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La Responsabilité Délictuelle 2015

2ème semaine  : Les éléments communs à tous les cas de responsabilité civile

La mise en œuvre de la responsabilité civile n’est enclenchée qu’en présence de trois éléments :

 L’existence d’un dommage ;


 Un lien de causalité ; et
 Un fait générateur.

§1 Un dommage

A. Nécessité du dommage

Pour que la responsabilité civile soit engagée, il faut que la victime souffre d’un dommage, un préjudice
à réparer. Il ne faut pas confondre la notion du dommage et les « dommages et intérêts ». Ce dommage
désigne la lésion subie. Le préjudice est la «  conséquence juridique et subjective  »1 de cette lésion. Le
préjudice peut être d’ordre matériel, moral ou corporel.

Ce dommage doit nécessairement avoir un lien de causalité avec l’intervention du responsable.

Le principe que «  toute faute appelle réparation  » s’est modifié comme étant «  tout dommage appelle
condamnation  ». Si l’on s’en tient à cette ligne de pensée, on comprend que «  l'existence d'un mal
devient le centre de gravité de la responsabilité  ; la faute pourrait tout aussi bien s'analyser comme la
commission d'un mal, le préjudice comme la souffrance d'un mal et la réparation comme la guérison
d'un mal  »2.

La nécessité d’un dommage découle des articles 1382 à 1386 du CCM :

Article 1382. Tout fait quelconque, de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige
celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

Article 1383. Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son
fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Article 1384. On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son
propre fait, mais encore de celui qui est cause, par le fait des personnes dont on doit
répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.

1
Voir Encyclopédie numérique Dalloz, Répertoire de Droit Civil, Responsabilité (en général) par Philippe Le
Tourneau, Section 2 – Conditions de la responsabilité, Art. 1er – Un dommage, §2 Dommage et préjudice, Note 22.

2
Voir Encyclopédie numérique Dalloz, Répertoire de Droit Civil, Responsabilité (en général) par Philippe Le
Tourneau, Section 2 – Conditions de la responsabilité, Art. 1er – Un dommage, §1 Nécessité d’un dommage, Note
20.

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Le père et la mère, en tant qu'ils exercent le droit de garde sont solidairement responsables
du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.

Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans
les fonctions auxquelles ils les ont employés.

Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le
temps qu'ils sont sous leur surveillance.

Le gardien de la chose, du dommage causé par le fait de celle-ci.

La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère, instituteurs et artisans, ne
prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité ou que le
gardien de la chose ne prouve que le dommage a été causé par l'effet d'une force majeure
ou de la faute exclusive de la victime.

Toutefois, celui qui détient à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens
mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des
tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa
faute ou à la faute des personnes dont il est responsable. Cette disposition ne s'applique
pas aux rapports entre propriétaires et locataires, qui demeurent régis par les articles
1733 et 1734 du présent Code.

Article 1385. Le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son
usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa
garde, soit qu’il fût égaré ou échappé.

Article 1386. Le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa
ruine, lorsqu’elle est arrivée par une suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa
construction.

B. Les catégories de dommages réparables

Il est important de comprendre quels sont les dommages qui sont réparables. Ces dommages peuvent
se présenter sous diverses formes. Ils peuvent être des dommages « matériels » ou « moraux ».

i. Dommages matériels

Les dommages matériels peuvent se présenter sous plusieurs formes. Ils peuvent constituer en une
atteinte aux droits et intérêts d’ordre patrimonial de la victime - l’atteinte au patrimoine, le dommage
corporel, l’atteinte à la personne. Il peut s’agir :

 D’une perte subie par la victime ou damnum emergens comme une dégradation ou destruction
d’une chose appartenant à la victime, des frais occasionnés par une blessure (frais
d’hospitalisation, achats de médicaments, frais du docteur consulté).
 D’un gain manqué ou lucrum cessans comme une impossibilité pour un individu d’exercer une
activité professionnelle.

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Illustration ; un accident de voiture s’est produit et une personne est grièvement blessée. Si cette
personne souffre d’une incapacité permanente à la suite de cet accident, par exemple elle est paralysée,
elle peut réclamer réparation. C’est un docteur qui constate le pourcentage d’incapacité dont souffre
cette personne.

ii. Dommages moraux

Les dommages moraux sont ceux qui ne portent pas atteinte au patrimoine d’une personne. Il peut
s’agir :

 de la douleur physique ou moral que ressent la victime à la suite d’un accident de la route par
exemple (dit le pretium doloris) ;
 la souffrance psychologique que ressent une victime qui a été défigurée (préjudice esthétique) ;
 la souffrance que ressent une personne privée d’une activité qu’elle aimait faire (préjudice
d’agrément). Une victime d’un accident de la route qui ne peut plus jouer au football  par
exemple;
 une atteinte à un droit extrapatrimonial comme une atteinte à la vie privée ou une atteinte aux
sentiments (préjudice d’affection causé par la perte d’un être aimé).

Voir les arrêts suivants:

 SAINDRENAN G A M AND ANOR v SWAN INSURANCE CO. LTD. AND ANOR [2013 SCJ 487] ;
 SAKOOR DAWOOD PATEL, MRS BILKISS BANU PATEL AND MOHAMED PATEL v ANANDSING
BEENESSREESINGH AND SICOM LTD [2011 PRV 79];
 TEXTILE DYEING AND PRINTING INDUSTRIES LIMITED v KHEMUN MOHUNLALL [1994 SCJ 263];

En France comme à Maurice, il y a eu des débats quant à l’octroi d’une somme d’argent en guise de
réparation du dommage moral. Comment peut-on évaluer la douleur d’une personne ? Telle est la
grande question.

Selon l’arrêt New Light Match Co. Ltd. v 0no [1990 MR 164], il s’agissait en
l’espèce d’une veuve qui réclamait des dommages moraux de l’employeur de son
défunt époux. La veuve réclamait des dommages moraux en son nom personnel
et au nom de ses enfants. Son époux étant décédé des suites de graves brûlures
subies sur son lieu de travail. La Cour suprême siégeant en appel fut appelée à
revoir la somme qui pouvait être octroyée à la veuve et les enfants. Les
observations faites par la Cour sont ici pertinentes :

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“the Court adopted the view that “moral damages” were payable to “la personne
que l’homicide a plongée dans l’affliction” but that such moral damages were to
be restricted to the spouse and the near relatives of the victim”;

La cour cita Le Prix de la Douleur, published in Recueil Dalloz (Chroniques) of


1948 M. Georges Ripert, membre de l’Institut and Professeur de Droit à la
Faculté de Paris :

«  Quand le dommage consiste dans la douleur causée par la mort d’un parent, la
critique de la réparation pécuniaire est sans doute facile. La douleur du père n’est
donc plus éternelle, et “les tristes discours que on tient en l’esprit l’amitié
parternelle” doivent-ils devenir motifs de conclusions? Mais une telle critique est
aujourd’hui bien vaine en présence d’une jurisprudence établie. Si les atteintes à
l’honneur, à la réputation, à la pudeur peuvent donner lieu à réparation, pourquoi
pas aussi l’atteinte à l’amour ou à l’amitié? Dans bien des cas les dommages
intérêts alloués pour le préjudice matériel ne permettent pas une restitution de
choses détruites ou disparues et ne constituent qu’une satisfaction compensatoire.
La réparation de préjudice moral est du même ordre. Notre faible nature humaine
trouve ou cherche des consolations aux plus extrêmes douleurs. L’argent aide à
supporter bien des maux. Il appartient à celui qui le reçoit d’en faire le plus noble
usage  ».

La cour cita aussi Max Le Roy’s work, l’Evaluation du Prejudice Corporel, 7e


Edition, published in 1977 by Librairies Techniques, Librairie de la Cour de
Cassation, at paragraphs 185, 186, 188, 189 and 194–

«  185. Outre le préjudice strictement matériel dont il vient d’être question, le


conjoint de la victime subit un préjudice moral (atteinte aux sentiments
d’affection, trouble dans les conditions d’existence).

[…]

186. Le montant de ces indemnités est fonction d’éléments très variables d’un cas
à l’autre. Il est évidemment beaucoup plus important pour une femme très
attachée à son mari qui n’a que des parents éloignés et reste seule dans la vie, que
pour une femme qui a manifesté à plusieurs reprises son intention de se séparer
de son mari et de se remarier. Quant au préjudice “moral” proprement dit, les
indemnités allouées par les tribunaux sont fonction de l’âge des enfants et de celui
des parents.

[…]

189. Il y a également lieu de majorer l’indemnité allouée si la mort de son père (ou
de sa mère) est susceptible d’avoir une incidence sur l’avenir de l’enfant  ».

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…………………………

Dans l’arrêt VITHILINGUM S. V SEAGULL INSURANCE [1999 SCJ 124], il s’agissait


en l’espèce d’une veuve qui réclamait réparation (de l’ordre de Rs.1,038,000 avec
intérêts et dépens) au défendeur à la suite d’un accident de la route qui a coûté la
vie à son époux. La demanderesse réclamait réparation pour le préjudice subi, tant
matériel et moral, en son nom personnel et au nom de son enfant mineur. Le
défendeur était l’assureur de l’autobus qui était entré en collision avec l’époux
décédé. Le défendeur avait admis être responsable de l’accident.

Afin d’évaluer les «  dommages patrimoniaux  », la Cour pris en considération l’âge


de l’époux, celui de la demanderesse et de l’enfant au moment où l’accident s’est
produit  ; la profession des époux, le salaire perçu par l’époux décédé et le montant
qu’il versait au ménage familial. La Cour cita l’arrêt Khurun v 0rs v Pitot [ 1990
MR 214 ] où il est dit  :

“the “dommages patrimoniaux” would include (1) the amount of any monthly
“rente” not received from the time of death up to the time of judgment and (2) a
capital sum to compensate for future loss: that sum is an amount which, if
reasonably invested, will yield the sum which would have been normally spent on
the plaintiff(s) concerned by the de cujus: see Boodhoo v Ramsamy [ 1985 MR 1 ]”.

Pour le dommage moral, la Cour s’appuya sur les principes édictés dans l’arrêt
New Light Match Co. Ltd. v 0no [plus haut] afin d’évaluer le dommage moral.

La Cour ordonna au défendeur de payer Rs.294,150 à la demanderesse pour la


perte de revenus et Rs.80,000 à la demanderesse et Rs.30,000 à l’enfant mineur
pour dommages moraux.

C. Conditions que doit présenter le dommage

C’est le juge du fait qui constate et évalue le dommage. Cependant, le préjudice subi doit être
« qualifié ». Pour ouvrir la voie à la réparation, le dommage doit être certain, il doit avoir porté atteinte à
« un intérêt légitime protégé » et être direct.

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i. Le dommage doit être certain

Un dommage actuel est certain. Que le dommage soit passé ou présent, son existence doit être
constatée chez le demandeur.

À l’opposé, il existe aussi des dommages qui sont hypothétiques ou éventuels. Quand un préjudice est
éventuel, il n’est pas réparable. Ce caractère d’éventualité est concevable quand le dommage est futur.
Dans cette situation, il n’y a aucune certitude que le préjudice se réalisera. Cependant un dommage
futur peut être certain.

Voir l’arrêt rapporté à Req. 1er juin 1932, DP 1932.1.102, rapp. Pilon : installation d'une ligne électrique
au-dessus d'une propriété, en sorte qu'il était acquis qu'un dommage résulterait du fonctionnement et
de l'entretien de cette ligne – «  s’il n’est pas possible d’allouer des dommages-intérêts en réparation
d’un préjudice purement éventuel, il en est autrement lorsque le préjudice, bien que futur, apparaît au
juge du fait comme la prolongation certaine et directe d’un état de chose actuel et comme susceptible
d’évaluation immédiate  ».

La réparation du dommage futur s’opèrera si son existence est certaine et son évaluation possible par le
juge.

La distinction entre un préjudice certain et hypothétique pose parfois quelques difficultés par exemple
lorsqu’il s’agit de la perte d’une chance. Si cette chance est inexistante ou faible, il n’y aurait pas de
réparation. Mais dès l’instant où les chances sont réelles, il n’y a pas lieu de refuser la réparation. La
cour accordera une indemnisation pour la chance perdue car il y a là un préjudice à part entière.

ii. L’intérêt lésé doit être légitime

Il faut ici un intérêt digne d’être considéré par la loi qui ne soit pas contraire aux lois, illégitime.

Une illustration de ce principe réside dans la demande de compensation d’une concubine du fait de la
mort de son amant. En France, la cour de cassation a dans un arrêt de principe en date du 27 juillet 1937
décidé que la concubine n’avait pas le droit à une indemnité à l’encontre de l’auteur de la mort de son
amant car l’état de concubinage ne présente pas un « intérêt légitime juridiquement protégé »3.

La Cour suprême déclare dans l’arrêt Naikoo v. Société Héritiers Bhogun [1972
MR 66] que la concubine ne peut faire une demande de dommage "par ricochet"
car les parties “by their own choice have placed themselves outside the
protection which the law offered to them within the marriage bond” et la Cour
déclare ainsi qu’il n’y a aucun “intérêt juridiquement protégé".

La Cour déclare aussi  dans cet arrêt:

3
Voir Civ. 1re, 27 juill. 1937, DP 1938.1.5.

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“It seems clear that a concubine is not entitled to moral damages as such. As for
material damages, the question is not free from difficulty, but the better opinion
seems to be that the concubine cannot recover such damages, not because
concubinage is illegal or immoral, but because it is not a relation protected by law.
In other words, the action of the concubine fails not because it is a moral fault, but
because it is a legal fault: the parties by their own choice have placed themselves
outside the protection which the law offered to them within the marriage bond”.
The Chambre Civile of the Cour de Cassation has maintained the principle that “le
demandeur en réparation doit justifier non d'un dommage quelconque, mais de la
lésion certaine d'un intérêt légitime juridiquement protégé”. Here there is no legal
interest “juridiquement protégé”. As Mr. Voisin tersely put it in a note to a case
reported in D. 1968.354, “la mort d'un concubin ne crée pas un veuvage”.

À voir aussi l’arrêt M. V. Moutou v. Mauritius Government Railways [1933 MR


102] où la Cour suprême se réfère aux commentaires de M. le Conseiller Pilon
(D.P. 1931.1.39): «  Pour obtenir en justice, la réparation d’un préjudice, il ne suffit
pas d’un intérêt, mais il faut pouvoir justifier d’un droit lésé  ».

iii. Le dommage doit être direct

Le dommage indirect ne peut être réparé. La faute doit être imputable au défendeur et il doit exister
une relation de cause à effet entre la faute et le dommage.

En matière de responsabilité contractuelle, on se rappelle que selon l’article 1150 du CCM « le débiteur
n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat » et
selon l’article 1151, la réparation survient lorsque le dommage est « une suite immédiate et directe de
l'inexécution de la convention ». En matière de responsabilité délictuelle, l’élément de prévisibilité
disparaît car il n’y a ici aucun contrat. Toutefois, l’élément direct subsiste.

Précision:

 Est-ce que les héritiers du défunt peuvent réclamer réparation pour la « perte d’espérance de
vie du défunt » ?

La question s’est posée dans l’arrêt D'OFFAY v. DE SYLVA [1971 MR 226].

La Cour suprême cita “Le Roy in his work on “L'Evolution du préjudice corporel”, pp. 88, 89” qui
résume ce point :

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« On a parfois soutenu qu'il existait également un pretium mortis et on a construit une théorie
aux termes de laquelle la mort devrait être assimilée au point de vue de la réparation à une
incapacité à cent pour cent ouvrant, au profit de la succession de la victime, une créance contre
l'auteur de l'accident, calculée sur ces bases, laquelle se répartirait entre les héritiers au pro rata
de leurs droits héréditaires, sans que cette première réparation fasse obstacle à la possibilité
pour les parents de réclamer en sus des dommages pour le préjudice personnel subi soit à titre
matériel (débours causés par le décès et disparition de l'aide possible du défunt) soit à titre
moral (préjudice d'affection).

Cette théorie est notamment défendue par H. et L. Mazeaud qui s'expriment ainsi: “Le
dommage est nécessairement subi par la victime avant son décès. Si rapide qu'ait été la mort, il
s'est forcément écoulé entre elle et les coups portés au moins un instant de raison.
Obligatoirement les coups ont précédé la mort. Dans cet instant, si bref fut-il, où la victime déjà
atteinte n'était pas encore décédée, dans cet instant où son patrimoine existait encore, est née
la créance d'indemnité; les héritiers la retrouvent donc dans la succession… la créance ne naît
pas sur la tête d'un mort, mais sur la tête d'un vivant parce qu'il meurt; la victime meurt de sa
créance… Les héritiers ne demandent donc pas la réparation du préjudice subi par un vivant, en
mourant, du fait de sa mort”. (H. & L. Mazeaud, Traité théorique et pratique de la responsabilité
civile, 5e ed., t. II, n. 1910 et s.)

Mais cette thèse déjà rejetée par le Tribunal d'Albi (Trib. corr. Albi, 9 mars 1956: J.C.P.
56.II.9367) a également été rejetée par le Tribunal de la Seine, (Trib. corr. Seine, 11e Ch., 19 nov.
1957: J.C.P. 58.11.10417) qui a jugé “qu'aucune créance ne peut, par définition, naître du fait de
la mort tant que la mort n'est point effectivement survenue, nul ne pouvant affirmer que cette
mort est inéluctable et les sursauts de la nature étant imprévisibles; que ce n'est point dans la
fraction de seconde qui précède la mort que la créance nait, mais dans la fraction de seconde
qui suit; qu'à ce moment-là il est trop tard, celui qui vient de disparaître ne pouvant plus être
titulaire de droite” ».

La Cour décida dans cet arrêt «  We agree with the French Courts that “la thèse (du pretium
mortis), séduisante en apparence du point de vue de la logique et de l'équité, ne saurait en
réalité être accueillie  ».

 Est-ce qu’une victime peut réclamer réparation pour la perte d’une chance de se marier ?

La Cour octroie à la victime Rs.1 million comme dommages moraux en prenant en considération
la perte d’une chance de se marier. Voir l’arrêt MAHADEV O v SUN INSURANCE [2004 SCJ 165]
où la Cour suprême observe :

“As for the moral damages, pain and suffering, loss of amenities of life and loss of prospects of
marriage are concerned, she is 40 years old, she has scars over her body, including her face, with
disturbances in her menstrual cycle on account of the trauma. I agree that Mauritian society

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being what it is, plaintiff’s limping gait, restricted movement at her shoulder, knee and legs, the
facial and bodily scars and keloid formations are not likely to improve her chances of finding a
marriage partner. She stayed 17 days in hospital and needed constant attention for about 15
months afterwards. I assess moral damages in her case at Rs 1 million”.

§2 Lien de causalité entre le fait illicite et le dommage

Le demandeur doit établir le dommage subi par lui et le fait illicite commis par le défendeur. Mais il doit
aussi établir qu’il existe un lien de cause à effet entre le fait illicite commis par le défendeur et le
dommage subi4. Ce lien de causalité est une condition de la responsabilité civile, c’est un élément
autonome de la responsabilité, indépendant de la faute. Le fait dommageable doit avoir été la «  cause
génératrice » du dommage.

Toutefois, il advient que certains cas suscitent nombres d’interrogations quant au lien de cause à effet.

Situation : Madame X est au volant de sa voiture. Elle est percutée de plein fouet
par Monsieur Y. Madame X est blessée et a besoin de soins. Monsieur Y s’en sort
avec de légères blessures et il téléphone au SAMU qui arrive sur les lieux quelques
minutes plus tard. Les infirmiers prennent Madame X en charge et la transporte à
l’hôpital à bord de l’ambulance. En route vers l’hôpital, l’ambulancier perd le
contrôle de son véhicule et l’ambulance percute un mur. L’impact est violent.
Madame X décède.

Comment déterminer celui ou ceux qui ont été la cause du décès de Madame X  ?

Un accident de la route peut avoir de multiples causes ; un vice du véhicule, une mauvaise manœuvre
du conducteur, des conditions atmosphériques, le comportement d’un piéton ou d’un tiers, l’état de la
route… Il appartient au juge du fait d’apprécier tous les éléments qui sont portés devant la cour, de faire
un tri dans la série des événements afin de situer la cause de l’accident et ainsi les responsabilités.

A. Faits libératoires

Il n’est pas toujours évident d’établir le lien de causalité dans certaines situations. S’il est démontré que
le dommage a pour cause un cas fortuit ou de force majeure, l’état de nécessité, le fait d’un tiers ou la
faute de la victime elle-même, le défendeur ne sera responsable.

a. Cas fortuit ou de force majeure


Le dommage a pu être causé par un cas de force majeure. Il s’agit ici du même principe
qu’en matière contractuelle. La force majeure est un événement qui survient et qui revêt

4
Voir Civ. 14 mars 1892, DP 1892. 1. 523.

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un caractère imprévisible, irrésistible et extérieur. La constatation d’un événement de force


majeure exclut la responsabilité du défendeur.

b. Etat de nécessité
Fait rare, sur le terrain civil et pénal, il n’y a pas faute à causer un mal à autrui si c’était là le
seul moyen d’éviter un mal plus considérable à soi-même ou à une autre personne. Cet état
suppose un caractère un choix volontaire entre deux solutions ; causer dommage à autrui
ou laisser se réaliser un péril imminent. Il faut prouver que c’était là le seul moyen d’éviter
un dommage encore plus grave que celui qui a été causé.

c. Faute d’un tiers


Le défendeur ne sera pas tenu pour responsable du dommage s’il parvient à établir que la
faute d’un tiers qui est intervenu dans la réalisation du dommage a été la cause exclusive
du dommage et a présenté pour le défendeur les caractères d’imprévisibilité ou
d’insurmontabilité. Ce qui revient aux caractères qui définissent la force majeure.

d. Rapports entre coauteurs


Il y a ici partage de responsabilité si plusieurs personnes ont contribué au dommage qui a
occasionné un préjudice à la victime en commettant une faute. Ils seront tous responsables
et doivent indemniser la victime.

e. Participation de la victime
Si la faute ou le fait de la victime a présenté les caractères d’une force majeure pour le
défendeur et a été la cause exclusive de l’accident, il n’y a pas lieu à réparation. Toutefois, si
la faute de la victime n’est pas la cause exclusive, son existence et sa preuve n’écartent pas
la responsabilité du défendeur ; il y a alors faute commune et l’indemnité pourra être
diminuée d’après le degré de faute des parties.

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