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Infographie version texte

:
La résolution 2654 sur la situation au Sahara Occidental adoptée par
le Conseil de sécurité le 27 octobre , renouvelant ainsi jusqu’au 31
octobre le mandat de la Minurso a contenté le Maroc qui se voit
conforté dans ses positions, tandis que le Front Polisario est sommé
de cesser tout action belliciste et son chaperon algérien appelé à
rejoindre le processus politique au point mort.

L’ONU alerte sur les entraves que subissent ses Casques bleus dans
ses team sites localisés dans la frange du territoire située à l’est du
mur de défense des Forces armées royales (FAR) et les conditions
humanitaires déplorables vécues par les populations civiles des
camps de Tindouf.

Le représentant du Maroc aux Nations Unies, Omar Hilale a brandi la


menace de recourir à la force armée pour reprendre le contrôle du
territoire laissé à la Minurso en 1991 au cas où le Polisario ne se pliait
pas aux exigences de la communauté internationale. Une menace
par ailleurs justifiée par l’hypothétique recours par le Polisario de
drones dont le Maroc a attribué la provenance de l’Iran.

Près de 2 000 harcèlements depuis fin 2020

Mais quand en est-il réellement sur le terrain ? Depuis que les FAR
ont délogé en novembre 2020 les milices du Polisario venues
bloquer le corridor de Guerguerat menant vers la Mauritanie, les
guérilleros de Brahim Ghali se sont lancés dans des harcèlements
des positions des FAR le long du berm. De son côté, le Maroc, qui a
musclé ses moyens, comme le montrent des images satellitaires
obtenues par Le Desk grâce au service Maxar Technologies (y
:
compris en se positionnant sur le territoire mauritanien), a étendu sa
suprématie dans le ciel et imposé une « no-go zone » au-delà de la
démarcation du mur de défense des FAR. Dernier incident en date
illustrant cette stratégie, celui du bombardement relaté par le
Polisario le 29 octobre d’une colonne de véhicules à Al Mabrouk, non
loin de la localité d’Agouanit aux confins sud-est du territoire.

En croisant de multiples sources dont celles rapportées par les deux


parties, Le Desk a pu en comptabiliser environ 2 000 du 13
novembre 2020 au 31 août 2022, majoritairement concentrées dans
le triangle de Mahbès situé au nord-est du Sahara Occidental et à
quelques encablures de Tindouf. Quelques incidents ont été
répertoriés plus au sud. Ces statistiques sont cohérentes avec le
constat fait par le Secrétaire des Nations Unies, Antonio Guterres qui
s’appuie sur les rapports qui lui sont transmis par le Russe Alexander
Ivanko, chef de la Minurso : plus de 80 % des incidents relevés l’ont
été dans la zone précitée, avec une décrue à 64 % durant les
derniers mois.

La propagande du Polisario fait état d’attaques régulières à l’appui de


communiqués triomphalistes dont les mises en scène ne sont
accompagnées d’aucun élément tangible. Le Front parle de matériels
détruits, de soldats tués, de blessés évacués et de fortins rasés de la
carte. Des médias algériens relaient aussi ces supposés faits
d’armes en maquillant grossièrement des images satellitaires,
comme a pu le démontrer Le Desk dans son fact-checking.

Exemple récent parmi d’autres, plusieurs sources non-officielles


proches de Tindouf ont annoncé, début septembre, le décès d’Ali
Salem Ould Haidar, un des chefs militaires du Polisario, ainsi que
ceux d’un groupe de miliciens. Ni l’agence de presse du Front, ni les
médias proches du pouvoir militaire algérien, n’ont commenté la
nouvelle. Les versions divergent autour des circonstances de sa
:
mort. La rareté et l’inexactitude de l’information caractérisent cette
guerre secrète du Polisario émaillée par des répliques ciblées des
FAR contre des convois qui s’aventurent dans les zones de guerre.

Pour le Maroc, fort de son avantage militaire, ne communique qu’à


l’ONU les statistiques des incidents qu’il recense, conscient ne pas
se laisser entrainer dans une spirale pouvant porter préjudice à son
image auprès de la communauté internationale, ainsi qu’à ses
intérêts économiques qu’il cultive avec les investisseurs étrangers et
autres bailleurs de fonds. Pour Tindouf, l’intensification de la
propagande sert d’abord à élever le moral de ses troupes tout en
alertant l’opinion publique internationale sur l’existence d’une guerre
active aux portes de l’Europe qui « menace l’équilibre du pouvoir »
en Afrique du Nord, selon son vocabulaire.

Ces hostilités se sont transformées en une « bataille de l’information


sans images significatives, à laquelle Rabat ne répond pas de forme
directe », résumait déjà en octobre 2021 Fernando Pinto Cebrián, un
ancien colonel de l’armée espagnole et ex-membre du service de
renseignement ibère (Centro Nacional de Inteligencia, CNI),
reconverti en historien et analyste géopolitique. Le Polisario mène
cette « bataille » à coups de communiqués de guerre diffusés à
travers son service de propagande Sahara Press Service (SPS),
d’après un modèle qualifié de « basique » par Cebrián.

Ces communiqués publiés deux voire trois fois par semaine


comportent un numéro, dénombrent les attaques perpétrées, les
supposés morts et blessés, précisent l’emplacement des unités
marocaines visées et ne manquent pas de prétendre « le moral en
baisse et les désertions » au sein de l’armée marocaine.
Occasionnellement, les médias pro-Polisario diffusent des clichés et
des vidéos capturés depuis la zone des bombardements et vont
jusqu’à relayer les noms de militaires marocains qui auraient été
:
« abattus » lors d’escarmouches le long du mur de défense.

Pour le spécialiste, la stratégie marocaine consiste « pour le


moment » à renoncer à toute initiative et action militaire en
s’appuyant sur le mur de défense comme levier de résistance tout
en gardant la possibilité d’une offensive sur les territoires contrôlés
par le Polisario en profitant de son nouvel arsenal et de sa
supériorité dans les airs pour accompagner ses véhicules blindés au
sol ».

De l’autre côté, la piétaille du Polisario, qui s’est « spécialisée depuis


les années 1970 dans la guérilla », s’est préparée à une guerre
conventionnelle à caractère limité en adoptant une stratégie de
conflit de basse intensité via un harcèlement constant d’artillerie, de
nuit comme de jour. L’idée selon l’ex-gradé est d’user la patience des
troupes marocaines « pour les obliger à commettre une quelconque
erreur qui pourrait changer la donne ».

De la difficulté de documenter une guerre lointaine

L’absence de preuves tangibles des attaques supposées du Front


Polisario contre l’armée marocaine, et le mutisme de celle-ci
concernant d’éventuelles pertes humaines ou matérielles rendent la
tâche de la couverture médiatique de cette guerre silencieuse quasi-
impossible. A l’heure actuelle, seule la mort de Dah El Bendir, « chef
de la gendarmerie du Polisario », éliminé par un drone marocain en
avril 2021 constitue un fait de guerre avéré. A l’époque, Radio Algérie
avait été le premier média à évoquer le décès de ce responsable de
Front à la suite du raid alors qu’il tentait de mener à la tête d’un
groupe de miliciens une infiltration dans le secteur de Mahbès Le
Polisario qui avait ensuite annoncé la mort d’El Bendir à travers un
communiqué publié par SPS, avant que l’information ne soit
supprimée, avait fini par reconnaître avoir subi « une grande perte »,
:
par la voix d’un conseiller de Brahim Ghali qui s’exprimait dans les
colonnes du quotidien algérien El Khabar.

L’armée marocaine n’a fait état d’aucune perte humaine parmi ses
rangs. Pourtant, « il y a des victimes du côté marocain selon la
Minurso », a confié au Desk une source diplomatique occidentale
basée à Rabat. Notre interlocuteur s’interroge d’ailleurs sur le refus
des FAR d’honorer publiquement ses soldats tombés sur le champ
de bataille au Sahara, alors que ceux ayant perdu la vie ailleurs sur le
continent lors de missions de paix onusienne le sont. C’est le cas par
exemple pour les militaires marocains relevant de la Monusco en
République démocratique du Congo et de la Minusca, en République
centrafricaine.

Selon des sources militaires consultées par Le Desk, cette version


des faits est inexacte : « Il n’y a eu aucune victime dans les rangs
des FAR suite à des échanges de feu », assure-t-on. Des soldats
sont à certaines occasions blessés ou périssent dans des accidents
et ce sans rapport avec les tirs lointains « à l’aveuglette » effectués
par le Polisario, poursuit notre source.

Dans ses rapports annuels de 2021 et 2022 sur la situation qui


prévaut sur le territoire du Sahara Occidental, le secrétaire général
des Nations Unies António Guterres a fait part des difficultés
logistiques rencontrées par la Minurso pour constater in situ
l’existence d’échanges de tirs entre le Maroc et le Polisario.

La Minurso rendue inopérante par le Polisario

Les travaux du groupe de travail chargé des violations ont été


suspendus suite aux événements de novembre 2020, empêchant
donc les équipes onusiennes de vérifier les signalements parvenant
de part et d’autre du conflit. Entre le 13 novembre 2020 et le 31 août
2021, l’Armée royale marocaine a signalé à la Minurso 1 099 incidents
:
impliquant des tirs contre ses unités stationnées le long du mur de
sable ou à proximité, dont 83 % à Mahbès. Elle a également signalé à
la Minurso 22 « tentatives d’infiltration  » au travers du mur de sable
et 724 vols de reconnaissance effectués par des drones utilisés par
le Front Polisario, dont 88 % dans les zones de Mahbas et d’Ausserd,
lit-on par exemple sur le rapport. Mais bien que la Minurso ait pu
repérer « ce qui semblait être des trous causés par des tirs
d’artillerie des deux côtés du mur de sable » grâce à l’analyse
d’images satellites, elle n’a pas pu se rendre sur le terrain pour
procéder à des vérifications « en raison des conditions de
sécurité », peut-on lire du rapport de Guterres de 2021. Dans
l’affaire des camions algériens détruits non loin de Bir Lahlou en
novembre 2021, la Minurso n’a pas pu attester de l’identité des
victimes dont les corps avaient été supposément déplacés à la hâte
par le Polisario…

Si la Minurso « continue de circuler librement à l’ouest du mur de


sable », à l’est, elle « a vu sa liberté de circulation grandement
entravée ». Le Polisario invoque « des motifs raisonnables de penser
que la conduite de convois terrestres restait très risquée et donc
déconseillée ». En conséquence, la Mission n’a pas pu observer
directement les échanges de tirs de part et d’autre du mur de sable,
ni vérifier les détails relatifs à chaque incident. « Elle s’est appuyée
sur les informations fournies quotidiennement par les parties, qu’elle
n’a pas pu vérifier de manière indépendante », explique Guterres.

Cette année, le rapport du secrétaire général de l’ONU reprend les


constats émis précédemment. Il pointe l’absence de coopération du
la part du Polisario qui entrave les déplacements de la Minurso, ce
qui menacerait carrément sa présence à l’est du mur de défense
érigé par les FAR. En substance, le document précise que la majeure
partie des tirs recensés et signalés se sont concentrés dans le nord
du territoire disputé, près de Mahbès, ce qui confirme, encore une
:
fois, les données recueillies par nos soins (voir infographie). Le
commandement militaire de la Minurso « n’a pas été en mesure
d’établir un contact direct avec les dirigeants des forces armées du
Front Polisario », y lit-on.

En revanche, le rapport relève que les tirs ont régulièrement diminué


depuis janvier 2021, contredisant ainsi les communiqués des
séparatistes qui font état d’une guerre intense et rapportent souvent
des pertes matérielles et humaines côté marocain.

Un rapport de force asymétrique imposé par Rabat

L’utilisation de plusieurs mois par le Maroc de drones de nouvelle


génération au Sahara occidental a marqué un tournant dans le conflit
qui l’oppose au Polisario. En mettant à profit les technologies turque
(Bayraktar TB2), israélienne (Heron/Harfang, il a réussi à instaurer
une zone d’exclusion à l’est du mur, tuant dans l’œuf toute incursion
ennemie. L’éventuelle réception des drones avancés MQ-9B
SeaGuardian, dont la livraison est encore bloquée par le Congrès
américain et sa volonté de s’équiper entre autres matériels de guerre
de nouveaux UAV israéliens (Harop et Hermes) et de lance-
roquettes étasuniens Himars en sus des canons Caesar en cours de
livraison par la France, creuseront davantage le fossé technologique
déjà abyssal entre l’armée marocaine et son adversaire qui ne
continue de mener des actions éparses de guérilla que grâce à
l’appui de l’armée algérienne comme nous avons pu le constater de
visu à travers les nouvelles armes de surveillance (drones chinois
CH-4) stationnées sur l’aérodrome de Tindouf.

Ces dernières années, la fièvre acheteuse du Maroc sur le marché de


l’équipement militaire l’a poussé à augmenter de façon considérable
le budget de la Défense nationale. Près de 111 milliards de dirhams
:
étaient prévus pour l’année 2021 au titre de l’engagement par
anticipation couvrant les dépenses d’acquisition et de réparation de
matériel. Pour l’année en cours, la loi de finances a autorisé une
anticipation sur les crédits ouverts pour l’année budgétaire 2023 un
montant d’environ 115,6 MMDH. Ce chiffre devrait sans surprise
enfler pour l’année suivante, compte tenu du contexte régional très
tendu avec le voisin algérien qui s’arme lui aussi sans compter et de
l’agressivité affichée du Front Polisario dont le prochain congrès
annoncé dans les camps de Tindouf (et non à Tifariti devenue pour
lui zone à risque) est déjà placé sous le thème de « l’intensification
de la lutte armée ».

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