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Comment, dans son discours de sécurité de l'ONU, Dominique de Villepin positionne-t-il sa

solution comme étant la plus judicieuse par rapport au recours à la force ?

Ce discours de Dominique de Villepin, alors ministre des affaires étrangères du gouvernement


de Jean-Pierre Raffarin sous la présidence de Jacques Chirac, a été prononcé le 14 février 2003
devant le Conseil de sécurité des Nations Unies à New York.
Il se déroule dans un contexte d'entrée en guerre des États-Unis au Moyen-Orient, suite aux
attentats du 11 septembre ayant coûté la vie à près de 3000 Américains et causé l'effondrement des
deux tours du World Trade Center, symbole de la puissance états-unienne, suite à une attaque
revendiquée par Al-Qaïda, groupe terroriste islamiste dirigé par Oussama Ben Laden et très actif en
Afghanistan. L'Afghanistan, aux mains des Talibans, est envahie par les Américains dès octobre
2001 avec l'aval de la communauté internationale. Mais début février 2003, le secrétaire d'état Colin
Powell cherche à convaincre le conseil de sécurité de l'ONU de la nécessité d'envahir également
l'Irak dirigé par Saddam Hussein, qu'il accuse de développer des armes de destruction massive et de
soutenir le terrorisme islamiste.
Le ministre français va donc lors de ce discours exprimer la position de la France, à savoir une
opposition à toute intervention militaire contre l'Irak.
Nous nous demanderons donc ici comment, dans son discours de sécurité de l'ONU, Dominique de
Villepin positionne sa solution comme étant la plus judicieuse par rapport au recours à la force.
Nous verrons d'abord quels sont les arguments qu'il présente en faveur des inspections et de la paix,
puis nous nous pencherons sur sa critique du recours à la force.

Dès l'exorde de son discours, le ministre des affaires étrangères français rappelle la nécessité de
maintenir l'unité du conseil de sécurité de l'ONU. En effet, le 8 novembre 2002 était adoptée la
résolution 1441 sur le désarmement de l'Irak, résolution visant à un désarmement du pays par la
voie des inspections : des rapporteurs de l'ONU sont envoyés sur place pour contrôler la présence
d'armes chimiques, nucléaires, bactériologiques, et leurs quantités, ainsi que la bonne coopération
du gouvernement de Saddam Hussein.
Peu avant le début du discours de Dominique de Villepin, deux rapporteurs de l'ONU ont rendu
compte de l'absence actuelle de preuves quant à la présence de ces armes, et des efforts faits par le
gouvernement irakien, ayant remis tous les documents demandés par l'ONU, créé des commissions
d'investigation, fourni des rapports balistiques et liés aux armes chimiques, de même pour les
recherches nucléaires en cours. Le ministre français rappelle donc de manière exhaustive la liste de
ces efforts fournis par l'Irak, qui a aussi accepté le survol de son territoire, l'interrogatoire de
scientifiques sans témoins, et enfin la mise en place d'un projet de loi prohibant toute fabrication
d'armes de destruction massive.
Dominique de Villepin n'oublie pas de rassurer les Américains en rappelant que Saddam Hussein est
un dictateur auquel il n'accorde nul soutien, d'où la nécessité future de vérification et de
confirmation de cette bonne volonté de l'Irak.
D’autre part, Dominique de Villepin rebondit sur le discours de Donald Rumsfeld du 23 janvier
qui avait qualifié la France et l'Allemagne de "Vieille Europe" qui n'aurait plus le poids géopolitique
qu'on lui attribue habituellement : le ministre français s’empare de cette formule, et la retourne
contre les Etats-Unis. La France est effectivement un vieux pays ayant connu nombre de conflits
ouverts au cours de son histoire, l'occupation, la libération et qui sait donc que la guerre doit être
considéré comme l'ultime recours, quelle que soit la situation.

De plus, Dominique de Villepin va établir une critique de la position belliciste américaine en


déclarant que « Personne ne peut affirmer que le temps de la guerre sera plus court que celui des
inspections. » Si les inspections paraissent plus lentes, elles le sont finalement bien moins qu’une
guerre si l’on tient compte de la reconstruction qu’elle exigera par la suite. Le ministre français
désamorce donc le discours de Colin Powell, en expliquant que les inspections sont la première
étape, et qu’en cas d’échec, il faudra ensuite examiner toutes les options, et que le recours à la force
ne pourra être que la dernière d’entre elles dans le cas où les inspections viendraient à révéler la
présence d’armes de destruction massive en Irak.
En effet, le ministre explique clairement que l’usage de la force conduirait à une menace quant à
l’unité du pays, ainsi qu’à sa stabilité. Il déclare donc que « la guerre est la sanction d'un échec » et
sûrement pas la meilleure solution pour créer un monde « plus juste, plus sûr et plus stable. »
Quelques jours plus tard, le président français Jacques Chirac déclare de même qu’une guerre ne
ferait qu’aggraver les tensions et créerait potentiellement "une multitude de mini Ben Laden"
partout au Moyen-Orient.
Le recours à la guerre, actuellement injustifié, aurait selon le ministre français pour conséquence
supplémentaire de rompre l'unité de la communauté internationale et de lui retirer sa légitimité et
donc son efficacité à l'avenir, et ce de manière définitive.
Il affirme de plus, répondant point pour point au discours de son vis-à-vis américain, que les
investigations en cours ne font état d’aucun lien confirmé entre l'Irak de Saddam Hussein et le
groupe djihadiste Al-Qaida mené par Oussama Ben Laden.

Ainsi, nous avons donc montré ici comment le ministre des affaires étrangères Dominique de
Villepin positionnait ici sa solution comme étant la plus judicieuse par rapport au recours à la force,
en exposant tous les avantages des inspections menées suite à la résolution 1441 adoptée par le
conseil de sécurité de l’ONU, la nécessité de maintenir une unité entre pays membres du conseil de
sécurité, et enfin en exposant toutes les conséquences que pourrait engendrer une guerre hâtive
décidée par le gouvernement américain.
Brillant par sa rhétorique et la qualité de son discours, le ministre français est applaudi au terme
de celui-ci par les ambassadeurs non-membres du conseil de sécurité de l'ONU, l’un d’entre eux
déclarant : "Aujourd'hui la France a parlé en notre nom à tous, et nous l'avons fait savoir aux
Américains."
Pourtant, un mois plus tard, le 17 mars, contre l’avis du conseil de sécurité de l’ONU, le président
américain Georges W.Bush lance un ultimatum au chef d'état irakien Saddam Hussein en lui
exhortant de quitter, avec ses fils, le commandement du pays. Dès le 19 mars, les États-Unis
envahissent le pays avec le soutien de l'Angleterre. Le conflit provoquera plus d'un million de morts
selon certains spécialistes, et Colin Powell avouera dix ans plus tard avoir menti quant à la présence
d'armes de destruction massive en Irak dans le but de justifier l'intervention militaire américaine.

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