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Introduction
(1) Les points de vue exprimés dans cet article sont ceux des auteurs en leur capa-
cité personnelle.
(2) Résolution S/RES/1460 (2003), 30 janvier 2003.
(3) Sur cette thématique, voy. l’incontournable rapport de Graça Machel, soumis
en 1996 à l’Assemblée générale des Nations Unies, Impact of armed conflict on chil-
dren, Document Nations Unies A/51/306, et son additif 1 du 9 septembre 1996. Dans
cette étude, le vœu était émis selon lequel « [l]e Conseil devrait être tenu continuelle-
ment et pleinement informé des considérations humanitaires, notamment celles qui
intéressent les enfants, dans l’action qu’il mène pour régler les conflits, maintenir ou
faire respecter la paix ou faire appliquer les accords de paix » (Document Nations
Unies A/51/306, § 282). Plus récemment, voy. également, du même auteur, The
Impact of War on Children, A Review of progress since the 1996. United Nations Report
on the Impact of Armed Conflict on Children, London, Hurst & Company, 2001.
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(4) Voy. la résolution 1261 (1999), S/RES/1261, 25 août 1999 ; la résolution 1314
(2000), S/RES/1314, 11 août 2000 ; et la résolution 1379 (2001), S/RES/1379,
20 novembre 2001 (http://www.un.org/french/documents/scres.htm).
(5) Les citations mentionnées sont toutes extraites du préambule de la résolu-
tion 1460 (2003).
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(6) Rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés, Document
Nations Unies, S/2003/1053, du 10 novembre 2003, § 24 (http://www.un.org/french/
docs/sc/reports/2003/sgrap03.htm).
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sont enrôlés de force dès l’âge de 10 ans, voire même 8 ans, pouvant
alors à peine soutenir leurs armes ( 9).
Si rien n’est fait pour leur réinsertion après les conflits, une fois
adultes, n’ayant d’autres alternatives viables, ils se transforment
parfois en véritables mercenaires, se vendant au plus offrant ( 10).
D’où le cycle infernal de violence en circuit fermé, qui touche tout
particulièrement l’Afrique de l’Ouest ( 11), mais auquel aucun conti-
nent n’a vraiment échappé, cycle ô combien dévastateur pour le
tissu social et économique de tout pays. On comprend mieux, dès
lors, ces paroles prononcées par Olara Otunnu, représentant spécial
du Secrétaire général de l’ONU pour la protection des enfants en
période de conflit : « Aujourd’hui, la guerre en Afrique, notamment
l’exploitation, la maltraitance et l’utilisation des enfants, n’est
après tout qu’un processus d’autodestruction... Voyez l’Angola, le
Soudan, la Somalie, la Sierra Leone. C’est là un problème d’enver-
gure qui nous conduit immédiatement à nous demander si, sur une
grande partie du continent africain, ces sociétés ont ou non un ave-
nir prometteur » ( 12).
Aujourd’hui, la persistance du phénomène des enfants impliqués
dans des hostilités explique que ces combattants de misère, particu-
lièrement vulnérables, continuent d’être exploités comme guetteurs,
porteurs, fantassins, détecteurs de mines, voire même comme
esclaves sexuels ou boucliers humains. Vivant dans la terreur et le
dénuement, ils se battent pour la promesse d’une paire de chaus-
sures, d’un bol de riz ou de quelques poussières de diamants. Ils
tuent sur commande, rompus à l’utilisation des grenades, des
machettes, mais aussi à celle des kalachnikovs, des M-16, R-15 et
autres fusil d’assaut AK-47. Armes légères et de petit calibre, peu
(9) Ces chiffres, sans doute sous-estimés en raison des difficultés qu’il y a à
recueillir des statistiques fiables en la matière, sont extraits du site internet de
l’UNICEF : http://www.unicef.org/. Pour plus d’informations, on peut également
consulter : Graça Machel, The Impact of War on Children (...), op. cit. ; Susan et
Raymond Alan, Children in War, New York, TV Books, 2000 ; et Child Soldiers. Glo-
bal Report 2001, London, Coalition to Stop the Use of Child Soldiers, 2001.
(10) Abdel-Fatau Musah and J. Kayode Fayemi (eds), Mercenaries, London,
Pluto Press, 2000.
(11) C’est ainsi que les enfants utilisés par les chefs de guerre lors de la guerre
civile du Libéria (1989-1997) ont combattu plus tard, une fois adultes, en Sierra
Leone. Actuellement, ce sont les survivants à ces atrocités qui sont en train de semer
mort et désolation à l’ouest de la Côte d’Ivoire. Demain, ils franchiront peut-être la
Guinée ou un autre pays de la région. Le même phénomène est à, l’heure actuelle,
de plus en plus visible dans la sous-région d’Afrique centrale et des Grands Lacs.
(12) Propos rapportés dans « Des soldats redeviennent de simples enfants », Afri-
que Relance, vol. 15, octobre 2001, p. 10.
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Ces violations graves des droits des enfants sont longtemps res-
tées inconnues, se produisant dans un climat général d’impunité qui
a alimenté la poursuite du phénomène. Heureusement, la commu-
nauté internationale semble prendre conscience des enjeux, non seu-
lement éthiques, mais également stratégiques, liés à l’instrumentali-
sation des enfants comme armes de guerre. Ainsi, plusieurs dévelop-
pements importants au cours de ces dernières années augurent peut-
être d’un avenir moins terrifiant pour l’Afrique en particulier et
pour le reste du monde.
Au plan universel, il y a d’abord le Protocole facultatif à la
Convention des droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants
dans les conflits armés. Entré en vigueur le 12 février 2002 ( 14), ce
traité marque un progrès notable en ce qu’il fixe un âge plancher
pour le recrutement obligatoire dans les forces armées, exigeant des
Etats parties en conflit de « veiller à ce que les membres de leurs
forces armées qui n’ont pas atteint l’âge de 18 ans ne participent
pas directement aux hostilités » (art. 1 er). De plus, il est demandé
tue l’une des pires formes de travail des enfants et interdit le recru-
tement forcé ou obligatoire de jeunes âgés de moins de 18 ans dans
les conflits armés.
Au plan régional, il faut encore souligner les efforts menés ces der-
nières années par l’Afrique, et tout particulièrement l’Afrique de
l’Ouest, pour protéger les enfants affectés par les situations d’hosti-
lités armées. Adoptée en 1990 par la Conférence des chefs d’Etat et
de gouvernement de l’Organisation de l’Unité Africaine, la Charte
africaine des droits et du bien-être de l’enfant est le premier traité
régional à interdire le recrutement d’enfants de moins de 18 ans ou
leur participation directe dans les hostilités ( 18). Au mois de
décembre 2001, à Dakar, la Communauté économique des Etats de
l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a adopté la Déclaration pour une
décennie (2001-2010) d’une culture des droits de l’enfant en Afrique
de l’Ouest, qui reconnaît explicitement la place centrale de l’enfant
dans les efforts de développement sous-régional.
Plus récemment encore, en avril 2002, les ministres des Affaires
étrangères et de la Défense de la sous-région de l’Afrique de l’Ouest
se sont réunis à Accra pour adopter la Déclaration et le Plan d’ac-
tion d’Accra sur les enfants affectés par la guerre. Aujourd’hui,
l’une des principales recommandations d’Accra a été réalisée avec la
création du Service de la protection de l’enfance de la CEDEAO,
qui constitue une base solide pour que l’organisation fasse de la pro-
tection des enfants affectés par la guerre l’un de ses chevaux de
bataille. A n’en pas douter, la toute jeune Cour africaine des droits
de l’homme aura également un rôle primordial à jouer dans cette
lutte ( 19).
(18) Article 22, § 2 de la Charte africaine : « Les Etats parties à la présente Charte
prennent toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce qu’aucun enfant ne prenne direc-
tement part aux hostilités et, en particulier, à ce qu’aucun enfant ne soit enrôlé sous les
drapeaux ».
(19) Il faut saluer l’entrée en vigueur du Protocole portant création d’une Cour
africaine des droits de l’homme et des peuples le 25 janvier 2004.
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(21) La résolution 1379 (2001) du Conseil de sécurité a pris soin de rappeler quels
sont les principaux instruments juridiques internationaux relatifs à la protection des
enfants dans les conflits armés : « les Conventions de Genève de 1949 et les obliga-
tions dont elles sont assorties en vertu des Protocoles additionnels de 1977 y relatifs,
la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfants de 1989 et le Proto-
cole facultatif y relatif du 25 mai 2000, le Protocole II à la Convention sur l’interdic-
tion ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques qui peuvent être consi-
dérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans
discrimination, tel qu’amendé, la Convention n o 182 de l’Organisation internationale
du travail contre les pires formes de travail des enfants, ainsi que la Convention
d’Ottawa sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert
des mines antipersonnel et sur leur destruction ».
(22) Expression utilisée dans le Rapport du Secrétaire général sur les enfants et les
conflits armés, Document Nations Unies, S/2002/1299, du 26 novembre 2002. L’ex-
pression est reprise dans la résolution 1460 (2003), article 1 er.
(23) Rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés, Document
Nations Unies, S/2002/1299, du 26 novembre 2002.
(24) Idem.
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Conclusion
concrètes (...) lorsque les parties n’ont pas progressé ou ont pro-
gressé insuffisamment » ( 25) dans la voie de cette protection. Néan-
moins, il est heureux de constater que ce n’est certainement pas un
hasard de calendrier si l’accélération perceptible de la détermination
nouvelle de la communauté internationale à lutter contre l’impunité
en matière d’utilisation des enfants comme instruments de violence
armée est concomitante à l’entrée en activité de la Cour pénale
internationale. Il reste à espérer que les efforts de l’ONU permet-
tront d’honorer les promesses de ses résolutions et que ceux qui sont
mis en cause sauront lire les signes des temps ( 26). Car, en définitive,
si l’Humanité ne met pas tout en œuvre pour protéger ses enfants,
quel sens garde encore l’avenir ?
(25) Rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés, Document
Nations Unies, S/2003/1053, du 10 novembre 2003, § 105, g).
(26) Voy. les intéressantes analyses sur cet aspect de la question dans le numéro
spécial de la revue de désarmement de l’Institut des Nations Unies pour la recherche
sur le désarmement (UNIDIR), Disarmament Forum, « Children and Security », n o 3,
2002. On peut aussi utilement visiter le site de l’UNIDIR : www.unidir.org.