Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
LA GARDE A VUE
0
Année universitaire : 2022/2023
Sommaire
Conclusion
Introduction
Le droit d’aller et venir à son gré est une liberté fondamentale inscrite dans la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen et intégrée dans de la Constitution de 2011. En raison de sa valeur
constitutionnelle, toute atteinte à la liberté individuelle doit être justifiée. C’est ainsi qu’au cours d’une
enquête, un OPJ peut être amené à garder à sa disposition une ou plusieurs personnes pour les nécessités de
l’enquête.
« Nul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi ou condamné en dehors des cas et des formes prévues par la loi.
La détention arbitraire ou secrète et la disparition forcée sont des crimes de la plus grande gravité et
exposent leurs auteurs aux punitions les plus sévères. Toute personne détenue doit être informée
immédiatement, d'une façon qui lui soit compréhensible, des motifs de sa détention et de ses droits, dont
celui de garder le silence. Elle doit bénéficier, au plus tôt, d'une assistance juridique et de la possibilité de
communication avec ses proches, conformément à la loi. »1
Dans un sens international, « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne, nul ne
peut être privé de sa liberté, si ce n’est pas pour motif, et conformément à la procédure prévue par la loi 2 ».
La garde à vue est une mesure privative de liberté prise à l'encontre d'une personne suspectée d'avoir commis
une infraction, lors d'une enquête judiciaire. Elle permet à l'enquêteur d'avoir le suspect à sa disposition pour
pouvoir l'interroger et vérifier si ses déclarations sont exactes. La durée de la garde à vue est limitée. Le
suspect a des droits en tant que gardé à vue, dont celui d'être assisté par un avocat.3
La garde à vue est une mesure portant atteinte à la liberté individuelle. C’est pourquoi, elle est soumise à des
règles et à un formalisme rigoureux. Cette mesure de garde à vue ne peut être prise qu’à l’encontre de
personnes ayant commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement.
Seul l’OPJ est habilité à prendre ces mesures privatives de liberté. Ce droit entraîne des devoirs strictement
définis.
En cas de crime ou délit puni d’une peine d’emprisonnement, l’article 80 du Code de procédure
permet à l’OPJ, agissant dans le cadre d’une enquête préliminaire, -sur autorisation du ministère public- de
garder à sa disposition, pour les nécessité de l’enquête préliminaire, la personne « à l’encontre de laquelle il
existe des indices faisant présumer qu’elle a commis ou tentée de commettre une infraction». La personne en
cause ne peut être retenue plus de quarante -huit heures, mais le parquet peut, avant l’expiration de ce délai,
1
Art 23 de la constitution marocaine 2011
2
Art 9 du pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques
3
https://www.service-public.fr
1
prolonger la garde à vue d’un nouveau délai de vingt-quatre heures, prolongation qui ne peut être accordée
qu’après présentation préalable de l’intéressé au Procureur du Roi ou au Procureur général du Roi.
La personne gardée à vue peut, en cas e prolongation, demander à l’officier de police judicaire de
communiquer avec un avocat. L’entrevue se fait sur autorisation du ministère public à partir de la première
heure de la garde à vue pour un durée n’excédant pas trente minutes sous le contrôle de l’officier de police
judiciaire, dans des conditions garantissant la confidentialité de l’entrevue (art. 80, al.6 et
7.C.P.P).Cependant, si l’O.P.J est dans l’impossibilité d’avoir l’autorisation du ministère public en cas de
l’éloignement, autorise, à titre exceptionnel, l’avocat à communiquer avec la personne gardée à vue ; un
rapport, à cet effet, est immédiatement transmis au ministère public. 4
Après de vives critiques de la doctrine et les recommandations du conseil consultatif des droits
de l’Homme du 24 décembre 1990 qui étaient approuvée par le Roi défunt Hassan II, le CPP a connu la
première réforme législative dans le but de renforcer les droits et libertés individuels, donc il s’agit du
Dahir du 30 décembre 1991 portant promulgation de la loi n° 67- 90 relative à la procédure pénale5
Une telle réforme s’est concrétisée par le Dahir du 3 octobre 2002 portant promulgation de la
loi n° 22-01 relative à la procédure pénale. Mais il ne s’agit que d’une « réforme en trompe l’œil », car
elle n’atteint que partiellement son objectif.
L’intérêt de cette étude est capital, la procédure de garde à vue théoriquement trouve son
importance dans le cadre de la protection des droits de l'homme, c'est pourquoi la loi marocaine se
préoccupe de contrôler cette procédure importante et dangereuse pratiquée par les officiers de police
judiciaire, et qui porte atteinte à une grande partie de la liberté individuelle à un stade où la preuve ne
4
abderrachid chakri, cours de procédure pénale , faculté des sciences juridiques économiques et sociales
Mohammedia, 2019/2020
5
7 ENNFKHAOUI Aziz, « traité de la procédure pénale », Imprimerie Najah Al Jadida, 1 ère Ed 2020, p124
peut pas encore être disponible que la personne a commis le crime. Pratiquement, le législateur marocain
l'a entourée à travers le code de procédure pénale par un ensemble de garanties qui en font une procédure
d'exception, il a donc travaillé à définir les conditions, la durée et d’autres dispositions importantes
inscrites à l'article 66 du même code, conformément l’article 23 de la Constitution du Royaume, et aux
dispositions des conventions internationales ratifiées par le Maroc.
Afin de répondre à cette problématique, notre travail sera divisé en deux chapitres, le premier sera
consacré à l’étude du régime juridique de la garde à vue (chapitre 1), et le deuxième qui sera intéressé aux
garanties accordées aux personnes gardées à vue (chapitre 2).
Il nous semble important de traiter les conditions du placement en garde à vue (section 1) et la
durée de ce placement (section 2)
Cette protection est aussi garantie au sein de l’art. 9 de la déclaration universelle des droits de
l’homme de 1948 qui stipule que « Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ni exilé. » Aussi, au sein
de l’article 5 de la C.E.S.D.H. qui prévoit dans son paragraphe premier que « toute personne a droit à la
liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté », avant d’énumérer les cas de privation de liberté.
De même au sein de l’article 9 du pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques disposant
dans son paragraphe premier que « 1. Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul
ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce
n'est pour des motifs, et conformément à la procédure prévue par la loi. »
La question est de savoir quels sont ces indices ou ces raisons plausibles permettant de mettre une
personne en garde à vue. Deux hypothèses peuvent constituer le fondement de cette mesure.
D’un côté, la garde à vue ne peut concerner que l’individu ayant un rapport avec l’infraction. Le
bon déroulement de l’enquête exige la mise en garde à vue de la personne, à savoir la recherche des moyens
de preuves, et l’identification des auteurs de l’infraction. Ainsi, tout individu ayant la moindre relation avec
l’infraction, pouvant apporter une contribution quelconque aux recherches, ou tout simplement tout suspect,
peut être placé en garde à vue.
De l’autre côté, pour protéger les libertés individuelles, la garde à vue ne peut être décidée que
lorsque la personne ne présente pas de garanties suffisantes pour rester à la disposition de l’O.P.J. qui mène
une enquête, mais cela ne peut se concevoir que dans le cas des délits, car il serait plus difficile de laisser en
liberté une personne soupçonnée d’un homicide volontaire.
Cependant, dans l’état actuel du texte, les libertés individuelles semblent être menacées par la mesure de
la garde à vue. La condition de nécessité prévue par les articles 66 et 80 C.P.P. est ambigüe, car c’est l’O.P.J.
qui apprécie au final si la garde à vue est nécessaire ou non, mais selon quels critères ? Certes, le contrôle
opéré par le procureur du Roi ou le procureur général du Roi et la chambre correctionnelle de la Cour
d’appel semble être une garantie. Mais dans la pratique la seule protection du droit à la sûreté semble être la
conscience de ces officiers quant à la gravité de la mesure de la garde à vue et quant au respect des
instruments internationaux des droits de l’homme.6
Section 2 : Les durées en matière de la garde à vue :
Le législateur marocain a choisi de traiter différemment l’ensemble des infractions dites de droit commun et
un certain nombre d’infractions jugées différentes en raison de leur gravité ou de la complexité des
investigations qu’elles impliquent.
Le délai d’une garde-à-vue est de 48 heures à compter à partir du moment de l’appréhension de la
personne concernée (art. 66 C.P.P.).
En matière de flagrance, l’O.P.J. informe le ministère public de la mesure qu’il a décidée (art. 66,
al. 1er C.P.P.). En revanche, au cours d’une enquête préliminaire une telle mesure ne peut être ordonnée que
sur autorisation préalable de cette autorité (art. 80, al. 1er C.P.P.).
En toutes matières, préliminaire ou de flagrance, une prolongation de la garde-à-vue pour une durée
de 24 heures est possible selon des formalités différentes.
En matière de flagrance, il suffit d’une autorisation écrite du ministère public.
En matière préliminaire, la prolongation nécessite que la personne gardée à vue soit présentée avant la fin du
délai initial au procureur du Roi qui l’autorise si nécessaire, après l’avoir entendue, en vertu d’un acte écrit
(art. 80, al. 2 C.P.P.). Par exception à cette règle, le ministère public peut autoriser la prolongation sans
entendre la personne en vertu d’une décision motivée (art. 80, al. 5 C.P.P.).
Des dispositions différentes sont prévues lorsque l’O.P.J. voudrait procéder à une garde à vue relative
à une infraction contre la sécurité intérieure ou extérieure de l’Etat ainsi qu’en matière de terrorisme.
Au cours d’une enquête de flagrance, l’art. 66 C.P.P. dispose que « lorsqu’il s’agit d’atteinte à la sécurité
intérieure ou extérieure de l’Etat, le délai de la garde à vue est de 96 heures renouvelable une seule fois sur
autorisation du ministère public » (al. 3).
6
« Lorsqu’il s’agit d’une infraction en matière de terrorisme, le délai de la garde à vue est de 96 heures
renouvelable deux fois, pour une durée de 96 chaque fois, sur autorisation écrite du ministère public » (al. 4).
Pour l'enquête préliminaire, l’art. 80 C.P.P. prévoit des dispositions presque identiques. L’al. 5 de cet
article prévoit qu’ « il est exceptionnellement possible que l’autorisation citée soit délivrée en vertu d’une
7
décision motivée, sans que la personne ne soit présentée au ministère public ».
Les durées de placement en garde à vue et leur prolongement
La Constitution marocaine a consacré les différents droits de l’homme énoncés dans la Déclaration
universelle des droits de l’homme ; en outre, elle stipule la primauté des conventions internationales telles
que ratifiées par le Maroc sur les législations nationales, en soulignant la nécessité d’harmoniser ces
7
Etude : Les garanties fondamentales durant la garde à vue au Maroc , Publication du Centre d’études en Droits Humains et
Démocratie (CEDHD) 1e édition, juin 2020
législations avec les dispositions des conventions internationales.
À cet égard, la Constitution comprend un certain nombre de garanties relatives au placement en garde à vue,
qui sont conformes aux règles du procès équitable et aux garanties de prévention de la torture. Ces garanties
peuvent être énumérées comme suit:
L'examen médical :
Le CPP a réuni les dispositions légales relatives à l’intervention médicale bénéficiant aux personnes placées
en garde à vue par le biais d’un certain nombre de matières juridiques qui visent à mettre en application les
meilleurs principes énoncés dans les chartes internationales connexes. C’est ainsi que l’article 73, alinéa 2,
du CPP dispose que « Dans le cas de crime flagrant, l’avocat choisi ou désigné a le droit d’assister à
l’interrogatoire ; il a également le droit de solliciter un examen médical de son client. Le procureur général
du Roi doit soumettre le prévenu à un examen médical si la demande lui en est faite ou s’il constate des
traces physiques justifiant cet examen. S’il s’agit d’un mineur qui porte des signes de violence ou qui se dit
avoir été exposée à la violence, le représentant du parquet général est tenu de le soumettre, avant
l’interrogatoire, à un examen médical entrepris par un médecin… L’avocat du mineur peut demander la
réalisation de l’examen évoqué».
Le médecin est chargé de se prononcer sur l'aptitude de l'intéressé à être maintenu en garde à vue, mais
l'officier de police judiciaire et le magistrat superviseur ne sont pas tenus en droit de suivre l'avis du
médecin. Le médecin doit aussi procéder à toutes constatations utiles, ce qui lui permet de relever le cas
échéant les traces des sévices qu'aurait subi le gardé à vue.
Le certificat qu'il établit est communicable non seulement aux enquêteurs et au magistrat mais aussi au
gardé à vue et à son avocat.
La législation marocaine a investi le procureur du Roi de la possibilité de se rendre sur les lieux de
placement en garde à vue chaque fois qu’il/elle le juge nécessaire. L’autorité que le/la procureure du Roi
exerce sur la PJ se voit ainsi dans le suivi des actes et comportements de la PJ lorsque ceux-ci émanent d’elle
en cette qualité, et se reflète dans le suivi de toute irrégularité ou tout manquement attribué aux officiers/ères
de la PJ pendant l’exercice de leurs fonctions, qu’il constate personnellement, parvient à sa connaissance ou
qui lui est rapporté. Le souci que le parquet général accorde à la légalité des actes entrepris .
A cet effet, le CPPM a confié au ministère public le rôle central de contrôler les mesures de la garde-à-vue.
Un contrôle qui s'effectue à deux niveaux : le contrôle de la décision de placement en garde-à-vue (A) et le
contrôle des conditions entourant son exécution (B).
A- Contrôle de la décision
Le dernier alinéa de l'article 66 du CPPM affirme que « le ministère public contrôle le placement en garde-à-
vue. Il peut, à tout moment, ordonner d'y mettre fin ou de déférer la personne retenue devant lui ».
La première des obligations de l'officier de police judiciaire à cet égard est un devoir d'information. Le
dernier alinéa de l'article 67 du CPPM dispose que l'OPJ «... doit adresser chaque jour au ministère public
une liste des personnes mises en garde-à-vue dans les 24 heures précédentes ». Mais, un contrôle effectif ne
peut pas se contenter d'une information qui aurait lieu 24 heures après l'acte. Ainsi, le législateur impose
d'informer le ministère public de chaque mise en garde-à-vue : « ... le ministère public en est
informé408 ».
dans les enquêtes préliminaires, l'article 80 du CPPM dispose que l'officier de police judiciaire ne peut
mettre le suspect en garde à vue que sur l'autorisation préalable du Procureur du Roi. En comparaison avec
les enquêtes de flagrance, celles-ci entraînent toujours des procédures spécifiques ouvrant aux policiers un
pouvoir d'arrestation, caractérisé par l'extension des pouvoirs coercitifs. Par ailleurs, l'enquête préliminaire a
pour objet de procéder à des investigations destinées à fournir au Procureur du Roi les renseignements
relatifs à un fait susceptible de constituer infraction afin qu'il puisse décider de la suite aux termes de la
loi439.
Le procureur du Roi est donc tenu de visiter les locaux de la garde-à-vue une fois par semaine au moins,
contre une fois par an pour son homologue français 45, afin de vérifier les conditions dans lesquelles les
8
9
El Idrissi Abdelaziz, Op.cit., p 32
10
Art 45 du CPPM
personnes sont retenues. Ces conditions qui doivent respecter la dignité humaine, notamment au niveau
sanitaire.
D'un autre côté, le registre prévu par le CPPM doit faire état du déroulement de la garde- à-vue. Ainsi, le
procureur peut vérifier le traitement subi par les personnes retenues et apprécier si l'officier de police
judiciaire respecte ou non les dispositions légales, ordonner les mesures conformément au dernier alinéa de
l'article 66 du CPPM. Les prérogatives du ministère public à cet égard semblent assez larges pour lui
permettre également de recourir à toute mesure utile en vue de vérifier si la personne placée en garde-à-vue
est en état de subir cette mesure, notamment la soumission de celle-ci à un examen médicale.
Conclusion
Le droit d’attenter à la liberté individuelle en plaçant quelqu’un en garde à vue s’exerce dans un cadre légal
très rigoureux. Ce pouvoir, accordé aux officiers de police judiciaire, peut paraître exorbitant, mais il n’est
que l’expression de la puissance publique. Parce qu’il restreint l’exercice d’une liberté fondamentale, des
dispositions législatives précises garantissent à la personne qui en est privée, le respect de sa dignité et le
droit d’assurer sa défense.
L’Officier de Police Judiciaire exerce cependant ses fonctions sous la direction du Procureur du roi, sous la
surveillance du le procureur général du Roi et sous le contrôle du ministère public. En cas de manquement,
l’OPJ s’exposerait à des mesures disciplinaires ou pénales.