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Cour de cassation, 21 juillet 1982 (n°81-12850) -
Plan détaillé
20 mai 2020 Droit civil Conseils juridiques
En droit français, lorsque la victime commet une faute, cette dernière peut être
partiellement voire totalement exonératoire au bénéfice du responsable du
dommage causé. A cet égard, dès lors que la faute de la victime ne revêt pas les
caractéristiques de la force majeure, cette dernière sera partiellement exonératoire.
Au contraire, pour le cas où la faute de la victime revêt ces caractéristiques, il faut noter que
la faute sera totalement exonératoire pour le responsable du dommage en cause.
Dans notre cas d'espèce, rapporté par la deuxième chambre de la Cour de cassation, en date du
21 juillet 1982 (n°81-12850), il s'agissait d'un couple ayant traversé la chaussée alors que la
nuit tombait et ce, au sein d'une agglomération. Or ce couple se trouve renversé par un
véhicule ; celui-ci décide d'agir en indemnisation à l'encontre de l'automobiliste mais aussi de
son assureur ; ce à quoi ce dernier argue de la faute de la victime de façon à se voir attribuer
une exonération partielle de sa responsabilité.
Cependant les juges de la Cour d'appel de Reims, dans un arrêt rendu le 16 janvier 1981,
reconnaitront la responsabilité exclusive du conducteur du véhicule en cause ; ce dernier
décidera de former un pourvoi à l'encontre de la décision rendue. Par un arrêt rendu en date du
21 juillet 1982, la Cour de cassation retient la solution du tout ou rien et décide de rejeter le
pourvoi ainsi formé par le conducteur du véhicule, chose instrument du dommage. Les juges
de la Haute juridiction ont décidé de retenir que la faute des victimes n'est pas de nature à
exonérer, même partiellement, le gardien de la chose, sauf à imaginer que cette même faute
revêt les caractéristiques de la force majeure ; et ces mêmes juges de faire disparaitre
l'exonération partielle du gardien de la chose. Les juges ont, pour justifier leur décision,
retenu que le couple a traversé la chaussée qui était non seulement éclairée mais à proximité
d'un passage piéton. Ces caractéristiques ne sont alors pas de nature à constituer un cas de
force majeure qui aurait permis au conducteur du véhicule de s'exonérer de sa responsabilité.
La question qui s'est posé devant la Cour de cassation était celle de savoir comment le gardien
de la chose, instrument du dommage, peut-il s'exonérer de sa responsabilité dès lors que les
victimes ont concouru au dommage dont elles se plaignent ?
Les juges de la Haute juridiction ont, dans le cadre de cette décision, crée une nouvelle règle
(I) voulant que le comportement de la victime, et plus précisément son comportement fautif
ne lui soit pas opposable (II).
- Le gardien de la chose est directement visé à l'article 1384, alinéa premier, du Code civil
(nouvel article 1242 dudit code). Celui est responsable causé par la chose dont il a le pouvoir
d'usage, de contrôle et de direction en ce qu'il en est le gardien (voir arrêt Franck, 2 décembre
1941). Deux cas pour lesquels le gardien de la chose pouvait s'exonérer de sa responsabilité :
partiellement si la victime a commis une faute ; totalement si le dommage procède d'un cas
présentant les caractéristiques de la force majeure (voir arrêt Jandheur, 13 février 1930).
- Il revient à la charge exclusive du gardien de la chose, instrument du dommage, de prouver
que la victime a commis une faute ; qu'un cas de force majeure est à l'origine du dommage
causé et dont se plaint la victime.
- Cette décision s'explique par le fait que les automobilistes sont assurées tandis que peu de
victimes, piétons, le sont en effet. Autoriser le partage de la responsabilité entre le gardien de
la chose, instrument du dommage, et la victime, ferait que les victimes subiraient sur leurs
deniers personnels les conséquences de leur propre faute, et ne seraient alors protégées non
totalement.
II. La non opposabilité du comportement de la victime
A. Le "tout ou rien" : innovation de la Cour de cassation
- Cette décision contient une règle importante en droit de la responsabilité : le gardien de la
chose sera exonéré que dans le cas de la démonstration de la force majeure, telle que visée par
l'article 1384, alinéa premier, du Code civil.
- Le système du "tout ou rien" est une avancée considérable, une innovation au seul bénéfice
des victimes en ce que dorénavant, elles n'ont plus à subir les conséquences de leur faute.
Elles sont donc indemnisée en totalité sauf à imaginer un cas de force majeure.
B. Une décision innovante mais compréhensible
- Cette décision de la Cour de cassation se comprend à l'aune d'une constatation indéniable :
les automobilistes sont assurés ; les piétons ne le sont pas. Le système antérieur au nouveau
système du "tout ou rien" était alors inéquitable à l'égard des victimes.
- La décision concernée reprend finalement les considérations prétoriennes des juges de la
Cour d'appel de Reims ; il est ajouté que ces mêmes juges n'avaient pas à rechercher si les
victimes avaient, ou non, commis une faute qui aurait permis d'exonérer partiellement le
gardien de la chose, instrument du dommage.
- Autre avantage de cette décision : même si les victimes ont commis une faute et ont donc
participé au dommage dont elles se plaignent, faire reposer la responsabilité exclusivement
sur le gardien de la chose, instrument du dommage, ici, le conducteur du véhicule se
comprend en ce qu'il reviendra plus précisément à son assureur de réparer ce dommage causé
par l'assuré. La victime devait ainsi être impérativement protégé par rapport à l'ancien
système.
En quoi l’arrêt Desmares du 21 juillet 1982
est-il important en droit de la responsabilité
civile ?
L’arrêt Desmares (Cass. Civ. 2 è m e , 21/07/1982 n° 81-12.850) est un arrêt fondamental
cassation, par cet arrêt, a pu énoncer que tout fait ne revêtant pas les caractères de la
Dans cet arrêt, la Cour de cassation a ainsi reconnu que : « seul un événement
dommage, de la responsabilité par lui encourue par application de l’article 1384, alinéa
1, du Code civil » et que, « le comportement de la victime, s’il n’a pas été pour le
responsabilité du fait des choses et de préciser tout le contexte juridique ayant amené
L’article 1242 du Code civil (ancien 1384) prévoit que : « On est responsable non
seulement du dommage que l’on cause par son propre fait » … Mais aussi « de celui
qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on
a sous sa garde ».
la responsabilité du fait des choses, article 1242 alinéa 1 , elle, est une responsabilité
Ici encore, le Code civil n’avait prévu, à l’origine, que des cas particuliers de la
notamment avec l’arrêt Jand’heur (Cass., Ch. Réunies, 13/02/1930, publié au bulletin),
et en a fixé le régime.
À ce titre, notons que plusieurs conditions doivent être caractérisées afin de pouvoir
des choses. Ainsi, afin d’engager la responsabilité d’un individu sur ce fondement, il est
d’une chose, d’un fait dommageable et d’un gardien tenu pour responsable du
dommage.
S’agissant de la chose, précisons que toute chose existante peut être le siège de la
responsabilité du fait des choses, dès lors qu’elle ne fait pas l’objet d’un régime à part
(responsabilité du fait des animaux [Article 1243 du Code civil] , des bâtiments en
ruine, etc.). Il importe donc que la chose soit mobile ou immobile, dangereuse ou non.
S’agissant du fait de la chose à l’origine du dommage, notons que cette condition doit
être appréhendée en deux temps : il faut ainsi vérifier que la chose est bien entrée en
contact avec la victime (il est ainsi nécessaire de prouver son intervention matérielle
dans la survenance du dommage), puis de vérifier par la suite si elle était ou non en
En ce sens, il est nécessaire de préciser qu’il pourra y avoir présomption du rôle actif
de la chose dès lors que celle-ci sera entrée en contact avec la victime alors qu’elle
Concernant la garde de la chose, notons que l’arrêt Franck du 2 décembre 1941 (Cass.,
ch. Réunies, 02/12/1981, publié au bulletin) a donné une définition de celui qui pouvait
Le gardien est alors celui qui a l’usage, la direction et le contrôle de la chose, peu
importe qu’il soit mineur (voir arrêt Gabillet : Cass. Assemblée Plénière, 09/05/1984, n°
80-14.994) ou en incapacité. L’individu est alors présumé gardien de la chose dès lors
que ces trois critères sont remplis, à moins qu’il démontre un transfert de la garde (en
Ainsi, la responsabilité du fait des choses est une responsabilité objective ; il n’est pas
donc nécessaire de prouver une faute du gardien, tout comme il n’est pas possible pour
RESPONSABILITÉ ?
faute de la victime ne revêt pas les caractères de la force majeure, ce qui n’a pas
En effet, si pendant longtemps, les juges ont pu admettre que le gardien pouvait être
le législateur qui n’avait prévu aucun régime de responsabilité pour les victimes
énonçant que seul un événement constituant un cas de force majeure pouvait exonérer
le gardien de sa responsabilité.
21/07/1982 ?
En l’espèce dans l’arrêt Desmares, alors que la nuit était en train de tomber, la voiture
chaussée à pied.
Les deux époux ont alors demandé réparation de leurs préjudices au conducteur et à
son assureur, sur le fondement de l’article 1384 du Code civil (les faits se déroulant
avant la loi Badinter de 1985, qui prévoit un régime spécial pour les victimes
Après une première décision, la Cour d’appel de Reims s’est prononcée dans un arrêt
DE L’ARRÊT DESMARES ?
Contrairement à l’arrêt Fullenwarth du 5 mai 1984 , les prétentions des parties dans
l’arrêt Desmares sont les suivantes : En l’espèce, le conducteur, ainsi que son
assureur, ont reproché aux juges du fond d’avoir retenu son entière responsabilité et
(« sans s’assurer qu’ils pouvaient le faire sans danger et sans tenir compte de la
Concernant la Cour d’appel, il semblerait bien que celle-ci ait considéré qu’au regard
des circonstances de fait, « le choc ne pouvait se situer qu’au niveau du passage
réservé aux piétons ou à proximité immédiate de celui-ci » et que, dès lors, aucune
faute positive « ne pouvait être reprochée aux piétons de nature à exonérer, fût-ce pour
La question de droit de l’arrêt Desmares était donc de savoir si, au regard des
circonstances de fait, les époux avaient effectivement commis une faute et, le cas
sa responsabilité.
QUELLE EST LA SOLUTION DE L’ARRÊT DESMARES DU 21 JUILLET 1982 RENDUE
Dans cet arrêt Desmares, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les
encourue par application de l’article 1384, alinéa 1, du Code civil ; que, dès lors, le
Nous l’avons vu, la Cour a longtemps retenu que le gardien pouvait être partiellement
déchargé de sa responsabilité dès lors qu’il rapportait la preuve que le fait de la victime
pour le gardien.
C’est donc un système de « tout ou rien » que la Cour a entendu imposer dans l’arrêt
Par cet arrêt Desmares, la Cour semble donc avoir entendu provoquer le législateur qui
pour les victimes d’accidents de la circulation, avec la loi Badinter 05/07/1985 (plus
n’ayant plus de raison d’être maintenue, la Cour de cassation revint, dans les arrêts
de plus de 16 ans et de moins de 70 ans) ne peut être invoquée que lorsque celle-ci a
volontairement recherché l’accident et lorsqu’il s’agit d’une faute inexcusable ayant été
Dans les faits, nous avons Monsieur Desmares qui a heurté deux piétons, les époux
Charles, qui traversaient sur un passage piéton dans la nuit. Les époux étant blessés
demandent réparation du préjudice subi auprès de Monsieur Desmares et son
assureur « la Mutualité Industrielle ».
La Cour d'appel va décider qu'il n'y a pas de cas de force majeure qui exonérerait le gardien
de la chose du véhicule - Monsieur Desmares - et il doit donc rembourser les époux avec son
assurance. Par conséquent, Monsieur Desmares et son assurance se pourvoient en cassation.
La Cour de cassation va rejeter le pourvoi formé par Monsieur Desmares et son assurance, car
l'accident s'était produit à une heure d'affluence dans un passage piéton sécurisé dans une
avenue sous éclairage public. Par conséquent, la faute imputée aux victimes n'a pas le
caractère d'un événement imprévisible et insurmontable donc d'un cas de force majeure.
On peut alors se demander si le fait de traverser en dehors d'un passage pour piétons permet à
un conducteur de véhicule ayant commis un accident de s'exonérer totalement ou
partiellement de sa responsabilité.