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MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA FORMATION

PROFESSIONNELLE (MENFP)
DIRECTION DE L’ENSEIGNENT SECONDAIRE (DES)

GUIDE PEDAGOGIQUE HISTOIRE/GEO NS4- SERIES SES, LLA, SMP,


SVT
PROGRAMME DE COMPETENCES MINIMALES (AVRIL 2020)

CONTEXTE
Dans le souci de favoriser la formation á distance des élèves privés de
cours pendant quatre mois consécutifs pour des raisons sociopolitiques
(septembre-Décembre 2019) et des raisons sanitaires liées á la Pandémie
du COVID-19 (á partir du 20 mars 2020), la Direction de
l’Enseignement Secondaire (DES) sous le haut patronage de la
Direction Générale du MENFP et du Ministre Pierre Josué Agénor
Cadet, met á la disposition des élèves de la classe du Nouveau
Secondaire IV (NS4) un guide pour faciliter leur apprentissage en
histoire/géographie et ainsi les aider á la préparation des examens ofciels
pour cette matière..

Le présent guide pédagogique s’inspire du Programme à « Compétences


Minimales » élaboré en décembre 2019. Il comprend trois parties :
Nouvelles dispositions pour les examens d’histoire/géographie
selon les séries, le guide théorique suivi de leçons et de
sujets/textes d’orientation pour travaux pratiques.

La partie théorique consiste à mettre à la disposition des élèves des fches


didactiques ayant rapport avec les techniques/démarches à suivre pour la
rédaction de la dissertation et les commentaires de textes. Dans la
troisième partie, des fches techniques de sujets/textes sont soumises
avec l’élaboration du plan et la défnition claire des idées directrices.
Egalement des cours et documents sont mis á la disposition des élèves
afn de parfaire leur apprentissage.

I-LES NOUVELLES DISPOSITIONS POUR LES EXAMENS


HISTOIRE/GEOGRAPHIE
1-Le Format de l’examen Histoire/Géographie pour le Secondaire IV et le
Secondaire III, Série SES, comprend deux parties :
Partie A- Histoire Nationale
Partie B- Histoire Universelle et Géographie
2-Chacune des parties est cotée sur 50%
3-La Partie A doit comprendre deux sujets au choix avec deux documents
de supports.
4-La Partie B s’établit autour de cinq (5) questions á élaboration courte (de
5 á 10 lignes maximum) dont deux questions d’Histoire Universelle et trois
questions de géographie. Chaque question est cotée sur dix points.
Deux documents serviront comme référence pour les questions d’histoire
universelle et de géographie.

1
5-Les Séries LLA, SMP et SVT conservent le même format d’examens
c’est-á-dire : Etude de Texte en Histoire Nationale suivie de questions et
idem pour l’Histoire Universelle couplée á la géographie.

II-EN THEORIE QUE DOIT SAVOIR L’ELEVE SUR LES TECHNIQUES DE


LA DISSERTATION OU LES COMMENTAIRES DE TEXTES ?

I- LA DISSERTATION D’HISTOIRE

Le Sujet
Il faut bien lire le sujet proposé. Les mathématiciens ont coutume de dire
que la réponse est dans la question posée. Le sujet pose des cadres bien
défnis sur une thématique précise. Les limites imposées par le sujet,
doivent être respectées. Tout travail hors-sujet est toujours lourdement
sanctionné. Il ne faut bien sur pas « réciter » un cours !, mais réféchir sur
« problème » que pose le sujet, puis utiliser ses connaissances pour
répondre au problème dans le développement.

La Structure de la dissertation
L’introduction est la première étape essentielle d’un devoir. Son contenu,
trop souvent négligé, est déterminant. La lecture de l’introduction doit
montrer au correcteur que l’on a compris le sujet. Elle se compose de
quatre ou cinq points selon les écoles. Une introduction doit d’abord
s’eforcer de bien cadrer le contenu du sujet posé, en en marquant les
limites. Pour cela il convient : de défnir les termes du sujet (1) et de poser
les limites chronologiques et spatiales (2) du sujet (en histoire la
chronologie est bien souvent la première des limites a fxer, mais ne pas
oublier de se référer aux problèmes spatiaux etc.…). L’introduction doit
ensuite poser une problématique (3) : développer les questions posées par
le sujet. Enfn, vient l’annonce du plan (4) qui doit clore l’introduction :
nombre de parties, contenu de chacune d’elles afn que le lecteur soit
averti du raisonnement suivi. Ceci suppose d’avoir bâti et développé un
plan au brouillon, l’introduction n’étant rédigée qu’après.

Le Développement
Le développement constitue le cœur du devoir. Il s’agit de procéder à une
démonstration se rapportant au sujet posé.
Le nombre des parties n’est pas fxé a priori. Il pourra varier selon la
nature du sujet. Bien entendu, il faut éviter un plan trop morcelé en de
trop nombreuses parties qui deviennent des paragraphes et hachent
l’analyse.
L’essentiel est d’avancer dans un raisonnement : si deux parties sont
nécessaires, inutile de vouloir fabriquer trois. On se demandera surtout,
après avoir construit son plan au brouillon (parties, sous-parties), si tel ou
tel paragraphe ou développement est bien a sa place, s’il est utile, s’il n’a
pas été mis la parce que issu de la mémoire d’une lecture d’ouvrage et de
cours, mais mériterait d’être placé plus haut ou plus loin dans le
raisonnement, ou de ne pas y fgurer du tout.
2
Interpréter, discuter, démontrer suppose de connaitre les points
de vue des auteurs (et de pouvoir leur emprunter des citations), parfois
contradictoires, ou variant dans le temps, de fournir des éléments
explicatifs, de discuter telle ou telle interprétation. Mais démontrer et
discuter suppose d’apporter des arguments appuyés sur des faits : on
évitera donc toute afrmation non démontrée, ou non argumentée qui
relèverait de l’a priori. Chaque idée avancée doit donc s’appuyer sur un
exemple afn d’appuyer la démonstration : une idée, un exemple. Il ne faut
pas contenter d’idées générales, mais de les appuyer par des exemples.

II- LE COMMENTAIRE DE TEXTE EN HISTOIRE


Le commentaire de document est l’exercice le plus difcile à maitriser
parfaitement. Mais il est nécessaire de bien en connaitre la méthode
quand on étudie l’histoire car c’est un sujet quasi systématique avec la
dissertation.
Le commentaire permet à la fois :
- de rendre compte du contenu du document
-de l’analyser, de l’expliquer et de le comprendre
-de le replacer, de le restituer dans le contexte plus général d’une
question, d’un ensemble de connaissances auquel il apporte sa
contribution.

Méthodologie du Commentaire

A-Compréhension du document
-Lire plusieurs fois le document le stylo á la main en soulignant les mots
importants
-Dégager les idées principales du document et les classer au brouillon
(elles ne sont pas toujours bien ordonnées dans le texte)
-Essayer de comprendre l’ensemble des mots du texte : il est possible de
donner la défnition d’un mot très spécifque
-Au brouillon réserver une partie pour la chronologie et les personnages
importants.

B-Explication, analyse critique


-une fois le texte dégrossi, il est nécessaire d’en expliquer les idées
-de replacer ensuite le document dans un contexte plus large afn de le
situer dans l ‘événement historique auquel il se réfère (appartient).
-Il s’agit donc de faire :
-La critique interne du document : ce qu’il énonce et ce qu’il n’énonce
pas
-La critique externe : par rapport a d’autres acteurs, d’autres données,
sa place dans l’événement ou dans l’explication de celui-ci (il faut faire
appel a des connaissances de cours pour positionner le document. D’où
l’intérêt d’apprendre les cours. On doit montrer sa capacité a replacer le
document dans son contexte).

C-Elaboration du plan
Une fois toutes les idées mises sur le brouillon et le document trituré dans
tous les sens, on peut commencer la mise en forme.
3
Il n’y a jamais de plan type. Cela dépend de ce que l’on trouve dans le
texte. Le plan dépend de sa logique. Si vous avez tire trois grandes parties
alors on peut les reprendre en trois parties. Ou bien si celui-ci evoque trois
grandes périodes chronologiques. Pas moins de deux parties, pas plus de
quatre.

D-Rédaction de l’introduction et de la conclusion au brouillon


L’introduction du commentaire comprend des éléments indispensables
-Tout d’abord une présentation du document
-Nature du document
-Période concernée, éventuellement espace

III-SUJETS/TEXTES D’ORIENTATION POUR TRAVAUX PRATIQUES &


LECONS

A- MODELES DE DISSERTATION

SUJET 1
L’occupation américaine d’Haïti a été faite dans un but
humanitaire. Qu’en pensez-vous ?

INTRODUCTION
L’épopée de 1804, fruit de privations et de durs combats livrés par les
soldats de l’Armée Indigène a été souillée dans l’après-midi du 28 juillet
1915. En efet les soldats américains se sont débarqués sur le sol national
et prirent le contrôle du pays pour le compte des Etats-Unis. Cette
situation a duré de 1915 á 1934 et est connue dans l’histoire sous
l’épithète de « l’Occupation Américaine ». // (Sujet amené)
D’aucuns pensent que cette occupation fut un acte humanitaire accompli
pour rééquilibrer les disparités sociales en Haïti. Qu’en était-il réellement ?
Comment apprécier cette prise de position ?// (Sujet posé)
Une analyse des causes de l’occupation militaire et des impacts dans la
vie socioéconomique des haïtiens de l’époque s’impose afn de faire le
point sur ce qui suit. (Sujet divisé)

DEVELOPPEMENT
L’occupation américaine d’Haïti entre dans le cadre global de l’expansion
de l’impérialisme américain á partir de la seconde moitié du 19 e siècle,
lequel prône la domination des états frontaliers afn d’assurer son
4
développement économique. Apres la Guerre de Sécession (1861-1865), le
capitalisme américain a pris un essor considérable par le développement
de l’industrie, la découverte du pétrole, la maitrise de l’électricité comme
principale source d’énergie et la modernisation des moyens de transport
par la mise en place des chemins de fer ou « Railroads ». Pour rendre
viable l’économie et éviter les crises, il faut avoir sans cesse de nouveaux
marchés. Ces marchés doivent être assujettis et contrôlés uniquement par
les Etats-Unis. C’est dans ce contexte que la « Doctrine de Monroe » fut
modifé et rebaptisé á la fn du 19 e et au début du 20e siècle « Politique du
Gros Bâton ». Il s’agissait pour les Etats-Unis d’utiliser la force pour la prise
de contrôle de ces pays si les négociations ou les diktats échouaient.
Les Etats-Unis voulaient á tout prix devenir le maitre de l’Amérique. C’est
ainsi que dès 1898 ils entreprirent une guerre contre l’Espagne afn de
récupérer les colonies que celle-ci avait encore dans son giron. Ainsi
s’ouvrit l’ère des interventions militaires. En 1903, ils sont intervenus en
Colombie pour créer l’Etat du Panama ; en 1906, ils ont réalisé une
nouvelle intervention á Cuba ; 1909, c’est le tour du Honduras d’être foulé
par les bottes américaines ; 1910, au Nicaragua ; 1914, intervention á
Vera Cruz au Mexique et 1915, intervention en Haïti.
Par l’ensemble des faits relatés ci-dessous, l’intervention américaine
d’Haïti n’est pas un hasard et en aucun cas elle n’a pas été faite dans un
but humanitaire. Les américains n’étaient pas venus en Haïti pour retirer
les masses urbaines et paysannes de la crasse et la misère ni pour les
soulager des lois sociales sous lesquelles elles croupissaient depuis
l’indépendance. Les marines n’étaient pas venus en Haïti pour éduquer les
haïtiens ni diminuer le taux d’analphabétisme. Les américains n’étaient
pas venus en Haïti pour protéger les droits ni pour diminuer les disparités
socioéconomiques qui existaient entre les riches et les pauvres et entre
les noirs et les mulâtres.
Les américains étaient présents en Haïti pour contrôler ses richesses et
prendre le contrôle de sa production agricole. Les premiers actes des
soldats américains furent le démantèlement de l’Armée Nationale, la
nomination d’un gouvernement fantoche (composé de collaborateurs zélés
de l’occupation), la saisie de la réserve d’or du pays, la prise de contrôle
des douanes et l’adoption forcée d’une constitution (Constitution de 1918)
qui légalisa l’occupation. Par cette constitution, ils octroyaient á tout
américain le droit de propriété en Haïti, ce qui était interdit dans les
constitutions haïtiennes précédentes.
Enfn, c’était sous l’occupation américaine que les paysans étaient les plus
maltraités. La réactivation de la « Corvée », un travail gratuit au proft de
l’Etat, avait poussé les paysans á se révolter et protester contre cet état
de fait proche de l’esclavage. Les soldats yankees ont répondu par les
exécutions sommaires et les massacres notamment le massacre de
« Marcha terre » le 6 décembre 1929.

CONCLUSION
Il est clair que l’occupation américaine d’Haïti de 1915 á 1934 n’a jamais
fxé l’atteinte d’objectifs humanitaires et qu’elle n’avait pas pour fnalité
l’amélioration des conditions de vie de la population. Ceux qui s’enrichir
ou tirer des avantages quelconques. Etre humaniste, c’est aimer son
5
prochain, c’est vouloir son bien, c’est partager ce que l’on possède. En
aucun cas, les soldats et l’administration de l’occupation n’ont eu un tel
comportement.

SUJET 2
Le Président Sténio Vincent est perçu comme un patriote
nationaliste. Partagez-vous cet avis ?

INTRODUCTION 1
Le Président Stenio Vincent est le dernier Président de la période
d’occupation américaine. Il a accédé au pouvoir á l’issue des élections de
1930, lesquelles ont été organisées á la suite du renversement de Louis
Borno par une grève générale. // (Sujet amené) De par sa gestion des
afaires de l’Etat certains pensent qu’il a été animé par un nationalisme
débordant. Qu’en était-il réellement ?// (Sujet posé)
Une analyse des actes posés par lui durant sa présidence nous aidera á
clarifer cette assertion. (Sujet divisé)

INTRODUCTION 2
Le nationalisme et le patriotisme sont des concepts qui décrivent le
comportement bienveillant et responsable d’un ou de plusieurs individus á
l’égard de leur pays. Ils supposent qu’on met au devant les intérêts
collectifs au détriment des intérêts individuels. On est animé en
permanence du désir de servir sa patrie, de voir son bien et de mourir
pour elle si le cas y echet. A la direction suprême, le nationaliste, le
patriote ne transige pas et se considère comme le digne héritier de ses
ancêtres.//(Sujet amené)
Analysant le gouvernement de Stenio Vincent, d’aucuns pensent qu’il était
porteur de toutes ces vertus et qu’il les a épousées mêmes. Que doit-on y
penser// (Sujet posé)
Une mise en exergue des actes posés tout au long de sa présidence
s’impose afn de faire le point sur cette question. // (Sujet divisé)

IDEES POUR LE DEVELOPPEMENT


-Présenter Vincent comme l’homme qui a su canaliser la colère et les
revendications nées des conséquences de l’occupation
 Greve des étudiants de Damien
 Massacre de Marchaterre – (Tous ces événements ont permis une
prise de conscience patriotique et l’éclosion du nationalisme haïtien)
-Vincent a combattu pour la désoccupation du territoire- Faire ressortir
l’importance des diférents accords entre le gouvernement haïtien et le
gouvernement américain :
 5 Aout 1931 : Accord pour la remise des services aux autorités
haïtiennes (Service national d’hygiène, Direction Générale des
Travaux publics, Service Technique d’Agriculture, Bureau de
l’Enseignement).
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 4 décembre 1931 : Les autorités obtiennent le contrôle militaire de
Hinche
 30 janvier 1932, ils obtiennent le contrôle militaire de l’Ouest
 7 Aout 1933 : les douanes passent sous l’autorité haïtienne
 21 aout 1934 : départ défnitif des marines

A coté du départ des troupes américaines, le Président Vincent a réhabilité


les héros de l’Indépendance notamment le Fondateur Jean Jacques
Dessalines, jeté dans l’oubli depuis plus d’un siecle. N’avait-il pas écrié :
« Dessalines est un roc ». Il a suscité l’engouement des jeunes pour
l’apprentissage de l’histoire nationale.
Toutefois, il faut souligner l’attitude du Président face á Trujillo durant le
massacre de 1937. Il négociait chaque tête d’haïtien tué et reçut de
l’argent qu’il partageait avec ses amis. C’est un acte indigne d’un
nationaliste.

IDEES POUR LA CONCLUSION


En conclusion il faut montrer que Vincent est certes nationaliste par la
réalisation de certaines actions mais que l’esprit de cupidité lui porta
parfois á se rabaisser vis á vis de l’étranger.

SUJET 3
Le préjugé de couleur était á la base du Mouvement de 1946.
Qu’en pensez-vous ?

INTRODUCTION
Le préjugé de couleur est un système social et politique né de la
colonisation européenne á partir du 16e siècle. Il se base sur la
diférenciation de la couleur de la peau. Dans l’échelle sociale on a de la
valeur au fur et á mesure que l’on se rapproche du blanc. En Haïti, ce
système a prédominé tant durant l’époque coloniale qu’après
l’indépendance. Les mulâtres se sont toujours considérés comme des
êtres supérieurs dans leur rapport avec les noirs.// (Sujet amené)
Analysant le Mouvement de 1946, d’aucuns pensent que le préjugé de
couleur était á sa base. Que doit-on y penser ? //(Sujet posé)
Une analyse des causes et de ses conséquences nous aidera á répondre á
cette question. // (Sujet divisé)

IDEES POUR LE DEVELOPPEMENT


-L’une des revendications principales de ce mouvement a été de faire
accéder un noir á la présidence (il faut insister sur ce fait au prime abord).
-Il faut faire ressortir la situation qui prévalait au lendemain de
l’occupation américaine avec la main mise de la bourgeoisie á peau claire
sur le pouvoir. De 1915 á 1946 tous les présidents furent des mulâtres :
 Sudre Dartiguenave
 Louis Eugene Roy
 Luois Borno
 Stenio Vincent
 Elie Lescot
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-Les noirs furent écartés de tous les postes importants de l’administration.
Ils occupaient des postes inferieurs partout.
-Dans la Gendarmerie devenue par la suite la Garde d’Haïti et plus tard
l’Armée d’Haïti, tous les postes de commandement sont donnés aux
ofciers mulâtres.
-Démontrer que les mulâtres avaient accaparés tous les privilèges que
procurent le fonctionnement de l’Etat : contrats juteux, donations de
propriétés, postes de prestige (ministres, ambassadeurs).
-Démontrer que cette situation a crée de la frustration chez les noirs qui
réclament l’égalité des droits.
-Démontrer aussi que cette revendication a trouvé un écho favorable au
niveau littéraire par la création de plusieurs revues ou groupes
notamment : la revue indigène, le journal « la Ruche » ou la création du
cercle littéraire « Les Griots ». Tous ces revues ou cercles ont contribué au
développement de l’idéologie noiriste.
-Le mouvement des écoliers et étudiants en janvier 1946 était
l’aboutissement d’une grogne, d’une frustration sociale qui couvrait depuis
longtemps.

Ce mouvement a eu comme conséquences l’accession au pouvoir d’un


noir Dumarsais Estime.

IDEES POUR LA CLONCLUSION


En conclusion, il faut aller dans le sens du sujet en montrant
qu’efectivement que c’est le « préjugé de couleur » qui a engendré ce
mouvement.

SUJETS ET PLANS DE REDACTION


Sujet 1- Expliquez la chute du gouvernement d’Elie Lescot

A. Introduction
- L’apprenant met en relief le sujet ; - L’apprenant formule sa
problématique ; - L’apprenant précise les diférentes étapes de la
rédaction.

B. Développement
L’apprenant expose les diférents facteurs conduisant à la chute d’Elie
Lescot. • L’inégalité des richesses ; • Les aspirations de la classe moyenne
; • La question de couleur ; • La rareté des emplois ; • Le
mécontentement de l’armée ; • L’émergence des idées nouvelles : le
socialisme, le noirisme.

C. Conclusion –
L’apprenant synthétise les idées développées et répond à la question
posée dans l’introduction ; - L’apprenant soulève une question devant
aboutir à de nouveaux débats. (Facultatif)

Sujet 2- Analysez les causes de la chute du gouvernement


d’Estimé

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A. Introduction

- L’apprenant met en relief le sujet ; - L’apprenant formule sa


problématique ; - L’apprenant précise les diférentes étapes de la
rédaction.

B. Développement
L’apprenant analyse les causes de la chute du gouvernement d’Estimé •
Le sectarisme idéologique (noirisme, clientélisme) ; • La corruption
administrative ; • Les mesures juridiques prises à l’encontre du
mouvement communiste en Haïti ; • La répression contre les syndicats,
les partis politiques, la presse ; • La tentative d’établir l’impôt sur le
revenu provoquant le mécontentement de la chambre du commerce ; • Le
projet de révision de la constitution en vigueur en vue de prolonger son
mandat ; • Le mécontentement dans les milieux de l’opposition après
l’acte de vandalisme des bureaux du sénat perpétré par les masses port-
au-princiennes ; • La passivité de la population lors de l’irruption des
soldats lourdement armés dans les bureaux du chef de l’Etat pour le
renverser.

C. Conclusion
- L’apprenant synthétise les idées développées et répond à la question
soulevée dans l’introduction ; - L’apprenant soulève une question
débouchant sur de nouveaux débats. (Facultatif)

Sujet 3- L’occupation américaine (1915-1934) a renforcé le


néocolonialisme en Haïti. Expliquez.

A. Introduction
1- L’apprenant met en relief le sujet ; 2- L’apprenant formule sa
problématique ; 3- L’apprenant précise les diférentes étapes du
développement.

B. Développement
• L’apprenant explique le terme néocolonialisme ; • L’apprenant explique
comment l’occupation américaine (1915-1934) a renforcé le
néocolonialisme en Haïti. Tout le développement économique, politique, et
social du pays après cette période porte l’empreinte de cette occupation
qui a perturbé de façon durable les bases de la nation ; • L’apprenant
présente les diférentes manifestations de la domination américaine
d’Haïti : a) Sur le plan économique : • Investissement de types coloniaux
dans les plantations et les services publics ; • Contrôle des fnances du
pays par les trusts américains ; • Américanisation de la monnaie haïtienne
; • Orientation du commerce fondamentalement vers le marché américain.
b) Sur le plan politique : • La mise en place d’une nouvelle force armée (la
Garde d’Haïti), comme instrument de domination au proft des Etats-Unis ;
• L’implication de l’armée dans le jeu politique haïtien toujours au proft
des Etats-Unis ; • Le rôle joué par les États-Unis dans l’élection des
diférents chefs d’Etat après l’occupation. c) Sur le plan social •
Renforcement du lien entre l’oligarchie locale et les États-Unis au
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détriment des masses rurales et urbaines ; • Mise en œuvre d’un
processus d’acculturation : promotion de la langue anglaise, campagne
des rejetés.

C. Conclusion
1- L’apprenant synthétise les idées développées et répond à la question
(ou aux questions posées dans l’introduction ;

2- L’apprenant soulève une question devant aboutir à de nouveaux


débats. (Facultatif)

Sujet 4- Le mouvement de 1946 était-il véritablement


révolutionnaire ?

A. Introduction
1- L’apprenant met en relief le sujet ; 2- L’apprenant formule sa
problématique ; 3- L’apprenant précise les diférentes étapes de la
rédaction.

B. Développement
L’apprenant peut expliquer l’expression mouvement " révolutionnaire ",
si toutefois il ne l’a pas fait dans l’introduction ; • L’apprenant présente
brièvement la crise de 1946 ; • L’accession au pouvoir de Dumarsais
Estimé ; • Les actes posés par le gouvernement de Dumarsais Estimé
sont-ils sufsamment radicaux pour qualifer le mouvement de 1946 de
révolutionnaire ? (Référence : les réalisations de son gouvernement).

C. Conclusion
1- L’apprenant synthétise les idées développées et répond à la question
posée dans l’introduction ;
2- L’apprenant soulève une question devant aboutir à de nouveaux
débats. (Facultatif)

MODELES D’EXAMENS DE GEOGRAPHIE


I-GÉOGRAPHIE
Document
« La mondialisation élargit l’espace de référence des individus. Le libre-
échange, la libre circulation des capitaux, les migrations internationales,
d’une part, le progrès technique dans les domaines des
télécommunications et des transports, d’autre part, favorisent le contact
entre les cultures. Ainsi la mondialisation paraît favoriser la mondialisation
culturelle, c’est-à-dire l’émergence d’une culture mondiale uniformisant
les cultures nationales […]. En fait, l’uniformisation n’est pas inéluctable et
sans doute peu probable. Les contacts prolongés entre cultures diférentes
provoquent une acculturation des peuples concernés, c’est-à-dire des
changements culturels au sein des sociétés selon diverses modalités : -
L’assimilation : une collectivité humaine adopte la culture d’une autre et
abandonne ses traits culturels spécifques. L’américanisation et
l’occidentalisation du monde, dont la réalité est discutable, relève de cette
logique. - L’adaptation : une collectivité humaine emprunte certains traits
10
culturels à d’autres collectivités en les adaptant à sa propre culture. […]
Dans cette perspective, la convergence vers un même modèle culturel au
niveau mondial est probable car chaque société n’adopte pas les mêmes
traits culturels d’autres sociétés et ne les adapte pas de la même façon. -
La contre-acculturation : une collectivité humaine rejette la culture des
autres collectivités et valorise certains traits culturels qui lui sont
spécifques. Ce processus s’oppose à la mondialisation comme à
l’américanisation ou à l’occidentalisation du monde. » D’après Serge
d’Agostino, La mondialisation, Bréal, 2002

Questions
1- Qu’entendez-vous par mondialisation ?
2- Relevez dans le document les éléments qui facilitent l’élargissement de
la mondialisation.
3- Montrez que la mondialisation est avant tout l’américanisation et
l’occidentalisation du monde.
4- A l’aide du document et de vos connaissances, rédigez un texte de 10
lignes sur les conséquences négatives de la mondialisation

II-GÉOGRAPHIE
Document1
L’union européenne ne correspond pas géographiquement à l’Europe. La
Suisse et la Norvège, les pays d’Europe centrale et orientale,
anciennement communistes, n’en font pas partie.
La construction européenne n’est pas encore achevée :
- L’Union n’est pas un État, avec un gouvernement commun élu par tous
les Européens, mais une association d’États qui prennent encore
beaucoup de décisions à l’unanimité
- Les lois fscales et sociales (salaire minimum, temps de travail
hebdomadaire…) ne sont pas les mêmes dans tous les États. Dans des
domaines comme la police, la justice, l’éducation, la politique de
chaque État est diférente.
- L’Union n’a pas de vraie politique étrangère commune, ni d’armée
commune, et souvent, les positions des États divergent. L’Union pèse
donc d’un faible poids politique sur la scène internationale.
Histoire – Géographie 3e – sous la direction de Martin Ivernel –
Hatier – page 27
Document 2

« Les États-Unis ont exporté sept fois plus de programmes de télévision


que leur concurrent immédiat, la Grande-Bretagne. Au sein du marché
européen, les 100 premières chaînes de télévision importent des États-
Unis 69% des programmes de fction difusés. Par ailleurs, les sociétés
américaines accaparent, selon les pays, de 80 à 90% du marché mondial
11
de vidéo. Le cinéma connaît un succès mondial. Les flms américains
représentent 6 à 7% de la production mondiale mais occupent 50% du
temps de projection».
Histoire – Géographie 3e – sous la direction de Martin Ivernel –
Hatier – page 214
Questions

1- Présentez le document 2.
2- Faites ressortir l’infuence des Etats-Unis d’Amérique dans le monde. (voir
doc.2)
3- Evoquez quelques obstacles à la construction de l’union européenne. (voir
doc. 1)
4- Comment expliquez la domination Américaine sur le plan culturel ? (voir
doc. 2)

EXTRAITS DE DOCUMENTS D’HISTOIRE NATIONALE

INCIDENCE DE L’OCCUPATION SUR LA VIE SOCIALE ET POLITIQUE


L’occupation américaine de 1915 a 1934 avait pour but principal de
remettre de l‘ordre dans le système traditionnel tombé en désuétude, mais
seulement en le réanimant, en le réactivant et en le renouvelant par une
opération de ravalement en quelque sorte. A cette fn, elle s'est appliquée
surtout à stabiliser le système politique en désarmant la population, en
reformant la police-armée sur des bases non politiques mais techniques et
professionnelles. Elle a recherché la stabilisation administrative en
introduisant des améliorations embryonnaires mais réelles dans les
services publics, particulièrement dans le domaine de la santé, I ‘élite
métisse traditionnelle ramenée au pouvoir afn de lui faire récupérer sa
suprématie. s'orientait vers la transformation d'une de I’ enseignement et
des travaux publics. Elle a entrepris d'établir la stabilité sociale par une
politique qui tout en favorisant la paysannerie à initier au processus
d'américanisation. En exploitant les dislocations créées par la première
guerre mondiale, elle a recherché la stabilité économique en substituant I
‘infuence américaine à I’ européenne dans les domaines de la production,
de la banque et du commerce. Elle a voulu la stabilité fnancière a travers un
système fscal qui assurait que le pays remplissait, en priorité, ses obligations
fnancières `à l'égard de ses créanciers plutôt que mettre I’ accent
prioritairement sur son engagement a moderniser en développant de
nouveaux secteurs et de nouvelles techniques de production dans ce
dernier domaine elle ft plutôt preuve d'une certaine timidité face a la
résistance habilement « nationale » des dirigeants du statu quo. Enfn, en
imposant un taux de change fxe entre le dollar et la gourde haïtienne, elle
a obtenu la stabilité monétaire.

L’Occupation américaine a été un succès très relatif dans toutes ses


entreprises, mais elle a laissé intacte la structure du système. A cet égard,
12
il est signifcatif que, dans la plupart des régions, les paysans étaient au
début astreints aux corvées pour les travaux publics; dans d'autres, ils
étaient dépossédés de leurs terres au proft de compagnies haïtien-
américaines qui voulaient réintroduire le système de plantations dans les
plaines, associant dans une entreprise commune, le grand capital américain
et une participation fnancière symbolique du coté haïtien. II est tout aussi
signifcatif que les Américains ont écrasé le mouvement nationaliste
paysan en utilisant des armes lourdes modernes, alors que le nationalisme
urbain dont le langage était susceptible d'être mieux compris se voyait
fnalement satisfait dans ses revendications.

L’EMPRISE DE L’ARMEE DANS LE JEU POLITIQUE

ANALYSE GENERALE
L’Armée Indigène a joué un rôle prépondérant dans la création de l’Etat
d’Haïti et elle a conservé celui-ci tout au long du XIX ème et début du XXème
siècle. Jusqu’á 1915, tous les Présidents d’Haïti furent indistinctement des
généraux. Pour accéder au pouvoir ils durent souvent utiliser les forces
qu’ils commandèrent et sombrer dans la guerre civile. Les partis politiques
prenaient naissance au sein de l’Armée et les généraux étaient de
véritables politiciens qui se battaient entre eux. En témoigne le Parti
Liberal et le Parti National. Leurs fondateurs étaient tous des généraux.
Dans le cadre d’un équilibre politique et d’un rapport de force, les masses
paysannes furent associées comme sympathisants de ces partis, en y
jouant non pas les rôles d’électeurs armes de bulletins de vote mais ceux
de soldats insurrectionnels munis de pistolets et de carabine. Ainsi
naissaient les groupes de paysans armés dénommés Piquets ou Cacos
selon leur lieu de provenance.

Le débarquement militaire américain en 1915 a mis un frein á ce désordre


généralisé car la mobilisation politique et militaire des paysans faisaient
peser un grand danger sur les investissements des capitaux étrangers en
Haïti et les biens de la bourgeoisie locale. Ce qui explique pour l’occupant
la dissolution de cette armée démodée et la prépondérance du civil su le
militaire. Indistinctement tous les gouvernements ayant eu cours sur
l’occupation furent dirigés par des civils. L’Armée, elle-même, a été
reconçue en devenant plus professionnelle. Même si désormais elle fut
reléguée au second plan, elle continua de jouer un rôle politique discret
parfois afrmé dans certaines circonstances. Au départ de l’occupant, elle
le remplaçait en jouant le rôle de régulateur de la vie politique et devenir
parfois le véritable acteur politique (les Juntes Militaires en 1946, 1950,
1957). Cette armée devenait non pas, une armée nationale défendant le
territoire national et les citoyens haïtiens en cas de menaces sur leur
intégrité mais une armée de répression qui empêchait aux corps
structurés de la nation de s’exprimer et de revendiquer donc une armée
opérant comme un corps de gendarmerie ou un corps de police. Elle fut
connue aussi comme une « armée d’occupation » c’est-a-dire une armée
aux ordres de l’étranger et prêt á intervenir dans le jeu politique á la
13
moindre remise en question des intérêts américains et de l’occident. Elle a
joué ce rôle de la fn de l’occupation á 1957.

DOCUMENT 1: DE LA GENDARMERIE D’HAITI A LA GARDE D’HAITI


[…] Après la dissolution des forces armées haïtiennes l’Occupant allait
mettre sur pied une force dénommée « Gendarmerie d’Haïti » que la
Constitution de 1918 consacrait dans l’article 118. […]L’objectif des
américains était d’arriver á une meilleure gestion de la violence armée par
une réorientation fonctionnelle de celle-ci en combattant les pratiques
antérieures caractérisées par la multiplication des bandes armées et le
pouvoir fractionné des potentats antagonistes.
[…] Avec les amendements constitutionnels de 1928, l’appellation de
« Gendarmerie d’Haïti » va être remplacée par celle de la « Garde
d’Haïti ». La nouveauté la plus frappante apportée par ces deux textes
constitutionnels concerne les règlements disciplinaires de l’institution
prévus de réprimer les délits commis par son personnel.
[….] L’emphase mis sur le problème de la répression des délits militaires
suppose l’intrication d’un certain nombre de codes ; le fonctionnement des
Cours Martiales vise á accroitre l’esprit de corps de cadres. A la cohésion
nouvelle qu’acquiert le corps des ofciers formés dans une moule par le
Marine Corps s’ajoute une homogénéité opérationnelle du fait de
l’existence d’un commandement unifé qui permet de gérer au sein de
l’institution les problèmes d’indiscipline.
[….] Les Constitutions de 1918, 1928 amendée, 1932, 1935, 1944
amendée, 1946, 1950, 1957 présentent une série de caractères communs
quant á la manière dont les forces militaires sont perçues. La question de
corps privilégié attaché á la personne du Chef de l’Etat est totalement
écarté : le principe du pouvoir militaire monopoliste d’Etat est consacrée.

Texte tiré in « HAITI, Une Armée dans la Mêlée » Pp 51 & 52,


Pierre-Raymond DUMAS, Presses de l’IMPRIMEUR II, Port-au-
Prince, juin 1994

DOCUMENT 2 : L’ARMEE D’HAITI COMME CONSEQUENCE DE


L’OCCUPATION
…A l’actif de l’Occupation américaine, il convient également d’inscrire la
mise en place en Haïti d’un embryon d’armée nationale, sufsamment
préparée et institutionnalisée pour qu’á défaut de pouvoir s’en emparer
pour en faire sa chose, le premier caudillo venu ne puisse plus la faire
balayer par une bande d’escogrifes. Le revers de la médaille étant
évidemment que dans la mesure où elle va découvrir des raisons des
raisons de croire qu’elle incarne la continuité et la légitimité nationale,
cette armée s’arrogera désormais le droit d’intervenir dans le destin du
pays, chaque qu’elle estimera que celui-ci s’écarte de la voie tracée aux
peuples du continent par la logique politique et l’efcacité militaire…
défnies par les Etats-Unis. Même si cela déplaît, force est cependant de
reconnaitre que la constitution de cette armée fut une réussite pour les
américains, puisque dans ce domaine le résultat de leur action se révéla
conforme á leurs intentions.
14
Texte tiré in « HAITI, Paysage & Société » Page 201, André-Marcel
d’Ans, Corlet, IMPRIMEUR S.A, No 1341, France octobre 1987

DOCUMENT 3 : L’ARMEE COMME INSTRUMENT DE REPRESSION


L’Armée est un instrument de répression au service d’un pouvoir fort. A ce
compte, elle n’a pas trahi ses origines. Cette création des Américains
supportait presque servilement les forces d’occupation comme on en a vu
dans le Nicaragua des années 30. D’abord « Gendarmerie », ensuite «
Garde d’Haïti » : ces noms ne pourraient faire oublier que ces soldats,
formés par les U.S.A, étaient plutôt spécialisés dans la torture pratiquée
sur des civils désarmés; on en a pour preuve le massacre de Marchaterre.
En 1934, quand Vogel devait remettre la garde d’Haïti aux autorités de
l’époque, l’ofcier américain tint à l’endroit de Démosthène Calixte, le
premier commandant de la Nouvelle Armée, ce langage qui donna la
mesure de l’instruction donnée à nos militaires. « Je vous remets la garde
d’Haïti, dit-il, avec elle vous pouvez faire beaucoup de bien, et vous
pouvez faire aussi beaucoup de mal ».
Cette armée n’a jamais été malheureusement un corps de métier. Et c’est
à ce niveau que le bât blesse. D’ailleurs, elle ne tardera pas à s’agiter et à
vouloir jouer les premiers rôles. Survint alors le premier coup d’État contre
Vincent. Les militaires n’avaient pas sufsamment médité l’irruption sur la
scène politique nicaraguayenne d’un colonel créé de toutes pièces par les
Américains : Anastasio Somoza. Bonicias Gracia Pérard est fusillé. Durcé
Armand, Roger Dorsainville et Arthur Bonhomme arrêtés. Il semble qu’une
page est bel et bien tournée, avec les trois glorieuses qui provoquèrent la
chute d’Elie Lescot et l’entrée de l’Armée sur la scène politique haïtienne
avec une junte composée de Lavaud, Levelt et Magloire. On était en 1946,
et quatre ans plus tard, l’Armée devait récidiver en s’emparant du pouvoir.
Une anecdote laisserait comprendre que François Duvalier aurait
sufsamment manœuvré, pour dresser le président Dumarsais Estimé
contre le colonel Paul Magloire. Dans son maquis, l’ex-ministre des Afaires
Sociales d’Estimé veillait. La traversée du désert allait durer six ans. Et à
la suite d’une césarienne efectuée par Antoine Th. Kébreau, Duvalier prit
le pouvoir.

Texte tire in “L’Armée d’Haïti: autopsie d’une institution », par Dr


Eddy Arnold Jean, publié dans HAITI CONNEXION NETWORK,
Saturday, july 15, 2017

DOCUMENT 4 : UNE ARMEE NON ORIENTEE VERS LA DEFENSE


NATIONALE
Du 2 au 4 octobre 1937 a eu lieu ce qu’on qualife dans l’Histoire de
« Vêpres dominicaines ». Il s’agit du massacre orchestré par le
Dictateur Rafael Leonidas Trujillo Molina et qui avait pour but
d’éliminer physiquement tous les émigrés haïtiens présents en République
Dominicaine. L’opération a été menée par les soldats dominicains qui
utilisèrent des baïonnettes, des machettes, des haches et des couteaux
pour passer au fl les haïtiens. Vingt cinq mille personnes auraient été
tuées et pour certaines éventrées ou carbonisées.
15
L’afaire ft grand bruit tant dans la presse nationale qu’internationale. Le
Gouvernement Dominicain reconnut le forfait même s’il tenta de le faire
passer pour une manifestation hostile de la population dominicaine á
l’égard des migrants haïtiens. Cependant la Garde d’Haïti n’avait pas
réagi et ne s’était même á la frontière pour savoir de quoi il s’agissait.
Cette armée dite « armée d’occupation » a efacé dans son vocabulaire les
notions de « ferté et dignité nationale » car son objectif essentiel n’était
pas de défendre le territoire voire même de protéger des compatriotes en
difculté dans un Etat voisin mais de réprimer la population, de brimer les
paysans et enfn de remplir tous les rôles de la police.

Au lieu de laver cette souillure les autorités civiles et militaires haïtiennes


ont préféré négocier et reçurent des compensations fnancières qu’elles
utiliserent á des fns personnelles et non á la réhabilitation de la mémoire
des victimes.

DOCUMENT 5 : LA « POLICE-ARMEE »
Il est plus correct de parler d’une « police-armée » au lieu de l’armée, car
les fonctions de celle-ci sont plutôt celles d’une force de police
domestique. Ce corps a souvent constitué un Etat dans l’Etat, et il absorbe
un fort pourcentage (entre 20 et 25%) du budget national. Il est donc de
son intérêt de maintenir le système. L’armée jouit du monopole de la force
physique que lui garantissent un esprit de corps et le système de carrière
lesquels, contre toute prévision, ont survécu jusqu’en 1956. Le
déploiement des casernes militaires et des commissariats de police sur
tout le territoire lui permet de contrôler toute la population. Grace á son
organisation, la discipline et le système hiérarchique, elle a pu résoudre,
au bénéfce des chefs, tout confit potentiel entre d’une part les simples
soldats, de l’autre les membres privilégiés de l’Etat Major. […..].

La police-armée dispose de l’équipement qui lui permet de transmettre


rapidement des ordres du centre vers la périphérie. Elle contrôle les
moyens de communication les plus rapides du pays tels que le télégraphe
et le téléphone (dans certaines régions, le seul telephone disponible se
trouve dans le commissariat de police), une compagnie d’aviation (un
monopole militaire), la radio etc. Son appui est indispensable pour
renverser un gouvernement et son opposition á une candidature rend
celle-ci aléatoire. Elle fait et défait les chefs d’état. Elle est le pivot du
système politique.

Texte tiré in « Eventail d’Histoire Vivante, Tome 3 », page 215,


Leslie F. Manigat, Collection du CHUDAC, Port-au-Prince, Haïti
2003

DOCUMENT 6 : LA GARDE D’HAITI ET LA POLITIQUE, UNE LECTURE


AMERICAINE
La Garde était un nouveau type d'institution militaire en Haïti. C'était une
force écrasée par des Noirs, avec un colonel Démosthène Pétrus Calixte,
16
un commandant noir formé aux États-Unis. Cependant, la plupart des
ofciers de la Garde étaient des mulâtres. La Garde était une organisation
nationale; il est parti du régionalisme qui avait caractérisé la plupart des
armées précédentes d'Haïti. En théorie, sa charge était apolitique - pour
maintenir l'ordre interne, tout en soutenant un gouvernement
populairement élu. La garde a d'abord adhéré à ce rôle.
Le président Vincent a profté de la stabilité nationale comparative,
entretenue par une armée professionnalisée, pour obtenir le pouvoir
absolu. Un plébiscite permit le transfert de toute autorité en matière
économique de la législature à l'exécutif, mais Vincent ne se contenta pas
de cette expansion de son pouvoir. En 1935, il a forcé à travers la
législature une nouvelle constitution, qui a également été approuvée par
plébiscite. La constitution a loué Vincent, et a accordé au pouvoir exécutif
des pouvoirs étendus pour dissoudre la législature à volonté, pour
réorganiser le pouvoir judiciaire, pour nommer dix des vingt et un
sénateurs (et pour recommander les onze restants à la chambre basse), et
pour statuer par décret quand la législature n'était pas en session. Bien
que Vincent ait apporté quelques améliorations dans l'infrastructure et les
services, il a brutalement réprimé son opposition, censuré la presse et
gouverné en grande partie pour le bénéfce de lui-même et d'une clique de
marchands et d'ofciers militaires corrompus.

Sous Calixte, la majorité du personnel de Garde avait adhéré à la doctrine


de non-intervention politique que leurs entraîneurs du Corps des marines
avaient soulignée. Au fl du temps, cependant, Vincent et le dictateur
dominicain Rafael Leónidas Trujillo Molina ont cherché à acheter des
adhérents parmi les rangs. Trujillo, déterminé à étendre son infuence sur
toute l'Hispaniola, en octobre 1937 a ordonné la massacre aveugle par
l'armée dominicaine d'environ 15 000 à 20 000 Haïtiens du côté
dominicain du feuve Massacre. Certains observateurs prétendent que
Trujillo a soutenu une tentative de coup d'état avortée par de jeunes
ofciers de Garde en décembre 1937. Vincent a renvoyé Calixte comme
commandant et l'a envoyé à l'étranger, où il a fnalement accepté une
commission dans l'armée dominicaine. La tentative de coup d'état a
conduit Vincent à purger le corps des ofciers de tous les membres
soupçonnés de déloyauté, marquant la fn de l'armée apolitique.

En 1941, Vincent a manifesté l'intention de briguer un troisième mandat


de président, mais après une décennie de désengagement, les États-Unis
ont fait savoir qu'ils s'opposeraient à une telle extension. Vincent accueillit
l'administration Roosevelt et confa le pouvoir à Elie Lescot.

Lescot était un mulâtre qui avait servi dans de nombreux postes


gouvernementaux. Il était compétent et énergique, et beaucoup le
considéraient comme un brillant candidat à la présidence, malgré ses
antécédents élitistes. Comme la majorité des présidents haïtiens
précédents, cependant, il n'a pas réussi à réaliser son potentiel. Son
mandat était parallèle à celui de Vincent à bien des égards. Lescot se
déclarait commandant en chef de l'armée, et le pouvoir résidait dans une
clique qui gouvernait avec l'appui tacite de la Garde. Il réprima ses
17
adversaires, censura la presse et obligea la législature à lui accorder des
pouvoirs étendus. Il a traité toutes les questions budgétaires sans sanction
législative et a comblé les postes vacants sans convoquer d'élections.
Lescot a souvent déclaré que l'état de guerre déclaré par Haïti contre les
puissances de l'Axe pendant la Seconde Guerre mondiale justifait ses
actions répressives. Haïti, cependant, n'a joué aucun rôle dans la guerre,
sauf pour approvisionner les États-Unis en matières premières et servir de
base à un détachement de la Garde côtière des États-Unis.

Mis à part ses tendances autoritaires, Lescot avait un autre défaut: sa


relation avec Trujillo. En tant qu'ambassadeur haïtien en République
dominicaine, Lescot est tombé sous l'infuence et la richesse de Trujillo. En
fait, c'est l'argent de Trujillo qui aurait acheté la plupart des votes
législatifs qui ont amené Lescot au pouvoir. Leur association clandestine a
persisté jusqu'en 1943, lorsque les deux dirigeants se sont séparés pour
des raisons inconnues. Trujillo a ensuite rendu publique toute sa
correspondance avec le dirigeant haïtien. Le mouvement a sapé le soutien
populaire déjà douteux de Lescot.

En janvier 1946, Lescot emprisonne les éditeurs marxistes d'un journal


appelé La Ruche. Cette action a précipité des grèves d'étudiants et des
protestations de fonctionnaires, d'enseignants et de commerçants dans la
capitale et les villes de province. De plus, la domination dominée par les
mulâtres de Lescot avait aliéné la Garde à prédominance noire. Sa position
est devenue intenable, et il a démissionné le 11 janvier. Les annonces de
radio ont déclaré que le Garde avait pris le pouvoir, qu'il administrerait par
une junte de trois membres.

La Révolution de 1946 est un développement nouveau dans l'histoire


d'Haïti, dans la mesure où la Garde assume le pouvoir en tant
qu'institution et non en tant qu'instrument d'un commandant en
particulier. Les membres de la junte, connu sous le nom de Comité
Exécutif Militaire, étaient le commandant de la Garde, le colonel Franck
Lavaud, le major Antoine Levelt et le commandant Paul E. Magloire,
commandant de la garde présidentielle. Tous trois comprenaient la façon
traditionnelle d'exercer le pouvoir à Haïti, mais ils ne comprenaient pas
bien ce qui serait nécessaire pour faire la transition vers un gouvernement
civil élu. En prenant le pouvoir, la junte s'est engagée à organiser des
élections libres. La junte a également exploré d'autres options, mais la
clameur publique, qui comprenait des manifestations publiques à l'appui
de candidats potentiels, a fnalement forcé les ofciers à tenir leur
promesse.

Haïti a élu son Assemblée nationale en mai 1946. L'Assemblée a fxé au 16


août 1946 la date à laquelle elle choisirait un président. Les principaux
candidats au poste - tous noirs - étaient Dumarsais Estimé, ancien
professeur d'école, membre de l'assemblée et ministre sous Vincent; Félix
d'Orléans Juste Constant, chef du Parti communiste haïtien (PCH); et
l'ancien commandant de la Garde Calixte, candidat d'une coalition
progressiste incluant le Mouvement ouvrier paysan (MOP). MOP a choisi de
18
soutenir Calixte, au lieu d'un candidat de ses propres rangs, parce que le
chef du parti, Daniel Fignolé, n'avait que vingt-six ans - trop jeune pour
représenter le plus haut poste de la nation. Estimé, politiquement le plus
modéré des trois, a attiré le soutien de la population noire du nord, ainsi
que de la classe moyenne noire émergente. Les chefs de l'armée, qui ne
toléreraient pas l'élection de Juste Constant et qui réagirent avec
circonspection au populiste Fignolé, considéraient également Estimé
comme le candidat le plus sûr. Après deux tours de scrutin, les législateurs
ont donné la présidence à Estimé.

L'élection de Estimé a marqué une rupture avec la tradition politique


haïtienne. Bien qu'il ait été réputé avoir reçu le soutien des commandants
de la Garde, Estimé était un civil. D'origine modeste, il était
passionnément antiélitiste. Il a démontré, au moins au début, une
véritable préoccupation pour le bien-être du peuple. Fonctionnant sous
une nouvelle constitution qui est entrée en vigueur en novembre 1946,
Estimé a proposé, mais n'a jamais obtenu l'adoption de la première
législation de sécurité sociale d'Haïti. Il a cependant élargi le système
scolaire, encouragé la création de coopératives rurales, augmenté les
salaires des fonctionnaires et accru la représentation des Noirs de la
classe moyenne et de la classe inférieure dans le secteur public. Il tenta
également de gagner la faveur de la Garde - rebaptisée armée haïtienne
(Armée d'Haïti) en mars 1947 - en promouvant Lavaud au brigadier
général et en sollicitant l'aide militaire des États-Unis.

Estimé a fnalement été victime de deux des pièges traditionnels de la


domination haïtienne: intrigue élitaire et ambition personnelle. L'élite avait
un certain nombre de griefs contre Estimé. Non seulement il les avait
largement exclues des leviers de gouvernement souvent lucratifs, mais il
avait aussi promulgué le premier impôt sur le revenu du pays, favorisé la
croissance des syndicats et suggéré que le vaudou soit considéré comme
une religion équivalente au catholicisme romain - une notion qui l'élite
européanisée abhorrée. N'ayant pas d'infuence directe sur les afaires
haïtiennes, l'élite a eu recours au lobbying clandestin parmi le corps des
ofciers. Leurs eforts, conjugués à la détérioration des conditions
domestiques, ont conduit à un coup d'État en mai 1950.

Certes, Estimé avait hâté sa propre disparition de plusieurs façons. Sa


nationalisation de la concession de bananes Standard Fruit a fortement
réduit les revenus de l'entreprise. Il a aliéné les travailleurs en leur
demandant d'investir entre 10 et 15% de leurs salaires dans les
obligations de la défense nationale. Le président a scellé son destin en
tentant de manipuler la constitution afn de prolonger son mandat.
Saisissant cette action et l'agitation populaire qu'elle engendre, l'armée
contraint le président à démissionner le 10 mai 1950. La même junte qui
avait pris le pouvoir après la chute de Lescot se réinstalla. Une escorte de
l'armée a conduit Estimé du palais national et en exil en Jamaïque. Les
événements de mai 1946 ont impressionné le ministre du Travail déchu,
François Duvalier. La leçon que Duvalier a tirée de l'éviction de Estimé

19
était que l'on ne pouvait pas faire confance à l'armée. C'était une leçon
sur laquelle il allait agir quand il prendrait le pouvoir.

L'équilibre du pouvoir au sein de la junte s'est déplacé entre 1946 et 1950.


Lavaud était le membre prééminent au moment du premier coup, mais
Magloire, maintenant un colonel, a dominé après le renversement
d'Estimé. Quand Haïti a annoncé que ses premières élections directes
(tous les hommes de vingt et un ans ou plus étaient autorisés à voter) se
tiendraient le 8 octobre 1950, Magloire a démissionné de la junte et s'est
déclaré candidat à la présidence. Contrairement au climat politique
chaotique de 1946, la campagne de 1950 s'est déroulée sous la
compréhension implicite que seul un candidat fort, soutenu à la fois par
l'armée et l'élite, serait en mesure de prendre le pouvoir. Face à une
opposition symbolique, Magloire a remporté l'élection et a pris ses
fonctions le 6 décembre.

Magloire a rendu l'élite à la proéminence. Le milieu des afaires et le


gouvernement ont bénéfcié de conditions économiques favorables jusqu'à
l'arrivée de l'ouragan Hazel en 1954. Haïti a amélioré son infrastructure,
mais la plupart d'entre eux ont été fnancés en grande partie par des prêts
étrangers. Selon les normes haïtiennes, la règle de Magloire était ferme,
mais pas sévère: il emprisonnait des opposants politiques, dont Fignolé, et
fermait leurs presses quand leurs protestations devenaient trop stridentes,
mais il permettait aux syndicats de fonctionner, même s'ils n'étaient pas
autorisés à faire grève. C'est toutefois dans le domaine de la corruption
que Magloire a dépassé les limites traditionnelles. Le président contrôlait
les monopoles du sisal, du ciment et du savon. Lui et d'autres
fonctionnaires ont construit des demeures imposantes. L'injection de fonds
internationaux de secours contre les ouragans dans un système déjà
corrompu a stimulé la grefe à des niveaux qui ont désillusionné tous les
Haïtiens. Pour empirer les choses, Magloire a emboîté le pas à de
nombreux présidents précédents en contestant la date de fn de son
mandat. Les politiciens, les dirigeants syndicaux et leurs partisans
afuaient dans les rues en mai 1956 pour protester contre l'échec de
Magloire à démissionner. Bien que Magloire ait déclaré la loi martiale, une
grève générale a essentiellement paralysé Port-au-Prince. De nouveau
comme beaucoup avant lui, Magloire s'enfuit en Jamaïque, laissant à
l'armée le soin de rétablir l'ordre.

La période entre la chute de Magloire et l'élection de Duvalier en


septembre 1957 fut chaotique, même selon les critères haïtiens. Trois
présidents provisoires ont occupé le poste pendant cet intervalle; l'un
démissionna et l'armée déposa les deux autres, Franck Sylvain et Fignolé.
Duvalier aurait participé activement aux intrigues dans les coulisses qui
l'ont aidé à devenir le candidat à la présidence préféré de l'armée.
L'armée a continué à guider la campagne et les élections d'une manière
qui a donné à Duvalier tous les avantages possibles. La plupart des
acteurs politiques ont perçu Duvalier - un médecin qui avait servi comme
administrateur rural d'une campagne anti-pianique fnancée par les États-
Unis avant d'entrer dans le cabinet Estimé - comme un dirigeant honnête
20
et sans prétention, sans motivation ni programme idéologique. Lorsque les
élections furent fnalement organisées, cette fois sous les termes du
sufrage universel (les hommes et les femmes avaient désormais le droit
de vote), Duvalier, un Noir, se présenta comme l'héritier légitime de
Estimé. Cette approche a été renforcée par le fait que le seul adversaire
viable de Duvalier, Louis Déjoie, était un mulâtre et le rejeton d'une famille
éminente. Duvalier a remporté une victoire décisive aux urnes. Ses
partisans ont pris les deux tiers de la chambre basse de la législature et
tous les sièges au Sénat.

Source: U.S. Library of Congress

VINCENT, SA PERSONNALITE ET SON PASSÉ


L’ombre de Sténio Vincent continue de peser lourdement sur les destinées
d’Haïti bien qu’il soit disparu de la scène politique ofcielle depuis 1941.
Pour certains, il représente un modèle, le prototype du politicien passé
maître dans le jeu des luttes de pouvoir. Pour d’autres, c’est un
personnage infect qui représente la quintessence du mal haïtien. Durant la
décennie qu’il a passée à la présidence (1930-1941) il a déclenché un
cycle de péripéties qui, au bout du compte, ont magistralement desservi
Haïti. Selon le côté où l’on se situe, on l’apprécie ou on le rejette.

En tant que citoyen et homme politique (1874-1959) il a joué un rôle


important dans un grand nombre d’événements tragiques. Il a forgé des
outils d’analyse et établi des manières de faire pour apporter de fausses
réponses aux questions sociopolitiques et économiques qui taraudent la
société haïtienne. Pas seulement de son temps mais surtout depuis lors
par les mécanismes de transmission qui orientent la marche avant ou
arrière d’une civilisation qui encourage le « chen manje chen » au lieu
de la justice, de la solidarité et de l’amour. Son dossier est lourd avec des
avancements, mais surtout avec des reculs. Le journal Le Matin du 5
décembre 1951 cernera la perplexité du personnage en ces termes :

« Les disciples de Freud situeraient volontiers le cas de Vincent entre le


sadisme et le narcissisme. Toutefois l’origine du mal déroute le psychiatre.
Souvent les amis de l’ex-Président racontent comment avant 1930 il vivait
d’expédients, trainait un peu partout, et tendait la main vers les directeurs
de journaux et les marchands de pistaches. »

Sténio Vincent commence sa carrière publique en tant que secrétaire-


rédacteur au Sénat de la république de 1892 à 1896. Parallèlement, il est
enseignant, avocat et journaliste. À 19 ans en 1893, il devient le
correspondant en Haïti du journal La Fraternité dirigé par Benito Sylvain à
Paris. Expérience première signifcative car il fondera par la suite deux
journaux L’Efort en 1902 suivi de Haiti-Journal en 1930. Sa carrière
politique proprement dite commence en 1896 dans les missions
diplomatiques d’Haïti en France, en Allemagne et en Hollande.

On le retrouve en 1902 en Haïti soutenant dans L’Efort la candidature du


général Nord Alexis contre l’illustre Anténor Firmin en difusant la fausse
21
information que ce dernier aurait donné l’ordre de bombarder la ville de
Port-au-Prince. Cette fausse information mit une partie importante de la
population de la capitale contre Firmin et contribua à la victoire de Nord
Alexis. Vincent ne se fait aucune illusion sur le « sufrage universel » qu’il
considère « comme un étrange et authentique commerce de détail de la
conscience nationale ». Dans son entendement, les élections sont de
vastes farces au cours desquelles on mange, on boit et on fait des
transactions de toutes sortes. Il écrit :

« Nous mangeons, monsieur, et nous buvons. Nous ne


comprenons pas autrement le Progrès. Il n’y a de patriotique que
la "bobote" et de national que le tafa. . »

« C’est notre tour de spéculer. Nous le faisons


consciencieusement. Nous appartenons à une curieuse variété
d’Haïtiens. Nous sommes obligatoires et déconcertants. On nous
appelle électeurs dans les classifcations de citoyens. Nous allons
à l’urne, gais et contents. Nous nous saoulons à toutes les
buvettes et nous votons pour tout le mode ».

Sténio Vincent fera toute sa carrière politique dans une continuation de


l’ancien, sous prétexte de nouveau. Il devint maire de la capitale en 1908.
En août 1916, il est nommé ministre de l’Intérieur et des Travaux Publics.
Quelle gymnastique pour un nationaliste de réaliser un atterrissage dans
un gouvernement de collabos ! Puis il démissionne en février 1917. En
avril 1917, il est élu sénateur, puis président du Sénat. C’est alors qu’en
bon démagogue, il dira « merde » à l’ofcier américain Smedley Butler
venu fermer les portes du Sénat. Un propos outrageant, mais non
improvisé sur un sujet brûlant dont les causes n’ont été qu’efeurées.
C’était un style politique car « sans aucune raison, l’injure coulait de
ses lèvres, comme l’eau des fontaines ». Sténio Vincent claque la
porte au nez des marines et sa position fait du bruit dans la classe
politique. On le retrouve membre de la délégation de l’Union
Patriotique avec Perceval Thoby et Pauléus Sannon qui se rendirent à
Washington en mai 1921 présenter au Congrès américain le Mémoire
dénonçant les crimes perpétrés par les troupes de l’occupation et
demandant l’envoi d’une commission d’enquête.

Entretemps, Sténio Vincent mène une vie difcile à comprendre. Il


contracte des dettes ridicules de marchandes d’acassan (AK100), de
marchandes de fritay et d’autres gagne-petit. Lors du procès qu’Émile
(Milo) Rigaud intenta contre lui en 1943,

« La défense présenta divers témoins dont les déclarations mirent en


lumière que Mr. Vincent avait l’habitude de recevoir des prêts et de ne
jamais payer. Parmi les témoins, se présenta une femme à qui Vincent
refusa de payer une note pour fritures et, enfn, le dernier terme d’une
créance en faveur de Seymour Pradel de 20.000 dollars. Parmi les noms
des personnes citées auxquelles Mr. Vincent savait emprunter de l’argent,
il fut aussi cité, par l’accusé le nom de S. E. l’honorable Président Trujillo. »
22
Vincent est passé maître dans cette pratique consistant à s’endetter avec
la volonté de ne pas s’acquitter de ses obligations. Certains de ses
créanciers perdirent la vie pour avoir voulu être remboursés. Le cas le plus
connu est celui de Louis Callard à qui il devait 30 000 gourdes. Ce dernier
fut tout bonnement arrêté et tué sous ses ordres. Ce n’est donc pas
nouveau qu’Haïti se fasse escroquer par le banditisme légal. La boucle a
été depuis longtemps bouclée. Bien sûr, à l’époque, les dirigeants
politiques évoluaient à l’intérieur d’une certaine permissivité et ne
montraient pas leurs organes sexuels.

Les nationalistes remportent une victoire sans précédent aux élections


législatives du 14 octobre 1930 battant les candidats conservateurs du
parti national progressiste et du Mayardisme. Aux élections présidentielles
de 1930, Sténio Vincent corrompt les parlementaires avec l’argent
distribué par le Nonce apostolique et Edmond Estève. Vincent achète ainsi
les votes qui conduisent à reporter les élections du lundi 17 novembre
1930 en milieu de séance afn de procéder aux élections frauduleuses du
mardi 18 novembre 1930 qui lui donnent la victoire contre le frministe
Seymour Pradel. Comme l’écrit Franck Sylvain :

« Selon les observateurs et connaisseurs de l’heure, ce renvoi devait tout


remettre en question. Si l’élection présidentielle était faite le 17
novembre, le Sénateur Seymour Pradel l’emportait de haute main. Une
demi-journée et une nuit devaient sufre pour tout changer. »

Aux élections renvoyées du 18 novembre 1930, les votes des 50 membres


de l’Assemblée nationale (15 sénateurs et 35 députés) sont ainsi répartis
entre les diférents candidats. Il a fallu quatre tours de scrutin et des
marchandages et achats de vote pour décider de l’élu. Au premier tour de
scrutin, les votes sont ainsi répartis : Sténio Vincent (15), Seymour Pradel
(12), Jean Price Mars (7), Pauléus Sannon (5), Léon Nau (4), Constantin
Mayard (3), Adhémar Auguste (2), David Jeannot (1) et Perceval Thoby (1).
Au deuxième tour de scrutin, Sténio Vincent (21), Seymour Pradel (12),
Jean Price Mars (11), Pauléus Sannon (4), Léon Nau (2). Au troisième tour
de scrutin, Sténio Vincent (25), Seymour Pradel (20), Jean Price Mars (5).
Et enfn au quatrième et dernier tour de scrutin, Sténio Vincent (30),
Seymour Pradel (19), Jean Price Mars (1). Il fallait obtenir 26 voix pour être
élu président. Ces élections sont cruciales car elles donnent une idée de la
manière dont les nouvelles forces sociales encouragées par l’occupation
américaine sont intégrées dans le marché politique traditionnel. L’apport
de la corruption a été signifcatif pour arriver à l’arithmétique électorale
donnant la victoire à Sténio Vincent sur son rival Seymour Pradel qui a
refusé de se salir les mains.

DOCUMENT 1 : UN DISSOLVANT D’HOMMES ET D’INSTITUTIONS


Borno fut dechouké en 1930 par une grève générale et une vague
écrasante d’anti-américanisme. Il fut remplacé par Sténio Vincent.

23
Vincent fut le premier président á avoir été élu librement. C’était un
politicien « professionnel », un mulâtre, qui durant toute sa vie a occupé
des postes gouvernementaux. Entre deux postes, on savait qu’il vivait sur
le crédit, devant de l’argent á divers épiciers de la capitale. Mais Vincent
était un des haïtiens les plus cultivés de son temps ; il avait beaucoup
voyagé et était un écrivain prolifque. Et pour couronner tout cela, il était
doué de la voix la plus vibrante dont eût pu rêver un politicien. Vincent
connaissait bien les noirs et les mulâtres. Aussi, il ne lui fut pas difcile
d’appliquer une fois de plus la « politique d’équilibre » que Gefrard avait
appliquée avant lui. Mais il perfectionna le système. En politicien adroit,
non seulement il gouverna avec les deux, mais il dressa l’un contre l’autre.

Il recruta des provinces et de la capitale, et plaça en fonction dans le


gouvernement de jeunes noirs de la petite bourgeoisie, qui promettaient.
C’est ainsi qu’il ft entrer au gouvernement une nouvelle lignée de
députés, de sénateurs, de ministres, de hauts fonctionnaires,
d’intellectuels issus de la classe moyenne de Port-au-Prince et plus
particulièrement de la province. Tout ce que ces nouvelles recrues avaient
á faire c’était de le louer dans les medias.

C’est sous le gouvernement de Vincent que commence l’ascension des


classes moyennes dans la vie politique en Haïti.

Il avait toujours stigmatisé les élites pour leur isolement du reste de la


nation et pour leur désastreuse rivalité pour la conquête du pouvoir. La
relative stabilité de ses 11 ans á la présidence est principalement due á
sa connaissance des tares de notre société et á sa sagace évaluation du
rôle que la classe moyenne aurait á jouer dans l’histoire contemporaine
d’Haïti.

L’Histoire a été sans indulgence pour Vincent, et non sans raison. Mais son
infuence sur l’ascension des « classes moyennes » reste décisive et
injustement ignorée.

Il était connu comme « Papa Vincent ». Cette équipe de jeunes noirs


survécut á présidence et devint le noyau de la « Révolution de 1946 ».
Estimé lui-même était un produit de Vincent. C’est lui en efet qui l’avait
tenu sur les fonds baptismaux de la vie politique haïtienne.
Vincent était aigri contre sa classe mulâtre. C’était un mulâtre pauvre qui
n’avait pas été vraiment accepté socialement par ses pareils. Il leur ft
payer chèrement pour cela. Il invita les membres de la haute bourgeoisie
mulâtre dans son gouvernement pour les compromettre dans les afaires
dont ils ne pouvaient sortir sans perdre quelques plumes. Il s’ingénia á
saper l’hégémonie des mulâtres de Port-au-Prince, sans toutefois les
antagoniser trop ouvertement.

Ce n’était pas un seigneur de la guerre portant bottes et fusil. Il était un


dictateur qui possédait une culture européenne exquise, une voix d’or, un
style littéraire puissant et élégant. C’était un dandy et un charmeur. Avec
ces armes, il fut un dissolvant d’hommes et d’institutions. Il ft néanmoins
24
éclore une nouvelle génération d’hommes politiques qui s’épanouit en
1946 et 1957.

Il s’entoura d’un groupe d’ofciers mulâtres qui lui étaient totalement


dévoués et le protégeaient, et qui travaillaient avec diligence pour
promouvoir les leurs et leurs pareils. En divisant le corps dès sa création, il
y avait planté les noyaux de la rancune et de la vengeance ; et les efets
de cette politique devinrent évidents vingt ans plus tard. Au niveau des
corps judiciaire et législatif, il encouragea un climat débonnaire de
corruption très similaire á celui qui avait existé juste avant 1915, mais
sans le désordre fnancier. Les américains contrôlaient encore la
comptabilité du pays.

Vincent gouverna par les « plébiscites », l’un d’eux ft de lui la


« personnifcation de la Nation ». il s’était même fait voter le privilège de
nommer la moitié de la Chambre ; l’autre moitié devant être élue parmi
une liste de candidats appropriés qu’il avait lui-même passés au crible,
préalablement.

Il tint les rênes du pouvoir onze ans, dans les années trente. Il fut le
témoin de l’ascension d’Hitler, de Staline, de Salazar, de Mussolini et de
Franco. C’était un grand admirateur de ces derniers

Texte tiré in « LES HAITIENS, POLITIQUE DE CLASSE ET DE


COULEUR », pp 81 @ 83, LYONEL PAQUIN, IMPRIMERIE LE NATAL,
PORT-AU-PRINCE, MAI 1988

DOCUMENT 2 - LA CONSTITUTION DE 1935 : UNIQUE EN SON


GENRE
Depuis 1843, c’est la première fois que, dans l’histoire des Constitutions
républicaines haïtiennes, on ose donner une base légale á l’absolutisme
présidentiel. L’inspirateur de la Charte de 1935 n’y va pas de main morte.
L’article 14 qui en constitue le pivot transforme complètement le système
politique traditionnel.

Certes les trois pouvoirs- le Législatif, l’Exécutif et le Judiciaire- sont


maintenus, mais le principe de leur séparation a disparu. Ils ne sont plus
indépendants l’un de l’autre. Désormais le gouvernement d’Haïti
fonctionne sous l’autorité absolue du président de la république assisté du
Corps Législatif et du Corps Judiciaire ». L’article 31 dit explicitement que
le « Pouvoir Exécutif est exercé par un citoyen qui a le titre de Président
de la République et qui personnife la Nation ». Le Parlement et la
magistrature ne deviennent que des auxiliaires du Chef de l’Etat dont les
attributions et les prérogatives sont particulièrement renforcées.

En efet l’article 35 qui les défnit reconnait maintenant expressément le


privilège du Président de la République :

25
- d’exercer le commandement en chef des forces armées et la
direction suprême de sécurité
- de nommer et révoquer á sa discrétion les fonctionnaires et
employés de l’Administration générale
- de reculer de trois mois, si des circonstances politiques ou autres
l’exigent, la date des élections
- de décider, après appréciation de l’état fnancier du gouvernement
ou même de certaines circonstances politiques ou économiques,
tout emprunt intérieur sans être obligé d’en soumettre les termes au
Corps Législatif.

A ces attributions, il faut ajouter d’autres dispositions non moins


signifcatives de l’étendue des pouvoirs du Chef de l’Etat. Le droit de
dissolution des Chambres, en cas de confit entre elles ou avec l’Exécutif,
lui est maintenant accordé. Dans ce cas, et dans l’intervalle des trois mois
de la dissolution, il peut prendre des décrets ayant force de loi, lesquels ne
pourront être rejetés qu’á la majorité des deux tiers du Corps Législatifs
ultérieurement reconstitué (article 20, alinéas 5 et 6). Quant á l’exercice
du droit d’objection du président aux lois votées par le parlement, les
conditions lui sont tellement favorables qu’elles dissuaderont le législateur
de prendre l’initiative d’une loi susceptible de déplaire au Chef du Pouvoir
Exécutif (article 24).

[….] La puissance parlementaire est réduite á sa plus simple expression.


Le referendum est rétabli dans la Constitution de 1935 avec une portée
beaucoup plus étendue qu’en 1918 où il était limité aux amendements
constitutionnels. On en fait aujourd’hui une des manifestations de la
souveraineté populaire que le Président de la République a seul le
privilège de provoquer. On lit en efet á l’article 13 :

« La souveraineté réside dans le peuple qui l’exerce… par l’opinion qu’il


peut, par voie de referendum, émettre sur toutes les questions
l’intéressant et au sujet desquelles il est consulté par le Chef du Pouvoir
Exécutif ».

Texte tiré in « Constitutions et Luttes de pouvoir en Haïti », Tome


II (1915-87), pp 217 & 218, CLAUDE MOISE, Presses des Ateliers
Graphiques, Québec 1990

DOCUMENT 3 : LA POLITIQUE D’ABDICATION DE VINCENT SUR LE


MASSACRE DE 1937
Le rapport sur le massacre du Consul, Arnold Fabre, plongea les milieux
ofciels de Port-au-Prince dans la stupéfaction la plus grande. Le président
Stenio Vincent chargea immédiatement Charles Fequiere, Ministre des
Travaux Publics, d’aller enquêter dans la zone frontière. A son retour avec
les premières informations appuyées de témoignages et de photographies,
le gouvernement s’alarma. Cependant malgré la gravite de la situation, la
Chancellerie garda ofciellement l’hermétisme le plus absolu.

26
En République Dominicaine, la censure de la presse exercée par la
dictature de Trujillo empêcha que la nouvelle soit connue en dehors des
milieux ofciels. Seulement un mois plus tard « les dominicains
commencèrent á être informés des faits, soit par des sources venant de
l’extérieur, soit par l’indiscrétion des nombreux militaires qui y avaient
participé ».

En Haïti, en dépit du silence ofciel, la nouvelle se répandit comme une


trainée de poudre. La presse publia les témoignages des prêtres de la
région frontalière en particulier du père Robert de la ville de Ouanaminthe,
du père Marie du Trou et du père Breton de Terrier Rouge ; en outre, on
publia les photos d’hommes, de femmes et d’enfants blessés á la tête á
coups de machette. « L’opinion publique se souleva et les sentiments de
haine et d’indignation atteignirent leur paroxysme ». On organisa des
manifestations publiques pour exiger que justice soit faites. Les autorités
en arrivèrent même á craindre des représailles spontanées contre les
résidents dominicains. Summer Welles, Sous-secrétaire aux Afaires
Latino-américaines avertit son gouvernement de la possibilité que les
familles des victimes tentent de se faire justice. Cette afaire fut
unanimement considérée comme un casus belli. On parla de guerre entre
les deux républiques, ou du moins de rupture imminente des relations
diplomatiques.

Texte tiré in « Le Massacre de 1937 et les Relations Haitiano-


Dominicaine », pp 21-22, Suzy CASTOR, CRESFED, Imprimerie Le
Natal, 1988

DOCUMENT 4 : VINCENT ET LA REPRESSION DES OPPOSANTS

La jeunesse veut une autre éthique qui ne se résume pas uniquement à la


recherche de l’argent facile. On n’était pas déjà au temps de la
décomposition généralisée charriée par le narcotrafc. Des jeunes comme
Jolibois plaidaient pour une éthique sociale. On se rappelle comment
Jolibois, au cours d’une tournée de conférences au Mexique, en Argentine,
au Venezuela, en Équateur et dans d’autres pays d’Amérique latine et
centrale, avait donné le ton en afrmant d’autres valeurs. Par exemple,
Jolibois avait insisté en Colombie, entre autres, pour que ses conférences
soient gratuites. Il disait alors : « Si je fais payer pour avoir le droit d’être
admis à la salle de conférence, on dira que je suis un homme d’afaires et
ma propagande perdra de son efett Par ailleurs, je ne suis pas venu dans
l’Amérique espagnole pour battre monnaie, mais bien pour faire entendre
le cri angoissé d’un peuple qu’on étranglet »

Cette fois, le gouvernement de Vincent le déclare un malade mental et le


fait incarcérer à l’asile des fous au Pont Beudet. Jolibois reste calme et ne
fait aucune protestation afn de ne pas donner des arguments additionnels
à ses geôliers pour l’agresser. Il demande au journaliste du Nouvelliste qui
lui rend visite le lundi 27 novembre de lui procurer des ouvrages de
Gandhi.
27
Le gouvernement fait intervenir les quatre médecins Pierre-Noël, Moise,
Dominique et Séjourné pour dire, après consultation de Jolibois, que ce
dernier doit être mis « en observation pendant un certain temps pour lui
faire subir des examens complets dans les meilleures conditions
possibles. » Quant à Jolibois, il demande qu’on le fasse examiner par
quatre autres médecins tels que Ricot, Hudicourt, Mathurin, et Buteau.
Cette demande de Jolibois est très importante car le gouvernement du
président Vincent s’est engagé dans une entreprise de conditionnement
de l’opinion afn de rationaliser la répression qu’il fait subir à Jolibois. En
efet, le quotidien Haiti-Journal, porte-voix du président Vincent dont il est
le fondateur, a publié le rapport de la Commission des médecins sur l’état
mental de Jolibois. Le 4 décembre 1933, le Dr. Brun Ricot proteste contre
cet état de choses, contre la séquestration de Jolibois depuis dix jours et
contre le refus de l’administration de le laisser voir son patient malgré sa
demande présentée et réitérée depuis huit jours.

Les forces du statu quo du pouvoir appellent la psychiatrie à leur secours.


Toute une propagande est orchestrée même dans certains milieux
diplomatiques pour véhiculer la thèse que Jolibois est instable
mentalement. Le gouvernement Vincent utilise la vieille technique du KGB
contre les dissidents russes. Jolibois est déclaré un malade mental et est
placé dans l’hôpital psychiatrique. Son journal Le Courrier Haitien est
interdit. Il en sort un autre qu’il nommeLa Justice divine. Il pense imposer
le respect en adoptant une attitude mystique. Au contraire, cela ne le
protège pas de la sottise de ses ennemis. La propagande sur sa folie
redouble. Certains disent qu’il doit être vraiment fou pour penser pouvoir
faire diféremment et s’attaquer à un système d’exploitation et
d’oppression aussi coriace surtout quand on se bat avec les mains nues.

La propagande des forces conservatrices consiste à dire que la lucidité


recommande de faire comme tout le monde et de ne pas ruer dans les
brancards. Le gouvernement utilise toutes sortes d’arguments pour faire
pression afn d’aboutir à la capitulation des forces populaires. À défaut
d’unanimité mimétique, la parenthèse d’aliénation absolue présentée
comme insurmontable est le culturalisme des Griots. Suite à des
protestations d’un groupe de députés et de sénateurs auprès du président
Vincent le 29 novembre 1933, Jolibois est libéré le 5 décembre 1933 et
regagne sa famille. Mais il est arrêté à nouveau le 25 août 1934 (dix-
septième fois) avec Georges J. Petit, Alphonse Henriquez, Saturnin
François, Jean Brierre, Max Hudicourt, Louis Callard, Demosthènes
Massanté et Max Chalmers, tous accusés d’avoir signé et distribué un
texte paru dans un journal intitulé Le Cri des nègres dénonçant le
président Vincent.

Dans une situation d’état de siège, les personnes arrêtées sont déférées
par devant un tribunal militaire. Il s’agissait encore une fois d’un montage
du gouvernement pour se débarrasser de neuf journalistes et opposants
les plus conséquents. Questionné par la cour militaire, Joseph Jolibois Fils
devait répondre ainsi:

28
« Il était midi, j’étais à tablet Tandis que je dinais, s’amena le lieutenant
Modét Il me montra une plaque qu’il portait à l’intérieur de son veston et
me dit " Vous êtes arrêté " Je lui répondis « Ne voyez-vous pas que j’ai des
efets en main ? » Là étant, je lui posai la question suivante : « Où est
votre mandat ? », « Non, je n’en ai pas ; me répondit-ilt Je vous arrête au
nom du Ministère de l’Intérieurt » Je pris une Constitution dans l’un des
tiroirs de mon bureau et lui fs prendre lecture de l’article 8 de la
Constitutiont Immédiatement, comme le lieutenant insistait, je demandai à
mon fls ainé croyant que j’allais être victime d’un enlèvement comme en
novembre dernier —, de se rendre près du Chef de la garde et de lui
apprendre le faitt

Peu de temps après arrivaient le Juge de Paix, le lieutenant Modé, un


agent civil et un autre lieutenantt « Avez-vous un mandat, demandai-je ?

« Non, il y a l’État de siège». Je ne dis plus rien et ne pouvant résister à la


force, j’acceptai à suivre l’autorité. Arrivé au Bureau de la Police, je fus
acheminé à la prison.

Le 27 août dans l’après-midi, grand fut mon étonnement de lire dans


"Haiti-Journal" l’interview du Ministre de l’Intérieur et l’extrait de l’article
paru dans "Le cri des Nègres".

D’ordre du Chef de la Prison, tous les journaux me furent enlevés dans la


suite.

Le vendredi 21, voyant que ma séquestration continuait, je demandai


permission pour déposer une plainte conformément à la Constitution et au
Code Pénal.

Dans la plainte, je protestai catégoriquement contre l’article du "Cri des


Nègres" dont la paternité était donnée à mes co-accusés et à moi.

Entre le 10 et le 12 août, j’avais reçu la visite de mon ami Jacques


Roumain. Il était venu me demander de ne pas écrire de tracts à
l’occasion du 12 Août, date du départ de l’Américain. Je lui répondis que
l’idée ne m’était jamais venue de lancer des tracts à cette occasion. Alors
il m’apprit que l’un de ses amis dont il n’a pas le droit de citer le nom, lui
avait appris que des tracts allaient circuler en mon nom.

Je lui objectai que c’était impossible Il ajouta : " Mon cher, tenez-vous sur
vos gardest Celui qui m’a fait cette confdence est un Agent du
Gouvernementt " »

Le 19 septembre 1934, Louis Callard et Max Chalmers sont acquittés. Le


lendemain 20 septembre Jean Brierre, Max Hudicourt, Demosthènes
Massanté, et Alphonse Henriquez sont condamnés à deux ans de prison et
3 500 gourdes d’amende. Puis Georges J. Petit, Saturnin François, et
Joseph Jolibois Fils sont condamnés à trois ans de prison et 5 000 gourdes

29
d’amende. Comme nous le verrons plus loin, le jugement de Jacques
Roumain débutera le 15 octobre 1934 par la même cour militaire.

Le ressentiment du président Vincent poursuivra Jolibois jusqu’au bout en


le faisant assassiner dans son cachot le 12 mai 1936. Ses funérailles
seront l’occasion de grandes manifestations qui ne furent pas rapportées
dans la presse muselée par Papa Vincent. Ertha Pascal Trouillot et Ernest
Trouillot soulignent que « Trois mois après sa mort, on continua à garnir sa
tombe des plus belles feurs de la saison. Par crainte des manifestations
populaires, le sépulcre fut gardé par des factionnaires de caserne. »

Joseph Jolibois est un écorché vif de l’énorme blessure de l’occupation


américaine qui l’a empêché de dormir tranquillement en le conduisant 17
fois en prison, deux fois en République Dominicaine et une fois à Cuba.
Mais malgré son assassinat en mai 1936 dans sa cellule de prison, le
pesant remords qu’il suscite dans les esprits des puissants conduit ces
derniers à l’assassiner publiquement même en 2010. Sans mettre de
gants. Sa lame de fond leur enlève le sommeil et leur procure une
inquiétude. Ils veulent surtout s’assurer que les nouvelles générations ne
s’accrochent pas à cette référence. Son action met à nu tous les faux
semblants de la respectabilité des élites collaboratrices avec l’occupation.

Chronique de Leslie Pean, Alter Presse, 20 juillet 2013

TEXTE 5 : VINCENT, LE DICTATEUR CORROMPU


La manœuvre du président Vincent consiste à prendre un Arrêté
présidentiel en date du 14 janvier 1935. Cet Arrêté convoque le peuple à
une consultation populaire le 10 février 1935 afn que ce dernier réponde
par OUI ou NON s’il est d’accord avec la politique prônée par le président
Vincent. En plongeant dans le puits de l’arbitraire politique pour en
ramener la vérité nue, il convient de remonter au gouvernement de Sudre
Dartiguenave en 1918 sous l’occupation américaine pour trouver l’origine
du référendum qui fut utilisé pour la première fois en Haïti afn de faire
accepter la Constitution américaine de 1918. Ce procédé est devenu
attractif et sera utilisé par le gouvernement de Vincent pour se perpétuer
au pouvoir. Le référendum de 1935 aide Vincent à se retrouver, à trouver
son âme, sa personnalité, à légitimer sa position psychologique, bref à
faire une démonstration de sa popularité.

Pour Vincent, le référendum lui ofre les moyens pour se resacraliser, tout
comme il avait permis en 1918 aux forces d’occupation américaine sous le
gouvernement de Dartiguenave de trouver une réponse pertinente au
problème de l’occupation d’Haïti. Les résultats donnent 454357 OUI
contre 1172 NON à la question posée. Se basant sur cette apparence de
légitimité, le président Sténio Vincent révoque, le 18 février 1935, les onze
sénateurs nationalistes indépendants : Seymour Pradel, Dr. Jean Price-
Mars, Léon Nau, David Jeannot, Pierre Hudicourt, Antoine Télémaque, D r.
Justin Latortue, Fouchard Martineau, Dr. Hector Paultre, Valencourt

30
Pasquet et Rameau Loubeau qui protestaient contre un décret dans lequel
le président s’octroyait les pleins pouvoirs.

L’onde de la « consultation populaire » va épouser immédiatement la


cause de la compagnie de bananes Standard Fruit. Coup sur coup, le
contrat de cette compagnie qui avait été rejeté par les sénateurs est signé
le 25 février 1935 pour une durée de dix ans renouvelable. Puis, il est
approuvé par le Parlement le 14 mars 1935 et par le président de la
république le 22 mars 1935. Dans cette mouvante réalité, il n’y a pas que
les histoires d’argent marquées par d’autres scandales dont ceux de la
banque ou du renouvellement du contrat de la Compagnie électrique. Ce
ne sont en fait que des expressions carnavalesques et grimaçantes d’un
désir caché mais authentique qui est le pouvoir absolu.

C’est ce qui transparait avec la Constitution du 12 juin 1935 dans laquelle


le président Vincent confsque tous les pouvoirs et se donne la possibilité
d’avoir un second mandat. Parallèlement à ces pratiques dictatoriales, le
gouvernement de Vincent favorise l’émergence sur le plan théorique d’une
pensée fasciste avec Mallebranche Fourcand, Félix Viard, René Piquion,
dans les journaux tels que L’Action Nationale, La Relève, L’Assaut, etc.

Pour enrober la pilule d’un semblant théorique, il déclare que le régime de


séparation des pouvoirs élaboré par Montesquieu et dont Alexis de
Tocqueville a fait l’éloge dans De la démocratie en Amérique, ne convient
pas vraiment à Haïti. Aussi préconise-t-il un régime de collaboration des
pouvoirs inspiré du modèle britannique où les ministres viennent du
Parlement et où le Législatif et l’Éxécutif marchent la main dans la main.
En réalité, il n’y a rien de bon enfant ni de moderne à l’appui donné par
Vincent au courant de pensée empoisonné constituant le moteur secret de
la défaillance haïtienne. L’approche est brouillonne, mais non innocente.
En novembre 1935, au Palais National, suite à une réunion des jeunes du
journal La Relève qui avaient créé le journal L’Assaut, le président Vincent
pousse la corruption des consciences jusqu’à la perfection en
déclarant : « Messieurs, je suis satisfait de votre mouvementt Sachez que
j’appartiens à votre génération, que je sympathise avec ellet Vous
trouverez en moi le défenseur de vos idéest »

Suite à la déclaration élogieuse de Vincent à l’endroit des jeunes du


journal La Relève, les réticences disparaissent. Toute une philosophie
politique d’identifcation au fascisme se développe. L’efet est majeur.
L’efervescence se propage avec un certain retentissement. Le président
Vincent est l’objet de toutes les incantations. Mallebranche Fourcand,
président du Club des amis du Président Vincent, écrira le 25 mai
1936 « Propageons, instaurons le Vincentisme afn que, à l’instar du
fascisme en Italie et de l’hitlérisme en Allemagne, il devienne pour nous
autres, Haïtiens, une école de civisme et de loyalismet » C’est aussi le cas
pour Félix Viard qui déclare : « Et n’est-on pas tenté, en présence de
toutes les belles réalisations obtenues, de regretter – comme beaucoup
d’entre nous ont eu cette pensée à l’égard de cet autre grand haïtien que

31
fut le Général Nord Alexis --- que Monsieur Sténio Vincent ne fut venu plus
tôt à la Présidence de la République ? » La messe est dite !

Quant à René Piquion, il ne met pas des gants pour indiquer ses options. À
la question « Etes-vous raciste ? », il répond « Oui, je le suis et c’est peut-
être une des raisons expliquant pourquoi je ne suis pas communistet
Quiconque est raciste n’est pas communistet » Un enthousiasme anti-
populaire agressif et joyeux est brandi contre tous les hommes de pensée.
La répression de Vincent avec sa machine infernale va balayer dans ses
fondements mêmes l’alliance de Jean Price Mars et de Jacques Roumain.
Alliance scellée dans La montagne ensorcelée de 1931 préfacée par Price
Mars à un moment où un certain François Duvalier, commentant cet
ouvrage, écrit dans le journal Le Temps du 1er septembre
1931 « Pourquoi nous servir un morceau de si peu d’importance », car
dans son entendement tordu le drame de la paysannerie haïtienne n’était
pas un sujet littéraire valable. Alliance Price Mars/Roumain qui se
désintègre avec la nuit de l’exil, malgré sa métamorphose en 1941 avec
les institutions ethnologiques créées par ces deux géants de la pensée
haïtienne. Alliance lumineuse contre ce que Goya nomme « le sommeil de
la raison (qui) engendre les monstres » de notre quotidien.

La pensée caverneuse traverse les frontières et se donne aussi à voir à


Paris où « Ludovic Lacombe défend la dictature haïtienne de Sténio
Vincent au nom des valeurs africaines ancestrales étrangères aux notions
de démocratie et de parlementarisme »t Fumisterie qui sera propagée par
la bande des Griots de François Duvalier et Lorimer Denis. L’article 14 de
cette Constitution de 1935 déclare qu’il n’existe que le Pouvoir exécutif
assisté du Corps législatif et du Corps judiciaire. La porte est largement
ouverte à toutes les corruptions, en commençant par celle de « la traite
des nègres d’un nouveau genre », c’est-à-dire la vente des travailleurs
haïtiens en République Dominicaine ainsi que celle du détournement par
les autorités des compensations payées par le gouvernement de Trujillo
pour le massacre des Haïtiens en 1937.

D’une part, on sait que Résia Vincent, « la sœur du président Vincent et


un certain Luders étaient les manitous de ce commerce ». D’autre part, les
parents des travailleurs haïtiens tués en République Dominicaine ne
verront pratiquement rien de la compensation des US$ 750 000 dollars
proposés, à l’occasion du massacre, par Trujillo. Le dictateur dominicain
avait pris les devants pour ne pas aller au tribunal international où il
risquait de payer au moins le triple. Selon Astrel Roland, « on dépensa cet
argent dans les conditions qu’il serait douloureux de rappeler ici : elles
sont tellement honteusest De la balance, chacun tira sa petite partt
Estimé, ancien président de la Chambre des Députés, toucha, en cette
première occasion la somme de dix-sept mille six cents dollarst Ce fut une
afaire magnifque pour les politiciens de l’heure, constamment assoifés
d’ort » Ces périodes terribles pour le peuple étaient les meilleures pour les
satrapes qui proftaient pour s’enrichir dans un climat où le dépouillement
du peuple était le mot d’ordre.

32
L’ivresse du pouvoir conduit le président Vincent à négocier la réduction
des compensations dues aux familles des travailleurs haïtiens tués. Après
le premier paiement de US$ 250 000 dollars en 1938 et la promesse de
payer le solde en cinq paiements de US$100 000 dollars chacun, le
président Vincent décidera de se montrer un bon valet en réduisant le
solde de 45%, soit un deuxième versement de US$ 275 000 dollars. Ainsi,
les compensations globales payées par la République Dominicaine pour les
17 500 Haïtiens tués s’élèvent à US$ 525 000 dollars, soit par tête US$ 30
dollars, ce qui était moins que le prix d’un cochon alors. Le nombre des
Haïtiens tués au cours du massacre dans ce calcul est conservateur. Les
études menées par l’historien dominicain Bernardo Vega [Bernardo
Vega, Trujillo y Haïti (1937-1938), vol. II, Fundación Cultural Dominicana,
Santo Domingo, 1995, p. 351-352. Les estimations sont les suivantes :
Bernard Diederich (20 000), Patrick Bellegarde-Smith (30 000), Lil
Despradel (35 000), et Maurice Lemoine (40 000) indiquent que ce nombre
se situerait plutôt entre 20 000 et 40 000. Anselme Paulino, chef de la
police secrète de Trujillo, vint en Haïti à l’occasion avec une valise chargée
de billets de US$ 10 et US$ 20 dollars pour emmurer les vivants sinon
mettre une sourdine à leurs paroles. Dans ce dispositif de distribution,
selon Astrel Roland,« Estimé a reçu trente mille dollars de cette nouvelle
afaire et chacun des autres eut son petit lott » Les familles des victimes
ne reçurent que 2 centimes par tête de cette somme. Dans ce tunnel du
dégoût, les pratiques rétrogrades ont cadenassé Haïti et créé une
impuissance produisant des ruines sur lesquelles le dévergondage actuel
feurit. Un héritage dont la clé du déblocage est encore à trouver.

LE GOUVERNEMENT D’ANTOINE LOUIS LEOCARDIE ELIE LESCOT


(1941-1946)

DOCUMENT I : L’HOMME
Vincent fut gentiment écarté du pouvoir par Roosevelt. Il suggéra á
Vincent que son Ambassadeur á Washington, Elie Lescot, fût sans plus ni
moins élu président par les deux Chambres. Ce fut fait á l’unanimité.

Cette attitude contre Vincent n’avait rien de particulièrement hostile.


L’Ambassadeur Lescot était tout simplement en excellents termes avec
Trujillo et Roosevelt. Au début des années 40, ces deux messieurs étaient
des amis intimes et des collaborateurs.
33
Lescot était un homme brun qui avait épousé une femme noire. Des son
entrée dans la fonction publique, il avait eu les postes ministériels les plus
importants et les ambassades les plus prestigieuses, Santo Domingo et
Washington. Son maigre bagage intellectuel et sa formation étaient
compensés par un tempérament séduisant. Lescot était un homme
charmant qui plaisait á tout le monde. Homme d’esprit, aimé des femmes,
sa conversation était toujours de nombreux bons mots et d’anecdotes. Il
devint immédiatement célèbre á Washington. Quand il recevait la visite
d’un nouveau collègue qui ne parlait pas sa langue et vice versa, il faisait
passer le temps de la visite de protocole en récitant, en français, avec un
verbe animé, une des fables de la Fontaine.
Toutefois, aux yeux de l’élite mulâtre, Lescot était un parvenu, un arriviste
social.
Quoi qu’il en soit, il établit le régime mulâtre le plus exclusif, jusqu’á
présent, de ce siècle. Il avait décidé de laisser les mulâtres de Port-au-
Prince dominer le pays. Ils détenaient tous les postes ministériels. C’est
seulement dans l’Armée, le Corps Judiciaire et á l’Assemblée Législative
qu’il laissa quelques noirs exercer certaines fonctions. La question de
couleur devint une donnée fondamentale sous le régime de Lescot,
mettant au rencart tous les autres

Texte tiré in « LES HAITIENS, POLITIQUE DE CLASSE ET DE


COULEUR », pp 85 & 86, LYONEL PAQUIN, Imprimerie Le Natal
1988

DOCUMENT 2: PROCONSUL AMERICAIN, RACISTE ET


DILAPIDATEUR
Lescot était le protégé de Washington et se comportait comme tel. Il
devint la version haïtienne du proconsul. Le système d’éducation en Haïti
devint un prolongement de l’Ecole Normale de Columbia ; Lescot donna
aux compagnies américaines les meilleures terres pour des plantations
d’hévéa qui ne devait jamais pousser. Mais c’est dans le domaine du
commerce local et des industries que Lescot commit les erreurs les plus
désastreuses. Il donna pratiquement carte blanche aux hommes d’afaires
et aux industriels durant les années de la guerre (1941-1945) et leur
permit de s’enrichir scandaleusement en faisant du marché du marché
noir. Les victimes furent les paysans et la classe des travailleurs.
Tout comme ses prédécesseurs, Lescot gouvernait en dictateur ; les
haïtiens ne connaissant aucune autre forme de gouvernement de toute
façon. Mais l’attaque japonaise sur Pearl Harbor lui monta á la tête. Lescot
se surpassa durant ces événements mémorables et décida de déclarer la
guerre su pays fascistes avant les américains. Ceci fut fait le 8 décembre
á 10.00 Am et Roosevelt ft de même á 3.00 PM. Lescot prit
immédiatement les mesures que lui imposaient les circonstances. Il
rassembla tous les allemands et les italiens, et les enferma tous en prison.
Il confsqua tout leur argent liquide, leurs afaires, leurs industries, leurs
biens, tout. Les biens allemands représentaient la crème des
investissements, puisqu’ils contrôlaient les importations et les
exportations, particulièrement les exportations de café et de coton. Avec
34
gloutonnerie, il se saisit de tout, y compris les usines de torréfaction du
café qui valaient très cher, et il ofrit tout cela en gratifcation á ses
copains- un don venant de leur prince. De son empressement á servir ses
amis, il oublia de prendre soin de lui-même.
Lescot ft très bien ce qu’il était supposé faire en tant que contremaitre
des intérêts américains en Haïti ; ou pour être plus charitable, en tant que
Gouverneur General en Haïti ; il envoya des tas d’haïtiens étudier dans les
universités américaines ; il prit l’avis des techniciens américains ; son
Cabinet était composé presque exclusivement de mulâtres, á l’exception
d’un seul, Abel Lacroix, un français. Et pour couronner le tout, il se lança
dans la chasse aux sorcières, en l’occurrence le vaudou.
Le régime de Lescot se surpassa dans ses pratiques discriminatoires au
niveau des afaires étrangères. Dans ce domaine, Lescot n’était prêt á
faire aucun compromis. La fonction de représentation serait mieux remplie
par un mulâtre dont la couleur de la peau était plus acceptable dans les
milieux diplomatiques á l’étranger. Il trouvait les mulâtres plus
sophistiqués, plus hommes du monde, plus á l’aise dans le grand monde
que les noirs.

Texte tiré in « LES HAITIENS, POLITIQUE DE CLASSE ET DE


COULEUR », pp 86 & 87, LYONEL PAQUIN, Imprimerie Le Natal
1988

DOCUMENT 3 : LESCOT DICTATEUR ET PRO-AMERICAIN


En s’emparant de la présidence, Lescot hérite d’une dictature légale qui lui
donne les mains libres. Il n’attendra pas longtemps pour y déposer sa
marque personnelle. Il entre ofciellement en fonction le 15 mai 1941.
Trois semaines plus tard, par un arrêté en date du 5 juin, il s’attribue le
« commandement efectif de toutes les forces armées de terre, de l’air et
de mer ». Puis il modife les règlements de la Garde d’Haïti de manière á
placer sous son contrôle personnel les principales unités militaires. « Le
Président se réservait le contrôle immédiat de la Garde du Palais
cantonnée au District du Palais National et la direction de la Police de Port-
au-Prince ».

[…….] D’emblée, il place Haïti sous la protection des Etats-Unis auxquels


notre sort est profondément lié….. « J’entends, afrme t-il, que notre
politique internationale soit le refet fdele et sincère de la politique de
notre généreuse et puissante voisine ». Le confit en Europe et l’attaque
de Pearl Harbour et l’attaque de Pearl Harbour qui précipite les Etats-Unis
dans la Deuxième Guerre Mondiale lui donnent l’occasion de concrétiser
l’orientation de sa politique étrangère. Surtout il en proftera pour
bétonner la dictature et en faire l’une des plus hermétiques de l’Histoire
d’Haïti.

C’est par une cascade de décrets allant du 8 décembre 1941 aux


amendements constitutionnels de 1944 qu’il signale son entrée ofcielle
dans la guerre aux côtés des alliés et la mainmise du gouvernement sur
tous les domaines de la vie nationale. En efet, il commence par décréter
l’état de siège sur toute l’étendue du territoire le 8 décembre 1941 sans
35
doute pour parer aux efets des attaques ennemies puisqu’il vient dans un
message au comité permanent de l’Assemblée de notifer sa décision de
déclarer la guerre á l’Allemagne et á l’Empire Nippon. Le branle-bas de
combat se réduit á des attaques verbales et á des mesures concrètes
contre les ressortissants des pays ennemis, pour la plupart, des
commerçants dont les biens sont mis sous séquestres et les activités
commerciales suspendues. Puis le 13 janvier 1942, Lescot s’accorde le
privilège de légiférer par décrets. Le 23 février, il suspend toutes les
garanties constitutionnelles jusqu’á la fn de la guerre, prolongeant ainsi
les efets de l’état de siège et la militarisation du pays. Des tribunaux
militaires sont institués pour connaitre des crimes contre la sécurité de
l’Etat et contre l’ordre public et même les délits de droits commun selon le
bon vouloir du pouvoir exécutif. Le pays est mis en condition pour vivre
l’arbitraire.

Texte tiré in « CONSTITUTIONS ET LUTTES DE POUVOIR EN HAITI,


Tome II (1915-1987) » pp 232 & 233, CLAUDE MOISE, Les éditions
du CIDIHCA, Québec 1990

DOCUMENT 4 : LA REFORME CONSTITUTIONNELLE DE 1944


Globalement, la reforme de 1944 gèle la vie politique autour de la
puissance présidentielle jusqu’á la fn du confit international en cours.
Certaines dispositions renforcent á un point tel les pouvoirs du président
que la fonction parlementaire devient tout á fait inutile. D’abord, on
revient au mandat présidentiel de sept ans renouvelable sans restriction
(article 34). Le nouvel article 29 « confère désormais au président de la
République le droit exceptionnel de remplacer, afn d’éviter de recourir á
des élections partielles, les députés et les sénateurs élus, en cas de mort,
de démission, de déchéance, d’interdiction judiciaire etct »t Il lui est même
permis d’user de son droit de nomination á la chambre des députés en cas
de nullité des élections dans une ou plusieurs circonscriptions. Un nouveau
privilège est conféré au chef de l’Etat qui « peut, si des circonstances
politiques ou autres l’exigent reculer l’époque des élections législatives…
(Article 35) »t Mieux encore, la disposition spéciale de la reforme prescrit
« qu’aucune n’aura lieu n’aura lieu sur toute l’étendue durant l’actuel
conflit internationalt », que les prochaines élections ne pourront être
convoquées qu’une année après la signature du Traité de paix avec toutes
les puissances en guerre avec la République. En conséquence, les
sénateurs et députés actuels resteront en fonction jusqu’aux prochaines
élections, aux conditions prévues par la Constitution, autrement dit, selon
le bon vouloir du chef du pouvoir exécutif. Du reste, cette même
disposition spéciale revêt le Pouvoir Exécutif « des pleins pouvoirs pour
accomplir jusqu’á la fn de la guerre, pour les besoins de la Défense
Nationale, tous actes nécessaires ». Puis allant au devant de l’histoire, les
législateurs constituants déclarent dûment ratifés « tous les actes
accomplis par le Pouvoir Exécutif, ses fonctionnaires, ses agents ou
préposés, durant le conflit international actuel, pour les besoins de la
36
Défense Nationale »t Pour couronner le tout on accorde au Président
Lescot un nouveau mandat de 7 ans qui commence le 15 mai 1944.

Texte tiré in « CONSTITUTIONS ET LUTTES DE POUVOIR EN HAITI,


Tome II (1915-1987) » pp 234 & 235, CLAUDE MOISE, Les éditions
du CIDIHCA, Québec 1990

LE MOUVEMENT DE 1946 ET LA CHUTE DE LESCOT

FAITS ET CONSEQUENCES
On entend par « Mouvement de 1946 », un grand réveil sociopolitique de
la jeunesse haïtienne qui, depuis la « grève de Damien » de 1929
s’interposa de plus en plus comme une force sociale et politique capable
de modifer les décisions politiques voire les renverser totalement en
remettant en question le mode de gouvernance en vigueur.

Le mouvement débuta par une maladresse politique du gouvernement qui


s’en prit au journal « La Ruche » fraichement crée par de jeunes
étudiants. A travers ses colonnes ces derniers dénoncèrent la dictature et
la corruption qui gangrènent le régime de Lescot. Son premier éditorial fut
un pavé lancé dans la marre du gouvernement : « L’année 1946 arrive !
Nous sommes joyeux de l’accueillirt Elle va être l’année du chant, l’année
d’une première victoire sur certaines forces hostilest Elle le sera même si
elle doit être pavée de notre sang ! Il faut que notre chant éclate partout,
n’importe comment, qu’elle emprunte la voix des vents, le tumulte de nos
torrents, qu’elle projette sur l’écran de nos nuages le drame désespéré
des familles qui crèvent de faim, des enfants qui meurent jeunes, rongés
par la misère, pour ouvrir les yeux de tous sur la tragédie inquiétante de
la classe prolétarienne de notre beau pays ! L’année 1946 sera une année
d’expériences fécondes ! On sortira de la banalité quotidiennet Que les
mois de l’année aient dans notre esprit des noms qui répondent mieux
aux aspirations immédiates de tous les éléments conscients de notre
payst Janvier ne sera plus Janvier mais Justice ; Février, liberté ; Avril
s’appellera Délivrance, Mai, Union, etct »

L’arrestation de ses rédacteurs, René Depestre et Theodore Baker, le 2


janvier 1946 mirent le feu aux poudres et sonnèrent le glas du régime
Lescot. Une grève scolaire fut rapidement déclenchée ce qui empêcha la
reprise de janvier. Le mouvement de rejet s’étendit á d’autres secteurs
tels que le commerce et l’industrie. Coincé de toutes parts et largué par
les militaires, Lescot fut renversé par un coup d’Etat le 11 janvier 1946.
37
On doit toutefois mentionner que le « Mouvement de 1946 » modifa
considérablement la société haïtienne. Elle mit fn á plus de trente ans de
domination des mulâtres sur le pouvoir politique et permit l’émergence
des partis politiques en gestation et la prise de pouvoir par les noirs.
Plusieurs partis politiques notamment le « Mouvement Ouvrier Paysan
(MOP) », le « Parti Agricole Industriel National (PAIN) », le « Parti
Communiste Haïtien », le « Parti Démocratique Populaire de la Jeunesse
Haïtienne », le « Parti Socialiste Haïtien » ont eu droit de cité et
participaient activement á la vie politique nationalt Les Leaders politiques
les plus en verve de la période furent René Depestre, Daniel Fignolé,
Dumarsais Estimé, l’ex-Colonel Démosthène Calixte, Emile Saint-Lot etct

Sur le plan social, il a permis le développement du syndicalisme et


l’expansion des organisations de la société civile notamment les
organisations féminine et de jeunesse notamment le scoutisme. C’est dans
ce contexte que la « Ligue Féminine » fut fondée.

Sur le plan culturel et intellectuel on assista á un essor considérable des


activités se rapportant au développement de la peinture, de la danse
folklorique et de la musique. C’est ainsi que l’américain Dewitt Peters créa
une école d’art en 1944 où il accueillit les peintres de rue et de là se
développe le style dit « naïf ». D’autre part, le Vaudou est sorti de la
léthargie où la « campagne anti-vodou dit rejeté » initié par l’Eglise
Catholique avec l’appui politique et policier de Lescot.

Le Mouvement de 1946 a libéré les esprits et fut favorable aux


productions littéraires. Plusieurs livres ou revues furent édités. On a connu
une certaine embellie sur le plan de la production historique. Les auteurs
comme Saint-Victor Jean Baptiste, Emmanuel C. Paul, Etienne D. Charlier,
François Duvalier, Timoléon C. Brutus, Gérard Mentor Laurent, Bremond N.
Pluviose furent parmi les plus prolifques.

Enfn on ne doit passer sous silence la modernisation de l’économie liée á


ce mouvement. En efet « l’Exposition Universelle de 1949» fut
l’occasion pour le Président Estimé de créer un vaste chantier á Port-au-
Prince. Le Bord de Mer fut transformé en la circonstance et les rues
bétonnées ou asphaltées. De plus une nouvelle ville frontalière, Belladère,
a été fondée et les travaux de la construction du Barrage de Peligre
enclenchés.

DOCUMENT 1 : LA CHUTE
Le premier janvier donc paraît La Ruche. Le 2, sa publication est interdite.
Baker et Depestre sont arrêtés. La répression déclenche la résistance. Les
jeunes de La Ruche se concertent et décident de passer á l’action sous la
forme d’une grève des écoles. La libération de Baker et Depestre le
lendemain n’arrête pas le mouvement. La jonction est faite avec les
fgnolistes. Un comité national de grève est formé. Le souvenir de la large
grève des étudiants de Damiens en 1929 occupe les esprits. N’avait-elle
38
pas entrainé une succession d’événements qui ont abouti á la chute de
Borno en 1930. ? Le congé de fn d’année tire á sa fn. La rentrée scolaire
est fxée au 7. Entre le 5 et le 7, les jeunes mobilisent, et les foyers
d’opposition s’agitent. La grève est déclenchée efectivement le 7. Ecoliers
et étudiants gagnent les rues et lancent des slogans subversifs. Vive les
quatre libertés ! A bas Lescot. La police réagit, matraque les manifestants,
les pourchasse. Les cortèges se reconstituent. Rien á faire, Port-au-Prince
est subvertie. Des arrestations sont opérées dans certains milieux. Le
gouvernement feint de minimiser l’événement : une afaire d’enfants. Le
communiqué gouvernemental de l’après-midi du 7 janvier crève les
ondes :
« Ce matin des jeunes gens ont cru bon de sortir dans les rues pour
manifester contre la fermeture du journal révolutionnaire La Ruche… »
« La police, d’ordre du gouvernement, a accordé la protection nécessaire
manifestant contre cette décisiont »
« La répétition de ces faits pouvant entrainer des conséquences fâcheuses
pour l’ordre public, le gouvernement a décidé de les interdiret »
« Les pères et mères de famille sont invités á recommander á leurs
enfants de ne plus participer á de pareilles manifestationst Les mesures
adéquates seront prisest »
Dès le lendemain, la grève reprend et s’étend aux fonctionnaires et
employés de commerce. La grande presse habituellement prudente
sympathise avec le mouvement. Le Nouvelliste ne fonce pas, mais relate
les événements et prodigue des conseils de modération. Le Soir demeure
réservé, mais La Phalange n’hésite pas á rapporter les événements tout
en commentant. Quant au quotidien Le Matin, il charge, demande de
l’air, réclame la démocratie. Haïti-Journal, dans son édition du 8 janvier,
appuie la grève et appelle le gouvernement á tirer des leçons de ce fait
majeur : « Le peuple dans tous ses secteurs a manifesté son désir de
bénéfcier intégralement des pratiques démocratiques au nom desquelles
la guerre a été faite »t Il difuse le communiqué du Parti Démocratique
Populaire de la Jeunesse Haïtienne (PDPJH) où sont consignées les quatre
revendications des initiateurs du mouvement. On lit, en efet :
« Le PDPJH a délégué Jacques Alexis, Roldophe Moise, Gerald
Bloncourt, Gerard Chenet et Georges Beaufls auprès des
autorités pour réclamer les quatre libertés:
1- L’application de la Charte de San Francisco ratifée par les
Chambres Législatives, la mise en liberté de tous les
prisonniers politiques
2- Des élections législatives dans le plus bref délai
3- La réintégration de tous les journaux suspendus dans leurs
droits
4- La ratifcation de l’existence du parti

La délégation n’est pas reçue. Le gouvernement refuse d’engager le


dialogue tant que la paix n’est pas rétablie. Il réitère ses avertissements á
la nation que la répression serait sévère. Ses appels ne sont pas entendus.
Au contraire, la contestation s’élargit, gagne certaines villes de province.
Le 9 janvier, il devient clair que la révolte gagnant tous les milieux, un
changement majeur doit être opéré. Les coups de gueule de Lescot, ses
39
instructions á la police, quelques arrestations par ci par là, des
bastonnades répétées, la loi martiale, le couvre-feu, tout cela n’intimide
guère. Du reste, la répression est molle, on s’en aperçoit, même si un
manifestant, André Jean, est assassiné le 9 janvier. Il se dit que des
militaires seraient sympathiques au mouvement. Selon Depestre « il y
aurait eu des milliers de victimes si l’armée d’Haïti avait exécuté l’ordre
passé par Lescot et Rouzier de tirer sur les manifestants »t Le 10,
changement de cap. Devant la ténacité des grévistes et l’ampleur de la
contestation, sentant le pouvoir lui échapper, Lescot se range á l’avis de
son fls Gérard, lui-même ministre des Relations Extérieures, de provoquer
la démission du cabinet ministériel afn de permettre au président de faire
appel á des leaders du mouvement susceptibles de ramener le calme.
Emile Saint-Lôt est pressenti comme Ministre de l’Intérieur.. Il refuse.
[….] Le 11, nouvelle tentative du Palais, cette fois du côté de Georges
Rigaud dont les amis avaient constitué avec les leaders grévistes un
Comité de Salut Public. Lescot est prêt á tout lâcher, á renoncer á son
second mandat, quitte á confer au nouveau cabinet les pleins pouvoirs
pour de nouvelles élections et la transmission le 15 mai 1946. Appelés en
consultation ce matin du 11 janvier, les délégués du Comité de Salut
Public se rendent au Manoir des Lauriers, résidence de Lescot, où en
présence de membres de l’Etat-major et de conseillers, il est demandé á
Rigaud de former un cabinet. Trop tard, la nation exige l’efacement de
Lescot, répondent-ils. Celui-ci n’a plus qu’á tirer les conclusions d’une telle
impasse. Ce que font pour lui quelques hauts gradés de la Garde d’Haïti. A
16 heures, le colonel Franck Lavaud, chef d’Etat-major de l’armée annonce
la destitution du président et la formation d’un Comité Exécutif Militaire
(CEM) de trois membres (Franck Lavaud lui-même, et les majors Antoine
Levelt, et Paul Magloire) pour prendre en charge « les obligations de
l’Etat »t La proclamation du CEM défnit brièvement les objectifs
immédiats et spécifques de ce gouvernement provisoire : ramener la paix,
organiser les élections et remettre le pouvoir á celui qui aura été élu
librement. En attendant, l’ex-président gardé prisonnier en sa résidence
privée, reste á la disposition du CEM qui l’expédiera en exil au Canada le
lundi 14 janvier 1946.

Texte tiré in « CONSTITUTIONS ET LUTTES DE POUVOIR EN HAITI,


Tome II (1915-1987) » pp 249 @ 252, CLAUDE MOISE, Les éditions
du CIDIHCA, Québec 1990

GEOGRAPHIE (PROGRAMME A COMPETENCES MINIMALES)

THEME I : LES GRANDES PUISSANCES

DEFINITION DU CONCEPT
Pris au sens strict, le vocable désigne le pouvoir dont dispose une
personne, un groupe ou un pays.

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Dans un sens plus spécifque, la puissance est utilisée dans le cadre des
prérogatives exercées par l’Etat á travers les institutions qui le
représentent. On parle alors de la puissance publique.
Dans un sens plus large, elle est appliquée aux relations internationales. Il
s’agit ici de la capacité d’un Etat de faire agir les autres dans le sens de
ses intérêts ou d’imposer ses diktats á eux. C’est une conception moderne
qui prend en considération l’infuence politique, économique,
géographique, culturelle, religieuse d’un Etat ou d’un ensemble d’Etats sur
les autres.
Toutefois, il existe des paliers voire une échelle de la puissance. Certains
Etats ou groupes d’Etas sont plus puissants que d’autres. Ainsi on parle de
superpuissance, d’hyper puissance ou de grande puissance.

LES GRANDES PUISSANCES HISTORIQUES


Durant l’Antiquité, le monde a connu tour á tour trois (3) grandes
puissances connues sous l’appellation de « Civilisations » parce qu’elles
ont dominées et infuencées la langue, la géographie, l’économie,
l’histoire, l’organisation sociale et politique d’un ensemble de pays
européens, nord africains et du proche et moyen orient. Il s’agit de la
civilisation égyptienne, la civilisation grecque et la civilisation romaine.
Si au Moyen-âge, il s’établit un certain équilibre entre les peuples, la
découverte de nouveau-monde et le pillage de l’or qui s’ensuivit, la mise
en servitude des peuplades africaines et la domination de l’Asie du Sud-
est a fait de l’Europe le centre du monde (conception européocentriste).
En efet, pendant cinq siècles sa domination du monde n’avait pas d’égale.
Ainsi, tour á tour, l’Espagne, la Hollande, la France et l’Angleterre
occupaient le trône mondial. Ils se sont profté pour se développer et
s’enrichir au détriment des autres pays et territoires.
Au 20e siècle, les deux guerres mondiales ont contribué á l’efondrement
militaire, économique et politique de l’Europe au proft des Etats-Unis et
de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS). Depuis 1991,
avec l’efondrement de cette dernière, les Etats-Unis occupent seuls le
rôle de superpuissance et prend le titre de « Gendarme du Monde » même
s’ils sont talonnés de très près par la Chine.
Par les Accords de Bretton Woods (1944), le dollar américain devient la
monnaie de référence internationale c’est-a-dire qu’a partir de cette date
tous les achats et toutes les transactions efectuées sur le marché
international sont acquittés en dollars us. De même les évaluations de la
richesse d’un pays sont faites á partir de cette monnaie.

LES ZONES D’INFLUENCE


Au-delà de la superpuissance, il existe les « grande puissances qui dirigent
le monde. Elles se représentent au « Conseil de Sécurité » et siègent en
permanence en disposant chacune du droit de veto c’est-a-dire chacune
peut s’opposer á une décision prise par l’ensemble des membres du
conseil. L’opposition á elle seule rend caduque la décision. Ce sont : Les
Etats-Unis d’Amérique, la Russie qui substitue á l’URSS, la Chine, la France
et l’Angleterre.

41
Chacune de ces puissances a sous son contrôle une partie du monde
qu’elle exploite á son proft. Ainsi elle infuence la politique, l’économie, la
culture etc. des pays vassaux.
Ex : Tous les pays de l’Amérique centrale et de la Caraïbe (hormis Cuba)
sont infuencés par les Etats Unis d’Amérique. Ces pays ne peuvent
prendre aucune décision qui va á l’encontre des intérêts américains sans
qu’ils en subissent durement les conséquences.

De même tous les pays de l’Afrique de l’Ouest sont sous infuence


française : Sénégal, Togo, Mali, Benin, Tchad, Guinée, Le Congo, le Burkina
Faso, le Niger, la République Centrafricaine, la Cote d’Ivoire, la Mauritanie
etc.

LES CONCEPTS CLES POUR EXPLIQUER LA PUISSANCE

Produit National Brut (PNB)


Il est défni par la richesse totale d’un pays. Quand on l’élargit á l’échelle
d’une population on le PNB per Capita c'est-à-dire le Produit national Brut
par tête d’habitant. Cet indice donne une idée de l’état de pauvreté ou de
richesse d’un pays.
Produit Intérieur Brut (PIB)
C’est la richesse produite par un pays pour une année. Les Etats-Unis
disposent du plus grand PIB du monde lequel est estimé á 20 000 milliards
de dollars. Celui de la Chine est de 13 000 milliards. Le Japon dispose de
11 000 milliards et la Russie de 1700 milliards. Le PIB de la République
d’Haïti oscille entre 7 á 8 milliards.
Indice de Développement Humain (IDH)
C’est l’indice permettant d’évaluer le développement d’un pays. Il prend
en considération trois critères clés : le PIB par habitant, l’espérance de vie
á la naissance et le niveau d’éducation des enfants de 15 ans et plus.
Selon le rapport 2017/2018, Haïti était classée au 168e rang.

Diplomatie
C’est un aspect de la politique qui privilégie les rapports ou relations entre
les pays.
Elle est aussi l’art de la négociation. Elle permet aux pays de résoudre les
confits de manière pacifque sans recourir aux sanctions ou la force
armée.
Innovation
Il s’agit de nouveautés/améliorations apportées dans les services déjà
existants pour rendre la vie plus facile á l’homme ou même de lui faciliter
les taches qu’il a á accomplir.
Sur le plan de la technologie, l’innovation tend á améliorer davantage les
services oferts et á les rendre plus accessibles á un grand nombre de
personnes.
Droit d’ingérence humanitaire
C’est le droit pour la communauté internationale d’intervenir militairement
dans un pays quand il est défaillant c’est-a-dire quand il ne pas respecter
et appliquer ses lois ou quand il représente un danger pour les Etats
voisins.
42
Considérant qu’aucun pays ne peut vivre en autarcie et que tous les pays
sont liés par la proximité ou les relations qu’ils tissent entre eux, tout
bouleversement politico-social dans un pays a nécessairement des
répercussions dans les autres pays. C’est au nom de ce principe que le
« droit d’ingérence humanitaire » a été créé.
Realpolitik
Ce terme est utilisé dans le cadre des relations internationales. Il s’agit
d’une politique qui prend en considération les rapports de forces et les
efets de ceux-ci sur un pays donné. La realpolitik tient á l’écart les notions
de loyauté, de sentiment ou de fraternité. La realpolitik veut que les
décisions soient prises en fonction des intérêts immédiats de chaque Etat
et des conséquences positives que celles-ci peuvent avoir au moment de
les prendre.
Place financière ou boursière
La place boursière est défnie comme le lieu où s’opère la rencontre des
acteurs qui font fonctionner les marchés fnanciers.
Les places fnancières regroupent le siégé du bourse, d’un marché de
change et de nombreux établissements bancaires.
Exemple : New York, Londres, Paris, Berlin et Tokyo sont des places
fnancières mondiales.

Technopoles
On entend par ce vocable, les villes ou zones urbaines consacrées
uniquement au développement de la recherche et de la Technologie. Pour
travailler et vivre dans ces villes on doit avoir au moins un diplôme
universitaire dans le domaine de l’ingénierie ou toute branche faisant
appel á la technologie. Aux Etats-Unis, on doit citer : Silicon Valley á San
Francisco ; la Route 128 á Boston ; le Research Triangle Park en Caroline
du Nord ; la Silicon Alley á New York ; la Silicon Prairie á Dallas ; la Silicon
Forest á Portland.
G-20
Le G-20 est composé de 19 pays plus l’Union Européenne. Il a été crée en
1999 et prend en considération le poids économique des pays membres.
Le G-20 représente 85% du commerce mondial et 90% du Produit Mondial
Brut (PMB).

THEME II : LA PUISSANCE DES ETATS-UNIS

Les manifestations de la puissance américaine remontent au début du 19 e


siècle avec l’élaboration de la « Doctrine de Monroe » (Président James
Monroe 1823). Les Etats-Unis s’afrmaient alors comme un rempart pour
la defense de l’indépendance des pays latino-américains. Cependant, elle
est utilisee en 1847 pour déclencher la guerre avec le Mexique (Guerre
Américano-mexicaine) et l’annexion de plusieurs états américains actuels
(Texas, Californie, Nevada, Nouveau Mexique).
Le 20e siècle a vu le renforcement de cette doctrine par l’élaboration et la
mise en application du « BIG STICK POLICY » (Politique du Gros Bâton).
C’est en vertu de cette politique que plusieurs interventions militaires ont
été opérées en Amérique Latine et le Bassin des Caraïbes.
43
1898 : Guerre Hispano-Américaine. Elle abouti á la mise sous tutelle de
Cuba, l’annexion de Porto-Rico, des Philippines, de Hawaï et iles Guam
1903 : Intervention en Colombie. Elle a causé la sécession de ce pays par
la création de l’Etat du Panama. Une fois créé, cet Etat a octroyé aux
Etats-Unis une franchise territoriale pour le percement du Canal de
Panama.
1903 : Brève intervention en République Dominicaine
1906 : Seconde intervention á Cuba
1909 : Intervention au Honduras
1910-1913 : Occupation du Nicaragua
1914 : Intervention á Veracruz au Mexique
1915 : Occupation d’Haïti
1916-1917 : Expédition au Mexique pour combattre Pancho Villa
1916-1924 : Occupation de la République Dominicaine
1922-1926 : Deuxième occupation du Nicaragua
1926-1933 : Troisième occupation du Nicaragua

La Domination Politique et militaire des Etats-Unis á partir de


1945
Les Etats-Unis sont les principaux initiateurs de la création de
l’Organisation des Nations Unies (ONU). Elle a été créée en 1945 avant
même la fn de la guerre par la Conférence de San Francisco (avril 1945).
Ce pays est membre permanent du Conseil de Sécurité avec droit de veto.
Outre le Conseil de Sécurité, son infuence est prépondérante dans
plusieurs autres instances notamment : le G8, le G-20, la Banque
Mondiale, le Fonds Monétaire International (FMI), l’Organisation Mondiale
du Commerce (OMC) etc.
Les Etats-Unis est le seul pays disposant de force militaire opérationnel
capable d’intervenir rapidement, en cas de guerre, á n’importe quel point
du globe.
La puissance militaire américaine s’appuie sur des forces armées
puissantes et une série d’alliance militaire. Les principales alliances étant
l’OTAN (Organisation Traité Atlantique Nord) avec les états européens et le
Canada. S’y rajoutent les traités d’alliance avec l’Australie et la Nouvelle
Zélande (ANZUS=Australian, New Zeland and United States), le Traite
Mutuel de Sécurité avec le Japon. En outre, plusieurs accords bilatéraux de
sécurité sont signés avec les pays tels que : Israël, Philippines, Thaïlande,
Egypte, Jordanie, Argentine, Bahreïn, Arabie Saoudite, Koweït, Maroc,
Pakistan, Afghanistan, Irak.
Ces alliances permettent á l’armée américaine de disposer d’un ensemble
de bases lui permettant d’intervenir rapidement en cas de confit.
Le total des dépenses militaires américaines en 2010 était chifré á 698
milliards de dollars. En comparaison celui de l’UE était de 299 milliards de
dollars ; celui de la Chine de 114 milliards ; la France, 61 milliards ;
l’Angleterre, 57 milliards et la Russie, 52 milliards.

Les Etats-Unis comptent sept sur les dix plus grandes entreprises de
defenses mondiales. On peut citer quelques unes :
-Lockheed Martin (constructeur d’avions de combats)

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-Boeing (constructeur de bombardiers, de ravitailleurs, de
missiles)
-Northrop Grumman (constructeur de Porte avions, de sous-
marins)
-General Dynamics (constructeur d’avions de combats)
Les Etats-Unis disposent de 11 porte-avions (plus nombreux et plus grands
que les portes avions de tous les autres pays). En comparaison la France
ne dispose que d’un seul porte-avion.
Cinq porte-avions sont présents en permanence dans l’océan Atlantique,
en méditerranée, dans le Pacifque, dans l’Océan Indien et dans le Golfe
Persique. En outre ce pays dispose de 5500 armes nucléaires.

LES ELEMENTS DE LA RICHESSE DES ETATS UNIS

La population actuelle des Etats-Unis est estimée á 327 908 413 habitants.
C’est le pays le plus riche de la Terre avec un PIB estimé en 2018 á plus de
20 000 milliards de dollars.
-Les Etats-Unis dispose de la troisième population active au monde après
la Chine et l’Inde. Cependant, elle a l’avantage d’être plus qualifée.
-L’économie américaine profte d’une certaine avance technologique
illustrée par les technopoles (les villes techniques). Ces villes sont
habitées par des ingénieurs et des chercheurs. Ces villes servent de
modèles au monde. On peut citer : Silicon Valley á San Francisco, Route
128 á Boston, Research Triangle Park en Caroline du Nord, Silicon Alley á
New York, Silicon Prairie á Dallas, Silcon Forest á Portland.
-Sur le plan matériel, les Gratte-ciels symbolisent cette richesse
-Les Etats-Unis représentent le principal marché de consommation
internationale. Toutes les entreprises multinationales (les Trusts) y sont
présentes.
-L’économie américaine est la deuxième exportatrice au monde des
produits agricoles et des produits manufacturés (avions, voitures). Elle est
la première importatrice du pétrole, d’ordinateurs, de vêtements, de
jouets et d’appareils de télécommunication. Ses principaux partenaires
commerciaux sont : la Chine (7% des exportations et 18% des
importations) ; le Canada (19% des exports et 14% des imports) ; le
Mexique (13% et 11%) et le Japon (4% et 16%).
-Les Bourses américaines sont les principales de la planète : NYMEX pour
le pétrole ; le CBOT pour le maïs ; le NASDAQ et le NYSE etc.
-Depuis les « Accords de Bretton Woods » en 1944, le dollar est la
monnaie de référence mondiale et est á la base du système monétaire
internationale.
-Les américains sont les premiers investisseurs dans les pays étrangers.
Les plus grandes entreprises mondiales sont américaines :
1) Dans l’Agroalimentaire : Coca Cola, Tyson Foods
2) Dans le Pétrole : Chevron, Murphy Oil
3) Produits Chimiques : Dupont
4) Sidérurgie et Métallurgie : U.S Steel

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5) Construction automobile: General Motors, Food Motor, Caterpillar,
Goodyear
6) Construction Aéronautique: Boeing
7) Biens de Consommation: Phillips Morris
8) Electronique: Intel, Dell
9) Produits et Services Informatiques : Apple, Microsoft
10) Divertissement: Walt Dysney, Company,
11) Services fnanciers: Bank of America, American Express
12) Transport: American Airlines, FEDEX

THEME 3: L’UNION EUROPEENNE

A- LES FONDEMENTS HISTORIQUE DE L’UE


-La Phase de construction européenne (1950-1972)
De 1952 la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier) a
été créée. Le 25 mars 1957, le Traité de Rome a été signé par six (6) pays
fondant la CEE (Communauté Economique Européenne). C’était l’Europe
des Six. Les pays fondateurs sont : La France, la RFA (République Fédérale
Allemande), la Belgique, le Luxembourg, la Hollande et l’Italie.
Le 1er Janvier 1973, trois (3) autres pays font leur entrée á la CEE :
Royaume-Uni, Irlande et Danemark. Le 1er janvier 1981, la Grèce a été
admise comme membre. Le 1er janvier 1986, l’Espagne et le Portugal
rejoignent les rangs. C’était l’Europe des 12.
Il faut rappeler que les « Peres Fondateurs » de l’Europe furent :
l’allemand Konrad Adenauer ; les français Jean Monnet et Robert
Schuman ; l’italien Alcide de Gasperi.

B- LES QUATRE LIBERTES DE LA CEE


Le Traité de Rome avait institué un ensemble de domaines de coopération
entre les pays membres. La Communauté Economique Européenne (CEE)
était reposée sur ce qu’on appelle les quatre libertés : la liberté de
circulation des marchandises, la liberté de circulation des personnes, la
liberté de circulation des services, la liberté de circulation des capitaux.

C- L’ACTE UNIQUE DE 1986


Dans l’application des quatre libertés il y avait des insufsances. Une base
juridique manquait á la CEE et c’est pour palier á ces manquements qu’un
document unique a été élaboré. D’où « L’Acte Unique ». Celui-ci relie
dans un même document le Traité Economique (Traité de Rome) et le
Traité Politique.
L’Acte Unique est un traité international avec des dispositions nouvelles :
1) Il apporte une base juridique au Conseil Européen (conseil des chefs
d’état et de gouvernement)
2) Il élargit le pouvoir du Parlement Européen
3) Les décisions sont prises á la majorité qualifée (6/8)
4) L’Acte Unique fxe l’élimination de tous les droits de douane au 1 er
janvier 1993
5) Il annonce la protection de l’Europe sur le plan environnemental

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D-LE TRAITE DE MAASTRICHT
Ce traité a été approuvé et signé par le Chefs d’Etat Européens dans la
ville hollandaise de Maastricht le 7 février 1992. Il entrait en vigueur le 1 er
novembre 1993.
Par ce traité la citoyenneté européenne a été instituée. Il a renforcé les
pouvoir du Parlement Européen, mis en place l’Union Economique et
Monétaire (c’est-a-dire l’Europe doit avoir une seule monnaie).

E-DE LA CITOYENNETE EUROPEENNE


La citoyenneté européenne est établie par le Traité de Maastricht. Elle est
ainsi défnie :
a) Toute personne ayant la nationalité d’un Etat membre est citoyen de
l’Union
b) Tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner
librement sur le territoire des Etats membres
c) Tout citoyen de l’Union résidant dans un Eta membre dont il n’est
pas ressortissant a le droit de vote et d’éligibilité aux élections
municipales dans l’Etat membre où il réside dans les mêmes
conditions que les ressortissants de cet Etat.

F-DE L’UNION EUROPEENNE


L’Union Européenne est née de la volonté de mettre en œuvre et de
construire une paix durable. Pendant longtemps les dissensions
territoriales entre ses membres ont été á la base des guerres les plus
importantes du monde notamment les deux guerres mondiales. Ses
objectifs sont :
1) La sauvegarde et consolidation de la paix entre les européens
2) La recherche de l’unité politique
3) La création d’un marche intérieur (élimination des droits de
douanes)- Espace Schengen (la frontière est reportée á la limite du
territoire européen)
4) Le renforcement de la cohésion sociale (L’Europe doit se constituer
en un seul corps social)

L’Union Européenne comptait 28 Etats membres. Depuis 2016, la Grande-


Bretagne a entamé son processus de retrait de l’Union dans ce que l’on
appelle le « BREXIT » (abréviation de Britain Exit). Ce retrait est permis par
l’article 50 de la « Charte Européenne ». Les négociations ont duré plus de
trois ans. En octobre 2019, un accord a été trouvé. La sortie de
l’Angleterre de l’UE a démarré le 31 janvier 2020 et doit durer jusqu’au 31
décembre de cette année.

Les 27 pays membres actuellement sont : Allemagne, Belgique, Bulgarie,


Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce,
Hongrie, Irlande, Lettonie. Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays bas, Pologne,
Portugal, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, République Tchèque.

Six Etats sont candidats : Albanie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine,


Monténégro, Serbie, Turquie

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L’Union Européenne représente le 7e espace mondial en superfcie soit 4
493 712 km2 et le troisième sur le plan démographique : 512 596 403
habitants.

G-LES DOMAINES D’INTERVENTION DE L’UE


L’Union Européenne intervient dans plusieurs domaines d’activités :
agriculture, aide humanitaire et protection civile, culture, développement
et coopération, douanes, droits de l’homme et démocratie, éducation et
formation, jeunesse, emploi, politique sociale, énergie, entreprises et
industrie, environnement, fscalité, justice et droits fondamentaux,
politique régionale, marché unique, recherche et innovation, santé,
sécurité alimentaire, transports.

H-LES INSTITUTIONS DE L’UE


L’Union Européenne est administrée par plusieurs entités : La
Commission Européenne qui représente le pouvoir exécutif de l’UE. Elle
est composée de plusieurs commissaires nommés par les gouvernements.
Chaque Commissaire est responsable d’un Département d’activités
équivalent á un ministère. Ex : Commissaire aux Droits de l’Homme,
Commissaire á l’Agriculture etc. La commission est gérée par un Président
dit « Président de la Commission Européenne ». La Présidente actuelle est
l’Allemande Ursula Von der Leyen. Elle a été nommée á ce poste le 16
juillet 2019.
-Du Parlement Européen qui légifère sur toutes les questions relatives á
la vie dans l’union notamment sur tous les domaines d’interventions. Il est
composé de 705 députes connus sous l’appellation de « députés
européens ». Chaque Pays dispose d’un quota de députés par rapport á
leur démographie. Ils sont élus pour 4 ans. Les dernières élections dites
« élections européennes » ont été organisées les 25 et 26 mai 2019.
-Le Conseil des Ministres de l’Union Européenne. Il se réunit á tour
de rôle en fonction des compétences des ministres. Les ministres
négocient et adoptent la législation communautaire qu’ils doivent faire
appliquer.
-Le Conseil Européen est la plus haute instance de l’Union Européenne.
Il est composé par l’ensemble des Chefs d’Etats et de Gouvernement. Il
oriente la politique de l’Union et décide sur les grands dossiers
internationaux notamment la question du Brexit et des rapports avec les
pays non membres de l’espace Schengen.

QUESTIONNAIRE D’HISTOIRE UNIVERSELLE

1- Que signifie le terme « soviet » dans le cadre de l’Union des


Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) ?
Il s’agit d’un conseil formé par les représentants des ouvriers et des
soldats.

2- Dans le cadre de la révolution russe, deux armées


s’opposaient. Lesquelles ?
Les deux armées étaient « l’Armée Blanche » constituée par les
partisans du Tsar donc de la monarchie et « l’Armée Rouge »,

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proprement révolutionnaire, formée de paysans, d’ouvriers et de
soldats mutins.

3- Qui étaient les théoriciens du communisme international ?


L’allemand Karl Marx fut le premier á avoir esquissé de façon claire et
nette la doctrine socialiste et communiste, Toutefois cette doctrine a
été reprise par Lénine et ses disciples Léon Trotski et Joseph Staline qui
l’ont adapté á la situation russe.

4- Qu’entend ‘on par « Nouvelle politique économique » ?


Il s’agit de la politique économique mise en place dans le cadre de la
révolution russe pour pallier á la crise économique aigue qui frappait le
pays. La NEP prône un retour partiel á l’économie capitaliste en
admettant la propriété privée. Staline a mis fn á la NEP en 1928 pour
une politique orientée vers le socialisme.

5- Que s’était-il passé á la mort de Lénine ?


A la mort de Lénine en janvier 1924, deux camps revendiquèrent le
pouvoir : celui de Trotski qui voulait étendre la révolution communiste
dans le monde et ceux de Staline qui voulaient la consolider á
l’intérieur en créant un Etat socialiste fort et centralisé. Ce dernier fnit
par remporter la lutte. Trotski fut mis en minorité, dénoncé comme
traitre, exclu du Parti en 1927 puis exilé á vie en 1929.

6- Qu’appelle-t-on « Plans quinquennaux » dans le cadre de la


Révolution soviétique ?
C’est la politique de planifcation économique mise en place par Staline
pour développer l’URSS. Chaque cinq ans les actions économiques sont
orientées vers un secteur d’activités et celui-ci bénéfciera d’une
attention soutenue notamment á travers le budget de l’Etat. Il y a eu un
plan pour le développement de l’agriculture, un plan pour le
développement de l’industrie etc.

7- Qu’est-ce-que la « Collectivisation » ?
C’est une politique mise en place par Staline visant au regroupement
des fermes dans les campagnes. Les paysans agriculteurs furent
contraints de s’associer dans des coopératives agricoles et de mettre
leurs en commun pour les cultiver. C’est l’installation des « Kolkhozes »
ou fermes collectives. L’abolition de la propriété privée est donc
instituée.

8- Qu’entend ‘on par « Goulag » ?


Dans le cadre de la dictature staliniste, le goulag est un camp de
concentration où les personnes arrêtées ou condamnées pour des
activités antirévolutionnaires ou des personnes jugées trop libérales
étaient envoyées pour rééducation. Cette rééducation se faisait par le
travail constant du prisonnier au proft de l’état et par l’apprentissage,
souvent de façon brutale (famine volontaire, exposition constante aux
rigueurs du froid polaire), de la doctrine socialiste.

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9- Sur quoi se reposait l’économie capitaliste ?
L’économie capitaliste se reposait sur « la loi de l’ofre et de la
demande ». Celle-ci signife pour qu’il n’y ait pas de crise en régime
capitaliste, il faut qu’il y ait équilibre constant entre l’ofre et la
demande.
L’ofre est constitué par l’ensemble de la production d’une entreprise
lequel est destiné au marché c’est-á-dire destiné á être vendu. La
demande est constituée, quant á elle, par l’ensemble des acheteurs.

10-Quelles sont les deux types de crise du système économique


capitaliste ?
Quand il y a dérèglement ou déséquilibre entre l’ofre et la demande cela
peut donner naissance á deux types de crise économique : crise de
surproduction et crise de de sous-production. Les conséquences sont les
mêmes : elles génèrent de l’infation c’est-á-dire la dévaluation de la
monnaie, elles augmentent le taux de chômage et par voie de
conséquence la misère, elles créent la famine etc.

11-Pourquoi dit-on de la crise de 1929 qu’elle a été une crise de


surproduction
Elle est ainsi dénommée parce que l’ofre était supérieur á la demande.
Durant la période allant de 1922 á 1929, les usines de tous les pays
capitalistes produisaient tellement de marchandises (biens) qu’elles
n’avaient pas trouvés d’acheteurs et c’est l’origine de la crise.

12-Pourquoi la crise de 1929 encore appelée « octobre noir » a-t-


elle été une crise mondiale ?
La crise de 1929 fut une crise mondiale parce qu’elle a frappé
successivement tous les pays capitales. Les pays capitalistes étant liées
par le système fnancier international et le système des « trusts » qui
consistent pour une même entreprise á avoir des succursales dans
plusieurs pays (entreprise multinationale). Par conséquent, un problème
qui arrive á l’un des pays se propagera dans les autres.
La crise a pris naissance á New-York et quelques plus tard gagne Londres,
Paris, Rome, Berlin, Tokyo qui ont été les plus grandes villes de l’époque.

13-Qu’est-ce le New Deal ?


Ainsi appelée la politique développée aux Etats-Unis sous l’égide du
Président Theodore Roosevelt et qui a permis á mettre fn á la crise de
1929. Cette politique consiste par l’intervention de l’Etat dans l’économie
où celui-ci réglemente et contrôle les activités pour éviter la
surproduction. L’Etat américain se lance aussi dans la création d’emplois
par l’ouverture des grands chantiers nationaux.

14-D’où vient la doctrine fasciste ?


Le fascisme est né en Italie en 1919. Le terme est un dérivé du mot italien
« fasci » signifant faisceau. Benito Mussolini défnit le « Parti Fasci »
comme un parti garant de l’ordre et du respect de la grandeur de l’Etat. Le
fascisme s’apparente au nationalisme. Pour le fasciste, tout est dans l’Etat
et rien ne peut se faire en dehors de lui.
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15-Dans le cadre de l’Allemagne, pourquoi parle-t-on de
« République de Weimar » (se prononce Vaillemar) ?
C’est parce que après la chute de Guillaume II, les constituants allemands
s’étaient réunis dans la petite ville de Weimar pour élaborer la nouvelle
constitution devant mettre en place la république. D’où le nom de
« République de Weimar ».

16-Quel fut le principal objectif du Parti Nazi créé par Adolf


Hitler ?
Adolf Hitler se nourrit de l’idée que l’Allemagne n’avait pas perdu la
première guerre mondiale mais qu’elle a été trahie. D’où la thèse du «
coup de poignard dans le dos » qui fut á la base de son mouvement. Son
objectif principal était se laver la souillure faite á l’Allemagne par les
forces de l’Entente.

17-Pourquoi dit-on que le régime mis en place par Hitler fut un


régime totalitaire ?
Durant son règne (1933-1945), Hitler mis en place une dictature totale en
Allemagne. Partis et syndicats sont interdits ; les nazis sont présents
partout. Toutes les contestations sont interdites. L’individu n’existe que
pour servir l’état. Toutes les libertés sont interdites. Les opposants sont
arrêtés et envoyés dans des camps de concentration.

18-Qui était la « Gestapo » ?


On entend ainsi le nom attribué á la police politique allemande. Son a été
de procéder aux arrestations de tous les opposants, de mettre á exécution
« la solution fnale » en organisant les rafes des juifs, d’administrer les
camps de concentration et de toute autre tache visant á perpétuer le
régime hitlérien.

19-Pourquoi la SDN a-t-elle échouée dans sa mission de protection


de la paix ?
Le Traité de Versailles ayant fondé la Société Des Nations (SDN) lui avait
donné une mission sans moyens. Face á la montée du fascisme et du
nazisme et de la guerre civile en Espagne, la SDN était impuissante. Elle
utilisait la diplomatie quand les belligérants allemand et italien utilisaient
eux la diplomatie canonnière.

20-Quelles ont été les forces en présence durant la Seconde


Guerre Mondiale ?
Durant la Deuxième Guerre Mondiale deux forces politico-militaires
s’afrontaient :
1) Les Forces de l’Axe composées de l’Allemagne, l’Italie, le Japon
2) Les Forces Alliées composées de la France, l’Angleterre qui ont été
rejointes plus tard par les Etats-Unis et l’URSS

21-Quelle a été la cause immédiate ou occasionnelle de la


Deuxième Guerre Mondiale ?

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La cause immédiate de la Deuxième Guerre mondiale fut l’invasion de la
Pologne par les troupes allemandes le 1er septembre 1939.

22-Qu’entend ‘on par « Guerre éclair ou Blitzkrieg » ?


Il s’agit de la stratégie de guerre élaborée par l’armée allemande en
utilisant en premier l’aviation pour bombarder l’ennemi avant de faire les
attaques au sol. Il s’agit de prendre l’ennemi par surprise là où il ne
s’attendait pas. Cette stratégie a été payante car en quelques mois
l’armée française a été défaite et deux millions de soldats furent faits
prisonniers.

23-Que s’était-il passé le 22 juin 1941 ?


Le 22 juin 1941, l’Allemagne attaque l’URSS par surprise et remporte une
série de victoire sur l’Armée Rouge. Le nom de code de cette opération est
« l’Opération Barbarossa ».

24-Qu’entend ‘on par « Espace vital » dans le cadre du régime


nazi ?
Dans la conception hitlérienne le territoire d’un pays ne doit pas rester
fgé. La population a toujours besoin d’espace et par conséquent le
territoire d’un Etat doit s’agrandir au rythme de l’augmentation de sa
population.
Cette conception de l’espace incite donc l’Allemagne á être toujours en
guerre contre les autres états qui sont considérés comme des parias et
dont leur population devraient être au service (esclaves) des allemands
qui sont des aryens c’est-a-dire issus de la race la plus pure, celle qui doit
commander les autres.

25-Que s’était-il passé le 6 juin 1944 ?


Cette date rappelle le débarquement de Normandie c’est-á-dire une
opération militaire conçue depuis l’Angleterre par les Alliées pour pouvoir
se débarquer au Nord de la France occupée par l’Allemagne.

26-Qu’appelle-t-on « Conférence de Yalta » ?


On entend ainsi la conférence politico-militaire qui a eu lieu du 4 au 11
février 1945 dans la ville Yalta (ville de l’URSS) et qui réunissait les trois
grandes puissances alliées de l’époque : Angleterre, Etats-Unis et l’URSS.
A l’issue de cette conférence, il a été décidé que l’Allemagne serait divisée
en quatre zones : américaine, soviétique, anglaise et française.

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