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Université Assane SECK de Ziguinchor

Unité de Formation et de
Recherche des Sciences
Économiques et Sociales

Département de Sciences
juridiques

Procédure pénale

Licence 2 – Sciences juridiques


Avril 2022

©Abdoulaye DIALLO
adiallo@univ-zig.sn
INTRODUCTION :
Trois questions principales seront abordées dans le cadre de cette introduction :
quel est l’objet de la procédure pénale, quelles sont ses finalités et quelles sont ses
sources.
Mais il importe au préalable de nous intéresser sur l’importance de la procédure
pénale. En effet, lorsqu’une infraction est réalisée, l’auteur de celle-ci ne pourra être
condamné qu’après avoir été jugé par les institutions judiciaires de la République. La
réaction sociale est ainsi organisée, elle n’est ni aveugle, ni instinctive, elle se fait dans
le respect des règles établies par la société, appelées règles de la Procédure pénale.
Elles organisent le déroulement du procès pénal (sur le fond et sur la forme) ainsi que
la composition et le rôle des autorités qui vont intervenir dans la procédure.
Les règles de la procédure pénale constituent également le lien entre l’infraction
et la sanction : elles sont indispensables à l’application du droit pénal. Sur le plan
politique, la procédure pénale implique le respect de l’intérêt général et ceux de
l’individu qui sont souvent contradictoires car d’un côté l’Etat veut une sanction rapide
et efficace alors que de l’autre les droits doivent être assurés (ex, présomption
d’innocence, principe du contradictoire, etc.). En ce sens, la procédure pénale assure
l’équilibre entre les intérêts divergents de la collectivité et ceux de l’individu en
présence. Les intérêts des différentes parties sont également assurés sur le plan moral
car contrairement au procès civil qui porte le plus souvent sur des questions d’ordre
patrimonial, le procès pénal met souvent en jeu la liberté, l’honneur de la personne
poursuivie.
L’importance de la procédure pénale ne fait aucun doute, celle-ci se vérifie à
travers son objet (I) et ses finalités (II).
I- L’objet de la procédure pénale

Tous les systèmes juridiques ont mis en place des mécanismes afin de faire
face au phénomène criminel. C’est dans cette optique que E. Durkheim soulignait que
le crime est un phénomène social normal en ce sens qu’il est impossible de trouver
une société qui en serait exempte.
Cependant, la réaction sociale face au phénomène criminel ne se peut se faire
que dans le cadre d’une procédure qui aboutira à un procès à l’issue duquel la sanction
sera prononcée. Ainsi, le procès pénal qui constitue l’objet de la procédure est

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considéré comme la manière dont la société organise le processus de réaction au
phénomène criminel.
Ce processus ne se limite pas simplement au procès devant le juge pénal, il le
déborde largement et intègre plusieurs étapes qui vont de la constatation de l’infraction
au prononcé de la condamnation en passant par la recherche des auteurs de
l’infraction, la recherche des preuves, l’instruction et le jugement.
Etudier la procédure pénale revient donc à s’intéresser à toutes ces étapes du
processus de réaction sociale. Mais plus encore à l’ensemble des règles qui
gouvernent le déroulement du procès pénal, l’organisation des juridictions pénales et
le rôle des différents acteurs qui interviennent dans le procès pénal (ministère public,
juge, personne poursuivie, victime).
II- Les finalités de la procédure pénale

L’objectif de la procédure pénale est d’assurer la fiabilité du procès pénal (1) et


de concilier sécurité et liberté (2).
1- La garantie de la fiabilité du procès

Au regard de la gravité de la sanction pénale à l’égard de la personne


soupçonnée d’avoir commis une infraction, la procédure pénale vise à assurer à la
personne poursuivie la garantie de la fiabilité de son éventuelle condamnation. Cette
garantie se manifeste par la mise en place de règles et principes directeurs qui
permettent de réduire au maximum les risques d’erreurs. Elle se manifeste aussi par
l’organisation et le fonctionnement de la justice qui permet d’assurer, à tous les
niveaux, l’indépendance des organes judiciaires.
A côté de la garantie de la fiabilité du procès pénal à travers l’indépendance des
organes judiciaires et la mise en place de règles destinées à réduire les risques
d’erreurs judiciaires la procédure pénale vise également à concilier la sécurité et la
liberté des citoyens.
2- La conciliation de la sécurité et de la liberté

La procédure pénale assure la sécurité des individus par la mise en place de


règles et mécanismes destinées à rechercher et punir les personnes qui ont enfreint
l’ordre social. D’un autre côté, elle assure la garantie des droits et libertés des
individus. Ainsi, la recherche d’un compromis entre ces deux exigences fondamentales

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peut poser de difficultés. En effet, la protection de la société contre les délinquants
appelle la mise en place de mesures répressives rapides et efficaces.
Cependant, l’impératif de sécurité ne doit pas remettre en cause les libertés
fondamentales et conduire à une négation des droits des individus. A cet effet, la
défense de l’individu est au cœur des préoccupations de la procédure pénale. En fait,
elle est même un des principale caractéristique de la procédure pénale dont l’une des
finalités est la recherche permanente du chute d’équilibre entre ces deux exigences
contradictoires.
III- Les sources de la procédure pénale

Certaines sources sont nationales (1), d’autres internationales (2).


1- Les sources nationales

Parmi les sources nationales, on distingue les sources écrites (a) des sources
non écrites (b).
a- Les sources écrites
• Le bloc de constitutionalité

En premier lieu, il faut d’abord citer la Constitution de 2001 modifiée par la


réforme du 20 mars 2016. Plusieurs articles constitutionnels formulent des règles de
procédure pénale. Il en est ainsi de l’article 91 qui consacre l’autorité judiciaire comme
gardienne de la liberté individuelle, ce qui suppose que seul un juge peut prendre des
mesures qui portent atteinte à la liberté des personnes (exemple : détention provisoire
ou emprisonnement). L’article 20 in fine précise également que « Tous les pouvoirs
publics ont l'obligation de respecter ces droits, de les protéger et de garantir leur libre
exercice ». De même, le régime de la garde à vue à désormais en droit sénégalais une
valeur constitutionnelle, ce qui est une innovation majeure.
Mais, certaines règles et même certains principes de la procédure pénale
viennent, non pas de la Constitution au sens strict, mais des textes à valeur
constitutionnelle visés dans le préambule de la Constitution. Ainsi, la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen du 26 aout 1789 consacre, parmi ses dispositions, la
légalité des citoyens (art. 6), la légalité procédurale (art. 7 et 8), la présomption
d’innocence (art. 9).

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Font également partie du bloc de constitutionnalité les principes fondamentaux
reconnus par les lois de la République, parmi lesquels on retrouve le respect des droits
de la défense.

• La loi

Autre source nationale textuelle, la loi est la source par excellence la procédure
pénale. En effet, l’article 89 de la Constitution précise que la procédure pénale relève
du domaine de la loi, et non du pouvoir réglementaire. La loi est entendu, ici, au sens
strict, c’est-à-dire, celle votée par l’Assemblée nationale, promulguée par le Président
de la République et publiée au Journal officiel.
Le code de procédure pénale sénégalais est issu de la loi 65-61 du 21 juillet
1965 portant code de procédure pénale.
Cette loi a fait l’objet de plusieurs modifications. Parmi les plus importantes, on
peut citer :
- La loi 85-25 du 27 février 1985 1985 (JORS n°5062 du 11 mai 1985, pp.
249-259).Vise essentiellement le renforcement de la garantie des libertés
individuelles durant les phases de garde à vue et d’instruction (pour
approfondir la question : Elisabeth Michelet, Flash sur la procédure pénale
sénégalaise issue de la loi du 27 février 1985, CPP ed. EDJA, p.29 et s. ou
bien RIPAS n° 12-13 de janvier-juin 1985.
- la loi n° 99-06 du 29 janvier 1999 modifiant certaines dispositions du CPP
(JORS n°5847, pp. 836-840). Elle s’inscrit également dans le même sillage
que la loi de 1985. Elle a introduit la possibilité pour l’avocat d’intervenir dès
la phase de garde à vue.
- Loi 2007-05 du 12 février 2007 relative à la mise en œuvre du Traité de
Rome instituant la CPI 1998 (entré en vigueur le 1er juillet 2002 après
sa ratification par 60 États).
- La loi 2008-50 du 23 septembre 2008 qui met l’accent sur l’instruction et le
jugement des crimes. Elle avait professionnalisé les Cours d’Assises en
estimant qu’elles seront composées d’un président et de deux assesseurs.
- La loi 2014-28 du 03 novembre 2014 porte réforme de la carte
judiciaire. Cette loi est venue supprimer les Cours d’Assises pour
les remplacer par les chambres criminelles.

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- La loi 2016-30 du 8 novembre 2016 portant modification du Code de
procédure pénale.
- Loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant
la loi organique n° 2008-35 du 08 août 2008 sur la Cour suprême

b- Les sources non écrites


A côté des sources écrites, existent des sources non écrites qui occupent une
place non négligeable. Ces sources non écrites consacrent des principes qui régissent
la procédure pénale. Ce sont des règles que les tribunaux jugent fondamentales alors
qu’aucun texte ne les consacre formellement.
Il en est ainsi du principe en vertu duquel une personne mise en examen dans
le cadre d’une instruction ne peut être renvoyée en jugement sans avoir été au
préalable entendue par le juge d’instruction (crim. 12 oct. 1972 D. 1973, p. 170, note
Padel) ou encore de la règle selon laquelle la personne mise en examen et son conseil
doivent avoir la parole en dernier devant la chambre de l’instruction (crim. 28 sept.
1983, D. 1983, p. 156, note Pradel).
2- Les sources internationales
Ces sources sont constituées par les traités auxquels est partie le Sénégal.
Elles concernent des questions spécifiques, notamment l’extradition ou d’autres
questions de procédure pénale. Les sources internationales de la procédure pénale
peuvent découler des traités internationaux (a) ou des dispositions communautaires
(b).
a- Les traités internationaux
En dehors des conventions internationales repris dans le préambule de la
Constitution et qui posent des principes régissant la procédure pénale (Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen, Charte, africaine des droits de l’homme, etc), le
Sénégal a signé plusieurs traités internationaux qui régissent la procédure pénale.
Ceux-ci sont à la fois bilatéraux (exemple : traité bilatéral sur l’entraide judiciaire avec
des pays étrangers, traité sur l’extradition, etc) ou multilatéraux (traité mettant en place
des organisations internationales (exemple CPI) ou des principes communs régissant
la matière pénale. Exemple : article 11.2 de la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme, article 3.4 du Pacte Internationale relatif aux Droits Civils et Politiques ;
l'égalité devant la loi et devant la justice consacrée par les articles 7 et 10 de la

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Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, les articles 14.1 et 26 du Pacte
International relatif aux Droits Civils et Politiques, l'indépendance de l'autorité judiciaire
consacrée par les articles 10 et 11 de la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme, l'article 14 du Pacte International relatif aux droits Civils et Politiques, le
recours effectif affirmé à l'article 8 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.

b- Les traités communautaires

Dans le cadre du droit communautaire, certaines dispositions intéressent la


procédure pénale. En effet, le Sénégal est un Etat-partie de plusieurs organisations
communautaires de la sous-région telles que la CEDEAO, l’UEMOA. Ces
organisations communautaires ont des domaines de compétences qui exercent une
influence importante sur le droit national des Etats-membres dont la procédure pénale.
Ainsi, récemment, un règlement de l’UEMOA est venu poser un principe
essentiel de la procédure pénale relativement à la garde à vue. En effet, Le règlement
de n°05/Cm/UEMOA relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession
d’avocat dans l’espace UEMOA comporte une disposition prévoyant que «les avocats
assistent leurs clients dès leur interpellation, durant l’enquête préliminaire, dans les
locaux de la police, de la gendarmerie, ou devant le Parquet».
Les dispositions issues de ces organisations communautaires permettent aux
juridictions chargées de les appliquer de dégager des standards du bien juger qui
imposent au législateur comme au juge un modèle du procès équitable. A ce titre, on
peut citer, la non rétroactivité de la loi pénale consacrée par les articles 7.2 de la Charte
Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples; l'indépendance de l'autorité judiciaire
consacrée par l'article 1 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.

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