Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Former l’enfant-combattant 20
L’épreuve du feu 83
Porter témoignage 92
Conclusion 204
Notes 207
Bibliographie 231
« Enfants-soldats » ou « ado-combattants » ?
Pour une histoire longue de l’enrôlement
précoce
Pour mieux comprendre les enjeux, les outils et les méthodes de cette
militarisation impulsée par l’État révolutionnaire, il est besoin de
s’attarder un instant sur le système de représentations qui s’attachait alors
au problème de l’éducation de l’homme et de l’enfantVI. D’après les
idées de l’époque, l’homme était avant tout un être mû par des passions.
Celles-ci pouvaient être bénéfiques ou nuisibles, utiles ou dangereuses,
nobles ou basses, moins par leur nature que par leur organisation. La
tâche sociale primordiale était de bien doser l’application de ces passions
sur les corps, de combiner avec art leurs effets, de savoir les stimuler ou
les restreindre avec précision en vue du résultat vouluVII.
Ce travail de formation humaine était de l’ordre de la mécanique ; il
était donc accompli au moyen de différents ressorts. Quiconque voulait
agir sur les passions humaines devait d’abord trouver – inventer,
découvrir, créer – le ressort adéquat, puis l’installer dans le corps du sujet
et l’utiliser avec adresse. Quels étaient ces ressorts ? Il s’agissait
notamment de récompenses et de punitions, de privilèges et de
préjudices, d’éloges et de blâmes qui opéraient sur le sens de l’honneur,
de la honte et notamment sur l’ambitionVIII. Les intérêts matériels,
l’exercice physique, les punitions corporelles savaient aussi jouer un rôle
dans l’économie des passions et faisaient partie de « l’outillage » qui
permettait d’opérer la machine humaine. Une étude parue en 1815 et
largement répandue analysait le problème des récompenses publiques
d’après la logique de l’émulation. Il concluait :
« Le désir de s’élever sur autrui – connu couramment sous le nom
d’ambition – est une passion naturelle dans l’homme. Tout gouvernement
prudent doit l’exciter et la mettre à l’œuvre s’il veut toutefois compter sur
le soutien d’un grand nombre de collaborateursIX. »
Pour produire des effets véritablement transcendants, ce type de ressort
devait être assemblé avec d’autres, montés dans des machines complexes
telles que des institutions sociales, des clubs, des ordres, des écoles, des
organisations militaires, des formes étatiques. L’État devait donc
transformer les nouveaux citoyens, les façonner de manière à former un
corps collectif capable d’assurer le triomphe de la Révolution. Les
nouveaux hommes devaient, littéralement, être fabriqués d’après un
nouveau modèleX. Cet idéal, cette image, ce moule dans lequel on allait
verser les générations futures était la version la plus achevée du soldat
vertueux : le citoyen-guerrier. Il était orné de toutes les vertus militaires
et républicaines : courage, honneur, subordination, sacrifice de soi.
Les fils de la patrie devraient être éduqués en conséquence, puisqu’ils
seraient désormais jugés d’après leur conformité avec le nouveau
modèleXI. Mais le citoyen-guerrier était également habité par des
passions spécifiques : le désir de gloire, l’esprit d’émulation, le goût du
combat. Celles-ci devaient être l’objet non pas d’une éducation, mais
d’une véritable formation où l’on façonnait et le corps et l’esprit. L’élite
révolutionnaire entreprenait ainsi une tâche plus proche de l’ancienne
paideia des Grecs que des systèmes éducatifs modernesXII. Elle ne se
contentait pas de transmettre des savoirs, des contenus et des techniques
spécifiques. Elle prenait en charge la création d’une nouvelle génération
caractérisée par une nouvelle manière d’être : par un nouvel ethos.
Former l’enfant-combattant
Enfants-soldats et guerres
mondiales : une légitimité en débat
L ’expérience des deux guerres mondiales a sans doute joué plus
qu’on ne pourrait le penser de prime abord dans la construction
occidentale de la figure de l’enfant-soldat. Le terme commence d’ailleurs
à être utilisé, avec parcimonie, après la Grande Guerre, même si on lui
préfère encore celui « d’enfant-héros », aux confins de la réalité et de la
fiction littéraire. Les guerres mondiales entérinent officiellement la sortie
du champ de bataille de l’extrême jeunesse : les écoles d’enfants de
troupes disparaissent juste avant la Grande Guerre et, contrairement aux
conflits du XIXe siècle, la guerre devient exclusivement une affaire
d’adultes. En théorie, du moins. En pratique, au contraire, on constate
pendant la Première Guerre mondiale le maintien d’une certaine porosité
entre le front et l’arrière et, par là, la diffusion après-guerre d’une image
ambiguë de l’enfant-soldat, moitié héros, moitié martyr innocent. Mais
c’est sans aucun doute la mémoire de la Seconde Guerre mondiale qui
contribue à cristalliser une image désormais négative, et exclusivement
négative : qui sont les derniers enfants-soldats du front occidental ? Les
jeunes enrôlés de la dernière armée d’Hitler. Pour nous, public
occidental, la principale référence récente d’enfants-soldats engagés sur
le sol européen est celle des jeunesses hitlériennes, incarnées par la
dernière photographie d’Hitler vivant, décorant quelques Hitlerjugend
blessés au cours de la défense de Berlin. Le poids historique de cette
image n’est certainement pas nul dans la représentation actuelle de
l’enfant-soldat, presque toujours présenté comme enrôlé de force et
victime de régimes « totalitaires », alors même que les adolescents
allemands étudiés ici sont le plus souvent des volontaires, contraints bien
sûr, mais idéologiquement.
Chapitre 4
L’épreuve du feu
Porter témoignage
En 1987, Wilhelm Körner tomba dans le Zeit sur une annonce passée
par le romancier Walter Kempowski qui était à la recherche de journaux
intimes et de lettres rédigés pendant la guerre. Körner, après avoir assisté
à une lecture publique du célèbre auteur, décida d’exhumer son propre
journal de guerre et de le lui envoyer. Après une carrière de trente-deux
ans passée dans les écoles secondaires de Bremerhaven, Wilhelm eut un
choc en relisant la sage écriture gothique de son journal d’adolescent et
en redécouvrant un garçon dont les convictions passionnées étaient si
éloignées de celles qu’il partageait à présent. « J’aurais vraiment
souhaité », écrit-il dans sa lettre explicative, « avoir eu des opinions
différentes à l’époque, ne pas être dupe de ce régime désastreux, le
combattre sur un plan spirituel. » Mais au lieu de cela, membre
enthousiaste de la Jeunesse hitlérienne, il s’était engagé dans le
Volkssturm et avait continué à mettre ses espoirs dans des armes
miraculeuses jusqu’à la défaite finale du Troisième Reich. Il y a un trou
dans son journal à la fin de la guerre : il lui fallut une semaine avant de
parvenir à reprendre la plume et laisser libre cours à sa tristesse le 16 mai
1945 :
« Le 9 mai comptera assurément parmi les jours les plus sombres de
l’histoire allemande. Capitulation ! Nous, jeunes d’aujourd’hui, avions
rayé ce mot de notre vocabulaire, et à présent nous sommes contraints de
voir le peuple allemand rendre les armes après presque six années
d’encerclement. Et avec quel courage notre peuple a-t-il supporté toutes
les difficultés et tous les sacrificesIV ! »
Et cela continue sur des pages et des pages. Elles ne sont peut-être que
l’écho des banalités proférées à l’époque, des mots entendus à la radio, à
l’école, au sein de la Jeunesse hitlérienne, dans sa famille. Lui et ses amis
n’avaient cessé de les répéter et ils avaient continué à façonner ses idées
et ses sentiments après que la voix de Goebbels sur les ondes s’était tue.
Il appartenait à une génération de jeunes Allemands nés à la fin des
années vingt et au début des années trente, formés dans la Jeunesse
hitlérienne, les batteries antiaériennes de la Flak et le Volkssturm.
Wilhelm Körner y avait cru et aurait été prêt à leur sacrifier sa vie.
En janvier 1945 Werner Kolb fêta ses seize ans, et apprenant la
nouvelle de la percée soviétique en Pologne, il se mit à rêver de partir
pour le front, alors qu’il tuait le temps sur une base aérienne de seconde
zone à Immenbeck, où l’activité principale consistait à espérer que les
immenses flottes de bombardiers alliés passeraient dans le ciel sans les
remarquer. Lui aussi confiait ses sentiments à un journal intime,
remarquant avec regret :
« Chacun a un désir secret, qu’une fille l’aime, ou tout autre genre de
secret. Voici le mien : rejoindre le combat quelque part, sur n’importe quel
front de cette grande guerre, pour toi, Führer, et pour ma patrie… »
Dix jours plus tard, il eut sa récompense : sa compagnie d’auxiliaires
des forces aériennes fut remplacée par des filles remplissant leur
obligation de Service du travail du Reich. Alors que ces filles revêtaient
les uniformes délaissés par les garçons et les remplaçaient à leur poste
d’auxiliaire pour qu’ils puissent rejoindre le Volkssturm, elles devaient à
leur tour prêter serment de loyauté au Führer, dans une forme
d’exhortation nationaliste évoquant les appels catholiques au Christ : « Je
jure loyauté et obéissance à Adolf Hitler, le Führer et le Commandant-
en-chef de la WehrmachtV… »
Les adolescents garçons n’étaient pas les seuls à servir dans l’armée.
Les historiens du genre commencent pour la première fois à s’intéresser
au rôle joué par les jeunes femmes dans les forces armées allemandes,
principalement dans la Croix-Rouge où elles étaient quatre cent mille,
mais aussi dans les communications. Au milieu de la guerre, quelques
vingt-deux millions d’Allemands appartenaient à leur Association locale
de Défense aérienne (Reichsluftschutzbund) : en grande majorité des
femmes, dont six cent vingt mille chargées de l’organisation. Lorsque le
Haut Commandement de la Wehrmacht annonce le 5 septembre 1944 que
les jeunes femmes servant dans les communications ou la flak devaient
être considérées comme des « combattantes », cela finit de détruire un
pilier du credo patriotique allemand de l’époque : le principe selon lequel
les hommes combattaient à « l’extérieur », sur le « front », pour protéger
les femmes et les enfants « à l’intérieur ». Parmi les cinq cent mille
femmes servant d’auxiliaires à la Wehrmacht, trois cent mille furent
affectées aux forces de l’air ; nombre d’entre elles étaient des
adolescentes membres du Bund Deutscher Mädel [BDM] ayant repris les
postes précédemment occupés par les garçonsVI. Quand l’Allemagne
envahit l’Union soviétique en juin 1941, l’un des premiers films
d’actualité sur le sujet montrait une série de visages d’hommes de type
« asiatique » en gros plan, avant de s’attarder sur une femme russe blottie
au sol : « une terroriste bolchevique en uniforme » proclamait le
commentateur. Comme la propagande visait à opposer l’image idéalisée
de l’épouse et de la mère allemande à celle de la femme russe des
steppes, cruelle et sauvage, c’est cette dernière, plutôt que les autres
prisonniers, qui fit l’objet de discussions passionnées à la sortie du
cinéma. Si l’on en croit les rapporteurs de la police de sécurité, le souhait
était maintes fois exprimé de « ne pas autoriser ce type de créatures à
vivre ». Cette image forte de la corruption communiste de l’attachement
naturel de la femme à son foyer avait en réalité déjà commencé de
s’éroder en Allemagne, où il y avait désormais plus de femmes étudiantes
ou ayant un emploi qu’au moment de la prise du pouvoir par Hitler. À
l’été 1942, des femmes engagées dans la défense antiaérienne civile
furent pour la première fois recommandées pour la remise de médailles
militaires, et un an plus tard, même le terme « Opfer » – avec son double
sens de victime et de sacrifice – jusqu’ici jalousement réservé à l’honneur
rendu aux militaires hommes, commença à s’appliquer aux civilsVII.
Et cette volonté farouche de porter témoignage, au plan personnel
autant que national, séduisait aussi puissamment les filles que les
garçons. Au début de l’année 1945, Ruth Reimann se trouva à court de
papier pour rédiger son journal et trouvait l’album art nouveau que lui
avait offert sa tante beaucoup trop raffiné pour qu’elle le gâche avec ses
préoccupations « profanes » d’adolescente. Au lieu de cela, elle colla sur
la couverture une photo du Führer dans une pose inspirée au milieu des
montagnes et inscrivit en face les plus beaux mots qu’elle connût : il
s’agissait de « Prière », un texte écrit par l’ancien poète ouvrier et
nationaliste Hermann Claudius :
Herrgott, steh dem Führer bei
daß sein Werk das deine sei.
Seigneur, soutenez le Führer
Que son travail soit le vôtre
Que votre travail soit le sien
Seigneur, soutenez le Führer
Seigneur, soutenez-nous tous
Que son travail soit nôtre
Que notre travail soit le sien –
Seigneur, soutenez-nous tous.
Comme il seyait à un membre de la Ligue des Filles allemandes de la
ville de Burg, elle ajouta les paroles légendaires de la reine Louise de
Prusse prononcées à l’encontre de Napoléon :
« Pour moi, l’Allemagne est la chose la plus sacrée que je connaisse.
L’Allemagne est mon âme. Elle est ce que je suis et ce que je dois avoir
pour être heureuse… Si l’Allemagne meurt, alors je meurs aussiVIII. »
Pour les adolescents garçons, le passage vers le service militaire suivit
une chronologie parallèle à celle des femmes adultes. Il a deux points de
départ situés au début de l’année 1943, au moment de la défaite
allemande à Stalingrad. La première décision en vue de lever une
division de Waffen-SS entièrement composée de membres de la Jeunesse
hitlérienne fut prise par le général SS Gottlob Berger et par Heinrich
Himmler en janvier. Avec le consentement de Hitler, la SS commença à
recruter une division de la Jeunesse hitlérienne parmi les garçons de
seize/dix-sept ans. Dès septembre 1943, plus de seize mille recrues
avaient reçu un entraînement de base et l’unité fut baptisée « SS
Panzergrenadier Division Hitlerjugend », les jeunes gens recevant des
bonbons à la place des rations habituelles de tabac et d’alcool. Elle allait
continuer à grossir pour atteindre vingt mille hommes et devenir la
12e Panzerdivision d’élite de la SS Hitlerjugend, qui allait prendre part
avec acharnement aux combats en Normandie, subir 42 % de pertes et
protéger le retrait de la 7e armée de la poche de Falaise ; elle participerait
à nouveau aux combats dans les Ardennes et en HongrieIX. Bien que
cette division ne représente qu’une proportion relativement modeste des
adolescents allemands, elle symbolisait la bravoure et le sacrifice de la
jeunesse, bien avant le massif appel aux armes de l’automne 1944 ; et il
se peut qu’elle ait renforcé l’attrait de la Waffen-SS, incitant des jeunes
comme le futur romancier de gauche, Günter Grass, à s’enrôler
volontairement en 1944-1945X.
L’itinéraire qui mena Günter Grass vers la Waffen-SS trouve son
origine dans une seconde décision également prise dans l’après-coup de
la défaite de Stalingrad. Le 15 février 1943, trois jours avant le fameux
discours de Goebbels sur la « guerre totale », les premiers groupes de
garçons nés en 1926 et 1927, sortis des sections 6 et 7 des grandes
classes, furent recrutés comme auxiliaires des forces navales et aériennes
pour servir sur les batteries antiaériennes protégeant les villes, les
défenses côtières et les terrains d’aviation. Cela avait socialement un
impact bien plus important que la Division de la Jeunesse hitlérienne. Ils
furent si nombreux à rejoindre les batteries antiaériennes que la levée
dans sa totalité fut souvent surnommée la « génération Flakhelfer »,
même si en réalité ce sont les enfants des classes moyennes issus des
lycées qui étaient principalement concernés. Ces deux premières cohortes
comptaient parmi elles les futurs acteurs Walter Sedlmayer et Peter
Alexander, tous deux nés en 1926 ; ainsi que Niklas Luhman de
Lüneburg, Hand-Dietrich Genscher de Riedeburg en Saxe, et le
séminariste quelque peu réticent Joseph Ratzinger de Traustein en
Bavière, tous trois nés en 1927. À la fin de la guerre, ce sont les jeunes
gens nés en 1929 et 1930, tels Jürgen Habermas et Helmut KohlXI, qui
seront mobilisés.
Bien qu’ils n’aient pas pu le savoir à l’époque, le début de leur service
coïncidait avec le lancement par la Royal Air Force de sa campagne de
bombardement stratégique sur les villes de la Ruhr et de la Rhénanie en
mars 1943, si bien que pour ceux qui étaient basés dans le nord ou l’ouest
de l’Allemagne il y aurait un laps de temps très court entre
l’entraînement et la réalité des combats. Le 24 juillet 1943, Klaus Seidel,
âgé de seize ans, était de service sur une batterie antiaérienne au
Stadtpark de Hambourg. Juste avant une heure du matin, la batterie entra
en action au moment où six vagues de bombardiers passaient dans le ciel.
L’attaque dura 58 minutes. Survolant la ville du nord au sud, les 740
avions déversèrent 1 346 tonnes d’explosifs puissants et 938 tonnes de
bombes incendiaires, tandis que les batteries de la Flak projetaient 50
000 munitions dans la nuit. À trois heures du matin, Klaus Seidel fut à
nouveau appelé, cette fois-ci pour combattre les incendies à la Stadthalle.
Renfilant à la hâte pyjamas, survêtements, casques d’acier et bottes, lui et
ses camarades essayèrent de sauver des marchandises des flammes à
l’aide de lances à incendie. Heureusement, un autre garçon l’avait
aspergé pour rire et cela le protégea des flammèches qui se détachaient de
la charpente en feu. Comme devait l’écrire Klaus à sa mère plus tard le
même jour, il était si inexpérimenté qu’il avait d’abord voulu se rendre
sur l’incendie en sandales. Une heure et demie plus tard ils s’en
retournaient à la batterie antiaérienne, et Klaus, encore mouillé,
accomplit diverses missions jusqu’à six heures du matin. Selon une
estimation de la police, 10 289 personnes furent tuées cette nuit-là. Après
trois heures de sommeil, Klaus Seidel était à nouveau à son poste, à
préparer les canons antiaériens avant la prochaine attaque.
Après deux jours de raids aériens de moindre importance, le 27 juillet,
722 bombardiers, venus de l’est cette fois-ci, ciblèrent des quartiers qui
étaient jusqu’ici restés pratiquement intacts : Hammerbrook,
Rothenburgsort, Borgfelde, Hamm, Hohenfelde, Billwärder et St Georg.
Des dizaines de milliers de petits foyers se rejoignirent pour former un
incendie général facilement visible pour les vagues suivantes d’attaques
aériennes. Des conditions météorologiques capricieuses et la chaleur
intense engendrée par les bombes au phosphore transformèrent
l’immense incendie en une tempête de feu gigantesque. Ceux qui étaient
restés dans leur cave ou leur abri antiaérien risquaient soit d’être
asphyxiés par le monoxyde de carbone, soit de mourir calcinés ; ceux qui
s’étaient enfuis risquaient de se faire piéger par le revêtement en fusion
des routes et de mourir brûlés, ou d’être ensevelis sous les façades des
immeubles qui s’effondraient. Cette nuit-là fit 18 474 nouvelles
victimesXII.
Pendant la journée, Klaus partit à la recherche de ses grands-parents.
Ne les trouvant pas, il commença à fouiller les décombres de leur maison
pour s’assurer qu’ils n’y avaient pas trouvé la mort. Il insista auprès de sa
mère pour qu’elle ne quitte pas sa maison de vacances à Darmstadt.
Pendant ce temps-là, les victimes des bombardements affluaient au
Stadtpark pour se servir sur les piles de pain déversées par de grands
camions. Klaus Seidel était catastrophé par la façon dont les réfugiés
gâchaient la nourriture qui leur était fournie ; il découvrit des boîtes de
conserve de viande à moitié pleines jetées dans des buissons et des tas de
prunes qui pourrissaient à même le sol. Suite au traumatisme des
bombardements, les réfugiés avaient oublié toutes les règles de
rationnement et de frugalité en temps de guerre. Tandis qu’il les aidait à
transporter ce qu’ils avaient pu sauver de leurs biens, il fut surpris et gêné
de constater qu’ils s’attendaient à devoir le payerXIII.
Durant la nuit du 29 au 30 juillet, la RAF revint survoler une nouvelle
fois la ville de Hambourg, tuant 9 666 habitants supplémentaires. Cette
nuit-là, Klaus put écrire à sa mère sans l’aide de bougies, sa feuille de
papier suffisamment éclairée par la lueur rouge du « nuage de feu ». Le
31 juillet, Klaus eut enfin le temps, en dehors de son service, d’aller
vérifier que l’appartement de sa mère était intact et de transporter à la
cave les objets de valeur de la famille, et ceux de leurs voisins. C’était
comme si tous les entraînements effectués dans sa famille nazie, à
l’école, au sein de la Jeunesse hitlérienne et à la Flak l’avaient
précisément préparé à ce moment. Il prétendait ne pas comprendre
pourquoi ses voisins voulaient partir, affirmant suivant une froide logique
que puisque tout autour d’eux avait été détruit, leur immeuble était
désormais entouré d’un coupe-feu qui le rendait plus sûr
qu’auparavantXIV.
Dans ses lettres, Klaus s’efforçait de maintenir le ton égal qui
convenait à un jeune homme de seize ans revêtant l’uniforme pour la
première fois. Jamais il ne faisait mention d’un cadavre ou n’avouait sa
propre peur ou celle de ses camarades – hormis de manière indirecte
quand il déclare avoir eu besoin de fumer pour supporter un nouveau
bombardement – mais c’était là une pratique militaire acceptable. Son
récit est plus sec et moins chargé d’émotions que le rapport confidentiel
du préfet de la police municipale. Quand Klaus Seidel voulait faire savoir
à sa mère ce qu’ils avaient enduré, il citait l’Oberleutnant de sa batterie
antiaérienne qui assurait que le bombardement de Hambourg était pire
que tout ce qu’il avait vécu pendant les campagnes de Pologne et de
FranceXV.
Ce qu’il en coûtait à ces adolescents d’adopter une telle attitude de
froide retenue est impossible à évaluer, mais ils y parvenaient grâce au
sentiment d’avoir enfin atteint l’âge adulte, d’être entrés dans le monde
des hommes, de réaliser un rêve longuement nourri au cours de leurs
années dans le Jungvolk et la Jeunesse hitlérienne. L’épreuve du feu avait
rendu leur uniforme sacré, les avait fait sortir du monde des adolescents.
Ils regardaient avec dédain désormais ceux qu’ils venaient de quitter si
récemment. Lorsque Klaus apprit que des jeunes des Hitlerjugend
avaient reçu la Croix de fer (2e classe) parce qu’ils avaient éteint des
bombes incendiaires, on le surprend à perdre son sang-froid pour la
première fois dans sa correspondance avec sa mère : « N’importe qui
peut éteindre une bombe incendiaire, pestait-il, mais lorsque l’opérateur
radio crie “largage de bombes”, il faut faire preuve d’un autre genre de
force pour continuer son travail dans le calme. » Klaus ne cessait de se
dire que bon nombre de ses capacités de survie avaient été affûtées au
sein du mouvement de jeunesse. Sans hésitation aucune, alors que le gaz,
l’eau, l’électricité et le téléphone étaient coupés, il s’était baigné dans le
lac qui se trouvait au milieu du Stadtpark comme s’il se trouvait dans un
camp d’été. Mais Klaus Seidel était encore pour moitié un enfant, qui
devait continuer une scolarité normale. Avant le début des raids aériens,
il s’était inquiété de ne pas pouvoir trouver un adulte pour signer son
bulletin scolaire de fin d’année. Et même au cours de la première nuit et
du premier jour de bombardement il ne put s’empêcher de penser à
l’avion en modèle réduit qu’il était en train de construire à l’écoleXVI.
La croyance au sacrifice
Servir l’Allemagne
Quel qu’ait été le fossé ouvert dans les derniers mois et jours de la
guerre entre les parents et leurs enfants, les jeunes n’étaient pas les seuls
à être la proie des illusions et de la tromperie. La puissance étatique se
désintégrant, cette destruction n’aurait pas pu se produire sans le
consentement tacite et la coopération de longue date de beaucoup de
gens, y compris, très souvent, la propre famille des adolescents en
question, leurs amis et voisins, les responsables de la jeunesse, les
enseignants et la communauté locale. Cet extraordinaire volontarisme
trouve une partie de son explication dans la manière même dont sa
montée en puissance fut mise en œuvre. En septembre 1939, les membres
de la BDM et de la Jeunesse hitlérienne se rassemblaient pour aller à la
rencontre des trains ramenant les évacués de la frontière avec la France
vers la Sarre. En 1940, ils ramassaient d’énormes quantités d’orties et
d’herbes médicinales, recyclaient le métal, le papier et même les os
d’animaux. En 1941-1942, ils collectaient des vêtements pour les soldats
sur le front de l’Est. En 1943 et en 1944, ils n’aidaient pas seulement à la
défense antiaérienne, mais participaient aussi à d’autres formes de
défense civile : luttaient contre les incendies, servaient à la soupe
populaire, aidaient les victimes des bombardements à rassembler leurs
effets personnels ; à nouveau, des groupes de jeunes se rendirent dans des
gares provinciales pour accueillir les évacués des grandes villes. Ces
activités ciblées étaient évidemment utiles, bien préférables à ces bandes
de jeunes qui traînaient dans les rues après le couvre-feu, suscitant les
inquiétudes des adultes qui soupçonnaient ces adolescents de relations
sexuelles ou d’abus d’alcool. Déjà en février 1943, des parents avaient
accepté que leurs fils de quinze ans puissent servir sur les batteries
antiaériennes le long des côtes de la mer du Nord ou dans des villes
comme Essen, Berlin ou Hambourg. De nouveau en 1944, la majorité des
parents ne s’opposa pas à ce que leurs enfants se portent volontaires pour
la conscription de la Jeunesse hitlérienne. Les levées militaires ne
constituaient pas un brusque revirement, elles avaient été préparées de
longue date par une série de mobilisations de moindre envergure, de
campagnes de défense civile qui servirent à légitimer le déploiement des
jeunes aux yeux de l’ensemble de la sociétéXXII.
Un certain nombre de mesures permirent de cacher à ces jeunes la
tournure désastreuse que prenait la guerre. À partir de l’automne 1943,
des écoles entières furent évacuées des villes bombardées pour être
installées dans des châteaux ou des monastères à la campagne,
préservant, voire renforçant, ce sentiment d’appartenance que la Jeunesse
hitlérienne avait toujours encouragé. Protégés de la guerre par la
solidarité que procuraient ces camps d’évacuation KLV
[Kinderlandverschickung], de nombreux adolescents continuèrent de
croire en la promesse de victoire finale jusqu’à une date très avancée. Le
24 avril 1945, alors que la bataille faisait rage dans les rues juste au-
dessus, l’écrivaine Ursula von Gebhardt découvrit que dans la cave où
elle se trouvait, un garçon de douze ans avait du mal à croire que
l’Allemagne était en train de perdre la guerre et que les Russes étaient
déjà entrés dans Berlin : il venait de rentrer d’un camp d’évacuation
KLVXXIII.
De même, le déploiement militaire des divisions de la Jeunesse
hitlérienne fut retardé parce que leurs effectifs étaient considérés comme
potentiellement plus utiles que les hommes d’âge moyen ou
militairement inaptes qui avaient été enrôlés dans le Volkssturm à la
même période. Ce sont eux dont les vies furent dilapidées pour la défense
des provinces allemandes de l’Est, en janvier, février et mars 1945 : au
moins deux cent mille périrent, avec un taux de pertes atteignant à
certains endroits 80 %. Il s’agissait de tenir les adolescents en réserve
jusqu’à ce qu’ils aient reçu un entraînement approprié, et rejoignent les
rangs de la SS et de la Wehrmacht. Mais ces facteurs, à eux seuls ne
suffisent pas à expliquer l’empressement des adolescents allemands à
s’engagerXXIV.
À la lecture des journaux et mémoires rédigés par les adolescents eux-
mêmes, on est étonné de constater qu’ils ont continué à considérer,
jusqu’à une date très avancée dans la guerre, le service militaire comme
une sorte d’accession à une majorité longuement désirée, un classique
rite de passage. Heinz Müller n’avait pas été mis à l’abri des
bombardements des villes de la Ruhr, mais il avait échappé aux batailles
pour la rive occidentale du Rhin. On est surtout frappé par le fait que le
service militaire ait pu exercer son charme romantique aussi longtemps,
jusqu’en mars-avril 1945, alors que le moral général en Allemagne était
au plus bas et que cette même année mouraient dix mille soldats
allemands par jour en moyenne. L’entraînement au maniement de la
mitrailleuse, de la grenade à main et du Panzerfaust en 1944-1945
correspond à une période où les changements subjectifs internes étaient
aussi importants pour le vécu des adolescents que les événements
extérieurs. Heinz Müller trouva le temps de tomber amoureux. Pourvus
de bicyclettes et chargés de collaborer chaque soir avec une unité de la
Wehrmacht dans la ville voisine de Haltern, Heinz et son ami Gerd
étaient dispensés de service normal ; et Heinz ne tarda pas à mettre au
point un stratagème où Gerd lui servait de couverture pendant qu’il
voyait la fille d’un paysan du coin rencontrée pendant une alerte
antiaérienne. Le printemps venu, il faisait à bicyclette les douze
kilomètres jusqu’à Haltern, transporté de joie à l’idée de la voir, de lui
tenir la main et, après l’avoir régalée des mets préparés par sa mère, de
lui faire un baiser d’adieu sous les arbres fruitiersXXV.
Au cours du mois de mars, les forces britanniques et américaines ayant
traversé les parties moyennes et inférieures du Rhin commencèrent à
encercler les villes de la Ruhr. De nombreuses unités du Volkssturm
abandonnèrent purement et simplement leur brassard et leur équipement
dérisoire pour s’en retourner chez eux. Cependant, sous le
commandement de sous-officiers, certains bataillons de la Jeunesse
hitlérienne n’étaient pas encore prêts à se rendre. Ils s’enfoncèrent dans
les bois et les collines en direction de l’est pour tenter d’échapper aux
Américains. À Lavesum, l’histoire d’amour naissante de Heinz fut
brutalement interrompue le 28 mars, quand il apprit que les Américains
avaient atteint Haltern, où vivait sa petite amie. Alors que les trois cent
soixante garçons de la Ruhr quittaient leur camp persuadés qu’ils allaient
enfin avoir l’occasion de venger les bombardements de leurs villes, des
soldats en fuite rencontrés en chemin leur conseillèrent de se débarrasser
de leur lourds lance-grenades antichars, ou Panzerfaüste. Ces derniers ne
leur seraient d’aucune utilité contre les filets qui avaient été installés sur
les tanks. Mais ces adolescents de quinze ou seize ans ignorèrent ce sage
conseil, et parcoururent encore quarante-cinq kilomètres dans la nuit en
traînant leurs fusils et leurs grenadesXXVI.
Les commandants américains ont souvent cité le « fanatisme » de la
Jeunesse hitlérienne comme constituant l’une des pierres d’achoppement
de leurs opérations de nettoyage ; ainsi, à Hamm, site d’un important
nœud ferroviaire, la 9e armée américaine tomba sur un « essaim »
d’unités du Volkssturm. À la sortie du village d’Oberdorf dans le district
de Aalen, un jeune lieutenant SS ordonna à sa troupe composée de
garçons âgés de quatorze à seize ans d’empêcher des chars Sherman
d’approcher de leurs tranchées. C’est au cours d’actions ponctuelles
comme celle-là que les adolescents surprirent leurs adversaires par leur
capacité à endurer les tirs mortels. Dans le combat, ils semblaient faire
montre de la même agitation éphémère que les adultes, mais sous une
forme exacerbée ; et lors de leur capture, les Américains furent surpris
une fois de plus, de les voir se transformer en gamins à bout de nerfs,
tremblant, sanglotant, cédant à des « crises de larmes »XXVII.
L’unité de Heinz Müller s’engagea dans une autre forme d’action,
puisqu’elle tenta d’échapper aux armées alliées en traversant la forêt de
Teutoburger. Les sous-officiers réussirent à faire franchir la Weser à leur
unité, motivant les adolescents par l’évocation des terribles traitements
qui les attendaient en cas de capture et en leur promettant une
merveilleuse soupe aux pois s’ils parvenaient de l’autre côté du pont.
Trop fatigués pour s’intéresser à la soupe de pois ou à leur fringale, ils
s’endormirent dans les champs, entourés de réfugiés et d’une troupe
hétéroclite de traînards appartenant à diverses unités armées rassemblées
à la pointe du fusil pour tenir le fleuve. Seuls quatre-vingts garçons (un
quart de ceux qui étaient partis six jours plus tôt) arrivèrent jusque-là :
tandis qu’ils passaient près de leurs lieux d’habitation, les jeunes paysans
du Münsterland avaient peu à peu quitté les rangs de leur unité, laissant
leurs camarades citadins continuer sans eux. Le lundi 2 avril, les chars
américains fermèrent le cercle autour de la Ruhr. Deux jours plus tard,
Heinz et ses compagnons se jetaient dans un fossé sur la route de
Stadthagen, pour échapper au mitraillage en rase-mottes de leur colonne ;
puis, une fois ressortis de leur abri, Heinz rencontra une jeune fille de
Duisburg qui passait à bicyclette. Elle lui dit que sa mère avait été
évacuée dans le village voisin de Nienstedt. Heinz obtint de son
commandant une permission de trois heures et emprunta un vélo pour s’y
rendre. Dès son arrivée au village, tout le monde accourut pour observer
ses chaussures en lambeaux, ses vêtements déchirés et crasseux, ses traits
tirés. Chacun voulut le nourrir et l’habiller, puis à quatre heures quinze de
l’après-midi sa mère insista pour qu’il profite de la dernière heure de sa
permission pour aller se reposer. Tandis qu’il dormait, sa mère brûla son
uniforme du RAD, emprunta des vêtements civils à des voisins, et
persuada le vieux capitaine responsable de la défense locale de signer les
papiers de libération de son fils. La guerre de Heinz avait duré huit jours,
partagés entre la marche forcée et les bivouacs. Il était si fatigué qu’il ne
se réveilla que deux jours plus tard.
Dans les provinces de l’Est, à la fin de 1944, la transition des jeux de
guerre dans les bois à la vraie guerre se déroula initialement de la même
manière. À Palmnicken sur la péninsule de Samland au nord-ouest de
Königsberg en Prusse orientale, Martin Bergau et ses amis rassemblèrent
une collection de fusils, carabines et grenades et s’en allèrent patrouiller
en sachant qu’ils pourraient tomber sur des unités de l’Armée rouge
venues du territoire de Memel. C’était excitant de mettre en pratique
leurs aptitudes sur le terrain, de se faufiler entre les arbres et de ramper
dans la bruyère, même si Martin et son ami Gerhard – après avoir
absorbé une trop grande quantité d’alcool trouvée dans une maison
abandonnée – se laissèrent tromper par le jeu des ombres sur la neige et
finirent par se tirer dessus sans le faire exprès, avant de rentrer chez eux
et de s’effondrer de sommeilXXVIII.
Dans la nuit du 26 au 27 janvier, Martin Bergau entendit des coups de
feu. Il fit machinalement ce qu’il avait appris à faire dans son unité
antiaérienne et dans le Volkssturm : il sauta dans ses vêtements, attrapa
son fusil et sortit de chez lui. Il vit une femme qui avait cherché à se
cacher dans leur jardin ressortir en courant avant d’être abattue. Hébété
de sommeil à trois heures du matin, Bergau aperçut sur la route une
longue colonne de silhouettes dépenaillées, accélérant le pas sous l’effet
des tirs. Martin fut rattrapé par son père qui lui conseilla de ne pas se
mêler des transports de prisonniers. Le lendemain matin, il trouva des
lambeaux d’étoffe gelés et tachés de sang sur la grille du jardin. Tout le
long du chemin qui menait à la ville, les Allemands qui vivaient à
proximité avaient vu des prisonniers se faire matraquer à mort à coups de
crosse de carabine ou être abattus d’une balle dans la nuque, à genoux
dans la neige sur le bord de la route. Ces prisonniers avaient été sortis des
camps de travail de Heiligenbeil, Gerdauen, Seerappen, Schippenbeil et
Jesau, autant de Aussenlager rattachés au camp de concentration de
StuttofXXIX.
Environ 90 % de ces prisonniers étaient des femmes juives, bon
nombre d’entre elles ayant survécu à l’extermination des Juifs de
Hongrie ou au ghetto de Łódź. Seulement la moitié des cinq mille
prisonniers partis de Königsberg atteignirent Palmnicken. Là, on les
parqua dans une usine désaffectée où ils furent nourris à la demande du
commandant du Volkssturm local. Quatre jours plus tard, ils étaient
conduits de nuit sur la côte, puis poussés sur la glace et abattus à l’arme
automatique. Les auteurs de ces assassinats étaient non seulement des
hommes de la SS et de la Gestapo, pressés de se débarrasser de leurs
prisonniers et de sauver leur peau, mais aussi des membres du Volkssturm
et de la Jeunesse hitlérienne locale. Par la suite les SS et la milice locale
pourchassèrent les femmes juives qui s’étaient échappées. Des membres
de la Jeunesse hitlérienne, dont Martin Bergau, furent alors réquisitionnés
par deux SS pour garder les deux cents femmes ayant été reprises. Il
monta la garde devant une file de femmes près d’une mine abandonnée,
tandis qu’elles étaient conduites deux par deux derrière un bâtiment.
Bergau pouvait entendre les coups de feu tirés par les deux SS qui les
abattaient. Puis, la file formée par les femmes devint si courte que le
garçon de quinze ans dut les suivre derrière le bâtiment. Alors qu’il
regardait le déroulement des exécutions, il vit l’un de ses camarades de la
Jeunesse hitlérienne marcher au milieu des corps affalés et tirer au
revolver si l’un d’eux bougeait encore.
Un demi-siècle plus tard, en mars 1988, le souvenir de ce massacre fut
rappelé à Martin Bergau par une rencontre de hasard faite au cours d’une
paisible réunion à Cologne. Il s’agissait de la réunion annuelle des
familles de Palmnicken. Parmi les personnes présentes, Bergau rencontra
une femme dont la mère avait caché pendant plus de trois mois l’une des
femmes juives qui s’étaient échappées – et qui avait donc survécu pour
assister à la libération le 15 avril 1945. À la suite de cette rencontre, il
décida de rédiger son propre compte-rendu des années de guerre et de ses
trois ans comme prisonnier en Union soviétique. Contrairement à la
réaction réflexe, encore courante en Allemagne, consistant à nier avoir
entendu ou vu quoi que ce soit des atrocités, Bergau s’efforça de faire un
récit méticuleux de ce massacre. Il écrivit aux archives Yad Vashem à
Jérusalem pour demander les témoignages de survivants, qu’il ajouta
dans un appendice à son ouvrage. En même temps, le sentiment de
culpabilité et de responsabilité était indéniable. Les deux seuls camarades
de la Jeunesse hitlérienne qu’il parvint à nommer parmi les assassins
étaient morts pendant la guerre. Néanmoins, Martin Bergau avait bien
observé comment les femmes à genoux étaient exécutées, avec quel
professionnalisme les deux SS changeaient le magasin de leur pistolets
7.65 mm. Sans surprise, son livre ne fut pas un best-seller, mais ses
efforts d’introspection incitèrent d’autres témoins oculaires à se
manifester et à lui envoyer leurs témoignages, et en 2006, il les publia
égalementXXX.
Martin Bergau ne fut bien sûr pas le seul membre de la Jeunesse
hitlérienne à être impliqué dans des massacres de prisonniers. Mais il se
distingue parce qu’il a accepté publiquement sa part de responsabilité
morale. Trop jeune pour être tenu pénalement responsable de ses actions
dans l’Allemagne d’après-guerre, il lui fut sans doute plus facile d’écrire
au sujet de ce qu’il avait fait que s’il avait été adulte (à ma connaissance,
aucun adulte à l’époque des faits n’a produit de mémoire comparable au
sien), néanmoins la culture de la culpabilité et du déni caractéristique de
l’après-guerre toucha aussi les adolescents-soldats du Troisième Reich.
D’autres admettent avoir vu le résultat des assassinats perpétrés par les
SS sur le bord des routes, alors qu’ils dirigeaient à marche forcée des
prisonniers de plus en plus épuisés vers ce qui restait du territoire du
Reich, mais jamais ils ne reconnaissent avoir été autre chose que des
témoinsXXXI. On ne peut sans doute pas s’attendre à rencontrer un grand
nombre de mémorialistes capables d’un examen critique à l’égal de
Martin Bergau. Mais les témoignages des adolescents dans la guerre se
démarquent encore sur un point de ceux des adultes à la même époque :
le souvenir qu’ils ont gardé de leur enthousiasme, de leur idéalisme, de
leur volonté de s’engager. À cet égard, Günter Grass, quand enfin il
écrivit à la première personne, se révéla ne pas être un cas si
inhabituelXXXII. Les valeurs nazies, qui mettaient en avant l’opposition
tranchée entre le bien et le mal, exhortaient à l’engagement, à la foi et au
sacrifice de soi, avaient toujours interpelé les adolescents plus que toute
autre tranche d’âge ; et leur statut de mineurs à la sortie de la guerre
signifiait qu’ils ne pouvaient être considérés comme coupables.
Par ailleurs, on dit souvent que les nazis ont empêché les adolescents
de développer leur sens des responsabilités en leur présentant un corpus
déjà constitué de préceptes autoritaires qui répondait à leur besoin affectif
de voir les choses en noir et blancXXXIII. On pourrait aussi dire que les
nazis leur ont inculqué un sens excessif de l’engagement moral, de la
responsabilité personnelle dans la participation à l’effort de guerre, qui a
finalement culminé dans cette volonté de sacrifier leur vie aussi bien que
celle des autres dans les derniers mois du conflit.
Nicholas Stargardt
(Traduit de l’anglais par Bruno Poncharal)
III.
Enfants-soldats, enfants-symptôme
D epuis la fin des années 1990, les enfants dits soldats ont
soudainement attiré l’attention de l’Occident. L’imagerie associée
touche à une corde morbide du public. Elle incarne l’inconcevable :
l’existence de figures à la fois angéliques et barbares. Perçue à tort
comme typiquement africaine, cette représentation s’inscrit dans une
vision postcoloniale. Ainsi, l’Afrique serait un continent barbare et
démoniaqueI dont ces enfants seraient le produit. Donc, ce continent
obscur s’autodétruirait sans l’appui d’un Occident soi-disant « civilisé ».
Cette construction enfants-soldats a contribué à formater le discours
humanitaire, juridique et académique sur la population des jeunes
associés aux groupes armés. À ce titre, cette expérience de guerre est
interprétée en termes tantôt victimisants, tantôt diabolisants. Pourtant,
cette grille de lecture semble plutôt refléter des anxiétés propres à
l’Occident. Elles captent l’impossibilité de concilier la figure de l’enfant,
héritée du culte de l’enfance, avec la violenceII. C’est sur cette base que
l’appellation populaire « enfants-soldats » sera substituée à celle des
jeunes associés dans les groupes armés.
Ainsi, suivant des processus similaires à ceux pointés par Mary
Douglas, les individus non conformes aux catégories sociales
prédéterminées se voient alors déshumanisésIII. C’est le cas pour cette
population dont la participation aux groupes armés est considérée comme
effarante. Avec l’émergence du concept d’« enfants-soldats »IV,
l’expérience des jeunes engagés s’est vue universalisée et uniformisée.
Privé de son ancrage culturel, le sens de l’expérience est devenu
incompréhensible aux yeux de l’Occident. En replaçant cette expérience
dans sa toile de sens, c’est-à-dire dans ses articulations politiques et
culturelles. En prenant l’exemple du Népal, ce chapitre se propose
d’offrir un regard alternatif à la vision culturellement stéréotypée
d’« enfants-soldats ».
Enfants-soldats et subjectivité
Le dernier axe s’attache au jugement que ces jeunes portent sur leur
expérience. Pour plus de la moitié de l’échantillon, le groupe armé est
appréhendé à travers la métaphore positive du bon rêve :
« Mais l’étranger au groupe ne peut pas comprendre ! C’était comme un
rêve (lumière dans les yeux), un projet commun d’une société meilleure
pour un nouveau Népal… C’est comme si ce n’était pas vraiment vrai
(état d’extase) […] Quand on était ensemble le rêve, ce n’était pas pour
moi, mais pour nous ; pour lutter contre les inégalités et changer les
choses. Quel est le sens de ma vie maintenant ? Qu’est-ce que ça vaut
d’être ici et de ne pas être avec eux ? Que valent ce luxe et ces ambitions
personnelles ? » (Krishna, 18 ans)
Assimilée à un rêve, l’expérience a une valeur constructive. Ce thème
se retrouve autant dans les émotions exprimées que dans le
comportement non verbal, qui suggère un état semi-extatique. Il se
retrouve par ailleurs dans le vocabulaire employé – « c’était comme un
rêve », « c’est comme si ce n’était pas vraiment vrai » – et dans l’idée de
beauté associée à l’idéal collectif vécu au sein du groupe. Pour ces
jeunes, l’expérience du groupe présente des similitudes avec l’expérience
mystique et religieuse en ce qu’elle est idéalisée et reconstruite au sein
d’une puissante trame narrative de sacrifice collectif. Cette position est
consolidée dans un premier temps par le succès politique des maoïstes,
rendant l’accès du rêve à la réalité. Les jeunes perçoivent ainsi leur
expérience comme ayant eu une contribution personnelle positive,
provoquant même un réel mal-être lors de l’éloignement du groupe.
L’autre moitié des jeunes juge également son expérience du groupe
armé de manière irréelle, mais en penchant cette fois vers le cauchemar :
« C’était vraiment bien, mais ça a été parfois difficile. […] (À propos
des batailles) C’est comme un rêve (pause) comme si ce n’était pas réel
pour moi. Ce n’est pas une bonne institution la guerre, et ça ne vaut pas le
coup de risquer la vie ou la mort. […] Depuis, j’ai perdu la tête et ils
m’ont envoyé en Inde pour me faire traiter (dans un hôpital
psychiatrique). » (Ganesh, 22 ans)
Bien que la situation de Ganesh soit le seul cas de décompensation
psychotique de l’échantillon, la métaphore employée de « mauvais rêve »
demeure un thème important pour quelques-uns de ces jeunes. De
nouveau, le groupe est vécu sur un fond de réalité alternative, tel un
monde surréaliste, mais cette fois sur un mode effrayant. Cette
appréhension est aussi liée à la confrontation avec leur propre mort, en
particulier pendant les temps de combats. Dans ce cas, cette subjectivité a
un impact clair sur leur état émotionnel. Ancré dans une confrontation de
leur propre mort, cette hyper chetana (conscience) du monde, induite par
l’idéologie du groupe, les mène à un rapport au monde déréalisé. Mais
dans la situation extrême de Ganesh, cette disjonction se joue de manière
littérale le poussant à la perte totale de son ancrage à la réalité.
Le changement sociopolitique en 2009 a transformé les modes
d’appréhension de l’expérience. Pour plus d’un quart des sujets, ce
contexte a contribué à maintenir voire à renforcer la vision positive du
groupe armé :
« Pour moi aussi ce fut la meilleure expérience de ma vie ! […] Je les ai
rejoints et je suis toujours avec le parti parce que j’aime ça ! […] Oui, je
voulais vraiment vous dire que j’ai vraiment pris du plaisir (ramayilo) [à
faire partie du groupe] et c’est aussi le cas pour beaucoup d’autres ;
personne ne nous a forcés ! C’est vrai que les gens sont différents et que
les contextes aussi varient, ce qui fait que les gens ont aussi des
expériences différentes. » (Neesha, 18 ans)
Ils maintiennent leur loyauté au groupe et à la contribution positive
que ce dernier a eue sur leur vie. Malgré les défis et échecs officiels
rencontrés au niveau collectif par le groupe, ils affirment leur plaisir, leur
joie et leur désir de maintenir leur adhésion au groupe maoïste. Ainsi, la
dialectique manichéenne s’est transformée en une position plus mitigée,
parfois pragmatique tout en conservant l’enthousiasme et les émotions
positives fortes associées au groupe. En outre, la subjectivé postulée par
Neesha est aussi celle de la capacité d’action et de choix dans son
implication personnelle au groupe. Ceci devient alors un argument
supplémentaire de la valorisation de leur enrôlement.
Mais, pour les deux tiers des sujets, il s’agit plutôt d’une expérience
ambivalente. À l’époque de la victoire maoïste, la subjectivité était assez
unilatérale et souvent clivée en termes bons ou mauvais. À l’inverse,
l’échec politique de 2009 leur permet de douter et d’interroger leur
expérience, ce qui perturbe certains sujets :
« Une mauvaise expérience pour moi c’était lorsque l’on m’a pris pour
aller au parti. À partir de là, j’ai dû arrêter l’école et c’était source de
beaucoup de souffrance (dukha) parce qu’ils m’ont emmené très loin dans
des chemins très ardus. Nous, on a l’habitude de marcher, mais à l’époque
c’était vraiment dur parce qu’il fallait que l’on marche toute la nuit dans
des endroits que l’on ne connaissait pas ; alors on ne dormait que deux
heures. […] Là-bas, c’est une expérience mixte, mais bonne en fait.
Quand on est arrivés là-bas, c’était vraiment super. Les premiers quatre ou
cinq jours, mon oncle nous a pris à part et nous a expliqué beaucoup de
choses tellement importantes. Il nous a expliqué le problème de la
monarchie et de Gyanendra [alors roi], de l’existence d’une société
féodale, ainsi que de celui des castes et de la religion. […] J’ai pu partager
ce nouveau savoir avec d’autres après et je pense vraiment que c’était bon
pour moi parce que c’est tellement important. Une autre expérience bonne,
mais mixte dans le parti c’est que nous n’étions pas seulement assignés
aux batailles, mais aussi à l’espionnage des postes de police, des
baraquements et des banques. […] J’ai vraiment adoré ça et j’ai beaucoup
appris sur l’espionnage ; c’était tellement excitant ! (pause), mais j’avais
aussi vraiment peur de mourir et d’être tué par les forces armées, ça,
c’était vraiment terrible. » (Geheraj, 16 ans)
La nouvelle dévalorisation collective officielle des maoïstes semble
avoir contribué à des jugements plus nuancés de cette expérience. Ce
positionnement collectif permet la coexistence d’appréciations
contradictoires, allant de la joie, la fascination, ou encore l’excitation à la
souffrance, la désorientation, la peur et l’effroi. Les jeunes sujets
associent de nouvelles émotions à leur expérience, mais pas de manière
simultanée ; ainsi le changement dans leur appréhension de cette
expérience a aussi pour effet de modifier son influence sur leur statut
émotionnel.
Partons d’une série de polaroids que je pris en 1982 dans les camps
d’entraînement de la Moskitia hondurienne : les guérilleros furent
soucieux d’immortaliser les moments où, pour la première fois, ils
reçurent des armes et des uniformes. De telles images n’eurent à l’époque
rien d’exceptionnel. Le magazine Times daté du 20 août 1984 publia ainsi
la photographie d’une pirogue transportant un groupe de guérilleros qui
s’apprêtaient à s’infiltrer au Nicaragua. Derrière le mitrailleur situé au
premier plan figurait en bonne place un enfant du même âge. De même,
le Nouveau Journal fit paraître en décembre 1984, dans son premier
numéro, plusieurs photographies d’enfants-soldats, conjointement avec
un entretien de Werner Herzog, à propos de son film La Ballade du petit
soldat, qui évoquait les enfants miskitus enrôlés dans la guérilla indienne
antisandinisteV.
Les photographies publiées par L’Autre Journal, comme l’entretien
avec Herzog, marquèrent un tournant dans le regard porté sur la guérilla.
Les enfants ne faisaient plus seulement partie du décor guerrier, mais
Herzog leur prêtait un rôle central. Selon lui, ces enfants-soldats de
moins de treize ans auraient constitué 20 % des effectifs de MisuraVI,
tandis que la majorité des guérilleros, au moment de son séjour chez les
Miskitus, auraient eu moins de vingt ans. Cette présence, à l’en croire
massive, des enfants dans la guérilla s’expliquait par tout un ensemble de
causes :
« C’est un phénomène que l’on rencontre de plus en plus souvent dans
les armées clandestines du tiers-monde. En Iran et en Irak, ce sont en
général des adolescents entre treize et quinze ans, mais ici [en Moskitia], il
s’agit vraiment de gosses. Ces dernières années, la technologie en
armement a rendu ce phénomène possible : une mitraillette ou un lance-
grenades de facture moderne peut sans problème être manipulé par un
gamin. Mais surtout ces gosses sont volontaires. Un destin individuel et
traumatisant a forcé chacun d’entre eux. J’ai interrogé un soldat-enfant
sous le choc, qui articulait avec peine : son frère de deux ans, celui de six
ans, son père avaient été abattus sous ses yeux, il avait réussi à s’enfuir et
à rejoindre les Misura. Il n’avait pas fini son entraînement, mais il voulait
aller tuer le lendemain. Je lui ai demandé : Est-ce que tu te rends compte
que tu vas tirer sur des enfants de ton âge ? Il le savait et s’en foutait. Il ne
pouvait plus reculer. »
Herzog ajouta : « J’ai vu des choses qui m’ont horrifié et je me suis
posé des questions : pourquoi ne pas laisser ces petits enfants à l’étape,
pourquoi ne pas les occuper à la cuisine, pourquoi les envoyer en
première ligne ? Eh bien, parce que ce sont vraiment les plus courageux ;
les enfants de cet âge n’ont pas peur. » Il fait ensuite remarquer que
« beaucoup de gosses que l’on voit dans [son] film sont déjà morts ».
Le cinéaste bâtit son portrait des enfants guérilleros en plaquant des
clichés sur des réalités qu’il ne prit nullement le temps d’explorer,
comme il le reconnut avec candeur. Interrogé sur les difficultés qu’il avait
rencontrées pour questionner ces enfants-soldats et s’informer de leur
histoire, il répondit clairement qu’il avait formulé, et les questions, et les
réponses :
« Très difficile. Parfois j’ai dû leur parler pendant des heures. Certains
restaient complètements muets, d’autres ne répondaient qu’en des phrases
très courtes. Jamais de description. Les petits soldats se taisent d’abord,
ensuite vient un oui ou un non. Je demande : “Est-ce que tu as vu mourir
ton frère ?” Il répond : “Oui.” Je continue : “Cela s’est passé comment ?”
Il répond : “Avec un M. 16.” Puis rien. Son regard me traverse et j’ai
honte d’être là en train de filmer. À un moment, Reichle n’en pouvait
plusVII. Il s’est posé devant la caméra et il a parlé de sa jeunesse, de ses
quatorze ans, quand il était gosse armé. Ce document m’émeut
beaucoup. »
Ce récit, en grande partie imaginaire, mêlait allégrement le vrai et le
faux, les fantasmes des cinéastes, comme les déclarations de propagande
du commandant en chef de Misura, Steadman Fagoth, et les chromos de
propagande soufflés aux enfants par ce dernier.
Ce projet de création de troupe d’enfants connut incontestablement un
début d’application qu’il convient de cerner. Au moment où se formèrent
les maquis miskitus, à la fin de l’année 1981, les dirigeants furent
confrontés à plusieurs révoltes des recrues visant les instructeurs venus
des rangs de l’ancienne garde nationaleVIII. Steadman Fagoth et certains
de ses proches envisagèrent alors de constituer une troupe d’enfants
formés très jeunes, vers l’âge de dix ans, afin que ceux-ci voient en lui un
chef omniscient et tout-puissant. Ces enfants-soldats lui obéiraient
aveuglément et le protégeraient quelles que soient les circonstances.
Steadman Fagoth et les instructeurs ne faisaient là que réactualiser les
pratiques en usage au sein de la garde nationale. L’École de l’infanterie
de la Garde (EEBI) avait recruté de très jeunes adolescents qu’elle avait
transformés en combattants fanatisés et entièrement dévoués à la famille
SomozaIX. L’idée de constituer une troupe d’enfants-soldats se réalisa en
partie à la fin de l’année 1983 ou au début de l’année suivante. Un certain
nombre de familles en exil, proches du commandant en chef de Misura,
furent persuadées de confier leurs garçons à cette forme d’école militaire.
Les deux cinéastes filmèrent les débuts de ce projet et recueillirent les
bribes de réponse évoquées plus haut, que les instructeurs soufflèrent aux
enfants.
Pour comprendre la portée de ce film, rappelons le contexte dans
lequel il fut conçu et réalisé. Au départ très largement favorable à la
révolution sandiniste, l’opinion publique internationale devint plus
critique à son égard, après l’exil au Honduras de dizaines de milliers de
Miskitus au début de l’année 1981. Reste qu’au regard de la monstruosité
des opérations militaires menées par l’armée guatémaltèque contre ses
populations indiennes, les violations des droits de l’homme dont les
Indiens de la côte atlantique nicaraguayenne étaient victimes semblaient
à bien des observateurs des vétilles. Pour faire bonne mesure face aux
massacres guatémaltèques et assimiler la situation des Miskitus au sort
atroce des Indiens du Guatemala, Steadman Fagoth et une partie de
l’état-major de Misura décidèrent d’encourager les réfugiés à colporter
des rumeurs sur des tueries monstrueuses mais imaginaires, et à exagérer
l’ampleur des quelques massacres, par ailleurs avérés, celui de Leimus
notammentX.
La venue d’une équipe de cinéastes, avant tout avides de sensationnel,
offrit une opportunité exceptionnelle à Fagoth et aux instructeurs qui
soufflèrent ces récits de tueries aux enfants. Trop contents de tels
morceaux de bravoure, les deux cinéastes en rajoutèrent. Là où les dires
manquaient, ils surinterprétèrent ou mirent dans la bouche des enfants «
traumatisés », plus simplement dûment sermonnés avant les prises de
vue, les affabulations de Steadman Fagoth et de ses proches. En associant
les images passablement sulfureuses de la jeunesse allemande mobilisée
pour la défense de Berlin en 1945 et celle des enfants miskitus devenus
tueurs, en réaction aux monstruosités que leur auraient fait subir les
sandinistes. Herzog et Reichle pensèrent réaliser un scoop
cinématographique. De son côté, Fagoth crût lancer un leurre propre à
détourner l’attention de ceux qui l’accusaient de couvrir, voire
d’organiser, des exécutions de prisonniers ou d’opposants politiques. Ces
images furent loin d’avoir l’effet escompté car elles déclenchèrent en
Europe nombre de polémiques, en accréditant que la guérilla miskitue
formait des sortes de Fagoth-Jugend. Au Honduras, le projet de troupes
d’enfants tourna court au lendemain même du tournage, ou au plus tard
au milieu de l’année 1984XI. Bon nombre des guérilleros et des
commandants de troupes virent en effet d’un œil plus que défavorable ce
projet de transformer un groupe de préadolescents en un ensemble se
situant à mi-chemin entre un corps de prétoriens et un mouvement de
jeunesse totalitaire. Et en opposition à Fagoth, ces commandants eurent
tôt fait de trouver appui auprès des pasteurs moraves en exil, des
réfugiés, voire des membres de l’ambassade américaine, qui n’avaient
nul besoin de ce genre de photographies pour faire capoter une pareille
tentative.
Les images des cinéastes allemands tout comme les déclarations
fracassantes de l’un d’entre eux méritent d’être analysées pour ce
qu’elles furent : la conjonction d’un goût pour une notoriété fondée sur le
scandale et d’une opération de « bourrage de crâne » montée par les
responsables de Misura. Reste pourtant une indéniable réalité – la
participation des enfants à la guerre – qu’il convient d’analyser.
Chapitre 1
I. Ce travail développe certains points présents dans notre thèse de doctorat, La Société
guerrière. Pratiques, discours et valeurs militaires au Rio de la Plata 1806-1852, École des hautes
études en sciences sociales, janvier 2010.
II. Pour une étude approfondie de la société locale, voir Juan Carlos Garavaglia, Les Hommes de
la Pampa. Une histoire agraire de la campagne de Buenos Aires (1700-1830), Paris, EHESS et
MSH, 2000.
III. Voir Alejandro Rabinovich, « The Making of Warriors : The Militarization of the Rio de la
Plata, 1806-1807 », in R. Bessel, N. Guyatt et J. Rendall (dir.), War, Empire and Slavery, 1770-
1830, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2010, p. 81-98.
IV. Sur ce processus on peut voir, en France, Geneviève Verdo, L’indépendance argentine :
entre cités et nation (1808-1821), Paris, Publications de la Sorbonne, 2006 ; Carlos Stoetzer, « La
Révolution française et les bouleversements politiques dans le Río de la Plata au début du XIXe
siècle, 1776-1813 ».
V. T. Halperín Donghi, “Revolutionary militarization in Buenos Aires 1806-1815”, Past and
Present, 1968, n° 40, p. 84-107.
VI. Gregorio Weinberg, Modelos educativos en la historia de América Latina, Buenos Aires,
Kapelusz, 1984 ; Abel Chaneton, La instrucción primaria en la época colonial, Buenos Aires,
Sociedad de Historia Argentina, 1942 ; Carlos Newland, Buenos Aires no es pampa : La educación
elemental porteña 1820-1860, Buenos Aires, Grupo Editor Latinoamericano, 1992.
VII. Ces notions sont déployées dans les débats autour de l’éducation et la formation de
l’homme nouveau à partir de la Révolution, et occupent une place importante dans la presse de
l’époque. Voir Junta de historia y numismática americana, Gaceta de Buenos Aires, reimpresión
facsimilar. 1810-1821, vol. 1, Buenos Aires, 1910, sur les récompenses : “Carta de Antonio
Aristhogiton”, le 7 août 1810 ; sur les stimuli, l’annonce de la création de l’École de
mathématiques, le 19 août 1810 ; sur les écoles, “Educación”, le 13 sept. 1810. Sur les ressorts en
général et leur importance dans la discipline militaire, voir Los amigos de la patria y de la
juventud, avril 1816, n° 5, p.33-35.
VIII. Nous analysons ce problème en profondeur dans “La gloria, esa plaga de nuestra pobre
América del Sud”, Nuevo Mundo Mundos Nuevos, 2009, en ligne, disponible sur :
http://nuevomundo.revues.org/index54182.html. Pour la période coloniale voir Juan Carlos
Garavaglia, “El teatro del poder : ceremonias, tensiones y conflictos en el Estado colonial”, Boletín
del Instituto de Historia Argentina y Americana Dr. Emilio Ravignani, Tercera Serie, n° 14, 1996,
p. 7-30.
IX. Gañez, La crisis ! o los desvíos del sistema hasta el 15 de abril, con el rumbo que se debe en
adelante seguir, Buenos Aires, Imprenta de Niños Expósitos, 1815.
X. “M. Belgrano a A. de Echevarría, 8 dic. 1813”, Epistolario, op. cit., p. 240-241. Sur la
fonction sociale de ce type de modélisation idéale du masculin, voir George Mosse, L’Image de
l’homme. L’invention de la virilité moderne, Paris, Éditions Abbeville, 1997.
XI. Le concept sociologique de modèle d’homme est ici compris dans un sens très proche de
celui proposé par Gabriel Tarde dans sa définition de groupe social : « Une collection d’êtres en
tant qu’ils sont en train de s’imiter entre eux ou en tant que, sans s’imiter actuellement, ils se
ressemblent et que leurs traits communs sont des copies anciennes d’un même modèle », Les lois
de l’imitation, Paris, Éditions Kimé, 1993, p. 71.
XII. Werner Jaeger, Paideia, Paris, Gallimard, 1988.
XIII. Voir “Carta de Ignacio Núñez”, in N. M. Saleño (dir.), Biblioteca de Mayo, Colección de
Obras y Documentos para la Historia Argentina, Buenos Aires, Senado de la Nación, 1960, vol.1,
p. 271-272. Sur les origines de la guerre de guérilla en Amérique du Sud, voir Marie-Danielle
Demélas, « De la « petite guerre » à la guerre populaire : genèse de la guérilla comme valeur en
Amérique du Sud », Cahier des Amériques latines, 2008, n° 36, p. 17-36.
XIV. “Carta de Francisco Saguí”, in N. M. Saleño (dir.), op. cit., vol. 1, p. 45-46.
XV. “Oficio del Cabildo, 30 de oct. 1806”, in Museo Mitre, Documentos del Archivo
Pueyrredón, vol.1, Buenos Aires, Imprenta de Coni Hermanos, 1912, p. 90.
XVI. A Narrative of the Expedition to, and the Storming of Buenos Ayres, by the British Army,
commanded by lieutenant-general Whitelocke. By an officer attached to the expedition, Londres,
William Meyler éd., 1807, p. 14.
XVII. “Orden del Día de la Junta, 6 de sept. 1811”, in A. E. Maillé (dir.), La revolución de Mayo
a través de los impresos de la época, vol.1, Buenos Aires, Comisión Nacional Ejecutiva del 150º
aniversario de la revolución de Mayo, 1965, p. 473-475.
XVIII. Fêtes dites Mayas, elles célèbrent la révolution de 1810 et constituent l’élément le plus
important de la nouvelle liturgie républicaine. Voir Juan Carlos Garavaglia, “A la nación por la
fiesta : Las fiestas Mayas en el origen de la nación en el Plata”, Boletín del Instituto de Historia
Argentina y Americana Dr.Emilio Ravignani, Tercera serie, n° 22, 2000.
XIX. Beatríz Bragoni, “Guerreros virtuosos, soldados a sueldo. Móviles de reclutamiento militar
durante el desarrollo de la guerra de independencia”, Dimensión Antropológica, 2005, n° 35, p.95-
138.
XX. Damián Hudson, Recuerdos Históricos sobre la Provincia de Cuyo, Buenos Aires,
Imprenta de Juan A. Alsina, 1898, p. 99-100, 198-200.
XXI. Tomas Díaz, “Historia de aquellos tiempos gloriosos, 25 de mayo 1883”, Museo Mitre,
Anexo San Martín.
XXII. Le système des « cadets » fut en principe emprunté par l’armée espagnole à celui des
« gentilshommes cadets » de l’armée française, au début du XVIIIe siècle. Voir F. Redondo Díaz,
“El ejército”, in La España de las reformas hasta el final del reinado de Carlos IV, vol. X-2 de
Historia General de España y América, 1990, p. 175-176.
XXIII. Manuel Alejandro Pueyrredón, par exemple, était cadet à l’âge de neuf ans. Manuel A.
Pueyrredón, Memorias inéditas del Coronel Manuel A. Pueyrredón : Historia de mi vida ;
Campañas del Ejército de los Andes, Buenos Aires, Editorial Kraft, 1947, p. 22-26.
XXIV. Le commandant du régiment devait désigner un officier pour assurer l’instruction
théorique des cadets du corps. Outre les ordonnances, ils étaient censés apprendre l’arithmétique,
la géométrie, etc. Traditionnellement cette charge tombait sur un capitaine appelé « maître des
cadets ».
XXV. Lugones, Lorenzo, Recuerdos Históricos sobre las campañas del Ejército Auxiliador del
Perú, Buenos Aires, Imprenta Europa, 1888, p. 17.
XXVI. Trois de ces enfants étaient parmi les « officiers » qui dirigeaient la manœuvre du
bataillon d’enfants dont nous nous sommes occupés, voir supra.
XXVII. Pedro José Díaz était lieutenant-second du bataillon n° 8. “Relación de los S.S. Gefes y
Oficiales que pasaron los Andes para la restauración de Chile”, in J. J. Biedma (dir.), Documentos
referentes a la Guerra de la Independencia y emancipación política de la Republica Argentina y
de otras secciones de América, vol. 2, Buenos Aires, 1914, p. 117-118.
XXVIII. L’histoire des frères Díaz, racontée par Tomás Díaz, op. cit., est corroborée par le
témoignage de José Antonio Estrella, interviewé en 1880 par B. Mitre y Vedia, voir “Recuerdos
del tiempo viejo 1816-1817”, Revista de la Junta de Estudios Históricos de Mendoza, Segunda
época, n° 13, 1939, p. 342.
XXIX. Ramón de Cázeres, “Escritos Históricos del Coronel Ramón de Cázeres”, Revista
Histórica, Montevideo, n° 29, 1959, p. 382-384.
XXX. Domingo Arrieta, Ratos de entretenimiento ó Memorias de un Soldado, Buenos Aires,
Revista Nacional, 1889-1895, chapitre 9.
XXXI. Juan Isidro Quesada, “Noticia sobre su vida y servicios”, in N. M. Saleño (dir.), op. cit.,
vol. 2, p. 2013-15.
XXXII. “Carta de J. Gascón, Buenos Aires, 18 de sept. 1806”, réproduit dans Diario de un
Soldado, Buenos Aires, Ministerio del Interior, Comisión Nacional ejecutiva 150° Aniversario de
la Revolución de Mayo, 1960.
XXXIII. Damián Hudson, “Costumbres”, Revista de la Junta de Estudios Históricos de
Mendoza, 2° époque, n° 7, 1972, p. 439.
Chapitre 2
I. Farid Ameur, La Guerre de Sécession, Paris, PUF, 2004, p. 121.
II. Maris Vinovskis, “Have Social Historians Lost the Civil War ? Some Preliminary
Demographic Speculations”, in M. Vinovskis (dir.), Toward a Social History of the American Civil
War, New York, Cambridge University Press, 1990, p. 40.
III. André Kaspi, L’indépendance américaine (1763-1789), Paris, Julliard, 1976, p. 197.
IV. Régis de Trobriand, Quatre ans de campagnes à l’armée du Potomac, Paris, A. Lacroix,
1874, I, p. 66.
V. Cité par James Marten, The Children’s Civil War, Chapel Hill, University of North Carolina
Press, 1998, p. 156. Bien qu’il soit esclavagiste, l’État du Maryland est resté fidèle à l’Union. Mais
en raison des tendances séparatistes d’une partie de sa population, il a fourni en réalité des soldats
aux deux camps.
VI. John Simon (dir.), The Personal Memoirs of Julia Dent Grant, New York, Putnam’s, 1975,
p. 89.
VII. B. H. Wilkins, “War Boy” : A True Story of the Civil War and Reconstruction Days,
Tullahoma, Wilson Brothers, 1990, p. 23, 41-42.
VIII. James Marten, op. cit., p. 161.
IX. Ruth Painter Randall, Lincoln’s Sons, Boston, Little & Brown, 1955, p. 108, 110-114.
X. Joseph Kett, “Adolescence and Youth in Nineteenth-Century America”, in T. Rabb et R.
Rotberg (dir.), The Family in History : Interdisciplinary Essays, New York, Harper and Row, 1971,
p. 110.
XI. Cité par Jim Murphy, The Boys’ War, New York, Houghton Mifflin, 1993, p. 13-14.
XII. John Wesley Hardin, The Life of John Wesley Hardin, as Written by Himself, Norman,
University of Oklahoma Press, 1961, p. 5-6.
XIII. James Marten, op. cit., p. 166.
XIV. Ibid., p. 32-33, 52-61, 150-154.
XV. John Anderson (dir.), Brokenburn : The Journal of Kate Stone, 1861-1868, Baton Rouge,
Louisiana State University Press, 1955, p. 108-109.
XVI. James McPherson, La Guerre de Sécession, Paris, Robert Laffont, 1991, p. 529-530.
XVII. William C. Davis, The Fighting Men of the Civil War, Norman, University of Oklahoma
Press, 1998, p. 17.
XVIII. National Archives, State Department Archives, Notes from the French Legation, XI-
XVI, 1861-1865.
XIX. W. B. Yearns, The Confederate Congress, Athens, University of Georgia Press, 1960,
p. 87-89.
XX. Bell Irvin Wiley, The Life of Billy Yank : The Common Soldier of the Union, Baton Rouge,
Louisiana State University Press, 1971, p. 298-299.
XXI. Farid Ameur (dir.), Philippe d’Orléans, comte de Paris. Voyage en Amérique, 1861-1862.
Un prince français dans la guerre de Sécession, Paris, Perrin, 2011, p. 472.
XXII. Bell Irvin Wiley, op. cit., p. 330-331.
XXIII. Confederate Veteran, II, 1894, p. 12-13.
XXIV. National Archives, Confederate Archives, Records of the First Kentucky Brigade, vol.
305, p. 35.
XXV. William Sherman, Memoirs of General William T. Sherman, New York, Appleton & Co.,
1891, p. 326 ; Lloyd Lewis, Sherman : Fighting Prophet, Lincoln, University of Nebraska Press,
1993, p. 280-281.
XXVI. Confederate Veteran, XVIII, 1910, p. 240.
XXVII. Voir James Lee Conrad, Young Lions : Confederate Cadets at War, Columbia,
University of South Carolina Press, 2004.
XXVIII. Arthur Sinclair, Two Years on the Alabama, Londres, Gay & Bird, 1896, p. 352. Les
rôles d’équipage du CSS Alabama attestent la présence à bord de quatre mousses le jour de la
bataille.
XXIX. William C. Davis, op. cit., p. 17.
XXX. Margaret Banks, “Avery Brown (1852-1904) : America’s Youngest Soldier”, America’s
Shrine to Music Museum Newsletter, XXVIII, n° 1, 2001, p. 7-8.
XXXI. U.S. War Department, The War of the Rebellion : A Compilation of the Official Records
of the Union and Confederate Armies, Washington, Government Printing Office, 1890-1901, ser. I,
XXXVIII, part 3, p. 803.
XXXII. Ibid, X, part 1, p. 589.
XXXIII. Detroit Free Press, 20 décembre 1862.
XXXIV. Walter Beyer, Deeds of Valor : How America’s Heroes Won the Medal of Honor,
Detroit, Perrier-Keydel, 1901, p. 75-76.
XXXV. Rutland Herald, 3 novembre 1863.
XXXVI. New York Times, 8 août 1915.
XXXVII. Keith Bohannon, “Cadets, Drillmasters, Draft Dodgers, and Soldiers : The Georgia
Military Institute during the Civil War”, Georgia Historical Quarterly, LXXIX, 1995, p. 5-29.
XXXVIII. William C. Davis, op. cit., p. 137-144 et p. 159.
XXXIX. Cité par Emmy Werner, Reluctant Witnesses : Children’s Voices from the Civil War,
New York, Westview Press, 1998, p. 12.
XL. Cité par Jim Murphy, op. cit., p. 27.
XLI. Ibid., p. 33.
XLII. Charles Bardeen, A Little Fifer’s War Diary, New York, Privately Published, 1910, p. 107.
XLIII. Cité par Emmy Werner, op. cit., p. 32.
XLIV. Frederick Dent Grant, With Grant at Vicksburg, New York, Macmillan, 1898, p. 8.
XLV. Robert Westbrook, History of the 49th Pennsylvania Volunteers, Altoona, Altoona Times,
1898, p. 45 ; Richard Devens, The Pictorial Book of Anecdotes and Incidents of the War of the
Rebellion, Saint Louis, Mason, 1889, p. 267-268.
XLVI. A. Hoge, The Boys in Blue ; or Heroes of the Rank and File, New York, Trier, 1867,
p. 354-355.
XLVII. Frederick W. Wild, Memoirs and History of Captain F. W. Alexander’s Baltimore
Battery of Light Artillery, 1912, p. 92-93 ; Michael Dougherty, Diary of a Civil War Hero, New
York, Pyramid, 1960, p. 43.
XLVIII. George A.Gibbs, “With a Mississippi Private in a Little Known Part of the Battle of
First Bull Run”, Civil War Times Illustrated, IV, 1965, p. 42.
XLIX. T. J. Stiles, Jesse James : Last Rebel of the Civil War, New York, A. Knopf, 2002.
Chapitre 3
I. Prosper-Olivier Lissagaray, Histoire de la Commune de 1871, Paris, Maspéro, 1972, p. 250.
II. Service historique de l’armée de terre (SHAT), 8J, 4e conseil, dos 37, Rapport du capitaine
Guichard, 15 sept. 1871.
III. Rapport d’ensemble de M. le général Appert sur les opérations de la Justice Militaire
relatives à l’insurrection de 1871 ; Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars, Paris,
Librairie Législative, 1872.
IV. Le Journal intime de Caroline B., Paris, Montalba, 1985 (publié par G. Ribeill et M. Perrot).
V. Les filles semblent moins présentes – du moins à lire les archives –, la barrière de genre
jouant peut-être un rôle plus grand encore que pour les femmes adultes.
VI. Sur le monde du travail au XIXe siècle, voir Alain Dewerpe, Le Monde du travail en France,
Paris, Cursus, 1996. Pour une approche plus parisienne : Alain Cottereau, « Vie quotidienne et
résistance ouvrière à Paris en 1870 », in réédition de Dominique Poulot, Le Sublime, Paris,
Maspéro, 1980 p. 7-104 ; Jacques Rougerie, « Le peuple de 1870-1871 » in J.-L. Robert et D.
Tartakowski (dir.), Paris, le peuple, XVIIIe-XXe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999,
p. 147-149.
VII. Alain Faure, « Enfance ouvrière, enfance coupable », Révoltes logiques, n° 13, 1981, p. 13-
35.
VIII. Jean-Noël Luc, in E. Becchi et D. Julia (dir.), Histoire de l’enfance en Occident, t. 2, « Du
XVIIIe siècle à nos jours », Paris, Le Seuil, 1998.
IX. Philippe Ariès, L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Paris, Plon, 1960.
X. Sur ces événements, voir Jacques Rougerie, La Commune de 1871, Paris, PUF, 2009.
XI. Thomas André, « Les enfants perdus de la Commune », Cultures & Conflits, n° 18, été
1995, [En ligne http://conflits.revues.org/index449.html.]
XII. SHAT : Ly7, Ly94, Ly142 ; Archives de la Préfecture de police (APP) : BA 368.
XIII. Thomas André, art. cit.
XIV. APP, BA 368.
XV. APP, DB 420 : Opérations judiciaires concernant les enfants, rapport d’ensemble du
capitaine Guichard, 1871.
XVI. APP, BA 368, liste de prisonniers, août-décembre 1871.
XVII. Louis Hincker, Citoyens-combattants à Paris (1848-1851), Villeneuve d’Asq, Presses
universitaires du Septentrion, 2008,
XVIII. SHAT, 8J, 4e conseil, dossier 37, Eugène Achart.
XIX. SHAT, 8J 4e conseil, dossier Viradoux. Il est entré au milieu du mois d’avril sur les
conseils de deux camarades : « Ils m’ont dit si tu veux venir avec nous, nous allons te faire
engager » (interrogatoire du 26 août).
XX. SHAT, 8J 4e conseil, dossier 37, le dossier est sous-divisé en quinze dossiers qui
comprennent les noms des enfants. Nous nous sommes servis pour cela de la liste dressée par J.-C
Vimont des enfants détenus au quartier correctionnel de Rouen (Jean-Claude Vimont, « Les jeunes
communards incarcérés dans le quartier correctionnel de la prison de Rouen », in C. Latta (dir.), La
Commune de 1871, L’événement, les hommes et la mémoire, Actes du colloque de Montbrison les
15 et 16 mars 2003, Saint-Étienne, 2004, p. 249-263.
XXI. Voir notre article « Des femmes sur les barricades. Les femmes-soldats de la Commune de
Paris », in C. Cardi et G. Pruvost (dir.), Penser la violence des femmes, à paraître.
XXII. Voir Thomas André, art. cit.
XXIII. Robert Tombs, La Guerre contre Paris, 1871, Paris, Aubier, 1997.
XXIV. Malvina Blanchecotte, Tablettes d’une femme pendant la Commune (1872), Paris, Lérot,
1996 ; Victorine Brocher, Souvenirs d’une mort-vivante, Paris, Maspero, 1976.
XXV. Alain Corbin, « Le sang de Paris. Réflexions sur la généalogie de l’image de la
capitale », dans Le Temps, le Désir et l’Horreur, Paris, Aubier, 1991.
XXVI. Victorine Brocher, op. cit., p.213.
XXVII. Stéphane Audoin-Rouzeau, Combattre. Une anthropologie historique de la guerre
moderne (XIXe-XXIe siècle), Paris, Le Seuil, 2008.
XXVIII. Voir à ce sujet le débat lancé par la réévaluation du nombre de morts de la semaine
sanglante proposé par Robert Tombs : « How bloody was la Semaine Sanglante ? A revision », H-
France Salon, vol 3, issue 1, fév. 2011 (débat en ligne : http://www.h-france.net/Salon/h-
francesalon.html).
XXIX. Laurent Muchielli, Histoire de lacriminologie française, Paris, L’Harmattan, 1995.
XXX. Il a rédigé en 1857 un Traité des dégénérescences physiques, intellectuelles et morales de
l’espèce humaine, qui le rendit célèbre.
XXXI. APP, DB 420 : Opérations judiciaires concernant les enfants, op. cit.
XXXII. Les conclusions du capitaine Guichard sur ces issues sont corroborées en amont par les
divers dossiers judiciaires consultés, et en aval par les analyses de Jean-Claude Vimont sur
l’enfermement de certains jeunes communards (« Les jeunes communards », art. cit.)
XXXIII. Le constat renforce ainsi une piste suggérée lors de l’examen du traitement judiciaire
des femmes impliquées dans les événements : Quentin Deluermoz, « Ambiguë criminalité : le
traitement judiciaire des femmes de la Commune ou le retour à l’ordre sexuel et politique », in F.
Chauvaud et G. Malandain (dir.), Impossibles victimes, impossibles coupables, Rennes, PUR,
2009, p. 133-147.
XXXIV. Jacques Rougerie, Le Procès des communards, Paris, Julliard, 1964, p. 121.
XXXV. Norbert Elias, Au-delà de Freud : sociologie, psychologie, psychanalyse, présentation
de M. Joly, postface de B. Lahire, Paris, La Découverte, 2010.
XXXVI. Jean-Claude Vimont, art. cit.
XXXVII. Jacques Rougerie, La Commune de 1871, Paris, QSJ, PUF, 2009, p. 99.
XXXVIII. Sergio Luzzatto, « Jeunes révoltés et révolutionnaires (1789-1917) », in G. Levi et J.-
C. Schmitt (dir.), Histoire des jeunes en Occident, Tome 2, Paris, Le Seuil, 1996.
XXXIX. Jean-Jacques Yvorel, « De Delacroix à Poulbot, l’image du gamin de Paris », Revue
d’Histoire de l’Enfance irrégulière, n° 4, 2002, p. 39-72 ; et Frédéric Chauvaud, « Gavroche et ses
pairs : aspect de la violence politique du groupe enfantin en France au XIXe siècle », Cultures &
conflits, n° 18, été 1995, p. 21-33.
XL. Piste notamment évoquée par Jean-Jacques Yvorel et Jean-Claude Caron : « Introduction
générale » in J.-C. Caron, J.-J. Yvorel, A. Stora-Lamarre (dir.), Les âmes mal nées. Jeunesse et
délinquance urbaine en France et en Europe, XIXe-XXe siècle, Besançon, Presses Universitaires de
Franche-Comté, 2008, p. 9-25.
XLI. Voir à ce sujet les analyses d’Émilie Medeiros dans le présent ouvrage (chapitre 7).
Chapitre 4
I. Mon journal, 8 mai 1915, n° 19, p. 282.
II. Mme Hollebecque, La Guerre et l’école. La jeunesse scolaire de France et la guerre, Paris,
Henri Didier, 1916.
III. Lettre de H. J. Palmer à un officier de recrutement, 26 juin 1915 [IWM, cote 91/5/1] ; sauf
mention contraire, toutes les citations de sources anglaises sont des traductions personnelles.
IV. Rares sont encore les études consacrées à cet objet ; cf. par exemple : Tim Cook, « “He was
determined to go” : Underage Soldiers in the Canadian Expeditionnary Force », Social History,
volume 41, n° 81, mai 2008, p. 41-74.
V. Voir infra (chapitre 5). « La dernière armée d’Hitler ».
VI. Stéphane Audoin-Rouzeau, La Guerre des enfants. 1914-1918. Essai d’histoire culturelle,
Paris, Armand Colin, 1996, 2005 (rééd.).
VII. Une première recherche, toujours en cours, a permis d’identifier des clichés dans les fonds
photographiques du Service historique de la Défense (SHD), de la Bibliothèque nationale de
France (BNF) et de l’Imperial War Museum (IWM).
VIII. André Fontaine, Le plus jeune héros de la guerre, Imprimerie Cerf, 1919 ; Sir John Ernest
Hodder-Williams, Jack Cornwell. The story of John Travers Cornwell, VC “Boy-1st class”,
Toronto, Hodder & Stoughton, 1918.
IX. Armand Vincent, L’itinéraire difficile, 238 p., tapuscrit inédit, sd. [APA 2063].
X. Ernest Wrentmore, In Spite of Hell. A factual story of Incidents that occurred during the First
World War, as experienced by the youngest soldier to have seen combat duty with 60th Infantry, 5th
(Red Diamond) Division, New York, Greenwich Book Publishers, 1958, p. 14.
XI. Pour la Russie, voir par exemple : Dietrich Beyrau et Pavel P. Shcherbinin, « Alles für die
Front : Russland im Krieg 1914-1922 », in Elise Julien et Arnd Bauerkämper (dir.), Durchhalten !
Krieg und Gesellschaft im Vergleich 1914-1918, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, 2010,
p. 151-177.
XII. Lettre de Jean-Corentin Carré à M. Mahézèbe, 5 mars 1917 (collection personnelle). Je
remercie très vivement Pierre Palaric de m’avoir procuré les documents personnels de Jean-
Corentin Carré.
XIII. Armand Vincent, op. cit.
XIV. Souvenirs tapuscrits de E.G.Nurse [IWM, 81/23/1].
XV. Autobiographie dactylographiée de H. C. Edwards, 1988 [IWM, 02/29/1].
XVI. David Niget, « La violence, attribut et stigmate de la jeunesse », RHEI, n° 9, novembre
2007.
XVII. Serge Papko, Récit de la vie de Monsieur Papko, tapuscrit inédit, sd. [APA 204].
XVIII. Mme Hollebecque, op. cit., p. 29.
XIX. Bulletin de la Légion des Mille, premier trimestre 1958.
XX. Archives départementales de Paris, cote D4R1 2153/457.
XXI. H. C. Edwards, op. cit.
XXII. Ernest Wrentmore, op. cit., p. 40.
XXIII. Jean-Corentin Carré, lettre à sa sœur Marie, 25 mai 1916.
XXIV. Jean-Corentin Carré, lettre à son colonel, 29 décembre 1916.
XXV. Jean-Corentin Carré, lettre à sa sœur Marie, 25 mai 1916.
XXVI. Mme Hollebcque, op. cit., p. 31.
XXVII. Ernest Wrentmore, op. cit.
XXVIII. Richard Van Emden, Boy Soldiers of the Great War. Their Own Stories for the First
Time, Londres, Headline Book Publishing, 2005.
XXIX. Ernest Wrentmore, op. cit., p.38
XXX. Ibid., p. 44.
XXXI. Ibid., p. 50.
XXXII. Récit dactylographié de G. Fortune, s.d. [IWM, 04/5/1].
XXXIII. Lettre du colonel J. H. Lloyd, 22 juillet 1916 [IWM, Misc 208 (3013)].
XXXIV. Stéphane Audoin-Rouzeau, 14-18. Les combattants des tranchées, Paris, Armand
Colin, 1986.
XXXV. Emmanuel Saint-Fuscien, À vos ordres ? La relation d’autorité dans l’armée française
de la Grande Guerre, Paris, Éditions de l’EHESS, 2011, p. 79-80.
XXXVI. Ernest Wrentmore, op. cit.
XXXVII. Ibid., 17 juin 1918.
XXXVIII. Récit de Charles Carrington, rapporté par Richard Van Emden, op. cit., p. 137.
XXXIX. SHD, fonds Rumpf, 2 K 247.
XL. Général de Mondésir, commandant le 38e corps d’armée, 21 décembre 1916.
XLI. Cf. la base de données « Mémoires des hommes » du ministère de la Défense.
XLII. Bulletin de la Légion des Mille, n° 1, avril 1936.
XLIII. Notice Wikipédia de Désiré Bianco.
XLIV. Bulletin de la Légion des Mille, n° 2, septembre 1936.
XLV. Bulletin de la Légion des Mille, septembre-octobre 1937.
XLVI. Ibid.
Chapitre 5
I. Ian Kershaw, Hitler, 2, 1936-1945 : Nemesis, London, 2000 [traduction française : Hitler,
tome 2 : 1936-1945, Flammarion, 2000] ; Karl Heinz Jahnke, Hitlers letztes Aufgebot : Deutsche
Jugend im sechsten Kriegsjahr 1944, Essen, 1993 ; Bundes-Archiv (BA), NS 6/353 : Verordnung
über die Erweiterung der Wehrpflicht vom 5.3.1945 ; Andreas Kunz, Wehrmacht und Niederlage :
die bewaffnete Macht in der Endphase der nationalsozialistischen Herrschaft 1944 bis1945,
Munich, 2007.
II. Nicholas Stargardt, Witnesses of War : Children’s Lives under the Nazis, London, 2005.
III. Kempowski-Archiv, Akademie der Künste, Berlin (KA) 3931/2, Dierk S., “Auszüge”, 5-6 et
12-15: 1 juil., 25-26 sept., 29 nov. et 21 déc. 1940.
IV. KA 2035, Wilhelm K., né en 1929, lettre à Walter Kempowski, 14 oct. 1987 ; Journal, 23
mars 1942-29 mai 1947 : 16 mai 1945.
V. KA 1997, Werner K., “20 Monate Luftwaffenhelfer : Tagebücher 5. Januar 1944-20. August
1945”, 144-5 et 150 : 21 et 30 janvier 1945 ; passage similaire dans KA 920, Walter S., “Mein
Tagebuch”, 15 sept. 3 nov. 1944.
VI. Nicole Kramer, Volksgenossinnen an der Heimatfront : Mobilisierung, Verhalten,
Erinnerung, Göttingen, 2011 ; Nicole Kramer, « Mobilisierung für die “Heimatfront” : Frauen im
zivilen Luftschutz » et Franka Maubach, « Expansion weiblicher Hilfe : zur Erfahrungsgeschicht
von Frauen im Kriegsdienst », in Sybille Steinbacher (dir.), Volksgenossinnen : Frauen in der NS-
Volksgemeinschaft, Göttingen, 2007, p. 69-92 ; p. 93-111.
VII. Deutsche Wochenschau No. 567 (16 juillet 16 1941) ; Heinz Boberach, (dir.), Meldungen
aus dem Reich : Die geheimen Lageberichte des Sicherheitsdienstes des SS 1938-1945, Berlin,
1984, p. 2564 et p. 6658-66 : 24 juillet 1941 et 24 juillet 1944 ; « Opfer » déconseillé pour les
pertes civiles en 1942 : Sabine Behrenbeck, Der Kult um die toten Helden. Nationalsozialistische
Mythen, Riten und Symbole 1923 bis 1945, Vierow bei Greifswald, 1996 ; utilisé à Cologne,
Martin Rüther, Köln im Zweiten Weltkrieg : Alltag und Erfahrungen zwischen 1939 und 1945,
Cologne, 2005.
VIII. KA 3186, Ruth Reimann.
IX. Hitler autorisa le recrutement pour la Flak le 22 janvier et la formation de la Division de la
Jeunesse hitlérienne le 13 février 1943.
X. Voir les récits autosatisfaits de deux des anciens commandants de la Division : Kurt Meyer,
Grenadiers : The story of Waffen SS General Kurt “Panzer” Meyer, Mechanicsburg, PA, 2005 ;
Hubert Meyer, The 12th SS : The History of the Hitler Youth Panzer Division, 1-2, Mechanicsburg,
PA, 2005 ; pour leur rôle dans l’exécution de prisonniers de guerre canadiens, Howard Margolian,
Conduct Unbecoming : The Story of the Murder of Canadian Prisoners of War in Normandy,
Toronto, 1998 ; Günter Grass, Pelures d’oignons, Paris, Le Seuil, 2007 [Beim Häuten der
Zwiebel].
XI. Les garcons âgés de seize ans furent appelés à la Flak par un décret du 26 janvier 1943 :
Karl Heinz Jahnke et Michael Buddrus, Deutsche Jugend 1933-1945 : Eine Dokumentation,
Hamburg, 1989, p. 359-61 ; voir aussi le projet d’histoire orale de Rolf Schörken, Luftwaffenhelfer
und Drittes Reich : Die Entstehung eines politischen Bewusstseins, Stuttgart, 1984, p. 101-61 ;
pour une étude par un ancien Flakhelfer, voir Hans-Dietrich Nicolaisen, Der Einsatz der
Luftwaffen- und Marinehelfer im 2. Weltkrieg : Darstellung und Dokumentation, Büsum, 1981,
p. 168-96.
XII. KA 4709/2, Klaus S., né en 1926, “Gomorrha. Bericht über die Luftangriffe auf Hamburg
Juli/August 1943”, MS. Hamburg, 1993, basé sur son journal et les lettres à sa mère : 25 juillet
1943 ; pour les statistiques et l’arrière-plan voir Olaf Groehler, Bombenkrieg gegen Deutschland,
Berlin, 1990, p. 106-21 ; voir aussi Martin Middlebrook, The Battle of Hamburg : Allied Bomber
Forces against a German City in 1943, London, 1980 ; Jörg Friedrich, Der Brand : Deutschland
im Bombenkrieg 1940-1945, Munich, 2002, p. 192-5.
XIII. KA 4709/2, Klaus S., lettre à sa mère, 1er août 1943.
XIV. KA 4709/2, Klaus S., lettres à sa mère, 28, 30 et 31 juillet, 1er et 10 août 1943.
XV. KA 4709/2, Klaus S., lettre à sa mère, 31 juillet 1943 ; Police President of Hamburg, in
Jeremy Noakes (dir.), Nazism, 1919-1945 : A Documentary Reader, 4, Exeter, 1998, p. 554-7.
XVI. KA 4709/2, Klaus S., lettre à sa mère, 11 août 1943.
XVII. Liselotte G., dans Ingrid Hammer et Susanne zur Nieden (dir.), Sehr selten habe ich
geweint : Briefe und Tagebücher aus dem Zweiten Weltkrieg von Menschen aus Berlin, Zurich,
1992, 287 et 290-1 : 29 déc. 1943 et 3 janv. 1944.
XVIII. Hammer et Nieden, Sehr selten habe ich geweint, 289-290 : 2 janvier 1944.
XIX. Hammer et Nieden, Sehr selten habe ich geweint, 310 : 17 avril 1945.
XX. Hammer et Nieden, Sehr selten habe ich geweint, 314-16 : 17 mai 1945.
XXI. KA 4025, Heinz M., né en 1928, “Die Pestbeule”, MS ; Lothar Loewe, né en 1929, in
Johannes Steinhoff, Peter Pechel et Dennis Showalter, Voices from the Third Reich : An Oral
History, London, 1991, p. 347-8.
XXII. Nicholas Stargardt, op. cit. ; Robert G. Waite, “Teenage Sexuality in Nazi Germany”,
Journal of the History of Sexuality, Vol. 8, No. 3 (Jan., 1998), p. 434-476.
XXIII. KA 3697, Ursula von Gebhardt, Journal, 24 avril 1945.
XXIV. Yelton, op. cit., p. 119-31. Sur la volonté de cette génération de continuer à croire en la
victoire, voir également, Rosenthal, Die Hitlerjugend-Generation, 88-93 et 320-6.
XXV. Pertes militaires allemandes en 1945 : Rüdiger Overmans, Deutsche militärische Verluste
im zweiten Weltkrieg, Munich, 1999 ; KA 4025, Heinz M., né en 1928, “Die Pestbeule”, MS, 195-
205.
XXVI. KA 4025, Heinz M., “Die Pestbeule”, 206-13 ; KA 3359, Hella K., “Zwischen
Mistbeetfenster und Bombentrichter”, 31-5 ; KA 89, Rudi Brill, “Fronthelfer der HJ”, 20 mars
1945.
XXVII. Yelton, op. cit., p. 137-48 ; Klaus-Dieter Henke, Die amerikanische Besetzung
Deutschlands, Munich, 1995, p. 954-8.
XXVIII. Martin Bergau, Der Junge von der Bernsteinküste : Erlebte Zeitgeschichte 1938-1948,
Heidelberg Verlagsanstalt, 1994, p. 97-107.
XXIX. On trouve les principaux documents dans Shmuel Krakowski, “Massacre of Jewish
prisoners on the Samland Peninsula – documents”, Yad Vashem Studies, 24, 1994, p. 349-387 ; voir
aussi Daniel Blatman, “Die Todesmärsche - Entscheidungsträger, Mörder und Opfer”, in Ulrich
Herbert, Karin Orth et Christoph Dieckmann (dir.), Die nationalsozialistischen
Konzentrationslager - Entwicklung und Struktur, 2, Göttingen, 1998, p. 1063-92 ; Bergau, op. cit.,
p. 108-9.
XXX. Bergau, op. cit., p. 111-15, p. 244-45 ; p. 249-275 ; Martin Bergau, Todesmarsch zur
Bernsteinküste : das Massaker an Juden im ostpreussischen Palmnicken im Januar 1945 :
Zeitzeugen erinnern sich, C. Winter Universitätsverlag, Heidelberg, 2006.
XXXI. KA 53, Jürgen H., né en juillet 1929, [mémoire] 29 Mar.-19 May 1945.
XXXII. Günter Grass, Pelures d’oignons, Paris, Le Seuil, 2007 (trad.).
XXXIII. Sur les retards de développement chez les adolescents, voir Rosenthal, op. cit., p. 88-
93.
Chapitre 6
I. Uzodinma Iweala, Bêtes sans patrie, traduit de l’américain par Alain Mabanckou, Paris,
L’Olivier, 2008, p. 43.
II. Ahmadou Kourouma, Allah n’est pas obligé, roman, Paris, Le Seuil, 2000, p. 34.
III. Ibid., p. 90.
IV. Il n’y a pas que les tabloïds qui misent sur l’image de l’enfant-soldat. La revue La
GéoGraphie a illustré par l’image d’un enfant-soldat africain la une de son numéro consacré aux
« Guerres et conflits », alors qu’il n’y est question ni d’enfants-soldats, ni d’ailleurs d’aucun
conflit spécifiquement africain. Cf. La GéoGraphie, « Guerre et conflits. La planète en danger »,
n° 1531, automne 2008.
V. « Nous devenons de plus en plus sales, nos habits aussi. […]. La plante de nos pieds durcit,
nous ne sentons plus les épines ni les pierres. Notre peau brunit, nos jambes et nos bras sont
couverts d’écorchures, de coupures, de croûtes, de piqûres d’insecte. Nos ongles, jamais coupés, se
cassent, nos cheveux, presque blancs à cause du soleil, nous arrivent aux épaules. Les toilettes sont
au fond du jardin. Il n’y a jamais de papier. Nous nous torchons avec les feuilles les plus grandes
de certaines plantes. Nous avons une odeur mêlée de fumier, de poisson, d’herbe, de champignon,
de fumée, de lait, de fromage, de boue, de vase, de terre, de transpiration, d’urine, de moisissure »,
Agotha Kristof, Le Grand Cahier, Paris, Le Seuil, 1986, p. 19.
VI. Ibid. p. 65.
VII. Les jugements axiologiques sont bannis de leur univers mental au profit des jugements
épistémiques : « Pour décider si c’est “Bien” ou “Pas bien”, nous avons une règle très simple : la
composition doit être vraie. Nous devons écrire ce qui est, ce que nous voyons, ce que nous
entendons, ce que nous faisons. Par exemple, il est interdit d’écrire : “Grand-Mère ressemble à une
sorcière” ; mais il est permis d’écrire : “Les gens appellent Grand-Mère la Sorcière” », Agotha
Kristof, op. cit., p. 33.
VIII. Ibid. p. 119-120.
IX. Ibid. p. 120.
X. Inversement, les monstres peuvent se montrer bienveillants. Ainsi, l’officier nazi qui se sert
des jumeaux pour son usage personnel les sauve-t-il d’une mort programmée ; voir Agotha Kristof,
op. cit., p. 123-124.
XI. Cf. « Conversation sur l’histoire et le roman », Jonathan Littell, Pierre Nora, Le Débat, n°
144, mars-avril 2007, p. 44.
XII. Discours du président Sarkozy à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal), le 26
juillet 2007.
XIII. Série d’articles parus dans Le Figaro, les 19, 20 et 21 juillet 1994.
XIV. Jason Cowley, The Observer, cf. Courrier international n° 872, du 19 au 25 juillet 2007,
p. 36.
XV. Ibid.
XVI. Pièce de Suzanne Lebeau, créée le 13 janvier 2009 au Centre culturel Marcel Pagnol de
Fos-sur-Mer (France) par la compagnie de théâtre le Carrousel et le Théâtre d’Aujourd’hui
(Montréal).
XVII. « La belle écriture de Suzanne Lebeau, limpide et accessible, reste dans l’évocation et se
situe dans un moment plein d’espoir. Son texte est nourri de sa foi en la résilience : le pire peut
advenir, mais l’élan vital de l’homme aspire aux rêves et à l’espoir. » (Anne Pelletier dans La
Provence, cf. http://www.lecarrousel.net/le_bruit_des_os_qui_craquent.html, consulté le
18/11/2010).
XVIII. Uzodinma Iweala, op. cit., p. 169-170.
XIX. On pourrait opposer aux fables édifiantes les fables visionnaires d’un Sony Labou Tansi
notamment qui, dans La Vie et demie, « ose renvoyer le monde entier à l’espoir » en proposant
« une seconde version de l’humain » qui n’exploite pas la couleur locale « africaine » à des fins
d’exotisation.
XX. Uzodinma Iweala, op. cit., p. 172.
XXI. Ibid., p. 174.
XXII. Ibid., p. 172.
XXIII. Ahmadou Kourouma, op. cit., p. 13.
XXIV. Le titre même du roman consiste en un juron désamorcé, qui prend la forme d’une litote
énigmatique et néanmoins courtoise à l’égard de la divinité. La phrase, sorte de prière dérisoire à
valeur de conjuration, scande le récit de Birahima, apparaissant tour à tour entière et tronquée.
XXV. Ahmadou Kourouma, op. cit., p. 62.
XXVI. Ibid., p. 61.
XXVII. Ibid., p. 9.
XXVIII. Ibid., p. 182.
XXIX. La colonisation anglaise a fait de la Sierra Leone « un havre de paix, de stabilité, de
sécurité », grâce à une partition administrative claire et hiérarchisée entre sujets britanniques d’une
part et « noirs nègres indigènes sauvages de la brousse » d’autre part ; Ahmadou Kourouma, op.
cit., p. 163-164.
XXX. Grand reporter français, lauréat du prix Albert Londres en 1985, journaliste au Point puis
à L’Express, il est actuellement directeur de rédaction à L’Expansion.
XXXI. Alain Louyot, Les Enfants soldats, Paris, Perrin, coll. « Tempus », 2007 (1989), p. 15.
XXXII. Ibid., p. 77-82.
XXXIII. Ibid., p.79 et p. 15-17.
XXXIV. Ibid., p. 16.
XXXV. « Le plus marrant c’est que, parmi ces enfants-soldats, il y a des filles, oui des vraies
filles qui ont le kalach, qui font le faro avec le kalach » (Ahmadou Kourouma, op. cit., p. 54) ;
« les filles étaient des enfants-soldats comme nous » (ibid., p. 185-186).
XXXVI. Alain Louyot, op. cit., p. 78.
XXXVII. Jeffrey Gettleman, « Enquête sur une tragédie africaine », The New Yorker, cf.
Courrier international n° 872, du 19 au 25 juillet 2007, p. 32-33.
XXXVIII. Secrétaire d’État adjoint pour l’Afrique dans l’administration Reagan de 1981 à
1989.
XXXIX. « Même le génocide rwandais – quelque terrifiant qu’il ait pu être – se conformait au
modèle familier d’une lutte de pouvoir entre deux groupes ethniques », explique Jeffrey
Gettleman. Modèle d’autant plus familier aux Occidentaux que ce sont eux qui l’ont imposé, pour
leur propre confort. Forcément : si les Africains ont vocation à se dévorer les uns les autres, les
Hutu massacrent les Tutsi à proportion de ce que les Tutsi massacrent les Hutu, et ainsi le « double
génocide » (fable négationniste) en vient à apparaître lui-même comme un processus naturel.
Chapitre 7
I. Paul Richards, Fighting for the Rain Forest : War, Youth & Resources in Sierra Leone,
Portsmouth, N. H., Heinemann, 1996.
II. Allison James, Chris Jenks et Alan Prout, Theorizing Childhood, New York, Teachers
College Press, 1998.
III. Mary Douglas, Purity and Danger : An Analysis of Pollution and Taboo, London, Routledge
& Kegan Paul, 1966.
IV. Enfants-soldats est écrit ici entre guillemets pour souligner qu’il s’agit d’une catégorie
culturelle et non d’un terme objectif qui pourrait être utilisé pour une définition scientifique de la
population des jeunes dans les groupes armés.
V. Betancourt, T-S, Brennan R., Rubin-Smith J., Fitzmaurice R., & Gilman S.E., « Sierra
Leone’s former child soldiers : a longitudinal study of risk, protective factors, and mental health »,
Journal Am.Acad.Child Adolesc.Psychiatry, 49, 2010, p. 606-615 ; Mouzayan Osseiran-
Houbballah, L’Enfant-soldat, Paris, Odile Jacob, 2003.
VI. Brandon Kohrt et al., « Comparison of mental health between former child soldiers and
children never conscripted by armed groups in Nepal », JAMA, 300, 2008, p. 691-702.
VII. Selon la définition de Arthur Kleinman, « Anthropology and psychiatry. The role of culture
in cross-cultural research on illness », The British Journal of Psychiatry, 151, 1987, p. 447-454.
VIII. Émilie Medeiros, « Child soldiers and their subjectivity. What they have to say ? » in
« Special issue on Child soldiers », Journal of child and adolescent trauma (sous presse).
IX. Clifford Geertz, « Toward an Interpretive Theory of Culture » in The Interpretation of
Cultures : Selected Essays, p. 3-30, New York, Basic Books ; Roland Littlewood, « The
antinomian hasid », B. J Med. Psychol., 56, 2002.
X. Mats Utas Sweet Battlefield, Upsala University, 2003 ; Alcinda Honwana, Child soldiers in
Africa, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2006.
XI. Source INSEC (2009).
XII. Cette étude s’inscrit dans le cadre d’une anthropologie de la subjectivité. Dans cette ligne
de pensée, la subjectivité constitue le fondement de l’expérience et est appréhendée autant dans le
prisme de réalités collectives que dans la traduction individuelle de ces réalités. La subjectivité naît
ainsi au sein des expériences culturelles, des symboles et des interactions sociales du monde local
de l’individu. Cf. Biehl, J., Good, B., & Kleinman, A., Subjectivity : ethnographic investigations,
Berkeley, University of California Press, 2007.
XIII. Les trois axes présentés sont extraits d’une modélisation plus large sur les positions
subjectives de l’échantillon étudié. Chaque axe représente une thématique transversale dans les
positionnements des jeunes. Ils sont structurés de manière dialectique, dont chaque extrémité du
spectre est présentée dans ce texte.
XIV. Roland Littlewood, op. cit.
XV. Punamaki, R-L, « Can ideological commitment protect children’s psychological well-being
in situations of political violence ? “, Child Dev., 67, 1996, p. 55-69.
XVI. Émilie Medeiros, « Child soldiers and their subjectivity. What they have to say ? » in
« Special issue on Child soldiers », Journal of child and adolescent trauma (sous presse).
XVII. West a pu trouver des processus similaires auprès des jeunes filles du RENAMO en
Mozambique : Harry West, « Girls with Guns : Narrating the Experience of War of FRELIMO’s
“Female Detachment” », Anthropological Quarterly, 73, 2000, p. 180-194.
XVIII. Mats Utas, op. cit. ; Susan Shepler, Conflicted Childhoods : Fighting over Child Soldiers
in Sierra Leone, University of California, Berkeley, 2005.
XIX. Pierre Bourdieu, « L’illusion biographique », in Raisons pratiques, Sur la théorie de
l’action, Paris, Le Seuil, 1994, p. 67-72.
XX. Émilie Medeiros, « Integrating mental health into post-conflict rehabilitation : the case of
Sierra Leonean and Liberian “child soldiers” », Journal of Health and Psychology, 12, 2007,
p. 498-504.
XXI. David Rosen, Armies of the Young : Child Soldiers in War and Terrorism, New Brunswick,
Rutgers University Press, 2005.
XXII. Les figures proposées sont : le terroriste, l’insurgé, le partisan, et le corps professionnel
organisé ; Sophie de Mijolla-Mellor, La Mort donnée. Essai de psychanalyse sur le meurtre et la
guerre, Paris, PUF, 2011.
XXIII. Harry West, « Girls with Guns : Narrating the Experience of War of FRELIMO’s
“Female Detachment” », art. cit.
XXIV. Derek Summerfield, « The Social Experience of War and Some Issues for the
Humanitarian Field », in P. J. Bracken et C. Petty (dir.), Rethinking the Trauma of War, London,
Free Association Books, 1998, p. 9-37.
Chapitre 8
I. Isabelle Vichniac, « La “douce mort” des enfants soldats », Le Monde, 15 juillet 1983 et le
témoignage anonyme « Les enfants massacrés », Le Monde, 24 mars 1884. Voir aussi les journaux
télévisés du 6 mai 1982, A2, 20h, et notamment le reportage consacré aux enfants iraniens
combattants, entre dix et quinze ans, prisonniers en Irak, 7 mars 1984, Midi 2, Archives INA.
II. Farideh Farhi cite une dépêche de l’AFP du 13 mars 1998 dans laquelle Mohammad Hasan
Rahimian, alors directeur de la Fondation des Martyrs, avance que 72 % des combattants morts
avaient entre 14 et 24 ans, et que 7 000 avaient moins de 14 ans. Farideh Farhi, « The Antinomies
of Iran’s War Generation », in Lawrence G. Potter et Gary Sick, Iran, Iraq, and the Legacies of
War, Palgrave Macmillan, 2004, p. 116.
III. Le « droit de Genève » est composé d’une série de traités internationaux définissant les
règles de protection des droits de la personne en cas de conflit armé. L’article 77 du protocole
additionnel I aux Conventions de Genève (1977) aborde explicitement la protection des enfants
dans les conflits armés. Cet article prévoit que « les parties au conflit [doivent prendre] toutes les
mesures possibles dans la pratique pour que les enfants de moins de quinze ans ne participent pas
directement aux hostilités, notamment en s’abstenant de les recruter dans leurs forces armées ».
Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des
victimes des conflits armés internationaux, protocole 1, 8 juin 1977, article 1977.
IV. Saskia Gieling, Religion and War in Revolutionnary Iran, IB Tauris, London NY, 1999.
V. Le CICR parle de « règle morale universelle d’une exceptionnelle importance », voir à ce
sujet Paul Tavernier, « La guerre du Golfe - quelques aspects de l’application du droit des conflits
armés et du droit humanitaire » in Annuaire français du droit international, vol. 30, 1984, p. 43-
64.
VI. Dans des reportages de la télévision iranienne, des enfants ont été interviewés sur le front.
Ils racontent qu’ils ont suivi une formation idéologique, mais le caméraman ne les filme pas en
train de se battre. http://www.youtube.com/watch?v=mkXdXqHqkds&NR=1
Dans un autre reportage, un enfant raconte comment il a rejoint son grand frère dans un
bataillon. On le voit devenu plus la mascotte du groupe militaire qu’un combattant.
http://www.youtube.com/watch?v=0JW-8beKR4s
VII. On peut voir dans un extrait de Revayat-e fath, un enfant qui s’obstine à monter dans un bus
d’engagés : http://www.youtube.com/watch?v=pimHRybIO_o. Néanmoins, l’un des principaux
chefs opérateurs de la série, Mostafâ Dâla’i affirme n’avoir jamais vu d’enfant-combattant durant
la guerre. Entretien du 2 mai 2006, Téhéran.
VIII. 1981 correspond au premier film de guerre tourné en Iran et 1989 correspond à la date de
réalisation de films écrits durant la guerre mais qui sortent à la fin du conflit. Sur les films de
guerre se référer à Ma’sud Farâsati, Bist-o panj sâl-e sinemâ ye irân. Sinemâ-ye jang va defâ’ e
moqqadas, Muze-ye sinemâ-ye irân va bonyâd sinema-ye fârâbi, Tehrân, 1382/2004.
IX. Jeanine Basinger, The World War II Combat Film : Anatomy of a Genre, Wesleyan
University press, 2003.
X. Alain Kleinberger, « Ruptures narratives, catharsis ou convention : représentation de la mort
dans les films de guerre américains (1942-1945), in David Lescot et Laurent Véray (dir.), Les
mises en scène de la guerre au XXe siècle, Théâtre et cinéma, Nouveau Monde, Paris, 2011, p. 185-
205.
XI. Saskia Gieling, op.cit.
XII. Il fait suite à un film que Nâderi vient tout juste de finir, La Recherche [Josteju, 1979] sur
les disparus de la révolution.
XIII. À la recherche d’une forme cinématographique qui pourrait rendre compte du traumatisme
qu’ont vécu les Iraniens, Amir Nâderi pense la caméra et la prise d’image comme des outils pour
comprendre la réalité de la guerre. Il se réfère à la démarche de Roberto Rossellini dans Rome ville
ouverte et Allemagne année zéro. Entretien avec Amir Nâderi, 30 août 2008, Venise.
XIV. Par exemple, dans une séquence du film, une vieille femme court devant un char irakien
qui menace de l’écraser. Cette femme a accepté de jouer cette scène car elle l’avait vécue quelques
jours auparavant. Elle rejoue devant la caméra de Nâderi ce qu’elle connaît intimement.
XV. Le second, plus âgé, a davantage l’âge d’un adolescent.
XVI. Sur les conditions de production et sur la censure cinématographique exercée à cette
époque : Agnès Devictor, Politique du cinéma iranien, de l’âyatollâh Khomeyni au président
Khâtami. Paris, Éd. du CNRS, 2004.
XVII. Entretien, op. cit.
XVIII. Entretien avec E. Hâtamikiâ, du 17 janvier 2007, Téhéran.
XIX. On estime à plus de trois millions, le nombre de volontaires qui ont bénéficié d’un
entraînement dans le basij au cours de la guerre. Seul un tiers des basiji aurait participé à des
actions militaires en premières lignes. Le recrutement de volontaires devait permettre d’avoir en
permanence au moins 50 000 basiji sur le front, et de doubler cet effectif pendant les offensives.
Voir S. Chubin et C. Tripp, Iran and Iraq at War, Westview Press, 1988, et Dilip Hero, The
Longuest War : the Iran-Iraq military Conflict, Rootledge, 1991, p. 75.
XX. Asghar Schirazi, The Constitution of Iran, Politics and State in the Islamic Republic, I. B.
Tauris, 1997, p. 10.
XXI. Sepehr Zabih, The Iranian Military Revolution and War, Rootledge, London, 1988, p. 220.
XXII. Rappelons que Clauswitz s’est engagé à douze ans dans la guerre et qu’il devient
lieutenant à quinze ans, in Préface de Gérard Chaliand à De la guerre de Carl von Clauswitz,
Perrin, réédition 2006, p. 8.
XXIII. Dans un entretien (Téhéran, 22 janvier 2008) le chef de la section du basij de l’aéroport,
M. Rouzgard, se souvient de son engagement : « J’ai voulu aller au front en prenant le train, pour
fuir la routine ».
XXIV. Une autobiographie raconte comment un enfant de douze ans s’est vu contraint par la
pression de sa propre mère à s’engager dans la guerre, inJe n’ai plus de larmes pour pleurer, Récit
recueilli par Freidoune Sahebjan, Grasset, 1985.
XXV. Ce systématisme a même entraîné Kamâl Tabrizi à intégrer une séquence singeant ce
dispositif dans la première comédie de guerre de l’histoire du cinéma iranien Leili est avec moi
[Leili bâ man ast, 1996]. Voir Agnès Devictor, « Percée comique sur le front de la guerre Iran-Irak,
Leili est avec moi (Kamâl Tabrizi, 1996), in D. Lescot et L. Véray (dir.), Les mises en scène de la
guerre au XXe siècle, Théâtre et cinéma, Nouveau Monde, Paris, 2011, p. 491-508.
XXVI. Saskia Gieling, op. cit., p. 119.
XXVII. Paul Tavernier, op. cit, p. 57.
XXVIII. Rohollâh Khomeyni, Dar josteju-ye râh az kalâm-e imâm : shâhid va shohâda. Az
bayânat va e’lâmiya-hâ-ye imâm khomeyni az sâl 1341 tâ 1361, vol. 4., Téhéran, Amir Kabir,
1370/1991, p. 27.
XXIX. Juridiquement, d’après la doctrine classique générale et dans la tradition historique, le
djihâd consiste dans l’action armée en vue de l’expansion de l’Islam et éventuellement de sa
défense. Il procède du principe fondamental d’universalisme de l’Islam ; voir E. Tyan, « Djihâd »,
Encyclopédie de l’Islam, Leyde, Brill, Maisonneuve et Larose, 1960-2003, t. 2, p. 551.
XXX. Dans Deux yeux sans vue (Dow cheshm-e bi su, 1983), Mohsen Makhmalbâf met en
scène le recrutement des enfants dans les écoles, de façon très valorisée. Un jeune aveugle est ainsi
traumatisé de ne pas pouvoir s’engager.
XXXI. Agnès Devictor, « Du cadavre au martyr ou la représentation de la mort dans la presse
iranienne lors de la guerre Iran-Irak », in A. Rabatel et M-L. Florea, (dir.), « Re-présentations non-
fictionnelles de la mort dans les médias », Questions de communication, n° 11, automne 2011 (à
paraître).
XXXII. Il est le fils de ‘Ali et de Fatima, fille du prophète. Le Troisième Imam pour les chiites.
XXXIII. Plus généralement nommé Abolfazl ou Abolfazl al Abbas.
XXXIV. Yann Richard, L’islam chiite, Croyances et idéologies, Paris, Fayard, 1991, p. 45-46.
XXXV. Jean-Pierre Digard, Bernard Hourcade et Yann Richard, L’Iran au XXe siècle, Paris,
Fayard, 1996, p. 161.
XXXVI. Sasakia Gieling, op. cit.
XXXVII. Sur la perception de la guerre en Bataille de Kerbalâ par les combattants volontaires,
se référer à Éric Butel, Le martyr dans les mémoires de guerre iraniens. Guerre Iran-Irak (1980-
1988), thèse en Langues et civilisation orientales, INALCO, 2000.
XXXVIII. Peter J. Chelkowski (dir.), Ta’zieh. Ritual and Drama in Iran, New York University
Press and Soroush Press, 1979.
XXXIX. Cette double lecture s’inscrit aussi dans une tradition forte de la philosophie et de la
mystique chiite. Voir Mohammad-Ali Amir-Moezzi et Christian Jambet, Qu’est-ce que le
shî’isme ?, Paris, Fayard, 2004.
XL. Le rouge annonce aussi le carnage et le vert, couleur de l’islam et du Mahdi, 12e imam en
occultation (l’imam caché) qui reviendra quand la justice sera rendue. Quand les basiji utilisent
dans la guerre ces deux couleurs, le rouge ne symbolise pas l’ennemi, mais renvoie à l’idée du
passé (au drame de Kerbalâ) et le vert à l’avenir (à la parousie). « Pour les basiji, la révolution
islamique est un oiseau à deux ailes, l’une rouge, traditionnellement celle de l’imam Hoseyn et
l’autre verte de l’avenir, celle du Mahdi » ; entretien avec le réalisateur Mehran Tamadon, 30 août
2007, lors de la préparation de son film Basiji [2009].
XLI. Laleh Taghian, Ta’zieh, Markaz honarhâ-ye namâyesh-e jomhuri eslâmi-e irân, Tehrân,
tabestan 1370 (été 1991), p. 2.
XLII. Rappelons que le martyre n’est pas la mort. Dans le Coran, les martyrs sont les
combattants d’Allah tombés pour faire triompher la foi, la justice (le haqq). S’ils atteignent le
paradis par cet acte, ils ne sont pas pour autant considérés comme morts. « Ne crois surtout pas que
ceux qui sont tués sur le chemin de Dieu sont morts, ils sont vivants » (Coran, III-169, La Famille
d’Imran). « Ne dites pas de ceux qui sont morts dans le chemin de Dieu “Ils sont morts”. Non ! Ils
sont vivants, mais vous n’en n’avez pas conscience » (Coran II-154, La Vache).
XLIII. Cheikh Abbâs Ghomi, Nafass’ol mahmoun ou la tragédie de Kerbalâ, traduit par Farideh
Mahdavi-Damchani, Ed. Ansarian, Qom, Iran, 2007, p. 221.
XLIV. Ibid.
XLV. Sadeq Humayuni, « An Analysis of the Ta’ziyeh of Qasem », in P. Chelkowski, op. cit., p.
12-23.
XLVI. Le titre du film désigne le lieu mythologique, Ninâvâ, où a eu lieu le carnage de Kerbalâ.
XLVII. Soulignons que si Mollâqolipur signe ces deux films inspirés de la mythologie chiite,
cela ne l’empêche pas par la suite d’en réaliser d’autres sur la guerre, détachés de toute référence à
Kerbalâ, comme La Barque sur l’autre rive [Balam besuye sahel,1986]. Jusqu’à sa mort, en 2008,
la guerre Iran-Irak imprégnera toute son œuvre.
Chapitre 9
I. Ce chapitre est la version remaniée d’un article publié précédemment dans la revue Vingtième
siècle, n° 89, janvier-mars 2006.
II. Francis Pisani, Muchachos : Nicaragua, journal d’un témoin de la révolution sandiniste,
Paris, Ed. Encre, 1980.
III. J’emprunte cette expression à Luisa Passerini : « La jeunesse comme métaphore du
changement social. Deux débats sur les jeunes : l’Italie fasciste, l’Amérique des années 1950 », in
G. Levi et J.-C. Schmidt (dir.), Histoire des jeunes en Occident, Paris, Seuil, 1994, tome I, p. 339-
408.
IV. Il fallut attendre 1987 pour que soit redonné un statut de région autonome aux deux
départements de la côte atlantique. Un fort bon résumé de la Moskitia se trouve dans le manuel de
German Romero Vargas, Historia de la Costa Atlantica, Managua, CIDCA-UCA, 1996 ; ainsi que
dans son ouvrage, Las sociedades del Atlantico de Nicaragua en los siglos XVII y XVIII, Managua,
Banco Nicaraguense, 1995.
V. Le film fut produit en 1985 par Werner Herzog lui-même comme à son habitude. Cadrées
autrement, les photographies reproduites dans le Nouveau Journal avaient auparavant été publiées
dans Die Ziet daté du 2 novembre 1984, et ce avec un cliché d’Yves Billon paru dans Le Nouvel
Observateur du 4 mai 1984.
VI. Il s’agit de la guérilla avant tout miskitue, Miskitu Sumu Rama, qui tira son nom de celui
des trois ethnies amérindiennes de la Moskitia nicaraguayenne.
VII. Comme l’explique Werner Herzog au début de son entretien, Denis Reichle, coauteur du
film, fut « membre des bataillons d’enfants et de vieillards que Hitler employait pour la défense de
Berlin dans les derniers jours de la guerre ».
VIII. Il s’agit de l’armée de Somoza renversée par la révolution sandiniste du 19 juillet 1979.
IX. Voir Jean Michel Caroit et Véronique Soulé, Nicaragua, le modèle sandiniste, Paris, Le
Sycomore, 1981, p. 173-175.
X. Je renvoie ici aux études que j’ai faites de ce massacre : Gilles Bataillon, « Le Nicaragua et
les Indiens Miskito », Esprit, juillet-août 1982, p. 145-152 ; id., « Le Nicaragua et les Indiens de la
côte atlantique », Esprit, juillet 1983, p. 146-161.
XI. Werner Herzog grossit la durée de son séjour dans les maquis de Misura et transforme les
lieux où il a séjourné effectivement : les visas délivrés à l’époque par les autorités honduriennes
n’étaient valides qu’un mois et un séjour aussi long aurait posé de nombreux problèmes
logistiques. Il réalisa donc très probablement son tournage en quelques semaines, pour ne pas dire
en quelques jours. En outre, la base où sont tournées les images du film, le Centro de instruccion
militar, fut bien située au Honduras, non loin de la maison de bambou de Fagoth, pompeusement
nommée la casa blanca (maison blanche).
XII. Ces chiffres m’ont été fournis par le bureau de la CIAV-OEA à Managua en 1991. Samuel
Kittlé-Borge, l’un des principaux responsables de la guérilla miskitue, m’a confirmé leur validité.
Il travailla d’ailleurs par la suite avec la CIAV-OEA au programme de suivi de la démobilisation et
de la réinsertion des guérilleros.
XIII. J’ai puisé dans la centaine d’entretiens réalisés entre 1997 et 2004 avec différents anciens
guérilleros et d’autres habitants de la Moskitia nicaraguayenne.
XIV. J’ai décrit, à partir d’entretiens avec les anciens guérilleros miskitus, l’ambiance de ces
premiers entraînements dans Gilles Bataillon, « Comandantes, état-major et guérilleros : jeux de
pouvoir à l’intérieur de la guérilla miskitue (Nicaragua 1981-1984) », Cahiers des Amériques
latines, 36 (1), 2001, p. 127-159.
XV. Cela concerne une bonne trentaine de milliers de personnes.
XVI. Gilles Bataillon, « D’une catastrophe à l’autre dans la Moskitia : de l’après-guerre à
l’après-Mitch sur les rios Wangki et Coco », Journal de la société des américanistes, 88, 2002, p.
260-278.
XVII. On trouvera une description de ces aides, dont bénéficièrent avant tout les contras
hispanophones, dans le livre de Roy Gutman, Banana Diplomacy. The Making of American Policy
in Nicaragua (1981-1987), New York, Simon & Schuster, 1988.
XVIII. Voir Ethnographical Survey of Miskito and Sumu Indians of Honduras and Nicaragua,
Washington, Bureau of American Ethnology, 1932, p. 115.
XIX. Ce messianisme a tous les traits de ceux analysés par Wilhelm E. Mühlmann et ses
collaborateurs dans Wilhelm E. Mühlmann (dir.), Messianismes révolutionnaires du tiers-monde,
Paris, Gallimard, 1968 (traduit de l’allemand par Jean Baudrillard).
XX. Je reprends ce propos de Marcel Mauss, « Fragments d’un plan de sociologie générale
descriptive », Annales sociologiques, 1934, rééd. in Marcel Mauss, Œuvres, Victor Karady (éd.),
Paris, Éditions de Minuit, 1969, tome III, p. 303-358.
Conclusion
I. Jean-Hervé Jézéquel, « Les enfants soldats d’Afrique, un phénomène singulier ? Sur la
nécessité du regard historique », Vingtième siècle, Revue d’histoire, n° 89, janvier-mars 2006,
p. 101.
Bibliographie
Ouvrages spécialisés