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06/11/2023
ENQUÊTE
TCHAD POLITIQUE BUSINESS
Sortie du Tchad
Ces derniers mois, la dégradation de la relation du
chef de l'État avec Abakar Manany alimentait les
spéculations. Elles se confirment lorsque le
conseiller fraîchement limogé s'installe dans sa
villa. Au crépuscule détone un engin explosif lancé
depuis l'extérieur de sa propriété. Les hommes de
Manany se barricadent, veillent armes aux poings,
redoutant un assaut qui n'arrivera jamais
Le lendemain matin, sur les coups de à 6 heures,
le directeur du protocole de la présidence Saad
Chérif arrive sur les lieux et demande à Abakar
Manany de lui remettre son passeport
diplomatique. Le concerné s'exécute, puis passe
la matinée à préparer sa sortie du pays. Le
ministre de la sécurité publique, Mahamat
Charfadine Margui, donne le feu vert pour son
départ. Abakar Manany rejoint l'aéroport à bord
d'un convoi de plusieurs véhicules et s'envole pour
Paris muni de son passeport tchadien ordinaire,
sous le regard de diplomates français et
américains venus s'assurer que l'ancien conseiller
présidentiel a pu quitter le territoire.
Jeunesse libyenne
Depuis, Abakar Manany s'est replié sur la gestion
de sa compagnie aérienne, Amjet à Dubai d'où il
s'interdit jusqu'à présent toute déclaration
publique sur la vie politique tchadienne. Pilote de
formation, ce fils de préfet a été formé au Tchad
puis en France et aux États-Unis où il avance avoir
décroché un diplôme à la Delta Qualiflight
Aviation Academy, à Dallas. Contactée, celle-ci
n'a pas souhaité confirmer.
Dans les dernières années de règne de l'ancien
président Hissène Habré (1982-1990), Abakar
Manany, devenu soldat dans l'armée de l'air, est
attaché à l'ambassade tchadienne de Tripoli. Trois
ans après la prise de pouvoir d' Idriss Déby
Itno en 1990, il apparaît pour la première fois dans
l'organigramme officiel. Alors âgé de 25 ans,
Abakar Manany devient chargé de mission et
conseiller diplomatique à la présidence. Il y
retrouve son oncle, l'influent Rakis Manany,
figure du patronat tchadien à la tête de la
compagnie d'assurances Star nationale. Il est l'un
des principaux conseillers spéciaux d'Idriss Déby.
Durant cette période, Manany multiplie les allers-
retours entre Paris et N'Djamena. En 1996, il est
introduit par Tidjani Thiam, ancien ministre des
affaires étrangères et conseiller à la présidence,
auprès d'un Jacques Foccart affaibli. Durant un
an, il gravite autour de l'ancien "Monsieur Afrique"
de Charles de Gaulle, rappelé aux affaires par
l'ancien président Jacques Chirac au lendemain
de son élection de 1995. À la mort de Foccart en
mars 1997, Manany revient à plein temps à la
présidence tchadienne avec un carnet d'adresses
étoffé au sein de la droite française.
Apprenti émissaire
Idriss Déby lui confie la direction d' Air Tchad, qui
fera faillite deux ans plus tard. Le chef de l'État
promeut ce jeune et ambitieux conseiller au franc-
parler. Il en fait son émissaire particulier. Le
trentenaire porte des messages aux chefs d'État
du continent, à l'image de l'Equato-
Guinéen Teodoro Obiang Nguema, le
Congolais Denis Sassou-Nguesso et le
Rwandais Paul Kagame. Abakar Manany se lie
d'amitié avec ce dernier en 1999, lorsqu'il se rend
à Kigali pour négocier avec des groupes armés de
RDC la libération de soldats tchadiens venus
combattre aux côtés des troupes de Laurent-
Désiré Kabila, qui a renversé deux ans plus
tôt Mobutu Sese Seko avec le soutien du
Rwanda et de l'Ouganda.
En parallèle, Abakar Manany étoffe son réseau au
Soudan, alors que les relations entre Khartoum et
N'Djamena sont glaciales. Le président tchadien le
sollicite également pour amorcer le
rapprochement avec la Chine en vue de la
signature de contrats pétroliers. C'est à cette
époque qu'Abakar Manany apparaît pour la
première fois sur les écrans radars de
Washington. Il est chargé de rassurer le cabinet
de la secrétaire d'État américaine, Condoleezza
Rice, sur les manœuvres en cours avec la Chine.
Il est depuis resté très lié aux États-Unis où il
continue de se rendre régulièrement.
Retour à l'aviation
Cette mise à l'écart par le président tchadien ne
suscite néanmoins que peu d'effets de bord sur la
vie parisienne d'Abakar Manany. Dans la capitale
française, il est alors un visiteur régulier de
l'avocat Robert Bourgi, et de l'homme
d'affaires Alexandre Djouhri. Pour le compte de
l'ex-président français Nicolas Sarkozy, en lien
avec son secrétaire général de l'Élysée, Claude
Guéant, il mène une série de discrètes missions
de bons offices. Il amorce le rapprochement entre
Paris et Kigali, ou encore facilite la libération
d'otages français au Soudan.
Il fait en parallèle fructifier les affaires de sa
société d'aviation privée Amjet, créée en 2008, et
dont le siège est à Voula, en Grèce. La compagnie
est très active au Moyen-Orientet contrôle une
filiale de courtage aérien, Amjet Executive
Services établie à Genève, en Suisse.
Devenu millionnaire, l'homme d'affaires soigne
son image. Il a longtemps été en contrat avec
l'agence de relations publiques parisiennes, Jin.
Cette dernière lui avait facilité, en 2020, la
publication dans la presse française de tribunes
virulentes envers Idriss Déby. Il apparaît à la
même période à plusieurs évènements de
la Munich Security Conference (MSC) où il
s'affiche avec le premier ministre canadien Justin
Trudeau ou l'Américaine Nancy Pelosi, à
l'époque présidente de la chambre des
représentants. Côté célébrités, il se met en scène
à la table des joueurs du FC Barcelone, Lionel
Messi et Xavi Hernández ou encore sur un yatch
en compagnie de la star de NBA, Magic
Johnson.
Le désaccord soudanais
En mars, alors que Manany songe à démissionner,
il est nommé ministre d'État. Un semblant de
promotion. En avril, Abakar Manany est à Berlin,
pour tenter de rencontrer des officiels, quand il
apprend que l'ambassadeur allemand à
N'Djamena Jan Christian Gordon Kricke est
déclaré persona non grata, pour "attitude
discourtoise" (AI du 04/05/23). Un mois plus tard,
il renonce à accompagner le président de
transition à l'investiture du Nigérian Ahmed Bola
Tinubu, qu'il connaît de longue date, pour avoir
opéré l'un de ses avions.
La guerre au Soudan, qui éclate en avril 2023 a,
entre-temps, exacerbé un peu plus les tensions.
Idriss Youssouf Boy œuvre au rapprochement
avec Mohamed Hamdan Dagalo dit " Hemeti", le
chef des Rapid Support Forces. Manany, qui
jouit de lointains liens familiaux avec ce dernier,
s'y oppose en vain.
Une bascule stratégique au Soudan encouragée
par les EAU, dont le rapprochement avec le Tchad
est, ironiquement, l'une des actions les plus
abouties de Manany. L'alliance s'est concrétisée
en juin dernier par la signature d'accords de
coopération à Abu Dhabi en présence de "Kaka".
MbZ s'est engagé à financer le processus de
désarmement, démobilisation et réinsertion
tchadien. Pourtant résident à Dubaï, Manany a été
tenu à l'écart de la visite.
Précision du 06/11/2023 à 15h40 : Abakar
Manany, qui a contacté la rédaction d'Africa
Intelligence à l'issue de la publication de l'article,
dément avoir obtenu la nationalité française.
Antoine Rolland
AFRIQUE DE L'OUEST
AFRIQUE DE L'OUEST
DÉFENSE
Soutien européen
Le constructeur portugais Vanguard Marine s'est
d'ores et déjà positionné sur le marché, au même
titre que son concurrent espagnol Narwhal Boats,
un autre spécialiste de l'industrie de l'embarcation
semi-rigide. Mais ils devront s'imposer face au
portugais Sodarca Group. Active dans les
secteurs de l'immobilier, du tourisme, de l'aviation,
mais surtout de la défense, cette structure se
présente comme un distributeur de matériel
militaire. Elle équipe notamment les contingents
portugais déployés sous la bannière de
la Minusca, la mission de maintien de la paix
des Nations unies stationnée en Centrafrique.
L'institut Camões devrait départager ces
concurrents le 14 novembre.
La coopération sécuritaire pilotée par l'UE tend à
se renforcer dans les pays côtiers d'Afrique de
l'Ouest, notamment en Côte d'Ivoire, au Ghana,
Togo et Bénin. En témoigne la décision prise par
Bruxelles de nommer prochainement un attaché
de défense et un attaché de sécurité civile dans
chacun de ses États (AI du 12/06/23). Sous les
auspices de la Common Security and Defence
Policy (CSDP), ces nouveaux interlocuteurs
seront chargés de faciliter l'identification des
besoins des armées africaines en matière de
matériel militaire et de formation.
GUINÉE
MINES
Inquiétudes à Boffa
Ces différentes procédures judiciaires devraient
prendre du temps. Après une grève des
magistrats, qui a paralysé les tribunaux en août et
septembre (AI du 27/09/23), les avocats guinéens
ont à leur tour lancé un boycott des audiences le
30 octobre. Un mouvement qui est intervenu après
une altercation entre un magistrat et un avocat
dans la ville de Coyah.
Dans la région de Boffa, où Bel Air emploie
quelque 1 700 salariés directs et indirects, cet
imbroglio judiciaire, qui suit la polémique autour du
naufrage de la barge, tracasse les employés et les
communautés locales. Ces derniers s'inquiètent
de l'avenir de ce projet minier majeur, dont la
production a démarré fin 2018. Outre la mine de
Bel Air, Alufer Mining développe, via sa
filiale Alufer Pita Labé, un second projet
d'extraction de bauxite en Guinée, à côté de Labé.
Il mène aussi un projet d'extraction de fer, piloté
par Alufer Iron. Tous deux pourraient pâtir de la
situation financière et judiciaire actuelle du
groupe.
AFRIQUE CENTRALE
GABON
ÉNERGIES
CONGO
ÉNERGIES
RDC
DIPLOMATIE
AFRIQUE DU NORD
MAROC
BUSINESS
Marquage de territoires
De son côté, le cabinet Consensus Public
Relations, dirigé par le discret Faiçal Alaoui
Medarhri, s'est beaucoup investi dans les relations
entre le Maroc et Israël ces dernières années, à
travers des forums de networking comme le
"Morocco-Israel : Connect to Innovate" ou le
rendez-vous de la plateforme israélienne Start-Up
Nation Central d' Aviva Steinberger. C'est
Faiçal Alaoui Medarhri qui animera la réunion
plénière "Identité et rayonnement : forger la
réputation collective du Maroc", avec la
participation de Neila Tazi, grande prêtresse
marocaine des industries culturelles.
Le Maroc cherche à monter en compétence dans
ce domaine, et s'est engagé dans un combat
contre son voisin algérien sur les questions de
patrimoine culturel. En 2022, lorsque la sélection
nationale de football algérienne avait arboré un
zellige sur son maillot, le Maroc avait mis en
demeure Adidas de retirer cet équipement, et
menacé de porter l'affaire devant l' Unesco et
l' Organisation mondiale de la propriété
intellectuelle (OMPI).
Parmi ses sponsors, l'événement des 8 et
9 novembre compte le Centre régional
d'investissement (CRI) de Dakhla. Logique : le
territoire contesté est une priorité pour le Maroc
qui cherche à y attirer des investisseurs
internationaux, parfois refroidis par les éventuelles
conséquences juridiques liées au contentieux
territorial. D'ailleurs, Hassan Belkhayat, le patron
du cabinet SouthBridge A&I qui vient d'être
chargé d'adapter la stratégie des CRI à la nouvelle
charte de l'investissement, sera également
membre du panel.
ALGÉRIE
DIPLOMATIE
Publié le 03/11
KENYA
POLITIQUE
BUSINESS
Relations houleuses
Selon des sources proches de la présidence, le
projet pâtirait des relations compliquées entre les
deux hommes, rivaux politiques tous deux issus de
la Vallée du Rift (AI du 22/08/23), et des
désaccords entre les actionnaires. Le chef de
l'État s'était initialement rapproché du
fortuné Joshua Kulei, ancien secrétaire
particulier de Daniel arap Moi, qui détient 10 % des
actions du groupe médiatique. Les 90 % restants
sont répartis entre plusieurs sociétés et holdings
contrôlées par la famille Moi et son entourage.
Les désaccords politiques entre le président et
Gideon Moi auraient conduit William Ruto à se
désintéresser du projet pour se tourner vers
d'autres cibles médiatiques. Le chef de l'État s'est
rapproché du businessman Simon Gicharu et de
son groupe Cape Media, qui diffuse la
chaîne TV47, mais aussi du Radio Africa Group,
éditeur du troisième quotidien du pays The
Star (AI du 07/06/23).
Cure d'austérité
Pour remettre son navire à flot, le directeur général
intérimaire Joe Munene doit multiplier les
mesures d'urgence face au risque d'hémorragie du
personnel le plus qualifié du groupe. Après avoir
nourri l'espoir d'une embellie qui suivrait un
changement d'actionnariat, l'ambiance est terne
au siège du groupe, où une partie significative du
personnel songerait à démissionner.
Un plan de départs volontaires à la retraite a été
dévoilé en septembre après de nouveaux résultats
moroses. Dans son bilan du premier semestre
2023, le groupe de presse enregistre une perte
nette de 102,9 millions de shillings (près de
700.000 dollars), ce qui représente toutefois une
amélioration par rapport à la première moitié de
2022, où le déficit était trois fois plus élevé.
Ces difficultés s'expliquent par plusieurs facteurs,
notamment la hausse du prix du papier, mais aussi
la forte baisse des publicités d'organismes
gouvernementaux dans les médias du groupe. Les
principaux organes de presse, accusés par
William Ruto d'avoir soutenu son rival à la
présidentielle Raila Odinga, ont fait les frais de
cette politique (AI du 07/12/22).
ANGOLA
MOZAMBIQUE
DIPLOMATIE
L'opération séduction de Kiev auprès des pays
lusophones
L'Ukraine, qui veut raviver ses relations avec les
pays africains afin de contrer l'influence de
Moscou, souhaite devenir observateur associé de
la Communauté des pays de langue portugaise.
Elle a d'ores et déjà obtenu le soutien de Luanda.
Appui angolais
Les discussions autour de cette adhésion ont été
relancées la semaine dernière dans la capitale
angolaise, qui accueillait la 147 e assemblée de
l' Union interparlementaire (UIP), du 23 au
27 octobre.
Oleksandr Korniyenko, vice-président de la
Rada, le Parlement ukrainien, a profité de cette
occasion pour s'entretenir avec Virgílio de
Fontes Pereira, le député du Movimento
Popular de Libertação de Angola (MPLA)
responsable des relations interparlementaires
avec la CPLP. À l'issue de leur rencontre, ce
dernier a affirmé que l'Ukraine pouvait compter sur
le soutien de Luanda afin d'obtenir ce statut
d'observateur associé, position qui a depuis été
reprise officiellement par l'Assemblée nationale.
Médiation portugaise
Les ambitions lusophones de Kiev ont semblé se
préciser les mois derniers. Le 28 septembre,
l'ambassadrice d'Ukraine au Portugal, Maryna
Mikhailenko, a été reçue par le secrétaire exécutif
de la CPLP et ex-ministre des affaires étrangères
du Timor-Leste (2007-2012), Zacarias da Costa,
dans le cossu Palais des Comtes de Penafiel, à
Lisbonne, où siège l'organisation. Si l'Ukraine se
décide à candidater, elle devra d'abord obtenir
l'aval de tous les chefs d'État des pays membres
de l'organisation, conformément au règlement des
observateurs associés de la CPLP approuvé en
août.
Pour raviver les relations ukraino-africaines, elle
peut également compter sur le soutien du
président portugais, Marcelo Rebelo de Sousa,
et du ministre des affaires étrangères, João
Gomes Cravinho. Lors de sa visite à Kiev en
août, le chef d'État avait fait savoir à son
homologue Volodymyr Zelensky que le Portugal
pouvait se placer en médiateur de l'Ukraine sur le
continent et que la CPLP pouvait servir de tremplin
aux relations ukraino-africaines.