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Master de recherche : Droit Pénal et Sciences Criminelles DPSC (S3)

Module : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

Exposé sous le thème :

LA GARDE A VUE

SOUMIS A L’APPRECIATION DE : PR LOUADI SAMIA

REALISÉ PAR : DAHBI MOHAMED

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Année universitaire : 2022/2023

Sommaire

Chapitre1 : Le régime juridique de la garde à vue

Section 1 : Les conditions de la garde à vue

Section 2 : Les durées en matière de la garde à vue

Chapitre 2 : Les garanties accordées aux personnes gardées à vue

Section 1 : Les droits de la personne gardée à vue

Section 2 : Le contrôle de la garde à vue

Conclusion
Introduction

Le droit d’aller et venir à son gré est une liberté fondamentale inscrite dans la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen et intégrée dans de la Constitution de 2011. En raison de sa valeur
constitutionnelle, toute atteinte à la liberté individuelle doit être justifiée. C’est ainsi qu’au cours d’une
enquête, un OPJ peut être amené à garder à sa disposition une ou plusieurs personnes pour les nécessités de
l’enquête.
« Nul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi ou condamné en dehors des cas et des formes prévues par la loi.
La détention arbitraire ou secrète et la disparition forcée sont des crimes de la plus grande gravité et
exposent leurs auteurs aux punitions les plus sévères. Toute personne détenue doit être informée
immédiatement, d'une façon qui lui soit compréhensible, des motifs de sa détention et de ses droits, dont
celui de garder le silence. Elle doit bénéficier, au plus tôt, d'une assistance juridique et de la possibilité de
communication avec ses proches, conformément à la loi. »1
Dans un sens international, « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne, nul ne
peut être privé de sa liberté, si ce n’est pas pour motif, et conformément à la procédure prévue par la loi 2 ».
La garde à vue est une mesure privative de liberté prise à l'encontre d'une personne suspectée d'avoir commis
une infraction, lors d'une enquête judiciaire. Elle permet à l'enquêteur d'avoir le suspect à sa disposition pour
pouvoir l'interroger et vérifier si ses déclarations sont exactes. La durée de la garde à vue est limitée. Le
suspect a des droits en tant que gardé à vue, dont celui d'être assisté par un avocat.3
La garde à vue est une mesure portant atteinte à la liberté individuelle. C’est pourquoi, elle est soumise à des
règles et à un formalisme rigoureux. Cette mesure de garde à vue ne peut être prise qu’à l’encontre de
personnes ayant commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement.
Seul l’OPJ est habilité à prendre ces mesures privatives de liberté. Ce droit entraîne des devoirs strictement
définis.
En cas de crime ou délit puni d’une peine d’emprisonnement, l’article 80 du Code de procédure
permet à l’OPJ, agissant dans le cadre d’une enquête préliminaire, -sur autorisation du ministère public- de
garder à sa disposition, pour les nécessité de l’enquête préliminaire, la personne « à l’encontre de laquelle il
existe des indices faisant présumer qu’elle a commis ou tentée de commettre une infraction». La personne en
cause ne peut être retenue plus de quarante -huit heures, mais le parquet peut, avant l’expiration de ce délai,

1
Art 23 de la constitution marocaine 2011
2
Art 9 du pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques
3
https://www.service-public.fr
1
prolonger la garde à vue d’un nouveau délai de vingt-quatre heures, prolongation qui ne peut être accordée
qu’après présentation préalable de l’intéressé au Procureur du Roi ou au Procureur général du Roi.
La personne gardée à vue peut, en cas e prolongation, demander à l’officier de police judicaire de
communiquer avec un avocat. L’entrevue se fait sur autorisation du ministère public à partir de la première
heure de la garde à vue pour un durée n’excédant pas trente minutes sous le contrôle de l’officier de police
judiciaire, dans des conditions garantissant la confidentialité de l’entrevue (art. 80, al.6 et
7.C.P.P).Cependant, si l’O.P.J est dans l’impossibilité d’avoir l’autorisation du ministère public en cas de
l’éloignement, autorise, à titre exceptionnel, l’avocat à communiquer avec la personne gardée à vue ; un
rapport, à cet effet, est immédiatement transmis au ministère public. 4

Historiquement parlant, Depuis la création du code de procédure pénale le 10 février 1959, la


garde à vue était réglementée par des textes épars qui ne protégeaient guère les libertés et les droits des
personnes gardées à vue.

Après de vives critiques de la doctrine et les recommandations du conseil consultatif des droits
de l’Homme du 24 décembre 1990 qui étaient approuvée par le Roi défunt Hassan II, le CPP a connu la
première réforme législative dans le but de renforcer les droits et libertés individuels, donc il s’agit du
Dahir du 30 décembre 1991 portant promulgation de la loi n° 67- 90 relative à la procédure pénale5

Une telle réforme s’est concrétisée par le Dahir du 3 octobre 2002 portant promulgation de la
loi n° 22-01 relative à la procédure pénale. Mais il ne s’agit que d’une « réforme en trompe l’œil », car
elle n’atteint que partiellement son objectif.

Assurément, pour renforcer et consolider les dispositions, le Conseil de gouvernement a


adopté, jeudi à Rabat, le projet de loi n° 89.18, modifiant et complétant les articles 66 et 460 du Code de
procédure pénale, qui vise à mettre en place un cadre juridique pour la prise en charge par l’État des repas
des personnes placées en garde à vue, par conséquence l’adoption de ce projet vise à compléter et
harmoniser le code pénal et le code de procédure pénale avec les dispositions de la constitution de 2011,
l’objectif étant d’assurer des garanties juridiques pour la période précédant le procès pénal.

L’intérêt de cette étude est capital, la procédure de garde à vue théoriquement trouve son
importance dans le cadre de la protection des droits de l'homme, c'est pourquoi la loi marocaine se
préoccupe de contrôler cette procédure importante et dangereuse pratiquée par les officiers de police
judiciaire, et qui porte atteinte à une grande partie de la liberté individuelle à un stade où la preuve ne

4
abderrachid chakri, cours de procédure pénale , faculté des sciences juridiques économiques et sociales
Mohammedia, 2019/2020
5
7 ENNFKHAOUI Aziz, « traité de la procédure pénale », Imprimerie Najah Al Jadida, 1 ère Ed 2020, p124
peut pas encore être disponible que la personne a commis le crime. Pratiquement, le législateur marocain
l'a entourée à travers le code de procédure pénale par un ensemble de garanties qui en font une procédure
d'exception, il a donc travaillé à définir les conditions, la durée et d’autres dispositions importantes
inscrites à l'article 66 du même code, conformément l’article 23 de la Constitution du Royaume, et aux
dispositions des conventions internationales ratifiées par le Maroc.

Dès lors, on peut soulever la problématique suivante : Comment le législateur a pu combiner


entre l’instauration d’un régime juridique régissant la garde à vue comme mesure nécessaire à la
manifestation de la vérité et la protection des droits et libertés individuelles des personnes gardées à
vue ?

Afin de répondre à cette problématique, notre travail sera divisé en deux chapitres, le premier sera
consacré à l’étude du régime juridique de la garde à vue (chapitre 1), et le deuxième qui sera intéressé aux
garanties accordées aux personnes gardées à vue (chapitre 2).

Chapitre1 : Le régime juridique de la garde à vue


Le code de procédure pénale ne définit pas la garde à vue, et ne précise pas le fondement de cette
mesure (indices, raisons plausibles, …). Cet état de lieu est critiquable, surtout que la garde à vue porte
une atteinte grave aux libertés individuelles. C’est une mesure qui concerne aussi bien l’enquête
préliminaire, que l’enquête de flagrance. Pour connaitre les contours de cette mesure, il faut donc tourner
vers la doctrine et le droit comparé.

Il nous semble important de traiter les conditions du placement en garde à vue (section 1) et la
durée de ce placement (section 2)

Section 1 : Les conditions de la garde à vue


Les articles 66 et 80 C.P.P. mentionnent quatre conditions pour la validité de la garde à vue. Le recours à la
garde à vue, qui requiert en certains cas une autorisation préalable du parquet et qui doit toujours être justifié
par une nécessité, n’est pas admis pour toutes les infractions. De plus, sa période est-elle limitée.
1°) L’autorisation préalable du parquet.
L’article 80 C.P.P., relatif à l’enquête préliminaire, conditionne le placement en garde à vue à
l’autorisation préalable du parquet. Or l’article 66 C.P.P., se rapportant à l’enquête de flagrance, se contente
seulement d’obliger l’officier de la police judiciaire à aviser le parquet de la mesure de garde à vue.
L’intervention du parquet est donc toujours exigée pour la mesure de garde à vue, et elle prend
une forme différente selon le type de l’enquête : préliminaire ou de flagrance.
2°) La nécessité de la garde à vue
Comme il est dit précédemment, les textes régissant la garde à vue manquent de précision quant
aux personnes concernées par cette mesure. Dans l’attente d’une réforme du législateur, le bon sens nous
amène à dire que l’O.P.J. ne doit avoir droit à placer un individu en garde à vue que lorsque il y a des indices
ou des raisons plausibles de soupçonner cet individu. Si cela fait défaut, cette mesure risque d’être dénuée de
fondement, c’est-à-dire arbitraire réprimée au titre de l’art. 225 du code pénal. Elle risque aussi de porter
atteinte à la présomption d’innocence. La règle est d’une importance capitale car elle est prévue au titre de
l’article 21 de la constitution qui dispose que « Nul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi ou condamné en
dehors des cas et des formes prévus par la loi.
La détention arbitraire ou secrète et la disparition forcée sont des crimes de la plus grande gravité et
exposent leurs auteurs aux punitions les plus sévères (…)
La présomption d’innocence et le droit à un procès équitable sont garantis. Toute personne détenue jouit de
droits fondamentaux et de conditions de détention humaines (…) ».

Cette protection est aussi garantie au sein de l’art. 9 de la déclaration universelle des droits de
l’homme de 1948 qui stipule que « Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ni exilé. » Aussi, au sein
de l’article 5 de la C.E.S.D.H. qui prévoit dans son paragraphe premier que « toute personne a droit à la
liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté », avant d’énumérer les cas de privation de liberté.
De même au sein de l’article 9 du pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques disposant
dans son paragraphe premier que « 1. Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul
ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce
n'est pour des motifs, et conformément à la procédure prévue par la loi. »

La question est de savoir quels sont ces indices ou ces raisons plausibles permettant de mettre une
personne en garde à vue. Deux hypothèses peuvent constituer le fondement de cette mesure.

D’un côté, la garde à vue ne peut concerner que l’individu ayant un rapport avec l’infraction. Le
bon déroulement de l’enquête exige la mise en garde à vue de la personne, à savoir la recherche des moyens
de preuves, et l’identification des auteurs de l’infraction. Ainsi, tout individu ayant la moindre relation avec
l’infraction, pouvant apporter une contribution quelconque aux recherches, ou tout simplement tout suspect,
peut être placé en garde à vue.
De l’autre côté, pour protéger les libertés individuelles, la garde à vue ne peut être décidée que
lorsque la personne ne présente pas de garanties suffisantes pour rester à la disposition de l’O.P.J. qui mène
une enquête, mais cela ne peut se concevoir que dans le cas des délits, car il serait plus difficile de laisser en
liberté une personne soupçonnée d’un homicide volontaire.
Cependant, dans l’état actuel du texte, les libertés individuelles semblent être menacées par la mesure de
la garde à vue. La condition de nécessité prévue par les articles 66 et 80 C.P.P. est ambigüe, car c’est l’O.P.J.
qui apprécie au final si la garde à vue est nécessaire ou non, mais selon quels critères ? Certes, le contrôle
opéré par le procureur du Roi ou le procureur général du Roi et la chambre correctionnelle de la Cour
d’appel semble être une garantie. Mais dans la pratique la seule protection du droit à la sûreté semble être la
conscience de ces officiers quant à la gravité de la mesure de la garde à vue et quant au respect des
instruments internationaux des droits de l’homme.6
Section 2 : Les durées en matière de la garde à vue :
Le législateur marocain a choisi de traiter différemment l’ensemble des infractions dites de droit commun et
un certain nombre d’infractions jugées différentes en raison de leur gravité ou de la complexité des
investigations qu’elles impliquent.
Le délai d’une garde-à-vue est de 48 heures à compter à partir du moment de l’appréhension de la
personne concernée (art. 66 C.P.P.).
En matière de flagrance, l’O.P.J. informe le ministère public de la mesure qu’il a décidée (art. 66,
al. 1er C.P.P.). En revanche, au cours d’une enquête préliminaire une telle mesure ne peut être ordonnée que
sur autorisation préalable de cette autorité (art. 80, al. 1er C.P.P.).
En toutes matières, préliminaire ou de flagrance, une prolongation de la garde-à-vue pour une durée
de 24 heures est possible selon des formalités différentes.
En matière de flagrance, il suffit d’une autorisation écrite du ministère public.
En matière préliminaire, la prolongation nécessite que la personne gardée à vue soit présentée avant la fin du
délai initial au procureur du Roi qui l’autorise si nécessaire, après l’avoir entendue, en vertu d’un acte écrit
(art. 80, al. 2 C.P.P.). Par exception à cette règle, le ministère public peut autoriser la prolongation sans
entendre la personne en vertu d’une décision motivée (art. 80, al. 5 C.P.P.).
Des dispositions différentes sont prévues lorsque l’O.P.J. voudrait procéder à une garde à vue relative
à une infraction contre la sécurité intérieure ou extérieure de l’Etat ainsi qu’en matière de terrorisme.
Au cours d’une enquête de flagrance, l’art. 66 C.P.P. dispose que « lorsqu’il s’agit d’atteinte à la sécurité
intérieure ou extérieure de l’Etat, le délai de la garde à vue est de 96 heures renouvelable une seule fois sur
autorisation du ministère public » (al. 3).

6
« Lorsqu’il s’agit d’une infraction en matière de terrorisme, le délai de la garde à vue est de 96 heures
renouvelable deux fois, pour une durée de 96 chaque fois, sur autorisation écrite du ministère public » (al. 4).

Pour l'enquête préliminaire, l’art. 80 C.P.P. prévoit des dispositions presque identiques. L’al. 5 de cet
article prévoit qu’ « il est exceptionnellement possible que l’autorisation citée soit délivrée en vertu d’une
7
décision motivée, sans que la personne ne soit présentée au ministère public ».
Les durées de placement en garde à vue et leur prolongement

Type de crime Durée initiale Prorogation Total


(En heures) (En heures)

Crime de droit commun 48 24 72 heures

Crime d’atteinte à la sécurité 96 96 192 heures


intérieure ou extérieure de l’État

Crime terroriste 96 96+96 288 heures

Chapitre 2 : Les garanties accordées aux personnes gardées à vue


La discussion portant sur les garanties liées au placement en garde à vue, en tant qu’un des domaines où il
est porté atteinte au droit à la liberté et aux aspects qui s’y rattachent, nous amènera à explorer les méandres
des procédures énoncées dans le Code de procédure pénale pour déterminer si elles sont parvenues à trouver
la meilleure façon susceptible d’en renforcer la jouissance dans une situation qui permet de déterminer le
droit de la société au châtiment, tout en préservant les droits et libertés fondamentaux.

1- Les garanties constitutionnelles relatives à la garde à vue :

La Constitution marocaine a consacré les différents droits de l’homme énoncés dans la Déclaration
universelle des droits de l’homme ; en outre, elle stipule la primauté des conventions internationales telles
que ratifiées par le Maroc sur les législations nationales, en soulignant la nécessité d’harmoniser ces

7
Etude : Les garanties fondamentales durant la garde à vue au Maroc , Publication du Centre d’études en Droits Humains et
Démocratie (CEDHD) 1e édition, juin 2020
législations avec les dispositions des conventions internationales.
À cet égard, la Constitution comprend un certain nombre de garanties relatives au placement en garde à vue,
qui sont conformes aux règles du procès équitable et aux garanties de prévention de la torture. Ces garanties
peuvent être énumérées comme suit:

Les droits de la défense :


Le document constitutionnel consacre les droits de la défense parmi les principes suprêmes qui traduisent, à
travers les articles 23 et 120 de la Constitution, une véritable garantie de protection des droits et des libertés.
Dans ce cadre, l’article 23 dispose que « Toute personne détenue doit être informée immédiatement, d’une
façon qui lui soit compréhensible, des motifs de sa détention et de ses droits, dont celui de garder le silence.
Elle doit bénéficier, au plus tôt, d’une assistance juridique et de la possibilité de communication avec ses
proches, conformément à la loi», tandis que l’article 120 dispose que « Toute personne a droit à un procès
équitable et à un jugement rendu dans un délai raisonnable». Une lecture posée de ces deux articles permet
de constater que la Constitution marocaine a promu un ensemble de principes énoncés dans le droit pénal,
tant sur le fonds que sur le plan procédural, comme c’est le cas pour le droit à la présomption d’innocence, à
un procès équitable de même que le principe de la légalité procédurale afin de garantir les règles du procès
équitable.
Le droit à être informée des motifs de détention :
L’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose que toute personne accusée
d’une infraction pénale a droit « à être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu’elle comprend
et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre elle». A son tour, la Constitution
mentionne ce droit à l’article 23 (alinéa 3) qui stipule la nécessité de tenir immédiatement informée toute
personne détenue, d’une façon qui lui soit compréhensible, des motifs de sa détention. C’est d’ailleurs ce qui
a été suivi et mis en application par le dernier amendement du Code de procédure pénale, contenu à l’article
66, en vertu duquel le législateur énonce la nécessité de tenir immédiatement informée la personne accusée
dans une langue, un dialecte ou par un signe (pour les personnes souffrant d’un handicap sensoriel) qu’elle
comprend des faits qui lui sont imputés lors de son arrestation ou placement en garde à vue.
Le droit de garder le silence :
Comme indiqué précédemment, l’article 23 de la Constitution dispose que «Toute personne détenue doit être
informée immédiatement, d’une façon qui lui soit compréhensible, des motifs de sa détention et de ses
droits, dont celui de garder le silence». Ainsi, l’accusée aura l’entière liberté de parler ou de s’en abstenir, et
donc de ne pas répondre aux questions qui lui sont posées par une quelconque autorité et à toute étape
du procès pénal, sans pour autant que son silence et son refus de faire des déclarations ne soient considérés
comme une présomption apportant la preuve sur l’accusation portée à son encontre, compte tenu du droit à la
présomption d’innocence. Car pousser l’accusée à parler ou à faire des aveux qui s’avèrent avoir été soutirés
par le recours à la violence ou à la coercition est considéré comme nul et non avenu. En effet, le droit de
garder le silence ne peut en aucun cas être considéré comme une présomption ou une preuve retenue contre
la personne placée en détention, mais plutôt une garantie pour elle la afin que celleci ne s’empresse pas de
faire une quelconque déclaration qui pourrait ultérieurement affecter son statut juridique, notamment sous
l’effet de la pression psychologique et de l’élément de surprise ; néanmoins elle demeure tenue de présenter
les renseignements relatifs à son identité.
Le droit à l’assistance juridique :
L’assistance juridique, telle que définie, est un droit humain que les États sont tenus de garantir. Elle se
conçoit comme la garantie optimale permettant l’accès au système judiciaire, au droit à la défense, ainsi
qu’au droit de se faire assister par une avocate, compte tenu du principe de l’égalité de tous devant la loi,
sans égard pour leur capacité financière, leur statut social ou pour tout autre fondement.
La Constitution marocaine stipule à l’article 23 la nécessité pour toute personne détenue de bénéficier, au
plus tôt, d’une assistance juridique.
Ce droit peut également être considéré comme un des droits de la défense mentionné à l’article 120 qui
dispose dans le contexte du droit à un procès équitable que «Les droits de la défense sont garantis devant
toutes les juridictions». De plus, la procédure pénale a fixé, comme nous le verrons par la suite, les
conditions permettant de bénéficier d’un tel droit.

Le droit à des conditions de détention humaines :


Indépendamment du type de crime pour lequel la personne détenue est poursuivie, on évoque certains des
droits liés à cette situation qui , loin de se limiter au droit à un procès équitable et indépendant, s’étendent à
la garantie de conditions de détention humaines qui respectent la dignité du détenu, le réhabilitent et
préparent sa réinsertion sociale afin qu’il soit (socialement) un bon citoyen. La Constitution stipule
également ce droit à l’article 23« Toute personne détenue jouit de droits fondamentaux et de conditions de
détention humaines », l’objectif étant de marquer une rupture avec les violations des droits de l’homme (en
particulier au sein des prisons).
Le droit à une réparation :
Le droit à une réparation à la charge de l’État en cas d’erreur judiciaire se trouve énoncé pour la première
fois à l’article 122 de la nouvelle Constitution. Mais la formulation qui en est faite («Les dommages causés
par une erreur judiciaire ouvrent droit à une réparation à la charge de l’État») est d’ordre général et gagnerait
à être éclaircie et précisée pour déterminer les conditions régissant ce droit, d’autant plus que la
Constitution n’en a pas soumis la réglementation à la loi.

2. Les garanties juridiques relatives à la garde à vue :


L’assistance d’un avocat
Le contact avec un avocat est l’une des plus importantes garanties prévues à l’article 66 du CPP, qui impose
à l’OPJ le devoir de notifier le placement en garde à vue à l’avocate.
En outre, si l’intéressée demande la désignation d’un avocat dans le cadre de l’assistance judiciaire, l’OPJ en
avise le bâtonnier qui se charger alors de désigner une avocate, comme stipulé à l’alinéa 7 du même
article. En se référant à l’article 66 du CPP, on constate que le contact avec l’avocate intervient avant
l’expiration de la moitié de la durée initiale du placement en garde à vue, sur autorisation du parquet général,
pour une durée n’excédant pas 30 minutes, sous le contrôle de l’OPJ et dans des conditions garantissant la
confidentialité de l’entretien.
À la demande de l’OPJ, et à titre exceptionnel, le/la représentante du parquet général peut, chaque fois qu’il
s’agit d’un crime, différer le contact entre l’avocat et son/sa cliente, à condition que cette durée
Toutefois, dans le cas d’un crime terroriste ou de crimes visés à l’article 108 du CPP, le contact avec
l’avocate intervient avant l’expiration de la durée initiale de placement en garde à vue. N’excède pas douze
heures à compter de l’expiration de la moitié de la durée initiale de la garde à vue.
La notification du placement en garde à vue à la famille :
L’OPJ doit, par n’importe quel moyen, immédiatement aviser la famille de la personne accusée, une fois
prise la décision de la placer en garde à vue, pour la tenir informée de l’endroit où elle se trouve et du motif
de son maintien dans les locaux de la police ou de la gendarmerie royale ; il/elle est également tenu de
mentionner cet acte dans le procès-verbal.
Dans l'ancien Code de procédure pénale, l'article 69 prescrivait une information immédiate de la famille
du mis en garde-à-vue. Une position renforcée par le nouveau Code qui dispose dans l'article 67-4
L'officier de police judiciaire informe immédiatement la famille de la personne placée en garde-à-vue par
tous les moyens. Mention en est faite au procès-verbal ».
Ainsi l'officier de police judiciaire est tenu d'exécuter cette mesure personnellement ou par le biais d'un
des agents placés sous sa direction, sans attendre une demande de la part de la personne et immédiatement
après la prise de la décision de sa mise en garde-à-vue. Cependant celle-ci n'a pas le droit de s'entretenir
avec les membres de sa famille28.

L'examen médical :
Le CPP a réuni les dispositions légales relatives à l’intervention médicale bénéficiant aux personnes placées
en garde à vue par le biais d’un certain nombre de matières juridiques qui visent à mettre en application les
meilleurs principes énoncés dans les chartes internationales connexes. C’est ainsi que l’article 73, alinéa 2,
du CPP dispose que « Dans le cas de crime flagrant, l’avocat choisi ou désigné a le droit d’assister à
l’interrogatoire ; il a également le droit de solliciter un examen médical de son client. Le procureur général
du Roi doit soumettre le prévenu à un examen médical si la demande lui en est faite ou s’il constate des
traces physiques justifiant cet examen. S’il s’agit d’un mineur qui porte des signes de violence ou qui se dit
avoir été exposée à la violence, le représentant du parquet général est tenu de le soumettre, avant
l’interrogatoire, à un examen médical entrepris par un médecin… L’avocat du mineur peut demander la
réalisation de l’examen évoqué».
Le médecin est chargé de se prononcer sur l'aptitude de l'intéressé à être maintenu en garde à vue, mais
l'officier de police judiciaire et le magistrat superviseur ne sont pas tenus en droit de suivre l'avis du
médecin. Le médecin doit aussi procéder à toutes constatations utiles, ce qui lui permet de relever le cas
échéant les traces des sévices qu'aurait subi le gardé à vue.
Le certificat qu'il établit est communicable non seulement aux enquêteurs et au magistrat mais aussi au
gardé à vue et à son avocat.

Section 2 : Le contrôle de la garde à vue


Le placement en garde à vue est l’une des mesures préliminaires les plus graves qui soient prises par l’OPJ
car elles affectent directement la liberté individuelle du/de la prévenue. C’est pourquoi le législateur exigé
que le procureur du Roi effectue des visites de contrôle à ces lieux au moins deux fois par mois ; mais,
conformément aux dispositions de l’article 45 du CPP, rien ne l’empêche d’effectuer de telles visites chaque
fois qu’il/elle le veut

Le rôle du ministère public dans le contrôle de la garde-à-vue

La législation marocaine a investi le procureur du Roi de la possibilité de se rendre sur les lieux de
placement en garde à vue chaque fois qu’il/elle le juge nécessaire. L’autorité que le/la procureure du Roi
exerce sur la PJ se voit ainsi dans le suivi des actes et comportements de la PJ lorsque ceux-ci émanent d’elle
en cette qualité, et se reflète dans le suivi de toute irrégularité ou tout manquement attribué aux officiers/ères
de la PJ pendant l’exercice de leurs fonctions, qu’il constate personnellement, parvient à sa connaissance ou
qui lui est rapporté. Le souci que le parquet général accorde à la légalité des actes entrepris .
A cet effet, le CPPM a confié au ministère public le rôle central de contrôler les mesures de la garde-à-vue.
Un contrôle qui s'effectue à deux niveaux : le contrôle de la décision de placement en garde-à-vue (A) et le
contrôle des conditions entourant son exécution (B).
A- Contrôle de la décision
Le dernier alinéa de l'article 66 du CPPM affirme que « le ministère public contrôle le placement en garde-à-
vue. Il peut, à tout moment, ordonner d'y mettre fin ou de déférer la personne retenue devant lui ».
La première des obligations de l'officier de police judiciaire à cet égard est un devoir d'information. Le
dernier alinéa de l'article 67 du CPPM dispose que l'OPJ «... doit adresser chaque jour au ministère public
une liste des personnes mises en garde-à-vue dans les 24 heures précédentes ». Mais, un contrôle effectif ne
peut pas se contenter d'une information qui aurait lieu 24 heures après l'acte. Ainsi, le législateur impose
d'informer le ministère public de chaque mise en garde-à-vue : « ... le ministère public en est
informé408 ».
dans les enquêtes préliminaires, l'article 80 du CPPM dispose que l'officier de police judiciaire ne peut
mettre le suspect en garde à vue que sur l'autorisation préalable du Procureur du Roi. En comparaison avec
les enquêtes de flagrance, celles-ci entraînent toujours des procédures spécifiques ouvrant aux policiers un
pouvoir d'arrestation, caractérisé par l'extension des pouvoirs coercitifs. Par ailleurs, l'enquête préliminaire a
pour objet de procéder à des investigations destinées à fournir au Procureur du Roi les renseignements
relatifs à un fait susceptible de constituer infraction afin qu'il puisse décider de la suite aux termes de la
loi439.

B- Contrôle du cours de la garde-à-vue


Aux termes de l'article 45 du CPPM, le procureur du Roi dirige dans le ressort de son tribunal l'action des
officiers et agents de la police judiciaire et les note. Il veille au respect des mesures de la garde-à-vue, de
ses délais et de son exercice dans les locaux aménagés à cette fin. Il doit visiter ces lieux au moins une
fois par semaine ; il peut également les visiter chaque fois qu'il le souhaite. Il doit contrôler les registres
de garde-à-vue. Il établit un rapport à l'occasion de toute visite qu'il accomplit, et informe le procureur
général du Roi de ses observations et des irrégularités qu'il constate.10

Le procureur du Roi est donc tenu de visiter les locaux de la garde-à-vue une fois par semaine au moins,
contre une fois par an pour son homologue français 45, afin de vérifier les conditions dans lesquelles les
8

9
El Idrissi Abdelaziz, Op.cit., p 32

10
Art 45 du CPPM
personnes sont retenues. Ces conditions qui doivent respecter la dignité humaine, notamment au niveau
sanitaire.
D'un autre côté, le registre prévu par le CPPM doit faire état du déroulement de la garde- à-vue. Ainsi, le
procureur peut vérifier le traitement subi par les personnes retenues et apprécier si l'officier de police
judiciaire respecte ou non les dispositions légales, ordonner les mesures conformément au dernier alinéa de
l'article 66 du CPPM. Les prérogatives du ministère public à cet égard semblent assez larges pour lui
permettre également de recourir à toute mesure utile en vue de vérifier si la personne placée en garde-à-vue
est en état de subir cette mesure, notamment la soumission de celle-ci à un examen médicale.

Conclusion
Le droit d’attenter à la liberté individuelle en plaçant quelqu’un en garde à vue s’exerce dans un cadre légal
très rigoureux. Ce pouvoir, accordé aux officiers de police judiciaire, peut paraître exorbitant, mais il n’est
que l’expression de la puissance publique. Parce qu’il restreint l’exercice d’une liberté fondamentale, des
dispositions législatives précises garantissent à la personne qui en est privée, le respect de sa dignité et le
droit d’assurer sa défense.
L’Officier de Police Judiciaire exerce cependant ses fonctions sous la direction du Procureur du roi, sous la
surveillance du le procureur général du Roi et sous le contrôle du ministère public. En cas de manquement,
l’OPJ s’exposerait à des mesures disciplinaires ou pénales.

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