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l’étude de la procédure pénale conduit à cerner ses différentes phases certes, mais

aussi à une présentation de son objet.

Les phases du procès pénal se définissent dans le déroulement de la procédure pénale


(2e Partie) dont l’objet et le cadre doivent être, au préalable, bien appréhendés (1ère
Partie).

1ère Partie : LE CADRE GÉNÉRAL DE LA PROCÉDURE PÉNALE

- Existence de principes directeurs de la procédure pénale


- Encadrement de la procédure pour l’atteinte d’un objet précis
- Existence d’organes chargés de la mise en œuvre de la procédure pénale

CHAPITRE 1 : OBJET ET PRINCIPES DIRECTEURS DE LA PROCÉDURE PÉNALE

SECTION 1 : L’OBJET DE LA PROCÉDURE PÉNALE

- L’objet principal c’est l’action publique (Parag.1)


- L’objet accessoire c’est l’action civile pour la réparation du dommage causé par
l’infraction (Parag.2)

PARAGRAPHE 1 : L’OBJET PRINCIPAL : L’ACTION PUBLIQUE

L’action publique : « action pour l’application des peines »8 = article premier du Code
de procédure pénale.

- Nécessité de conditions pour le déclenchement de l’action publique.

- Conditions positives : les faits doivent être constitutifs d’une infraction 9. Ainsi,
l’action publique n’existe que si une infraction pénale a été commise : vol,
meurtre abus de confiance etc. Lorsque les faits ne supportent aucune
qualification pénale (faute civile par exemple) l’action publique n’existe pas 10.

- Conditions négatives : absence d’obstacles à l’existence de l’action publique.

8 Cf. art. 1er CPP.


9 Cette condition relative à l’infraction est étudiée dans le cadre du cours de droit pénal

général.
10Lorsque les faits ne constituent pas une infraction, l’Officier de police judiciaire ou le
procureur de la République doit classer le dossier sans suite. Le juge d’instruction saisi doit
rendre une ordonnance de non informer et la juridiction de jugement doit rendre une
décision de relaxe pure et simple.

7
Ces conditions apparaissent dans le déclenchement de l’action publique.
I- LE DÉCLENCHEMENT DE L’ACTION PUBLIQUE

L’action publique pour l’application des peines est mise en mouvement (…) par les
magistrats ou les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi = article premier
CPP.

La mise en mouvement, autrement dit le déclenchement de l’action publique relève


des prérogatives conférées à certains magistrats, les magistrats du ministère public.

Elle est également confiée à certaines dans les conditions définies par la loi.

A- Le déclenchement de l’action publique par le ministère public

La mise en mouvement de l’action publique est principalement confiée aux magistrats


du ministère public. La loi met ainsi à leur disposition plusieurs moyens ou mode de
mise en mouvement ou de déclenchement de l’action publique. Il en est ainsi de la
citation directe, la comparution immédiate et la réquisition introductive d’instance.

a) La citation directe

La citation directe est la possibilité donnée aux parties de saisir directement les
juridictions pénales de jugement en citant l'auteur supposé de l'infraction à
comparaître devant ladite juridiction de jugement.

Elle est utilisée lorsque l’infraction dont la répression est poursuivie n’exige pas une
information préalable. Il en est ainsi en ce qui concerne les contraventions ou dans les
cas de délits pour le jugement desquels l’ouverture d’une information n’est pas jugée
nécessaire.

Il s’agit ainsi d’une procédure qui permet soit au ministère public (citation directe à la
requête du Parquet) soit à la victime de l’infraction (citation directe à la requête de la
victime) de saisir directement la juridiction de jugement en informant le prévenu par
exploit d’huissier de la date et du lieu de l’audience ainsi que des faits à lui reprochés11.
L’exploit doit également préciser les textes applicables. Il est remis à l’intéressé contre
signature de l’original.

Lorsque la citation directe est faite à l’initiative de la victime, sa recevabilité est


subordonnée au versement d’une consignation fixée par la juridiction de jugement.
Une fois cette juridiction régulièrement saisie, celle-ci peut lorsqu’elle n’est pas
suffisamment éclairée sur un point, ordonner un supplément d’information dont

11 BATIFFOL H., « La citation directe », Rev. crit. Législ. et jurisp., 1930, p. 472.

8
l’exécution sera confiée à un de ses membres qui peut donner des commissions
rogatoires ou des délégations judiciaires dans le cadre de sa mission.

b) Le réquisitoire introductif

C’est la procédure par laquelle, le Procureur de la République, par la délivrance d’un


réquisitoire introductif, demande au juge d’instruction de mener une enquête sur des
faits qu’il considère comme une violation de la loi pénale 12.

Le réquisitoire est dit introductif13 dès lors qu’il permet de saisir le juge d’instruction
et, en même temps, de déclencher l’action publique.

Le réquisitoire peut être délivré soit contre une ou des personnes dénommées
(réquisitoire nominatif)14 soit contre un inconnu que le juge d’instruction devra
identifier.

Il doit cependant obligatoirement qualifier les faits et viser les textes de loi applicables
ce d’autant qu’il fixe la saisine du juge d’instruction.

En cours d’information, le procureur peut étendre cette saisine en délivrant au juge


d’instruction un réquisitoire supplétif. La délivrance du réquisitoire supplétif n’est pas
nécessaire lorsqu’il s’agit de poursuivre des personnes non visées dans le réquisitoire,
dès lors qu’elles sont poursuivies pour les faits ayant donné lieu à celui-ci15.

Dans le réquisitoire introductif, le procureur de la République peut solliciter l’exécution


de certains actes comme le placement sous mandat de dépôt, le placement sous
contrôle judiciaire, ou encore la délivrance d’un mandat d’arrêt ou la prise de mesures
conservatoires sur les biens de l’inculpé.

En matière criminelle, la procédure d’information est obligatoire ; elle est en effet la


seule voie ouverte au Procureur de la République.

En matière correctionnelle, la voie de l’information est utilisée lorsque les faits sont
complexes et nécessitent des investigations poussées, lorsque l’auteur est inconnu ou
en fuite. Elle peut également être utilisée en matière de délits politiques ou de presse.

c) La procédure de flagrant délit

12 Le procès-verbal d’enquête, ou tout autre document pouvant justifier l’ouverture de


l’information, est généralement annexé au réquisitoire introductif.
13
Réquisitoire introductif d’instance.
14 MICHAUD, « La portée du réquisitoire nominatif », RSC, 1972, p. 180.
15 D’ailleurs dans cette hypothèse, il ne s’agit pas d’une extension de la saisine du juge
d’instruction.

9
Il s’agit d’une procédure de comparution rapide devant la juridiction de jugement qui
est règlementée pour l’essentiel par les articles 63 et 381 à 385 du code de procédure
pénale16.

La procédure de flagrant délit est utilisée dans deux cas :


- en cas de délit flagrant lorsque le fait est puni d’une peine d’emprisonnement
ou ;
- lorsqu’il existe contre une personne des indices graves et concordants de nature
à motiver son inculpation pour une infraction correctionnelle et lorsque cette
personne reconnaît devant le procureur de la république avoir commis les faits
constitutifs du délit considéré.

Les articles 381 et 382 du code de procédure pénale prévoient que le prévenu doit être
traduit sur le champ à l’audience du tribunal et s’il n’est point tenu d’audience, il est
déféré à l’audience du lendemain, le tribunal étant au besoin spécialement convoqué
à la requête du ministère public.

Dans la pratique, le ministère public se limite à enrôler l’affaire à une audience assez
proche, le mis en cause comparaissant devant la juridiction de jugement dans la
semaine de son placement sous mandat de dépôt.

En raison de la rapidité de cette procédure, le législateur prévoit à peine de nullité du


jugement, que le président du tribunal doit avertir le prévenu de son droit de
demander un délai pour préparer sa défense 17.

B- Le déclenchement de l’action publique par d’autres personnes

La mise en mouvement de l’action publique est une prérogative essentielle du


ministère public en raison de la mission qui lui est confiée de défendre la société.

Il arrive cependant que d’autres personnes soient habilitées par la loi à mettre disposer
d’un pouvoir pénal. Il en est ainsi des victimes d’infractions pénales et de certains
fonctionnaires des administrations.

En plus de la citation directe, la victime d’une infraction pénale dispose de la plainte


avec constitution de partie civile comme moyens de déclencher l’action publique.

16 DE NAUW, « La décision de poursuivre ; instruments et mesures », RSC, 1976-1977,


p. 449. 44 R. LEVY, « Recherche sur le flagrant délit », RSC, 1985, p. 410.
17 Article 384, al. 3 du Code de procédure pénale. Il résulte de l’alinéa 2 du même texte
que lorsque le prévenu use de cette faculté, le délai qui lui est accordé ne pourra être
inférieur à trois jours.

10
La plainte avec constitution de l’action publique est un mode spécifique à la victime.
Elle a été admise, pour la première, par la jurisprudence dans l’affaire Placet 18.

II- L’EXERCICE DE L’ACTION PUBLIQUE

Le Ministère public a le choix entre l’abandon des poursuites et l’engagement des


poursuites.

En tout état de cause, il doit prendre une décision (A). Mais, dans l’hypothèse où les
poursuites méritent d’être exercées, le magistrat du ministère public doit s’assurer qu’il
n’existe pas d’obstacles (B).

A- La décision sur les poursuites

L’abandon des poursuites peut intervenir soit dans le cadre d’un classement sans suite
soit après une médiation pénale.

a) Le classement sans suite

Le pouvoir de classement sans suite ressort de l’article 32 du Code de procédure pénale


qui dispose notamment que le Procureur de la République peut décider de classer
l’affaire sans suite19.

Il doit cependant notifier à la victime sa décision dans les huit jours de celle-ci, précisant
que le plaignant peut, s’il le désire, prendre l’initiative de mettre l’action publique en
mouvement en se constituant partie civile. Ce pouvoir est une manifestation de la règle
de l’opportunité des poursuites qui permet au Procureur de la République d’apprécier
librement la suite à donner aux plaintes, dénonciations et autres enquêtes20.

Cette règle de l’opportunité des poursuites comporte néanmoins des limites prévues
par la loi.

18 Crim., 8 décembre 1906 Placet, dit Laurent-Atthalin, du nom du conseiller rapporteur de


la Cour de cassation dans cette affaire. Voir également : A. DONNIER, Les effets d’une
constitution de partie civile jugée irrecevable », note sous Cass. Crim. 18 juin 2014, (deux
arrêts) JCP 2014, Actualités, n°783, p.1337.
19 Aandré VITU, « Le classement sans suite », RSC, 1947, p. 505 et s. GLESENER, « Le
classement sans suite et l’opportunité des poursuites », RSC, 1972-1973, p. 353.
20 Jean-Jacques THOUROUDE, « Vers un déclin du principe de l’opportunité des poursuites
», Gaz. Pal, 1981, 2, doctr. 495.

11
- D’abord, la poursuite de certaines infractions est subordonnée à une plainte
préalable de la victime (adultère, diffamation contre un particulier, vol entre
ascendants et descendants).

- Ensuite, la poursuite peut être subordonnée à une mise en demeure préalable.


C’est le cas pour le délit d’abandon de famille (abandon de foyer) prévu par
l’article 350 1e et 2e du Code pénal dont se rend coupable le père ou la mère de
famille ou le conjoint qui abandonne sans motif grave, pendant plus de deux
mois, la résidence familiale ; la poursuite n’est possible que quinze jours après
une interpellation du délinquant par un officier de police judiciaire ou un
huissier.

- Enfin, dans certains cas exceptionnels, la décision de poursuivre peut se trouver


paralysée par l’existence d’une question préjudicielle à l’action. Il s’agit de
questions de pur droit privé qui ne peuvent être tranchées que par une
juridiction civile ou commerciale.

- La doctrine reconnait une question préjudicielle à l’action dans l’article 348 du


Code pénal. Selon ce texte lorsqu'une mineure enlevée ou détournée aura
épousé son ravisseur, celui-ci ne pourra être poursuivi que sur la plainte des
personnes qui ont qualité pour demander l'annulation du mariage et ne pourra
être condamné qu'après que cette annulation aura été prononcée.

b) La médiation pénale

Elle est prévue par l’article 32 du code de procédure pénale.

Le Procureur de la République, peut préalablement à la décision sur l’action publique,


et avec l’accord des parties soumettre l’affaire à la médiation pénale s’il apparaît qu’une
telle mesure est susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime,
mettre fin au trouble résultant de l’infraction et contribuer au reclassement de l’auteur.

En cas d’échec de la médiation pénale, le Procureur de la République apprécie alors


l’opportunité d’engager des poursuites.

Les informations recueillies dans le cadre de la médiation ne peuvent être utilisées


contre l’une ou l’autre partie.

B- L’absence de causes d’extinction de l’action publique

12
La prescription : l’action publique doit être mise en mouvement dans un certain délai,
à défaut elle est prescrite. La prescription dont il s’agit ici est la prescription de l’action
publique21 qu’il faut distinguer de la prescription de la peine.

La prescription de la peine bénéficie à un condamné qui a réussi à se soustraire


pendant un certain temps de l’exécution d’une condamnation.

La prescription de l’action publique se justifie d’une part par le fait qu’au bout d’un
certain temps il est préférable d’oublier l’infraction dans un intérêt de paix et de
tranquillité publique.

D’autre part, avec le temps les preuves s’effacent et l’œuvre de justice se fait moins
sûre.

S’agissant de la durée de la prescription, elle est de 10 ans en matière de crime, de 3


ans en matière de délits, sauf si la loi en décide autrement. Il existe en effet des délits
pour lesquels le délai de prescription est fixé à 7 ans. Il en est ainsi pour les infractions
prévues aux articles 152 et 153 du Code pénal 22 et par la loi n° 2004-09 du 06 février
2004 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux.

Lorsque l’infraction est une contravention, le délai est de prescription est d’un an.

Dans tous les cas, le délai de prescription peut être interrompu ou suspendu.

Le décès du prévenu. Le principe de la personnalité des peines interdit de poursuivre


des délinquants par personnes interposées. On ne peut pas poursuivre les héritiers en
cas de décès du délinquant. Mais, cette règle ne constitue pas un obstacle à la
poursuite des co-auteurs et des complices.

L’amnistie. Lorsqu’elle intervient avant le jugement elle constitue une cause


d’extinction de l’action publique.

Lorsqu’elle intervient après le jugement elle constitue une cause d’extinction de la


peine.

L’abrogation de la loi pénale. Elle enlève au fait son caractère délictueux et entraine
la disparition de l’élément légal. L’action publique est donc éteinte lorsque la loi pénale
qui prévoyait un acte est abrogée avant l’exercice des poursuites.

21 André VARINARD, La prescription de l’action publique (sa nature juridique, droit matériel,
droit formel), Thèse, Lyon, 1973.
22 Il s’agit des cas de détournements, de soustractions et d’escroqueries portant sur les
deniers publics.

13
L’autorité de la chose jugée. Lorsqu’une décision est intervenue sur l’action publique
celle-ci s’éteint et il n’est plus possible d’exercer à nouveau des poursuites contre le
délinquant en raison des mêmes faits, même si on adopte une qualification différente.

La transaction. Elle consiste à proposer au délinquant l’abandon des poursuites


moyennant la reconnaissance de l’infraction et le versement d’une somme d’argent
fixée par l’autorité des poursuites. Lorsque la loi accorde dans certains cas à certaines
administrations le pouvoir de transiger, la transaction éteint l’action publique si
intervient avant le jugement30.

Le retrait de la plainte. En principe, le retrait de la plainte est sans influence sur la


mise en mouvement de l’action publique. C'est-à-dire que le retrait de la plainte et
sans influence sur le cours de l’action publique.

Toutefois par dérogation à cette règle le retrait de la plainte éteint l’action publique
dans les cas où la plainte est une condition d’exercice des poursuites. Il en est ainsi en
matière d’immunité familiale (article 365 CP), de diffamation contre un particulier et
d’adultère.

PARAGRAPHE 2 : L’OBJET ACCESSOIRE : L’ACTION CIVILE

Dans la procédure pénale, l’action civile est celle ouverte aux particuliers victimes
d’infractions. L’existence de cette action (A) doit être bien comprise pour mieux en
appréhender les modalités d’exercice (B).

A- L’existence de l’action civile

L’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction appartient à tous ceux
qui ont personnellement souffert du dommage causé par l’infraction = article 2 CPP.

L’action civile a ainsi pour objet exclusif la réparation du dommage causé par
l’infraction23.

La jurisprudence rappelle souvent que « l’exercice de l’action civile devant la juridiction


pénale est un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être strictement
renfermé dans les limites fixées par la loi » 24.

23 Fenand BOULAN, « Le double visage de l’action civile exercée devant la juridiction


répressive », JCP, 1973, I, 2563 ; Joseph GRANIER, « Quelques réflexions sur l’action civile
», JCP 1957, I, 1386 ; J. VIDAL, « Observations sur la nature juridique de l’action civile »,
RSC, 1963, p. 481 et s.

24 Crim. 25 février 1897, S. 1898.1. 201, J.-A. ROUX, 11 décembre 1969, D. 1970, 156.

14
Il faut distinguer l’action des personnes physiques (a) de celle des groupements (b).

a) L’action des personnes physiques

Pour les personnes physiques, le préjudice personnel est celui subi par la victime dans
son intégrité physique, dans son patrimoine ou dans son honneur. Par exemple la
victime d’un vol peut se constituer partie civile parce qu’elle a subi une atteinte dans
son patrimoine.

Aux termes de l’article 2 du Code de procédure pénale, la victime ne peut se prévaloir


de l’action civile que si, par ailleurs, le préjudice subi est direct. En d’autres termes, il
doit y avoir une relation de cause à effet entre l’infraction et le dommage causé. Le
préjudice doit provenir directement de la commission de l’infraction. Par exemple, les
créanciers de la société ne peuvent intenter une action civile contre les dirigeants
coupables d’abus de biens sociaux ; en effet, le préjudice allégué, dans ce cas, n’est
pas direct.

L’exigence d’un préjudice personnel pose le débat de l’action des héritiers de la victime.
Il faut en effet distinguer suivant que la victime est décédée immédiatement des suites
de l’infraction ou après la commission de l’infraction.

Si la victime est décédée des suites directes de l’infraction, les héritiers peuvent se
prévaloir d’un préjudice personnel 25. Dans ce cas, il est titulaire d’une action propre.

Par contre, dans l’hypothèse où la victime est décédée après l’infraction et que celle-ci
n’est pas la cause directe du décès, les héritiers n’ont pas d’action propre, ils ne peuvent
exercer que l’action appartenant à la victime en vertu du mécanisme de la succession 26.

Dans cette hypothèse, la question s’est posée de savoir si les héritiers peut, en cette
qualité, mettre en mouvement l’action publique. Les solutions admises conduisent à
faire les distinctions suivantes :
- La victime décédée a déjà exercé l’action civile avant son décès en cours
d’instance ; dans ce cas, les héritiers peuvent continuer l’action déjà entamée
pour obtenir réparation du préjudice causé à la victime.
- La victime est décédée sans avoir exercé l’action civile et l’action publique n’a
pas été mise en mouvement par le parquet, la jurisprudence décide que

25 La nature du préjudice peut cependant susciter des discussions.


26 En vertu de l’article 407 du Code de la famille, les héritiers légitimes naturels et le
conjoint survivant sont saisis de plein droit des actions du défunt sous l’obligation
d’acquitter toutes les charges de la succession. La Cour de cassation française, Assemblée
plénière, arrêt n° 566 du 9 mai 2008 a ainsi décidé que « toute personne victime d’un
dommage, quelle qu’en soit la nature, a droit d’en obtenir réparation de celui qui l’a causé
par sa faute ; que le droit à réparation du préjudice éprouvé par la victime avant son décès,
étant né dans son patrimoine, se transmet à ses héritiers ».

15
« l’action publique n’ayant été mise en mouvement ni par le ministère public ni
par la victime, seule la voie civile est ouverte à l’hériter »27. Cependant, si l’action
publique a été déclenchée par le ministère public28 ; l’action civile des héritiers
est recevable à la condition que la victime n’ait pas renoncé à l’action civile.

Le droit des groupements de se prévaloir de l’action civile devant les juridictions


pénales est encore plus encadré.

b) L’action des groupements

La recevabilité de l’action civile des groupements n’est admise qu’avec de nombreuses


réserves. La jurisprudence l’a certes consacrée de manière progressive29, mais elle la
soumet à de conditions encore plus restrictives que celles qui président à la recevabilité
de l’action exercée par les personnes physiques. Ainsi, tout dépend de l’intérêt qu’ils
défendent en justice.

Le groupement (syndicat, association, société commerciale etc.) peut avoir


personnellement été victime d’une infraction ; dans ce cas il se prévaut d’un intérêt qui
lui est personnel 30. Par exemple, une association qui a été victime de vol dans son siège
social. Dans ce cas, le groupement pourra se constituer partie civile dans les mêmes
conditions que les personnes physiques victimes d’infraction, avec la réserve qu’il lui
faut toutefois justifier de la personnalité juridique31.

Lorsque le groupement agit en justice pour défendre des intérêts collectifs qu’il a pour
mission de protéger, il est nécessaire de déterminer s’il a la qualité requise. Cette
situation vise surtout le cas des syndicats et des associations.

A défaut de justifier d’un préjudice direct découlant de la commission de l’infraction


(intérêt collectif) le syndicat doit justifier d’un titre juridique qui est délivré par le
législateur. Pour les syndicats il y a un texte de portée générale qui habilite le syndicat
à agir en justice pour défendre les intérêts collectifs de ses membres. Aux termes de
l’article L. 15 du code de travail du Sénégal, les syndicats peuvent saisir les juridictions
répressives pour exercer les droits de la partie civile.

27 Cass. Ass. Plén. 9 mai 2008, n°06-85.751, D. 2008, AJ. 1415,note Léna ; AJ pénal 2008,
366, Obs. C. Saas.
28 Directement ou au vu de la constitution de partie civile.
29 Jean Larguier, L’action publique menacée (à propos de l’action civile des associations
devant les juridictions répressives), D. 1958, Chron. p. 29.
30 Mais, les groupements ne se prévalent pas toujours d’un intérêt personnel.
31 L’existence de la personnalité juridique dépend de la nature du groupement. S’il s’agit
par exemple d’une société, elle doit être immatriculée au Registre du commerce et du
crédit mobilier. S’il s’agit d’une association ou d’une fondation, les procédures sont
différentes.

16
S’il s’agit de syndicat de salariés, il est habilité à exercer l’action civile chaque fois que
l’infraction a eu pour objet la violation de la réglementation protectrice des intérêts
matériels et moraux des travailleurs. Par exemple, une infraction d’entrave à la liberté
du travail.

Pour les syndicats patronaux, ils peuvent exercer l’action civile pour défendre le respect
des conditions d’accès à la profession. Par exemple un ordre de médecins peut exercer
l’action civile en cas de commission d’une infraction d’exercice illégale de la médecine.

S’agissant des associations, il n’y a pas un texte de portée générale à l’image de l’article
L. 15 du code du travail leur permettant de se constituer partie civile pour défendre les
intérêts de leurs membres.

Mais, de plus en plus le législateur sénégalais, inspiré par son homologue français,
utilise la technique de l’habilitation ponctuelle et admet la recevabilité de la
constitution de partie civile d’associations défendant des intérêts collectifs. Il en est
ainsi des associations de défense de l’environnement mais uniquement pour les
infractions portant atteinte à l’environnement 32.

B- L’exercice de l’action civile

En principe, la victime de l’infraction a un droit d’option reconnu par la loi. Elle peut
choisir d’exercer son action civile devant le tribunal civil ou devant la juridiction pénale.
Ce droit d’option est consacré par l’article 4 du Code de procédure pénale. Selon ce
texte l’action civile peut être aussi exercée séparément de l’action publique.

Mais, il arrive que le législateur ferme la voie civile, en réservant seulement une
possibilité d’exercice de l’action civile devant le tribunal pénal. Il en est ainsi en matière
d’infractions de presse.

En dehors de ces situations exceptionnelles, la partie civile peut exercer son action
devant la juridiction répressive (a) ou l’exercer devant la juridiction civile (b).

a) L’exercice de l’action civile devant la juridiction pénale

32V. Jean CALAIS AULOY, « Les actions en justice des associations de consommateurs »,
D. 1988, Chr. p. 193 ; voir également René VASSAS, « L’action civile des associations de
consommateurs », Gaz. Pal, 20 avril 1983.

17
L’exercice de l’action civile devant la juridiction répressive présente des avantages
certains. Elle apparaît en effet moins coûteuse et plus pratique 33 pour les victimes que
l’action devant le juge civil puisqu’elle leur permet de bénéficier des preuves réunies
pendant l’enquête de police et l’instruction, alors que, au civil, c’est le demandeur qui
doit apporter la preuve et supporter les frais des éventuelles expertises.

Par ailleurs, la constitution de partie civile donne à la victime une place au procès pénal
dont elle peut ainsi contrôler le déroulement. Cette possibilité est de plus en plus
recherchée par les victimes d’infractions qui portent un intérêt croissant à la découverte
des causes du délit et tiennent souvent à être associées à toutes les phases du procès,
y compris à celles qui relatives à l’analyse de la culpabilité et le choix de la peine 34.

Le choix de la voie répressive procure ainsi des facilités de preuve. La victime profite
des pouvoirs d’investigations du magistrat instructeur qui a de larges prérogatives de
recherche des éléments de preuve de nature à prouver la matérialité des faits reprochés
à l’inculpé.

b) L’exercice de l’action civile devant la juridiction civile

La victime peut également choisir de porter son action civile devant le tribunal civil.
Mais ce choix emporte un certain nombre d’incidences sur le déroulement de la
procédure.

En principe, l’option faite par la victime de porter son action devant la juridiction civile
est définitive et irrévocable. La victime ne peut pas revenir sur le choix qu’elle a fait.
Ayant porté son action devant une juridiction civile, elle ne peut pas s’en désister pour
saisir la juridiction répressive. C’est ce que l’on exprime par la maxime traditionnelle :
« electa una, via non datur recursus ad alteram », d’où le nom donné à cette règle : la
règle electa une via35.

Ce principe est consacré par l’article 5 du Code de procédure pénale selon lequel la
partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter
devant la juridiction répressive. Il n’en est autrement que si celle-ci a été saisie par le
ministère public avant que le jugement sur le fond ait été rendu par la juridiction civile.

33 Maurice PATIN « L’action civile devant les tribunaux répressifs », Rec. Gén. Lois, 1957,
p. 8.
34 Il est ainsi fréquent de voir des victimes d’infractions pénales réclamer plus de sévérité
et chercher à exercer une influence sur le déroulement du procès.
35 Le changement laisserait penser que la victime brusquement prise d’un sentiment de
défiance à l’égard de la juridiction qu’elle-même avait saisie, défiance qui lui viendrait de
ce qu’elle paraît craindre que cette juridiction ne lui donne pas une suffisante satisfaction ;
or il ne faut pas que son adversaire ait à pâtir des erreurs d’orientation qu’elle a faites.
L’on justifie également l’interdiction de renoncer à la voie civile pour la voie pénale par une
sorte d’humanisme manifestée à l’égard de la personne poursuivie. V. Ch. FREYRIA, «
L’application en jurisprudence de la règle electa una via », RSC, 1951, p. 213.

18
Mais, il résulte de ce texte que seule le choix de la voie civile est irrévocable ; ce qui
veut dire que celle de la voie pénale est révocable. Cette règle est une faveur faite au
prévenu puisque l’on considère que la voie répressive est une voie plus ardue, exposant
ce dernier à des sanctions pénales.

La mise en œuvre de l’action civile est par ailleurs dominée par la prééminence de
l’action publique sur l’action civile. Cette prééminence s’exprime à travers deux règles :
la règle selon laquelle le criminel tient le civil en l’état et l’autorité de la chose jugée au
pénal sur le civil.

En vertu de la règle « le criminel tient le civil en l’état », la victime d'une infraction


pénale peut choisir d'engager son action en réparation devant le juge civil (article 4, al.
1 CPP)36. Toutefois, lorsque le juge civil est saisi d'une action en réparation du
dommage causé par une infraction pénale alors qu'une action publique, relative à cette
infraction, est engagée devant une juridiction pénale (article 4, al.2 CPP), il est tenu de
surseoir à statuer dans l'attente de la décision définitive du juge répressif.

Le principe de l’autorité de la chose jugée du pénal sur le civil signifie que lorsque la
juridiction civile statue après la juridiction répressive, elle ne jouit pas d’une liberté
d’appréciation et de décision. La juridiction civile est en effet liée par ce qui a été jugé
au pénal.

Ainsi, lorsque le prévenu a été déclaré coupable d’occupation illégale d’un terrain
appartenant à autrui (article 423 du CP) devant le juge pénal, le tribunal civil saisi d’une
action en expulsion contre le prévenu sera tenu d’ordonner son expulsion.

SECTION 2 : LES PRINCIPES DIRECTEURS DE LA PROCÉDURE PÉNALE

Les principes directeurs de la procédure pénale sont définis comme l’ensemble des
règles de valeur universelle qui régissent la marche du procès pénal. Il s’agit des
normes qui encadrent la procédure pénale en vue de garantir le respect des droits de
la personne humaine.

L’article 7 de la Constitution dispose que « La personne humaine est sacrée. Elle est
inviolable. L’État a l’obligation de la respecter et de la protéger. Les doits ainsi reconnus
à la personne sont considérés par le constituant comme « base de toute communauté
humaine, de la paix et de la justice dans le monde37 ».

36Sauf dans certains cas particuliers.


37Ainsi se trouve affirmé le caractère universel des droits reconnus à la personne humaine
dans la procédure pénale.

19
Les principes directeurs consacrés dans la procédure pénale sont nombreux et tendent,
tous, à la protection de l’individu. Ils s’expriment, de manière plus visible, à travers les
principes de la présomption d’innocence, de la liberté de la preuve (Paragraphe II) ou
des droits de la défense (Paragraphe I).

Paragraphe I : Les principes protecteurs des droits de la défense

Historiquement, les droits de la défense sont considérés comme liés à la matière


pénale. Ils ont ainsi pu être définis comme : « l’ensemble des droits reconnus à la
personne inculpée en vue de lui permettre de préparer et de présenter sa défense... »
38.L’importance de ces droits dans le déroulement du procès pénal a conduit à les ériger
en droits fondamentaux, inhérents à la personne humaine. La constitution dispose que
« La défense est un droit absolu dans tous les états et à tous les degrés de la
procédure ».

Les droits de la défense comportent plusieurs dimensions. 39 Il est cependant possible


d’y voir deux volets complémentaires : le principe du contradictoire 40 (A) et le droit à
l’assistance d’un avocat (B).

A- Le principe du contradictoire

Le principe du contradictoire, encore appelé principe du respect de la contradiction,


s'applique à tous les états de la procédure en général 41 et de la procédure pénale en
particulier. C’est en vertu de ce principe que la personne poursuivie doit être informée
de la nature et de la cause de l’accusation portée contre elle. C’est également en vertu
de ce principe que chaque partie doit pouvoir connaitre et discuter les observations ou
preuves produites devant le juge et qui serviront à la solution du litige. Il résulte ainsi
de l’article 414, al. 2 du Code de procédure pénale que « Le juge ne peut fonder sa
décision que sur des preuves qui lui ont été apportées au cours des débats et discutées
devant lui ».

Le principe du contradictoire ne trouve à s'appliquer que principalement au cours des


phases d'instruction et de jugement.

38 Notamment par le Vocabulaire juridique d’Henri Capitant de 1930.


39 V. G. TAUPICA-NOUVEL et A. BOTTON, « La réforme du droit à l’information en procédure
pénale », JCP 2014, doctr. p.1351 et s.
40 Il faut cependant remarquer que l’appartenance du principe du contradictoire aux droits
de la défense admise de manière unanime. Pour autant, cette incertitude n’a pas de
véritable incidence sur le contenu du principe du contradictoire et il est possible de le
présenter comme faisant partie des droits de la défense à l’image de beaucoup de décisions
de la Cour européenne des droits de l’homme.
41 L’on retrouve ce principe dans les presque toutes les procédures : civile, sociale,
administrative.

20
Il implique que les parties soient mises en mesure de discuter les différents éléments
du dossier. Autrement dit, il consiste à imposer un débat entre les parties avant la
décision du juge.

Le principe du contradictoire est intimement lié à l'équilibre des droits des parties. Un
débat contradictoire ne peut avoir de sens que si toutes les parties ont pris
connaissance des mêmes éléments.

B- Le droit à l’assistance d’un avocat

Le droit à l’assistance d’un avocat est une dimension fondamentale des droits de la
défense. Il est ainsi consacré par la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples qui stipule en son article 7, 1. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit
entendue. Ce droit comprend: (…) c) le droit à la défense, y compris celui de se faire
assister par un défenseur de son choix ». L’article 9 de la Constitution y renvoie lorsqu’il
dispose que la défense est un droit absolu.

Au plan communautaire, le droit à l’assistance d’un conseil est prévu par le Règlement
UEMOA. Aux termes de l’article 5 de ce texte, « Les avocats assistent leurs clients dès
leur interpellation, durant l’enquête préliminaire, dans les locaux de la police, de la
gendarmerie ou devant le parquet (…). Les avocats assistent et défendent leurs clients
dès leur première comparution devant e juge d’instruction ».

L’interprétation de ce texte a conduit certains auteurs à considérer la présence de


l’avocat comme obligatoire dès l’interpellation42. Le législateur a apporté une réponse
à cette question en précisant, dans le Code de procédure pénale, les modalités
d’assistance de l’avocat dès l’enquête de police.

En effet la loi n°2016-30 du 08 novembre 2016 modifiant la loi n° 65-61 du 21 juillet


1965 portant Code de procédure pénale43, a réglementé la présence de l’avocat dès
l’interpellation. L’article 55 du Code de procédure issu de cette réforme dispose ainsi
que « L’officier de police judiciaire informe la personne interpellée de son droit de
constituer conseil parmi les avocats inscrits au tableau ou admis en stage. Mention de
cette formalité est faite obligatoirement sur le procès-verbal d’audition à peine de
nullité ».

La consécration du droit à l’assistance d’un conseil se justifie amplement par le souci


de consacrer l’égalité des armes entre les parties. Ces exigences permettent aujourd’hui

42 Nous avons émis un avis plus relativisé, dans un article cosigné avec le Professeur Papa
T. FALL, notamment au sujet de l’applicabilité de l’article 5 du Règlement UEMOA.
43 JO n°6976 du 26 novembre 2016.

21
d’exercer un contrôle sur le caractère équitable du procès. 44 La consécration d’une
présomption d’innocence s’inscrit dans cette dynamique.

Paragraphe II : Les principes garantissant une bonne administration de la justice


pénale

La mise en œuvre de la justice pénale suppose que les personnes poursuivies et


condamnées, le cas échéant, soient celles qui ont véritablement commis l’infraction.
Toute condamnation prononcée avant que la culpabilité de la personne ne soit établie
doit être prohibée. C’est ce qui justifie l’adoption du principe de la présomption
d’innocence (A).

La recherche de la vérité pénale pour une bonne administration de la justice suppose


également que les moyens permettant d’établir les preuves soient appropriés. La prise
en compte des exigences de répression des infractions pour une meilleure protection
des valeurs sociales conduit à admettre que les preuves soient librement et loyalement
établies (B).

A- Le principe de la présomption d’innocence

Dans la mise en œuvre des règles de procédure pénale, il est requis que la personne
poursuivie bénéficie du principe de la présomption d’innocence. Ce principe
fondamental n’est pourtant pas expressément consacré par le Code de procédure
pénale45.

La présomption d'innocence est un principe en vertu duquel, en matière pénale, toute


personne poursuivie est considérée comme innocente des faits qui lui sont reprochés
tant qu'elle n'a pas été déclarée coupable par la juridiction compétente. Inscrite dans
la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen 46 et ayant à ce titre valeur
constitutionnelle, cette présomption a notamment pour effet de faire bénéficier à la

44 Le droit à l’égalité des armes n’est pas expressément invoqué en jurisprudence dans nos
juridictions. Mais il peut être envisagé dans l’exigence du procès équitable ou le respect
des droits de la défense. C’est en ce sens qu’en France, la chambre criminelle de la cour
de cassation a pu se fonder sur la violation du principe de l’égalité des armes en matière
de détention provisoire, pour censurer une chambre d’accusation qui avait entendu une
partie sans ordonner la comparution de toutes les parties : Crim. 18 décembre 1996 : Bull.
n° 476. Mais, dans cette situation, l’on peut s’appuyer sur le principe du contradictoire
pour arriver au même résultat.
45 Le principe est néanmoins suffisamment consacré dans des instruments de droit
international ayant une valeur constitutionnelle au Sénégal. Il en est ainsi de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen (art. 9) ; de la Déclaration universelle des droits de
l'homme (art. 11) ou de Charte africaine des droits de l'homme de l’Homme et des Peuples
(art. 6, § 2).
46 L’article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen affirme que « Tout
homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé
indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa
personne doit être sévèrement réprimée par la loi ».

22
personne concernée, le doute qui existerait sur sa culpabilité. Ainsi, à défaut de charges
suffisantes, le juge doit prononcer la relaxe. C’est tout le sens de l'adage in dubio pro
reo, qui trouve une application dans la phase de jugement.

La mise en œuvre de la présomption d’innocence entraine des effets sur la charge de


la preuve en matière pénale. Ainsi, la personne poursuivie bénéficiant d’une
présomption d’innocence, il appartient au ministère public, qui soutient l’accusation,
de rapporter la preuve des faits et de la culpabilité de la personne à laquelle ces
éléments sont imputés.

Le respect de la présomption d’innocence connaît néanmoins certaines exceptions, qui


concernent la caractérisation de quelques rares infractions. Par exemple, l’individu qui
ne peut justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en vivant avec une
personne se livrant habituellement à la prostitution, est réputé commettre le délit de
proxénétisme47. Il en est de même, de manière plus controversée cette fois, pour la
caractérisation du délit d’enrichissement illicite prévu par la loi n°81-51.

B- La liberté et la loyauté48 de la preuve en matière pénale

La preuve se définit, d’une manière générale, comme la démonstration de l'existence


d'un fait dans les formes admises par la loi. Dans le cadre du procès pénal, la preuve
doit permettre de démontrer non seulement l’existence des faits et son imputation à
une personne, mais aussi et souvent, l’intention que cette personne avait de commettre
un tel fait. La réunion de ces éléments ne semble pas compatible avec le système de la
preuve légale en ce que l’efficacité de la répression en serait limitée.

La preuve revêt dans le procès pénal une importance qu'elle n'a dans aucune autre
matière. D'abord, parce qu'elle touche aux garanties des personnes, notamment à la
présomption d'innocence à laquelle elle peut porter atteinte, comme elle concerne
directement l'ordre public. Ensuite, parce que toutes les règles de procédure pénale
n'ont, en définitive, d'autre finalité que la recherche et l'administration de la preuve.

L’admissibilité de la preuve en matière pénale obéit également à une logique différente


des règles admises en droit civil.

En matière pénale le législateur a consacré le principe de la liberté de la preuve. Il


résulte en effet de l’article 414 du Code de procédure pénale que « les infractions
peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime
convocation ».

47D’autres exceptions peuvent être recherchées notamment dans le code des douanes.
48Sophie Diagne NDIR, « La loyauté de la preuve en matière pénale », Annales Africaines,
Nouvelle Série, Vol. 1-avril 2019, pp. 1-36.

23
Cette spécificité découle, notamment, des modes de rassemblement des preuves.

La recherche et l’admissibilité de la preuve pénale sont ainsi régies par le principe de


la liberté qui signifie que les parties au procès peuvent user de tous les moyens de
preuves, sous la seule réserve qu’elle soit obtenue loyalement.

La liberté de la preuve comporte deux dimensions. Elle signifie que les preuves pénales
peuvent être apportées par tous moyens. Il s’agit d’une liberté dans l’admissibilité des
modes de preuve. C’est ainsi que les autorités de poursuite sont habilitées à procéder
à des enquêtes, à des constats, à des perquisitions et saisies, aux écoutes téléphoniques
ou interrogatoires, dans les limites fixées par la loi.

Mais le principe de la liberté de la preuve signifie aussi la liberté́, pour le juge,


d'admettre ou de refuser une preuve49. Le juge pénal peut s’appuyer sur les
constatations matérielles, les témoignages ou indices 50 pour fonder son intime
conviction. Il n’est en principe pas tenu par une force probante attachée à un mode de
preuve quelconque.

La liberté de la preuve se trouve cependant encadrée, notamment par la prise en


compte des exigences de loyauté. Ainsi, si les parties sont libres d’user des modes de
preuves dont elles disposent pour soutenir leurs prétentions, c’est dans la mesure où
ces preuves ont été obtenues de manière loyale.

La loyauté de la preuve est souvent assimilée à la conformité des éléments produits


à la loi. Ce principe signifie que les preuves ne doivent pas être obtenues à partir de
procédés contraires à la réglementation ou ayant pour conséquence de vicier la
recherche de la vérité. C’est ainsi que demeurent contraires à la loyauté, les procédés
mis en œuvre à l’insu ou contre le gré de la personne concernée, qui tendent soit à
provoquer l’infraction, dont on recherche à établir la preuve, soit à éluder les
protections prévues par la loi pour la réunion des preuves.

CHAPITRE 2 : LES ORGANES DE LA PROCÉDURE PÉNALE

49L’on peut ainsi considérer que c’est corrélativement et logiquement, que la liberté́ admise
dans la phase préparatoire à la poursuite et la poursuite elle-même se retrouve en aval de
ces deux phases.

50 Il peut également s’appuyer sur des « SMS » ou des courriers électroniques.

24
De manière chronologique, les organes de police (Section 1) semblent les plus visibles.
Au fur et à mesure que la procédure se déroule, d’autres organes vont intervenir ;
organes du ministère public ou organes d’instruction qui sont des organes de justice
(Section 2).

SECTION 1 : LES ORGANES DE POLICE

En matière pénale, l’auteur de l’infraction n’est pas toujours connu. Or, s’il est possible
de déclencher des poursuites contre une personne non dénommée (c’est à dire contre
X), le jugement ne peut être rendu que contre une personne identifiée.

Dès lors, le rôle confié aux organes de police est déterminant. Ces organes sont souvent
chargés, avant l’ouverture du procès pénal, de constater les infractions, de rechercher
les auteurs et de les déférer devant la justice. Le travail ainsi effectué permet aux
organes de justice (juge d’instruction, juge de jugement) d’ instruire les affaires et de
trancher les litiges.

Les organes de police renvoient surtout à la police judiciaire.

Mais, il y a des corps de fonctionnaires qui se voient chargés d’exercer, à titre


occasionnel, des missions de police judiciaire. Ces agents peuvent constater des
infractions commises au préjudice de leur administration ; ils ont une compétence
limitée par la nature de l’infraction commise. Par exemple, selon l’article 230 du code
des douanes, en matière douanière, les infractions sont constatées, à titre principal par
les fonctionnaires de l’administration des douanes tels que les inspecteurs, les officiers
contrôleurs et sous-officiers. La loi n° 93- 06 du 04 février 1996 portant code forestier
donne également aux agents forestiers le pouvoir de constater les infractions en
matière forestière.

Mais, dans le cadre de ce cours nous intéresserons essentiellement à la police judiciaire,


en étudiant d’une part le corps de la police judiciaire (Paragraphe I) avant d’analyser
d’autre part le contrôle de la police judiciaire (Paragraphe II).

Paragraphe I : L’organisation de la police judiciaire

Sur le plan juridique, le mot police peut avoir deux sens.

D’un point de vue organique, la police désigne l’ensemble des fonctionnaires chargés
de maintenir l’ordre public et de constater les infractions. On parle des fonctionnaires
de police.

Dans un sens fonctionnel, la police désigne l’ensemble des actes accomplis dans le
cadre de l’exécution des lois et des règlements et de la sanction de la violation de ces

25
règles. De ce point de vue, il convient de distinguer la police administrative de la police
judiciaire.

La police administrative est constituée de l’ensemble des mesures de protection des


personnes et des biens ayant pour objet de garantir la sécurité publique, la tranquillité
publique et l’ordre public. Cette police est essentiellement préventive dès lors qu’elle
est destinée à éviter la commission d’infractions pénales.

La police judiciaire a pour objet la constatation des infractions, la recherche et


l’arrestation de leurs auteurs 51. Cette police judiciaire est pour l’essentiel une police
répressive qui suppose la commission d’infractions.

Le personnel de la police judiciaire se compose de plusieurs catégories. Il y ainsi les


officiers de police judiciaire (I) et les agents de police judiciaire (I).

I : Les officiers de police judiciaire (OPJ)

Pour une bonne appréhension du rôle des autorités de police judiciaire dans la
procédure pénale, il est utile de connaître la composition (A) et les attributions des
officiers de police judiciaire (B).

A- La composition du personnel des OPJ

La liste des OPJ est fixée par l’article 15 du Code de procédure pénale. Ce texte confère
la qualité d’officier de police judiciaire :
- aux officiers de gendarmerie (les officiers généraux à savoir les généraux de
brigade, de division et de corps d’armée, les officiers supérieurs, à savoir les
commandants, lieutenants colonels et colonels et les officiers subalternes que
sont les sous-lieutenants, les lieutenants et les capitaines ;
- aux sous-officiers de gendarmerie exerçant les fonctions de commandant de
brigade, les commissaires de police, les officiers de police, les élèves officiers et
les sous-officiers de gendarmerie nominativement désignés par arrêté conjoint
du ministre de la justice et du Ministre des chargé des Forces armées après avis
conforme d’une commission ;
- aux fonctionnaires des cadres de police nominativement désignés par arrêté du
ministre de la justice sur proposition des autorités dont ils relèvent, après avis
conforme d’une commission.

B- Les attributions des OPJ

51J. CATHELINEAU, « La gendarmerie », D. 1964, chr. 109 ; CHAUMEIL, La police judiciaire,


Paris, Sirey, 1953 ; BESSON, « La police judiciaire et le Code de procédure pénale »,
D.1958, chr. 159.

26
Selon l’article 16 du Code de procédure pénale, les Officiers de police judiciaire sont
chargés de rechercher et de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les
preuves et d’en rechercher les auteurs tant qu’une information n’est pas ouverte.

Lorsqu’une information est en effet ouverte, les Officiers de police judiciaire exécutent
ces attributions sur délégations des juridictions d’instruction et défèrent à leurs
réquisitions.

Les Officiers de police judiciaire sont chargés de recevoir les plaintes et dénonciations
mais aussi de procéder aux enquêtes préliminaires.

De même, en cas de crime ou délit flagrant ils exercent, dans le cadre de l’enquête, les
prérogatives que la loi confère aux officiers de police judiciaire.

Ils peuvent également recevoir les déclarations des victimes désireuses de se constituer
partie-civile. La constitution de partie peut donc se faire devant l’Officier de police
judiciaire (article 16 alinéa 4 CPP).

La loi leur reconnaît le droit de requérir directement le concours de la force publique


pour l’exécution de leur mission.

Seul l’Officier de police judiciaire peut exécuter les commissions rogatoires des juges
d’instruction (article 142 CPP) ou décider d’une mesure de garde à vue (article 55 CPP).

L’article 18 du Code de procédure pénale fait obligation aux officiers de police


judiciaire de rendre compte sans délai au Procureur de la République ou à son délégué
des crimes, délits et contraventions dont ils ont connaissance.

Ils doivent également, à la clôture de leurs opérations faire parvenir directement à ce


magistrat l’original des procès-verbaux ainsi que tous actes et documents y afférents.

Les objets saisis sont tenus à la disposition du Ministère Public au greffe de la


juridiction. Dans l’accomplissement de leur mission, les Officiers de police judiciaire
sont assistés par des agents de police judiciaire.

II : Les agents de police judiciaire

Sont agents de police judiciaire, lorsqu’ils n’ont pas la qualité d’Officier de police
judiciaire, les militaires de la gendarmerie et les membres des forces de police (article
19 du CPP).

En vertu de l’article 20 du Code de procédure pénale, les agents de police judiciaire


ont pour mission :

27
- de seconder, dans l’exercice de leurs fonctions, les officiers de police judiciaire;
- de rendre compte à leurs chefs hiérarchiques de tous crimes, délits ou
contraventions dont ils ont connaissance;
- de constater, en se conformant aux ordres de leurs chefs, les infractions à la loi
pénale et de recueillir tous les renseignements en vue de découvrir les auteurs
de ces infractions, le tout dans le cadre et dans les formes prévus par les lois qui
leur sont propres.

Cependant les gendarmes sont habilités à dresser procès-verbal des infractions qu’ils
constatent et à recevoir, dans la forme requise, les déclarations qui leur sont faites par
toutes personnes susceptibles de leur fournir des indices, preuves et renseignements
sur les auteurs et complices de ces infractions. Ils n’ont cependant pas qualité pour
décider des mesures de garde à vue.

Paragraphe II : Le contrôle et la responsabilité des officiers de police judiciaire

Dans l’exercice de leurs missions, les personnels de police judiciaire sont soumis à
un contrôle (A) qui peut aboutir à l’engagement de leur responsabilité (B).

A- Le contrôle de la police judiciaire

L’exercice des fonctions de police judiciaire implique des atteintes aux libertés
individuelles. C’est la raison pour laquelle le législateur a organisé des mécanismes de
contrôle de la police judiciaire par les autorités judiciaires.

Ainsi, la police judiciaire est placée sous la direction du procureur de la République,


sous la surveillance du Procureur général près les Cour d’appel et sous le contrôle de
la chambre d’accusation.

Dans le cadre de ce contrôle la chambre d’accusation est saisie soit par le procureur
général ou par son président ; elle peut même se saisir d’office à l’occasion de l’examen
d’une procédure.

B- La responsabilité de la police judiciaire

Dans l’exercice de ses fonctions l’Officier de police judiciaire peut voir sa responsabilité
engagée.

Il peut d’abord engager sa responsabilité disciplinaire. En effet, les fonctionnaires de la


police judiciaire sont avant tout des membres de la fonction publique. A ce titre, ils
peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires de la part de leurs supérieurs
hiérarchiques.

28
Les Officiers de police judiciaire peuvent également engager leur responsabilité civile
lorsqu’ils commettent des fautes civiles dans l’exercice de leurs fonctions dans les
conditions du droit commun (articles 118 et suivants du Code des obligations civiles et
commerciales).

Ils peuvent aussi engager leur responsabilité pénale. Selon l’article 216 du Code de
procédure pénale, si la chambre d’accusation estime que l’officier de police judiciaire
a commis une infraction à la loi pénale (séquestration arbitraire, torture, corruption
etc…) , elle ordonne en outre la transmission du dossier au Procureur général.

La procédure à suivre est réglée par les articles 661 et suivants du code de procédure
pénale.

La Chambre d’Accusation prononce s’il y a lieu le renvoi devant la Cour d’appel


composée de cinq magistrats au moins qui est seule compétente pour statuer sur le
crime commis par l’OPJ.

SECTION 2 : LES ORGANES DE JUSTICE

Les organes de justice sont chargés de juger les auteurs d’infractions à la loi pénale. Il
existe deux types d’organes de justice chargés de fonctions judiciaires. Il s’agit d’une
part des organes représentant le ministère public (Paragraphe I) et d’autre part de
ceux qui sont chargés de l’instruction des affaires (Paragraphe II). Les organes de
jugement étant consacrés par ailleurs dans la phase de jugement des infractions.

PARAGRAPHE I : Les organes du ministère public

Le Ministère public, organisé sous forme de Parquets, est constitué des magistrats du
parquet encore appelés « magistrats debout » parce qu’ils se lèvent à l’audience pour
prendre leurs réquisitions 52. Le rôle important que joue le Ministère public dans le
déroulement de la procédure pénale justifie qu’il soit nécessaire d’étudier son
organisation (A) avant d’étudier ses caractères (B).

A. L’organisation du Ministère Public

Il s’agira de distinguer le ministère public près les juridictions ordinaires (1) du


ministère public près les juridictions d’exception (2).

1. Le ministère public près les juridictions ordinaires

Auprès du tribunal d’instance, le ministère public est représenté par le délégué du


Procureur de la République ou son adjoint. Cependant en l’absence d’un délégué du

52 J. P. NADAL, « Le ministère public face à certains impératifs », RSC, 1973, p. 492.

29
Procureur de la République près le tribunal D’INSTANCE, l’article 24 du code de
procédure pénale prévoit en son alinéa 2 que les fonctions du ministère public sont
assurées par le Président de cette juridiction, sous le contrôle direct du Procureur de la
République.

Auprès du tribunal de grande instance, le ministère public est représenté par le


Procureur de la République en personne ou par ses substituts. En cas d’empêchement
ou d’absence momentanée, il est remplacé, s’il n’a pas de substitut, par un délégué du
Procureur de la République du ressort ou par un juge commis à cet effet par le
Président du Tribunal de grande instance sur sa proposition ou à défaut sur celle du
Procureur Général.

Auprès de la cour d’appel, le ministère public est représenté par le Procureur Général
en personne, ou par ses substituts que l’on appelle substituts généraux ou avocats
généraux selon leur grade.

2. Le ministère public près les juridictions d’exception

Devant la Haute Cour de Justice, les fonctions du ministère public sont assurées par le
Procureur Général près la cour suprême alors que devant la commission d’instruction
de la haute cour de justice, celles-ci sont dévolues au Procureur Général près la Cour
d’Appel de Dakar.

Devant le tribunal militaire, le ministère public est représenté par le procureur de la


République près le tribunal de grande instance hors classe de Dakar ou un de ses
substituts lorsque l’infraction a été commise par un militaire dont le grade ne dépasse
pas celui de capitaine. Au-delà de ce grade, l’affaire est directement portée devant la
cour d’appel de Dakar où le ministère public est assuré par le Procureur Général près
ladite cour ou un de ses avocats généraux.

Devant le tribunal pour enfants, l’article 570, alinéa 3 du code de procédure pénale
prévoit que le ministère public est assuré par un substitut du Procureur de la
République chargé cumulativement avec ses fonctions, des poursuites et du règlement
des affaires concernant les mineurs.

Devant la cour de répression de l’enrichissement illicite, il revient au procureur spécial


assisté d’un substitut de remplir les fonctions de Ministère Public.

B. Le statut des magistrats du Ministère Public

Les magistrats du Ministère Public sont régis par des règles statutaires qui présentent
des spécificités par rapport à la condition des magistrats du siège. Le Ministère public

30
est ainsi caractérisé par la hiérarchie (1), l’indivisibilité (2) l’irresponsabilité (3) et le
caractère irrécusable (4).

1. La hiérarchie

La soumission des magistrats du ministère public, chargés des poursuites et de requérir


l’application des peines faits l’objet de nombreuses critiques. Il est ainsi reproché à ce
système de la hiérarchie des magistrats représentant le ministère public de ne
contredire le principe d’indépendance de la justice, notamment à l’égard du pouvoir
Exécutif. Ainsi, l’article 7 de la Loi organique n° 2017-10 du 17 janvier 2017 portant
Statut des magistrats53, prévoit que les magistrats du parquet sont placés sous la
direction et le contrôle de leurs supérieurs hiérarchiques et sous l’autorité du Garde
des Sceaux, Ministre de la Justice.

En effet, « le Garde des Sceaux, Ministre de la justice peut dénoncer au Procureur


général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, lui enjoindre d’engager ou
de faire engager les poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles
réquisitions écrites qu’il juge opportunes 54 ».

Il ressort de ce texte que si le ministre de la Justice peut donner l’ordre de poursuivre,


il ne peut toutefois ordonner le classement d’une affaire. On dit que l’ordre de
poursuivre est légal mais l’ordre de ne pas poursuivre est illégal.

Par ailleurs, parallèlement à ces instructions particulières concernant une procédure, le


ministre peut agir par voie de circulaire pour définir la politique pénale, destinée à
assurer une application coordonnée et cohérente de la loi répressive 55.

Par ailleurs, il résulte de l’article 29 du Code procédure pénale que le Procureur général
a autorité sur tous les magistrats du ministère public du ressort de la cour d’appel. A
l'égard de ces magistrats, le Procureur général a les mêmes prérogatives que celles
reconnues au Ministre de la Justice. Il est donc le chef hiérarchique de tous les membres
du ministère public exerçant dans le ressort de sa Cour d’Appel.

Enfin, il convient de préciser que, lorsqu’il exerce les fonctions du ministère public, le
président du tribunal d’instance demeure sous le contrôle du Procureur de la
République près le tribunal de grande instance du ressort 56.

53 J.O. N° 6986 du mercredi 18 janvier 2017.


54 Article 28 du code de procédure pénale.
55 M. DELMAS-MARTY, « La politique pénale est-elle une politique publique comme les
autres ? », RSC, janvier-mars 1994, p. 151 ; V. également, Y. AGUILA, « La politique
pénale est-elle une politique publique comme les autres ? », Rev. Adm., 1993, p. 7.
56 Article 38 du code de procédure pénale.

31
Le ministère public est ainsi tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux
instructions qui lui sont données par ses supérieurs hiérarchiques.

Il y a lieu cependant de souligner que le législateur ne confère pas au Procureur général


près la cour Suprême cette autorité sur les parquets.

D’une manière général le Procureur général exerce un pouvoir de direction sur les
Procureurs de la République du ressort de sa cour d’appel. Ceux-ci ont les mêmes
prérogatives à l’égard de leurs substituts et ainsi que sur leurs délégués.

Cependant ce pouvoir comporte une limite puisqu’à l’audience, lorsqu’il requiert, le


magistrat du parquet est libre de dire tout ce qu’il croit au bien de la justice. On exprime
cette idée en disant que « la parole est libre et la plume serve ».
2. L’indivisibilité

L’indivisibilité du ministère public signifie que chacun de ses magistrats représente le


parquet tout entier. C’est pour cette raison qu’ils peuvent se remplacer mutuellement
l’un débutant une audience et prenant la parole pour poser des questions, l’autre
terminant la même audience en prenant des réquisitions.

De même, un acte portant mention du Procureur de la République peut très bien être
signé par l’un de ses substituts ou délégué.

Il en est autrement pour les magistrats du siège qui à l’occasion du jugement d’une
affaire, sont tenus de poursuivre leur office jusqu’au prononcé de la décision.

3. L’irresponsabilité

Les magistrats du parquet sont irresponsables. A la différence de la partie civile qui en


cas de non-lieu peut être condamné à des dommages intérêts, le Ministère Public qui
a intenté à tort l’action publique ne peut jamais être condamné à des dommages
intérêts envers le prévenu acquitté.

Mais, cette irresponsabilité n’est pas totale. S’il commet une faute personnelle, sa
responsabilité civile peut être mise en jeu, comme pour les magistrats du siège, par la
procédure de prise à partie.

S’il commet une infraction, il pourra être poursuivi mais il bénéficie d’un privilège de
juridiction.

4. Le caractère irrécusable

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Le Ministère public, en tant que partie au procès pénal, est irrécusable. La récusation
est l’acte par lequel un plaideur refuse d’être jugé par ou en présence d’un magistrat
dont il conteste l’impartialité notamment en raison des liens qui existent entre ce
magistrat et l’autre partie57.

En effet, alors qu’un magistrat du siège peut être récusé aussi ben en matière civile que
pénale, le magistrat du parquet ne peut être récusé. Le plaideur ne peut récuser son
adversaire58.

Paragraphe I : Les organes d’instruction

Les juridictions d’instruction n’interviennent pas forcément dans toutes les affaires. Il
existe en effet des affaires qui sont portées directement devant les juridictions de
jugement. Par exemple, les contraventions et les délits qui ne présentent pas de
difficultés sont jugés directement en citation directe ou en flagrant délit.

Cependant, pour d’autres affaires le recours au juge d’instruction est nécessaire. Il en


est ainsi chaque fois qu’il y a des éléments à élucider par exemple lorsque l’auteur de
l’infraction est inconnu.

Il existe une juridiction d’instruction du premier degré, à savoir le juge d’instruction (I)
et une juridiction d’instruction du second degré : la chambre d’accusation (II).

I : La juridiction d’instruction du premier degré

Le juge d’instruction est la juridiction d’instruction du premier degré. Il s’agit d’une


juridiction à part. Nous allons étudier son statut ( A) avant d’analyser les garanties
d’indépendance que la loi a prévues pour ce magistrat ( B).

A- Le statut du juge d’instruction

Le juge d’instruction est un magistrat du siège 59. En tant que tel, il bénéficie de toutes
les garanties des magistrats du siège. La protection statutaire du juge d’instruction se
manifeste à travers les dispositions régissant sa nomination et son indépendance.

Il existe un juge d’instruction dans chaque tribunal de grande instance. Selon l’article
78 de la loi organique n° 2017-10 du 17 janvier 2017, le juge d’instruction est nommé

57 V. Vocabulaire juridique H CAPITANT. Il n’empêche qu’un magistrat du parquet puisse


décider de lui-même de s’abstenir de participer au jugement d’une affaire.
58 VIALA, « Le Ministère Public peut-il être récusé ? », Gaz. Pal 1980, I, doc. 163.
59 Patrick Maistre du Chambon, Le juge d’instruction, 3e édition, Dalloz, 1985 ; Bernard
BOULOC, « Le rôle du juge d’instruction dans la recherche de la vérité », Petites affiches,
n° 130, du 29 octobre 1986 ; M. GARREL, « La juridiction d’instruction est-elle
indispensable ? », JCP, 1986, I, 3266.

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par arrêté du Garde des Sceaux Ministre de la justice pour une période de trois ans
renouvelable. En cas d’empêchement, il est remplacé par un juge provisoirement
désigné par ordonnance du président du tribunal de grande instance. Cette situation
se produit exceptionnellement puisque dans la plupart du temps, il y a plusieurs juges
d’instruction dans les tribunaux de grande instance.

Lorsque dans un tribunal d’instance il n’y a qu’un seul juge, celui-ci exerce les fonctions
de juge d’instruction qu’il cumule avec les fonctions de jugement et éventuellement de
délégué du procureur de la République60.

B- Les garanties d’indépendance du juge d’instruction

La loi a organisé un dispositif tendant à garantir l’indépendance du juge d’instruction


aussi bien par rapport au Procureur de la République (a) que par rapport à la chambre
d’accusation (b).

a) L’indépendance du juge d’instruction par rapport au Procureur de la


République

Dans la conduite de l’instruction le juge d’instruction est totalement indépendant et


libre d’accomplir les actes qu’il estime nécessairement l’ordre qu’il juge bon de suivre.
Il n’est pas tenu de déférer aux réquisitions du Ministère Public. Il peut refuser
d’accomplir un acte sollicité par le Procureur de la République, tout comme il peut
accomplir un acte contre la volonté de celui-ci.

Mais, en droit sénégalais, force est de constater l’existence d’atteintes à l’indépendance


du juge d’instruction par rapport au Parquet 61.

D’une part, en cas de pluralité de juge d’instruction, il revient au procureur de la


République de choisir le juge d’instruction qui sera chargé de l’affaire après simple, avis
du président du tribunal qui ne lie pas le procureur (article 74 du Code de procédure
pénale). De sorte que celui-ci peut passer outre l’avis du Président et désigner le juge
qu’il estime le plus docile.

D’autre part pour certaines infractions jugées graves, le juge d’instruction est lié par
les réquisitions du Ministère public.

60 On a pu qualifier le président du tribunal d’instance investi des pouvoirs de juge


d’instruction, de juge de jugement et de délégué du procureur de « monstre juridique ».
61 Sur l’ensemble de la question, V. M. DIOP, « Les limites au pouvoir d’appréciation du
juge pénal », in « Actes du séminaire liberté d’appréciation du juge », RSD, n° 28, janvier,
février mars 1983, p. 13 et ss. ; M. NDIAYE, « Les atteintes à la liberté d’appréciation du
juge relativement à l’article 140 du Code de procédure pénale », in « Actes du séminaire
liberté d’appréciation du juge », RSD, n° 28, janvier, février mars 1983, p. 59 et s.

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b) L’indépendance du juge d’instruction par rapport à la chambre
d’accusation

La chambre d’accusation est la juridiction d’instruction du second degré. A ce titre elle


dispose d’importantes prérogatives dans le déroulement de la procédure pénale et,
notamment, à l’égard du juge d’instruction.

Elle exerce en effet le contrôle et la surveillance de l’activité des cabinets d’instruction.


Ainsi, le juge d’instruction est surveillé par le président de la chambre d’accusation qui
s’assure du bon fonctionnement des cabinets d’instruction. A cet égard, chaque cabinet
d’instruction établit à son intention un état des affaires en cours portant mention pour
chacune d’elles de la date du dernier acte accompli. Par ailleurs, lorsque l’instruction
d’une affaire dure plus de 6 mois, le juge d’instruction fait un rapport circonstancié
adressé au président de la Chambre d’accusation.

La chambre d’accusation est habilitée à infirmer les ordonnances du juge d’instruction


rendues en violation de la loi.

Toutefois, elle ne peut imposer au juge d’instruction l’accomplissement d’un acte


contraire à sa conviction. Par exemple, lorsque le magistrat instructeur refuse de mettre
en détention une personne et que le procureur relève appel contre l’ordonnance de
refus de placement sous mandat de dépôt, si la chambre d’accusation n’est pas du
même avis, elle ne peut imposer au juge d’instruction une décision de placement sous
mandat de dépôt. La chambre d’accusation doit prendre elle-même une décision de
placement sous mandat de dépôt.

II : La juridiction d’instruction du second degré : la chambre d’accusation

La chambre d’accusation est la juridiction d’instruction du second degré 62. Elle est
réglementée par les articles 185 à 217 du Code de procédure pénale. Ces textes
prévoient la composition (A) et les attributions de la chambre d’accusation (B).

A- La composition de la chambre d’accusation

La composition de la chambre d’accusation est fixée par l’article 185 du Code de


procédure pénale. La chambre d’accusation est une section spéciale de la Cour d’appel.

Elle est composée d’un président de chambre, ou à défaut d’un conseiller,


exclusivement attaché à ce service, et de deux conseillers qui peuvent, en cas de besoin,
assurer le service des autres chambres de la cour. Le président et les conseillers

62Wilfrid JEANDIDIER, La juridiction d’instruction du second degré, Thèse Nancy, 1975,


édition Cujas, 1975 ; P. CHAMBON, La chambre d’accusation, Dalloz, 1978.

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composant la chambre d’accusation sont désignés chaque année, pour la durée de
l’année judiciaire suivante, par l’assemblée générale de la Cour.

B- Les attributions de la chambre d’accusation

En tant que juridiction d’instruction du second degré, la chambre d’accusation est juge
d’appel des ordonnances du juge d’instruction et juge de la régularité de la procédure
suivie devant celui-ci. Elle a ainsi le pouvoir d’infirmer une ordonnance du juge
d’instruction.

Par ailleurs la chambre d’accusation est l’organe disciplinaire des Officiers de police
judiciaire et peut infliger des sanctions à l’encontre de ceux d’entre eux qui ne
respecteraient pas les règles liées à la délicatesse de leurs fonctions.

La chambre d’accusation est par également compétente pour donner un avis dans les
procédures d’extradition63.

Elle est juge du règlement des conflits de compétence entre deux juges d’instruction,
deux tribunaux de simple police, deux tribunaux correctionnels se trouvant dans le
ressort d’une même Cour d’Appel.

63 L’extradition est une procédure par laquelle un État peut être amené à remettre un
individu, sous le coup de poursuites ou d’une condamnation pénales et se trouvant sur son
territoire, à un autre Etat qui le réclame pour y être jugé ou subir sa peine.

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