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TD2

Doc. 1 : Civ. 1, 16 janvier 2013, n°12-14439

Faits : M. et Mme X cèdent les parts qu'ils détiennent dans le capital de la société Garage Oberkampf
et s'engagent à en garantir le passif social par actes établis avec le concours d'une société d'avocats.
Diverses procédures conduisent à la condamnation des époux au paiement du solde débiteur d'un
compte courant d'associé (tribunal de commerce de Paris, 6 juin 2006). Les époux X recherchent
alors la responsabilité de leur avocat, lui reprochant de ne pas s'être présenté à l'audience du
tribunal de commerce, puis de ne pas avoir régulièrement interjeté appel du jugement malgré les
instructions qui lui avaient été données. La cour d'appel fait partiellement droit aux demandes des
époux, estimant que la perte de chance d'obtenir la réformation du jugement du tribunal de
commerce était faible.

Portée : Si le dommage éventuel ne donne pas lieu à réparation car il n'est pas certain, il en va
autrement de la perte de chance qui est admise depuis plusieurs décennies par la jurisprudence
(Cass. civ., 25 mai 1971). « La perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois
qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable » (Cass. 7re civ., 14 oct. 2010, n°09-
69195). Par exemple, lorsqu'un accident empêche un étudiant de se présenter à un examen, celui-ci
peut obtenir réparation de la perte d'une chance de réussir celui-ci. La jurisprudence refusait
traditionnellement de réparer la perte de chance lorsque la chance était faible. Elle exigeait que les
chances soient suffisamment sérieuses. Par cet arrêt, la Cour de cassation revient sur cette restriction
en décidant que « la perte d'une chance, même faible, est indemnisable ». Cet arrêt a été considéré
comme le dévoiement inévitable d'une notion dont le succès était grandissant. En effet, la certitude
du dommage découlant de la perte de chance était sujette à interrogation: la cour d'appel retenait
que l'issue de l'appel manqué par l'avocat apparaissait incertaine et que la perte de chance d'obtenir
la réformation du jugement du tribunal de commerce était « faible » alors que la jurisprudence exige
traditionnellement que les chances perdues aient été « réelles et sérieuses », estimant généralement
que « l'élément de préjudice constitue par la perte d'une chance présente un caractère direct et
certain chaque fois qu'est constatée la disparition, par l'effet du délit, de la probabilité d'un
évènement favorable - encore que, par définition, la réalisation d'une chance ne soit jamais certaine
» (Cass. crim., juin 1990, n°89-83703). La Cour de cassation n'a pas ultérieurement posé de nouvelles
limites à la réparation de la perte de chance et apparait désormais clairement que la perte de
chance, même faible, est réparable. Quant au projet de réforme de la responsabilité civile de mars
2017, il n'apporte guère de précisions sur ce point puisque le nouvel article 1238 dispose que « Seule
constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d'une éventualité
favorable. Ce préjudice doit être mesuré à la chance perdue et ne peut être égal à l'avantage
qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ».

Doc. 2 : AP, 17 novembre 2000, n°99-13701

Faits : Alors qu'elle est enceinte, Mme X fait faire une recherche d'anticorps de la rubéole auprès
d'un laboratoire spécialisé ; Elle fait alors part de son souhait de recourir à une interruption de
grossesse si les tests s'avèrent positifs. Le laboratoire, tout comme le médecin de Mme X, analysent
les tests comme étant négatifs. Elle donne ensuite naissance à un enfant ayant développé de graves
séquelles consécutives à une atteinte in utero par la rubéole. Les parents de l'enfant exercent alors
une action d'une part en leur nom pour obtenir réparation du préjudice occasionné par l'erreur de
diagnostic du médecin qui les a privés de la possibilité de recourir à une IVG, d'autre part au nom de
l'enfant pour que celui-ci obtienne réparation du préjudice qu'il a subi du fait de son handicap. La
cour d'appel ayant constaté que le médecin et le laboratoire ont commis des fautes contractuelles,
elle estime que le préjudice de la mère devait être réparé dès lors qu'elle avait décidé d'interrompre
la grossesse en cas d'atteinte par la rubéole et que les toutes commises lui avaient fait croire à tort
qu'elle était immunisée contre cette maladie. Elle refuse en revanche de reconnaître le préjudice subi
par l'enfant, estimant que celui-ci ne constitue pas un préjudice indemnisable en relation de causalité
avec les fautes commises. Les parents se pourvoient alors en cassation.

Portée : La question de la réparation du préjudice qui serait causé par la naissance d'un enfant
handicapé suite à une erreur de diagnostic d'un médecin a fait l'objet d'une polémique marquante
dont l'arrêt Perruche constitua le déclencheur. L'affaire posait d'une part la question de l'existence
d'un lien de causalité entre la faute du médecin et le préjudice de l'enfant et d'autre part celle de la
réparation du préjudice de l'enfant résultant de son handicap. Dans ce célèbre arrêt Perruche, la
Cour de cassation admet, en cas de naissance d'un enfant handicapé suite à une erreur de diagnostic
sur l'existence d'une rubéole, que la naissance de l'enfant atteint d'un handicap peut constituer un
préjudice pour lequel l'enfant peut obtenir réparation. La solution adoptée par la Cour de cassation
suscite une vive polémique sur deux aspects. D'une part, l'analyse du lien de causalité telle qu'elle a
été faite par la Cour de cassation est contestable puisqu'elle considère que la faute du laboratoire et
celle du médecin sont la cause du dommage alors qu'il s'agit plutôt de la maladie contractée par la
mère; on ne pouvait raisonnablement dire que le handicap résultait de la faute médicale. D'autre
part, en caractérisant le dommage comme « la naissance d'un enfant atteint d'un handicap», la Cour
de cassation soulève de vives critiques puisque cette formulation revient à dire que la vie constitue
un préjudice et qu'il aurait été préférable pour l'enfant de ne pas naître. La loi du 4 mars 2002 a mis
fin à cette jurisprudence en introduisant dans la Code de l'aide sociale et des familles un article L.
114-5 qui pose dans son premier alinéa le principe selon lequel « Nul ne peut se prévaloir d'un
préjudice du seul fait de sa naissance ». Cependant, « La personne née avec un handicap dû à une
faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué
directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de
l'atténuer » (CASF, art. L. 114-5, al.2). En outre, le troisième alinéa du même article dispose que «
Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de sante est engagée Vis-à-vis des
parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute
caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce
préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de
ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale ». La naissance ne peut
constituer un préjudice. Le Conseil constitutionnel (11 juin 2010, n°2010-2 QQ), statuant sur une
question prioritaire de constitutionnalité, a valide les dispositions de ce texte (sauf en ce qu'il
s'applique aux instances en cours à l'entrée en vigueur de la loi).

1. Proposition de plan

I. L'identification du prejudice

1. Le rejet du préjudice lié à la vie

2. L'accueil du préjudice lié au handicap

II. La caractérisation du lien de causalité

2. L'impossible choix de la mère

3. Un lien de causalité contestable


Doc. 3 : Civ. 2, 24 janvier 2002, n°99-16576

Faits : Ce jugement est un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 24
janvier 2002. Mlle X... a subi un accident de la circulation. Elle cherche à se faire indemniser par la
société Mutuelle assurance artisanale de France en raison des pertes de revenus subies durant la
période d'incapacité temporaire (conséquence de l'accident). La MAAF a été déclarée tenue de
réparer le préjudice financier subi par Mlle X.. Cependant, une partie de l'activité professionnelle de
Mlle X... était dissimulée et donc illicite. Tirant argument de cette situation, la MAAF a refusé
d'indemniser l'intégralité de la perte des rémunérations que percevait Mlle X..., n'acceptant de
prendre en compte que la partie régulière de son activité. La Cour d'appel a au contraire jugé qu'il y
avait lieu d'indemniser aussi la perte des revenus dissimulés. La MAAF s'est alors pourvue en
cassation.

Il est admis que tout préjudice est réparable s'il est certain et direct, mais la légitimité du préjudice
est-elle une condition supplémentaire de la réparation ?

Le sort des victimes en situation illicite a souvent donné lieu à des hésitations jurisprudentielles. Cet
arrêt semble poser la légitimité au rang de condition de l'indemnisation du préjudice. La Cour de
cassation suggère ici une vision moralisatrice de la responsabilité extracontractuelle en proposant
une nouvelle hypothèse d'indignité.

La Cour de cassation va casser la décision de la Cour d'appel, estimant « qu'en statuant ainsi alors
que de telles rémunérations, provenant d'un travail dissimulé, n'ouvrent pas droit à indemnisation, la
Cour d'appel a violé le texte susvisé » (l'article 1382 du Code civil).

La Haute juridiction va ainsi refuser d'indemniser le préjudice subi par une victime en situation illicite
(I). Cette décision atypique se place à la marge de la jurisprudence habituelle en matière de
responsabilité civile (l).

Doc. 5 : Crim. 10 novembre 2020, n°20-82245

QPC 5 février 2021

Les mots « non négligeables » figurant à l'article 1247 du Code civil sont conformes à la Constitution.
Ils ne méconnaissent pas le principe selon lequel toute personne doit contribuer à la réparation des
dommages qu'elle cause à l'environnement (Charte environnement, art.4) et n'a pas pour effet de
limiter la réparation qui peut être accordée aux personnes qui subissent un préjudice du fait d'une
atteinte à l'environnement.

Affaire Erika

Faits : Alors qu'il effectuait, chargé d'une cargaison de fioul lourd, un voyage de Dunkerque à
Livourne (Italie), le navire-Citerne Erika, battant pavillon maltais, a subi, pendant sa traversée par
gros temps du golfe de Gascogne, une défaillance de sa structure ayant provoqué le naufrage du
navire. A la suite de cet accident de mer, une partie importante de la cargaison et des soutes du
navire s'est répandue dans l'océan. Les différents intervenants dans la Chaîne du transport maritime
et certains de leurs mandataires sont renvoyés devant le tribunal correctionnel, pour pollution des
eaux ou voles navigables françaises le long du littoral atlantique. Sur l'action civile, la cour a appel a
accepte a allouer à plusieurs parties civiles, notamment des communes du littoral atlantique, des
indemnités au titre au préjudice écologique ou environnemental. L'ensemble des condamnés se
pourvoit en cassation.
Portée :

L'arrêt Erika est célèbre pour avoir pour la première fois admis la réparation du préjudice écologique
et en avoir dresse les contours. La cour de cassation a décidé que l'ensemble des intervenants à l'acte
de transport poursuivis devant le Juge pénal avaient commis une faute de témérité, ce qui justifiait la
mise en œuvre de leur responsabilité civile en réparation de l'ensemble des catégories de dommages
retenus par la cour d'appel, sur le fondement de la Convention internationale de 1992 sur la
responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures. Elle a par
conséquent notamment considéré que la cour d'appel avait justifié l'allocation des indemnités
propres à réparer le préjudice écologique. Dans cet arrêt, la Cour de cassation définit le préjudice
écologique comme « l'atteinte directe ou indirecte portée à l'environnement et découlant de
l'infraction ». Il se distingue du dommage collectivité qui est celui qui affecte une collectivité, c'est-a-
dire toute une catégorie de personnes. Le préjudice écologique se distingue du préjudice collectif en
ce qu'il lèse la communauté dans son ensemble en affectant directement l'environnement envisagé
comme un patrimoine commun. « L'intérêt de la nature se distingue de l'intérêt collectif des
associations (préjudice moral des associations et parfois financier) et de l'intérêt individuel des
personnes victimes de ces atteintes à l'environnement » (Mekki M., « La réparation du préjudice
écologique pur : pied de nez ou taux-nez? », Gaz. Pal. 2016, n°34, p. 26). Dans l'arrêt rendu par la
cour d'appel de Paris le 30 mars 2010 dans la même affaire Erika, la cour avait défini le préjudice
écologique avec une précision notable comme « toute atteinte non négligeable à l'environnement
naturel, à savoir, notamment, à l'air, l'atmosphère, l'eau, les sols, les terres, les paysages, les sites
naturels, la biodiversité et l'interaction entre ces éléments, qui est sans répercussions sur un intérêt
humain particulier mais affecte un intérêt collectif légitime » et l'avait qualifié de « préjudice objectif
autonome ». La loi n°2016-1087 du 8 août 2016 a défini le préjudice écologique comme celui «
consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux
bénéfices collectifs tirés par l'homme de l’environnement”. Art 1247. L’adoption de cette loi marque
une évolution notable de la notion de préjudice écologique. 

Proposition de plan

I) La reconnaissance attendue du préjudice écologique

1. Les prémices de la reconnaissance du préjudice écologique

2. Les critères du préjudice écologique

II) La reconnaissance inachevée du préjudice écologique

1. L'autonomie parachevée du préjudice écologique

2. La reconnaissance du préjudice écologique par la loi

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