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By Boom Angel

AE-FSJP/UD

By Boom Angel
696378913
By Boom Angel
DROIT DES OBLIGATIONS II
NIVEAU 2
Département : Droit privé fondamental
Filière : Droit Privé
FSJP

INTRODUCTION GENERALE

Les délits sont à côté des contrats, l’autre principale source d’obligations. Au sens large, le délit est tout fait illicite de
l’homme qui est susceptible d’engager sa responsabilité envers autrui. Au sens strict, c’est le fait de l’homme résultant
d’une faute intentionnelle et qui engage sa responsabilité civile. Aussi, le délit se distingue du quasi-délit qui résulte plutôt
d’une faute non intentionnelle. Le code civil rend bien compte de cette différence entre les deux notions. En effet, l’article
1382 vise le délit lorsqu’il dispose : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par
la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». En revanche, l’article 1383 envisage le quasi-délit en ces termes : « Chacun est
responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sans négligence ou par son
imprudence ».

Les obligations qui naissent des délits ou quasi-délits constituent le socle de la responsabilité civile délictuelle. Celle-ci
doit être distinguée à la fois de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité pénale.

La responsabilité délictuelle se distingue d’abord de la responsabilité contractuelle.

Celle-ci permet de sanctionner tout défaut dans l’exécution du contrat : inexécution, mauvaise exécution ou encore
exécution tardive. Elle suppose donc au préalable l’existence d’un contrat valable liant les parties. En revanche, la
responsabilité délictuelle est indépendante de tout lien contractuel entre les protagonistes. Elle est engagée lorsqu’un
dommage a été causé à une personne par le fait d’une autre personne. La jurisprudence (Civ, 11 janv. 1922) a posé le
principe du « non-cumul » des responsabilités contractuelle et délictuelle : selon ce principe, si le dommage se rattache à
l’exécution d’un contrat, il n’est pas possible d’en demander la réparation sur le fondement de la responsabilité
contractuelle et délictuelle. En tout état de cause, l’on ne saurait obtenir réparation d’un même dommage sur le
fondement des deux responsabilités.

La responsabilité délictuelle se distingue ensuite de la responsabilité pénale. En effet, alors que le but premier de la
responsabilité civile est de réparer le dommage, la responsabilité pénale, par contre, vise d’abord à sanctionner un
comportement nuisible à la société et qualifié d’infraction. Le but de la responsabilité pénale est avant tout de punir
l’auteur d’un fait ayant troublé l’ordre social. Le sort de la victime passe donc au second plan alors qu’il est la
préoccupation principale de la responsabilité civile délictuelle.

Cela étant, il convient d’entreprendre l’étude de la responsabilité civile délictuelle en commençant par en préciser les
fondements (Chap. préliminaire), avant d’en envisager les variantes, à savoir :

-la responsabilité du fait personnel ( Chap. I) ;

-la responsabilité du fait d’autrui ( Chap.II) ;

-la responsabilité du fait des choses ( Chap. III).

CHAPITRE PRELIMINAIRE : LES FONDEMENTS DE LA RESPONSABILITE CIVILE DELICTUELLE

La question fondamentale qui domine l’étude de la responsabilité civile délictuelle est celle-ci : pourquoi l’auteur du
dommage doit-il être condamné à indemniser la victime ?

Depuis fort longtemps, il a toujours été soutenu que l’auteur du dommage doit réparation à la victime parce qu’il a commis
une faute. Autrement dit, la responsabilité civile délictuelle a pour fondement la faute de l’auteur du dommage
(Section.1). La révolution industrielle de la fin du XIXe siècle, caractérisée notamment par le développement du
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machinisme, a mis à mal cette théorie traditionnelle. Ainsi, sont apparues d’autres théories qui, pour l’essentiel, ont eu
tendance à admettre des cas de responsabilité sans faute, sans pourtant dénier toute incidence à celle-ci (Section . 2).

SECTION I : LE FONDEMENT TRADITIONNEL DE LA RESPONSABILITE CIVILE :

la faute La place prépondérante reconnue à la faute comme fondement de la responsabilité civile délictuelle par la théorie
traditionnelle, procède de l’idée de rattacher celle-ci à la responsabilité morale (P. 1). Cette conception a subi de
nombreuses critiques (P. 2).

Parag. 1 : Le contenu de la théorie traditionnelle

Selon la théorie traditionnelle, il n’y a de responsabilité civile que si l’acte ou l’imprudence, voire la négligence reprochée
à une personne, est illicite et moralement répréhensible. En effet, sur le plan moral, le dommage causé à autrui ne peut
ou ne doit être réparé que si le responsable a commis une faute. L’article 1382 du code civil semble confirmer cette
conception lorsqu’il dispose que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la
faute duquel il est arrivé, à le réparer ». Autrement dit, la victime doit, pour obtenir réparation, prouver la faute de l’auteur
du dommage dont il se plaint. S’il ne parvient pas à faire une telle preuve, l’auteur présumé du dommage devrait
normalement échapper à toute condamnation.

Deux questions ont été suscitées par ce système. La première était de savoir si la faute devait servir de fondement à tous
les cas de responsabilité. La seconde était de savoir si toute sorte de faute pouvait justifier la condamnation de l’auteur
du dommage.

S’agissant de l’étendue de la responsabilité pour faute, la théorie traditionnelle considérait que la faute était bel et bien
le fondement unique de toute responsabilité. En ce qui concerne la responsabilité du fait personnel, on invoquait les
dispositions de l’article 1382 qui font une référence directe à la faute et celles de l’art. 1383 qui établissent une distinction
entre la faute intentionnelle et la faute non intentionnelle. Pour la responsabilité du fait d’autrui et la responsabilité du
fait des choses, la théorie traditionnelle considérait que les articles 1384, 1385 et 1386 établissaient des présomptions de
faute, de sorte que celle-ci restait bien le fondement de la responsabilité des parents, commettants, artisans, ou encore
des propriétaires ou gardiens d’une chose. Autrement dit, le fait qu’un dommage ait pu être causé par un enfant, un
apprenti ou un préposé, laisse supposer qu’une faute de surveillance est imputable aux parents ou aux maîtres et
commettants.

En somme, pour la théorie traditionnelle, tous les types de responsabilité ont pour fondement la faute. La seule différence
entre la responsabilité du fait personnel et les responsabilités du fait d’autrui ou du fait des choses est relative au régime
de la preuve : dans le premier cas, la victime doit rapporter la preuve de la faute (faute prouvée), dans les deux autres,
elle en est dispensée (faute présumée).

S’agissant de la nature de la faute pouvant engager la responsabilité de l’auteur du dommage, la théorie traditionnelle
était d’avis que toute faute, intentionnelle ou non, grave ou légère, devait conduire à la condamnation de son auteur.
Comme l’a relevé un des rédacteurs du code civil ( Tarrible), « dès qu’il y a eu faute ou imprudence, quelque légère que
soit son influence sur le dommage commis, il en est dû réparation. D’ailleurs, dans un tel système, le montant de
l’indemnité n’est pas proportionnel à la gravité de la faute mais dépend de la seule étendue du dommage.

Parag . 2 : La critique de la théorie traditionnelle

Les transformations économiques et industrielles qui se sont amplifiées à la fin du 19e siècle à la faveur du développement
du machinisme ont entraîné la remise en cause de la théorie traditionnelle. En effet, l’accroissement des accidents dus à
l’utilisation des machines de toutes sortes avait pour conséquence de laisser de nombreuses victimes sans réparation,
celles-ci étant dans l’incapacité ou l’impossibilité de faire la preuve de la faute de l’utilisateur ou du propriétaire. Or, dans
le système défendu par la théorie classique, il fallait absolument rapporter la preuve de la faute du défendeur, sauf dans
les cas où la loi elle-même prévoyait une dispense de preuve (présomption de faute). Cette exigence de la preuve de la
faute s’avérait ainsi inadaptée aux besoins sociaux et, d’une certaine, pouvait même apparaître immorale en laissant les
victimes d’accidents totalement démunies.
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Aussi, s’est développé, petit à petit, un courant d’idées, tant en législation qu’en jurisprudence, favorable à
l’indemnisation des victimes même en l’absence de preuve de la faute de la personne poursuivie. Ce fut en tout cas
l’apparition des cas de responsabilité sans faute dans divers secteurs d’activités. L’un des tous premiers fut celui établi
par la loi du 9 avril 1898 relative aux accidents de travail qui prévoyait que l’employeur devait indemniser l’ouvrier en cas
d’accident de travail, même si aucune faute ne pouvait lui être reprochée. Pour venir en aide à certaines victimes, la
jurisprudence eut recours à divers procédés : la théorie des « faits fautifs » par laquelle elle admettait que la preuve de
l’accident, dans certains cas, suffisait à prouver la faute de l’auteur du dommage ; l’obligation de sécurité mise à la charge
du transporteur et qui permet à la victime (ou à ses ayants droits) d’un accident de circulation, d’obtenir réparation en
rapportant simplement la preuve du dommage ( Civ, 21 nov. 1911, D. 1913.I. 249) ; admission progressive d’un principe
général de la responsabilité du fait des choses.

Malgré tous ces efforts, force était de constater qu’il ne s’agissait là que de réponses particulières ou partielles et qui
laissaient encore de nombreux dommages non réparés. Il fallait donc trouver d’autres fondements à la responsabilité
délictuelle. C’est ce à quoi vont s’atteler les théories modernes.

SECTION 2 : LES FONDEMENTS MODERNES DE LA RESPONSABILITE CIVILE DELICTUELLE

Face à l’insuffisance du système de responsabilité civile fondé sur la faute à permettre la réparation de tous les dommages,
les auteurs se sont employés à rechercher d’autres fondements. On a ainsi proposé de faire reposer l’obligation de
réparation, soit sur le risque (P. 1), soit sur la garantie (P. 2).

Parag. 1 : La théorie du risque

Cette théorie a été notamment proposée ou défendue par Saleilles (Les accidents du travail et la responsabilité civile,
1897) et Josserand ( De la responsabilité du fait des choses inanimées, 1897). Contrairement à la théorie de la faute qui a
un caractère subjectif (en ce qu’elle est fondée sur l’appréciation du comportement de l’auteur du dommage), la théorie
du risque se veut objective. Il convient de l’exposer (A) avant d’envisager les critiques qu’elle a suscitées (B.

A. Exposé de la théorie du risque

La théorie du risque se présente sous une double forme : la théorie du risque-profit d’une part, la théorie du risque-créé
d’autre part.

1. Théorie du risque-profit

Pour les tenants de cette idée, le fondement de la responsabilité civile délictuelle se trouve dans l’idée de risque. Dans
cette conception, il est normal que celui qui tire profit d’une activité supporte, en contrepartie, la charge du dommage
causé aux tiers et qui en découlent.

On résume la théorie du risque-profit par la formule latine « Ubi emolumentum ibi onus » ( là où il y a le gain, il y a aussi
la charge). La charge va donc de pair avec le profit économique.

Ainsi exposée, la théorie du risque-profit a pour conséquence que la victime du dommage n’est plus tenue ni de prouver,
ni même de présumer la faute de l’auteur. Il lui faut simplement établir que le dommage dont elle se plaint résulte bien
de l’activité de l’auteur. Et celui-ci doit réparer le dommage parce qu’il a tiré profit de son activité.

Conçue pour justifier l’admission de la responsabilité sans faute des gardiens des choses inanimées, la théorie du risque-
profit ne semblait pouvoir s’appliquer que dans les cas où l’auteur du dommage avait mené une activité lucrative, c-à-d
une activité qui lui rapportait quelque bénéfice matériel ou pécuniaire. Elle apparaissait donc inapte à permettre la
réparation des dommages lorsque ceux-ci avaient été causés en dehors de toute activité lucrative. C’est pour cette raison
que d’autres auteurs l’ont modifié pour élargir le champ d’application de la responsabilité pour risque.

2. Théorie du risque-créé

Dans cette autre approche de la théorie du risque, on considère que la notion de profit doit être entendue dans le sens le
plus large. Aussi, tout profit quelconque, qu’il soit pécuniaire ou même moral, justifie la condamnation de l’auteur du
dommage (ainsi en est-il de l’automobiliste qui sort juste pour prendre l’air). Autrement dit, celui qui tire le moindre profit
de l’utilisation d’une chose ou d’une activité, doit réparation par cela seul à celui à qui il a pu causer un dommage. En tout
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cas, dès qu’il a, par son activité, exposé autrui à un risque, réparation est due à celui-ci en cas de dommage. Celui qui agit
doit donc assumer les conséquences ou les suites de son action.

La théorie du risque a eu une influence certaine sur le droit de la responsabilité civile. Elle a été invoquée pour justifier
certains régimes spéciaux de responsabilité, notamment en matière de réparation des accidents du travail (loi de 1898)
des accidents de circulation (loi de 1985/ ord. De 1989) ou encore des risques sanitaires (loi du 4 mars 2002 relative aux
risques sanitaires). Au-delà de ces cas particuliers, c’est la responsabilité du fait des choses qui reflète le mieux l’influence
de la théorie du risque. En tout cas, quelle que soit sa variante, la théorie du risque tend à « objectiver » la responsabilité
civile. Celle-ci doit devenir objective car elle a pour seul but d’indemniser la victime. Toute considération morale (ce qui
est le propre d’une responsabilité fondée sur la faute) disparaît et la question fondamentale devient celle de la causalité.
Celui qui a causé le dommage du fait de son activité à risques est, à cette seule condition, tenu de le réparer. L’appréciation
du comportement importe peu.

B. Critique de la théorie du risque

Malgré cette influence, la théorie du risque s’est heurtée à de nombreuses critiques. On lui notamment objecté de vouloir
paralyser toute activité humaine en prônant la condamnation de l’auteur du dommage pour la seule raison qu’il aurait
tiré profit de son activité ou exposé autrui au danger. De même, on a pu lui opposer qu’elle n’a pas abouti, contrairement
à ce que pensait Saleilles, à « jeter par-dessus bord » la faute. Dans de nombreux cas, en effet, celle-ci a conservé un rôle
important même dans le domaine conquis par le risque.

Dès lors, certains ont proposé une théorie mixte consistant à dire que le fondement de la responsabilité civile serait double
: dans certains cas, la faute, dans d’autres le risque. Pour certains tenants de cette conception (Savatier), la faute reste la
source principale de la responsabilité, le risque étant la source secondaire ou intervenant à titre subsidiaire ; pour d’autres
(Josserand), par contre, les deux sont au même titre ou de manière égale les fondements de la responsabilité civile, l’une
à savoir la faute, étant à la base de la responsabilité du fait personnel, l’autre, c’est-à-dire le risque, justifiant la
responsabilité du fait d’autrui et du fait des choses.

Parag. 2 : La théorie de la garantie

Elle est l’œuvre de B. Starck (Essai d’une théorie générale de la responsabilité civile considérée en sa double fonction de
garantie et de peine privée, thèse Paris, 1947). A la théorie de la faute et à celle du risque, il reproche d’aborder la question
du fondement de l’obligation de réparer qu’en se plaçant du seul côté de l’auteur du dommage (celui-ci est responsable
soit parce qu’il a commis une faute, soit parce qu’il a profité d’une activité risquée).

La théorie de la garantie se propose donc de mettre du côté de la victime. Ce qui est essentiel pour Starck, « c’est le
dommage subi par la victime ou plus précisément, l’atteinte portée à l’un de ses droits. Dès lors, chacun a droit à ce que
ces droits soient protégés, garantis. Aussi, toute atteinte quelconque à un droit protégé est une raison suffisante pour
qu’une sanction soit prononcée contre l’auteur. Cette sanction n’est autre chose que l’obligation de réparer le préjudice
subi par la victime, c’est-à-dire c’est-à-dire la responsabilité de celui qui l’a causé. En cas de dommage corporel ou
matériel, la victime bénéficie d’une garantie objective à la charge de l’auteur du dommage, sans qu’il soit nécessaire de
prouver la faute de celui-ci. En revanche, lorsqu’il s’agit d’un dommage purement économique ou moral (dommage
indépendant de toute atteinte corporelle ou matérielle), il n’y a de responsabilité que si l’auteur du dommage a commis
une faute.

En somme, dans la démarche de B. Starck, la responsabilité civile se réduit à un conflit entre deux prérogatives : le droit
à la sécurité de la victime et le droit d’agir de l’auteur.

Le premier doit l’emporter sur le second lorsque le dommage subi par la victime ne présente pas un caractère de nécessité
(puisque l’auteur aurait pu agir sans le causer : dommage matériel ou corporel). En revanche, le second doit « prendre le
dessus » lorsque le dommage est nécessaire, c’est-à-dire qu’il est inhérent à l’activité considérée qui ne peut se
développer sans dommages : dommage économique ou moral). Au total, dans ce système, le dommage matériel ou
corporel donne lieu à réparation, indépendamment de toute recherche de la faute de l’auteur ; la réparation du dommage
purement économique ou moral est subordonnée à la preuve d’une faute commise par l’auteur.

Telle est brièvement résumée, la théorie de la garantie proposée par Starck. Certes, la faute n’est plus dans sa conception
la condition nécessaire de la responsabilité civile, mais il reste que dans un grand nombre de cas, elle continue de jouer
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un rôle important. Elle permet en tout cas à la responsabilité civile d’assumer sa fonction de prévention et de répression
des conduites blâmables ou répréhensibles (peine privée).

En conclusion à ce chapitre, il convient de relever que des trois principaux fondements sus-évoqués, c’est le risque qui a
largement perdu toute influence sur l’admission de la responsabilité civile. En revanche, la faute et la garantie sont le plus
couramment invoquées pour justifier la réparation. Finalement, le problème du fondement de la responsabilité civile se
retrouve enfermé dans le dilemme insoluble de la conciliation des intérêts de l’auteur (prise en compte de la faute) et de
la victime (nécessité ou garantie de la réparation)./.

CHAPITRE PREMIER : LA RESPONSABILITE DU FAIT PERSONNEL

La responsabilité du fait personnel est la règle. En effet, dans la plupart des situations de la vie, chacun répond des
conséquences négatives de ses actes vis-à-vis des tiers. Ce n’est que rarement que l’on est responsable du fait d’autrui.

Ceci étant, le régime juridique de responsabilité du fait personnel résulte de la combinaison des dispositions des articles
1382 et 1383 du code civil. Selon ces textes, on est responsable du dommage causé à autrui par sa faute, sa négligence
ou son imprudence. La responsabilité suppose donc la réunion de certaines conditions (Section 1). Dans certains cas,
l’auteur du dommage peut s’exonérer (Section 2) et si malheureusement, il ne le peut pas, il doit réparation à la victime (
Section 3).

SECTION I : LES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITE

Comme la responsabilité contractuelle, la responsabilité délictuelle est subordonnée à trois conditions : un dommage (P.
1), un fait générateur (P. 2) et un lien de cause à effet entre le fait générateur et le dommage (P. 3).

Parag. 1 : Le dommage

L’exigence d’un dommage subi par le demandeur est l’un des traits distinctifs de la responsabilité civile par rapport à la
responsabilité pénale car celle-ci punit même la simple tentative. Le dommage est le préjudice souffert par une personne
du fait de l’action ou de l’omission d’une autre personne. En principe, le dommage qui est pris en compte, c’est le
dommage direct, c’-à-d le dommage qui affecte la victime et qui fonde son action en réparation (A). Cependant, le droit
positif admet aussi la réparation du dommage dit « par ricochet », c’à-d le dommage dont une tierce personne peut se
prévaloir à la suite du préjudice subi par la victime directe, pour également demander réparation (B).

A. Le dommage direct

Le dommage subi par la victime peut être matériel (1) ou moral (2).

1. Le dommage matériel

Le dommage matériel correspond à une atteinte à une valeur patrimoniale, telle que la destruction ou la détérioration
d’une chose. Il peut aussi consister en un dommage corporel comme en cas d’atteintes à l’intégrité physique (lésions
corporelles). Comme en matière contractuelle, le dommage matériel résulte de la perte éprouvée (appauvrissement
occasionné par le dommage : c’est le damnum emergens) et du gain manqué (tous les profits que le fait dommageable a
empêché de faire : c’est le lucrum cessans). Le dommage réparable doit être direct, actuel et certain.

En premier lieu, le dommage doit être direct, c-à-d qu’il doit résulter du fait générateur du dommage. Cette exigence
permet de poser le problème des préjudices en cascade. En effet, il arrive qu’un acte répréhensible entraîne un premier
dommage qui cause par la suite d’autres dommages (ex. un fermier achète un poulet atteint par la grippe aviaire qui
contamine l’ensemble de son élevage). Il s’agit alors de savoir si l’auteur de l’acte délictuel doit réparer tous les préjudices.
Dans une espèce particulière (un homme qui était devenu handicapé à la suite d’un accident de circulation, ne put, dix
ans après, s’enfuir de son lit qui avait pris feu et décéda de ses blessures. La cour d’appel condamna l’auteur de l’accident,
considérant que l’handicap qui en était résulté, était la seule cause qui avait empêché le malheureux de quitter le lieu du
sinistre), la Cour de cassation ( Civ, 2e, 8 févr. 1989) a par exemple jugé que si un premier préjudice a été réparé, son
responsable ne peut être condamné à réparer d’autres préjudices survenus, bien que ceux-ci en soient toujours la
conséquence, si la victime avait désormais les moyens de les éviter.
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Ensuite, le dommage doit être actuel. Il en est ainsi lorsque le dommage est déjà réalisé. Cependant, le dommage peut
aussi être simplement futur, c-à-d qu’il se réalisera dans l’avenir. La jurisprudence décide que dans le cas où sa réalisation
est certaine, la victime a droit à la réparation (ex. Accident donnant lieu à des complications). Le dommage futur ne dit
pas être confondu avec le dommage éventuel : c’est celui dont la réalisation est hypothétique. Il ne peut ouvrir droit à
réparation.

Enfin, le dommage doit être certain. En d’autres termes, la perte ou le préjudice subi par le demandeur doit être établi.
Cette preuve est difficile en ce qui concerne le dommage futur.

Un tel dommage peut paraître incertain dans certains cas (ex. perte d’un enfant sur lequel on comptait, accident d’un
travailleur le rendant inapte). Usant de leur pouvoir souverain d’appréciation, les tribunaux admettent ce préjudice au
titre de ce qu’il est d’usage d’appeler la « perte d’une chance». Il s’agit d’un préjudice résultant de la disparition de l’espoir
probable d’un événement ou d’une situation futurs favorables. La perte d’une chance s’apprécie au regard des
probabilités de succès. Comme l’a relevé la Cour de cassation ( Civ, 1re, 27 janv. 1970), « un préjudice peut être invoqué
dès lors qu’une chance existait et qu’elle a été perdue ».

Si la chance perdue présente un caractère réel et sérieux, elle est certaine, et les juges admettent que le préjudice bien
que futur est alors certain et qu’est réparable ( Civ, 2e, 12 mai 1966) ; ex. indemnité accordée à des parents pour la perte
d’un enfant qui était sur le point d’achever ses études qui le promettaient à une brillante carrière : Req. 20 nov. 1939, DH.
1940. 77 ; condamnation d’un chirurgien pour le retard apporté à son intervention, ce qui a fait perdre au patient une
chance d’éviter le préjudice subi : Civ, 17 nov. 1970, JCP. 1970 .IV. 323). En revanche, si la chance perdue est ni réelle, ni
sérieuse, le préjudice est alors qualifié d’éventuel ou d’hypothétique par les tribunaux. Il est non réparable.

Il convient de préciser que la réparation de la perte d’une chance est nécessairement arbitraire. En effet, la réparation est
mesurée à la chance perdue dont la valeur est déterminée en tenant compte des probabilités. Elle est forcément partielle
car elle correspondra à un certain pourcentage de l’indemnité que le dommage effectivement subi aurait justifié s’il n’y
avait pas eu simple perte d’une chance.

2. Le dommage moral

Il s’agit d’un dommage extrapatrimonial en ce sens qu’il n’affecte pas le patrimoine de la victime. Il a un caractère
psychologique. Pendant longtemps, le principe même de sa réparation a été contesté, certains considérant qu’il était
choquant de « monnayer ses larmes » devant les tribunaux (« Battre monnaie avec ses larmes, a-ton-dit, c’est rendre la
victime odieuse, méprisable, du moins celle qui ne se borne pas à demander un franc symbolique).

Ceci étant, le préjudice moral donne droit à réparation, quelle que soit sa source. Dans certains cas, le dommage moral
est indépendant de toute atteinte corporelle ou matérielle et résulte de l’atteinte aux droits extrapatrimoniaux ou droits
de la personnalité (atteinte à l’honneur : propos diffamatoires ou injurieux ; atteinte à la vie privée ; au nom, au droit à
l’image etc). Dans d’autres cas, le dommage provient d’une atteinte corporelle : le pretiumdoloris (souffrances physiques),
le préjudice d’agrément (ex. privation des joies du mariage : impuissance du mari), préjudice esthétique (cicatrices,
mutilations), le préjudice d’affection ou pretium affectionis (chagrin provoqué par la mort d’un être cher). Il peut aussi
provenir d’une atteinte matérielle : perte d’un animal (mort d’un cheval de course : 16 janv. 1962, D. 1962. 199, JCP. 1962.
II. 12557) ou destruction de choses.

B. Le dommage par ricochet

D’autres personnes, autres que la victime directe ou immédiate, peuvent souffrir des conséquences ou des suites des
dommages causés à celle-ci. On dit alors qu’il y dommage par ricochet. La victime par ricochet est donc une personne qui
subit un dommage par contrecoup du dommage subi par une autre personne (ex : l’enfant qui perd ses parents dans un
accident de circulation). Pendant longtemps, la jurisprudence s’est divisée sur la question de savoir si un tel dommage,
qu’il soit matériel (1) ou moral (2) était réparable. Envisageons séparément les deux situations.

1. Dommage matériel par ricochet

La reconnaissance d’un tel dommage ne s’est pas faite sans difficulté. Dans un premier temps, on a soutenu que la lésion
d’un intérêt quelconque suffisait pour obtenir réparation.
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Ainsi, la victime avait droit à l’indemnité dès lors que le dommage apparaissait certain. Le motif invoqué était que « l’article
1382 du code civil ne formulait aucune distinction en ce qui concerne la nature du fait dommageable, la nature du
dommage éprouvé et, en cas de décès de la victime, la nature du lien d’où résulterait un préjudice actuel et direct pour
celui qui demande la réparation ». Mais, à partir de 1937 la chambre civile (v Civ, 27 juil. 1937, D. 1938. 1. 8) a décidé que
la responsabilité suppose « non un dommage quelconque, mais la lésion certaine d’un intérêt légitime juridiquement
protégé ». En d’autres termes, seul le dommage résultant de l’atteinte à un droit et même à un droit muni d’action (en
justice) était susceptible de réparation. La chambre civile allait s’appuyer sur cette jurisprudence pour refuser toute
indemnisation aux concubines (Aff. Kredens, 7 avril 1967, JCP. 1968. II.15510 : concubine aveugle mère de 5 enfants).
Pendant longtemps, la chambre criminelle statuait dans le même sens en refusant l’action en réparation à ceux qui ne
pouvaient faire valoir un lien de droit avec la victime directe de l’accident ( Crim, 13 fév. 1937, D. 1938,1. 38 : la cour
rejette l’action d’une concubine, non pour immoralité, mais parce que le préjudice allégué « ne reposait pas sur un devoir
légal d’assistance susceptible de servir de fondement à une obligation valable »). Elle finit par renoncer, dès 1954, d’exiger
un tel lien entre la victime et le demandeur (dommage par ricochet : 16 déc. 1954, JCP. 1954.II. 8505). Il y avait donc
opposition entre les positions des deux chambres. Pour y mettre un terme, la Chambre mixte devait, dans un arrêt rendu
le 27 février 1970 ( JCP. 1970.II.16305) décider que l’application de l’article 1382 du code civil n’est pas soumise à la
constatation par le juge d’un lien de droit unissant le demandeur à la victime directe. Ainsi, le droit à l’indemnisation de
la victime par ricochet ne devait plus être subordonné à l’existence d’un lien de droit entre elle et la victime directe du
dommage.

2. Dommage moral par ricochet

La question est ici de savoir si la douleur éprouvée en raison de la mort d’une personne ou même les souffrances physiques
subies par elle peut ouvrir un droit à réparation à la victime par ricochet. Autrement dit, le préjudice d’affection est-il
indemnisable ? Alors qu’une partie de la doctrine se montrait hostile contre l’indemnisation de ce genre de dommage, la
jurisprudence civile, l’a depuis fort longtemps admise ( Civ 13 fév. 1923, DP 1923. 1. 52 ) suivie en cela par la jurisprudence
administrative ( C.E 24 nov. 1961, D. 1962. 34). Cependant, la jurisprudence n’en a pas moins fluctué.

D’une part, en effet, la jurisprudence a entrepris de délimiter le nombre de personnes susceptibles d’invoquer la
réparation du pretium affectionis. Ainsi a-t-elle initialement décidé que seules les personnes pouvant se prévaloir d’une
obligation alimentaire à la charge du de cujus étaient recevables à agir, tels que les descendants et ascendants. Par la
suite, la Cour de cassation devait décider que toute personne dont l’action était « fondée sur un intérêt d’affection né du
lien de parenté ou d’alliance » avec la victime pouvait demander réparation, tels les frères et sœurs ( Crim, 2 fév 1952,
JCP 1953.II.7354), les beaux frères et belles sœurs, les neveux et nièces, le conjoint ( Civ, 23 déc. 1947, DC 1948. 112).
Finalement, elle a admis l’action de personnes ayant de simples rapports pré ou para-familiaux avec la victime, tels le
fiancé ( Crim,5janv 1956, D. 1956. 216), le pupille ( Civ, 20 janv. 1967, JCP 1968.II. 15510), la concubine ou l’enfant
adultérin dont la filiation n’a pas été établie.

D’autre part, la jurisprudence a tenté de contenir la multiplication des actions des victimes par ricochet, en décidant que
lorsque la victime immédiate du dommage est seulement blessée, celles-ci ne peuvent demander réparation du préjudice
moral que leur cause ses souffrances ( Req. 22 déc. 1942, D. 1945. 99). Mais, par la suite, elle a fini par admettre l’existence
et l’autonomie d’un tel préjudice ( Civ, 22 oct. 1946, JCP 1946.II. 3365) tout en exigeant que la douleur ressentie par les
victimes par ricochet soit d’une « gravité exceptionnelle » ( Civ, 14 déc. 1972, D. 1973.IR 26). Cette restriction a finalement
été levée.

Parag. 2: Le fait générateur

Le fait générateur de responsabilité est un fait direct d’une personne, qui cause à autrui un dommage. Comme le prévoit
l’article 1382 du code civil, il s’agit bien « de tout faitquelconque de l’homme » constitutif d’une faute civile (distincte de
la faute pénale en ce qu’elle porte atteinte simplement à un intérêt privé). En effet, pour que la responsabilité de l’auteur
du dommage soit engagée, il faut qu’il ait commis une faute. Il revient au juge de constater l’existence de cette faute (la
qualification d’un comportement en fait fautif ou non est une question de droit soumise au contrôle de la Cour de
cassation. v. Civ, 28 fév. 1910, DP 1913.1. 43). C’est dire que le fait de nature à engager la responsabilité personnelle de
son auteur doit être un fait fautif.
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La faute est donc le fondement de la responsabilité du fait personnel. Il nous faut préciser successivement sa nature (A)
et ses éléments constitutifs (B).

A. La nature de la faute

D’emblée, il faut préciser que la faute peut provenir, soit d’une action : il s’agit alors d’une faute de commission, c-à-d un
acte positif (comme le fait de blesser une personne en lui donnant un coup de poing) ; soit d’une abstention : c’est
l’hypothèse de la faute par omission, c-à-d un acte négatif, (comme le fait de laisser un incendie se propager : Loysel a dit
« Qui peutet n’empêche, pêche »). Cela dit, de la combinaison des articles 1382 et 1383 du code civil, il ressort que la
faute qui engage la responsabilité civile peut être une faute intentionnelle (1) ou une faute d’imprudence ou de négligence
(2).

1. La faute intentionnelle

Dite encore faute délictuelle, la faute intentionnelle est celle qui est volontairement commise par une personne. Elle
n’implique pas nécessairement l’intention de nuire, c-à-d que l’auteur ait agi avec malveillance. Il suffit simplement que
le préjudice ait été envisagé par l’auteur de l’acte. En tout cas, on considère qu’ il y a faute intentionnelle lorsque l’auteur
a agien pleine conscience de causer un dommage à autrui ou lorsqu’il a agi d’une manière qu’ilsavait devoir nuire à autrui.
Pour décider qu’il y a faute intentionnelle, le juge doit se livrer à une analyse du comportement concret de l’individu ayant
provoqué le dommage. La faute intentionnelle s’apprécie donc in concreto : la faute est appréciée par rapport à la
situation précise dans laquelle se trouvait celui qui l’a commise.

2. La faute d’imprudence ou de négligence

Il y a faute d’imprudence ou de négligence lorsque l’acte ou l’abstention n’est pasillicite en soi, mais l’est seulement parce
qu’il ou qu’elle devait être envisagé(e) comme de nature à entraîner un dommage pour autrui et qu’il existe un devoir
général de prudence ou de diligence (faire attention de ne pas causer de préjudice à autrui). Autrement dit, pour qu’un
dommage soit imputé à quelqu’un à titre d’imprudence ou de négligence, il faut que l’auteur ait eu la possibilité de le
prévoir et de l’éviter (par ex. le fait de jeter un mégot de cigarette dans une corbeille à papier sans l’avoir éteint). Au fait,
l’auteur a voulu l’acte mais n’a pas voulu causer le dommage. La faute d’imprudence ou de négligence est en quelque
sorte une faute non intentionnelle. C’est un quasi-délit.

Pour admettre une faute d’imprudence ou de négligence, les tribunaux adoptent une appréciation in abstracto en ce sens
qu’ils se référent au comportement qu’aurait eu un bon père de famille, c-à-d un homme raisonnable ou de capacité
moyenne placé dans la même situation. Mais, les tribunaux tiennent aussi compte des données physiques ou mentales,
voire intellectuelles ou professionnelles de l’auteur (appréciation in concreto).

En définitive, qu’elle soit intentionnelle ou non intentionnelle, la faute doit être établie. La preuve de la faute incombe à
la victime ( actori incombit probatio). Elle peut être rapportée par tous moyens admis par la loi, notamment par
présomptions, témoins, car il s’agit de la preuve d’un fait juridique et non d’un acte juridique. Le défendeur peut, de son
côté, utiliser tous les moyens pour prouver qu’il n’a pas commis de faute, c-à-d qu’il s’est comporté avec la diligence
ordinaire ou raisonnable. Il n’est pas tenu de faire la preuve de la cause étrangère pour se disculper ( Paris, 17 juin 1981,
GP. 1982,1. somm. 30). Lorsque la cause du dommage est restée inconnue, le demandeur doit normalement être débouté.
Autrement dit, en matière de responsabilité civile fondée sur l’article 1382 du code civil, le doute sur la cause exacte du
dommage profite au défendeur.

B. Les éléments constitutifs de la faute

Les articles. 1382 et 1383 du code civil ne contiennent aucune indication précise sur les éléments constitutifs de la faute.
La question est ici de savoir si la faute civile doit nécessairement, comme la faute pénale, avoir un élément légal (1) et un
élément moral (2). Il nous faut envisager successivement ces deux éléments.

1. L’élément légal

Il s’agit de savoir si la faute ne doit être prise en compte que lorsque l’action (acte positif) ou l’abstention (acte négatif)
est en contravention avec prescription légale. La réponse n’est ni aisée, ni tranchée.
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Selon une première opinion, l’action et l’abstention ne sont fautives que si dans le premier cas l’auteur était interdit de
commettre l’acte et que, dans le second, il était obligé d’agir. Ainsi, il doit y avoir violation d’une règle de droit pour que
le contrevenant soit considéré comme fautif. Dans un arrêt rendu le 18 avril 2000, la 1re chambre civile a jugé que ne
donne pas de base légale à sa décision au regard de l’art. 1382 du code civil, la cour d’appel qui déclare l’occupant d’un
immeuble responsable de l’accident survenu à un passant qui a glissé sur le verglas recouvrant le trottoir, au motif que la
commune apposait régulièrement une affiche rappelant aux riverains l’obligation, en cas de verglas, de jeter des cendres
ou du sable sur la chaussée, sans rechercher quelle disposition légale ou réglementaire imposait de telles mesures.

Mais, selon une autre opinion, la responsabilité énoncée par les art. 1382 et 1383 est engagée sans qu’il soit nécessaire
que le fait reproché à l’auteur du dommage ait été commis en violation d’une disposition législative ou réglementaire (
Civ, 16 mars 1955, D. 1955. 323).

C’est dire que la faute civile n’est pas subordonnée, comme la faute pénale, à l’exigence d’une disposition légale ( nullum
crimen sine lege).

2. L’élément moral

Il est admis que la faute civile comporte un élément moral. Autrement dit, la faute qui engage la responsabilité de l’auteur
du dommage implique une appréciation d’ordre moral, c-à-d un jugement de valeur sur ce qui est bien et ce qui est mal.
La faute est ainsi une manière d’agir ou de ne pas agir qui est moralement blâmable. Le fait générateur de responsabilité
est donc un fait fautif et non un fait dommageable quelconque.

Il va de soi que certains faits sont moralement condamnables (assassinat, vol, etc), de sorte que parfois la loi elle-même
les interdit ou les érige en infractions pénales. Mais il y a de nombreuses fautes civiles qui ne constituent pas des
infractions. C’est dire que l’élément moral ne doit pas être apprécié au sens pénal du terme. La morale qui est en cause
ici n’est ni une morale religieuse, ni une morale laïque. De même, le juge ne doit pas en l’absence d’un texte légal ou
réglementaire, pour décider si un fait est fautif ou non, appliquer un critère purement personnel de la morale. Il doit tenir
compte des valeurs ou de la mentalité moyenne de la société.

Parag. 3 : Le lien de causalité

Pour obtenir réparation, la victime du dommage doit établir le lien de cause à effet qui existe entre le fait générateur
(faute intentionnelle, faute d’imprudence ou de négligence) et le dommage. Il lui faut, en quelque sorte, prouver que le
dommage est la suite directe de la faute de l’auteur. En tout cas, la faute n’engage la responsabilité de son auteur que si
elle est la cause effective du dommage ( Civ, 2 mars 1956. D. 1956. 341 ; 21 avr. 1966,JCP. 1966.II.14710).

L’établissement de la causalité n’est jamais aisé car il est rare que le dommage soit le résultat d’un seul fait ou d’un seul
facteur. En général, le dommage résulte de l’enchaînement d’un ensemble de facteurs dont chacun a pris une part plus
ou moins importante dans sa survenance. Pour déterminer la cause du dommage, la doctrine a proposé différentes
théories : la théorie de l’équivalence des conditions (A), la théorie de la causalité adéquate (B) et la théorie de la proximité
de la cause (C).

A. La théorie de l’équivalence des conditions

De manière simple, cette théorie considère que tout fait en l’absence duquel le dommage final ne serait pas survenu a la
même valeur causale. Autrement dit, tout ce qui a été une condition du dommage est de valeur équivalente. Ainsi,
lorsqu’une cause et une seule est génératrice de responsabilité, on la retient comme si elle était l’unique cause du
dommage. Ex. Un parent laisse traîner imprudemment et en évidence un fusil. Un de ses enfants s’en empare et blesse
ou tue un camarade en la manipulant. On va considérer que l’accident n’a été possible que par la faute initiale du père.
On reporte ainsi la charge de la réparation sur celui-ci.

B. La théorie de la causalité adéquate

D’après cette théorie, on ne saurait retenir comme cause d’un dommage tout fait quelconque ayant joué un rôle dans sa
réalisation. Il faut opérer une sélection parmi les causes possibles. Ainsi, on ne doit retenir comme causes directes du
dommage que les faits qui virtuellement, pouvaient rendre le dommage probable « d’après le cours habituel des choses
».
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Cette théorie obligerait le juge à se livrer à un difficile exercice de reconstitution dans chaque espèce pour déterminer
l’événement pouvant apparaître comme la cause essentielle du dommage. Il y a là un risque certain d’arbitraire.

C. La théorie de la proximité de la cause

Elle se résume en une idée : de tous les événements ayant concouru à la réalisation du dommage, seul serait à retenir
comme cause du dommage, le fait qui s’est chronologiquement produit le dernier (causa proxima). Il s’agit d’une
appréciation fort simpliste de la causalité.

En conclusion, il faut faire une double observation. En premier lieu, il faut dire que toutes les théories ci-dessus évoquées
ne suffisent à rendre pleinement compte de la causalité dans tous les cas. On doit ainsi se remettre à la sagesse des juges.
En second lieu, il faut indiquer que le rapport de causalité constitue une question de droit soumise au contrôle de la Cour
suprême. Celle-ci vérifie donc si les juges du fond ont constaté l’existence du rapport de cause à effet entre le fait
générateur allégué et le dommage.

SECTION II : LES CAUSES D’EXONERATION DE RESPONSABILITE

Tout dommage n’entraîne pas forcément la responsabilité de l’auteur. Il est des situations ou des circonstances qui
suppriment la responsabilité du fait personnel. Ce sont les faits justificatifs (P. 1), le cas fortuit et la force majeure (P. 2)
et la faute de la victime (P. 3).

Parag. 1 : Les faits justificatifs

Selon le lexique des termes juridiques, les faits justificatifs sont des circonstances matérielles ou juridiques dont la
réalisation neutralise la responsabilité pénale ou civile. Ils découlent de la volonté expresse ou tacite du législateur et
échappent ainsi à celle de l’auteur.

Ce sont : l’ordre de la loi et le commandement de l’autorité légitime (A), la légitime défense et l’état de nécessité (B.

A. L’ordre de la loi et le commandement légitime

Il y a ordre de la loi lorsque la loi autorise un acte ou ordonne une abstention. Tant du point de vue pénal que civil, il est
admis que l’acte ou l’abstention ordonné par la loi ne peut entraîner la responsabilité de son auteur (ex. Il a été jugé que
l’acte de violence commis sur la personne ou les biens d’un délinquant pour l’appréhender est légitimé par la loi et ne
saurait engager la responsabilité de l’auteur de l’arrestation, Civ, 10 juin 1970, D. 1970. 691).

Il y a commandement légitime lorsque l’auteur de l’acte a reçu l’ordre d’une autorité légitime de faire ou de ne pas faire
quelque chose. Dans ce cas, s’il en résulte un dommage pour autrui, il n’y a pas de responsabilité de l’auteur. Toutefois,
l’acte accompli sur l’ordre de l’autorité légitime laisse subsister la responsabilité si son auteur n’a pu se méprendre sur
son caractère illicite ( Civ, 18 mars 1955, D. 1955. 573). Par ailleurs, la Cour de cassation a décidé que le fait que la loi ou
le règlement autorisent un acte n’a pas pour effet de relever ceux qui accomplissent cet acte de l’obligation générale de
prudence et de diligence sanctionnée par l’art. 1382 ( Civ, 14 juin 1972,D. 1973. 423).

Pour finir, il faut relever que l’ordre donné par les père et mère, l’employeur ou le maître n’est jamais une cause
justificative de l’acte illicite.

B. La légitime défense et l’état de nécessité

Il est de règle que celui qui agit en situation de légitime défense ne répond pas des conséquences de son acte dès lors que
celui-ci était proportionnel à la gravité de l’atteinte redoutée ou éprouvée. La défense de la personne comme des biens
justifie donc le dommage causé à autrui.

Il y a état de nécessité lorsqu’une personne se trouve dans l’obligation de causer un dommage moins grave à autrui pour
éviter de causer un dommage plus grave. Autrement dit, l’on cause un dommage minime pour éviter de causer un
dommage plus important (Ex. Pour éviter d’écraser un piéton, un automobiliste préfère heurter un véhicule en
stationnement). En principe, dans une telle situation, il n’y a pas faute ni responsabilité. Mais, lorsque le dommage a été
causé volontairement en vue d’un certain profit (personnel ou pour le compte d’un tiers), la victime pourrait obtenir
réparation sur la base de la gestion d’affaires si les conditions de celle-ci sont réunies (art. 1375).
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En définitive, il faut relever qu’à côté des cas ci-dessus évoqués, deux autres situations posent problème. Il s’agit du
consentement de la victime et de l’acceptation des risques.

S’agissant du consentement de la victime, la question est de savoir s’il peut faire disparaître le caractère blâmable de
l’acte dommageable. On considère que la réponse est affirmative s’il s’agit d’une atteinte au patrimoine, tout propriétaire
ayant la libre disposition de ses biens ( volenti non fit injuria). En revanche, s’il s’agit d’une atteinte à l’intégrité physique,
on affirme que le consentement de la victime ne supprime pas la faute de l’auteur du dommage, la vie et l’intégrité
corporelle étant hors commerce et donc indisponibles (ex. la condamnation de l’euthanasie).

Quant à l’acceptation des risques, on considère qu’elle n’est pas normalement une cause d’exonération de la
responsabilité ( Civ, 1er déc. 1965, JCP 1966. II. 14657). Toutefois, l’acceptation des risques peut être retenue en matière
sportive ( Civ, 16 juin 1976, JCP 1977.II.18585), sauf ceux qui découlent de fautes (violences excessives). Autrement dit,
l’acceptation suppose la connaissance du danger possible et le caractère licite de l’activité dangereuse.

Parag. 2 : La force majeure et le cas fortuit

S’agissant de notions que nous avons déjà rencontrées en étudiant la responsabilité contractuelle, il y a simplement lieu
de rappeler que la force majeure et le cas fortuit constituent des causes d’exonération de l’auteur du dommage. Il s’agit
donc pour ce dernier d’établir que le dommage n’est pas dû à sa faute mais à une cause qui lui est étrangère et qui
présente à la fois un caractère imprévisible et irrésistible. Il peut même invoquer un événement prévu ou prévisible dès
lors qu’il peut démontrer qu’il lui était impossible d’empêcher qu’il ait des conséquences dommageables.

La tâche du défendeur n’est donc pas aisée car il doit établir une double preuve : une preuve négative, à savoir celle de
l’absence de faute, et une preuve positive, celle de des faits ou circonstances de nature à expliquer la réalisation du
dommage.

Parag. 3 : La faute de la victime

Il y a faute de la victime lorsque celle-ci a contribué volontairement à la réalisation du dommage qu’elle a subi ou a agi
avec négligence ou imprudence. La faute de la victime signifie donc que la victime n’est pas innocente dans ce qui lui est
arrivé ou est sujette à reproche. Ainsi, l’acceptation des risques peut constituer une faute de la victime qui exonère
totalement ou partiellement l’auteur du dommage. Jugé en matière d’accidents de circulation que constitue une faute le
fait :

-de monter dans une voiture conduite par une personne en état d’ivresse ( Civ, 20 mai 1969,D. 1969. 645) ;

-de se laisser conduire par un individu ne disposant pas d’un permis de conduire ( Civ, 27

juin 1974, JCP 1974.IV. 296) ;

-de ne pas porter de ceinture de sécurité ( Rouen, 23 juil. 1980, GP 1981. 1. somm p. 163).

-En définitive, lorsque le comportement de la victime n’a pas été étranger à la réalisation du dommage, celle-ci va
supporter partiellement ou totalement le dommage. Il importe peu que le fait de la victime soit fautif ou non. La Cour de
cassation a en effet décidé que lorsque la victime est un enfant privé de discernement, son fait a un effet partiel ou total
selon le rôle causal qu’il a exercé (A.P, 9 mai 1984, JCP 1984.II.20256).

SECTION III : LA REPARATION DU DOMMAGE

C’est le but poursuivi par la mise en œuvre des règles de la responsabilité du fait personnel. Elle ne suppose pas
nécessairement un jugement de condamnation de l’auteur du dommage. En effet, les parties peuvent décider de régler à
l’amiable le litige par la voie de la transaction. Aux termes de l’art. 2044 du code civil, la transaction est un contrat par
lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Il faut d’ailleurs préciser qu’en
matière d’accidents de circulation, le code Cima impose pratiquement à l’assureur de proposer une transaction à la
victime du dommage ou à ses ayants droit.

Cela dit, la réparation du dommage est en général décidée par le juge. Il convient alors de préciser d’abord le régime de
l’action en responsabilité avant de s’intéresser au régime de la réparation.
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Parag. 1 : L’action en réparation

Pour étudier l’action en réparation, il faut envisager successivement son exercice (A), sa prescription (B) et de la juridiction
compétente pour en connaître (C).

A. L’exercice de l’action

Qui peut exercer l’action en réparation et contre qui ? Telles sont les deux questions qui nous préoccupent ici.

L’action n’appartient qu’à la victime du dommage ou à ses ayant cause. Toute personne ne saurait agir qu’en leur nom.
Ainsi, les créanciers de la victime peuvent, en vertu de l’art. 1166 du code civil, exercer l’action en réparation du dommage
causé aux biens. Il en est autrement en cas de dommage physique ou moral, l’action ayant ici un caractère strictement
personnel. Toutefois, il est admis que lorsque le dommage causé à la personne physique diminue sa capacité de travail,
ses créanciers peuvent intenter son action en dommages et intérêts, mais l’indemnité allouée à la victime ne pourrait lui
être attribuée dans la mesure où celle-ci a un caractère alimentaire.

L’action en responsabilité est transmissible à cause de mort. La Cour de cassation décide que le droit à réparation du
dommage résultant de la souffrance physique éprouvée par la victime avant son décès, étant né dans son patrimoine, se
transmet à ses héritiers ( Ch.mixte,30 avr. 1976, D. 1977. 185).

L’action est exercée contre l’auteur du dommage et les personnes civilement responsables. S’ils sont morts, elle est
exercée contre leurs ayants cause à titre universel.

Lorsque le dommage a été causé par plusieurs personnes, l’action est normalement dirigée contre toutes. Celles-ci sont
tenues in solidum à l’égard de la victime, c-à-d que n’importe laquelle de ces personnes est condamnée à réparer le
dommage en totalité ( Civ, 4 déc. 1941.

DC. 1941. 124).

B. La prescription de l’action

Sauf disposition particulière, la durée de la prescription est celle de la prescription de droit commun, soit trente ans.
Cependant, lorsque le fait générateur du dommage constitue une infraction, l’action en réparation est alors prescrite dans
le même délai que l’action publique (soit dix ans pour les crimes, trois ans pour les délits, un an pour les contraventions).
Toutefois, la jurisprudence écarte la prescription pénale lorsque l’objet de l’action, en dehors du fait délictueux, a son
principe dans un contrat antérieur ou dans une disposition légale, ou quand il s’agit d’une action en indemnité pour
dommage causé à la propriété, ou encore lorsqu’il s’agit de la responsabilité du fait des choses, etc. Indiquons qu’une loi
française du 23 déc. 1980 a mis fin à la règle de l’unité des prescriptions civiles et pénales lorsque le fait générateur de
responsabilité constitue une infraction pénale.

C. La juridiction compétente

Lorsque le fait générateur ne constitue pas une infraction, la victime doit porter son action devant le TPI ou le TGI statuant
en matière civile. La compétence est alors subordonnée au montant de la demande. En revanche, lorsque le fait
générateur réside dans une infraction pénale, la victime a le choix, soit de porter sa demande devant la juridiction civile,
soit devant le juge répressif en se constituant partie civile. L’option une fois exercée est irrévocable, selon la maxime
Electa una via non datur recursus ad alteram. Si c’est cette voie qui est choisie, la victime y aura avantage quant à la
preuve qui est à la charge du ministère public.

Parag. 2 : Le régime de la réparation

Les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour déterminer le mode de réparation (A) et l’étendue de la
réparation (B).

A. Le mode de réparation

On considère que le juge a le libre choix du mode de réparation, c-à-d choisir le mode d’indemnisation qui lui paraît le
plus approprié parmi ceux qui sont possibles. Il peut ainsi se prononcer en faveur d’une réparation en nature. Ainsi, en
cas de dommages matériels, par ex. d’accident ayant entraîné la destruction ou sa détérioration d’une chose, le juge peut
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condamner l’auteur à fournir une chose identique ou à la réparer. S’agissant des dommages moraux, tels ceux résultant
de propos diffamatoires, le juge peut ordonner la publication du jugement dans la presse aux frais de l’auteur.

Mais, en général, le juge opte pour une condamnation pécuniaire de l’auteur du dommage. Il appartient alors au juge de
distinguer les divers éléments du dommage et de procéder à leur évaluation pécuniaire.

B. L’étendue de la réparation

Un principe général domine ici : c’est celui de la réparation intégrale du préjudice. Il s’agit de réparer tout le préjudice
subi par la victime et rien que le préjudice. Autrement dit, l’indemnité ayant pour mesure le préjudice subi (et non la
gravité de la faute), la réparation ne saurait ni lui être supérieure, ni inférieure. Force est alors de constater que
l’évaluation du préjudice peut être soit objective, soit subjective. Dans certains cas, en effet, le préjudice peut être
complètement réparé, la somme offerte à la victime permettant par exemple d’acquérir une chose identique ou de
procéder à la réparation de la chose ou de compenser la perte de salaires, etc. En revanche, dans d’autres cas, la nature
du dommage est insusceptible d’une évaluation monétaire précise (Quel est le prix de la douleur ?). Le juge dispose ainsi
d’un pouvoir souverain d’appréciation. Par ailleurs, il n’est même pas obligé de « détailler » les divers préjudices qui
rentrent dans son calcul et peut par conséquent accorder une somme globale qui est censée compenser l’entier
dommage.

Pour terminer, il convient de préciser que dans certaines matières, il existe des limitations légales de responsabilité,
notamment en droit des transports. Ainsi, l’action en responsabilité des victimes par ricochet y est soumise. La réparation
est limitée sauf faute intentionnelle (dolosive) ou inexcusable du transporteur. Les clauses conventionnelles limitatives
ou exclusives de responsabilité sont nulles en matière délictuelle, celle-ci étant d’ordre public. Il s’agit de préserver la
fonction préventive et même répressive de la responsabilité civile./.

CHAPITRE II : LA RESPONSABILITE DU FAIT D’AUTRUI

En matière de responsabilité civile, le principe est la responsabilité du fait personnel.

Autrement dit, on est responsable pour les dommages que l’on a personnellement causé à autrui.

Cependant, il arrive que l’on soit responsable du fait d’autrui. Et, en effet, le code civil énonce à l’article 1384, al. 1er : «
On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par
le fait de personnes dont on doit répondre… ». En outre, les alinéa 4,5 et 6 précisent les cas de responsabilité du fait
d’autrui. La question qui s’est posée depuis fort longtemps est de savoir si ces cas sont indicatifs ou limitatifs. D’une
manière constante, la jurisprudence s’est toujours prononcée en faveur de l’opinion selon laquelle les cas de
responsabilité délictuelle du fait d’autrui sont exclusivement ceux qui figurent dans l’art. 1384, alinéa 4,5 et 6 précités
(Section 1). Mais, avec le fameux arrêt Blieck rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation le 29 mars 1991, la
jurisprudence admet finalement l’existence d’une responsabilité générale du fait d’autrui (Section 2).

SECTION I : LA SOLUTION TRADITIONNELLE

La limitation des cas de responsabilité du fait d’autrui Face aux tentatives de certaines juridictions de fond tendant à
généraliser la responsabilité du fait d’autrui (Dijon, 27 fév. 1965, D. 1965. 459), la Cour de cassation a toujours opposé
une fin de non recevoir : l’énumération de l’art. 1384. al 4, 5 et 6 est limitative (Civ, 12 fév. 1956, JCP. 1956, II. 9564 ; 24
nov 1976, D. 1977. 595). Il en résulte que les seules personnes responsables du fait d’autrui sont :

-le père et la mère pour les dommages causés par leurs enfants mineurs (art. 1384. al. 4) ;

-les maîtres et les commettants pour les dommages causés par leurs domestiques et préposés (art. 1384. al. 5);

-les instituteurs et les artisans pour les dommages causés par leurs élèves et apprentis (art. 1384. al.6).

Comment expliquer ces cas de responsabilité ? Il a été avancé que ces personnes ont été choisies en raison de deux
circonstances : l’insolvabilité de l’auteur du dommage et l’autorité caractérisée exercée par les personnes responsables
sur la personne ou l’activité de l’auteur du dommage. Cela étant, étudions successivement ces cas de responsabilité.
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Parag. 1 : La responsabilité des père et mère

Aux termes de l’art. 1384. al. 4, « Le père et la mère, après le décès du mari, sont responsables du dommage causé par
leurs enfants mineurs habitant avec eux ». Il convient de préciser le régime de la mise en œuvre de la responsabilité des
parents avant de voir comment ceux-ci peuvent en échapper.

A. Le régime de la responsabilité des parents

Il nous faut d’abord fixer le domaine de la responsabilité du fait d’autrui (1) avant d’en préciser les conditions (2).

1. Le domaine de la responsabilité

Selon les énonciations de l’art. 1384. al. 4 précité, seul le père et la mère dans certains cas, est responsable du fait de son
enfant mineur. Après avoir déterminé les personnes responsables, on s’intéressera aux mineurs dont ils répondent.

a) Les personnes responsables

C’est en principe au père qu’incombe la responsabilité du dommage causé par un enfant mineur. La mère n’est
responsable qu’en cas de décès de celui-ci. La jurisprudence a admis la responsabilité de la mère dans d’autres cas :

-lorsque le père est hors d’état de manifester sa volonté (éloignement, aliénation mentale, etc) ;

-lorsque la garde de l’enfant lui a été attribuée en cas de divorce ou de séparation de corps ;

-lorsque le père a été déchu de la puissance paternelle.

Ainsi, la responsabilité prévue à l’art. 1384. al. 4 ne pèse que sur le père et exceptionnellement sur la mère. En revanche,
elle n’incombe point aux autres membres de la famille : grands-parents, oncles et tantes, etc ou à toute autre personne
ou institution à qui l’enfant serait confié.

b) Les mineurs concernés

La loi parle d’enfant mineur sans autre précision. Aussi, il est admis que les parents sont responsables des dommages
causés par tous leurs enfants mineurs même émancipés, sauf ceux émancipés par le mariage (Poitiers, 2 fév. 1950, D.
1950. 249). On considère qu’il ne peut dépendre des parents de se soustraire par l’émancipation aux devoirs qui leur
incombent.

2. Conditions de la responsabilité

Pour que la responsabilité des parents soit engagée, il faut que trois conditions essentielles soient réunies : la cohabitation,
le fait de l’enfant et la faute des parents.

a- La cohabitation :

Cette première condition est expressément prévue par la loi. Le père ou la mère ne peuvent engager leur responsabilité
que si l’enfant mineur qui a causé un dommage à un tiers habitait avec eux. La nécessité de la cohabitation de l’enfant
avec ses parents se justifie au regard du devoir de surveillance qui pèse sur ces derniers. En effet, à défaut de cohabitation,
il n’y a pas possibilité de surveillance. Ainsi, il a été jugé que les parents ne répondent pas du dommage causé par l’enfant
pendant le temps où il était pensionnaire dans un collège ou durant la période où il était en vacances chez ses grands-
parents. Il apparaît ainsi que la jurisprudence exige une cohabitation matérielle de l’enfant avec ses parents. La solution
n’est plus la même en droit français. En effet, la Cour de cassation a jugé que l’exercice d’un droit de visite et
d’hébergement ne fait pas cesser la cohabitation du mineur avec celui des parents qui exerce sur lui le droit de garde et
donc l’autorité parentale ( Civ, 2e, 19 févr. 1997).Par ailleurs, elle a décidé que le fait pour les parents de confier
temporairement l’enfant à un centre médico-pédagogique ou à un organisme de vacances ou à un internat ne fait pas
cesser la cohabitation.

Il a aussi été jugé ainsi dans un cas où l’enfant a été placé chez sa grand-mère ( Crim, 8 févr. 2005). Il résulte de ces
décisions que la jurisprudence adopte désormais une conception de la cohabitation que l’on peut qualifier de juridique.
Autrement dit, il s’agit d’une sorte de cohabitation qui n’implique plus forcément une communauté de vie effective entre
les parents et l’enfant.
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b- Le fait de l’enfant

L’article 1384 al 4 du Code civil exige un dommage causé par un enfant mineur pour que la responsabilité des parents soit
engagée. La question s’est donc posée de savoir si le fait de l’enfant étant à l’origine du dommage devait ou non avoir un
caractère fautif. La jurisprudence a pendant très longtemps considéré que seule la faute de l’enfant pouvait mettre en
œuvre la responsabilité de ses parents. Dans ce système, un fait quelconque de l’enfant ayant causé un dommage à un
tiers ne pouvait donc pas engager la responsabilité de ses parents.

Cette exigence d’un fait fautif s’est avérée inadaptée dans le cas de dommages causés par des très jeunes enfants
dépourvus de discernement, c-à-d inaptes à comprendre ou à prévoir les conséquences de leurs actes. Aussi, dans de
telles hypothèses, les parents ne pouvaient pas être tenus responsables sur la base de l’art. 1384 al. 4. Pour y remédier,
la jurisprudence a d’abord admis assez facilement l’existence d’un discernement chez de jeunes enfants ( Civ, 2e, 30
mai1956. D. 1956. 680 ; 20 déc. 1960. D. 1961. 141) ; puis elle a fini par décider qu’un acte illicite du mineur permettait
d’engager la responsabilité de ses parents ( Civ, 2e, 16 juil. 1969). Allant plus loin, l’AP de la Cour de cassation a dans un
arrêt rendu le 9mai 1984 (JCP. 1984. II. 20255) dit « arrêt Fullen warth », décidé que « pour que soit présumée, sur le
fondement de l’art 1384, al.4 du code civil, la responsabilité des père et mère d’un mineur habitant avec eux, il suffit que
celui-ci ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage invoqué parla victime ». Par la suite, la 2e chambre civile,
dans l’arrêt Levert du 10 mai 2001, a confirmé cette orientation nouvelle en précisant que la responsabilité encourue par
les parents « n’est pas subordonnée à l’existence d’une faute de l’enfant » Enfin, dans deux arrêts en date du 13 décembre
2002, elle a effectivement rappelé que « pour que la responsabilité (…) des père et mère (…) puisse être recherchée, il
suffit que le dommage ait été directement causé par le fait, même non fautif, du mineur ».C’est dire que désormais, en
droit français, tout fait de l’enfant, qu’il soit fautif ou non, qui cause un dommage à autrui, est susceptible d’engager la
responsabilité de ses père et mère.

c- La faute des parents

De l’interprétation de la loi, il résulte que la responsabilité des père et mère a pour fondement leur propre faute. Il s’agit
d’une faute de surveillance ou d’une faute d’éducation de l’enfant. En effet, le dommage causé par un enfant permet de
supposer l’existence d’une faute de la part de ses parents. Autrement dit, la loi présume que le dommage causé par la
faute ou le fait du mineur n’aurait pas eu lieu sans une faute des parents dans l’exécution du devoir d’éducation ou de
surveillance qui leur incombe. Il y a donc une présomption de faute à la charge du père ou de la mère.

B. L’exonération de la responsabilité des parents

Aux termes de l’art. 1384, al. 7 du code civil, la responsabilité des père et mère tombe si ceux-ci prouvent qu’ils n’ont pu
empêcher le fait ayant causé le dommage. Ainsi, la présomption est écartée si les parents prouvent soit que la force
majeure, le fait d’un tiers ou de la victime les a empêché d’éviter le fait dommageable, soit qu’ils ont exercé une
surveillance diligente et qu’ils ont donné à leur enfant une bonne éducation. Autrement dit, par impossibilité d’empêcher
le fait dommageable, il faut entendre absence de faute. Les parents peuvent dégager leur responsabilité lorsqu’ils
établissent que le dommage n’est pas dû à une faute de surveillance ou d’éducation de leur part (Civ, 2e, 12 oct. 1955. D.
1956. 301 ; 20 juil. 1957. D.

1958. 11). La preuve de l’absence de faute exonère donc les parents. Ainsi, en l’état actuel de notre droit positif, la
responsabilité des parents repose sur une présomption simple de faute qui tombe devant la preuve de l’absence de faute.
Il s’agit alors d’une responsabilité de nature subjective.

La Cour de cassation a abandonné cette solution. Opérant un spectaculaire revirement de jurisprudence dans l’arrêt
Bertrand rendu par la 2e Chambre civile le 19 février 1997. Dans cette décision, elle rejette le pourvoi formé contre un
arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux, au motif qu’ « ayant exactement énoncé que seule la force majeure ou la faute de
la victime pouvait exonérer le père de la responsabilité de plein droit encourue du fait des dommages causés par son fils
mineur habitant avec lui, la cour d’appel n’avait pas à rechercher l’existence d’un défaut de surveillance du père ». Ainsi,
il pèse désormais une responsabilité de plein droit sur les parents. L’AP a d’ailleurs confirmé cette jurisprudence dans les
deux arrêts du 13 décembre 2002 sus évoqués. Seule la force majeure ou la faute de la victime revêtant les caractères de
la cause étrangère exonèrent les parents. La faute de la victime n’ayant pas les caractères de la force majeure entraîne
une exonération partielle. En somme, cette évolution jurisprudentielle a abouti à un alourdissement considérable de la
responsabilité des parents qui, en droit français, est devenue une responsabilité objective. Une telle responsabilité exclut
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toute référence à la faute et ne peut se justifier que soit par l’idée de risque (le risque pris en compte ici est lié à l’activité
de l’enfant), soit par l’idée de garantie (la responsabilité des parents s’expliquerait alors par l’intérêt de la victime).

Parag. 2 : La responsabilité des instituteurs et des artisans

Aux termes de l’art. 1384, al. 6, les instituteurs et les artisans sont responsables « du dommage causé par leurs élèves et
apprentis pendant le temps qu’ils sont sous leur surveillance ». Tel est le principe. Mais alors que la responsabilité de
l’artisan est une responsabilité pour faute présumée, celle de l’instituteur n’est engagée qu’en cas de faute prouvée par
la victime. Il faut étudier séparément ces deux régimes de responsabilité qui n’ont ceci de commune qu’ils sont fondés
sur l’obligation de surveillance qui pèse sur l’instituteur et l’artisan.

A. La responsabilité de l’artisan

Comme le père ou la mère en ce qui concerne l’enfant mineur, l’artisan est responsable des dommages causés par ses
apprentis pendant le temps qu’ils sont sous sa surveillance, en vertu d’une présomption de faute. Il convient de préciser
les conditions de cette responsabilité avant d’évoquer les moyens par lesquels l’artisan peut s’exonérer.

1. Les conditions de la responsabilité

La responsabilité de l’artisan peut être engagée soit parce que l’apprenti a commis une faute, soit en raison du fait d’une
chose dont l’apprenti avait la garde au moment de la survenance du dommage. En tout cas, la victime qui entend
poursuivre l’artisan doit prouver d’une part la relation d’apprentissage entre celui-ci et l’apprenti, d’autre part que
l’artisan était tenu d’une obligation de surveillance vis-à-vis de l’apprenti ayant causé le dommage.

a) La relation d’apprentissage

En fait, la jurisprudence exige une double preuve : celle de l’existence d’un contrat d’apprentissage et la qualité d’artisan
de la personne mise en cause.

La qualité d’artisan est généralement reconnue à des personnes qui ne sont pas commerçantes, qui exercent une activité
à une petite échelle (entreprise artisanale) qui consiste généralement à exploiter un certain savoir-faire.

Il y a contrat d’apprentissage lorsque l’artisan s’engage à donner un enseignement professionnel à l’apprenti. Celui-ci se
distingue ainsi de l’employé ou de l’ouvrier qui reçoit un salaire en rémunération de son travail. En effet, le travail
qu’accomplit l’apprenti l’est à titre d’exercice ou de travail pratique.

b) Le devoir de surveillance

En disant que l’artisan est responsable des dommages causés par l’apprenti pendant qu’il était sous sa surveillance, l’art.
1384, al. 6 implique que l’apprenti doit être mineur. En effet, on ne saurait en principe exercer une surveillance sur une
personne majeure capable. Le devoir de surveillance suppose ainsi que l’artisan et l’apprenti cohabitent. Lorsque que
l’apprenti loge chez son maître, l’obligation de surveillance est continue de sorte que la présomption de faute pèse sur le
maître même en dehors des heures de travail et d’études. En revanche, lorsque l’apprenti n’est pas logé chez le maître,
celui-ci n’est responsable que des actes commis durant les heures de surveillance, c-à-d pendant le temps où l’apprenti
est au lieu d’apprentissage. Il a cependant été jugé que l’artisan est responsable du dommage causé pendant le trajet
suivi par l’apprenti pour se rendre à ses cours (Crim, 6 janv. 1953) ou par celui-ci avec la voiture d’un client prise sans
autorisation ( Crim, 14 mai 1980).

2. L’exonération de responsabilité

Comme les parents, les artisans sont présumés avoir commis une faute en cas de dommage causé par un apprenti. La
victime n’a donc pas à prouver la faute commise par l’artisan poursuivi. Celui-ci ne peut s’exonérer qu’en prouvant qu’il
n’a pas pu empêcher le fait qui donne lieu à sa responsabilité (art. 1384,al. 7). En fait, il doit prouver qu’il n’a pas commis
une faute de surveillance, par ex. en démontrant qu’il a bien rempli son devoir de garde en prenant les mesures qui,
normalement, auraient dû éviter le fait dommageable.

B. La responsabilité des instituteurs

Comme l’artisan, l’instituteur est responsable des dommages causés par leurs élèves pendant le temps où ils étaient sous
leur surveillance. Leur responsabilité prend en quelque sorte le relais de celle des parents et repose sur le devoir de garde
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et de direction. A l’origine, cette responsabilité était fondée sur une présomption de faute. L’instituteur était présumé
avoir manqué à son devoir. Cette présomption de faute fut très tôt dénoncée comme étant injuste dans la mesure où les
instituteurs n’ont le choix ni des enfants dont ils assurent la formation, ni de l’aménagement des lieux où se développe
l’activité pédagogique. Le législateur devait réagir en deux temps.

En premier lieu, il substitua la responsabilité de l’Etat à celle des instituteurs. Autrement dit, l’Etat répondait du dommage
à la place de l’enseignant poursuivi. Ainsi, seul l’Etat, après avoir été condamné comme substitué, peut recourir contre
l’instituteur en prouvant sa faute (c’est l’hypothèse de la faute personnelle de l’agent qui engage sa responsabilité
personnelle contrairement à la faute de service). Toutefois, la victime conserve le droit d’agir contre celui-ci sur le
fondement de l’art. 1382.

En second lieu, par une loi du 5 avril 1937, il décida la suppression de la présomption de faute qui pesait sur les instituteurs.
Et en outre, elle fixa un régime particulier de preuve de leur responsabilité. Ainsi, l’art. 1384, al. 8 dispose que les fautes,
imprudences ou négligences invoquées contre les instituteurs doivent être prouvées conformément au droit commun par
le demandeur à l’instance.

Ainsi, la responsabilité de l’Etat est subordonnée à la preuve de la faute imputable à l’instituteur. Il s’agit d’une faute de
fonction qui se manifeste soit sous la forme d’un défaut de surveillance, soit sous la forme d’un défaut de prévoyance.
Dans ce dernier cas, il s’agit d’une hypothèse où l’instituteur n’a pas su prendre préventivement les mesures propres à
permettre une surveillance efficace, créant ou aggravant de la sorte l’éventualité d’un dommage. Jugé par exemple qu’a
manqué de prévoyance l’institutrice qui en laissant à l’écart des autres un enfant, lui a donné de ce fait la possibilité de
prendre une pierre et de la lancer dangereusement sur ses camarades (Civ, 21 fév. 1979, GP. 1979, 2, somm.342).

La jurisprudence exonère ou procède à un partage de responsabilité, soit que l’accident se produit si soudainement qu’il
revêt un caractère d’imprévisibilité ( exonération totale : coup de pied maladroit d’un élève au cours d’un exercice de
gymnastique, Civ, 21 juin 1978), soit qu’il y ait faute de la victime ( partage de responsabilité : accident survenu à un élève
qui s’était rendu sans autorisation aux anneaux et y avait pratiqué des exercices non prévus au cours, en dehors de la
présence du professeur de sport, Civ. 3 déc. 1979).

Parag. 3 : La responsabilité des maîtres et commettants

Suivant les dispositions de l’al. 5 de l’art. 1384 du code civil, les maîtres et commettants sont responsables « du dommage
causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ». En disposant ainsi, sans
autre précision, le code civil soumet le commettant à une responsabilité très lourde dont il faut d’abord préciser le
fondement (A) et le régime (B) avant d’en envisager les effets (C).

A. Le fondement de la responsabilité du commettant

La responsabilité du commettant se distingue de celles que nous avons déjà étudiées en ceci que la personne dont il
répond est normalement une personne majeure qui devrait, en principe, répondre de ses actes. Il s’agit donc d’une
responsabilité indirecte dans la mesure où le vrai responsable est le préposé, mais c’est le commettant qui supporte la
charge de la réparation. Reste à savoir sur quel fondement ! Force est alors de constater que plusieurs fondements ont
été invoqués.

Dans un premier temps, on a invoqué l’idée de faute. La doctrine classique considérait que la responsabilité du
commettant devait être engagée en raison d’une double présomption de faute : soit il a mal choisi on préposé ( culpa in
eligendo), soit il l’a mal surveillé ( culpa invigilando). Elle estimait par ailleurs que cette présomption était irréfragable en
ce sens qu’elle ne cédait ni devant la preuve d’un choix ni devant celle d’une surveillance par faits. Cette explication a par
la suite été abandonnée.

On a alors fait appel à l’idée de risque. Il a été soutenu que le commettant est responsable parce qu’ il profite de l’activité
du préposé (théorie du risque-profit) ou parce qu’ ilexerce une autorité sur le celui-ci (théorie du risque-autorité). Ainsi,
il apparaissait normal que tirant profit ou exerçant un pouvoir sur l’activité de son préposé, le commettant devait
répondre de ses conséquences dommageables.
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Il a encore été avancé que le commettant devait répondre en vertu de l’idée de représentation. Etant représenté par son
préposé, la faute de ce dernier deviendrait, grâce à la représentation, la faute du commettant. On a contesté cette opinion
en relevant notamment que l’on ne commet pas de faute par procuration.

Certains ont même soutenu que la responsabilité du commettant reposait sur l’idée d’équité. Celle-ci ainsi que les
nécessités d’ordre social exigeraient que le commettant soit tenu des dommages causés par son préposé aux tiers.

La doctrine moderne rattache finalement la responsabilité du commettant à une obligation de garantie. En faisant peser
la charge de la réparation sur le commettant, la loi a voulu offrir à la victime un répondant accessoire et solvable en lieu
et place de l’auteur du dommage qui n’est pas en mesure d’en assurer personnellement la réparation.

En définitive, aucune de ces justifications n’est en réalité décisive au plan de l’explication de la mise en œuvre de la
responsabilité des commettants. Toutefois, celle-ci constitue une simple garantie de la solvabilité du préposé au profit
exclusif de la victime.

B. Le régime de la responsabilité

La responsabilité du commettant a ceci de particulier par rapport à celle des parents ou des instituteurs et artisans, qu’elle
est engagée en lieu et place de celle d’une personne majeure susceptible de répondre de ses actes. C’est dire que la
responsabilité de cette dernière peut être recherchée directement par la victime dans certaines circonstances. Cela étant,
il faut minutieusement étudier les conditions auxquelles est subordonnée la responsabilité du commettant, à savoir : un
lien de préposition, un fait dommageable du préposé et un lien de connexité entre le fait dommageable et les fonctions.

1. Le lien de préposition

La responsabilité du commettant ne peut être engagée que s’il existe un lien de préposition entre lui et l’auteur du
dommage. Pour la jurisprudence, est préposé celui qui agit pour le compte d’une autre personne, celui qui remplit une
fonction pour le compte de cette dernière, laquelle possède à son égard un pouvoir de surveillance, de direction et de
contrôle ( Civ, 12 juin 1977, D. 1977. IR. 330). Le commettant est dans cette perspective, celui qui a le droit de donner des
ordres et des instructions au préposé sur la manière de remplir les fonctions qu’il lui a confiées. Autrement dit, c’est celui
qui exerce un pouvoir sur l’activité d’autrui. En tout cas, la préposition résulte de la réunion de deux éléments : la fonction
exercée pour le compte d’autrui et la subordination du préposé par rapport au commettant. Si le premier élément ne
pose pas de difficulté particulière, il en va autrement du second, et ce pour deux raisons.

D’une part, le fondement de la subordination mérite d’être précisé. D’une manière générale, le lien de préposition ou de
subordination résulte d’un contrat. Dans ce cas, la subordination procède de la volonté des parties. Il en est ainsi lorsqu’un
contrat de travail existe entre les parties. Mais, le lien de subordination peut aussi avoir une source extracontractuelle
sans forcément reposer sur l’idée d’autorité. Dans cette hypothèse, l’existence du lien de préposition procède simplement
du fait de donner des ordres. Ainsi, peut-il résulter de liens de famille ( Req. 12 juil. 1887 : mari préposé de son épouse.
Civ, 8 nov. 1937 : gendre préposé de son beau-père), ou d’amitié par exemple (Req. 1er mai 1930 : est préposé l’ami du
propriétaire d’une automobile à qui celui-ci la confie pour un usage déterminé). On est ici en présence d’un commettant
et d’un préposé occasionnels. En tout cas, les tribunaux doivent rechercher si une autorité est exercée en fait. Cependant,
il n’y a pas préposition lorsque le service est rendu en toute indépendance.

D’autre part, la détermination du commettant devient complexe en cas de pluralité de commettants ou de transfert du
lien de subordination. La première situation est celle où un préposé est au service de plusieurs personnes. Celles-ci ont
toutes la qualité de commettants dès lors qu’elles ont le pouvoir de lui donner des ordres ( Civ, 2e, 9 févr. 1967 : un berger
préposé de plusieurs propriétaires de moutons). La seconde hypothèse vise le cas où une personne qui est normalement
sous les ordres d’un commettant, est mise à la disposition d’une autre personne. En cas de dommage causé à un tiers, qui
doit répondre comme commettant ? La Cour de cassation a apporté une réponse à cette question dans un arrêt rendu le
4 mai 1937. Elle a notamment précisé « que si, pour un temps ou une opération déterminée, un commettant petson
préposé habituel à la disposition d’une autre personne, la responsabilité ne se déplace, pour incomber à cette personne,
que si, au moment de l’accident, le préposé qui en est l’auteur, se trouve soumis en vertu d’une convention ou de la loi,
à son autorité ou à sa direction ». Il résulte de cette décision qu’il n’y a transfert du lien de subordination et, par
conséquent, de la responsabilité, que si celui auprès duquel le préposé a été placé, a reçu de la loi ou d’une convention
expresse ou tacite, l’autorité et le pouvoir de lui donner des ordres. A défaut d’une clause expresse ou tacite ou d’une
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disposition légale, les juges du fond doivent se prononcer en tenant compte des circonstances de la cause, en particulier
de la durée de la mise à la disposition et de la compétence technique respective des parties.

Une difficulté peut surgir en cas de transfert partiel, le préposé pouvant recevoir des ordres du commettant initial et de
la personne bénéficiant de la mise à disposition. On considère, dans ce cas, que les juges du fond doivent rechercher celui
qui, parmi les deux, avait le pouvoir effectif de donner des instructions au moment de la survenance du fait dommageable
ou du moins, en cas de division de ce pouvoir, celui qui avait l’autorité principale sur le préposé.

2. Le fait dommageable du préposé

Il est évident que la responsabilité du commettant suppose que son préposé a commis un fait dommageable. Faut-il que
le préposé ait commis une faute pour que la responsabilité du commettant soit engagée ? A cette question, il a
traditionnellement été répondu que le préposé doit avoir commis une faute. Dans cette optique, on considère que le
commettant ne peut répondre que des dommages que son préposé serait juridiquement tenu de réparer. Il faut donc que
le préposé ait commis un fait illicite. Ainsi, le commettant est responsable des dommages subis par la victime, non par un
fait quelconque du préposé, mais seulement par sa faute. La victime doit donc prouver la faute du préposé. La
jurisprudence, cependant, admet dans certains cas, une responsabilité sans faute lorsque le commettant est considéré
comme gardien de la chose ayant causé le dommage. En effet, comme on le verra par la suite, le fait qu’une chose soit
confiée à un préposé n’en transfère pas la garde à ce dernier. Il convient de noter que dans un arrêt rendu le 30 décembre
1936, la Cour de cassation a exclu tout cumul de responsabilité du fait d’autrui et de responsabilité du fait des choses. Elle
a notamment rappelé qu’ « en l’absence d’une faute relevée dans les termes de l’art. 1382 du Code civil, la responsabilité
d’un accident causé par une chose ne saurait incomber à la fois à celui qui en use, envisagé comme son gardien, et à celui
qui la lui a confiée, envisagé non comme ayant conservé la garde, mais comme le commettant du premier ».

Pour conclure, il y a lieu de relever que cette exigence de la preuve de la faute du préposé est critiquée comme
contradictoire à l’art. 1384, al. 5 qui fait de la responsabilité du commettant une responsabilité sans faute et ne fait en
tout cas aucune allusion à la nécessité de l’existence d’une telle faute.

3. Le lien de connexité

La mise en jeu de la responsabilité du commettant suppose que le préposé a agi dans le cadre de ses fonctions. En effet,
les maîtres et commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions
auxquelles ils les ont employés. Le demandeur doit donc prouver que l’auteur du dommage, c-à-d le préposé, était
effectivement dans l’exercice de ses fonctions. Il s’agit d’établir le lien de connexité entre le fait dommageable du préposé
et ses fonctions. Il va de soi que si l’activité du préposé n’a aucun rapport avec ses fonctions, ni avec le but de la mission
qui lui a été confiée, ni avec les moyens qui ont été mis à sa disposition, ou que son activité a eu lieu en dehors des lieux
et du temps du travail, il n’a pas agi dans le cadre de ses fonctions. Par conséquent, la responsabilité du commettant ne
saurait être engagée. Il a même été jugé que la responsabilité du commettant n’est pas engagée lorsque la victime savait
que le pré posé agissait en dehors du cadre de sa mission et contrairement aux ordres reçus ( Civ, 20 mai 1947. D. 1947.
361).

Dans une série d’arrêts rendus par diverses formations, la Cour de cassation a effectivement conforté la mise hors de
cause du commettant lorsque le préposé a commis le dommage en dehors de ses fonctions. Ainsi, dans un arrêt rendu le
9 mars 1960, les Chambres réunies ont approuvé une cour d’appel qui n’avait pas retenu la responsabilité du commettant
au motif que le préposé ayant causé l’accident « avait accompli un acte indépendant du rapport de préposition qui le
l’unissait à son employeur ». De même, l’AP a, dans un arrêt en date du 17 juin 1983, jugé que « les dispositions de l’article
1384 al. 5 du Code civil ne s’appliquent pas au commettant en cas de dommages causés par le préposé qui, agissant sans
autorisation, à des fins étrangères à ses attributions, s’est placé hors des fonctions auxquelles il était employé ». Enfin,
dans une décision en date du 19 mai 1988, l’AP a reprécisé que « le commettant ne s’exonère de sa responsabilité que si
son préposé a agi hors de ses fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, à des fins étrangères à ses
attributions ».

Il apparaît ainsi que le commettant ne peut se soustraire à sa responsabilité que si trois conditions sont réunies : l’action
du préposé hors de ses fonctions, l’absence d’autorisation du commettant et la poursuite par le préposé de fins étrangères
à ses fonctions. Toutefois, un arrêt de la 2e chambre civile du 3 juin 2004 crée un certain trouble. En effet, il a retenu la
responsabilité du commettant alors même que le préposé aurait agi en dehors de ses fonctions, sans autorisation et à des
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fins étrangères à ses attributions, lorsque la victime a cru, légitimement que le préposé restait dans le cadre de sa fonction.
La croyance légitime de la victime doit être établie pour que la responsabilité du commettant soit retenue.

C. Les effets de la responsabilité du commettant

La victime d’un dommage causé par un préposé dispose traditionnellement de diverses possibilités pour obtenir
réparation. Etant entendu que la responsabilité du commettant ne se substitue pas à celle du préposé ou ne l’exclut pas,
elle peut donc : soit agir directement contre le préposé seul sur la base de l’art. 1382 C.civ ; soit agir contre le commettant
seul sur le fondement de l’art. 1384 al. 5, dans ce cas, le commettant qui a la possibilité d’appeler en cause son préposé,
ne peut se prévaloir d’aucune cause d’exonération, sauf celles que le préposé aurait pu lui-même opposé à la victime ;
soit enfin agir contre le préposé et le commettant, et dans ce cas, elle pouvait obtenir la condamnation des deux in
solidum. Si le commettant avait payé les dommages-intérêts alloués à la victime, il pouvait exercer un recours contre le
préposé.

Cette belle construction juridique a été bouleversée par un important arrêt de l’AP du 25 février 2000 (arrêt Costedoat)
qui a décidé que « n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers le préposé qui agit sans excéder les limites de la
mission qui lui a été impartie par son commettant ». Il ressort de cette décision que désormais, en droit français, le
préposé qui cause un dommage dans l’accomplissement de la mission qui lui a été confiée par le commettant, n’engage
plus, en principe, sa responsabilité personnelle à l’égard de la victime. Autrement dit, le préposé qui n’agit pas hors de
ses fonctions et qui respecte les limites de sa mission, n’est pas responsable du dommage causé à autrui. On considère
qu’il est irresponsable, même s’il a commis un acte illicite à l’origine du dommage. Le préposé bénéficie donc d’une
véritable immunité car il est protégé contre les conséquences civiles des actes accomplis dans l’exercice de sa mission. Le
commettant est ainsi tenu de réparer seul le dommage subi par la victime.

Cependant, le préposé serait responsable au cas où il aurait excédé les limites de sa mission.

Il faut par ailleurs préciser que par un arrêt du 14 décembre 2001 (arrêt Cousin), l’AP a jugé que « le préposé condamné
pénalement pour avoir intentionnellement commis, fût-ce sur l’ordre du commettant, une infraction ayant porté
préjudice à un tiers, engage sa responsabilité à l’égard de celui-ci ». C’est dire que la responsabilité personnelle du préposé
est engagée en cas de faute intentionnelle ayant donné lieu à une condamnation pénale. Une certaine doctrine qu’elle
devrait être retenue pour toute faute intentionnelle, même en l’absence de condamnation pénale.

SECTION II : LA TENDANCE ACTUELLE

L’admission d’une responsabilité générale du fait d’autrui Dans une chronique demeurée célèbre, le doyen Savatier s’était
demandé si la responsabilité du fait des choses que l’on a sous sa garde avait pour pendant une responsabilité générale
du fait des personnes dont on doit répondre ( DH. 1933, chr. 81). De manière constante, la jurisprudence a toujours
répondu par la négative : il n’y a de responsabilité du fait d’autrui que dans les cas visés aux alinéas 4, 5 et 6 de l’art. 1384.
Et la doctrine dans l’ensemble, s’accommoda de cette solution ferme. Toutefois, des tentatives d’élargissement du champ
d’application de la responsabilité apparurent en jurisprudence mais furent condamnées par la Cour de cassation avant
que celle-ci en vienne finalement à admettre l’existence d’une responsabilité du fait d’autrui. Il nous faut retracer cette
évolution jurisprudentielle avant de préciser le régime juridique de cette responsabilité.

Parag. 1 : L’évolution jurisprudentielle

Il convient d’observer qu’une forte controverse doctrinale s’était élevée au sujet de l’interprétation de l’article 1384, al.
1er du code civil. Elle ne fut pas sans incidence sur la jurisprudence.

A. La controverse doctrinale

Bien avant que le doyen Savatier ne plaide avec conviction en faveur de l’existence d’une responsabilité générale du fait
d’autrui comparable à la responsabilité du fait des choses, cette idée avait déjà été avancée par le Procureur général
Matter dans ses conclusions présentées lors de l’affaire Jand’heur ( Ch. Réunies, 13 fév. 1930, DP. 1930. 1.57). L’idée
soutenue était que l’art. 1384, al. 1er constituait bien le fondement d’une telle responsabilité et n’avait donc pas un
caractère énonciatif. La doctrine majoritaire était cependant contre cette opinion et se prononçait en faveur d’une
interprétation limitative du texte précité. Outre l’idée que l’admission d’une responsabilité du fait d’autrui heurte le
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caractère individualiste de la responsabilité, trois arguments principaux étaient invoqués pour justifier le refus de toute
généralisation d’une telle responsabilité.

Tout d’abord, il était soutenu qu’à la différence « des choses que l’on a sous sa garde », la notion de « personnes dont on
doit répondre » ne pouvait se comprendre que par référence aux alinéas 4, 5 et 6 de l’art. 1384.

Ensuite, on a relevé que les cas de responsabilité du fait d’autrui expressément prévus par les alinéas précités reposant
sur des fondements différents ( présomption de faute, garantie), il serait difficile de découvrir un fondement commun
permettant de définir le régime juridique d’une responsabilité générale du fait d’autrui.

Enfin, les adversaires de la généralisation de la responsabilité du fait d’autrui soutenaient que si les nécessités sociales
liées au développement du machinisme et de l’industrialisation avaient pu justifier l’extension de la responsabilité du fait
des choses, des exigences comparables ne se rencontraient pas à propos de la responsabilité du fait d’autrui.

Malgré ces justifications, des tentatives furent entreprises en jurisprudence tendant à reconnaître d’autres cas de
responsabilité du fait d’autrui.

B. L’œuvre de la jurisprudence

Il faut d’emblée relever qu’au cours de la première moitié du 20e siècle, les réalités sociales avaient fortement changé :
affaiblissement de la structure familiale (multiplication des divorces ou séparations de corps), travail des femmes,
développement des structures d’accueil d’enfants ou de majeurs incapables, placement des mineurs délinquants ou
inadaptés sociaux dans des centres de rééducation, etc. Aussi, de nombreuses personnes se retrouvent sous le contrôle
d’autres personnes ou structures spécialisées. Or, n’étant pas visées par les dispositions de l’art.

1384 du code civil, ces personnes ou structures ne peuvent répondre des dommages subis par les victimes qu’en cas de
faute personnelle dont la preuve n’est jamais aisée. De nombreux dommages pouvaient ainsi demeurer sans réparation.

C’est la jurisprudence administrative qui fut d’abord sensible à ce problème. Par un arrêt rendu le 3 février 1956 ( aff.
Thouzellier, D. 1956. 596), le Conseil d’Etat admit que les méthodes libérales de traitement des délinquants créent un
risque social dont la réalisation justifie l’application d’un régime de responsabilité de plein droit de la puissance publique.
Mais la jurisprudence judiciaire ne fut pas en reste. En effet, les tribunaux pour enfants de Dijon ( 27 fév. 1965, D 1965.
439) et de Poitiers ( 22 mars 1965) admirent la responsabilité d’un centre de rééducation pour des dommages causés par
des mineurs évadés sur le fondement de la responsabilité de l’art. 1384, al. 1er. De même, dans une décision rendue en
dernier ressort et qui fut finalement censurée par la Cour de cassation ( Civ, 24 nov. 1976, D. 1977. 595), le tribunal
d’instance d’Angoulême a retenu la responsabilité du service de l’aide sociale à l’enfance pour les dommages causés par
un mineur qui lui avait été confié par sa mère.

Mais finalement, la Cour de cassation devait opérer un revirement de jurisprudence par un arrêt rendu le 29 mars 1991
par l’AP ( arrêt Blieck, D. 1991. 324). Les faits étaient les suivants : un majeur, handicapé mental, avait été confié au centre
d’aide par le travail de Sornac. Alors qu’il effectuait un travail en milieu libre, il mit le feu à une forêt appartenant aux
consorts Blieck.

Ceux-ci assignèrent l’Association des centres éducatifs du Limousin qui gérait le centre de Sornac en responsabilité. Le
tribunal de Tulle fit droit à leur action sur le fondement de l’art. 1382. Il fut relevé appel. La Cour d’appel de Limoges
confirma la décision du premier juge mais sur la base des dispositions de l’art. 1384, al. 1er. Elle a en effet relevé que le
risque social créé par les méthodes libérales de rééducation permet d’appliquer « les dispositions de l’art1384, al. 1er du
code civil, qui énoncent le principe d’une présomption de responsabilité d faitde personnes dont on doit répondre ». Un
pourvoi fut alors formé. Il était notamment fait grief à l’arrêt d’avoir condamné l’Association et son assureur sur le
fondement de l’art. 1384, al. 1er alors qu’ « il n’y aurait de responsabilité du fait d’autrui que dans les cas prévus par la loi
». La Haute juridiction a rejeté ce motif, admettant ainsi qu’il existe d’autres cas de responsabilité du fait d’autrui que
ceux expressément énoncés aux al. 4, 5 et 6 de l’art. 1384.

Parag. 2 : Le régime juridique

L’arrêt Blieck, en ouvrant la voie à l’admission d’un principe général de la responsabilité du fait d’autrui sur le fondement
de l’art. 1384.al 1er , n’a cependant pas réglé le problème du régime de cette responsabilité, notamment en ce qui
concerne sa nature et son champ d’application.
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A. La nature de la responsabilité

La Cour de cassation s’est en effet contentée, dans l’ affaire Blieck, de retenir la responsabilité de l’Association mise en
cause en relevant simplement que celle-ci « avait accepté la charge d’organiser et de contrôler, à titre permanent, le
mode de vie » de le handicapé ayant mis le feu à la forêt, sans nettement se prononcer sur le fondement de la
responsabilité du fait d’autrui. La question demeurait donc entière quant à savoir si le principe général de responsabilité
du fait d’autrui repose sur une présomption de faute ou constitue une responsabilité de plein droit. Par un important
arrêt rendu le 26 mars 1997, la Chambre criminelle a donné une réponse sans équivoque. Les faits de l’espèce étaient les
suivants : Trois mineures placées dans un foyer par le juge des enfants, avaient commis plusieurs vols de voitures.
Poursuivies devant la justice par le propriétaire d’un des véhicules, le tribunal pour enfants de Dieppe puis la Cour d’appel
de Rouen déclarèrent le foyer civilement responsable des dommages causés par les mineures sur le fondement de l’art.
1384. al 1er . Un pourvoi fut formé au motif que l’arrêt avait retenu la responsabilité civile du foyer sans rechercher si
celui-ci ne s’était pas exonéré de sa responsabilité en rapportant la preuve qu’il n’avait commis aucune faute de
surveillance. La cour rejette le pourvoi en relevant que « les personnes tenues de répondre du fait d’autrui au sens de
l’art. 1384. al 1er du code civil, ne peuvent s’exonérer de la responsabilité de plein droit résultant de ce texte en
démontrant qu’elles n’ont commis aucune faute ». Ainsi, la haute juridiction se prononce expressément en faveur de la
responsabilité de plein droit, c-à-d d’une responsabilité objective qui ne fait aucune référence à la faute.

Il en résulte que seules la cause étrangère et la faute de la victime exonèrent le répondant. Par cause étrangère, on entend
notamment la force majeure revêtue d’un caractère irrésistible et imprévisible. En définitive, la preuve de l’absence de
faute ne saurait exonérer la personne répondant d’autrui.

B. Le domaine de la responsabilité

Pour retenir la responsabilité de l’association dans l’affaire Blieck, l’AP de la Cour de cassation s’est appuyée sur la
considération que celle-ci avait accepté la charge d’organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie de
l’handicapé mis en cause. La question qui s’est alors posée par la suite a été d’une part de déterminer les personnes dont
on doit répondre au titre de la responsabilité du fait d’autrui et, d’autre part les personnes responsables d’autrui.

En ce qui concerne les personnes dont on doit répondre sur le fondement de l’art. 1384. al 1er du code civil, l’on s’est
demandé si le principe de la responsabilité générale du fait d’autrui doit s’appliquer à toutes les personnes dépendantes
d’autrui, ou seulement aux personnes dangereuses voire à celles qui créent un risque social particulier parce qu’elles
bénéficient d’un régime de libre circulation. Force est de constater que de nombreux arrêts rendus après l’arrêt Blieck
ont appliqué la règle nouvelle aux dommages causés par les personnes handicapées ou les mineurs en danger présentant
une certaine dangerosité pour les tiers. Autrement dit, il s’agit de personnes dont l’état nécessite une surveillance
particulière ou des traitements visant à permettre leur insertion ou réadaptation sociale.

En ce qui concerne les personnes pouvant être tenues de répondre d’autrui, il y a lieu d’observer que la jurisprudence a
surtout retenu la responsabilité des personnes morales, tels que des organismes ou associations auxquels la garde de
personnes majeures handicapées ou de mineurs en danger a été confiée. De même, la responsabilité des associations
sportives a été retenue dans la mesure où celles-ci ont pour mission d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de
leurs membres au cours des compétitions sportives ( Civ, 22 mai 1995, JCP. 1995. II. 22550). Enfin, la responsabilité d’une
commune a été engagée du fait de dommages causés par des marginaux. S’agissant des personnes physiques, leur
responsabilité du fait d’autrui suscite des réserves, notamment au sujet des enfants confiés à titre temporaire et
occasionnel à des membres de la famille tels que grands-parents, oncles et tantes, voire à des amis ou voisins.

On considère que ces personnes agissant de manière bénévole et n’ayant aucune garde juridique des enfants, ne sauraient
donc voir leur responsabilité engagée sur le fondement de l’art. 1384. al 1er ( Civ, 18 sept. 1996, D. 1998. 118). En tout
cas, la Cour de cassation manifeste une certaine réticence à retenir la responsabilité des personnes physiques qui
s’occupent des personnes handicapées ou mineures à titre non-professionnel ( elle a ainsi refusé d’engager la
responsabilité du tuteur ou de l’administrateur légal assurant le contrôle judiciaire d’un jeune majeur handicapé mental
: Civ, 25 fév. 1998, D. 1998. 315).

En conclusion, il apparaît que la jurisprudence essaie de contrebalancer la rigueur du régime juridique de la responsabilité
du fait d’autrui fondée sur l’art. 1384. al 1er du code civil ( responsabilité de plein droit) par une définition restrictive de
son domaine d’application./.
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CHAPITRE III : LA RESPONSABILITE DU FAIT DES CHOSES

Comme la responsabilité du fait d’autrui, la responsabilité du fait des choses était dans l’esprit des rédacteurs du Code
civil, une exception à la responsabilité du fait personnel. Celui-ci ne l’a envisagé que dans deux cas : pour les dommages
causés par les animaux (art. 1385) et par les bâtiments (art. 1386). Mais, à la faveur de la révolution industrielle et
notamment de l’essor du machinisme qui a eu pour conséquences la multiplication des accidents, la jurisprudence devait
finalement, grâce à une interprétation particulièrement audacieuse, découvrir dans les dispositions de l’art. 1384 al. 1er
du Code civil, un principe général de responsabilité du fait des choses. En effet, rejetant le pourvoi formé contre un arrêt
de la Cour d’appel de Paris qui avait accordé une indemnité à une veuve dont le mari était décédé à la suite de l’explosion
d’un tube d’une machine à vapeur d’un remorqueur, la Chambre civile de la Cour de cassation a, pour la première fois,
appliqué l’art. 1384 al. 1er, lui reconnaissant ainsi une portée générale (arrêt Teffaine du 16 juin 1896). Il faut préciser
que certains auteurs ( Saleilles et Josserand) étaient aussi de cet avis en soutenant qu’il fallait donner au mot choses un
sens général et qu’une personne devait être déclarée responsable de plein droit de tout accident causé par les choses. En
tout état de cause, la jurisprudence a renoncé à l’interprétation traditionnelle qui considérait que cet alinéa n’avait d’autre
objet que d’annoncer l’existence des cas spéciaux de responsabilité du fait des choses prévus aux articles 1385 et 1386.
Elle a donc admis que ce texte posait une règle autonome. Il ne fait aucun doute que ce qui a conduit la jurisprudence
était le souci d’améliorer le sort des victimes de dommages causés par des choses autres que les animaux et les bâtiments,
en les soulageant de la lourde charge de rapporter la preuve de la faute du gardien de la chose. En effet, la responsabilité
du fait des choses est une responsabilité sans faute.

Dès lors, pour l’étudier, il faut commencer par envisager le principe général de la responsabilité du fait des choses tiré de
l’art. 1384 al. 1er du Code civil ( Section 1) avant d’évoquer les cas spéciaux prévus par le dit code ou par d’autres textes
( Section 2).

SECTION I : LA RESPONSABILITE GENERALE DU FAIT DES CHOSES

L’art. 1384 al. 1er du Code civil énonce : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre
fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre , ou des choses que l’on a sous sa
garde ».

Il ressort de ce texte qu’une personne peut voir sa responsabilité engagée en cas de dommage causé à un tiers par une
chose dont elle est le gardien. Cette responsabilité est subordonnée à certaines conditions qu’il nous faut préciser (P. 1)
avant d’examiner les causes d’exonération dont peut se prévaloir le gardien (P. 2).

Parag. 1 : Les conditions de la responsabilité du fait des choses

Trois conditions sont exigées pour l’application de l’art. 1384 al. 1er : une chose (A), un fait de la chose (B) et la garde de
la chose (C).

A. La chose

La responsabilité prévue par l’art. 1384 al. 1er suppose tout naturellement l’implication d’une chose dans la survenance
du dommage. Au sens où le mot nous intéresse ici, la chose est un objet sur lequel une personne a un droit de propriété
ou exerce un pouvoir. Il peut s’agir d’une machine, d’un outil de travail d’un simple caillou. La question qui s’est posée à
la jurisprudence était de savoir si n’importe quelle chose ayant causé un dommage pouvait entraîner l’application de l’art.
1384 al. 1er. Au terme d’une longue évolution jurisprudentielle, il apparaît qu’il y a certaines choses qui sont retenues (1)
et d’autres qui sont exclues (2) du champ d’application de l’art. 1384 al. 1e

1. Les choses donnant lieu à l’application de l’art. 1384 al. 1er

Les choses susceptibles de causer un dommage sont nombreuses et variées. Pourtant, la jurisprudence s’est livrée à une
véritable casuistique.

En premier lieu, elle a voulu faire une distinction entre les choses sans vice et les choses atteintes d’un vice, seules les
secondes pouvant rendre responsable le gardien. Finalement, les Chambres réunies, dans le fameux arrêt Jand’heur rendu
la 13 février 1930 a rejeté cette distinction en rappelant qu’ « il n’est pas nécessaire que la chose ait un vice inhérent à sa
nature et susceptible de causer un dommage, l’art. 1384 rattachant la responsabilité à la gardede la chose, non à la chose
elle-même ».
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En second lieu, la jurisprudence a voulu distinguer les choses mobilières et les choses immobilières, estimant qu’il fallait
limiter l’application de l’art. 1384 al. 1er aux seules choses mobilières. Dans un arrêt rendu le 6 mars 1928 (accident d’un
ascenseur), la Chambre des requêtes a condamné cette distinction et des décisions ultérieures ont confirmé cette
solution, par exemple à propos d’une chute d’arbre, d’un glissement de terrain ou d’un accident d’escalier.

On a aussi tenté de faire une distinction entre les choses dangereuses et les choses non dangereuses, l’art. 1384 al. 1er
ne devant s’appliquer qu’aux choses dangereuses. Cette interprétation a également été repoussée par l’arrêt Jand’heur.

Enfin, on a proposé de distinguer les choses dotées d’un dynamisme propre et les choses actionnées par la main de
l’homme, les demandes en responsabilité pour les dommages causés par les premières étant seules soumises à l’art. 1384
al. 1er. La jurisprudence a finalement récusé cette solution, retenant ainsi l’application de ce texte par exemple au porte-
aiguille manié par un chirurgien, au casier à bouteilles porté par un livreur ou au ski porté par un skieur.

En définitive, il apparaît que toutes choses, qu’elles soient inanimées ou en mouvement, dangereuses ou non, actionnées
par la main de l’homme ou non, qu’elles soient solides, liquides ou gazeuses, peuvent entraîner la responsabilité de celui
qui en a la garde, dès lorsqu’elles sont à l’origine du dommage causé à autrui. Seules quelques exceptions sont admises
par la jurisprudence.

2. Les choses exclues du champ d’application de l’article 1384 al. 1er

La jurisprudence n’applique pas l’article 1384 al. 1er aux res nulluis et au corps humain.

S’agissant d’abord des res nullius c-à-d les choses qui n’appartiennent à personne, elles échappent à l’application de l’art.
1384 al. 1er parce que n’étant ni appropriées ni détenues par personne, elles ne sont sous la garde de personne. Tel est
le cas de l’air ou de la pluie. Il a ainsi été jugé que la neige accumulée sur un toit, constituant une res nullius, ne pouvait
donner lieu qu’à l’application de l’art. 1382 ou 1383 ( Civ, 2e, 18 déc. 1958 et 9 avril 1973).

Quant au corps humain, du moins le corps en vie, il ne constitue pas une chose. Par conséquent, il n’est pas soumis à l’art.
1384 al. 1er. Ainsi jugé à propos d’un dommage causé par la chute d’une personne évanouie ou endormie ( Colmar, 18
déc. 1947 ; T. civ. Dieppe, 27

juil. 1950). Signalons cependant quelques décisions ayant appliqué l’art. 1384 al 1er dans un accident causé par le coude
de deux motocyclistes alors même que leurs engins ne s’étaient pas touchés ( Civ, 2e, 21 déc. 1962) ou dans une collision
entre deux skieurs ( Grenoble, 9mars1962) au motif que l’homme et la chose formaient un tout dans ces espèces.

B. Le fait de la chose

La responsabilité prévue à l’art. 1384 al. 1er ne peut être mise en œuvre que s’il y a eu un fait de la chose animée ou
inanimée. Autrement dit, il faut que la chose ait causé le dommage subi par la victime. La chose doit donc avoir joué un
rôle dans la survenance. S’il tel n’est pas le cas, la victime ne peut avoir réparation de son préjudice que sur la base de la
responsabilité du fait personnel. La loi exige ainsi un lien de causalité entre le dommage et le fait de la chose. C’est à la
victime qu’il incombe de rapporter la preuve du lien de causalité.

Pour circonscrire la notion de fait de la chose, la jurisprudence a dû écarter un certain nombre d’exigences tendant à
restreindre le champ d’application de l’art. 1384 al. 1er.

L’une des questions qui s’est posée à la jurisprudence a été celle de savoir s’il était nécessaire, pour admettre le fait de la
chose, qu’il y ait un contact entre la chose et la victime.

Elle y a répondu en précisant que le contact matériel n’est pas une condition de la responsabilité du fait des choses. C’est
dire que le fait de la chose peut exister sans un contact direct, comme par exemple dans le cas d’un taureau qui cause un
dommage (choc nerveux) à une dame sans la toucher ( Req, 2 déc. 1940).

L’on s’est aussi demandé si le fait de la chose visait le fait d’une chose en mouvement et non une chose inerte. La
jurisprudence a rejeté une telle distinction en considérant que l’immobilité de la chose au moment de l’accident n’excluait
pas, à elle seule, son intervention dans la survenance de celui-ci ( Req. 19 févr. 1941). Cependant, il incombe à la victime
d’établir le rôle actif joué par la chose en cause, et notamment de démontrer son caractère défectueux, son
comportement ou sa position anormale. De nombreux arrêts de la Cour de cassation exigent ainsi un défaut ou une
position anormale de la chose litigieuse ( Civ, 2e , 29 avr. 1998 et 15 juin 2000 à propos d’un bris de portes vitrées ; 25
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oct. 2001 pour une boîte à lettres débordant sur un trottoir). Cette solution vient d’être remise en cause par un rendu le
18 septembre 2003 par la deuxième chambre civile. En l’espèce, il s’agissait d’une femme qui en sortant d’un grand
magasin, avait heurté un plot en ciment situé à côté d’un passage pour piétons. Blessée, elle poursuivit l’exploitant du
magasin et son assureur sur le fondement de l’art. 1384 al. 1er. La cour d’appel la débouta en considérant que la présence
des plots de ciment délimitant le passage pour piétons ne constituait ni un obstacle ni un danger particulier pour les
usagers et qu’elle ne pouvait être jugée comme anormale. Statuant sur le pourvoi formé par la victime, la Cour de
cassation lui donne raison sur le simple motif « que l’un des plots en ciment délimitant le passage pour piétons a été
l’instrument du dommage ». Ainsi, il ressort de cet arrêt que la seule intervention matérielle de la chose dans la production
du dommage, du fait de son contact avec la victime, suffit à établir le fait de la chose au sens de l’art. 1384 al. 1er.
Autrement dit, la simple implication de la chose dans l’accident constitue bien le fait de la chose.

En définitive, force est d’observer que cette solution retenue par la 2e chambre civile reste isolée. La Cour de cassation
semble toujours exiger la preuve de l’anomalie ou du vice de la chose inerte pour retenir la responsabilité du gardien (
Civ, 2e, 24 févr. 2005 : action intentée contre la propriétaire d’un appartement par une visiteuse qui avait été blessée par
le bris d’une baie vitrée coulissante qu’elle avait heurtée. L’arrêt de la cour d’appel qui avait débouté la victime est cassée
au motif qu’il résultait de ses propres constatations que la porte vitrée qui s’était brisée, était fragile, ce dont il résultait
que la chose, en raison de son anormalité, avait été l’instrument du dommage).

C. La garde de la chose

On ne peut être responsable du dommage causé par une chose que si on en a la garde.

En effet, la responsabilité n’est pas attachée à la chose elle-même mais à sa garde. La garde implique que la personne
poursuivie en réparation avait un pouvoir ou un contrôle sur la chose étant à l’origine du préjudice. Ainsi présentée, la
garde suppose la réunion de certains éléments constitutifs qu’il faut présenter (1) avant d’envisager le problème de son
transfert (2).

1. Les éléments constitutifs de la garde

Pour qu’une personne, physique ou morale, soit qualifiée de gardien de la chose, il faut que des éléments objectifs soient
réunis (a). En revanche, aucun élément subjectif n’est exigé (b).

a) Les éléments objectifs de la garde

La jurisprudence considère que la garde est caractérisée par l’usage, le contrôle et la direction de la chose. Ces trois
éléments supposent que le gardien possède la pleine maîtrise de la chose litigieuse. Tel est le cas lorsque le gardien est le
propriétaire de la chose. Celui-ci exerce effectivement sur la chose un pouvoir d’usage, de contrôle et de direction. Mais,
la qualité de gardien ne coïncide pas toujours avec celle de propriétaire. Comme on le verra par la suite, une personne
peut perdre la qualité de gardien sans pourtant cesser d’être propriétaire de la chose.

Il convient de préciser également que la simple détention matérielle de la chose ne suffit pas à conférer la qualité de
gardien au détenteur. Tel est le cas du préposé qui détient la chose de son commettant sans pourtant en avoir la garde
au sens juridique du terme. Comme l’a si bien montré la Cour de cassation dans un arrêt du 30 décembre 1936, il y a une
incompatibilité entre les fonctions de préposé et de gardien dans la mesure où la subordination à laquelle se trouve
soumis le préposé l’empêche d’avoir sur la chose dont il se sert dans l’exercice de ses fonctions, des pouvoirs sinon
d’usage, du moins de contrôle et de direction.

Pour être considéré comme gardien, le détenteur de la chose doit avoir sur celle-ci, au moment de la survenance du
dommage, l’usage, la direction et le contrôle. Si la réunion de ces trois prérogatives caractérise la garde, la question se
pose alors en cas de vol de la chose. Il s’agit de savoir si le propriétaire privé de sa chose perd la qualité de gardien. La
réponse de la Cour de cassation a évolué. En effet, dans un arrêt rendu le 3 mars 1936, la chambre civile a décidé que
malgré le vol, la garde ne cesse pas d’appartenir au propriétaire. On a vu dans cette décision, la consécration de la « garde
juridique » liant la qualité de gardien à celle de propriétaire. Mais, les Chambres réunies, dans le fameux arrêt Franck
rendu le 2 décembre 1941, ont finalement consacré la thèse dite de la « garde matérielle », en relevant que le propriétaire
d’une chose en perd la garde lorsqu’il est, par l’effet du vol, privé de ses pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle sur
celle-ci.
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La détermination du gardien soulève aussi quelques questions lorsque deux ou plusieurs personnes sont concernées. La
première est de savoir si la garde peut être exercée en commun, de sorte qu’on peut parler d’une garde collective. La
jurisprudence admet effectivement que la garde d’une chose peut être exercée en commun par plusieurs personnes qui
sont alors considérées comme co-gardiens ( Civ, 2e, 3 janv. 1963 : copropriétaires ; 15 déc. 1980 : chasseurs jugés co-
gardiens de leurs fusils). La seconde vise l’hypothèse particulière où une chose passe de mains en mains, par exemple
dans le cas d’un transport (expéditeur, transporteur). Qui doit-on considérer comme gardien en cas de dommage ? On a
proposé de distinguer la garde de la structure et la garde du comportement. Ainsi, le propriétaire serait considéré comme
gardien si l’accident tient à la structure ou à l’état interne de la chose (garde de structure) ; en revanche, si l’accident est
dû à l’utilisation de la chose, c’est celui qui la maniait qui doit être considéré comme gardien (garde du comportement).
Il y a donc transfert de la garde au détenteur de la chose dans ce cas. Il faut préciser que la jurisprudence fait usage de
cette distinction lorsqu’il s’agit de choses « ayant un dynamisme propre et dangereux », telles que les choses susceptibles
de s’enflammer ou d’exploser (ex. Aff. de l’Oxygène liquide : Civ, 2e, 5 janv. 1956, D. 1957. 261).

Au total, il apparaît que la garde est alternative et non cumulative.

b) L’indifférence de l’absence de discernement

La question discutée ici est de savoir si une personne privée de discernement, tel un enfant ou un dément, peut être
gardienne. Après avoir répondu par la négative dans un premier temps, considérant que tant l’usage et les pouvoirs de
direction et de contrôle, fondement de l’obligation de garde au sens de l’art. 1384 al. 1er que l’imputation d’une
responsabilité présumée, impliquent la faculté de discernement, la jurisprudence a finalement admis que les aliénés et
les enfants en bas-âge pouvaient avoir la garde d’une chose. 1er. Ainsi, statuant dans une espèce concernant un enfant
de trois ans qui en tombant d’une balançoire avait crevé l’œil d’un camarade avec un morceau de bois qu’il tenait à la
main, l’AP, dans un arrêt du 9 mai 1984, a approuvé la cour d’appel qui avait retenu la responsabilité de ce dernier sur le
fondement de l’art. 1384 al. 1er, en relevant que la cour « n’avait pas, malgré le très jeune âge de ce mineur,à rechercher
si celui-ci avait un discernement ».

En définitive, il ressort fermement de la jurisprudence de la Cour de cassation que celui qui exerce sur une chose les
pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle conserve la qualité de gardien, même s’il n’est pas en mesure d’exercer
correctement les dits pouvoirs. L’absence de discernement ne fait donc pas obstacle à l’attribution de la qualité de gardien
à l’aliéné ou à l’infans.

2. Le transfert de la garde

Le transfert ou la perte de la garde peut s’opérer de deux manières : soit involontairement (a), soit volontairement (b).

a) Le transfert involontaire de la garde

Il y a transfert involontaire de la garde lorsque le propriétaire d’une chose a été privé, sans son consentement, de l’usage,
de la direction et du contrôle de celle-ci. L’hypothèse classique que nous avons déjà évoquée est celle du vol (arrêt Franck).
Au vol, la jurisprudence a assimilé tous les cas où un tiers a usurpé la maîtrise de la chose, sans avoir pour autant la volonté
de se l’approprier, n’en a pas moins privé le propriétaire de ses pouvoirs sur la chose (ex. Civ, 2e, 8 nov. 1963 : choses
déplacées à l’insu du propriétaire ; 21 nov. 1990 : personne qui soustrait ave violence un fusil de chasse des mains de son
propriétaire).

b) Le transfert volontaire de la garde

Il y a transfert volontaire de la garde lorsque le propriétaire remet, de son propre gré, la chose à un tiers qui acquiert la
pleine maîtrise de celle-ci. C’est ce qui se produit au cas où un contrat est conclu avec le détenteur de la chose, tel un
contrat de prêt à usage, de location. La seule conclusion d’un contrat n’est pas suffisante pour qu’il y ait transfert de
garde. Il faut que le détenteur ait le gouvernement de fait de la chose. Les juges du fond doivent donc constater que ces
pouvoirs ont été effectivement transférés au détenteur de la chose. La cour de cassation l’a bien rappelé dans un arrêt en
date du 5 janvier 1956 dans lequel elle a cassé un arrêt d’une cour d’appel en lui reprochant de s’être limité à caractériser
la garde par la seule détention matérielle sans rechercher si le détenteur auquel la garde aurait été transférée avait l’usage
de l’objet qui a causé le préjudice ainsi que le pouvoir d’en surveiller et d’en contrôler tous les éléments. C’est dire qu’il
n’y a pas transfert de garde dans le cas où le propriétaire a conservé, en dépit de sa dépossession matérielle, les pouvoirs
d’usage, de direction et de contrôle de la chose ( Civ, 1e, 16 juin 1998 : « la mission de surveillance d’un immeuble confiée
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à une entreprise spécialisée n’a pas pour effet d’opérer un transfert de garde ». Par ailleurs, la jurisprudence exige, par
rapport à certaines choses, que le tiers détenteur ait reçu corrélativement toute possibilité de prévenir lui-même le
préjudice que celles-ci peuvent causer, ce qui fait obligation au propriétaire de l’informer de manière suffisante sur les
qualités ou les conditions d’usage de la chose. En cas de manquement à cette obligation d’information, le propriétaire
demeure responsable.

En définitive, c’est au propriétaire qu’il revient de prouver le transfert de garde car son titre de propriété fait présumer
de sa qualité de gardien.

Parag. 2 : Les causes d’exonération de la responsabilité du fait des choses

Dès qu’elle a été admise par la jurisprudence, la question de la nature de la responsabilité du fait des choses s’est posée
: s’agissait-il d’une responsabilité fondée sur une présomption de faute ou d’une responsabilité sans faute ? La
jurisprudence a pendant longtemps parlé d’une présomption de faute, de sorte que la preuve de l’absence de faute
pouvait exonérer le gardien.

Mais l’arrêt Jand’heur a changé de cap en retenant la notion de présomption de responsabilité.

Aujourd’hui, la jurisprudence utilise plutôt l’expression « responsabilité de plein droit ». Il y a donc là abandon de la faute
comme fondement de la responsabilité du fait des choses. C’est dire que la responsabilité du fait des choses est
pratiquement une responsabilité objective qui ne peut disparaître que par la preuve de la force majeure ou d’un cas
fortuit (A), de la faute d’un tiers ou de la victime (B).

A. La force majeure et le cas fortuit

Dans le célèbre arrêt Jand’heur (13 févr. 1930), les Chambres réunies ont posé en règle que « la présomption de
responsabilité établie par l’art. 1384 al. 1er du Code civil, à l’encontrede celui qui a sous sa garde la chose inanimée qui a
causé un dommage à autrui ne peut êtredétruite que par la preuve d’un cas fortuit ou de force majeure ou d’une cause
étrangère quine lui soit pas imputable ». Il résulte de cet arrêt que le gardien ne saurait se libérer en démontrant qu’il n’a
pas commis de faute ou que la cause du fait dommageable est demeurée inconnue.

Pour être exonéré, le gardien doit rapporter la preuve d’une force majeure ou d’un cas fortuit ayant les caractéristiques
de la cause étrangère. En d’autres termes, il doit prouver que l’événement ayant entraîné le dommage présentait un
caractère d’ extériorité, d’ imprévisibilité et d’ irrésistibilité (ou insurmontabilité). D’abord, l’événement doit être
extérieur, c-à-d d’origine externe à la chose. Aussi, le vice de la chose ne remplit pas cette condition. Ensuite, l’événement
doit être imprévisible, c-à-d qu’il ne doit pas être prévu ou prévisible au moment de l’accident. Enfin, l’événement doit
être irrésistible, c-à-d que le gardien doit avoir été dans l’impossibilité de l’éviter. Lorsque ces trois conditions sont réunies,
le gardien est totalement exonéré. Des décisions de la jurisprudence ont cependant admis une exonération partielle du
gardien en cas de coexistence d’un événement de force majeure avec un fait de la chose.

B. Le fait d’un tiers ou de la victime

Le gardien de la chose est exonéré totalement s’il établit que le dommage est dû à un fait d’un tiers présentant lors de
l’accident, les caractères de la cause étrangère. Si le fait d’un tiers ne remplit pas ces conditions, l’exonération doit être
partielle. Précisons que le gardien ne peut être exonéré par le fait d’une personne dont il répond civilement en vertu de
la loi, soit comme parent s’il s’agit d’un enfant, soit comme commettant s’il s’agit d’un préposé.

La faute ou le fait de la victime est également une cause d’exonération du gardien s’il a un caractère extérieur, imprévisible
et insurmontable. A défaut de ces caractères, le gardien ne peut bénéficier que d’une exonération partielle. En effet,
abandonnant la solution prise par l’arrêt Desmares (21 juil. 1982) qui avait décidé que seul un comportement de la victime
présentant un caractère imprévisible et irrésistible peut exonérer le gardien, la 2e chambre civile a, par trois arrêts du 6
avril 1987 précisé que « le gardien de la chose instrument du dommage est partiellement exonéré de sa responsabilité s’il
prouve que la faute de la victime a contribué au dommage ».

Tel est le régime de la responsabilité générale du fait d’autrui. Création jurisprudentielle, elle a envahi un domaine
particulièrement large, de sorte que certains ont pu craindre qu’elle ne finisse par « engloutir » la responsabilité du fait
personnel. Une telle évolution ascendante n’a pu se justifier que par la multiplication des choses consécutive à la
révolution technique et scientifique qui a pour conséquence d’accroître chez les juges du fond le souci de protéger les
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victimes. On comprend alors que les cas spéciaux de responsabilité du fait des choses, hormis celle des auteurs d’accidents
causés par les véhicules, soient pratiquement devenus marginaux.

SECTION 2 : LES CAS SPECIAUX DE RESPONSABILITE DU FAIT DES CHOSES

La découverte d’un principe général de la responsabilité du fait des choses dans les dispositions de l’article 1384 al. 1er
du Code civil, a pratiquement relégué dans l’ombre les cas particuliers de responsabilité du fait des animaux et des
bâtiments prévus par le même code. Il importe de les évoquer (P. 1) avant de nous intéresser à la situation spécifique des
dommages causés par les accidents de circulation qui est régie par le Code CIMA (P. 2).

Parag. 1 : La responsabilité du fait des animaux et des bâtiments

Il s’agit des deux cas de responsabilité du fait des choses expressément prévus par le Code civil de 1804. Si les règles
applicables à la responsabilité du fait des animaux sont quasiment identiques à celles relatives au principe général de la
responsabilité du fait des choses (A), il en va autrement des règles régissant la responsabilité du fait des bâtiments qui
présentent quelques traits particuliers (B).

A. La responsabilité du fait des animaux

Aux termes de l’article 1385 du Code civil, « le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son
usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou
échappé ». Il résulte de ce texte que celui qui a la propriété ou l’usage d’un animal répond, dans certaines conditions des
dommages que celui-ci peut causer à autrui (1), sauf s’il peut se prévaloir d’une cause d’exonération (2).

1. Les conditions de la responsabilité du fait des animaux

Pour que la responsabilité soit engagée, il faut d’une part qu’il y ait un fait dommageable de l’animal (a), et d’autre part,
que celui est poursuivi en ait la garde (b).

a) Le fait dommageable de l’animal

C’est la première condition de mise en œuvre de la responsabilité prévue à l’article 1385 du Code civil. Il faut que l’animal
soit à l’origine du dommage. Il en est par exemple ainsi en cas de morsure causée par un chien ou de destruction de
cultures par un troupeau de moutons.

La victime doit donc établir la relation de causalité entre l’activité ou le comportement de l’animal et le dommage qu’elle
a subi. Cela étant précisé, il convient de déterminer la nature et les caractéristiques de l’animal dont on peut répondre.

S’agissant d’abord de la nature de l’animal, force est de relever que l’art. 1385 se contente d’évoquer l’animal dont on a
la propriété ou l’usage. L’animal ainsi visé peut-être soit domestique (ex : chiens, chats, poules, etc), soit sauvage mais à
condition qu’il ait été capturé (ex : animaux sauvages confinés dans des zoo ou exploités par un cirque, abeilles vivant
dans une ruche). En revanche, les animaux sauvages qui vivent en liberté, sont des res nullius, c-à-d des choses sans
maîtres, et comme tels, échappent à l’art. 1385. En définitive, qu’il s’agisse d’un animal domestique ou d’un animal
sauvage capturé (ou domestiqué), l’espèce zoologique est indifférente : l’art. 1385 s’applique aussi bien aux animaux au
sens strict du terme, qu’aux aux oiseaux ou aux insectes.

Quant au caractère de l’animal, le texte ne donnant aucune indication, la jurisprudence retient la responsabilité du
répondant, que l’animal soit dangereux ou inoffensif.

b) La garde de l’animal

La personne responsable du dommage causé par un animal est celle qui en a la garde.

Des prévisions de l’art. 1385, il peut s’agir soit du propriétaire de l’animal, soit de celui qui s’en sert. Il apparaît ainsi que
le gardien est le propriétaire de l’animal ou celui qui en a l’usage.

Levant toute équivoque, la Cour de cassation a dans un arrêt du 5 mars 1953, précisé que le responsable du dommage
causé par un animal est celui qui dispose des pouvoirs de direction, de contrôle et d’usage. Autrement dit, le gardien est
celui qui a la maîtrise de l’animal au moment de la réalisation du dommage. De ce qui précède, il faut tirer deux
observations.
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En premier lieu, il faut souligner le fait que le gardien est soit le propriétaire, soit celui qui en vertu d’une convention (prêt,
location) ou même d’un acte de bienfaisance, s’est vu transférer la garde de l’animal (dans ce dernier cas, on considère
qu’il y a transfert de garde lorsque quelqu’un accepte de garder bénévolement un animal pendant longtemps) en vue
d’un usage professionnel ou non. En revanche, il n’y a pas transfert de garde lorsque l’animal a été confié à un préposé
pour l’exercice de ses fonctions. Dans ce cas, la responsabilité pèse sur le propriétaire.

En second lieu, il faut préciser que la responsabilité du gardien est engagée, que l’animal qui a causé le dommage soit
sous sa garde immédiate ou qu’il se soit égaré ou échappé. En d’autres termes, l’égarement ou la fuite de l’animal ne font
pas cesser la garde.

Au total, lorsque les conditions ci-dessus exposées sont réunies, le gardien de l’animal est responsable sans que la victime
ait à prouver une faute quelconque de sa part. Il ne peut s’exonérer que dans des circonstances qu’il faut indiquer.

2. L’exonération de la responsabilité du gardien

La responsabilité du gardien de l’animal est une responsabilité sans faute. Certes, pendant longtemps, la jurisprudence a
décidé que le propriétaire ou celui qui se sert de l’animal peut s’exonérer par la preuve de l’absence de faute. Mais, en
1885, un arrêt de la Cour de cassation a remis en cause cette solution. Visant l’art. 1385, elle a notamment jugé : « Attendu
que la responsabilité édictée par ledit article repose sur une présomption de faute imputable au propriétaire de l’animal
qui a causé le dommage ou la personne qui en faisait usage au moment de l’accident ; Que cette présomption ne peut
céder que devant la preuve soit d’un cas fortuit, soit d’une faute commise par la partie lésée ».

En somme, nul ne conteste aujourd’hui que la responsabilité du gardien de l’animal est une responsabilité de plein droit,
de sorte qu’elle ne peut être exonérée qu’en cas de force majeure ou de faute de la victime ou d’un tiers présentant un
caractère irrésistible et imprévisible. Il s’agit donc d’un régime identique à celui qui exclut la responsabilité du fait des
choses fondée sur l’art. 1384 al. 1er.

B. La responsabilité du fait des bâtiments

L’article 1386 édicte cette responsabilité en ces termes : « Le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage
causé par sa ruine, lorsqu’elle est arrivée par suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa construction ». Il convient
d’en préciser les conditions (1) avant d’envisager les causes d’exonération du propriétaire (2).

1. Les conditions de la responsabilité du propriétaire

Elles concernent la personne responsable et le fait dommageable du bâtiment.

En ce qui concerne la personne responsable, il ressort de l’art. 1386 que c’est le propriétaire du bâtiment. On considère
que la mise en œuvre de l’art. 1386 est subordonnée à la qualité de propriétaire. Par conséquent, toute autre personne
autre que le propriétaire ne peut voir sa responsabilité engagée que sur un autre fondement textuel, c-à-d, selon le cas,
les articles 1382 ou 1383 ou l’art. 1384 al. 1er.

Quant au fait dommageable de la chose, il convient de rappeler qu’il s’agit du fait d’un bâtiment. Par « bâtiment », on
entend tout édifice incorporé au sol ou à un autre immeuble par nature. Ainsi, la maison d’habitation, un mur de
soutènement ou un barrage de retenue d’eau sont des bâtiments au sens de l’art. 1386. En revanche, il est admis que les
constructions provisoires qui ne sont pas durablement fixées au sol ne sont pas des bâtiments. Pour qu’il y ait
responsabilité du propriétaire, il faut, d’une part, que le bâtiment, par sa ruine, cause un dommage à autrui. La notion de
ruine couvre tout autant la chute totale ou partielle du bâtiment que la dégradation de toute partie de la construction ou
de tout élément mobilier ou immobilier qui y est incorporé d’une façon indissoluble. Il faut, d’autre part, que cette ruine
soit due à un défaut d’entretien ou à un vice de construction. En quelque sorte, la victime doit établir soit l’existence d’un
vice de construction, soit la faute du propriétaire dans l’entretien du bâtiment.

Cette exigence constitue la spécificité de la responsabilité du fait des bâtiments par rapport à la responsabilité du fait des
choses basée sur l’art. 1384 al. 1er. Elle instaure une disparité de traitement entre les victimes selon la nature de la chose
ayant causé le dommage. En effet, seules les victimes de dommages causés par un bâtiment sont tenues de faire la preuve
du vice de la chose ou la faute du gardien de la chose.
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2. Les causes d’exonération du propriétaire

Il est admis que le propriétaire ne peut pas s’exonérer par la preuve de l’absence de faute. En revanche, il peut être libéré
en cas de force majeure (ex : la ruine du bâtiment provient d’une tornade ou d’une inondation exceptionnelle) ou de faute
de la victime présentant les caractères de la force majeure.

Parag. 2 : Le régime de réparation des accidents de circulation

La responsabilité des auteurs d’accidents de circulation pour les dommages causés aux victimes a naturellement d’abord
été soumise à l’art. 1384 al. 1er du Code civil. Mais, l’on a fini par déplorer le fait que de nombreuses victimes étaient
privées d’indemnisation (partiellement ou totalement) dès lors que l’auteur de l’accident pouvait établir l’existence d’une
cause d’exonération (cause étrangère ou faute de la victime par exemple). En réaction, une loi française du 5 juillet 1985
fut adoptée en vue de l’amélioration de la situation des victimes. Le Cameroun ne fut pas en reste. C’est ainsi qu’une
Ordonnance de 1989 s’inspira de la loi de 1985. Finalement, l’indemnisation des victimes d’accident de circulation est
désormais régie par le chapitre IV du titre I du livre II du Code CIMA (Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances).
C’est ce nouveau régime dont l’étude est entreprise (art. 225 et suivants). Il s’agit d’envisager les conditions auxquelles
est subordonnée l’indemnisation des victimes d’une part (A) et les cas où celles-ci peuvent être privées de ce droit (B).

A. Les conditions de l’indemnisation des victimes

Ces conditions sont relatives au véhicule d’une part (1) et aux victimes d’autre part (2).

1. Conditions relatives au véhicule

Pour que le régime d’indemnisation prévu par le Code CIMA soit mis en œuvre, il faut un véhicule et surtout que ce
véhicule ait causé l’accident. Cette double condition doit être mieux précisée.

a) il faut un véhicule.

Par véhicule, on entend tout engin doté d’un moteur destiné à le mouvoir sur le sol, capable de transporter des personnes
ou des choses. La jurisprudence fait rentrer dans cette catégorie : les automobiles de tourisme, les camions et
camionnettes, les engins de travaux publics, les tracteurs agricoles, les motocyclettes, les voiturettes ou les tondeuses à
gazon, etc.

Quant aux remorques ou semi-remorques, l’art. 200 du Code CIMA désigne par là :

-« les véhicules terrestres construits en vue d’être attelés à un véhicule terrestre à moteur et destinés au transport de
personnes ou de choses » ;

-« tout appareil terrestre attelé à un véhicule terrestre à moteur ».

Ne sont pas soumis au régime d’indemnisation prévu par le Code CIMA, les accidents causés par les chemins de fer et les
tramways (art. 200). Autrement dit, ce texte exclut tous les véhicules terrestres qui circulent sur une voie ferrée, tels que
les trains, les métros.

b) Il faut que le véhicule ait causé l’accident

Ainsi, au sens de la loi, le véhicule et sa remorque ou semi-remorque forment un tout.

Les dispositions du Code CIMA s’appliquent dès lors que l’accident a été causé par un véhicule terrestre à moteur
proprement dit ou par sa remorque ou sa semi-remorque. Il y a là une différence avec la loi de 1985 ou l’ordonnance de
1989 qui se contentent d’exiger qu’un véhicule soit impliqué dans l’accident. En effet, on considère que la notion
d’implication entraîne l’abandon de l’exigence d’une relation stricte de causalité entre l’accident et le dommage subi par
la victime. Comme l’écrivent certains auteurs, « il est possible de dire que le véhicule est impliqué dans l’accident dès
l’instant qu’il apparaît comme l’une des composantes de la situation accidentelle considérée, sans qu’il soit nécessaire de
rechercher s’il a effectivement joué un rôle causal dans la production du dommage ». Il importe alors peu que le dommage
impliqué dans l’accident soit en mouvement, à l’arrêt ou en stationnement, ou qu’il soit ou non entré en contact avec la
victime. En revanche, étudiant le régime institué par le Code CIMA, le Pr Anoukaha estime qu’il oblige la victime de
rapporter la preuve que l’accident a été causé par le véhicule. En d’autres termes, elle doit établir que le véhiculé a joué
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un rôle causal, c-à-d qu’elle a joué un rôle actif. Une telle interprétation aboutit donc à écarter l’application du régime
CIMA dans les cas où le véhicule est normalement en stationnement ou à l’arrêt.
2. Les conditions relatives aux victimes

Le Code CIMA distingue deux sortes de victimes : celles n’ayant pas la qualité de conducteur d’une part (a), et celles qui
ont cette qualité (b).

a) Les victimes n’ayant pas la qualité de conducteur

Le régime prévu par le Code CIMA s’applique lorsque le dommage a été subi par différentes catégories de personnes que
l’on peut qualifier de « victimes ordinaires ». Il en est ainsi des piétons, des cyclistes ou des passagers. S’agissant
notamment des passagers, il faut préciser qu’il importe peu qu’ils soient transportés bénévolement ou en vertu d’un
contrat de transport (art. 225).

b) Les victimes ayant la qualité de conducteur

Le conducteur, en cas d’accident causé par un seul véhicule ou les conducteurs en cas d’accident impliquant plusieurs
véhicules peuvent (collision entre deux voitures ou carambolage), lorsqu’ils ont souffert d’un dommage, invoquer les
règles d’indemnisation prévues par le Code CIMA. Leur situation se distingue cependant de celle des victimes ordinaires
en ce qui concerne l’étendue du droit à l’indemnisation.

B. Le régime de l’indemnisation

Elles varient selon qu’il s’agit d’un non-conducteur (a) ou d’un conducteur (b).

a) Le cas de la victime non-conducteur

Le régime juridique de l’indemnisation prévu par le Code CIMA est particulièrement favorable aux victimes ordinaires. En
effet, contrairement aux victimes de dommages causés par des choses autres que les véhicules qui peuvent se voir
opposer la force majeure ou le fait d’un tiers ou leur faute par le gardien de la chose, les victimes d’accidents de circulation
ne peuvent être déchu de leur droit à réparation pour ces raisons.

D’une part, conformément à l’art. 226 du Code CIMA, « les victimes … ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le
fait d’un tiers par le conducteur ou le gardien d’un véhicule ». C’est dire que contrairement au droit commun de la
responsabilité du fait des choses, la force majeure et le fait d’un tiers ne sont pas des causes d’exonération de
responsabilité en matière d’accidents de circulation. La victime a donc droit à une indemnisation quasi automatique et
complète de son préjudice dans ce cas.

D’autre part, et s’agissant cette fois-ci de la faute de la victime, l’art. 228 du Code CIMA fait une distinction selon que la
victime demande réparation des dommages résultant d’une atteinte à son intégrité physique ou d’une atteinte à ses
biens. Dans le premier cas (atteinte à l’intégrité physique), la faute de la victime ne lui est pas opposable, sauf lorsqu’elle
a « volontairement recherché les dommages subis » (art. 228 al. 1er). Autrement dit, seule la faute intentionnelle de la
victime ayant provoqué ou contribué à la réalisation du dommage fait obstacle à son droit à l’indemnisation. Dans le
second cas (atteinte aux biens), toute « faute commise par la victime a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation
des dommages aux biens » (art. 228 al. 3). En d’autres termes, si la faute de la victime est la cause exclusive du dommage,
il y a exonération totale du gardien du véhicule ; si elle n’a fait qu’y contribuer, il y a exonération partielle.

En définitive, il apparaît que la victime ordinaire d’un accident de circulation bénéficie d’une situation privilégiée.

b) Le cas des conducteurs

Leur situation est identique à celle des victimes ordinaires en ce qui concerne les atteintes à leur intégrité physique,
uniquement à propos de l’inopposabilité de la force majeure ou du fait d’un tiers (art. 226 al. 1er). En revanche, elle diffère
en ce qui concerne la faute de la victime. Celle-ci affecte son droit à l’indemnisation, autant en cas d’atteinte à l’intégrité
physique qu’en cas d’atteinte aux biens. En effet, l’art. 227 al. 2 énonce que « La faute commise par le conducteur du
véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages corporels et matériels qu’il
a subis ». C’est dire que toute faute quelconque du conducteur a des répercussions sur son droit à réparation : exclusion
de toute réparation lorsqu’elle est la cause unique du dommage ; limitation de la réparation lorsqu’elle a simplement
contribué à la réalisation du dommage.

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