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Arrêts du TD3

Doc. 1 : Civ. 2, 23 septembre 2004, D. 2005,

Le droit français connaît un principe général de responsabilité personnelle fondé sur un standard, la
faute, mais ce principe connaît malgré tout certaines applications particulières comme en matière
sportive.

Ce sont les articles 1240 et 1241 du Code civil qui posent le principe de la responsabilité du fait
personnelle, de plus ils mentionnent la notion de faute. Par ailleurs, en droit civil il n'existe pas de
définition de la notion de faute. Certains auteurs ont donc voulu la définir comme Geneviève Viney
qui a dit que « la faute est la violation d'une règle de conduite imposée par une loi ou un règlement,
ou le manquement général de prudence est de diligence ».

S'agissant de la faute, les juges mettent l'accent sur deux facettes, tout d'abord la violation d'une
règle spécifique, c'est-à-dire la violation d'une règle légale qui a un caractère impératif. Puis,
l'exigence générale d'un comportement. Pour cela, le juge va utiliser deux hypothèses, la faute
d'abstention et l'appréciation du comportement du responsable.

La faute étant un standard général du comportement qui n'est précisé par aucun texte en matière
extracontractuelle, il s'agit donc d'un devoir que la jurisprudence doit calquer à chaque situation. Il
peut s'agir de l'exercice abusif d'un droit ou d'une liberté comme la liberté d'expression, ou encore
d'une faute en matière sportive comme c'est le cas dans l'arrêt de la deuxième chambre civile de la
Cour de cassation en date du 23 septembre 2004.

En l'espèce, il s'agit d'un pratiquant de karaté qui a été blessé lors d'un entraînement du fait d'un
coup porté par une autre pratiquante. La victime a assigné la pratiquante de karaté ainsi que son
assureur en indemnisation.

La Cour d'appel a estimé que la pratiquante était responsable du dommage subi par la victime, et sa
responsabilité devait donc être engagée selon elle. Un pourvoi en cassation est donc formé par la
pratiquante de karaté responsable du dommage.

La personne se pourvoyant en cassation prétend que « la responsabilité d'un pratiquant d'un sport
de combat à risque, tel que le karaté, ne peut être engagée à l'égard d'un autre pratiquant, pour un
exercice effectué au cours d'un entraînement, qu'en cas de faute volontaire contraire à la règle de
jeu ». La Cour d'appel aurait expressément constaté que le coup reçu par la victime avait été « portée
malencontreusement par [la pratiquante] lors d'un entraînement de karaté » donc la pratiquante
considère que la Cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a
violé les articles 1382 et 1383 du Code civil (désormais 1240 et 1241)

De plus, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de ces deux articles en ce
qu'elle a considéré que le coup avait été porté volontairement et avec connaissance des règles à la
pratique du karaté par l'auteur du dommage.

Il est opportun de se demander dans quelle mesure un coup porté par un pratiquant d'un sport de
combat sur un autre pratiquant, lors d'un entraînement, peut constituer une faute ?

Dans son arrêt de septembre 2004, la Cour de cassation estime qu'une faute est caractérisée du fait
du coup porté lors de l'entraînement de karaté (I), mais la faute de la pratiquante de karaté relève
d'un manquement à la règle de jeu (Il).
Doc. 2 : AP, 9 mai 1984

FAITS : Un jeune garçon âgé de treize ans s'électrocute mortellement en vissant une ampoule
sur une douille. Ses parents citent devant le tribunal correctionnel M. Y, ouvrier électricien,
et M. A, dirigeant de la société dont M. Y est le salarié. En effet, M. Y avait une dizaine de
ours avant les faits, exécuté des travaux d'électricité dans l'étable où se sont produits' les
faits, et aurait omis de vérifier l'absence d'inversion de fils sur la boîte de jonction. La cour
d'appel déclare y coupable du délit d'homicide involontaire et le condamne à une amende,
estimant que l'inversion de fils électriques maintenant la douille sous tension et constatée
dans la boîte de jonction qui desservait le local est en rapport direct avec l'électrocution. La
cour d'appel le déclare responsable pour moitié seulement des conséquences de l'accident
en raison de la faute commise par l'enfant. Les différentes parties se pourvoient en
cassation. La mise en œuvre de la responsabilité du fait personnel telle qu'elle est prévue à
l'article 1240 du Code civil (anciennement 1382) repose sur une faute. Dans la conception
traditionnelle, très imprégnée par la morale, la faute civile se décomposait en deux éléments
: un élément objectif ou matériel d'une part et un élément subjectif ou psychologique
d'autre part. La jurisprudence a peu à peu abandonné l'exigence de ce deuxième élément,
notamment en écartant la question du discernement en matière de responsabilité civile d'un
mineur, dans 5 arrêts rendus le 9 mai 1984 par l'assemblée plénière, dont le présent arrêt
Lemaire.
PORTEE : Selon une conception classique, la faute implique la faculté de discernement, c'est-
à-dire l'aptitude à apprécier la portée de ses actes. En l'absence de cette faculté, le
comportement, même objectivement anormal, ne pouvait pas être considéré comme fautif.
Cette exigence de l'imputabilité du comportement a servi pendant longtemps à justifier
l'irresponsabilité des personnes privées de discernement. La première étape de l'abandon de
l'exigence de discernement découle de la loi du 3 janvier 1968 relative aux incapables
majeurs modifiant l'article 489-2 du Code civil : « celui qui a causé un dommage à autrui
alors qu'il était sous l'empire d'un trouble mental n'en est pas moins obligé à réparation ».
L'exigence d'imputabilité du comportement, c'est-à-dire d'élément psychologique, est
écartée même pour les personnes victimes de troubles mentaux. L’abandon de l’élément
intentionnel de la faute est parachève par les 5 arrêts du 9 mai 1984 : la cour de cassation
écarte la question du discernement en matière de responsabilité civile d’un mineur. L’enfant
peut donc commettre une faute sans qu’il soit nécessairement de se demander s’il est doté
de discernement. Ces arrêts consacrés une conception objective de la faute. La faute est un
comportement objectivement anormal. Confirmant cette jp désormais bien établie, l’article
1255 du cc tel qu’il est proposé par le projet de réforme de la responsabilité de mars 2017
dispose que « sauf si elle revêt les caractères de la force majeure, la faute de la victime
privée de discernement n’a pas d’effet exonératoire »

Doc. 3 : AP, 6 octobre 2006, arrêt Bootshop,


Les consorts X donnent à bail un immeuble commercial à la société Myr'ho. Celle-ci confie
alors la gérance de son fonds de commerce à la société Bootshop. La société Bootshop
imputant aux bailleurs un défaut d'entretien des locaux, elle les assigne en référé afin
d'obtenir la remise en état des lieux et le paiement d'une indemnité provisionnelle en
réparation d'un préjudice d'exploitation. La cour d'appel accueille la demande de la société
Bootshop. Les consorts X se pourvoient alors en cassation, estimant que la société Bootshop
est un tiers au contrat de bail et n'apporte pas la preuve d'une faute délictuelle à la charge
des bailleurs
En application du principe de l'effet relatif du contrat, celui-ci n'a théoriquement d'effet
qu'entre les parties. Toutefois, le contrat est opposable par les parties aux tiers, c'est-à-dire
que ces derniers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat, et par les tiers
aux parties, ce qui permet à ceux-ci de se prévaloir du contrat à l'encontre des parties. Dans
cet arrêt, l'assemblée plénière devait répondre à la question de savoir un tiers peut se
prévaloir du contrat, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, lorsque le
manquement d'une partie à son engagement contractuel lui a causé un dommage. La
réunion plénière de la Cour de cassation avait été rendue nécessaire par l'opposition qui
existait entre différentes chambres de la Cour de cassation sur cette question. En effet, la
première chambre civile s'était prononcée à plusieurs reprises en faveur de l'admission de
l'action du tiers en cas de manquement contractuel du débiteur ayant causé un dommage à
ce tiers: « les tiers à un contrat sont fondés à invoquer l'exécution défectueuse de celui-ci
lorsqu'elle leur a causé un dommage, sans avoir à apporter d'autres preuves » (Cass. 1re civ.,
18 juill. 2000, n°99-12135). A l'inverse, la chambre commerciale estimait de façon constante
que le manquement contractuel ne pouvait suffire à engager la responsabilité du débiteur
envers le tiers. L'assemblée plénière opte en faveur de la solution développée par la
première chambre, estimant que « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de
la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a
causé un dommage ». Elle pose le principe de l'identité des fautes contractuelle et
délictuelle. Le tiers a ainsi la possibilité d'obtenir réparation des conséquences d'une faute
contractuelle. Favorable au tiers qui doit pouvoir légitimement obtenir réparation de son
dommage, la solution n'en a pas moins pour effet de fragiliser la prévisibilité contractuelle.
Le Conseil d'État a opté pour une autre solution : il exige que le tiers apporte la preuve que
la faute contractuelle constitue également une faute délictuelle (CE, 11 juill. 2011). Certains
arrêts de la Cour de cassation sont allés dans le même sens que le Conseil d'État, rendant la
solution de arrêt Myr ho/Bootshop incertaine (Cass. 3e civ., 22 oct. 2008, n° 07-15692 et
Cass. fre civ., 15 déc. 2011, n°10-17691). Le nouvel article 1200 du Code civil prévoit que «
Les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat ils peuvent s'en
prévaloir notamment pour apporter la preuve d’un fait». L’emploi par le texte de l'adverbe «
notamment » au début de l’alinéa2 permet de penser que la fonction de preuve d’un fait
n’est pas la seule fonction assignée à l’opposabilité du contrat par le tiers aux partie mais la
formulation utilisée n’apporte aucune certitude. En revanche, le projet de réforme de la
responsabilité civile opte clairement pour l’abandon de cette jp en disposant à l’article 1234
que « lorsque l’inexécution d'une obligation contractuelle est la cause directe d'un dommage
subi par un tiers, celui-ci ne peut en demander réparation au débiteur que sur le fondement
de la responsabilité extracontractuelle, à charge pour lui de rapporter la preuve de l'un des
faits générateurs visés à la section II du chapitre II. »
Proposition de plan
I) Le principe de la responsabilité du contractant défaillant
A. La distinction entre effet relatif et opposabilité
B. La reconnaissance d'une responsabilité vis-à-vis du tiers
II) Le fondement de la responsabilité du contractant défaillant
A. L'assimilation des fautes contractuelles et délictuelles
B. L'incertitude de la solution
Doc. 4 : AP 13 janvier 2020

Suite aux arrêts de différentes chambres de la Cour de cassation juges divergents par la doctrine,
l'Assemblée plénière de la Cour de cassation s'est à nouveau prononcée sur la possibilité pour un
tiers d'invoquer un manquement contractuel lui ayant causé un dommage. En l'espèce, un tiers à un
contrat souhaitait obtenir indemnisation de son préjudice d'exploitation résultant de la défaillance
pendant plusieurs semaines du fournisseur d'énergie d'une société avec lequel il était lui-même en
relation contractuelle. La cour d'appel avait exigé la démonstration d'une faute contractuelle ; la
Cour de cassation estime que le seul manquement contractuel suffit à ouvrir au tiers un droit à
réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle, dès lors qu'il subit un dommage: le tiers
doit seulement démontrer le lien de causalité entre le manquement contractuel et son préjudice. Ce
principe s'applique que l'obligation à la charge du contractant soit une obligation de moyen (comme
c'est le cas dans l'arrêt Myr'ho) ou de résultat, comme dans le présent arrêt.

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