrat apparent qui dissimule un contrat
occulte, ce dernier, appelé aussi contre-lettre, produit effet entre les parties. Il n’est pas
opposable aux tiers, qui peuvent néanmoins s’en prévaloir ».

Une difficulté peut naître d’un conflit entre deux catégories de tiers, les uns se prévalant de
l’acte apparent, les autres de l’acte secret. La jurisprudence a tranché en faveur des tiers se
prévalant de l’acte apparent.131

Section 2. La force obligatoire du contrat vis-à-vis du juge

En principe, le contrat s’impose au juge. Cette exigence se manifeste en premier lieu dans
l’interprétation du contrat. Malgré tout, il est possible de relever parfois la modification du
contrat par le juge.

A. L’interprétation du contrat

Deux questions seront étudiées, l’interprétation des clauses obscures et la découverte par le
juge de nouvelles obligations.

1) L’interprétation des clauses obscures

L’interprétation du contrat est en principe une question de fait qui relève donc du pouvoir
de juges du fond. Cependant, la Cour de cassation se reconnaît le pouvoir de censurer les
juges du fond qui auraient dénaturé une clause claire et précise du contrat. Ainsi, lorsqu’une
convention est claire, le juge ne peut modifier sous prétexte d’interprétation, les stipulations
qu’elle renferme132. Cette jurisprudence est reprise au nouvel article 1192 « On ne peut
interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation ».

Le code civil dans ses articles 1156 à 1164 fournit un guide d’interprétation des contrats.
L’ordonnance de 2016 lui consacre les articles 1188 à 1192.
131
Civ. 25 avril 1939, DP 1940, 1, 12, note G.L.
132
Civ. 6 juin 1921, DP 1921, 1, 73.
79

L’idée dominante est qu’il faut rechercher la commune intention des contractantes plutôt
que de s’arrêter au sens littérale des termes (Article 1156). C’est ce que reprend l’article
1188 al. 1re « Le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutô t
qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes ». Pour cela, le juge peut se fonder sur tout
un faisceau d’indices : les termes du contrat, le comportement antérieur ou postérieur des
parties133. Lorsque l’intention des parties ne peut être décelée l’alinéa 2 du texte précise « …
le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans
la même situation ».

L’intention des parties peut être complétée par l’usage (articles 1159 et 1160 du code civil).
L’interprète doit veiller à la cohérence de l’ensemble des clauses et à la nécessité de sauver
les clauses dès lors que c’est possible. Ces principes déjà contenus dans le code ont été
repris aux articles 1189 al. 1er et 1191. Ces textes disposent respectivement «Toutes les
clauses d’un contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à
chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier » et « Lorsqu’une clause
est susceptible de deux sens, celui qui lui confère un effet l’emporte sur celui qui ne lui
en fait produire aucun ».

Enfin, en principe, dans le doute, le contrat s’interprète en faveur du débiteur de


l’obligation (article 1162) sauf lorsqu’il s’agit d’un contrat d’adhésion. Le nouvel article 1190
le dit expressément : « Dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le
créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé ».

2) La découverte par le juge de nouvelles obligations

Parfois, en dehors de toute stipulation des parties, le juge découvre de nouvelles obligations
dans les contrats. C’est ce que la doctrine désigne parfois par le « forçage » du contrat. Pour
y parvenir, la jurisprudence se fonde sur :

- L’exigence de bonne foi de l’article 1134 du code civil ; ainsi la cour de cassation a
décidé que la bonne foi oblige l’employeur à adapter le salarié à l’évolution de son
emploi134. Ceci implique à la charge de l’employeur une obligation de formation des
salariés.

L’équité de l’article 1135 du code civil. Ce texte dispose que « Les conventions obligent non
seulement à ce qui y est exprimé, mais également à toutes les suites que l’équité, l’usage
ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature ». Le nouvel article 1194 reprend presque
mot pout mot cette disposition : « Les contrats obligent non seulement à ce qui y est
exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi ». La cour
de cassation a par exemple décidé que le contrat de transport de personnes emporte
également l’obligation de conduire le passager à bon port sain et sauf 135. Elle adjoint ainsi à
133
Civ. 1re, 13 décembre 1988, Bull. I, n° 573.
134
Soc. 24 février 1992, Dr. soc. 1992, 369 Arrêt expovit ; D.92, somm. 294.
135
Cass. Civ. 21 nov. 1911, DP 1913, 1, 249.
80

ce contrat, l’obligation de sécurité dispensant la victime de l’obligation de prouver la faute


du transporteur.

B. La modification du contrat par le juge

En principe, le juge ne peut modifier le contrat. Mais il faut étudier la question de


l’imprévision, constater que le juge parfois modifie les obligations des parties, et parfois sur
autorisation expresse de la loi.

1) La théorie de l’imprévision

Le juge peut-il modifier un contrat lorsqu’un changement des circonstances économiques


bouleverse l’équilibre des prestations voulues par les parties ? Les juridictions
administratives ont en la matière donnée une réponse différente de celle de la cour de
cassation.

En effet, dans l’arrêt Gaz de Bordeaux, le Conseil d’Etat constatant qu’une hausse
imprévisible du charbon avait bouleversé l’économie d’un contrat de concession, reconnaît
au concessionnaire qui continue à exécuter le contrat un droit à une indemnité 136.

La Cour de cassation a au contraire rejeté l’imprévision dans l’Affaire Canal de Capronne 137 :
« dans aucun cas, il n’appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse leur apparaître
leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les
conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement
acceptées par les contractants ». Cette jurisprudence peut se révéler fâcheuse alors que les
contrats de longues durées se multiplient et que les circonstances économiques sont de plus
en plus instables. Cette jurisprudence a été à juste titre critiquée par la doctrine 138.

Les parties peuvent remédier à cette situation en prévoyant des clauses d’adaptation du
contrat. Il pourra s’agir d’une clause d’indexation qui permet au prix de suivre un indice fixé
d’un commun accord à condition qu’il soit en rapport avec l’objet du contrat ou l’activité des
parties. Il pourra s’agir aussi d’une clause de renégociation encore appelée clause de
hardship qui permet de renégocier le contrat en cas de boule versement des circonstances
économiques.

L’ordonnance de 2016 a apporté des modifications en la matière. Aux termes du nouvel


article 1195 en effet, « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion
du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté
d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son
cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.

136
CE 30 mars 1916, D 1916, 325.
137
Civ. 6 mars 1876, D 1876, 1, 193, note Giboulot.
138
K. WOLOU Nouvel éclairage sur le refus de révision pour imprévision, Revue Togolaise des Sciences
Juridiques, Janvier /juin 2011.
81

En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution


du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun
accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable,
le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux
conditions qu’il fixe ». Ce texte impose prioritairement aux parties, une obligation de
renégociation en cas de changement des circonstances. Au cas où cette négociation
n’aboutirait pas, elles peuvent convenir d’une résolution. L’intervention du juge sera
une solution ultime. Ce dernier peut être sollicité par les parties en vue de son
adaptation. A la demande de l’une des parties il peut aussi soit réviser le contrat ou y
mettre fin.

2) La réduction d’honoraires des mandataires

La jurisprudence s’arroge aussi le droit de réduire la rémunération des mandataires et plus


généralement de certains prestataires de services lorsqu’elle juge les honoraires excessifs. La
solution concerne notamment les architectes 139, les avocats140 et conseils juridiques,
notaires, médecins, experts comptables. Dans tous les cas, le juge exerce un pouvoir
modérateur.

Il importe de préciser que le juge ne peut modérer les honoraires que lorsqu’ils ont été fixés
avant la prestation de services. Par contre, lorsque ces honoraires ont été acceptés en
connaissance de cause après l’exécution des prestations, le juge ne peut pas les réviser 141 ils
ne peuvent plus être remis en cause.

3) La modification du contrat sur autorisation expresse de la loi


Le législateur donne parfois expressément le pouvoir au juge de modifier le contrat. C’est
ainsi qu’aux termes de l’article 1152 al.2 du code civil, le juge peut modérer ou augmenter
une clause pénale si elle est manifestement excessive ou dérisoire. L’ordonnance reprend les
mêmes dispositions. Le nouvel article 1231-5 al. 1 et 2 dispose que « Lorsque le contrat
stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de
dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni
moindre.
« Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue
si elle est manifestement excessive ou dérisoire ».
L’ordonnance apporte des précisions sur le pouvoir de réduction du juge. Ce pouvoir
n’intervient pas seulement en cas de clauses manifestement excessive ou manifestement
dérisoire. Dès lors que le contrat a fait l’objet d’une exécution partielle, une réduction
est possible proportionnellement à l’ampleur de la réduction » C’est ce qui résulte de
l’article 1231-5 al. 3 qui dispose que « Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la
pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt
que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa
139
Cass. 1re, 4 mars 1958, D. 1958, 495.
140
Cass. 1re, 3mars 1998, JCP 1999, I, 110.
141
Civ. 3e 9 déc. 1975, Bull. civ. III, n° 362.
82

précédent ». Ces dispositions sont d’ordre public. Il en résulte que les parties ne peuvent
pas par des clauses spécifiques évincer le pouvoir de modification du juge. Cette règle
est affirmée à l’alinéa 4 du même article : « Toute stipulation contraire aux deux alinéas
précédents est réputée non écrite ». La pénalité est subordonnée à la mise en demeure
préalable du débiteur de s’exécuter. Cette solution se justifie et correspond au droit
commun. En effet l’inexécution par le débiteur peut être lié à un oubli ou à la croyance
légitime du débiteur que l’exécution du contrat ne présente plus un intérêt au créancier.
La mise en demeure ne sera pas nécessaire lorsque l’inexécution est définitive.

L’article 1244-1 du code civil (article 39 de l’Acte Uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution) donne aussi au juge le
pouvoir d’accorder un délai de grâce au débiteur.
83

Chapitre 2. L’effet relatif du contrat

En Droit privé, le contrat n’a en principe d’effets qu’à l’égard des individus qui l’ont voulu,
car des volontés particulières ne peuvent commander d’autres volontés particulières.
L’article 1165 du code civil l’exprime en disposant que « Les conventions n’ont d’effet
qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point aux tiers, et elles ne leur profitent
que dans le cas prévu à l’article 1121 ». Ce principe connaît des dérogations qu’il faudra
étudier (section 2) après avoir précisé le sens de la règle (section 1).

Section 1. Le sens du principe


Le principe de l’effet relatif signifie que le contrat ne saurait faire naître un droit au profit
ou à l’encontre d’un tiers. Seules les parties au contrat peuvent devenir créanciers ou
débiteurs par l’effet de celui-ci 142. Ce sont ces principes qui ont été repris par l’ordonnance
de 2016 qui se révèle plus explicite que les formulations antérieures. En effet, aux termes du
nouvel article 1199 « Le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties.
« Les tiers ne peuvent ni demander l’exécution du contrat ni se voir contraints de l’exécuter,
sous réserve des dispositions de la présente section et de celles du chapitre III du titre IV ».

Les auteurs classiques considéraient cette règle comme une évidence. Ils y voyaient l’un des
corollaires de l’autonomie de la volonté : chaque individu étant indépendant, seule sa
volonté peut restreindre sa liberté et le lier. Avec le recul de la théorie de l’autonomie de la
volonté, le principe de l’effet relatif des conventions s’est maintenu mais a perdu de son
caractère absolu. En effet, dès lors que la force obligatoire du contrat vient, non de la
promesse, mais de la valeur que la loi attache à la promesse, on peut parfaitement admettre
que le législateur et parfois le juge décide, pour satisfaire cet impératif, d’étendre le cercle
des personnes obligées au-delà de ceux qui ont conclu le contrat.

S’agissant des personnes obligées au moment de la formation du contrat, ce sont les


personnes qui ont conclu le contrat soit par elles-mêmes, soit par l’intermédiaire d’un
représentant.

D’autres personnes acquièrent postérieurement la qualité de partie. Deux situations sont


visées. Il s’agit en premier lieu de la transmission à cause de mort. En effet, lorsqu’un des
cocontractants est décédé à un moment où le contrat n’a pas épuisé ses effets, ses ayants
causes universels lui succèdent et deviennent en ses lieu et place créanciers et débiteurs de
ses obligations nées du contrat.

Ce principe comporte des exceptions résultant de l’article 1122 du code civil : « … à moins
que le contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la nature de la convention ». La nature du
contrat renvoie au contrat intuitu personae.

142
R. SAVATIER, Le prétendu principe de l’effet relatif des contrats, RTD civ. 1934, 525.
84

Il s’agit en second lieu du cessionnaire du contrat. La cession de contrat peut résulter d’une
convention. Une personne, le cédant, transfère sa qualité de contractant avec les droits et
obligations qu’elle emporte à une autre personne, le cessionnaire, qui lui est substitué dans
le rapport contractuel. Le cessionnaire devient ainsi, pour l’avenir, partie au contrat : il
recueille les droits du cédant et assume ses obligations. Encore faut-il, pour que la cession
soit parfaite, que le cédant soit libéré, de ses obligations, que le cocontractant cédé
consente à la cession.

Section 2. Les dérogations à l’effet relatif du contrat

Les contrats passés par un débiteur peuvent avoir un effet indirect sur le patrimoine de ses
créanciers en modifiant leur droit de gage général. En effet, le patrimoine du débiteur est le
gage général de tous ses créanciers. Aussi, la loi reconnaît-elle aux créanciers certaines
actions pour les protéger.

L’action oblique permet à un créancier d’invoquer les créances de son débiteur au nom et
pour le compte de ce dernier. Ainsi, le créancier peut agir contre le débiteur de son débiteur
négligent et insolvable. L’action oblique fait entrer la créance dans le patrimoine du
débiteur où le créancier agissant viendra en concurrence avec les autres créanciers de son
débiteur. C’est là la faiblesse de l’action oblique.

L’action directe n’est possible que dans les cas limitativement prévus par la loi alors que
l’action oblique est de droit commun. Elle permet au créancier d’invoquer directement à son
profit les créances de son débiteur. Exemple, l’action des salariés de l’entrepreneur contre le
maître d’ouvrage (art. 1798 du code civil.

L’action paulienne permet à un créancier d’attaquer un acte passé par le débiteur en fraude
de ses droits (art. 1167 du code civil).

Au-delà de ces actions on peut relever quelques dérogations à l’effet relatif des conventions.

A. La transmission du contrat aux ayants cause universels ou à titre universels

L’article 1122 du code civil dispose qu’en principe le contrat est transmis aux ayants cause
universels ou à titre universel, sauf stipulation contraire. Surtout l’article 1122 réserve le cas
des contrats conclus intuitu personae.

B. L’opposabilité du contrat au tiers.


Il faut distinguer effets du contrat et opposabilité du contrat. Le contrat est un fait social qui
s’impose aux tiers ; ils peuvent l’invoquer ou que les parties peuvent invoquer à leur
encontre. L’article 1200 réaffirme cette règle : « Les tiers doivent respecter la situation
juridique créée par le contrat.
« Ils peuvent s’en prévaloir notamment pour apporter la preuve d’un fait ».
85

Le contrat peut d’abord créer une situation juridique qui s’impose à tous. Il en est ainsi des
contrats translatifs de propriété ; l’acquéreur d’un bien peut opposer à tous les droits qu’il
tient du contrat de vente.143

Les tiers peuvent opposer le contrat aux parties

Un tiers peut invoquer un contrat auquel il n’est pas partie à titre d’éléments de preuve. Par
exemple, un locataire peut invoquer un contrat entre un bailleur et un précédent locataire
pour renverser la présomption selon laquelle il a reçu les lieux « en bon état de réparation
locative »144 (voir article 1731 du code civil).

De même, un tiers qui subit un préjudice du fait de la mauvaise exécution d’un contrat peut
agir en responsabilité délictuelle contre le contractant fautif. Par exemple, un ouvrier blessé
dans une carrière par une cartouche mal fabriquée peut agir contre le fabricant qui avait
vendu la cartouche à son employeur

Les parties peuvent opposer le contrat aux tiers

Un tiers peut engager sa responsabilité délictuelle vis-à-vis d’une partie s’il se rend complice
de la violation des obligations contractuelles d’une autre partie. 145 Un employeur qui
embauche un salarié encore lié par un contrat de travail en l’incitant à rompre le contrat qui
le lie à son employeur actuel sans respecter le délai de préavis.

C. La stipulation pour autrui


La stipulation pour autrui constitue une exception à l’effet relatif des contrats. Elle rend
créancier un tiers à un contrat. Elle se définit comme l’opération par laquelle une partie, le
stipulant, obtient de l’autre, le promettant, qu’il s’engage envers une troisième, le tiers
bénéficiaire. L’article 1205 nouveau est consacré à la stipulation pour autrui. Il dispose « On
peut stipuler pour autrui.
L’un des contractants, le stipulant, peut faire promettre à l’autre, le promettant,
d’accomplir une prestation au profit d’un tiers, le bénéficiaire. Ce dernier peut être une
personne future mais doit être précisément désigné ou pouvoir être déterminé lors de
l’exécution de la promesse ».

La stipulation pour autrui ne peut en principe faire naître qu’un droit au profit du tiers et ne
peut créer d’obligations à sa charge. La jurisprudence semble renoncer à cette règle 146.

Rapport entre le stipulant et le promettant

Le contrat entre stipulant et promettant sur lequel est greffée la stipulation pour autrui
produit ses effets conformément au droit commun. Le stipulant peut utiliser les recours de
143
Civ. 22 juin 1864, DP 1, 412,
144
Com. 8 mai 1972, JCP 1972, II, 17193.
145
Civ. 1re, 26 janvier 1999, D 1999, IR, 64.
146
Civ. 1re, 21 nov. 1978, D. 1980, 309, note D. Carreau.
86

droit commun : ne pas exécuter ses obligations envers le promettant en vertu de l’exception
d’inexécution, notamment lorsque le promettant ne remplit pas ses engagements vis-à-vis
du bénéficiaire.

Rapport entre le promettant et le tiers bénéficiaire

Le tiers a un droit direct contre le promettant ; il peut agir directement en exécution pour
obtenir la prestation promise. L’article 1206 al. 1er résultant de l’ordonnance le confirme
« Le bénéficiaire est investi d’un droit direct à la prestation contre le promettant dès la
stipulation ». Ce droit naît dès le jour du contrat entre stipulant et promettant même s’il ne
se consolide que par l’acceptation du tiers.
Ce droit naît au profit du tiers sans transiter par le patrimoine du stipulant.

Rapport entre le tiers bénéficiaire et stipulant


Le stipulant peut révoquer la stipulation tant que le tiers ne l’a pas acceptée. C’est ce que
confirme les alinéas 2 et 3 de l’article 1206. « Néanmoins le stipulant peut librement
révoquer la stipulation tant que le bénéficiaire ne l’a pas acceptée.
La stipulation devient irrévocable au moment où l’acceptation parvient au stipulant ou au
promettant ».
Il faut d’ailleurs préciser que seul le stipulant peut révoquer la stipulation et après son
décès, ses héritiers.
D. La promesse de porte-fort.

Aux termes de l’article 1119 du code civil, on ne peut en général s’engager, ni stipuler en son
propre nom que pour soi-même. La promesse pour autrui est prohibée. Le nouvel article
1203 réaffirme le même principe « On ne peut s’engager en son propre nom que pour soi–
même ».

L’article 1120 apporte une exception à cette prohibition en validant la promesse de porte-
fort par laquelle une personne, le porte-fort, promet qu’un tiers s’engagera. Par exemple, un
acheteur qui traite avec un indivisaire pour l’acquisition d’un bien indivis demandera à son
cocontractant de se porter fort que les autres co-indivisaires ratifieront la vente.
Le tiers est libre de s’engager ou non. Lorsqu’il accepte de s’engager, il est rétroactivement
lié. Le porte-fort est alors définitivement libéré de toute obligation. Si le tiers refuse de
s’engager, le contrat n’est pas formé et la responsabilité contractuelle du porte-fort est
engagée vis-à-vis de la personne auprès de qui il s’était porté fort. Ce sont les mêmes
principes qui résultent du nouvel article 1204 qui dispose que « On peut se porter fort en
promettant le fait d’un tiers.
« Le promettant est libéré de toute obligation si le tiers accomplit le fait promis. Dans le cas
contraire, il peut être condamné à des dommages et intérêts.
« Lorsque le porte-fort a pour objet la ratification d’un engagement, celui-ci est
rétroactivement validé à la date à laquelle le porte-fort a été souscrit ».
87

Titre 3. L’inexécution du contrat

Lorsqu’un contractant n’exécute pas son obligation, l’autre partie dispose d’une option : soit
agir en exécution forcée, soit demander la résolution du contrat, soit réclamer des
dommages et intérêts qui peuvent éventuellement s’ajouter à l’exécution forcée ou à la
résolution. L’autre partie peut aussi dans un contrat synallagmatique opposer l’exception
d’inexécution notamment. Toutes ces options ont été envisagées par le nouvel article 1217
résultant de l’ordonnance : « La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou
l’a été imparfaitement, peut :
« – refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
« – poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
« – solliciter une réduction du prix ;
« – provoquer la résolution du contrat ;
« – demander réparation des conséquences de l’inexécution.
« Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et
intérêts peuvent toujours s’y ajouter ».

Parmi ces sanctions certaines peuvent être mises en œuvre dans tout contrat (chapitre 1)
notamment l’octroi des dommages intérêts alors que d’autres ne sont spécifiques qu’aux
contrats synallagmatiques (chapitre 2).

Chapitre 1. Les sanctions pouvant intervenir dans tout contrat

On retiendra dans cette catégorie l’octroi des dommages et intérêts et l’exécution forcée.
L’octroi des dommages et intérêts découle de l’engagement de la responsabilité
contractuelle du débiteur.

Section 1. La responsabilité contractuelle

La responsabilité contractuelle assure une double fonction ; une fonction de paiement


permettant une exécution par équivalent, une fonction de réparation permettant
l’indemnisation du dommage subi par la victime de l’inexécution. Seront successivement
envisagés, les conditions de la responsabilité contractuelle (section 1), sa mise en œuvre
(section 2) et les aménagements conventionnels qui peuvent y être apportés (section 3).

§ 1. Conditions

Trois éléments sont requis, une faute ou le fait dommageable, le dommage et un lien de
causalité entre la faute et le dommage.
88

A. Une faute ou le fait dommageable

1. L’établissement de la faute

Une question essentielle se pose ici. La faute du débiteur consiste-t-elle dans la seule
inexécution de son obligation ou ne peut-elle découler que d’une imprudence ou d’une
négligence ?

Deux textes semblent donner des réponses divergentes à cette question. En effet, aux
termes de l’article 1137 du code civil, « L’obligation de veiller à la conservation de la chose,
soit que la convention n’ait pour objet que l’utilité de l’une des parties, soit qu’elle ait pour
objet leur utilité commune, soumet celui qui en est chargé à y apporter tous les soins d’un
bon père de famille ». La responsabilité résultera de la preuve que le débiteur n’a pas
apporté tous les soins nécessaires.

A l’inverse, l’article 1147 du code civil prévoit que « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu,
au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à
raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution
provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’ait aucune
mauvaise foi de sa part ». Le nouvel article 1231-1 reprend plus ou moins les mêmes
dispositions : « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et
intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans
l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure ».

De ce texte on peut déduire que la simple inexécution ou le seul retard dans l’exécution
suffit à engager la responsabilité, abstraction faite de toute faute.

Demogue a concilié ces deux textes contradictoires en distinguant les obligations de moyens
et les obligations de résultat.

Dans les obligations de résultat, le débiteur est obligé de fournir un résultat au créancier.
Ainsi la simple inexécution suffit à engager sa responsabilité. A l’inverse, le débiteur d’une
obligation de moyens s’engage à mettre en œuvre tous les moyens pour remplir ses
engagements, mais il ne promet pas un résultat. Sa responsabilité ne peut être engagée que
si le créancier prouve sa négligence ou son imprudence.

On admet que l’obligation de donner est une obligation de résultat, exemple le vendeur
s’engage à transférer la propriété du bien.

On admet aussi que l’obligation de ne pas faire est une obligation de résultat.

Les obligations de faire sont plus difficiles à classer. De nombreuses décisions concernent les
médecins. Il est établi que le médecin est tenu d’une obligation de moyens. Cependant,
89

s’agissant des matériels utilisés, la jurisprudence met à la charge des cliniques et des
médecins, une obligation de sécurité de résultat.

2. Origine de la faute

C’est le problème de la responsabilité contractuelle du fait d’autrui. En principe, le créancier


ne peut engager la responsabilité du débiteur alors que la mauvaise exécution du contrat est
due à la faute d’une autre personne. Mais la loi engage la responsabilité du débiteur du fait
de celui qu’il s’est substitué dans l’exécution du contrat (article 1994 du code civil). La
doctrine et la jurisprudence ont aussi admis que parfois, le débiteur peut engager sa
responsabilité du fait d’autrui. Tel sera le cas lorsque le débiteur a volontairement introduit
un tiers dans l’exécution du contrat, par exemple un préposé ou un auxiliaire qu’il s’est
adjoint pour l’exécution du contrat.

Si le créancier peut engager la responsabilité du débiteur, celui-ci pourra en principe se


retourner contre le tiers responsable sur le fondement du lien de droit qui les unit.

2. Gravité de la faute

Le droit connaît une classification des fautes en fonction de leur gravité. En Droit du travail
par exemple, on distingue la faute légère, la faute sérieuse, la faute grave, la faute lourde et
la faute intentionnelle. On pourra aussi citer la faute inexcusable.

L’article 1137 engage la responsabilité du débiteur sans distinguer le degré de gravité de la


faute. Ainsi, toute faute engage la responsabilité du débiteur. On retiendra que la gravité de
la faute joue néanmoins un rôle. En effet, d’une manière générale, les limitations
conventionnelles de responsabilité ne sont pas valables en cas de faute intentionnelle ou de
faute lourde (Voir article 1150 du code civil).

3. Causes d’exonération

L’article 1147 du code civil prévoit comme cause d’exonération, la cause étrangère. L’article
1148 du même code ajoute la force majeure et le cas fortuit. La doctrine admet que les
notions de force majeure et cas fortuits sont synonymes. Trois traits les caractérisent :
l’imprévisibilité, l’irrésistibilité et l’extériorité

L’imprévisibilité signifie que l’événement ne pouvait être prévu par le débiteur lors de la
conclusion du contrat. La jurisprudence fait une appréciation in abstracto.

L’irrésistibilité implique qu’aucun moyen ne pouvait être mis en œuvre pour exécuter le
contrat malgré l’événement.

L’extériorité signifie que l’événement doit être extérieur au débiteur ainsi qu’aux moyens
matériels et humains auxquels ils recourent pour exécuter le contrat.
90

Le nouvel article 1218 al. 1er détermine les éléments caractéristiques de la force
majeure qui sont identiques à ceux susmentionnés en précisant que « Il y a force majeure
en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne
pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne
peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par
le débiteur.

 Effets de la cause étrangère : théorie des risques

La survenance d’un événement de force majeure libère le débiteur de son obligation sans
que sa responsabilité ne puisse être engagée.

Cette solution est confirmée par le nouvel article 1351 qui dispose que « L’impossibilité
d’exécuter la prestation libère le débiteur à due concurrence lorsqu’elle procède d’un cas de
force majeure et qu’elle est définitive, à moins qu’il n’ait convenu de s’en charger ou qu’il ait
été préalablement mis en demeure ». Mais l’impossibilité d’exécuter peut être simplement
temporaire. Dans ce cas, l’article 1218 al. 2 prévoit que « … l’exécution de l’obligation est
suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat…».

La solution ne suscite de difficultés particulières dans les contrats unilatéraux. Par exemple,
le dépositaire est libéré par la perte fortuite de la chose. La solution est plus complexe dans
les contrats synallagmatiques. Le débiteur étant libéré en raison de la force majeure, l’autre
contractant est-il toujours te nu de ses obligations ?

Par exemple, une personne contracte avec une agence pour un séjour de vacances que la
survenance d’un cyclone rend impossible. Le client doit-il payer quand même ? En principe,
le risque pèse sur le débiteur de l’obligation qui ne peut être exécutée. Ainsi, le client n’a
rien n’a rien à payer.

Par exception, dans les contrats translatifs de propriété d’un corps certain, la charge du
risque pèse sur le propriétaire dès l’échange des consentements. Le risque est attaché à la
propriété.

B. Un dommage

Le dommage subi par le créancier est une condition essentielle de la responsabilité


contractuelle : pas d’indemnisation sans préjudice subi. Ce dommage peut être une perte
subie ou un gain manqué. L’exigence du dommage permet de distinguer aussi l’exécution en
nature de l’allocation des dommages intérêts, la réparation. En effet, l’exécution en nature
n’exige pas qu’il soit démontré l’existence d’un préjudice. Elle se rattache seulement à la
force obligatoire des conventions.
91

Dans la responsabilité contractuelle, seul le dommage prévisible peut en principe être


réparé. Il faut préciser que la prévisibilité se rapporte à la quotité du dommage et non à sa
cause. La limitation de la réparation au dommage prévisible connaît une exception en cas de
dol du débiteur auquel est assimilée la faute lourde (article 1150 du code civil). Cette même
règle est reprise à l’article 1231-3 « Le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts
qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf
lorsque l’inexécution est due à une faute lourde ou dolosive ». L’article 1231-4 ajoute que
« Dans le cas même où l’inexécution du contrat résulte d’une faute lourde ou dolosive,
les dommages et intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe
de l’inexécution ».

C. Un lien de causalité

Il résulte de l’article 1151 du code civil que la perte éprouvée par le créancier ou le gain dont
il a été privé doit être une suite immédiate et directe de l’inexécution de la convention.
Ainsi, la jurisprudence limite la réparation au dommage qui sans la faute du débiteur ne se
serait pas immédiatement réalisé. Le débiteur n’a pas à réparer les conséquences indirectes
du dommage.

§ 2. La mise en œuvre de la responsabilité

En principe, la réparation est subordonnée à une mise en demeure préalable.

A. La mise en demeure

La mise en demeure est l’acte par lequel un créancier demande à son débiteur d’exécuter
son obligation. L’exigence d’une mise en demeure permet au débiteur d’éviter des
poursuites judiciaires s’il avait oublié son obligation ou si l’exécution ne présente plus
d’intérêt pour le créancier. Le nouvel article 1231 reprend cette exigence de la mise en « A
moins que l’inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le
débiteur a préalablement été mis en demeure de s’exécuter dans un délai raisonnable ».

1. Domaine

L’exigence de la mise en demeure connaît plusieurs exceptions :

- Si l’obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages et
intérêts par le seul fait de la contravention (article 1145 du code civil).
- Lorsque la chose que le débiteur s’était engagé à donner ou à faire ne pouvait être
donnée ou faite que dans un temps qu’il a laissé passer (article 1146 du code civil).
2. Effets

La mise en demeure fait courir les dommages et intérêts moratoires réparant le préjudice lié
au retard dans l’exécution (article 1146 du code civil). Par exemple pour une obligation d’une
92

somme d’argent, les intérêts moratoires ne courent qu’à partir de la sommation de payer
(article 1153 C. civ.).

La mise en demeure de livrer une chose constituant un corps certain opère transfert des
risques sur la tête du débiteur qui devient ainsi responsable de la perte ou de la destruction
de la chose, même non fautive (article 1138 al. 2 du code civil). Le débiteur ne peut
s’exonérer qu’en démontrant que le dommage se serait dans tous les cas produits même si il
avait livré la chose. Cette solution déjà acquise a été reprise à l’article 1351-1 qui dispose
que « Lorsque l’impossibilité d’exécuter résulte de la perte de la chose due, le débiteur mis
en demeure est néanmoins libéré s’il prouve que la perte se serait pareillement produite si
l’obligation avait été exécutée ».

B. La réparation

La réparation peut intervenir en nature ; par exemple le créancier recevra un objet


équivalent à celui que devait lui remettre le débiteur. Le plus souvent, la réparation
intervient par équivalent, l’octroi des dommages et intérêts. S’agissant de l’étendue de la
réparation, le principe est celui de la réparation intégrale, bien évidemment dans la limite du
dommage prévisible. Tout le préjudice doit être réparé, mais rien que le préjudice.

Il faut retenir que la fixation de la réparation peut se faire de trois manières :

- Par accord des parties : Les parties concluent un nouvel accord appelé transaction.
Aux termes de l’article 2044 al. 1 du code civil, « La transaction est un contrat par
lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à
naître ». Par transaction les parties pourront donc fixer le montant de la réparation.
Comme tout contrat, la transaction est soumise aux conditions de validité des
conventions.

- Par la loi : Dans certains cas, la loi elle-même fixe une réparation forfaitaire, ou
parfois un plafond de réparation. Par exemple la convention de Varsovie de 1924 et
celle de Montréal de 1999 fixent le maximum de réparation dû aux voyageurs
victimes d’un accident d’avion. Ces plafonds sont écartés en cas de faute lourde ou
de faute inexcusable.

- Par le juge : Lorsque les parties ne sont pas parvenues entre elles à un accord, ce qui
est souvent le cas, il revient au juge de fixer le montant de la réparation en procédant
à l’évaluation du préjudice. Parfois il ordonnera la restitution de tout ou partie de la
rémunération.

§ 3 Les aménagements conventionnels de la responsabilité

Les parties peuvent, au moment même de la formation du contrat, prévoir les conséquences
d’une inexécution du contrat. Ces clauses sont valables en vertu du principe de la liberté
93

contractuelle et sous réserve du respect de l’ordre public destiné à protéger l’intérêt


général. Par exemple, l’intérêt général commande la bonne foi contractuelle. Il en résulte
qu’en cas de mauvaise foi du débiteur de l’obligation inexécutée, la clause qui limite sa
responsabilité sera écartée. Ce principe résulte clairement de l’article 1150 du code civil qui
dispose que « Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou
qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est
point exécutée ».

Ces clauses ne sont cependant valables qu’entre les parties et ne peuvent être opposées aux
tiers admis à agir à titre délictuel pour violation d’une obligation contractuelle.

Les aménagements conventionnels peuvent porter sur les conditions de la responsabilité ou


sur le montant de la réparation.

A. Les clauses relatives aux conditions de la responsabilité

1. Les clauses de non-responsabilité

Les clauses de non-responsabilité sont celles par lesquelles il est précisé que le débiteur ne
répondra pas de tel ou tel type de dommage. Par exemple le transporteur qui indique qu’il
ne garantit pas les opérations de chargement ou une société de forage qui ne garantit pas,
en ce qui concerne l'installation des pompes, «l'encrassement, l'ensablage ou l'obstruction
même partiels de l'ouvrage et ce, quelles qu'en soient les causes» 147. Les clauses de non
responsabilité sont soumises à quatre conditions de validité :

- La clause ne doit pas porter sur l’obligation essentielle du contrat car ce serait le
vider de sa substance. Cette interdiction résulte de l’idée que l’on ne peut pas à la
fois s’engager et ne pas s’engager sous peine de porter atteinte au principe de la
bonne foi. Par exemple, le vendeur ne peut se dispenser de fournir la chose vendue
ou encore l’assureur ne peut pas vider la garantie par l’accumulation des cas
d’exclusion148. L’obligation essentielle se dégage non seulement par la nature même
du contrat mais encore par la commune intention des parties : dans un envoi rapide
de courrier, la ponctualité est une obligation essentielle (arrêt chronopost)149.

- L’inexécution ne doit pas résulter d’une faute dolosive. On ne peut admettre qu’un
contractant qui manque délibérément à son obligation, se prévale d’une clause de
non responsabilité.

- Les dommages corporels ne peuvent faire l’objet de clauses de non-responsabilité,


car le corps humain ne peut être l’objet de contrat.

147
Civ. 1re 3 mars 2011.
148
Civ. 1re, 17 et 23 février 1988, Bull. civ. I, n° 55 et 202.
149
. Com. 22 oct. 1996, D. 97, 121.
94

- Dans la plupart des contrats conclus entre un consommateur et un professionnel, la


jurisprudence annule les clauses de non-responsabilité au profit de ce dernier.
Certes, il n’existe pas une règle générale en la matière. Cette tendance se dégage
d’une série de cas particuliers.

2. Les clauses relatives à la preuve

Les parties peuvent convenir de la charge de la preuve, notamment en précisant si elles


entendent que l’obligation soit de moyens ou de résultat. Ces clauses sont valables sauf si
elles concernent l’obligation de sécurité touchant à la personne humaine. Ces obligations
sont d’ordre public et ne peuvent donc pas être réduites par convention.

Les parties peuvent aussi convenir des modes de preuve, notamment en organisant une
procédure par laquelle l’expertise peut être déclenchée et dans quel délai. 150 Ces clauses
sont valables car les règles de preuve ne sont pas d’ordre public sauf si les règles sont si
sévères qu’elles rendent en fait toute preuve impossible.

Les clauses peuvent porter sur la force majeure. Si, en principe, la responsabilité est exclue
en cas de force majeure rendant l’exécution impossible, cette règle n’est pas d’ordre public.
Un contractant peut accepter de supporter le risque de la force majeure. Les parties peuvent
même décider de considérer par anticipation un événement comme constitutif d’un cas de
force majeure.

B. Les clauses relatives au montant de la réparation

Ces clauses comportent un plafond de responsabilité (fixation d’un chiffre maximum) ou les
modalités de réparation (par exemple la garantie du simple remplacement de l’objet
défectueux)151. On les appelle aussi les clauses limitatives de responsabilité.

La limitation du montant de la réparation en cas de violation d’une obligation essentielle est


valable à condition que le maximum fixé ne soit pas symbolique. Lorsque le maximum est
symbolique, on se trouve en présence d’une clause de non responsabilité pour violation
d’une obligation essentielle déguisée.

La clause limitant le montant de la réparation ne peut couvrir le dol du débiteur ou de son


préposé152 . Il en va de même en cas de faute lourde153.

Les clauses limitatives de responsabilité tout comme les clauses exclusives de responsabilité
sont opposables aux héritiers agissant en cette qualité.

150
Com. 30 nov. 1982, Bull. civ. IV, n° 391.
151
Civ. 1re 5 mai 1982, Bull. I, n° 163.
152
Civ. 1re 22 oct. 1975, D. 1976, 151, note J. Mazeaud.
153
Com. 7 juin 1952, D. 1952, 651.
95

En outre, ce maximum peut être révisé s’il est manifestement dérisoire (article 1152 c. civ.),
conformément au régime des clauses pénales.

Les clauses pénales constituent une catégorie particulière des clauses relatives au montant
de la réparation. Elles ont pour caractéristique d’évaluer par avance les dommages et
intérêts dus par le débiteur, en cas de retard ou d’inexécution. La clause pénale étant un
forfait, il ne peut, en principe, être alloué au créancier un montant plus faible ou plus élevé,
sous réserves des dispositions de l’article 1152 du code civil. Ce texte dispose « Lorsque la
convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de
dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été
convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera
réputée non écrite. »

Les clauses pénales présentent plusieurs avantages. Elles permettent d’éviter les
contestations sur l’importance du dommage ; elle tarit ainsi une source de procès. Elles
évitent au créancier les lenteurs et les difficultés qu’entraîne la fixation des dommages-
intérêts.

Section 2. L’exécution forcée en nature

Quand bien même l’exécution en nature soit la meilleure solution pour une satisfaction
entière du créancier, il n’est pas possible de laisser au créancier toute liberté de contraindre
par des moyens discrétionnaires, le débiteur à l’exécution des obligations. L’exécution forcée
implique donc en général le recours à la force publique. L’exécution forcée doit être
précédée d’une mise en demeure sauf dans les cas où cette mise en demeure devient
inutile.

L’exécution forcée en nature est strictement encadrée par le législateur dans l’ordonnance
de 2016. Aux termes de l’article 1221 « Le créancier d’une obligation peut, après mise en
demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il
existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le
créancier ». Ce texte admet que dans certains cas, l’exécution forcée en nature est
impossible alors que dans d’autres cas, elle est simplement inopportune. L’impossibilité
d’exécution en nature résulte de la nature de l’obligation violée. Il faut rappeler que
l’ancien article 1142 du code civil disposait que « toute obligation de faire ou de ne pas
faire se résout en dommage en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du
débiteur ». Ce texte semble exclure la réparation en nature des obligations de faire ou de
ne pas faire. Cette prescription se justifie par le fait que l’exécution forcée en nature des
obligations de faire ou de ne pas faire peut parfois être attentatoire aux libertés
individuelles. Comment contraindre un salarié qui ne veut plus exécuter la prestation
pour laquelle il a été engagé à exécuter en nature ces obligations ? La même question
peut être posée s’agissant d’un peintre qui refuse de peindre le tableau pour lequel il a
96

été payé. On le voit, dans ces conditions, l’exécution forcée en nature est impossible.
Cependant, la jurisprudence, à juste titre, avait considérablement limité la portée de
l’article 1142 du code civil. En effet, elle admettait l’exécution forcée en nature des
obligations de faire ou de ne pas faire lorsque cette exécution pouvait se faire sans
l’intervention de la personne du débiteur. Par exemple, en cas d’obligation de non
concurrence, le débiteur qui ouvre un fonds de commerce en violation de cette
obligation peut voir son magasin fermé sans qu’on touche à sa personne.
Pour contourner la difficulté résultant de l’impossibilité d’une exécution forcée en
nature des obligations de faire ou de ne pas faire, les articles 1143 et 1144 disposaient
respectivement que « Néanmoins, le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été
fait par contravention à l'engagement soit détruit ; et il peut se faire autoriser à le détruire
aux dépens du débiteur, sans préjudice des dommages et intérêts s'il y a lieu » et « Le
créancier peut aussi, en cas d'inexécution, être autorisé à faire exécuter lui-même
l'obligation aux dépens du débiteur. Celui-ci peut être condamné à faire l'avance des
sommes nécessaires à cette exécution ». Ces règles ont été reprises à l’article 1222 :
« Après mise en demeure, le créancier peut aussi, dans un délai et à un coût raisonnables,
faire exécuter lui–même l’obligation ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui
a été fait en violation de celle–ci. Il peut demander au débiteur le remboursement des
sommes engagées à cette fin.
Il peut aussi demander en justice que le débiteur avance les sommes nécessaires à cette
exécution ou à cette destruction ».

Il y a dans la nouvelle rédaction un appel à la responsabilité du créancier. C’est une


manifestation de l’exigence de la bonne foi. Ainsi, non seulement l’exécution forcée en
nature ne sera pas admise lorsque son coût est excessif par rapport à l’avantage que le
créancier pourrait en tirer (article 1221) mais aussi lorsqu’il recourt à un autre prestataire
pour l’exécution de l’obligation, il devra le faire à un coût raisonnable. Enfin le créancier
n’est pas autorisé à détruire de sa propre initiative ce qui a été fait en contravention de
l’obligation de ne pas faire. Il devra solliciter l’autorisation du juge. Le juge devra aussi tenir
surtout compte de la bonne ou de la mauvaise foi du débiteur. A titre d’exemple, lorsque, en
connaissance de cause, le débiteur aura réalisé une construction sur le terrain d’autrui, il y
aurait une atteinte au droit de propriété si le juge mettait le propriétaire devant le fait
accompli en refusant la démolition de ce qui a été fait.

Section 3. La réduction du prix

Le nouvel article 1223 dispose que « Le créancier peut, après mise en demeure, accepter
une exécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix. S’il
n’a pas encore payé, le créancier notifie sa décision de réduire le prix dans les meilleurs
délais ».

Il s’agit d’une réfaction du contrat par réduction du prix. Il faut retenir qu’il ne s’agit que
d’une simple faculté offerte au créancier qui peut décider d’accepter une réduction du
97

prix en contrepartie d’une exécution imparfaite ou exiger une exécution complète. Le


mécanisme n’implique pas un recours au juge pour sa mise en œuvre. Lorsque le
créancier a déjà payé le prix, il sollicitera du débiteur une réduction du prix pour se
satisfaire de cette exécution imparfaite. Par contre lorsqu’il n’a pas encore payé le prix, il
notifiera au débiteur sa volonté de réduire le prix convenu. Il s’agit d’une décision
unilatérale qui pourra cependant être contestée par le débiteur. Cette contestation
pourra porter sur l’ampleur de la réduction tout autant que sur son principe. L’exigence
d’une mise en demeure préalable permettra sans doute au créancier d’opter pour
l’exécution complète dans un bref délai, auquel cas le créancier ne pourra plus notifier la
réduction du prix.
98

Chapitre 2. Les règles spécifiques à l’inexécution d’un contrat synallagmatique

L’interdépendance des obligations nées d’un contrat synallagmatique explique deux règles
spécifiques en cas d’inexécution. Il s’agit de l’exception d’inexécution (section 1) et de la
résolution pour inexécution (section 2).

Section 1. L’exception d’inexécution

L’exception d’inexécution (l’exceptio non adimpleti contractus) est le droit d’une partie à
un contrat synallagmatique de suspendre l’exécution de ses obligations tant que son
partenaire n’a pas exécuté les siennes. L’exception d’inexécution constitue à la fois une
garantie pour le créancier qui n’aura pas à payer sans avoir reçu la prestation qui lui est due
et un moyen de pression sur le débiteur qui doit aussi exécuter ses obligations s’il veut
obtenir la prestation promise. L’ordonnance de 2016 lui consacre des dispositions
spécifiques. L’article 1219 dispose que « Une partie peut refuser d’exécuter son obligation,
alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution
est suffisamment grave ». On étudiera les conditions de l’exception d’inexécution et ses
effets.

§ 1. Les conditions

Manifestation d’une justice privée, en ce sens que celui qui l’invoque le fait de sa propre
autorité, sans décision préalable du juge. L’exception d’inexécution n’est soumise à aucune
condition de forme particulière. Trois conditions de fond sont en revanche imposées :

- L’exception d’inexécution ne peut jouer que pour des obligations interdépendantes.


Son domaine de prédilection est donc le contrat synallagmatique. Mais la
jurisprudence l’a étendu à des obligations réciproques ne naissant pas directement
de contrat synallagmatique.

La loi a parfois utilisé l’exception d’inexécution dans les contrats unilatéraux à titre
onéreux. Si un dépositaire a fait les frais pour la conservation de chose, il a le droit de
refuser de la restituer tant qu’il n’a pas été remboursé (article 1947 du code civil).

- L’exception d’inexécution suppose des obligations à exécution simultanée, telles


celles nées de la vente, le vendeur devant en principe livrer la chose au moment où
l’acheteur paie le prix. L’exception d’inexécution ne peut jouer si l’un des
contractants a accordé un délai pour exécuter à son partenaire. Cependant
l’ordonnance de 2016 prévoit une sorte d’exécution d’inexécution à titre préventif.
En effet, l’article 1220 dispose que « Une partie peut suspendre l’exécution de son
obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à
99

l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves


pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais ». Il résulte de
ce texte qu’alors même que l’obligation de l’autre partie n’est pas encore arrivée à
échéance, une partie au contrat peut décider de ne pas exécuter sa propre
prestation déjà arrivée à échéance lorsqu’elle constate que son cocontractant ne
pourra pas honorer ses obligations.

- L’exception d’inexécution suppose une inexécution. Peu importe que cette


inexécution soit totale ou partielle. Peu importe que l’inexécution soit fautive ou
provienne d’un cas de force majeure.

Le bénéfice de l’exception d’inexécution est en revanche refusé au créancier de


mauvaise foi, auquel l’inexécution est imputable ou qui se prévaut de l’inexécution
d’une obligation secondaire. Par exemple, le locataire ne peut refuser de payer le
loyer que si le défaut d’entretien par le bailleur empêche la jouissance des lieux
loués.

§ 2. Effets

L’exception d’inexécution suspend l’exécution de la prestation de celui qui l’invoque,


bloquant ainsi toute mesure d’exécution contre lui-même. Elle entraine non la disparition
des obligations mais un simple ajournement de leur exécution. Le contrat subsiste. Les
parties ne seront libérées de leurs obligations qu’après que le contrat aura été résolu.

L’exception d’inexécution est opposable aux tiers. Lorsque la prétention d’un tiers est
nécessairement fondée sur le contrat, l’exception d’inexécution peut être invoquée contre
lui. A titre d’exemple, le créancier qui agit sur le fondement de l’action oblique peut se voir
opposer l’inexécution du contrat par son débiteur.

Section 2. La résolution pour inexécution

Victime de l’inexécution d’un contrat par son partenaire, un contractant peut préférer
demander la résolution du contrat. Aux termes de l’article 1184 du code civil, « La condition
résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où
l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle
l’engagement n’a point été exécuté a le choix de forcer l’autre à l’exécution de la convention
lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages-intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai
selon les circonstances ». Les conditions et les effets de la résolution seront étudiés.

§1. Conditions
100

Trois conditions sont exigées :

- S’agissant d’abord des contrats susceptibles d’être résolus, l’article 1184 du code civil
vise les contrats synallagmatiques. Cependant certains textes spécifiques permettent
de demander la résolution dans les contrats unilatéraux à titre onéreux. Par exemple,
le constituant peut se faire remettre la chose objet du gage quand le créancier en
abuse (article 2344 du code civil).

- Ensuite, il faut une inexécution ; il n’est pas nécessaire que cette inexécution soit
fautive. Si par exemple un contractant ne peut exécuter sa prestation pour un cas de
force majeure, son partenaire doit demander la résolution du contrat. Il n’est pas non
plus nécessaire que l’inexécution soit totale ; une inexécution partielle peut suffire si
elle est grave pour le créancier.

La résolution ne peut en principe qu’être prononcée en justice, comme l’exige l’article 1184
du code civil. Le juge dispose d’un réel pouvoir d’appréciation. Il doit vérifier si les conditions
de la résolution sont remplies. Dans l’affirmative, il n’est pas obligé de prononcer la
résolution. Il peut d’abord accorder au débiteur un délai pour l’exécution de sa prestation
(article 1184 al. 3). Il peut également prononcer une résolution partielle du contrat. Ces
règles sont reprise à l’article 1228 nouveau « Le juge peut, selon les circonstances,
constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant
éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts ».

Par exception, une décision judiciaire n’est pas nécessaire si les parties ont stipulé une
clause résolutoire, qui entraîne la résolution automatique du contrat en cas d’inexécution.
Cette clause s’impose au juge qui ne peut refuser de l’appliquer. Il ne lui appartient plus de
rechercher si la gravité de la défaillance justifie ou non le prononcé de la résolution. Malgré
tout la jurisprudence s’efforce de contrôler les clauses résolutoires. D’abord, pour que la
résolution opère de plein droit, sans recours au juge, il faut que la clause l’ait prévue de
manière non équivoque et qu’elle sanctionne « un manquement à une stipulation
expresse »154 du contrat. L’article 1225 nouveau reprend les mêmes dispositions « La
clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du
contrat ».

La mention « résolution de plein droit » ne dispense pas le créancier d’adresser au débiteur


défaillant une mise en demeure lui rappelant l’existence de la clause et lui précisant les
manquements reprochés et le délai dont il dispose pour se mettre en règle. Ces exigences
découlent actuellement de l’article 1225 al. 2 résultant de l’ordonnance : « La résolution est
subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle–ci
résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle
mentionne expressément la clause résolutoire ».

154
Civ. 3e 8 janvier 1985, Bull. III, n° 6 ; Civ. 1re 17 mai 1993, D. 1994, p. 483.
101

Ensuite, la mise en œuvre de la clause doit se faire de bonne foi : si les clauses résolutoires
s’imposent au juge, leur application reste néanmoins subordonnée aux exigences de la
bonne foi, par application de l’article 1134 du code civil »155.

Il faut enfin rappeler que malgré les dispositions de l’article 1184 du code civil, la
jurisprudence admet qu’une partie puisse, sans intervention judiciaire, rompre
unilatéralement un contrat à durée déterminée en cas de comportement grave de son
cocontractant, cette rupture intervenant aux risques et périls de son auteur. Cette résolution
unilatérale est aussi reprise par le nouvel article 1226 au terme duquel « Le créancier peut,
à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit
préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement
dans un délai raisonnable ».

Au total, l’ordonnance de 2016 a pris en compte toutes ces situations en envisageant trois
modalités de résolution. En effet, l’article 1224 dispose que « La résolution résulte soit de
l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une
notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice ».

§ 2. Effets

Entre les parties, la résolution opère rétroactivement à la manière d’une condition


résolutoire expresse qu’évoque l’article 1184 du code civil. Si le contrat n’a encore reçu
aucune exécution, le créancier est libéré de sa propre obligation. Si le créancier avait exécuté
ses propres prestations, il se posera la question des restitutions, dans les mêmes termes
qu’en cas de nullité.

L’application de ce principe aux contrats à exécution successive soulève des difficultés.


Comment l’employeur pourra-t-il par exemple restituer la prestation fournie par le salarié ?
Ces contrats donnent lieu plutôt à une résiliation. Le contrat disparaît à partir de la date à
laquelle le débiteur a cessé de remplir ces obligations.

Il faut enfin préciser que la résolution n’atteint pas les clauses qui ont pour objet de régler
les conséquences de l’inexécution, telle une clause pénale.

Les effets de la résolution sont déterminés par le nouvel article 1229. Il affirme à l’alinéa
1er que « La résolution met fin au contrat ». L’alinéa 3 précise dans quels cas il pourrait y
avoir restitution. Il dispose que « Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver
leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer
l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre. Lorsque les prestations échangées
ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas
lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa
contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation ».

155 ?
Civ. 1re 16 février 1999, D.99, IR 75.
102

S’agissant du moment de la prise d’effet de la résolution, il faut se référer à l’article 1229


al. 2. Il dispose que « La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions
prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la
notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de
l’assignation en justice ». Elle varie en fonction du mode de résolution, selon qu’elle
résulte d’une clause résolutoire expresse, d’une résolution unilatérale, d’une résolution
judiciaire. Dans ce dernier cas, il appartient au juge de fixer cette date ; à défaut, on
retiendra la date de l’assignation.
103

Université de Lomé Année académique 2010 – 2011

Faculté de Droit Cours de M. WOLOU

Semestre 1 (Licence)

TD de droit civil : le contrat

Séance n° 1

ESQUISSE DE METHODOLOGIE DU COMMENTAIRE D’ARRET

Le commentaire d’arrêt exige une démarche en trois temps : la lecture de l’arrêt, la


recherche des éléments de construction du commentaire et la construction du
commentaire.

I. LA LECTURE ET LA COMPREHENSION DE L’ARRET

Un bon commentaire exige en premier lieu une bonne lecture et une bonne
compréhension de l’arrêt. Il est indispensable de s’assurer que l’on a bien compris l’arrêt
avant de se lancer dans un commentaire. Pour cette raison, l’arrêt doit être lu plusieurs
fois ; les éléments essentiels à savoir les raisonnements des parties, les solutions des
juges (de la cour d’appel et de la cour de cassation lorsqu’il s’agit d’un arrêt de la cour de
cassation) doivent être marqués dans le texte.

La compréhension de l’arrêt implique que soit cerné avec précision un certain nombre
d’éléments.

1) L’identification des parties

Il s’agit de déterminer les parties que le litige, objet de l’arrêt, oppose. Il faut se
demander qui est le demandeur et qui est le défendeur. Le demandeur devant le tribunal
peut devenir l’intimé devant la cour d’appel ou défendeur devant la cour de cassation.

2) La compréhension des faits

Il faut cerner avec précision l’ensemble des événements ou toutes les circonstances qui
ont conduit au litige, comprendre leur chronologie.

3) Objet de la demande
104

Que demandent les parties, qu’est-ce qu’elles attendent du juge ? Concrètement quelles
décisions veulent-elles que le juge prenne. Par exemple, le demandeur peut vouloir que
le juge prononce la nullité du mariage, le divorce ou la condamnation d’un fiancé à des
dommages et intérêts pour rupture abusive des fiançailles, etc.

4) L’argumentation des parties

Comment le demandeur soutient-il juridiquement sa demande, comment raisonne-t-il ?

Par quels arguments le défendeur repousse-t-il la demande de la partie adverse ?

5) Les différentes juridictions saisies

Il importe d’identifier les différentes juridictions saisies depuis la naissance du litige


jusqu’à la décision à commenter.

6) L’identification du problème juridique

A ce stade, en se fondant sur les demandes et les argumentations des parties, il est
possible d’identifier avec précision le problème juridique, c’est-à -dire la difficulté
juridique à laquelle le juge doit apporter une solution.

Et ce sont les éléments se rapportant à cette difficulté qui constituent le nœud même du
commentaire.

Il ne faut pas confondre le problème juridique et l’enjeu de la solution. Par exemple,


lorsqu’une personne prétend avoir la qualité d’héritier dans une succession, en se
fondant sur le fait qu’il a la possession d’état d’enfant naturel, le problème n’est pas de
savoir s’il a droit à l’héritage ou non. Puisqu’il n’est pas contesté que les enfants naturels
ont aussi droit à l’héritage, le problème serait plutô t de savoir si le lien de filiation peut
être établi par la possession d’état d’enfant naturel.

Il est possible que plusieurs problèmes juridiques se dégagent d’un arrêt. Il faudra les
mettre en relief tous.

7) La décision des juges

Il ne s’agit pas seulement de la décision de la juridiction qui a rendu l’arrêt à commenter


mais aussi celles des juridictions antérieures. Par exemple, si vous commentez un arrêt
de la cour de cassation, il faut aussi bien comprendre la solution donnée par l’arrêt de la
cour d’appel qui a fait l’objet du pourvoi en cassation. Cette exigence implique aussi que
soit comprise la procédure suivie, c’est -à - dire pouvoir identifier l’ensemble des
juridictions saisies depuis la naissance du litige. Comprendre la décision des juges
105

suppose que soit maîtrisé un certain nombre d’éléments. La décision des juges
comporte deux aspects importants : les motifs et le dispositif.

- Les motifs : C’est le raisonnement des juges, les raisons juridiques qui les
conduisent à prendre telle solution plutô t que telle autre. Ce qui suppose que soit
identifié le texte de loi ou la règle de droit que les juges ont appliqué au litige.
Comment ont-ils qualifié les faits qui leur sont soumis, comment ont-ils justifié
l’application de cette règle aux circonstances de la cause ? Les motifs sont d’une
importance primordiale car c’est leur analyse qui permettra véritablement
de commenter l’arrêt.

- Le dispositif : C’est la solution concrète prise par les juges ; par exemple la nullité
du mariage, le prononcé du divorce s’agissant d’un jugement. La cour d’appel
confirme ou infirme la décision ; la Cour de cassation rejette ou casse.

N. B.

a) Lorsqu’un passage n’est pas bien compris, il faut reprendre la lecture, s’assurer
que l’on a bien suivi les ponctuations qui sont toujours déterminantes dans la
compréhension d’un texte.

b) En lisant un arrêt, il faut à tout moment (pour chaque phrase ou morceau de


phrase) pouvoir répondre à la question qui parle et que dit la personne.

Qui parle ? S’agit-il du demandeur, du défendeur, de la cour d’appel (par exemple


lorsque la Cour de cassation rappelle la solution de la cour d’appel) ou de la Cour de
cassation. Il est toujours dangereux de confondre le raisonnement du pourvoi à la
solution de la cour de Cassation, surtout lorsqu’il s’agit d’un arrêt de rejet.

Que dit-elle ? Que signifie concrètement le passage (mot, groupe de mots, expression)
que l’étudiant est en train d’analyser ou d’examiner.

c) L’omission ou la négligence d’un seul mot peut entraîner une mauvaise


compréhension de l’arrêt. Lorsqu’une expression est ambiguë, il faut relever ses
différentes significations possibles.

d) Il faut prêter attention aux conjonctions de coordination ou de subordination ou


aux locutions utilisées. (Parce que, puisque, et, car etc.) Exemple : « Parce que »
exprime la cause, la justification.

II. LA RECHERCHE DES ELEMENTS POUR LA CONSTRUCTION DU


COMMENTAIRE

Il faut d’abord expliquer l’arrêt, particulièrement, le raisonnement juridique tenu par les
magistrats.
106

L’explication attendue consiste à démontrer comment les juges ont qualifié les faits,
appliqué la règle de droit sélectionnée, et tiré les conséquences.

Il faut dire ce que signifient concrètement les passages (mot, groupe de mots,
expression) importants. L’omission ou la négligence d’un seul mot peut entraîner une
mauvaise analyse de l’arrêt. Lorsqu’une expression est ambiguë, il faut relever ses
différentes significations possibles.

Il faut reprendre la position des parties (demandeur et défendeur) et se poser les


questions suivantes :

- Que dit la loi relativement aux prétentions et arguments du demandeur. Son


argumentation correspond-elle à une analyse doctrinale (Que disent les auteurs
sur la question ?) Que dit la jurisprudence par rapport à sa position ?

- Quelles seraient les incidences juridiques, théoriques, pratiques, humaines,


sociales, les avantages et les inconvénients si on adoptait le raisonnement ou
l’argumentation que préconise le demandeur.

Se reposer les mêmes questions si l’on adoptait la solution contraire.

Se poser une série de questions relativement à la solution donnée par l’arrêt à


commenter :

La solution retenue correspond-elle à un courant doctrinal ? Est-elle conforme à la lettre


de la loi ? S’agit-il d’une interprétation restrictive ou large de la loi ? La solution est-elle
aussi conforme à l’esprit ou à la finalité de la loi ? Est-elle conforme à l’équité, au bon
sens ? Quelles sont les incidences de cette solution sur le plan juridique, sur le plan
pratique (ses avantages et ses inconvénients). Quelles sont les limites de cette solution.
S’agit-il d’un arrêt de principe (Qui a vocation à s’appliquer à des cas similaires) ou la
solution est-elle plutô t justifiée par les circonstances particulières de l’espèce. S’agit-il
d’un arrêt de revirement (contraire aux solutions antérieures de la jurisprudence) ou
s’inscrit-elle dans le courant jurisprudentiel ? Quelle est l’apport de l’arrêt ?

Il est évident que l’étudiant ne peut pas répondre à ces questions s’il ne maîtrise pas son
cours ou ne fait pas de recherches bibliographiques.

En répondant à ces questions, l’étudiant disposera des matériaux nécessaires à la


construction du commentaire.

III. LA CONSTRUCTION DU COMMENTAIRE

Elle comprend trois phases : l’organisation des idées (plan), l’introduction et le corps du
devoir.

1) L’organisation des idées


107

Il ne faut jamais faire un plan avant de chercher des éléments pour le remplir. Un plan
n’est que l’organisation des idées que l’on a précédemment rassemblées. Il faut
ordonner les idées de manière cohérente. Il faut éviter que des idées recensées et
analysées ne restent en dehors du plan (sinon il y aurait un commentaire partiel de
l’arrêt). Il faut également éviter de faire des développements qui ne cadrent pas avec les
idées relevées dans l’arrêt sinon, il y aurait une dissertation.
Il faut éviter qu’il y ait des redites dans votre plan, c’est-à -dire qu’il ne faut pas
reprendre dans un paragraphe ou subdivision ce qui avait déjà été dit sans ajouter
quelque chose à l’analyse précédente. Le travail doit être présenté en deux parties,
chacune des parties subdivisées en deux sous parties. Chacune des parties et sous
parties doit avoir un intitulé. Il faut faire des intitulés parlant, c’est-à -dire qu’en lisant
l’intitulé, on doit avoir une idée précise du contenu de la subdivision. L’intitulé doit être
en accord avec le contenu du paragraphe. Il faut éviter dans les intitulés des verbes
conjugués.
Lorsque l’arrêt présente deux moyens d’importance comparable ou encore deux idées
essentielles, il faut consacrer à chacune d’eux une partie.
Lorsque l’arrêt ne comporte qu’une idée essentielle et qu’il n’est pas possible de la
subdiviser en deux sous parties, il faut adopter un plan de type analyse portée sans
jamais intituler la première partie « Analyse » ni la deuxième « La portée ».
L’analyse consistera à expliquer l’arrêt, à en donner toute la signification juridique
possible. Qu’est-ce que les juges ont dit explicitement et implicitement. A quelle
tendance doctrinale correspond la solution des juges ? Est-elle conforme à la lettre ou à
l’esprit de la loi ? La solution est-elle juridiquement justifiée ?

La portée consistera à répondre à une série de questions. Jusqu’où s’arrête la solution


donnée par les juges (limites de la décision). S’agit-il d’un arrêt de principe ou d’un
simple cas d’espèce ? Quelles en sont les incidences juridiques, théoriques et pratiques,
les avantages et les inconvénients, quelles en sont les conséquences sur le plan humain,
social, économique ?

2) L’introduction

Selon que l’on regroupe ou non certains points de l’introduction, elle peut être présentée
en 8 ou 9 points.

a) La présentation de l’arrêt : Elle comporte trois aspects ; le thème de


l’arrêt, la juridiction qui a rendu la décision et la date à laquelle l’arrêt a été
rendu.

Le thème de l’arrêt : Il s’agit de dire à quel domaine du droit (quelle partie de votre
cours) se rapporte l’arrêt. Autant que faire se peut, il faut être très précis et éviter de
donner un thème trop large. Il faut éviter de dire par exemple que l’arrêt se rapporte au
mariage ou aux conditions de formation du mariage. En effet, dans les conditions de
formation du mariage, il y a des conditions de fond et des conditions de forme. Dans les
108

conditions de fond par exemple, il y a des conditions biologiques, des conditions


psychologiques, et des conditions sociologiques. Dans les conditions psychologiques par
exemple, il peut se poser le problème de l’existence du consentement ou encore celui de
l’intégrité du consentement. Dans l’intégrité du consentement il y a les vices du
consentement que sont l’erreur et la violence. Il peut s’agir de l’erreur dans la personne
ou de l’erreur dans les qualités essentielles de la personne. Ainsi, lorsque l’étudiant se
borne à dire que l’arrêt se rapporte aux conditions psychologiques du mariage, le thème
n’est pas suffisamment précis.

Il est souhaitable que le thème soit resitué dans son contexte plutô t que de l’annoncer de
façon drue. Il est donc préférable d’éviter de dire que l’arrêt soumis à notre
commentaire se rapporte à la rupture des fiançailles (Cf. infra pour l’exemple à suivre).

La juridiction qui a rendu la décision : l’étudiant doit préciser s’il s’agit d’un tribunal,
de la cour d’appel, de la Cour de cassation et quelle Chambre de la Cour de cassation.

La date de l’arrêt : Elle présente un réel intérêt car elle permet aussi de savoir quel est
le texte en vigueur au moment où la décision a été rendue, c’est-à -dire le texte applicable
à la cause.

En définitive le thème peut être présenté comme suit : Les fiançailles se définissent
comme une promesse de mariage. Il arrive que l’un des fiancés ne respecte pas cette
promesse. Cette rupture est source de responsabilité lorsqu’elle est fautive. L’arrêt
soumis à notre commentaire en est une illustration. Il a été rendu par la première
chambre civile de la cour de cassation le 12 mai 2003.

b) Les faits : Ils doivent être présentés de façon simple et claire, par de
courtes phrases en suivant leur chronologie.

Les étapes suivantes peuvent être présentées de deux façons :

Première façon

c) La procédure : Il s’agit de dire en une seule phrase l’ensemble des


juridictions qui ont été saisies depuis la naissance du litige.
d) Prétentions et arguments des parties : Se référer au I, 3 et 5. Il faut
rappeler qu’il s’agit de préciser la demande des parties et l’argumentation par
laquelle elles les soutiennent.
e) Solution des juridictions antérieures : Si l’arrêt à commenter émane de
la Cour de cassation, c’est la solution du tribunal si possible et nécessairement
celle de la cour d’appel qu’il faut rappeler ici. Il ne suffit pas de donner le
dispositif mais nécessairement les motivations des juges. Cette exigence prend
toute son importance surtout lorsqu’il s’agit d’un arrêt de cassation puisqu’elle
suppose que la Cour de cassation a condamné le raisonnement juridique tenu par
109

la cour d’appel. Il faut donc exposer clairement cette argumentation de la cour


d’appel.

Argument du pourvoi : La solution de la cour d’appel peut faire évoluer l’argumentation


du demandeur au pourvoi. Ce dernier peut reprocher à la cour d’appel, par une
argumentation précise, sa décision. Si tel est le cas, il faut alors relever ici cette
argumentation supplémentaire en disant ce que le demandeur reproche à la cour
d’appel. Par contre, lorsque l’argumentation des parties n’a pas évolué, il ne sera pas
opportun de reprendre encore l’argumentation des parties.

Une fois précisé ce qui est reproché à la décision déférée, il faut passer au problème
juridique.

On peut illustrer ces différentes étapes par l’exemple suivant :

Procédure : Le litige a été connu d’un tribunal, de la cour d’appel d’Agen le 28 mars
1962, puis de la chambre civile de la Cour de la cassation qui a rendu le présent arrêt.

Prétentions et Arguments : Devant les juges du fond (Tribunal et cour d’appel),


Madame B. demande la suppression d’un rideau de fougères planté par Mademoiselle
Lassus et empêchant le passage de la lumière. Elle fonde sa demande sur l’article 1382
du code civil.

Solutions des juridictions antérieures : Le tribunal ordonne la suppression du rideau


de fougère. Sur appel de Mademoiselle L. cette décision a été infirmée. La cour d’appel a
estimé que s’il était fait droit à la demande de Madame B., l’héritage voisin se trouverait
grevé d’une servitude d’éclairement contractuelle alors qu’un tel contrat n’a été conclu
entre les parties. C’est cette décision qui a fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel
d’Agen.

Le pourvoi reproche à la cour d’appel d’avoir rejeté la demande de suppression du


rideau de fougère alors qu’elle a relevé, elle-même, que Mademoiselle L. recherchait la
satisfaction d’un mobile malicieux, un abus de droit.
Le problème juridique qui se pose dès lors est…

Deuxième façon

c) Procédure : On peut aussi admettre que la procédure inclut la prétention des


parties (les arguments non compris) et les dispositifs des juridictions qui ont été
saisies, hormis la solution de l’arrêt à commenter.

Exemple : Madame B demande la suppression du rideau de fougères et des


dommages intérêts.
110

Le jugement le lui accorde.

Sur appel de Mademoiselle L. un arrêt infirmatif (Angen, 28 mars 1962) déboute


Madame B., c’est-à -dire refuse d’ordonner la suppression des fougères.

d) Thèses en présence : C’est ici qu’il faudra alors donner les motifs de l’arrêt
attaqué de même que les arguments du pourvoi ou de façon générale les
arguments du demandeur devant la juridiction qui a rendu l’arrêt à commenter.

Si nous reprenons l’exemple précédent, on obtient ce qui suit :

L’arrêt attaqué a écarté la prétention de Mme B. au motif que cela reviendrait à


admettre que la propriété de Mademoiselle se trouve grevée d’une servitude
d’éclairage, qu’aucun contrat n’a créée.

Pourvoi de Madame B. fondé sur la théorie de l’abus de droit ; dans les faits,
l’arrêt attaqué a constaté à la charge de mademoiselle L. un exercice malicieux et
donc abusif de son droit de propriété.

A partir du problème juridique, la méthodologie est encore uniformisée.

e) Le problème juridique : C’est le problème de droit auquel doivent répondre les


juges.

Pour poser le problème, il faut reprendre sous une forme interrogative les faits en
se demandant s’ils ont fait l’objet d’une qualification juridique adéquate. Le
problème juridique doit être abstrait, éviter de donner les noms des parties et ne
retenir que les caractéristiques. Au lieu de dire Monsieur X., il faut plutô t se
référer à sa qualité qui peut être celle d’un fiancé, d’un époux etc.

Exemple de problème juridique. Le fait pour une épouse de s’être présentée comme une
célibataire sans enfant alors qu’elle était une femme divorcée peut-il être considéré
comme une erreur sur les qualités essentielles de la personne cause de nullité du
mariage ?

Cette formulation comporte nécessairement la confrontation entre les différentes thèses


soutenues par les parties à propos de la difficulté juridique.

On peut aussi poser le problème juridique par confrontation des thèses en présence sans
s’appuyer sur les faits.

La possibilité de poser une question de droit d’une façon ramassée et abstraite est
souvent le signe d’un arrêt de principe tandis que la nécessité de poser une question de
droit d’une façon développée et proche des faits montre que ceux-ci ont été
spécialement pris en considération pour la solution retenue, ce qui est le signe d’un arrêt
d’espèce.
111

Le degré d’abstraction dans la formulation d’un problème juridique peut dépendre aussi
du niveau d’étude (premier cycle ou au-delà ).

Par exemple, le même problème juridique peut être posé des deux façons suivantes :

- « Un propriétaire doit-il être sanctionné lorsque dans l’exercice de son droit de


propriété, il accomplit un acte portant volontairement préjudice à son voisin et
sans aucune utilité pour lui ? »

- « Le droit de propriété, pourtant absolu, peut-il être exercé abusivement ? »

Lorsqu’il y a plusieurs problèmes juridiques, n’hésitez pas à les poser séparément. A


vouloir reprendre en une formule unique différents problèmes, on en a arrive à des
phrases longues difficiles à comprendre.

 La solution des juges : C’est la solution de la juridiction qui a rendu l’arrêt à


commenter qu’il faut rapporter ici. Il faut donner nécessairement le dispositif et
la motivation des juges.

 L’intérêt de la solution : Quel est l’apport de l’arrêt ? Il suffit de le dire de façon


condensée ; le développement se fera dans le corps du devoir.

 Annonce du plan : L’organisation du travail (II) aura déjà permis de construire le


plan qu’il suffit de présenter. Il faut annoncer seulement les deux parties.

N. B.

Il est possible que les différents points de l’introduction soient agencés autrement
sans que ne soit remis en cause la qualité du travail. Cependant, il faut dans tous les
cas éviter des redites et les incohérences. Par exemple, il serait très maladroit de
poser le problème juridique après avoir donné la solution de l’arrêt à commenter.

3) Le corps du devoir

Vous devez savoir clairement ce que vous voulez démontrer dans chacune des sous-
parties. Pour éviter d’errer, vous devez établir une chronologie des idées en rapport
avec le thème. Bref, vous devez connaître votre point de départ et le point d’arrivée.

La rédaction doit être très cohérente. Il faut exprimer une seule idée à la fois par des
phrases courtes. Ne jamais prendre des raccourcis. Les idées doivent évoluer
progressivement. Lorsqu’une étape est omise, le lecteur a du mal à comprendre le
raisonnement.

Lorsqu’une partie est entamée, il faut annoncer ses subdivisions en les justifiant. C’est le
chapeau. En d’autres termes il faut dire pourquoi le A sera consacré à telle question et le
B à telle autre.
112

N. B.
- Il faut impérativement relire la copie une fois achevée la rédaction. Il est
constant qu’une copie truffée de fautes ne peut obtenir la moyenne, même si
le fond est bon.
- Cette méthodologie ne vous sera d’aucune utilité si vous ne maîtrisez pas le
cours.

- Les sujets de devoir ne porteront pas nécessairement sur les thèmes traités
au T.D. Le sujet peut avoir été simplement évoqué dans le cours. Il appartient
à l’étudiant de faire des recherches pour compléter le cours.
113

Université de Lomé Année académique 2010 – 2011

Faculté de Droit Cours de M. WOLOU

1er SEMESTRE DE LICENCE

TD DE DROIT CIVIL : LE CONTRAT

Séance n° 3

Thème : Formation du contrat (Consentement ; Acceptation ; Valeur du silence)

Cour de cassation chambre civile 1

Audience publique du 24 mai 2005

N° de pourvoi: 02-15188

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que le préfet de la région d’Ile-de-France a notifié à M. X..., qui avait obtenu un
permis de construire sur une parcelle dont il est propriétaire, un arrêté lui enjoignant de
faire réaliser préalablement aux travaux une opération préventive de fouilles
archéologiques ; que M. X... a accepté un devis “diagnostic archéologique” établi par
l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN), aux droits de laquelle
vient l’INRAP ; que l’AFAN a informé M. X... que le diagnostic était positif et que “la partie
arrière de la parcelle nécessitait une investigation plus approfondie, une petite fouille de
sauvetage urgent devant être réalisée”, ce qui a conduit le préfet à prendre un nouvel
arrêté prévoyant que l’AFAN procéderait en urgence à une opération préventive de
114

fouilles entre le 14 avril 1998 et le 17 avril 1998 ; que M. X... ayant refusé de régler la
facture correspondant à ces travaux au motif qu’il n’avait pas accepté le devis que lui
avait adressé l’AFAN, celle-ci l’a assigné en paiement ;

Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt attaqué (Versailles, 1er mars 2002) d’avoir
accueilli cette demande alors, selon le pourvoi :

1 / que le silence ne vaut pas à lui seul acceptation ; que M. X..., destinataire du second
devis, ne l’avait jamais retourné ni signé et n’avait pas davantage déclaré l’accepter ;
qu’en décidant cependant que le propriétaire du terrain aurait de la sorte accepté ce
second devis, la cour d’appel a violé les articles 1101 et 1108 du Code civil ;

2 / qu’il appartient au créancier qui demande l’exécution de la convention qu’il invoque


de rapporter la preuve de l’existence de l’accord résultant de l’acceptation de son offre
par l’autre partie ; qu’en énonçant que M. X..., destinataire du second devis, ne soutenait
pas valablement ne pas l’avoir accepté, à défaut de manifestation expresse de volonté de
rupture de ses relations contractuelles avec l’AFAN, la cour d’appel a inversé la charge
de la preuve en violation de l’article 1315 du Code civil ;

Mais attendu que si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n’en est pas de même
lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d’une
acceptation ; que l’arrêt relève que le permis de construire délivré à M. X... lui imposait
de ne pas mettre en péril les vestiges archéologiques situés sur le terrain d’assiette de
l’opération de construction, que l’arrêté du préfet de la région d’Ile-de-France, pris en
exécution de cette contrainte, a imposé l’opération de fouille préventive, que cet arrêté a
été signé au visa de la convention signée par l’Etat et l’AFAN et qu’ainsi M. X..., dont la
volonté est certes liée par les contraintes administratives, ne pouvait sans se priver de
l’attestation de levée de contraintes archéologiques qui lui a été délivrée le 29 avril 1998
ne pas faire exécuter les prestations prévues par le second devis ; qu’ayant exactement
déduit de ces circonstances que le silence gardé par M. X... à la suite de la réception du
devis que lui avait adressé l’AFAN avait la signification d’une acceptation, c’est sans
inverser la charge de la preuve que la cour d’appel a ensuite énoncé que M. X... ne
pouvait, à défaut de manifestation expresse de volonté, soutenir qu’il n’avait pas accepté
le second devis ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;


115

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;
116

Université de Lomé Année académique 2010 – 2011

Faculté de Droit Cours de M. WOLOU

1er SEMESTRE DE LICENCE

TD DE DROIT CIVIL : LE CONTRAT

Proposition de corrigé - Séance n° 3

Thème : Formation du contrat (Consentement ; Acceptation ; Valeur du silence)

Civ. 1re, 24 mai 2005

Illustration de la méthodologie du commentaire d’arrêt

I/ La lecture de l’arrêt

Faits

1. Obtention d’un permis de construire

2. Arrêté préfectoral imposant des fouilles archéologiques préventives

3. Nécessité des fouilles complémentaire

4. Nouveau devis resté sans réponse

5. Exécution des travaux malgré tout

6. Refus de payer la facture correspondants aux fouilles complémentaires

Demandeur (devant la cour de cassation)

1. -refus de payer la facture


- défaut d’accord avant la réalisation des travaux
Le silence ne vaut pas acceptation
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2. Absence d’acceptation du second devis

3. Violation des articles 1101 et 1108 du code civil

4. La charge de la preuve de l’acceptation de l’offre incombe au créancier (AFAN)

5. Violation par la cour d’appel de la règle de la charge de la preuve (inversion de la


charge de la preuve ; violation de l’article 1315 du code civil

Défendeur (devant la cour de cassation : AFAN)

1. Le silence en l’espèce vaut acceptation

Cour d’appel

1. Obligation de ne pas mettre en péril les vestiges archéologiques

2. Obligation d’une fouille préventive

3. Volonté du demandeur liée par les contraintes administratives

4. Le silence gardé dans ces circonstances (à la réception du devis) vaut acceptation

5. Le demandeur ne pouvait, à défaut de manifestation expresse de volonté,


soutenir qu’il n’avait pas accepté le second devis.

Cour de cassation

1. Le silence ne vaut pas à lui seul acceptation

2. Cependant, les circonstances peuvent donner au silence le sens d’une acceptation

3. Absence de l’inversion de la charge de la preuve

4. Rejet du pourvoi

Formulation du problème juridique

Identification du problème précis qui oppose les parties. Le silence peut-il valoir
acceptation dans la formation du contrat ?
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Le silence du destinataire d’un devis ayant pour objet l’exécution des travaux
complémentaires et obligatoires en vertu d’un arrêté préfectoral consécutifs à une
première fouille archéologiques peut-il valoir acceptation ?

II) La recherche des éléments pour la construction du commentaire

Il faut reprendre chacune des idées relevées, l’expliquer d’abord, ensuite se demander ce
que disent la loi, la jurisprudence, la doctrine sur elle ; s’interroger sur ses conséquences
théoriques et pratiques, avantages, inconvénients. On aurait pu reprendre
successivement les idées du demandeur, du défendeur, la solution de la cour d’appel et
de la cour de cassation. Mais étant donné que sur chacune des idées, les parties, et les
juridictions ont une position, on prendra donc les idées les unes après les autres en
relevant sur ces questions la position des parties, la teneur de la loi, les positions
doctrinales et les avantages et inconvénients.

1. Le silence ne vaut pas acceptation

Il faut remarquer qu’aucune des parties et même les juges ne contestent cette
affirmation.

a) Le sens (explication)

L’absence de réaction suite à une offre ne doit pas être considérée comme une
acceptation de l’offre. Le silence devra donc être interprété en principe comme un refus
de contracter.

b) Que dit la loi ?

Il n’existe pas une règle générale formulée par la loi sur la valeur du silence dans la
formation du contrat. Que signifie ce silence de la loi ?

c) Que dit la jurisprudence

Un arrêt a posé le principe selon lequel en droit, le silence de celui que l’on prétend
obligé ne peut suffire en l’absence de toute autre circonstance, pour faire preuve contre
lui de l’obligation alléguée (Civ. 1re 25 mai 1870).

Quels étaient les faits de cet arrêt ? Il faut les rappeler.

d) Que disent les auteurs sur la valeur du silence dans la formation du


contrat ?

Le silence a une signification équivoque : il y a des approbations tacites, mais il y a aussi


des réprobations muettes, sans oublier les silences prudents. Or le consentement doit
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être indiscutablement établi (François Terré, Philippe Simler et Yves Lequette, « Droit
civil Les obligations », Précis Dalloz, 8e éd. 2002, n° 124).

Cette position doctrinale explique et justifie amplement pourquoi le silence ne doit pas
valoir acceptation. Cette position s’explique aussi par des avantages pratiques.

e) Incidence pratique de l’analyse selon laquelle le silence ne vaut pas


acceptation

Avantages : Protection du consentement et donc de la liberté contractuelle (liberté de


conclure ou de ne pas conclure, de choisir librement son cocontractant lorsque l’on
décide de conclure, et la liberté de déterminer aussi le contenu du contrat). La solution
contraire aurait pour conséquence qu’une simple négligence (omission de répondre à un
courrier) aboutisse irréversiblement à créer un lien contractuel contre le gré du
débiteur. La liberté contractuelle en souffrirait.

2. Le silence peut valoir exceptionnellement acceptation

Sens (explication): Le silence du destinataire de l’offre peut eu égard à certaines


circonstances particulières être assimilé à l’acceptation.

a) Que dit la loi sur cette question

La loi assimile effectivement dans certains cas le silence à l’acceptation ; l’article 1738 du
code civil prévoit par exemple que si à l’expiration du bail le preneur reste dans les lieux,
le silence du bailleur vaut acceptation du renouvellement. L’article L 112-2 du code des
assurances disposes que le silence de l’assureur pendant dix jours à compter d’une
proposition de modification du contrat par l’assuré vaut acceptation de cette
modification.

b) La jurisprudence

Le silence vaut également acceptation si les parties étaient déjà en relation d’affaires
antérieures : quand un client commande des marchandises à son fournisseur habituel, le
silence gardé par ce dernier vaut acceptation.

Les usages d’une profession peuvent prévoir que le silence vaut acceptation (Com. 9
janv. 1956, Bull. n° 17. Un commissionnaire à la bourse ne pouvait ignorer qu’après
avoir reçu une commande écrite, le fait de ne pas répondre télégraphiquement vaut
acceptation).

Le silence vaut acceptation lorsque l’offre a été faite dans l’intérêt exclusif de son
destinataire (Req. 29 mars 1938, DP 1939, 1, 5, note Voirin).

Il a été jugé que le silence gardé après réception d’une offre de remise de dette pouvait
valoir acceptation.
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c) Cette solution est-elle justifiée selon vous ?

Oui. En effet, ce qui importe, c’est que le consentement soit clair, sans équivoque. Il n’est
pas exigé une forme particulière pour exprimer le consentement. Dans ces conditions,
s’il est possible de déduire clairement des circonstances que le silence vaut acceptation,
il faut alors l’admettre.

D’ailleurs l’autonomie de la volonté justifie aussi que l’expression du consentement ne


soit pas soumise à des formalités particulières, pourvu qu’elle soit certaine.

Avantages : Solution équitable en ce qu’elle réalise un équilibre des intérêts de l’auteur


de l’offre et de son destinataire.

d) Quelles sont les circonstances desquelles l’acceptation a été déduite en


l’espèce ? Il faut se référer à la solution de la cour d’appel

- Obligation de ne pas mettre en péril les vestiges archéologiques


- Obligation d’une fouille préventive
- Volonté du demandeur liée par les contraintes administratives

Ces circonstances correspondent-elles à l’un des cas précédemment déterminés par la


jurisprudence ou s’agit-il d’un cas nouveau ?

3. Violation de l’article 1101 et 1108.

Sens. Le premier se rapporte à la définition du contrat et le second aux conditions de


formation du contrat.

Le demandeur soutient que l’assimilation de son silence à une acceptation équivaut à


admettre la formation d’un contrat en l’absence d’un consentement, d’où la violation des
textes susvisés.

Du point de vue de la loi, de la doctrine ou de la jurisprudence, l’argumentation est


évidente et pertinente. Il ne peut y avoir contrat sans consentement. Mais peut-on dire
qu’il n’y a pas eu ici consentement ? On l’a vu, la cour d’appel approuvée par la cour de
cassation a admis qu’on pouvait déduire en l’espèce l’acceptation des circonstances
exposées.

4. La charge de la preuve
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Enoncé de la règle : La preuve incombe au créancier (AFAN). Cela signifie qu’il


appartient au créancier de démontrer que le débiteur avait accepté l’offre (le second
devis).

a) Que dit la loi ? (article 1315 du code civil) ; « Celui qui réclame l’exécution
d’une obligation doit la prouver ».

En vertu de ce texte, effectivement, il appartient à l’AFAN de démontrer que le


demandeur avait effectivement accepté le deuxième devis.

b) Que dit le demandeur ? Il y a inversion de la charge de la preuve.


 Sens. Cela signifie que selon le demandeur, au lieu que la cour d’appel exige
de l’AFAN de prouver que le devis avait été accepté, la cour exige au contraire
de Monsieur X. de prouver qu’il n’a pas accepté le second devis.
 La cour d’appel a-t-elle effectivement inversé la charge de la preuve ? La cour
de cassation donne une réponse à la question

c) Que dit la Cour de cassation ?

La cour de cassation affirme que « … c’est sans inverser la charge de la preuve … ».

La Cour de cassation estime qu’il n’y a pas eu inversion de la charge de la preuve par la
cour d’appel. Au contraire, la cour d’appel a positivement déduit des circonstances
(Obligation de ne pas mettre en péril les vestiges archéologiques, Obligation d’une
fouille préventive, Volonté du demandeur liée par les contraintes administratives) que la
preuve a été rapportée que son silence valait acceptation.

Selon la cour d’appel, approuvée par la cour de cassation, les circonstances sont telles
que le rejet du devis (le refus de contracter) devrait être exprès (« Monsieur X. ne
pouvait, à défaut de manifestation expresse de volonté », soutenir qu’il n’y avait pas
acceptation) ».

III) La construction du commentaire

Le plan : C’est l’organisation de toutes les idées qui précèdent en deux parties (chacune
divisée en deux sous-parties) tout en veillant à remplir les conditions suivantes :

- Eviter que des idées recensées et analysées ne restent en dehors du plan ;


- Eviter de faire entrer dans le plan des éléments qui n’ont pas été relevés ou
déduits de l’arrêt ;
- Rechercher la cohérence dans la présentation ;
- Eviter un déséquilibre des deux parties ;
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- Eviter des redites ;


- Trouver des intitulés qui cadrent avec le contenu des parties et des sous-
parties.
- Il faut des intitulés parlant c’est-à -dire qui évoquent le contenu du
paragraphe.
- Eviter des verbes conjugués dans formulation des intitulés.

Le plan indiqué ici ne l’est qu’à titre indicatif. Il sera toujours possible de trouver
d’autres plans. Par conséquent, il est impératif d’éviter de chercher à reproduire les
intitulés adoptés ici. Vous l’aurez déjà constaté, le plan de cet arrêt diffère par ces
intitulés aux plans proposés lors des précédentes séances.

Plan.

I) Le refus d’assimiler le silence à l’acceptation


A) Un principe établi
 Montrer que c’est la solution adoptée par le présent arrêt
 Sens de ce principe
 Relever l’absence d’un principe législatif général sur la question
 Montrer que cet arrêt rappelle une solution déjà établie
 Dire quel est l’arrêt qui avait posé initialement le principe et rappeler les
faits
 La solution avait-elle été déjà reconduite ou un arrêt a-t-il adopté le même
principe après l’arrêt à commenter ?
B) Un principe justifié
 Dire pourquoi le silence ne doit-il pas valoir acceptation (se référer à la
position doctrinale précédemment relevée)
 Dire les avantages pratiques (la protection du consentement, la protection
de la liberté contractuelle).
 Les inconvénients qui seraient liés à la solution contraire
 La pertinence de ces arguments explique sans doute la convergence des
points de vue de la cour d’appel, de la cour de cassation et du demandeur
sur le fait que le silence ne vaut pas acceptation.
II) L’assimilation exceptionnelle du silence à l’acceptation
A) La prise en compte des circonstances
 Dire les circonstances prises en compte par la cour d’appel approuvée par la
cour de cassation
 Rappeler les circonstances précédemment assimilées à l’acceptation aux
termes de la jurisprudence antérieure
 Se demander si les circonstances actuelles correspondent à ces situations
antérieures
 Tirer les conséquences de ce rapprochement pour vérifier si la solution
actuelle apporte un élément nouveau
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 Se demander si l’assimilation exceptionnelle du silence a l’acceptation doit-


être approuvée (au regard des principes juridiques et de ses incidences
pratiques et de l’équité ; se référer aux éléments de réponse précédemment
rassemblés)
B) La preuve de l’acceptation par le silence
 Rappeler la position du demandeur qui soutient qu’il y a inversion de la
charge de la preuve
 Expliquer sa position
 Que dit la loi sur la question
 Y a –t-il eu effectivement inversion de la charge de la preuve
 Que dit la cour de cassation ?
 Cette solution est-elle convenable ?

Commentaire d’arrêt (Introduction)

Premier semestre.

L’étudiant devra simplement s’inspirer de l’agencement des idées et ne doit pas chercher à
mémoriser ces développements. Il s’agit simplement d’un exemple.

Autant l’acceptation de l’offre est indispensable à la formation du contrat, autant aucune


modalité n’a été fixée par le législateur pour cette acceptation. L’auteur de l’offre pourrait
alors être tenté d’assimiler le silence du destinataire de l’offre à l’acceptation. L’arrêt à
commenter rappelle bien cette situation en ce qu’elle se rapporte à la valeur du silence
dans la formation du contrat. Il a été rendu le 24 mai 2005 par première chambre civile de
la cour de cassation.

Les faits sont les suivants. M. X a obtenu un permis de construire. Le préfet lui enjoint de
procéder à des opérations préventives des fouilles archéologiques. M. X a accepté un devis
diagnostic archéologiques établi par l’association AFAN. L’association a informé M. X que
le diagnostic était positif et qu’une investigation plus approfondie était nécessaire. Le
préfet a pris un arrêté prévoyant que l’association procéderait en urgence à une nouvelle
opération. Informer du nouveau devis, M. X. garde le silence. Plus tard, il refuse de régler la
facture correspondant à ces derniers travaux. Un différend est alors né.

Ce litige a été d’abord connu d’un tribunal, de la cour d’appel de Versailles qui a rendu son
arrêt le 1er mars 2002 puis par la première chambre civile de la cour de cassation.
124

Devant les juges du fond, l’association AFAN exige le règlement de la facture en se fondant
sur les fouilles réalisées au profit de M. X.

M. X s’oppose à ce règlement au motif qu’il n’avait pas accepté le devis que lui avait adressé
l’association AFAN.

La cour d’appel rappelle d’abord l’obligation légale qui pèse sur M. X de ne pas mettre en
péril les vestiges archéologiques et en déduit l’obligation d’une fouille préventive. Elle
ajoute que la volonté de M. X est liée par les contraintes administratives. Elle conclut que le
silence gardé dans ces circonstances par M. X, à la suite de la réception du devis que lui
avait adressé AFAN, signifiait une acceptation.

C’est cette décision de la cour d’appel qui a fait l’objet d’un pourvoi devant la cour de
cassation

M. X soutient d’abord que le silence ne vaut pas acceptation. Par conséquent, il estime
que n’ayant pas accepté le second devis, il n’était pas tenu de payer la facture. Il
reproche à la cour d’appel d’avoir alors violé les articles 1101 et 1108 du code civil. Il
relève ensuite que la charge de la preuve de l’acceptation incombe au créancier et donc
à l’AFAN. Il en déduit que la cour d’appel a violé l’article 1315 du code civil en inversant
la charge de la preuve.

Le problème juridique auquel devait donc répondre la cour de cassation si le silence du


destinataire d’un devis ayant pour objet l’exécution des travaux complémentaires et
obligatoires en vertu d’un arrêté préfectoral consécutifs à une première fouille
archéologiques peut-il valoir acceptation ?

La cour de cassation affirme que si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, les
circonstances peuvent cependant donner au silence la signification d’une acceptation.
Elle affirme donc que c’est à bon droit que la cour d’appel, sans inverser la charge de la
preuve, a énoncé que M. X... ne pouvait, à défaut de manifestation expresse de volonté,
soutenir qu’il n’avait pas accepté le second devis. Elle rejette donc le pourvoi.

La cour de cassation rappelle ainsi le principe selon lequel le silence ne vaut pas
acceptation (I) Elle nuance cette affirmation en retenant que les circonstances peuvent
donner au silence la signification d’une acceptation (II).

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