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LA RESPONSABILITE CIVILE

BIBLIOAGRPHIE INDICATIVE

Ouvrages

- BACACHE-GIBEILI (M.), Traité de droit civil, t. 5, Les obligations, La responsabilité


civile extracontractuelle, sous la dir. de Ch. LARROUMET, 2e éd., Economica, coll. Corpus
droit privé, 2012.

- BÉNABENT (A.), Droit des obligations, 13e éd., Montchrestien, Lextenso éd., coll. Précis
Domat, 2012.

- BRUN (Ph.), Responsabilité civile extracontractuelle, 2e éd., Litec, coll. Manuel, 2009.

- BUFFELAN-LANORE (Y.), LARRIBAU-TERNEYRE (V.), Droit civil, Les obligations,


13e éd., Sirey, coll. Sirey Université, 2012.

- FABRE-MAGNAN (M.), Droit des obligations, t. 2, Responsabilité civile et quasi-contrats,


3e éd., PUF, coll. Thémis, 2013.

- FAGES (B.), Droit des obligations, 3e éd., LGDJ, Lextenso éd., coll. Manuel, 2011.

- SAVAUX (É.), Droit civil, Les obligations, 3. Le rapport d’obligation, 7e éd., Sirey, coll.
Sirey Université, 2011.

- GHESTIN (J.), JAMIN (Ch.), BILLIAU (M.), Traité de droit civil, Les effets du contrat,
sous la dir. de J. GHESTIN, 2e éd., coll. Traités, 1994.

- GHESTIN (J.), VINEY (G.), JOURDAIN (P.), Traité de droit civil, Les conditions de la
responsabilité, sous la dir. de J. GHESTIN, 3e éd., LGDJ, coll. Traités, 2006

- VINEY (G.), Traité de droit civil, Introduction à la responsabilité, sous la dir. de J.


GHESTIN, 3e éd., LGDJ, coll. Traités, 2008.

- VINEY (G.), JOURDAIN (P.), Traité de droit civil, Les effets de la responsabilité, sous la
dir. de J. GHESTIN, 3e éd., LGDJ, Lextenso éd., coll. Traités, 2011.
Articles
- CORREA (J.-L), La réparation intégrale dans le code des obligations civiles et
commerciales du Sénégal. COCC, 50 ans Après, Harmattan Sénégal, vol. 1, 2018, p.138 -
165.
- KEITA (I-M.), Réflexions sur l’obligation de minimiser le dommage en droit malien »
RADSP, n° 31, spécial, Vol.XI, 1er Sem. Mai 2023, Les Éditions Le KilImandjaro, pp.
141-170. ISSN: 2306-191X.
- NGAMI BASHIGE (S.), La réparation du préjudice en droit Congolais,Editions
universitaires européennes, Octobre 2019, pp.88

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Textes
- Loi du 29 août 1987 portant régime général des obligations en République du Mali (RGO).
- Code civil français.

INTRODUCTION
La responsabilité, d’une manière générale, s’entend comme l’obligation pour une personne de
répondre d’un acte perturbateur de l’ordre social et d’en assumer les conséquences civiles,
pénales, administratives, disciplinaires… La définition semble ne pas fondamentalement
diviser les juristes même si chacun la conçoit de manière à mieux l’adapter à sa spécialité.

La responsabilité civile est l’obligation de réparer le préjudice, que l’on a causé à autrui,
résultant soit de l’inexécution d’un contrat (responsabilité contractuelle - cf. cours Droit des
contrats et régime général des obligations) soit de la violation du devoir général de ne causer
aucun dommage (responsabilité extracontractuelle ou délictuelle au sens large: art.113 RGO).

La responsabilité extracontractuelle ou délictuelle au sens large résulte des faits


juridiques. Elle tend à rétablir, dans un patrimoine, un état antérieur que le fait juridique
dommageable, par hypothèse, avait rompu. Elle se distingue des quasi-contrats (gestion
d!affaire et paiement de l!indu) et de l!enrichissement sans cause par le fait que ceux-ci sont
des faits juridiques profitables et entraînent, par conséquent, une obligation de restitution de
l!avantage reçu et non une réparation.
La responsabilité civile délictuelle au sens large ou responsabilité extracontractuelle
comprend la responsabilité délictuelle au sens strict (responsabilité liée au délit civil au sens
strict) et la responsabilité quasi-délictuelle (responsabilité liée au quasi-délit).
Le délit civil au sens strict est tout fait illicite de l!homme résultant d!une faute

intentionnelle. Au sens large, le délit civil est tout fait illicite de l!homme (intentionnel ou
non) engageant sa responsabilité civile.
Quant au quasi-délit, il est un fait de l!homme illicite, mais commis sans intention de
nuire (par négligence, imprudence ou inattention), qui cause un dommage à autrui et oblige
son auteur à le réparer.
En droit pénal, le délit, au sens strict, est une infraction dont l!auteur est puni d!une

peine correctionnelle (emprisonnement de 11 jours à 5 ans et l!amende supérieure à 18 000 F).

Au sens large, il est synonyme d!infraction. La notion de quasi-délit n!existe pas en droit

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pénal.
Pour approfondir la responsabilité civile délictuelle au sens large, tout d!abord, nous
examinerons la responsabilité civile classique (Partie I) telle que prévue par le RGO. Ensuite,
nous analyserons l’évolution des fondements de la responsabilité civile (Partie II).

PARTIE I : LA RESPONSABILITE CIVILE CLASSIQUE


Les dispositions relatives à la responsabilité civile sont d’ordre public comme le
prévoit l!article 117 RGO "#« Hors les cas prévus aux articles 134 et suivants, les dispositions
concernant la responsabilité de droit commun ou les régimes particuliers de responsabilité
sont d’ordre public.
En aucune façon, le débiteur ne peut s’exonérer de la responsabilité d’un dommage causé à
la personne ou des conséquences de son dol ou de sa faute lourde.
Il ne peut non plus s’exonérer du dol ou de la faute lourde de ses préposés. »
L’analyse portera, d’abord, sur les conditions de la responsabilité civile (CHAPITRE
I) et, ensuite, sur sa mise en œuvre (CHAPITRE II).

CHAPITRE I : LES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE


Le RGO prévoit trois conditions de la responsabilité civile : le dommage, le fait
générateur du dommage et le lien de causalité entre le dommage et le fait générateur.

SECTION I : LE DOMMAGE
Le dommage est traditionnellement en droit civil défini comme l'atteinte à un
intérêt patrimonial ou extra-patrimonial d'une personne que l'on appelle victime.
Sans dommage subi par la victime, il n’y a pas de responsabilité. En conséquence,
une faute non dommageable, même grave, ne fait pas l’objet de sanction civile. En cela, la
responsabilité civile se distingue de la responsabilité pénale qui sanctionne également la
seule tentative de causer un dommage. $%&'# (()* "# +* Le dommage peut être matériel ou
moral, actuel ou futur. Mais il doit toujours être certain et direct. Il est générateur de
responsabilité s’il porte atteinte à un droit. »
Il résulte de cette disposition les catégories et les caractères généraux du dommage
réparable que nous analyserons. L’analyse portera aussi sur l’évaluation du dommage.

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PARAGRAPHE 1 - Les catégories de dommage réparable Il résulte de la
disposition de l’article 114 RGO précitée que le dommage peut être matériel ou moral,
actuel ou futur. Le dommage corporel s’est détaché des deux premières catégories. Le
dommage peut être aussi personnel ou collectif.
I - Le dommage matériel
C’est le dommage qui porte atteinte au patrimoine. Il peut s’agir d’une véritable
perte (appauvrissement de la victime) ou d’un manque à gagner (victime privée d’un
enrichissement sur lequel elle pouvait légitimement compter – le patrimoine se serait accru
sans l’évènement litigieux).
Ex : l’atteinte au nom commercial, bien que celle-ci soit immatérielle, est un
dommage matériel puisqu’il porte atteinte au patrimoine.
II - Le dommage moral
Le dommage moral est un dommage subjectif qui ne porte pas atteinte au
patrimoine, mais à l’état physique (souffrance physique) ou à des formes de sentiments
humains tels que l’honneur, la réputation, l’image, ou psychique ou les sentiments
d’affection. S’y ajoutent le préjudice esthétique (cicatrices, enlaidissement) et le préjudice
d’agrément (par exemple, impossibilité de pratiquer un sport, une activité artistique, perte du
goût, trouble de la vie sexuelle).
Pour le dommage moral, Il s’agit plus d’une indemnisation qu’une réparation
proprement dite : on ne remet pas la victime dans l’état dans lequel elle se trouvait avant
mais on compense ce dommage par une réparation.
III - Le dommage corporel
Il est fait une place particulière au dommage corporel qui a une composante
matérielle (frais médicaux, incidence économique, taux d’incapacité) et une composante
morale (douleur physique (pretium doloris - prix de la douleur), préjudice d’agrément et
préjudice esthétique).
IV - Le dommage actuel
C’est le dommage qui existe au jour où le juge statue. Mais elle ne signifie pas que
les dommages futurs soient exclus de la réparation.
V - Le dommage futur
Le préjudice, bien que futur, peut être réparé par l'allocation de dommages-intérêts à la
victime si ce dernier est le prolongement certain et direct de l'état actuel. Le préjudice

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futur peut être indemnisé s'il est certain qu'il se produira et s'il peut être évalué
immédiatement.
Dans l'hypothèse où subsiste encore un doute sur l'apparition future d'un préjudice,
l'indemnisation est limitée au préjudice d'ores et déjà présent quitte, si un autre préjudice
survient, à ce que la victime intente un nouveau procès pour en demander la réparation, à
charge pour elle de démontrer qu'il résulte des mêmes faits.
VI - Le dommage personnel
C’est le dommage subi par une personne individuellement, qu’il soit matériel, moral,
corporel, actuel ou futur.
VII – Le dommage collectif
Le dommage collectif est un préjudice diffus qui n’est pas une addition de dommages
individuels, il porte atteinte à un intérêt collectif (profession, catégories de personnes,
association). L’admission de ce dommage, en France, a conduit à l’élargissement des
demandeurs en réparation en responsabilité civile.

PARAGRAPHE 2 - Les caractères généraux du dommage réparable


Le dommage doit être certain, direct et doit être la lésion d'un droit. Cependant, il n’est
pas nécessaire que la victime ait conscience du dommage.
I - Le dommage doit être certain
Au dommage certain s’oppose le dommage éventuel, c’est-à-dire dont la réalisation
est trop hypothétique. Le dommage éventuel n’ouvre pas droit à l’action en réparation. Ex :
Un propriétaire ne peut pas obtenir une indemnisation pour le risque d’incendie qui résulte du
voisinage d’une ligne à haute tension.
Certes la Cour de cassation française a admis le simple risque de dommage, mais il
s!agissait d!un risque certain. Elle avait, par un arrêt du 25 mars 1991, considéré qu!un
risque d’éboulement et de chute de rochers auquel étaient exposés des riverains en aval
pouvait constituer un trouble anormal de voisinage, et qu!il incombait au propriétaire des sols

situés en amont d!y mettre fin en réalisant des travaux confortatifs.1


II - Le dommage doit être direct

1 Civ. 2e, 25 mars 1991, n° 89-21186, RCA, 1991, Comm. 283.

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Il ne s’agit que du rappel de l’exigence du lien de causalité entre le fait générateur
et le dommage, mais cette exigence soulève un certain nombre de difficultés, en particulier
celui des prédispositions de la victime.
En revanche, cette exigence n’exclut pas la réparation des dommages subis par les
victimes par ricochet. Les victimes par ricochet sont celles subissant un dommage parce
qu’il en a d’abord causé a une autre personne (la victime immédiate) avec laquelle elles ont
des liens particuliers. Par exemple, l’époux d’une victime d’un accident a un préjudice propre,
par ricochet du fait de l’invalidité de son conjoint. Ce préjudice est aussi direct, il est
distinct du préjudice de la victime de l’accident dont il découle.

III - Le dommage doit être la lésion d'un droit

$%&'#(()*"#+*… Il (le dommage) est générateur de responsabilité s’il porte atteinte à un


droit. »
Il faut associer la licéité du dommage à la disposition de l’article 53-2 du CPCCS qui
prévoit : « L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au
rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux
seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre
un intérêt déterminé. ».
L’intérêt légitime est l’intérêt conforme au droit et aux bonnes mœurs. Par
exemple, en cas d’accident, une victime ne peut obtenir la réparation de la perte de ses
rémunérations que si celles-ci sont licites et conformes aux bonnes mœurs.
Les controverses sur la question en France :
Controverse sur le dommage de la concubine
La condition de la licéité ou de la légitimité du dommage a longtemps été opposée à
une victime particulière, la concubine, victime par ricochet de la mort accidentelle de son
compagnon. Cependant, aujourd'hui cette réparation a été admise en France, y compris
en cas de concubinage adultérin (Cass. Ch. mixte, 27 fév. 1970). Mais la condition de
légitimité du préjudice n'a pas disparu pour autant.

Controverse sur « le préjudice d’être né » :


De même, le droit d’une personne, spécialement d’un handicapé, de demander des
dommages et intérêts du seul fait de sa naissance a suscité en France la controverse dans
l'affaire Perruche. Cette affaire s'est déroulée à partir de 1989 devant les tribunaux français,

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le Parlement français, puis la Cour européenne des droits de l'homme et enfin le Conseil
constitutionnel.

Arrêt Perruche :
Dans cette affaire, une femme enceinte, Mme Perruche, a demandé à subir le
diagnostic de la rubéole. Elle a expressément manifesté sa volonté de recourir à une
interruption de grossesse s'il s'avérait qu'elle n'était pas immunisée contre cette maladie qui
peut entraîner la naissance d’un enfant handicapé. Le médecin traitant et le laboratoire
d'analyses ont faussement induit la femme dans la croyance qu'elle était immunisée. Son
enfant est né gravement handicapé d’un garçon, Nicolas Perruche.
Les parents ont alors demandé l'indemnisation de leur préjudice personnel ainsi que
de celui de leur enfant.
Après que la cour d'appel de Paris a refusé d'accueillir la demande
d'indemnisation du préjudice de l'enfant, la Cour de cassation a cassé cette décision pour
les motifs suivants : « Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il était constaté que les parents
avaient marqué leur volonté, en cas de rubéole, de provoquer une interruption de grossesse et
que les fautes commises les avaient faussement induits dans la croyance que la mère était
immunisée, en sorte que ces fautes étaient génératrices du dommage subi par l'enfant du fait
de la rubéole de sa mère, la cour d'appel a violé le texte susvisé » (Cass. civ., 26 mars 1996).
Malgré cet arrêt de la Cour de cassation, la cour d'appel de renvoi a considéré que
l'enfant ne subissait pas de préjudice indemnisable en relation de causalité avec les
fautes médicales.
Saisie de nouveau, la Cour de cassation a ainsi statué en assemblée plénière le
17 novembre 2000 : « Attendu, cependant, que dès lors que les fautes commises par le
médecin et le laboratoire dans l'exécution des contrats formés avec Mme X avaient
empêché celle-ci d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse afin d'éviter la naissance
d'un enfant atteint d'un handicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice
résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues ».
Or le Conseil d'Etat, dans son arrêt Quarez (CE, 14 février 1997), avait refusé
d'indemniser l'enfant né atteint d'un handicap incurable après qu'une faute médicale a
privé sa mère d'exercer son droit de recourir à une interruption de grossesse. Il avait en
revanche indemnisé ses parents de la charge résultant de l'éducation et de l'entretien
d'un enfant handicapé.

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Après l'arrêt du 17 novembre 2000, la Cour de cassation a rendu le 13 juillet 2001
trois arrêts concernant des affaires similaires. La principale différence avec l'affaire
Perruche venait du fait que les fautes médicales étaient intervenues après la période pendant
laquelle la femme peut recourir à l'interruption de grossesse sans qu'une attestation médicale
soit nécessaire. La Cour a réaffirmé le droit pour l'enfant handicapé d'être indemnisé du
préjudice résultant de son handicap. Elle a toutefois jugé qu'une telle indemnisation
n'était possible que si les conditions d'une interruption médicale de grossesse (affection
d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic) étaient
réunies. Elle a rejeté les pourvois en soulignant qu'il n'était pas démontré que ces conditions
étaient réunies.
Enfin, le 28 novembre 2001, la Cour de cassation a de nouveau rappelé le principe
posé le 17 novembre 2000 et jugé que l'enfant avait droit à la réparation intégrale du
préjudice résultant de son handicap.

IV – Pas nécessaire que la victime ait conscience du dommage


La chambre criminelle, dans un arrêt du 3 avril 1978, a retenu que : l’indemnisation
d’un dommage n’est pas fonction de la représentation subjective que s’en fait la victime
mais de sa constatation par les juges et de son évaluation objective et en fonction du
préjudice subi par la victime qui est dans un état végétatif. Par deux arrêts de 1995, celui
du 22 février et du 28 juin, la Cour de cassation retenait ceci : « l’état végétatif d’une
personne humaine n’excluant aucun chef d’indemnisation, son préjudice doit être
réparé dans tous ses éléments. ».

PARAGRAPHE 3 – L’évaluation du dommage


$%&'#((,*"#+*L’évaluation du dommage se fait au jour du jugement ou de l’arrêt. »
Pour la Cour de Cassation, la détermination et l’évaluation des préjudices est une
question de fait qui relève de l’appréciation des juges du fond. Cependant « souverain » ne
signifie pas « discrétionnaire », et la décision du juge doit être motivée : la haute juridiction
peut notamment sanctionner un défaut de réponse à conclusion ou un cumul de
préjudices

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SECTION II : LE FAIT GÉNÉRATEUR DU DOMMAGE
Le RGO prévoit la responsabilité du fait personnel, la responsabilité du fait d’autrui et la
responsabilité du fait des choses et des animaux.

PARAGRAPHE 1 - Responsabilité du fait personnel


I - Notion de faute
La faute se caractérise par l’illicéité et l’imputabilité.
- L'illicéité ou la violation d'un devoir
$%&'# (-. "# « La faute est un manquement à une obligation préexistante de quelque nature qu’elle

soit. » Ce comportement peut être aussi bien une action ou une omission.
En outre, souvent, la faute civile est en même temps une faute pénale (vol, meurtre, homicide
involontaire, etc.), mais certains comportements consistent des délits civils sans pour autant
constituer des infractions pénales (comme en cas d’accident de la circulation non suivi de décès).
Par ailleurs, en droit pur, la gravité de la faute est sans incidence sur la réparation.
Toutefois, les tribunaux sont enclins à évaluer plus largement les dommages et intérêts lorsque l'on
est en présence d'une faute intentionnelle.
$%&'#(-,# Toute personne qui, par sa faute, même d’imprudence, de maladresse ou de négligence,

cause à autrui un dommage est obligée de le réparer.

- L'imputabilité de la violation du devoir


$%&'# (-/# Il n’y a pas de faute si l’auteur du dommage était de par son état naturel dans

l’impossibilité d’apprécier son acte. Toutefois, tout acte peut obliger l’auteur du dommage à
réparation ou être pris en compte pour l’exonération partielle ou totale.
Ce second alinéa est source de confusion car il se prête à plusieurs interprétations opposées.
Ainsi, à propos d’une disposition similaire du Code des obligations civiles et commerciales du Sénégal
(alinéa 3 ajouté à l'article 121 du COCC par la loi Sénégalaise n° 77-64 du 26 mai 1977 modifiant le
COCC), le Centre International pour le Règlement des Différends Relatifs aux Investissements
(CIRDI) a conclu à deux interprétations possibles. Selon la première, il énoncerait une règle générale
quant à l'effet d'un "fait non fautif' de la victime sur la responsabilité de l'auteur du dommage. Selon
l'autre, la place du texte dans l’article et sa liaison avec l’alinéa précédent par le vocable "toutefois"
indiqueraient qu'il s'agit dans l'espèce d'une dérogation à la règle de portée limitée énoncée au premier
alinéa (CIRDI, Société Ouest-Africaine des Bétons Industriels (SOABI) contre La République du
Sénégal (Affaire ARB/82/1, req. Du 5 novembre 1982).

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Les deux interprétations proposées posent, à notre avis, problème. On peut affirmer à propos
de la première interprétation qu’aucun terme employé dans l’alinéa 2 ne permet de la soutenir. En ce
qui concerne la seconde interprétation, il en résulte une contradiction totale de l’alinéa 1er par l’alinéa
2. Or une exception est une contradiction partielle et non totale.
Le comportement doit s'apprécier par rapport au comportement idéal et abstrait du bon père
de famille, du citoyen prudent et diligent. On parle alors d'appréciation "IN ABSTRACTO".
II - Faute commise dans l'exercice d'un droit
- La notion d'abus de droit
$%&'# (-0 "# « Commet une faute par abus de droit celui qui fait l’usage de son droit dans la seule

intention de nuire à autrui, ou en fait un usage contraire à sa finalité. »


L'abus de droit est une notion juridique, notamment associée au droit moral, qui permet de
sanctionner tout usage d'un droit (ou de clauses abusives) qui dépasse les bornes de l'usage
raisonnable de ce droit.
- Les critères de l'abus de droit
Intention de nuire à autrui ou usage contraire à la finalité du droit.
Application jurisprudentielle en France de l’abus de droit (V. l’évolution des critères en
France) :
- Arrêt de la chambre des requêtes datant du 10 juin 1902 surnommé arrêt « Des sources
Saint-Galmier » : l'action doit relever d'une intention de nuire.
- Dans un arrêt de principe du 10 septembre 1971, la Cour de cassation française adopte un
autre critère de l'abus : L'abus de droit est défini comme l'exercice du droit d'une manière qui
dépasse manifestement les limites de l'exercice normal de celui-ci par une personne prudente et
diligente.

III - Troubles anormaux du voisinage


L’abus de droit ne permet pas d'arbitrer l'ensemble des situations de trouble. Par exemple, il
ne prend pas en compte les actions nuisibles qui ont une utilité légitime pour leurs auteurs.
- L’arrêt fondateur de la théorie des troubles anormaux du voisinage est un arrêt rendu par
la Cour de cassation en date du 27 novembre 1844.
- Dans un arrêt du 4 février 1971, la troisième chambre civile de la Cour de cassation va
reconnaitre que cette théorie est indépendante de l'existence d'une faute.
- Dans un autre arrêt du 19 novembre 1986, la Cour de cassation vient formuler un
principe autonome selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du
voisinage ». Le propriétaire voisin a l'obligation de ne pas causer un dommage excédant la
Dans un premier temps cette théorie était fondée sur le droit commun de la

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responsabilité civile (art. 1382). Face à des problèmes de preuves, notamment de la
preuve de la faute, la jurisprudence a par la suite dégagé une responsabilité objective :
une responsabilité sans faute.

PARAGRAPHE 2 - Responsabilité du fait d'autrui


$%&'#()1*"#+* On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais

encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre. »
La responsabilité du fait d’autrui est, certes, fondée sur la faute, mais pour le cas spécifique
des commettants, elle est fondée sur la garantie.

I - Responsabilité du fait d'autrui fondée sur une faute


C’est la responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs, la responsabilité des
maîtres et des artisans du fait de leurs apprentis, la responsabilité des membres de l'enseignement
du fait de leurs élèves

1- Responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs


Il s'agit de la situation dans laquelle un enfant cause un dommage et engage dès lors la
responsabilité délictuelle de ses parents. Le RGO en précise les conditions et le régime.

Conditions de la responsabilité parentale :


$%&'#()(*"#+* Est responsable du dommage causé par l’enfant mineur habitant avec lui, celui de ses

père, mère ou tout autre parent qui en a la garde. »


- La minorité de l'enfant :
La responsabilité parentale ne joue que pour les mineurs. Si l'enfant est émancipé, la
responsabilité ne s'applique pas.
- Le lien de filiation et la garde (l'autorité parentale) :
En principe la filiation crée l'autorité parentale. Toutefois, les parents qui auraient perdu leur
autorité parentale ne se verraient pas responsables des dommages de leurs enfants (d’où la notion de
garde).
En revanche, les grands-parents, oncles, ou autres membres de la famille qui ont la garde
de l’enfant sont concernées par cette responsabilité. Cependant, les parents qui n’ont que la garde
matérielle sont exclus, leur responsabilité ne pouvant être engagée que pour faute personnelle.
- La cohabitation de l’enfant avec ses parents :
Cela suppose donc que l'enfant vive avec le parent qui en a la garde. Lorsque la cohabitation
cesse, la responsabilité cesse.

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Cependant, en France, la chambre civile et la chambre criminelle n’avaient pas, au départ, la
même conception de la cohabitation. Maintenant, on assiste à une unification de la jurisprudence.
- Le fait dommageable de l'enfant :
Traditionnellement, une faute de l'enfant est nécessaire pour la mise en œuvre de la
responsabilité des père et mère.

Cas de la France : la faute de l’enfant n’est pas nécessaire


La jurisprudence va faire évoluer cette règle lors de plusieurs arrêts en date du 9 mai 1984,
dont le fameux arrêt Fullenwarth.
- Arrêt Fullenwarth, Cass. Ass. Plén. 9 mai 1984 :
« pour que soit présumée, sur le fondement de l’article 1384 alinéa 4 du Code civil, la
responsabilité des père et mère d’un mineur habitant avec eux, il suffit que celui-ci ait commis un
acte qui soit la cause directe du dommage invoqué par la victime »
- Arrêt Levert, le 10 mai 2001 :
« la responsabilité de plein droit encourue par les père et mère du fait des dommages
causés par leur enfant mineur habitant avec eux n’est pas subordonnée à l’existence d’une faute
de l’enfant ».
- Arrêts Minc et Poullet du 13 décembre 2002 :
Au visa des articles 1384 al 4 et 7 du C.C., la Cour de cassation a, en effet, énoncé que, « pour
que la responsabilité de plein droit des père et mère exerçant l’autorité parentale sur un mineur
habitant avec eux puisse être recherchée, il suffit que le dommage invoqué par la victime ait été
directement causé par le fait même non fautif du mineur ; que seule la force majeure ou la faute de
la victime peut exonérer les père et mère de cette responsabilité ».
En conséquence, le fait de l'enfant doit être à l'origine du dommage, même s'il ne s'agit pas
d'une faute.
Les arrêts précités (notamment Fullenwarth, Levert, Minc et Poullet) consacrent ainsi
l’objectivation de la responsabilité parentale. C’est, désormais, la notion de responsabilité « pour
risque » qui l’emporte, semble-t-il.

Régime de la responsabilité parentale :

- Une présomption de faute des parents :

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$%&'#()-*"#+* Il n’y a pas de responsabilité dès lors que la personne chargée de la garde démontre

qu’elle n’a commis aucune faute de surveillance ou d’éducation et qu’elle n’a pu empêcher le fait
dommageable. »
Il résulte de cette disposition que le régime de la responsabilité des père et mère du fait de leur
enfant mineur, repose sur une présomption de faute de ces derniers. Dès lors, si un dommage était
causé par l’enfant mineur, il avait été le fait d’un défaut de surveillance ou d’éducation de la part de
ses parents. Cette responsabilité pour faute permettait aux parents de s’exonérer en prouvant leur
absence de faute.
Cas de la France : une responsabilité de plein droit des père et mère (présomption
de responsabilité) :
L'alinéa 7 de l'article 1384 du Code civil dispose : "La responsabilité ci-dessus a lieu, à
moins que les père et mère et les artisans ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne
lieu à cette responsabilité."
Dans un premier temps, la Cour de cassation admettait l'exonération de responsabilité des
parents dans trois cas de figure : une faute de la victime, la force majeure et lorsque le dommage
n'était pas dû à un défaut de surveillance ou d'éducation des parents. La jurisprudence consacrait
alors une présomption de faute.
Puis dans un second temps avec l'arrêt Bertrand, l'exonération de responsabilité des
parents est prise en compte seulement pour les deux premiers cas de figure ci-dessus.
Arrêt Bertrand (Cass. 2e Ch., civ., 19 février 1997) :
Cette affaire concerne sur un accident de la circulation entre un cycliste âgé de 12 ans et un
motocycliste adulte. Une cour d'appel avait retenu la responsabilité de l'enfant, et par suite celle
de son père, sans s'arrêter au fait que ce dernier demandait à être admis à démontrer qu'il
n'avait commis aucune faute dans la surveillance de son fils. Le pourvoi du père reprenait cette
argumentation.
Opérant un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation pose que l’arrêt de la Cour
d’appel « a exactement énoncé, que seule la force majeure ou la faute de la victime, pouvait
exonérer Monsieur X. de la responsabilité de plein droit encourue du fait des dommages causés
par son fils mineur ».
Il s’agit donc d’une présomption de responsabilité. La responsabilité des père et mère est dès
lors plus aisément retenue et l’indemnisation des victimes du dommage causé par l’enfant en est
facilitée L’arrêt Bertrand est l’illustration d’un nouveau pas de la Cour de cassation vers une logique
indemnitaire.

- Les actions récursoires :

13
À la suite d'une condamnation, il est possible pour les parents d'exercer deux types d'action
récursoire :
d'un parent contre l'autre : c'est le cas de figure où un seul des deux parents a été condamné.
Il pourra donc demander à l'autre de supporter la moitié de la dette, si et seulement si les conditions
de mise en jeu de la responsabilité sont également réunies pour ce parent.
des parents contre l'enfant : les parents peuvent se retourner contre leur enfant si le fait
dommageable causé par celui-ci était de nature à engager sa responsabilité personnelle.

2- Responsabilité des maîtres et des artisans du fait de leurs apprentis


$%&'# ()2* "# +* Les maîtres et artisans sont responsables des dommages causés par leurs apprentis

pendant le temps où ils sont sous leur surveillance. Ils peuvent se dégager de cette responsabilité en
apportant la preuve qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui a causé le dommage. »
- Conditions de la responsabilité des maîtres et des artisans
* Un rapport d'artisan à apprenti, peu importe que le contrat soit irrégulier, peu
importe que l'apprenti ne soit plus mineur. Si l'apprenti loge chez l'artisan, la
responsabilité va intervenir de manière continue, sinon elle ne concernera que les
heures de travail.
* Il faut un fait dommageable. Autrefois, on exigeait, en France, que le fait
constitue une faute. Aujourd'hui, la jurisprudence ne s'est pas suffisamment
prononcée à ce propos pour établir une solution avec certitude.
- Régime de la responsabilité des maîtres et des artisans
Au Mali, la responsabilité des père et mère diffère de celle des maîtres et artisans par
le fait que l!article 142 permet aux père et mère de prouver qu!ils n!ont commis aucune

faute de surveillance ou d’éducation, alors que l!article 143 ne permet pas aux maîtres et

aux artisans d!apporter une telle preuve. La rédaction de l!article 143 laisse penser que
seule la cause étrangère peut exclure la responsabilité des maîtres et des artisans du fait de
leurs apprentis. Il s!agirait alors d!une responsabilité de plein droit.
En France, en revanche, la responsabilité de l'artisan ressemble à celle des père
et mère. Autrefois, on se référait à la notion de présomption de faute. Depuis l'arrêt
BERTRAND, on se pose la question de savoir si la nouvelle notion jurisprudentielle est
transposable à la responsabilité des artisans. Il serait logique d!harmoniser les solutions et de

14
considérer que la responsabilité des maîtres et des artisans est une responsabilité de plein
droit.

3- Responsabilité des membres de l'enseignement du fait de leurs élèves


- Conditions de la responsabilité des membres de l'enseignement
$%&'# ()0* "# +* Les enseignants des cycles fondamental et secondaire sont responsables des

dommages causés par leurs élèves pendant le temps qu’ils sont sous leur surveillance.
Les personnes ou institutions chargées de l’éducation et de la surveillance des enfants mineurs
répondent des dommages causés par ceux-ci.
Toutefois, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait
dommageable doivent être prouvées conformément au droit commun par le demandeur en instance. »

Il faut alors que le plaignant prouve qu’il y a une faute, un dommage et une relation entre les
deux.
Pour le dommage et le lien de causalité, il faut se référer au droit commun. En revanche, la
faute ici mérite une analyse spécifique.
L’article 147 fait peser sur les enseignants une obligation de surveillance à l’égard des
élèves dont l’inexécution constitue une faute.
On considère que pendant le temps scolaire, les parents confient leurs progénitures aux
enseignants et leur transmettent dans le même temps leur obligation principale de parents à
savoir la surveillance de leurs enfants.
L’obligation de surveillance est limitée au temps scolaire. Schématiquement le
transfert de l’obligation de surveillance vers les enseignants s’effectue dès que les élèves
franchissent le portail de l’école, et dans les écoles maternelles par la remise physique des
enfants. Il s’effectue en sens inverse lorsque les enfants quittent l’école ou que les parents
les récupèrent. Lorsqu’un élève se blesse lors de la récréation, c’est l’enseignant qui assurait
la surveillance au moment de l’accident qui pourrait voir sa responsabilité civile actionnée.

- régime de la responsabilité des membres de l'enseignement


Il s’agit d’une responsabilité pour faute prouvée. Toutefois, la responsabilité de l’Etat est
substituée à celle de l’enseignant, lorsqu’il s’agit du secteur public. Dans ce cas, l’Etat peut exercer
une action récursoire.
$%&'#()/*"#+*La responsabilité de l’Etat est substituée à celle des membres de l’enseignement public.

L’action de la victime est portée devant le tribunal civil, elle est prescrite par trois ans à compter du
jour où le fait dommageable a été commis.

15
L’action récursoire est exercée par l’Etat soit contre l’agent soit contre le tiers conformément au droit
commun. »

II - Responsabilité du fait d'autrui reposant sur une garantie de


réparation : la responsabilité des commettants du fait de leurs préposés
Il s'agit de la situation dans laquelle un employé cause un dommage à un tiers et engage dès
lors la responsabilité délictuelle de son employeur.

- Conditions de la responsabilité du commettant


$%&'#())#Les commettants répondent des dommages causés par une personne soumise à leur autorité,

lorsque celle-ci encourt dans l’exercice de ses fonctions une responsabilité à l’égard d’autrui.
Les personnes agissant pour le compte d’une personne morale engagent dans les mêmes conditions la
responsabilité de celle-ci.
$%&'#(),# Le commettant n’est responsable que si le fait dommageable est en relation avec l’exercice

des fonctions du préposé.


Il cesse de l’être lorsque le préposé a accompli un acte indépendant du lien de préposition; cependant,
le commettant demeure responsable si l’acte du préposé se rattache d’une manière quelconque à
l’exercice de ses fonctions.

Il résulte des dispositions de ces deux articles trois conditions : le lien de préposition, le fait
du préposé et le rattachement du fait dommageable au rapport de préposition.

• Un lien de préposition
Le lien de préposition signifie qu'il y a un rapport de subordination entre le commettant et le
préposé, c'est-à-dire un rapport hiérarchique de type employeur/employé. Le commettant a donc le
pouvoir de commander et diriger l'action du préposé. Ce lien de préposition provient
généralement du contrat de travail, mais pas seulement. En effet, il peut également ressortir dans
les faits de liens d'amitié, de famille, de complaisance (ex: le pouvoir du beau-père sur son gendre).
Ce qui compte, c'est la réalité du pouvoir de l'un, sur l'autre.
Il peut arriver qu'il y ait plusieurs commettants pour un seul préposé et ce dans deux cas de
figure. D’abord, en cas de déplacement du lien de subordination : le préposé durablement lié à un
commettant est mis temporairement à la disposition d'un tiers. Il convient alors de savoir, au moment
de la survenance du dommage, qui avait l'autorité effective entre le tiers et le commettant. Ensuite, en
cas d'attribution effective de lien de préposition à deux commettants en même temps, dont la

16
responsabilité n'est alors pas cumulative mais alternative selon l'activité exercée et du genre de faute
commise par le préposé.

• Le fait du préposé
Pour que la responsabilité délictuelle soit engagée, il faut un fait fautif. Il faut prouver que le
préposé a commis un acte de nature à engager sa responsabilité personnelle pour engager la
responsabilité du commettant.
La Cour de cassation française impose véritablement la présence d'une faute (Civ. 2è, 8

oct. 1969). Cette exigence est par ailleurs très largement contestée par la doctrine qui souhaiterait un
simple fait causal pour engager la responsabilité.
• Le rattachement du fait dommageable au rapport de préposition
Le fait fautif doit être réalisé dans le cadre des fonctions du préposé.
Cependant, un arrêt de l'Assemblée plénière en date du 19 mai 1988 (arrêt La Cité) a éclairci
le cas de l'abus de fonction en émettant trois conditions cumulatives pour la mise en œuvre de la
responsabilité du préposé : le préposé a agi hors de ses fonctions, sans autorisation et à des fins
étrangères à ses attributions.
- Régime de la responsabilité des commettants
$%&'#().# La responsabilité du commettant n’exclut pas celle du préposé contre lequel la victime

peut agir directement avec ou sans mise en cause du commettant.


Le commettant qui a réparé lui-même possède une action récursoire contre son préposé.
• Les actions de la victime
La victime d'un dommage causé par un préposé peut se retourner soit contre ce dernier seul, soit
contre son commettant seul :
+ L'action contre le commettant seul
La victime devra prouver que les conditions de la mise en jeu de responsabilité sont remplies.
Le commettant ne pourra pas s'exonérer en prouvant qu'il n'a lui-même pas commis de
faute. Il s!agit donc d!une responsabilité de plein droit.

Son seul moyen est de prouver l'abus de fonction du préposé ou alors d'invoquer la cause
étrangère telle que la force majeure.
+ L'action contre le préposé seul
Au Mali, à la différence de la France, une telle action est expressément autorisée par l’article
146 RGO.
• Le recours du commettant
Une fois le dommage causé et la responsabilité du commettant engagée, celui-ci peut se retourner
contre son préposé.

17
Le commettant peut exercer l’action récursoire si et seulement si le préposé a excédé les
limites de sa mission (arrêt Costedoat) ou s'il a commis une faute pénale intentionnelle (arrêt
Cousin).

III - Responsabilité générale du fait d'autrui


Parallèlement aux cinq hypothèses de responsabilité du fait d'autrui, la
jurisprudence française a développé un système de responsabilité générale du fait d'autrui
au titre des personnes dont on doit répondre, en prenant l'alinéa premier de l'article 1384
comme base : "On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son
propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit
répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.". Ce système a été appliqué spécialement
aux handicapés. Au Mali, l!article 1384, alinéa 1er, trouve son écho dans l!article 140 RGO

qui dispose : « On est responsable non seulement du dommage que l!on cause par son propre
fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre. »
Le système de la responsabilité générale du fait d'autrui a été consacré le 29 mars
1991 par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation française dans l'arrêt Blieck. On
parle de système de responsabilité et non de principe de responsabilité car il s'agit d'un
système non abouti en permanente évolution grâce à la jurisprudence.
Arrêt Blieck (Cass. ass. plen., 29 mars 1991) :
En l'espèce, un handicapé mental interné en centre spécialisé avait mis le feu à une
forêt. Théoriquement celui-ci était responsable, mais en pratique insolvable. C'est pourquoi,
la Cour avait opéré un revirement de jurisprudence puisqu'elle avait considéré l'association
qui prenait en charge le handicapé comme responsable au motif qu!elle : « avait accepté la
charge d'organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie de ce handicapé »
C!est précisément en raison de l’apparition d’un risque social nouveau lié au
développement des activités d’ordre éducatif, en dehors de la famille, destinées aux
handicapés que la Cour de cassation a adopté cette solution.
Il convient, toutefois, d!observer que l!arrêt n’a pas posé un principe général de

responsabilité du fait d’autrui, mais s!est borné à retenir la responsabilité de l!association,


dès lors que certaines conditions étaient remplies.Il est certain, qu’à partir de cette espèce,
l!arrêt a entendu engager la responsabilité de "répondants nouveaux", fondée sur un

18
certain type de risque, à savoir celui d!avoir accepté de prendre en charge une personne
qui fait courir à autrui des dangers anormaux en raison de sa déficience mentale.
1. Conditions de la responsabilité générale du fait d’autrui

C!est la garde d’autrui et le fait d’autrui.


- La garde d'autrui
On la définit comme le pouvoir d'organiser, de diriger et de contrôler le mode de
vie ou l'activité d'autrui.
La jurisprudence semble privilégier l'approche juridique de la garde (c'est-à-dire par
décision d'un juge ou par la loi mais pas par un contrat).
La jurisprudence distingue :
• la garde permanente : le gardien sera alors responsable même s'il n'exerçait

pas matériellement son pouvoir de garde au moment du fait dommageable ;

• la garde intermittente ou temporaire, mais qui se réalise dans des conditions

suffisantes pour asseoir le rapport de garde : la responsabilité du gardien est


engagée si l'auteur du dommage était sous son pouvoir effectif au moment
où le dommage a été causé.

- Le fait d'autrui
Il semble que la jurisprudence, eu égard aux nombreuses affaires soumises à la
chambre criminelle, a toujours engagé la responsabilité des gardiens en présence de
comportements fautifs, voire volontaires, des auteurs, mais il n’apparaît pas que la faute
ou la responsabilité des auteurs ait été posée comme condition de la responsabilité du
gardien.
Si de nombreux auteurs dénoncent la jurisprudence Levert qui consacre la
responsabilité des parents à partir d!un simple fait causal, la logique commanderait toutefois
que l’on adopte dans le cas des "gardiens d’autrui" la même solution, dès lors que, dans
les deux cas, la responsabilité est fondée sur l’état de l’auteur et l’autorité du
responsable pour autrui.

2- Régime de la responsabilité générale du fait d’autrui


C!est une responsabilité de plein droit comme celle des pères et mères en France

19
3- Etendues de la responsabilité générale du fait d’autrui
Au départ, cette responsabilité ne s!appliquait que :
- dans le cas où une personne (une association) acceptait la charge d’organiser et de
contrôler, à titre permanent, le mode de vie d’une personne.
Ensuite, la jurisprudence a élargi le champ d’application de cette responsabilité :
- aux associations ayant une mission de garde décidée par l’autorité
publique (crim., 10 oct. 1996) : ce sont les institutions auxquelles le juge confie
des mineurs délinquants. A contrario, si les parents d’un mineur décident, d’eux-
mêmes, de le placer dans un internat, ces derniers seront tenus pour responsables
si l’enfant commet un dommage en internat (Civ, 2ème, 12 mai 2005).
- aux associations sportives :
• D’abord, la jurisprudence ne retenait la responsabilité générale du fait d’autrui

des associations sportives que dans le cadre des compétitions (Civ., 2e, 22 mai
1995, 2 arrêts : responsabilité d’un club de rugby à raison des dommages
causés au cours d’un match par un membre non identifié de son équipe à un
joueur de l’équipe adverse).
• Ensuite, cette responsabilité a été étendue aux matchs amicaux et aux

entrainements (Civ 2e, 22 septembre 2005).


- aux associations de loisir : (Civ, 2ème, 12 déc. 2002).
Ainsi, un premier courant, dans le prolongement direct de l!arrêt Blieck a consacré
la responsabilité des "gardiens d’autrui" et un second courant, à partir du cas des clubs
sportifs, a retenu la responsabilité de ceux qui "contrôlent l’activité d’autrui".
Cependant, la jurisprudence a écarté une responsabilité du fait d'autrui dans 3
domaines : associations de chasse, les grands-parents du fait de leurs petits-enfants, ou
encore les colonies de vacances : dès lors, il serait incorrect d'affirmer qu'il existe un
principe général de la responsabilité du fait d'autrui, mais plus exact de considérer que la
jurisprudence en a consacré un élargissement, en adéquation avec les évolutions de la
société.
PARAGRAPHE 3 - Responsabilité du fait des choses
On distingue le principe de la responsabilité générale du fait des choses et des
régimes spécifiques de responsabilité du fait des choses.

20
I – Le principe de la responsabilité générale du fait des choses
Il est consacré par l!article 149 RGO.
ART. 149 : « Toute personne est responsable du dommage causé par le fait des choses ou
des animaux dont elle a la garde. »
1- Les conditions de la responsabilité générale du fait des choses

Les conditions de la responsabilité générale du fait des choses sont : une chose, un
fait d’une chose et la garde de la chose.

- Une chose :

Il s’agit de la chose au sens large : animée (animaux) ou inanimée (fusil par ex.),
inerte ou en mouvement, mobilière ou immobilière, dangereuse ou non, viciée ou non,
matérielle ou non (ex: ondes, vapeur). Cependant, en France l’article 1384, alinéa 1er, qui
est considéré comme le siège de la responsabilité générale du fait des choses ne concerne pas
les dommages causés par les animaux. La responsabilité du fait des animaux est
spécialement prévue par l’article 1385. Celui-ci dispose : « Le propriétaire d'un animal, ou
celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a
causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé. » Néanmoins, elle
est considérée par la jurisprudence française comme une responsabilité de plein droit (civ,
2ème, 18 octobre 1995). C’est surtout dans les conditions de mise en œuvre que se trouve la
différence entre la responsabilité du fait des animaux au Mali et en France.

Le corps humain n'est pas considéré comme une chose, sauf s'il constitue un tout
avec la chose (ex: choc entre deux cyclistes).

Cependant, il n'est pas possible d'engager la responsabilité du fait des choses dans deux
cas :

• Pour les choses sans maître (res nullius : la chose de personne) telles que l'eau, le
vent ou encore la neige.

• Pour les choses abandonnées (res derelictae) comme par exemple les déchets.

- Un fait de la chose :

La chose doit avoir eu un rôle causal, actif, dans la survenance du dommage sauf si
l'usage de cette chose a été sciemment détourné par la victime (Civ. 2e, 24 février 2005). On

21
dit que la chose est l'instrument du dommage. On distingue quatre hypothèses selon que la
chose est entrée en contact avec la victime ou non et qu'elle ait été en mouvement ou non
au moment du dommage :

• La chose est inerte

Une chose inerte ne peut être l'instrument d'un dommage si la preuve n'est pas
rapportée qu'elle occupait une position anormale ou qu'elle était en mauvais état (Civ. 2e, 11
janvier 1995 - Civ. 2e. 11 septembre 2014). C'est à la victime de prouver le rôle actif de la
chose.

La jurisprudence a décelé plusieurs cas particuliers parfois contestés :

o Le cas particulier des vitres

Dès lors qu'il résulte des constatations des juges du fond qu'une porte vitrée, qui
s'était brisée, était fragile, la chose, en raison de son anormalité, a été l'instrument du
dommage (Civ. 2e, 24 février 2005 ; v. aussi Civ. 2e, 15 juin 2000).

Toutefois, lorsque la vitrine était suffisamment signalée pour se manifester à une


personne attentive, on considère qu'elle n'a pas été l'instrument du dommage (Civ. 2e, 28
mai 1986).

De plus, lorsque la paroi de verre a concouru à la réalisation du dommage de la


victime, mais que celle-ci a commis une faute d'inattention, car elle connaissait les lieux,
la responsabilité du gardien de la chose ne se soit engagée que pour les deux tiers seulement
(Civ. 2e, 19 février 2004).

o Le cas particulier des boîtes aux lettres

Malgré la preuve qu'une boîte aux lettres ayant causé un dommage ne revêt pas une
position anormale ou n'est pas en mauvais état, le rôle instrumental de la chose est bel et
bien actif et la responsabilité de son gardien se voit engagée (ex: Civ. 2, 25 octobre 2001).

• la chose est en mouvement et est entrée en contact avec la victime

Lorsque ces deux conditions sont remplies, la jurisprudence présume le rôle actif de
la chose. C’est au gardien de la chose de prouver le contraire.

• la chose est en mouvement mais n'est pas entrée en contact avec la victime

22
L'absence de contact entre la chose et la personne ou l'objet qui ont subi le dommage
n'est pas nécessairement exclusive du lien de causalité (2 arrêts Civ. 22 janvier 1940). Il n'y a
donc pas de présomption de rôle actif, c'est à la victime de le prouver.

- La garde de la chose :

• Définition

ART. 150, alinéa 1er : « La garde est le pouvoir d!usage, de direction et de contrôle détenu

par le propriétaire qui utilise l!animal ou la chose personnellement ou par l!intermédiaire

d!autrui. »

L'élément moral n'est pas pris en compte, peut importe que le dommage résulte d'une
action volontaire ou non de l'auteur.

• La présomption de garde

C'est l'arrêt FRANCK du 2 décembre 1941 (Ch. Réunies) qui a révélé la présomption
de garde du propriétaire. Celle-ci peut être renversée à sa charge s'il prouve que quelqu'un
d'autre a l'usage, le contrôle et la direction de la chose. De plus, lorsque la détermination du
propriétaire est impossible, cette présomption de garde pèse sur l'utilisateur de la chose
(Civ. 2e, 28 novembre 2002).

• Le transfert de la garde

o Principe : ART. 150, alinéa 1er : « La garde est transférée lorsque le


propriétaire a confié à autrui l’animal ou la chose ou qu!un tiers l!utilise sans sa
volonté. »

Par ex : le transfert peut être également établi par un contrat, comme le contrat de prêt
ou suite à un vol.

o Cas du commettant et du préposé :

On considère que c'est le commettant qui a la direction et le contrôle de la chose..


Cette position est justifiée par l'idée que le préposé utilise la chose au profit de son
commettant. En outre, la condition de contrôle de la chose n'est pas remplie (le préposé n'en
a que l'usage et la direction).

o Distinction "garde de la structure" / "garde du comportement"

23
Avant cette distinction se posait la problématique du vice inhérent à la chose et non
à son gardien. La jurisprudence a donc, sur le fondement d'une thèse élaborée par Bertold
Goldman, éclairci ce point avec l'arrêt Oxygène liquide (Cass., 5 janvier 1956) en
distinguant deux cas :

1. Lorsque les dommages sont dus au comportement de la chose, c’est-à-dire à la


manière dont elle a été utilisée, c!est le possesseur de la chose qui sera réputé le
gardien.

2. Si le dommage est dû à la structure même de la chose, c’est-à-dire à la manière


dont elle est constituée ce sera son fabricant ou son propriétaire qui sera considéré
comme le gardien.

Toutefois, cette distinction n'est utilisée que lorsqu'on est face à un dommage
causé par une chose mue par un dynamisme propre et dangereux. La Cour de cassation a
par exemple refusé de l'appliquer dans un arrêt du 20 novembre 2003 relatif à la cigarette.

o Cas de la garde collective

Une chose peut être sous la maîtrise de plusieurs personnes à la fois, on parlera
alors de garde collective. Chacune des personnes, gardiens collectifs, pourra être tenue du
dommage. Cela a pour intérêt de trouver des responsables lorsqu'il est impossible de désigner
un responsable propre. Dans l'hypothèse où la victime fait partie du groupe de gardiens
collectifs, les responsabilités des autres gardiens seront alors écartées. L'exemple type d'une
garde collective est l'accident de chasse avec impossibilité de désigner l'auteur du coup de
feu, les chasseurs verront donc leur responsabilité engagée in solidum.

2- Le régime de la responsabilité générale du fait des choses


ART. 151 : « L!existence du préjudice causé par l!animal ou la chose suffit à établir la
responsabilité du gardien.
Toutefois, le gardien est exonéré totalement ou partiellement s!il prouve que le dommage est

dû à un cas de force majeure, au fait d!un tiers ou à la faute de la victime. »

- La responsabilité du fait des choses est une responsabilité objective dite aussi de
plein droit. Cette responsabilité trouve son fondement dans la notion de garde,

24
indépendamment du caractère intrinsèque de la chose et de toute faute personnelle
du gardien.

- Les seules conditions d’exonération sont donc, selon l’article 151 précité, celles
de la cause étrangère.

- Toutefois, la jurisprudence française admet la renonciation tacite de la victime à


la responsabilité du gardien de la chose. C’est ainsi qu’il a été décidé que le
concurrent d’une course automobile qui connaît les risques inhérents à pareille
épreuve a, par là même, tacitement renoncé à invoquer contre un concurrent la
responsabilité édictée par l’article 1384, alinéa 1er (civ, 2ème, 8 octobre 1975 ; v.
aussi civ, 2ème, 1- juin 1976 pour les courses hippiques). Cependant, « la
participation à une régate en mer de haut niveau n’implique pas acceptation du
risque de mort, qui, dans les circonstances de la course, constituait un risque
anormal » (civ, 2ème, 8 mars 1995).

II – Régimes spéciaux de responsabilité générale du fait des choses


Certains de ces régimes spéciaux sont prévus par le RGO et d!autres non.
1- Régimes spéciaux prévus par le RGO
Ils sont relatifs à la ruine d’un bâtiment et à l’incendie dans un immeuble.

- Ruine d’un bâtiment

ART. 152 Dans les cas particuliers où le dommage a été causé par la ruine d’un bâtiment, à
la suite de son mauvais entretien ou d’un vice de sa construction, le propriétaire est
responsable à titre principal vis-à-vis de la victime, quand bien même il ne disposerait pas
effectivement de la garde de ce bâtiment ou n!aurait pas connu le vice de construction qui a
causé le dommage.
Ce régime de responsabilité est prévu par l’article 1386 du code civil qui dispose :
« Le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu'elle est
arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le vice de sa construction.». Cette
responsabilité est considérée par la jurisprudence française comme une responsabilité de
plein droit (civ, 1ère, 3 mars 1964).

- Incendie dans un immeuble

25
ART. 153 Toutefois, celui qui détient, à titre quelconque, tout ou partie de l!immeuble ou des
biens immobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable vis-à-vis des
tiers des dommages causés par cet incendie que s!il est prouvé qu!il doit être attribué à sa faute
ou à la faute des personnes dont il est responsable.
Cette disposition constitue une exception à celle de l!article 152 et consacre plutôt une
responsabilité pour faute prouvée.
En France aussi, l’article 1386 du code civil ne s’applique pas au cas d’incendie
(req., 10 février 1925).
2- Régimes spéciaux non prévus par le RGO
Ces régimes spéciaux sont prévus par des textes français. Ce sont notamment
l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation et la responsabilité du fait des
produits défectueux.

- Indemnisation des victimes d’accidents de la circulation (Loi Badinter du 5


juillet 1985)

C’est un arrêt très fameux appelé Arrêt Desmares (Cass. Civ. 2e, 21 juillet 1982) qui
a créé la polémique concernant l'indemnisation des accidents de la circulation. Par cet arrêt,
la Cour de cassation a volontairement créé une situation de droit inacceptable afin de
provoquer une réaction de la part du législateur. Elle va affirmer qu’en matière de
responsabilité, seule la faute de la victime qui a complètement causé le dommage peut
exonérer le gardien de la chose. Ce qui emmena le législateur à réagir en adoptant la loi
Badinter le 5 juillet 1985. Il ne s'agit pas d'une loi de responsabilité à proprement dit, mais
d'une loi d’indemnisation des victimes d’accident de la circulation.

• Conditions de l!indemnisation des victimes d!accidents de la circulation

o Il faut un accident de la circulation ;

La Cour de cassation attache ainsi tout spécialement de l!importance à l!idée que


l’événement doit être indépendant de toute volonté. Cela exclut donc les infractions
volontaires. Il en est ainsi par exemple si on utilise son véhicule comme une arme, par
exemple pour heurter volontairement un autre véhicule ou une personne. Dans ce cas, la
responsabilité sera alors recherchée sur un autre fondement. On pense notamment au régime
spécifique applicable aux victimes d’infractions.

26
Le lieu de l!accident importe peu.

Il en est de même de la position du véhicule au moment de l!accident : que le


véhicule ait été en mouvement ou à l’arrêt ou simplement en stationnement lors de
l!accident. Toutefois, ne constitue pas un accident de la circulation le dommage causé par la
benne basculante d’un camion à l’arrêt.

o Il faut un véhicule terrestre à moteur ;

La loi elle-même exclut de son champ d!application certains véhicules. Il en est ainsi
des trains ou des tramways circulant sur un site propre.

On considère en effet que la loi de 1985 ne joue que pour les véhicules terrestres à
moteur assujettis à une assurance obligatoire.

o Il faut que ce véhicule soit impliqué dans l!accident, c'est-à-dire qu'il doit en

avoir été l!une des composantes.

Aujourd!hui on sait qu!il suffit, pour que la victime ait droit à indemnisation, que le
véhicule terrestre à moteur soit intervenu de quelque manière que ce soit dans la
réalisation de l’accident (Cass. Civ. 2ème, 28 fev. 1990, D. 1991, p. 123, note J.-L. Aubert ;
Cass. Civ. 2ème, 18 mars 1998, Bull. n° 88.). La formule est désormais constante en
jurisprudence. Il est donc inutile de rechercher si le véhicule a joué un rôle actif ou passif,
s!il était en mouvement ou pas lors de l!accident. Il convient simplement de se poser la
question de savoir si le dommage se serait produit en l’absence du véhicule.

• Régime de l!indemnisation des victimes d!accidents de la circulation

o Plus qu!une responsabilité de plein droit, une indemnisation des victimes :

On rappellera pour commencer que la loi de 1985 met en place un système


d’assurance obligatoire, si bien que c’est l’assureur qui va, par principe, indemniser la
victime.

Il en est ainsi d!ailleurs quelles que soient les circonstances de l!accident y compris

dans l!hypothèse où le véhicule aurait été utilisé contre le gré du propriétaire. Simplement,
dans ce dernier cas, l’assureur pourra exercer une action récursoire contre l’auteur du
dommage.

27
Ceci étant dit, la loi vient préciser dans ses articles 2 à 6 les conditions de
l!indemnisation ou plus précisément les différentes causes d!exonération opposables à la
victime. Il ne faut pas oublier en effet que la loi de 1985 avait essentiellement pour objectif
d!aménager les causes d!exonération de responsabilité du droit commun qui n’étaient pas
adaptées aux accidents de la circulation. C’est ainsi que la loi a posé dans son article 2 que
la force majeure et le fait d’un tiers2 ne sont pas des causes d’exonération. Il ne reste
donc qu!une cause d’exonération potentielle, la faute de la victime. De ce point de vue, la
différence est très nette avec le droit commun.

o Le débiteur de l!indemnité :

Il s'agit du conducteur ou du gardien du véhicule, mais en réalité, c’est surtout son


assurance. Toute action contre une personne autre que le conducteur, le gardien et
l’assureur ne pourra se faire que sur le droit commun (par exemple, une action contre un
piéton). Le débiteur s'identifie par rapport à deux situations :

• lorsqu'un seul véhicule est impliqué, la victime pourra agir contre le conducteur qui
a la maîtrise effective de ce véhicule mais également contre le gardien de ce
véhicule. Il est possible d'agir contre les deux simultanément.

• lorsque plusieurs véhicules sont impliqués, les victimes non-conductrices pourront


agir contre tous les conducteurs et tous les gardiens des véhicules impliqués. Les
victimes conductrices pourront quant à elles agir les unes contre les autres.

o Le bénéficiaire de l!indemnité :

C’est la victime. Cependant, en ce qui concerne les dommages à la personne, la loi


fait une distinction entre les victimes conductrices et les victimes non conductrices, les
secondes étant mieux considérées par la loi que les premières.

- La règle est qu’on ne peut opposer aux victimes non conductrices leur faute
(art. 3 al. 1er).

- La loi, cependant, prévoit deux exceptions à cette règle. La première exception


tient à ce que la victime peut se voir opposer sa faute si elle est inexcusable et a

2 Soulignons que dans la loi l’expression « force majeure » désigne l’événement naturel qui est imprévisible et
insurmontable et non tout événement extérieur. C’est la raison pour laquelle il est fait allusion, à côté de la force
majeure, au fait d’un tiers.

28
été la cause exclusive de l’accident. Ces deux conditions sont cumulatives. La
faute inexcusable est, selon la Cour de cassation, « la faute volontaire d’une
exceptionnelle gravité exposant son auteur à un danger dont il aurait du avoir
conscience » (V. par ex. Cass. 2ème civ., 20 juil. 1987, 10 arrêts). Par ailleurs il est
important de souligner que ne sont pas visées par cette faute inexcusable cause
exclusive de l’accident les victimes dites « super protégées » qui sont, selon la loi
(art. 3 al. 2), les personnes de moins de 16 ans ou de plus de 70 ans et celles
atteintes d’un taux d’incapacité permanente ou d’invalidité d’au moins 80%.
La deuxième exception, qui celle là concerne tout le monde, est l’hypothèse dans
laquelle la faute de la victime résulte de la recherche volontaire du dommage
subie. C’est la faute intentionnelle, qui ne vise pratiquement que le cas du
suicide.

En cas de dommage aux biens, c’est-à-dire de dommage matériel comme la


détérioration ou la destruction d’un bien, l’article 5 de la loi précise que la faute de la victime
exclura totalement ou partiellement son droit à indemnisation. Il n y a plus à distinguer
selon la nature ou l’âge de la victime. Tout au plus précisera-t-on que la faute doit être
prouvée par celui qui l’invoque.

- La responsabilité du fait des produits défectueux

La responsabilité du fait des produits défectueux est la situation dans laquelle un


producteur engage sa responsabilité délictuelle du fait d'un défaut de sécurité de l'un de
ses produits ou services entraînant un dommage à une personne quelle qu'elle soit. Il n’y a
pas de restriction puisque l’article 1386-1 du code civil écarte expressément toutes
distinctions entre les cocontractants et les tiers. Il n'est donc pas nécessaire de distinguer si
le responsable est lié ou non à la victime par un contrat.

Il s'agit d'un régime spécial de responsabilité.

La responsabilité du fait des produits défectueux a vu le jour le 25 juillet 1985 sous la


forme d'une directive communautaire. C'est 13 ans plus tard que cette directive est enfin
transposée dans le droit français grâce à la loi du 19 mai 1998 qui insère les articles relatifs
à la responsabilité du fait des produits défectueux au code civil (articles 1386-1 et suivants).

29
La responsabilité du fait des produits défectueux possède deux caractères
fondamentaux :

o un caractère d'ordre public : cela signifie qu'on ne peut déroger à ses dispositions par
convention.

o un caractère optionnel en théorie, qui tend en réalité à devenir exclusif : selon la


lettre de la directive, la victime pourrait, si elle le désirait, poursuivre le responsable
de son dommage sur le fondement de cette loi, ou sur celui du droit commun. Mais
la Cour de justice des Communautés européennes a imposé une interprétation
restrictive (CJCE, 25 avril 2002, C-52/00), qui tend à évincer tout autre régime de
responsabilité sans faute si les conditions de ce régime spécial sont réunies. La 1ère
chambre civile de la Cour de cassation s'est pliée à cette interprétation en 2007 (Cass.
1ère Civ., 15 mai 2007, 05-17.947), mais on attend d'autres arrêts de ladite Cour pour
voir la confirmation définitive, en droit français, du caractère exclusif du régime de
responsabilité du fait des produits défectueux.

• Conditions de la responsabilité du fait des produits défectueux

La victime devra prouver : un dommage, un défaut du produit et un lien de


causalité. En plus, le code civil prévoit des conditions tenant aux délais. Le lien de
causalité renvoie au droit commun et ne sera donc pas analysé ici.

o Conditions tenant au dommage

L'article 1386-2 du code civil définit de son côté le dommage réparable de façon
très large encore : « Les dispositions du présent titre s'appliquent à la réparation du
dommage qui résulte d'une atteinte à la personne. Elles s'appliquent également à la
réparation du dommage supérieur à un montant déterminé par décret, qui résulte d'une
atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même. »

o Conditions tenant au produit

L'article 1386-3 du code civil définit le produit de façon extrêmement large dont
seuls les immeubles sont exclus : « Est un produit tout bien meuble, même s'il est incorporé
dans un immeuble, y compris les produits du sol, de l'élevage, de la chasse et de la pêche.
L'électricité est considérée comme un produit. »

30
Il ne faut pas confondre "défectueux" et "vicié". En effet, un produit vicié est celui
qui ne permet pas l'usage que l'on pourrait attendre de lui (ex: un téléviseur qui n'affiche
pas d'image). Ce type de produit n'est pas concerné par la loi de 1998. Les produits
défectueux sont ceux qui présentent un défaut de sécurité (ex: un téléviseur qui implose).

Aux termes de l’article 1386-4, « Un produit est défectueux au sens du présent titre
lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être


tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de
l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre, plus
perfectionné, a été mis postérieurement en circulation. »

o Conditions tenant aux délais

Pour rentrer dans le champ de la loi, le produit doit avoir été mis en circulation après 1998.

La loi prévoit deux délais pour agir et au-delà desquels on ne pourra plus agir :

1. le délai de prescription : l'article 1386-17 impose un délai de 3 ans à compter de la


date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage,
du défaut et de l'identité du producteur.

2. le délai de forclusion : la victime ne peut plus agir contre le producteur au-delà de 10


ans à compter de la mise en circulation du produit. Selon l'article 1386-5 du code
civil, « un produit est mis en circulation lorsque le producteur s’en est dessaisi
volontairement. Un produit ne fait l'objet que d'une seule mise en circulation. »
En 2006, la CJCE a donné une définition de la mise en service d'un produit. C'est
lorsque « le produit sort du processus de fabrication et rentre dans le processus de
commercialisation. »

• Régime de la responsabilité du fait des produits défectueux

Du côté des responsables d'une autre part, il s’agit des producteurs. Le producteur est
nécessairement un professionnel qui a travaillé la matière première, un composant, ou
une partie du produit. Seul le producteur est en principe responsable des dommages
causés par un défaut de son produit. Cependant, s'il ne peut être identifié, alors seront

31
indifféremment responsables le fournisseur, le vendeur, ou le loueur (l'élargissement de
cette palette de responsables trouve son fondement dans le courant victimologiste).

La loi écarte toutes exigences de preuve de faute particulière du fabricant pour


engager sa responsabilité. Le responsable ne pourra donc pas s'exonérer en prouvant qu'il n'a
pas commis de faute. Il ne pourra non plus s'exonérer en prouvant que la chose a été produite
dans les règles de l'art, ou conformément aux exigences en vigueur. C’est donc une
responsabilité de plein droit.

L'article 1386-11 du code civil énumère les faits exonératoires.

« Le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve :

1° Qu'il n'avait pas mis le produit en circulation ;

2° Que, compte tenu des circonstances, il y a lieu d'estimer que le défaut ayant causé le
dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce
défaut est né postérieurement ;

3° Que le produit n'a pas été destiné à la vente ou à toute autre forme de distribution ;

4° Que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le


produit en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut ;

5° Ou que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d'ordre
législatif ou réglementaire.

Le producteur de la partie composante n'est pas non plus responsable s'il établit que le
défaut est imputable à la conception du produit dans lequel cette partie a été incorporée ou
aux instructions données par le producteur de ce produit. »

SECTION III : LE LIEN DE CAUSALITÉ


$%&'# ((.# La responsabilité implique une relation de cause à effet entre le fait générateur et le

dommage.
PARAGRAPHE 1 – Théories de la causalité
En présence de plusieurs facteurs ayant concouru à la survenance du dommage,
la doctrine a développé nombreuses théories de la causalité. On peut citer notamment :

32
• la théorie de l'équivalence des conditions : elle consiste à placer sur un pied
d'égalité l'ensemble des facteurs ayant concouru à la survenance du dommage ;

• la théorie de la causalité adéquate : elle est restrictive et ne retient comme facteur


que celui dont on peut raisonnablement estimer qu'il était de nature à produire le
dommage ;

• la théorie de la causalité efficiente : elle ne tient compte que des évènements ayant
un rôle prépondérant dans la survenance du dommage ;

• La « causa proxima » : elle ne retient que le dernier évènement survenu qui a


entrainé le dommage.

Le droit français n!indique explicitement sa préférence pour aucune des théories proposées

par la doctrine. Cependant, bien des auteurs estiment d!ailleurs que la théorie de
l'équivalence des conditions représente dans la jurisprudence française la tendance
dominante, à défaut de constituer un véritable principe.

PARAGRAPHE 2 - L'absence d'un lien de causalité : la cause étrangère non


imputable
$%&'#((3 "#« La responsabilité peut disparaître ou être atténuée lorsqu’intervient un événement qui

modifie la relation de cause à effet entre la faute et le dommage. »


C’est notamment la force majeure, la faute de la victime et la légitime défense.
- La force majeure (au sens large) :
$%&'# (-1 "# « Il n’y a pas de responsabilité si le fait dommageable est la conséquence d’une force

majeure ou d’un cas fortuit, c’est-à-dire d’un événement extérieur imprévisible et


insurmontable.
La faute de l’auteur du dommage annule l’effet exonératoire du cas fortuit ou de force majeure,
s’il était établi que sans elle cet événement aurait été sans effet sur l’acte de l’auteur du
dommage. »
- La faute de la victime :
$%&'# (-( "# « La faute de la victime atténue la responsabilité de l’auteur du dommage dans la

mesure où elle a concouru à le causer. Elle peut la faire disparaître si elle présente pour l’auteur du
dommage les caractères d’un cas fortuit ou de la force majeure. »
- La légitime défense :

33
- $%&'#(-- "#« Il n’y a pas de responsabilité, si le fait dommageable a été commis de façon

raisonnable pour la légitime défense de soi-même ou d’autrui ou pour garantir des


biens que l’auteur détient légitimement. »

CHAPITRE II – LA MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE


SECTION I : LE RÉGIME DE L!ACTION

Le régime de l!action diffère selon que celle-ci est exercée devant les juridictions
civiles ou une juridiction pénale.
PARAGRAPHE 1 – L’action exercée devant les juridictions civiles (juridiction
civile au sens strict, commerciale ou prudhommale) :

L!action est exercée par la victime ou ses héritiers. Si la victime est un incapable,
l'action est exercée par son représentant légal. Si la victime est une personne morale, seules
les personnes physiques habilitées par les statuts peuvent agir à son nom.
Il faut remarquer que l'action d'une personne morale ne soulève aucune difficulté
lorsqu'il s'agit de demander réparation d'un intérêt personnel. Il en va différemment quand
la personne morale se prévaut d'une atteinte à l'intérêt collectif qu'elle représente ou
qu'elle est censée représenter. Le législateur a accordé à certains syndicats (syndicats de
travailleurs) et à certaines associations (associations de consommateurs agréées,
associations d’actionnaires agréées) la possibilité d'agir pour la défense d'intérêts
collectifs.
Pour le reste, l'action en responsabilité civile est soumise aux règles ordinaires de
la procédure civile et de la prescription.

PARAGRAPHE 2 – L’action exercée devant une juridiction pénale :

La victime d'une infraction pénale a le choix entre la voie civile et la voie pénale.

En portant l'action devant la juridiction répressive, la victime bénéficie le cas échéant d'un
avantage quant à la preuve. Les preuves sont rassemblées le cas échéant par le Ministère
Public ou par le Juge d'Instruction. Ces magistrats disposent d'un moyen plus énergique
qu'un simple particulier.
En revanche, lorsque la victime choisit la voie civile, l'action civile est dans le sillage de
l'action publique, selon la règle « le criminel tient le civil en l’état ».

34
Lorsqu'un tribunal répressif est déjà saisi de l'action publique, l'action civile ne peut dans
ce cas être portée devant un tribunal civil ; ce dernier, en effet, doit surseoir à statuer tant
que le tribunal répressif n'a pas statué ;
- en matière d'autorité de la chose jugée, la chose jugée au criminel a autorité sur le
jugement de l'action civile : la condamnation pénale entraîne nécessairement
faute civile ; en revanche, s'il y a acquittement au pénal, il n'y a pas
nécessairement absence de responsabilité au civil (d’ailleurs, lorsque le juge
répressif, saisi par exemple de poursuites pour homicide ou blessures
involontaires, prononce une relaxe, il peut, néanmoins accorder des dommages et
intérêts à la victime (loi du 8 juillet 1983 – art. 470-1 du Code de procédure
pénale).
Selon le Code de procédure pénale du Mali (ART. 4) : L!action civile peut être aussi

exercée séparément de l!action publique. Toutefois, il est sursis au jugement de cette action

exercée devant la juridiction civile tant qu!il n!a pas été prononcé définitivement sur l!action
publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement. La partie qui a exercé son action devant la
juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive. Il n!en est

autrement que si celle-ci a été saisie par le ministère public avant qu!un jugement sur le fond
ait été rendu par la juridiction civile (ART. 5).
SECTION II : LA RÉPARATION
La réparation du préjudice causé à autrui est organisée, en droit malien, dans les textes
internes3, communautaire4 et régional5 par une distinction fondamentale entre la

responsabilité contractuelle, qui régit les dommages nés dans le cadre d’une relation
contractuelle et la responsabilité extra-contractuelle ou délictuelle qui régit tous les autres
dommages (accident ou autre infraction pénale).

3 Loi n°87-31/AN-RM du 29 Aout 1987 portant régime général des obligation au Mali; Loi n°2022-041 du 15
novembre 2022 fixant les règles générales relatives à la réparation des préjudices causés par les violations graves
des droits de l’Homme (JO 2022- 36) et le Décret n°2022-0730/PT-RM du 23 novembre 2022 fixant les
modalités d’application de la loi fixant les règles générales relatives à la réparation des préjudices causés par les
violations graves des Droits de l’Homme (JO 2022-38)] au Mali; Loi n° 99-041 du 12 août 1999 portant Code de
la prévoyance sociale du Mali….
4La vente international en droit OHADA.
5 Notamment en Afrique francophone avec la création de la Conférence Interafricaine des Marchés de
l’Assurances (CIMA) dont le traité fondateur regroupant quatorze États est entré en vigueur le 15 février
1995.

35
V. RGO, articles 123, 124 et 18.
$%&'#(-2# La réparation en nature doit être ordonnée, si elle est demandée par la victime chaque fois

que la remise en état est possible sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient être octroyés à
la victime à titre de réparation complémentaire. A défaut, la réparation se fera par équivalent.
$%&'#(-)# Sauf dispositions particulières, les dommages-intérêts doivent être fixés de telle sorte qu’ils

soient pour la victime la réparation du préjudice subi.


$%&'#((/# L’obligation de réparer le dommage pèse solidairement sur tous ceux qui ont contribué à le

causer (Obligation in solidum).


V. aussi jurisprudence :
Pas d’obligation de la victime de modérer le préjudice au profit de l’auteur du dommage :
« Attendu que l'auteur d'un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables ;
que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable »
(Cour cass, 2ème, 26 mars 2015, n° 14-16011. V. aussi dans le même sens Cass. 1re civ., 2 juill. 2014,
no 13-17599)
Pas de dommages et intérêts punitifs : Les dommages et intérêts punitifs consistent, en
responsabilité civile, à prononcer contre l'auteur du dommage une sanction excédant le montant du
préjudice réellement subi. C'est une sorte de peine pour laquelle la doctrine montre un intérêt en
présence de « fautes lucratives », c'est-à-dire de fautes « que leur auteur a cependant intérêt à
commettre parce qu'il tire de l'activité dommageable un profit supérieur aux condamnations
encourues »

2ème PARTIE : L’ÉVOLUTION DES FONDEMENTS DE LA RESPONSABILITE


CIVILE
Au Mali, il est traditionnellement admis que l’objectif de la responsabilité civile est de rétablir
aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le fait dommageable et de replacer la
victime, aux dépens du responsable, dans la situation qui aurait été la sienne si le fait
dommageable ne s’était pas produit6.
À ce sujet, le droit malien ne pose « aucun filtre à l’entrée » et ouvre la voie à une autre
conception du dommage et sa réparation. Ainsi, dans son régime général des obligations, le
législateur affirme de façon timide, parmi les causes exonératoires de responsabilité, que « La

6V. notamment, Civ. 2e, 1er avril 1963, J.C.P. 1963. II. 13408, note P. ESMEIN, D. 1963. 453, note MULINIER ;
Civ. 2e, 4 février 1982, J.C.P. 1982. II. 19894, note J.-F. BARBIERI.

36
faute de la victime atténue la responsabilité de l’auteur du dommage dans la mesure où elle a
concouru à le causer »7.

L’obligation de minimiser le dommage est une interdiction faite à la créancière de la


réparation de ne pas participer à l’aggravation du dommage qu’elle subit. Ceci sous-entend
que la victime peut avoir un comportement négatif pouvant alourdir le coût de la réparation
pour l’auteur du dommage. Ainsi, il est nécessaire de tenir compte du comportement des
acteurs dans l’évaluation du coût de la réparation. Les raisons de s’y intéresser sont pourtant
multiples. Non seulement juridiques, elles sont également morales et économiques.

Pour altruiste ou noble qu'elle soit, cette volonté d'indemniser à tout prix les victimes de
dommages a largement contribué au désordre actuel sur l’évaluation et la détermination des
dommages-intérêts par le juge malien. Toutefois, il ne faut pas en négliger les effets pervers :
qui trop embrasse, mal étreint. « Le temps est peut-être venu de songer à sa responsabilité »8
ou aux conséquences de sa contribution à la production de son dommage de sorte qu'elle peut
ne pas bénéficier d'un droit à réparation total ou partiel9. L’auteur du dommage peut, donc,
s’exonérer de sa responsabilité civile s’il démontre que le dommage provient de la faute de la
victime du fait d’un tiers ou d’un cas de force majeure.

La réparation de celui qui a subi un préjudice, appelé victime, est l’indemnisation.


L’ambiguïté des notions de la victime et sa place dans la procédure pénale s’analysent en droit
d’approximations et de confusions sur les définitions de l’indemnisation et de la réparation10.
La victime est principalement considérée comme une personne qui a souffert ou qui risque de
souffrir d'un dommage constitutif de préjudice qu’il faut protéger face au responsable. À cet

7 Cf. Article 121-1 de la loi n° 87-31/AN-RM du 29 août 1987 portant régime général des obligations au Mali.

8 S. REIFEGERSTE, Pour une obligation de minimiser le dommage, P.U.A.M., coll. « Institut de droit des
affaires », 2002, p. 317, pt. 610.
9 Le comportement de la victime était pris en compte dans des cas particuliers. Par ex., l'auteur d'une blessure
non mortelle ne pouvait être poursuivi pour homicide dès lors que celui-ci résultait du comportement de la
victime. O. DESCAMPS, Les origines de la responsabilité pour faute personnelle dans le code civil de 1804,
L.G.D.J., coll. « Bibliothèque de droit privé », t. 436, 2005, p. 61.
10Quant à la réparation, s’il s’agit de : « Opération, travail qui consiste à réparer quelque chose. V.
Raccommodage, replâtrage, restauration... V. Cicatrisation, etc. V. Dommage (dommages-intérêts), indemnité ».

37
égard, elle est reconnue comme étant « passive »11 et « innocente »12. L!action en

responsabilité civile est engagée par elle devant les tribunaux. Elle doit démontrer un fait d!un

tiers (historiquement une faute), d!un dommage et du lien de causalité entre ces deux

éléments. Devant couvrir l!intégralité du préjudice13, la réparation ne doit jamais le dépasser14.

C!est le principe dit de la réparation intégrale du préjudice15. La victime n!est nullement tenue

d!agir dans le sens de la réduction ou de la limitation du dommage. C!est donc généralement

au seul responsable qu!incombe une telle obligation. Si le défaut ou le retard de la réparation

est à l!origine d!une aggravation du préjudice, il ne peut, en principe, s!en prendre qu’à lui-
même. L’acception extensive des préjudices réparables semble, a priori, bénéfique aux
victimes. La priorité est donnée à la réparation en nature sur la réparation par équivalent16. La
réparation concerne tout le dommage, rien que le dommage. Elle se fait in concreto, c!est-à-
dire en fonction de toutes les circonstances propres à la situation de la victime17. L’on ne
répare que le dommage prévisible en matière contractuelle18. Tandis qu!en matière délictuelle,

11 Par ex., v. B. HAGÈGE, Les causes exonératoires de la responsabilité administrative, Thèse dactyl.,
Université de Paris XIII, 1996, p. 119 ; F. ALT-MAES, « Le concept de victime en droit civil et en droit pénal »,
R.S.C., janvier- mars 1994, p. 35.

12 G. GUYON, « La victime propitiatoire : questions sur un héritage chrétien et sa valeur pénale », in


HOAREAU-DODINAU (J.), MÉTAIRIE (G.) et TEXIER (P.) (dir), La victime. I – Définitions et statut, Pulim,
coll. « Cahiers de l'Institut d'Antrhopologie Juridique », 2008, n°19, p. 27 : « La culpabilité du Christ est le
modèle d'un système pénal qui [...] le noie dans le grand concert des souffrances d'une innocence partagée entre
tous les hommes ».
13 V., par exemple, Civ. 2°, 4 février 1982, op. cit. ; Crim. 20 janvier 1987, 2 arrêts, Bull. crim. n° 25 et 26.
14La règle est solidement ancrée dans le droit français : v. notamment, Civ., 30 juillet 1877, D.P. 1878. 1. 24 ;
Civ., 16 février 1948, S. 1949. I. 69, note R. JAMBU-MERLIN. Crim., 22 mai 1995, Bull. crim. n° 266. ; sur cet
aspect de la responsabilité contractuelle, v. I. SOULEAU, La prévisibilité du dommage contractuel, th. Paris II,
ronéo., 1979.
15Sur le principe de la réparation intégrale du préjudice, v. notamment, v. M. E. ROUJOU DE BOUBEE, Essai
sur la notion de réparation, L.G.D.J., 1974, préf. P. Hébraud, p. 297 s.; Cf. Art.123 du RGO au Mali: « …les
dommages et intérêts doivent être de telle sorte qu’ils soient pour la victime la réparation du préjudice subi »
16 Art.123 du RGO au Mali: « La réparation en nature doit être ordonnée, si elle est demandée par la victime
chaque fois que la remise en état est possible sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient être octroyés à
la victime à titre de réparation complémentaire. A défaut, la réparation se fera par équivalent ».
17Art. 124 du RGO au Mali: « Sauf dispositions particulières, les dommages-intérêts doivent être fixés de telle
sorte qu’ils soient pour la victime la réparation du préjudice subi ».
18 Cf. Article 1231-3 du Code civil français.

38
le principe est la réparation intégrale du préjudice, même s!il est imprévisible. Il appartient

donc à la victime d!en démontrer la preuve de son existence et de son étendue.

La victime est privée de l’indemnisation pour la partie du préjudice qu’elle aurait pu éviter en
prenant des mesures raisonnables pour minimiser le dommage19. Le dommage devant être
évité par la victime ne l’a pas été et ne trouve plus sa cause dans le fait dommageable initial.
C’est le cas de la victime qui refuse de subir des soins que l’on suppose ni douloureux, ni
dangereux et qui seraient de nature à atténuer le préjudice corporel qu’elle subit. À certaines
conditions20, la victime est exclue de la réparation du préjudice que ces soins auraient permis
d’éviter. Son refus constitue ainsi un manquement à son obligation de solidarité vis-à-vis de
l’auteur du dommage et que le préjudice qui en résulte trouve sa seule cause dans la faute
dont elle se rend coupable21. Elle n’a, donc, pas droit à la réparation du dommage que
l’exécution de l’obligation de minimiser le dommage lui permettait d’éviter22.

De nombreux textes juridiques reconnaissent que le comportement de la victime est de nature


à remettre en cause le droit à réparation. Le législateur malien confirme ainsi à l!encontre de la
victime sa participation à la production de son dommage. La jurisprudence et la doctrine ont
permis de soutenir que la victime qui contribue à la production de son dommage ne serait pas
civilement responsable.

La victime n’est pas responsable envers elle-même, donc le devoir incombant à la victime ne
serait pas obligatoire. Et, quand bien même elle le serait, l'objet du devoir qui pèserait sur sa
tête resterait inclassable au regard des catégories juridiques traditionnelles. La victime ne peut
donc être civilement responsable, mais en assume les conséquences dommageables par la
réduction de l!indemnité. Au delà, l'absence d'indemnisation de la partie du préjudice qui
aurait pu être évitée, prive parfois la victime, de manière plus radicale, d'un moyen d’action.
Bien que sanctionnée pour sa passivité, elle ne serait pas pour autant tenue d’agir. Il importe

19 A. MICHAUD, Mitigation of damages in the context of remedies for breach of contract, R.G.D. 1984, p. 297
s. ; M. ELLAND-GOLDSMITH, La “mitigation of damages” en droit anglais, op. cit., n° 8 s., p. 349 s.
20 Sur les caractères des soins et leur influence sur l’existence d’une obligation de minimiser le dommage ou,
plus exactement, d’une obligation de se soigner à la charge de la victime, v. supra, n° 466 s.
21 A. DE BERSAQUES, L’abus de droit en matière contractuelle, R.C.J.B. 1969, p. 505 s.
22 Liège, 25 mai 1990, Rev. rég. dr. 1990. 507 ; sur cet arrêt, v. également, B. HANOTIAU, obs. R.D.A.I. 1993,
p. 128.

39
de préciser qu’il ne remet toutefois pas en cause le principe même de l!obligation. « C!est au
système juridique choisi par la législation en question de décider si un effet donné (du fait
générateur) est un mal ou un bien »23.

23Mustapha Mekki, « La place du préjudice en droit de la responsabilité civile. Rapport de synthèse », La notion
de préjudice. Journées franco-japonaise à Tokyo, juillet 2009, coll. Travaux Henri Capitant, Bruylant, à paraître
(septembre 2015), p. 153.

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