06/02/2024

RDC DÉFENSE

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Kinshasa ouvre la voie à des

négociations secrètes avec Kigali

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À la demande de Washington, mais sans trop y croire, le
pouvoir de Félix Tshisekedi se dit disposé à ouvrir un canal de
dialogue avec le Rwanda de Paul Kagame si ce dernier cesse
toute présence militaire sur le sol congolais. Kinshasa
maintient dans le même temps une rhétorique guerrière et
tente de réorganiser son dispositif militaire face au M23.

Le président congolais, Félix Tshisekedi, et son homologue rwandais, Paul

Kagame. © Ludovic Marin/Tony Karumba/AFP

Trois ans après le début de la guerre, le président congolais, Félix Tshisekedi,

cherche encore la martingale face au M23. Tout en poursuivant l'option
militaire, Kinshasa se dit disposé à ouvrir des discrets canaux de discussion

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Kigali

avec le pouvoir de Paul Kagame dont la Rwanda Defence Force (RDF)

apporte un soutien documenté au mouvement rebelle (AI du 18/06/23).

Selon les informations d'Africa Intelligence, le président angolais, João

Lourenço, a dépêché fin janvier dans la capitale congolaise son directeur
général du service de renseignement extérieur (SIE), Matias

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Bertino Matondo. Celui-ci a pour mission, d'une part, de préparer le prochain
déplacement de Félix Tshisekedi à Luanda et, d'autre part, de discuter d'une
éventuelle médiation avec Kigali. Une opération particulièrement délicate
encouragée en sous-main par le chef de la diplomatie américaine, Antony
Blinken, qui a terminé sa mini-tournée africaine en Angola le 25 janvier. Il a
également discuté de ce projet de médiation avec d'autres présidents, dont le
Kényan William Ruto, qui s'est dit favorable à l'initiative.

Échecs des émissaires

Washington n'exclut pas de s'appuyer sur Lourenço, médiateur de l'Union

africaine (UA), pour tenter de faciliter une reprise du dialogue entre les deux
voisins ennemis. Au sein de l'administration congolaise, les conseillers
stratégiques de Félix Tshisekedi confirment avoir donné leur accord. Le chef
de l'État reste toutefois sceptique et a conditionné cette perspective à un
retrait des troupes de la RDF présentes en RDC, notamment dans les
territoires de Masisi et de Rutshuru, dont la cité de Bunagana, frontalière avec
l'Ouganda, sous contrôle du M23 depuis juin 2022.

Fin 2023, le président congolais avait secrètement mandaté son frère et

conseiller sur les questions sécuritaires, Jacques Tshibanda Tshisekedi, pour
prendre attache avec les services de Kigali. Dans cette mission, il était
accompagné du conseiller privé du président, Kahumbu Mandungu Bula, dit
"Kao". Les deux hommes s'étaient rendus en jet privé sur une île africaine de
l'océan Indien pour s'entretenir avec des responsables sécuritaires rwandais.
Cette démarche, qui a fait long feu, faisait suite à la visite, en décembre 2022,
d'un émissaire se réclamant du chef de l'État, Heron Ilunga, à Bunagana, où il
s'était entretenu avec le chef de la branche politique du M23, Bertrand
Bisimwa. Un mois plus tôt, à Paris, au siège de la DGSE (Direction générale de
la sécurité extérieure), les responsables des services de renseignement
congolais, rwandais et ougandais s'étaient réunis pour discuter du cadre d'un
éventuel dialogue. Une initiative française qui s'était menée en étroite
collaboration avec Washington. L'axe franco-américain poursuit ce processus
en impliquant plus particulièrement les maîtres espions des pays de la région

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et en suggérant à Kinshasa, jusqu'ici en vain, d'accepter de négocier avec le

M23.

Réorganisation militaire

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Dans le même temps, le pouvoir congolais a durci le ton à l'égard de Kigali.
Tout au long de l'année 2023, le président Tshisekedi avait espéré obtenir une
victoire symbolique, sinon décisive, sur le terrain militaire pour être en
position de force en cas de négociations. À l'approche des élections générales
de décembre, il avait multiplié les déclarations publiques belliqueuses, allant
jusqu'à menacer de déclarer la guerre au Rwanda. Sur le plan militaire, le
chef de l'État congolais travaille sur une réorganisation du commandement
des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC),
actuellement dirigées par le général Christian Tshiwewe. Des changements à
des postes clés motivés notamment par des fuites d'informations lors de
réunions de planification d'opérations, qui ont provoqué l'ire du chef de l'État.

Dans le même temps, le Nord-Kivu voit se déployer progressivement la force

régionale de la Southern African Development Community (SADC), la
SAMIDRC. Celle-ci compte désormais près de 800 hommes – sur les 4 000 à
5 000 prévus à terme – sous les ordres du général de division sud-
africain Monwabisi Dyakopu (AI du 30/01/24). À Goma, la capitale
provinciale, la SADC a établi un secrétariat et a pris place au centre de
coordination des opérations (COO), installé dans l'enceinte de l'aéroport en
lieu et place de la force de l'East African Community (EAC) qui s'est retirée à
la demande de Kinshasa. Sur le terrain, la SAMIDRC doit composer avec les
autres forces supplétives des FARDC, telles que les milices coalisées au sein
des "Wazalendo" ("patriotes" en swahili) et les militaires privés étrangers (AI
du 24/11/23).

La guerre des drones

À commencer par les 1 000 instructeurs roumains cornaqués par Horatiu

Potra. Mobilisés depuis fin 2022 à travers la société Congo Protection, ils sont
chargés de former des bataillons des FARDC et de prendre part aux combats
contre le M23 s'ils sont menacés. Fin janvier, ces "Roméo", comme ils sont
surnommés sur place, ont menacé de quitter le théâtre de guerre. Les
militaires privés se plaignent de deux mois d'arriérés de salaires –
5 000 dollars minimum par homme – et d'une volonté de Kinshasa de

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privilégier le financement de la séquence électorale de décembre. Une

première tranche a finalement été réglée fin janvier, la seconde est
escomptée cette semaine.

L'autre acteur étranger contracté par la présidence congolaise, Agemira RDC,

poursuit son activité de conseil et de maintenance des aéronefs de guerre (AI

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du 06/01/23). Non sans difficulté. Les trois premiers drones chinois d'attaque
de type CH-4 déployés dans la zone depuis fin novembre, ont donné lieu à
quelques opérations stratégiques ayant notamment permis de neutraliser
Elisé Mberabagabo, alias Castro, chef du renseignement du M23 (AI du
21/02/23).

Toutefois, en à peine un mois et demi de vol dans la zone, deux de ces aéronefs
sont déjà hors d'usage. L'un a subi un incident sur le tarmac de l'aéroport
militaire de Kavumu (Sud-Kivu) où il a percuté un véhicule, mi-janvier. L'autre
a été abattu une semaine plus tôt dans la zone de Kibumba, au nord de Goma.
Ce qui alimente les soupçons sur l'équipement du M23 et des RDF, qui
pourraient avoir introduit sur le sol congolais des missiles sol-air portatifs de
type SA-24 Grinch, de fabrication russe.

Olivier Liffran, Joan Tilouine

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