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MAAROUF Yassine

Juriste et Chercheur En Droit Privé


Titulaire de Master en Droit des Affaires
La détention préventive au Maroc : l’exception qui est
devenue la règle
La détention préventive constitue l’une des mesures pénales les plus importantes
affectant la liberté, car elle représente un point de contradiction entre deux principaux intérêts.
D’une part, l’intérêt de l’individu faisant l’objet de cette mesure qui a le plein droit de jouir de
sa liberté conformément au principe humanitaire universel qui considère que l’innocence est
l’originale et d’autre part l’intérêt de la communauté qui a le droit d’arriver à la liberté et
d’amender la peine. Dans ce contexte, apparait l’importance que revêt le sujet de la détention
préventive dans l’ensemble des législations pénales modernes, du moment qu’il compromet
gravement les libertés individuelles, parce qu’on trouve la présomption d’innocence qui tire sa
légitimité d’un côté de l’ensemble des règles générales et de la Déclaration Universelle des
Droits de l’Homme et de l’autre côté de divers constitutions et traités internationaux, comme
l’indique l’article 7 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui dispose que :
« Aucune personne ne peut être arrêtée, détenue ou exilée arbitrairement ». A cet égard, nous
pouvons dire que la détention préventive n’est rien d’autre qu’une mesure visant à placer le
présumé accusé en prison et le priver de sa liberté pour une période déterminée par le législateur,
c’est une mesure exceptionnelle à laquelle le juge fait recours pour garantir la présence de
l’accusé durant toutes les étapes que traverse l’action, en plus de le protéger de la vengeance de
la victime et de sa famille, en même temps, il protège également la société contre d’autres
crimes que l’accusé pourrait commettre.

Ainsi, un total de 33791 détenus a été placé en détention préventive au niveau des
différents établissements carcéraux du Royaume fin décembre 2017, soit 40,66% de l’ensemble

1
de la population carcérale, estimée à 83102 détenus. C’est ce qui a été présenté par le procureur
général du Roi près de la Cour de cassation, président du ministère public, Mohamed
ABDENNABAOUI, lors d’une rencontre d’information tenue à Rabat, ces détenus se
répartissent sur les différentes juridictions, à savoir les Tribunaux de première instance (5654),
soit 16,73%, et les Cours d’appel (26154), soit 77,40% et la Cour de cassation (1983), soit
5,87%. En effet, de 2012 à 2018, près de 222.000 personnes ont été placées en détention
préventive par la justice, ce qui représente une moyenne annuelle d’environ 31700 personnes.
En 2018, plus des deux tiers des détentions préventives proviennent des Cours d’appel.
Concernant le corps de la magistrature, ce sont les procureurs du Roi qui arrivent en premier.

Le législateur marocain, ayant le souci de protéger les droits et libertés individuelles et


parvenir à un procès équitable, a travaillé dur en vue d’encadrer et organiser la détention
préventive d’une manière conforme à la tendance internationale dans ce domaine. C’est ainsi
qu’on trouve donc les articles 175 à 188 du Code de la procédure pénale, ainsi que le deuxième
alinéa de l’article 618 du Code de procédure pénale qui dispose : « Est qualifié de détenu
soumis à la détention préventive, toute personne « prévenu », « inculpé » ou « accusé »,
n’ayant pas fait l’objet d’une décision de condamnation irrévocable». Egalement, le premier

2
article de la loi 23.98 relative à l’organisation et au fonctionnement des établissements
pénitentiaires dispose : « Au sens de la présente loi, on entend par « détenu », toute personne
faisant l’objet d’une mesure privative de liberté et placée dans un établissement
pénitentiaire ». A cet égard, la politique pénale marocaine s’efforce de résoudre le dilemme de
la détention provisoire qui ne cesse de se proliférer continuellement, c’est ce que nous
percevrons à plusieurs reprises à travers les circulaires adressées aux procureurs généraux de
Roi auprès des Cours d’appel ainsi qu’aux procureurs du Roi auprès des Tribunaux de première
instance, dont la dernière c’était celle de la Présidence du ministère public sous le numéro
1/2017 et 28 année, Novembre 2018 et qui portait sur la rationalisation de la détention
préventive. D’après cette circulaire, le taux des détenus préventivement a augmenté de 38.08%
fin Juillet 2018 à 41.40% fin Octobre, et qui a recommandé de rationaliser la détention
préventive.

Généralement, la détention préventive appelée également l’emprisonnement préventif


par d’autres législations des Etats arabes, est une mesure privative de liberté qui consiste dans
le dépôt de l’accusé pour une durée déterminée par les dispositions de l’instruction et son intérêt
selon des normes décidées par la loi, ce qui veut dire qu’elle fait partie des procédures de
l’enquête préparatoire. D’autres disent que la détention préventive est une mesure qui prive
l’accusé de sa liberté en l’emprisonnant pour une durée déterminée au préalable par la loi, et
qui peut aller de la date d’ouverture de l’enquête préparatoire de l’affaire pour laquelle le détenu
est condamné et jusqu’au que ce soit rendu un jugement définitif.

La détention préventive reste donc une mesure de nature exceptionnelle, du fait qu’elle
touche à un principe de valeur constitutionnelle et plus que ça de valeur universelle. C’est le
principe « la présomption d’innocence ‫» قرينة البراءة‬, en vertu duquel l’accusé est présumé
innocent jusqu’à preuve du contraire. Autrement dit, c’est ce qui a été traduit littéralement par
le fameux adage « le doute s’explique en faveur de l’accusé ‫» الشك يفسر لصالح المتهم‬. Cependant,
l’emprisonnement demeure quand même essentiel, tout en soulignant qu’il s’agit d’une
exception et non pas une règle, ce qui n’est pas du tout respecté. Car il suffit de jeter un coup
d’œil sur les statistiques délivrées par la Présidence du ministère public qui démontre clairement
l’échec de la politique pénale de faire face à la hausse terrifiante du taux de la criminalité et la
récidive, malgré le recours à cette mesure qui a aggravé la situation, étant donné que dans plus
de 3000 cas, l’affaire s’est terminé par un acquittement avec toutes les conséquences qui
peuvent en résulter.

3
Ayant la conscience de l’importance que revêt la question de la détention préventive,
qui a fait et qui fait encore l’objet de nombreuses critiques de la part de différents intervenants,
du fait qu’elle viole les principes et droits les plus importants tels que la présomption
d’innocence et le droit à la liberté, et compte tenu également des conséquences néfastes qu’elle
engendre sur tous les niveaux qu’il soit social, familial, professionnel voire même
psychologique pour le détenu préventivement et surtout quand il finit par être libéré et qu’une
décision de non poursuite soit rendue. A partir de cela, on constate la réalité choquante de la
détention préventive dont l’indice a considérablement augmenté ces dernières années, ce qui
reflète son usage excessif, ce qui a provoqué un nouveau problème qui est la surpopulation
carcérale des établissements pénitentiaires marocains, ce qui engendre d’autres problèmes
interminables (contact avec les autres prisonniers, le manque voire l’absence d’hygiène surtout
durant les épidémies, comme celle que nous vivons aujourd’hui avec la pandémie de
Coronavirus…), ce qui rend cette mesure un point noir dans la plupart des systèmes criminels.
C’est dans ce contexte que nous avons décidé d’écrire cet article en espérant qu’il apporte de la
valeur ajoutée en proposant des alternatifs qui réalisent les objectifs poursuivis par la détention
préventive et même temps garder et respecter la dignité de la personne assujettie à cette mesure.

En effet, le traitement de ce dilemme qui est la détention préventive et malgré le fait


qu’elle constitue l’une des principales priorités du Ministère de la justice et libertés ainsi que
les responsables de la politique pénale, il n’en demeure pas moins qu’une question mérite d’être
soulevée et qui est la suivante : Dans quelle mesure le législateur a-t-il pu parvenir à un équilibre
entre la protection de la société et les droits des individus faisant l’objet de cette mesure ?
Comment les mesures alternatives contenues dans la politique pénale contribuent elles à la
rationalisation de détention préventive ?

C’est à ces questions que nous allons essayer de répondre à travers cet article, tout en
espérant avoir réussi à faire le tour sur toute la question.

I. Le cadre juridique de la détention préventive


La détention préventive est l’une des mesures qui reflète l’intérêt que porte le législateur
marocain à la mise en œuvre et à la consécration des garanties à un procès équitable, du fait
qu’elle est conçue comme l’une des mesures qui touchent à la liberté et qui se contredit avec la
présomption d’innocence ainsi que le droit de la défense. C’est dans ce cadre que le législateur
encadre la détention préventive par un certain nombre de conditions afin d’assurer sa bonne

4
application (Section 1), comme il a prévu des mesures alternatives afin d’éviter le recours à la
détention préventive (Section 2).

Section 1 : Les conditions de la détention préventive

Dans la perspective de fournir les conditions juridiques et de faire en sorte que cette
procédure les respecte, le législateur a veillé à ce que les autorités habilitées à ordonner la
détention préventive soient déterminées d’une manière limitative, et plus ce que ça, il a instauré
tout un système permettant de s’assurer et de contrôler la légitimité de cette mesure.

Paragraphe 1 : Les autorités compétentes à ordonner la détention préventive

A cet égard, le législateur a donné la compétence d’ordonner la détention préventive au


juge d’instruction du fait que l’instruction dont il est chargé de mener sert à déceler le crime
ainsi que les circonstances dans lesquelles il a été perpétré. Et ceci en recueillant les éléments
de preuve et en les attribuant à l’auteur de l’acte criminel, tout en tenant compte de la
présomption d’innocence. De ce fait, le ministère public et dans le cadre du pouvoir
d’appréciation dont il dispose s’efforce à renvoyer les affaires pour lesquelles une enquête est
requise par la loi ainsi que les délits commis par des mineurs devant le juge d’instruction, ce
dernier est considéré comme l’un des organes judiciaires les plus importants et efficaces en
matière de la détention préventive d’après les dispositions des articles 176 et 177 du code de
procédure pénale qui disposent que la durée de la détention ne peut excéder un mois dans les
affaires pénales et elle ne peut être délivrée sans l’interrogatoire de l’accusé.

D’autre part, et en tenant compte que le ministère public est le représentant légal de la
société et veille à protéger les droits et libertés des individus ainsi que leur vie, le législateur lui
a donné la possibilité de placer l’accusé en prison en vertu des articles 47 et 74 du code de
procédure pénale notamment lorsqu’on est en présence d’un cas de flagrant délit, en plus de
l’absence des garanties de comparution, les décisions du ministère public s’expliquent ainsi
selon les deux articles précités, qui déterminent les conditions de mise en détention de l’accusé
par le procureur du Roi ou le ministère public, étant donné qu’il s’en charge de l’étude des
différentes affaires en vue de les traiter ce qui exige la prise en compte des différentes circulaires
publiées dans ce cadre, tout en soulignant la nécessité de rationaliser la détention préventive en
conformité avec le principe de valeur universelle qui est la présomption d’innocence, surtout
avec la multiplication du nombre des personnes assujetties à cette mesure, ce qui engendre
d’autres problèmes tels que la surpopulation carcérale, l’indemnisation pour faute

5
judiciaire…etc. Ce qui suppose de se tenir au courant des évolutions de la politique pénale afin
de répondre aux aspirations nationales et internationales visant à protéger les droits et libertés.

Paragraphe 2 : Le contrôle de la légitimité de la détention préventive

Le contrôle judiciaire prévu par le législateur est basé sur deux critères ; le premier
concerne le crime attribué à l’accusé, alors que le second se rapporte au pouvoir discrétionnaire
d’émettre l’ordonnance, dans l’intérêt de protéger les droits et libertés des individus contre toute
détention arbitraire, du fait que le contrôle judiciaire de la légalité de la détention commence
dès que l’affaire soit entre les mains du tribunal, peu importe que ce contrôle soit lié à la
détention préventive ou sur renvoi du juge d’instruction ou le ministère public1. Le législateur
a accordé le pouvoir de constater la légalité de la détention préventive à la chambre criminelle
de la cour d’appel, qui est un organe judiciaire composé du premier président de la cour d’appel
en sa qualité de président, deux conseillers et le ministère public représenté par le procureur
général ou son représentant et le secrétaire greffier2. Le ministère public a le droit également de
faire appel de toutes les ordonnances du juge d’instruction, à l’exception de celles exigeant une
expertise, y compris l’ordonnance de mise en détention préventive, même si elle est soumise au
pouvoir discrétionnaire du juge d’instruction afin de faciliter l’enquête préparatoire. Cependant,
il n’en demeure pas moins que la détention préventive reste quand même une mesure
exceptionnelle qui devrait être toujours justifiée3. Le recours du ministère public se présente
sous la forme d’une déclaration devant le secrétariat greffe du tribunal où se trouve le juge
d’instruction qui est à l’origine de la décision, et ce dans le jour suivant sa notification par la
délivrance de l’ordonnance. L’accusé, quant à lui reste en détention préventive jusqu’à ce que
le délai de l’appel soit épuisé si le ministère public refuse la libération.

En effet, le législateur a permis à l’accusé le droit de faire appel d’une ordonnance de


détention préventive devant la chambre criminelle de la cour d’appel conformément aux
dispositions de l’article 223 du code de procédure pénale. Parmi ces ordonnances figure
l’ordonnance de prolongation de la détention préventive, qu’elle concerne les délits ou les
crimes ou d’ordonner le rejet de la demande de mise en liberté provisoire et maintenir
l’ordonnance de mise en détention.

1
642 ‫ صفحة‬،1985 ‫ طبعة‬،‫ دار النهضة العربية القاهرة‬،‫ الوسيط في قانون اإلجراءات الجنائية‬،‫أحمد فتحي سرور‬
2
-2011 ‫ السنة الجامعية‬،‫ كلية الحقوق وجدة‬،‫ جامعة محمد األول‬،‫ رسالة لنيل دبلوم الماستر‬،‫ االعتقال االحتياطي والوسائل البديلة‬،‫عبد القادر بوغالب‬
29 ‫ صفحة‬،2012
3
388 ‫ صفحة‬،2011 ‫ الطبعة السادسة‬،‫ الرباط‬،‫ شرح قانون المسطرة الجنائية الجزء األول مطبعة المعارف الجديدة‬،‫أحمد الخمليشي‬

6
L’appel de l’accusé produit ses effets, du fait que l’ordonnance du juge d’instruction est
portée à la connaissance et à l’examen de la chambre criminelle, qui doit soit la confirmer, soit
la modifier voire même l’annuler en fonction des motifs sur lesquels elle fonde sa décision, qui
ne concerne que le détenu ayant interjeté ledit appel en termes d’impact sans les autres accusés.

Outre le contrôle judiciaire, nous constatons que le législateur a accordé au président de


la chambre criminelle le pouvoir d’exercer un contrôle administratif sur les procédures de la
détention préventive dans le cadre des efforts de la politique pénale visant à lutter contre le
phénomène de la surpopulation carcérale en raison du taux élevé de la détention préventive, qui
compte plus de 40% de la population carcérale, tout en chargeant le secrétariat greffe d’établir
un rapport détaillé contenant le type des affaires soumises à l’enquête et le nombre des détenus
préventifs, comme il effectue des visites aux établissements pénitentiaires qui se trouvent dans
le ressort de la cour d’appel une fois dans les trois mois et veille au contrôle de données
essentielles4. Le président de la chambre criminelle peut également adresser les
recommandations nécessaires s’il lui apparait que l’arrestation de l’accusé est injustifiée.

Section 2 : Les mesures alternatives à la détention préventive

L’un des objectifs qui doivent être tracés par le législateur marocain lors de la prochaine
réforme de la justice pénale5, est de réduire, dans leur nombre comme dans leur durée, les
détentions préventives contraires au principe de la présomption d’innocence. D’abord, par la
mise en application des alternatives à la détention préventive prévue par la législation prévue

4
163 ‫ صفحة‬،2006 ‫ الطبعة الثانية‬،‫ دار النشر المغربية الرباط‬،‫ الجزء األول‬،‫ شرح قانون المسطرة الجنائية‬،‫الحبيب بيهي‬
5
Selon M. Abdennabaoui, cette augmentation des détenus à titre préventif est attribuable en partie aux
dysfonctionnements au niveau du service judiciaire et aux orientations de la politique pénale. D’où l’intérêt de
mettre en place un mécanisme de contrôle. Pour le ministre de la justice RAMID Mustapha, il est clair qu’il faut
une révision des textes relatifs à la détention préventive. L’objectif étant d’élargir et promouvoir des mesures
alternatives à cette mesure judiciaire. Ces mesures judiciaires contribueraient à alléger le surpeuplement des
prisons. Aujourd’hui force est de constater que la détention préventive constitue la source principale de la
surpopulation des établissements pénitentiaires. Ce surpeuplement coûte cher à l’Etat, mais c’est aussi la dignité
du détenu qui est bafouée dans une prison surpeuplée. Ainsi, des peines alternatives permettraient à l’Etat non
seulement de faire des économies considérables mais surtout de contribuer à améliorer les conditions de vie en
milieu carcéral. « Détention préventive : Le ministère de la justice dresse un bilan alarmant » Laila ZERROUR Le
19-12-2012 N° : 2830. http://www.aujourdhui.ma. Consulté en Avril 2020.

7
par la législation marocaine tels que l’assignation à résidence (Article 70 du Code Pénal) 6 et
l’interdiction de séjour (Article 71 CP)7, ensuite par la mise en liberté sous caution. Ainsi,

Compte tenu des implications du système de détention préventive et de ses


inconvénients excessifs, comme indiqué précédemment. La détention préventive reste l’un des
problèmes les plus importants auxquels notre système judiciaire est affronté, du fait qu’elle se
contredit avec le principe de la présomption d’innocence dont bénéficie l’accusé. Ce dilemme
est exacerbé et surtout lorsque la pratique met en évidence la profusion de juges dans le recours
à la détention préventive avec tous les dommages psychologiques, économiques et sociales qui
en résultent.

Face à cette situation, il a fallu intensifier les efforts pour mettre un terme à ce
phénomène qui ne cesse d’harceler tous les intervenants dans ce domaine, d’autant plus que le
législateur a instauré un ensemble d’alternatives permettant ainsi au pouvoir judiciaire de se
substituer à la détention préventive8.

Ainsi, et en cherchant des alternatives à la détention préventive, nous constatons que le


code de procédure pénale a prévu de nouveaux mécanismes, tels que la caution financière et
personnelle (Paragraphe 1), le contrôle judiciaire socio-éducatif (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La caution financière et personnelle

En principe, toute autorité judiciaire a le droit de prévoir une garantie financière ou


personnelle comme alternative à la détention préventive, permettant la poursuite des suspects
ou accusés, ainsi que le suivi des procédures d’enquête, le suivi ou le jugement en liberté. Cette
caution est versée immédiatement par l’accusé ou sa défense. Considérée comme un moyen
garantissant la présence de l’accusé aux différentes phases que traverse le procès.

On remarque dans la pratique que cette alternative est généralement utilisée après
approbation de la poursuite, que ce soit par le ministère public ou le juge d’instruction, elle peut
être utilisée lors de déroulement du procès soit devant le juge d’instruction, soit durant la

6
L’article 70 dispose : « Toute juridiction qui prononce une condamnation pour atteinte à la sûreté de l’Etat
peut, si les faits révèlent de la part du condamné des activités habituelles dangereuse à l’ordre social, assigner
à ce condamné un lieu de résidence ou un périmètre déterminé, dont il ne pourra s’éloigner sans autorisation
pendant la durée fixée par la décision, sans que cette puisse être supérieure à cinq ans. L’obligation de résidence
prend effet à compter du jour de l’expiration de la peine principale ».
7
L’article 71 énonce : « L’interdiction de séjour consiste dans la défense faite au condamné de paraître dans
certains lieux déterminés et pour une durée déterminée, lorsqu’en raison de la nature de l’acte commis, de la
personnalité de son auteur, ou d’autres circonstances, la juridiction estime que le séjour de ce condamné dans
les lieux précités constitue un danger pour l’ordre public ou la sécurité des personnes ».
8
65 ‫ صفحة‬،2007 ‫ الطبعة األولى‬،‫ مساهمة القاضي في حل أزمة السجون بالمغرب‬،‫هشام المالطي‬

8
période pour laquelle l’accusé est déjà en détention, elle bénéficie d’une liberté provisoire
assortie d’une caution financière ou personnelle.

Dans ce cadre, il convient de noter que le législateur a organisé cette alternative dans les
articles 183 à 188 du code de procédure pénale.

Quant à la caution financière, elle permet à l’accusé de se présenter en liberté, à


condition de payer une somme d’argent fixée en tenant compte d’un ensemble de critères. Cette
décision doit être mentionnée dans un dossier spécial qui doit comporter une copie de la
décision ainsi qu’un récépissé de dépôt du montant de la caution.

Cette caution garantit la présence de l’accusé et le paiement de tous les frais payés par
la partie civile. Elle comprend également un dédommagement des préjudices subis par le
demandeur. Le paiement de cette caution se fait généralement en espèces ou par un chèque
certifié.

La caution financière demeure un moyen efficace visant l’allégation de la détention


préventive et tend également à réduire la surpopulation carcérale. Comme elle constitue une
ressource supplémentaire pour la Trésorerie de l’Etat et en même temps une garantie si la
présence de l’accusé fait défaut. En plus de la caution financière, nous trouvons également la
caution personnelle.

En effet, la caution personnelle est un gage par lequel une personne s’engage à amener
l’accusé libéré et répondre de toutes les conséquences qui en résultent en cas de violation de cet
engagement. Et afin d’assurer que le garant personnel remplit son engagement, le ministère
public peut saisir le passeport du parrain ou l’accusé si c’est nécessaire.

Le législateur marocain a organisé cette caution dans les articles 1161 et 1169 du dahir
formant code des obligations et contrats et l’a défini en tant qu’un engagement par lequel une
personne s’oblige en justice ou à faire comparaître une autre personne à l’échéance de
l’obligation ou quand besoin sera. Le garant doit être capable juridiquement et, à cet égard,
l’article 178 du code de procédure pénale relatif à la libération temporaire qui désigne la
possibilité pour le juge d’instruction de libérer l’accusé si ce dernier démontre qu’il sera pris en
charge par une institution publique ou privée de santé ou d’éducation après sa libération.

Paragraphe 2 : Le contrôle judiciaire socio-éducatif

Dans le cadre de notre recherche à des alternatives, nous est apparue comme
relativement centrale de suivre les expériences d’autres législations. Le contrôle judiciaire tel
9
qu’il existe en France, en Italie, et dans de nombreux pays, est une mesure mise à la disposition
du magistrat instructeur comme alternative à la détention préventive, visant à maintenir sous la
main de la justice, et en milieu libre, des personnes qui sinon auraient fait l’objet d’un mandat
de dépôt.

Durant cette période, les obligations du contrôle judiciaire se décomposent dans le


système français (ou cette mesure est introduite par la loi du 17 juillet 1970)9 en deux grandes
catégories. La première catégorie relève de l’idée de surveillance, par exemple :

• Pointage dans un poste de police ou de gendarmerie ;

• Restriction à la liberté d’aller et venir, à la conduite de véhicules, à la liberté de travail ;

• Restriction dans la communication avec les tiers, témoins, victimes, coauteurs ou


complices ;

• Remise de documents (passeport, permis de conduite…)

La seconde catégorie d’obligations repose sur l’idée d’assistance socio-éducative


apportée, pendant la phase préalable au jugement par le biais :

• D’un contrôle des activités professionnelles, scolaires ou de formation ;

• Des mesures ayant pour objet le rétablissement de la santé physique du contrôlé.

Ce contrôle socio-éducatif10 est exercé par un contrôleur judiciaire, travailleur social de


l’administration pénitentiaire ou membre du secteur associatif, voire indépendant. Le bilan de
quarante années de contrôle judiciaire en France est positif, car il permet de maintenir le
présumé coupable dans son cadre social et familial habituel, en évitant les effets déstructurants
de la détention préventive, tout en protégeant les intérêts des victimes.

9
Institué par la loi du 17 juillet 1970, le contrôle judiciaire prend un « caractère socio-éducatif » par la circulaire
du 4 août 1982, même si les « mesures socio-éducatives » ne figurent explicitement dans le Code de Procédure
Pénale que depuis le 15 juin 2000. La décision de placement est prise par un juge de siège, juge d’instruction le
plus souvent. Le contrôle judiciaire concerne des personnes majeures ou mineures, mises en examen pour des
délits et crimes. Il est prononcé soit ab initio soit après une période de détention provisoire. Il est mis en œuvre par
des associations socio-judiciaires. A l’opposition de la détention préventive, le CJSE évite la rupture du lien
familial, social, professionnel, la stigmatisation, la perte d’autonomie et la dépersonnalisation. Il allie prévention
et sécurité, contrôle et accompagnement. « Fiche 1 : Le contrôle socio-éducatif », p. 1, http://www.citoyens-
justice.fr/fichiers/fiche20%CJSE.pdf.
10
MOUJAHID Hicham, Doctorat en Droit Privé, Université de Perpignan Via Domitia Académie de Montpellier,
« La nécessité d’un recours aux mesures alternatives à la détention préventive au Maroc », p 7.

10
Le recours à des contrôles judiciaires socio-éducatifs est à la hausse en France, depuis
la mise en place en 1989 des permanences d’orientation pénale, qui sont saisies par le procureur
de la République pour établir avant présentation au juge d’instruction des enquêtes rapides11.
Ces enquêtes rapides rassemblent des informations sur la personne présentée, mais également
des informations sur les possibilités existantes d’hébergement, de prise en charge sociale ou
médicale, enfin sur les possibilités concrètes de la mise en place d’une mesure alternative à la
détention préventive.

Les opposants du contrôle socio-éducatif soulignent l’ambiguïté de cette mesure, qui se


situe entre mesure de sûreté et pré-peine, entre logique de sécurité et logique sanitaire et
sociale : de telles discussions doctrinales sont d’autant intéressante que le contrôle judiciaire,
qui entraîne parfois des restrictions importantes aux libertés individuelles, peut entrer en
contradiction avec la présomption d’innocence et constituer par conséquent un jugement12.

Il convient de signaler, que le code de procédure pénale marocaine de 1959 ne


comportait aucune mesure alternative à la détention préventive à dimension humanitaire. A cet
effet, le législateur a pris le soin lors de la réforme du CPP de 2005, d’adopter le contrôle
judiciaire comme alternative à la détention. Cette mesure, cherche à trouver des outils aptes à
garantir l’application des actes judiciaires sans avoir recours à la détention préventive, critiquée
pour diverses raisons humanitaires.

Mais l’expérience française du contrôle judiciaire socio-éducatif comme alternative à la


détention pourra être prise comme exemple, car elle s’inscrit dans une perspective de

11
De nouvelles tentatives visant à limiter le recours à la détention préventive en France sont lancées depuis ces
dernières années : le partage de l’autorité en la matière. L’objectif souhaité est de raréfier l’utilisation de la
détention préventive, en faisant intervenir plusieurs acteurs dans le processus au lieu d’un seul. Le juge
d’instruction ayant eu à quelques exceptions près la maitrise de la question de la détention préventive depuis
création, s’est vu retirer le monopole. Désormais, son autorité en matière de la détention est partagée avec des
magistrats du parquet qui sont le procureur et le procureur général de la République, mais également avec des
magistrats du siège tels que la chambre d’instruction et son président et le juge de liberté et de détention »
« L’affaiblissement des pouvoirs du juge d’instruction en matière de détention provisoire », Mémoire du Master
de recherche en droit, présenté par LAMOURY Déborah, année 2004-2005, Université du droit et de la santé,
Lille.
12
Les magistrats s’accordent à regretter le manque d’effectivité et du contrôle entourant les mesures de contrôle
judiciaire. Ainsi, Jacques Beaume rappelle qu’à Marseille la liberté surveillée prononcée à l’encontre d’un mineur
est mise en œuvre « entre six et huit mois après la date de comparution. Il peut ainsi être jugé sans avoir jamais vu
l’éducateur désigné pour sa liberté surveillée. Le délai de notification de l’ensemble des mesures alternatives se
situe entre quatre et neuf mois ». Si les moyens alloués au milieu ouvert « étaient à la mesure de la demande de
sécurité » et si les magistrats pouvaient être certains qu’un contrôle judiciaire ou une liberté surveillée sont « pris
en charge dans la journée avec un contrôle réel », ils les utiliseraient davantage, affirme Jacques Beaume,
Procureur du TGI de Marseille, audition CNDH, 12 mai 2006, Commission nationale consultative des droits de
l’homme, les prisons en France, Volume 2, « Alternatives à la détention : du contrôle judiciaire à la détention »,
Etude réalisée par DINDO Sara, p 37, année 2007.

11
réinsertion, permettant ainsi d’insérer le contrôle dans un réseau de prise en charge sociale, et
constitue un instrument de lutte contre la récidive par l’initiation d’un suivi, qui pourra être
relayé après jugement. Le législateur marocain ne peut que s’inspirer de la législation française
en la matière, et d’ajouter la vision socio-éducative au contrôle judiciaire appliqué au Maroc.
Enfin, on n’a pas besoin de rappeler la parenté et la similitude existantes entre les codes de
procédure pénale des deux pays13.

II. Les nouvelles tendances relatives à la détention préventive


Le taux de la détention préventive a connu ces dernières années une augmentation
considérable, ce qui démontre clairement l’échec de la politique pénale avec ses moyens
classiques de faire face à ce problème. Ce qui nous mène à adopter des solutions et des
mécanismes permettant ainsi de réduire les effets secondaires de cette mesure, tout en adoptant
une approche qui tend à réformer le comportement du délinquant et à le préparer à s’intégrer
facilement dans la société, en créant chez lui la volonté de changer tout en l’aidant et l’assistant
pour se débarrasser et éliminer tous les facteurs de déviation ainsi que favoriser et encourager
le règlement des différends via les nouveaux mécanismes tels que : la transaction pénale et la
médiation pénale (Section 1) et le placement sous surveillance électronique (Section 2).

Section 1 : La transaction et la médiation pénales

En principe, l’action publique14 appartient à la société qui l’exerce par le biais du


ministère public. Néanmoins, le législateur peut dans certains cas exceptionnels prévoir la
transaction pénale comme mode de règlement de conflit. L’accord entre les parties concernées
met un terme à la poursuite pénale. Exemple 1 : la transaction pénale régie par l’article 372 du
Code de procédure pénale. Exemple 2 : les infractions pouvant faire l’objet d’une transaction
avec les administrations parties aux litiges sont celles relatives à la douane, eaux et forêts, la
pêche.

En effet, la transaction pénale est considérée comme l’une des principales mesures
poursuivies dans la résolution des différends pour les objectifs qu’elle réalise. Cependant, il
importe de distinguer la transaction pénale de la transaction civile, du fait que toutes les deux

13
BENSEGHIR Mohammed Azzedine, « La protection de la liberté individuelle contre les abus des fonctionnaires
publics ». Mémoire pour le Diplôme d’Etudes Supérieures de Droit Privé, année 1983, Université Hassan II,
Casablanca.
14
EL IDRISSI A., professeur enseignant à l’Université Ibn Tofail, Faculté des Sciences Juridiques Economiques
et Sociales Kénitra, Cours de procédure pénale, 2018-2019, p : 47.

12
ont le même but ainsi qu’elles supposent pour leur conclusion la volonté des parties au litige, à
savoir la victime et l’auteur du fait dommageable sans oublier bien sûr le ministère public sauf
que pour la transaction civile se spécifie par son rapport aux intérêts privés des parties
contractantes, tandis que la transaction pénale est un système un peu spécial parce qu’il met fin
à l’action publique15.

La médiation pénale, quant à elle, constitue une nouvelle tendance au sein du système
pénal qui repose sur la création d’un espace de dialogue et de discussion entre les parties au
litige pénal, et est considérée comme un mécanisme juridique pour faire face au nombre
injustifié des affaires et qui sont portées devant les tribunaux. En effet, plusieurs législations
comparées ont adopté de nouvelles politiques alternatives pour mener à bien les actions
publiques, et ce à travers le développement de méthodes judiciaires alternatives dont figurent
la médiation et la transaction pénales. Ce qui va servir les objectifs modernes de la politique
punitive visant à construire un système punitif moderne et complet qui équilibre les intérêts des
parties au litige pénal en adoptant des canaux de règlement amiable qui font passer la politique
pénale de son contenu punitif à un contenu de conciliation et de négociation.

La médiation pénale est considérée comme l’une des procédures alternatives qui vise à
limiter la recrudescence du taux de la détention préventive, car il s’agit d’un choix stratégique
et fiable pour alléger le recours à la détention préventive, ainsi que pour résoudre les différends
de nature simple qui ne menacent pas l’ordre public, selon un nouveau concept et une approche
moderne qui répond aux inspirations de la politique pénale contemporaine16, qui est devenue
basée sur le principe de la justice transactionnelle. Ainsi, la médiation pénale peut être définie
comme étant une procédure engagée avant que le ministère public agisse ou n’y tranche, et avec
l’accord des parties par laquelle un tiers tente de rechercher une solution au différend qui existe
entre l’auteur de l’infraction et la victime et sans leur imposer de décision17.

Section 2 : Le placement sous surveillance électronique

Le placement sous surveillance électronique, appelé également « bracelet électronique »


est une mesure d’aménagement de la peine permettant d’exécuter une peine d’emprisonnement
sans être incarcéré. Il peut également être décidé dans le cadre d’une assignation à résidence,

15
37 ‫ صفحة‬،2011 ،‫ الطبعة األولى‬،‫ االسكندرية‬،‫ دار الفكر الجامعي‬،‫ الصلح وأثره في العقوبة والخصومة الجنائية‬،‫أنيس حسيب المحالوي‬
16
16 ‫ صفحة‬،2004 ،15-14 ‫ مجلة المرافعات العدد‬،"‫ "مدى إمكانية تطبيق نظام الوساطة بالمغرب‬:‫الحسن بويقين‬
17
‫ إلى إنشاء خطط‬،2000 ‫لقد دعا اإلعالن الصادر خالل مؤتمر األمم المتحدة العاشر لمنع الجريمة ومعاملة المجرمين المنعقد خالل شهر أبريل‬
‫ هو الموعد المستهدف لتراجع فيه‬2002 ‫ تشمل آليات الوساطة والعدالة التصالحية وبأن يكون عام‬،‫ إقليمية ودولية لدعم ضحايا الجريمة‬،‫عمل وطنية‬
‫الدول ممارستها في هذا الشأن‬

13
en tant qu’alternative à la détention préventive, en attendant l’audience de jugement ou enfin
dans le cadre d’une surveillance électronique de fin de la peine18.

La surveillance électronique peut être définie de manière générale comme une technique
qui permet à l’autorité de contrôler certaines catégories de personnes à l’aide de moyens
électroniques. La surveillance électronique permet au poursuivi d’exercer une activité
professionnelle, de suivre un enseignement, une formation professionnelle, u stage ou un
emploi temporaire, de rechercher un emploi, de participer de manière essentielle à sa vie de
famille, de suivre un traitement médical ou de s’investir dans tout autre projet d’insertion ou de
réinsertion de nature à prévenir le risque de récidive.

En général, le placement sous surveillance électronique contribuera au développement


des alternatives à la détention préventive visant à la réinsertion de la personne placée sous la
main de la justice et partant de réduire le risque de la récidive.

Au Maroc, le ministre de la justice étudie la possibilité d’étendre à l’avenir la


surveillance électronique comme alternative à la détention préventive. Le débat sur la
surveillance électronique fait évidemment partie des questions de la société puisqu’elles
concernent l’arsenal répressif et la restriction de la liberté individuelle.

En outre, le travail d’intérêt général, comme peine de substitution à la détention


préventive, pour des délits punis de moins de 5 ans d’emprisonnement. D’autres alternatives à
l’incarcération feront leur entrée dans le code pénal. L’application du bracelet électronique est
envisageable. Cette mesure permet au condamné portant ce bracelet de mener une vie ordinaire
sous surveillance électronique et contribuera certainement à alléger le surpeuplement des
prisons. Ce surpeuplement coûte cher à l’Etat, mais il est aussi et surtout une source de gène

18
Selon les pays, le placement sous surveillance électronique peut être appliqué : au stade préparatoire du procès
pénal, en tant que condition d’une libération sous caution ou d’un sursis à l’exécution d’une peine de prison ; en
tant qu’unique sanction ou mesure pénale ; en association avec d’autres interventions de probation ; en tant que
mesure préparatoire à la libération ; dans le cadre d’une libération conditionnelle ; en tant que mesure intensive
d’orientation et de contrôle pour certains types d’auteurs d’infractions après leur sortie de prison. Dans certaines
juridictions, la surveillance électronique est considérée comme une modalité d’exécution d’une peine de prison ;
dans d’autres juridictions, elle est considérée comme une sanction ou une mesure non privative de liberté. Dans
certaines juridictions, elle est gérée par les services pénitentiaires, les services de probation ou un autre organisme
public compétent ; dans d’autres, elle est mise en œuvre par des entreprises privées dans le cadre d’un contrat de
sous-traitance avec un organisme public. Dans certaines juridictions, le suspect ou l’auteur d’infraction porteur du
dispositif contribue aux frais de fonctionnement ; dans d’autres, le coût de la surveillance électronique est
exclusivement pris en charge par l’Etat. « Champ d’application et définitions de la surveillance électronique », par
comité européen pour les problèmes criminels, conseil de coopération pénologique, Strasbourg, p : 2.

14
pour les pouvoirs publics puisque, dans une prison surpeuplée, la dignité des détenus est
forcément bafouée19.

Ces mesures alternatives à la détention préventive permettraient à l’Etat marocain, d’une


part de faire des économies considérables, et d’autre part, de contribuer à améliorer les
conditions de vie en milieu carcéral.

De ce fait, pour enrichir la palette des mesures et sanctions pénales alternatives à la


privation de liberté, le législateur marocain doit faire du placement sous surveillance
électronique une mesure alternative. La surveillance électronique pour être appliquée comme
peine alternative, cela suppose que la personne assujettie à cette mesure soit condamnée pour
un an d’emprisonnement ou moins, ou s’il lui reste un an ou moins. Dans ce cas, le juge
d’application des peines (JAP) peut décider que la peine s’exécutera sous le régime de
placement sous surveillance électronique. Il peut également être décidé à titre probatoire de
faire bénéficier le condamné d’une libération conditionnelle20 pour une durée d’un an ou moins.

III. L’indemnisation pour la détention préventive


« La politique pénale21 souffre depuis plus de 40 ans d’une inflation de la détention
préventive », reconnait la présidence du ministère public. Deux autres éléments alarmants à
retenir. D’abord, des magistrats prennent cette mesure « sans motifs suffisants », voire
« parfois sans qu’il n’y ait de preuves fortes ». Où est passé l’inspection judiciaire qui traque
les abus ? Ensuite, et c’est encore plus grave, 4158 personnes ont été acquittées en 2018 après
avoir croupi en prison pendant des mois.

Ont-ils eu droit à une indemnisation ? La jurisprudence a connu un long débat sur


l’importance et la nécessité de reconnaître la responsabilité de l’Etat pour les erreurs judiciaires.
Le code de procédure pénale considère pourtant la détention préventive comme une mesure de
sûreté exceptionnelle. Elle est appliquée à une personne sous enquête judiciaire dans plusieurs
cas : flagrant délit, gravité de certains crimes et délits, inexistence de caution financière ou

19
Des études montrent que, lorsqu’elle est organisée et mise en œuvre à bon escient et de façon proportionnée, la
surveillance électronique peut avoir des effets positifs sur le maintien ou le retour des suspects et des auteurs
d’infractions au sein de la société, contribuer à la prévention de la récidive, réduire le nombre des détenus et
diminuer les coups de surveillance et de prise en charge de ces derniers. « Champ d’application et définitions de
la surveillance électronique », par comité européen pour les problèmes criminels, conseil de coopération
pénologique, Strasbourg, p : 2.
20
Idem.
21
https://leconomiste.com/article/1050224-detention-preventive-une-inflation-persistante-depuis-40-ans.
Consulté en Mai 2020.

15
personnelle, risque de troubler la sécurité et l’ordre public ou de déperdition des preuves…etc.
La nature de certaines affaires attire l’attention et focalise l’intérêt de l’opinion publique peut
pousser un magistrat à signer un mandat de dépôt. C’est ce que le Chef du parquet national
appelle « la pression sociale » dans son rapport d’activité 2018.

Dans le même sens, on constate que la majorité des législations sont convaincus du droit
de la personne qui a été victime d’une erreur judiciaire à la réparation et l’indemnisation22 du
fait de sa détention provisoire, et par conséquent, abandonner le principe selon lequel les Etats
ne sont pas responsables de la détention préventive illicite, arbitraire ou illégale23. C’est ainsi
que le législateur français a décidé conformément aux dispositions de l’article 11 de la loi du 5
juillet 1972, de la responsabilité de l’Etat pour les erreurs judiciaires, en démontrant notamment
certaines formes de ces dernières, telles que l’erreur grave ou le délit de déni de justice, en
précisant également que les juges sont responsables de leurs erreurs personnelles, à condition
que l’Etat garantisse que la partie lésée reçoive une indemnité en réparation de tous les
dommages qui les a subi à cause de ces erreurs dans le cadre de ce qu’on appelle la prise à
partie24.

L’Algérie quant à elle, a constitutionnalisé le principe de droit à la réparation d’une


erreur judiciaire et a publié par conséquent un décret le 25 avril 2010, qui détermine la méthode
et les conditions pour bénéficier de la réparation.

Ce principe a été confirmé également par le Code de procédure pénale des Pays-Bas,
qui reconnait le droit de l’individu à une indemnisation s’il a été arrêté par erreur conformément
aux dispositions des articles 89 à 93. Ainsi, le législateur allemand a reconnu lui aussi ce droit
en vertu de la loi du 8 mars 1971 sans oublier la loi belge du 13 mars 1973 qui a suivi le même
chemin comme le droit suisse25, qui a adopté la même approche.

22
-2015 ،‫ ماستر المهن القانونية والقضائية‬،‫ رسالة لنيل دبلوم الماستر في القانون الخاص‬،‫ واقع وآفاق االعتقال االحتياطي بالمغرب‬،‫مونية احرازم‬
‫ وما بعدها‬91 ‫ صفحة‬،2016
23
‫ صفحة‬،‫ مطابع الشرطة‬،2010 ‫ الطبعة األولى‬،‫ الحبس االحتياطي في ضوء المواثيق الدولية والتشريعات الوطنية‬،‫ محمد عبد اللطيف فرج‬.‫ذ‬
‫ وما بعدها‬247.
24
La prise à partie est une action en justice qui vise à reconnaitre la responsabilité civile d’un magistrat pour une
faute qu’il a commise dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, et qui a causé un préjudice à l’une des parties.
Quoique constituant une garantie fondamentale de l’équité du procès, la prise à partie demeure une action qui ne
peut être exercée que dans des cas qui ont été limitativement déterminés par le législateur. Ces derniers sont : le
dol, la fraude, la concussion et le délit de déni de justice. En déterminant limitativement ces cas, le législateur a
voulu établir un équilibre entre le droit de celui qui a subi un préjudice pour obtenir réparation et ensuite la stabilité
dont les magistrats ont besoin pour assurer et mener à bien leurs fonctions.
25
68 ‫ الصفحة‬،2015 ‫ العدد الثاني‬،‫ التكلفة االقتصادية والحقوقية لالعتقال االحتياطي‬،‫ مجلة العلوم الجنائية‬،‫محمد أحداف‬

16
La question de la détention préventive et la possibilité d’indemnisation ont fait l’objet
d’une attention particulière dans les conventions internationales. C’est ainsi que l’alinéa 4 de
l’article 9 du pacte international relatif aux droits civils et politiques affirme que toute personne
qui a été privée de sa liberté par son arrestation ou sa détention a le droit de se retourner devant
le tribunal pour statuer et sans retard sur la légalité de sa détention et ordonner sa libération
dans le cas où la détention ne répond pas aux normes légales applicables26.

L’alinéa 5 de l’article 9 ajoute que la personne lésée a droit à une indemnisation pour
son arrestation ou sa détention provisoire. Dans le même contexte, les recommandations de la
troisième conférence arabe de la défense sociale, dont les travaux se sont tenus à Rabat en 1977
pour sensibiliser le législateur arabe de l’importance d’adopter le principe de l’indemnisation
en cas d’une décision de non-suite ou d’acquittement de l’accusé soumis à la détention en vertu
d’un jugement définitif.

Quant à la loi marocaine, le problème d’indemnisation de la détention préventive pose


au moins deux problématiques : la première concerne l’aspect juridique de la question, tandis
que la seconde se rapporte à la révélation du contenu de la pratique judiciaire à cet égard27.

En ce qui concerne les aspects juridiques relatifs à l’indemnisation pour la détention


préventive, nous notons que les dispositions du code de procédure pénale n’énoncent pas
explicitement le droit de l’accusé qui a été victime d’une détention provisoire et qui s’est
terminée par la délivrance d’une ordonnance de non-suite ou d’une décision d’acquittement
définitif de réclamer une quelconque indemnité. Même si le législateur a prévu des sanctions
en cas de violation de certaines dispositions légales28.

Nous mentionnons, parmi eux, les articles 98 et 141 du code de procédure pénale, qui
font référence au dépassement de la période de détention légalement prévue sans
l’interrogatoire, ce qui fait de lui une victime de détention arbitraire. Notant que le projet qui a
abouti à l’actuel code de procédure pénale n’a pas retenu la proposition de du Conseil consultatif
des droits de l’Homme qui prévoit une indemnisation à l’accusé acquitté pour la durée de sa
détention. Par conséquent, la logique et la justice exigent de l’Etat qu’il assume l’entière
responsabilité d’indemniser le détenu qui a été acquitté. Et cela compte tenu des dommages que
le détenu est sa famille ont subi, et surtout que les membres de la société ne fassent pas de

26
13 ،12 ،11 ‫ الصفحة‬،2012 ‫ يناير‬31 ‫ الصباح‬،‫ االعتقال االحتياطي التعسفي من صور الخطأ القضائي‬،‫مصطفى أشيبان‬
27
235-234 ‫ مرجع سابق صفحة‬،‫ شرح قانون المسطرة الجنائية‬،‫الحبيب بيهي‬
28
12 ‫ صفحة‬،2012 ‫ يناير‬31 ،‫ ملف االعتقال االحتياطي‬،‫ الصباح‬،‫ االعتقال االحتياطي وثقافة الزجر بسلب الحرية‬:‫عمر أزوكار‬

17
distinction entre la détention et la condamnation qui lui reste attachée à vie29. C’est ce qu’on
entend par la stigmatisation sociale.

Toutefois, nous ne devons pas nous contenter de rejeter la faute sur une pratique
judiciaire qui a produit des détenus préventivement, mais plutôt mettre en évidence et démontrer
les manifestations de manque de clarté qui caractérisent les textes juridiques organisant la
détention préventive, d’autant plus que le législateur n’a pas précisé les raisons de sa mise en
œuvre de manière spécifique, et surtout, le juge d’instruction n’est pas tenu de démontrer les
raisons de l’arrestation dans le cadre de la motivation de l’ordre de détention, dans la
perspective de ne pas violer le principe de la présomption d’innocence ainsi que les libertés
individuelles des citoyens30.

Malgré les manifestations d’incapacité de la législation marocaine en vigueur sur ce


point, on trouve que la Constitution de 2011 prévoyait explicitement le droit à une
indemnisation. La reconnaissance de ce droit constitutionnel rend la question d’appropriation
du code de procédure pénale et des dispositions constitutionnelles urgente dans le cadre du
respect total et absolu du système des droits de l’homme.

En effet, des voix ont commencé de se faire entendre, réclamant ainsi de considérer la
détention préventive comme une erreur judiciaire. Ainsi, la détention d’une personne et son
acquittement plus tard ou l’émission d’une ordonnance de non-suite constitue une erreur
judiciaire qui nécessité une indemnisation conformément aux dispositions de l’article 12231 de
la constitution. Nous pouvons considérer la détention préventive comme une violation grave et
flagrante des droits de l’Homme32 qui relève des dispositions de l’article 2333 de la constitution.

29
‫ كلية‬،‫ بحث لنيل دبلوم الماستر في القانون الخاص‬،‫ إشكالية التعويض عن االعتقال االحتياطي غير المبرر في التشريع المغربي‬:‫زكرياء جبارة‬
52 ‫ إلى‬49 ‫ صفحة‬،2010-2009 ،‫ الرباط‬،‫أكدال‬-‫العلوم القانونية واالقتصادية واالجتماعية‬
30
،1994-1992 ،‫ الرباط‬،‫ المعهد الوطني للدراسات القضائية‬،22 ‫ الفوج‬،‫ بحث نهاية التدريب‬،‫ تدبير االعتقال االحتياطي‬،‫ بن سليمان عبد الرحيم‬.‫ذ‬
47 ‫ إلى‬45 ‫صفحة‬
31
L’article 122 de la Constitution dispose : « Les dommages causés par une erreur judiciaire ouvrent droit à une
réparation à la charge de l’Etat ».
32
،1994-1992 ،22 ‫ الفوج‬،‫ المعهد الوطني للدراسات القضائية‬،‫ بحث نهاية التدريب‬،‫ ضوابط االعتقال في التشريع المغربي‬،‫فتاح عبد الرزاق‬
37 ‫صفحة‬
33
L’article 23 de la Constitution de 2011 énonce : « Nul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi ou condamné en
dehors des cas et des formes prévus par la loi.
La détention arbitraire ou secrète et la disparition forcée sont des crimes de la plus grande gravité. Elles
exposent leurs auteurs aux sanctions les plus sévères.
Toute personne détenue doit être informée immédiatement, et d’une façon qui lui soit compréhensible des motifs
de sa détention et de ses droits, dont celui de garder le silence . Elle doit bénéficier, au plus tôt, d’une assistance
juridique et de possibilité de communication avec ses proches, conformément à la loi.
La présomption d’innocence et le droit à un procès équitable sont garantis.
Toute personne détenue jouit de droits fondamentaux et de conditions de détention humaines. Elle peut
bénéficier de programmes de formation et de réinsertion.

18
Compte tenu du vide législatif au Maroc, il semble urgent d’avoir une consécration
législative du principe de l’indemnisation pour la détention préventive. Ce qui renforce encore
la nécessité de ce principe est le nombre élevé de détenus répartis sur l’ensemble des districts
judiciaires du Royaume. Un nombre qui ne cesse de s’accroître en consacrant la crise de la
détention préventive dans le système pénal marocain34.

En guise de conclusion, tout le monde s’accorde aujourd’hui sur la nécessité capitale


d’une réforme de la justice, et revendique une justice crédible, équitable, indépendante, forte,
compétente, une justice accessible et performante. La mise en œuvre des alternatives à la
détention préventive figure parmi les principaux objectifs poursuivis et souhaités du dialogue
de la réforme de la justice mené actuellement au Maroc.

Or, l’usage des mesures alternatives à la détention préventive ne pourra se développer


au Maroc et produire par conséquent ses effets sur le taux de la détention que dans le cadre
d’une politique pénale cohérente, fiable, stable et lisible. En ce sens, le Ministère de la Justice
est tenu d’élaborer et de diffuser chaque année les orientations de la politique pénale, en tenant
compte du principe selon lequel la privation de liberté devrait être considérée comme une
mesure de dernier recours.

A notre avis, le bracelet électronique doit être désormais inscrit au code de procédure
pénale marocain. Mesure déjà utilisée à titre expérimental en France et qui a démontré son
succès. Il permet une sorte de placement sous résidence surveillée sans pour autant stigmatiser
les détenus tout en assurant le maintien de l’ordre public sans ni menacer ni porter atteinte aux
libertés individuelles.

Nous constatons également que le besoin est urgent et que c’est le moment le plus
approprié pour adopter et approuver des alternatives à la détention préventive ainsi qu’aux
peines privatives de liberté et surtout dans les délits mineurs telles que :

• L’augmentation de l’amende au lieu de l’emprisonnement ;

• Le travail d’intérêt général ;

• Le travail dans les institutions agricoles ;

Est proscrite toute incitation au racisme, à la haine et à la violence.


Le génocide et tout autre crime à l’humanité, les crimes de guerre et toutes les violations graves et systémiques
des droits de l’Homme sont punis par la loi ».
34
‫ وما بعدها‬338 ‫ صفحة‬،‫ القاهرة‬،‫ مطبعة األطلس‬،1994 ‫ الطبعة الثانية‬،‫ الحبس االحتياطي علما وعمال‬،‫معوض عبد التواب‬

19
• Prioriser la procédure de transaction ;

• Le placement sous surveillance électronique ;

• La suppression de l’emprisonnement pour certaines infractions et l’augmentation de


l’amende ;

• Adopter les mécanismes de politique préventive précédant la commission du crime en


renforçant la surveillance numérique dans toutes les villes et rues et à travers le
Royaume.

Reste à dire que l’efficience et la qualité de la justice pénale s’appuient aussi sur le taux
des personnes en détention préventive. Ce taux qui ne doit pas dépasser 31% de la population
carcérale, selon l’ONU. « Un objectif qui exige de revoir la définition de cette mesure de
procédure pénale afin de la conformer avec la conception onusienne », recommande
l’institution judiciaire que préside ABDENABAOUI Mohamed.

En effet, et en optant pour les alternatives à la détention préventive, ceci pourrait changer
la donne dans la mesure où le pourcentage des personnes en détention préventive pourraient
passer ainsi de 40% à 15%. Soit la moitié du taux fixé par les objectifs de développement
durable pour 2030.

En définitive, nous ne pouvons manquer de reconnaître les efforts considérables


déployés par l’Etat à travers ses différentes institutions pour endiguer et freiner la propagation
et la recrudescence du phénomène de la détention préventive.

20

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