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GROUPE SOS EDITION

ARTICLE DE DOCTRINE

THÈME : Les mesures restrictives de liberté au cours de

l’instruction préparatoire dans le nouveau Code de Procédure

Pénale.

Par ESSEHI EBA FRANÇOIS1

LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

Al. : Alinéa
Ancien CPP : Ancien Code de Procédure Pénale
Art. : Article
CP : Code pénal
Chap. : Chapitre
CNDHCI : Commission Nationale des Droits de l’Homme
MJDH : Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme
MAC : Maison d’Arrêt et de correction
NCPP : Nouveau Code de Procédure Pénale
OIDH : Observatoire Ivoirien des Droits de l’Homme
OPJ : Officier de police judiciaire.
OSIWA: Open Society Initiative for West Africa
Par. : Paragraphe
Sect. : Section

1
- Auditeur de Justice, Promotion 2016 (École de la Magistrature de Côte d’Ivoire) ; DEA en Droit Privé
Fondamental (Université Felix HOUPHOUËT-BOIGNY d’Abidjan).
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INTRODUCTION

« Je vous en supplie Monsieur le Juge, je ne veux pas que mon dossier passe en cabinet ! S’il vous plait
Maitre, faites en sorte que le dossier de mon parent ne passe en cabinet ! » Ces phrases, si elles peuvent
paraitre ambigües et équivoques pour les profanes, ne sont nullement méconnues des
Magistrats, des Avocats et des autres acteurs de la chaine pénale, qui en connaissent le sens
véritable, à force de les entendre au quotidien.

En effet, à travers ces boutades, les justiciables, surtout ceux connaissant des démêlés
avec la justice pénale expriment leur crainte de voir la procédure dans laquelle ils sont
impliqués déboucher sur l’ouverture d’une information judiciaire par la saisine d’un Juge
d’instruction qui sera chargé de faire triompher la vérité. Toutefois, il convient de prime abord
de rassurer les uns et les autres en soulignant que l’ouverture d’une information judiciaire n’est
pas toujours laissée au pouvoir souverain d’appréciation des Magistrats du Parquet. Dans
certaines hypothèses, l’instruction préparatoire, loin d’être un choix pour les membres du
Ministère Public, constitue en réalité une obligation légale pour ces derniers, qui ne peuvent
mettre en mouvement l’action publique que suivant ce mode de poursuite. Il en est ainsi en cas
d’infraction qualifiée crime par la loi pénale (art. 96 NCPP)2, en cas d’infraction commise par
un mineur (art. 804 NCPP)3 ou pour certains délits, lorsque la loi en dispose ainsi (art. 96 NCPP
et art. 225 CP)4.

Cette crainte presque révérencielle des justiciables vis-à-vis de l’information judiciaire


trouve sa source fondamentale dans la complexité que revêt ce mode de poursuite, dans sa
lenteur et surtout dans le caractère contraignant de la plupart des mesures pouvant être
ordonnées par le magistrat instructeur au cours de cette phase préparatoire du procès pénal.
Pour la majorité des justiciables, surtout pour ceux qui ont déjà été confrontés à la justice
pénale, il est préférable d’être poursuivi directement devant les juridictions de jugement soit
suivant la procédure de flagrant délit (même si elle peut parfois paraitre expéditive, cette

2
- Art. 96 CPP « L’instruction préparatoire est obligatoire en matière de crime ; sauf dispositions spéciales,
elle est facultative en matière de délit. »
3
- art. 804 CPP « En cas de crime, de délit ou de contravention commis par un mineur de dix-huit ans, le Procureur
de la République en saisit le juge des enfants. En aucun cas, il ne peut être suivi contre le mineur, selon la
procédure de flagrant délit ou de citation directe. »
4
- art. 25 CP « Tout fonctionnaire qui détourne ou dissipe, en tout ou partie des deniers publics ou privés, effets
ou titres en tenant lieu, qui sont entre ses mains en vertu de ses fonctions, est puni d'un emprisonnement de cinq
ans à dix ans et d'une amende de 300.000 à 3.000.000 de francs. Les poursuites engagées en application du
présent article doivent obligatoirement faire l'objet d'une instruction préparatoire. Le juge d'instruction,
après avoir procédé aux formalités de première comparution, doit, si l'inculpation est maintenue, ordonner
le séquestre des biens de l'inculpé. »
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procédure a, au moins le mérite de fixer le sort définitif du mis en cause, qui une fois jugé et
condamné, peut prétendre au bénéfice de certaines largesses de la pratique judiciaire telles que
le sursis, la liberté conditionnelle ou même la grâce) soit suivant celle de la citation directe,
encore plus flexible que la première ( le prévenu poursuivi suivant la procédure de citation
directe étant obligatoirement remis en liberté pour être cité à comparaitre libre à l’audience ;
dans la plupart des cas, les peines d’emprisonnement prononcées ne sont pas assorties d’un
Mandat de Dépôt).

La crainte des justiciables est encore plus accentuée lorsqu’au cours de l’instruction
préparatoire, le Juge d’instruction, proprio motu ou à la demande du Parquet5, décerne Mandat
de dépôt contre l’inculpé, de sorte que ce dernier est placé en détention préventive. Pour dire
vrai, la détention préventive s’avère être la principale raison pour laquelle les justiciables
redoutent l’information judiciaire. Cette mesure privative de liberté cristallise toutes les
attentions et les critiques, même de la part de certains acteurs de l’appareil judiciaire,
notamment les Avocats, principaux intermédiaires entre les juridictions et les justiciables, qui
ne cessent de dénoncer, les placements systématiques des inculpés sous Mandat de dépôt (
alors même que la loi dispose clairement que la liberté est de droit, la détention préventive une
mesure exceptionnelle)6, les longues durées de détention, les détentions maintenues au-delà
des délais légaux, les détentions préventives sans cesse renouvelées. Des structures étatiques
telles que la Direction de l’Administration Pénitentiaire du Ministère de la Justice (DAP), la
Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDHCI) ainsi que des organisations non
gouvernementales telles que PRISONNIERS SANS FRONTIÈRES7, AMNESTY INTERNATIONAL
ou HUMANS RIGHTS WATCH ont, en partie, attesté de la réalité de ces critiques.

En effet, les rapports produits par ces structures révèlent qu’environ 40%8 des détenus
dans les maisons d’arrêts et de correction de Côte d’Ivoire sont en détention préventive,
conduisant ainsi à la surpopulation carcérale9. Dans son rapport de visites des Maisons d’Arrêt
et de Correction de Côte d’Ivoire effectuées entre janvier et avril 2018, la CNDHCI a relevé,

5
- art. 97 al. 2 du CPP « Le réquisitoire peut être pris contre personne dénommée ou non dénommée. Il doit être
motivé lorsque le placement de la personne sous contrôle judiciaire ou en détention préventive est sollicité ».
6
- art. 153 CPP « La liberté est de droit (…) la détention préventive des mesures exceptionnelles. »
7
- Association fondée en 1995 ayant pour objet de contribuer à l’application effective des Droits de l’Homme
consacrés par la Déclaration Universelle, 13 Rue des Amiraux, 75018 Paris.
8
- www.prsf.fr/pays-d-intervention/cote-d-ivoire ; www.linfodrome.com/societe-culture/34824
9
- Selon la CNDHCI, alors que la capacité d’accueil théorique de l’ensemble des MAC de Côte d’Ivoire avoisine
7970 places, se sont en réalité 15025 détenus qui y vivent, soit un taux d’occupation de 175%, avec un
surnombre estimé à 7055 détenus ; CNDHCI, Rapport de visite des Maisons d’Arrêt et de Correction de Côte
d’Ivoire, Janvier-avril 2018.
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par exemple, qu’à la MAC de Man, sur un effectif de 1351 détenus, 673 sont en détention
préventive ; à la MAC de Bongouanou, l’on compte 97 détenus préventifs sur un effectif total
de 154 personnes ; à la MAC de Dabou, sur un effectif de 108 détenus, l’on dénombre 96
personnes en détention préventive ; à la MAC de Gagnoa, 131 des détenus sur un effectif total
de 355 personnes sont en détention préventive10. En 2017, sur un effectif total de 14.414
détenus, cette structure a dénombré 5.314 détenus préventifs, soit un taux de 36,77%11 alors
même que les standards internationaux recommandent que ce taux n’excède pas 25%.

Tirant les conséquences de toutes ces critiques, qui bienheureusement ne sont pas
toujours fondées, le Législateur ivoirien, s’inspirant notamment des conventions
internationales ratifiées par l’État de Côte d’Ivoire et de la législation pénale française, va, à
travers la loi n°2018-975 du 27 décembre 2018 portant nouveau Code de procédure pénale,
opérer une refonte du régime juridique de la détention préventive et, instituer par la même
occasion, une nouvelle mesure restrictive de liberté pendant l’instruction préparatoire. Ce
nouveau Code qui prône le strict respect des droits de la défense, la célérité des procédures
judiciaires, la réduction de la durée de la détention préventive et la réduction des cas de recours
systématiques au placement en détention, a, en outre institué une nouvelle mesure restrictive
de liberté pendant la phase préparatoire du procès pénal. Moins contraignante que la
détention préventive, cette mesure est dénommée Le Contrôle judiciaire. Palliatif de la
détention préventive, le contrôle judiciaire, peut être ordonné dans tous les cas où les
circonstances de la cause n’imposent pas au Juge d’instruction de décerner Mandat de Dépôt
à l’encontre de l’inculpé. Désormais, aux termes de l’art. 153 du NCPP, il convient de retenir
qu’au cours de l’instruction préparatoire « La liberté est de droit, le contrôle judiciaire et la
détention préventive des mesures exceptionnelles. ».

Quel est le régime juridique de ces deux mesures restrictives de liberté ? Quelles sont
les spécificités de chacune de ces mesures ? En quoi a consisté la refonte du régime de la
détention préventive ? Quels sont les nouveaux délais de détention fixés par le NCPP ? Le
contrôle judiciaire peut-il s’avérer efficace ? Cette mesure est-elle adaptée aux réalités sociales
ivoiriennes ? Le contrôle judiciaire peut-il véritablement garantir la représentation de l’inculpé
aux différents actes de procédure ?

10
-CNDHCI, Rapport de visite des Maisons d’Arrêt et de Correction de Côte d’Ivoire, Janvier-avril 2018,
11
CNDHCI, Rapport annuel 2017, L’état des droits de l’homme en Côte d’Ivoire, P.9
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Nous tenterons de répondre à toutes ces questions en analysant, d’une part, le régime
juridique du contrôle judiciaire (Chap. I) et, d’autre part, celui de la détention préventive
(Chap. II)

CHAP. I : LE CONTRÔLE JUDICIAIRE, UNE NOUVELLE MESURE RESTRICTIVE


DE LIBERTÉ SUSCEPTIBLE D’ÊTRE ORDONNÉE AU COURS DE L’INSTRUCTION
PRÉPARATOIRE.

Loi n°2018-975 du 27 décembre 2018 portant nouveau Code de procédure pénale,


s’inscrivant de la droite ligne de la Constitution du 08 novembre 2016, qui prône le strict
respect des droits et libertés fondamentales reconnus aux personnes vivant sur le territoire de
la République de Côte d’Ivoire, notamment le droit d’aller et venir et le droit à la présomption
d’innocence, a institué une nouvelle mesure privative de liberté susceptible d’être ordonnée à
l’encontre de tout inculpé. Cette mesure, dénommée Contrôle judiciaire est régie par les
articles 153 à 161 de la loi susvisée. Elle consiste essentiellement pour le Juge d’instruction,
sans qu’il soit besoin de placer l’inculpé en détention, à imposer à ce dernier une ou plusieurs
obligations en vue de garantir son maintien à la disposition de la justice et assurer ainsi sa
représentation aux actes de procédure. Cette mesure ne peut être ordonnée que par
ordonnance motivée et lorsque certaines conditions sont réunies (Sect. 1). Le contrôle
judiciaire peut prendre fin de deux manières et à toute étape de la procédure (Sect. 2).

SECT. I : LES CONDITIONS DU CONTRÔLE JUDICIAIRE ET LES OBLIGATIONS


SUSCEPTIBLES D’ÊTRE MISES A LA CHARGE DE L’INCULPE.

Le contrôle judiciaire ne peut être ordonné que si certaines conditions sont réunies
(Par. 1). Cette mesure implique la soumission de l’inculpé à plusieurs obligations dans le but
de le maintenir à la disposition de la Justice (Par. 2).

Par. 1. Les conditions requises pour le placement sous contrôle judiciaire.

Il résulte des dispositions de l’art. 154 al. 1er du NCPP que « Le contrôle judiciaire peut être
ordonné par le juge d'instruction à toute étape de la procédure dans le cas où l’inculpé encourt une peine
d'emprisonnement. » Cette disposition pose une double exigence. La première est relative à la
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nature de la sanction pénale encourue par la personne poursuivie, tandis que la seconde a trait
à la nature de l’acte devant matérialiser le contrôle judiciaire.

D’une part, il s’induit du texte susvisé que le contrôle judiciaire ne peut être ordonné
qu’à l’encontre d’un inculpé qui encourt une peine d’emprisonnement. Autrement dit,
l’infraction ou le chef d’inculpation retenu à l’encontre de la personne poursuivie doit être
sanctionné par ’une peine privative de liberté. Ainsi, si l’information judiciaire a été ouverte
pour des faits passibles d’une peine d’amende, ce qui est d’ailleurs rare en pratique (sauf en cas
de contraventions connexes à un délit ou à un crime), l’inculpé ne pourra faire l’objet d’un
contrôle judiciaire.

D’autre part, l’al. 1er de l’art. 154 du NCPP dispose que « Le contrôle judiciaire peut être
ordonné par le Juge d'instruction(…) ». Il ressort de cette disposition que cette mesure restrictive de
liberté doit être constatée par une décision du magistrat instructeur, en l’occurrence une
ordonnance. Le contrôle judiciaire peut être ordonné d’office par le magistrat instructeur.
Cette mesure peut également être requise par le Procureur de la République, dans son
réquisitoire introductif, lequel doit dans ce cas être obligatoirement motivé, ainsi qu’il résulte
de l’art. 97 du NCPP. L’ordonnance de placement sous contrôle judiciaire, qui doit être
spécialement motivée par le Juge d’instruction en rapport avec les mesures envisagées, peut
intervenir à toute étape de la procédure comme l’indique l’art. 156 al. 1 et 2 du NCPP. Le Juge
d’instruction doit, aux termes de l’art. 157 du NCPP, désigner dans ladite ordonnance, le service
chargé d’assurer le suivi de la mesure de contrôle judiciaire et de lui rendre compte en cas de
difficultés. Ce service pouvant être soit, un service de police ou de gendarmerie soit un service
social ou une association qualifiée régulièrement déclarée. Si l’ordonnance de placement en
détention préventive peut faire l’objet d’appel de la part de l’inculpé devant la Chambre
d’instruction, aux termes de l’art. 22012 du NCPP, un doute subsiste quant à l’exercice de cette
voie de recours en ce qui concerne la décision ordonnant le contrôle judiciaire. Ce qui peut
paraitre surprenant, d’autant plus qu’il s’agit d’une décision juridictionnelle. En effet, l’art. 220
du NCPP qui énumère la liste des ordonnances du Juge d’instruction susceptibles de faire
l’objet d’appel de la part de l’inculpé ne mentionne nullement l’ordonnance de placement sous
contrôle judiciaire. Toutefois, la demande de mainlevée ou de modification du contrôle

12
- Art. 220 NCPP « Le droit d’appel appartient à l’inculpé contre l’ordonnance : 1° par laquelle le juge
d’instruction statue sur sa compétence ; 2° déclarant recevable la constitution de partie civile ; 3° sur la
restitution d’objets saisis ; 4° rejetant sa demande d’expertise, de complément d’expertise ou de contre-
expertise ; 5° de placement en détention préventive, de prolongation de sa détention ou de refus de mise en
liberté ; 6° de renvoi en police correctionnelle ; 7° de renvoi devant le tribunal de simple police.
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judiciaire qui a été rejetée ou qui n’a pas été traitée par le Juge d’instruction dans le délai de
cinq (05) jours peut être directement adressée par l’inculpé à la Chambre d’instruction,
laquelle se prononce dans les quinze jours de sa saisine. À défaut, la mainlevée du contrôle
judiciaire est acquise de plein droit, conformément aux dispositions de l’art. 158 du NCPP.

Quelles sont les obligations susceptibles d’être mises à la charge de l’inculpé dans le
cadre du contrôle judiciaire ?

Par. 2. Les obligations susceptibles d’être mises à la charge de la personne


concernée.

Le contrôle judiciaire est une mesure restrictive de liberté par le biais de laquelle le Juge
d’instruction astreint l’inculpé à une ou plusieurs obligations dans le but de garantir sa
représentation aux actes de procédure, sans pour autant le placer en détention.

Aux termes de l’art. 154 du NCPP, ce contrôle astreint la personne concernée à se


soumettre, selon la décision du Juge d'instruction, à une ou plusieurs des obligations ci-après
énumérées :

1- ne pas sortir des limites territoriales déterminées par le juge d'instruction ;


2- ne s'absenter de son domicile ou de la résidence fixée par le juge d'instruction
qu'aux conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat ;
3- ne pas se rendre en certains lieux ou ne se rendre que dans les lieux déterminés par
le juge d'instruction ;
4- se présenter périodiquement aux services ou autorités désignés par le juge
d'instruction ;
5- répondre aux convocations de tous services ou autorités désignés par le juge
d'instruction ;
6- remettre soit au greffe, soit à un service de police ou à une brigade de
gendarmerie tous documents justificatifs de l'identité, et notamment le passeport,
en échange d'un récépissé valant justification de l'identité ;
7- s'abstenir de conduire tous les véhicules ou certains véhicules et, le cas échéant,
remettre au greffe son permis de conduire contre récépissé ;
8- s'abstenir de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement
désignées par le juge d'instruction, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de
quelque façon que ce soit ;
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9- fournir un cautionnement dont le montant et les délais de versement, en une ou


plusieurs fois, sont fixés par le juge d'instruction, compte tenu notamment des
ressources et des charges de la personne inculpée ;
10- ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale, à
l'exclusion de l'exercice des mandats électifs et des responsabilités syndicales,
lorsque l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de
ces activités et lorsqu'il est à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise ;
lorsque l'activité concernée est celle d'un avocat, le conseil de l'ordre, saisi par le
juge d'instruction, a seul le pouvoir de prononcer cette mesure à charge
d'appel ; le conseil de l'ordre statue dans les quinze jours ;
11- ne pas émettre de chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le retrait
de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et, le cas échéant,
remettre au greffe les formules de chèques dont l'usage est ainsi prohibé ;
12- ne pas détenir ou porter une arme et, le cas échéant, remettre au greffe contre
récépissé les armes dont elle est détentrice ;
13- constituer, dans un délai, pour une période et un montant déterminés par le juge
d'instruction, des sûretés personnelles ou réelles ;
14- en cas d'infraction commise soit contre son conjoint, soit contre ses enfants ou
ceux de son conjoint, résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le
cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux
abords immédiats de celui-ci ; ces dispositions sont également applicables
lorsque l'infraction est commise par l'ancien conjoint de la victime, le domicile
concerné étant alors celui de la victime ;
15- se soumettre à des mesures d’examen, de traitement ou de soin, même sous le
régime de l’hospitalisation, notamment aux fins de désintoxication.

Il convient de relever que bien avant l’adoption du NCPP, qui a légalement consacré le
contrôle judiciaire, certains Magistrats instructeurs, au cours de la conduite de leurs
différentes procédures, imposaient déjà certaines des obligations sus-énumérées à des
inculpés. Il s’agissait notamment des obligations consistant à ne pas sortir des limites du
territoire de la République, à se présenter périodiquement aux services ou autorités
désignés par le Juge d'instruction ( dans la plupart des cas se sont des unités de Gendarmerie
ou de Police qui étaient désignées), à répondre aux convocations de tous services ou autorités,
à remettre tous documents justificatifs de l'identité, et notamment le passeport, ou fournir un
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cautionnement dont le montant et les délais de versement étaient fixés par le Juge
d'instruction. Toutes ces mesures antérieurement prises par le Juge d’instruction sur le
fondement de l’art. 79 de l’ancien CPP qui disposait que « Le juge d'Instruction procède, conformément
à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité. » pourront désormais
être ordonnées par ce Magistrat dans le cadre du contrôle judiciaire, mesure pouvant cesser à
toute étape de la procédure.

SECT. II : LA FIN DU CONTRÔLE JUDICIAIRE

Contrairement à la détention préventive dont les délais sont expressément fixés par la
loi, le NCPP n’a pas assorti le contrôle judiciaire d’un délai. Ainsi, un contrôle judiciaire
ordonné à l’encontre d’un inculpé peut durer aussi longtemps que cela est nécessaire. Si la
procédure dure plusieurs années, ce qui n’est pas rare en pratique, les obligations mises à la
charge de la personne poursuivie peuvent subsister pendant toutes ces années. Toutefois, cette
mesure peut prendre fin à toute étape de la procédure par la mainlevée ordonnée par le Juge
d’instruction (Par. 1). Elle peut également cesser, en cas de violation volontaire des obligations
mises à la charge de l’inculpé, par le placement de ce dernier en détention préventive (Par. 2).

Par. 1. La mainlevée du contrôle judiciaire

Selon l’art. 158 du NCPP, la mainlevée du contrôle judiciaire peut être ordonnée à tout
moment par le Juge d'instruction, soit d'office, soit sur les réquisitions du Procureur de la
République, soit à la demande de la personne placée sous contrôle judiciaire après avis du
Procureur de la République.

Il résulte de cette disposition que si le Juge d’instruction peut ordonner d’office la


mainlevée du contrôle judiciaire, celle-ci peut également lui être demandée par le Procureur de
la République ou par l’inculpé, premier concerné par cette mesure restrictive de liberté.
Lorsque la demande de mainlevée émane de l’inculpé, celle-ci doit être communiquée au
Parquet afin de recueillir son avis.

Le magistrat instructeur saisi d’une demande de mainlevée du contrôle judiciaire soit à


la suite des réquisitions du Procureur de la République soit à la suite d’une demande de
l’inculpé ayant fait l’objet de déclaration au Greffe de la juridiction d’instruction doit statuer
dans un délai de cinq (05) jours, conformément à l’art. 158 al. 2 du NCPP. Faute par le Juge
d'instruction d'avoir statué dans ce délai, le Procureur de la République ou la personne
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placée sous contrôle judiciaire peut saisir directement la Chambre d’Instruction qui, sur les
réquisitions écrites et motivées du Procureur général, se prononce dans les quinze (15)
jours de sa saisine. À défaut, la mainlevée du contrôle judiciaire est acquise de plein droit.
L’inculpé étant de ce fait déchargé de toutes les obligations mises à sa charge.

Si le contrôle judiciaire peut cesser suite à une mainlevée, il peut également prendre fin
en raison du placement de l’inculpé en détention préventive.

Par. 2. La fin du contrôle judiciaire suite au placement de l’inculpé en


détention préventive.

Si la mainlevée du contrôle judiciaire est le mode normal de cessation de cette mesure


restrictive de liberté, il convient de relever que celle-ci peut également prendre fin à la suite du
placement de la personne poursuivie en détention préventive.

En effet, si l’inculpé se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire,


le Juge d'instruction le convoque ou le fait comparaître devant lui par tous moyens pour
l’entendre en ses explications. Le Juge d’instruction décide soit du maintien du contrôle
judiciaire soit d’un placement de l’inculpé en détention préventive, quelle que soit la peine
privative de liberté encourue. Par ailleurs, si la personne se soustrait aux obligations du
contrôle judiciaire alors qu'elle est renvoyée devant la juridiction de jugement, le Ministère
public peut saisir le Tribunal correctionnel ou, en matière criminelle, la Chambre d’Instruction
qui la convoque ou la fait comparaître par tous moyens pour l’entendre en ses explications. La
juridiction décide soit du maintien du contrôle judiciaire soit d’un placement de l’intéressé
en détention préventive, quelle que soit la peine d’emprisonnement encourue. En cas
d’urgence, la juridiction est spécialement réunie.

Il s’induit de ce qui précède que le non-respect par l’inculpé des obligations mises à sa
charge peut conduire à son placement en détention préventive, mettant ainsi fin à la mesure
de contrôle judiciaire ordonnée à son encontre. Cela peut aisément s’analyser en une sanction,
d’autant plus que le contrôle judiciaire, même s’il restreint la liberté de l’inculpé à plusieurs
égards, est nettement plus avantageux que la détention préventive, mesure qui impose que
l’inculpé à l’encontre duquel un Mandat de dépôt doit obligatoirement être décerné par le Juge
d’instruction, soit immédiatement placé dans une Maison d’Arrêt et de Correction, où en
pratique, ce dernier est détenu dans les mêmes cellules et est astreint aux mêmes obligations
que celles imposées aux condamnés, alors même que suivant les dispositions du Décret n°69-189
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du 14 mai 1969 portant règlementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des
peines privatives de liberté, l’inculpé doit être séparé des condamnés.

Si le contrôle judiciaire a été introduit dans l’arsenal juridique ivoirien par l’entremise
du NCPP, cela n’est nullement le cas de la détention préventive qui avait déjà été consacrée par
loi n° 60-366 du 14 novembre 1960, qui en fixait, les délais, les modalités de prolongation ainsi
que les conditions dans lesquelles elle prenait fin.

CHAP. II : LA DÉTENTION PRÉVENTIVE, UNE ANCIENNE MESURE RESTRICTIVE


DE LIBERTÉ REFONDÉE PAR LE NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE.

L’alinéa 1er de l’art. 98 du NCPP dispose que « Le juge d’Instruction procède, conformément à
la loi, à tous les actes d’information qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité. Il instruit à charge et à
décharge.». Ainsi, pour parvenir à la manifestation de la vérité, raison d’être de l’information
judiciaire, la loi a conféré d’énormes pouvoirs au Juge d’instruction. Il peut à cet effet, réaliser
ou faire réaliser par des OPJ, commis rogatoirement, tous les actes d’information qu’il juge
nécessaires à la manifestation de la vérité. Il peut également prescrire toute mesure utile au
succès de ses investigations, notamment le maintien des personnes inculpées à la disposition
de la justice afin de garantir leur représentation aux actes de procédure.

Avant l’institution du contrôle judiciaire, le maintien d’un inculpé sous main de justice
ne pouvait être obtenu qu’à la suite de son placement en détention préventive, mesure
restrictive de liberté antérieurement régie par les articles. 137 à 150 de la loi n°60-366 du 14
novembre 1960 portant Code de procédure pénale. Conscient de la désuétude de ces dispositions, de
leur inéquation avec les réalités sociales nouvelles, de leur non-conformité à la Constitution de
2016 et aux Conventions internationales ratifiées par l’État de Côte d’Ivoire, lesquelles prônent
un respect plus accru des droits de l’Homme, le Législateur ivoirien va, par le biais de la Loi
n°2018-975 du 27 décembre 2018 portant nouveau Code de procédure pénale, opérer une refonte du régime
juridique de la détention préventive.

Cette loi qui prévoit de nouveaux délais de détention ainsi que de nouvelles modalités
de prolongation, impose désormais aussi bien aux Magistrats du Parquet qu’au Juge
d’instruction, des conditions légales préalables à satisfaire avant le placement d’une personne
poursuivie sous Mandat de dépôt (Sect.1). Par ailleurs, le NCPP a institué de nouvelles règles
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devant régir la mise en liberté provisoire et à également réglé le sort de l’inculpé qui demeure
en détention, après l’intervention de l’ordonnance de règlement du Juge d’instruction (Sect.2).

SECT. I : LES CONDITIONS PRÉALABLES DU PLACEMENT EN DÉTENTION


PRÉVENTIVE, LES NOUVEAUX DÉLAIS DE DÉTENTION ET LE RÉGIME DE LA
PROLONGATION DE LA DÉTENTION.

Le placement en détention d’une personne poursuivie suivant les nouveaux délais de


détention (Par.2) ne peut être requis par le Procureur de la République et ordonné par le
Magistrat instructeur que si certaines conditions légales sont réunies (Par.1).

Par. 1. Les conditions préalables

Les articles 162 et 163 du NCPP prévoient des conditions dont la réunion est nécessaire
pour le placement d’un inculpé en détention préventive.

En effet, suivant l’art. 162 du NCPP, la détention préventive ne peut être ordonnée
que si l’inculpé encourt une peine privative de liberté d’au moins deux (02) ans. Ainsi,
depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2018-975 du 27 décembre 2018, aucun inculpé ne peut
être placé en détention préventive si l’infraction pour laquelle il est poursuivi n’est pas passible
d’une peine privative de liberté d’au moins deux (02) années. Il s’induit de cette première
condition qu’une personne poursuivie notamment pour des faits de vagabondage (puni d'une
peine de trois à six mois d'emprisonnement, art. 189 du CP), de mendicité (puni d'un
emprisonnement de trois à six mois, art.190 du CP), d’adultère (punis d’un emprisonnement
de deux mois à un an, art.391 du CP), de rébellion à l’égard d’un fonctionnaire, sauf si
l’auteur ou l’u des auteurs est porteur d’une arme apparente (puni d'un emprisonnement de
trois mois à un an, art. 258 al. 1er du CP), de violation de secret professionnel par un
dépositaire (puni d'un emprisonnement d’un à six mois, art.383 alinéa 1er du CP) ou de
défaut de maitrise, sauf si cette infraction est connexe avec un délit passible d’une peine
d’emprisonnement d’au moins deux (02) années tel que l’homicide involontaire ( art.353 alinéa
1er du CP) ne peut faire l’objet de placement en détention préventive.

Toutefois, cette condition tenant au quantum de la peine d’emprisonnement encourue


par la personne poursuivie n’est plus exigée lorsque, d’une part, l’inculpé est en état de récidive
ou s’il a été déjà condamné à une peine privative de liberté sans sursis, quelle qu’en soit la durée
(art. 162 al. 2 NCPP) et, d’autre part, lorsque l’inculpé se soustrait volontairement aux
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obligations du contrôle judiciaire. Dans ce cas, le Juge peut décider de son placement en
détention préventive, quelle que soit la peine privative de liberté encourue (art.160 al. 1er et 163
al. 2 NCPP).

L’article 163 du NCPP prévoit une autre condition pour le placement d’un inculpé en
détention préventive. Celle-ci a trait à l’objectif poursuivi par cette mesure restrictive de
liberté. En effet, aux termes de la disposition précitée, la détention préventive ne peut être
prononcée ou prolongée que par ordonnance motivée du Juge d’instruction démontrant, au
regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue
l'unique moyen de parvenir à l’un ou à plusieurs des objectifs limitativement énumérés par
ledit texte et que ceux-ci ne peuvent être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire.
Ainsi, désormais le Juge d’instruction qui désire garder un inculpé à la disposition de la justice
doit d’abord envisager de placer ce dernier sous contrôle judiciaire et, c’est lorsque cette
mesure restrictive de liberté, au regard des circonstances de la cause, s’avère inappropriée ou
inefficace, qu’il pourra ordonner son placement en détention préventive, dans l’objectif,
notamment : 1- de conserver les preuves ou les indices matériels ; 2- d’éviter une pression
sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ; 3- d’éviter une concertation
frauduleuse entre la personne inculpée et les autres auteurs ou complices ;4- de
protéger la personne inculpée ; 5- de garantir le maintien de la personne inculpée à la
disposition de la justice ; 6- de mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvèlement ; 7-
de faire cesser le trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité
de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle a
causé.

Désormais, le placement en détention préventive doit impérativement être justifié par


l’un de ces objectifs. Dès lors que la détention ne vise pas la satisfaction de l’un de ces objectifs,
l’art. 164 du NCPP impose au Juge d’instruction d’ordonner la mise en liberté immédiate de la
personne placée en détention préventive, après avis du Procureur de la République.

Par ailleurs, il convient de relever que la prescription légale prévue à l’art. 163 du NCPP
ne s’impose pas qu’au Magistrat instructeur. Les dispositions de ce texte s’appliquent
également aux réquisitions du Procureur de la République lorsqu’elles visent à ordonner la
détention préventive de l’inculpé. Par conséquent, le Procureur de la République qui requiert
le placement de la personne poursuivie en détention préventive, doit dans son réquisitoire
introductif, démontrer que cette mesure vise nécessairement l’atteinte de l’un des objectifs
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prévus à l’art.163 du NCPP. Le Réquisitoire introductif doit de ce fait être motivé comme l’exige
l’art. 97 du NCPP.

Par. 2. Les délais de détention et le régime de la prolongation de la détention

Le nouveau Code de procédure pénale, dans son souci de préserver les droits de la
défense notamment le droit qu’à toute personne de jouir de sa liberté et, éventuellement en cas
de poursuites, le droit à être jugé dans un délai raisonnable dispose en son art. 164 al. 1er
que : « La détention préventive ne peut excéder une durée raisonnable, notamment, au regard de la gravité des
faits reprochés à la personne inculpée ou de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation
de la vérité ».

Il convient de noter que l’information judiciaire n’est qu’une phase du procès pénal,
mieux ce n’est que la phase préparatoire du procès pénal, qui ne connaitra son dénouement
qu’avec une décision des juridictions de jugement sur l’innocence ou la culpabilité de la
personne poursuivie. Pour ce faire, l’instruction préparatoire ne doit pas s’éterniser. Par voie
de conséquence, la détention préventive lorsqu’elle est nécessaire ne doit toutefois pas excéder
un certain délai. C’est au regard de toutes ces considérations humanistes que le Législateur a
institué de nouveaux délais de détention, lesquels diffèrent selon que les faits poursuivis sont
correctionnels ou criminels.

 En matière correctionnelle

Aux termes de l’art. 166 al. 1er du NCPP, en matière correctionnelle, la détention
préventive ne peut excéder six (06) mois.

Ainsi, contrairement à l’ancien Code qui prévoyait plusieurs délais de détention, selon
la nature du délit ou selon les circonstances de commission de ce délit, le nouveau Code a
institué un délai uniforme de détention pour tous les délits.

En effet, aux termes de l’art. 138 de l’ancien CPP, si en matière correctionnelle, l’inculpé
ne pouvait être détenu plus de six (06) mois, cela n’était nullement le cas, d’une part, lorsque
le maximum de la peine prévue par la loi était inférieur à six mois d'emprisonnement et, d’autre
part, lorsque l’inculpé était poursuivi pour certaines infractions délictuelles, notamment pour
vols avec les circonstances prévues aux articles 394, 395 et 396 du Code pénal, trafics de
stupéfiants, attentats aux mœurs, évasions, détournements de deniers publics ainsi
qu'aux atteintes contre les biens commises avec les circonstances prévues à l'article 110
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du Code pénal. Dans la première hypothèse, l’inculpé domicilié en Côte d'Ivoire ne pouvait
être détenu plus de cinq (5) jours après sa première comparution devant le Juge
d'instruction s'il n'a pas été déjà condamné soit pour un crime, soit à un emprisonnement de
plus de trois mois sans sursis pour délit de droit commun. Dans la deuxième hypothèse,
s’agissant des infractions susindiquées, la détention préventive était prononcée pour une durée
de quatre (4) mois, délai pouvant être prolongé autant de fois par ordonnance spécialement
motivée du Juge, rendue sur les réquisitions également motivées du Procureur de la
République, toutes les fois où la détention s’avérait nécessaire, pour une durée n’excédant pas
quatre (04) mois. Désormais, en matière délictuelle, la détention ne peut excéder six (06)
mois, peu importe, la nature du délit, peu importe ses circonstances de commission.

Toutefois, il convient de relever que la détention préventive peut faire l’objet de


prolongation, suivant deux (02) modalités distinctes. D’une part, aux termes de l’art. 166 al. 2
du NCPP, le Juge d’instruction peut décider de prolonger la détention préventive pour une
durée qui ne peut excéder six (06) mois par une ordonnance motivée rendue après débat
contradictoire au cours duquel le Ministère public et l’inculpé ou son avocat sont
entendus. D’autre part, à titre exceptionnel, lorsque les investigations du Juge
d'instruction doivent être poursuivies et que la détention préventive de l’inculpé
demeure justifiée au regard des conditions de l’art. 163, la Chambre d’Instruction,
saisie par requête du Juge d’instruction peut prolonger la détention préventive pour
une durée qui ne peut excéder six (06) mois.

Il s’induit de ce qui précède que la détention préventive peut être prolongée, soit par le
Juge d’instruction, soit par la Chambre d’instruction, juridiction d’instruction de second degré,
saisie par le Magistrat instructeur.

Lorsque la prolongation émane du Juge, elle doit être décidée au cours d’une audience
tenue dans le Cabinet de ce magistrat. Au cours de cette audience, l’inculpé ou son Conseil et
le Ministère Public sont entendus, chacun appelé à faire valoir ses moyens. Si le Ministère
public, représenté dans la plupart des cas par l’un des Substituts du Procureur de la
République, souhaite la prolongation de la détention, il devra démontrer que celle-ci reste
nécessaire en vue d’atteindre l’un ou plusieurs des objectifs visés à l’art. 163 du NCPP. Ainsi,
contrairement à l’ancienne pratique consistant à prolonger la détention de l’inculpé à son insu,
cette décision lui étant simplement notifiée plus tard, aujourd’hui, cette prolongation est faite
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obligatoirement en sa présence à la suite d’un débat contradictoire et en présence de son


adversaire, le Ministère Public.

La prolongation de la détention peut également être décidée par la Chambre


d’instruction saisie par requête du Juge d’instruction, pour une durée ne pouvant excéder six
(06) mois. Cette prolongation exceptionnelle ne peut intervenir que lorsque les investigations
doivent nécessairement se poursuivre et lorsque la détention de l’inculpé reste indispensable.
Le Juge d’instruction ne peut saisir la Chambre d’Instruction qu’une seule fois. En tout état de
cause, il revient à la Chambre d’apprécier souverainement la nécessité de cette détention.
S’agissant de la requête elle-même, celle-ci doit obligatoirement comporter les raisons qui
justifient la poursuite de l’information, sans toutefois indiquer la nature des investigations
envisagées.

Ils demeurent néanmoins des interrogations s’agissant du canal de transmission de


ladite requête. Doit-elle transiter par le Procureur de la République, lequel se chargera de la
transmettre au Procureur Général pour saisine de la Chambre d’instruction ? Le Juge
d’instruction pourra-t-il directement l’adresser à la Chambre d’instruction ? Pour notre part,
la requête dont s’agit n’est pas une ordonnance du Juge d’instruction, susceptible de faire
l’objet de recours ni de la part du Ministère Public encore moins de la part de l’inculpé. Par
conséquent elle pourra être transmise directement par le Juge d’instruction à la Chambre
d’instruction, surtout que ce mode de transmission a un avantage certain, imprimer une
célérité à la procédure. Le choix du Législateur ivoirien en faveur de la « requête » plutôt que
d’une « ordonnance motivée13 » comme c’est le cas en France, peut aisément s’expliquer. En effet,
l’ordonnance rendue par le Juge d’instruction a valeur de décision de justice. De ce fait, toute
ordonnance doit être communiquée au Procureur de la République, lequel a le droit
d’interjeter appel devant la Chambre d’Instruction de toute ordonnance du Juge d’Instruction,
dans les vingt-quatre heures à compter de la notification de l’ordonnance14. Il s’induit de ce qui

13
- art. 145-2 al. 3 du CPP Français « À titre exceptionnel, lorsque les investigations du juge d'instruction doivent
être poursuivies et que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la sécurité des personnes
et des biens un risque d'une particulière gravité, la chambre de l'instruction peut prolonger pour une durée de
quatre mois les durées prévues au présent article. La chambre de l'instruction, devant laquelle la comparution
personnelle du mis en examen est de droit, est saisie par ordonnance motivée du juge des libertés et de la
détention selon les modalités prévues par le dernier alinéa de l'article 137-1, et elle statue conformément aux
dispositions des articles 144, 144-1, 145-3, 194, 197, 198, 199, 200, 206 et 207. Cette décision peut être
renouvelée une fois sous les mêmes conditions et selon les mêmes modalités. »
14
- art 219 al. 1 et 2 du NCPP « Le Procureur de la République a le droit d’interjeter appel devant la Chambre
d’Instruction de toute ordonnance du juge d’Instruction. Cet appel, formé par déclaration au greffe du tribunal,
est interjeté dans les vingt-quatre heures à compter de la notification de l’ordonnance. »
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précède que juridiquement, le traitement d’une ordonnance est plus contraignant et peut de
ce fait retarder la procédure. Si le législateur avait opté pour une ordonnance en cas de
prolongation de la détention par la Chambre d’instruction, celle-ci aurait dû obligatoirement
être communiquée au Procureur de la République qui à son tour se chargera de la transmettre
au Procureur Général, qui exerce l’action publique auprès de la Cour d’Appel à l’effet de saisir
la Juridiction d’instruction de second degré. Ce qui pourrait considérablement retarder la
procédure. Or, il ne faut pas oublier que l’un des objectifs du Législateur à travers le NCPP est
d’imprimer une célérité à l’information judiciaire en débarrassant de celle-ci toutes les germes
de lenteur. Le choix de la requête est salutaire d’autant plus que celle-ci n’étant pas
obligatoirement communicable au Ministère Public, elle pourra être adressée directement par
le Juge d’instruction à la Chambre d’instruction. Ce mode de transmission simplifié s’il est
adopté par les magistrats pourra considérablement réduire les délais d’attente et éviter que
plusieurs inculpés ne soient en détention injustifiée en raison de l’expiration des délais de
détention.

RÉSUME :

- Désormais, le Juge d’instruction n’a plus de pouvoir souverain d’appréciation en ce


qui concerne la prolongation de la détention, à l’expiration du second délai de six
(06) mois. Il doit nécessairement saisir la Chambre d’instruction d’une requête
aux fins de prolongation de la détention.
- Le délai de la détention est le même pour tous les délits. Certains délits, notamment
les vols avec les circonstances prévues aux articles 394, 395 et 396 du Code pénal
ou les trafics de stupéfiants ne bénéficient pas d’un traitement différent.
- À l’expiration des délais indiqués aux alinéas 1er, 2ème et 3ème de l’art. 166 du NCPP,
l’inculpé est en détention injustifiée et doit être mis en liberté d’office.
- Désormais en matière correctionnelle, l’inculpé ne peut être détenu plus de dix-
huit (18) mois, délai initial et prolongations compris.

 En matière criminelle

Selon l’art. 167 al. 1er du NCPP, en matière criminelle, la détention préventive ne peut
excéder huit (08) mois.

De prime abord, deux observations méritent d’être faites. D’une part, le délai de
détention en matière criminelle institué par le nouveau Code est plus court que celui prévu par
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le précédent. En effet, selon l’art. 138 al. 2 de l’ancien CPP, en matière criminelle, l'inculpé ne
pouvait être détenu plus de dix-huit (18) mois. Désormais, l’inculpé ne pourra plus en cette
matière être détenu pendant plus de huit (08) mois. Ce nouveau délai plus court se justifie au
regard de l’art. 164 al. 1er qui dispose que « la détention préventive ne peut excéder une durée raisonnable
(…)». D’autre part, le nouveau Code a abandonné la notion de crimes de sang, infractions pour
lesquelles l’inculpé pouvait être préventivement détenu pour une durée de quatre (04) mois
renouvelables toutes les fois où la détention apparaissait encore nécessaire (art. 138 al. 4 ancien
CPP). L’abandon de cette notion est plus que judicieux, d’autant plus que la détermination des
crimes entrant dans cette catégorie était fastidieuse. Que devions-nous auparavant entendre
par crimes de sang ? S’agissait-il d’infractions qualifiées crimes par la loi et dont la
commission occasionnait l’écoulement de sang ? Ou des infractions impliquant nécessairement
la mort de la victime (meurtre et assassinat) ?

À l’image de la détention préventive en matière correctionnelle, celle ordonnée en


matière criminelle peut faire l’objet de prolongation suivant deux modalités distinctes.
Premièrement, suivant les dispositions de l’art. 167 al. 2 du NCPP, le Juge d’instruction peut
décider de prolonger la détention préventive pour une durée qui ne peut excéder huit (08)
mois par une ordonnance motivée rendue après débat contradictoire au cours duquel le
Ministère public et l’inculpé ou son avocat sont entendus. Deuxièmement, aux termes de
l’al. 3 de la disposition précitée, à titre exceptionnel, lorsque les investigations du Juge
d'instruction doivent être poursuivies et que la détention préventive de l’inculpé demeure
justifiée au regard des conditions de l’art. 163 du NCPP, la Chambre d’Instruction, saisie
par requête du Juge d’instruction peut prolonger la détention préventive pour une durée qui
ne peut excéder huit (08) mois. Cette saisine de la Chambre d’instruction obéit aux mêmes
règles et conditions que celles prévues en matière correctionnelle. À l’issue des délais sus-
indiqués, l’inculpé est en détention injustifiée et doit être mis en liberté d’office. La mise
en liberté d’office dans le cadre du NCPP n’est plus, comme par le passé (art. 139 ancien),
nécessairement assujettie à la saisine de la Chambre d’Instruction par l’inculpé, son conseil ou
le Ministère Public. Ainsi, à l’expiration des délais de détention, le Juge d’instruction doit lui-
même remettre l’inculpé en liberté. Il appartient au Procureur de la République ou au
Procureur Général, selon les cas, de veiller au respect de ces dispositions, et d’ordonner
au chef d’établissement pénitentiaire de procéder à la mise en liberté de l’intéressé. Il en est de
même en cas d’expiration des délais de détention en matière correctionnelle. Dans le cas
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contraire, l’intéressé saisit, par voie de requête, le président de la Chambre d’Instruction, qui
ordonne, sa liberté d’office.

RÉSUME :

- Désormais, le Juge d’instruction n’a plus de pouvoir souverain d’appréciation en ce


qui concerne la prolongation de la détention, à l’expiration du second délai de
huit (08) mois. Il doit nécessairement saisir la Chambre d’instruction d’une
requête aux fins de prolongation de la détention.
- Le délai de la détention préventive est le même pour tous les crimes, la notion de
crime de sang ayant été abandonnée.
- À l’expiration des délais indiqués aux alinéas 1er, 2ème et 3ème de l’art. 167 du NCPP,
l’inculpé est en détention injustifiée et doit être mis en liberté d’office.
- Désormais en matière criminelle, l’inculpé ne peut être détenu plus de vingt-quatre
(24) mois, délai initial et prolongations compris.

REMARQUE: Sous l’empire de l’ancien CPP, la détention préventive (aussi bien en


matière correctionnelle que criminelle), sauf en ce qui concerne les infractions énumérées à
l’art. 138 al. 315, ne pouvait valablement faire l’objet de prolongation de la part de la Chambre
d’Accusation que suites aux réquisitions spécialement motivées du Procureur Général, pour
des nécessités impérieuses d'enquête. Dans cette hypothèse, si l'inculpé était maintenu en
détention, celle-ci ne pouvait excéder quatre (4) mois à compter de l'expiration des délais de
six (06) et dix-huit (18) mois, respectivement en matière correctionnelle et criminelle. Ainsi,
sous l’empire de la loi n° 60-366 du 14 novembre 1960, un inculpé poursuivi pour des faits délictuels
ne pouvait être détenu plus de dix (10) mois ( 06 mois délai initial+04 mois le cas échéant
pour nécessités impérieuses de l’enquête), tandis que la personne poursuivie pour des faits
criminels ne pouvait être maintenue en détention au-delà de vingt-deux (22) mois ( 18 mois
délai initial+04 mois le cas échéant pour nécessités impérieuses de l’enquête).

Aujourd’hui, la détention préventive, même en dehors de toute contrainte tirée des


nécessités impérieuses de l’enquête, peut faire l’objet de prolongation, par le Juge d’instruction,
d’une part, et par la Chambre d’instruction, d’autre part, aussi bien en matière correctionnelle

15
- art. 138 al. 3 ancien CPP « Toutefois, les dispositions visées aux alinéas 1 et 2 ci-dessus ne s'appliquent pas
aux crimes de sang, aux vols avec les circonstances prévues aux articles 394, 395 et 396 du Code pénal, trafics
de stupéfiants, attentats aux mœurs, évasions, détournements de deniers publics ainsi qu'aux atteintes contre
les biens commises avec les circonstances prévues à l'article 110 du Code pénal. »
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que criminelle, dans les conditions prévues aux art. 166 et 167 du NCPP. Ainsi, en matière
délictuelle, le délai de détention peut durer au total dix-huit (18) mois, soit 06 mois (délai
initial) + 06 mois (délai de prolongation par le Juge d’instruction) + 06 mois (délai de
prolongation par la Chambre d’instruction). En matière criminelle, elle peut durer au total
vingt-quatre (24) mois, soit 08 mois (délai initial) + 08 mois (délai de prolongation par le
Juge d’instruction) + 08 mois (délai de prolongation par la Chambre d’instruction).

Dès lors, un constat presque légitime s’impose. Si la détention préventive fait désormais
l’objet d’une règlementation plus adéquate par le NCPP, qui a par ailleurs supprimé le tant
décrié délai de détention de quatre mois (04) mois, renouvelable tant que la détention
apparaissait encore nécessaire pour certains délits et crimes de sang16, il n’en demeure pas
moins que, juridiquement, et non en pratique, aujourd’hui, un inculpé peut être maintenu
plus longtemps en détention que par le passé. Nous en voulons pour preuve le calcul
arithmétique suivant :

- Ancien CPP : en matière criminelle : 18 mois (délai initial de détention) + 04 mois


(délai de prolongation, le cas échéant pour nécessités impérieuses de l’enquête)
= 22 mois.
- NCPP : en matière criminelle : 08 mois (délai initial de détention) + 08 mois
(délai de prolongation par le Juge d’instruction) + 08 mois (délai de
prolongation par la Chambre d’instruction)= 24 mois.

SECT. I : LA FIN DE LA DÉTENTION PRÉVENTIVE.

La détention préventive peut prendre fin par la mise en liberté provisoire de l’inculpé
(Par. 1). Elle peut également cesser par la mise en liberté d’office de ce dernier (Par. 2).

Par. 1. La mise en liberté provisoire.

La détention préventive ordonnée à l’encontre d’un inculpé peut prendre fin par sa mise
en liberté provisoire. Celle-ci peut être ordonnée d'office par le Juge d'instruction ou sur
réquisitions du Procureur de la République. Elle peut également être sollicitée par l’inculpé ou
son conseil.

16
- art. 138 al. 3 ancien CPP
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 La mise en liberté ordonnée d’office par le Magistrat instructeur ou sur


réquisitions du Procureur de la République

Aux termes de l’art. 171 du NCPP, en toute matière, la mise en liberté assortie ou non du
contrôle judiciaire peut être ordonnée d'office par le Juge d'instruction, après avis du Procureur
de la République. Il ressort de ce texte que le Magistrat instructeur, qui à l’entame de la
procédure a ordonné le placement de l’inculpé en détention préventive, peut, à toute étape de
la procédure, remettre ce dernier en liberté provisoire. Il pourra notamment ordonner cette
mise en liberté s’il estime que la détention de l’inculpé n’est plus nécessaire, soit parce qu’il a
réalisé tous les actes d’instruction, soit parce que l’inculpé présente des garanties suffisantes
de représentation, etc. Contrairement à l’art. 140 al. 3 de l’ancien CPP qui exigeait que cette mise
en liberté ne pouvait intervenir qu’après avis conforme du Procureur de la République, l’art.
171 du NCPP n’a pas précisé la nature de l’avis du Parquet, de sorte qu’il n’est pas juridiquement
inexact de dire que le Juge d’instruction pourra ordonner la mise en liberté de la personne
poursuivie même en cas d’avis contraire. Il reviendra au Ministère Public de relever appel de
l’ordonnance de mise en liberté provisoire.

Le Procureur de la République peut également requérir la mise en liberté provisoire


de l’inculpé à tout moment. Si l’ancien CPP, notamment en son art. 140 al. 4 précisait que le
Juge d’instruction devait statuer dans un délai de cinq (05) jours à compter de la date de ses
réquisitions, cela n’est pas le cas du NCPP, qui reste muet sur le délai imparti à ce magistrat.
Ce dernier ne devrait-il pas statuer dans un délai de deux (02) jours, comme exigé en cas de
demande de mise en liberté formulée par l’inculpé, à compter de la réception des réquisitions
du Procureur de la République ?

En tout état de cause, qu’elle soit ordonnée d’office par le Juge ou sur réquisitions du
Procureur de la République ou à la demande de l’inculpé, la liberté provisoire peut être assortie
ou non du contrôle judiciaire, ou, dans tous dans les cas où elle n’est pas de droit, être
subordonnée à l’obligation de fournir un cautionnement ou de constituer des sûretés,
dans les conditions prévues aux art. 18417 et suivants du NCPP. Aussi, l’inculpé doit-il prendre

17
- La liberté peut, dans tous les cas où elle n’est pas de droit, être subordonnée à l’obligation de fournir
un cautionnement ou de constituer des sûretés. Ce cautionnement garantit :
1°la représentation de l’inculpé à tous les actes de la procédure et pour l'exécution du jugement, ainsi que, le cas
échéant, l'exécution des autres obligations qui lui ont été imposées ;
2°le paiement dans l'ordre suivant : a) des frais avancés par la partie civile ; b) des frais avancés par l’État ; c)
des amendes ; d) de la réparation des dommages causés par l'infraction et des restitutions. La décision du juge
d'instruction détermine les sommes affectées à chacune des deux parties du cautionnement ou des sûretés. Le
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l'engagement de se représenter à tous les actes de la procédure aussitôt qu'il en sera requis et
de tenir informé le magistrat instructeur de tous ses déplacements.

 La demande de mise en liberté formulée par l’inculpé ou son conseil

Les articles 172 et 173 du NCPP traitent des conditions dans lesquelles l’inculpé détenu
peut solliciter du Magistrat instructeur, sa mise en liberté provisoire. Suivant ces dispositions,
en toute matière, l’inculpé placé en détention préventive ou son avocat peut, à tout moment,
demander sa mise en liberté, sous les obligations prévues par le Code. La demande de mise
en liberté est adressée par lettre au Juge d'instruction, qui communique, dans les vingt-
quatre (24) heures, le dossier au Procureur de la République aux fins de réquisitions. Celui-
ci dispose d’un délai de trois (03) jours ouvrables pour prendre ses réquisitions. La demande
de mise en liberté peut aussi être faite contre récépissé, au moyen d'une déclaration auprès du
chef de l'établissement pénitentiaire. Cette déclaration est consignée dans un registre par le
chef de l'établissement pénitentiaire et en établit un récépissé qu’il signe avec le demandeur.
Si celui-ci ne peut signer, il en est fait mention par le chef de l'établissement. Ce document est
transmis sans délai par le chef de l'établissement, au Greffier d’instruction, sous peine
d’une amende civile qui ne peut excéder 100.000 francs prononcée par le Président de la
Chambre d’Instruction. S’il existe une partie civile, avis lui est donné par le Juge d’instruction
de l’introduction de la demande de mise liberté. Celle-ci dispose d’un délai de quarante-huit
(48) heures à compter de la réception de l’avis pour faire des observations.

Le Juge d’instruction statue par ordonnance motivée sur la demande de mise en liberté
dans un délai de deux (02) jours à compter de la fin du délai imparti au Procureur de la
République. Toutefois, le délai imparti au Juge d’instruction court à compter de la
réception des réquisitions du Procureur de la République si celles-ci interviennent plus tôt.
Lorsqu’une demande de mise en liberté est en cours d’examen par le Juge d’instruction ou la
Chambre d’Instruction, toute nouvelle demande de l’inculpé est irrecevable. La mise en liberté,
lorsqu'elle est accordée, peut être assortie de mesures de contrôle judiciaire. Faute par le Juge
d’instruction d'avoir statué dans le deux (02) jours, l’inculpé peut saisir directement de sa
demande la Chambre d’Instruction qui, sur les réquisitions écrites et motivées du
Procureur général, se prononce dans les quinze (15) jours de sa saisine faute de quoi la
personne est mise d'office en liberté sauf si des vérifications concernant sa demande ont été

juge d'instruction peut toutefois décider que les sûretés garantiront dans leur totalité le paiement des sommes
prévues au 2°de l’alinéa 2 du présent article ou l'une ou l'autre de ces sommes. »
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ordonnées. Le droit de saisir dans les mêmes conditions la Chambre d’Instruction


appartient également au Procureur de la République.

Par. 2. La mise en liberté d’office

La détention préventive peut également prendre fin par la mise en liberté d’office de
l’inculpé. Que revêt la notion de mise en liberté d’office ?

La mise en liberté d’office, contrairement à celle ordonnée d’office par le Juge


d’instruction après avis du Procureur de la République ou sur réquisitions du Procureur de la
République ou à la demande de l’inculpé, est celle qui intervient toutes les fois où la liberté est
de droit. Ainsi, la mise en liberté d’office doit en principe intervenir toutes les fois où l’inculpé
est en détention injustifiée. Dans cette hypothèse, le Magistrat instructeur ne peut même pas
subordonner la mise en liberté provisoire de l’inculpé au paiement d’un cautionnement18.

Le NCPP prévoit plusieurs hypothèses dans lesquelles l’inculpé doit être mis en liberté
d’office. Il s’agit notamment des cas prévus aux articles 166 et 167, en cas d’expiration des délais
de détention. Ainsi, à l’issue des délais de détention de six (06) et huit (08) mois,
respectivement en matière correctionnelle et criminelle, y compris les délais de prolongations,
l’inculpé est en détention injustifiée et doit de ce fait être mis en liberté d’office. Aussi, faute
pour le Juge d’instruction d'avoir statué dans le délai de deux (02) jours à compter de la
réception des réquisitions du Procureur de la République, l’inculpé peut saisir directement
de sa demande la Chambre d’Instruction qui, sur les réquisitions écrites et motivées du
Procureur général, se prononce dans les quinze jours de sa saisine faute de quoi la
personne est mise d'office en liberté sauf si des vérifications concernant sa demande ont été
ordonnées. Il en est de même dans l’hypothèse prévue à l’art. 175 du NCPP. Il résulte de cette
disposition que, d’une part, le prévenu détenu, renvoyé devant le tribunal correctionnel, doit
comparaître pour être jugé dans le délai d’un (01) mois à compter de la date de l’ordonnance
de renvoi et, d’autre part, l’accusé détenu qui a fait l’objet d’un arrêt de renvoi devant le tribunal
criminel doit comparaitre devant le tribunal criminel pour être jugé dans le délai de six
(06) mois à compter de la date de l’arrêt de mise en accusation. À défaut de comparution de la
personne détenue dans les délais ci-dessus indiqués, celle-ci est mise en liberté d’office.

Dans tous les cas où l’inculpé doit être mis en liberté d’office, il appartient au Procureur
de la République ou au Procureur général, de veiller au respect des dispositions prévues à

18
- DANIOGO K. N’Golo, Cours de procédure pénale, CAPA, P.200
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cet effet par le NCPP, et d’ordonner au Chef d’établissement pénitentiaire de procéder à la mise
en liberté de l’intéressé. En cas d’inertie des Magistrats susmentionnés, l’intéressé saisit, par
voie de requête, le Président de la Chambre d’Instruction, qui ordonne, sa liberté d’office.

Toutefois, suivant les dispositions de l’art. 182 du NCPP, le Procureur Général peut, sur
réquisitions spécialement motivées s’opposer à la mise en liberté de l’inculpé pour des
nécessités impérieuses d’enquête. Dans ce cas, la Chambre d’Instruction statue dans un délai
de huit (08) jours, faute de quoi, l’inculpé est mis d’office en liberté. Si l’ancien Code fixait à
quatre (04) mois le délai de prolongation de la détention pour cause de nécessités impérieuses
d’enquête, à compter de l'expiration des délais de six (06) et dix-huit (18) mois, le NCPP qui a
maintenu cette éventualité n’a cependant pas précisé la durée de la détention pouvant encourir
l’inculpé à ce titre.

De ce fait, plusieurs interrogations légitimes demeurent. D’une part, dans quelles


hypothèses le Procureur Général peut-il s’opposer à la mise en liberté de l’inculpé pour des
nécessités impérieuses d’enquête ? D’autre part, quelle est la durée de détention encourue par
l’inculpé en cas de prolongation pour cause de nécessités impérieuses d’enquête ?

Au titre de la première interrogation, il convient de dire que pour cause de nécessités


impérieuses d’enquête, le Procureur Général peut s’opposer soit à la mise en liberté provisoire
de l’inculpé ordonnée d’office par le Juge d’instruction, sur réquisitions du Ministère Public ou
à la demande de l’inculpé, soit à toute mise en liberté d’office, c'est-à-dire toutes les fois où la
mise en liberté est intervenue parce que la liberté était de droit ou parce que l’inculpé était en
était en détention injustifiée. Si la première hypothèse ne nécessite aucune observation
particulière, il n’est n’en n’est pas de même pour la seconde, à savoir l’opposition formée à la
mise en liberté d’office de l’inculpé. En effet, à l’expiration des délais de détention prévus aux
articles 166 et 167 du NCPP, l’inculpé est en détention injustifiée et doit être mis en liberté
d’office. À titre d’exemple, en matière correctionnelle, à l’expiration du délai initial de six (06)
mois, l’inculpé doit être remis en liberté si sa détention n’ pas fait l’objet de prolongation par
ordonnance spécialement motivée du Juge d’instruction. Aussi, à l’expiration du second délai
de six (06) mois intervenu suite à la prolongation du magistrat instructeur, si ce magistrat n’a
pas saisi la Chambre d’instruction d’une requête aux fins de prolongation ou si la juridiction
d’instruction de second degré saisie n’a pas fait droit à la requête du Juge d’instruction,
l’inculpé est en détention préventive. Si à l’expiration du délai initial de 06 mois, le Procureur
Général désire faire opposition à la mise en liberté de l’inculpé pour cause de nécessités
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impérieuses d’enquête, cela ne porte nullement atteinte aux droits de la personne poursuivie
d’autant plus que celle-ci aurait pu être maintenue en détention pour une durée totale de dix-
huit (18) mois. Mais, qu’en est-il lorsque le maintien en détention pour cause de nécessités
impérieuses d’enquête est requis par le Procureur Général alors même que l’inculpé, en matière
correctionnelle, a été déjà maintenu en détention pendant dix-huit (18) mois, c'est-à-dire
pendant le délai initial de détention de six (06) mois, lequel a fait l’objet de prolongation de la
part du Juge d’instruction puis de la Chambre d’instruction ? Pour notre part, le maintien en
détention de l’inculpé en matière correctionnelle ou criminelle, pour cause de nécessités
impérieuses de l’enquête, ne saurait être possible, à l’expiration de tous les délais de détention,
car cela constituerait une violation flagrante de droits fondamentaux de la personne poursuivie
et serait par la même occasion une violation des dispositions de l’art. 164 du NCPP qui dispose
que « La détention préventive ne peut excéder une durée raisonnable ».

S’agissant de la deuxième interrogation, elle parait plus difficile à résoudre, d’autant


plus que le NCCP ne propose aucune piste de solution. Toutefois, pour notre part, en cas de
maintien de l’inculpé en détention pour cause de nécessités impérieuses d’enquête, sa
détention ne peut faire l'objet d'une prolongation au-delà des délais de six (06) ou huit (08)
mois, respectivement en matière correctionnelle et criminelle. Ainsi, à titre d’illustration, une
personne poursuivie pour des faits délictuels qui bénéficie d’une mise en liberté provisoire ou
d’une mise en liberté d’office ne peut, en cas de maintien en détention pour cause de nécessités
impérieuses d’enquête, être détenue au-delà de délai légal de détention en matière
correctionnelle, à savoir plus de six (06) mois.

REMARQUE : Il convient d’indiquer que contrairement à l’ancien CPP, le nouveau a


définitivement réglé le sort de l’inculpé en détention préventive, après que le Juge d’instruction
ait rendu son ordonnance de règlement, étant de ce fait juridiquement dessaisi du dossier de la
procédure.

Ainsi, suivant l’art. 174 al. 1 et 2 du NCPP, après l’ordonnance de transmission des
pièces au Procureur général et jusqu’à l’ouverture de la session de jugement des affaires
criminelles, la Chambre d’Instruction est compétente pour se prononcer sur les demandes de
mise en liberté. Après l’ordonnance de renvoi en police correctionnelle, la juridiction de
jugement est compétente pour statuer sur les demandes relatives à la détention préventive.
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En matière criminelle, le tribunal criminel n'est compétent que lorsque la demande est formée
durant la session au cours de laquelle il doit juger l'accusé.

Aussi, en application des dispositions de l’art. 5 al. 1er du NCPP, qui dispose qu’il doit
être définitivement statué sur la cause de toute personne poursuivie dans un délai
raisonnable, le Législateur ivoirien a fixé des délais intangibles au cours desquels les inculpés
détenus qui ont fait l’objet de renvoi devant les juridictions de jugement doivent
obligatoirement comparaitre devant celles-ci pour être jugés. Ainsi, selon l’art. 175 du NCPP, le
prévenu détenu, renvoyé devant le tribunal correctionnel ainsi que l’accusé détenu qui a fait
l’objet d’un arrêt de renvoi devant le tribunal criminel, doivent comparaître pour être jugés
dans les délais respectifs d’un mois et six mois, à compter de la date de l’ordonnance de renvoi
ou de l’arrêt de mise en accusation. À défaut de comparution de la personne détenue dans les
délais ci-dessus indiqués, celle-ci est mise en liberté d’office.

Au terme de notre pérégrination intellectuelle, il convient de retenir que le Législateur


ivoirien, dans l’optique de parvenir à un véritable respect de certains droits fondamentaux, tels
que proclamés par la Constitution du 08 novembre 2016 et certaines conventions
internationales ratifiées par l’Etat de Côte d’Ivoire, a mis un accent particulier sur la
réglementation des mesures restrictives de liberté pendant l’information judiciaire. Ainsi, le
NCPP, publié au Journal Officiel le mercredi 13 mars 2019, a opéré une refonte totale de la
tant controversée détention préventive, telle que régie par la loi n° 60-366 du 14 novembre 1960. En
vue d’éviter le placement systématique des inculpés en détention préventive, ce nouveau Code
a prévu des conditions légales dont la réunion est nécessaire pour justifier une telle mesure. En
vue d’éviter les longues détentions et les prolongations sans cesse renouvelées, ce Code a fixé
de nouveaux délais et prévu les modalités de prolongation de la détention, en retirant au Juge
d’instruction, le pouvoir d’ordonner la prolongation plus d’une (01) fois, laissant ainsi à la
Chambre d’instruction le choix d’apprécier la nécessité du maintien de l’inculpé à l’expiration
des deux premières tranches de détention. Par ailleurs, un palliatif a été trouvé à la détention
préventive. C’est le contrôle judiciaire, mesure restrictive de liberté qui permet de garantir le
maintien de l’inculpé à la disposition de la justice, sans pour autant le placer sous Mandat de
dépôt. Cette mesure pourra à coup constituer un remède efficace pour la réduction du taux
des détenus préventifs, un combat si cher au Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme.
Aussi, ce nouveau Code, a-t-il définitivement réglé le sort de l’inculpé détenu, en précisant,
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d’une part, les autorités judiciaires devant désormais connaitre des demandes de mise en
liberté provisoire de l’inculpé après que le Juge d’instruction ait pris son ordonnance de
règlement et, en fixant d’autre part, des délais intangibles pour la comparution des inculpés
détenus renvoyés devant les juridictions de jugement, délais à l’expiration desquels la personne
poursuivie devra être mise en liberté d’office.

Toutes ces mesures salutaires, qui sont d’ailleurs conformes aux standards
internationaux, n’auront cependant de sens véritable que si elles sont rigoureusement
appliquées par les différents acteurs de la chaine pénale. Il revient à cet effet au Ministère de la
Justice et des Droits de l’Homme, dans son élan de redynamisation et de modernisation de la
Justice Ivoirienne, par l’adoption de textes en adéquation avec les mutations sociales,
économiques et juridiques qu’a connu la Côte d’Ivoire depuis son indépendance, de mettre les
moyens nécessaires à la disposition des différents acteurs concernés par l’application effective
de ce nouveau Code, qui porte en lui seul les germes d’espoir de l’ensemble des justiciables et
la semence de la crédibilité de notre appareil judiciaire vis-à-vis des organisations luttant en
faveur du respect des Droits de l’Homme. Pour ce faire, il pourra organiser des séminaires de
formation19 des acteurs de l’appareil judiciaire, notamment les Magistrats, les Greffiers, les
OPJ, les responsables des établissements pénitentiaires, les Avocats, mais aussi des campagnes
de sensibilisation à l’endroit des justiciables.

Vos différentes observations nous seront plus que bénéfiques pour l’amélioration de cette humble contribution
scientifique, qui nous le savons, recèle nombreuses imperfections.

19
- Le MHDH pourrait organiser des séminaires de formation à l’image de « l’Atelier de préparation de la mise en
œuvre du nouveau Code de Procédure Pénale de la Côte d’Ivoire », qui s’est tenu les 28 et 29 mars 2019 à l’Hôtel
Etoile du Sud à Grand-Bassam, à l’initiative de l’OIDH, de OSIWA et du MJDH.

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