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Édition du

06/11/2023
ENQUÊTE
TCHAD POLITIQUE BUSINESS

Les mille et une vies d'Abakar Manany


Figure des intrigues politiques tchadiennes depuis
plus de deux décennies, l'homme d'affaires
Abakar Manany a été le plus proche conseiller
d'Idriss Déby puis l'un de ses plus virulents
opposants. Vivant entre Dubaï, Paris et
Washington, il a opéré en 2021 un retour auprès
de Mahamat Idriss Déby, avant d'être écarté en
juillet dernier.
Abakar Manany, l'aviateur millionnaire au cœur du
pouvoir tchadien. ©Le Pictorium/MaxPPP//Abir
Sultan/EPA/Newscom/MaxPPP//Kirk
Fisher/istock//amjetexecutive.com//benz190/istoc
k
Il a soigné son arrivée au Tchad, l'a imaginée
grandiose et se pensait attendu. Ce 24 juillet 2023,
peu après midi, un aréopage de notables et de
proches s'active lorsque le jet privé d' Abakar
Manany se pose sur le tarmac de l'aéroport
international de N'Djamena. À la sortie de
l'appareil enregistré au nom de sa compagnie
aérienne Amjet, le conseiller spécial à la
présidence avec rang de ministre d'État savoure le
moment. Dans le salon VIP, il enchaîne les selfies
et salutations sans se douter qu'au Palais rose, le
président Mahamat Idriss Déby, dit " Kaka",
peine à contenir sa colère en suivant la scène en
direct. Ce dernier demande des explications par
messages à son conseiller qui dément avoir
préparé ce comité d'accueil, sans convaincre. Le
ton se durcit au fil des textos et Abakar Manany
menace de démissionner. À peine a-t-il quitté
l'aéroport qu'un décret présidentiel met fin à ses
fonctions.

Sortie du Tchad
Ces derniers mois, la dégradation de la relation du
chef de l'État avec Abakar Manany alimentait les
spéculations. Elles se confirment lorsque le
conseiller fraîchement limogé s'installe dans sa
villa. Au crépuscule détone un engin explosif lancé
depuis l'extérieur de sa propriété. Les hommes de
Manany se barricadent, veillent armes aux poings,
redoutant un assaut qui n'arrivera jamais
Le lendemain matin, sur les coups de à 6 heures,
le directeur du protocole de la présidence Saad
Chérif arrive sur les lieux et demande à Abakar
Manany de lui remettre son passeport
diplomatique. Le concerné s'exécute, puis passe
la matinée à préparer sa sortie du pays. Le
ministre de la sécurité publique, Mahamat
Charfadine Margui, donne le feu vert pour son
départ. Abakar Manany rejoint l'aéroport à bord
d'un convoi de plusieurs véhicules et s'envole pour
Paris muni de son passeport tchadien ordinaire,
sous le regard de diplomates français et
américains venus s'assurer que l'ancien conseiller
présidentiel a pu quitter le territoire.

Jeunesse libyenne
Depuis, Abakar Manany s'est replié sur la gestion
de sa compagnie aérienne, Amjet à Dubai d'où il
s'interdit jusqu'à présent toute déclaration
publique sur la vie politique tchadienne. Pilote de
formation, ce fils de préfet a été formé au Tchad
puis en France et aux États-Unis où il avance avoir
décroché un diplôme à la Delta Qualiflight
Aviation Academy, à Dallas. Contactée, celle-ci
n'a pas souhaité confirmer.
Dans les dernières années de règne de l'ancien
président Hissène Habré (1982-1990), Abakar
Manany, devenu soldat dans l'armée de l'air, est
attaché à l'ambassade tchadienne de Tripoli. Trois
ans après la prise de pouvoir d' Idriss Déby
Itno en 1990, il apparaît pour la première fois dans
l'organigramme officiel. Alors âgé de 25 ans,
Abakar Manany devient chargé de mission et
conseiller diplomatique à la présidence. Il y
retrouve son oncle, l'influent Rakis Manany,
figure du patronat tchadien à la tête de la
compagnie d'assurances Star nationale. Il est l'un
des principaux conseillers spéciaux d'Idriss Déby.
Durant cette période, Manany multiplie les allers-
retours entre Paris et N'Djamena. En 1996, il est
introduit par Tidjani Thiam, ancien ministre des
affaires étrangères et conseiller à la présidence,
auprès d'un Jacques Foccart affaibli. Durant un
an, il gravite autour de l'ancien "Monsieur Afrique"
de Charles de Gaulle, rappelé aux affaires par
l'ancien président Jacques Chirac au lendemain
de son élection de 1995. À la mort de Foccart en
mars 1997, Manany revient à plein temps à la
présidence tchadienne avec un carnet d'adresses
étoffé au sein de la droite française.

Apprenti émissaire
Idriss Déby lui confie la direction d' Air Tchad, qui
fera faillite deux ans plus tard. Le chef de l'État
promeut ce jeune et ambitieux conseiller au franc-
parler. Il en fait son émissaire particulier. Le
trentenaire porte des messages aux chefs d'État
du continent, à l'image de l'Equato-
Guinéen Teodoro Obiang Nguema, le
Congolais Denis Sassou-Nguesso et le
Rwandais Paul Kagame. Abakar Manany se lie
d'amitié avec ce dernier en 1999, lorsqu'il se rend
à Kigali pour négocier avec des groupes armés de
RDC la libération de soldats tchadiens venus
combattre aux côtés des troupes de Laurent-
Désiré Kabila, qui a renversé deux ans plus
tôt Mobutu Sese Seko avec le soutien du
Rwanda et de l'Ouganda.
En parallèle, Abakar Manany étoffe son réseau au
Soudan, alors que les relations entre Khartoum et
N'Djamena sont glaciales. Le président tchadien le
sollicite également pour amorcer le
rapprochement avec la Chine en vue de la
signature de contrats pétroliers. C'est à cette
époque qu'Abakar Manany apparaît pour la
première fois sur les écrans radars de
Washington. Il est chargé de rassurer le cabinet
de la secrétaire d'État américaine, Condoleezza
Rice, sur les manœuvres en cours avec la Chine.
Il est depuis resté très lié aux États-Unis où il
continue de se rendre régulièrement.

Paris, la seconde maison


Abakar Manany s'impose à partir du début des
années 2000 sur l'axe N'Djamena-Paris et gère les
venues d'Idriss Déby dans la capitale française. Il
fait du président tchadien un habitué de l'Hôtel du
Collectionneur, près des Champs-Élysées, et
acquiert en 2003 un appartement à Levallois-
Perret, dans les Hauts-de-Seine. Il obtient l'année
suivante la nationalité française. Depuis Paris, il
est un interlocuteur clé entre l'Élysée et Idriss
Déby et consolide notamment son entregent après
d'une poignée d'influents officiers français.
Les raisons de sa rupture avec Idriss Déby en
2008 restent floues. Les scénarios vont du
contentieux financier au soutien supposé de
Manany à la rébellion de Mahamat
Nouri et Timan Erdimi, qui manque alors de
renverser le président. Reste que celui qui a officié
au palais présidentiel pendant près de deux
décennies devient en quelques jours l'un des
opposants les plus virulents à Déby.

Retour à l'aviation
Cette mise à l'écart par le président tchadien ne
suscite néanmoins que peu d'effets de bord sur la
vie parisienne d'Abakar Manany. Dans la capitale
française, il est alors un visiteur régulier de
l'avocat Robert Bourgi, et de l'homme
d'affaires Alexandre Djouhri. Pour le compte de
l'ex-président français Nicolas Sarkozy, en lien
avec son secrétaire général de l'Élysée, Claude
Guéant, il mène une série de discrètes missions
de bons offices. Il amorce le rapprochement entre
Paris et Kigali, ou encore facilite la libération
d'otages français au Soudan.
Il fait en parallèle fructifier les affaires de sa
société d'aviation privée Amjet, créée en 2008, et
dont le siège est à Voula, en Grèce. La compagnie
est très active au Moyen-Orientet contrôle une
filiale de courtage aérien, Amjet Executive
Services établie à Genève, en Suisse.
Devenu millionnaire, l'homme d'affaires soigne
son image. Il a longtemps été en contrat avec
l'agence de relations publiques parisiennes, Jin.
Cette dernière lui avait facilité, en 2020, la
publication dans la presse française de tribunes
virulentes envers Idriss Déby. Il apparaît à la
même période à plusieurs évènements de
la Munich Security Conference (MSC) où il
s'affiche avec le premier ministre canadien Justin
Trudeau ou l'Américaine Nancy Pelosi, à
l'époque présidente de la chambre des
représentants. Côté célébrités, il se met en scène
à la table des joueurs du FC Barcelone, Lionel
Messi et Xavi Hernández ou encore sur un yatch
en compagnie de la star de NBA, Magic
Johnson.

L'alliance des contraires


La mort brutale d'Idriss Déby, en avril 2021, lui
offre une opportunité inédite d'opérer un retour
dans le jeu politique tchadien. D'abord opposé à
une succession dynastique, il se réconcilie avec le
nouveau président de transition lors d'une
rencontre organisée à la demande de "Kaka", à
Paris, le 11 novembre 2021. Manany connaît le
jeune homme de longue date. Il espère pouvoir
retrouver une place au sein du pouvoir mais refuse
d'entrer au gouvernement. Il se voit octroyer un
poste de ministre conseiller au périmètre étendu.
Manany revendique pouvoir mettre son entregent
à l'international au service de Kaka pour qui il porte
des messages à une poignée de chefs d'État du
continent, comme du temps du père. Il joue les go-
between avec le président ghanéen Nana Akufo-
Addo, afin d'empêcher le Conseil de paix et
sécurité de l' Union africaine, dont le Ghana est
membre, de prendre des sanctions contre le
Tchad. Il engage un lobbying auprès des
conseillers du président des Émirats arabes
unis Mohammed bin Zayed al-Nahyan (MbZ),
pour pousser à un rapprochement avec le Tchad,
au moment où le rival qatari s'embourbe à Doha
dans la médiation entre les mouvements politico-
militaires (AI du 23/09/22).
Ne résidant pas à N'Djamena, Manany est tenu à
l'écart du cœur du pouvoir. Il n'est pas associé à
l'organisation du dialogue inclusif de N'Djamena à
la fin de l'année 2022. Au sein du gouvernement
de transition il ne dispose que de peu de relais.
Même son oncle maternel, et ministre des affaires
étrangères, Mahamat Saleh Annadif, prend soin
de le maintenir à bonne distance.
Mahamat Idriss Déby se plaint du manque de
résultats concrets de son ministre conseiller. Il le
soupçonne de profiter de sa position pour
poursuivre son agenda personnel, alors qu'Amjet
subissait une perte d'activités depuis la crise
du Covid-19. Les conseillers de "Kaka" lui prêtent
également de sourdes ambitions présidentielles.
L'influence de Manany faiblit à mesure que celle
de l'incontournable adversaire Idriss Youssouf
Boy, nommé directeur de cabinet civil au début de
l'année 2023, grandit (AI du 16/10/23).

Le désaccord soudanais
En mars, alors que Manany songe à démissionner,
il est nommé ministre d'État. Un semblant de
promotion. En avril, Abakar Manany est à Berlin,
pour tenter de rencontrer des officiels, quand il
apprend que l'ambassadeur allemand à
N'Djamena Jan Christian Gordon Kricke est
déclaré persona non grata, pour "attitude
discourtoise" (AI du 04/05/23). Un mois plus tard,
il renonce à accompagner le président de
transition à l'investiture du Nigérian Ahmed Bola
Tinubu, qu'il connaît de longue date, pour avoir
opéré l'un de ses avions.
La guerre au Soudan, qui éclate en avril 2023 a,
entre-temps, exacerbé un peu plus les tensions.
Idriss Youssouf Boy œuvre au rapprochement
avec Mohamed Hamdan Dagalo dit " Hemeti", le
chef des Rapid Support Forces. Manany, qui
jouit de lointains liens familiaux avec ce dernier,
s'y oppose en vain.
Une bascule stratégique au Soudan encouragée
par les EAU, dont le rapprochement avec le Tchad
est, ironiquement, l'une des actions les plus
abouties de Manany. L'alliance s'est concrétisée
en juin dernier par la signature d'accords de
coopération à Abu Dhabi en présence de "Kaka".
MbZ s'est engagé à financer le processus de
désarmement, démobilisation et réinsertion
tchadien. Pourtant résident à Dubaï, Manany a été
tenu à l'écart de la visite.
Précision du 06/11/2023 à 15h40 : Abakar
Manany, qui a contacté la rédaction d'Africa
Intelligence à l'issue de la publication de l'article,
dément avoir obtenu la nationalité française.
Antoine Rolland

AFRIQUE DE L'OUEST

AFRIQUE DE L'OUEST
DÉFENSE

Sécurité maritime : l'UE accélère pour muscler


les gardes-côtes
Dans le cadre du projet européen de coopération
maritime SWAIMS qui touche à sa fin, plusieurs
fabricants de vedettes d'intervention rapides se
disputent la fourniture d'une trentaine
d'embarcations.
Garde-côtes espagnols lors d'un exercice sur la
Volta avec leurs homologues ghanéens, le 11
mars 2023. ©Francis Kokoroko/Reuters
Le programme européen de coopération maritime
SWAIMS (Support to the West African Integrated
Maritime Strategy) vient d'entrer dans sa phase
finale. Celui-ci vise à accompagner les États
côtiers d'Afrique de l'Ouest, membres de
la Communauté économique des États de
l'Afrique de l'Ouest (Cedeao), dans la
sécurisation des eaux du golfe de Guinée. Maintes
fois retardé, le projet SWAIMS a, en début
d'année, été prolongé de douze mois par l' Union
européenne (UE, AI du 24/01/23) : il doit prendre
fin le 13 janvier au profit d'un nouveau programme
qui assurera le relais sous le nom de Safe Seas.
Si la coordination technique de ce projet phare,
d'une valeur de 30 millions d'euros, est supervisée
par le prestataire privé DAI Human Dynamics, le
volet d'acquisition des équipements a été confié à
l'institut de coopération portugais Camões (AI
du 07/02/22). C'est lui qui vient de lancer un appel
d'offres destiné à équiper les gardes-côtes
africains à travers la dotation d'une trentaine de
vedettes d'intervention rapide.

Soutien européen
Le constructeur portugais Vanguard Marine s'est
d'ores et déjà positionné sur le marché, au même
titre que son concurrent espagnol Narwhal Boats,
un autre spécialiste de l'industrie de l'embarcation
semi-rigide. Mais ils devront s'imposer face au
portugais Sodarca Group. Active dans les
secteurs de l'immobilier, du tourisme, de l'aviation,
mais surtout de la défense, cette structure se
présente comme un distributeur de matériel
militaire. Elle équipe notamment les contingents
portugais déployés sous la bannière de
la Minusca, la mission de maintien de la paix
des Nations unies stationnée en Centrafrique.
L'institut Camões devrait départager ces
concurrents le 14 novembre.
La coopération sécuritaire pilotée par l'UE tend à
se renforcer dans les pays côtiers d'Afrique de
l'Ouest, notamment en Côte d'Ivoire, au Ghana,
Togo et Bénin. En témoigne la décision prise par
Bruxelles de nommer prochainement un attaché
de défense et un attaché de sécurité civile dans
chacun de ses États (AI du 12/06/23). Sous les
auspices de la Common Security and Defence
Policy (CSDP), ces nouveaux interlocuteurs
seront chargés de faciliter l'identification des
besoins des armées africaines en matière de
matériel militaire et de formation.

GUINÉE

MINES

Bauxite : bataille judiciaire sans merci entre


Bel Air Mining et son ancien DGA
En difficulté financière après l'amende infligée
pour le naufrage d'une barge de bauxite, la filiale
d'Alufer Mining est à présent empêtrée dans des
procédures judiciaires l'opposant à Mamadou
Saïdou Bah, récemment licencié. Pour faire face,
elle a recruté un ancien ministre d'Alpha Condé.
Depuis le naufrage, le 9 juin, d'une barge de 7 500
t de bauxite au large de Boffa, les ennuis
s'accumulent pour Bel Air Mining, la principale
filiale d' Alufer Mining, groupe piloté par le
Britannique Jeff Couch. Interrompues depuis le
naufrage, ses activités extractives à Bel Air, près
de la côte Atlantique, n'ont pu redémarrer qu'en
août, après un accord avec les autorités sur une
amende de 60 milliards de francs guinéens
(6,5 millions d'euros). Mais après le paiement
d'une première tranche de 20 milliards à l'État
guinéen fin octobre, la filiale est en difficulté
financière.
Bel Air Mining est en outre engagé dans plusieurs
procédures judiciaires avec son ancien directeur
général adjoint, Mamadou Saïdou Bah, licencié
pour faute professionnelle grave, sans rapport
avec l'accident de la barge selon les représentants
de la société. Ces derniers affirment aussi
qu'avant de licencier son DGA, Bel Air Mining avait
tenté sans succès de négocier avec lui une
séparation à l'amiable, mais qu'il exigeait des
indemnités de départ irréalistes. Pour faire face à
ces différents problèmes, un nouveau directeur
général a été nommé le 19 octobre. Il s'agit
d' Amara Somparé, ancien ministre de la
communication de 2018 à 2021 sous Alpha
Condé.

Dénonciations de fraudes douanières


Mamadou Saïdou Bah n'a pas contesté son
licenciement. Il s'est contenté, peu après,
d'envoyer des courriers dénonçant l'implication de
Bel Air Mining dans des fraudes douanières à
différentes administrations : les impôts, l' Agence
nationale de lutte contre la corruption (ANLC),
la Cellule nationale de traitement des
informations financières (Centif), et le fonds
américain Orion Resource Partners, premier
actionnaire d'Alufer.
Saisi par l'ANLC, le procureur Aly Touré, de
la Cour de répression des infractions
économiques et financières (CRIEF), a
missionné la direction centrale de l'investigation
judiciaire. Celle est chargé de faire la lumière sur
les infractions douanières dénoncées ainsi que sur
une autre accusation, de corruption de
fonctionnaire, visant à faire baisser le montant de
l'amende infligée à Bel Air pour le naufrage de la
barge.

Le directeur des opérations bloqué à Conakry


C'est dans le cadre de cette enquête que le
Britannique Douglas Ross, directeur des
opérations de Bel Air, qui s'apprêtait à rejoindre sa
famille au Royaume-Uni, a été interpellé le
17 octobre à l'aéroport de Conakry. Il y a été
informé qu'il faisait l'objet d'une interdiction de
sortie du territoire. C'est également la raison de la
convocation judiciaire le 23 octobre du
Guinéen Karim El Ghawi, ex-directeur général de
Bel Air Mining depuis le 20 octobre.
En parallèle, Bel Air Mining, défendu par
l'avocat Aboubacar Sidiki Kanté, a engagé des
démarches judiciaires à l'encontre de son ancien
DGA, représenté par maître Amadou Oury
Diallo. Une première plainte pour chantage contre
Mamadou Saïdou Bah a été déposée au tribunal
de première instance de Dixinn à Conakry. Les
audiences ont commencé. Par la suite, une
seconde plainte, pour abus de confiance et
escroquerie, a été déposée devant le même
tribunal. Dans le cadre de cette seconde
procédure, Mamadou Saïdou Bah aurait été placé
sous contrôle judiciaire et ferait l'objet d'une
interdiction de sortie de Conakry. Contacté,
l'intéressé n'a pas démenti ni confirmé ce point.
Enfin, la société minière a lancé une troisième
procédure pour usurpation de titre : elle accuse
son ancien DGA de s'être prévalu abusivement de
son titre en son sein après son licenciement.

Inquiétudes à Boffa
Ces différentes procédures judiciaires devraient
prendre du temps. Après une grève des
magistrats, qui a paralysé les tribunaux en août et
septembre (AI du 27/09/23), les avocats guinéens
ont à leur tour lancé un boycott des audiences le
30 octobre. Un mouvement qui est intervenu après
une altercation entre un magistrat et un avocat
dans la ville de Coyah.
Dans la région de Boffa, où Bel Air emploie
quelque 1 700 salariés directs et indirects, cet
imbroglio judiciaire, qui suit la polémique autour du
naufrage de la barge, tracasse les employés et les
communautés locales. Ces derniers s'inquiètent
de l'avenir de ce projet minier majeur, dont la
production a démarré fin 2018. Outre la mine de
Bel Air, Alufer Mining développe, via sa
filiale Alufer Pita Labé, un second projet
d'extraction de bauxite en Guinée, à côté de Labé.
Il mène aussi un projet d'extraction de fer, piloté
par Alufer Iron. Tous deux pourraient pâtir de la
situation financière et judiciaire actuelle du
groupe.

AFRIQUE CENTRALE

GABON
ÉNERGIES

L'État s'organise pour préempter les actifs de


Carlyle
Si Maurel & Prom était encore récemment l'acteur
le mieux positionné pour s'emparer des opérations
actuellement aux mains du fonds d'investissement
américain Carlyle, le nouveau pouvoir échafaude
un autre plan 100 % gabonais.
La vente des actifs de Carlyle au Gabon (45 000
barils par jour) continue d'aiguiser les appétits.
Alors que l'offre de Maurel &
Prom (groupe Pertamina) à 730 millions de
dollars était encore, début octobre, largement
plébiscitée par le nouveau ministre du pétrole et
des mines Marcel Abéké, ce scénario est
désormais sérieusement concurrencé par celui
d'une préemption des actifs par la Gabon Oil
Co (GOC).
Les possibilités d'un tel montage sont aujourd'hui
étudiées par le DG de la direction générale des
hydrocarbures (DGH) du ministère du
pétrole, Ernest Ndong Nguema, et le conseiller
spécial au pétrole et aux mines de la
présidence, Arnauld Engandji. Avant son
limogeage le 19 octobre, le désormais ex-
directeur général de la GOC, Igor John Calix
Nguia (ex Schlumberger et Vaalco), travaillait
avec eux sur le projet. Il a été remplacé à ce poste
par un ancien cadre de TotalEnergies, Marcellin
Simba Ngabi.
Une préemption des actifs permettrait à l'actuel
président de transition Brice Clotaire Oligui
Nguema de répondre à la demande de
nationalisation de l'économie, réclamée par une
grande partie de l'opinion publique.

La GOC veut prendre les commandes


Légalement, la GOC peut tout à fait monter cette
opération, étant déjà présente sur la plupart des
blocs pétroliers du pays et disposant ainsi, en tant
que partenaire, d'une priorité en cas de vente. La
question est désormais de trouver les
financements. La GOC disposerait de réserves de
cash assez conséquentes et ses dirigeants
seraient disposés à nouer un partenariat
technique – y compris avec Maurel & Prom ou
encore Perenco – pour la gestion du quotidien. Le
reste des fonds serait levé sur les marchés.
Le trader Trafigura tente aussi de se placer pour
accompagner la GOC dans cette aventure, sans
toutefois qu'un accord ait été trouvé (AI
du 19/10/23). Face à ce scénario, Maurel & Prom
tâche de ne pas perdre la main : ses dirigeants se
seraient montrés ouverts, fin octobre, à céder à la
GOC une partie des actifs de Carlyle si l'État
gabonais donnait son feu vert à la transaction.

Les ex-Shell poussent


Carlyle souhaite revendre – avec une confortable
plus-value – ce qu'il avait racheté en 2017
à Shell pour seulement 587 millions de dollars.
Arnauld Engandji connaît parfaitement ces actifs,
ayant lui-même été l'un des cadres de la major
anglo-néerlandaise, tout comme Ernest Ndong
Nguema, qui y a passé plus de deux décennies.
Ils savent que ces permis pourraient permettre de
faire passer la GOC dans une autre dimension.
Arnauld Engandji a également été le directeur de
la GOC sous Ali Bongo.

CONGO

ÉNERGIES

Blanchiment des recettes pétrolières : une


association envisage de saisir la justice
française
Plus de trois mois après avoir été saisie, la justice
congolaise n'a toujours pas donné suite à une
plainte contre X dénonçant le détournement
présumé de 14 milliards de francs CFA (plus de
22 millions de dollars) par les autorités
congolaises entre 2003 et 2014. Face à ce qu'ils
considèrent être une impasse, les membres du
collectif à l'origine de la procédure, parmi lesquels
l' Observatoire congolais des droits de
l'homme (OCDH) et le Mouvement pour la
culture citoyenne, comptent se tourner vers les
tribunaux français sur la base de certains
éléments du dossier. Ils affirment notamment
disposer "d'indices graves et
concordants" mettant en exergue un circuit de
blanchiment à travers lequel d'importantes
sommes issues des recettes pétrolières de l'État
congolais auraient transité vers la France.
Afin que l'affaire soit instruite dans l'Hexagone, le
collectif a pris attache avec l'association
française Lucco. Créée en 2023 par l'avocat
franco-congolais Brice Nzamba, celle-ci doit
néanmoins encore obtenir un agrément auprès du
ministère de la justice afin d'être en mesure
d'émettre des plaintes devant les tribunaux
tricolores. Si cette procédure est susceptible de
prendre plusieurs années, Lucco a d'ores et déjà
entamé les démarches à cette fin. Ses membres
entendent parallèlement médiatiser leur plaidoyer,
et s'apprêtent à tenir une conférence de presse à
Paris le 6 novembre dans cet objectif. La
rencontre doit se tenir au Sénat en présence d'une
poignée de journalistes, ainsi que d'anciens
officiels congolais, à l'image de l'ex-ministre du
pétrole Benoît Koukébéné (1993-1997).

RDC

DIPLOMATIE

Le "M. Afrique" du Quai d'Orsay attendu à


Kinshasa
Le patron de la Direction Afrique et océan Indien
(DAOI) du ministère français des affaires
étrangères, Christophe Bigot, se rendra à
Kinshasa le 8 novembre. Dans la capitale
congolaise, le diplomate devrait s'entretenir avec
plusieurs cadres de l'administration de Félix
Tshisekedi. L'organisation de l'élection
présidentielle programmée à la fin du mois de
décembre sera au cœur des échanges alors que
l'Union européenne a commencé le déploiement
de ses premiers observateurs.
Outre les rendez-vous avec les représentants de
la majorité présidentielle, Christophe Bigot doit
aussi rencontrer des candidats de l'opposition.
Lors d'une précédente visite en novembre 2020, le
"M. Afrique" du Quai d'Orsay avait
successivement été reçu par Félix
Tshisekedi, Martin Fayulu, ou encore l'ex-chef de
l'État, Joseph Kabila. Sa venue intervient par
ailleurs huit mois après celle du président
français Emmanuel Macron à Kinshasa en mars
dernier.

AFRIQUE DU NORD

MAROC
BUSINESS

Les cabinets Afrique Advisors et Consensus


Public Relations prestataires du "Made in
Morocco"
Sous l'égide du ministre de l'industrie Ryad
Mezzour, Afrique Advisors et Consensus Public
Relations se positionnent sur la défense juridique
de la marque Maroc.
Laïla Slassi et Faiçal Alaoui
Medarhri organisent, du 8 au 9 novembre, à
l' Université Mohammed VI
Polytechnique (UM6P) de Rabat, un grand
rendez-vous consacré aux perspectives juridiques
de la "réputation collective et du rôle des acteurs
privés dans le rayonnement du Royaume du
Maroc". Il s'agira, en clair, de sensibiliser le
secteur privé marocain aux contentieux juridiques
internationaux et aux instruments d'arbitrage,
alors que le royaume est l'un des pays du
continent à avoir signé le plus d'accords de libre-
échange.
Leurs cabinets respectifs, Afrique
Advisors et Consensus Public Relations, ont
obtenu pour l'occasion la bénédiction du ministre
de l'industrie et du commerce, Ryad Mezzour, qui
interviendra après son collègue du Parti
authenticité et modernité (PAM), le ministre de
la justice Abdellatif Ouahbi.

Plusieurs acteurs du contentieux avec Scholz


Afrique Advisors s'est récemment scindé avec une
antenne à Washington, dirigée par Talal
Belhriti et active dans le conseil en private equity,
et une autre à Casablanca, spécialisée dans le
conseil juridique. C'est ce pôle marocain, dirigé
par Laïla Slassi, qui s'est notamment chargé de
conseiller l'État marocain dans le contentieux qui
l'opposait à la société allemande Scholz Holding.
L'affaire s'est soldée par une victoire du royaume
en 2022 devant le Centre international pour le
règlement des différends relatifs aux
investissements ( Cirdi).
Ella Rosenberg, conseillère juridique au Cirdi,
sera d'ailleurs l'une des intervenantes de
l'événement des 8 et 9 novembre, ainsi que José
Caicedo et Dany Khayat, du cabinet Mayer
Brown. Les deux hommes avaient également
conseillé le Maroc dans l'affaire Scholz.
Sans surprise, le rendez-vous accueillera
plusieurs personnalités qui gravitent dans
l'écosystème d'Afrique Advisors. L'ex-
ambassadeur des États-Unis à Rabat, Dwight
Bush, qui entretient toujours des relations
chaleureuses avec le royaume, est lui aussi
attendu. Proche de Talal Belhriti, il avait apporté
son soutien à l'homme d'affaires
américain Michael Toporek dans son contentieux
avec Omar Belmamoun, son associé au sein
de Platinum Power et de Brookstone Partners
Morocco. Michael Toporek avait alors été épaulé
par Afrique Advisors (AI du 15/03/21).

Marquage de territoires
De son côté, le cabinet Consensus Public
Relations, dirigé par le discret Faiçal Alaoui
Medarhri, s'est beaucoup investi dans les relations
entre le Maroc et Israël ces dernières années, à
travers des forums de networking comme le
"Morocco-Israel : Connect to Innovate" ou le
rendez-vous de la plateforme israélienne Start-Up
Nation Central d' Aviva Steinberger. C'est
Faiçal Alaoui Medarhri qui animera la réunion
plénière "Identité et rayonnement : forger la
réputation collective du Maroc", avec la
participation de Neila Tazi, grande prêtresse
marocaine des industries culturelles.
Le Maroc cherche à monter en compétence dans
ce domaine, et s'est engagé dans un combat
contre son voisin algérien sur les questions de
patrimoine culturel. En 2022, lorsque la sélection
nationale de football algérienne avait arboré un
zellige sur son maillot, le Maroc avait mis en
demeure Adidas de retirer cet équipement, et
menacé de porter l'affaire devant l' Unesco et
l' Organisation mondiale de la propriété
intellectuelle (OMPI).
Parmi ses sponsors, l'événement des 8 et
9 novembre compte le Centre régional
d'investissement (CRI) de Dakhla. Logique : le
territoire contesté est une priorité pour le Maroc
qui cherche à y attirer des investisseurs
internationaux, parfois refroidis par les éventuelles
conséquences juridiques liées au contentieux
territorial. D'ailleurs, Hassan Belkhayat, le patron
du cabinet SouthBridge A&I qui vient d'être
chargé d'adapter la stratégie des CRI à la nouvelle
charte de l'investissement, sera également
membre du panel.

ALGÉRIE

DIPLOMATIE

Publié le 03/11

Traqué par Alger, le célèbre blogueur "Amir


DZ" obtient le statut de réfugié en France
Condamné à mort par la justice algérienne et
accusé "d'atteinte à la sécurité", le blogueur "Amir
DZ", de son vrai nom Amir Boukhors, a
discrètement obtenu en octobre le statut de
réfugié en France. Une décision qui va irriter les
autorités algériennes, alors qu'elles réclament son
extradition depuis deux ans.
L'activiste et blogueur algérien Amir Boukhors,
dit Amir DZ, a obtenu le statut de réfugié en
France. La décision, actée le 2 octobre par
l' Office français de protection des réfugiés et
apatrides (Ofpra), lui a été notifiée le 22 octobre.
Elle gèle de facto une éventuelle extradition du
blogueur vers l'Algérie.
Les autorités algériennes réclament depuis plus
de deux ans son retour et ont émis pas moins de
neuf mandats d'arrêts internationaux contre lui. En
septembre 2022, la cour d'appel de Paris a émis
un avis défavorable à la demande d'extradition.
Installé en France depuis 2020, Amir Boukhors
n'avait pas de statut clair : il avait déposé une
demande d'asile politique en mars 2021, dont il
attendait jusqu'alors la réponse.
Le blogueur s'est rendu populaire en publiant des
vidéos, cumulant plusieurs millions de vues, sur
des responsables politiques algériens. Au terme
de plusieurs procès par contumace en Algérie, il a
été condamné à mort, ainsi qu'à plusieurs dizaines
d'années de prison sous les accusations d'"actes
subversifs", d'"atteinte à l'unité et à la sécurité du
pays", d'"extorsion de fonds", de "chantage",
de "menaces" ou encore de "diffamation à travers
les réseaux sociaux" (AI du 29/08/23).
Le cas d'Amir Boukhors, représenté par
l'avocat Eric Plouvier, trouble depuis deux ans
les relations entre Paris et Alger. L'affaire avait été
directement évoquée par le président
algérien Abdelmadjid Tebboune auprès
d' Emmanuel Macron lors de sa visite en Algérie
en août 2022.
Article mis à jour le 03/11/23 à 16 h 50 - Le nom
de l'avocat d'Amir Boukhors a été ajouté.

AFRIQUE DE L'EST ET CORNE

KENYA
POLITIQUE
BUSINESS

Ruto met de côté ses ambitions de contrôler le


Standard Group
En grande difficulté, le groupe médiatique
n'intéresse plus le chef de l'État, dont l'entourage
cherchait à acquérir des parts. En cause, les
relations difficiles entre William Ruto et le
propriétaire de la firme, Gideon Moi, fils de l'ancien
président Daniel arap Moi.
Le président kenyan William Ruto durant une
interview, à Nairobi, le 18 octobre 2023. ©Wang
Guansen/Xinhua via AFP
Maison mère du second quotidien kenyan The
Standard, le Standard Group continue
d'enchaîner les déboires financiers. Propriété de
la famille de l'ancien président Daniel arap
Moi (1978-2002), le groupe accumule plusieurs
mois d'arriérés de salaires. Révélée en début
d'année par Africa Intelligence (AI du 13/02/23),
l'ouverture de négociations entre les proches du
chef de l'Etat William Ruto et ceux de Gideon
Moi, pour une prise de participations de
l'entourage présidentiel dans le groupe de presse,
avait redonné l'espoir de meilleurs lendemains aux
salariés. Mais le processus est au point mort.

Relations houleuses
Selon des sources proches de la présidence, le
projet pâtirait des relations compliquées entre les
deux hommes, rivaux politiques tous deux issus de
la Vallée du Rift (AI du 22/08/23), et des
désaccords entre les actionnaires. Le chef de
l'État s'était initialement rapproché du
fortuné Joshua Kulei, ancien secrétaire
particulier de Daniel arap Moi, qui détient 10 % des
actions du groupe médiatique. Les 90 % restants
sont répartis entre plusieurs sociétés et holdings
contrôlées par la famille Moi et son entourage.
Les désaccords politiques entre le président et
Gideon Moi auraient conduit William Ruto à se
désintéresser du projet pour se tourner vers
d'autres cibles médiatiques. Le chef de l'État s'est
rapproché du businessman Simon Gicharu et de
son groupe Cape Media, qui diffuse la
chaîne TV47, mais aussi du Radio Africa Group,
éditeur du troisième quotidien du pays The
Star (AI du 07/06/23).

Cure d'austérité
Pour remettre son navire à flot, le directeur général
intérimaire Joe Munene doit multiplier les
mesures d'urgence face au risque d'hémorragie du
personnel le plus qualifié du groupe. Après avoir
nourri l'espoir d'une embellie qui suivrait un
changement d'actionnariat, l'ambiance est terne
au siège du groupe, où une partie significative du
personnel songerait à démissionner.
Un plan de départs volontaires à la retraite a été
dévoilé en septembre après de nouveaux résultats
moroses. Dans son bilan du premier semestre
2023, le groupe de presse enregistre une perte
nette de 102,9 millions de shillings (près de
700.000 dollars), ce qui représente toutefois une
amélioration par rapport à la première moitié de
2022, où le déficit était trois fois plus élevé.
Ces difficultés s'expliquent par plusieurs facteurs,
notamment la hausse du prix du papier, mais aussi
la forte baisse des publicités d'organismes
gouvernementaux dans les médias du groupe. Les
principaux organes de presse, accusés par
William Ruto d'avoir soutenu son rival à la
présidentielle Raila Odinga, ont fait les frais de
cette politique (AI du 07/12/22).

AFRIQUE AUSTRALE ET ÎLES

ANGOLA
MOZAMBIQUE
DIPLOMATIE
L'opération séduction de Kiev auprès des pays
lusophones
L'Ukraine, qui veut raviver ses relations avec les
pays africains afin de contrer l'influence de
Moscou, souhaite devenir observateur associé de
la Communauté des pays de langue portugaise.
Elle a d'ores et déjà obtenu le soutien de Luanda.

Le président portugais Marcelo Rebelo de Sousa


et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky,
à Kiev, le 24 août 2023. ©Oleg
Petrasyuk/EPA/MaxPPP
Kiev envisage de soumettre prochainement sa
candidature formelle pour devenir observateur
associé à la Communauté des pays de langue
portugaise (CPLP) et multiplie les prises de
contact au sein de cette organisation qui regroupe
les pays lusophones depuis 1996. L'Ukraine, qui
cherche à "libérer l'Afrique de la Russie", d'après
les déclarations de son ministre des affaires
étrangères, Dmytro Kuleba, en août, souhaite se
servir de la CPLP pour avancer ses pions sur le
continent. Kiev a déjà le statut d'observateur
associé à l' Union africaine et au sein de
la Communauté économique des États de
l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) depuis 2016.

Appui angolais
Les discussions autour de cette adhésion ont été
relancées la semaine dernière dans la capitale
angolaise, qui accueillait la 147 e assemblée de
l' Union interparlementaire (UIP), du 23 au
27 octobre.
Oleksandr Korniyenko, vice-président de la
Rada, le Parlement ukrainien, a profité de cette
occasion pour s'entretenir avec Virgílio de
Fontes Pereira, le député du Movimento
Popular de Libertação de Angola (MPLA)
responsable des relations interparlementaires
avec la CPLP. À l'issue de leur rencontre, ce
dernier a affirmé que l'Ukraine pouvait compter sur
le soutien de Luanda afin d'obtenir ce statut
d'observateur associé, position qui a depuis été
reprise officiellement par l'Assemblée nationale.

Médiation portugaise
Les ambitions lusophones de Kiev ont semblé se
préciser les mois derniers. Le 28 septembre,
l'ambassadrice d'Ukraine au Portugal, Maryna
Mikhailenko, a été reçue par le secrétaire exécutif
de la CPLP et ex-ministre des affaires étrangères
du Timor-Leste (2007-2012), Zacarias da Costa,
dans le cossu Palais des Comtes de Penafiel, à
Lisbonne, où siège l'organisation. Si l'Ukraine se
décide à candidater, elle devra d'abord obtenir
l'aval de tous les chefs d'État des pays membres
de l'organisation, conformément au règlement des
observateurs associés de la CPLP approuvé en
août.
Pour raviver les relations ukraino-africaines, elle
peut également compter sur le soutien du
président portugais, Marcelo Rebelo de Sousa,
et du ministre des affaires étrangères, João
Gomes Cravinho. Lors de sa visite à Kiev en
août, le chef d'État avait fait savoir à son
homologue Volodymyr Zelensky que le Portugal
pouvait se placer en médiateur de l'Ukraine sur le
continent et que la CPLP pouvait servir de tremplin
aux relations ukraino-africaines.

Fond de conflit russo-ukrainien


Mais Kiev n'a pas attendu l'aval de Lisbonne pour
multiplier les contacts sur le continent africain, à
l'heure où la Russie a bloqué les exportations de
céréales et d'engrais ukrainiens en se retirant de
l'initiative céréalière de la Mer noire, le 17 juillet
2022.
Depuis octobre 2022, Dmytro Kuleba a enchaîné
les déplacements pour rassurer les États africains
importateurs de blé ukrainien. Parmi la dizaine de
pays visités figurent deux membres de la CPLP, le
Mozambique en mai et la Guinée équatoriale (seul
adhérent hispanophone de l'organisation) en
juillet.
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