Vous êtes sur la page 1sur 105

1

INTRODUCTION

I/- LA NOTION D’OBLIGATION


Littéralement, l’obligation est définie comme la contrainte, le devoir
qu’imposent la loi, la morale, les conventions sociales, les circonstances, etc.
Ainsi parle-t-on d’obligations professionnelles, familiales, de voisinage, etc. Le
sens courant de l’obligation fait référence au devoir.

Du point de vue juridique, l’obligation est un terme polysémique en ce qu’il


recouvre un sens large et des sens étroits. Au sens large, l’obligation est le lien
de droit entre deux personnes en vertu duquel l’une d’entre elles, appelée le
créancier, peut exiger de l’autre, appelée le débiteur, l’exécution d’une
prestation qui peut être soit de donner quelque chose, soit de faire quelque
chose ou de ne pas faire quelque chose. Cette définition met en exergue un
élément important de l’obligation dans son acception juridique, qui est le lien de
droit existant entre le créancier et le débiteur et qui en tant que telle peut être
l’objet de sanction. Si donc dans toute obligation il y a un devoir à accomplir, tout
devoir n’est pas une obligation. Pour qu’il le soit, il faut que ce devoir soit un lien
de droit liant des personnes déterminées et susceptible de sanction étatique.

Ainsi conçue, l’obligation a deux aspects : un aspect actif, positif, constitué


par la créance qui bénéficie au créancier et un aspect passif, négatif, constitué
par la dette qui pèse sur le débiteur, la satisfaction due par celui-ci au créancier.

Au sens étroit, utilisé par exemple en droit des sociétés commerciales et en


droit financier, l’obligation est une valeur mobilière, c'est-à-dire un titre
négociable constatant un prêt consenti par une personne à la société moyennant
un intérêt qui sera versé à cette personne indépendamment des résultats de la
société. On oppose les obligations, de ce point de vue, aux actions qui sont
également des valeurs mobilières, c'est-à-dire des titres qui, à l’inverse,
représentent la participation d’une personne à la société et qui lui confère la
qualité d’actionnaire ou d’associé selon le type de société de laquelle découlent

2
des pouvoirs et des droits.

C’est au sens général de l’obligation qu’est consacré ce cours.

II/- LES CARACTERES DE L’OBLIGATION

On reconnait à l’obligation trois (3) caractères essentiels : obligatoire,


personnel et patrimonial.

2.1.- Le caractère obligatoire de l’obligation

L’obligation a un caractère obligatoire en ce qu’en tant que lien de droit le


débiteur est tenu de l’exécution, et s’il ne le fait pas, il peut y être contraint par
le créancier au moyen d’une action en justice. Cela permet de distinguer
l’obligation (civile) de l’obligation naturelle, qui est un devoir de conscience, non
juridiquement sanctionnée, sauf si elle est transformée ou muée en obligation
civile soit parce que le débiteur en exécute spontanément la prestation soit
parce qu’il s’est engagé à le faire (Civ. 1re, 14 février 1978, Bull. civ. I, N° 59 ; Civ.,
11 mars 1936, DP 36.1.16 ; Civ. 1re, 6 janvier 2011, n° 09-71.243 ; voir aussi Cour
d’appel d’Abidjan, 28 mars 1975, arrêt n° 131, RID 1976, 1-2, p. 42 et s.).

2.2.- Le caractère personnel

L’obligation a un caractère personnel en ce qu’elle n’engage que la


personne qui l’a souscrite et elle seule. On parle de personnalité de l’obligation.
Il convient cependant de signaler que dans certains cas, certes rares comme dans
les rapports entre époux, une dette contractée par l’un des conjoints peut dans
certaines circonstances engager l’autre conjoint.

Et puisque l’obligation est personnelle, logiquement elle est


intransmissible, ce qui comporte également des exceptions, le code civil
prévoyant la cession de créance et la transmission des dettes d’une personne
décédée à ses héritiers.

2.3.- Le caractère patrimonial

3
L’obligation a un caractère patrimonial en ce sens qu’elle est évaluable en
argent. L’obligation a donc une valeur et, à ce titre, elle constitue un élément du
patrimoine. Elle est à la fois un élément à l’actif du patrimoine du créancier et
un élément passif du patrimoine du débiteur.

III/- LA CLASSIFICATION DES OBLIGATIONS

La classification des obligations est importante d’une part, pour les


concrétiser et d’autre part, pour déterminer les règles qui doivent leur être
appliquées. La classification généralement retenue distingue les obligations
d’après leur objet et leurs sources.

3.1.- La classification de l’obligation fondée sur leur objet

Cette classification s’attache à ce sur quoi porte l’obligation, c'est-à-dire à


la prestation promise par le débiteur au créancier de l’obligation.

Trois sous-classifications sont adoptées.

3.1.1.- Les obligations de donner, de faire ou de ne pas faire

Elles sont expressément visées par les articles 1101 et 1126 du Code civil.

- L’obligation de donner est celle par laquelle le débiteur s’engage à


transférer au créancier la propriété d’une chose qui peut être un corps
certain ou une chose de genre.

- L’obligation de faire est celle par laquelle le débiteur s’engage à accomplir


un fait positif, à exécuter une prestation déterminée au profit du créancier
(ex : exécuter un travail, mener une négociation, conserver une chose,
surveiller des travaux, construire une maison, etc.).

- L’obligation de ne pas faire est celle par laquelle le débiteur s’engage à


s’abstenir d’un fait ou d’un comportement déterminé. Elle consiste donc

4
dans une abstention (ex : ne pas faire concurrence, ne pas violer telle
clause d’un contrat, etc.).

NB : un seul contrat peut contenir les trois obligations à la fois ou deux des
trois obligations. Ainsi, un contrat de vente peut comporter une obligation de
donner (transferer la propriété de la chose vendue), une obligation de faire
(livrer la chose vendue) et une obligation de ne pas faire (ne pas vendre la même
chose à une autre personne que l’acheteur).

3.1.2.- Les obligations en nature et les obligations pécuniaires

- Les obligations en nature sont celles qui portent sur d’autres choses que
l’argent. Elles ne sont pas soumises à la dépréciation monétaire et ne sont
pas en principe susceptibles d’exécution forcée.

- Les obligations pécuniaires ont pour objet le transfert de la propriété de


somme d’argent, soumise aux fluctuations monétaires et susceptible
d’exécution forcée en cas d’inexécution.

3.1.3.- Les obligations de résultat et les obligations de moyen

Cette distinction s’appuie sur les exigences contraignantes de la prestation


promise.

- L’obligation est une obligation de résultat lorsque le débiteur s’est engagé


à obtenir un résultat déterminé. Tel est le cas pour les obligations, de
donner ou ne pas faire et certaines obligations de faire.

- L’obligation est une obligation de moyen lorsque le débiteur a seulement


promis de mettre son activité au service du créancier sous garantie que tel
ou tel résultat sera obtenu par lui. En d’autres termes, le débiteur s’engage
à mettre tous les moyens qui sont à sa disposition pour accomplir la
prestation, sans être tenu d’aboutir à un résultat déterminé.

5
Certaines obligations de faire sont les obligations de moyen (Ex : obligation
du médecin dans le contrat médical).

L’intérêt principal de cette distinction se révèle en cas d’inexécution de la


prestation promise. Dans le cas de l’obligation de résultat, le débiteur est
présumé en faute. Mais dans le cas de l’obligation de moyen, il revient au
créancier de démontrer la faute du débiteur.

NB : En cas de discussion sur la nature de l’obligation, c’est au juge de


décider si la prestation promise est une obligation de résultat ou de moyen.

3.2.- La classification des obligations fondée sur leurs sources

Cette classification est fondée sur la source des obligations, c'est-à-dire sur
les événements qui leur donnent naissance. A côté de la classification adoptée
par le Code civil, la doctrine en propose une autre.

3.2.1.- Les classification du Code civil (articles 1101 et 1370 regroupés


dans les titres III et IV)

Les rédacteurs du Code civil ont distingué :

- Les obligations contractuelles, nées d’un contrat (accord de volontés


destiné à créer des obligations) ;

- Les obligations non contractuelles résultant d’un quasi-contrat (fait licite


qui s’apparente à un contrat mais qui s’impose au débiteur en dehors de
sa volonté), d’un délit (fait illicite intentionnel) ou d’un quasi-délit (fait
illicite non-intentionnel comme une imprudence ou une négligence) ;

- Les obligations légales créées par le législateur en dehors de la volonté des


parties (ex : responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs) ;

À Cette classification, il est de plus en plus substitué une autre qui oppose l’acte
juridique au fait juridique.

6
3.2.2.- Les actes juridiques et les faits juridiques

- L’acte juridique est toute manifestation de volonté destiné à produire des


effets de droit, c’est donc une manifestation intentionnelle de volonté
dans le but de réaliser certains effets de droit : créer, modifier,
transmettre ou éteindre un droit. Cette manifestation de volonté peut
être bilatérale (contrat) ou unilatérale (Ex : Testament).

- Le fait juridique est un événement quelconque auquel la loi attribue des


effets de droit, mais qui ne résulte pas d’un accord de volonté. Les effets
de droit sont réalisés indépendamment de la volonté des personnes qui
bénéficieront ou souffriront de ces effets. Les faits juridiques sont divers.

7
PARTIE I : LE CONTRAT

CHAPITRE PRELIMINAIRE : GENERALITES SUR LE CONTRAT

SECTION PRELIMINAIRE : DROIT COMMUN DES CONTRATS ET DROIT DE


LA CONSOMMATION

L’étude du contrat renvoie à l’étude du Droit commun des contrats. Le Droit


commun des contrats désigne le corps de règles applicables à l’ensemble des
contrats. Il s’agit d’un régime de base ayant vocation à régir tout contrat. Ce
régime est logé, pour l’essentiel, dans le Code civil. Mais, l’étude du Droit des
contrats ne peut ignorer l’apparition d’une réglementation particulière instituée
pour régir un nombre considérable de rapports juridiques. C’est que la Côte
d’Ivoire s’est dotée d’une loi relative à la consommation (loi n° 2016-412 du 15
juin - Journal officiel du jeudi 19 janvier 2017), laquelle introduit un Droit de la
consommation dans l’ordonnancement juridique ivoirien.

Le Droit de la consommation est un droit spécial ayant pour objet de régir


les rapports entre professionnels et consommateurs.

Droit spécial : il est spécial en ce qu’il déroge, à divers égards, aux règles du
Droit commun des contrats, lequel envisage les rapports entre particuliers d’un
point de vue égalitaire. En effet, dans le Code civil qui abrite l’essentiel du Droit
commun des contrats, les règles édictées n’ont pas vocation à protéger
spécialement un contractant au détriment de l’autre. Il suppose une égalité
entre les contractants. Le Droit de la consommation suppose, au contraire, un
déséquilibre, une inégalité entre les contractants, et se donne comme vocation
de protéger le contractant considéré comme « faible », le consommateur, contre
le contractant perçu comme « fort », le professionnel1 en cherchant un équilibre
dans leurs relations. L’article 2 de la loi du 15 juin 2016 relative à la
consommation l’énonce clairement : « La présente loi a pour objet la protection
du consommateur en Côte d’Ivoire ».

1Le professionnel est dans une posture de supériorité par rapport au consommateur, en raison de sa
compétence, des informations dont il dispose, et souvent de sa dimension financière, lui permettant
d’imposer sa loi au consommateur.
8
Sujets (acteurs) du Droit de la consommation : Le consommateur et le
professionnel sont les sujets du Droit de la consommation. L’application de la loi
relative à la consommation est guidée par le critère de la qualité des parties :
d’un côté, un professionnel, de l’autre, un consommateur. L’article 1 de la loi
relative à la consommation procédé à la définition tant du professionnel que du
consommateur.

Au sens donc de la loi, le professionnel est « toute personne qui reçoit,


achète ou offre d’acheter un bien, un service ou une technologie, pour sa revente,
son utilisation aux fins de productions, de fabrication ou de fourniture d’autres
biens, services ou technologies ». De cette définition, il convient de remarquer
la diversité des professionnels : ce peut être une personne physique ou une
personne morale. Ce peut être une grande entreprise ou une petite entreprise
(ainsi, le petit commerçant du quartier est soumis à la loi comme la grande
entreprise de distribution, le petit artisan comme la grande entreprise
industrielle). La catégorie de professionnels ne se réduit pas non plus à celle des
commerçants et des sociétés commerciales. Toutes les professions sont régies
par la loi, dans leurs rapports avec les consommateurs, qu’elles soient
artisanales, libérales, agricoles ou autres.

Quant au consommateur il est appréhendé comme : « - achète ou offre


d’acheter des technologies, des biens ou services pour des raisons autres que la
revente ou l’utilisation à des fins de production, de fabrication, de fourniture de
technologies ou de prestations de services ;

-reçoit ou utilise des technologies, des biens ou services pour lesquels il y a déjà
eu un paiement ou une promesse de paiement, ou tout autre système de
paiement différé. Cette définition inclut tout utilisateur de technologies, de biens
et services autre que la personne qui les achète ou en paie le prix lorsque cette
utilisation est approuvée par l’acheteur ».

Il apparaît que le consommateur est pluriel, à savoir :

- celui qui achète ou offre d’acheter des technologies, des biens ou services
pour un usage non-professionnel ;
- celui qui reçoit ou utilise des technologies, des biens ou services.

9
La loi envisage, ici, deux cas : celui qui se procure et celui qui utilise les
technologies, les biens ou services achetés.

Au-delà de ces différents cas, il existe un critère commun pour appréhender


le consommateur : la destination de l’achat ou de l’utilisation de la technologie,
du bien ou du service. En somme, le consommateur se procure ou utilise la
technologie, le bien ou le service à des fins non professionnelles. Du critère tiré
de la destination de l’action, on conçoit donc qu’un professionnel peut se trouver
dans la posture de consommateur lorsqu’il achète ou utilise les technologies, les
biens ou services à des fins non professionnelles. On peut bien imaginer qu’un
professionnel se procure ou utilise des biens à des fins domestiques, sans que
son acte soit guidé par des fins professionnelles. Si un vendeur de téléphones
portables achète une seconde voiture pour s’en servir comme véhicule de
transport de ses enfants à l’école, il agit, en l’espèce, comme un consommateur.
Il se place ainsi dans la posture d’un consommateur, son acte n’étant pas destiné
à servir ses activités professionnelles. Sa qualité de professionnel, en raison de
son activité professionnelle, ne le disqualifie pas de la qualité de consommateur.
Le législateur n’a pas entendu ainsi attacher de manière permanente à des
personnes la qualité de professionnel, indépendamment des actes qu’elles
accomplissent. Cette position est conforme à l’approche de l’article 1 qui
fournit la définition du consommateur en mettant en exergue le critère de
l’achat ou de l’usage à des fins non professionnelles. Ainsi, les opérations d’un
professionnel effectuées à titre non-professionnel, c’est-à-dire qui n’entrent pas
dans le cadre de son activité professionnelle l’installeraient dans la posture d’un
consommateur et, ce faisant, lui ferait bénéficier de la protection de la loi.

L’apparition de ce nouveau régime contractuel commande d’être attentif


sur la règle opérante en fonction de la qualité des sujets du rapport juridique.
Même, si le Droit de la consommation ne se démarque pas fondamentalement
de la plupart du régime commun des contrats, il promeut tout de même
quelques règles qui dérogent à ce régime. Cela sera souligné chaque fois que
nécessaire.

SECTION I/- LA NOTION DE CONTRAT

§1/- DEFINITION
10
Aux termes de l’article 1101 du Code civil « le contrat est une convention
par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs
autres à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ». De cette définition
légale il résulte que le contrat est une convention qui fait naître des obligations ;
ce qui suppose un accord de volontés générateur d’obligations liant les parties
et susceptible d’être juridiquement sanctionné.

1.- Le contrat, un accord de volontés

Le contrat est une convention, c'est-à-dire un acte juridique formé par


l’accord de deux ou plusieurs volontés individuelles. Ce qui permet de distinguer
le contrat de l’acte unilatéral mais aussi des autres conventions.

1.1.- Contrat et acte unilatéral

L’acte juridique unilatéral, à l’inverse du contrat, ne nécessite qu’une seule


volonté pour produire des effets de droit. L’acte juridique unilatéral est le fruit
d’une volonté solidaire en ce sens que c’est la manifestation de la volonté de la
personne agissant seule qui détermine les effets de droit soit à sa charge soit
même à son profit. Il n’existe donc aucun accord de volonté au sens du contrat
puisque seule une personne exprime sa volonté. Le législateur a envisagé
spécifiquement certains actes unilatéraux tels que le testament, la
reconnaissance de l’enfant naturel, mais il n’a pas prévu une réglementation
générale de l’acte unilatéral.

Une question discutée est celle de savoir s’il est possible que l’acte juridique
unilatéral puisse faire naître une obligation au point de permettre de le
considérer, au même titre que le contrat, comme une source des obligations ?
En d’autres termes, l’acte unilatéral peut-il obliger son auteur ?

Est exclu de la réponse à cette question le fait que l’acte juridique unilatéral
puisse avoir un effet déclaratif (Ex : la reconnaissance de dette), extinctif (Ex : la
résiliation unilatérale des contrats successifs à durée indéterminée) ou même

11
translatif (Ex : le testament). Cela dit, la réponse à la question posée reste
controversée.

Ceux qui rejettent l’acte unilatéral comme source des obligations font valoir
deux arguments : le Code civil ne reconnaît pas l’engagement unilatéral comme
une source générale d’obligation ; l’idée même d’un engagement unilatéral est
contradictoire en soi. En effet, si la volonté seule est apte à créer une obligation,
elle peut tout aussi bien s’en délier quand elle veut, ce qui rend une telle
obligation sans consistance, instable.

A l’opposé, ceux qui adhèrent à l’idée selon laquelle l’acte unilatéral est une
source d’obligation considèrent qu’il n’ y a aucun obstacle théorique à
l’admission de l’acte unilatéral comme source d’obligation. Ils avancent, à juste
raison, les actes unilatéraux en droit des contrats tels que la résiliation d’un bail,
le licenciement d’un salarié, l’agrément d’un cessionnaire, l’acceptation d’une
stipulation pour autrui, etc. Hormis ces cas, la solution pour eux vaut aussi pour
l’engagement unilateral qui est une espèce particulière de l’acte unilatéral. A cet
égard, s’il ne peut être admis que l’on puisse se constituer unilatéralement une
créance sur autrui, rien n’interdit de se constituer unilatéralement débiteur
d’autrui, notamment lorsqu’il s’agit de corroborer une situation existante ou
préparer un contrat (promesse d’exécution d’une obligation naturelle, de
ratification d’une gestion d’affaires, offre de contrat assortie d’un délai, etc). De
tels engagements sont générateurs d’obligations vis-à-vis de leurs auteurs.

La jurisprudence, quant à elle, admet que l’offre de contrat assortie d’un


délai ne peut être rétractée librement, de manière discrétionnaire, par son
auteur avant son expiration, lui reconnaissant ainsi une valeur juridique créatrice
d’obligation.

Nb : L’acte unilatéral ne doit pas être confondu avec le contrat unilatéral


qui, comme tout contrat, suppose un échange de consentement des parties mais
ne fait naître d’obligations qu’à l’égard d’une seule des parties. (Ex : contrat de
cautionnement qui n’engage que la caution). Dans l’acte unilatéral, il n’y a aucun
accord de volontés.

12
1.2.- Contrat et autres conventions

Les conventions qui ne font naître aucune obligation même si elles


produisent des effets juridiques ne sont pas des contrats. En effet, même si les
volontés se sont bien rencontrées pour engendrer des effets de droit, elles n’ont
créé aucune obligation. Elles peuvent transférer des obligations (Ex : la cession
de créance, la délégation) ou les éteindre (Ex : la remise de dette). De même les
actes collectifs ne sont pas considérés comme des contrats. Il en va ainsi des
conventions collectives. Elles se forment par l’échange des consentements de
ceux qui participent à sa négociation mais elles contrarient un des effets
importants des contrats qui est l’effet relatif, le contrat ne pouvant ni nuire ni
profiter à des personnes qui y sont tiers ; la convention collective en revanche
va s’imposer à tout le secteur d’une branche d’activité considérée et donc à des
personnes autres que ceux qui l’ont conclue. Il en va également ainsi des actes
unilatéraux collectifs comme des décisions prises pas les assemblées des
actionnaires ou les assemblées des copropriétaires. Dans ces actes, les parties
n’échangent pas de consentement dans l’optique de concilier leurs intérêts
souvent antagonistes, mais partagent le même intérêt et œuvrent à l’avènement
d’un même but.

1.3.- Contrat et quasi-contrat

Le quasi-contrat n’est pas un « presque contrat », mais un fait juridique


auquel la loi attache des effets particuliers. C’est donc la loi et non la volonté des
parties, comme dans le cadre du contrat, qui créée le lien de droit semblable à
celui du contrat entre deux personnes, pour des raisons d’équité.

Aux termes de l’article 1371 du Code civil, « Les quasi-contrats sont les faits
purement volontaires de l’homme, dont il résulte un engagement quelconque
envers un tiers, et quelques fois un engagement réciproque des deux parties ».
Un exemple permettra d’illustrer la définition : Férima effectue un long voyage
sans constituer de mandataire qui puisse veiller à ses intérêts. L’immeuble
appartenant à Férima a un besoin urgent de réparations. Un voisin complaisant,
Sako, prend l’initiative d’en appeler à un entrepreneur pour faire ces
réparations. En pareil cas, on dit que Sako s’est comporté comme le « gérant

13
d’affaires » de Férima, non présente. Ces rapports juridiques qui vont résulter de
ce fait entre Sako, qui a pris cette initiative, et Férima, au profit de qui l’initiative
a été prise, constituent une gestion d’affaire. La gestion est un quasi-contrat.
Pourquoi un quasi-contrat ? Parce que dans cette situation, il y a une certaine
analogie, au moins extérieure, avec la situation qui pourrait résulter d’un certain
contrat. En effet, avant de partir, Férima aurait pu donner un mandat à son
voisin ; il aurait pu le constituer comme mandataire chargé de veiller à ses
intérêts pendant son déplacement. Or, le mandat est un contrat. Mais, il n’y a
pas eu mandat, pas d’accord de volontés. C’est spontanément, unilatéralement,
que le voisin a pris son initiative. Néanmoins, cette situation sera réglée comme
s’il y avait eu un mandat entre eux ; la gestion d’affaire est un « quasi-mandat »,
un quasi-contrat, fait volontaire et licite qui fait naître des obligations.

2- Le contrat, un acte générateur d’obligations

Pour qu’il y ait contrat, il est nécessaire que la convention crée des
obligations. Ce qui permet de distinguer le contrat des conventions qui ne lient
pas les parties, c'est-à-dire qui n’engendrent pour elles aucune obligation. Il
s’agit des engagements non juridiquement obligatoires qui se situent dans un
autre ordre que l’ordre juridique, les parties n’ayant pas entendu se lier.

- Tel est le cas pour les actes de courtoisie ou de complaisance (Exs :


invitation à déjeuner ou à diner, promesse familiale de cadeau, transport
bénévole, autorisation d’emprunter un chemin privé, de cueillir des fleurs
dans un jardin…)

Il importe toutefois de signaler que pour certains de ces actes, la


jurisprudence est hésitante, notamment pour les prestations gratuites de travail
au profit d’un voisin ou d’un ami : en effet tandis que certaines décisions refusent
de qualifier ces actes d’assistance de contrats, d’autres les qualifient de contrats
de service gratuit permettant de réparer le dommage causé sur le fondement
contractuel (Civ. 1re, 13 janvier 1998, D. 1998, p. 582, note VIALA).

- Tel est également le cas pour les engagements d’honneur entre personnes
ou entre Etats, encore appelée gentlemen’s agreements, par lesquels

14
chaque partie s’engage à exécuter loyalement ce qu’elle a promis. Ce sont
des engagements « sur l’honneur » que les parties ont entendu situer en
dehors de la sphère juridique. Toutefois, dans certains cas, notamment en
droit des affaires, la jurisprudence leur reconnaît un caractère
contraignant.

- Tel est enfin le cas pour les lettres d’intention, encore appelées lettres de
conflit ou de patronage qui sont des documents par lesquels une personne
promet de « tout mettre en œuvre » pour assurer un résultat qui n’est pas
précisément défini. Toutefois, selon les termes utilisés dans la lettre
d’intention, elle peut s’analyser seulement comme un engagement
d’honneur (devoir de conscience) ou comme un véritable engagement
juridique.

En revanche, les avant-contrats qui sont des actes préparatoires à un autre


contrat sont du domaine contractuel. La promesse de contracter peut être
unilatérale ou bilatérale. Elle est unilatérale lorsque c’est une seule partie qui
s’engage, l’autre étant libre de lever ou non l’option.

Il s’agit bien d’un contrat dans la mesure où elle suppose un accord de


volontés entre le promettant et le bénéficiaire ; c’est un contrat unilatéral car s’il
n’y a pas d’accord de volontés, il n y a pas de promesse unilatérale, mais
seulement une offre. La promesse est dite synallagmatique lorsque les deux
parties s’engagent réciproquement à conclure un contrat. Il y a réciprocité des
obligations. En matière de vente par exemple, selon l’article 1589 du Code civil,
la promesse de vente vaut vente, s’il y a accord sur la chose et le prix. De façon
générale la doctrine s’accorde avec la jurisprudence sur le principe selon lequel
la promesse du contrat vaut contrat, sauf rares exceptions.

Le régime des contrats préliminaires existant constamment en matière de


vente d’immeuble est le même que celui des promesses de contrat en ce qu’ils
sont considérés comme des contrats.

3- Le contrat, un acte susceptible d’être sanctionné

15
Un acte est juridique parce qu’il est sanctionné. Le contrat est un acte
juridique susceptible d’être sanctionné au moyen d’une action en justice visant
à la condamnation du débiteur à l’exécution de son obligation.

SECTION II/- : LA CLASSIFICATION DES CONTRATS

La classification des contrats s’impose en raison d’une part de leur grande


variété et d’autre part des différents régimes juridiques auxquels ils obéissent…

L’opération de qualification permet de rattacher le contrat à une catégorie


prédéfinie. Pour déterminer le régime juridique applicable à un contrat, le juge
devra le classer dans une catégorie, laquelle est soumise à un ensemble de
règles. Aux classifications contenues dans les articles 1102 et suivants du Code
civil se sont ajoutées d’autres élaborées par la doctrine guidée par les
transformations du droit positif. Il est devenu ainsi possible de distinguer les
contrats suivant leur règlementation, leur mode de conclusion, leurs effets, leur
durée, la personne des contractants et leur structure.

§1/.- Classification des contrats suivant leur réglementation

On a d’une part les contrats nommés et les contrats innommés et d’autre


part les contrats internes et les contrats internationaux.

1.- Contrats nommés et contrats innommés


C’est une distinction d’origine romaine.

1.1.- Principe de distinction

Le contrat nommé est celui auquel la loi, le règlement ou l’usage ont donné
un nom et qui est spécialement réglementé par la loi. Il a reçu du législateur une
dénomination et un régime juridique qui complète ou au contraire déroge
partiellement au droit commun des contrats (Exs : Le contrat de vente, de
louage, de mandat). Le contrat nommé est un contrat préétabli par le législateur.

16
A l’inverse, le contrat innommé est celui que la loi, le règlement ou l’usage
ne réglementent pas sous une dénomination propre et dont le régime juridique
relève du droit commun des contrats. On parle de contrat sui generis, c'est-à-
dire de son propre genre (Ex : contrat de camping) ; autrement dit qu’il est
impossible de ranger dans une des catégories de contrats nommés.

1.2.- L’Intérêt de la distinction

L’intérêt principal de la distinction réside en ce que si le contrat est un


contrat nommé, il est soumis, quant à son régime juridique, à celui que le
législateur a prévu. S’il s’agit au contraire d’un contrat innommé deux, cas sont
distingués : si le contrat emprunte les traits d’un contrat nommé, il lui sera
appliqué les règles de ce contrat dans la mesure compatible avec sa spécificité.
S’il s’agit au contraire d’une créature originale, il revient au juge, à défaut de
règles conventionnellement prévues par les parties, d’interpréter le contrat s’il
est ambigu et/ou de déterminer les règles qui doivent lui être appliquées en
exploitant les ressources du droit commun des contrats, voire du droit spécial
des contrats. En tout état de cause, la volonté originale exprimée par les parties
ne doit heurter aucune règle d’ordre public sinon le contrat sera annulé ; et la
qualification donnée par les parties à leur contrat ne lie pas le juge qui peut
restituer au contrat sa véritable qualification en vue de lui appliquer le régime
juridique approprié.
Il importe de signaler que, de plus en plus, le législateur assume les contrats
innommés en déterminant lui-même le régime applicable. Tel a été le cas pour
le contrat de crédit-bail.

2- Contrat internes et contrats internationaux

Le contrat interne est celui dont les éléments (résidence des parties, objet,
exécution…) se situent à l’intérieur des frontières du territoire national. Ce
contrat est soumis au droit interne de l’Etat. Au contraire, le contrat
international est celui qui présente un élément d’extranéité, c'est-à-dire un lien
avec au moins deux ordres juridiques ou qui met en jeu les intérêts du commerce
international. Pour les règles applicables au contrat international, la
jurisprudence, à défaut de précision dans le Code civil, a développé une règle de

17
conflit spécifique appelée la loi d’autonomie selon laquelle « la loi applicable
aux contrats, en ce qui concerne leur formation, leurs conditions ou leurs effets
est celle que les parties ont adopté ; à défaut de déclaration de leur part il
appartient aux juges du fond de rechercher d’après l’économie de la convention
et les circonstances de la cause, quelle est la loi qui doit régir les rapports des
contractants » (cass. Civ. 5 /12/1910. Grands arrêts du DIP N°11).

Il importe de signaler que de nombreuses clauses du droit international


telles que les clauses de hard ship, de earn out prolifèrent de plus en plus en
droit interne.

§2/- Classification des contrats suivant leur mode de conclusion

Cette classification distingue d’une part les contrats consensuels et


formalistes (solennels et réels), et d’autre part les contrats négociés et les
contrats d’adhésion.

1.- Contrats consensuels et contrats formalistes

1.1.- Principe de distinction

Le contrat consensuel est celui qui se conclut par le seul échange de


consentement des parties sans respect d’une forme particulière. C’est donc le
contrat qui se forme par le seul accord de volontés sans qu’aucune condition de
forme soit exigé. C’est la règle de principe découlant du consensualisme en
vigueur en droit ivoirien qui veut que le contrat soit valablement formé dès
l’échange de consentement sans qu’aucune forme soit requise.

A l’opposé et de façon exceptionnelle, le contrat est formaliste lorsqu’en


plus de l’échange des consentements, il exige l’accomplissement d’une formalité
supplémentaire pour sa validité. On en compte deux types : le contrat solennel
et le contrat réel. Le contrat est solennel lorsqu’il nécessite, outre l’échange de
consentement une formalité spéciale « ad solemnitatem » qui peut être soit la
rédaction d’un acte authentique (ex : contrat de vente immobilier) ou d’un acte
sous seing privé (ex : contrat de location de voiture). Le consentement des

18
parties doit donc être exprimé dans ces formes pour la validité de contrat. (Si
cette forme n’est requise qu’à titre de preuve ou pour l’opposabilité du contrat
aux tiers, elle ne rend pas le contrat solennel).

Lorsque le contrat nécessite, en plus du consentement, des parties, la


remise d’une chose, le contrat est dit réel (Exs : contrat de dépôt, de prêt à
consommation).

1.2.- Intérêt de la distinction

Il réside dans le fait que le formalisme exigé pour les contrats solennels vise
dans certains contrats dangereux à protéger la personne qui risque de s’engager
à la légère. La jurisprudence est particulièrement vigilante à cet égard qui
sanctionne de nullité absolue les contrats solennels conclus sans respecter les
formes légales requises.

Il importe de signaler que la controverse demeure vive en doctrine


relativement à l’existence et à l’utilité des contrats réels.

2.- Contrats négociés et contrats d’adhésion

Le contrat négocié est celui qui résulte d’une discussion entre les parties. Il
est encore appelé contrat de gré à gré. Au contraire le contrat d’adhésion est
celui préredigé par l’une des parties, généralement celle qui est en position de
force ou de monopole et dans lequel toute discussion est exclue, la liberté du
cocontractant se limitant à la possibilité de choisir entre la conclusion et le refus
du contrat. Dans certains cas, on ne peut pratiquement pas refuser de contracter
car le contrat répond à une nécessité de la vie courante (Exs : Contrats
d’assurance, contrats avec la CIE et la SODECI).

Les contrats d’adhésion se sont multipliés de manière considérable. Ils


favorisent des abus de puissance économique spécialement au détriment des
consommateurs.

19
Certains contrats d’adhésion font l’objet de règlementation spécifique.
Mais la plupart sans régime juridique spécifique : la protection de la partie la plus
faible se fait notamment par le biais de la loi sur la consommation, comme en
témoigne la loi du 15 juin 2016 relative à la consommation.

§3/- Classification des contrats selon leurs effets

On distingue, de ce point de vue, les contrats synallagmatiques et les


contrats unilatéraux, les contrats à titre onéreux et les contrats à titre gratuit, les
contrats commutatifs et les contrats aléatoires.

20
1.- Contrats synallagmatiques et contrat unilatéraux

1.1.- Principe de distinction

La distinction des contrats en contrats synallagmatiques et en contrats


unilatéraux est la première envisagée par le Code civil.

Le contrat est synallagmatique « lorsque les contractants s’obligent


respectivement les uns envers les autres » (art. 1102 c.civ). Ce contrat est
caractérisé par la création d’obligations réciproques et interdépendantes entre
les parties (Ex : vente). Il y a donc réciprocité dans ce contrat également appelé
contrat bilatéral. Au contraire, le contrat « est unilatéral lorsqu’une ou plusieurs
personnes sont obligées envers une ou plusieurs autres sans que de la part de
ces dernières il y ait engagement » (Art.1103 c.civ). Il n’y a donc pas
spécifiquement réciprocité. L’exemple type du contrat unilatéral est la donation
à titre gratuit.

Le contrat unilatéral n’est pas un acte unilatéral qui n’émane que d’une
seule personne ; le contrat unilatéral comprend deux personnes même s’il ne
donne naissance qu’à des obligations à la charge d’une seule des parties.

NB : Il existe des contrats synallagmatiques dits imparfaits qui sont des


contrats au départ, lors de leur formation, unilatéraux, mais qui en cours
d’exécution donnent naissance à des obligations réciproques, tel est le cas pour
le contrat de dépôt. Si le dépositaire effectue des dépenses pour la conservation
de la chose déposée, le contrat devient bilatéral. A l’origine unilatéral, le contrat
devient synallagmatique imparfait.

1.2.- Intérêt de la distinction

Il est double:

- S’agissant des règles de preuve, l’écrit traduisant le contrat


synallagmatique doit être rédigé en autant d’exemplaires qu’il y a de
parties. (c’est la règle du double original) alors que celui qui matérialise un

21
contrat unilatéral peut n’être rédigé qu’en un seul exemplaire qui sera
remis au créancier.

- S’agissant de certaines règles de fond, en cas d’inexécution d’un contrat


synallagmatique, du fait de la réciprocité des obligations, le créancier de
l’obligation peut opposer à la partie défaillante l’exception d’inexécution
ou solliciter la résolution du contrat, ce qui en principe n’est pas
envisageable pour les contrats unilatéraux à moins qu’il s’agisse de
contrats synallagmatiques imparfaits.

22
2.- Contrats onéreux et contrats à titre gratuit

2.1.- Principe de distinction

Le contrat à titre onéreux est celui dans lequel chacune des parties s’engage pour
obtenir un avantage qui est la contrepartie de celui qu’elle procure à l’autre.
Chacune des parties poursuit un intérêt patrimonial car aucune des parties
n’envisage d’enrichir seulement l’autre partie (ex : la vente).

A l’opposé le contrat est à titre gratuit lorsque l’une des parties procure
volontairement un avantage à l’autre partie sans contrepartie (ex : la donation).
Dans le contrat à titre gratuit, celui qui s’engage est déterminé par une intention
libérale qui le pousse à enrichir autrui ou à lui rendre un service, sans
contrepartie.

2.2.- Intérêt de la distinction

Les contrats à titre gratuit, en raison des dangers qu’ils présentent sont
soumis à des règles de forme très strictes et à des causes de nullité, de
révocation ou de résolutions spéciales. Ils sont présumés conclus intuitu
personae car ce sont les qualités de la personne gratifiée qui ont poussé le
disposant à agir, de sorte qu’une erreur sur la personne est en principe une cause
de nullité du contrat à titre gratuit.

3.- Contrats commutatifs et contrats aléatoires

3.1. Principe de distinction

Il s’agit d’une subdivision des contrats à titre onéreux qui repose sur
l’existence d’un aléa. Le contrat est commutatif lorsque les prestations de
chaque partie sont définies de façon certaine lors de la conclusion du contrat.
L’avantage recherché par chaque partie peut être évalué au moment de la
conclusion du contrat. La contrepartie que chaque partie reçoit est
préalablement déterminée et certaine.

23
En revanche dans le contrat aléatoire, l’étendue d’une prestation est
incertaine parce qu’elle dépend du hasard. L’équivalent consiste dans la chance
de gain ou de perte pour chacune des parties, d’après une événement incertain
(art. 1104 al. 2 du Code civil). L’exemple type est le contrat d’assurance. Le
contrat peut être aléatoire par nature ou par l’effet de la volonté lorsque par
exemple dans le cadre du contrat de révélation de succession, le généalogiste
s’engage à prendre en charge les frais de la succession à découvrir avant même
d’en connaître la consistance.

3.2.- Intérêt de la distinction

Il réside essentiellement en ce qu’un contrat aléatoire ne peut jamais être


annulé ou réduit pour absence de cause ou pour lésion car il est précisément
impossible d’évaluer par avance les avantages des uns et des autres : c’est le
sens de l’adage « l’aléa chasse la lésion ». Puisque les parties ont fait une sorte
de pari, elles acceptent de courir une chance et ne peuvent donc pas se plaindre
d’être lésées.

§4/- Classification des contrats selon leur durée ou leur mode d’exécution

On distingue d’une part les contrats à exécution instantanée et les contrats


à exécution successive et d’autre part les contrats à durée déterminée et les
contrats à durée indéterminée.

2.- Contrats à exécution instantanée et contrat à exécution successive

2.1.- Principe de distinction

Un contrat est à exécution instantanée lorsqu’il donne naissance à des


obligations qui pourront être exécutées en une seule fois (Ex : vente ou échange,
ou donation). Les obligations s’exécutent donc en un trait de temps.

Par contre, un contrat est à exécution successive lorsqu’il comporte des


obligations qui vont s’exécuter en s’étalant ou s’échelonner dans le temps (Ex :
contrat de bail ou contrat de travail).

24
2.2.- Intérêt de la distinction

L’intérêt de la distinction réside dans la façon d’appréhender le facteur


temps avec des règles particulières. L’annulation et la résolution n’ont pas le
même effet dans les deux cas. En effet dans le contrat à exécution instantanée,
l’annulation et la résolution ont un effet rétroactif. Le contrat est anéanti aussi
bien dans le passé que pour l’avenir. Dans le contrat à exécution successive,
l’annulation et la résolution ne vaudront que pour l’avenir. Les effets du contrat
sont donc maintenus pour le passé.

3.- Contrats à durée déterminée et contrat à durée indéterminée

3.1.- Principe de distinction

Il s’agit d’une subdivision des contrats à exécution successive. Parmi ces


contrats, selon qu’il y ait été stipulé ou non un terme extinctif, on aura un
contrat à durée déterminée (le contrat disparaît à l’arrivée du terme prévu) ou
un contrat à durée indéterminée (aucun terme n’a été stipulé par les parties). La
stipulation d’un terme permet aux parties de prévoir la durée de leur contrat.

3.2.- Intérêt de la distinction

Dans le contrat à durée déterminée, la rupture par une manifestation


unilatérale de volonté ou résiliation est en principe interdite (le contrat ne peut
être rompu avant l’arrivée du terme prévu) sauf dans les cas prévus par la Loi
(art 1944 et 2003 du Code civil) ou si les parties ont stipulé une clause de
résiliation permettant à l’une d’elle ou aux deux de mettre unilatéralement fin
au contrat ou encore si l’une des parties n’exécute pas son obligation. Les parties
peuvent aussi conclure une convention révocatoire (on parle de mutuus
dissensus. Cfr Vatinet « le mutuus dissensus », RTD civ., 1987, p. 252). A l’arrivée
du terme, le contrat cesse automatiquement sauf prorogation d’accord partie à
l’arrivée du terme initial (le même contrat continue sans qu’il soit nécessaire
d’accomplir les formalités requises pour la conclusion du contrat. Il demeure
soumis à la loi en vigueur au jour où il a été conclu et les sûretés qui garantissent

25
l’exécution du contrat sont maintenues) ou renouvellement (les parties
concluent un nouveau contrat identique au précédent ; le renouvellement peut
être express, les parties pouvant alors déterminer le contenu du nouveau contrat
avec précision) ou tacite, (se déduisant de leur comportement notamment
lorsqu’elles continuent d’exécuter le contrat après l’arrivée du terme).

NB : La tacite reconduction peut être prévue par la loi ou par les parties
dans une clause du contrat. La jurisprudence considère qu’elle s’applique même
dans le silence de la loi et du contrat car il s’agit d’un mécanisme de droit
commun (Com., 6 juillet 1976, Bull. civ. IV, n° 231) ; elle précise cependant que
la tacite reconduction n’entraîne pas la poursuite du contrat primitif, mais donne
naissance à un nouveau contrat, ce qui entraîne une nouvelle prescription et
l’extinction des accessoires du contrat initial, mais que les stipulations du contrat
reconduit sont en principe identiques à celles de l’ancien. Il est cependant
considéré sauf stipulations contraires que le nouveau contrat est à durée
indéterminée (Soc., 27 avril 1964, D. 1965, p. 213, Com., 18 février 1992, Bull.
civ. IV, n°78).

Le contrat à durée indéterminée peut faire l’objet de résiliation unilatérale,


les parties ayant la liberté d’y mettre à tout moment fin. Cette règle vise à
assurer la préservation des libertés individuelles et est le corollaire de la règle de
prohibition des engagements perpétuels. Elle est d’ordre public, toute clause
contraire étant nulle. Toutefois, l’abus commun dans la résiliation est
sanctionnée (Civ. 1re, 5 fév 1985, Bull. civ. I, n °54 ; RTD civ., 1986, p. 505, Obs. P.
Remy). Tel est le cas lorsque la rupture est brutale même sans intention de nuire.
Ce qui oblige l’auteur de la rupture à avertir son cocontractant quelques temps
à l’avance afin que celui-ci puisse s’organiser. Le non respect de ce préavis est
sanctionné par des dommages et intérêts.

Dans certains cas, la faculté de résiliation unilatérale est encadrée par des
dispositions légales spéciales. Tel est le cas en droit du travail ou la résiliation du
contrat de travail à durée indéterminée par l’employeur est qualifiée de
licenciement (strictement encadré).

§5/- Classification des contrats en fonction de la qualité des personnes

26
La distinction oppose les contrats sans intuitu personae et les contrats avec
intuitu personae selon que le contrat est conclu en considération de la personne
du contractant. Lorsque celle-ci est prise en compte le contrat est dit intuitu
personae. L’intérêt de la distinction réside en ce que les contrats conclus intuitu
personae présentent de nombreuses spécificités. Par exemple, seuls ces contrats
peuvent être annulés en cas d’erreur sur la personne (v. art. 1110 al. 2 du Code
civil).

§6/- Classification fondée sur la structure du contrat

Cette classification permet de distinguer les contrats simples des contrats


complexes.

Le contrat est simple lorsqu’il réalise une opération nettement identifiée et


qui présente une individualité (Ex : vente). En revanche le contrat est complexe
lorsqu’il résulte de la combinaison de plusieurs contrats spéciaux (Ex : contrat de
crédit-bail). L’intérêt de la distinction réside dans la question de savoir si dans le
cadre des contrats complexes, chacun des contrats est soumis à son régime
juridique propre ou si l’ensemble obéit à un régime juridique spécifique en raison
de cette complexité.

De la même façon, on distingue le contrat classique, caractérisé par son


individualité, du groupe de contrats qui comprend des contrats qui, bien que
conservant leur individualité, sont liés entre eux. A la différence du contrat
complexe, le groupe de contrat n’est pas un seul contrat, mais plusieurs contrats
liés entre eux. Le groupe de contrats peut revêtir trois formes et peut s’agir d’une
chaîne de contrats (ensemble composé de plusieurs contrats qui portent sur un
même bien, chaîne homogène : succession du même contrat ou hétérogène :
succession de contrats différents) ou d’un sous-contrat (un contrat vient se
greffer au contrat principal dont il dépend comme le contrat de sous-traitance
ou de sous-location d’un bail) ou d’un ensemble contractuel (contrats émis par
une identité de cause au sein du but commun : prêt contracté pour l’achat d’une
maison).

27
L’intérêt de la notion de groupe de contrats tient essentiellement à la
densité de lien, notamment lorsque l’un des contrats vient à être annulé (la
jurisprudence reste favorable à l’extinction de l’opération dans son ensemble)
ou lorsqu’il s’agit de situer les responsabilités (Ex : le sous- traitant peut-il agir
contre le maître d’ouvrage ? si oui, sur quel fondement du fait de l’effet relatif
des contrats ?).

Enfin la doctrine propose une dernière distinction entre le contrat-échange


qui assure une permutation des biens ou des services (Exs : Vente, louage) et le
contrat-organisation qui vise à la réalisation d’une agrégation de biens de
services en vue d’atteindre un objectif déterminé (Exs : contrat de société ou
d’association).

SECTION III/- LES SOURCES ET LES PRINCIPES DIRECTEURS DU DROIT DES


CONTRATS

§1/- Les sources du droit des contrats

L’on distingue les sources internes et les sources internationales.

1-.Les sources internes

1.1.- La Constitution

Il n’existe certes pas de dispositions relatives au droit des contrats dans la


Constitution ivoirienne. Toutefois, dans le préambule de la Constitution, le
Peuple ivoirien « exprime son attachement aux valeurs démocratiques
reconnues à tous les peuples libres notamment (…) le respect et la protection
des libertés fondamentales tant individuelles que collectives. Et parmi ces
libertés fondamentales existe la liberté contractuelle. En outre, l’article 71 de la
Constitution attribue à la Loi la compétence pour fixer les principes
fondamentaux des obligations civiles et commerciales ».

1.2.- La Loi

28
Les sources Législatives du droit des contrats comprennent d’abord le Code
civil, notamment les articles 1101 et suivants en leur rédaction antérieure à 1960
(indépendance de la Côte d’Ivoire). Elles comprennent également certaines lois
spéciales qui régissent certains contrats particuliers et qui constituent le corpus
du droit spécial des contrats (Ex : loi de 1977 sur les baux d’habitation, lois sur le
bail à construction, etc).
Indiquons, juste pour le signaler, l’existence d’un avant-projet d’acte
uniforme sur le droit des contrats.

1.3.- La jurisprudence

Etant rappelé l’eternel débat sur le pouvoir créateur du droit de la


jurisprudence qu’il n’est ni utile ni opportun de développer ici, la doctrine,
s’accorde à dire que la jurisprudence a, à bien des égards, contribuer largement
à l’évolution du sens de nombreux textes du droit des contrats qu’il soit commun
ou spécial.

2.- Les sources internationales

Il existe sur la scène internationale, des règles contractuelles d’ordre


matériel. Les sources de ces règles matérielles se composent essentiellement de
la lex mercatoria (ce sont des règles provenant en partie de la pratique du
commerce sur la scène internationale), des conventions internationales (Ex : la
convention de Vienne du 11 mai 1980 sur les contrats de vente internationale
de marchandises) et les principes en droit relatifs aux contrats de commerce
international qui ont vocation, dans certaines mesures, à s’appliquer si les
parties les ont expressément désignés dans le contrat ou lorsqu’elles ont
seulement indiqué que leur contrat est régi par les principes généraux du droit
ou la lex mercatoria.

29
§2/- Les principes directeurs du droit des contrats

Même s’ils ne constituent pas comme en droit processuel de véritables


principes à l’instar des principes directeurs du procès, il existe en droit des
contrats trois grandes règles qui le structurent et en constituent la charpente
que sont :
- La liberté contractuelle
- La force obligatoire du contrat
- La bonne foi

TITRE I/- LA NAISSANCE DU CONTRAT : SA FORMATION

S/TITRE I : LES ELEMENTS DU CONTRAT

De la rédaction de l’article 1108 du Code civil, il ressort que tout contrat


suppose trois éléments : des parties qui consentent à s’engager et capables de
contracter, un objet et une cause licite. Ces éléments sont non seulement
nécessaires pour l’existence du contrat mais ils doivent encore, pour la validité
du contrat, satisfaire à certaines conditions.

CHAPITRE I/-LES PARTIES AU CONTRAT

Il importe de faire la distinction entre les parties qui sont à l’origine du


contrat, c'est-à-dire celle qui le concluent, l’élaborent, qui le « font » en quelque
sorte, concernées par le présent chapitre de celles qui participent au contrat
postérieurement à celui-ci suivant divers mécanismes et techniques juridiques
dont la détermination se fera au moment d’étudier l’effet relatif des contrats.

SECTION I /LE CONSENTMENT DES PARTIES

Il suppose l’expression de la volonté et la rencontre des volontés. Les


parties doivent non seulement consentir au contrat, mais ce consentement doit
être exempt de vices.

§1/- L’expression de la volonté des contractants

30
Du fait de la liberté contractuelle l’existence du consentement est un
élément essentiel du contrat. La volonté de s’engager doit s’exprimer.
L’expression de cette volonté comporte des éléments, à savoir l’opération
intellectuelle ou volonté interne et l’extériorisation de cette volonté

1.- La volonté interne

Chacune des parties au contrat doit acquiescer intérieurement aux


conditions du contrat tel que projeté. Chacune d’elle doit comprendre, réfléchir
et se décider à entrer en commerce dans les conditions envisagées avec l’autre
partie. Elle doit avoir eu l’intention réelle de s’engager avec elle et vis-à-vis d’elle
et donc d’assumer à l’égard de l’autre un engagement obligatoire. Il en résulte
qu’il n’y aura pas de contrat lorsque cette intention est totalement absente ou
si elle relève de la plaisanterie.

2.- L’extériorisation de la volonté

La volonté étant un fait purement individuel, psychologique, elle ne


produira d’effet en droit que si elle s’extériorise. Il est donc nécessaire que les
parties passent de la délibération, de l’intention qui est interne à la décision elle-
même qui doit se manifester extérieurement.

La volonté de contracter peut se manifester soit expressément, soit


tacitement, soit encore, de manière exceptionnelle, silencieusement.

- La manifestation de la volonté est dite expresse lorsqu’elle est


spécialement accomplie pour porter sa volonté à la connaissance d’autrui.
La manifestation expresse de la volonté résulte soit d’une parole soit d’un
écrit qui peut prendre différentes formes (acte authentique, acte sous
seing privé, lettre, télégramme, annonce dans un journal, affiche, email,
sms, etc). Il faut noter qu’il y a des hypothèses dans lesquelles la volonté
ne consiste pas en des mots, ni en des écritures, mais dans de simples
gestes. Si, par exemple, vous faites signe à un chauffeur de taxi dans la
rue, c’est une manifestation de volonté expresse. Ce n’est ni une parole,

31
ni une écriture, mais c’est un geste qui est accompli afin de manifester
votre volonté de conclure un contrat avec le chauffeur de taxi. Cette
manifestation de volonté a lieu spécialement pour nouer le contrat, c’est
pourquoi elle est qualifiée d’expresse.

- La manifestation de volonté est dite tacite lorsqu’elle n’a pas été


accomplie spécialement afin de porter une volonté à la connaissance
d’autrui. Une manifestation de volonté tacite sont est un indice de la
volonté duquel le destinataire pourra en déduire raisonnablement la
volonté de contracter de son auteur (ex : Vous faites à quelqu’un la
proposition d’être votre mandataire ; le destinataire de cette proposition
ne répond pas, mais il exécute le mandat que vous lui avez. En exécutant
le mandat, il accepte tacitement votre offre de contracter, sa volonté
étant déduite de cette exécution. L’article 1585 alinéa 2 est en ce sens). La
manifestation tacite de la volonté découle donc d’un acte qui implique
l’existence de la volonté. Cette forme de manifestation de volonté peut,
toutefois, poser des problèmes de preuve.

- La manifestation de la volonté peut, exceptionnellement, provenir du


silence. Une question qui s’était posé en cette matière est la suivante :
lorsque la partie n’a pas manifesté expressément sa volonté ni poser un
acte qui implique l’existence de sa volonté, le silence par elle gardée peut-
il être assimilé à une manifestation tacite de volonté ? À cette question, la
doctrine et la jurisprudence s’accordent à dire que le silence n’a pas la
valeur d’un consentement sauf dans certaines circonstances. Cette
solution a été posée par un arrêt de principe de la chambre civile de la
Cour de cassation en date du 25 mai 1870. Ce faisant, le silence vaudra
consentement dans les cas exceptionnels suivants :

 lorsque la loi l’a prévu ainsi en matière de reconduction ou de modification


de certains contrats (ex : pour le bail d’habitation, art. 1738 du Code civil) ;

 lorsque les usages commerciaux ou relations d’affaires préexistant entre


les parties le justifient ;

32
 si l’offre est faite dans l’intérêt exclusif de celui à qui elle est faite et qu’il
n’a aucune raison de la refuser (hypothèse du silence dit éloquent, cas de
remise de loyers, de convention d’assistance au profit d’un blessé etc. Cass
civ 1er décembre 1969 JCP 70. II-16445 note J.L. Aubert)

Une autre question est relative à la partie qui exprime sa volonté. Elle peut
le faire elle-même ou par l’intermédiaire d’un tiers en vertu d’un pouvoir que
celui-ci tient de la loi ou de la partie au contrat elle-même.

§2/ L’accord de volontés

Traditionnellement, le contrat est présenté comme le produit de la


rencontre d’une offre ou d’une acceptation. En effet une personne (le pollicitant)
émet une offre de contracter qui est acceptée par le destinataire de l’offre. C’est
l’accord de ces volontés, leur concours qui constitue véritablement le contrat,
de sorte qu’on peut considérer que le consentement est composé de deux
volontés exprimées, l’offre ou pollicitation et l’acceptation qui se rencontrent.

1.- L’offre et l’acceptation


1.1.- L’offre
1.1.1.- Définition

L’offre ou pollicitation est une proposition ferme et précise de contracter.


C’est une manifestation unilatérale de volonté. Elle se distingue ainsi de la
promesse unilatérale, qui est un contrat, nécessitant ainsi l’accord de deux
volontés.

1.1.2.- Les caractères de l’offre

Pour qu’il y ait juridiquement offre de contrat, il faut que la proposition soit
précise et qu’elle soit ferme.

- La précision de l’offre : L’offre doit indiquer les éléments essentiels du


contrat projeté. Il s’agit des éléments objectivement essentiels, c'est-à-
dire les éléments en l’absence desquels l’opération juridique envisagée ne

33
peut être caractérisée (Exs : en matière de contrat de vente, l’offre doit
indiquer la chose proposée à la vente et le prix de celle-ci ; de même en
matière de bail, l’offre doit indiquer la chose proposée à la location et le
montant du loyer). Il peut être aussi nécessaire dans certains cas de
préciser l’économie générale du contrat, ses conditions économiques et
ses clauses principales. En tout état de cause, à défaut de précision, on
considère que l’on n’est pas en présence d’une offre mais d’une simple
invitation à entrer en pourparlers, c'est-à-dire une proposition qui vise
uniquement à instaurer une négociation d’où naîtra peut être un contrat
sans que rien ne permette de l’affirmer, à condition bien entendu que les
éléments fondamentaux du contrat soit déterminés et proposés à
l’acceptation de l’autre partie.

- La fermeté de l’offre : l’offre doit exprimer la volonté de son auteur d’être


lié en cas d’acceptation. En effet une proposition de contracter ne
constitue une offre au sens juridique que si elle comporte la volonté de
son auteur de conclure le contrat en cas d’acceptation. Cela soulève la
question de l’offre faite sous certaines réserves. Deux types de réserves
peuvent être faites : les réserves objectives qui sont celles dont la mise en
œuvre se fonde sur des critères échappant à la volonté de l’auteur de la
proposition et pouvant pour cela faire l’objet de contrôle judiciaire. (Ex :
offre faite dans la limite du stock disponible ou faisant naître une condition
dépendant de la seule volonté du destinataire). Ces types de réserve
n’enlèvent pas à la proposition le caractère d’offre au sens juridique. En
revanche ne constituent pas juridiquement une offre, la proposition faite
avec des réserves subjectives, qui permettent à l’offrant de se dégager
arbitrairement, c'est-à-dire qui lui ouvre une faculté purement potestative
de retrait. Dans ce cas, la présente proposition qui ne présente aucune
fermeté n’est qu’une proposition à entrer en pourparlers. Tel est le cas de
« l’offre faite sous réserve de confirmation ».

Cela dit, il importe de signaler que les réserves peuvent être expresses (cas
de l’offre faite dans la limite du stock disponible) ou tacites (cas des offres de
contrats intuitu personae telles que les « offres d’emploi », considérées comme
assorties d’une réserve tacite d’agrément du cocontractant).

34
1.1.3.- La forme de l’offre

L’offre étant une manifestation unilatérale de volonté, elle doit


nécessairement être exprimée afin que son destinataire soit en mesure de
l’accepter. Elle doit donc être extériorisée. L’offre peut être expresse et résulter
notamment d’écrits (lettre missive, catalogue, affiche, annonce…) ou de paroles
(proposition par téléphone ou publicité faite à la télévision ou à la radio…). Elle
peut être également tacite et résulter d’une simple action ou d’une attitude
matérielle (Exs : marchandises exposées en vitrine avec indication du prix,
chauffeur de taxi en stationnement sur l’emplacement réservé gaine non mise).
Il importe d’indiquer que dans certaines hypothèses, le législateur, dérogeant au
principe du consensualisme, exige que la volonté soit manifestée selon un
certain formalisme.

1.1.4.- Les acteurs de l’offre

Normalement, c’est la personne qui a émis l’offre qui est le pollicitant. Mais
si le destinataire de l’offre émet des réserves ou fait des contre-propositions, il
sera considéré comme pollicitant si ces contre-propositions sont acceptées telles
quelles par l’autre partie. Dans certains cas, la loi décide que le premier
proposant n’est pas nécessairement le pollicitant, en répartissant les rôles. Ainsi,
aux termes de l’article 1984 alinéa 2 du Code civil, seul le mandant peut être
offrant.

S’agissant du destinataire, la pollicitation est nécessairement faite à un


destinataire. Celui-ci peut être déterminé ou indéterminé, l’offre étant faite au
public (affiches, annonces, étalage, etc..).

Dans le premier cas, il n y a pas de difficulté particulière. Il suffit que le


destinataire désigné accepte les termes précis et fermes de l’offre pour que le
contrat soit conclu. A cet égard, se pose le problème des contrats avec soi-même
qui suppose qu’une personne agit en des qualités différentes, en fonction
d’intérêts juridiquement distincts. Tel est le cas en cas de représentation,
notamment lorsqu’un tuteur, un mandataire, l’administrateur d’une société

35
chargé de vendre un bien de son pupille, de son mandant ou de sa société
envisage de l’acheter lui-même. En général une telle opération est interdite par
la loi. En revanche un commissionnaire, un agent de change chargé par un client
de vendre une marchandise, un titre de bourse et par un autre client, même s’il
intervient seul au contrat, l’opération est en principe licite. Au-delà des
hypothèses de représentation, le contrat avec soi-même peut se présenter
exceptionnellement dans des situations où il n y a pas de représentation lorsque,
notamment, il y a séparation des patrimoines aux mains d’un individu : par
exemple, un héritier qui a accepté une succession sous bénéfice d’inventaire
peut se porter acquéreur des biens de la succession qu’en sa qualité d’héritier
bénéficiaire il met en vente.

Dans le second cas d’offre faite à personne indéterminée, le pollicitant sera


en principe engagé envers le premier acceptant sauf s’il s’agit d’offres de contrat
intuitu personae (telle que l’offre d’emploi) pour lesquelles on reconnaît une
réserve tacite d’agrément et qui ne sont pas de véritables offres.

1.1.5- La durée de l’offre

L’offre peut être assortie d’un délai imposé par la loi ou déterminé par la
volonté du pollicitant dans la plupart des cas pour donner par exemple au
destinataire le temps de la réflexion ou pour éviter que l’offre faite à des
conditions alléchants ne conduise à la révision de son auteur. Le délai peut être
indiqué expressément ou résulter de manière implicite des termes de l’offre.
Lorsque l’offre n’est assortie d’aucun délai, la jurisprudence constante décide
que l’offre ne vaut que dans la limite d’un délai raisonnable.

Concernant la valeur juridique de l’offre, deux questions se posent : celle


de la révocabilité de l’offre et celle de sa caducité.

- L’offre peut elle-être révoquée par le pollicitant ? Cette question n’a


d’intérêt que s’il n y a pas d’acceptation, car en ce cas le contrat est formé.
Le principe en la matière est celui de la libre révocabilité de l’offre. « Une
offre étant insuffisante pour lier par elle-même celui qui l’a faite, elle peut,
en général, être rétractée tant qu’elle n’a pas été acceptée valablement »

36
(Civ., 3 février 1919, DP. 1923. I. p. 126). Il existe cependant des
tempéraments à ce principe : si un délai a été fixé, le pollicitant a
l’obligation de maintenir l’offre durant ce délai, et le contrat est formé en
cas d’acceptation dans le délai, même si le pollicitant a déjà révoqué l’offre
(Civ., 1re, 17 décembre 1958, D. 1959, p. 33). Le décès du pollicitant durant
le délai d’acceptation entraîne la transmission de l’offre à ses héritiers.

Si aucun délai n’a été fixé, l’offre doit être maintenue pendant un délai
raisonnable (Civ., 3e, 22 avril 1958, Bull. civ. III, n° 160), délai estimé en fonction
du contrat ou de la chose. Dans ce cas, si le pollicitant révoque son offre, un
contrat ne pourra se former contre son gré ; il pourrait être condamné à payer
des dommages-intérêts à l’acceptant déçu. Il importe d’ajouter que si le
pollicitant s’est engagé à ne pas retirer son offre avant une certaine époque, il
ne peut la rétracter avant cette époque. Plusieurs fondements ont été avancés
au soutien de ces solutions : l’existence d’un avant-contrat tacite (insatisfaisante
car suppose que le destinataire de l’offre a accepté le délai, ce qui n’est pas le
cas) ; la responsabilité civile, la révocation de l’offre étant une faute, qui cause
au destinataire un préjudice (insatisfaisante à régler le problème du fondement
du maintien de l’offre). C’est pourquoi la doctrine s’accorde aujourd’hui à fonder
la valeur juridique de l’offre sur la théorie de l’engagement unilatéral de volonté.

- S’agissant de la caducité de l’offre, elle évoque l’idée que l’offre tombe


indépendamment de toute émanation de la volonté du pollicitant. Trois
hypothèses sont à distinguer :

1re hypothèse : acceptation du destinataire. La rencontre d’une acceptation


rend caduque la pollicitation. Il en va de même en cas de contre-proposition ou
si l’objet du contrat projeté disparaît entre le moment de l’émission de l’offre et
son acceptation.

2e hypothèse : l’écoulement du temps. L’expiration du délai stipulé rend


l’offre caduque. Il en est de même lorsqu’un délai raisonnable s’est écoulé
lorsque l’offre a été faite sans délai stipulé.

37
3e hypothèse : décès du pollicitant : si l’offre a été stipulée avec un délai,
elle passe à ses héritiers qui doivent la maintenir durant ce laps de temps (Civ.,
3e, 10 décembre 1997, Bull. civ. III, n °223). A défaut l’offre est caduque (Civ., 10
mai 1989, D. 1990, somm., p. 37, note Martin). On peut cependant considérer
que même dans ce dernier cas, l’offre doit être maintenue par les héritiers
pendant un délai raisonnable car la restriction jurisprudentielle semble
difficilement justifiable. Le principe que l’offre soit assortie d’un délai ou pas
devrait être la transmission de celle-ci aux héritiers à moins qu’il s’agisse d’une
offre liée à la personne du défunt.

1-2.- L’acceptation

1.2.1.- La notion d’acceptation

L’acceptation est le consentement d’une personne à une offre qui lui a été
faite. Elle entraîne la formation du contrat qu’elle parfait. C’est le « oui » donné
en réponse à l’offre, aux conditions indiquées par l’offre. Il en résulte que si la
déclaration de volonté du destinataire s’accompagne de conditions nouvelles, il
n’y a pas acceptation, mais contre-proposition qui s’analyse comme une
nouvelle offre ou comme une simple invitation à entrer en pourparlers.
L’acceptation a en principe lieu au moment de l’offre sauf dans certains cas où
la loi impose un délai de réflexion au cours duquel l’acceptation n’est pas
possible.

1.2.2.- Les caractères de l’acceptation

L’acceptation est en principe libre car nul n’est tenu d’accepter une offre
sauf dans certains cas où le refus de vente peut être illicite et sur la concurrence).

L’acceptation doit être non équivoque.

L’acceptation doit être précise. Elle doit être conforme à l’offre émise et
doit répondre parfaitement à son contenu.

1.2.3.- Les formes de l’acceptation

38
L’acceptation peut être expresse. Elle peut être orale ou verbale comme le
fait de lever la main dans une vente aux enchères.

Elle peut être tacite et résulter ainsi du comportement du destinataire qui


a, par exemple, commencé à exécuter le contrat. A cet égard se pose le problème
déjà envisagé de la valeur du silence comme acceptation ? En principe, à lui seul
le silence ne saurait valoir comme acceptation sauf dans certaines situations déjà
envisagées.

1.2.4.- Les effets juridiques de l’acceptation

En principe dès qu’il y a acceptation aux caractères sus-indiqués, le contrat


est formé et les parties irrévocablement liées.
Cependant une rétractation est toujours possible. Cette faculté de repentir
est ouverte, accessible tant par la voie contractuelle que par la voie légale.
Lorsqu’elle existe dans le contrat, il s’agit d’une clause nommée clause de dédit.
Grâce à elle, l’une des parties au contrat se rétracte, moyennant le versement
d’une somme d’argent (ex : article 1590 pour la vente faites avec des arrhes). Le
repentir peut avoir une origine légale. Il peut consister soit dans un délai de
réflexion préalable à la conclusion du contrat soit en un délai de rétractation
après la conclusion du contrat.

2.- La rencontre des volontés

Il y a lieu de distinguer suivant que le contrat est conclu entre des parties
présentes ou entre des parties absentes.

1.- Les contrats entre présents

Le contrat peut être conclu par les parties elles-mêmes ou représentées.


Cette représentation peut être parfaite (le représentant révèle sa qualité ; le
contrat est réputé conclu par le représenté) ou imparfaite (le représentant est
un représentant opaque comme dans le cadre du contrat de prête-nom ou de
commission ; c’est le représentant qui a la qualité de partie au contrat). Dans un

39
cas comme dans l’autre, il n’y a pas de problème pour la rencontre des volontés.
Elle a lieu lors de l’acceptation et il est aisé de connaître précisément le lieu et
l’époque de la rencontre des volontés.

2.- Les contrats entre absents ou par correspondance

C’est l’hypothèse des contrats à distance lorsque l’offrant et l’acceptant ne


sont pas en présence l’un de l’autre au moment de l’acceptation et que la
rencontre des volontés s’opère via un procédé de communication (lettre, télex,
télégramme, téléphone…). Deux questions sont à résoudre :

A quel moment le contrat se forme-t-il ?

En quel lieu le contrat se forme-t-il ?

Les réponses à ces questions sont importantes pour la détermination de la


compétence juridictionnelle, pour le règlement des annulations liées aux
conditions de validité du contrat et aux effets de celui-ci, notamment pour le
transfert des risques.
La doctrine a conçu à cet égard deux théories : la théorie de l’émission selon
laquelle le contrat est formé quand est expédiée la lettre d’acceptation, le cachet
de la poste faisant foi, avec deux variantes composées par le système de
déclaration (le contrat est formé dès lors que l’acceptant a manifesté sa volonté
par exemple en signant la lettre renfermant l’offre) et par le système de
l’émission proprement dit (le contrat est formé lorsque l’acceptant se dessaisit
de son acceptation). La seconde théorie est celle de la réception selon laquelle
le contrat est formé lorsque le pollicitant a reçu la lettre d’acceptation. Ce
système a également deux variantes, constituées d’une part par le système de
l’information (le destinataire a vraiment connu l’acceptation) et le système de la
réception à proprement parler (l’offrant est censé avoir eu connaissance de
l’acceptation, c'est-à-dire lors de la distribution du courrier de sorte que le
contrat est formé au lieu et au moment où l’offrant reçoit la lettre
d’acceptation).

40
La jurisprudence est favorable, quant à elle, à la théorie de l’émission (Req.,
21 mars 1932, GAJC, 11e édition, n° 114-145 ; DP 1933. I. 65 ; Civ., 2 février 1932,
S.1932.I65).

Par ailleurs, il faut noter qu’une solution différente est proposée en matière
de vente commerciale (vente entre commerçant). En cette matière, c’est la
théorie de la réception qui l’emporte. En effet, aux termes de l’article 244 de
l’Acte uniforme relatif au Droit commercial général, « L’acceptation d’une offre
prend effet au moment où l’indication d’acquiescement parvient à l’auteur de
l’offre ».

§3/- La protection de l’intégrité du consentement : la théorie des vices du


consentement

Dans le Code civil, les individus peuvent construire librement leurs accords.
C’est le principe de la liberté contractuelle. Cette liberté contractuelle se traduit
au fond par la liberté de contracter ou non (la liberté de ne pas contracter
n’existe pas dans certains cas ou est considérablement réduite), par la liberté de
choix du contractant sous réserve des restrictions légales (caractère non
discriminatoire du refus de contracter, interdiction de contracter dans certains
cas) et par la liberté du contenu du contrat sous réserve des restrictions légales,
notamment le respect des règles impératives ou/et d’ordre public. Quant à la
forme, la liberté contractuelle s’exprime dans le consensualisme, sauf dans les
cas où le législateur impose une forme.

Cela dit et rappelé, il importe que le consentement exprimé soit vraiment


libre et éclairé, exempt de vices. Aux termes de l’article 1109 du Code civil, « Il
n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par
erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol ». Les vices du
consentement sont donc l’erreur, le dol et la violence.

1.- L’erreur (article 1110 du Code civil)

L’erreur est une fausse appréciation de la réalité. C’est une représentation


inexacte de la réalité qui consiste en une différence entre la conviction et la

41
réalité. Une personne va contracter mais ne l’aurait pas fait si elle avait connu la
réalité sur laquelle a porté une appréciation erronée. Elle se fait une idée fausse
ou inexacte sur l’un des éléments du contrat. La gravité de l’erreur varie. Tantôt
elle détruit le consentement, tantôt elle le vicie, tantôt, elle n’a pas d’influence
et ne porte aucunement atteinte à la validité du contrat.
1.1.- L’erreur destructrice du consentement : l’erreur-obstacle

Il s’agit d’une formule purement doctrinale qui recouvre les cas où l’erreur
commise par les cocontractants est telle qu’elle met obstacle à l’accord de
leurs volontés. Cette erreur peut porter sur :

- La nature du contrat (error in negotio) : une des parties a bien l’intention


de vendre son bien alors que l’autre partie pense le prendre en location
ou le recevoir à titre de donation. L’erreur porte sur l’identité juridique du
contrat que chacune des parties envisage de conclure.

- L’objet du contrat (error in corpore) : ce qui est en cause c’est l’identité de


l’objet. Les parties n’envisagent pas le même bien, chacune ayant en vue
une chose différente. Une partie pense vendre le bien A et l’autre pense
acheter le bien B ou pense céder des parts sociales alors que l’autre
entend acquérir un immeuble. Il y a également erreur sur l’objet du
contrat lorsque l’erreur porte sur l’unité monétaire ou sur le prix (Ex : une
partie pensait verser 10.000 F CFA alors qu’il s’agissait de 10.000 euros ou
de 10.000 dollars US). Cette erreur n’est pas à confondre avec l’erreur sur
la valeur qui est traditionnellement indifférente.

- La cause, une personne fait une donation à une autre en pensant qu’elle
est son fils naturel alors qu’elle ne l’est pas. Elle porte sur la raison
déterminante qui a amené les parties à contracter. Un héritier souscrit à
une police d’assurance incendie d’un immeuble dont il a hérité sans savoir
que cet immeuble était déjà l’objet d’une telle assurance.

L’erreur-obstacle ne paraît pas, à l’analyse, correspondre à une notion


autonome car il apparaît difficile de distinguer le vice du consentement de
l’absence du consentement. Dans différents cas on invoquera volontiers

42
l’absence d’objet ou la fausse cause plutôt que l’erreur. En tout état de cause,
l’erreur-obstacle semble être une notion fonctionnelle que la doctrine utilise,
notamment pour expliquer certaines décisions qui s’écartent des règles de
l’erreur, vice du consentement. L’erreur-obstacle permet d’admettre une action
en nullité qui serait prescrite en application du délai de 10 ans de l’article 1304
du Code civil ou de sanctionner une erreur monétaire qui est en principe
indifférente. Enfin l’erreur obstacle échappe à la règle qui veut que l’erreur n’est
pas prise en compte si elle est inexcusable.

1-2. L’erreur, vice du consentement

L’article 1110 du Code civil retient deux cas d’erreurs visant le


consentement : l’erreur sur la substance et l’erreur sur la personne.

43
1.2.1.- L’erreur sur la substance

La notion de substance a fait l’objet de beaucoup de discussions.


Classiquement, la substance a été entendue dans un sens purement objectif.
C’était le sens matériel, l’erreur sur la matière même de la chose (Ex : des
chandeliers en métal doré que l’on croit en or ou une œuvre argenté qu’on croit
en argent). Puis la substance a été comprise de manière subjective, comme les
qualités substantielles de la chose. La jurisprudence entend largement la notion
de substance en l’assimilant parfois à l’aptitude de la chose à remplir l’usage
auquel celui qui s’est trompé la destinait. Pour déterminer la qualité
substantielle de la chose, il faut se placer du point de vue de l’errans (la victime
de l’erreur). De ce point de vue, la qualité substantielle est celle qu’il recherchait
quand il donnait son consentement ; c’est l’élément (la qualité de la chose) qui
a déterminé son consentement, au point que s’il avait su que cet élément faisait
défaut, il n’aurait pas consenti. C’est dans ce sens que s’est prononcée la Cour
de cassation par un arrêt de sa chambre civile en date du 28 janvier 1913 (S.
1913, 1, p. 417) : « L’erreur doit être considérée comme portant sur la substance
de la chose lorsqu’elle est de telle nature que, sans elle, l’une des parties n’aurait
pas contracté ». De même, la chambre judiciaire de la Cour suprême, (arrêt n°
195, 12 juin 1990, Revue ivoirienne de sciences juridiques 1995, n° 5-6-7-8, pp.
104-105 ) a pu considérer qu’ne personne, analphabète, victime d’un accident
de la circulation, qui, d’une part, a été amenée à conclure dans des circonstances
incertaines une transaction dont elle était incapable de mesurer la valeur et la
portée exacte, et, d’autre part, ignorait la nature des lésions au moment de
ladite transaction, s’étant mépris sur l’étendue du préjudice, a commis une
erreur sur la substance même de la chose qui était l’objet de la transaction
qu’elle a acceptée.

Il importe cependant qu’au moment de la conclusion du contrat l’autre


partie ait été au courant de l’importance que revêt cette qualité pour la partie
qui s’est trompée, c’est donc la qualité convenue (on dit généralement, même si
l’expression n’est pas heureuse, que « l’erreur doit être commune » ou encore,
plus justement, que la qualité substantielle doit être « entrée dans le champ
contractuel »). De plus, il faut que la victime de l’erreur soit excusable. S’il a fait

44
preuve d’une négligence exagérée, son erreur ne pourra entraîner la nullité du
contrat.

Toutefois l’erreur ne peut être sanctionnée lorsque, au moment de la


conclusion du contrat, les parties ont accepté un aléa sur les qualités
substantielles de la chose ou si la partie qui prétend avoir été trompée avait
déclaré s’engager à ses risques et périls : L’aléa chasse donc l’erreur (voir dans
ce sens, pour un exemple en Droit français, Civ. 1re, 24 mars 1987, arrêt dit du
« Verrou » : dès lors que l’aléa sur l’authenticité d’une œuvre a pénétré le
périmètre contractuel, aucune partie n’est fondée à alléguer l’erreur si
l’incertitude commune vient à se dissiper, au point d’établir l’authenticité de
l’œuvre).

La charge de la preuve incombe à la partie qui prétend que son


consentement a été vicié. Elle doit établir que la qualité manquante avait été
déterminante à son consentement, que son cocontractant le savait et qu’elle
était excusable. Cette preuve peut se faire par tous moyens parce que l’erreur
est un fait juridique.

1.2.2.- L’erreur sur la personne

Elle n’est cause de nullité du contrat que si elle porte sur les qualités
essentielles de la personne, c'est-à-dire que le contrat a été conclu intuitu
personae, en fonction de la personnalité du cocontractant. Il peut s’agir de
l’identité civile ou physique de la personne (nom, régime matrimonial, casier
judiciaire, sexe, etc), de ses qualités essentielles (honorabilité, compétences
professionnelles, expérience, etc) ou encore de sa solvabilité. L’impératif est que
l’élément de la personne invoqué ait été déterminant du consentement de la
partie qui s’est trompée. Là aussi la preuve de l’erreur incombe à celui qui
l’invoque. Elle peut se faire par tous moyens.

1.2.3.- La sanction des erreurs

La sanction de l’erreur, vice du consentement est la nullité du contrat. Il


s’agit d’une nullité relative, la protection assurée par l’article 1110 étant celle de

45
celui qui s’est trompée. Elle peut également donner lieu à des dommages-
intérêts, notamment s’il y a eu faute, même non intentionnelle qui a provoqué
un préjudice.

1.3.- Les erreurs indifférentes ou insignifiantes

Il s’agit des cas où bien qu’une partie ait procédé à une appréciation
erronée de la réalité, l’erreur qu’elle commet ne pourra pas entraîner la
nullité du contrat. Ces cas sont au nombre de 4 :

- L’erreur matérielle : elle consiste en une méprise purement


mathématique. (Ex : on se trompe sur un calcul en oubliant un zéro) une
telle erreur doit simplement être corrigée. Elle est différente de l’erreur
matérielle obstacle qui a empêché la rencontre des volontés (Ex : une
partie raisonne en F CFA tandis que l’autre raisonne en Euros ou en dollars
US).

- L’erreur sur la valeur (c’est une erreur sur l’évaluation économique du


bien) qui peut permettre d’admettre la rescision pour lésion. Elle est
cependant prise en compte par le cumul de l’erreur sur les qualités
substantielles, c’est-à-dire lorsque l’erreur sur la valeur est la
conséquence d’une erreur sur la qualité substantielle.

- L’erreur sur les motifs, même s’ils ont été déterminants du consentement
de l’une des parties et connue de l’autre, sauf si cette erreur est
appréhendée par le canal de l’erreur sur les qualités substantielles.

- L’erreur inexcusable : la faute commise par celui qui commet une erreur
inexcusable qui confine à la stupidité, exclut le bénéfice de la protection
légale. C’est d’ailleurs pour cette raison que le caractère excusable de
l’erreur est une condition nécessaire pour obtenir l’annulation du contrat.
Le caractère inexcusable est apprécié in concreto, en fonction de la
personnalité et notamment de la compétence professionnelle de l’errans.
L’adage qui traduit l’erreur inexcusable est le suivant : de non vigilantibus

46
non curat praetor (la loi ne protège pas les idiots). Ex : un architecte
achète un terrain sans s’assurer qu’il est constructible.

2.- Le dol (article 1116 du Code civil)

2.1.- Notion

Le dol est un comportement malhonnête de l’une des parties, qui a pour


effet d’induire l’autre partie en erreur. A la différence de l’erreur qui est
spontanée, le dol est une erreur provoquée par le comportement malhonnête
de l’autre partie.

2.1.2.- Les éléments constitutifs du dol

Le dol suppose la réunion d’un élément matériel et d’un élément


intentionnel.

2.1.1.1.- L’élément matériel du dol

Il s’agit d’actes de déloyauté qui peuvent être :

- Des manœuvres frauduleuses : elles recouvrent des agissements positifs


qui sont notamment des machinations, des mises en scènes, des artifices
ourdis pour amener l’autre partie à contracter (Ex : le garagiste qui
trafique le compteur kilométrique du véhicule pour faire croire qu’il est
neuf).

- Des mensonges : peu importe qu’ils soient écrits ou oraux. La


jurisprudence considère qu’un simple mensonge non appuyé d’ordres
extérieurs peut constituer un dol (Civ. 1re, 6 novembre 1970, JCP 1971,
16942, GHESTIN). Il faut cependant distinguer le mensonge de l’habileté
qui est admise car toute personne a le droit de vanter ses produits même
si la démonstration est exagérée (on fait ainsi la distinction entre le dolus
bonus et le dolus malus).

47
- Des réticences : le fait de ne pas révéler une information à son
cocontractant constitue-t-il un dol ? La jurisprudence considère que le
silence gardé sur une information qu’on connaît et qu’il aurait fallu
communiquer à son partenaire contractuel pour qu’il s’engage en
connaissance de cause constitue une réticence dolosive.

48
2.1.1.2.- L’élément intentionnel

Il s’agit de l’intention de tromper. Pour que le contrat puisse être annulé


sur le fondement du dol, il faut qu’il y ait eu l’intention de tromper le
cocontractant. Elle existe dans le cadre des manœuvres frauduleuses et de
mensonge caractérisé.

Elle est plus délicate en matière de réticence car l’omission d’une


information ne relève pas nécessairement de l’intention de tromper son
cocontractant, pouvant ressortir d’un simple oubli. Celui qui allègue le dol devra
donc prouver que son cocontractant a gardé le silence dans l’intention de le
tromper. Toutefois lorsqu’il s’agit d’un professionnel, la jurisprudence déduit de
sa qualité une présomption de mauvaise foi en considérant qu’en cette qualité
il ne pouvait ignorer l’information réelle ou qu’il devait mieux se renseigner pour
mieux informer son cocontractant. La cour d’appel d’Abidjan a, cependant,
rendu un arrêt qui laisse, quelque peu dubitatif sur cette solution. En effet, elle
a jugé que le fait pour un réparateur automobile d’avoir omis d’avertir son client
que le coût des réparations à effectuer sur le véhicule dépassait le prix d’une
voiture neuve ne constitue pas un dol ni ne provoque une erreur susceptible de
vicier le consentement du client, quand celui-ci avait signé un bon de commande
contenant l’énuméré des travaux à faire mais non leur estimation, le prix de
ceux-ci ayant été facturé selon le tarif en vigueur (CAA, arrêt n° 102, 21 février
1969, RID 1970, 1, pp. 45-46). En pareil cas, on aurait pu considérer que si le
client avait eu connaissance, de la part du réparateur, que le prix de réparation
serait supérieur au prix d’un véhicule neuf, il n’eût probablement pas contracté,
préférant alors acheter un véhicule neuf. Le fait que les travaux soient facturés
au tarif en vigueur ne détermine pas que le réparateur n’a pas gardé le silence
pour induire le client en erreur en vue de l’amener à contracter avec lui, alors
que celui-là, s’il avait été informé de ce fait important, aurait probablement
contracté avec une autre personne par l’achat d’un nouveau véhicule.

Finalement, et pour synthétiser, la réticence dolosive suppose,


préalablement, l’existence d’une obligation d’informer à la charge de celui qui a
gardé le silence. Si tel est le cas, il faudra vérifier que son silence est inspiré par

49
son intention de provoquer l’erreur de son partenaire afin de le déterminer à
conclure le contrat.

2.1.2.- La mise en œuvre du dol

Il faut que le dol ait provoqué une erreur déterminante et qu’il émane du
cocontractant.

2.1.2.1.- L’erreur déterminante

Le dol doit provoquer une erreur chez le cocontractant. Cela permet de


retenir comme vice du consentement sur le vocable de dol certaines erreurs
indifférentes comme l’erreur sur les motifs ou la valeur lorsqu’elles ont été
provoquées. Cette erreur doit être déterminante, c'est-à-dire doit avoir entraîné
le consentement de la victime. En d’autres termes, sans elle, celle-ci n’aurait
jamais contracté dans les termes où le contrat a été conclu. C’est ce qu’on
appelle le dol principal, à distinguer du dol incident entendu comme celui sans
lequel la victime aurait contracté mais à des conditions plus avantageuses pour
elle.

2.1.2.2.- L’auteur du dol

Le dol doit émaner du cocontractant et non d’un tiers, sauf si celui-ci était
le complice du cocontractant ou s’il le représentait : Cela s’explique par des
raisons morales (le contractant innocent n’a pas à supporter la faute d’un tiers)
et historiques (le dol est considéré comme un délit, la peine doit rester
personnelle).

2.1.2.3.- Preuve du dol

Celui qui invoque le dol doit prouver l’existence des éléments constitutifs du dol
et leur caractère déterminant. S’agissant d’un fait juridique, cette preuve peut
être faite par tous moyens. Il importe de préciser que le fait que l’article 1116 du
Code civil dispose que « le dol ne se présume pas, et doit être prouvé » n’interdit
pas la preuve par tous moyens y compris par les présomptions. Cet article

50
rappelle simplement la règle de principe selon laquelle la charge de la preuve
incombe au demandeur. On l’a vu, cette règle est cependant écartée par la
jurisprudence en matière de réticence dolosive car c’est au professionnel,
débiteur de l’obligation d’information de prouver qu’il a bien exécuté cette
obligation et non au demandeur, créancier de l’obligation d’information de
prouver la réticence dolosive.

2.1.3.- Sanction du dol

Le dol entraîne la nullité relative du contrat en tant que vice du


consentement et en tant que délit civil, et peut justifier que la responsabilité de
son auteur soit recherchée sur le plan délictuel puisque les agissements sont
antérieurs à la conclusion du contrat. La victime peut donc, en plus de
l’annulation du contrat, obtenir de son cocontractant fautif des dommages-
intérêts. Le dol d’un tiers ne peut entraîner la nullité du contrat. Il permet
seulement de mettre en jeu la responsabilité de son auteur.

3.- La violence (articles 1109 et 1110 et suivants du Code civil)

3.1.- Notion

La violence est une contrainte exercée sur un individu en vue d’obtenir son
consentement forcé à un contrat. Le consentement n’est pas, comme dans le cas
de l’erreur, vicié par une erreur spontanée ou, dans le cas du dol, vicié par une
erreur provoquée. Il est extorqué.

51
3.1.1. L’acte de violence

Deux types de violence sont distingués : la violence physique qui consiste


en des coups et autres mauvais traitements infligés à la personne dont le
consentement est extorqué et la violence morale, beaucoup plus fréquente, qui
consiste en des pressions psychologiques : chantages, menaces, etc. La violence
morale naît de la crainte d’un mal que le contractant risquerait de subir.

3.1.2.- L’origine de la violence

Aux termes de l’article 1111 du Code civil, il est indifférent que l’auteur de
la violence soit le cocontractant ou un tiers ; ce qui est différent du dol. La
question de savoir si la violence peut émaner de circonstances extérieures a été
discutée : la doctrine classique y répondait négativement en s’appuyant sur le
Code civil qui exige que le consentement soit « extorqué ». A l’opposé, la
doctrine contemporaine y répond positivement en considérant que les
événements extérieurs peuvent caractériser le vice de violence lorsque l’autre
partie a exploité l’état de nécessité dans lequel se trouvait la victime pour
obtenir un avantage excessif. La jurisprudence admet la seconde thèse (Req., 27
avril 1887, DP 1885. I. 253 ; S. 1887. 1. 372).

La principale question actuellement discutée est celle de savoir si


l’exploitation excessive de la situation de dépendance économique ne devrait
pas être assimilée à la violence. Il en va différemment. En droit civil, la
jurisprudence l’admet de façon stricte et exige que la preuve soit rapportée que
le partenaire contractuel abuse effectivement de sa position ou profite des
circonstances pour imposer à l’autre partie des conditions intenables, le seul
déséquilibre significatif n’étant pas suffisant.

3.2.- Caractères de la violence

3.2.1.- Le caractère déterminant de la violence

La violence doit être déterminante, c'est-à-dire que les menaces doivent


être telles que sans elles, l’individu n’aurait pas contracté. La menace doit être

52
actuelle, s’appréciant au moment de la conclusion du contrat et revêtir une
certaine gravité, c’est-à-dire qu’elle doit impressionner un individu moyen,
raisonnable. Selon la cour d’appel d’Abidjan, la personne qui demande
l’annulation de son engagement pour vice de violence doit avoir contracté alors
qu’elle était sous l’empire de cette contrainte, et c’est à la date de la signature
de l’acte dont l’annulation est demandée qu’il faut se placer pour apprécier la
violence (CAA, chambre civile et commerciale, arrêt n° 151, 29 février 1980, RID
1981, 3- 4, pp. 95-98).

3.2.2.- Le caractère illégitime de la violence

Pour être une cause de nullité, la violence doit être illégitime, c'est-à-dire
injuste. Ainsi ne constituent pas des actes de violence la crainte révérencielle ou
la menace d’exercer des voies de droit, sauf si l’exercice de ces voies de droit
devient abusif soit en la détournant de son but, soit en en usant pour obtenir des
avantages excessifs ou déraisonnables. En revanche, la menace d’utiliser des
voies de fait constitue toujours une violence illégitime.

3.3.- Preuve et sanction de la violence

C’est à celui qui se prévaut de la violence de rapporter la preuve de la


violence dont il prétend avoir été victime ainsi que de ses caractères
déterminant et illégitime. La violence étant un fait juridique, cette preuve peut
être rapportée par tous moyens. L’article 1113 du Code civil présume le
caractère déterminant de la violence exercé à l’encontre de l’époux, d’un
ascendant ou sur ses descendants.

S’agissant des sanctions, comme pour ce dol, en tant que vice du


consentement, la violence entraîne la nullité du contrat, cette nullité étant
relative parce qu’il s’agit d’une nullité de protection. En tant que délit civil, la
violence peut engager la responsabilité civile de son auteur sur le fondement de
l’article 1382 du Code civil.

SECTION II /LA CAPACITE DE CONTRACTER

53
La capacité est l’aptitude d’une personne à être titulaire de droits et à les
exercer. Aux termes de l’article 1123 du Code civil, « toute personne peut
contracter si elle n’en a pas été déclarée incapable par la loi ». La capacité de
contracter est donc le principe et l’incapacité l’exception.

L’article 1124 du Code civil précise le domaine de l’exception : sont


incapables de contracter, dans la mesure définie par la loi, les mineurs non
émancipés, les majeurs protégés au sens de l’article 488 du Code. L’étude des
incapacités relève du droit des personnes.

Doivent être rapprochées des incapacités, les prohibitions et interdictions


légales (Ex : article 1596 du Code civil qui interdit aux mandataires de se porter
acquéreur de bien qu’ils sont chargés de vendre). Il faut enfin préciser que
chaque partie doit avoir non seulement la capacité, mais les pouvoirs nécessaires
pour conclure le contrat. La question du pouvoir ne se pose que dans l’hypothèse
d’un contrat conclu par représentation. Le pouvoir peut trouver sa source dans
la loi. Il peut être conféré par le juge ou être conventionnel, issu du contrat de
mandat (on parle de procuration).

54
CHAPITRE II : L’OBJET

SECTION I/- NOTION

Dans le langage courant le mot objet peut désigner tout ce qui se présente
à la pensée. En droit des obligations, l’on distingue l’objet de l’obligation de
l’objet du contrat.

§1/-. L’objet de l’obligation

L’objet de l’obligation est prévu par les articles 1129 et 1130. L’objet de
l’obligation désigne la prestation promise par le débiteur (obligation de faire, de
ne pas faire, de donner). Il est le contenu même de l’engagement du débiteur :
livrer la chose, payer le prix (actes positifs), ne pas faire concurrence (acte
négatif), etc.

§2/- L’objet du contrat

L’objet du contrat est visé par les articles 1126 à 1128. C’est l’opération
juridique voulue par les parties. Par exemple, le contrat de vente a pour objet de
transférer la propriété d’un bien.

On s’aperçoit que le langage du Code civil à propos de l’objet semble


imprécis. Il évoque tantôt l’objet du contrat, tantôt l’objet de l’obligation. Selon
de Doyen CARBONNIER, il faudrait analyser, de façon rigoureuse, la situation de
la manière suivante : le contrat a pour objet une ou plusieurs obligations qu’il
fait naître. À son tour, chaque obligation a un objet. Mais, on peut dire que
l’objet de l’obligation est en même temps l’objet du contrat. De son point de vue,
c’est ainsi qu’il faut comprendre le langage du Code civil. C’est pourquoi, il faut
prendre, dans un sens large, le terme d’objet : c’est l’objet de l’obligation née du
contrat ; c’est aussi l’objet du contrat. Entendu de cette façon, l’objet doit, pour
que le contrat soit valable, présenter certains caractères.

SECTION II/- CARACTERISTIQUES DE L’OBJET

55
L’objet doit exister ou être possible ; il doit être déterminé et être licite. En
outre, il est parfois nécessaire que l’objet soit équilibré.

§1/-. L’existence de l’objet

La chose objet du contrat doit exister car le lien d’obligation ne peut se


nouer que si la chose existe. Il n’est pas nécessaire qu’elle existe au jour de la
formation du contrat. Il suffit qu’il existe au jour de l’exécution du contrat.
S’agissant d’une chose future, elle peut en principe, selon l’article 1130 du Code
civil, faire l’objet d’un contrat à condition bien entendu qu’existe la certitude que
cette chose prendra corps un jour et qu’il ne s’agisse pas de pacte sur succession
future ou de cession globale par un auteur de ses droits sur ses œuvres futures.

La disparition de la chose après la formation du contrat n’a pas de


conséquence sur la validité du contrat. Seules devront être réglées la charge de
la perte et la répartition des risques afférents. Mais si au moment de la
conclusion du contrat, la chose avait disparu sans que les parties le sachent, le
contrat n’est pas valable ; si la disparition de la chose n’est que partielle, l’article
1601 du Code civil ouvre une option à l’acquéreur : abandonner la vente ou
exiger la partie conservée en déterminant le prix par la ventilation.

Il est en outre possible que l’existence de la chose soit frappée d’un aléa
(Ex : contrat portant sur une récolte de saison dont on ne sait s’il sera bon en
raison du climat). Le contrat est valable si l’aléa est véritable.

§2-. La possibilité de la chose

La chose doit être possible car « à l’impossible, nul n’est tenu ». Le contrat
n’est donc pas valable si la chose qui en est l’objet est objectivement impossible
(Ex : décrocher la lune). Si au contraire elle est subjectivement impossible, c’est-
à-dire impossible pour le débiteur (Ex : le débiteur s’engage à une chose qu’il ne
sait pas faire), le contrat sera valable et sa responsabilité en cas de défaillance
pourra être engagée.

§3/- La détermination de l’objet

56
Tout consentement suppose en principe que soit connu ce sur quoi il porte.
C’est pourquoi les articles 1108 et 1129 du Code civil prévoient la nécessité que
l’objet soit déterminé, car les parties doivent connaître le contenu précis de la
prestation promise. Lorsque le contrat porte sur un corps certain, celui-ci doit
être désigné (telle voiture par exemple). S’il porte sur une chose de genre, elle
doit être déterminée dans son espèce, sa quantité et sa qualité (l’article de 1246
du Code civil prévoit que la qualité doit être moyenne, à défaut de précision).
Lorsque le contrat porte sur une prestation ou une abstention qui implique
l’activité humaine, ce à quoi le débiteur s’engage doit être déterminé avec
précision, à défaut le contrat n’est pas valablement formé. Il est admis que la
chose n’a pas à être déterminée dans le contrat, il suffit que la chose soit
déterminable au moment de l’exécution du contrat selon ses indications et que
les éléments de détermination ne dépendent pas exclusivement de l’une ou de
l’autre partie.

§4/- La Licéité de l’objet

L’objet du contrat doit être licite, c'est-à-dire conforme à l’ordre public et


aux bonnes mœurs, c'est-à-dire aux règles essentielles pour la société et qui de
ce fait s’imposent aux particuliers. Ainsi ne peuvent faire l’objet de contrat les
choses qui sont hors du commerce juridique (la personne humaine sous réserve
des atténuations légales, notamment s’agissant des dons et legs organes, l’état
des personnes, les biens du domaine public, le droit de vote, les fonctions
publiques, les animaux contagieux ; les substances vénéneuses, l’air, les
tombeaux et sépultures, etc.

§5/- Le caractère personnel de la chose

S’il s’agit d’une obligation de donner, elle doit porter sur une chose
appartenant au débiteur. Les conventions sur les biens d’autrui sont illicites et,
notamment la vente (art. 1599 C. Civ) ou la donation (art 1er de la loi relative aux
donations entre vifs et testaments) des biens d’autrui.

57
S’il s’agit d’une obligation de faire ou de ne pas faire, le cocontractant doit
s’engager personnellement ; il ne peut engager autrui, sauf s’il s’agit d’une
promesse de porte-fort.

§6/- L’équilibre de l’objet

L’équilibre de l’objet consiste en l’équilibre des prestations à fournir par


les parties. En cas de déséquilibre des prestations, une partie sera lésée ; il faut
envisager alors la question de la lésion. La question est celle de savoir si la lésion
est une cause de nullité du contrat. A lire l’article 1118 du Code civil, il apparaît
que la lésion n’est pas, en principe, donnée comme une cause de nullité du
contrat. Ce n’est que de façon exceptionnelle qu’elle produit cet effet.

La lésion est le préjudice né du déséquilibre des prestations contractuelles


contemporain à la formation du contrat. Il faut, en cela, la distinguer de
l’imprévision, celle-ci étant le résultat d’un déséquilibre survenant
postérieurement à la formation du contrat.

La lésion étant une cause exceptionnelle de nullité du contrat, il importe


de déterminer dans quel cas et à quelles conditions elle sanctionnera le contrat.

La lésion n’est admise que dans des cas bien déterminés. Ainsi, pour qu’un
contrat puisse être annulé pour lésion, il faut qu’il soit couvert par le domaine
de la lésion. On distingue, à cet effet, le domaine quant aux personnes (mineurs
non émancipés) et quant aux actes (partage de succession et vente d’immeuble).

En ce qui concerne les mineurs, toute lésion de quelque degré qu’elle soit,
entraîne la nullité du contrat. Mais, il faut préciser que la rescision pour lésion,
s’agissant du mineur, ne peut intervenir que dans les actes d’administration
(ceux que le représentant légal peut faire seul) comme le suggère l’article 33 de
la loi relative à la minorité.

Relativement à la vente d’immeuble, l’article 1674 du Code civil n’admet la


nullité pour lésion que si celle-ci est supérieure à 7/12 du prix réel de l’immeuble.
Seul le vendeur peut demander cette rescision pour lésion. Il convient de faire

58
remarquer que l’acheteur a la possibilité d’éviter la nullité de la vente. Pour cela,
il doit « racheter » la lésion conformément aux dispositions de l’article 1681 du
Code civil. Il doit alors offrir le supplément du juste prix sous la déduction du
dixième du prix total.

Enfin, s’agissant du partage de succession, l’article 129 de la loi relative


aux successions ne retient la lésion opérante que si elle de plus du 1/4. L’héritier
lésé doit établir qu’il a obtenu moins du 1/4 de la part qui lui revient.

Pour conclure complètement, il convient d’évoquer la loi du 15 juin 2016


relative à la consommation qui a introduit un mécanisme juridique qui apparaît
proche de la lésion. Il s’agit de la clause abusive.

L’alinéa 1 de l’article 69 de la loi du 15 juin 2016 appréhende ainsi les


clauses abusives : « Sont abusives, dans les contrats conclus entre professionnels
et non-professionnels ou consommateurs, les clauses qui ont pour objet ou pour
effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un
déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

Si le déséquilibre significatif est posé comme critère fondamental du


caractère abusif de la clause, c’est postuler que l’on recherche l’équilibre du
contrat. C’est la rupture de cet équilibre qui appellerait la qualification de clause
abusive. Ce mécanisme évoque la lésion. En effet, si à l’instar de la lésion, le
déséquilibre envisagé en matière de clause abusive apparaît au moment de la
conclusion du contrat, il ne faut cependant pas les confondre.

La lésion a un domaine limité. Elle est uniquement applicable aux contrats


de vente d’immeuble, au partage de succession, et au mineur non émancipé en
ce qui concerne les actes d’administration qu’il passe. De plus, la lésion est
sanctionnée par la nullité alors que la situation caractéristique de la clause
abusive conduit à considérer ladite clause comme non écrite (article 70 alinéa 3
de la loi du 15 juin 2016 relative à la consommation).

CHAPITRE III : LA CAUSE

59
Aux termes de l’article 1108 du Code civil, une des conditions de validité du
contrat est « une cause licite dans l’obligation », condition explicitée par les
articles 1131 à 1133.

SECTION I/- LA NOTION DE CAUSE

La notion de cause est l’une des plus complexes et des plus subtiles de notre
système juridique. Elle a donné lieu à de vives controverses. En droit la cause
peut revêtir deux acceptions : soit elle est comprise comme la cause efficiente,
c'est-à-dire l’événement qui engendre une conséquence (point de vue matériel)
soit comme le but final poursuivi par l’auteur d’un acte, on parle de cause finale
(point de vue psychologique). La cause efficiente relève du droit de la
responsabilité à propos de la relation de cause à effet entre la faute et le
dommage. La cause finale est, quant à elle, directement centrée sur le contrat.
Elle s’est progressivement implantée dans la théorie générale du contrat pour
fonder la théorie de la cause telle qu’elle est aujourd’hui appréhendée.

La cause finale se dédouble à son tour en cause immédiate (Ex : paiement


du prix d’un poste téléviseur pour en obtenir livraison) et une cause lointaine
(Ex : paiement du prix du poste téléviseur pour pouvoir regarder le programme
de son choix ou, à terme, l’utiliser comme chaine hi-fi), cette dernière cause
étant très subjective car correspondant aux motifs profonds de l’individu.

Il faut cependant indiquer que pour l’application de l’article 1131 du Code


civil, la doctrine et la jurisprudence considèrent que la cause repose sur deux
approches : d’une part, la cause de l’obligation qui est la même pour tous les
contrats du même type -cause objective- (Ex : paiement du prix ou délivrance de
la chose pour le contrat de vente) et d’autre part, la cause du contrat,
individualisée en fonction de chaque contractant (cause subjective et donc
valable en fonction des individus). Il en résulte que la cause est appréhendée
tantôt objectivement, par type de contrat, tantôt subjectivement en fonction du
but poursuivi par chaque contractant.

60
La doctrine moderne et la jurisprudence ont conservé cette approche. Ainsi,
selon qu’il s’agit de rechercher l’existence de la cause ou de vérifier sa licéité, le
juge utilisera soit la conception objective (pour l’existence de la cause puisque
celle-ci est identique pour chaque type de contrat), soit la conception subjective
(pour la licéité de la cause afin de découvrir les raisons profondes qui ont
déterminé les parties à contracter).

Ainsi, il convient de noter que la cause a deux fonctions :

- La cause objective assure la protection individuelle des contractants. Elle


peut aussi servir d’appui à la lésion qui résulte d’un défaut d’équilibre
entre les prestations réciproques et à la suppression des clauses abusives.

- La cause subjective assure la protection de la société contre les actes


contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs qui seraient
insuffisamment protégés si le juge se contentait de vérifier seulement
l’existence de la cause objective.

SECTION II/- L’EXISTENCE DE LA CAUSE

La cause doit exister sinon l’obligation est privée de tout effet.

- S’il s’agit d’un contrat synallagmatique et commutatif, la cause de


l’obligation de l’une des parties réside dans celle de l’autre partie. La cause
réalise ainsi une interdépendance entre les obligations des parties,
comme le ciment qui les lie et les solidifie. Il en résulte que l’absence de
l’une des obligations entraîne l’anéantissement de l’obligation réciproque.

- S’il s’agit d’un contrat synallagmatique aléatoire (Contrat d’assurance par


exemple), en raison de l’aléa l’engagement porte sur une contrepartie que
les contractants espèrent recevoir. Cette contrepartie doit être
raisonnablement envisageable et surtout la chance de perte ou de gain
doit exister réellement sinon le contrat sera nul (Ex : le risque assuré est
déjà survenu). Mais si les parties l’ignoraient, le contrat sera valable et la
nullité ne pourra être poursuivie sur le fondement de l’absence de cause.

61
- S’il s’agit d’un contrat unilatéral, la cause ne pouvant plus résider dans la
contrepartie perçue puisqu’il n’existe que des obligations à la charge
d’une seule partie, la jurisprudence considère une cause objective
abstraite ne résidant pas dans la contrepartie (Ex : pour un contrat de
dépôt, la cause objective réside dans la remise de la chose qui en est
l’objet).

- S’il s’agit d’un contrat complexe, lorsque l’un des contrats est nul, le
contrat est résilié.

- S’il s’agit d’un ensemble contractuel, il est fait recours à la notion


d’économie du contrat qui permet d’examiner l’absence de cause dans
l’ensemble lui-même et plus simplement au niveau de chaque contrat le
composant, ce qui permet parfois de trouver l’absence de cause, outre
l’absence de contrepartie, dans l’absence d’intérêt qu’un des contractants
trouve à l’exécution du contrat. Il y a là une sorte de subjectivisation de la
cause objective.

- S’il s’agit d’un contrat à titre gratuit où la caractéristique est l’absence


désirée de contrepartie en raison de l’intention libérale, la cause abstraite
réside justement dans cette intention libérale. Si elle manque, il n’y a pas
de libéralité. La jurisprudence y ajoute également les intentions qui
l’accompagnent (Ex : annulation d’un testament dont l’auteur pensait à
tort que le gratifié était son fils naturel).

NB : Il importe de distinguer l’absence de cause de l’absence d’objet d’une


part et l’absence de cause de la fausse cause qui peut résulter de la cause
erronée (le débiteur ayant à l’esprit l’existence d’une cause qui n’existe pas ; ce
qui ramène à l’absence de cause – en ce sens, voir CAA, chambre civile et
commerciale, arrêt n° 417, 17 juin 1977, RID 1978, 3- 4, pp. 44-45) et de la cause
simulé (les parties donnent à leur contrat une cause différente de la cause
véritable - Ex : une donation déguisée en vente).

62
La cause doit également être distinguée des motifs, la cause étant le motif
déterminant, connu et voulu par les parties.

SECTION III/- LA LICEITE DE LA CAUSE

Aux termes de l’article 1133 du Code civil, « La cause est illicite, quand elle
est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre
public ».

Cette disposition présente trois cas sous la notion générale de cause illicite :
la cause directement contraire une loi particulière ; la cause contraire à l’ordre
public ; la cause contraire aux bonnes mœurs. Dans tous ces cas, il pourra y avoir
nullité, mais ce sera toujours le mobile qui entraînera la nullité.

Le juge doit donc rechercher et percer les motifs, les mobiles des
contractants. La licéité de la cause est appréciée au moment de la formation du
contrat, même si l’une des parties n’a pas eu connaissance du caractère illicite
ou immoral du motif déterminant. Le souci d’annulation des contrats illicites
prime ainsi.

SECTION V/- LA PREUVE ET LES SANCTIONS

Puisque l’existence de la cause et sa liberté sont présumées, il appartient à


celui qui se prévaut de l’absence de la cause ou de la cause illicite d’en faire la
preuve. Et cette preuve se fera par tous moyens s’agissant d’un fait juridique. La
preuve est donc libre même si un écrit indique l’existence d’une cause car
l’existence d’un titre, voire sa régularité n’interdisant pas de discuter de la
validité de l’obligation.

L’absence de cause et de licéité de la cause entraînent la nullité du contrat.


Et dans le cas de la cause illicite, la jurisprudence refuse la restitution de sa
prestation au contractant qui se prévaut de son immoralité pour obtenir la
nullité de la convention (voir ainsi CAA, chambre civile et commerciale, arrêt n°
102, 18 février 1977, RID 1978, 3- 4, p. 41).

63
S/TITRE II : LA SANCTION DES IRREGULARITES DES ELEMENTS DE FORMATION
DU CONTRAT : LES NULLITES

CHAPITRE I/- LA NOTION

SECTION I/- LA DEFINITION

La nullité est une sanction civile qui aboutit à l’anéantissement judiciaire


et rétroactif des actes juridiques irrégulièrement formés. La nullité est la
sanction naturelle des conditions de formation d’un acte juridique. La nullité se
distingue des notions voisines suivantes :

- La résolution : c’est la sanction consistant dans l’effacement rétroactif des


obligations nées d’un contrat synallagmatique lorsque l’une des parties
n’exécute pas sa prestation. Comme la nullité, la résolution a un effet
rétroactif, mais à la différence de celle-ci, elle sanctionne non pas un vice
existant lors de la formation du contrat mais un défaut d’exécution.

- L’inopposabilité : se dit d’un acte juridique dont la validité n’est pas


affectée mais dont les tiers peuvent écarter les effets. L’acte est valable
mais les tiers peuvent le méconnaître. Il leur est inopposable.

- La caducité : c’est l’état d’un acte juridique valable mais privé d’effet en
raison de la survenance d’un fait postérieure à sa création.

L’acte est régulièrement conclu, mais il disparaît en raison de la perte d’un


élément essentiel. L’acte disparaît pour l’avenir, mais aussi parfois dans le
passé.

- La rescision pour lésion : qui sanctionne seulement un déséquilibre entre


les prestations des parties lors de la formation du contrat. Ici, la différence
avec la nullité n’est pas de nature, mais d’étendue. La rescision est, en
effet, la nullité qui frappe un acte juridique dans le cas spécifique du
déséquilibre des prestations. Elle ne s’étend pas au-delà de ce domaine.

64
- L’inexistence : qui postule l’absence de passage au juge pour obtenir
l’anéantissement de l’acte juridique.

SECTION II/- LA NATURE DES NULLITES

La doctrine et la jurisprudence opèrent une distinction en deux grands types


de nullité : la nullité absolue et la nullité relative.

La nullité absolue est celle qui sanctionne la violation d’une règle d’intérêt
général ou l’absence d’un élément fondamental à la validité d’un acte juridique.
Elle vise la protection de la société en général.

Quant à la nullité relative, elle ne concerne que l’intérêt privé qu’elle protège.
Elle sanctionne donc une règle destinée à protéger une partie à l’acte juridique.

La nullité absolue concerne l’indétermination ou l’illicéité de l’objet de


l’obligation ou de sa cause, l’absence totale de consentement de l’un des
contractants ou l’absence des conditions requises pour un contrat solennel.

La nullité relative concernera les vices du consentement, la lésion ainsi que


l’hypothèse d’une incapacité d’exercice ou de jouissance.

CHAPITRE II/- LE REGIME JURIDIQUE DE LA NULLITE

L’analyse du régime juridique de la nullité conduit à l’action en nullité ainsi


que les effets de la nullité.

SECTION I/- L’ACTION EN JUSTICE

§1/- Les titulaires de l’action en nullité

La nullité relative est instituée dans le but de protéger un intérêt particulier,


seul le contractant qui était protégé par la règle transgressée peut agir en nullité
de l’acte irrégulier. Par exception, d’autres personnes peuvent invoquer cette
nullité (ayants-cause à titre universel, créanciers par la voie de l’octroi oblique).

65
S’agissant de la nullité absolue, dans la mesure où elle a été instituée dans
un but de protection de l’intérêt général, elle peut être invoquée par tout
intéressé : les particuliers justifiant d’un intérêt à agir et les agents de l’autorité
publique, notamment le ministère public.

§2/- L’extinction du droit d’agir

1.- La confirmation

C’est l’acte unilatéral par lequel la personne titulaire du droit d’agir en


nullité renonce à invoquer le droit. Elle suppose, d’une part que le contractant
ait connaissance du vice et, d’autre part une volonté certaine de celui-ci de
renoncer à invoquer ce vice. Elle peut être expresse ou tacite. Elle se distingue
de la régularisation qui consiste à valider un acte nul en supprimant la cause de
la nullité, de sorte à rendre l’acte rétroactivement valable à l’égard de tous alors
que la confirmation a un effet relatif ; et de la réfection qui consiste en la
conclusion d’un contrat nouveau et autonome, purgé du vice affectant le contrat
initial, sans effet rétroactif.

La confirmation n’est possible que dans les hypothèses de nullité relative.


Elle ne doit pas porter atteinte aux droits des tiers ou les léser.

2.- La prescription

C’est l’écoulement d’un certain délai à l’issu duquel un droit réel peut être
acquis (prescription acquisitive) ou un droit réel ou personnel perdu
(prescription extinctive) du fait de l’inaction prolongée du titulaire du droit.

Le délai de prescription de l’action en nullité varie : pour la nullité absolue


il est de 30 ans (délai de droit commun) tandis que pour la nullité relative il est
en général beaucoup plus court (selon l’article 1304 du Code civil, l’action en
nullité peut être exercée pendant 10 ans s’il n’y a pas de texte particulier
instituant un délai plus court – c’est le cas en matière de rescision pour lésion

66
dans la vente d’immeuble où l’article 1676 du Code civil retient un délai de 2
ans).

La nullité peut être invoquée par le débiteur pour résister à la demande du


créancier. Invoquée par voie d’exception, c'est-à-dire comme un moyen de
défense, elle n’est pas atteinte par l’exception de nullité. On dit que l’exception
de nullité est perpétuelle sauf si la nullité est demandée par voie de demande
reconventionnelle ou s’il s’agit de délai préfix, que rien ne peut allonger, ou
encore en matière contractuelle si le contrat a été exécuté même partiellement.

Quant au point de départ du délai de prescription, il court pour la nullité


absolue du jour du contrat. Pour la nullité relative, il diffère selon la cause de
nullité. Ainsi, le délai commence à courir à partir du jour où la cause de nullité a
cessé (violence), du jour où ils ont été découverts (erreur et dol), du jour de la
levée de l’interdiction (pour les incapables majeurs interdits), du jour de la
majorité (pour les mineurs), du jour de la vente d’immeuble (action en rescision
pour lésion).

La prescription peut faire l’objet d’interruption ou de suspension.

SECTION II/- LES EFFETS DE LA NULLITE

Qu’elle soit relative ou absolue, la nullité est sanctionnée par la disparition


rétroactive de l’acte ou de certaines parties seulement de l’acte selon les cas.
Plus rien ne subsiste donc de l’acte irrégulier.

La nullité est toujours judiciaire.

Si tout le contrat est irrégulier, la nullité est pleinement rétroactive et les


parties doivent, si le contrat a été exécuté totalement ou partiellement,
procéder aux restitutions réciproques sous réserve des limites suivantes :

- Le contractant de bonne foi n’a pas à restituer les fruits de la chose.

67
- L’incapable qui demande la nullité n’a pas à restituer les sommes perçues
et dissipées (art 1312 C.iv.).

- La partie à l’origine de la nullité ne peut obtenir de restitution (application


de la règle « nemo auditur »).

Une indemnité compensatrice peut être accordée à la partie à qui la


prestation, en raison de la nature du contrat, ne peut être restitué (Ex : contrat
de travail).

La nullité peut n’être que partielle, notamment lorsqu’elle atteint une


clause du contrat réputée non écrite.

Et si la nullité du contrat cause un dommage à l’une des parties, elle peut


agir en responsabilité contre son cocontractant à condition de démonter la
faute, le préjudice et le lien de causalité entre les deux. La responsabilité est de
nature délictuelle puisque le contrat est censé n’avoir jamais existé.

S/TITRE III : LE PROCESSUS DE FORMATION DU CONTRAT

Le contrat suppose une rencontre des volontés des parties, chacune


acceptant de s’engager par rapport à l’autre. Cette rencontre des volontés peut
être instantanée. Toutefois, dans certaines hypothèses, les parties peuvent
préparer progressivement leur contrat pendant une période plus ou moins
longue. Les problèmes rencontrés dans la période précontractuelle sont relatifs
aux pourparlers et aux contrats préparatoires.

CHAPITRE I : LES POURPARLERS

SECTION I/- NOTION

§1/- Définition

68
Les pourparlers désignent l’ensemble des relations juridiques résultant
d’échanges entre les parties aux fins d’identifier pour les résoudre les problèmes
que suscite la réalisation de la convention envisagée.

Les pourparlers sont importants car d’une part, leur examen permet de
mieux saisir a posteriori l’exacte portée de la convention conclue et d’autre part,
une faute commise à ce stade peut entraîner l’annulation des échanges entre les
parties.

Les pourparlers peuvent avoir lieu oralement ou plus souvent par des
échanges écrits contenant informations et propositions.

Les pourparlers sont de nature à aboutir à l’échange des consentements


mais ne constituent pas par eux-mêmes cet échange des consentements.

§2/- Les caractéristiques des pourparlers

La période des pourparlers est placée sous un double signe : celui de la


liberté et celui de la bonne foi. Il en résulte que les parties doivent s’échanger
certaines informations (la jurisprudence a consacré l’obligation générale pour
tout contractant d’information de son partenaire contractuel, complétée
exceptionnellement par une obligation de conseil) ; à côté de cette obligation
générale, existent des obligations spéciales d’information notamment en droit
de la consommation. En effet, la loi du 15 juin 2016 relative à la consommation
a institué un formalisme informatif au profit d’une catégorie de contractants :
les consommateurs. Ce formalisme informatif consiste en une obligation
générale d’information précontractuelle. Selon l’article 3 de la loi précitée, le
professionnel est tenu de communiquer au consommateur, de manière lisible et
compréhensible, avant la conclusion du contrat, un certain nombre
d’informations relatives aux caractéristiques du bien ou du service, au prix, au
délai d’exécution lorsque l’exécution n’est pas immédiate, de même que des
informations concernant son identité et ses activités. L’objectif de cette exigence
est de permettre au consommateur d’émettre un consentement éclairé. Cette
obligation permettra, par ailleurs, au consommateur d’apporter plus facilement

69
la preuve d’une réticence qui confinerait au dol (réticence dolosive), dans une
démarche judiciaire en vue d’obtenir l’annulation du contrat.

Elles doivent également s’abstenir de toute manœuvre déloyale.

SECTION II/- LA RUPTURE DES POURPARLERS

Le principe est que la rupture ou le non aboutissement des pourparlers sont


notamment dépourvus de toute conséquence juridique, tout comme le fait de
refuser d’entrer en pourparlers. Toutefois, la responsabilité de l’une des parties
peut être engagée par l’autre partie dans les hypothèses suivantes :

- Refus illicite de contracter ;

- Violation de l’obligation générale et/ou spéciale d’information ;

- Mauvaise foi : engager une négociation que l’on savait d’avance privée
d’avenir, prolonger inutilement une négociation et sans autre motif que
celui d’obtenir gratuitement un secret de fabrication, faire engager des
dépenses inutiles à l’autre partie ou encore le dissuader de négocier avec
autrui.

Quel que soit le stade des pourparlers, la responsabilité est toujours de


nature délictuelle et la sanction toujours des dommages-intérêts, le juge ne
pouvant ordonner la conclusion forcée du contrat.

CHAPITRE II : LES ACCORDS PREPARATOIRES

Lorsqu’il s’agit de contrat complexe et/ou mettant en jeu des intérêts


importants les parties, souvent par souci de prudence, n’élabore le contrat que
petit à petit, pas à pas, inscrivant dans des accords de négociation les différents
points de l’acte définitif à intervenir.

SECTION I/- LES ACCORDS DE PRINCIPE

70
Les parties relèvent dans ces accords de principe les différents points sur
lesquels elles sont d’ores et déjà d’accord. On parle aussi de punctation. Ces
accords de principe opèrent une formation progressive du contrat. La question
se pose de savoir alors à quel stade le contrat est-il formé ? Tout dépend de la
nature du contrat.

S’il s’agit d’un contrat de type consensuel, le contrat est formé dès qu’il y
a accord sur les points essentiels, à moins que les parties n’aient entendu
subordonner la formation du contrat à leur accord sur tel ou tel point accessoire.
A la différence des pourparlers, les accords de principe sont de véritables
contrats pouvant engager la responsabilité contractuelle en cas de rupture
abusive.

SECTION II/- LES CONTRATS PARTIELS, CONTRATS-CADRE ET CONTRATS


INTERIMAIRES

- Les contrats partiels fixent les points sur lesquels l’accord est déjà réalisé
et qui devront s’intégrer dans le contrat définitif. Leur portée juridique
dépend de la volonté des parties. Celles-ci peuvent décider de ne
s’engager qu’autant que sera obtenu un accord complet, à défaut le
contrat partiel sera caduc. Il peut dans certains cas y avoir matière à
responsabilité civile.

- Le contrat-cadre constitue le moule dans lequel seront ultérieurement


conclus les accords définitifs dits contrats d’application. Le contenu et la
portée des contrats-cadre sont divers. Ils peuvent seulement fixer les
conditions générales du contrat à intervenir ou s’insérer dans des contrats
plus complexes ou prévoir une obligation de négocier ou comporter une
véritable promesse, unilatérale ou réciproque.

- Les contrats intérimaires ou temporaires ont pour objet de définir et


d’organiser une situation provisoire dans l’attente du contrat définitif
dont certains points pourraient ne pas encore être arrêtés par les deux
parties ; ou préciser les obligations de confidentialité et de non utilisation
des informations et du « savoir » communiqués au cours de la négociation.

71
Dans cette deuxième hypothèse, les obligations de discrétion et de
loyauté perdureront au-delà du terme et malgré l’absence de tout contrat
définitif résultant de l’échec de la négociation.

SECTION III/- LE PACTE DE PREFERENCE

Le pacte de préférence est un contrat par lequel une personne (le


promettant) s’engage envers une autre personne qui accepte (le bénéficiaire) à
conclure avec elle, de préférence à un tiers, un contrat dont la nature et l’objet
sont déterminés. Le promettant ne s’engage pas à conclure le contrat projeté,
mais seulement à proposer la conclusion de ce contrat au bénéficiaire dans le
cas où il déciderait finalement de conclure un contrat. Le pacte de préférence
confère au bénéficiaire un droit de priorité. L’objet du contrat projeté sur lequel
porte le pacte doit être précisé.

En cas de violation du pacte de préférence, la sanction ne peut consister


qu’en des dommages et intérêts seulement, à la charge du promettant en cas de
preuve d’un préjudice, le pacte de préférence ne s’imposant pas au tiers en vertu
du principe de l’effet relatif des contrats. Toutefois, si le tiers est de mauvaise
foi, c'est-à-dire avait connaissance de l’existence du pacte et de l’intention du
bénéficiaire de s’en prévaloir, la jurisprudence française admet que le
bénéficiaire du pacte puisse lui être substitué (Ch. Mixte, 26 mai 2006, GAJC,
tome 2, 12e édition, 2008, pp. 654-655).

SECTION IV/- LES PROMESSES DE CONTRAT

§1 /-La promesse unilatérale de contrat

- La promesse unilatérale de contrat est une convention par laquelle une


personne (le promettant) s’engage envers une autre (le bénéficiaire), qui
accepte, à conclure un contrat dont les conditions sont d’ores et déjà
déterminées, si le bénéficiaire le demande dans un certain délai. La
promesse de contrat est un véritable contrat, mais seul le promettant est
engagé. Le bénéficiaire a, quant à lui, un droit d’option, c'est-à-dire le droit

72
de conclure le contrat s’il le veut. S’il ne lève pas l’option dans un certain
délai (délai stipulé ou à défaut délai raisonnable) la promesse est caduque.

- La jurisprudence décide que la rétractation du promettant antérieure à la


levée de l’option fait échec à la formation du contrat puisqu’il n’y a pas eu
rencontre de volonté (Civ. 3e, 15 décembre 1993). Cette solution est
critiquable car il peut être considéré que le promettant ayant donné son
consentement au contrat projeté, il ne peut plus se rétracter. D’ailleurs la
réforme du Droit des contrats en France a privé la solution de cette
jurisprudence de toute portée puisque le législateur a privé d’effet la
rétractation.

§2/- La promesse synallagmatique

- A la différence de la promesse unilatérale de contrat, dans la promesse


synallagmatique de contrat, les deux parties donnent leur consentement
au contrat projeté. Si le contrat projeté est un contrat consensuel, c'est-à-
dire un contrat qui se forme par le seul accord des volontés sans
qu’aucune forme ne soit imposée, le contrat est formé aussitôt que les
parties s’accordent sur les éléments essentiels du contrat (art.1589 c. civ,
sauf en matière de vente immobilière qui nécessite en plus du
consentement la signature d’un acte authentique).

Si le contrat projeté est un contrat solennel, la promesse de contrat a une


existence autonome par rapport au contrat projeté. Il importe de signaler
que la promesse de contrat solennel devait être conclue dans la même
forme que le contrat solennel lui-même (Voir ainsi C.S.C.J., arrêt n° 280/11
du 14 juillet 2011, Recueil de jurisprudence des arrêts de la Cour suprême
(chambre judiciaire, formation civile et commerciale), n° 2, CNDJ, 2012,
pp. 83-85 ; C.S.C.J., arrêt n° 192/12 du 1er mars 2012, Actualités Juridiques,
2015, n° 84, pp. 179-181.).

Relativement aux sanctions, la promesse synallagmatique concernant


l’élément consensuel du contrat projeté, les parties ne devraient pas
pouvoir logiquement se rétracter unilatéralement. Cette solution n’est

73
cependant admise que pour la promesse de vente valant vente puisqu’elle
n’a pas d’existence autonome. Il en va différemment pour la promesse de
vente autonome qui, tant que la formalité n’a pas été accomplie, ne vaut
pas vente. S’agissant d’une obligation de faire, si une partie se dérobe elle
ne sera condamnée qu’à des dommages-intérêts. Tel est également le cas
pour les contrats réels, la remise de la chose en plus du consentement qui
caractérise ce type de contrat étant une obligation de faire.

TITRE II/-LES EFFETS DU CONTRAT

De façon purement abstraite, il peut être dit que les effets du contrat sont
les obligations même qu’il a pour but de créer. Dans ce sens on parle des effets
du mandat, de la vente, du bail, etc, en ayant en vue les obligations auxquelles
ces contrats donnent naissance : Mais il faut aller plus loin car le contrat étant
destiné à créer des liens entre les parties qui l’ont conclu, envisager ses effets
consistera avant tout à examiner ses effets entre ses parties, puis vis-à-vis des
tiers qui y sont étrangers.
A cet égard, on notera que le contrat a une force obligatoire (S/titre I) qui
est cependant limitée vis-à-vis des tiers par le principe de la relativité des
conventions (S/titre II)

S/TITRE I : LA FORCE OBLIGATOIRE DU CONTRAT

La force obligatoire du contrat est exprimée dans l’article 1134 du code civil
qui dispose : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi entre
parties qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour


les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

Il en résulte que dès lors que le contrat a été régulièrement formé, c'est-à-
dire dans le respect des conditions de validité posées par la loi, il doit être

74
exécuté tel que prévu initialement par les parties. Le contrat a donc un effet
obligatoire. Il importe d’examiner successivement le fondement de cette force
obligatoire (Chapitre I), son contenu (chapitre II), son étendue (chapitre III), ses
difficultés d’application (Chapitre IV) et la sanction de sa violation (Chapitre V).

CHAPITRE I : LE FONDEMENT DE LA FORCE OBLIGATOIRE DU CONTRAT

Le fondement de la force obligatoire du contrat était recherché


classiquement dans la théorie de l’autonomie de la volonté.

De nos jours, de nouvelles explications sont avancées

SECTION I : L’explication classique : la théorie de l’autonomie de la


volonté

La théorie de l’autonomie de la volonté fait reposer le contrat sur l’accord


des volontés. Elle procède des considérations morales et particulièrement du
principe moral du respect de la parole donnée. L’autonomie de la volonté a pour
corollaire différents principes juridiques dont la force obligatoire du contrat à
côté de principes importants du droit des contrats tels que le consensualisme, la
liberté contractuelle et l’effet relatif du contrat repris dans le code civil.

SECTION II : Les nouvelles explications

Trois nouvelles explications sont avancées :

- La première est appelée théorie des attentes légitimes venant de Gino


GORGA (« Le contrat dans les droits continentaux en particulier dans les
droits français et italien, thèse, Milan 1954 version française 1958) qui
considère que la force obligatoire du contrat vient de la confiance légitime
que la promesse du débiteur a pu susciter chez celui auquel elle a été
adressée et qui l’a acceptée. Cette théorie est donc fondée sur la confiance
en la situation créée par une promesse. Elle ne peut toutefois pas à elle
seule expliquer la force obligatoire du contrat car elle ne dit pas en quoi
l’attente est légitime et pourquoi le droit la protège.

75
- La seconde est appelée la théorie normativiste proposée par Georges
Rouhette (Contribution à l’étude critique de la notion de contrat, thèse
qui développe les idées de Hans Kelsen, Paris 1965).Cette théorie
considère que ce qui caractérise le contrat, ce n’est plus l’accord des
volontés mais la présence d’intérêts réciproques dont la loi exige le
respect. Le contrat n’oblige donc que parce que la loi l’autorise et dans la
mesure où elle le prévoit. Cette théorie éclaire certains aspects du contrat
mais en laisse d’autres dans l’ombre, car elle aboutit à une lecture
positiviste du contrat en éludant toutes considérations sur ses finalités
sociologique, politique ou économique.

- La troisième est appelée doctrines sociales car tout en reconnaissant que


l’accord des volontés est bien le critère de l’acte juridique, elle propose
que la force obligatoire du contrat soit recherchée dans les valeurs
premières de la société. M. GHESTIN propose à cet égard l’utilité et le juste
(J. GHESTIN, « L’utile et le juste dans les contrats » D, 1982, chron P1). Pour
lui le contrat n’a d’ffet obligatoire que s’il est socialement utile et
économiquement juste. D’autres auteurs qui se réclament de la
philosophie du « solidarisme contractuel » proposent que le contrat soit
conçu non plus comme le produit de la conciliation d’intérêts
antagonistes, mais comme un instrument de promotion de l’intérêt
commun des parties (R. Demogue, Traité des obligations en général,
Rousseau, TVI, 1931, D. MAZEAUD, « Loyauté, solidarité, fraternité : la
nouvelle devise contractuelle ? », Melanges TERRE, Dalloz PUF et
jurisclasseur, 1999 p63 et suivantes, C. JAMIN, « Plaidoyer pour le
solidarisme contractuel » Etudes GHESTIN, LGDJ, 2001, P. 441, C. JAMIN
et D. MAZEAUD, « La nouvelle crise du contrat », Dalloz 23, L. Grynbaum
et M. Nicod, « le solidarisme contractuel », Economica, 2004).

CHAPITRE II : LE CONTENU DE LA FORCE OBLIGATOIRE

Des trois alinéas de l’article 1134 du Code civil, il résulte que le contrat créé
entre les parties une norme juridique qui a un régime juridique particulier.

76
SECTION I : LA NORME JURIDIQUE CRÉÉE PAR LE CONTRAT

Aux termes de l’alinéa 1 de l’article 1134 du Code civil « Les conventions


légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Le contrat est
donc une norme juridique qui s’impose aux parties. C’est une norme juridique
contractuelle. Les rédacteurs du Code civil ont utilisé en ce qui concerne le
contrat une grande comparaison en utilisant l’expression « tiennent lieu de loi »,
car le contrat s’impose aux parties comme la règle de droit s’impose au citoyen
et à l’ensemble des citoyens. L’adage pacta sunt servanda exprime cela. Cette
norme juridique contractuelle s’impose également au juge qui ne peut la
modifier sous prétexte d’équité. Elle s’impose également au législateur qui ne
peut non plus la modifier de sa propre initiative. C’est pourquoi la loi nouvelle, à
moins qu’il ne s’agisse d’une loi d’ordre public, ne s’applique pas aux contrats en
cours.

SECTION II : Le régime de la norme juridique contractuelle.

Il est marqué par les deux derniers alinéas de l’article 1134 du Code civil : le
contrat doit être exécuté de bonne foi et ne peut en principe faire l’objet de
révocation unilatérale.

§1/- L’exécution de bonne foi de la norme contractuelle

La bonne foi dans le respect de la norme contractuelle comprend


actuellement trois exigences : le devoir de loyauté, le devoir de coopération et
le devoir de cohérence.

1. Le devoir de loyauté

Le devoir de loyauté dans le respect de la norme contractuelle concerne les


deux parties, le créancier et le débiteur.

- En ce qui concerne le débiteur, il doit exécuter fidèlement le contrat,


notamment ce à quoi il s’est librement engagé ; et il doit l’exécuter dans
le sens qui lui confère l’utilité maximale qu’en attendent les parties. Le

77
débiteur fera preuve de mauvaise foi s’il commet un dol dans l’exécution
de ses obligations, c'est-à-dire s’il manque intentionnellement à ses
obligations, ou s’il se place de lui-même dans une situation qui rend pour
lui impossible l’exécution convenable de son obligation ou encore s’il
exécute son obligation de manière à ce que le créancier en subisse un
préjudice.

- En ce qui concerne le créancier, il doit s’abstenir de déloyauté, de


manœuvres qui tendraient à rendre l’exécution du contrat impossible ou
plus difficile au débiteur. Il doit même quand cela est possible, faciliter au
débiteur l’exécution de son obligation (Cass. Com. 5 décembre 1995 RTD
civ.1996, p 899. obs Mestre)

2. Le devoir de coopération

Le devoir de coopération implique que les parties coopèrent dans


l’exécution du contrat, c’est-à-dire qu’elles traitent le contrat selon l’expression
bien connue de DEMOGUE comme « une petite société où chacun doit travailler
dans un but commun ». Dans la petite société que crée le contrat doit aussi
régner le jus fraternalis, car les parties ont l’obligation de réaliser ensemble le
but contractuel poursuivi par elles en faisant en sorte que chacune d’elle puisse
obtenir le résultat escompté. Ce devoir de coopération revêt de multiples
formes. Il comprend le devoir d’information sur les événements pouvant
bouleverser le contrat (Cass. Civ 1er, 18 janvier 1997, JCP édition entreprise 1997,
II, 944 note Legeais), l’immixtion dans les affaires de l’autres afin de
l’accompagner en quelque sorte dans l’exécution du contrat (Cass. Civ 1 ère 23
janvier 1996, RTD civ, 1996, P. 9, obs Mestre ; 11 juin 1996, RTD Civ. 1997 p 425
obs Mestre) ou le renoncement au profit d’autrui lorsque cela entraine la ruine
de son partenaire (Cass. Com., 3 novembre 1992, Huard, RTD civ. 1993, p 124,
obs Mestre).

3. L’obligation de cohérence

L’obligation de cohérence est le corollaire de l’obligation de coopération.


Elle impose à l’une des parties au contrat de ne pas adopter un comportement

78
incohérent qui ruinerait les prévisions de son partenaire contractuel (Cass civ.
3ème, 28 janvier 2009 et 25 mars 2009, RTD civ, 2009 P 317 obs. B. Pages ; Cass
civ 1er, janvier 1998 JCP édition Générale 1998, II, 10066 note Fages, Cass : com.
4 janvier 1994, RTD civ. 1994. P. 352, obs Mestre ; cass. com. 18 décembre 27,
RTD civ 2008 P. 310. Obs B. Fages).

§2/- L’irrévocabilité du contrat

L’alinéa 2 de l’article 1134 du Code civil consacre le principe de


l’intangibilité du contrat : il ne peut être révoqué sauf par le consentement
mutuel des parties ou par les causes que la loi autorise.

- La révocation du contrat par consentement mutuel des parties n’est rien


d’autre qu’une autre convention qui doit elle-même respecter les
conditions de validité contenues dans l’article 1108 du Code civil, et
exprimer clairement la volonté commune des parties de mettre fin au
contrat qu’elles ont conclu. Mais elle peut aussi se faire tacitement et
résulter de circonstances de fait souverainement appréciées par le juge
(Civ. 1. 18, mai 1994, RTD civ. 1995 p.108, obs J. Mestre). S’agissant des
effets de la révocation, la jurisprudence considère que dans le silence des
parties, la révocation par consentement mutuel produit un effet rétroactif
(Cass. Com.30 novembre 1983, RTD civ ; 1985 p. 166. OBS. Mestre) sauf
s’il s’agit d’un contrat à exécution successive pour lequel la révocation ne
vaudra que pour l’avenir (Cass. Soc. 20 décembre 2006 D. 2007, p. 555,
note Blanc- Jouvan, RTD civ 2007., 117 obs J. Mestre et B. Fages).

- La révocation du contrat pour les causes que la loi autorise concerne


principalement la libre résiliation des contrats à durée indéterminée, la
faculté particulière de résiliation unilatérale de certains contrats comme
le dépôt (article 1944 du Code civil) ou le mandat (article 2003 du Code
civil) et la résolution du contrat en cas d’inexécution par l’une des parties
de son obligation (article 1184 du Code civil).

CHAPITRE III : L’ETENDUE DE LA FORCE OBLIGATOIRE

79
Aux termes de l’article 1135 du Code civil : « Les conventions obligent non
seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité,
l’usage ou la loi donne à l’obligation d’après sa nature ».
La force obligatoire du contrat concerne tous les contrats et les suites de
celui-ci.
SECTION I : L’EXTENSION DE LA FORCE OBLIGATOIRE A TOUT LE CONTRAT

La force obligatoire du contrat s’étend en principe à toutes les dispositions


du contrat, des premières aux dernières, des plus banales aux plus importantes.
Le contrat doit donc être exécuté dans sa totalité y compris les conditions
générales qui sont des clauses abstraites, applicables à l’ensemble des contrats
individuels ultérieurement conclus, rédigées par avance et imposées par un
contractant à son partenaire, à condition qu’elles aient été acceptées par celui-
ci, ainsi que les conditions particulières qui doivent elles aussi avoir été
acceptées par le cocontractant.
L’obligation d’exécuter la totalité du contrat existe pendant toute la durée
de celui-ci.

SECTION II : L’EXTENSION DE LA FORCE OBLIGATOIRE AUX SUITES DU


CONTRAT

Les suites du contrat qui entrent dans le champ contractuel selon l’article
1135 du code civil sont la loi, les usages et l’équité. D’autres, en revanche en sont
exclues.

§1 /-Les suites admises

1. La Loi

Pour les contrats nommés, la loi définit le régime juridique de l’opération


concernée. S’il s’agit de dispositions supplétives, les parties peuvent dans leur
contrat les écarter ; et dans le silence des parties, ces dispositions viennent
compléter leur contrat. En outre, certaines lois impératives peuvent imposer des
obligations supplémentaires aux parties auxquelles elles ne peuvent guère
échapper. Tel est le cas par exemple en droit du travail où le code du travail met

80
à la charge des travailleurs et de l’employeur des obligations spécifiques. Même
si elles ne figurent pas dans le contrat, ces obligations s’imposent aux parties et
accroissent le contenu obligatoire du contrat.

2. Les usages

Les usages jouent un rôle important en droit et particulièrement en matière


commerciale. On distingue les usages de droit, peu nombreux, assimilables à une
norme juridique objective et ayant une force obligatoire identique à celle de la
loi ; et les usages conventionnels qui sont des règles habituellement suivies par
des professionnels pour la conclusion ou l’exécution de tel ou tel contrat. Ils
constituent une sorte de présomption de volonté car ils peuvent s’incorporer
silencieusement au contrat, à condition que le cocontractant relève de la
profession considérée, qu’il ait été informé de l’usage et s’y est donc tacitement
référé (Cass. com 16 décembre 1977, Dalloz Affaires 1998, p. 146 ; Cass com. 4
mars 1999, Dalloz Affaires, 1999, P. 939). Il importe de signaler que dans certains
domaines, les usages ont été codifiés comme en droit du commerce
international (Règles et usances uniformes en abrégé RUV édictées par la
Chambre de Commerce Internationale de Paris).

3. L’équité

L’équité permet d’ajouter au contrat des obligations que les parties n’ont
pas prévues. L’équité a permis ainsi à la jurisprudence de dégager un grand
nombre d’obligations qu’elle considère comme implicites à certains contrats :
obligation de conseil, obligation de sécurité, obligation d’information, à titre
d’exemple. On a pu, pour certaines obligations, parler de forçage du contrat
(LEVENEUR L. « Le forçage du contrat », Droit et Patrimoine 1998, n°58, p.69).

§2/- Les suites exclues

Elles concernent principalement les convictions religieuses sauf convention


expresse. Deux décisions de la Cour de cassation le rappellent :

81
-« Les pratiques dictées par les convictions religieuses des preneurs,
n’entrent pas, sauf convention expresse, dans le champ contractuel du bail
et ne font naître à la charge du bailleur aucune obligation spécifique »
(Cass 3ème civ, 18 décembre 2002, D 2004. P. 844 obs. Damas ; RTD civ
2003, p. 290, OBS Mestre J. et Fages B.)

-« S’il est exact que l’employeur est tenu de respecter les convictions
religieuses de son salarié, celles-ci, sauf clause expresse, n’entrent pas
dans le cadre du contrat de travail » (Cass. Soc.21 mars 1998, N°95-44.738,
Bull. civ. V N°171 pour un salarié musulman).

Les convictions religieuses d’un contractant, pas plus que les pratiques qui
en découlent ne pénètrent dans le champ, contractuel et ne créé aucune
obligation spécifique à l’égard de l’autre contractant sauf stipulation contraire
expresse.

CHAPITRE IV : LES DIFFICULTES D’APPLICATION DE LA FORCE OBLIGATOIRE

La force obligatoire du contrat peut être confrontée aux difficultés


suivantes : la dissimulation de la volonté réelle des parties qui affichent donc une
volonté factice qui ne correspond pas à leur accord véritable lequel demeure
caché (la simulation) ; le manque de clarté dans l’expression de la volonté qui
oblige à l’interpréter et la destruction de l’équilibre contractuel du fait de
circonstances économiques survenant en cours d’exécution du contrat
(problème de la révision des contrats).

SECTION I : LA SIMULATION

§1/- La définition

Il y a simulation lorsque les parties conviennent de dissimuler leur accord


véritable derrière un acte apparent et factice Elles font ainsi paraître comme
réelle une chose qui ne l’est pas.

La simulation peut toucher :

82
- le consentement des parties : dans ce cas elles donnent leur
consentement à un acte apparent qui est en réalité fictif. Ex : elles
concluent un acte de vente (acte apparent ou simulé) mais décident dans
un acte secret (contre -lettre) que le vendeur sera toujours propriétaire
de la chose vendue. La vente est donc purement fictive.

- la cause de l’engagement des parties : dans ce cas les parties dissimulent


la véritable nature du contrat. Ex : Elles concluent un acte de vente (acte
apparent ou simulé) mais elles décident dans un acte secret (contre-lettre)
qu’il s’agit d’une donation.

- l’objet : dans ce cas les parties dissimulent l’étendue des prestations. Ex :


Elles concluent un acte de vente à des conditions déterminées (acte
apparent ou simulé) et modifient dans un acte secret (contre-lettre) les
conditions de la vente.

- l’identité des parties : il y a dans ce cas interposition de parties car une


personne figure dans le contrat comme partie (acte apparent ou simulé)
mais il est convenu dans un acte secret (contre-lettre) que les effets de
l’acte se produiront sur la tête d’une autre personne.

Dans tous ces cas il y a une discordance entre la volonté réelle des
contractants et la volonté exposée aux yeux des tiers. La simulation constitue
ainsi un montage juridique qui repose sur deux actes juridiques. D’une part, un
acte apparent qui seul apparait aux yeux des tiers. C’est un acte mensonger qui
masque un autre acte, l’acte secret qui est le second acte de la simulation. L’acte
secret est également appelé contre-lettre. Il constitue le véritable engagement
des parties et est rédigé le plus souvent simultanément avec l’acte apparent.
Il fait soigneusement distinguer la simulation du dol car, alors que dans le
dol l’une des parties trompe l’autre, dans la simulation les deux parties se
mettent d’accord pour tromper les tiers.

§2/- Les effets de la simulation

83
Les effets de la simulation doivent être envisagés dans les relations entre
les parties et dans leurs relations avec les tiers. En tout état de cause la contre-
lettre doit être prouvée.

1- Dans les relations contre les parties

Selon l’article 1321 du code civil « les contre-lettres ne peuvent avoir leur
effet qu’entre les parties contractantes : elles n’ont point d’effet envers les
tiers ». Cet article consacre donc la primauté de la contre-lettre dans les rapports
entre les parties sur l’acte apparent. Il en résulte que la simulation n’est pas une
cause de nullité, de sorte que seul l’acte secret est revêtu de la force obligatoire
entre les parties sauf si elle viole des règles impératives du droit des successions
et des libéralités (Ex : règles interdisant à une personne incapable de recevoir),
ou si elle a pour but de frauder les droits des tiers. Il convient de signaler d’une
part, que pour que l’acte secret prévale entre les parties, il faut qu’il soit lui-
même valable ; et d’autre part, que la simulation n’entraine pas la validité de ce
qui est éventuellement nul.

2- Dans les relations avec les tiers

De l’article 1321 sus-énoncé, il résulte que la contre-lettre n’a aucun effet


à l’égard des tiers. Elle leur est inopposable. C’est une application de la théorie
de l’apparence, l’inopposabilité visant d’une part à protéger les tiers et d’autre
part, à punir le bénéficiaire de l’acte secret qui ne pourra ainsi s’en prévaloir
contre eux. Les tiers concernés sont les tiers absolus, les ayants cause à titre
particulier et les créanciers sauf s’ils agissent par la voie de l’action oblique.

La jurisprudence considère que si les tiers sont de bonne foi, c'est-à-dire


qu’ils ignoraient l’existence de la contre-lettre, ils ont le choix entre se prévaloir
de l’acte ostensible ou de la contre-lettre s’ils en ont connaissance. Cette option
peut entraîner un conflit entre eux dès lors que les uns se prévalent de l’acte
ostensible et les autres de l’acte secret. Ce conflit est tranché par la simple
application littérale de l’article 1321 : si la contre-lettre n’a pas d’effet à l’égard
des tiers, la préférence sera donnée à ceux qui se prévalent de l’acte ostensible

84
s’ils sont de bonne foi (Cass.civ. 1. 22 février 1983 JCP 1985 II 20359 note J-P
vershave).

3- La preuve de la simulation

L’existence de la contre-lettre doit être prouvée. Elle suppose l’exercice


d’une action en déclaration de simulation, dont l’objet est d’établir que l’acte
apparent n’exprime pas la volonté réelle des parties. Il y a application des règles
générales de preuve des actes juridiques : preuve écrite lorsque l’acte dépasse
la somme de 500 F sauf impossibilité de se pré-constituer un écrit ou
commencement de preuve par écrit ou liberté de preuve en matière
commerciale.

SECTION II : L’INTERPRETATION DU CONTRAT

Interpréter, c’est expliquer, donner une signification claire à une chose


obscure. L’interprétation du contrat consiste à déterminer le sens d’une
stipulation obscure ou ambigüe. Lorsque les parties sont en désaccord, c’est au
juge qu’il revient d’interpréter le contrat. Il est nécessaire d’exposer les règles
d’interprétation contenues dans le code civil avant de préciser les pouvoirs
respectifs des juges du fond et de la juridiction suprême.

§1/- Les règles d’interprétation

Il existe un principe, qui est la recherche de la commune volonté des parties


par le juge, lequel connait des tempéraments.

1. Le principe de la recherche de la commune volonté des parties

Ce principe est posé par l’article 1156 du Code civil en ces termes : « on doit
rechercher dans les conventions quelle a été la commune intention des parties
contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes ».
L’interprétation ne sera nécessaire que si le contrat est obscur, obscurité qui
viendra de l’opacité du contrat ou d’une ou plusieurs de ses clauses soit parce
qu’elles se contredisent soit parce qu’elles sont ambigües ; ce qui rend le contrat

85
inapplicable si son sens n’est pas dégagé. La règle de base de la recherche de la
commune volonté des parties est en parfaite corrélation avec le principe de
l’autonomie de la volonté. Le Législateur fait ainsi obligation au juge qui doit
interpréter le contrat de dépasser la lettre du contrat et d’en rechercher l’esprit
en puisant dans la commune intention des parties.

A la suite de l’article 1156 du Code civil, certains articles, prolongeant le


principe de la recherche de la commune volonté des parties, donnent des
directives. Il en va ainsi des articles 1157, 1158, 1160 et 1161 du code civil.

Ces articles visent à éclairer le juge dans la mise en œuvre du principe posé
par l’article 1156 du Code Civil et n’ont pour cela qu’une valeur indicative.

Ainsi selon l’article 1157 du code civil « Lorsqu’une clause est susceptible
de deux sens, on doit plutôt l’entendre dans celui avec lequel elle peut avoir
quelque effet, que dans le sens lequel elle n’en pourrait produire aucun ». La
logique de ce texte est que la commune intention des parties a été de donner
une certaine efficacité à leur contrat et non l’inverse. L’article 1158 dispose
quant à lui que « les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le
sens qui convient le plus à la matière du contrat ». Ce qui signifie que
l’interprétation du contrat en accord avec l’économie générale du contrat doit
naturellement être privilégiée à celle qui créera une disharmonie parce qu’il est
très probable qu’elle corresponde à la volonté des parties. L’article 1160 du Code
civil dispose lui que « on doit suppléer dans le contrat les clauses qui y sont
d’usage, quoiqu’elles n’y soient pas exprimées. » ; ce qui est une extension de
l’article 1135 du code civil. Enfin l’article 1161 du code civil prescrit que «toutes
les clauses des conventions s’interprètent les unes par les autres, en donnant à
chacune le sens qui résulte de l’acte entier ». Le juge est ainsi invité par cet article
dans son entreprise de percer la volonté commune des parties à se référer aux
éléments clairs du contrat afin d’éclairer les éléments obscurs de celui-ci.

2. Les tempéraments au principe

2.1. Les tempéraments d’origine légale

86
Le premier provient de l’article 1159 du code civil qui dispose que « ce qui
est ambigu s’interprète par ce qui est d’usage dans le pays où le contrat est
passé ». La référence aux usages est ainsi privilégiée afin d’éclairer un contrat ou
une clause ambiguë.

Le second provient de l’article 1162 du code civil qui dispose : « dans le


doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé, et en faveur de celui
qui a contracté l’obligation ». Le terme stipuler avait pour signification acquérir
des droits par convention. L’article 1162 invitait ainsi à l’origine le juge à
interpréter le contrat en faveur du débiteur, contre le créancier. De nos jours, ce
terme est généralement compris comme signifiant « prévoir par contrat » ; de
sorte que l’article 1162 permet d’appliquer la règle aux contrats d’adhésion et
invite dans ce cas le juge à interpréter le contrat en faveur de la partie qui a
adhéré au contrat sans pouvoir en négocier les termes.

Dans les rapports entre professionnels et consommateurs, une dérogation


importante à l’article 1156 du Code civil a été introduite. On sait que cette
disposition recommande, toutes les fois qu’il sera nécessaire d’interpréter la
convention, que l’interprétation soit faite selon la commune intention des
parties contractantes. Aux termes de l’alinéa 3 de l’article 75 de la loi relative à
la consommation, les clauses des contrats proposés par le professionnel au
consommateur ou au non-professionnel « s’interprètent dans le sens le plus
favorable au consommateur ou au non-professionnel ». Il apparaît donc que dans
le cas où la clause d’un contrat proposé par un professionnel sera obscure ou
équivoque, le juge sera tenu, non de suivre la prescription de l’article 1156 du
Code civil, mais d’appliquer les termes de l’alinéa 3 de l’article 75 de la loi relative
à la consommation, en procédant à une interprétation favorable au
consommateur ou au non-professionnel.

2.2. Les tempéraments d’origine jurisprudentielle

S’appuyant sur l’équité visée par l’article 1135 du Code civil, le juge a
interprété le contrat parfois au mépris même de la volonté des parties. Par le
phénomène des forçages, il en arrive à ajouter au contrat certaines obligations
auxquelles les parties n’ont guère songé. C’est le cas de l’obligation de sécurité

87
(Cass. Civ. 21 novembre 1911 DP, 1913, I, 249 note Sarrut ; Sirey 1912, I, 73 note
Lyon-Caen) d’apparition fort ancienne et de l’obligation d’information et de
conseil d’apparition plus récente (RTD civ, 1999, p. 84 et s.).

2.3. Les tempéraments fondés sur les principes généraux du


droit

Il existe un principe de droit qui exige que les dispositions contractuelles qui
portent atteinte à des droits et libertés fondamentaux soient interprétées de
façon restrictive.(Cass. Soc. 12 juillet 2005 RTD civ 2006 p 109 obs Mestre et
Fages).

§2/- Les pouvoirs respectifs des juges du fond et de la juridiction suprême

Il existe un principe qui a des tempéraments

1. Le principe

L’interprétation du contrat est une question de fait qui relève du pouvoir


souverain des juges du fond. La raison vient de ce que l’interprétation du contrat
implique la prise en compte des circonstances de fait.

2. Les tempéraments

- Le premier concerne les conventions claires et précises. Lorsque les juges


du fond sous prétexte d’interpréter ont dénaturé une clause claire et
précise qui ne prêtait pas à interprétation, cela est censuré par la
juridiction suprême sur le fondement de l’article 1134 du Code civil.
(Cass.civ. 15 avril 1872 D 1872. I. 176)

- Le second vient des conventions présentant un caractère de généralité


comme les contrats-type pour lesquels parfois la juridiction suprême
impose une interprétation uniforme (Cass. Civ.1ère 24 janvier 1984 Bull civ.
I. N°28)

88
- La troisième vient de la qualification du contrat, essentielle pour
déterminer les obligations respectives des parties. Cette opération est de
nature juridique et donc soumise au contrôle de la juridiction suprême.

SECTION III : LA REVISION DU CONTRAT

Selon l’article 1134 alinéa 2 du code civil, le contrat ne peut être modifié
que par le consentement mutuel des parties. Mais lorsque les circonstances
économiques du contrat sont bouleversées, déjouant ainsi les prévisions des
parties et déséquilibrant gravement le contrat, le contractant désavantagé peut-
il obtenir la révision du contrat par le juge ? C’est le problème de la révision du
contrat pour cause d’imprévision. La solution à ce problème comporte un
principe qui admet des tempéraments.

§1/- Le principe

1. L’affirmation du principe

Le principe posé depuis de longues années par la jurisprudence est celui de


l’impossibilité de la révision du contrat par le juge. (Arrêt canal de Craponne.
Civ,6 mars 1876 D.1876,1,193 ; S 1876, 1 161). Aucun évènement ou autre, que
ce soit la guerre ou les crises économiques et financières n’autorisent donc le
juge à réviser le contrat conclu par les parties. Il ne lui appartient pas, quelque
équitable que puisse paraître sa décision, de prendre en considération le temps
et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des
clauses nouvelles à celle qui ont été librement acceptées par elles.

2. l’appréciation du principe

Le principe de l’impossibilité de la révision du contrat par le juge a en sa


faveur les arguments suivants :

- La volonté des parties qui auraient pu prévoir cette adaptation et ne


l’ayant pas fait en ont rejeté la possibilité. L’admettre constituera une
attente intolérable à la force obligatoire du contrat

89
- Le caractère dangereux de la révision au plan économique, le juge, par
son intrusion dans le contrat pouvant provoquer un déséquilibre
généralisé par le jeu des réactions en chaîne impossibles à prévoir ou
ouvrir la porte à la mauvaise foi et une volonté de se dérober à des
engagements devenus trop encombrants pour l’une des parties

Le principe de l’impossibilité de révision du contrat par le juge a contre lui


les arguments suivants :

- La volonté des parties : il est très bien possible de considérer que les
parties se sont engagées sous la condition tacite et raisonnable d’une
certaine stabilité économique de leur contrat ; et que si celle-ci venait
à changer, elles acceptaient une adaptation du contrat.
- Le caractère dangereux économique de la révision du contrat n’est pas
toujours prouvé, sinon la législation n’aurait pas permis aux parties
d’introduire dans leur contrat des clauses de révision qui paraît ainsi
avoir un effet néfaste sur l’économie du contrat.

- L’exigence de la bonne foi réclamée aux parties dans l’exécution du


contrat.

§2/- Les tempéraments

Ils proviennent du législateur et du juge.

2.1. Les tempéraments légaux

Le législateur intervient parfois pour imposer la révision de certains


contrats : on peut citer à cet égard l’article 116 de l’acte uniforme OHADA
portant droit commercial général qui prescrit la révision des loyers du bail dans
les conditions prévues par les parties ou à défaut lors de chaque renouvellement.
L’article 117 du même acte uniforme permet au juge, en cas de désaccord des
parties, de procéder lui-même à la révision du contrat et donc de fixer le nouveau

90
loyer à payer en tenant compte d’un certain nombre d’éléments testés par le
législateur communautaire.

2.2. Les tempéraments jurisprudentiels

Dans certains contrats, la jurisprudence française décide que le contractant


qui est avantagé par l’effet du bouleversement des circonstances économiques
doit accepter de renégocier le contrat sous peine de manquer à son devoir de
loyauté et à l’exigence de bonne foi requise de la part des contractants et d’être
condamné à des dommages-intérêts, qui vont permettre de rétablir l’équilibre
économique du contrat. (cass. 3 novembre 1992, RTD civ 1993, p 124obs J.
Mestre ; JCP 1992, II, 22164 note G. virassamy ; cass.com. 24 novembre 1998 JCP
1999, II, 12210 note P Picod, RTD civ 1999 p 98 n° 10 ibs Mestre). Dans ce cas
même si le juge ne procède pas lui-même à la révision des clauses du contrat, il
oblige cependant les parties à les renégocier.

2.3. Les tempéraments conventionnels

Les parties peuvent adapter leur contrat aux changements des


circonstances économiques. Cela ne pose guère de problème car les parties
étant maîtres de leur volonté, elles ont créé leur lien contractuel et ont donc la
possibilité de le modifier d’un commun accord. Les clauses utilisées à cet effet
sont d’une part les clauses de révision et d’autre part les clauses d’indexation ou
clauses d’échelle mobile.

2.3.1. Les clauses de révision

La clause de révision, également appelée clause de Hardship est la


stipulation par laquelle les parties s’engagent à renégocier leur contrat en cas de
changement des circonstances postérieurement à la formation du contrat. Une
telle clause impose aux parties une obligation de renégociation du contrat.

2.3.2. Les clauses d’indexation ou clause d’échelle mobile

91
Elle a pour objet de faire varier le prix du contrat en fonction de l’institution
d’un indice ou de la valeur marchande d’un produit ou d’un service (Ex : prix de
gaz ou du transport maritime). A cela on peut rapprocher les clauses dites
recettes qui font varier les loyers des baux commerciaux en fonction du chiffre
d’affaires réalisé par le preneur. Par ces clauses et d’autres du même genre, les
parties adaptent automatiquement leur contrat au gré des conditions. Leur
licéité est cependant subordonnée à une condition : elles doivent être en lien
soit avec l’objet du contrat (Ex : un prêt d’argent destiné à l’acquisition d’un
immeuble peut être indexé sur le coût de la construction) soit avec l’activité de
l’une des parties au contrat (Ex : le prix de cession d’un garage peut être indexé
sur le salaire d’un mécanicien du garage). La jurisprudence est largement
favorable à ces clauses et le protège afin qu’elles produisent leur efficacité
entière.

CHAPITRE V/-LA SANCTION DE LA VIOLATION DE LA FORCE OBLIGATOIRE DU


CONTRAT

La violation du lien contractuel entraîne la sanction du débiteur. En effet


ce débiteur qui n’exécute pas la prestation promise manque à sa parole et trahit
la confiance légitime que le créancier lui a accordée, ce qui est sanctionné par le
droit. Les sanctions prévues en pareil cas peuvent être rangées en deux
catégories, à savoir les sanctions qui sont communes à tous les contrats et les
sanctions qui sont propres aux contrats synallagmatiques.

92
SECTION I /- LES SANCTIONS APPLICABLES QUELQUE SOIT LE TYPE DE
CONTRAT

L’inexécution par le débiteur de son obligation contractuelle peut être


sanctionnée soit par l’exécution forcée en nature soit par la mise enjeu de la
responsabilité civile contractuelle à condition qu’il ait été mis en demeure de
façon infructueuse par le créancier.

§1/- La mise en demeure


Le créancier qui ne reçoit pas la prestation promise doit mettre son
débiteur en demeure ainsi que l’exigent les articles 1139 et 1146 du Code civil.
La mise en demeure consiste pour le créancier à sommer son débiteur
d’exécuter ses obligations. Dans sa forme, la mise en demeure peut résulter d’un
exploit d’huissier ou d’une assignation ou même d’un simple courrier d’où
ressort une interpellation suffisante (Cass. Civ 1er. 22 novembre 2007 RDC
2008/2 p 295).

La mise en demeure revêt une grande importance en cas de retard dans


l’exécution des obligations car elle fait courir les intérêts moratoires ainsi que
dans l’information du débiteur qui est ainsi prévenu de la volonté du créancier
d’exiger l’exécution du contrat. Elle met de cette façon, s’il s’agit d’un corps
certain,les risques à la charge du débiteur.

Lorsque l’exécution du contrat n’est plus possible soit parce le temps d’exécution
est passé soit parce que le dommage est consommée, la mise en demeure est
inutile. (Cass.com. 17 février 2009, RTD civ 2009 p322 obs B Fages).

§2/- L’exécution forcée en nature


Le mécanisme de l’exécution relève de l’étude des voies d’exécution. Son
domaine peut cependant être présenté.

1. S’agissant de l’obligation de payer une somme d’argent


Pour ce type d’obligation, l’exécution forcée en nature est toujours
possible. Le créancier peut toujours, en raison de la totale fongibilité de la

93
monnaie, obtenir exécution en pratiquant des saisies sur le patrimoine du
débiteur et en se payant sur le produit de la vente des biens de celui-ci.

2. S’agissant des obligations de faire ou de ne pas faire


Aux termes de l’article 1142 du Code civil « toute obligation de faire ou de
ne pas faire se résout en dommages-intérêts, en cas d’inexécution de la part du
débiteur ». Il faut cependant souligner le caractère non absolue de cette règle
car l’exécution forcée en nature est possible lorsqu’elle ne met pas en jeu la
personne du débiteur et ne suppose pas la preuve d’un préjudice comme pour
la responsabilité contractuelle (cass civ 3, 11 mai 2005 RTD civ 2005 p 396 obs J.
Mestre et B Fages). Si donc l’exécution en nature suppose l’intervention de la
personne du débiteur (Ex : écrire un livre ou peindre une maison), il ne peut être
procédé à l’exécution forcée en nature de l’obligation car cela entraînerait une
contrainte physique exercée sur le débiteur, ce qui est une atteinte à la liberté
individuelle. De même, le débiteur ne peut être condamné à s’exécuter sous
astreinte comminatoirequi se définit comme une condamnation à payer une
somme d’argent à raison du tant par jour, semaine ou mois de retard prononcée
par le juge contre un débiteur récalcitrant pour l’amener à exécuter son
obligation. En effet là aussi une pression forte serait exercée sur le débiteur et
portera atteinte à sa liberté individuelle. La seule sanction envisageable est la
mise en jeu de la responsabilité contractuelle du débiteur défaillant s’agissant
partiellement des obligations de ne pas faire, il convient d’indiquer que l’article
1143 du Code civil autorise le créancier à demander la destruction de ce qui a
été fait en violation de cette obligation. (Ex : la fermeture d’un fonds de
commerce créé en violation d’une obligation de non concurrence ou destruction
de maison construite en violation d’une servitude ou d’une obligation
contractuelle).

3. S’agissant des obligations de donner


Rien ne s’oppose à ce que ce type d’obligation puisse faire l’objet d’une
exécution forcée en nature.

§3/-La responsabilité civile contractuelle

94
C’est l’obligation qui incombe à l’une des parties à un contrat de réparer le
préjudice résultant de l’inexécution par elle du contrat. Les questions
essentielles de la responsabilité civile contractuelle sont les suivantes : les
conditions, la réparation du dommage, l’aménagement dans la responsabilité
contractuelle et les causes d’exonération.

1/-Les conditions de la responsabilité contractuelle

La responsabilité contractuelle suppose d’abord qu’il y ait, et c’est une


évidence, un contrat régulièrement formé. Elle suppose ensuite et surtout une
faute, un dommage et un lien de causalité entre les deux.

1.1. La faute : la violation du lien contractuel

Ce qui déclenche la responsabilité contractuelle et qui constitue le fait


générateur, c’est la violation du lien contractuel, c’est-à-dire le manquement de
l’une des parties à ses obligations contractuelles. Ces obligations sont dégagées
par les parties ou imposées ou même suggérées par les textes. Il arrive
néanmoins que la jurisprudence découvre des obligations non envisagées par les
parties. C’est le cas de l’obligation de sécurité dans le contrat de transport de
personnes (cir, 21 novembre 1911) S’agissant du type de manquement, une
distinction classique est admise. En tout état de cause, l’appréciation de la faute
est fonction de la nature de l’obligation non exécutée.

1.1.1. Les types de manquement contractuel

Il est classique de distinguer :

- Le défaut d’exécution (l’obligation n’est pas exécutée soit totalement soit


partiellement) du retard dans l’exécution (le débiteur accuse un retard
dans l’exécution de son obligation). Cette distinction résulte de l’article
1147 du code civil qui dispose : « Le débiteur est condamnné, s’il y a lieu,
au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de
l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne
justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut

95
lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part». Le
défaut d’exécution ouvre le droit à des dommages-intérêts
compensatrices, destinés à compenser l’inexécution tandis que le retard
dans l’exécution entraîne des dommages-intérêts moratoires destinés à
compenser le retard dans l’exécution qui a pu causer un dommage au
créancier.

- L’inexécution totale de l’inexécution partielle qui donne droit à des


dommages-intérêts dont le montant varie en fonction du degré de
l’inexécution. La résolution du contrat est exclusive en cas d’inexécution
si ce qui a été exécuté laisse subsister une cause suffisante de
l’engagement de l’autre partie, car en ce cas une condamnation à des
dommages-intérêts est suffisante. Si l’inexécution, est défectueuse, elle
est traitée comme une inexécution, qui peut être totale ou partielle.

1.1.2. La nature de l’obligation en cause

Si le débiteur s’est engagé à procurer au créancier un résultat déterminé,


sa responsabilité sera appréciée en fonction de l’atteinte ou non de ce résultat.
Cette appréciation se fait in concreto. Il y a une présomption de faute sur le
débiteur et sa faute sera prouvée simplement par l’absence du résultat qu’il a
promis. Par contre s’il s’est engagé seulement à faire tout son possible pour
obtenir un résultat donné, sa responsabilité sera appréciée en fonction des
moyens adéquats qu’il a mis en œuvre pour atteindre ce résultat. Cette
appréciation se fait in abstracto, c’est-à-dire par référence au comportement
d’un individu moyen. Le créancier doit démontrer que le débiteur n’a pas fait de
son mieux pour atteindre le résultat, et donc qu’il n’a pas mis les moyens
adéquats pour atteindre le résultat promis.

Cette distinction est critiquée par une partie de la doctrine qui lui reproche
son manque de pertinence. Il n’empêche, elle est fortement utilisée par les
tribunaux et largement reconnue et soutenu par une autre partie de la doctrine.

1.2. Le dommage

96
C’est le préjudice causé au créancier par le manquement du débiteur à son
obligation.

1.2.1. Les types de dommages

Le dommage peut être :


- Un dommage purement matériel (la perte d’un bien par exemple) ;
- Un dommage corporel (atteinte à l’intégrité physique du créancier) ;
- Un dommage moral (ex : douleur liée à la perte d’un être cher).

1.2.2. Les caractères du dommage

- Le dommage doit être certain et direct. Il peut être futur si sa


survenance est inéluctable. La perte de chance peut être
indemnisée à la condition d’exister réellement.

- Le dommage doit être indemnisable, c’est-à-dire qu’il doit atteindre


la personne dans un droit subjectif.

- Le dommage doit être prévisible : aux termes de l’article 1150 du


code civil « Le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui
ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lorsque ce n’est point par son
dol que l’obligation n’est point exécutée».

Le dommage prévisible se distingue de l’imprévision et il faut se garder de


les confondre ; car le débiteur n’est pas déchargé de sa responsabilité parce qu’il
n’a pu prévoir tel ou tel évènement qui rend sa prestation plus onéreuse. En fait,
l’article 1150 est comme un instrument de mesure : le débiteur doit pouvoir
évaluer le risque qu’il court du chef de contrat.

La question de la prévisibilité du contrat est une question de fait.


L’appréciation se fait toujours in abstracto au moment de la conclusion du
contrat, c’est-à-dire que doit être considéré comme imprévisible le seul
dommage dont les parties ne pouvaient raisonnablement envisager la
survenance. Certains contrats exigent à cet égard des déclarations spéciales de

97
valeur. En outre, ce qui est pris en compte, c’est la quotité du dommage et non
sa cause (Cass. civ. 3 août 1932 DH 1932, 572), car la seule prévision du type de
dommage potentiellement réalisable ne permet pas au débiteur d’anticiper avec
précision le montant des dommages-intérêts qu’il devra éventuellement payer.

N.B. : En cas dol, c’est-à-dire d’intention de nuire du débiteur, celui-ci sera


tenu selon l’article 1150 du code civil à la fois du dommage prévisible et du
dommage imprévisible. Au dol la jurisprudence assimile la faute lourde, c’est-à-
dire à la faute d’une particulière grave qui ne diffère du dol que parce qu’elle est
non intentionnelle. En tout état de cause le dommage allégué, comme la faute,
doit être prouvé.

1.3. Le lien de causalité

Pour que la responsabilité contractuelle soit engagée, il ne suffit pas qu’il y


ait une violation du lien contractuel et un dommage, Il faut aussi qu’il y ait un
lien de cause à effet entre cette violation et le dommage allégué. La mise en
œuvre de la responsabilité contractuelle suppose donc que la preuve soit
rapportée du lien causal entre l’inexécution reprochée au débiteur et le
dommage dont se prévaut le créancier. En effet, aux termes de l’article 1151 du
code civil « dans le cas même où l’inexécution de la convention résulte du dol du
débiteur, les dommages et intérêts ne doivent comprendre, à l’égard de la perte
éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite
immédiate et directe de l’inexécution de la convention».

Pour déterminer ce lien suffisant de causalité, il peut être recouru à deux


systèmes :

- Le système de l’équivalence des conditions qui consiste à dire que


toutes les causes doivent être considérées comme équivalentes en
ce qui concerne la production de l’effet. Il suffit donc pour que la
faute du débiteur soit retenue que le dommage puisse lui être
rattaché par un lien quelconque.

98
- Le système de la cause adéquate ou cause générique qui consiste à
dire que parmi les causes qui ont entraîné un évènement, l’on doit
distinguer les causes prépondérantes (celles sans lesquelles il est
certain que le dommage ne se serait pas produit) et les causes
secondaires (celles sans lesquelles il est possible que le dommage
se soit produit). L’on considère que par l’utilisation dans l’article
1151 du code civil des termes « suite immédiate et directe de
l’inexécution », le législateur a consacré ce système. La
jurisprudence globalement y est favorable. Cela se justifie par le fait
qu’il apparaît illogique de faire supposer au débiteur les
conséquences des actes indirects du créancier. En tout état de
cause, la détermination du caractère immédiat et direct du lien de
causalité relève de l’appréciation empirique des juges du fond.

2/- La réparation

La forme et l’étendue de la réparation ont été déterminées par le


législateur. La réparation peut être en nature ou pécuniaire.

2.1. La réparation en nature

La réparation en nature comporte exécution directe de l’obligation


contractée. Le créancier obtient du juge que le débiteur exécute l’obligation à
laquelle il s’est engagé. Cela n’est possible que dans certains cas particuliers.
(voir supra).

2.2. La réparation par équivalent

Dans la plupart des cas, la réparation du préjudice subi par le créancier se


fera sous la forme d’allocation de dommages-intérêts qui peuvent revêtir deux
formes et sont fixés par le juge ou les parties elles-mêmes.

2.2.1. Les formes de dommages-intérêts

99
- Il peut s’agir de dommages-intérêts moratoires : ceux-ci visent à réparer
le préjudice issu du retard du débiteur dans l’exécution de son obligation.

Ils sont des même si par la suite de débiteur exécute son obligation. Ils courent
à compter du jour où le débiteur a été mis en demeure de s’exécuter à condition
que la créance soit née et déterminée dans son quantum (montant).

Ils courent à compter du jugement s’il existe une contestation.

Ils sont calculés sur la base du taux d’intérêt légal fixé par décret. Les parties
peuvent prévoir un autre taux à condition qu’il soit fixé par écrit et ne soit pas
usuraire Il importe de signaler que les intérêts dus par le débiteur peuvent
également produire eux-mêmes des intérêts. C’est l’anatocisme.

Les intérêts sont dans ce cas capitalisés, les intérêts dus et non payés
produisant tous les mois à leur tour des intérêts dont le taux peut être beaucoup
plus élevé que le taux légal. Cela peut entraînée parfois un doublement de la
dette. C’est pourquoi pour protéger le débiteur, l’article 1154 du Code civil exige
que la capitalisation des intérêts soit demandée en justice et accordée par
jugement ou par une convention spéciale en cas d’accord des parties ; et il doit
s’agir en outre d’intérêts dus pour une année entière.

- Il peut ensuite s’agir de dommages-intérêts compensatoires : c’est une


indemnité qui vise à réparer le préjudice causé par la non-exécution de
l’obligation quand il n’est pas possible de vaincre la résistance du débiteur
ou quand le temps fixé pour l’exécution est expiré.

2.2.2. La fixation des dommages-intérêts par le juge

Ordinairement c’est le juge qui fixe les dommages-intérêts, c'est-à-dire en


évalue le montant, sauf pour les dettes de sommes d’argent où c’est la loi qui en
fixe le chiffre (supra-article 1153 du Code civil). Pour fixer les dommages-intérêts
le juge doit tenir compte de tout le préjudice. C’est le principe de la réparation
intégrale du préjudice. (Civ. 16 février 1954, D1954, 534). A titre de rappel, ce
préjudice comprend le préjudice moral et/ou matériel, le gain manqué (lu crum

100
cessans) la perte subie (damnum emergens) (article 1149 du code civil) et sous
certaines conditions, le préjudice futur certains dores et déjà au jour du
jugement, mais exclut le préjudice éventuel, hypothétique, indirect et
impossible à prévoir (voir supra).

2.2.3. La fixation des dommages-intérêts par les parties elles-mêmes : la


clause pénale

- La clause pénale est celle par laquelle les contractants évaluent par
avance les dommages- intérêts dus par le débiteur, en cas de retard ou
d’inexécution, par exemple les clauses de dédit. Son objet est donc la
réparation du préjudice.

- La validité de la clause pénale est reconnue par le Code civil qui la


réglemente (articles 1152, de 1226 à 1233 du Code civil) sauf dans
certains contrats comme le contrat de travail ou de crédit où elle est
interdite.

La clause pénale est plus fréquente dans les contrats d’entreprise. La clause
pénale ne peut se greffer que sur un contrat valable, dont la validité ne doit pas
être frappée de nullité (article 1227 du Code civil)

- La clause pénale revêt les caractères suivants :

Tout d’abord,
 Elle tient lieu de dommages-intérêts de sorte qu’une évaluation
conventionnelle de ces dommages-intérêts est substituée à l’évaluation
du juge. Cela entraîne les conséquences suivantes :

 Le débiteur n’est tenu de payer la clause pénale que dans le cas où il peut
être condamné à des dommages-intérêts, c’est-à-dire s’il a été mise en
demeure de s’exécuter et si l’inexécution lui est imputable (article 1230
du Code civil). Le créancier en revanche n’a pas à prouver le préjudice
que l’inexécution lui cause puisque celui-ci a été d’avance présumé et
évalué.

101
 Le créancier a le droit lorsque le débiteur n’exécute pas son obligation,
de poursuivre l’exécution directe de l’obligation toutes les fois qu’elle est
possible. C’est seulement au cas où elle est impossible qu’il doit se
contenter de demander la peine stipulée (article 1228 du Code civil).

 Le créancier ne peut demander en même temps le principal, c'est-à-dire


l’exécution de la prestation promise, et la peine à moins que cette
dernière n’ait été stipulée pour le simple retard (article 1229 alinéa 2 du
Code civil).

Ensuite, la clause pénale a un caractère forfaitaire. La parties ayant ainsi fixé


de façon définitive le chiffre des dommages-intérêts pour le cas d’inexécution ou
de retard, il ne peut être alloué au créancier une somme plus forte ni moindre
par le juge, quand même celui-ci trouverait le chiffre fixé insuffisant ou exessif
(article 1152 du Code civil). Ce principe est appliqué strictement par la
jurisprudence (Voir Cir., 14 février 1866, GAJC, 12è éd, Dalloz., p. 208, civ. 23 mai
1940 D.H 1940. 161). En France, cette révision est également permise lorsque la
clause est manifestement excessive ou dérisoire, toute stipulation contraire
étant réputée non écrite. Il importe de préciser que lorsque l’obligation a été
exécutée en partie, l’article 1231 du Code civil permet au juge de modifier la
peine ; et cas de dol du débiteur, la jurisprudence décide qu’il peut être alloué
des dommages-intérêts dépassant le forfait contractuellement prévu.

3/- L’aménagement de la responsabilité contractuelle

Ce sont les hypothèses où la responsabilité contractuelle qui n’est pas


d’ordre public est organisée par les parties qui, de cette façon, aménagent elles-
mêmes les conséquences de l’inexécution du contrat.

Deux types d’aménagements sont possibles : soit elles limitent la


responsabilité (clauses limitatives de responsabilité) soit elles l’excluent (clauses
de non-responsabilité).

3.1. Clauses limitatives de responsabilité

102
Ce sont les clauses par lesquelles les parties fixent le maximum possible de
dommages-intérêts. La responsabilité du débiteur est limitée en ce que, une fois
sa faute établie, les dommages-intérêts auxquels il peut être condamné sont
plafonnés.

- En principe ces clauses sont valables même en absence de texte, sauf


dans certains contrats comme le contrat de travail. Elles lient non
seulement les parties mais également leurs héritiers agissant es qualité
(s’ils ont recueilli par la voie successorale l’action de la victime).
Toutefois, pour éviter les abus le juge contrôle le plafond fixé par les
parties qui ne doit pas être trop bas au point de s’apparenter à une
clause exclusive de responsabilité (cass. civ. 14 avril 1924, DH, 1924,
293).

- Dans certains cas la clause limitative de responsabilité ne joue pas : tel


est le cas en cas de dol du débiteur ou des personnes dont il doit
répondre (Cass.civ. 1ère 22 octobre 1975 D 1976 P 151 note
J.MAZEAUD) ou de faute lourde de celui-ci (Cass. civ. 16 mars 1936, s.
1936, 1, 205). Tel est également le cas si la clause vide l’obligation
principale de toute sa substance.

Il importe de signaler que dans certains domaines comme en matière de


transport maritime et aérien, c’est le législateur lui-même qui fixe les plafonds
de responsabilité.

3.2. Les clauses de non-responsabilité

Par elles, les parties excluent toutes responsabilité en ce qu’elles


affranchissent le débiteur de sa responsabilité contractuelle : il ne sera
nullement responsable en cas d’inexécution tardive ou défectueuse ce, même si
le créancier apporte les preuves de sa faute dans l’exécution de ses obligations.

- La validité de la clause exclusive de responsabilité a été admise en


matière contractuelle. (la situation est différente en matière

103
délictuelle). (Cass. civ. 24 janvier 1874 DP, 1876 ; 1 133. Cass. soc. 3
août 1948 D 1950 p 536)

- La clause n’est cependant pas valable dans les cas suivants :


 En cas de dol ou de faute lourde (Cass. civ, 7 janvier 1952, D 1952,
651)

 La clause vise les dommages causés à l’intégrité physique du corps


humain (Com. 19 janvier 1951 D 1951, 717).Cela s’explique par le
fait que dans ce cas la clause porte atteinte à l’ordre public (on ne
peut se réserver la possibilité d’être de mauvaise foi et les
conventions relatives à l’intégrité physique sont en principe nulles).

 Si une loi spéciale le prévoit (Ex : en matière de droit du travail et en


matière de transport de marchandises).

4/- Les causes d’exonération

Le débiteur échappe à la responsabilité contractuelle quand l’inexécution


est imputable à une cause étrangère (article 1147 du Code civil), sauf s’il est tenu
d’une obligation de garantie. On distingue deux types de causes étrangères :
d’une part, la force majeure et d’autre part, le fait d’un tiers ou du créancier lui-
même.

4.1. La force majeure

Aux termes de l’article 1148 du code civil « Il n’ ya lieu à aucun dommages


et intérêts lorsque, par suite d’une force ou d’un cas fortuit, le débiteur a été
empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était
interdit». La force majeure est également appelée cas fortuit. Pour être admise,
la force majeure exige la réunion de 3 conditions :

- D’abord, l’inexécution doit provenir d’une cause étrangère au


débiteur, c'est-à-dire que l’événement ne doit pas être imputable à un

104
fait du débiteur ou des personnes dont il répond ou de la chose qu’il
utilise pour l’exécution de contrat

- Ensuite, l’événement doit être imprévisible au moment de la


conclusion du contrat car s’il pouvait être prévu, les parties auraient dû
en tenir compte dans leur convention.

- Enfin, l’événement doit être irrésistible, c'est-à-dire insurmontable


pour le débiteur qui a été ainsi empêché de s’exécuter. Cette
insurmontabilité est une question de fait, qui dépend des circonstances
et appréciée in abstacto et non par rapport aux forces personnelles du
débiteur.

La jurisprudence dans son ensemble montre de la sévérité dans l’admission


de la force majeure. Elle exige en effet un empêchement absolu et rejette le fait
rendant l’exécution par le débiteur de son obligation plus difficile ou plus
onéreuse. (Civ. 14 janvier 1941 D.A 1941. 66).

Il appartient au débiteur de prouver la force majeure. Et s’il y arrive, il est


libéré de son obligation qui est éteinte (articles 1148 et 1302 du Code civil), sauf
s’il s’est engagé à garantir l’exécution de son obligation ou s’il a pris en charge
les cas fortuits (article 1772 du Code civil). Lorsque la force majeure se combine
avec la faute du débiteur (faute n’étant pas à l’origine de la force majeure) la
libération de celui-ci n’est que partielle (Cass. civ 13 mars 1957 D 1958. 73). Si
l’impossibilité n’est que temporaire, le débiteur n’est pas libéré de son obligation
qui n’est que simplement suspendue (Cass. com. 1er décembre 1992, JCP Ed G.
1993, IV, 392)

4.2. Le fait d’un tiers ou du créancier

Le débiteur est encore exonéré par une cause étrangère au cas où


l’inexécution est due au fait fautif ou non du créancier lui-même ou d’un tiers (le
débiteur doit n’avoir pu ni prévoir ni empêcher le fait du tiers et ce tiers ne doit
pas être le représentant légal ou conventionnel du débiteur ou son préposé
chargé d’exécuter pour lui le contrat ou de l’aider dans cette exécution).

105

Vous aimerez peut-être aussi