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Université Jean Moulin - Lyon III

Faculté de droit

L'ADOPTION D'ENFANTS BRESILIENS

Une recherche évaluative sur la trajectoire des enfants


adoptés par des familles européennes par
l'intermédiaire du tribunal de Porto Alegre entre 1980 et
1985

Thèse pour le doctorat de droit privé soutenue publiquement

par Sylvia BALDINO NABINGER


le 14 Décembre 1994

PRESIDENCE
Madame J. Rubellin - Devichi
Professeur à l'Université Jean Moulin - Lyon III
Directeur du Centre de droit de la famille

SUFFRAGANTS
Mme S. Ferré-André, Maître de conférences à l'Université Jean Moulin Lyon III
Mme F. Granet, Professeur à l'Université Robert Schuman Strasbourg III
Dr J. Noël, Pedopsychiatre
M. J.F. Renucci, Maître de conférences à l'Université de Nice
L'Université Jean Moulin - Lyon III n'entend donner
aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette
thèse; celles-ci doivent être considérées comme propres à leur
auteur.
L'ADOPTION D'ENFANTS BRESILIENS

Une recherche évaluative sur la trajectoire


des enfants adoptés par des familles
européennes par l'intermédiaire du tribunal
de Porto Alegre entre 1980 et 1985
SOMMAIRE
SOMMAIRE...........................................................................................................1

INTRODUCTION...................................................................................................1

PREMIERE PARTIE: L'ENFANT ABANDONNE ET L'INTERVENTION


DE L'ETAT............................................................................................................6

TITRE I: L'ABANDON : LES SOLUTIONS INSTITUTIONNELLES ET FAMILIALES


EN DROIT INTERNE ........................................................................................ 8
Chapitre I: La rupture entre l'enfant et la famille d'origine 8
Section 1 : Les facteurs économiques de la rupture ...................................10
Section 2 : La carence de soins maternels et les formes de la
séparation....................................................................................................19
Section 3 : Le placement en institution........................................................28
Chapitre II : L'adoption en droit interne 34
Section 1 : L'évolution socio-juridique de l'adoption au Brésil.....................34
Section 2 : L'organisation de l'adoption au tribunal de Porto Alegre...........45
Section 3 : Les enfants adoptables .............................................................51
TITRE II : L'ADOPTION PAR DES ETRANGERS ................................................. 59
Chapitre I : Les caractéristiques de l'adoption par des
étrangers 59
Section 1 : Le développement de l'adoption internationale.........................60
Section 2 : Les motivations des adoptants étrangers..................................67
Section 3 : L'importance du trafic d'enfants et le rôle des
intermédiaires ..............................................................................................73
Section 4 Les conditions d’adoptabilité en France, Belgique, Italie et
Luxembourg.................................................................................................88
Chapitre II : La pratique de l'adoption par des étrangers au
tribunal de Porto Alegre 99
Section 1: "L'apparentement" ou le "matching" .........................................101
Section 2 : La mise en relation et le suivi de l'adoption.............................113
Section 3 : Le coût de l'adoption ...............................................................124
Conclusion.................................................................................................128
DEUXIEME PARTIE : L'INTEGRATION DES ENFANTS BRESILIENS
ADOPTES PAR DES FAMILLES EUROPEENNES .........................................129

TITRE I : LA RECHERCHE ET SES FONDEMENTS ......................................... 130


Chapitre I : Révision des études antérieures 130
Chapitre II : La problématique et la méthodologie de la
recherche 135
Section 1 : L'objet, les finalités et les hypothèses directrices....................135
Section 2 : Les instruments utilisés et les problèmes
méthodologiques .......................................................................................138
TITRE II : LES RESULTATS DE LA RECHERCHE ............................................ 151
Chapitre I : La présentation des résultats 151
Section 1 : Le profil des enfants et des parents ........................................151
§2. Le profil des adoptants au moment de l'adoption ................................159
Section 2 : Le vécu de l'adoption par les parents et les enfants
166
§1. La période préadoptive et l'adoption proprement dite .........................166
§ 2. La période post-adoptive....................................................................183
Chapitre II : L'analyse des résultats 227
Section 1 - Comment vont les enfants ?....................................................228
Section 2 : Comment sont-ils intégrés ? ....................................................229
Conclusion de la deuxième partie 241
CONCLUSION ..................................................................................................246

BIBLIOGRAPHIE ..............................................................................................248

ANNEXES .........................................................................................................262

I. QUESTIONNAIRE TYPE UTILISE POUR L'ENQUETE ..................................... 263


II. TABLEAU D'EQUIVALENCE DES ENSEIGNEMENTS..................................... 288
III. TABLEAU DE CLASSIFICATION PROFESSIONNELLE .................................. 290
IV. ACTE FINAL DE LA CONFERENCE DE LA HAYE 26 MAI 1993................... 292
V. LOI D'ADOPTION. EXTRAIT DU STATUT DE L'ENFANT ET DE
L'ADOLESCENT, DIARIO OFICIAL DE LA REPUBLIQUE FEDERATIVE DU
BRESIL, SECTION I, DU 16 JUILLET 1990 ................................................... 302
SOMMAIRE.......................................................................................................308
INTRODUCTION
L'adoption est une institution universelle. En effet, le
désir de procréation et de perpétuation est l'essence même de l'être
humain et de toute communauté. Aussi toutes les sociétés ont
cherché à résoudre l'absence de compagnes ou de descendants. Le
rapt, l'envoi de femmes pour peupler des régions récemment
conquises ou le don , l'achat d'enfants constituent des réponses qui
s'inscrivent dans un mouvement général de circulation des richesses
humaines.

La diversité des cultures et des histoires particulières


des pays sont à l'origine des différentes formes que présente cette
filiation sociale. Ainsi, l'histoire de l'adoption et sa réalité
contemporaine au Brésil sont étroitement liées à l'histoire de la
construction du Nouveau Monde et à sa situation économique
actuelle. En effet, la population indienne indigène augmenta de façon
considérable à la suite de vagues migratoires successives. Les
conquérants portugais et hollandais arrivés sans épouse au XVIIème
siècle "importèrent" des esclaves africains jusqu'au XIXème siècle
pour remplacer la main d'oeuvre indienne décimée par la maladie et
le travail dans les mines. Au siècle dernier, plusieurs millions
d'européens pauvres ou persécutés en raison de leurs convictions
religieuses arrivèrent en famille dans ce qu'ils considéraient être un
Eldorado. Ils furent suivis au début du XXème siècle par des
japonais et dans l'entre-deux guerres par des réfugiés politiques et
une population ruinée à la suite de la crise de 1929. Cette multiplicité
raciale s'accrut encore d'une population quittant le Moyen-Orient
après la seconde guerre mondiale, essentiellement des syriens et
des libanais.

1
Ce gigantesque brassage et métissage de population
jeune, dans un territoire immense, ne connut ni les crises
économiques qui frappèrent le Vieux continent au XVIIIème siècle, ni
l'exode rural de la révolution industrielle qui générèrent des
centaines de milliers d'abandons d'enfants. Mais le système
esclavagiste et la spécificité des plantations de monocultures
dirigées par des colons portugais, qui vivaient le plus souvent avec
une femme indigène ou une esclave noire, fut à l'origine de pratiques
particulières d'abandons d'enfants. Dans la culture africaine, les
naissances multiples représentent un don du ciel et une valorisation
de la féminité; elles sont une source de considération pour l'époux et
de reconnaissance par la communauté. Réduites à l'esclavage sur le
territoire brésilien, les africaines préféraient le suicide, l'avortement
ou l'infanticide " comme des fomes de résistance, déchirantes et
conscientes"1. Ainsi leur progéniture, et dans le cas le plus extrême
leur personne même, échappaient à cette condition infra-humaine.
"L'esclave qui refusait d'accoucher causait un dommage patrimonial
à son maître et libérait de l'esclavage une descendance qu'elle
n'aurait jamais".2

Ces petits propriétaires terriens ne voulaient pas


entretenir de nourrissons dans les premiers mois de leur vie car ces
derniers mobilisaient une partie de l'énergie de leur mère-esclave.
Les abandons étaient dès lors fréquents, quoique bien moindres
qu'en Europe. Cette attitude des colons portugais était radicalement
opposée à celle qui prévalait à la même époque dans les Etats du
Sud des Etats-Unis. En effet, devant l'arrêt progressif d'arrivées
d'esclaves en provenance d'Afrique, les propriétaires se lancèrent
dans une politique de reproduction de leur main d'oeuvre. A Rio de
Janeiro, au début du XIXème, en neuf ans, dix mille enfants furent
abandonnés, et, de 1830 à 1840, le tour aurait fonctionné 3640 fois3.
Certains enfants étaient abandonnés parce qu'ils étaient le fruit
d'unions illégitimes avec des esclaves ou de "petits mariages" entre
des colons portugais, mariés par ailleurs dans leur pays et des
indiennes indigènes4. Parmi ces nouveau-nés exposés à l'hôpital, le
taux de mortalité était extrêmement élevé, atteignant jusqu'à 90%5.
1 M. Maestri, L'esclavage au Brésil, Karthala, 1991, P.127
2 M. Maestri, L'esclavage au Brésil, P.128
3 Par ex., de 1830 à 1840, 50153 abandons in: A. Dupoux,
Sur les pas de Monsieur Vincent, Revue de l'Assistance
Publique, 1958, p. 416, graphique A.
4 V.
5 A. Moncorvo Filho, Historico da Proteçao a Infancia no
Brasil, 1500-1922, Empresa Grafica Editora (Rio), 1926, p.
38

2
Toute personne en exprimant l'intention pouvait emmener un de ces
enfants, moyennant la signature d'un document de prise en charge;
elle recevait alors de l'hôpital un trousseau complet pour l'enfant.

A la suite de l'abolition de l'esclavage en 1888, les


anciens esclaves noirs, quoique libérés de leur condition, restèrent
sur les latifundia. Les femmes, le plus souvent, nourrissaient et
gardaient les enfants de leurs patrons. Elles abandonnaient alors
leurs propres enfants ou même, lorsqu'ils restaient dans le domaine
pour réaliser de menus travaux, elles ne pouvaient s'en occuper. On
assiste ainsi à l'émergence d'un phénomène d'abandon qui se répète
depuis lors et que l'on peut qualifier de transgénérationnel. En effet
plusieurs études ont démontré que dans les familles descendantes
d'esclaves où les femmes n'ont pas été élevées par leur propre mère
et ont été abandonnées par des compagnons successifs dont elles
ont eu des enfants, ce geste de rupture est répété par les mères6.
Cette attitude de rejet ou de simple délaissement est accentué par
divers facteurs: la migration des zones rurales vers les zones
urbaines, la disparition du soutien de la famille élargie, l'obligation
d'accepter des emplois non qualifiés très éloignés du lieu
d'habitation, etc.

Durant toute cette période, jusqu'à la fin du XIXème


siècle, c'est l'Eglise seule qui prend en charge les pauvres, les
laissés pour compte, parmi lesquels se trouvent les enfants
abandonnés. En d'autres termes, le pauvre était "la propriété
exclusive de l'Eglise catholique et un de ses instruments de
pouvoir"7. A la fin du XIXème siècle, ce modèle caritatif d'aide aux
démunis se double d'un modèle philanthropique qui, à l'initiative de
personnalités du monde laïc (médecins, juges ...) prend le relais de
la charité critiquée pour sa désorganisation et sa défaillance. Au
début du XXèmè siècle, l'Etat reprend à son compte les théories
philanthropiques et organise l'espace social par le biais de diverses
lois, institutions et projets, et ce d'autant plus qu'il apparaît alors
clairement que, par manque d'éducation, "l'enfance moralement
abandonnée est potentiellement dangereuse"8.

6 Celà contrairement à une recherche française qui démontre


que le taux de reproduction d'abandon est très faible
(autour de cinq pour cent). V.J. Assailly et M. Corbillon
"La reproduction?" Abandon, Adoption, Revue Autrement,
dirigée par B. Trillat, 1988, n°96, p. 74
7 I. Rizzini, "A assistencia a Infancia na passagem para
seculo XX - da repressao a reeducaçao", Revista Forum
Educacional 2/90 da Fondaçao Getulio Vargas, p. 80
8 I Rizzini, op. cit., p.62

3
Au cours de ce siècle, le contexte socio-économique ne
va que se désagrégeant; les gouvernements successifs s'avèrent
incapables d'apporter des réponses appropriées et d'assurer des
conditions de vie décentes à la majorité des familles. La situation de
grande précarité, voire de misère, dans laquelle elles vivent affecte
en premier lieu la population infantile: "abandonnée" par les pouvoirs
publics, la famille à son tour abandonne l'enfant. Les formes prises
par cette séparation, cette rupture entre enfant et famille sont
multiples et s’étendent sur différents registres allant de l'équilibre
psychoaffectif au lien juridique constitutif de l'entité famille. La
Fundaçao Estadual do Bem Estar do Menor (FEBEM) a été instituée
pour prendre le relais des familles en difficulté mais le placement de
l'enfant en institution s'avère lui-même lourd de conséquences sur
son développement.

Depuis les débuts de la colonie portugaise, l'adoption


par des familles brésiliennes est apparue comme une ressource
individuelle pour quelques-uns de ces enfants. Au cours du XXème
siècle, elle a été peu à peu codifiée, organisée et s'est adaptée aux
courants philosophiques successifs; de la conception napoléonienne,
où elle visait à procurer un héritier à une famille sans descendance,
elle est progressivement passée à mettre en avant la notion de
l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans la pratique, les services
organisant les adoptions constatent qu'un certain groupe d'enfants
bénéficient rarement de l'adoption interne. C'est par ce biais
qu’apparaît l'adoption internationale, comme une sorte de solution
"magique" pour ces enfants en manque de famille.

Par ailleurs, dans les pays industrialisés, une situation


inverse s'est progressivement installée. Dans un contexte de société
essentiellement caractérisé par un faible taux de natalité, émerge à
partir des années soixante une importante demande d'enfants qui
s'articule selon deux axes fondamentaux: d'une part un désir d'enfant
et d'autre part une préoccupation humanitaire pour l'enfance démunie
du Tiers-Monde. Relayée par des intermédiaires peu qualifiés ou peu
scrupuleux, amplifiée par les médias, cette demande souvent
disproportionnée débouche sur des pratiques abusives non
conformes à l'intérêt de l'enfant, voire sur des trafics avérés.

Le tribunal pour enfants de Porto Alegre a, depuis trente


ans, développé un service d'adoption qui s'est peu à peu structuré
autour du travail d'une équipe pluridisciplinaire. Le programme
d'adoption internationale existe depuis 1980 et fonctionne sur la base

4
de convention de coopération bilatérale avec les différents
organismes ou agences d'adoption européens agréés. La sélection
et la préparation des parents candidats adoptants est confiée aux
soins de ces organismes; l'équipe du tribunal de Porto Alegre
participe activement au processus d'apparentement famille-enfant ou
'matching'.

S'il n'existe à ce jour aucune recherche sur le devenir


des enfants brésiliens adoptés à l'étranger, en revanche, de
nombreux fantasmes et a priori circulent à ce sujet, tant dans le
public brésilien que parmi les milieux professionnels de la protection
de l'enfance. Sont-ils vivants? Sont-ils bien traités ou, au contraire,
employés comme domestiques? Au vu de rumeurs persistantes
concernant l'utilisation de l'adoption internationale à des fins
d'alimentation de réseaux de prostitution, de pédophilie et de trafic
d'organes, comment être sûr que les enfants sont confiés en de
bonnes mains?

Sans aller aussi loin, après de nombreuses années de


travail sur le terrain, un moment d'arrêt s'imposait afin de prendre du
recul par rapport à la pratique élaborée, de réfléchir sur cette réalité
complexe qu'est l'adoption internationale et d'évaluer les méthodes
de travail utilisées. Cette évaluation fondée sur les nombreuses
données recueillies jusqu'alors avait comme objectif à moyen terme
l'affinement des stratégies à mettre en place et l'amélioration de la
qualité du travail. Cette étude vise à aider les professionnels de
l'enfance et les autorités compétentes, au Brésil ou ailleurs, à
prendre des décisions plus pertinentes en matière d'adoption
internationale, à éviter les écueils inhérents à ce processus.

5
PREMIERE PARTIE: L'enfant
abandonné et l'intervention de
l'état.
Confronté à la défaillance de la famille nucléaire et du
tissu de solidarité constitué par l'ensemble de la parentèle, l'Etat,
dans la majorité des pays, intervient pour prendre en charge l'enfant,
être immature, objet et sujet de droits à la fois, comme s'y est
d'ailleurs engagé l'Etat brésilien en signant et ratifiant parmi les
premiers la Convention internationale des droits de l'enfant.

Les raisons de cette rupture, immédiate ou progressive,


puisent leur origine dans un contexte historique, culturel, politique et
socio-économique tant national que mondial.

Pour pallier les conséquences les plus néfastes de la


carence de soins familiaux, les pouvoirs publics ont généralement
recours au placement du mineur dans une structure institutionnelle.

Le recueil d'enfants abandonnés, comme dans bien


d'autres pays, est une démarche séculaire, d'ordre privé; elle a été
légitimée a posteriori par l'instauration de la filiation adoptive.
Dans l'intérêt de l'enfant, le processus adoptif a été récemment
"canalisé" dans certains Etats brésiliens, par des services sociaux
rattachés à une juridiction.

Depuis presque deux décennies, sous la pression de la


demande venant des pays occidentaux riches, le législateur brésilien

6
a réformé et codifié les règles légales en matière d'adoption par des
étrangers.

7
Titre I: L'abandon : les solutions
institutionnelles et familiales en droit interne
Quels que soient les facteurs de rupture entre l'enfant et
sa famille d'origine (ch. 1) les solutions d'ordre étatique et privé qui
se sont succédées dans l'histoire, coexistent aujourd'hui et, dans la
vie d'un enfant, le passage en institution (ch.1) précède souvent son
intégration dans une famille adoptive (ch. 2).

Chapitre I: La rupture entre l'enfant et la famille


d'origine
Parmi les images et clichés communément véhiculés sur
le Brésil, celui de sa population enfantine est un des plus répandus.
De fait, sur ce point, la comparaison avec d'autres parties du monde
est éloquente9. Dans le monde entier, la population infantile
représente 34% de la population globale. En Europe et en Amérique
du Nord, elle tourne autour de 20% seulement. En Afrique, elle
s'élève à 45%. Pour ce qui est de l'Amérique Latine, la proportion est
pratiquement équivalente pour le Brésil, l'Argentine et Cuba, soit
41% environ, c'est-à-dire, 59 millions d'enfants et d'adolescents entre
0 et 17 ans. Au cours des vingt dernières années, a régné l'illusion
que la croissance économique du pays allait s'accompagner d'un
développement de l'ensemble de la société brésilienne. Mais la
plupart des Brésiliens n'ont tiré que peu d'avantages de la croissance
économique et sont écartés du partage des richesses nationales. On
assiste depuis une dizaine d'années à une recrudescence du
processus de marginalisation et d'exclusion sociale. "En sorte que
1983 fut l'année où la situation fut la pire en matière de revenus des
familles : la proportion d'enfants et d'adolescents vivant dans la
misère y atteint 63,4%, le revenu mensuel familial per capita étant
inférieur à un demi salaire minimum10"11. Dans leur majorité, les
familles ne sont pas en mesure de satisfaire leurs besoins de
logement, de nutrition et de santé, d'hygiène et d'instruction. Et ces
conditions de vie se retrouvent dans l'ensemble du pays, tant dans
les villes que dans les campagnes.

9 Statistiques de l'ONU pour l'année 1987 citées dans


Crianças e Adolescentes, Indicadores Sociais, IBGE
(Instituto Brasileiro de Geografia e Estatisticas), Rio de
Janeiro, 1989, vol.3.
10 On peut évaluer le salaire minimum à 300 FF environ; ces
familles vivent donc avec moins de 150 FF/mois.
11 Crianças e Adolescentes, ibid., p.21.

8
Ce phénomène de marginalisation touche sévèrement la tranche la
plus fragile de la population : les enfants qui sont donc les premières
victimes du modèle de développement brésilien.

9
Section 1 : Les facteurs économiques de la rupture

§1 . L'inadéquation du modèle de développement


économique.

Après une période de croissance rapide dans les


années 1970, l'économie du Brésil connaît une grave crise depuis le
début des années 1980. En trente ans, la société brésilienne et son
économie ont changé de physionomie: des investissements
considérables ont été effectués, tant dans l'industrie que dans
l'agriculture. L'objectif consistait à doter le pays d'un solide appareil
de production de biens de base et de consommation. En
conséquence, le PIB a pratiquement doublé entre 1973 et 1988,
propulsant le pays au huitième rang mondial.

La politique de développement appliquée au secteur


agricole a privilégié les grandes exploitations rurales aux dépens des
petits propriétaires. L'exode rural, qui n'est pas un phénomène
nouveau dans l'histoire brésilienne, s'est de ce fait beaucoup
amplifié, en particulier au Sud et au Sud-Est du pays. C'est donc une
variable très importante pour l'objet de notre étude car l'urbanisation
fut telle que ni les infrastructures, ni les équipements et services
publics n'ont pu suivre.

Cette politique, dont le seul but était la croissance de la


production, n'a pas été accompagnée de mesures susceptibles
d'améliorer l'éducation et la santé des populations et de développer
les transports pas plus que l'infrastructure sanitaire et la production
d'énergie. Ce modèle de développement a amplifié les inégalités qui
existaient dans la société brésilienne : d'un côté, un petit groupe de
gens jouissent des biens et des privilèges propres à une économie
industrialisée, bénéficient des progrès scientifiques et
technologiques ; et de l'autre côté, une immense masse d'exclus
reste à l'écart des avantages offerts par la croissance et le
développement12. Dans les grandes villes surtout, une majorité de
Brésiliens sont passés de la pauvreté à la misère, tant dans leurs
revenus que dans leurs conditions de vie. On a ainsi créé des "ilôts

12 Selon les statistiques de l'IBGE, en 1980, 1% de la


population possédait 16,9% du revenu national et 50% (les
plus démunis) se partageaient 12,6% du revenu national
total.

10
de richesse dans un océan de pauvreté"13. Sur le plan économique,
ce modèle de développement a également conduit à de graves
impasses : l'endettement du pays, la baisse du pouvoir d'achat, la
concentration des richesses, l'inflation et l'hyperinflation, la
dépression et la dévaluation de la monnaie nationale, sans parler de
la corruption.

A tout cela, il faut encore ajouter les effets de vingt-et-un


ans de régime militaire et le retour délicat à la démocratie en 1985.
Pour la classe politique qui avait survécu jusqu'alors en faisant le
jeu des gouvernements militaires et avait été complètement privée
de l'exercice de la démocratie, l'héritage était trop lourd à porter, à
savoir une économie rongée par l'inflation et l'énorme dette
extérieure14, gangrenée par des déficits budgétaires à la mesure
d'une administration tentaculaire. L'économie brésilienne se débattait
encore entre deux impératifs apparemment inconciliables : d'une
part, promouvoir les exportations, afin d'honorer des échéances
annuelles d'environ 11 milliards de dollars auprès de quelque 700
banques créancières et d'autre part, donner la priorité à la
croissance et à l'amélioration du niveau de vie, quitte à limiter
unilatéralement le montant des remboursements de la dette. Comme
d'autres pays d'Amérique Latine, le Brésil s'est imposé des cures
d'austérité, volontairement, ou sous la pression de ses créanciers ou
d'organismes tels que le Fonds Monétaire International (F.M.I.) et la
Banque Mondiale. Les dépenses sociales ont souvent été les
premières touchées. Quant aux investissements industriels, gages
de la prospérité future d'un pays, ils se sont énormément réduits. A
l'insuffisance de l'épargne intérieure, nécessaire à leur financement,
s'est conjugué le tarissement des flux de capitaux extérieurs. On est
donc actuellement face à un parc industriel vieillissant et qui doit
écouler ses produits dans un marché international de plus en plus
compétitif et soucieux de produits de qualité, puisque le marché
intérieur ne dispose d’aucun pouvoir d'achat. Par conséquent, le
chômage augmente et la situation sociale s'aggrave.

§2 . Les facteurs socioculturels

13Dicton populaire.
14 De tous les pays du Tiers-Monde, la dette extérieure du
Brésil est la plus importante.

11
A - La santé et l'infrastructure sanitaire

L'attraction exercée par les villes repose sur l'espoir de


meilleures conditions de vie dont rêvent les migrants. Les grandes
agglomérations absorbent des groupes de population peu instruite,
même analphabète le plus souvent. Les débouchés sur le marché de
l'emploi sont réduits. Le travail est donc toujours temporaire,
saisonnier et non qualifié. Rejoignant les citadins les plus démunis,
ces migrants se sont installés à la périphérie ou dans des zones
vides des agglomérations, donnant naissance aux quartiers appelés
"favelas". Par manque de ressources, la plupart de ces migrants
vivent dans des conditions précaires : les maisons sont très petites,
leurs occupants peuvent rarement les acheter et déménagent
fréquemment; certaines de ces "favelas" n'ont ni eau courante, ni
électricité, ni égoûts. Ces mauvaises conditions d'hygiène sont à la
source des principales maladies et de la mortalité, surtout chez les
jeunes enfants.

En 1989, 60% des enfants brésiliens de moins d'un an


ne bénéficient pas de conditions sanitaires adéquates, et ce, surtout
dans les régions rurales.
Toutefois, les problèmes de santé des enfants s'avèrent plus
importants dans les villes que dans les campagnes.

Le faible niveau d'instruction des mères associé à la


fragilité des conditions socio-économiques exerce une influence
négative sur l'état de nutrition des enfants et le taux de mortalité
infantile. Bien qu'il ait diminué de 40% en 10 ans, le taux de mortalité
infantile (45 ‰ en 1989) du Brésil est resté de loin supérieur à celui
des pays développés (qui est, lui, de 8 ‰) et même supérieur à celui
d'autres pays d'Amérique du Sud (Panama, Chili, Uruguay, Costa
Rica et Cuba) dont la croissance économique est cependant
beaucoup inférieure15. Il est important de nuancer cette observation
en fonction des différentes régions du pays : en effet, le Nord-Est
présente un taux de mortalité infantile de 75 ‰ alors qu'à Rio Grande
do Sul, il est de 21 ‰ 16.

C'est au niveau de la santé publique que les résultats


des politiques sociales d'un pays sont les plus évidents, parce que

15Crianças e Adolescentes, ibid., vol.4, p.38-39


16 A criança no Rio Grande do Sul : Indicadores de Saude,
Secretaria de Saude e Meio Ambiente do Rio Grande do Sul,
1990, p.101-102.

12
celle-ci est le résultat direct des actions préventives et curatives des
organismes publics responsables de la santé, mais aussi le résultat
indirect des conditions de vie (nutrition, logement, infrastructure
sanitaire, conditions de travail, éducation, etc.)17.

Les chiffres de l'OMS révèlent une situation


catastrophique. Plus des deux tiers de la population du pays
souffrent de maladies endémiques. Les maladies parasitaires
affectent 110 millions de personnes, dont 10 millions pour la seule
"maladie de Chagas" 18, 13 millions pour la schistosomiase et 50
millions pour l'ascaridiose. Certaines maladies transmissibles se
sont propagées, en particulier la tuberculose, dont l'indice, qui était
de 45,7 cas pour 100.000 habitants en 1973, a atteint 48,5 en 1986.
La lèpre a évolué de 6,8 cas à 17,0 cas pour 100.000 habitants,
pendant la même période. Le paludisme a augmenté de façon
notable, passant de 76,2 cas à 320 cas pour 100.000 habitants
(72.112 cas recensés en 1973 et 443.600 en 1986). Les méningites
de 16,6 à 17,7 cas et la leishmaniose de 2,8 cas à 11,4 cas pour
100.000 habitants recensés pendant la période considérée. Il faut
ajouter l'épidémie de dengue, qui a touché la population brésilienne
en 1989 et l'épidémie de choléra qui progresse actuellement de
l'Amazonie vers les grandes agglomérations du Sud du pays.

B - L'éducation

L'alphabétisation, la nutrition et les revenus sont en


corrélation étroite avec l'espérance de vie et les taux de mortalité
infantile et maternelle. Condition indispensable à tout développement
social, culturel et économique, l'instruction contribue à réduire les
inégalités sociales.

Or le pourcentage d'analphabétisation est énorme dans


la population étudiée. Il s'élève à 18% des Brésiliens âgés de plus
de 15 ans. Mais il varie, comme d'autres indicateurs déjà rencontrés,
en fonction de différents paramètres : ainsi, il est plus élevé dans les
zones rurales que dans les agglomérations, dans les régions du
Nord que dans le Sud. Il fluctue également en fonction de l'âge et du
sexe (il est légèrement plus important chez les femmes que chez les
hommes et cette différence s'accroît avec l'âge) et, bien sûr, de la

17 Crianças e adolescentes, ibid., vol.3, p.31.


18 Nom local de la trypanosomiase américaine.

13
couleur de peau.

En 1990, dans le groupe d'âge 7-9 ans, les enfants


blancs sont scolarisés à 91%, tandis que seuls 75% des enfants
noirs et 79% des métis suivent un enseignement scolaire. Il en va de
même dans d'autres tranches d'âge (10-14 ans et 15-17 ans). "Ces
données semblent indiquer que le système scolaire reproduit de
façon suffisamment claire les mécanismes discriminatoires existant
dans la société brésilienne"19.

L'échec scolaire peut être mesuré par les données du


tableau suivant. Il indique le nombre d'élèves inscrits aux cours
primaire, secondaire et supérieur pendant l'année 1986. La
population du pays était alors estimée à 135 millions d'habitants.

Tableau 1. Population scolaire au Brésil par niveau de scolarité, en


198620

Niveau de scolarité Nombre d'élèves


Préparatoire 2.651.179
Primaire
1ère année 7.150.215
2ème année 4.399.574
3ème année 3.637.491
4ème année 3.054.671
5ème année 1.454.200
6ème année 1.944.090
7ème année 1.687.048
8ème année 1.629.311
Secondaire 3.290.908
Universitaire 1.438.929

Le taux d'abandon de la scolarité le plus élevé se situe


entre la première et la deuxième année du cycle primaire ; parmi les
enfants inscrits en première année, seul un quart termine les huit
années du cycle primaire. En d'autres termes, un Brésilien sur deux
est condamné à l'analphabétisme ou à l'illettrisme.

19Crianças e Adolescentes, ibid., vol.4, p.126-127.


20 Chiffres du Ministère de l'Education Nationale
brésilien.

14
La détérioration du système scolaire du Brésil résulte de
la réduction constante des investissements dans ce secteur,
notamment depuis 1980. Une étude du ministère de l'Education
(1986) illustre bien ce problème : sur un échantillon de 2.700
municipalités, 1.530 rémunéraient les enseignants en dessous du
salaire minimum (environ 300 FF). Ceci concernait 350.000
instituteurs municipaux du cycle primaire 21.

C - La désorganisation du milieu familial

Au Brésil, une minorité d'enfants bénéficient de


l'affection et l'attention constantes de leurs parents, depuis leur
conception jusqu'au moment où ils acquièrent la capacité de gérer
leur existence. La famille est le groupe social qui fournit les
principaux modèles grâce auxquels l'enfant peut se construire une
personnalité équilibrée ; le processus de désintégration familiale
commence lorsqu'un des membres n'assume pas le rôle qui lui est
attribué. En fait, dans le milieu analysé, se dessine un véritable
culture de femmes. C'est le plus souvent la femme qui est la seule
dépositaire des responsabilités familiales. Des compagnons se
succèdent. Des enfants naîtront de ses multiples unions libres. Elle
joue le rôle de mère et de père à la fois. Celà ne peut empêcher que
chez les enfants une véritable carence paternelle, caractérisée par
l'insuffisance et la discontinuité de la figure masculine. L'incapacité
des parents à subvenir aux besoins fondamentaux des enfants
(affection, alimentation, logement, habillement et éducation) est
enracinée dans le terrain social du chômage, des bas salaires et des
problèmes de santé. Cette incapacité de faire face à leurs
responsabilités provoque chez ces parents une angoisse telle qu'elle
les amène à adopter des attitudes qui vont détruire l'unité familiale.
Alcoolisme, usage de drogues, vol, sévices physiques, y compris sur
le conjoint féminin, sont des exemples des manifestations de cette
angoisse qui, bien sûr, ne font qu'aggraver une situation difficile dès
le départ 22.

21Crianças e Adolescentes, ibid., vol.4, pp.116-133.


22 La violence physique exercée envers les enfants et les
adolescents a connu une très forte augmentation au cours
des dernières années au Brésil; certaines situations
extrêmes ont fait l'objet de scandales dans les médias tant
au Brésil qu'à l'étranger. Des cas d'agression répertoriés,
il ressort que dans 52% des situations, l'agresseur
appartenait à l'entourage de l'enfant. Dans 27%, il
s'agissait d'un inconnu, dans 18% des cas, l'agresseur
était un membre de la famille et dans 3% enfin, l'agresseur

15
"Au Brésil, dans les familles défavorisées, le père
n'arrive pas à assurer les conditions matérielles, et parfois même
éducatives et affectives ; l'alcoolisme et les autres problèmes de
santé - physique et/ou mentale - touchent une grande partie de cette
population. Dans de nombreux cas, on peut observer également que
la figure maternelle est fragile, déprimée, aliénée (par les conditions
de vie) ou réfugiée dans l'alcool. De telles déviations touchent aussi
des membres d'autres classes sociales, mais ici, elles sont
aggravées par l'absence d'alternatives de prise en charge par la
société des pauvres en général, et des marginaux en particulier" 23.

La perpétuation de ce véritable cercle vicieux s'appuie


sur une série de paradoxes. Le plus important de ceux-ci réside dans
le décalage existant entre les valeurs dominantes véhiculées par le
système social et les conditions de vie des classes défavorisées.
Ces valeurs sont essentiellement les biens matériels, l'instruction, la
santé et la beauté physique - associée à la peau blanche! L'enfant, à
qui sont refusés les droits fondamentaux (nourriture, scolarité,...) est,
par ailleurs, bombardé par ces valeurs dominantes et, "comme si
cela ne suffisait pas, il est rendu responsable d'être pauvre, noir,
laid, édenté, mal élevé, analphabète, non-qualifié. Toute attitude
quelle qu'elle soit devient chez lui automatiquement suspecte. Vu
l'impossibilité où il se trouve en dernière analyse, de correspondre
au modèle blanc, l'enfant est amené à se dévaloriser, à nier son
existence en tant que personne, et en fin de compte, il est acculé à
l'autodestruction physique et/ou mentale" 24.

En général, les difficultés, tant sur le plan économique,


qu'en ce qui concerne la cohésion de la cellule familiale, sont
proportionnelles à la dimension de la famille : plus celle-ci est
grande, plus elle se voit dans l'obligation d'inventer des stratégies de
survie : ainsi, un des fils ira habiter chez sa marraine, un autre sera
élevé par la grand-mère, l'aînée travaillera comme "baba" 25 dans
une famille et, les plus jeunes iront à la FEBEM, utilisée dans ce cas

était un policier. Il apparaît que les filles subissent


plus d'agressions de la part de leur entourage que les
garçons. (Crianças e Adolescentes, ibid., vol.4, pp. 28-
29).
23 M.L. Violante, "O perfil psicosocial da criança e do
jovem marginalizados",in Cadernos fundap, Sao Paolo, n°18,
1990, p.47
24 M.L. Violante, op.cit., p.47
25 Nourrice, personne engagée pour s'occuper de l'enfant.
Ce mode de garde est le plus habituel au Brésil.

16
comme une crèche 26.

La mère n'a pas pour autant l'intention d'abandonner ses


enfants, mais, au fil du temps, le juge finira dans de nombreux cas,
par décréter la déchéance de l'autorité parentale. Dans ces familles
brésiliennes pauvres où la femme est le chef de famille et le seul
adulte présent, elle doit faire face à un alourdissement exagéré des
tâches et des responsabilités et à un double horaire de travail.
Depuis 1980, le nombre de mères de moins de 19 ans a augmenté.
Leur entrée sur le marché du travail se fait très tôt, par nécessité, et
les enfants de 0 à 6 ans souffrent de plus en plus de cette absence
complète de soins élémentaires 27. Ces jeunes mamans peuvent
rarement allaiter leur bébé. Et ce, malgré toutes les
recommandations faites depuis 1982 par le Secrétariat d'Etat à la
Santé. Nourrir son bébé est une protection efficace contre les
maladies infectieuses et la malnutrition pendant les six premiers
mois de la vie. Les femmes, dans leur grande majorité, travaillent
comme salariées, mais elles sont moins payées que les hommes et,
très fréquemment embauchées sur le marché du travail parallèle, ce
qui leur interdit l'accès à toute couverture sociale 28.

La désorganisation familiale est donc à la source du


problème de l'abandon, en passant d'abord par une distorsion des
rôles parentaux, en raison de causes extérieures à la cellule
familiale. Il est cependant évident que d'autres phénomènes doivent
contribuer à cette situation, comme cela sera mis en évidence par la
suite.

D - Le phénomène transgénérationnel de l'abandon.

Le Brésil est le pays sud-américain qui a le plus


développé le système esclavagiste ; quarante pour cent du trafic
transatlantique d'esclaves lui ont été destinés. Pendant trois siècles,
c'est pratiquement tout le système économique brésilien qui a reposé
sur la main-d'oeuvre des esclaves noirs. Dans l'esclavage colonial,
"la paternité n'existait souvent qu'en tant que donnée biologique, (et)

26 "La misère conduit souvent les responsables à rechercher


dans l'institutionnalisation de leurs enfants et
adolescents, une alternative à leurs conditions de vie
précaires. Beaucoup pensent qu'au moins, dans
l'institution, leurs enfants recevront de la nourriture,
des vêtements, un lit et une instruction" ; M.L. Violante,
op.cit., p.48
27 Secretaria da Saude. Boletin. Rio de Janeiro 1989.
28 Agregas, IBGE, vol.3., p.24.

17
la mère avait tendance à être le fragile pivot des relations de
parenté" 29. Un dicton brésilien actuel ne dit-il pas qu'"un noir n'a pas
de nom", parce que son père est le plus souvent inconnu...?

Après l'abolition de l'esclavage, les femmes, esclaves


affranchies, restées au service de leur ancien maître pour s'occuper
des enfants de celui-ci, confiaient leurs propres enfants, dont elles ne
pouvaient prendre soin, à des personnes sans lien de parenté avec
elle au titre de filho de criaçao30.
Ce système se perpétua durant plusieurs générations jusqu'à ce que,
récemment, après la seconde guerre mondiale, commence l'exode
vers les grandes villes. Dans le contexte de celles-ci, le mode de vie
basé sur la famille élargie n'étant plus adapté, le modèle est devenu
celui de la famille nucléaire.

Ceci ne vaut bien sûr que pour la classe des ex-propriétaires


terriens, relativement aisée. Pour les familles qui antérieurement
étaient simplement employées à la campagne, la situation est
devenue tout simplement impossible dans les villes. La jeune fille
pauvre, sans qualification professionnelle ni emploi, sans domicile
fixe, lorsqu'elle se retrouve enceinte, ne trouve d'appui matériel et
affectif, ni auprès de son compagnon, ni auprès de sa famille
d'origine. Dans ces conditions, elle en vient parfois à décider de
donner son enfant plutôt que de l'abandonner, dans une logique qui
fait penser à celle qui guidait déjà ses aïeules. Cependant, dans
l'esprit de la mère, le recours au don d'enfant, est considéré comme
un moyen de briser le cercle vicieux de la pauvreté et de l'abandon.
Elle veut par là éviter que son enfant ne répète son histoire de
difficultés de vivre et connaisse de meilleures conditions. Ce
comportement, qui semble profondément enraciné dans l'histoire
brésilienne, n'est sans doute pas le seul hérité de l'époque
esclavagiste, car "la société brésilienne d'aujourd'hui, en termes
réels et pour l'essentiel de sa structure, ne s'est pas beaucoup
éloignée de la société esclavagiste où elle a pris naissance."31

Dans la majorité des cas, les mères, avant d'être en


quelque sorte acculées à abandonner leur enfant, recourent à une
multitude de stratégies consistant à confier momentanément celui-ci

29 M. Maestri, L'esclavage au Brésil, Paris, Ed. Karthala,


1991, p.136
30 Ce terme désigne tout enfant élevé par des personnes qui
n'ont avec lui aucune relation de parenté biologique.
31 A. Fontaine, Le Brésil, un géant en panne d'ambition, in
Le Monde, 29/10/1987.

18
à plusieurs personnes et/ou institutions. Entrent alors en scène les
voisines, tantes, grand-mères, marraines, etc... ainsi que les
institutions comme la FEBEM.

En conclusion, il apparaît clairement que si l'abandon


d'enfants est un phénomène décrit dans toutes les sociétés, dans
tous les systèmes politiques et à toutes les époques, il a pris ces
dernières années au Brésil une proportion telle qu'on ne peut le
comprendre qu'en le considérant comme le produit d'un pays vivant
une crise socio-politique et économique profonde.

Si nous en venons maintenant à considérer de plus près


l'objet précis de notre étude, à savoir un ensemble d'enfants, donc
d'individus, il apparait que ce type d'analyse de société ne suffit plus.
Pour aborder l'étude de personnes, il semble bien que le modèle le
plus opérationnel soit celui qui prend en considération des éléments
de trois ordres : biologiques, psychologiques et sociaux. Certes, ces
différents facteurs sont liés entre eux : pour les personnes vivant
dans les couches défavorisées de la société, confrontées au manque
de ressources matérielles et structurelles, la probabilité est plus forte
qu'ils présentent des problèmes de santé physique et/ou mentale qui,
à leur tour, ne feront qu'aggraver leur situation précaire. Toutefois, ce
n'est pas tant la recherche des "causes" du problème dans son
ensemble qui nous mobilise, mais plutôt l'analyse de la façon dont
ces divers éléments jouent dans certains cas, pour certains enfants
et dans certaines conditions, pour constituer une alternative de vie
limitée et ponctuelle, sous la forme d'une adoption par une famille et
une culture différentes.

Avant de considérer les processus particuliers et les


situations individuelles de ces enfants, il faut envisager globalement
quels sont les effets classiquement répertoriés des abandons et
carences précoces.

Section 2 : La carence de soins maternels et les


formes de la séparation

Le concept de carence de soins maternels a été défini comme "une


insuffisance dans l'interaction mère-enfant soit en quantité, soit en
qualité, soit en continuité" 32. Les études réalisées sur la question
tendent à assimiler le concept de carence de soins maternels et celui

32 N. Loutre-Du Pasquier, Le devenir d'enfants abandonnés.


Le tissage et le lien., P.U.F., Paris, 1981, p.19.

19
de séparation d'avec la mère. Or, il existe des cas de carence de
soins sans séparation et, par ailleurs, toute séparation n'entraîne pas
forcément une carence.

§1 - Les conditions et les conséquences de la carence

Les enfants placés en adoption internationale viennent


de familles du type antérieurement décrit, à savoir le plus souvent
"monoparentales" et où l’on peut supposer que, dans une majorité de
cas, il y a séparation avec la mère, obligée de sortir pour travailler et
maintenir la famille. Les mères en viennent fréquemment à placer
leur enfant momentanément chez une voisine ou parente, voire en
dernier recours dans l'institution utilisée dans ce cas comme une
crèche.

A - Les conditions

Les conditions dans lesquelles se produit la séparation


jouent à cet égard un rôle essentiel. En premier lieu, il importe de
s'interroger sur le substitut maternel auquel est confié l'enfant, sur sa
qualité et sur celle des soins qu'il va fournir à ce dernier en l'absence
de sa mère.

Outre la personne du substitut, les conditions de la


séparation à prendre en considération sont les suivantes :

L'âge de l'enfant au moment de la séparation.

Les études réalisées par de nombreux chercheurs


incitent à penser qu'il existe une fourchette d'âge pendant laquelle
l'enfant est particulièrement vulnérable à l'éloignement de la mère ou
de son substitut. Selon les auteurs, cette période s'étend de 5-6 mois
à 4-5 ans. 33

La durée de l'éloignement.

33 "Il semble (...) préférable de ne parler de séparation


mère-enfant que s'il y a interruption d'une relation déjà
formée c'est-à-dire à partir de la seconde moitié de la
première année." S. Lebovici et M. Soulé, La connaissance
de l'enfant par la psychanalyse, P.U.F., coll. Le fil
rouge, Paris, 1970, p. 424.

20
Cette variable est intimement liée à la précédente.
Certains enfants de deux ans supportent mal une séparation de
quelques jours seulement. Et "il faut attendre 4-5 ans pour que le lien
soit conservé relativement intact pendant une absence de quelques
semaines" 34.

Les conditions avant et après la séparation.

Il s'agit ici de l'aspect qualitatif de l'interaction mère-


enfant et/ou substitut maternel-enfant. Si la plupart des chercheurs
s'accordent à considérer que la séparation en soi est traumatisante,
et l'institution généralement peu apte à proposer des substituts
satisfaisants à l'enfant, ils s'opposent parfois sur les conditions
nécessaires au développement harmonieux de celui-ci. Pour
plusieurs auteurs, la qualité des interactions dont l'enfant a pu faire
l'expérience avant la séparation, et, plus encore, celle des relations
qu'il vivra par la suite, seraient essentielles dans le pronostic de
récupération du traumatisme causé par la séparation 35.

Cette considération s'avère capitale dans le contexte qui


nous intéresse : en effet, c'est la confiance dans cette assertion qui
justifie le placement des enfants "abandonnés" dans des familles
adoptives sélectionnées et préparées dans le but de leur assurer des
conditions optimales de stimulation et d'affection.

La vulnérabilité différentielle des enfants.

Cette variable renvoie à ce que l'on appelle


l'"équipement de base" de l'enfant, donc à une composante
biologique, contrairement aux trois variables précédentes, qui, elles,
sont de type environnemental. Cette vulnérabilité est actuellement
peu étudiée, mais elle apparaît clairement chez certains enfants qui,
malgré une expérience de carence précoce, évoluent,
paradoxalement, pourrait-on presque dire, de façon satisfaisante.

Le nombre et la fréquence des changements de milieu de vie.

Il est fréquent que l'enfant, avant son entrée à


l'institution, ait déjà vécu, pendant des périodes plus ou moins
longues, dans des milieux différents (voisine, grand-mère, tante,...).

34 N. Loutre-Du Pasquier, op. cit., p. 35.


35 N. Loutre-Du Pasquier, op. cit., p. 36.

21
Une fois placé sous la tutelle de l'Etat, il peut à nouveau être confié à
différentes familles (placement familial). S'il reste en institution, la
rotation du personnel agit une fois de plus dans le même sens et ne
fait qu'aggraver l'instabilité initiale.

On en a conclu que "la rupture répétée de ces ébauches


de liens peut conduire certains enfants à une sorte de détachement
vis-à-vis de toutes les personnes de leur entourage" 36. Cette
difficulté à établir des liens n'est qu'un des effets répertoriés des
carences et/ou séparations précoces, effets que nous nous
proposons maintenant d'examiner un peu plus en détail.

B - Les effets des carences et séparations précoces.

Dans les études qui ont été réalisées sur la question, il


est d'usage de distinguer les effets à court et à long terme. Les
premiers ont été classiquement décrits sous le nom de dépression
anaclitique :

"Premier mois : les enfants deviennent pleurnichards, exigeants et


s'accrochent à l'observateur qui prend contact avec eux. Deuxième
mois : les pleurs se transforment en glapissements. Il y a perte de
poids. Arrêt du développement. Troisième mois : refus de contact.
Position pathognomonique (...). Insomnie. La perte de poids
continue. Tendance à contracter des maladies intercurrentes.
Généralisation du retard moteur. Rigidité de l'expression faciale.
Après le troisième mois : la rigidité du visage est établie et persiste.
Les pleurs cessent et sont remplacés par de rares geignements. Le
retard augmente et devient léthargie. Si, avant qu'une période
critique, qui se place entre la fin du troisième et la fin du cinquième
mois, soit écoulée, on restitue la mère à l'enfant ou si l'on réussit à
trouver un substitut acceptable pour le bébé, le trouble disparaît avec
une rapidité surprenante." 37

Les effets à long terme se manifesteraient dans toutes les sphères


du développement de l'enfant, à savoir :

• retard dans le développement physique

36N. Loutre-Du Pasquier, op. cit., p. 20


37 R. Spitz, "Anaclitic depression",in P.A.S. of the child,
1946, n°2, cité dans S. Lebovici et M. Soulé, La
connaissance de l'enfant par la psychanalyse, P.U.F., coll.
Le fil rouge, Paris, 1970, p. 419-420.

22
• perturbations du développement cognitif, essentiellement
au niveau du langage.

"Certains travaux tendent à prouver qu'il y a non


seulement difficulté de langage, c'est-à-dire difficulté à
conceptualiser à partir d'un matériel verbal, mais aussi fragilité
touchant toutes les activités de conceptualisation, qu'elles portent ou
non sur un matériel verbal. Il y aurait une limitation des capacités
d'abstraction. Des difficultés de repérage dans le temps, dans
l'espace ont aussi été signalées." 38

Différentes recherches citées par M. Duyme "sembleraient montrer


que ce sont les privations (...) plutôt que les ruptures de liens qui
sont cause de retard intellectuel, d'autre part, que ces privations
n'agiraient à long terme que si les enfants sont maintenus dans des
milieux peu riches en afférences" 39.

vulnérabilité au niveau de la personnalité.

Les signes les plus souvent relevés concernent


l'instabilité, les difficultés de concentration et de contrôle et
"l'inaptitude à nouer et entretenir des relations interpersonnelles
profondes et à maîtriser ses impulsions au profit d'objectifs à long
terme".40

Bowlby est arrivé à la conclusion qu'"il y aurait de très


fortes raisons de croire que la séparation prolongée d'un enfant
d'avec sa mère (ou d'avec le substitut maternel), au cours des cinq
premières années de sa vie, est le principal facteur étiologique de la
délinquance" 41. Mais M. Duyme rapporte que "des études plus
récentes ont abouti à des conclusions moins catégoriques en ce qui
concerne ce déterminisme."42

Certaines études soulignent l'importance de facteurs tels que les


relations conflictuelles existant dans le milieu de substitution et
particulièrement les relations père-enfant, dans la genèse des
38 N. Loutre-Dupasquier, op. cit., p. 24
39 M. Duyme, Les enfants abandonnés : rôle des familles
adoptives et des assistantes maternelles, Ed. du C.N.R.S.,
Monographies françaises de psychologie, n° 56, Paris, 1981,
p. 31
40 M. Duyme, op. cit. p. 24
41 J. Bowlby, Soins maternels et santé mentale, O.M.S.,
1954, 2, cité par M. Duyme., op.cit., p. 27
42 M. Duyme, op. cit., p. 27

23
troubles d'ordre psychoaffectif43.

§2. Les différentes formes de séparation entre la mère et


l'enfant

Plusieurs formes ont pu être relevées :

• le consentement à l'adoption donné par la mère à la naissance


du bébé ;
• disparition de la mère après la naissance du bébé ;
• les "cas sociaux";
• le retrait des enfants par le juge .

Nous les analyserons successivement.

A - Le consentement à l'adoption donné par la mère à la


naissance du bébé

Quelques jours, voire quelques heures avant


l'accouchement, la mère appelle l'assistante sociale de la maternité
pour l'informer qu'elle "désire donner son bébé". L'assistante sociale,
au cours d'entretiens, va tenter d'examiner avec la mère quels sont
les motifs réels de ce désir et les solutions possibles. Tous les
services qui travaillent en relation avec ce problème ont pour but
d'aider la mère dans ce moment conflictuel de sa vie ; ils essaient de
lui faire prendre conscience de l'acte qu'elle va effectuer, et d'éviter
l'abandon. Si la mère persiste dans son intention de donner
définitivement son bébé, on lui expliquera que l'acte de "donation"
d'un enfant est un acte juridique et que, dès lors, il est important
qu'elle expose devant le juge des mineurs les motifs qui l'ont
conduite à prendre cette décision, puisque c'est ce juge qui, par la
suite, sera responsable du placement de son bébé dans un foyer
adoptif.

43 Sans prétendre clore ce chapitre fondamental de la


psychopathologie infantile, signalons que la diversité de
conclusions obtenues par les différents chercheurs et leur
aspect parfois nettement contradictoire est
vraisemblablement en grande partie due à des problèmes
méthodologiques. Ainsi, comme le fait remarquer M DUYME, on
a pu démontrer que les études réalisées en base à la
méthode rétrospective présentaient peu de validité.

24
L'accord donné par la mère devant le juge évite au bébé d'être
recueilli par les institutions de protection des enfants et rend
possibles des contacts précoces avec des parents adoptifs.

B - Disparition de la mère après la naissance du bébé

Une situation fréquente dans les maternités est que,


pour des raisons inconnues, la mère "s'enfuit de l'hôpital" ou
abandonne son bébé dans des endroits divers : sur le seuil d'une
maison, sur la voie publique, sur un banc d'église, dans des toilettes
publiques, voire dans une poubelle. Cet enfant sera placé dans une
institution et il incombera au juge de convoquer la mère par la
publication d'avis, dans des délais fixés par lui. Cette démarche
prendra entre trois et six mois, voire plus.

En France, Soulé, Launay et Veil44 font à ce sujet la réflexion


suivante : "à côté des cas où la décision d'un abandon précoce est
formelle et inéluctable (ces mots ne pouvant de toute façon être
prononcés avant qu'il se soit écoulé trois mois au minimum depuis
l'accouchement), dans bien des circonstances, l'abandon est pour la
mère une décision qu'elle ne peut prendre sans mûre réflexion, vers
laquelle nul ne doit pouvoir la pousser, mais dont on ne doit pas non
plus la dissuader en lui faisant apparaître l'avenir sous un aspect
irréel. Il est dangereux pour l'enfant de servir d'enjeu au relèvement
moral de la mère. En aucune circonstance peut-être, le rôle du
service social n'apparaît plus délicat. Incontestablement ces deux
problèmes : abandon précoce et adoption, sont liés ; il ne peut
cependant être question de faire dépendre l'un de l'autre : ni de
pousser à l'abandon pour favoriser l'adoption, ni de pousser malgré
elle l'enfant dans les bras de sa mère, par le souci de son
relèvement moral."

C - Les "cas sociaux"

Le grand nombre d'enfants qui sont sous la tutelle de


l'Etat, provient des cas dits "sociaux". Mère, parents ou responsables
placent l'enfant "provisoirement" dans une institution, parce qu'ils
éprouvent, à ce moment-là, un certain type de problème (abandon du

44 C. Launay, M. Soulé et S. Veil, L'adoption : données


médicales psycohologiques et sociales. Les Editions ESP,
Paris, 1980. p. 41.

25
foyer par un des conjoints, problème de logement, chômage,
problème de santé,...). La plupart des familles pensent que l'enfant
recevra là une éducation plus adéquate que celle qu'elles-mêmes
sont en mesure de lui fournir. On assiste fréquemment au placement,
dans de semblables circonstances, de fratries de deux à cinq
enfants. Les mères ou autres responsables viennent les voir avec
une certaine régularité durant les six premiers mois. Mais, à mesure
que le temps passe, ils s'en désintéressent, et le juge finit par
décréter la déchéance de l'autorité parentale. Beaucoup de ces
enfants sont déjà en âge scolaire (6,7 ans) et, dès lors, n'ont plus de
chances d'être adoptés par des familles brésiliennes.

Il est aussi fréquent que les mères confient leurs enfants au tribunal,
en alléguant comme motif le manque des conditions socio-
économiques nécessaires à leur éducation45. Jusqu'en juillet 1990, le
Code des mineurs considérait qu'un enfant pouvait être déclaré en
"situation irrégulière" et de ce fait, devenir adoptable, s'il était privé
des conditions essentielles à sa subsistance, à sa santé et à son
instruction obligatoire, même si éventuellement cela était dû à :

• l'absence ou l'omission des parents


• l'impossibilité manifeste des parents ou du responsable de
prouver qu'ils possédaient ces conditions" 46

L'expérience a montré que dans de nombreux cas, cette


partie du texte de loi avait donné lieu à des interprétations "abusives"
de la part des pouvoirs publics qui, sous la pression de la demande
d'adoption, ont décrété la situation irrégulière de nombreux enfants
sur la seule base des difficultés économiques de leurs familles
d'origine .

La nouvelle loi sur le Statut de l'Enfant et de l'Adolescent 47 a voulu


remédier à cette lacune en précisant dans son article 23 que
"l'absence ou le manque de ressources matérielles ne constitue pas
un motif suffisant pour justifier le retrait ou la suspension de l'autorité
parentale".

A la veille du vote du nouveau texte législatif, le quotidien brésilien


"O estado de Sao Paulo" rappelait : "il faut se rappeler que 44 % de
la population brésilienne vit dans la misère la plus totale (données de

45 A rapprocher de l’art. 350, code civil en France


46 Code des Mineurs, art. 2, I, b. (1979).
47 Loi fédérale 8.069 du 13.07.1990.

26
l'I.B.G.E.48) et de même, que la santé et l'instruction obligatoire
représentent des droits de tous les citoyens et une obligation de
l'Etat. Le point de vue (du Code des mineurs) est tout-à-fait erroné,
car celui qui devrait être tenu pour responsable dans ce cas est l'Etat
et l'insuffisance de sa politique sociale de base. Sur ce point, le
Statut de l'Enfant et de l'Adolescent marque un progrès significatif en
préconisant que tout enfant et tout adolescent a le droit d'être élevé
et éduqué au sein de sa famille naturelle, et exceptionnellement
seulement, dans une famille de substitution, mettant en outre l'accent
sur le fait que le manque de ressources matérielles ne constitue pas
en soi un motif de suspension ou de déchéance de l'autorité
parentale." 49

D - Le retrait des enfants par le juge

La loi 8.069 qui régit le Statut de l'Enfant et de


l'Adolescent ne mentionne plus la "situation irrégulière" et
conditionne les cas de perte et de suspension de l'autorité parentale
à ceux prévus à l'article 395 du Code civil, section IV, chapitre VI :

"Perdra l'autorité parentale par action judiciaire le père et/ou la mère


:
1) qui maltraite immodérément son enfant
2) qui l'abandonne
3) qui se livre à des actes contraires à la morale et aux
bonnes moeurs".

Un auteur remarquait que " (la nouvelle loi) établit que la


perte de l'autorité parentale, qui n'est possible que dans une
procédure contradictoire, avec toutes les garanties de défense,
pourra être décrétée dans le cas où les obligations paternelles
concernant le maintien, la garde et l'éducation des enfants ne sont
pas remplies (art. 22 du statut de l'enfant et de l'adolescent)50". 51

48 Instituto Brasileiro de Geografia e Estatistica


49 Cette citation est extraite d'un article de M. Cury et
J. Marcura, membres du Ministère Public de l'Etat de Sao
Paulo, travaillant auprès du Procureur de l'Etat pour les
mineurs,in O estado de Sao Paulo, du 13 août 1989
50 Estatuto da Criança e do Adolescente (E.C.A), nom
portugais de la loi 8.069, cf. annexe 1 et 2ème partie, ch.
1, 1.2.
51 P.A. De Paula, "A criança e o adolescente : perspectivas
da legislaçao ordinaria",in Cadernos FUNDAP, Sao Paulo, n°
18, août 1990, p.42.

27
Si la nouvelle loi a disposé avec prudence de la déchéance de
l'autorité parentale, et, d'autre part, a essayé de freiner l'intervention
de l'Etat dans les situations problématiques des familles démunies
(cf. art. 22 du statut de l'enfant et de l'adolescent), elle laisse
néanmoins un flou, un décalage entre les obligations de l'Etat et
celles de la famille. En d'autres mots, abandonnée par l'Etat, la
famille a peu de chances de pouvoir remplir ses obligations envers
l'enfant.

Section 3 : Le placement en institution

Nous partons toujours du postulat que le meilleur


environnement pour l'enfant est celui d'un foyer harmonieux 52. Il
existe néanmoins des enfants qui, de façon définitive ou temporaire,
se retrouvent privés de familles. Pour ceux-là, la société a prévu le
recours de l'"institutionalisation" ou placement en institution. Dans le
contexte de notre travail au tribunal des mineurs, nous entendons par
institution l'organisation qui est destinée à héberger les enfants et
devient donc leur résidence. Le terme "institution" recouvre donc les
différentes structures de placement d'enfants telles que les
orphelinats, homes, maisons d'enfants, pouponnières, foyers ou
centres d'accueil...

Selon un auteur éminent53,"l'enfant abandonné doit trouver dans


l'institution un support, un appui, un élément générateur de sécurité,
d'identité et d'adaptation à la vie dans la société". Le milieu social de
l'institution doit être organisé de façon à rendre possibles
l'expérience de relations humaines constructives, la satisfaction des
besoins fondamentaux, physiques et émotionnels, et à essayer de
diminuer les conflits psychologiques et les carences préexistant chez
l'enfant.

Pour assumer de telles fonctions, l'institution va recourir à une


équipe pluridisciplinaire de psychiatres, assistants sociaux,
médecins, psychologues, éducateurs et autres fonctionnaires pour
assurer les activités auxiliaires. En Amérique Latine, la réalité de

52 La Convention des Nations Unies relative aux droits de


l'enfant prévoit que tout enfant a le droit de grandir dans
une famille, idéalement la sienne, et à défaut une famille
de substitution.
53 I. Andrade, "O cuidado ao menor abandonado
institucionalizado",in Psico, Porto Alegre, vol. 4, n° 1,
1982, p. 49.

28
l'enfant abandonné placé en institution est très problématique,
compte tenu de l'existence de nombreux facteurs qui empêchent
l'institution d'accomplir adéquatement son rôle de substitut de la
famille. Elle est ainsi limitée dans son action et est difficilement en
mesure de permettre à l'enfant un développement efficace de sa
personnalité. 54

§1. Les conditions matérielles et le personnel.

Le type de bâtiment et de construction est


fondamentalement variable et toujours dépendant des ressources
financières dont dispose la communauté à cette fin. Bon nombre
d'institutions brésiliennes n'ont pas été construites dans le but
d'héberger des enfants et ne sont dès lors pas appropriées à cet
effet ; ce sont des bâtiments anciens, restaurés, dont l'équipement
est inadéquat. Il n'existe bien souvent aucun matériel récréatif ou
didactique prévu pour les enfants.

Dans son ouvrage sur l'enfant et la FEBEM, M. Guirado


analyse les conditions matérielles des lieux destinés au
fonctionnement des institutions s'occupant d'enfants, de la manière
suivante :

"On dirait que l'enfant est identifié sur la base de sa


couleur, de l'état de ses vêtements et de sa peau ; on le traite
comme s'il devait être maintenu au milieu de rebuts. Les locaux où il
passe le plus clair de son temps sont ceux qui sont entretenus de la
façon la plus rudimentaire, ceux qui dégagent une odeur
désagréable, regorgent d'insectes, et ainsi de suite. Ces locaux ne
sont pas toujours des plus grands, et, comme ils ne permettent pas
la réalisation d'activités, les enfants restent là, comme s'ils étaient
prisonniers, attendant que le temps passe et que s'accomplisse une
étape de plus de la routine quotidienne : le déjeuner, l'"appel", ou le
dîner,...(...) La configuration de la cour, les hautes murailles, le sol
cimenté, l'absence totale d'objets et de jouets"55. La FEBEM
ressemble, sans aucun doute, à une prison, à cette seule différence
que ce sont des enfants qui y demeurent. A la pouponnière, les
54 Cf. A. Knijnik, "O assistente social no programa de
colocaçao familiar da Fundaçao Estadual do Bem Estar do
Menor", mémoire présenté pour l'obtention du titre
d'assistante sociale, PUC, Porto Alegre, 1977, p. 50.
55 M. Guirado, A criança e a FEBEM, Ed. Perspectiva,
Debates, Psicologia, Sao Paulo, 1980, p. 163.

29
problèmes sont plus aigus encore, étant donné le manque
d'infrastructure adéquate, les fonctionnaires se voient dans
l'impossibilité de mener à bien le travail avec les enfants.

Alors qu'antérieurement, on insistait sur l'aspect de la surveillance


des enfants en institution, on cherche actuellement à créer un milieu
propice à leur développement. Dès lors, les personnes qui travaillent
avec les enfants devraient posséder un type déterminé de formation
socio-professionelle. Or les institutions brésiliennes, pour divers
motifs, ne disposent pas de personnel spécialisé possédant les
instruments nécessaires à l'exécution d'une tâche aussi ardue.

"La faible qualification des professionnels impliqués dans le secteur


social est source de préoccupation, vu qu'elle a une influence directe
sur la qualité des soins prêtés à la population enfantine concernée.
On peut voir là le reflet, non seulement du niveau d'éducation
national, mais aussi du peu d'intérêt traditionnellement accordé à ce
problème par l'Administration Publique. Sauf dans certaines sections
spéciales, il n'existe pas de directives claires spécifiant les pré-
requis en vigueur ni pour la sélection du personnel, ni pour la
réalisation de programmes de formation continue." 56

Ces personnes, qui sont en relation quotidienne avec les mineurs,


servent à ceux-ci de modèles d'identification ; d'où leur importance et
la gravité du danger qui apparaît au cas où il ne s'agit pas de
fonctionnaires compétents. Souvent, le problème est encore aggravé
par le fait que les effectifs du personnel travaillant dans l'institution
sont insuffisants par rapport à ceux des mineurs dont ils ont la
charge.

§2. Une population fluctuante

Un autre facteur qu'il est facile de vérifier dans les


institutions, est le problème que représente la fluctuation de la
population, tant des enfants que de la direction de l'organisation.
Tout cela est très préjudiciable au mineur abandonné qui, peut-être
plus que d'autres, a besoin d'avoir autour de soi une certaine stabilité
et un certain équilibre entre les personnes et les fonctions qu'elles

56 S. Faria Et S. Stanisci, "A formaçao de recursos humanos


na politica de atençao à crianças e jovens
marginalizados",in Cadernos FUNDAP, Sao Paulo, n° 18, août
1990, p. 63.

30
remplissent. Les enfants vivent quotidiennement les arrivées et
départs de certains des leurs. Ces allées et venues ont pour
conséquences l'insatisfaction, l'insécurité dans leur monde de
relations et l'angoisse quant à leur avenir. On assiste à un problème
similaire du côté du staff chargé de la direction de l'organisation : au
cours du mandat de chaque nouveau président de la FEBEM, se
succèdent différents directeurs administratifs et exécutifs, ayant
chacun une vision personnelle et une philosophie d'action différente
de celle de ses prédécesseurs. Ceci amène une série de
changements et de contradictions qui se répercutent sur l'enfant.
L'institution reproduit chez l'enfant la problématique dont il a souffert
dans sa famille d'origine. Il arrive que dans l'institution, il n'y ait
aucune unité dans le travail ; l'enfant reçoit des messages
contradictoires de personnes qui, à ses yeux, font figures d'autorité.
Ceci compromet son identification aux figures adultes qui devraient
se substituer à celles des parents 57.

Parlant des enfants placés en institution, J. Bowlby a conclu qu’à


l'inverse des enfants qui vivent en famille et qui ont à leur disposition
des figures d'attachement, ainsi qu'un monde stable et prévisible,
ceux-ci n'ont qu'un monde imprévisible, instable et des figures
d'attachement peu disponibles58.

Dans la quasi-totalité des institutions, l'enfant a un certain nombre de


tâches et de routines à accomplir, comme par exemple, l'entretien de
la cour, du jardin,... Il arrive parfois que ces activités soient les
seules que l'enfant ait l'occasion de réaliser durant la journée. Bien
souvent, les institutions ne disposent pas de l'équipement nécessaire
à une quelconque scolarisation ou qualification professionnelle des
enfants dont elles ont la charge. A fortiori, le souci de donner à
l'enfant une formation professionnelle qui soit à la fois compatible
avec les capacités de l'enfant et avec le marché du travail, est

57 S. Faria et S. Stanisci, dans leur article susmentionné,


citent les conclusions du 1er congrès de l'administration
de la politique sociale en 1987, où le système
institutionnel lié à la politique sociale a été qualifié,
entre autres, de la façon suivante : inefficace dans ses
actions, centralisé et autoritaire, fragmenté et sans
coordination, bureaucratisé à l'extrême, privatisé et
mercantilisé, mal géré, disposant de ressources humaines
peu qualifiées, dépourvu de planification du développement
des ressources humaines, pourvoyeur de mauvais salaires,
disposant de subsides insuffisants, inadéquat pour répondre
aux demandes existantes, paternaliste, à bas rendement !
58 J. Bowlby, Formaçao e rompimento dos laços afetivos,
Livr. Martins Fontes, Sao Paulo, 1982, pp 7-14.

31
pratiquement inexistant 59. La réalité nous montre que les jeunes
sortent de l'institution à demi analphabètes et avec pour seule
qualification professionnelle, la pratique d'un quelconque type
d'artisanat.

Dans plusieurs institutions, on a pu noter le grave problème que


cause le fait de rassembler de façon non discriminée des mineurs de
divers groupes d'âge, placés pour des raisons très différentes, qui
n'ont en commun que leur sexe et le fait d'avoir été abandonnés.

La situation est plus grave encore si viennent s'incorporer des


mineurs souffrant de maladies mentales prononcées qui sont
ballottés d'une institution à l'autre, faute d'autres ressources. Les
enfants abandonnés handicapés représentent un des drames
humains du Brésil, pour lequel il apparaît très difficile de trouver une
solution.

§3. Quelques conséquences sur le développement


psychomoteur de l'enfant

Plusieurs auteurs affirment que la séparation du petit


enfant d'avec sa mère ne produit de dommages catastrophiques
qu'en cas d'absence d'un substitut maternel60 adéquat. En général,
l'institution d'enfants est considérée comme un milieu inapte à
permettre le développement d'une relation susceptible de remplacer
le lien avec la mère. J. Falk 61, qui s'est penchée sur la situation et le
développement des enfants élevés en pouponnière, considère les
changements répétés de personnes soignantes, et par conséquent
les soins impersonnels, comme les premiers responsables de la
pauvreté des réactions émotionnelles des enfants et du retard de
leur développement affectif et intellectuel, ainsi que des troubles
tardifs de leur personnalité. Au Brésil, les bébés placés en institution,
même s'ils reçoivent une alimentation raisonnable, présentent un
niveau important de malnutrition.

Une étude a été réalisée à Porto Alegre en 1986, dans une institution

59 I. Andrade, op. cit., p. 61.


60 J. Bowlby, op. cit., p. 72.
61 J. Falk, Importance et conditions fondamentales du
caractère individuel des relations enfant-adulte, rapport
non publié d'une expérience de pédopsychiatrie dans une
pouponnière de Budapest.

32
gouvernementale qui héberge des enfants entre 0 et 3 ans. Cette
recherche62 a mis en évidence que 70 % de la population concernée
souffrait de malnutrition, contre 66 % dans un bidonville, et ce en
dépit du fait que le régime alimentaire du second groupe était plus
pauvre que celui des enfants placés en institution. Les faits sont
éloquents ; il apparaît que, dans les institutions où les enfants sont
nourris de façon adéquate, ils n'assimilent cependant pas comme il
le faudrait tous les aliments .

Des auteurs remarquent que la signification des aliments


prend place dans le subconscient de l'individu et, qu'en relation avec
eux, peut surgir une tension émotionnelle ou une maladie
psychophysique. "L'enfant tend à considérer les aliments qui lui sont
administrés par la mère de la même manière que la mère elle-
même; ce qui signifie que toute espèce de perturbations capable
d'altérer ces relations, se transforme rapidement en troubles
digestifs" 63.

En 1945, un autre auteur a mis en évidence les conséquences


qu'une hospitalisation peut avoir sur un enfant 64. Ces recherches ont
montré que, dans un hôpital parfaitement équipé, appliquant les
techniques les plus rigoureuses, les enfants persistaient dans leur
état pathologique. L'hôpital prolongeait vraisemblablement cet état
des enfants, non par ce dont il disposait, mais bien par ce qui lui
faisait défaut. Ce que R. Spitz a mal dénommé hospitalisme est le
résultat d'une carence affective. L'hospitalisme est dès lors une
expression clinique de l'institutionnalisme.

Le nourrisson abandonné placé en institution présente un cadre


clinique vérifiable, caractérisé par :

• le refus de s'alimenter
• la perte progressive de poids
• l'insomnie
• des pleurs qui peuvent persister durant des jours sans
interruption et qu'aucune caresse n'arrive à les calmer

62 FEBEM, Pesquisa sobre os menores internos: infratores,


abandonados e em situaçao de abandono, FEBEM, Porto Alegre,
dez. 1986, p. 8-41.
63 A. Freud et D. Burlingham, Meninos sem lar, Ed. Cultura,
Col. A criança e nos, 3a Ed., 1954, p. 38.
64 R. Spitz, "La perte de la mère par le nourrisson",in
Enfance, 1948, n° 5.

33
• le retard psychomoteur (arrêt de la croissance en général:
poids, taille, périmètre crânien, langage et adaptation
sociale)

Les institutions de ce type souffrent de la même


aliénation que les enfants dans la famille. Ceux-ci sont traités
comme des individus isolés de leur contexte, et privés presque
totalement de leur identité. La communication de l'enfant avec le
monde qui l'entoure diminue au point d'aboutir parfois à une totale
désintégration d'avec le milieu.

En conclusion, au Brésil, le placement d'enfants en institution est


apparu comme une tentative de résolution des problèmes causés à
la société par ceux de ses membres qu'elle considère comme
importuns ou pernicieux. Dès lors, cette résolution constitue une
mise à l'écart du problème en vue de la défense de la communauté
qui isole ainsi ses membres-problèmes, plutôt qu'une solution
apportée au problème de ces membres.65

Chapitre II : L'adoption en droit interne

Pour mener une recherche sur l'évolution de l'institution


de la filiation adoptive, il faut considérer les différentes fonctions
qu'elle a remplies au cours du temps, et les facteurs qui sous-tendent
cette évolution.

Section 1 : L'évolution socio-juridique de l'adoption au


Brésil

Il importe en premier lieu de s'arrêter un moment sur la


définition du terme "adoption" car, "la définition même du terme pose
problème et il est impossible d'en proposer une qui soit satisfaisante
en tout temps et en tout lieu."66 Autrement dit, il faut veiller à ne pas
65 A l'heure actuelle, la FEBEM de Porto Alegre est en
complète restructuration, particulièrement l'établissement
qui héberge les enfants de 0 à 6 ans. Ce changement se
fonde sur une conception pédagogique qui se veut avant tout
centrée sur l'enfant en tant qu'individu. Des unités
résidentielles de 8 à 10 enfants ont été créées dans le but
de permettre une prise en charge plus individualisée et
permettant aux enfants de vivre avec leur(s) frères(s) et
soeur(s). Deux unités accueillent des enfants porteurs du
virus du SIDA.
66 M. Corbillon et M. Duyme, Indications sociologiques et
historiques sur l'adoption, in L'adoption : une famille

34
prendre pour "naturel" un phénomène que nous connaissons de
façon en fait très ponctuelle, ici et maintenant. Nous avons
spontanément tendance à ériger en principe universel notre
conception ethnocentrique de la prédominance des liens du sang sur
les liens sociaux, de la filiation biologique sur la filiation sociale,
conception qui fait donc de l'adoption un "second choix" par rapport à
la procréation. Il faut donc revoir le concept et l'institution "adoption"
en y introduisant une relativité historique d'une part, et culturelle
d'autre part.

Au niveau historique, l'exemple le plus frappant de l'évolution des


conceptions en matière de filiation est donné par le droit romain.
"L'adoption sera d'autant mieux admise chez les Romains que les
liens juridiques (agnotio) priment les liens de sang (cognatio)" 67.
Dans ce modèle de société, l'adoption constitue donc un mode
d'intégration sociale aussi "naturel" en quelque sorte que la
naissance, un acte qui s'applique d'ailleurs également à l'enfant
biologique de la famille.

Sur le plan socioculturel, dans beaucoup de sociétés traditionnelles


africaines par exemple, on observe que "les liens du sang sont
considérés comme secondaires ou pratiquement niés : les liens
sociaux se fondent sur la notion de clan ou de tribu (...) Les enfants
(...) sont pris en charge par telle ou telle famille en fonction des
règles du système de parenté, non en fonction de purs mécanismes
génétiques. Tout enfant fait d'une certaine façon l'objet d'une
adoption."68

§1. L'évolution de la société brésilienne

La société brésilienne, quant à elle, apparaît comme un


creuset d'influences extrêmement nombreuses et variées où au fil
des siècles, se sont entremêlées les cultures et traditions indiennes,
européennes et africaines. Des traces de ce métissage culturel sont
aujourd'hui encore très vives dans diverses institutions et coutumes
et notamment, dans les conceptions et les pratiques liées à
l'adoption. Ainsi, par exemple, les pratiques de circulation des

pour un enfant, Institut de l'Enfance et de la Famille,


Paris, 1989, p. 15
67 P. Verdier, L'adoption aujourd'hui. Aspects
psychologiques, problèmes pratiques, Le Centurion, coll.
L'homme et la femme, Paris, 1975, p.39
68 M. Corbillon et M. Duyme, op.cit., p.15

35
enfants, courantes dans la société brésilienne, principalement dans
les classes sociales défavorisées, attestent des influences
africaines, auxquelles une forme légale a été donnée par le biais des
instruments juridiques de la garde et de la tutelle. Dans ces
pratiques, l'autorité parentale est exercée sur l'enfant par le groupe
familial élargi, mais aussi par le voisinage. Une trace
particulièrement visible de cette tradition est la coutume répandue
dans l'ensemble de la société brésilienne, d'appeler "tio" et "tia"
(littéralement oncle et tante) toute personne qui, de près ou de loin, a
un rapport affectif avec l'enfant, et ce, indépendamment de toute
relation de parenté.

Une conséquence importante pour notre propos concerne la notion


d'abandon. Dans le contexte socioculturel brésilien, la notion
d'abandon est chargée de connotations tout-à-fait particulières. Dans
la première partie de ce travail, nous avons parlé de la différence
existant entre enfant "carente" et "abandonado". Si nous appliquons
à la réalité brésilienne la conception européenne de la famille
nucléaire (père-mère-enfant(s)), nous aurons tendance à considérer
relativement rapidement qu'un enfant est "abandonné". Mais il faut
prendre en considération que la majorité des enfants des classes
défavorisées ont des liens affectifs étroits avec un ensemble de
"tios", parrains, voisins,... Le risque d'un hiatus est parfois grand
entre ces coutumes, ces situations de fait et la lecture qu'en fait la
Justice dans un pays où les lois et ceux qui les appliquent s'inspirent
du modèle européen.

A - Les fonctions de l'adoption.

"(...) La législation de l'adoption a évolué avec chaque


époque pour répondre aux besoins qui lui étaient propres et suivant
la prééminence accordée aux besoins économiques, sociaux ou
affectifs."69. L'adoption a eu, pendant longtemps, une fonction
économique : elle vise au maintien et au développement d'un nom, à
la pérennité d'un culte, à la transmission de biens. Les deux guerres
et le nombre d'enfants sans parents et de parents sans enfants
qu'elles entraînent, donnent à l'adoption une fonction sociale qui se
traduit dans la législation qui, au début du XXème siècle, permet
l'adoption de mineurs. Les U.S.A. connaissaient déjà cette dimension
sociale depuis la fin du XIXème siècle. Apogée de cette évolution,
l'adoption revêt à partir des années 60 (guerres du Viêt-nam, de

69 P. Verdier, op.cit., pp.43-44

36
Corée) une dimension "affective"70. Les législations modernes et les
conventions internationales en la matière, contribuent à délimiter
cette optique humanitaire 71. Parallèlement - et paradoxalement ! -,
dans le monde occidental, l'adoption s'inscrit aujourd'hui parmi les
techniques de procréation assistée 72.

B - Les facteurs de l'évolution historique.

Parmi les facteurs les plus importants qui contribuent à


l'évolution historique de l'adoption figurent:

• l'élargissement du regard porté sur l'enfant et la modification


concomitante de l'image de l'enfant abandonné

• l'évolution des moeurs et des idées sur la famille


• les progrès de la médecine

• les circonstances socio-politiques (guerres mondiales et nombre


d'orphelins qu'elles ont généré).

Ainsi, au Moyen-Age, sous l'influence de l'Eglise


catholique, on ne voyait dans l'enfant illégitime que le fruit du péché.
Peu à peu, cette conception a évolué pour devenir actuellement celle
d'un enfant sujet de droits, qu'il soit légitime ou non, que la société
se doit de protéger en cas de défaillance familiale.

Un auteur a bien mis en évidence que l'on est passé de la notion de


"l'enfant-capital économique" à celle de "l'enfant-capital affectif et

70 P. Verdier, op.cit., p. 44
71 "Par tiers-mondisme et humanisme, ces adoptions
internationales étaient animées par le désir d'aller
"sauver" un enfant de la guerre ou de la famine" B.
Trillat, Enfant joyau, enfant fardeau, in Abandon et
Adoption, liens du sang, liens d'amour, sous la dir. de B.
Trillat, Autrement, n° 96, février 1988, p. 10.
72 Comme l'affirme J. Rubellin-Devichi, "l'adoption n'est
plus aujourd'hui un contrat né d'une décision individuelle,
c'est une institution dont le but est de donner une famille
à un enfant et d'éviter l'abandon différé. Mais, face à
cette distorsion entre la demande des familles adoptives et
le faible nombre d'enfants à adopter, n'est-elle pas aussi
devenue une affaire de pouvoirs ?" J. Rubellin-Devichi, Une
filiation élective, in B. Trillat, op.cit., p. 104.

37
narcissique"73. Dans le cadre des progrès médicaux de ces dernières
années, l'enfant est, presque forcément le fruit d'un désir, notion en
fait récente au sujet de laquelle un auteur remarque que "les
grossesses advenaient autrefois avant même qu'on ait eu le temps
de les désirer"74. L'évolution des rapports homme-femme dans le
couple, des valeurs sociales accordées à la famille et à l'enfant et
l'avancement des technologies médicales ont, entre autres
conséquences, conduit certaines personnes à désirer des enfants
au-delà de l'exercice de la sexualité.

Plus on se penche sur l'histoire de l'adoption, plus il apparaît qu'elle


consiste en un mouvement dialectique entre deux tendances : l'une
est centrée sur la société d'adultes et vise à la continuation du
groupe, tandis que l'autre est centrée sur la personne, et plus
particulièrement sur l'enfant. Dans la première, la fonction de
l'adoption serait, globalement de procurer un enfant à une famille, et
dans la seconde, une famille à un enfant. Selon les époques et les
idéologies prédominantes, l'une ou l'autre l'emporte, mais il semble
que quelque part, subsistent des traces de la tendance minoritaire.
La situation telle qu'elle se présente de nos jours résume
parfaitement la dualité, l'ambivalence précédemment mentionnée.
Car si, d'une part, sous l'effet des changements sociaux et le
développement des sciences psychosociales, l'intérêt supérieur de
l'enfant est désormais proclamé comme finalité essentielle de
l'adoption, on assiste parallèlement à l'éclosion d'un courant
extrêmement puissant de revendication d'un "droit à l'enfant" dans
lequel l'adoption se trouve amalgamée dans l'ensemble des moyens
de procréation assistée.

Au moment même où il acquiert la qualité de sujet de droit, l'enfant,


devient un "must", selon une expression devenue célèbre75, objet
parmi d'autres du désir de l'adulte. Le "droit de l'enfant" et le "droit à
l'enfant" ont chacun leurs défenseurs, leurs militants et leurs
détracteurs76. Et, en dernière analyse, la coexistence de ces deux

73 G. Delaisi De Parseval et A. Janaud, L'enfant à tout


prix. Essai sur la médicalisation du lien de filiation,
Seuil, Paris, 1983, p.22
74 J. Noel, Adoption et insémination artificielle avec
donneur, in : Les procréations assistées : état des
questions, Actes de la journée du 12 juin 1987, Centre de
Droit de la Famille, CNRS, Lyon, 1989, p.98
75 G. Delaisi De Parseval, op.cit., p.22
76 Cf. l'article de P. Murat, "Le droit face au désir
d'enfant", in "Enfants désirés, enfants demandés. Adoption,

38
courants apparemment contradictoires renvoie sans doute à la
contradiction inhérente au psychisme humain. Car "tout enfant est
d'abord objet du désir de ses parents, bien avant que d'être sujet. Et
c'est là une nécessité."77 C'est porté par ce désir que l'enfant va se
construire et progressivement passer du statut d'objet du désir à
celui de sujet désirant, se démarquer du désir de ses parents pour
devenir sujet de son propre désir.

§2. L'évolution de l'adoption en droit brésilien

L'adoption, avant le Code civil, a été réglementée selon


les dispositions de l'ordonnance du royaume de Portugal. Elle avait
comme unique objectif de donner des descendants aux familles sans
héritiers.

C'est le Code civil qui postérieurement a régi la matière.


Dans sa rédaction originelle, on perçoit l'influence du Code
Napoléon. L'adoption était permise aux couples adoptants âgés de
plus de 50 ans et la différence d'âge entre l'adopté et l'adoptant
devait être de 18 ans au moins. L'adoption était alors un acte
bilatéral requérant l'accord de l'adopté ou de son représentant légal.
Elle pouvait être révoquée par accord entre les parties ou dans le
cas d’exhérédation. Son but était toujours l'intérêt des adoptants.

La loi 3.133/57

Plus tard, la loi 3.133 du 8 mai 1957 a apporté des


modifications qui ont facilité l'adoption, telles l'abaissement de l'âge
requis pour les adoptants à 30 ans, et celui de la différence d'âge
entre adopté et adoptants à 16 ans. L'adoption était exclusivement
permise à des couples mariés depuis 5 ans minimum et sans
enfants. Pour la première fois est introduite l'idée d'un objectif
humanitaire ou d'assistance : un secours à porter aux enfants
démunis ou abandonnés. Il importe de remarquer que ni le Code
civil, ni la loi 3.133 du 8 mai 1957 n'ont réglementé ni interdit
l'adoption d'enfants brésiliens par des étrangers. Ainsi, ce type
d'adoptions était considérée comme admissible, l'intérêt étant de

procréation médicalement assistée", Informations sociales,


n° 12, Paris, juin-juillet 1991, pp. 24-31.
77 L. Cassiers, La déclaration des droits de l'enfant.
Commentaires psychologiques, in Journée sur la Convention
des Droits de l'Enfant et la Belgique, Centre de Droit de
la Famille, Louvain-la-Neuve, Belgique, 30 nov. 1990.

39
donner une famille à un enfant, fût-elle étrangère.

La loi 4.655/65 : la légitimation adoptive.

La légitimation adoptive a été introduite dans le Code


civil par la loi 4.655 du 2 juin 1965, sous l'influence partielle de la loi
française. Cette procédure établissait un lien définitif entre l'adopté et
l'adoptant, et même avec la famille de ce dernier. Ainsi, l'enfant
adopté est désormais assimilé à l'enfant légitime. Définitivement
rattaché à la famille de l'adoptant, l'enfant perd son lien avec sa
famille biologique. La légitimation adoptive est destinée aux enfants
abandonnés, à risques, ou dont les parents d'origine ont été déchus
de leur autorité parentale.

La loi 6.697/79 : le Code des mineurs.

La loi 6.697 du 10 octobre 1979, dénommée "Code des


mineurs" a apporté des changements importants à cette matière.
Parmi eux, la suppression de la notion d'enfant abandonné ou "à
risques", à laquelle on substitue celle d'enfant "en situation
irrégulière", définie par l'article 2 de ce Code. Par effet de ce Code,
on considère que se trouve en situation irrégulière le mineur 78.

1. Privé des conditions essentielles à sa subsistance, à sa santé et


à son instruction obligatoire, même si éventuellement cela est
dû à:
• l'absence ou l'omission des parents
• l'impossibilité manifeste des parents ou de la personne
responsable de subvenir à ces conditions
2. Victime de mauvais traitements ou de sévices immodérés
infligés par les parents ou par la personne responsable.

3. En danger moral, du fait que :

• il se trouve de manière habituelle dans un milieu contraire aux


bonnes moeurs
• il se trouve engagé dans des activités contraires aux bonnes
moeurs.
4. Privé de représentation ou d'assistance légale par le manque
éventuel de parents ou de responsable.

78 A. Chaves, Adoçao, adoçao simples e adoçao plena,


Revista dos tribunais, Sao Paulo, 1980.

40
5. Qui présente des comportements déviants, conséquences d'une
inadaptation grave à la famille ou à la communauté.

6. Auteur d'une infraction pénale.

Ce n'est que lorsque le juge pour enfants a prononcé la "situation


irrégulière" que l'enfant peut être adopté. En effet, après la
promulgation du Code des mineurs, il a existé trois types d'adoption,
chacune ayant ses caractéristiques propres:

• l'adoption simple régie par le Code civil


• l'adoption simple du mineur en situation irrégulière, régie par le
Code des mineurs, avec application subsidiaire du Code civil
• l'adoption plénière, créée et réglementée par le Code des
mineurs, qui a révoqué la loi 4.655/65 sur la légitimation
adoptive

Les différences existant entre l'adoption simple, selon le Code civil,


et l'adoption simple, selon le Code des mineurs, portaient sur la
forme et non sur le contenu. En fait, la première était constituée sur
base d'un acte notarié, alors qu'au contraire celle du Code des
mineurs exigeait l'intervention judiciaire et était permise aux
adoptants étrangers. Le mineur en situation irrégulière jusqu'à 18
ans, pouvait faire l'objet d'une adoption simple, en vertu des
dispositions 368 à 378 du Code civil. Ceci ne pouvait être réalisé
qu'avec l'autorisation préalable de l'autorité judiciaire. L'enfant de
moins de sept ans en situation irrégulière pouvait faire l'objet d'une
adoption plénière. Dans ce cas, l'enfant perdait tous les liens avec sa
famille d'origine. Pour que l'adoption plénière se concrétise, il fallait
passer par une période probatoire d'un an dans la famille adoptive.
Cette loi a même autorisé l'adoption par le veuf et la veuve, à la
condition qu'il (elle) ait passé une période probatoire de trois ans
avec l'enfant avant la mort du conjoint. La même solution a été
appliquée dans les cas de séparation judiciaire du couple. Si, avant
leur séparation, les conjoints avaient entamé la procédure d'adoption
et commencé la période probatoire, l'adoption pouvait être déclarée
dès que les époux s'étaient mis d'accord sur la garde de l'enfant lors
de la procédure de séparation. L'adoption plénière, irrévocable,
garantissait les mêmes droits aux enfants biologiques et aux
adoptés.

La loi 8.069/90 : le Statut de l'enfant et de l'adolescent.

41
Le statut de l'Enfant et de l'Adolescent déclare
clairement que le manque de ressources matérielles ne peut à lui
seul constituer un motif suffisant pour que le juge prononce la
déchéance de l'autorité parentale. Il doit laisser l'enfant dans sa
famille et s'assurer qu'un service social prenne celle-ci en charge
(art. 23).

La nouvelle loi interdit l'adoption par procuration (art.


39). Elle interdit également de confier l'enfant ou l'adolescent à toute
personne physique ou juridique sans autorisation judiciaire.

Les conditions à remplir sont les suivantes :

1) conditions relatives aux adoptants

L'adoption est accessible à toute personne âgée au


minimum de 21 ans indépendamment de son état civil (art. 42). Une
nouveauté introduite par cette loi est l'adoption "post mortem". En
effet, l'adoption peut être accordée au candidat qui, de son vivant,
aurait manifesté la volonté d'adopter un enfant et viendrait à décéder
pendant la procédure, avant que le jugement soit prononcé (art. 42
5).

2) conditions relatives aux adoptés

Les conditions par rapport à l'âge concernent la


différence d'âge entre l'adopté et l'adoptant, qui doit être de 16 ans
au moins (art. 42 3).

L'adopté aura au plus 18 ans en date de la requête, sauf


dans le cas où il était auparavant confié à la garde ou sous la tutelle
des candidats (art. 40).

Les conditions relatives au consentement à l'adoption


stipulent que les parents ou, à défaut, le représentant légal de
l'enfant doivent exprimer leur consentement sauf dans les cas où ils
sont inconnus ou déchus de l'autorité parentale (art. 45 1). Si l'adopté
est âgé de plus de 12 ans, son consentement est également requis
(art. 45 1° et 2°).

3) période probatoire

L'article 46 fixe une période probatoire qui doit précéder


l'adoption et dont la durée est déterminée par l'autorité judiciaire. Il

42
s'agit là encore d'une mesure de protection des intérêts de l'enfant
dans la mesure où elle vise de prévoir et éviter des problèmes
ultérieurs dans la nouvelle famille.

4) effets de l'adoption

L'adopté prend le nom des adoptants; quant au prénom,


il peut être modifié sur demande des adoptants (art. 47 5).
L'adoption est irrévocable (art. 48) et la coupure des
liens avec la famille d'origine est définitive, même en cas de décès
des adoptants (art. 49).

Le législateur a voulu donner à l'adoption les garanties


qui faisaient défaut dans la loi précédente. Il a veillé également,
conformément à la philosophie qui sous-tend la Convention des
Nations Unies relative aux Droits de l'Enfant, à garantir la
subsidiarité de l'adoption par des étrangers. Désormais, celle-ci
devient une mesure exceptionnelle car on veille à ce que les
candidats brésiliens puissent adopter de façon prioritaire. Les
exigences de la nouvelle loi visent à éviter les abus commis
jusqu'alors, et surtout la sortie d'enfants brésiliens vers l'étranger,
sans que les garanties nécessaires ne soient prises dans tous les
cas en ce qui concerne la légalité et le respect des intérêts de
l'enfant 79.

5) Les particularités de l'adoption internationale

L'adoptant étranger domicilié à l'extérieur devra passer


la période probatoire sur le territoire brésilien; cette période sera de
15 jours minimum pour les enfants jusqu'à deux ans et de 30 jours
minimum pour les enfants de plus de deux ans. L'adoptant étranger
doit satisfaire aux conditions fixées par l'article 51 du Statut de
l'Enfant et de l'Adolescent.

Dans le contexte socio-juridique de la fin des années 80


où les droits et la parole de l'enfant constituent un objet de
préoccupation central pour les responsables de la politique sociale
des pays occidentaux, le Brésil a entrepris la modernisation de sa
législation dans ce domaine, dans un souci double de prévention et
de protection. Cette législation nouvelle marque donc un réel progrès

79 voir tableau relatif à "l'Evolution des adoptions


d'enfants brésiliens dans différents pays".

43
dans le domaine de la protection infantile. Toutefois, quelques
remarques s'imposent.

L'abaissement de l'âge requis pour adopter est excessif,


cela pour plusieurs raisons.

En effet, il est extrêmement rare que des couples de cet


âge se présentent comme candidats adoptants. Des couples très
jeunes risquent de ne pas être à même de bien mesurer ce que
signifie vraiment le fait d'être parent, d'avoir des enfants, et la
responsabilité que cela implique. Enfin, le nouveau texte de loi, en
voulant faciliter les choses, risque de créer finalement plus de
problèmes qu'il n'apporte de solutions en ouvrant la porte à des
adoptions peu mûries, mal préparées et qui comportent de ce fait un
plus grand risque d'échec.

En ce qui concerne l'adoption internationale, l'obligation


imposée aux adoptants de se rendre personnellement au Brésil pour
concrétiser l'adoption sera très bénéfique. Mais il n'en ira peut-être
pas de même pour ce qui est de la durée déterminée pour la période
probatoire.

Les délais fixés de quinze à trente jours selon le cas,


sont arbitraires et d'une efficacité relative. Car s'il est indispensable
que les parents se déplacent sur le lieu de vie de leur enfant, il est
utopique de penser qu'une observation, même de trente jours, dans
un contexte de vie artificiel pour tous les protagonistes permette
d'évaluer leur adaptation réciproque. Dans un premier temps,
l'accent devrait être mis sur la sélection et la préparation des
adoptants. Dans un deuxième temps, un matching fin et approprié
devrait être réalisé, enfin, qu'un accompagnement devrait être
effectué dans le pays d'acccueil pendant les mois qui suivent
l'arrivée de l'enfant, par les organismes de l'adoption.

Tout ceci suppose une coopération constante entre


services de professionnels compétents des pays d'accueil et
brésiliens à chaque étape du processus.

La nouvelle Constitution brésilienne promulguée le 5


octobre 1988, dans son article 227, VII, 6°, supprime toute
distinction discriminatoire relative à la filiation. Elle reconnaît les
mêmes droits à tous les enfants, sans distinction de filiation. Cette
disposition assimile tous les enfants adoptés sans distinguer entre
adoption simple et adoption plénière.

44
La loi 8.069 du 13 juillet 1990, le Statut de l'Enfant et de
l'Adolescent, régit désormais la protection intégrale de l'enfant et de
l'adolescent80 . Dans son article 39, elle maintient le principe établi
par la constitution de 1988 d'assimilation des filiations avec les
mêmes droits et devoirs. Cette compilation des lois de protection de
l'enfance a en effet réorganisé toutes les dispositions concernant
l'enfant et l'adolescent.

Pour ce qui est de l'adoption, la loi 8.069 a spécifié


toutes les conditions formelles pour l'adoption. Néanmoins, elle a
laissé au juge (des enfants et adolescents) un large pouvoir
d'appréciation quant aux circonstances exceptionnelles qui doivent
être réunies pour qu'une adoption soit considérée comme répondant
à l'intérêt de l'enfant.

Section 2 : L'organisation de l'adoption au tribunal de


Porto Alegre

Le tribunal pour enfants est une branche spécialisée du


pouvoir judiciaire instaurée par le décret n° 5307 du 1 juillet 1933
relatif à la protection des mineurs jusqu'à 18 ans, abandonnés ou
délinquants. Lui incombe également la direction de la politique
d'assistance aux dits mineurs, en coordination avec d'autres organes
de l'administration. Le juge des enfants, en tant qu'autorité suprême,
est chargé de l'application de la loi, de l'administration de la justice
et il est responsable de la sentence définitive qui clôture chaque
dossier.

C’est à l'organisation du service d'adoption, ses structures et ses


procédures, que nous nous attacherons dans les prochaines lignes.

§1. Le service d'adoption

L'équipe responsable des adoptions fonctionne depuis


plus de 30 ans. Au fil des années et des changements de lois et de
juges, le service s'est organisé de façon différente, en fonction des
ressources matérielles et humaines disponibles. Depuis la fin des
années 70, le service responsable des adoptions fonctionne avec

80 cf. L.E. Labanca, Estatuto da criança e do adolescente.


Anotado, Ed. Forense, Rio, 1991, p.50-51

45
une équipe pluridisciplinaire. Il est responsable de la sélection des
candidats adoptants brésiliens, du placement adoptif d'enfants dans
des familles brésiliennes et, depuis 1980, dans des familles
étrangères. Il est également chargé du suivi des enfants placés
dans les familles de la région. Parallèlement, les intervenants de ce
service maintiennent des contacts systématiques avec les différentes
maternités, les hôpitaux pédiatriques, les foyers d'accueil, etc.

Les professionnels attachés au service d'adoption ont


des attibutions différentes. Il incombe aux assistants sociaux de
réaliser les études psycho-sociales de l'enfant et de la famille, dans
le but d'émettre un avis technique sur le projet le plus adéquat qui
devra être réalisé pour chaque enfant dans le but de son
rétablissement et de sa réintégration familiale et sociale. Les
psychologues ont pour tâche de procéder aux psychodiagnostics
nécessaires à l'évaluation de la personnalité de l'enfant et à
l'indication de mesures thérapeutiques appropriées. Ils sont
également chargés de la préparation à l'adoption des enfants. Le
neuro-pédiatre, quant à lui, procède à des examens cliniques et
neurologiques permettant un diagnostic ainsi qu'une orientation de la
thérapeutique adaptée à chaque cas. Sont du ressort des aides
administratifs le travail de localisation des procès, la dactylographie
des demandes, la gestion des différents documents, etc.

§2. La sélection des candidats adoptants

A- Les pratiques antérieures

Initialement, les couples qui se dirigeaient vers le


tribunal pour enfants en vue d'adopter, étaient considérés comme
des "saints" dans la mesure où ils emmenaient avec eux un enfant
considéré par la société comme un bâtard, donc un exclu. Ainsi, les
critères de sélection des candidats adoptants se sont modifiés au fil
du temps, passant d'une inscription de type socio-économique à une
évaluation psychosociale. L'adoption était toujours cachée, tant à
l'enfant qu'à la société. Il était très mal vu de révéler au fils qu'il était
adopté. La pratique la plus courante consistait à inscrire un enfant
dans le registre public "comme s'il était enfant légitime"81 . Suite à ce

81 Notons à ce sujet la différence existant entre la


situation brésilienne et celle que l'on connaît en France,
par exemple. Décrivant la situation française, J. Noel

46
type d'adoption, de nombreux enfants ont été ramenés au tribunal
par la suite, parce qu'ils présentaient des problèmes de santé
physique ou mentale avec le commentaire suivant : "ce n'est pas
mon fils, et je ne suis pas en mesure de l'élever".

Au début des années 1980, le nombre d'enfants disponibles pour


l'adoption était très important, comparativement à la demande. Au
cours de l'année 1986, dans la seule ville de Porto Alegre (1.500.000
habitants), la demande se montait à 400 candidatures, sur lesquelles
plus de 100 ont été refusées. Environ 120 adoptions ont été
réalisées par des candidats brésiliens, 60 par des étrangers. Parmi
les candidats restants, une partie a maintenu sa demande à Porto
Alegre même, et les autres se sont dirigés vers différents services
brésiliens. Certains ont renoncé à leur projet.

Certains candidats adoptants sont hostiles à la sélection, alléguant


comme raisons que "les enfants abandonnés sont nombreux au
Brésil" et que "le tribunal complique et bloque le processus"82 . A cet
égard, la situation observée aujourd'hui au Brésil reproduit quelque
peu celle qui prévalait en France, il y a une trentaine d'années. Mais
l'expérience a prouvé qu'une sélection bien menée des candidatures
augmente les chances de succès de l'adoption83 . Au cours des dix

écrit : "Il est devenu si évident aujourd'hui que tout


enfant adopté doit être, et sera, informé de son mode de
filiation qu'il pourrait paraître superflu de s'atterder
encore à ce sujet. C'est pourtant une évidence récente
(...) Il y a moins de trente ans, l'adoption était
généralement cachée aux enfants et certains parents
déménageaient pour réduire le risque qu'ils ne
l'apprennent." J. Noel, "Parler l'adoption", L'adoption :
une famille pour un enfant, Institut de l'enfance et de la
famille, Paris, 1971, p. 105. Les mentalités évoluent
rapidement à ce niveau, mais cette question doit encore
être travaillée en profondeur avec les adoptants
brésiliens.
82 Même s'il ne fait pour nous aucun doute que la sélection
des candidats adoptants est un processus nécessaire et
justifié du point de vue de la protection des intérêts de
l'enfant, cela n'empêche pas "l'irritation des familles
obligées de s'y soumettre, c'est-à-dire de faire contrôler
un désir d'enfant qu'elles perçoivent pur et légitime. Nous
ne voulons pas chercher réponse à tout, pas plus que nier
l'amertume des familles, qui, naturellement, se déchargent
sur nous dans un premier temps." J.Y. Hayez, Un jour,
l'adoption, Fleurus, Paris, 1988, p. 180. Les
professionnels de l'adoption doivent apprendre à gérer ce
transfert.
83 Au sujet des objectifs, mais aussi des limites de la
sélection, M. Soulé et J. Noel écrivent qu'"une sélection

47
dernières années, en effet, le nombre d'enfants qui ont été ramenés
au tribunal a fortement diminué.

B - La pratique actuelle

La sélection des candidats est réalisée par l'équipe de


placement familial au moyen d'une étude pré-adoptive84 .

L'entretien est l'instrument le plus adéquat dont dispose l'assistante


sociale et, en tout cas, l'instrument de base du service social de cas.
Il relève à la fois de l'art et de techniques rigoureuses, et est utilisé
par plusieurs types de professionnels (psychologues, médecins,
psychiatres, ...). S'il s'avère impossible de déterminer un schéma-
type applicable dans tous les cas, il existe néanmoins des
techniques expérimentées et qui ont fait leurs preuves, qu'il importe
de connaître. Ces techniques, entre autres, sont l'observation,
l'écoute et le questionnement liés à une attitude non-directive. Un
autre instrument particulièrement riche est la visite à domicile sur
laquelle nous reviendrons de façon plus détaillée.

Le rapport final de chaque étude pré-adoptive doit prendre en


considération les aspects suivants :

(paraît) possible pour empêcher, dans l'intérêt de


l'enfant, certaines expérimentations hasardeuses,
l'adoption étant un acte prévisible, déterminé et
volontaire. Néanmoins, nous savons qu'elle est bien
difficile. (...) on nous demande de désigner parmi les
candidats, à un moment de leur vie qui n'est pas le plus
propice à cet examen, ceux qui seront aptes à devenir les
meilleurs parents. (...) Pas plus que Freud, nous ne savons
aujourd'hui s'il est possible d'être de bons parents." M.
Soulé et J. Noel, Un exemple clinique de la relation
éducative : l'adoption d'un enfant. Les difficultés de la
sélection, in S. Lebovici et M. Soulé, La Connaissance de
l'enfant par la psychanalyse, P.U.F., coll. Le fil rouge,
Paris, 1970, p. 599
84 La sélection des candidats adoptants repose
essentiellement sur le travail des assistantes sociales.
Celles-ci ont comme référent théorique la méthode dite
d'étude de cas (case-work). A ce sujet, on peut utilement
consulter les ouvrages de F. Hollis, Social case work in
psycho-social therapy, Columbia University, School Social
Work, 4ème Ed., 1963 et M. Richmond, Les méthodes nouvelles
d'assistance, le service social des cas individuels, Ed.
Alcan, Paris, 1926.

48
• motivation des adoptants
• types de problèmes médicaux présentés par les candidats et
investigations préalables de leur fertilité
• personnalité des adoptants
• composition de la famille des candidats et histoire de leur
famille d'origine
• relations conjugales et familiales (parents-enfants)
• choix du partenaire
• éducation des enfants éventuels
• profession et vie professionnelle
• situation financière
• religion
• type d'habitation
• temps libre
• observations générales des candidats
• type d'enfant souhaité
• façon dont les candidats se positionnent face à l'adoption et leur
maturité pour aborder l'adoption
• avis des professionnels qui ont élaboré cette étude.

L'étude pré-adoptive doit décrire quelque chose de plus


que l'histoire d'une personne insérée dans un milieu social ; elle ne
peut en aucun cas se résumer à une énumération de toutes les
circonstances qui ont marqué la vie des candidats. L'essentiel est
d'appréhender la façon dont la personne réagit face à une situation
déterminée, car c'est en cela que se révèle sa personnalité. Cette
démarche est plus riche en informations que la connaissance des
faits en tant que telle. L'étude pré-adoptive devra donc comporter
des éléments subjectifs, sur la base desquels pourront être émises
des conclusions plus fructueuses.

a) L'étude psychosociale est réalisée par le tribunal sur


la base d'entretiens avec le couple, et éventuellement la famille
élargie, des visites à domicile, et, quand cela s'avère nécessaire, au
moyen de contacts avec des sources d'informations extra-familiales.
Le nombre des entretiens est variable. On en réalise autant qu'il
s'avère nécessaire, le minimum étant quatre. Le premier entretien se
fait obligatoirement avec le couple candidat

b) La visite à domicile est un instrument important qui


nous permet de nous rendre compte du milieu de vie de la famille, et
d'observer l'intégration de ses différents membres. Dans le cas de
sélection de candidats adoptants, la visite à domicile revêt une
importance toute particulière : elle permet de découvrir l'espace

49
physique qui va être réservé à l'enfant85 . L'aménagement des lieux
et des objets en dit souvent long sur la "place" que l'enfant pourra
occuper dans cette famille. D'autre part, le moment de la visite à
domicile est un moment privilégié dans la mesure où les candidats,
dans leur milieu de vie, révèlent d'autres facettes de leur
personnalité très utiles à la compréhension de leur situation. La visite
à domicile est réalisée par le travailleur social de façon informelle,
non-directive, et sans prise de notes. Une attitude plus formelle
pourrait inhiber les personnes et de ce fait, aller à l'encontre des buts
poursuivis. Cet instrument est un des éléments essentiels sur
lesquels se base la sélection des candidats adoptants.

c) Une des tâches fondamentales, et condition sine qua


non du travail de l'équipe de placement familial, est de définir et de
standardiser les critères de base de la sélection des adoptants. Ces
critères ont varié dans le temps, en fonction de la législation en
vigueur, des professionnels concernés, des circonstances,... Ainsi,
par exemple, les lois de l'"offre et la demande" s'appliquant aussi au
sujet qui nous intéresse, lorsque le nombre d'enfants en institution
venait à diminuer (sous l'influence de l'adoption internationale, par
exemple), les critères de sélection devenaient ipso facto plus
nombreux et restrictifs 86.

d) La décision collective quant à l'acceptation des


candidats adoptants est réalisée au cours de discussions de cas
(avec une fréquence moyenne d'une réunion par semaine) en équipe
(assistantes sociales, psychologue, neuro-pédiatre et aide
administrative), ce afin de diminuer au maximum l'arbitraire inhérent
à ce travail.

Parallèlement, l'équipe est en contact constant avec les


professionnels de la FEBEM, afin d'élaborer avec eux un projet
spécifique pour chaque enfant dont la situation d'abandon a été
préalablement décrétée. Diverses possibilités se présentent à

85L'espace physique prévu pour l'enfant nous paraît être un


indicateur de l'espace psychique réservé pour lui par les
futurs parents.
86 J. Rubellin-Devichi s'interroge à juste tire sur la
pertinence des critères retenus pour la sélection des
candidats adoptants. "Comme il y a pénurie d'enfants,
pléthore de parents, quels critères socioprofessionnels
pourraient être retenus sans une large part d'arbitraire ?"
J. Rubellin-Devichi, Une filiation élective, in B. Trillat,
op.cit., p.104.

50
l'équipe en fonction des caractéristiques de ces enfants.

Section 3 : Les enfants adoptables

§1. Les enfants "conformes" aux attentes des adoptants


brésiliens

La majorité des candidats brésiliens qui se dirigent vers


les services d'adoption, tout comme les candidats des pays
occidentaux riches, désirent des enfants nouveaux-nés (âgés de 12
mois comme extrême limite), préférentiellement de sexe féminin,
sans problème de santé et qui, idéalement, leur ressemblent.

Dans la société brésilienne, ce désir est tout-à-fait réalisable vu la


fréquence des abandons de nouveaux-nés et les circonstances dans
lesquelles ces abandons sont réalisés. La sévérité de loi en vigueur87
autorise la mère, lors d'une audience devant le juge, à signer un acte
d'abandon par lequel elle renonce à son autorité parentale, quelques
heures seulement après l'accouchement et, contrairement à ce qui
est prévu par la loi française par exemple, cette décision prend effet
immédiatement et est irrévocable88 . L'enfant est donc susceptible
d'être confié le jour même à des adoptants89 préalablement
sélectionnés par l'équipe de placement familial du tribunal et qui se
trouvent en liste d'attente.

87 La loi 8.069/90
88 A ce propos, C. Bonnet, dans son ouvrage sur
l'accouchement sous X., arrive à la conclusion que "le
délai de rétractation de trois mois, institué depuis la loi
sur la légitimation plénière en 1966, semble mal adapté.
Ces femmes souhaitent se séparer définitivement de
l'enfant, dès l'expulsion, pour ne pas vivre un attachement
sensoriel. La longueur de ce délai ne fait qu'augmenter
leur souffrance, puisqu'elles savent que leur enfant sera
soumis à un vide affectif pendant au moins trois mois" C.
Bonnet, Geste d'amour. L'accouchement sous X., Ed. Odile
Jacob, Paris, 1990, pp.221-222.
89 Cela signifie concrètement qu'un enfant âgé de 48 heures
peut être confié à des parents adoptifs. En effet, les
maternités sont perpétuellement surpeuplées et le risque
d'infection hospitalière y est tel que les parturientes ne
séjournent que 48 heures. Il est très fréquent que ces
jeunes mères sortent de la maternité et se dirigent
immédiatement vers le tribunal pour y signer l'abandon.

51
Toutefois, avant d'être proposé à un couple brésilien, le
nourrisson va devoir passer par une évaluation qui prend en
considération des éléments autres que la seule adoptabilité
juridique, touchant à :

a) son état de santé : poids à la naissance, temps de


gestation, apgar, circonstances de l'accouchement, réactions à
l'examen du néonatologue, observation pendant les premières
heures de vie.

b) ses caractéristiques ethniques : couleur de la peau,


type de cheveux... mais aussi couleur des ongles, des organes
génitaux et présence ou non d'une tache mongoloïde90 . Car il est
fréquent que des nouveaux-nés blancs se révèlent six mois plus tard
être en fait des métisses parfois foncés.

c) l'histoire de la famille d'origine de l'enfant et les


raisons invoquées pour son abandon. Ces éléments sont mis en
évidence lors d'entretiens entre les assistantes sociales de la
maternité et du tribunal pour enfants et la mère.

Dans le contexte actuel, ce travail prend place dans


l'urgence et l'insuffisance de moyens d'action par rapport à la
quantité de cas qui se présentent quotidiennement, et ce,
particulièrement dans les grandes villes. Les services pédiatriques
souffrent, tout comme les maternités, d'un perpétuel manque de lits
pour nourrissons et se voient donc dans l'obligation de placer les
nouveaux-nés à deux par lit, ce qui entraîne bien sûr de graves
risques de contamination. Chaque jour passé dans un hôpital de ce
type représente donc un risque important pour un nouveau-né sain et
abandonné, obligé de rester indûment en contact avec des enfants
hospitalisés pour cause de maladie.

Une deuxième remarque nous semble ici importante : étant donné


que la même équipe s'occupe à la fois de ces situations d'abandon
et de la sélection des adoptants, il est inévitable que les
professionnels gèrent ces situations d'abandon avec des projets de
placement des enfants concernés dans des familles précises91.

90 Tache de couleur violacée, généralement située au niveau


des reins. Bien que ce fait ne soit pas scientifiquement
démontré, sa présence est utilisée dans notre pratique afin
de pronostiquer un métissage possible chez un nourrisson.
91 Cette manière de fonctionner n'est sans doute pas
optimale. L'idéal serait vraisemblablement que le moment

52
Plusieurs problèmes se posent lorsque la mère hésite à prendre
cette décision capitale. Plusieurs formules d'aide sont prévues, telles
un soutien financier à la mère, un hébergement de celle-ci avec
l'enfant dans un foyer. Mais, dans la pratique, ces moyens sont
dérisoires : l'aide financière représente plus une aumône qu'un
apport véritable, et l'hébergement n'est généralement autorisé que
pour une durée de trois jours. Dès lors, la solution de secours reste
dans la grande majorité des cas le placement de l'enfant à la
FEBEM. De même, sont envoyés à la FEBEM tous les nouveaux-nés
pour lesquels, en raison de problèmes médicaux - diagnostiqués ou
pronostiqués - ou souvent, de caractéristiques ethniques - enfants
métissés ou noirs, a fortiori s'ils sont jumeaux - le tribunal pour
enfants ne trouve pas de candidats adoptants nationaux.

Mais, pour un certain nombre de catégories d'enfants pour lesquelles


le tribunal de Porto Alegre trouve difficilement des familles
brésiliennes.

§2. Les enfants difficiles à placer en adoption

A - Les enfants souffrant de problèmes de santé et de handicap

• malformations congénitales (fente palatine, problèmes


orthopédiques, cardiopathies, séquelles de syphilis,
hermaphrodisme,...)
• retard psychomoteur important
• séquelles de mauvais traitements (brûlures et autres cicatrices)
• problèmes psychoaffectifs (balancement, marasme, apathie,
agressivité, hyperkinésie, autisme,...)

de l'abandon et celui de l'adoption soient dissociés, tant


au niveau temporel, qu'au niveau du personnel qui les
encadre. L'expérience d'une équipe travaillant uniquement
les abandons a été réalisée, mais ce travail est peu à peu
devenu "insupportable" pour le personnel concerné, vu le
nombre et la gravité des situations affrontées
quotidiennement. Nous pensons qu'une formation et un
encadrement spécifiques sous forme de supervisions
devraient être proposés à ces professionnels afin qu'ils
puissent au mieux encadrer à leur tour les femmes qu'ils
rencontrent dans des situations si difficiles.

53
• problèmes physiques divers (malnutrition, infections
hospitalières et autres, ...)

Au Brésil, le problème constitué par les enfants


handicapés abandonnés est particulièrement dramatique. Rares sont
les Etats qui disposent d'institutions spécialisées pour ce type
d'enfants, et en conséquence, chaque fois qu'il s'en ouvre une
nouvelle, elle affiche complet dans les quelques jours qui suivent.
Des enfants présentant des pathologies très diverses s'y trouvent
mélangés sans aucun critère spécifique, ce qui aboutit à aggraver
leur handicap. Des cas de surdité, cécité, épilepsie, séquelles de
poliomyélite,... qui pourraient être traités, et même résolus, se
transforment en véritables problèmes de santé publique. Ce n'est
qu'à travers l'adoption internationale que certains de ces enfants
"auront une chance" de connaître enfin une famille, la majorité
d'entre eux ayant été abandonnés au cours de leur première année,
en raison des difficultés que leur prise en charge causait à leurs
parents. "(...) La réussite d'une telle entreprise exige certaines
précautions dans l'intérêt de tous. Les futurs parents ne doivent pas
s'abuser sur leurs capacités physiques ou mentales. Il faut qu'ils
connaissent bien les tâches et les efforts qu'ils devront maintenir. Il
est souhaitable qu'ils aient pu y réfléchir et qu'ils soient
accompagnés dans cette démarche."92

B - Les enfants plus âgés.

La plupart des candidats adoptants qui n'ont pas d'enfant


désirent adopter un tout-petit afin de pouvoir suivre pas à pas toutes
les étapes de son développement. Ce souhait qui semble si évident
aujourd'hui, est loin d'être "naturel". En effet, il y a quelques dizaines
d'années, les adoptants souhaitaient accueillir des enfants un peu
plus âgés, qui devaient, préalablement à leur adoption, s'en montrer
"dignes" en quelque sorte. "A cette époque, les notions de
transmission du nom et du patrimoine pouvaient encore prévaloir sur
les sentiments affectueux. (...) L'adoption d'un nourrisson
apparaissait donc comme une entreprise à risques éventuellement
graves, imprévisibles et inévaluables"93 . Les parents disent à ce
propos que "l'enfant de plus d'un an a déjà toute une histoire de vie à
92 M. Soulé, Les particularités des enfants proposés à
l'adoption, article non publié.
93 M. Soulé et J. Noel, "L'adoption d'un nourrisson", in
Précis de psychopathologie du nourrisson, INSERM, P.U.F.,
Paris, 1989

54
laquelle ils n'ont pas participé". D'autres pensent que "un enfant plus
âgé aura des difficultés à s'adapter à une nouvelle famille". Nombre
d'enfants plus âgés ont changé à plusieurs reprises de familles
d'accueil, ce qui perturbe leur équilibre affectif tout comme le va-et-
vient entre famille d'origine et institution.

Il semble effectivement que l'on fasse valoir toute une série


d'arguments face à ce désir d'adoption de tout-petits. On a souligné94
à ce propos que l'attachement, tant de la mère que de l'enfant, est
d'autant plus profitable qu'il a lieu plus précocement ; "on évite ainsi
la période plus ou moins pénible d'adaptation" avec l'enfant âgé de
quelques années95. "(...) la "santé mentale" de l'enfant est beaucoup
mieux assurée s'il est adopté peu après sa naissance."96 Ces auteurs
concluent que l'âge "idéal" pour l'adoption se situe entre 3 et 6 mois.

C - Les enfants de type ethnique différent

Le problème du type ethnique est un thème délicat à


aborder de par sa grande subjectivité et parce qu'il est étroitement
lié à l'histoire de chacun à l'intérieur de sa propre culture. Au Brésil,
le mélange des races est un fait établi ; il existe ainsi des types
humains très variés. Ainsi, par exemple, on peut rencontrer des
personnes à la peau foncée ayant des yeux clairs et des cheveux
crépus. D'autres sont de couleur claire, mais avec des traits de type
africain, et des cheveux clairs, etc... Les circonstances dans
lesquelles des contingents d'africains ont été amenés au Brésil, au
XVIIème siècle, pour en faire des esclaves ont déjà été exposées.
Depuis le XVIème siècle, les européens (portugais, espagnols,
hollandais) étaient présents au Brésil; mais le gros de l'immigration
européenne a eu lieu depuis la fin du XIXème siècle jusqu'après la
seconde guerre mondiale. Il s'agit d'allemands, d'italiens,
d'européens de l'Est, d'anglais, etc., particulièrement nombreux dans
le sud du Brésil. Le nombre d'enfants adoptables noirs est
proportionnellement plus important que celui des enfants blancs,
alors que le nombre des candidats adoptants est inversement
proportionnel.

Un couple brésilien adoptera difficilement un enfant d'une race


différente de la sienne. De façon générale, l'opinion publique confond

94 C. Launay, M. Soulé et S. Veil, op. cit., pp.99-100.


95 C. Launay, M. Soulé et S. Veil, op.cit., p.99
96 C. Launay, M. Soulé et S. Veil, op.cit., p.100

55
race et couleur. Dans la pratique, ceci amène une série de
confusions et de malentendus. On a souligné à ce sujet que
"nombreux sont les stéréotypes ou préjugés (jugements a priori non-
fondés sur une expérience) associés aux races. Inconsciemment,
nous avons tous certaines attentes - positives ou négatives - à
l'égard des Noirs, des Indiens, des Asiatiques,... Par exemple : les
Asiatiques sont intelligents, les Indiens sont lents, etc...Dans
l'adoption d'enfants d'origine ethnique différente, ceci a des
retentissements particuliers dans la mesure où intervient le
processus dit "d'auto-réalisation de la prédiction"97 . Il existe en effet
chez chacun une tendance, généralement inconsciente, à se
conformer aux attentes - en grande partie inconscientes, elles aussi -
de l'entourage à son égard98. Ainsi, lorsqu'un adopté d'origine
indienne vient à présenter des problèmes d'apprentissage scolaire, il
sera presque impossible de savoir dans quelle mesure ce fait résulte
d'un problème intellectuel précis et/ou de l'attente que pouvaient
avoir tant ses parents que ses professeurs. Ce genre de mécanisme
joue non seulement avec la race, mais avec toute autre
caractéristique liée à l'enfant, et en définitive, avec le fait de sa
qualité même d'adopté. Dans la pratique, le problème lié à la race
dans l'adoption est plus difficilement contournable que celui lié à
l'âge. Ainsi, il sera sans aucun doute plus difficile de trouver une
famille pour un enfant noir de 5 ans, que pour un enfant blanc de 9
ans. En d'autres termes, plus un enfant grandit plus la couleur de sa
peau fonce, plus ses chances d'être adopté diminuent.

Sans pouvoir clore la question du type ethnique de l'enfant adopté,


citons un phénomène qui nous a marqué au cours de notre
expérience au tribunal pour enfants. Alors que les candidats
adoptants brésiliens n'ont aucun scrupule à manifester très
clairement leurs souhaits et exigences quant au type ethnique de
l'enfant qu'ils demandent en adoption, cela n'est pas du tout
systématique chez les candidats étrangers. Mis à part les postulants
à l'adoption de nationalité italienne, parmi lesquels une majorité
exprime clairement un désir d'accueillir des enfants blancs, les
autres candidats européens témoignent généralement d'une gêne à
aborder ce thème. "Cette gêne trouve une manifestation dans les
positions idéologiques et humanitaires qui accompagnent le choix -

97 A.M. Crine, Notes non publiées d'une conférence sur


l'adoption interraciale, Liège, 1986.
98 J. Costa-Lascoux, "Du fantasme à la réalité", in Abandon
et Adoption, Autrement, Paris, 1988, p. 172-177.

56
ou l'acceptation - des enfants d'une autre race"99 . Et c'est ici que se
rejoignent les craintes des futurs parents concernant l'origine
ethnique de l'enfant et son hérédité. "Jusqu'à il y a une vingtaine
d'années environ, régnait la crainte d'une mauvaise hérédité : alors
qu'actuellement, il est unanimement proclamé que l'éducation fait
tout. Cet aphorisme est -paradoxalement- assorti du suivant : nous-
mêmes, pouvons transmettre une hérédité néfaste que nous
ignorons", et les auteurs de conclure que "le déni actuel de la crainte
d'une mauvaise hérédité coexiste cependant avec une inquiétude
latente liée au fait d'introduire dans la lignée des ancêtres et des
descendants un élément hétérogène qui va, plus ou moins, adultérer
la famille, pour ne pas dire la race."

D - Les fratries

Fréquents sont les cas de fratries placées dans les


institutions brésiliennes. Ce qui est en revanche rare, c'est que des
candidats adoptants locaux se présentent pour les adopter. L'équipe
du tribunal pour enfants de Porto Alegre a pour principe de ne pas
séparer frères et soeurs, considérant que ce serait là une perte
supplémentaire inutile pour l'enfant. Toutefois, l'expérience a montré
que même les familles étrangères acceptent difficilement plus de
trois enfants en même temps. Pour ce qui est des fratries de quatre
enfants, l'équipe les a placés par groupes de deux dans le même
pays, et, quand c'était possible, dans des régions proches
géographiquement. Les familles adoptives sont informées de la
situation afin de pouvoir y réfléchir avant de prendre leur décision
d'adopter. Il faut remarquer que l'aîné(e) d'une fratrie abandonnée
possède des caractéristiques tout-à-fait particulières : c'est
généralement lui/elle qui, depuis son plus jeune âge, s'occupe de
ses cadets et de la maison, jouant ainsi un rôle de parent. Au
moment de l'adoption, cet enfant est complètement perdu, parce qu'il
ne sait pas ce que signifie être pris totalement en charge par
quelqu'un. De leur côté, les nouveaux parents ont de la peine à
comprendre ce type de situation si peu familière pour eux.100

99 M. Soulé et J. Noel, "L'adoption", in S. Lebovici, R.


Diatkine et M. Soulé, Traité de Psychiatrie de l'enfant,
PUF, Paris, 1985
100 cf. A.M. Crine et S. Nabinger, "Le roman familial des
fratries dans l'adoption internationale", in Moi mon frère,
moi ma soeur, Dialogue n° 114, Recherches cliniques et
sociologiques sur le couple et la famille, Paris, 4ème
trim. 1991, p.36.

57
Sont courants aussi les abandons de jumeaux ; une
grande partie d'entre eux sera confiée à des familles étrangères,
faute de candidats locaux disponibles. Malgré tout cela, dans
certains cas, frères et soeurs seront inévitablement séparés et la
famille dispersée. Un exemple, tiré de notre expérience : d'une fratrie
de cinq enfants, un a été adopté par un couple français, une soeur
par un couple belge, deux autres frères sont restés dans l'institution
au Brésil et l'aîné, lui, a simplement disparu. Des situations comme
celle-ci sont fréquentes dans notre milieu !

Il importe de relever que les organismes responsables de la


sélection des candidats adoptants doivent prendre des précautions
spéciales dans les cas d'adoption de fratries. Si celles-ci sont
amenées à devoir s'intégrer à des familles qui en comprennent déjà
(enfants biologiques ou adoptés antérieurement), il existe le risque
de voir se constituer deux blocs antagonistes, mettant en danger
l'équilibre familial101 et l’équilibre psycho-affectif de tous les enfants.

101 A.M. Crine et S. Nabinger, op. cit., pp. 39-41.

58
Titre II : l'adoption par des étrangers
Chapitre I : Les caractéristiques de l'adoption par
des étrangers

La question première est celle de la dénomination même


de ce phénomène: adoption internationale, transnationale,
interraciale, "intercountry", adoption par des étrangers, adoption
d'enfants étrangers, ...102 aucun standard n'existe dans la
nomenclature.

En fait, la principale difficulté en la matière semble être que ce


phénomène de passage d'enfants d'un pays à un autre par le biais
de l'institution adoptive, s'il concerne de nombreux pays, fonctionne
en réalité à sens unique. Car le passage se fait toujours de pays
"pauvres" vers des pays "riches" ou, en d'autres termes, il suit un axe
Sud-Nord, et plus récemment Est-Ouest 103.

Comment traduire ce mouvement dans le langage, d'une façon qui


soit satisfaisante pour tous les partenaires en présence ?

102 Ce problème linguistique a été un des premiers


rencontrés par la Conférence de La Haye de droit
international privé dans l'élaboration de la "Convention
concernant la coopération internationale et la protection
des enfants en matière d'adoption d'enfants d'un Etat à
l'autre"
103 Les pays du Tiers-Monde dont provenaient
traditionnellement la grande majorité des enfants adoptés
en Europe et en Amérique du Nord ont, au fil du temps,
freiné la sortie des enfants en raison de diverses
contingences socio-politiques. Lorsque le rideau de fer est
tombé, les pays de l'Est ont rapidement pris la relève en
quelque sorte. "La Roumanie est devenue en une année un
point focal international pour l'adoption. Près de 2000
adoptions internationales auraient été prononcées durant
les trois premiers mois de 1991. Or on estime que, dans le
monde entier, le chiffre annuel d'adoptions internationales
oscille entre 18000 et 22000. On peut en déduire que, à ce
rythme, l'adoption internationale d'enfants roumains
représenterait sur une année plus d'un tiers des adoptions
mondiales." Roumanie. L'adoption d'enfants roumains par des
étrangers, Rapport d'un groupe d'experts sur la mise en
oeuvre de la Convention relative aux droits de l'enfant
dans le domaine de l'adoption internationale, élaboré sous
l'égide de Défense des Enfants International et le Service
Social International, Genève, avril 1991, p.15.

59
Section 1 : Le développement de l'adoption
internationale

Les mouvements massifs d'enfants d'un pays à un autre


sont apparus récemment dans l'histoire.

§1. Considérations générales

Les premières adoptions internationales semblent avoir


eu lieu en Europe au XVIIème siècle104. Aux alentours de 1627, 1500
enfants, orphelins et abandonnés, ont été emmenés d'Angleterre
vers les colonies du Sud des Etats-Unis et ont été intégrés dans des
familles de colons au titre d'apprentis. C'est au XXème siècle que la
pratique de l'adoption internationale s'est développée, suite aux
guerres, notamment celle du Viêt-nam. Faut-il s'étonner que ce soit
aux Etats Unis que l'on ait adopté le plus d'enfants vietnamiens à
l'époque ? Quelques années plus tard, des centaines d'enfants ont
quitté le Biafra et l'Inde en raison de la famine et de la surpopulation.

"Deux raisons, à notre avis, sont à l'origine de ce développement très


rapide : les nouvelles générations des pays industrialisés, qui n'ont
connu ni le colonialisme ni cette xénophobie orchestrée de la
Seconde guerre mondiale, sont ouvertes à l'idée de l'étranger grâce
aux voyages; et toutes les techniques de communication se sont
développées avec une grande rapidité : avion, téléphone, télex,
télécopie, ... Dans les pays riches, le phénomène de ciseaux entre le
nombre de postulants à l'adoption et le nombre d'enfants adoptables
n'ira que s'accentuant et cela pour des raisons connues : légalisation
de la contraception et de l'interruption volontaire de grossesse,
acceptation de la monoparentalité maternelle, aides financières et
suivi des familles confrontées à des difficultés économiques et
psychologiques. Devant la pénurie d'enfants à adopter, se tourner
vers des pays à forte démographie mais faible développement - car
la contraception y est inconnue et l'avortement condamné par l'Eglise
ou illégal - est apparu comme la réponse évidente à ce double désir :
désir d'enfants et désir humanitaire"105.

104 F. Pilotti, Las adopciones internacionales en America


Latina, Instituto Interamericano del Nino, O.E.A.,
Montevideo, 1987, p.10
105 B. Trillat et S. Nabinger, "Adoption internationale et
trafic d'enfants : mythes et réalités",in Revue

60
La grande impulsion de la "politique" de l'adoption internationale en
Europe vient d'un seul homme, Edmond Kaiser, fondateur de Terre
des Hommes. A la suite d'un décès familial (enfant mort dans des
circonstances dramatiques), il décida de consacrer sa vie à "nourrir
l'enfant qui a faim, soigner celui qui est malade, donner une famille à
celui qui n'en a pas." (...). En cherchant des familles pour placer les
enfants, Edmond Kaiser découvre ceux qu'il appelle : "les couples
orphelins d'enfants"106. Le modèle de Terre des Hommes, fondé en
Suisse en 1960, s'est exporté dans de nombreux pays européens où,
suite à des dissidences et des scissions, il a donné naissance à de
nouvelles associations, le plus souvent animées par des couples
d'adoptants.

Pendant de nombreuses années, il semble que pour tout un


ensemble de raisons, l'adoption internationale se soit
essentiellement réalisée en provenance de l'Asie (Inde, Corée,
Philippines, Thaïlande) d'où les enfants arrivent vers l'Europe et les
USA par milliers chaque année. Progressivement, ces pays ont pris
conscience de la nécessité de gérer et contrôler ce processus qui
avait pris une ampleur énorme. L'autogestion de la problématique
liée à l'enfance abandonnée s'est orientée dans le sens d'une
stimulation et d'une priorité aux adoptions nationales (internes)107.

Le tableau n°5 met en évidence le résultat de cette


politique, à travers l'exemple de l'évolution du nombre de visas
délivrés en France à des enfants provenant de deux pays de l'Asie et
de deux pays de l'Amerique Latine.

PAYS: 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993
Corée 639 531 478 815 889 822 944 736 242 398 220 167 93 89 89
Sri-Lanka 1 7 20 72 126 193 297 153 1 88 198 154 16 86
Brésil 10 23 50 129 225 289 312 539 488 683 54 449 476
Colombie 118 151 171 175 166 231 173 137 107 280 339 332 288 386 334
Tableau n°5

internationale de police criminelle (Interpol), Lyon,


janvier/février 1991, p.18
106 D. Spring-Duvoisin, L'adoption internationale. Que
sont-ils devenus ?, Ed. Advimark, Lausanne, 1986, p.18.
107 Tel est le sens de l'article 21 de la Convention des
Nations Unies relative aux droits de l'enfant.

61
C'est à peu près à cette époque en revanche que les
adoptions internationales planifiées par le biais d'organismes
intermédiaires ont pris un essor marqué en Amérique Latine et, plus
particulièrement, au Chili, en Colombie et au Brésil 108. Tout semble
donc fonctionner comme si, sous le poids constant de la demande,
certaines portes s'ouvraient pour compenser celles qui se ferment.

En prenant encore le Brésil comme exemple, on constate (tableau 6)


l'augmentation impressionnante du nombre d'enfants adoptés dans
différents pays au cours de la dernière décennie.

Tableau 6 . Evolution des adoptions d'enfants brésiliens dans


différents pays109
Année 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 Total
Suisse 26 18 21 57 61 60 68 92 83 67 553
U.S.A. 62 72 55 117 242 193 148 164 180 1233
France 10 23 50 129 225 289 312 539 488 2065
Belgique 49 26 25 16 21 44 181
Pays-Bas 25 78 56 63 68 70 360
Suède 18 25 13 21 23 33 133
Canada 8 8
Italie 507 626 786 950 2869
Allemagne 50 75 125
Cumul Pays 26 90 116 162 399 664 1151 1278 1734 1907 7527

Ce tableau ne présente que des chiffres officiels. Dans


une majorité des cas, ils sont inférieurs aux nombres réels
d'adoptions d'enfants brésiliens réalisées par les pays concernés.

108 V.M. Galaïnena, L'adoption, voyage au bout d'un désir,


La découverte, 1988, chapitres V et VI.
109 Informations obtenues par S. Kane (non publié), auprès
des institutions suivantes : Suisse - Office Fédéral des
Etrangers; U.S.A. - Department of Justice, Immigration and
Naturalization Service, Statistics Division; France -
Ministère des Affaires Etrangers; Belgique - Ministère de
la Justice, Administration de la Sureté Publique, Office
des Etrangers; Pays-bas - Ministerie Van Justitie ; Suède -
NIA Sweden, Satens namnd for Internationella
Adoptionsfragor; Canada (Quebec) - Ministère de la Santé et
des Services Sociaux, Secretariat à l'adoption
internationale; Italie - Ministerio di Grazzia e Giustizia;
Allemagne - a) Meldurgen gam. 11 Abs. 2 Ad VermiG,
Herkunftsstaaten der Kinder, b) Terre des Hommes, Germany,
"statistik".

62
L'exemple de la Belgique est particulièrement éloquent à
cet égard. Dans ce pays, il est pratiquement impossible de recenser
les adoptions internationales. En effet, le nombre de visas émis pour
l'accueil d'enfants adoptés n'est plus guère fiable depuis 1985, année
où est entré en vigueur un nouveau Code de la nationalité, accordant
d'office la nationalité belge à tout enfant adopté légalement hors du
territoire, ce qui a rendu la demande d'un visa superflue pour les
enfants brésiliens. De plus, certaines sentences d'adoption rendues
au Brésil peuvent être directement transcrites dans le registre d'Etat
civil de la localité du domicile des adoptants, sans que le passage
par un juge belge soit nécessaire. Tout ceci sans parler des cas où
l'enfant adopté a été enregistré comme enfant biologique des
adoptants sur base de l'acte de naissance établi à leurs noms par
les autorités brésiliennes.

Ce pays n'a instauré aucune procédure d'agrément des personnes


préalablement à l'adoption. Dans ces conditions, il n'existe pas de
contrôle réel, ni administratif, ni judiciaire, du volume des adoptions
internationales réalisées par les ressortissants belges. Les chiffres
cités, fournis par le service ministériel chargé de l'octroi des visas
d'entrée, sont donc largement sous-estimés. On rencontre une
situation similaire au Luxembourg où les données sont également
difficiles à rassembler. Malgré ces réserves, ces statistiques mettent
en évidence le fait que le nombre d'enfants brésiliens adoptés double
pratiquement d'une année à l'autre pour atteindre un total de 7527
adoptions réalisées entre 1980 et 1989.

Les adoptions internationales réalisées par l'Italie entre 1980 et 1985


furent comptabilisées en bloc par le ministère de la justice, sans
précision du pays d'origine des enfants. Ce n'est qu'à partir de 1986
qu'un programme statistique plus fin a été mis en place, permettant
de faire ces distinctions. On a dès lors pu mettre en évidence les
pourcentages suivants qui représentent la proportion d'enfants
adoptés du Brésil par des familles italiennes par rapport au total des
adoptions internationales réalisées annuellement par ce pays (1ère
colonne); les pourcentages calculés de façon similaire pour la
France figurent dans la 2ème colonne :

Italie France
1986 32.6 % 13.0 %
1987 39.0 % 18.0 %
1988 37.8 % 22.1 %
1989 40.7 % 20.2 %
1990 34.7 % 24.5 %

63
En 1990, 840 enfants ont été adoptés en Italie et 683 en
France.

Ces dernières années, suite à l'ouverture des pays de


l'Est, le flux des adoptions internationales tend à suivre l'axe Est-
Ouest plutôt que Sud-Nord. Les pays baltes, quelques semaines à
peine après leur prise d'autonomie, signaient déjà des accords
d'adoption internationale avec des pays scandinaves.

"A la base même du problème juridique de l'adoption internationale


et par-delà tout diagnostic spécifiquement sociologique, on bute sur
la diversité législative des Etats, tant sur la forme que sur le fond de
l'institution"110. La prise de conscience de ce problème au niveau
international a commencé il y a presque trente ans déjà. Différentes
réunions ont été organisées dans le but de faire se rencontrer les
partenaires du processus : représentants des pays d'origine des
enfants d'une part, et délégués des pays d'accueil d'autre part.

§2. L'impact des instruments internationaux

Les principales réunions qui font date dans l'histoire de


la construction de solutions internationales au problème de l'adoption
internationale sont :

1. La convention sur la compétence de la loi applicable et la


reconnaissance des décisions en matière d'adoption - La Haye,
15 novembre 1965.

Cette convention n'a été ratifiée que par trois Etats


(Suisse, Royaume-Uni, Autriche). Son champ d'application est limité.
Elle constitue le premier pas d'une prise de conscience de la
nécessité d'organiser les choses à l'échelle internationale.

2. La convention européenne sur l'adoption de mineurs -


Strasbourg, 24 avril 1967.

110 D. Badan, Comentarios a la convencion interamericana


sobre conflictos de leyes en materia de adopcion de
menores, Instituto Interamericano del Nino, O.E.A.,
Montevideo, 1986, p.14.

64
Ratifiée par 12 Etats, cette convention a pour objet
l'harmonisation des législations en vigueur dans les Etats membres
du Conseil de l'Europe, par la recommandation de l'introduction de
l'adoption plénière dans les diverses lois nationales, sur base du
modèle français.

3. La convention interaméricaine sur les conflits de lois concernant


l'adoption des mineurs - La Paz, 24 mai 1984.

A cette conférence ont assisté les USA et les Etats


d'Amérique Latine; elle constitue une déclaration des revendications
des pays d'origine des enfants adoptés.

4. La déclaration de l'Assemblée générale des Nations Unies sur


les principes sociaux et juridiques applicables à la protection et
au bien-être des enfants envisagés surtout sous l'angle des
pratiques en matière d'adoption et de placement familial sur le
plan national et international - New York, 3 décembre 1986.

Cette déclaration constitue une série de


recommandations pratiques à l'intention des professionnels et des
responsables politiques impliqués dans les différentes formes de
placement des enfants dans des familles de substitution.

5. La convention de l'Organisation des Nations Unies relative aux


droits de l'enfant - New York, 20 novembre 1989.

Dans son article 21, cette convention affirme le principe


fondamental de la subsidiarité de l'adoption nationale et
internationale, par rapport aux autres solutions de protection sociale
de l'enfance.

6. La convention concernant la coopération internationale et la


protection des enfants en matière d'adoption d'enfants d'un Etat
à l'autre, Conférence de La Haye de Droit International Privé, 29
mai 1993.

Les travaux de cette conférence ont été fondamentaux


dans la mesure où ils se veulent adaptés au maximum à la
caractéristique essentielle du phénomène que constitue l'adoption
internationale, à savoir sa mondialisation. Plus de soixante Etats y
ont été représentés.

65
La nouvelle Convention de la Haye, préparée en trois ans sous la
direction de M. J.H.A. Van Loon, complète ou remplace celle de
1965, répond à la nécessité pratique d'un instrument nouveau
multilatéral et vraiment mondial pour la coopération entre pays
d'origine et pays d'accueil en matière d'adoption transnationale et la
protection effective des enfants, pas seulement un instrument dédié
à l'unification des règles de droit international privé 111. Le nouveau
texte s'applique lorsqu'un enfant résidant habituellement dans un Etat
contractant a été , est ou doit être déplacé vers un autre Etat, soit
après son adoption dans l'Etat d'origine par des époux ou une
personne résidant habituellement dans l'état d'accueil, soit en vue
d'une telle adoption dans l'Etat d'accueil ou celui d'origine. La
convention ne vise que les adoptions établissant un lien de filiation
(article 2).

La convention signée en mai 1993 a pour objet :

• d'établir des garanties pour que les adoptions internationales


aient lieu dans l'interêt supérieur de l'enfant et dans le respect des
droits fondamentaux qui lui sont reconnus en droit international
• d'instaurer un système de coopération entre les états contractants
pour assurer le respect de ces garanties et prévenir ainsi
l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants

• d'assurer la reconnaissance dans les états


contractants des adoptions réalisées selon la convention (article
premier).

Parmi les pays représentés à la conférence diplomatique qui a


donné lieu au texte définitif, figurait le Brésil avec une des plus
grandes délégations112. Ce pays a signé la Conférence le 29 mai
1993 avec le Mexique, la Roumanie et le Costa-Rica. Jusqu'à

111 M.G. Parra-Araguren, Rapport sur l'avant-projet de


convention adopté par la commission spéciale, doc. prélim.
N.7, conférence de la Haye de droit international privé,
bureau permanent de la Conférence, Septembre 1992, pg. 39
112 La délégation brésilienne était représentée par M.
l'Ambassadeur A. Arinos de Mello-Franco, accompagné des
représentants du ministère des relations étrangères, D.
Flusser et H. Povoas, d'un représentant du ministère de la
Justice, R. de Mello Ramos, d'un représentant de la
Fondation d'Etat du Bien-Etre des mineurs (FCBIA), H.
Lewin, du représentant de la Police Fédérale, J. Adauto
Duarte et de l'assessuer juridique ad hoc, représentant le
ministère public, J.R. Figueiredo Santoro.

66
maintenant, aucun de ces pays n'a ratifié la Convention. Cependant,
l'importance de cette convention se situe dans la portée d'un débat
international. M. Van Loon a eu le mérite de réussir à faire asseoir à
la même table les représentants des pays d'origine et des pays
d'accueil, unis dans l'intérêt supérieur des droits de l'enfant,
considérant l'enfant comme un sujet de droit et non pas seulement
comme un "objet". Cette convention représente certainement le
début d'un long chemin pour l'établissement de vraies coopérations
entre les autorités centrales de chaque pays et l'établissement de la
supériorité des intérêts de l'enfant sur les intérêts immédiats des
parents adoptifs.

Pour la partie brésilienne, la centralisation proposée par


la convention aux autorités requiert un effort pour adapter les
exigences de la convention aux réalités locales et fédérales d'un
pays de contrastes et de dimensions continentales 113.
Il est temps d’examiner maintenant ce qui conduit les
candidats étrangers à adopter.

Section 2 : Les motivations des adoptants étrangers

Les motifs qui conduisent des étrangers à l’adoption


sont des plus variés.

§1. Les motivations habituelles

La première raison d'être de l'adoption internationale est


conjoncturelle, elle résulte de la pénurie dans les pays riches
(Europe occidentale, Amérique du Nord, Australie) d'enfants
adoptables répondant au désir de la majorité des candidats à savoir :
de très jeunes enfants !

"Il y a en France peu d'enfants adoptables. Ils sont grands,


handicapés, et eux aussi bien souvent "étrangers""114.

113 selon C.L. Marques, Consideraçoes sobre a nova


Convençao de Haia relativa a Cooperaçao International e
Proteçao de Crianças em matéria de Adopçao Transnacional,
Rapport pour le ministère de la Justice brésilien,
Brasilia, déc. 92, p.13
114 J. Noel, "Aspects psychologiques de l'adoption des
enfants étrangers",in Revue de pédiatrie, t.XXI, sept 1985,
pp.299-305.

67
Ce motif est avancé par bon nombre de candidats adoptants. La
pénurie de nouveaux-nés adoptables a plusieurs conséquences : la
longueur des listes d'attente, les délais imposés (5 ans, 8 ans
parfois) en cas de demande d'adoption d'un nouveau-né dans leur
propre pays qui poussent de nombreux couples à se diriger vers
l'étranger, là où "ça va plus vite". Il faut toutefois noter que ce type de
motif n'est pas présenté par tous les candidats, certains désirant
accueillir expressément un enfant étranger. De toutes façons, et
dans les deux cas, un examen plus approfondi des demandes met en
évidence une série d'autres motifs plus ou moins conscients qui
poussent les couples à adopter un enfant hors de leur pays.

En première place figure bien sûr le souci humanitaire qui amène


certaines personnes à ouvrir leur foyer à un enfant démuni.

"Le motif invoqué est généralement charitable et de bon sens : les


enfants du Tiers-Monde, démunis de tout et en grand danger de
famine ou de mort dans leur pays, se trouveraient mieux dans des
familles occidentales aisées qui pourront leur fournir le cadre et
l'affection d'une famille"115.

"Certains couples qui s'adressent directement au Tiers-Monde (et


certains ont parfois volontairement renoncé à procréer eux-mêmes)
avancent la nécessité morale de faire tomber les barrières raciales,
d'arracher les enfants à un destin sordide : brigandage, prostitution,
etc."116, en un mot de les sauver.

Le tribunal pour enfants de Porto Alegre a reçu quantité de lettres


provenant de couples sans enfant précisant qu'ils n'étaient pas
stériles et qu'ils préféraient adopter un enfant plutôt que de le faire,
"parce qu'il y a tant d'enfants malheureux dans le monde". Dans un
pays où les difficultés de la vie quotidienne sont si grandes, même
dans la classe moyenne qui est celle du personnel de l'équipe de
placement familial, ce type de motifs surprend et il est difficile à
comprendre. Mais la question reste entière de savoir pourquoi
l'enfant à sauver doit être celui "du bout du monde" ?

Encore une fois, la réponse est complexe, plusieurs éléments y


concourent.

115 M. Soulé et J. Noel, "L'adoption", in S. Lebovici, R.


Diatkine et M. Soulé, Traité de psychiatrie de l'enfant et
de l'adolescent, vol. III, P.U.F., Paris, 1985, p.321.
116 M. Soulé et J. Noel, op.cit., p.303.

68
Ce qui est le plus proche, le plus connu, fait peur. En d'autres
termes, et sans que cela soit nécessairement conscient, de
nombreux couples préfèrent aller chercher au loin des enfants du
type de ceux qu'ils pourraient parfois trouver dans leur pays (comme
c'est le cas des enfants âgés par exemple). Ce phénomène se
rencontre tant parmi les adoptants brésiliens que parmi les
étrangers. Ainsi les candidats habitant des petites villes de l'intérieur
viennent adopter à Porto Alegre, ceux habitant le Nordeste adoptent
dans le Sud, etc... Certains avouent leur peur de voir un jour leur
enfant retrouver sa mère biologique, menace qui leur semble
inversement proportionnelle à la distance géographique séparant
leur lieu de résidence de celui où l'enfant est né.

Ce motif est aussi présenté par de nombreux adoptants européens,


mais chez ces derniers, il se double fréquemment d'une idéalisation
excessive de l'enfant "venu d'ailleurs". La représentation de l'enfant
abandonné dans leur pays que se font communément ces personnes
est celle d'un enfant de mère prostituée, droguée ou débile, de père
alcoolique, l'enfant étant de surcroît fruit d'un viol ou d'un inceste.
L'enfant qu'on va chercher au loin, en revanche, est souvent imaginé
comme donné en adoption par une mère bonne, mais trop pauvre
pour pouvoir l'éduquer, sans que des caractéristiques négatives,
voire de véritables tares, soient associées à cette pauvreté. Le Tiers-
Monde effraie moins que le Quart-Monde, plus familier et donc plus
menaçant ! 117

Une autre caractéristique favorisant le choix de tel ou tel enfant à


l'étranger est la culture, la religion ou le régime politique de son pays
d'origine, pays que, pour des raisons d'ordre personnel et
essentiellement idéologique, certains candidats ont particulièrement
investi. Il en est ainsi de nombreux petits Chiliens adoptés en Europe
par des couples d'intellectuels de gauche ou encore les enfants
indiens souvent accueillis par des personnes attirées par la
philosophie orientale, adeptes de yoga, etc...

117 "La proximité, en France, des enfants que l'on doit


visiter et connaître avant de les prendre, donne un relief
beaucoup plus impotant à leur passé, à leurs géniteurs
(mauvais parents), à leurs expériences et aux liens qu'ils
ont tissés avec leur entourage (...). Recevoir de la
cigogne (l'emblème de la Corean Airlines est une cigogne)
un enfant qu'on sauve de la mort permet le refoulement de
beaucoup d'angoisses et de craintes (...)", J. NOEL,
"Aspects psychologiques de l'adoption des enfants
étrangers",in Revue de Péd., t.XXI, sept. 1985, p.303.

69
Ces motifs jouent parfois de façon fort confuse et, dans les cas
extrêmes, c'est le caractère physiquement différent de l'enfant, son
"type" racial, qui attire - consciemment ou non - les candidats. Car si
la différence raciale constitue un obstacle pour certains, elle
représente pour d'autres une source d'attraits. Il s'agit en quelque
sorte de "la fascinante étrangeté de l'autre". Pour les uns, elle
cristallise, à leurs yeux et/ou à ceux du monde extérieur, le fait de
l'adoption, le fait que cet enfant, pour être à eux, n'est cependant pas
né d'eux, et constitue un témoignage de leur ouverture au monde, de
leur générosité quelquefois. "Certains adoptants tirent de la
dissemblance la possibilité d'affirmer leur qualité d'adoptants, et
l'enfant devient la preuve, non plus de leur stérilité mais de leur
générosité et de leur valeur"118. Le caractère différent de l'enfant
rejaillit en quelque sorte sur les adoptants, les distinguant ainsi du
reste de leurs semblables.

Chez certains, le degré de visibilité de l'adoption induit par la


différence raciale est parfois utilisé comme un moyen de faire
l'économie d'une révélation qu'ils redoutent. "Le fait de prendre un
enfant dissemblable est parfois plus ou moins sous-tendu par l'espoir
de n'avoir pas de révélation à faire. Les parents prêtent aux enfants
le pouvoir de faire eux-mêmes les déductions qui leur permettront de
se savoir adoptés"119.

§2. Le cas particulier des familles "hypertrophiques"

Enfin, pour achever cette réflexion, deux cas particuliers


et extrêmes méritent d'être étudiés de façon plus approfondie doivent
être mentionnées. Il s'agit , d'une part, des familles
hypernombreuses où le nombre d'enfants va de 7 à 24, que l'on peut
rencontrer en France, Belgique, Allemagne et Luxembourg, et,
d'autre part, celui des familles généralement très nombreuses elles
aussi, d'enfants handicapés dont plusieurs sont adoptés à l'étranger.

Un trait particulièrement frappant a été relevé dans plusieurs de ces


familles : certains de ces parents ont l'habitude de présenter leurs
enfants non par leur prénom d'abord, mais par leur nationalité
d'origine. "Voici notre Colombien, Benoît; ici, c'est la Coréenne,
Amandine,..." ou encore des remarques - humoristiques, certes - de
certaines mères à l'adresse de leurs enfants :"La Colombie et le

118 J. Noel, op.cit., p.303.


119 J. Noel, op.cit., p.303.

70
Brésil, arrêtez de vous battre !", ou "Les Blancs et les Noirs, ça suffit,
maintenant !". Cette focalisation sur l'origine ethnique ou culturelle
des enfants, amusante dans certains contextes, amène cependant
certains parents à une véritable généralisation sans appel, autour de
laquelle se construit le système relationnel familial. "Les Haïtiens, on
n'arrive jamais à savoir ce qu'ils pensent vraiment; avec les
Guatémaltèques, par contre, ..."

Parlant de familles de ce type, il a été soutenu que "sans nier leur


générosité, nous ne pouvons pas mettre leur démarche sur son seul
compte. Des facteurs affectifs puissants jouent également : une
certaine tendance à l'exhibition, même déniée, n'en est encore qu'un
superficiel. Il doit exister souvent des forces affectives archaïques
(par exemple besoin d'être comblé par beaucoup d'enfants, en
réponse à de très anciennes insatisfactions, besoin de réparer des
fautes imaginaires à travers le bonheur donné à ces malheureux,
etc.) Une question importante, probablement la seule, est : chacun
de ces enfants trouve-t-il encore son compte ? Est-il encore accueilli,
écouté, traité comme un sujet ?"120. A ces questions, nous pensons
pouvoir, au vu de l'expérience qui est la nôtre, répondre dans
certains cas, affirmativement. Nous pensons plus particulièrement à
un couple qui a trois enfants biologiques, trois adoptés et un en
accueil familial. Ces enfants, différents les uns des autres, ont
chacun leur place, leurs problèmes aussi, mais guère plus graves
que ceux qu'on peut rencontrer habituellement dans les familles
exclusivement biologiques. Les parents sont des personnes très
idéalistes et ils démontrent par là une certaine contestation face à
l'égoïsme de la société, "très riche, très organisée et peuplée de
vieux", dans laquelle ils vivent. Ils mènent à la fois une vie
personnelle, de couple et de famille - y compris, la famille élargie -
heureuse et harmonieuse121.

A ce sujet, J.Y. Hayez signale les bons résultats obtenus par de


nombreuses adoptions d'enfants handicapés, particulièrement bien
encadrées par des équipes de professionnels compétents. Les
limites de l'adoptabilité ne sont pas, selon cet auteur, "liées au statut
humain de l'enfant", mais bien aux "ressources humaines des
adoptants". (...) J. Y. Hayez pense toutefois que "par contre, il faudra
dire non aux parents porteurs de conflits affectifs importants, en vertu
desquels ils chercheront l'enfant à sauver, pour réparer les fautes

120 J.Y. Hayez et coll., Un jour, l'adoption, Fleurus,


Paris, 1988, p.148.
121 Famille P, résidant au Luxembourg

71
qu'ils s'attribuent, ou pour combler le vide d'amour dont ils ont
souffert. Il faudra également se montrer très prudent face aux
parents peu sûrs d'eux qui, à travers l'enfant handicapé, cherchent
l'enfant "docile", qui ne les contredira probablement jamais : cette
illusion et leur manque d'audace et de créativité peuvent conduire à
trop d'affrontements et de stagnation"122.

En revanche, une autre famille de seize enfants, dont plusieurs sont


lourdement handicapés, suscite de graves questions quant à l'avenir.
En effet, cette famille, de par ses caractéristiques (nombre et type
d'enfants) vit par et pour elle-même, répudiée par la famille élargie et
peu intégrée dans les milieux de vie proches (voisinage, collègues
de travail, ...). S'il apparaît relativement simple d'entrer dans une
famille de ce type, est-il aussi aisé d'en sortir? C'est ce que nous
nous demandons lorsque nous voyons le fils aîné, de personnalité
effacée, pour qui la crise d'adolescence reste une notion
complètement théorique, à la limite inimaginable, achevant des
études d'éducateur spécialisé pour enfants handicapés... Que reste-
t-il des individualités dans le contexte mystique qui garantit la
soudure du groupe familial ? Les enfants nous semblent parfois plus
"utilisés" comme instruments d'une démonstration permanente à
faire au monde extérieur auquel on veut prouver que "c'est possible,
ça marche et on est tous heureux !". "Avec ces enfants, c'est Dieu
qui est entré dans notre famille", s'exclame cette mère. "Portez votre
croix sur la terre, adoptez un handicapé", proclame un responsable
d'une association d'adoption d'enfants handicapés. C'est là que
réside le plus grand risque des adoptions d'enfants handicapés,
souvent sous-tendues par un mysticisme exacerbé.

En conclusion, en France, "les pupilles de l'Etat (22000 en 1980)


étaient deux fois plus nombreux il y a dix ans (46000 en 1970) et
trois fois plus nombreux il y a 20 ans (63000 en 1960)"123.
Parallèlement, et pour diverses raisons telles celles antérieurement
mentionnées, le nombre des demandes d'adoption ne cesse
d'augmenter. "Dans les pays riches, le phénomène de ciseaux entre
le nombre de postulants à l'adoption et le nombre d'enfants
adoptables n'ira qu'en s'accentuant (...)"124. Dès lors, rien ne

122 J.Y.Hayez et coll., op.cit., p.149.


123 M. Soulé et P. Verdier, "L'adoption", in La santé de
l'enfant, Ed. Doin, Paris, 1987.
124 B. Trillat et S. Nabinger, "Adoption internationale et
trafic d'enfants : mythes et réalités",in Revue
internationale de police criminelle (Interpol), Lyon, jan-
fév. 91, p.19.

72
semblant réellement faire obstacle au désir des couples en
recherche d'enfant, le phénomène de l'adoption internationale
devient un phénomène de société, obéissant aux règles de l'offre et
de la demande. Aussi comment les diverses législations
européennes ont tenté d'encadrer ce phénomène ?

Section 3 : L'importance du trafic d'enfants et le rôle


des intermédiaires

§1. Les trafics d'enfants

Dans cette section, on examinera ce que l’on intitule


« trafic d’enfants » et qui pose le problème des individus qui se
trouvent entre les parents adoptifs et les enfants adoptés.

A - Le problème de la définition du trafic

Selon le Petit Robert, le sens moderne du terme "trafic"


est péjoratif. Il se réfère à un "commerce plus ou moins clandestin,
honteux et illicite." Au regard du droit français et du droit brésilien,
par exemple, la notion de trafic d'enfants n'est pas définie. Le droit
pénal mentionne le trafic d'armes, de stupéfiants, d'oeuvres d'art,
mais pas celui d'enfants. A ce niveau, une observation nous apparaît
essentielle: si le caractère "clandestin, honteux et illicite" d'un
commerce d'armes ou d'oeuvres d'art le rend condamnable, il en va
tout autrement lorsqu'il s'agit d'enfants.

Le corps humain, et plus encore la personne humaine qui se


caractérise par son état indisponible, incessible et inaliénable, est
hors commerce"125. "Il n'y a que les choses qui sont dans le
commerce qui puissent être l'objet de conventions"126. En cette
matière donc, la notion de commerce à elle seule fait problème. Or,
qu'on le veuille ou non, cette dimension mercantile semble bien être
inhérente à l'adoption car "l'adoption, c'est un marché, du coeur et de
l'amour, mais un marché"127 tout de même, avec une offre, une
demande, des délais d'attente, des catalogues parfois et des tarifs
125 B. Trillat et S. Nabinger, op.cit., p.19.
126 Code civil, art. 1128 in B. Trillat et S. Nabinger,
op.cit., p.19.
127 Le Point 3/3/80 in C. Goffaux, L'adoption, Dossier
Presse-Ecole, Trim. Actualquarto, Gerpinnes, juillet 1982.

73
variables en fonction de la taille (âge), de la couleur (race) et de la
qualité (état de santé) ! En matière d'adoption, les pratiques
illégales, quand bien même elles sont identifiées, ne sont pourtant
pas toujours sanctionnées. Ainsi, un rapt d'enfant sera généralement
sévèrement condamné. En revanche, la fausse déclaration de
naissance, pratique courante dans de nombreux pays d'Amérique
Latine, est rarement sanctionnée.

Mais les pratiques illégales sont minoritaires et la majorité des


adoptions internationales sont réalisées par le biais de "filières"
légales. Il faut s'inscrire en faux contre le point de vue de
nombreuses agences d'adoption européennes qui considèrent que
les trafics d'enfants sont toujours le fait de filières indépendantes.
Pourtant, les choses sont-elles toujours aussi simples qu'il y paraît ?

Pour pouvoir se concrétiser, ces adoptions requièrent l'intervention


de nombreuses personnes, tant dans les pays d'origine des enfants
que dans ceux des adoptants. Les honoraires professionnels
rétribuant les services de ces personnes ne sont pas fixes, mais le
plus souvent laissés à la libre appréciation des intéressés. Jusqu'à
quel point pouvons-nous considérer que ces tractations portant sur
des êtres humains sont moralement acceptables et licites? A partir
de quel moment peut-on parler de trafic?

"(...) Nous considérons que trafic d'enfant il y a dès qu'un acte illégal,
attentatoire à son état est commis en vue du transfert de l'enfant
d'une personne ou d'une institution à une autre"128.

Pour l'éminent juriste, J.H.A. Van Loon, "le trafic d'enfants se traduit
par un bénéfice pour les intermédiaires, littéralement aux dépens des
parents biologiques et des adoptants (dans la mesure où ceux-ci
agissent de bonne foi) et, dans un sens plus large, de l'enfant
également. Bien que le principe soit assez clair, il n'est pas toujours
facile dans des cas concrets de faire le partage entre de telles
pratiques et les services d'intermédiaires reconnus légaux et
réguliers"129.

Les intervenants à l'adoption apparaissent comme de véritables


équilibristes ou funambules, que le moindre faux pas peut
transformer en "trafiquants". Le rapport de la conférence mondiale

128B. Trillat et S. Nabinger, op.cit., p.19.


129 J.H.A. Van Loon, Rapport sur l'adoption d'enfants
originaires de l'étranger, Conférence de La Haye, 1990.

74
sur l'adoption internationale envisagée sous l'angle juridique et
culturel qui s'est tenue à Milan en mars 1990 souligne que, "à côté
du trafic illégal et puni par la loi, commence à apparaître un "trafic
légal", difficile à appréhender et, en même temps, difficile à réprimer;
il s'appuie sur les formules archaïques qui persistent dans les
législations en matière d'adoption de certains pays en voie de
développement"130.

B - Des formes de trafic.

Les formes de trafic sont nombreuses : certaines,


occasionnelles, sont le fait d'individus isolés. A l'autre extrême,
existent des groupes, des réseaux internationaux bien organisés qui
travaillent sur une grande échelle.

Nombreux sont les trafics dénoncés par les médias,


friands de ce genre de scandales. En voici quelques exemples:
• - Une femme pauvre décide de donner son enfant; un couple
emmène le bébé et laisse à la mère une somme d'argent "pour
l'aider"
• - Une femme accouche; l'accoucheuse enlève le bébé et dit à la
mère qu'il est mort. L'accoucheuse paie alors une autre femme
qui fait une fausse déclaration de naissance, puis abandonne
aussitôt l'enfant. Celui-ci est alors confié en adoption à un couple
• - Une petite fille récemment adoptée, dès qu'elle arrive à se faire
comprendre dans la langue de son pays d'adoption, raconte que
ses parents l'attendent là-bas dans son pays, une religieuse leur
ayant dit que l'enfant allait faire des études en Europe
• - Des enfants sont volés dans la rue, les lieux publics, les
maternités, et sont placés en adoption à l'étranger avec de faux
documents d'identité

• - Certains intermédiaires recherchent les femmes enceintes en fin


de grossesse et les incitent à donner leur enfant qu'ils confient
ensuite à des adoptants étrangers

• - il existe des orphelinats-fantômes remplis d'orphelins-fantômes


(en réalité des enfants d'un village voisin, photographiés pour la
circonstance) promis en adoption dans quatre ou cinq familles de
différents pays. Celles-ci envoient régulièrement de l'argent pour

130 Traffico di Bambini, in Adozione internazionale tra


norma e cultura, conférence mondiale, Milano, mars 1990.

75
les enfants. Le simulacre peut fonctionner plusieurs années,
l'enfant "mourant" par hasard peu avant la date prévue pour son
arrivée dans chaque famille adoptive.

"Il faut maintenant s'arrêter sur le rôle des avocats qui,


pour certains, ont trouvé là un filon très lucratif", dit H. Rauline car, "il
est clair que le métier d'avocat sert de couverture à des trafics
d'enfants"131. Ces professionnels donnent aux candidats en quête
d'enfant une image de sérieux et de fiabilité qui attire les clients.
L'auteur cite plusieurs exemples pour appuyer ses dires : "un avocat
du Paraguay téléphone à Terre des Hommes pour proposer des
enfants de son pays pour 6000 $ "tout compris"; des cabinets de Los
Angeles proposent leurs services pour un prix approximatif de 10000
$ et moyennant un délai d'un an selon l'âge et le sexe demandés".
Ou encore cet avocat de Fortaleza (Brésil) qui après avoir évoqué un
cas précis où l'un de ses confrères avait pris 7200 $ en garantissant
la livraison d'un garçon dans un délai de deux mois, "la couleur des
yeux et de la peau étant à discuter de vive voix", déclarait : "à ce
prix-là, il ne faut pas signer." Cet avocat dit son intention de se retirer
"de ce marché où quarante avocats se font concurrence à Fortaleza,
alors qu'ils n'étaient que deux il y a à peine quatre ans"132. H. Rauline
termine sa réflexion expliquant qu'au Brésil, soit l'enfant à adopter
est réellement abandonné et vit en institution, auquel cas les
services d'un avocat ne sont absolument pas nécessaires; soit
l'origine de l'enfant est douteuse et le trafic est alors fort probable.

Au temps de la dictature militaire en Argentine, la technique des


"disparitions" aurait aussi été appliquée à des enfants. "Certains des
petits disparus (...) pourraient (...) avoir été vendus en adoption à
l'étranger, notamment aux Etats-Unis." ( ...) Les répresseurs se
sentaient investis d'une mission sacrée, celle de les élever à l'écart
d'une idéologie et d'un contexte familial qu'ils qualifiaient de
subversif"133.

Le rapport intitulé "Conclusions préliminaires d'une enquête conjointe


sur les adoptions transnationales indépendantes", réalisée par
Défense des Enfants-International, la Fédération internationale de
Terre des Hommes et le Service Social International relève que des

131 H. Rauline, Le trafic d'enfants lié à l'adoption


internationale : étude et propositions, étude réalisée pour
Terre des Hommes, Lausanne, 1988, p.10.
132 H. Rauline, op.cit., p.11.
133 I. Barki, "Argentine : les criminels de l'adoption", in
Abandon et Adoption, Autrement, Paris, 1988, p.120.

76
"activités discutables et illicites peuvent être le fait des parents, des
agences, des intermédiaires et des responsables officiels, dans les
pays d'accueil comme dans les pays d'origine" et ce,
"inconsciemment ou délibérément"134. Ces "activités" vont des
simples manquements à l'esprit de la loi à la falsification de
documents en passant par des pressions exercées sur les parents
biologiques ou des profits matériels indus.

On voit ici que, à côté du mobile pécuniaire, existent des trafics "par
idéologie". Dans le même ordre d'idées, il pourrait exister des trafics
par charité, "par amour". En effet, certains prêtres en Amérique
Latine proclament qu'un enfant "sera de toute façon plus heureux
dans une famille européenne", quelle qu'elle soit, que dans sa famille
du Tiers-Monde, alors que d'autre part ces mêmes personnes créent
et gèrent des orphelinats grâce aux dons des adoptants européens.
Ce mode de fonctionnement ne comporte-t-il pas le risque d'induire
l'abandon, l'adoption de certains des enfants étant, en quelque sorte,
la condition sine qua non de la survie des autres et, en définitive, de
l'institution ? Comme on l'a fait remarquer, "il y a des pays qui ne font
rien et ce n'est donc pas un hasard si on trouve la plupart des
scandales en Amérique Latine"135.

La tendance est de confondre - et les médias jouent à ce égard un


rôle capital - adoption internationale et trafic d'enfants. Et ce, tant
dans les pays d'accueil que dans les pays d'origine des enfants.
Derrière toute démarche d'adoption, se cache un fantasme de
transgression, de vol d'enfant, et ce, tant chez les adoptants que
chez les responsables des pays d'origine pour qui voir "leurs" enfants
partir à l'étranger constitue un échec. Tout ceci se joue au niveau de
fantasmes et non - heureusement - de la réalité136.

Toutefois, s'il est abusif d'assimiler purement et simplement adoption


internationale et trafic, il n'en reste pas moins vrai qu'il existe un
risque non négligeable de "dérapage" lorsque des processus aussi
délicats et complexes sont pris en charge par des personnes peu
qualifiées agissant en l'absence de contrôle. Comme on l'a écrit,

134 DEI, FITdH et SSI, op.cit., p.13.


135 H. Rauline, op.cit., p.18.
136 A ce propos, mentionnons encore un autre "fantasme"
très répandu en matière d'adoption internationale : celui
de son utilisation en vue de prétendus trafics d'organes.
Une commission dépêchée par la Fédération Internationale
des Droits de l'Homme en 1988 pour enquêter sur la réalité
d'un tel trafic au Guatémala et au Honduras (1987) n'a pu
réunir aucune preuve en ce sens.

77
"l'adoption est en soi déjà une manière de lutter contre une
privatisation croissante de la filiation, (...) le droit doit encore compter
avec les pièges plus subtils que constituent les détournements de
l'institution ou l'utilisation, en amont du contrôle judiciaire, de la
détresse des couples et des mères qui abandonnent"137.

Des personnes jouent un rôle capital dans le déroulement des


adoptions : les intermédiaires.

§2. Les intermédiaires de l'adoption

L'adoption d'un enfant suppose qu'entre la(les)


personne(s) désireuse(s) d'adopter et l'enfant, va obligatoirement
prendre place un tiers. Il s'agit d'une, ou plus généralement, de
plusieurs personnes, qui peuvent avoir des statuts et des
compétences très différents selon le cas.

Le rapport de Défense des Enfants International, de la Fédération


Internationale Terre des Hommes et du Service Social International
sur les adoptions transnationales indépendantes définit
l'intermédiaire comme "tout particulier ou organisation qui, sans être
autorisé à placer des enfants en vue d'adoption, intervient
néanmoins d'une manière ou d'une autre dans la procédure
d'adoption"138. Ce rapport distingue les intermédiaires des pays
d'origine - "toute une gamme de particuliers et d'organisations
peuvent agir comme intermédiaires, y compris des non-
professionnels, des professionnels (avocats, magistrats, médecins et
assistantes sociales) et des institutions (hôpitaux, maternités,
orphelinats)" - de ceux des pays d'accueil : avocats, le plus souvent,
"personnes proches par leur métier des questions touchant à
l'adoption (assistantes sociales, par exemple)" ou "personnes
étrangères à ce domaine"139. Nous optons pour une conception plus
large du terme. "Nous entendons par intermédiaire toute personne,

137 P. Murat, "Le droit face au désir d'enfant, Enfants


désirés, enfants demandés; adoption, procréation
médicalement assistée",in Informations Sociales N° 12,
Paris, juin-juillet 1991, p.28.
138 Défense des Enfants-International, Fédération
Internationale Terre des Hommes, Service Social
International, Conclusions préliminaires d'une enquête
conjointe sur les adoptions transnationales indépendantes,
Genève, mars 1991, p.4.
139 D.E.I., FITdH et S.S.I., op.cit., p.5.

78
professionnelle ou non, qui intervient de façon directe, soit isolément,
soit en équipe, dans la concrétisation du processus d'adoption
internationale et ce, tant dans le pays des adoptants que dans celui
des adoptés"140.

A - La voie privée et la voie institutionnelle141

"Le domaine de l'adoption internationale est encore un


"espace vide" où tous les cas de figure sont possibles : des contacts
informels entre intermédiaires isolés, travaillant de façon purement
privée, jusqu'à la collaboration planifiée entre institutions
officiellement agréées et aux accords bilatéraux entre pays, en
passant par les diverses combinaisons entre ces différents pôles"142.
En Amérique latine, par exemple, dans la filière privée, on trouve des
avocats, des médecins, sages-femmes, prêtres et religieuses,
agents consulaires, associations privées (crèches, orphelinats, etc.).
Ces personnes travaillent de façon occasionnelle ou systématique
(bureau d'avocats). Dans la voie institutionnelle fonctionnent les
services officiellement habilités à traiter de cette matière. Il s'agit
d'organismes gouvernementaux ou para-gouvernementaux, comme
les tribunaux, les organisations de protection de l'enfance, diverses
fondations. Des combinaisons de ces deux modalités de
fonctionnement sont fréquentes : ainsi, certaines crèches
brésiliennes, co-subventionnées par l'Etat, ont recours aux services
d'avocats locaux pour gérer les dossiers d'adoption de certains des
enfants qu'elles hébergent par des couples étrangers.

Le Brésil n'a aucune politique d'adoption : à peine répertorie-t-on


quelques recommandations au niveau de certains Etats. Dès lors,
chaque administration examinera à sa façon les demandes qui lui
sont adressées. Les services qui reçoivent les dossiers, qu'ils soient
publics (tribunaux et FEBEM) ou privés (crèches et orphelinats) ont
chacun une série de critères qui leur sont propres. Certains

140 S. Nabinger et A.M. Crine, Les intermédiaires, parents


de l'ombre, Accueillir, Adoption internationale, Bulletin
du S.S.A.E. N° 172-173, Paris, septembre-octobre 1990,
p.25.
141 Ce que nous dénommons "voie privée" correspond à
l'appellation "adoption indépendante" utilisée par la
Conférence de La Haye de Droit International Privé et les
rapports de : Defense des Enfants International, Fédération
International de Terre des Hommes et Service Social
International.
142 S. Nabinger et A.M. Crine, op.cit., p.26.

79
organismes brésiliens, par exemple, n'acceptent pas de considérer
les demandes émanant de personnes célibataires, de couples ne
disposant pas de certificat médical de stérilité ou encore, de familles
ayant déjà des enfants biologiques, et ce, en dépit du fait que la loi
permette l'adoption dans tous ces cas. Parfois, les critères utilisés
dans la sélection des candidatures sont d'ordre philosophique : les
oeuvres chrétiennes ne considèrent généralement que les demandes
introduites par des familles de religion catholique. Certaines
institutions, enfin, sont hostiles à l'adoption internationale et préfèrent
que les enfants restent là où ils sont.

En Europe, dans une majorité de pays, une prise en charge au


niveau de l'Etat sous la forme d'une procédure obligatoire de
sélection des candidatures d'adoption (nationale ou internationale)
connue sous le nom d'agrément (France), idoneita (Italie), B.P.K.
(Pays-Bas), a été mise en place.

A côté de ces services d'Etat existent des organismes d'adoption


dont le rôle est essentiellement d'aider les candidats à trouver
l'enfant qu'ils souhaitent. Ces derniers sont organisés selon deux
grands modèles : celui de l'agence, prédominant dans les pays
nordiques, et celui de l'oeuvre que l'on rencontre essentiellement en
France, Belgique, Suisse, Italie, ...

L'agence est un organisme de taille relativement grande, qui emploie


de nombreux professionnels et travaille de façon structurée, avec
des ressources financières importantes. L'oeuvre, au contraire,
fonctionne essentiellement grâce à des bénévoles - bien qu'elle ait
également recours, le plus souvent, aux services de quelques
professionnels. L'oeuvre est en général dirigée par un couple
d'adoptants. La "philosophie de travail" de ces deux types
d'organismes tend à être très différente. Les premiers placent un
nombre élevé d'enfants, principalement des bébés ou des enfants
très jeunes. Les seconds placent généralement beaucoup moins
d'enfants, mais ce sont souvent des enfants beaucoup plus difficiles
à placer, enfants grands, "typés", et parfois même handicapés. Les
oeuvres veulent, par l'adoption, "sauver les enfants du Tiers-Monde";
"le ton est humanitaire et souvent passionné. Un véritable
militantisme existe"143. Dans la majorité des pays européens, une
législation réglemente le fonctionnement des organismes
intermédiaires d'adoption comme dans les pays scandinaves, en
France, en Italie, etc. Néanmoins, la situation est relativement

143 S. Nabinger et A.M. Crine, op.cit., p.26.

80
différente dans chaque pays144. Dans le cas d'adoption
internationale, les organismes doivent obtenir une autorisation à
deux niveaux : d'abord dans leur propre pays, et ensuite dans le pays
d'origine des enfants que ces organismes placent en adoption. Le
plus souvent, la seconde autorisation est subordonnée à la première,
les institutions des pays d'origine exigeant que leurs collaborateurs
dans les pays d'accueil soient agréés par les autorités compétentes
de leur Etat. Les services rendus par les organismes d'adoption sont
différents d'un pays à l'autre et d'un organisme à l'autre. Il peut s'agir
de l'information des candidats adoptants, de la sélection des
candidatures, de la préparation à l'arrivée de l'enfant, de la
participation au processus d'apparentement enfant/parents, l'escorte
éventuelle de l'enfant depuis son pays d'origine jusqu'au pays
d'accueil, de la surveillance du placement pendant un laps de temps
variable et de l'envoi de rapports d'accompagnement aux autorités
compétentes du pays d'origine.

B - L'importance des intermédiaires au niveau fantasmatique

Quels que soient la compétence et le statut des


intermédiaires, ils occupent dans l'imaginaire des parents et, par la
suite, dans celui de l'enfant, une place capitale. Leur rôle apparaît
particulièrement important dans l'adoption internationale. En effet,
face aux problèmes causés par la distance géographique, les
différences de langue et de culture, etc., les adoptants étrangers
éprouvent lors de leur séjour au Brésil, une très forte anxiété face à
un monde qui leur est inconnu.

On a pu observer différentes manifestations de cette angoisse. La


majorité des adoptants quittent rarement leur hôtel et ne s'éloignent
pas d'un périmètre restreint délimité par le tribunal et l'hôtel. Certains
ne défont pas leurs valises durant tout le séjour; d'autres portent
deux montres, l'une indiquant l'heure locale et la seconde, celle de
leur pays. L'angoisse est telle, chez certains, qu'ils en perdent
parfois tout sens des réalités. Dans ces conditions, ils établissent
des contacts privilégiés avec une ou deux personnes qui vont
devenir les véritables dépositaires de leur angoisse. Un engagement
affectif intense est presque toujours présent dans cette relation et,
jusqu'à un certain point, il est nécessaire. C'est à travers les yeux et
les paroles de l'intermédiaire que les parents vont appréhender la

144En ce qui concerne la France, l'Italie, la Belgique et


le Luxembourg : cf. II, 2, 3 du présent travail.

81
ville de leur enfant, son pays, son passé et sa famille d'origine.

Les intermédiaires font "figure de parents originaires" alors que les


parents biologiques restent généralement inconnus. Ce sont les
"intermédiaires de l'adoption qui, alors, peuvent en prendre la place
dans l'imaginaire infantile ... mais sans doute aussi quelque peu
dans celui de(s) (...) parents adoptifs. En effet, la perception de la
première mère passe par l'énoncé qui en est fait145. C'est dire la
puissance dont ces intermédiaires disposent potentiellement tant sur
les enfants que sur les parents adoptifs. Le risque est réel que ce
sentiment de toute-puissance n'ouvre la porte à des abus de tout
genre dont certains (détournement des pratiques à des fins
lucratives) ont déjà été évoqués.

Sans aller aussi loin, il y a là en tout cas un élément important à


prendre en considération dans l'établissement de la relation
transférentielle entre parents adoptifs et intermédiaires.

§3. Le rôle des médias.

Pour comprendre ce qui, en quelques décennies, est


devenu un phénomène de société d'une importance considérable, il
faut se placer selon différents points de vue. Historiquement,
l'apparition et l'essor de l'adoption internationale coïncident avec le
développement des communications dans le monde et l'avènement
des médias. Plus particulièrement, l'introduction de la télévision dans
les foyers, par le recours à l'image animée et sonore, a rendu
brusquement la souffrance des enfants du monde proche, tangible
presque et, par là même, insoutenable. Il apparaît clairement que la
seule connaissance intellectuelle du fait que des millions d'enfants,
de par le monde, connaissent une situation dramatique, infra-
humaine parfois, ne suffit généralement pas à déclencher dans le
public la réaction menant à essayer de les adopter. En revanche, le
fait de voir de ses propres yeux, à la télévision - de préférence à des
images de magazines -, d'assister en direct en quelque sorte, à la
détresse de ces enfants, provoque chez un certain nombre de
personnes, le sentiment qu'elles doivent faire quelque chose pour
eux, en l'occurrence les adopter146.

145 O. Ozoux Teffaine, L'adoption tardive - D'une naissance


à l'autre, Stock, Paris, 1987, p.161.
146 Nous ne nous apesantirons pas outre mesure sur ce
mécanisme dont l'analyse dépasse et nos compétences et le

82
Du niveau intellectuel, cognitif, l'information médiatisée par l'image
passe par les sens et la réaction qu'elle déclenche provient du coeur,
du tréfonds de l'être humain. Les comportements qui en découlent,
fondés sur une part d'irrationnel, présentent ce caractère particulier :
les adoptants se sentent investis d'une mission capitale, ils sont
personnellement "interpellés", donc responsables et, dès lors, ils
doivent "sauver un enfant du Tiers-Monde"147. Ce caractère
messianique de leur démarche et l'urgence dans laquelle elle
s'inscrit justifient à leurs yeux le respect et la coopération des tiers
obligés qui jalonnent le chemin les séparant de l'(des) enfant(s). Naît
alors un militantisme en faveur de l'adoption internationale,
considérée comme une sorte de droit d'ingérence humanitaire. Quoi
qu'il en soit, une des caractéristiques des médias, est qu'ils "font
rarement dans le détail" et adoptent volontiers des positions
partisanes. L'idéologie dominante qu'ils véhiculent est, dans le
domaine qui nous intéresse, globalement différente selon le pays
auquel ils appartiennent. Ainsi, ceux des pays d'accueil tendent à se
positionner en faveur de l'adoption internationale, et ceux des pays
d'origine des enfants, contre celle-ci. Tel fut le cas d'un article paru
dans un journal anglais, qui glorifie la sortie illégale d'un enfant
roumain par un couple anglais. Cet article, qui présente cet épisode
proprement délictueux sur le ton de l'épopée héroïque, montre bien
jusqu'à quel militantisme idéologique, voire même quel fanatisme
peuvent se laisser aller les journalistes148.

Le deuxième point de vue peut être illustré par une citation d'un
article paru dans le quotidien brésilien Zero Hora, le 25 Avril 1984 :
un député interviewé sur le sujet des enfants abandonnés et adoptés
affirme que, bien qu'il reconnaisse le sérieux du travail réalisé par le
juge des enfants de Porto Alegre, il reste convaincu que des abus et
des déviations à ce programme restent possibles, "engendrant ainsi

cadre du présent travail, mais il y a là matière à une


réflexion passionnante à un niveau psychanalytique, ainsi
que le suggère A. Didier-Weill. Dans son article intitulé
"L'apparence et l'apparition" (Litoral, Revue de
Psychanalyse, Ed. Eres, Paris, 1985, pp.17-24), cet auteur
analyse le mécanisme profond par lequel nous pleurons au
théâtre sur les malheurs d'un clochard interprété par un
comédien, mais passons sans le voir devant le clochard,
pourtant réel celui-là, qui mendie à la sortie du
spectacle...
147 "Quand on a vu des enfants dans ces conditions, on ne
peut pas les laisser là", nous a dit une mère adoptive.
148 Cet article nous a été montré par une des responsables
du Comité Roumain pour l'Adoption en juin 1991.

83
un commerce d'enfants brésiliens". "Ces enfants peuvent même être
utilisés comme cobayes de laboratoire (...)". Il est rare, en revanche,
qu'un journaliste aille plus loin dans l'analyse de la situation (la sortie
d'un enfant de son pays pour être adopté à l'étranger), que ce soit en
amont - comment et pourquoi les choses en sont-elles arrivées là ? -,
ou en aval - quel est le devenir de l'enfant et de la famille adoptive
après l'adoption ? Dans ce domaine, on peut parler de
désinformation, plutôt que d'information. C'est que l'enjeu est d'une
part politique : comme le disait un homme politique brésilien,
"permettre l'adoption internationale équivaudrait, en dernière
analyse, à donner au monde la preuve de l'incompétence de la
société brésilienne" et, d'autre part, économique : le dépouillement
des journaux locaux brésiliens sur les dix dernières années met en
évidence que le thème de l'achat et de la vente des bébés par des
couples étrangers est un de ceux qui font le plus recette.

Pour en arriver là, les médias ont recours à divers mécanismes.

A - Les mécanismes journalistiques

a) L'amplification, l'exagération

Lors d'un congrès, un juge italien a déclaré149 que


quarante enfants originaires d'Argentine auraient été adoptés
illégalement par des familles européennes. Un article du quotidien
argentin "La Razon"150 cite une interview d'un assesseur de la Justice
de la Jeunesse de Buenos Aires, dans laquelle celui-ci fait mention
de ce que "Le départ d'enfants argentins pour l'étranger est bel et
bien réel et le trafic clandestin d'enfants est très important. Un juge
italien a affirmé récemment qu'il y a en Europe aux alentours de
4000 enfants argentins qui ont été adoptés de façon illégale par des
familles de différents pays."

Défense des Enfants-International, dans une étude réalisée sur la


question, mentionne qu'au stade suivant, une ex-députée argentine a
estimé151 que 40.000 enfants sortent du pays, et attribue le trafic à
"une ténébreuse organisation internationale", sans toutefois donner

149 XIIème Congrès International des Magistrats de la


Jeunesse et de la Famille, Rio, août 1986.
150 La Razon du 6/10/86.
151 El Clarin du 15/05/88.

84
de précision de temps, ni de sources152.

b) La distorsion

L'exemple le plus typique est celui des 30 millions


d'enfants des rues, "carentes", lesquels, sous la plume de dizaines
de journalistes, sont devenus "abandonnés", terme qui laisse sous-
entendre qu'ils seraient adoptables.

c) L'importance relative par rapport aux autres informations

En 1989, la télévision italienne accordait autant de


temps d'antenne à l'histoire d'une mère brésilienne qui à ce moment
là, remuait ciel et terre à la recherche de ses deux fillettes adoptées
en Italie, qu'à la situation désespérée de milliers d'Allemands de l'Est
fuyant leur pays dans des circonstances dramatiques. Selon un
journal belge153, il est apparu assez rapidement que "l'incursion
brutale en Italie (de cette mère) a été organisée par un agent de
presse, en contact avec les journaux à scandale brésiliens qui
veulent exploiter l'onde de choc émotif du cas Séréna".

d) Le mensonge

Un article du quotidien italien Corriere della Sera154 qui


dénonce un trafic d'enfants brésiliens, en vient à parler du "juge des
enfants de Porto Alegre (...), un des magistrats qui vient
fréquemment en Italie...", alors que la personne désignée
nominativement est en fait juge des enfants d'une autre ville du
même Etat brésilien et s'est rendue une seule fois en Italie.

e) La dramatisation par introduction de thèmes à sensation

Les thèmes éternels : la vie, la mort, le sexe, le sang se


profilent souvent derrière les écrits et dires des journalistes lorsqu'ils
abordent le sujet de l'adoption internationale. Ainsi, les petits
Roumains vont mourir dans les institutions de leur pays si rien n'est
fait, alors que des programmes internationaux de secours ont depuis
longtemps été mis en place et que des bilans positifs de leurs

152 Investigacion : venta y trafico de ninos en Argentina,


étude réalisée par D.E.I. et la Secretaria de Desarrollo
Humano y Familia, Ministerio de Salud y Accion Social de la
Nacion, Argentina, juin 1989, p.45.
153 La Cité du 11/09/89.
154 Corriere della Sierra du 22/09/90.

85
résultats ont été publiés. Quant aux journaux brésiliens, ils agitent
régulièrement le spectre de l'utilisation des enfants à des fins
d'expérimentation médicale, de figuration dans l'industrie du film
pornographique, ou de chair à canon dans des pays en conflit
(comme c'est le cas pour Israël principalement).

Mais dans quelques cas frappants l'intervention des médias s'est


avérée prépondérante.

B - L'exposé de quelques affaires

a) L'Ethiopie

En décembre 1984, la veille de Noël, la télévision belge


diffuse un reportage "coup de poing" qui laisse la majorité des
téléspectateurs les yeux rougis, la gorge serrée devant les assiettes
inutiles où refroidit la dinde... La Belgique découvre avec horreur la
famine en Ethiopie et le cortège d'orphelins qui l'accompagne. Coup
de maître journalistique, ce reportage ne pouvait effectivement mieux
tomber pour soulever un sentiment intolérable de culpabilité
générale. Mais les effets de cette émission ne se feront pas sentir
qu'à Médecins sans Frontières ou Caritas Catholica; l'ambassade
d'Ethiopie à Bruxelles et, à travers elle, le service d'adoption belge
autorisé par les autorités éthiopiennes, seront submergés de coups
de fil de personnes désireuses de "sauver un petit Ethiopien" en
l'adoptant155. Le temps faisant son oeuvre, petit à petit, on a assisté à
l'extinction de cet engouement de masse et les demandes d'adoption
introduites auprès du service concerné sont redevenues des
demandes d'enfants, et non plus des demandes de petits Ethiopiens.
A quelques milliers de kilomètres cependant, dans la corne est de
l'Afrique, la famine continue à sévir ...( ).

b) Le cas de la Roumanie

Début 1990, le peuple roumain et le monde ont


découvert avec stupéfaction, par le biais des médias, le nombre
élevé d'enfants de ce pays placés dans des institutions ainsi que les
conditions de vie souvent très difficiles qu'ils y connaissaient. Parmi
les images diffusées émergeaient : d'une part celle d'une population
d'enfants handicapés mentaux ou physiques ou présentant des

155 Informations transmise par une responsable du service


d'adoption belge "Sourires d'Enfants"

86
troubles psychiques graves dus aux conditions très difficiles dans
lesquelles ils avaient été internés; d'autre part celle d'une grande
quantité d'enfants abandonnés, d'enfants en institution, et
particulièrement de jeunes enfants, en danger de mort ou de
handicap définitif. L'information donnait à penser que nombre de ces
enfants ne pourraient être sauvés que par une action de solidarité
internationale d'urgence ou par leur accueil dans une famille de
substitution156. La suite de l'histoire laisse rêveur : l'immense
mobilisation qui a suivi, tant de la part d'institutions que de
particuliers, a débouché sur une situation tout-à-fait unique dans
l'histoire de l'adoption internationale où, en quelques mois, un pays
relativement petit comme la Roumanie157 est devenu responsable de
plus du tiers des adoptions mondiales ! De plus, les adoptions qui,
au début, concernaient les enfants placés en institution se sont, petit
à petit, déplacées vers des enfants vivant dans leur famille, les
bébés étant achetés parfois avant même leur naissance. Un
immense réseau d'intermédiaires officiels ou non, organisés en
institutions ou purement privés, s'est constitué. Le coût des
adoptions a rapidement atteint des niveaux impressionants, variant
selon la formule et les pays; en France, les derniers chiffres cités
étaient de 180.000 FF. Un service d'adoption américain constitué
pour la circonstance a diffusé un encart publicitaire disant "Comment
adopter en trois jours un petit Roumain en bonne santé pour 3.000
US $ ?". Le personnel de l'aéroport de Bucarest n'en finit pas de
sourire aux couples qui par dizaines s'embarquent quotidiennement,
un bébé de quelques jours dans les bras; sans doute pensent-ils que
ces bébés-là au moins, auront la chance de grandir dans le monde
riche ...L'enfer n'est-il pas pavé de bonnes intentions ? Les médias
voulaient sauver les enfants de Roumanie, ils ont contribué à mettre

156 Roumanie. L'adoption d'enfants roumains par des


étrangers, Rapport d'un groupe d'experts sur la mise en
oeuvre de la Convention relative aux Droits de l'Enfant
dans le domaine de l'adoption internationale, élaboré sous
l'égide du Service Social International et de Défense des
Enfants-International, Genève, avril 1990, p.13.
157 "Le Ministère de l'Intérieur (...) aurait communiqué (à
la présidente du comité roumain pour l'adoption) que près
de 2000 adoptions internationales auraient été prononcées
durant les trois premiers mois de 1991. Or on estime que
dans le monde entier le chiffre annuel d'adoptions
internationales oscille entre 18000 et 20000. On peut en
déduire que, à ce rythme, l'adoption internationale
d'enfants roumains représenterait sur une année plus d'un
tiers des adoptions mondiales". Roumanie. L'adoption
d'enfants roumains par des étrangers, ibid pp.8-9.

87
sur pied un des plus grands commerces d'enfants jamais décrits.

c) Le cas de Serena Cruz en Italie

Serena Cruz est une petite fille originaire des Philippines


introduite en Italie par un couple italien par le biais du système de la
fausse reconnaissance de paternité. Quand le couple introduisit une
demande d'adoption de la petite fille au nom de l'épouse auprès du
tribunal pour enfants de Turin, une enquête fut ordonnée qui aboutit à
la décision de retirer l'enfant et de la confier à une autre famille qui
avait fait une demande d'adoption en règle. Les mass-media
s'emparèrent de l'affaire et firent beaucoup de bruit autour du procès.
Les photos de Séréna et de sa famille ont occupé la première page
des magazines pendant des semaines, les chaînes de télévision ont
réservé un temps d'antenne considérable aux débats, contribuant
ainsi à faire naître un immense mouvement d'émotion autour du cas.
L'opinion que s'en fit le public ne fut donc pas fondée sur une
connaissance réelle et profonde du problème lié aux trafics d'enfants
et à la législation réglementant l'adoption internationale, mais sur
une émotion immédiate liée à la façon dont les informations étaient
présentées. On a alors assisté à la naissance de divers mouvements
d'opinion constitués par des "experts" improvisés. La meilleure
illustration de ce phénomène est le livre écrit à ce sujet par Natalia
Ginzburg158 pour défendre la famille victime du procès, livre qui en
quelques jours est devenu un best-seller dans le pays entier.

Suite à cette histoire, de nombreux "comités de défense", constitués


par des parents biologiques ou adoptifs, ont essayé de contourner la
loi en utilisant les médias pour attirer l'attention sur leur cas. Dans
une situation aussi confuse et partisane, il devient extrêmement
difficile de définir où se trouve l'intérêt de l'enfant.

Section 4 Les conditions d’adoptabilité en France,


Belgique, Italie et Luxembourg

Les conditions d'adoptabilité, d'adoption et la procédure


au regard de la loi personnelle de certains adoptants étrangers.

I - FRANCE

158 N. Ginzburg, Serena Cruz, la vera giustizia, Einaudi,


Torino, 1990.

88
1. Généralités

Les textes législatifs concernés sont :

- le Code Civil dans ses art. 343 à 370


- le Nouveau code de procédure civile, art. 1173
- le Code de la Famille et de l'Aide Sociale art. 63 al. 2, art. 100.3

Toutes les personnes qui souhaitent adopter en France doivent être


titulaires d'un agrément et ce, que l'enfant à adopter soit un pupille
de l'Etat ou un enfant étranger.
"L'agrément est donc au centre du dispositif mis en place par la
législation et la réglementation récentes (lois du 6.6.1984 et du
6.1.1986; décret n° 85-938 du 23.8.1985)."
L'agrément octroyé par l'administration de l'Aide Sociale à l'Enfance
est valable cinq ans.

2. Conditions à remplir

a) par l'adoptant

Age :

- être âgé de 30 ans au moins (art. 343.1 c.c.)


- la condition d'âge n'est pas exigée quand l'adopté est l'enfant du
conjoint (art. 343.2 c.c.)

Mariage :

- deux personnes qui veulent adopter ensemble un enfant doivent


être mariées depuis cinq ans au moins et ne pas être séparées de
corps (art. 343 c.c.)
Cette condition peut être levée lorsque les deux conjoints sont âgés
de trente ans.
- Les célibataires peuvent adopter.

b) par l'adopté

Age :

- la différence d'âge entre adoptant et adopté doit être d'au moins 15


ans. Elle est ramenée à 10 ans lorsque l'adopté est l'enfant du

89
conjoint. Mais le juge peut, s'il l'estime justifié, prononcer l'adoption
lorsque la différence d'âge est inférieure (art. 344 c.c.)

- l'adoption simple est possible quelque soit l'âge de l'adopté (art.


360 c.c.)

- l'adoption plénière n'est autorisée que pour des mineurs de moins


de 15 ans (art. 345 c.c.)

Consentement :

- L'adopté doit consentir à son adoption plénière ou simple s'il est


âgé de plus de 13 ans (art. 345 c.c. et art. 360 c.c.)

- La personne qui détient l'autorité parentale (parents, tuteur, préfet


assisté par le conseil de famille des pupilles de l'Etat) peut consentir
à son adoption.

3. Forme de l'acte

- l'adoption est prononcée par le tribunal de grande


instance du domicile de l'adoptant (art. 1166-1176 c.p.c.)

4. Type d'adoption

- l'adoption plénière donne à l'enfant une famille qui va


devenir sa seule famille, en supprimant le lien avec sa famille
d'origine; il en sera réputé l'enfant légitime (art. 355-358)

- l'adoption simple établit un lien avec la famille adoptive sur le plan


patrimonial sans rupture des liens avec la famille d'origine. Le nom
des adoptants s'ajoute au nom de l'enfant ou le remplace. (art. 363-
370 c.c.)

5. Extinction du lien

- l'adoption plénière est irrévocable (art. 359 c.c.)

- l'adoption simple ne peut être révoquée qu'en raison de la mort de


l'adoptant, pour des motifs graves, ou par un nouveau jugement (art.

90
370 c.c.)

6. Médiation de la démarche

Les candidats peuvent réaliser une adoption de façon


indépendante ou faire appel aux services d'une oeuvre dûment
habilitée à cet effet, service qui soumettra leur demande pour
agrément au service départemental de l'A.S.E. et instruira leur
dossier à l'étranger.

7. Particularités de l'adoption internationale

Un visa d'entrée de l'enfant sur le territoire français doit


être demandé auprès des autorités consulaires compétentes sur la
base d'une documentation spécifique incluant le passeport de
l'enfant et l'agrément des adoptants.

II - BELGIQUE

1. Généralités

La nouvelle loi du 27 avril 1987 (M.B. du 27 mai 1987)


modifie le droit belge en matière d'adoption formellement et
substantiellement à la fois.
La réforme contenue dans cette loi a d'autre part été complétée par
la loi du 20 mai 1987 relative à l'abandon d'enfants mineurs (M.B. du
27 mai 1987), qui a pour objet de faciliter l'adoption des enfants
volontairement abandonnés.
Aucune procédure d'agrément des personnes n'a été prévue par le
législateur belge.

2. Conditions à remplir

a) par l'adoptant

Age :

91
- L'adoptant doit avoir atteint 25 ans au moment de la passation de
l'acte d'adoption (art. 345)
Si l'adopté est l'enfant ou l'enfant adoptif du conjoint, même décédé,
de l'adoptant, il suffit que ce dernier soit majeur et ait 10 ans de plus
que l'adopté.

Mariage :

- Nul ne peut être adopté par plusieurs si ce n'est par deux époux
(art. 346).

- Les célibataires peuvent adopter.

b) par l'adopté

Age :

- L'adoptant doit avoir au moins 15 ans de plus que l'adopté (art.


345).
Cette différence est ramenée à 10 ans dans le cas précité.
- L'adoption n'est possible que pour des enfants mineurs.

Consentement :

- L'adopté doit consentir à son adoption plénière (art. 369) ou simple


(art. 348) s'il est âgé de plus de 15 ans.
- La personne qui jouit de l'autorité parentale sur l'enfant (parents, ou
à défaut, tuteur) peut consentir à son adoption devant les instances
compétentes (art. 348).

3. Forme de l'acte

Deux types de procédure sont possibles :

- la procédure gracieuse qui se déroule en deux temps : le(s)


adoptant(s) passe(nt) un acte d'adoption qui est un contrat devant le
juge de paix ou le notaire. Assistent à cette étape les personnes qui
doivent donner leur accord, c'est-à-dire les parents d'origine et
l'enfant s'il a plus de 15 ans. Une fois l'acte passé, il doit être
approuvé (homologué) par le juge de la jeunesse (si l'adopté est
mineur) (art. 349-350 c.c.).

- la procédure contentieuse s'impose à partir du moment où l'un des

92
accords indispensables à l'acte d'adoption est refusé. Le juge doit
alors rendre une sentence pour prononcer l'adoption ou la refuser
(art. 353 c.c.).

4. Type d'adoption

- L'adoption plénière confère à l'enfant et à ses


descendants le même statut et les mêmes droits et obligations que
ceux qu'ils auraient eu si l'enfant était né de ceux qui ont fait
l'adoption plénière (art. 368-370 c.c.).

- L'adoption simple établit un lien avec la famille adoptive sur le plan


patrimonial sans rupture des liens avec la famille d'origine. Le nom
des adoptants s'ajoute au nom de l'enfant ou le remplace (art. 358-
361 c.c.).

5. Extinction du lien

- L'adoption plénière est irrévocable (art. 370 c.c.)


- L'adoption simple ne peut être révoquée qu'en raison de la mort de
l'adoptant, pour des motifs graves, ou par un nouveau jugement (art.
367. c.c.)

6. Médiation de la démarche.

Les candidats peuvent réaliser une adoption


indépendante ou recourir à la médiation d'un organisme. Le récent
décret relatif à l'aide à la jeunesse (4 mars 1991) prévoit l'agrément
des organismes de la région francophone par le ministère concerné
de la Communauté française. Ces dispositions existent dans la
région néerlandophone du pays depuis 1989.

7. Particularités de l'adoption internationale

Une demande de visa d'entrée de l'enfant sur le territoire


belge est nécessaire dans certains cas, selon le type de convention
existant entre la Belgique et le pays d'origine de l'adopté.
L'adoption internationale s'entend d'une adoption réalisée alors

93
qu'une des parties au moins n'est pas belge.
Dans le cas où un jugement d'adoption est obtenu à l'étranger, sa
transcription est possible sur les registres de l'etat civil. Il suffit à
l'officier de l'état civil de vérifier si les conditions décrites ci-avant ont
été respectées et si cette filiation adoptive n'est pas contraire à
l'ordre public. En cas de doute, il en réfère au Procureur du Roi (art.
344 bis c.c.).
Au cas où un jugement d'adoption n'a pas été obtenu à l'étranger, les
adoptants doivent introduire une requête.

III - ITALIE

1. Généralités

L'adoption a d'abord été réglementée par l'article


291/324-28 del codigo civil del 1942, modifié par la loi n° 431 du 5
juin 1967 qui a introduit l'adoption spéciale (art. 342/2 et svtes c.c.).
La loi la plus récente, n° 184 du 4 mai 1983, régit l'adoption et le
placement familial des mineurs (art. 1-82 c.c.), ainsi que l'adoption
internationale (art. 29-43 c.c.).

Les candidats adoptants doivent obtenir une "dichiarazione di


idoneita" (agrément) auprès du tribunal pour enfants de leur domicile.

2. Conditions à remplir

a) par l'adoptant

Age :

- Peuvent adopter les conjoints dont la différence d'âge avec l'adopté


n'est ni inférieure à 18 ans, ni supérieure à 40 ans (art. 6 loi n° 184
du 4 mai 1983).

Mariage :

- L'adoption n'est possible que par des couples mariés depuis trois
ans minimum, non séparés de corps (art. 6).
- La personne seule ne peut adopter que dans certains cas très

94
particuliers (art. 44).

b) par l'adopté

Age :

- L'adoption plénière n'est autorisée qu'envers des enfants de moins


de 18 ans (art. 7).

Consentement :

- Peuvent être adoptés les mineurs déclarés abandonnés et


adoptables par le tribunal pour enfants (art. 8-21).
- La déclaration d'adoptabilité est transcrite dans un registre spécial
du tribunal pour enfants (art. 18) et inclut la déchéance de l'autorité
parentale.

- Le mineur de plus de 12 ans doit être consulté en cas de projet


d'adoption le concernant et son consentement est requis s'il est âgé
de plus de 14 ans (art. 7-10).

3. Forme de l'acte

- Le tribunal compétent est celui où a été consignée la


déclaration d'adoptabilité du mineur (art. 25).

- La sentence d'adoption ne peut être rendue qu'au terme d'une


année de période probatoire.

4. Type d'adoption

- L'adoption plénière confère au mineur la qualité


d'enfant légitime des adoptants et rompt le lien entre l'adopté et sa
famille d'origine (art. 27).

- L'adoption simple est prévue pour les personnes majeures (Cap. I,


Tit. VIII, Liv. I, c.c.) et pour les mineurs dans le cas particulier
réglementé par l'art. 44-57.

5. Extinction du lien

95
Certaines possibilités de révocation de l'adoption sont
prévues dans des cas concernant spécifiquement des mineurs,
notamment en cas de violation des devoirs des adoptants (art. 51-
53).

6. Médiation de la démarche

Les candidats adoptants ont la possibilité de réaliser une


adoption indépendante ou de s'adresser à des oeuvres dont
certaines sont habilitées.

7. Particularités de l'adoption internationale

Un visa d'entrée de l'enfant en territoire italien doit être


demandé auprès des autorités consulaires italiennes du pays
d'origine de l'enfant, après traduction et légalisation de l'ensemble de
la documentation relative à l'identification de l'enfant et son adoption.
L'autorité compétente pour les adoptions internationales est le
tribunal pour enfants du lieu de résidence de l'adoptant.

Pour adopter un enfant étranger en Italie, il faut :

- que les adoptants possèdent l'agrément


- que la procédure suivie à l'étranger soit conforme à la loi en vigueur
dans cet Etat
- que ladite procédure ne soit pas contraire aux dispositions prévues
par le droit de la famille et de l'enfant italien (art. 32).

IV - LUXEMBOURG

1. Généralités

L'adoption est régie par le Code civil (art. 343-370) du 5


mars 1803, amendé par les lois du 13 juillet 1953, du 22 février
1974, du 6 février 1975, du 13 mai 1975, et du 30 avril 1981, du 20
mars 1985.
La dernière réforme du droit en matière d'adoption date du 13 juin
1989.

96
La loi luxembourgeoise ne prévoit aucune procédure d'agrément des
candidats.

2. Conditions à remplir

a) par l'adoptant

Age :

- L'adoption est autorisée aux personnes âgées de 25 ans au moins


(art. 344 c.c.).
- Lorsque l'adoption est demandée par deux époux, l'un doit être âgé
de 25 ans, l'autre de 21 ans au moins (art. 345 c.c.).

Mariage :

- L'adoption est possible pour les couples et les célibataires.

b) par l'adopté

Age :

- La différence d'âge minimale requise entre adopté et adoptant est


de 15 ans; cette différence est ramenée à 10 ans en cas d'adoption
de l'enfant du conjoint (art. 346 c.c.).
- L'adoption simple est autorisée quel que soit l'âge de l'adopté.
- L'adoption plénière n'est autorisée que pour les enfants de moins
de 16 ans (art. 367 c.c.).

Consentement :

- Le mineur âgé de 15 ans ou plus doit donner son consentement à


l'adoption (art. 356 c.c.).

- La personne qui jouit de l'autorité parentale sur l'enfant (parents, ou


à défaut, tuteur) peut consentir à son adoption devant les instances
compétentes (art. 353 c.c.).

3. Forme de l'acte

97
- L'adoption est décrétée par décision du juge de la
juridiction du domicile de l'adoptant (art. 881-4 c.c.).

4. Type d'adoption

- L'adoption plénière donne à l'enfant une famille qui


devient sa seule famille en supprimant le lien antérieur avec la
famille d'origine (art. 368 c.c.).
- L'adoption simple maintient certains liens avec la famille d'origine
tels le nom, les droits successoraux, ...(art. 358-363 c.c.).

5. Extinction du lien

- L'adoption plénière est irrévocable (art. 368-3 c.c.).


- L'adoption simple ne peut être révoquée que pour "motifs graves"
sur demande de l'adoptant, de l'adopté ou de l'autorité compétente
en matière de protection de mineurs (art. 366 c.c.).

6. Médiation de la démarche

Les candidats peuvent réaliser une adoption


indépendante ou recourir aux services d'organismes d'adoption.
Aucune habilitation officielle de ces derniers n'est actuellement
prévue.

7. Particularités de l'adoption internationale

Aucun visa n'est exigé pour l'entrée sur le territoire


luxembourgeois des enfants étrangers.

La procédure de reconnaissance des adoptions internationales est la


suivante :

- si un acte d'adoption a été obtenu dans le pays d'origine de l'enfant,


il peut être transcrit immédiatement dans les registres d'état civil
pour autant qu'il respecte les dispositions prévues par la loi
luxembourgeoise;

- dans le cas où aucun jugement d'adoption n'a été obtenu à

98
l'étranger, les candidats doivent déposer une requête d'adoption
auprès du tribunal compétent.

Remarques

Nous pouvons remarquer les différences existant entre


les législations relatives à l'adoption d'enfants étrangers dans ces
quatre pays européens.
Tandis qu'en France159 et en Italie, les dispositions visent un contrôle
des démarches d'adoption et tendent à réprimer les actes de
déviance attentatoires aux droits individuels et familiaux et aux
intérêts de l'enfant, d'autres pays, comme la Belgique et le
Luxembourg ont des législations plus souples et n'ont pas institué de
moyens de contrôle préventif dans le but d'éviter certains abus
commis dans le cadre de l'adoption d'enfants étrangers.

Dans la partie suivante, on décrira notre pratique avec les candidats


à l’adoption et les enfants adoptables.

Chapitre II : La pratique de l'adoption par des


étrangers au tribunal de Porto Alegre

C'est en 1980 qu'a commencé de façon systématique le


programme d'adoptions par des parents étrangers au tribunal pour
enfants de Porto Alegre. Le premier intermédiaire fut un consul
brésilien originaire de cette ville, alors en fonction dans un pays
d'Europe occidentale. Ce consul a présenté la candidature d'un
couple de ressortissants de ce pays qui, confronté à la stérilité, était
désireux d'adopter un enfant. Ce fut la première adoption
internationale au tribunal. Le deuxième cas a été réalisé par
l'intermédiaire d'une religieuse européenne directrice d'une oeuvre
de bienfaisance locale. Le troisième cas, fut organisé par un
médecin brésilien de la ville, en faveur d'amis originaires d'un autre
pays européen. On peut voir dans l'expérience du tribunal pour
enfants de Porto Alegre une illustration de ce qui a été exposé quant

159 "La répression qui par définition ne s'applique qu'à


posteriori s'(avère) inefficace, et qui plus est, sans
objet pour l'incitation à l'abandon qui n'a presque jamais
été appliquée." B. Trillat, La demande d'enfant, in Enfants
désirés, enfants demandés. Adoption, procréation
médicalement assistée, Informations Sociales, n° 12, juin-
juillet 1991, p.34.

99
aux différents types d'intermédiaires existant dans les pays d'origine
des enfants. Les adoptions qui auront lieu par la suite trouvèrent leur
origine dans le milieu très solidaire d'adoptants qui se tisse
rapidement.

§1. La voie informelle

A cette époque, se trouvaient à la FEBEM de nombreux


enfants pour lesquels n'existait aucune possibilité de placement dans
des familles brésiliennes. Dès lors, les premières adoptions ont été
concrétisées de façon informelle et quelque peu improvisée160. A ce
niveau, l'"offre" étant de loin supérieure à la "demande", l'équipe du
tribunal cherchait véritablement pour chaque dossier d'adoption
internationale qui lui était envoyé, l'enfant qui convenait le mieux aux
candidats... Mais, très rapidement, le juge des enfants et l'équipe
entière du tribunal ont pris conscience de la nécessité de
réglementer cette procédure161. En effet, le nombre des demandes
émanant de l'étranger a crû de façon extraordinaire et l'équipe de
placement familial, habituée à un protocole fixe et à une routine de
travail avec les candidats nationaux, s'est vue submergée de lettres
et d'appels téléphoniques. Cette situation, ainsi que les éléments
évoqués dans la section consacrée à l'apparentement, ont
progressivement conduit à une prise de conscience de la nécessité
de passer par la médiation - et le filtre - d'équipes de professionnels
dans les pays des candidats adoptants, en d'autres termes, de
recourir aux services d'agences, organismes et/ou oeuvres
d'adoption162.

160 Ces adoptions correspondent à ce que la conférence de


La Haye de droit international privé appelle "adoptions
indépendantes". Le rapport publié en mars 1991 par Défense
des Enfants-International, le Service Social International
et la Fédération Internationale de Terre des Hommes sous le
titre de "Conclusions préliminaires d'une enquête conjointe
sur les adoptions transnationales indépendantes", parle
quant à lui d'"adoption indépendante dans le pays d'origine
(...) : adoption qui se déroule sans l'intervention d'une
agence d'adoption professionnelle agréée ou autorisée (qui
peut être un organisme gouvernemental) dans le pays
d'origine de l'enfant".
161 En 1983, a été publié et approuvé par le tribunal de
grande instance de Rio Grande do Sul un règlement sur les
adoptions internationales réalisées dans cet Etat.
162 En 1987, des accords bilatéraux entre le tribunal pour
enfants et les organismes intermédiaires d'adoption

100
Section 1: "L'apparentement" ou le "matching"

Quand le contact se réalise par l'intermédiaire d'un


organisme, deux modalités sont encore possibles :

§1. La prise de contact avec les adoptants étrangers

Le plus souvent (dans les deux tiers des cas environ),


c'est l'organisme étranger qui prend l'initiative du contact en
envoyant au tribunal les dossiers des familles dont ils ont retenu la
candidature et qui souhaitent accueillir un enfant brésilien. Dans les
autres cas, le tribunal pour enfants contacte un ou plusieurs
organisme(s) étranger(s) au sujet d'enfants précis qui ont besoin de
famille adoptive, mais pour lesquels, en raison de situation ou
problème spéciaux, aucune famille brésilienne ne se porte
candidate. Quel qu'ait été le mode de contact initial et bien que
l'essentiel du travail se réalise par l'intermédiaire des organismes, de
nombreux candidats appellent toujours le tribunal brésilien de façon
directe. Il en résulte donc qu'une énorme partie du travail de l'équipe
du tribunal consiste dans un travail d'information.

A - La prise de contact par les adoptants

Les demandes téléphoniques portent


presqu'invariablement sur les questions suivantes:
- "s'il y a des enfants" (comprenez : des enfants adoptables)
- "de quelle couleur ?"
- de quel âge ?
- de quel sexe ?
- en quel état de santé ?
- "s'il faut attendre longtemps"
et enfin,
- "combien ça coûte"...

Dans un premier temps, le ton des appels téléphoniques de ces


candidats étrangers est apparu à l'équipe comme surprenant, voire
choquant. Un observateur extérieur, non-informé du contexte dans

(Diaphanie en France et Sourires d'Enfants en Belgique) ont


été signés.

101
lequel prenaient place ces dialogues téléphoniques, pouvait imaginer
qu'il s'agissait de transactions commerciales...
- Est-ce que vous avez des enfants ?
- De quel âge ? Ils sont en bonne santé ?
- Je voudrais un enfant le plus clair possible, en bonne
santé, qui ne marche pas et ne parle pas encore.
- Combien de temps faudra-t-il attendre ?

Le caractère abrupt de ces questions laissait l'équipe dans la


perplexité la plus totale : les candidats parlaient-ils de la sorte parce
qu'ils étaient angoissés, pressés par le temps (les communications
internationales sont chères ...) ? Ou ce langage devait-il au contraire
être interprété comme le signe d'une véritable réification de l'enfant,
d'emblée réduit à la qualité de simple objet ? C'est dans ces
circonstances que jouent - et s'amplifient - les a priori et fantasmes
en tout genre que les membres de l'équipe, en leur qualité de
Brésiliens, peuvent avoir sur les Français, les Allemands, ... Petit à
petit, l'équipe du tribunal a dirigé ce appels téléphoniques vers les
organismes intermédiaires des pays correspondants. La masse des
demandes par courrier est très fluctuante. En moyenne, deux à trois
demandes écrites arrivent quotidiennement au tribunal. Néanmoins,
cette masse de demandes est éminemment fluctuante et varie en
fonction essentiellement du nombre d'enfants placés en adoption à
l'extérieur. Au bout d'un certain laps de temps où les adoptions
internationales se sont faites rares vu la diminution conséquente du
nombre d'enfants adoptables en institution, les candidats, alertés par
le bouche à oreille, se sont dirigés vers d'autres tribunaux, d'autres
villes, voire d'autres pays.

Les dossiers des candidats sont réceptionnés par l'équipe qui les
répartit entre les différents membres. Chacun révise à un niveau
formel les dossiers qui lui ont été attribués. Il est fréquent qu'ils
soient incomplets, mal organisés, non traduits, manuscrits
quelquefois. Le plus souvent, les études psychosociales manquent
d'éléments pertinents ou nuancés, alors qu'il s'agit là d'une des
pièces fondamentales de ces dossiers163. En effet, et justement en

163 "L'importance d'une enquête psychologique approfondie


n'a pas pour unique objectif d'évaluer la présence chez le
couple de certaines caractéristiques fondamentales pour qui
veut entreprendre l'aventure de l'adoption; elle constitue
en outre un instrument capital permettant de déterminer
quelle famille pourrait accueillir au mieux tel enfant." Y.
Galli, Risonanze emozionali del processo di abbinamento
nell'adozione nazionale e internazionale, Consultorio
familiare, Padova, n° 1, 1988.

102
vue de l'apparentement futur, les informations concernant la
dynamique familiale, l'analyse des motivations de la demande
d'adoption et la prise en considération de la façon dont ont été
menées les investigations et traitements médicaux en cas d'infertilité,
par exemple, sont tout-à-fait essentielles. Souvent, des suppléments
d'informations sont demandés aux organismes intermédiaires.

Pour chaque enfant en institution, après la déclaration d'adoptabilité


prononcée par le juge et plusieurs entrevues avec assistante sociale
et médecin(s), un projet en équipe est établi164:

• La solution prioritaire est de rechercher un placement dans une


famille brésilienne
• En second lieu on envisagera une remise en adoption à une
famille étrangère. Si, pour les raisons mentionnées ci-dessous, on
choisit cette seconde solution, l'équipe consulte la liste d'attente
des candidats étrangers et choisit les candidats qui lui semblent
répondre le mieux aux besoins de l'enfant concerné. L'assistante
sociale désignée comme responsable du cas va alors entrer en
contact avec les candidats.

Il est essentiel d'insister sur l'importance de cette procédure, car


c'est là que réside une des différences capitales entre adoption par
organisme et adoption indépendante, qui doivent être analysées et
comparées.

B - La proposition d'un enfant par l'équipe

"Tous les adoptants se souviennent avec émotion du


jour, de l'heure et des circonstances dans lesquelles il y a eu un coup
de téléphone : Nous avons un enfant pour vous; il y a un enfant qui
vous attend"165. Mais, pour émouvant qu'il soit, ce moment n'en reste
pas moins extrêmement délicat dans la mesure où il est lourd de
conséquences. Lorsque le contact est établi directement entre

164 A ce sujet, Y. Galli insiste sur la façon dont devrait


être réalisé le rapport psycho-médico-social sur l'enfant :
"au cours de ce processus, on prend rarement en
considération l'opportunité de réaliser une étude
psychologique de l'enfant qui établisse un pronostic et
permette d'établir aussi un profil approximatif de la
personnalité que les futurs parents devraient avoir". Y.
Galli, op.cit., p.17.
165 A. Robert, L'adoption et après ?, Ergopress, Paris,
1989, p.74.

103
l'intermédiaire du pays d'origine et les adoptants, plusieurs
problèmes se posent, qui risquent de compromettre la démarche elle
même. Les premières difficultés proviennent essentiellement de
deux éléments qui sont, d'une part, la différence de langue et, d'autre
part, le décalage horaire.

Le facteur "décalage horaire" fait que les moments où la


communication pourrait avoir lieu dans des conditions, sinon
optimales, pour le moins satisfaisantes, coïncident rarement entre
les acteurs concernés - candidats adoptants et intermédiaires. Le
professionnel brésilien se voit souvent obligé d'appeler son
correspondant en dehors de ses heures de travail, de son domicile
plutôt que du bureau. Dans le cas contraire, il atteint les candidats à
leur travail, les réveille la nuit, etc., circonstances peu propices à une
communication adéquate sur un sujet aussi délicat.

Les problèmes linguistiques, quant à eux, font que cet entretien


téléphonique capital est rarement réalisé par la personne la plus
qualifiée pour le mener à bien, c'est-à-dire, le membre de l'équipe
responsable du dossier de l'enfant. On ne peut en effet exiger de ce
professionnel qu'outre ses compétences spécifiques, il parle
couramment cinq ou six langues. D'où résulte l'alternative suivante,
toujours insatisfaisante : ou bien l'assistante sociale qualifiée réalise
elle-même l'entretien, et ce dans un langage réduit au minimum par
son manque d'aisance dans la langue des candidats, ou bien la
conversation est réalisée par un tiers interprète, qui ne dispose pas
des mêmes connaissances du dossier de l'enfant, ni bien sûr non
plus des mêmes capacités professionnelles.

Dans cette deuxième éventualité en outre, il est fréquent que


l'interprète auquel le tribunal a recours introduise dans la situation
des distorsions gênantes. Ainsi, on a pu constater que, de façon
apparemment inconsciente, les interprètes déforment l'information
concernant l'enfant dans le sens d'une idéalisation. Ainsi, on a pu
mettre en évidence que, dans plusieurs cas d'enfants proposés par
téléphone par des interprètes, les candidats concernés se
représentaient l'enfant comme beaucoup "plus blanc" que ne l'était
l'enfant réel. "Dans votre pays sans soleil, il va éclaircir", leur avait
dit l'interprète.

Cette même tendance à l'idéalisation de l'enfant est également


présente chez les candidats166. Ceci, cumulé aux circonstances

166 J. Noel parle même à ce propos de "déni de la réalité",

104
souvent défavorables dans lesquelles se déroule cet entretien
(personnes dérangées sur leur lieu de travail et se trouvant sans leur
conjoint et sans possibilité d'isolement, ou réveillées en sursaut au
milieu de la nuit, ...) peut avoir des conséquences néfastes sur le
devenir de la future relation parents/enfant. En effet, la charge
émotionnelle liée à ce moment est telle que, souvent, on a
l'impression que les candidats n'entendent pas au téléphone ce qui
leur est dit et sont, pour ainsi dire, "hors de la réalité". Généralement
en pleurs, l'interlocuteur s'avère incapable de poser des questions
pertinentes, se limitant le plus souvent à balbutier "comment
s'appelle-t-il ?"

L'immense majorité des candidats considèrent dès cet instant que


cet enfant est le leur et c'est ainsi que, dès lors, ils vont le désigner.
Dans ces circonstances, si quelque problème vient à se présenter -
éventualité malheureusement fréquente dans la réalité -, que ce soit
à un niveau médical (par exemple, le bébé, déjà sous-alimenté, est
hospitalisé pour diarrhée infectieuse et oscille entre la vie et la mort,
suite à des problèmes de déshydratation), juridique (une querelle de
procédures surgissant entre magistrats brésiliens, paralysant le
dossier pendant un temps plus ou moins long), ou administratif
(survient de façon inopinée une grève de l'administration judiciaire,
etc.), l'annonce de ce problème aux candidats prend des proportions
catastrophiques. Les futurs parents dramatisent à outrance la
situation, appellent le tribunal à toute heure du jour - et, bien souvent,
l'assistante sociale chargée du cas à toute heure de la nuit - pleurent,
se fâchent, menacent, et projettent sur l'intervenant concerné tout
leur ressentiment.

Il apparaît évident que, souvent, les candidats vivent ces aléas de la


démarche d'adoption comme des reviviscences d'épisodes
douloureux de leur histoire, essentiellement liés à l'expérience de la
stérilité (fausses couches, décès d'enfants, échecs divers de la
conception, ...). Le professionnel brésilien se trouve alors dans une
situation très difficile où, quand bien même il dispose d'une vue
claire de la situation, il lui est cependant littéralement impossible de
la gérer, étant donné la distance et les problèmes liés à la
communication.

de "refus d'appréhender objectivement la spécificité ou les


difficultés de l'adoption" J. Noel, Le psychologue et
l'adoption, Enfants désirés, enfants demandés. Adoption,
procréation médicalement assistée, Informations sociales,
n° 12, Paris, juin-juillet 1991, p.81.

105
En revanche, dans une minorité de cas, il arrive que les candidats
réagissent à la proposition téléphonique d'un enfant de façon
radicalement différente. D'un ton étonnamment froid et détaché,
dépourvu de la moindre émotion, certaines personnes, après s'être
renseignées sur quelques caractéristiques de l'enfant, comme son
âge, sa couleur et son état de santé, décrètent tout de go ne pas en
vouloir et préférer attendre qu'apparaisse un autre enfant plus
conforme à leur souhait. Cette réaction, à l'opposé de la première,
plonge cependant l'équipe dans la même situation de confusion et
d'impuissance antérieurement évoquée. L'expérience a montré qu'il
n'est pas rare que ces mêmes candidats rappellent quelques jours
plus tard pour dire qu'en fait, ils veulent l'enfant qu'ils ont au
préalable refusé de façon aussi sèche, lequel enfant a peut-être
entre-temps été proposé à d'autres personnes ... Informés de cet état
de fait, les candidats réagissent habituellement de la façon suivante :
"Comment est-ce possible ? C'était mon enfant ! De quel droit l'avez-
vous donné à d'autres ?"

Une troisième catégorie enfin regroupe les candidats qui, au


téléphone, ont accepté l'enfant proposé, mais pour lesquels le suivi
de l'adoption laisse voir clairement que l'enfant qu'ils ont accueilli ne
correspondait pas, en fait, à leur voeu. Ils auraient accepté l'enfant
proposé "de peur qu'on ne veuille pas leur en confier un autre" s'ils le
refusaient.

Quelques situations-types des différentes circonstances de la vie des


candidats adoptants dans lesquelles peut prendre place le coup de
téléphone-clé de proposition d'un enfant par l'intervenant brésilien
doivent être détaillées. Il est fréquent qu'au moment où le tribunal
brésilien prend contact avec eux, les candidats se trouvent dans une
situation radicalement différente de celle décrite dans l'enquête
psychosociale annexée au dossier envoyé au Brésil167. Quelques
unes de ces situations présentent sont particulièrement des risques :

• De nombreux couples, poussés par leur immense désir


d'enfant, s'adressent simultanément à plusieurs intermédiaires
auxquels ils envoient des dossiers de demande d'adoption. L'ironie
du sort veut quelquefois qu'après de longues années d'attente vaine,
plusieurs portes s'ouvrent en même temps. Et l'intervenant brésilien
s'entend dès lors dire par les candidats auxquels il téléphone pour
leur proposer un enfant qu'ils viennent d'en recevoir un de

167Ceci se comprend au vu du laps de temps écoulé entre la


demande adressée au tribunal et la proposition de l'enfant.

106
Madagascar ou d'Inde. Sur ces bases, les candidats peuvent prendre
des décisions extrêmement diverses face à la proposition de l'enfant
brésilien. Certains refusent; "Nous regrettons, mais ce n'est vraiment
pas possible pour l'instant." D'autres déclarent au contraire qu'ils
sont néanmoins toujours aussi désireux d'accueillir le petit Brésilien
qu'ils attendaient. Le premier cas laisse l'équipe brésilienne frustrée
de plusieurs mois d'un travail qui s'avère de ce fait inutile. Le
deuxième pose le problème plus délicat de décider comment gérer
cette situation nouvelle du couple demandeur. Le couple sera-t-il
effectivement en mesure d'assumer une deuxième adoption sans
que l'on sache si le premier lien adoptif est déjà consolidé?

• Autre cas de figure très fréquent : la future mère adoptive


s'avère être enceinte au moment de la proposition de l'enfant à
adopter. Dans ce cas, le couple insiste généralement pour adopter
malgré tout l'enfant brésilien, se jurant prêt à assumer les deux
enfants à la fois. Mais le tribunal a tranché le dilemme en décidant
de stopper ces procédures.

§2. La voie institutionnelle

C'est après avoir été confronté maintes fois à des


problèmes de ce type, dont les conséquences ne doivent pas être
sous-estimées, que le tribunal pour enfants de Porto Alegre a
finalement décidé de renoncer aux adoptions directes avec les
candidats et de toujours privilégier le travail de collaboration avec
des équipes de professionnels en Europe. Cette collaboration
garantit la continuité entre le processus de "sélection" - des parents,
d'une part, et de l'enfant, de l'autre -, ceux d'apparentement et de
mise en relation parents-enfant. Certes, aucun enfant, né de ses
parents ou adopté par eux, ne pourra jamais être conforme aux rêves
et attentes que ceux-ci ont à son égard. Il importe néanmoins de
veiller à ce que ce décalage obligé entre rêve et réalité, entre enfant
imaginaire et enfant réel, ne soit pas "trop" important. Un minimum
de "superposabilité" est nécessaire afin que puissent prendre place
les identifications nécessaires à la création et au développement du
lien. C'est cette "superposabilité" qui constitue la base du processus
d'apparentement ou matching.

A - L'étude psycho-médicale

107
La première étape de ce processus consiste donc pour
les deux équipes de professionnels engagés dans le processus
d'adoption internationale à se fournir réciproquement le maximum de
renseignements possibles, qui sur les adoptants, qui sur l'adopté.
Sur ces bases, et conformément au principe voulant que l'adoption,
mesure de protection sociale de l'enfant, vise à trouver une famille à
celui-ci, et non l'inverse, c'est généralement l'équipe brésilienne qui,
parmi les dossiers de candidats envoyés par les organismes
d'adoption étrangers, choisit celui de la famille qui lui semble la plus
apte à accueillir tel enfant qu'elle cherche à placer. Ce choix est
réalisé à partir de plusieurs critères.

Le manque de théorisation étant particulièrement dramatique sur ce


point particulier, il est difficile d'établir ici une liste cohérente des
principaux critères retenus dans l'apparentement. Les plus
importants semblent être les suivants:

• La composition de la famille des candidats adoptants. La


priorité est clairement donnée aux couples par rapport aux
célibataires, mais la présence d'enfants, leur nombre et âge est
également d'une importance capitale. Le profil de personnalité et les
circonstances de l'histoire de l'enfant peuvent amener à penser qu'il
trouverait mieux sa place dans une famille avec enfants, ou au
contraire, dans une famille où il serait, momentanément au moins,
l'objet unique des préoccupations parentales. Si la première solution
est retenue, on veille à ce qu'idéalement l'adopté s'insère dans la
fratrie en respectant sa hiérarchie naturelle (âge).

• L'âge des candidats et les raisons de leur demande


d'adoption. Ainsi, on veille généralement à confier les enfants les
plus jeunes aux jeunes couples stériles.

• Les ressources disponibles. Les enfants souffrant de


handicaps ou problèmes précis nécessitant une prise en charge
spécialisée seront confiés préférentiellement à des personnes qui
disposent d'un certain nombre de ressources : disponibilité de temps,
facilités matérielles et de lieu de vie leur permettant de prendre en
charge un enfant de ce type.

• L'origine culturelle des candidats. Nous avons constaté lors de


notre recherche auprès des familles adoptives que les candidats
originaires des pays du Nord (Hollande, Allemagne,...) accueillent
plus aisément un enfant jeune, mais qui peut être très typé
racialement. Alors que les familles italiennes insistent pour que leur

108
soit confié un enfant de race blanche, mais qui en revanche peut être
beaucoup plus âgé168.

• Le milieu de vie des candidats. Un enfant présentant certaines


difficultés ou limitations au niveau intellectuel a, a priori, plus de
chances de s'intégrer dans une famille de culture modeste que dans
un couple d'intellectuels enseignants tous les deux. Pour
contrebalancer les souhaits exprimés par les candidats vis-à-vis de
l'enfant qu'ils voudraient accueillir, les professionnels brésiliens
essaient, au moment de choisir une famille adoptive potentielle pour
un enfant, de s'identifier à lui et de se poser la question de savoir en
quelque sorte "si telle famille va lui plaire".

Si la plupart de ces critères sont conscients et "objectifs", d'autres ne


le sont cependant pas autant. Ainsi, on peut observer que tel
intervenant de l'équipe a tendance à privilégier les candidats italiens,
alors qu'il est lui-même d'ascendance italienne, etc. La discussion en
équipe et la décision collégiale - sur proposition de l'assistante
sociale responsable du dossier de l'enfant - sont à cet égard tout-à-
fait capitales.

Une deuxième étape a lieu dans le pays d'accueil. Le responsable


de l'équipe brésilienne entre en contact avec son homologue de
l'organisme d'adoption européen concerné et lui propose l'attribution
de tel enfant pour telle famille. L'équipe de cet organisme va alors
vérifier si cette proposition semble satisfaisante. En réunion
d'équipe, les professionnels vont tout d'abord confirmer - hypothèse
la plus fréquente - ou infirmer le choix établi par les collègues
brésiliens et ce, sur base de la connaissance plus approfondie et
concrète qu'ont ces intervenants de la famille concernée. Ensuite, un
membre de l'équipe va inviter le(s) candidat(s) concerné(s) à un
entretien, lui(leur) présenter le profil de l'enfant adoptable (âge, sexe,
type ethnique, ...) et en discuter avec lui(eux).

"L'évaluation des réactions du couple face à un enfant qui n'est plus


seulement imaginaire, un enfant qui existe dans une certaine partie
du monde et qui pourrait devenir le leur, représente un instant
extrêmement significatif en ce sens que, sans risque pour l'enfant
(qui ne participe pas activement à cette phase du processus adoptif),
on peut vérifier dans la réalité ce qui, précédemment, avait été

168Cf. S. Nabinger, "D'une mère à l'autre : l'impact des


différences culturelles dans l'adoption internationale",in
Dialogue, Recherches cliniques et sociologiques sur le
couple et la famille, n° 111, Paris, 1er trim., 1991.

109
déterminé sur le plan théorique. Ce type de procédure permet de
diminuer le risque d'échec en ce qu'elle permet de renoncer aux
adoptions qui, d'emblée, posent de gros doutes aux futurs parents
adoptifs et aux intervenants impliqués"169.

La question de l'apparentement ne peut s'achever sans une réflexion


concernant le recours aux photos de l'enfant dans le décours de ce
processus. L'utilisation de photos dans ce cadre apparaît comme
extrêmement délicate. Il importe que jamais la photo de l'enfant ne
soit utilisée en lieu et place de son rapport psycho-médico-social.
Car, ainsi utilisée, la photo est en quelque sorte la transposition du
processus de "choix" de l'enfant par les candidats sur place. Cette
façon de procéder à l'apparentement en laissant les adoptants
"choisir" l'enfant est malheureusement pratiquée dans de nombreux
endroits et elle est toujours le fait de non-professionnels. Une telle
possibilité de "choix" relève, à nos yeux, de l'illusion la plus totale et
la plus dangereuse : celle de la toute-puissance des parents sur
l'enfant réduit par là au pur statut d'objet de leur désir. La
photographie, tant des adoptants que de l'enfant, au contraire pourra
être utilisée de façon fructueuse lors de la préparation respective de
l'un et des autres avant leur mise en relation physique.

B - La préparation à l'adoption

"Nous voudrions ajouter un appel pressant à toutes les


personnes concernées par l'adoption, à mieux préparer les candidats
et à mieux les aider dans leur tâche d'adoptants", disent des mères
adoptives réunies dans un groupe de "self-help"170.

"En interrogeant les enfants adoptés grands", un auteur arrive à la


conclusion "qu'il est très important de préparer l'enfant (...) avant
l'adoption (...) parce que dès l'instant où s'ouvre la question de
l'adoption, s'ouvre aussi (...) la question de ses origines"171. Risque
donc de resurgir l'angoisse de l'abandon qui doit être dépassée
progressivement pour "laisser s'ouvrir une nouvelle place pour de
nouveaux parents"172. Ici encore, la position et le rôle du tiers, de
l'intervenant, ou plutôt des intervenants, sont centraux. "Ainsi, le
praticien se trouve à l'articulation entre l'enfant, dont le deuil de la
169 Y. Galli, op. cit., p.22.
170 J.Y. Hayez et coll., Un jour l'adoption, Fleurus,
Paris, 1988, p.145.
171 A. Robert, op. cit., p.110.
172 A. Robert, op. cit., p.111.

110
mère des origines est à faire, et les parents adoptifs, qui tendent à
annuler malgré tout ces origines. Il a à accompagner l'enfant dans ce
mouvement de séparation, tout comme les parents dans cette
recherche de compréhension du passé. Il est donneur d'une vie
nouvelle pour l'enfant comme pour les parents. Il doit conduire
l'enfant dans ce passage d'une vie à une autre pour adopter ses
nouveaux parents" 173.

Une fois de plus se pose le problème propre à l'adoption


internationale de la séparation entre celui qui a accès à l'enfant et
celui qui a accès aux parents. Ces deux étapes du travail doivent
être successivement envisagées :

1. A notre connaissance, personne n'a à ce jour standardisé un


protocole de préparation de l'enfant à l'adoption.

La personne centrale de cette préparation est la psychologue


secondée par les éducatrices. Par le biais d'entretiens individuels
répétés, la psychologue présente à l'enfant le projet de l'adoption et
travaille avec lui sa participation à ce projet. Progressivement, ce
projet se précise : on passe de l'adoption en tant que telle, à
l'adoption par la famille X., la composition de cette famille, ... En
dernier lieu, quand l'enfant a déjà élaboré une représentation de
cette nouvelle famille, on lui donne une(des) photo(s) de cette
famille. La réaction habituelle de l'enfant à ce moment est de montrer
ces photos à tout le monde autour de lui; il ne s'en sépare
généralement pas, même pour dormir. Il arrive que certains la
chiffonnent ou la découpent en mille morceaux ! Quelques-uns
semblent l'ignorer. Certains enfants refusent la famille qui leur est
proposée, mais le plus souvent, ce qu'ils refusent en tant que tel,
c'est bien plutôt l'adoption, le départ, la séparation, laquelle
représente, en définitive, la séparation d'avec la mère ou la famille
d'origine, et aussi d'avec les lieux, les objets et les personnes
investies à un quelconque moment, et qui vont être englouties dans
une sorte de néant. Nombre d'enfants placés en institution se
représentent difficilement la vie hors des murs de ce qui constitue
leur univers. Dès lors, il est arrivé quelquefois qu'une psychologue
les emmène jusqu'à l'aéroport afin de les familiariser avec ce lieu-clé
et diminuer leur angoisse au moment du départ. Les éducateurs
veillent à parler de l'adoption et à la valoriser aux yeux de l'enfant. Ils
se chargent également de remettre à celui-ci un éventuel cadeau

173O. Ozoux Teffaine, "L'adoption tardive", in A. Robert,


op. cit., p.112.

111
envoyé par ses futurs parents. Une difficulté fréquemment présentée
par les enfants avant leur départ consiste à se séparer de leurs amis;
certains enfants adoptés laissent à leurs compagnons les cadeaux
reçus des adoptants - et cette initiative n'a pas plu à tous les parents
et s'est trouvée à l'origine de bien des problèmes par la suite.

2. La préparation des futurs parents adoptifs, quant à elle, doit


être réalisée, bien évidemment, dans le pays d'accueil.

Selon l'expérience qui a été la nôtre, cette préparation consiste


essentiellement dans la rencontre des futurs adoptants avec des
familles adoptives, et plus particulièrement des familles qui ont vécu
l'accueil d'enfants présentant des caractéristiques similaires à celles
de l'enfant qui est destiné aux candidats. Un deuxième élément de
cette préparation consiste dans la lecture d'ouvrages spécialisés. La
participation à des groupes de parents ou à des cycles de rencontres
organisées sur ce thème n'est jamais systématique et est toujours le
fait d'initiatives personnelles de candidats. En matière de préparation
de futurs parents adoptifs, il n'existe pas de modèle défini et
universellement recommandé. Chaque pays européen dispose
d'organismes, étatiques ou privés, plus ou moins professionnels qui
assurent ce type de services. La dénomination des séances
proposées par ces organismes aux futurs adoptants varie selon le
cas et témoigne des orientations très différentes de leurs
organisateurs. Ainsi, les Suédois parlent-ils de "cours", en France,
Enfance et Familles d'Adoption organise des séances d'information
au public. En Belgique, un organisme privé, attaché au ministère
compétent174, propose dans un premier temps des séances
d'informations, soit générales, soit sur un thème plus particulier ayant
trait à la filiation et à l'adoption. Ces séances sont ouvertes à tout
public. Ensuite, il organise, à l'attention des personnes dont la
candidature à l'adoption a été retenue par un service agréé, des
séances de préparation à l'accueil d'un enfant adopté. Il s'agit de
petits groupes d'adoptants (au maximum une dizaine de personnes)
encadrés par une assistante sociale et une psychologue, ayant une
expérience spécifique du domaine de l'adoption. Le but est de
permettre aux futurs parents, une fois passée l'angoisse propre à la
phase de sélection des candidatures, de s'arrêter un moment pour
"faire le point" et exprimer leurs désirs, leurs appréhensions, leurs
doutes, ... avant d'aborder le moment tant investi de la rencontre
avec leur enfant. Les discussions de groupe sont favorisées par des

174 Le C.A.R.I.A (Centre d'aide, de recherche et


d'information en matière d'adoption) à Liège.

112
rencontres avec des adoptants, des adoptés, des documents
audiovisuels sélectionnés et sont à mi-chemin entre l'information
générale et la formation personnelle175. Les thèmes abordés sont,
selon le choix des participants, l'adoption nationale ou internationale,
l'accueil d'enfants à besoins spéciaux, le secret sur les origines, les
loyautés familiales, l'adolescence, etc.

Il a été souligné qu'il ne fallait pas "oublier l'impact émotionnel lié à


la phase de passivité (...) quand le couple est laissé trop longtemps
seul dans l'attente (...) livré à lui-même, sans pouvoir utiliser de
façon efficace un temps qui pourrait certainement servir à la
préparation et à l'évolution, mais qui se transforme au contraire en un
moment où prédominent la rage, la désillusion et la projection de sa
propre agressivité"176.

Section 2 : La mise en relation et le suivi de l'adoption

L'arrivée à Porto Alegre se déroule différemment selon


les cas. La plupart des adoptants la gèrent seuls et apparaissent
ainsi, le jour convenu, au tribunal. D'autres, en revanche, se montrent
d'emblée plus dépendants : un membre de l'équipe du tribunal doit
aller les chercher à l'aéroport et les installer dans l'hôtel qu'il aura
réservé à leur intention. Ce n'est qu'aujourd'hui, après avoir fait
personnellement le voyage en sens inverse et avoir rendu visite à
toutes ces familles européennes, dont certaines vivent dans des
endroits complètement reculés des Alpes ou des Apennins, que nous
nous sommes rendu compte de ce qu'un tel voyage au Brésil pouvait
représenter "d'extraordinaire" pour ces gens. Seule la motivation
d'aller enfin chercher l'enfant tant espéré pouvait pousser ces
personnes à entreprendre ce que, de nombreuses années après, ils
dépeignent avec force détails comme une véritable épopée177.

§1. L'arrivée des adoptants et leur séjour au Brésil

175 En Communauté française de Belgique, la participation à


ces séances de préparation est obligatoire pour les
candidats adoptant par l'intermédiaire d'organismes agréés.
176 Y. Galli, op. cit., p.25.
177 Cf. entre autres, à ce sujet l'article de E. Tingry, du
dossier adoption publié par Figaro Madame du 16 septembre
1989, article révélateur de ce style épique : "Vingt mois
d'attente et 22000 km pour adopter un enfant" ! et les
nombreuses émissions télévisées dans tous les pays
européens.

113
A - Le décalage transculturel et la mise en relation à la FEBEM

On assiste alors à un phénomène curieux. Les candidats


adoptants ont, comme tout un chacun, hérité de leur culture d'origine
une série d'a priori sur ce que peut être le Brésil. Ces préjugés
doivent vraisemblablement être aussi grossiers et inappropriés que
l'idée que, personnellement, nous avions de l'Europe avant d'y venir.
Les représentations du Brésil que les candidats véhiculent se
résument à l'Amazonie, aux Indiens, au carnaval de Rio, au football
et aux célèbres "favelas", images dont la sélection est largement
imputable aux médias. Sur ces bases, les buildings et le trafic du
centre urbain de Porto Alegre, le luxe de l'hôtel, les ordinateurs du
tribunal et l'apparence européenne des indigènes les laissent
généralement bouche bée, dans la perte de repères la plus totale.
Ce choc, cette confusion sont d'autant plus forts que les couples
arrivent avec un décalage horaire de cinq heures environ et dans un
climat exactement opposé à celui qu'ils viennent de quitter.

Dans leur impatience d'atteindre le but et, en définitive, de serrer


enfin "leur" enfant dans leurs bras, tous, sans exception insistent
pour se rendre sans plus attendre à la FEBEM. Et, au début du
travail du travail d'adoption internationale, l'équipe du tribunal cédait
à leurs instances. Rapidement cependant, les intervenants ont
compris la nécessité de fixer certaines limites, certaines règles, aux
futurs parents. Etant donné l'état à proprement parler a-normal dans
lequel tous arrivaient - pour les raisons déjà mentionnées -, état de
tension et de fatigue extrêmes, se traduisant souvent par une
véritable obnubilation, il ne paraissait en effet guère souhaitable de
procéder immédiatement à une démarche aussi délicate que celle de
la mise en relation avec l'enfant qui leur est destiné.

Dès lors, l'équipe de placement familial a mis au point une stratégie


d'action visant à encadrer au mieux le séjour des adoptants. Le
deuxième jour de leur arrivée, l'assistante sociale responsable du
cas fait aux parents un exposé assez solennel que l'on pourrait
intituler "L'adoption à Porto Alegre - mode d'emploi" dans lequel elle
leur donne en vrac des conseils sur la façon de gérer leur argent,
celle dont il convient de s'habiller - par exemple, le tribunal interdit
l'entrée aux personnes vêtues de short - en passant par un exposé
des différentes étapes de la procédure à laquelle ils vont participer.
Après quoi, elle les accompagne à la FEBEM pour initier la mise en
relation.

114
L'arrivée à la FEBEM constitue toujours un choc pour les adoptants.
Voir se ruer sur eux cet essaim d'enfants petits, grands, de toutes les
couleurs, qui s'accrochent à eux en piaillant, s'avère souvent une
épreuve insoutenable. Et il n'est pas rare qu'à cette occasion, les
adoptants s'éprennent de l'un ou l'autre de ces enfants dont ils
demandent par la suite s'il ne serait pas adoptable ... De façon
générale, et sans même aborder l'analyse des émotions et
sentiments qui les ont envahis à ce moment et les poussent à
présenter une telle demande, il est presque impossible pour l'équipe
du tribunal de faire comprendre à ces personnes, dont la plupart
n'ont jamais eu l'occasion de visiter des institutions semblables dans
leur propre pays, que l'immense majorité de ces enfants ne sont pas
en condition d'être adoptés. Plus d'un couple s'en ira convaincu que,
quoi qu'on ait pu lui dire, ces enfants se retrouvent "coincés" là
indûment et tiendra les services, partiellement en tout cas,
responsables de cet état de choses.

L'enfant, quant à lui, se trouve également dans une situation tout-à-


fait "extraordinaire". Ce jour-là, on l'a lavé, astiqué, coiffé, habillé,
chaussé même - fait inhabituel entre tous - sans que toutefois ce
traitement de choc, ne parvienne à lui ôter ce regard éteint, si
typique des enfants en institution. Dans ces circonstances, tous les
cas de figures sont possibles. Un enfant, jusqu'alors paisible, devient
brusquement infernal. Un autre se déprime. Tel autre encore,
somatisant son angoisse, commence une diarrhée incoercible.
Quelques-uns se murent dans une indifférence totale. Sans parler de
ceux qui, échappant au contrôle des éducatrices, se cachent au
moment de l'arrivée des parents adoptifs ...Il est aussi arrivé que des
enfants, avant que n'arrivent leurs futurs parents, avaient déjà fait
leurs adieux à tous et attendaient, trépignants d'impatience sur le
seuil, l'arrivée de ces gens qui leur permettraient de quitter
l'institution.

Il est extrêmement rare qu'un bébé puisse être présenté en bon état
de santé à ses parents adoptifs. Le plus souvent, malheureusement,
ils sont malades, apathiques et présentent un retard psychomoteur
plus ou moins accentué. Souvent, le premier contact avec les
adoptants se passe à l'hôpital. Ces derniers en reviennent
généralement complètement traumatisés et en larmes de la visite à
la section bébés de la FEBEM qui ressemble plus à un hôpital
pédiatrique qu'à une pouponnière. Le nombre des nourrissons y est
en permanence tellement élevé (60 en moyenne) qu'ils sont placés à
deux par berceau, le confort y est réduit au minimum, et une moitié
des enfants sont absents en permanence, hospitalisés pour cause de

115
broncho-pneumonie en hiver, diarrhée et déshydratation en été. C'est
donc dans ce cadre bien peu propice que, brutalement, les adoptants
franchissent ce cap qui sépare l'enfant imaginaire de l'enfant réel.

A partir de ce moment, il n'existe pas vraiment de règles fixes quant


à la façon de gérer la suite des contacts entre enfant et adoptants.
Dans certains cas favorables, le couple emmène directement l'enfant
à l'hôtel. Dans d'autres - spécialement s'il s'agit d'enfants plus âgés -
les parents lui rendront visite autant de fois qu'il paraîtra nécessaire
pour que le passage puisse s'effectuer de la façon la moins
traumatisante possible. Il serait erroné de croire que ce sont toujours
les enfants qui font problème à ce moment. Certains parents
s'effraient de l'enfant qu'on leur présente et ne se sentent pas
capables d'en assumer d'emblée la garde, surtout si leur état de
santé est problématique. C'est généralement la mère adoptive qui
cède à la panique, le père conservant plus facilement son calme.
Cette difficulté se pose de façon particulièrement aiguë dans les cas
d'adoption par des célibataires.

Voilà ce qu'il en est des acteurs principaux de cette scène, mais


qu'en est-il des spectateurs? Dans l'institution, l'adoption et le départ
d'un enfant font partie de la routine quotidienne. Mais qu'un enfant
s'en aille adopté par des étrangers et tout le monde, depuis les
femmes de charge jusqu'au directeur, en passant par l'ensemble des
éducateurs, vient saluer son départ, les yeux remplis de larmes. Car
l'adoption internationale reste vécue comme une chance inouïe pour
ce gosse qui provient en fait de la même classe sociale que la
majorité du personnel et les quitte, à leurs yeux, pour aller vivre une
vie de prince en Europe. Car, bien plus que le changement de pays,
c'est le changement de classe sociale, sous-jacent à la démarche
d'adoption internationale, qui frappe les imaginations.
L'enfant s'en va, déjà différent, revêtu des habits neufs apportés par
les adoptants, et les cadeaux de ceux-ci sous le bras.

Le séjour à l'hôtel, se caractérise en ce que, en fait, il constitue une


circonstance aussi a-normale et artificielle pour l'enfant que pour ses
nouveaux parents, lesquels, dans ce contexte qui leur est
complètement étranger, éprouvent un sentiment de profonde
insécurité. Se pose à eux le problème tant redouté par les adoptants
en général, de la communication avec cet enfant, surtout s'il est déjà
grand et, à cet égard, la liste des mots usuels dressée par
l'assistante sociale du tribunal semble bien dérisoire. A tel point que,
plusieurs fois, en dernier recours, ils font téléphoner l'enfant à
l'assistante sociale, afin qu'elle traduise et résolve le problème dans

116
les quelques mots qu'elle possède elle-même de la langue des
adoptants !

Les sorties et promenades représentent parfois de véritables


calvaires pour les adoptants. Dans la ville où ils ne connaissent rien,
ni personne, ils déambulent avec l'enfant qui, lui, beaucoup plus à
l'aise, raconte son histoire à qui veut l'entendre. Ils sont anxieux qu'il
ne se perde, ne s'enfuie, et souvent, pis encore, sont poursuivis par
le fantasme qu'ils pourraient tout-à-coup se trouver nez à nez avec
les parents biologiques de l'enfant ... Plusieurs personnes ont pu
formuler le sentiment qu'ils éprouvent à ce moment de la façon
suivante : "On se sentait regardés comme des voleurs".
Dans un tel contexte, même les passants font peur. Ainsi ce couple
qui a adopté deux grandes filles noires, dont une a un jour fait une
scène au beau milieu de la rue, se jetant par terre, trépignant et
hurlant. Personne ne pouvait arriver à la maîtriser et les badauds
s'attroupaient, chacun y allant de son commentaire : "Ils l'ont
sûrement frappée, la pauvre petite !" ou encore "Mais non, les noirs
sont comme ça, il faut toujours qu'ils se fassent remarquer !" Les
malheureux parents étaient au bord du désespoir quand l'assistante
sociale qui, par chance, était à proximité, se rappela que la fillette
avait été abandonnée dans un endroit similaire, au milieu de la foule
dans un centre commercial. Cela permit aux parents de prendre par
la suite des précautions pour éviter de reproduire ce genre de
situations traumatisantes pour l'enfant.

A l'hôtel, certains comportements des enfants adoptés sont


classiquement décrits par les parents : ils dorment couchés à même
le sol, sont énurétiques la nuit, font des cauchemars et même, en
général, laissent près de la porte un petit sac contenant ce qu'ils
possèdent de plus précieux, "comme s'ils voulaient pouvoir s'en aller
à tout moment". Certains sont insupportables, touchent à tout et ne
tiennent pas une seconde en place; d'autres restent agrippés à leurs
parents, même la nuit. Les couples italiens qui accordent beaucoup
d'importance à l'habillement et arrivent en général avec un trousseau
impressionnant de vêtements choisis avec amour pour leur rejeton,
expérimentent une série de problèmes tout-à-fait particuliers. En
effet, l'enfant qui n'a jamais possédé d'autres vêtements que ceux
qu'il a en permanence sur lui, se montre très réticent à en changer
plusieurs fois par jour, au gré de l'humeur de ses nouveaux parents.
Les chaussures, en particulier, sont une source de conflits
quotidiens. Cette situation cause une immense déception aux
parents qui investissent de façon exagérée ce sujet et ont
visiblement été peu ou mal préparés à affronter la situation nouvelle.

117
En revanche, tous les adoptants européens sans exception
s'étonnent du plaisir que prend leur enfant à faire sa toilette, bain ou
douche, qu'il prend volontiers plusieurs fois par jour. Dans certains
cas, une symbiose et une harmonie étonnantes s'installent,
pratiquement d'emblée, dans certaines de ces familles adoptives tout
récemment constituées. Parents et enfant semblent avoir "toujours
vécu ensemble", selon l'expression consacrée, l'investissement
réciproque ayant été immédiat.

Un phénomène particulier doit être exposé à ce propos. Il concerne


certains couples qui, ayant déjà des enfants, biologiques et/ou
adoptés, les emmènent avec eux au Brésil "pour aller chercher le
petit frère". La présence de ces autres enfants augmente
considérablement le stress et les difficultés que vivent les parents
lors de leur séjour au Brésil. En corollaire, elle leur laisse moins de
disponibilité pour le nouvel adopté, au moment où il a un énorme
besoin d'être "unique" pour ses parents. "Cette période est vécue
sous le signe de l'exclusivité. Etre le seul et unique objet d'attention
du couple est une nécessité pour l'enfant qui arrive en adoption.
C'est important parce que, dans les familles où il y a déjà d'autres
enfants, cette période va être très éprouvante pour les autres, dans
la mesure où l'enfant adopté a comme une revendication d'être
l'enfant unique du couple"178 .

Deux couples ont emmené avec eux un grand-parent (une grand-


mère dans le premier cas, un grand-père, dans le second) alors
qu'ils venaient adopter un bébé. Dans les deux cas, cette expérience
nous a semblé positive dans le sens où les parents, disposant d'un
appui supplémentaire, ont passé un séjour moins perturbant et donc
plus agréable. Deux célibataires ont également emmené une
personne avec elles (un ami pour l'une, une amie, pour l'autre) et
cette présence s'est d'une façon similaire, avérée salutaire.

B - Les refus sur place et les demandes de changement d'enfant

Les refus ou rejets au moment de la mise en relation


enfant-parents, qu'ils soient le fait de l'un ou de l'autre des acteurs en
présence, représentent toujours des situations extrêmement
traumatisantes pour tous les protagonistes. Les étapes antérieures
du processus d'adoption, si elles sont bien menées, devraient

178 O. Ozoux Teffaine, Conférence, "L'enfant entre deux


vies" Liège (Belgique), mars 1991.

118
idéalement réduire au minimum la fréquence des refus. Ils existent
néanmoins et il importe de penser à la façon de les gérer. Avant
toute chose, les intervenants doivent essayer de comprendre ce qui
se passe. Dans la pratique, ce n'est pas simple car les adoptants ont
tendance dans ce cas à renvoyer sur les intermédiaires la
responsabilité de l'échec et à exiger qu'un autre enfant "plus
conforme" à leur désir leur soit confié.

Il n'est pas possible d'envisager ici tous les cas de figure possibles,
chaque situation étant unique et chaque problème ayant ses tenants
et aboutissants propres. La seule règle qu'il importe de respecter
dans ces moments-là serait celle qui consiste à ne jamais proposer
de suite un autre enfant aux candidats ou d'autres parents à l'enfant.
Une fois de plus, on échangerait des objets, pas des êtres humains.
Une nouvelle adoption sera peut-être possible ultérieurement pour ce
couple, pour cet enfant, mais personne dans ces moments de
confusion et d'émotion n'est en mesure de l'affirmer, et il faut se
donner le temps - notion essentielle ici encore - d'élaborer
mentalement et affectivement ce qui vient de se passer. Et cela vaut
pour l'enfant, pour les candidats parents comme d'ailleurs pour les
professionnels chargés du cas !

A ce niveau, la collaboration entre les deux équipes (celle du pays


des adoptants et celle du pays d'origine de l'enfant) en cas
d'adoption internationale, est plus nécessaire que jamais. Pour ce
qui est de l'enfant, un rejet de ce type tend à être vécu comme un
abandon et à alourdir encore son expérience douloureuse dans ce
domaine. Si c'est lui qui a repoussé les parents qui lui étaient
proposés, un suivi incluant une évaluation beaucoup plus fine de sa
problématique et à visée véritablement thérapeutique devrait pouvoir
être envisagé, afin de reconstruire avec lui un nouveau projet
d'avenir. Si le rejet est intervenu du côté des parents, il faut
absolument que cet élément soit rediscuté et travaillé avec l'équipe
responsable de leur sélection en tant que candidats adoptants car ce
peut être un signe de ce que la démarche d'adoption n'est peut-être
pas possible dans leur cas et, dans l'intérêt de tous, une telle
hypothèse doit être très sérieusement envisagée.

L'expérience a malheureusement montré que nombre de cas où


cette façon de faire n'avait pas été respectée et où des enfants
avaient été échangés, ou étaient arrivés dans une famille adoptive
en lieu et place d'un autre, proposé dans un premier temps mais
malade, ou décédé entre-temps, par exemple, avaient débouché sur
de grandes difficultés relationnelles dans la famille adoptive, allant

119
dans certains cas jusqu'à un rejet tardif de l'enfant ou de graves
perturbations de son équilibre psychique.

§2. Les rapports de suivi

Certaines législations, telles la loi italienne, la loi


française sur l'adoption et l'ancienne loi brésilienne sur l'adoption
plénière, prévoient que l'enfant, avant d'être adopté, doit passer par
une période probatoire d'un an (Italie), de 6 mois (France) ou d'une
durée déterminée par le juge en fonction de l'âge de l'adopté et
d'autres particularités du cas (Brésil). Cette disposition doit être
respectée sans discussion par les services compétents. Cette
exigence reflète le souci des législateurs d'aménager une période
d'observation de vie commune des parents et de l'enfant, avant que
la famille de substitution n'assume définitivement ce dernier en son
sein. Etant donné le caractère d'irrévocabilité de l'adoption plénière,
cette disposition est tout-à-fait pertinente.

Lors des adoptions locales au tribunal pour enfant de Porto Alegre,


les assistantes sociales ont pu observer l'évolution des familles dans
lesquelles elles avaient placé des enfants en vue d'adoption. Les
rencontres avec ces familles étaient programmées au tribunal, tous
les deux mois ou plus, selon le cas, pendant la première année de
vie de l'enfant dans son nouveau foyer. De nombreux couples se
sont montrés réticents envers cette exigence, affirmant que le
tribunal n'est pas un environnement souhaitable pour l'enfant dans la
mesure où il suggère un contexte policier, c'est-à-dire de répression.
L'équipe d'intervenants avait toutefois une interprétation différente de
cette attitude. Outre l'appréhension de ce qu'ils considéraient comme
un contrôle, il apparaissait à l'équipe que cette réticence des
adoptants allait de pair avec un souhait d'"oublier" les origines de
leur enfant, voire avec une angoisse de voir resurgir les parents
biologiques. En fait, l'équipe ne s'est jamais vraiment posé la
question de l'efficacité réelle de cette procédure. Aucune évaluation
n'a jamais été réalisée sur ce sujet. Par ailleurs, au cours de ces dix
dernières années au tribunal, les cas d'enfants retirés des familles
adoptives pendant la période probatoire ont été très rares.

Le problème s'est donc posé de façon aiguë lorsqu'ont commencé


les adoptions par des familles étrangères dans lesquelles ce type de
suivi n'était plus possible. D'emblée, le tribunal exigea que ces
familles envoient des rapports réguliers établis par des

120
professionnels compétents de leur pays, l'informant de l'évolution de
l'adaptation de l'enfant dans son nouveau milieu de vie, cela chaque
trimestre pendant un an.

Il est apparu rapidement que ces rapports n'arrivaient pas au tribunal


pour enfants, ou en tout cas, pas de façon régulière. Cette exigence
des autorités brésiliennes était en réalité contradictoire avec les
dispositions légales des pays d'accueil où, ces enfants étant
devenus par l'adoption plénière des enfants légitimes, les parents
n'étaient plus tenus légalement de rendre des comptes à leur sujet179.
Les difficultés les plus grandes et les plus fréquentes se sont
produites lorsqu'il s'agissait d'adoptions indépendantes (contact
direct entre le tribunal brésilien et les adoptants). Dans les cas où
l'adoption était réalisée par la médiation d'un organisme ou une
oeuvre d'adoption en revanche, ces rapports arrivaient sans grand
problème. Cet état de fait constitue une des raisons pour lesquelles
le tribunal renonça aux adoptions indépendantes.

Les éléments que devraient contenir ces rapports ont été déterminés
sur base de l'expérience acquise auprès des couples adoptants
brésiliens et formalisés en collaboration avec une assistante sociale
luxembourgeoise180.

Le modèle est le suivant :

• Développement général de l'enfant :

- santé;
- personnalité et caractère.

• L'enfant dans son cadre familial :

- l'enfant et ses frères et soeurs;


- l'enfant et ses parents;
- l'enfant et la scolarité;
- l'enfant et l'environnement extra-familial; ces différents points étant
à considérer d'un point de vue dynamique.

• Observations et avis de l'assistante sociale.

179 C'est un des points de discussion à la Conférence de la


Haye.
180 Il s'agit de Chantal HERR de l'Amicale Internationale
de l'Enfance asbl.

121
Un problème est assez rapidement apparu dans la collaboration
avec les organismes intermédiaires européens à ce niveau. Ceux-ci
en effet se sont avérés réticents à communiquer au tribunal brésilien
les informations pertinentes concernant l'intégration familiale des
enfants placés par leurs soins. En d'autres termes, les rapports
rédigés par certains services présentaient une nette tendance à
surévaluer les éléments positifs et, inversement, à taire les
problèmes se présentant dans le décours de la relation entre enfants
et parents. Il importe de comprendre que ces éléments d'information
revêtaient une importance capitale pour les professionnels brésiliens
qui, jusqu'alors, n'avaient aucune expérience de placement adoptif
d'enfants grands, racialement typés, et/ou présentant des problèmes
de santé ainsi que de fratries. L'équipe brésilienne attendait donc de
ces rapports sur l'intégration des enfants adoptés par les familles
européennes une sorte de "feed-back" sur un nouvel aspect de son
travail.

Un autre élément important à signaler est le suivant : le personnel


des institutions d'accueil des enfants au Brésil avait l'habitude de
recevoir de temps en temps, la visite de mères adoptives
brésiliennes, fières de venir montrer les progrès de leur enfant aux
"tias"181 qui s'en étaient occupées par le passé. De plus, il faut
prendre en considération le fait que l'adoption internationale, au
début de son instauration à Porto Alegre, focalisait les projections,
les rêves de ce personnel. Ces personnes étaient donc avides de
recevoir des informations sur la nouvelle vie, très idéalisée, de ces
enfants, sous la forme des rapports d'évolution, ainsi que des lettres
des adoptants et surtout des photos des enfants. Parallèlement, un
fond d'angoisse collective persistait, alimenté par les dénonciations
scandaleuses des médias sur le devenir de certains enfants adoptés
à l'étranger, qui seraient exploités à des fins d'esclavage, de
prostitution,...182. Ce type de projections est bien sûr le fait aussi de
membres de l'équipe du tribunal.

C'est dans ce contexte et ce climat très ambivalent qu'il faut


appréhender les réticences des services européens à relater de
façon "objective" les difficultés et conflits rencontrés par les familles
adoptives, dans la crainte que, si ces éléments étaient révélés, les
autorités brésiliennes ne les interprètent comme une remise en

181 Ce mot qui littéralement signifie "tante" est un terme


familier utilisé par les enfants brésiliens pour désigner
toute personne de sexe féminin avec laquelle ils ont une
relation privilégiée.
182 Infra.

122
question du travail de sélection des candidats qu'ils avaient effectué.
En dernière analyse, les intervenants européens redoutaient que "le
Brésil ne leur confie plus d'autres enfants".

Il est également clair que, réciproquement, il existe dans l'esprit des


professionnels brésiliens, une conviction floue, qui n'a jamais été
explicitement formulée, selon laquelle , si des problèmes très graves
venaient à se déclarer avec les enfants brésiliens dans les familles
européennes, il serait préférable que ceux-ci soient renvoyés au
Brésil plutôt que de terminer leur carrière dans des institutions de
leur pays d'accueil.

Il ressort de cet exposé qu'il existe un parallélisme étonnant entre la


relation qui s'établit d'une part, entre les adoptants et les intervenants
du service d'adoption responsables et du placement de leur enfant et
de la conduite du "suivi" de ce placement, et, d'autre part, entre ces
mêmes intervenants et l'équipe de placement familial du tribunal
brésilien, responsable du placement des enfants dans leur pays.
Cette relation est certes construite autour de la collaboration en vue
du bien-être de(s) l'enfant(s) concerné(s), mais peut se teinter aussi
d'ambivalence et de rivalité. C'est un peu à qui sera le parent idéal,
pourrions-nous dire. S'agit-il de soutien, d'aide ou bien de contrôle ?
A partir du moment où la société, responsable de la protection de
l'enfant en difficulté, a assuré le processus de sélection des
adoptants, processus qui se pose comme garant de l'enfant, "il est
logique", écrit un psychiatre, "que la société se retire, à partir du
moment où elle a accepté de déléguer ses responsabilités aux
parents : à notre sens, cette délégation est de type "tout ou rien"; si
c'est oui, il ne s'agit plus de contrôler, de surveiller, de conseiller, de
garder les parents dans un état de dépendance non voulue par eux.
C'est d'ailleurs ainsi que l'entendent une énorme majorité de
candidats qui nous oublient une fois les formalités terminées !"183. Un
autre auteur conforte cette position ce point de vue en faisant
remarquer que "la présence excessive de nos personnages risque
d'entraver le bon fonctionnement de la relation parent-enfant, de
gêner les parents dans l'acceptation du Roman familial de leurs
enfants adoptés. Leur assurance à s'accepter et à se revendiquer
auprès de leurs enfants comme parents à part entière, à la fois du
Roman familial et de la réalité peut s'en trouver paralysée"184.

La fonction première des intervenants doit prendre la forme d'une

183 J-Y Hayez et coll., op. cit., pp.186-187.


184 M. Soulé et coll., op. cit., pp.66-67.

123
disponibilité à l’égard des familles adoptives, lesquelles devraient
toujours avoir l'initiative du contact. Ces éléments constituent la
pierre angulaire de l'objet de ce travail de recherche.

Section 3 : Le coût de l'adoption

"...L'adoption, c'est un marché, du coeur et de l'amour,


certes, mais un marché"185.

Parler argent, coût, délai d'attente (de livraison), d'offre et de


demande, choque profondément lorsqu'il est question d'adoption,
d'enfant, de vie humaine186.

"Cette réification est condamnée par un grand nombre de législations


et plusieurs déclarations et conventions internationales; le Code civil
français l'interdit par la formule exclusive de l'article 1128 : ‘Il n'y a
que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l'objet
de conventions’. En l'espèce, c'est la transaction même qui est illicite
puisque le corps humain et plus encore la personne humaine, qui se
caractérise par son état indisponible, incessible et inaliénable, est
hors commerce"187.

Il résulte de cet état de fait un malaise, une réticence à aborder le


sujet, un "secret" presque sur les aspects financiers liés à l'adoption,
qui lie intermédiaires et adoptants. En fait, tout le monde soupçonne
tout le monde. Les responsables d'oeuvres d'adoption européennes
affirment que, bien souvent, lorsqu'ils expliquent le coût d'une
adoption réalisée par leur intermédiaire, leurs interlocuteurs s'affolent
du chiffre donné, interprétant immédiatement la somme mentionnée
comme un bénéfice indû pour l'oeuvre188.

185 Le Point 3/3/80 in Christine Goffaux, L'adoption,


Dossier Presse-Ecole, Trim. Actualquarto, Gerpinnes,
juillet 1982.
186 Une revue belge d'association de consommateurs,
spécialisée dans la comparaison de biens de consommation a
consacré un numéro spécial BUDGET-DROIT à l'adoption : les
enfants adoptables y sont envisagés sous l'angle du rapport
qualité/prix !
187 B. Trillat et S. Nabinger, "Adoption internationale et
trafic d'enfants : mythes et réalités",in Rev. Intern. de
police criminelle (Interpol), janv. fév. 1991.
188 Nous-même avons une longue expérience en la matière;
nous avons pendant des années été l'objet de suspiscion de
gains personnels liés à notre activité d'adoption avec des
familles étrangères.

124
Deux axes doivent être distingués dans l'analyse. Il faut envisager
tout d'abord le plan de la réalité, du concret : il existe un coût réel,
justifiable lié aux adoptions internationales. Et au-delà de ce coût
réel, se détache un coût symbolique de l'adoption, et il a une
influence fondamentale sur la façon dont ces questions sont
abordées, tant par les professionnels que par l'homme de la rue189.

§1. Le coût réel

Par exemple lors d'une adoption réalisée par des


étrangers à Porto Alegre, entre 1980 et 1985, les candidats
adoptants devaient :

- constituer un dossier
- le faire traduire en portugais par un traducteur juré
- le faire légaliser et l'envoyer
- se rendre (en couple) sur place
- y passer quelques semaines (maximum quatre) à l'hôtel
- payer les frais administratifs nécessaires sur place (timbres,
copies, passeport, ...)
- payer le billet de retour de l'enfant
- faire traduire les documents relatifs à l'identification de l'enfant et à
son adoption par un traducteur juré.

Il faut rappeler que la procédure d'adoption au Brésil est gratuite et


que les services d'un avocat privé ne sont absolument pas
nécessaires190 à Porto Alegre.

A ce sujet, les pratiques observées dans d'autres villes du Brésil où


les adoptants sont amenés plus ou moins systématiquement à

189 M.C. Le Boursicot dit à ce propos "l'enfant a un prix.


Force est de constater l'inégalité des situations entre
celle des parents qui ont recours aux P.M.A., prises en
charge par la Sécurité sociale, et celle des parents
adoptifs qui ne bénéficient d'aucune aide des pouvoirs
publics. Ainsi la question de l'argent mérite-t-elle d'être
abordée sans fausse pudeur, ni fausse morale.", "L'enfant
coûte que coûte", in Adoption, procréation médicalement
assistée, Informations sociales, n° 12, juin-juillet 1991,
pp. 63-67.
190 Le tribunal de Porto Alegre met gratuitement à la
disposition des adoptants, dans les cas où surgissent des
difficultés rendant leur intervention nécessaire, une
équipe d'avocats attachés au tribunal pour enfants et
dépendant du Cabinet du Procureur de l'Etat.

125
recourir aux services d'un avocat, où des frais leur sont réclamés par
les institutions d'hébergement des enfants soit en dédommagement
des dépenses encourues pour l'entretien de leur enfant (nourriture,
soins et examens médicaux, ...), soit sous la forme de dons plus ou
moins obligés, peuvent faire varier le montant des frais de séjour des
adoptants au Brésil, du simple au décuple. Un rapport français191 a
évalué le coût d'une adoption au Brésil en 1985, par demande
directe auprès d'un avocat, était estimé à 50 000 FF. Aux frais
énumérés, il faut éventuellement ajouter ceux impliqués par le
recours à un organisme d'adoption dans le pays des adoptants. La
responsable de l'organisme intermédiaire des adoptions pour la
Belgique avec le tribunal pour enfants de Porto Alegre estime que le
coût total d'une adoption à Porto Alegre, dans les conditions
antérieurement énumérées, avoisine les 30 000 FF. La majeure
partie de ces frais est imputable aux trois billets d'avion et aux frais
de séjour sur place des adoptants192. Viennent ensuite les
traductions assermentées indispensables, qui sont aussi d'un coût
très élevé. Il faut toutefois noter que cet organisme, qui fonctionne

191 A. Gokalp et C. Bertrand, L'adoption étrangère, une


aventure humaine complexe, I Rapport, Service Social d'Aide
aux Emigrants, étude réalisée pour le Ministère des
Affaires Sociales et de la Solidarité Nationale, Direction
de l'Action Sociale, 1986, p.33.
192 Ceci pose la question de la discussion des avantages et
désavantages comparés des deux systèmes utilisés dans les
adoptions internationales, à savoir le voyage des parents
au pays d'origine de l'enfant ou le convoyage de l'enfant
par un intermédiaire vers le pays
d'accueil.
Les parents qui se rendent dans le pays d'origine de leur
enfant peuvent se faire une représentation de ce qui a
constitué le milieu de vie de celui-ci jusqu'alors, et donc
lui en parler, lui en montrer des photos. De tels éléments
s'avéreront précieux par la suite, permettant à l'enfant de
reconstruire son histoire. Cette situation permet aussi,
pour autant qu'elle soit encadrée par des professionnels
compétents, de gérer au mieux le moment délicat de la mise
en relation parents-enfant.
Les enfants escortés en groupe, en revanche, vivent ce
moment dans des conditions beaucoup plus traumatisantes :
la personne qui les accompagne leur est généralement
inconnue, et il n'est pas rare qu'ils la confondent avec le
nouveau parent. Le film canadien "Un enfant loin d'ici"
(filmothèque du COPES) propose des images éloquentes à cet
égard. Et la "salle des pas perdus" de l'aéroport n'est pas
le milieu idéal pour un moment aussi capital de
l'établissement de la nouvelle filiation.

126
sur le modèle de l'"oeuvre"193, réduit au maximum la participation
financière demandée aux adoptants, le personnel qui y travaille étant
pratiquement bénévole194. La participation demandée couvre
essentiellement les frais réels de courrier, téléphone, bureau, ... A
l'autre extrême, les organismes fonctionnant sur le modèle de
l'"agence", que l'on rencontre essentiellement dans les pays
scandinaves optent généralement pour la formule inverse :
professionnalisation poussée et rémunération en conséquence, ce
qui augmente fortement la participation des adoptants195.

Force est de constater que, quels que soient le modèle et le mode


de fonctionnement de ces organismes, ils suscitent dans le public
des commentaires, voire des réclamations quant aux sommes
demandées en contrepartie de leur collaboration au processus
d'adoption. Comme dans la fable du meunier, son fils et l'âne196, il
apparaît véritablement qu'aucune alternative n'est jamais considérée
comme satisfaisante aux yeux du public.

§2. Le coût symbolique

Il apparaît bel et bien que ce qui gêne dans ce domaine,


c'est la notion d'argent, pourtant incontournable, liée à la démarche
adoptive. Par-delà la réticence culturelle à aborder les questions
financières touchant à la vie personnelle (salaire, dépenses,
patrimoine familial, ...), on se heurte à ce qui a été mentionné
comme étant le "coût symbolique" de l'adoption. Tous les fantasmes
de vol d'enfants, de vente d'enfants qui ont inspiré tant de mythes,
rôdent autour des professionnels qui, d'un côté ou de l'autre de
l'Atlantique, sont impliqués dans l'adoption. Mais de plus, l'adoption
d'un enfant est l'un de ces phénomènes qui réactivent en chaque être
humain les aménagements qu'il a réalisés, en son temps, de son
propre roman familial. De nos jours, précise un éminent psychiatre,
l'image de l'enfant est devenue telle dans notre société qu'il s'agit
désormais d'un héros de roman familial à qui il convient de donner
des parents idéaux, dignes de lui. Et les intervenants de l'adoption

193 cf. S. Nabinger et A.M. Crine, "Parents de l'ombre",in


Accueillir, Revue du S.S.A.E., Paris, sept-oct., n° 172-
173, p.26.
194 Certains professionnels reçoivent un salaire minimum
payé par l'Etat
195 cf chapitre II.2.4.
196 J. De La Fontaine, Fables, Livre troisième, Fable 1,
Ed. Prosvet, Belgrad, p.72.

127
glissent "facilement dans le rôle de ces parents idéaux en fonction de
leur Roman Familial(...)"197.

Dans cette optique, le prix payé pour une adoption apparaît bien
comme le prix payé pour la transgression que constitue toute
adoption, transgression de l'interdiction de procréer que constitue la
stérilité. Il s'agit en quelque sorte du prix du désir, ... et on le sait, le
désir n'a pas de prix.

Conclusion

L'importance des transferts d'enfants au sein de la


société brésilienne et du Brésil vers L'Amérique du Nord ou l'Europe
a été à l'origine d'une prise de conscience des gouvernements
successifs de l'aggravation de la situation de l'enfance abandonnée
dans ce pays.

En 1989, prônant la prise en compte de l'intérêt de l'enfant, le


législateur réformait l'ensemble du système de protection des
mineurs. Il modifie l'adoption en droit interne et facilitait l'adoption
internationale en instaurant des conditions d'adoption contraignantes
à l'égard des adoptants étrangers.

Mais, la spécificité de l'organisation étatique du Brésil, liée au


fédéralisme, une certaine autonomie des juridictions, auxquelles
s'ajoute un réel pouvoir des juges, firent que, depuis plus d'une
décennie dans certains tribunaux, les magistrats assistés d'une
équipe psychosociale, avaient fixé quelques règles afin que le
pouvoir judiciaire ne soit plus qu'une simple chambre
d'enregistrement de la volonté unilatérale des adoptants. Tel fut le
cas du tribunal de Porto Alegre qui, bien avant la réforme de 1989,
avait élaboré des dispositions du contrôle de l'abandon jusqu'au
prononcé de l'adoption, règles plus rigoureuses encore pour les
adoptants étrangers que pour les brésiliens.

On peut se demander dans quelle mesure, le travail et


l'organisation de l'ensemble de la procédure d'adoption ne
constituerait pas un modèle possible pour l'ensemble des juridictions
au Brésil.

197M. Soulé et coll., Le nouveau roman familial, ou on te


le dira quand tu seras plus grand, E.S.F., La vie de
l'enfant, Paris, 1983, p.66

128
DEUXIEME PARTIE : l'intégration
des enfants brésiliens adoptés par
des familles européennes

129
Titre I : La recherche et ses fondements
Chapitre I : Révision des études antérieures
Notre étude va se baser sur les points de vue d'illustres
auteurs qui ont fait des recherches scientifiques relatives à l'adoption
internationale. La polémique autour de ce sujet a conduit à des
débats divers qui ont ouvert des perspectives positives.

Wolfgang Kühl a tenté de "mesurer" la réussite de


l'adoption en évaluant si le fait d'être adopté et le fait d'être d'origine
étrangère sont des facteurs de risque psychopathologique pesant sur
le bon développement de la personnalité des enfants. Pour ce faire,
il compare ces enfants à des enfants allemands non-adoptés et à
des enfants adoptés d'origine allemande. Il utilise un questionnaire
envoyé à 202 enfants et à leurs parents et obtient un taux de réponse
de 80%. Les enfants ont entre 13 et 28 ans et leur âge au moment
de l'adoption se répartit de la façon suivante:

22% < 2ans


33% 2 - 6 ans
38% 6 - 10 ans
7% > 10 ans
dont 1,8% de "replacés"
Origine :
53% Coréens
26% Vietnamiens
21% Latino-Américains

Tous les enfants avaient été placés par Terre des


Hommes.
Globalement, les résultats sont très positifs: il ressort de
cette étude que ni le fait d'être étranger ni celui d'être adopté ne
semble influencer la santé mentale, l'intégration et l'image de soi de
ces enfants par rapport aux autres enfants. La réussite globale de
ces adoptions internationales est équivalente à celle observée dans
l'adoption nationale; dans la grande majorité des cas, une relation
parents-enfants satisfaisante et solide, c'est-à-dire essentiellement

130
une relation permettant aux acteurs concernés d'affronter la crise
d'adolescence, s'est établie.198

L'auteur insiste sur certaines précautions à prendre pour


avoir de réelles chances de succès lors d'une adoption:
- pour insérer un enfant adopté dans une fratrie, il
convient de respecter le rang qui lui revient dans cette fratrie, au vu
de son âge; par exemple, il faut au maximum éviter que l'adopté ne
prenne le rang d'aînesse d'un autre enfant.
- Il faut respecter un certain délai entre adoption et
grossesse.
La présence dans la famille d'enfants, biologiques ou
adoptés, est un facteur favorable à l'intégration d'un enfant d'origine
étrangère.
En outre, l'auteur fait remarquer que c'est chez les
adoptants d'âge plus avancé, qui ont déjà l'expérience d'enfant, que
les adoptés ont plus de chances de succès. Il recommande de
prendre en considération les attentes et désirs des candidats
adoptants en ce qui concerne l'âge de l'enfant qu'ils souhaitent
adopter. Il observe une tendance selon laquelle la probabilité de
réussite d'une adoption serait liée au niveau socio-professionnel des
adoptants: il y a, selon lui, plus de risques d'échecs chez les
adoptants de niveau socio-professionnel élevé.

Hoksbergen, dans des travaux menés en 1984,


mentionne qu'il y a une différence entre les familles adoptives qui ont
des enfants et les familles adoptives qui n'ont pas d'enfants. Selon
cet auteur, le risque d'échec est moindre chez les familles qui ont
déjà des enfants. Au cours de sa recherche, il relève que la moitié
des échecs observés émanent de familles qui avaient au départ des
enfants biologiques (la proportion d'échecs observée est deux fois
plus importante que celle que l'on pouvait statistiquement espérer).

Lorsque l'enfant présente un bon état de nutrition, les


parents sont, paradoxalement, souvent déçus. Il semble en effet
qu'inconsciemment les adoptants se représentent l'enfant qui va leur
être confié comme pauvre et mal nourri.

Analysant la relation entre l'âge de l'enfant et les


séquelles de négligences physiques et affectives, Hoksbergen

198 Cette réflexion est extraite de son ouvrage When


adopted children of foreign origin grow up...Adoption
success and the psychosocial integration of teenagers,
Terre des Hommes, Germany, Osnabrück, 1985

131
montre qu'à partir de 6 ans, on observe souvent des perturbations du
comportement importantes et persistantes, une incapacité à établir
des relations plus profondes avec des adultes ou des enfants, une
inadéquation des émotions dans différentes circonstances, une
incapacité à prévoir les réactions des autres, une agressivité sans
raison apparente, une tendance à établir des liens d'amitié de façon
superficielle et peu discriminante, une sensation d'enfermement, un
manque de concentration qui diminue la capacité d'apprentissage,
des mensonges et des petits vols. Ce sont les signes les plus
couramment observés chez les enfants adoptés.

Les travaux d'Hoksbergen montrent qu'il n'y a pas


corrélation positive entre la réussite de l'intégration de l'enfant
adopté et le "background" social des adoptants. Néanmoins, au
cours d'observations cliniques, cet auteur remarque que des parents
adoptifs de niveau culturel élevé et qui, par ailleurs, ont déjà des
enfants biologiques, ont tendance à avoir plus de difficultés. Celles-ci
semblent en relation avec le niveau d'attentes de ces parents à
l'égard de l'adopté.

En 1986, Hoksbergen en collaboration avec Spaan et


Waardeburg affirme que l'âge des enfants au moment du placement
dans les familles adoptives, la préparation "pédagogique" ainsi que
le suivi plus ou moins approfondi des parents adoptifs, sont des
éléments déterminants dans le succès ou l'échec observé dans les
adoptions internationales aux Pays-Bas. Ainsi, les enfants de plus de
six ans au moment de leur arrivée présentent plus de problèmes.

Dans une recherche publiée en 1988, les mêmes


auteurs mettent en évidence que plus l'enfant est âgé à l'arrivée, plus
la probabilité de son placement dans une institution hollandaise est
grande199. Toutefois, ils observent aussi que des enfants de moins de
6 mois ont été placés en institution par les adoptants.

Une autre variable importante semble être la durée du


séjour dans la famille adoptive. Chez les adoptants qui accueillent de
très jeunes enfants, contrairement à ce que l'on observe chez ceux
qui accueillent les enfants les plus âgés (au-dessus de six ans et
demi), le placement en institution a lieu moins de six mois après
l'arrivée de l'enfant dans la famille. Hoksbergen en conclut que joue
ici un facteur lié à la préparation des parents.
199 Ils considèrent comme échec de l'adoption le
replacement, par sa famille adoptive, de l'adopté dans une
institution hollandaise.

132
Duyme, dans une étude effectuée en 1981, observe que
les carences affectives vécues par l'enfant peuvent avoir un effet
plus important sur la vie relationnelle. Par exemple, les enfants
adoptés après huit mois sont plus nombreux à présenter des troubles
au cours leur adolescence. Il observe aussi un effet bénéfique de
l'adoption sur les enfants qui, non seulement arrivent à une réussite
scolaire plus élevée que s'ils étaient restés dans leur famille
d'origine, mais encore équivalente à celle d'enfants nés et élevés
dans des familles dont le milieu socio-culturel est semblable à celui
des parents adoptifs. Ce dernier résultat montre qu'en fait , les
parents adoptifs arrivent par leur action à compenser certaines
carences de la prime enfance. Les carences subies durant la prime
enfance n'ont d'effet que sur les échecs légers et seulement à
condition qu'elles soient prolongées jusqu'à 18 mois. Les troubles de
la socialisation et les échecs scolaires sont plus fréquents dans la
classe ouvrière que dans les autres classes sociales, alors que ce
sont d'autres types de troubles (névroses) qui prédominent dans les
classes de niveau culturel élevé.

Gardell I., dans ses recherches de 1979, arrrive à la


conclusion suivante: 43% des enfants étudiés ont souffert après leur
adoption de problèmes linguistiques. L'âge est, pour l'auteur, un
facteur important. Elle observe que les enfants perdent leur langue
d'origine rapidement et inévitablement; les enfants manifestent peu
d'interêt à la réapprendre par la suite et cette reprise est pour eux
aussi difficile que s'ils n'avaient jamais parlé cette langue. Elle
trouve ensuite que les problèmes d'adaptation à l'arrivée sont
étroitement liés à l'âge de l'enfant. Seuls quelques enfants arrivant
avant l'âge de dix-huit mois ont eu d'importants problèmes
d'adaptation contre 64% de ceux qui avaient six ans ou plus lors de
leur arrivée en Suède.

Gardell observe que près d'un enfant sur deux a


présenté des troubles affectifs pendant la période d'adaptation (peur
des adultes, des animaux, troubles du sommeil,...); quatre enfants
sur cinq ont présenté des troubles de type régressif.

Quant à Gunnarby et coll. en 1982, il a étudié le cas de


144 enfants de "County d'Uppsala". Leur état de santé à l'arrivée et
leur évolution par la suite montrent que les problèmes d'adaptation
mentale sont courants durant une période d'acclimatation. Beaucoup
(environ 40%) ont des difficultés liées à la nourriture et au sommeil.
L'anxiété, l'angoisse de séparation (18%) et des épisodes colériques,

133
de défi et d'agressivité (25%) sont fréquents, l'apathie (8%) et la
jalousie vis à vis des demi-frères et soeurs sont également
observées.

Magnusson et Pross, en 1979, réalisent une étude


montrant que les enfants présentent généralement un écart d'environ
d’un à deux par rapport à la moyenne en matière de taille et de
poids à leur arrivée en Suède. La moitié de cette déficience en poids
est compensée après six mois et la moitié de la déficience en
matière de taille après dix-huit mois. Après trois années passées en
Suède, les enfants ont les mêmes courbes de taille et de poids
moyens que les enfants suédois.

Gill et Jackson ont fait une étude, en 1983, évaluant


l'intégration familiale et extra-familiale, en suivant des enfants
adoptés considérés selon leur sexe. Les garçons ont présenté plus
de problèmes que les filles.

Vita Pruznan, en 1977, dans une de ses études portant


sur 16 groupes d'enfants âgés de 8 à 12 ans, nés à l'étranger et
adoptés au Danemark, constate que 90% de ces enfants ont des
frères ou des soeurs, enfants biologiques des adoptants ou adoptés.
Dans la majeure partie des cas, les relations entre les enfants
étudiés et la fratrie sont normales et satisfaisantes.

Une enquête menée par Terre des Hommes - France,


sur une période de dix ans (1968-1978) montre les résultats
suivants.
Durant cette période, 1500 enfants ont été adoptés par
l'intermédiaire de Terre des Hommes par mille familles. A l'heure
actuelle, ils sont devenus adultes. L'enquête est subdivisée en trois
étapes:
• 1ère étape : une enquête par questionnaire complétée par des
entretiens libres.
• 2è étape : dépouillement des questionnaires et recherche de
corrélations statistiques.
• 3ème étape : recueil du point de vue des adoptants où ils parlent
de leurs difficultés et des solutions qu'ils y ont apporté.

Parmi les 710 familles contactées, 451 ont répondu.


L'organisation générale des questions se décompose en:
I. Identification de la famille adoptive
II. Le projet d'adoption
III. Les enfants et leur famille adoptive

134
IV. La scolarité et la vie professionnelle des enfants
V. La vie sociale des enfants adoptés
VI. Les enfants adoptés et leurs origines

Chapitre II : La problématique et la méthodologie


de la recherche

Section 1 : L'objet, les finalités et les hypothèses


directrices.

Cette étude s'appuie sur l'expérience professionnelle de


l'auteur, expérience acquise au sein du tribunal pour enfants de Porto
Alegre. Dans le cadre général de la mission de protection des
mineurs qui est celle du tribunal, ce service suit les enfants de leur
famille d'origine jusqu'à leur famille de substitution.

Notre analyse tentera de recenser les diverses causes


de déconstruction de la parenté biologique dans le pays d'origine de
l'enfant et les éléments favorisant la reconstruction d'une filiation
sociale dans un pays d'accueil.

1. Quels sont les facteurs qui déterminent la rupture entre l'enfant et


ses parents biologiques?

2. Quelles sont les implications des carences précoces et des


séparations vécues par l'enfant sur son développement
psychoaffectif ultérieur ?

3. Quels sont les motifs pour lesquels les adoptants brésiliens


refusent d'adopter certains enfants ?

4. Quels sont les motifs qui poussent les étrangers à adopter un


enfant brésilien?

5. La reconstruction de liens affectifs satisfaisants est-elle possible


avec des parents adoptants étrangers ?

6. Quels sont les facteurs qui influencent l'intégration des enfants


dans un nouveau milieu et une nouvelle culture ?

Les questions 1 à 4 ont été examinées dans la première


partie de ce travail. Les questions 5 et 6 feront l'objet de la dernière
partie.

135
Cette recherche se situe clairement dans le cadre de la
recherche en travail social qui "a pour caractéristique de lier deux
domaines apparemment contradictoires : la théorie et l'action."

"Centrée sur la praxis, la théorisation de la pratique se


veut avant tout connaissance par et pour l'action. (...) elle comporte
une rétroaction sur la pratique" et "(...) ne se réduit pas à
l'objectivation rationnelle d'une expérience vécue." 200

La théorisation de la pratique a des objectifs de deux


ordres : "d'une part, maîtriser les situations d'intervention de plus en
plus complexes, affiner les compétences professionnelles, améliorer
la capacité de changement ; et d'autre part, constituer des corpus de
connaissances, développer des schémas explicatifs des situations,
élaborer des modèles." 201

L'objet de la recherche

Cette recherche envisage l'étude de la problématique


psychosociale d'un groupe d'enfants brésiliens originaires de l'Etat
de Rio Grande do Sul qui ont été adoptés par des familles
européennes dans la période qui s'étend de 1980 à 1985.

Finalité de la recherche

Objectif général :

Evaluer l'intégration des enfants concernés au sein des


familles adoptives, d'un point de vue psycho-socio-culturel.

Objectif spécifique :
Analyser la contribution respective des trois "acteurs"
impliqués dans ce processus, à savoir l'enfant, les adoptants et les
tiers obligés.

Hypothèses directrices de la recherche

200M. Duchamp, B. Boucquet, H. Drouard, op. cit.


201 Ibidem, p. 91. C'est dans un souci de cet ordre que
notre projet de recherche a été approuvé par le Conseil
National de Développement Scientifique et Technique
brésilien.

136
1. L'adoption d'enfants brésiliens par des étrangers offre une
possibilité de (re)construction de liens affectifs profonds et
satisfaisants.

2. La (re)construction de ces liens n'est pas possible pour n'importe


quel enfant dans n'importe quelle famille étrangère.

3. Cette (re)construction est possible malgré de nombreux obstacles


liés à l'âge, l'origine ethnique, la culture et les carences de
l'enfant, pour autant que le placement soit encadré de façon
adéquate.

Termes-clés :

Une définition opérationnelle de certains des termes-


clés auxquels nous faisons référence s'impose ici.

Le premier de ces termes est celui de carences. Notre


expérience nous amène à poser d'emblée que, à des degrés divers,
tous les enfants qui appartiennent à notre population d'étude
souffrent de carences affectives.202

En l'absence de protocole d'examen pédopsychiatrique


approfondi pour tous les enfants étudiés, il nous faut envisager une
série d'indicateurs permettant de déterminer approximativement le
niveau de carences dont souffre chaque enfant.

Les indicateurs relevés sont les suivants:

• l'âge auquel l'enfant a été éloigné de sa mère ou de son substitut


• la durée de l'éloignement
• le nombre de séparations vécues par l'enfant
• les mauvais traitements éventuels endurés

Le second terme qu'il nous importe de préciser


opérationnellement maintenant est celui d'intégration.

1. La notion d'intégration est quelque peu floue, extrêmement


relative et surtout un peu "fourre-tout". Elle comporte une part
d'éléments objectifs (tels le niveau d'acquisition scolaire) et

202 Sur les référents théoriques relatifs à ce concept


infra première partie.

137
d'autres beaucoup plus subjectifs, passant par le regard que les
parents en ont.

2. Elle suppose l'existence de deux éléments dont l'un doit


s'incorporer à l'autre.

L'intégration de l'enfant adopté sera envisagée à deux


niveaux :

a) familial : dans le couple parental et, secondairement,


dans la fratrie éventuelle. L'intégration familiale d'un enfant suppose
une harmonisation, un contentement réciproque entre parents et
enfants, et de façon secondaire, entre enfant adopté et fratrie.
L'intégration familiale d'un enfant est intimement liée au niveau
d'attentes des parents à son égard, depuis bien avant son arrivée
dans la famille. Ces attentes se distinguent à un niveau quantitatif
(sont-elles nombreuses ?), et qualitatif (sont-elles rigides, couvrent-
elles tous les domaines du développement et de la vie de l'enfant ?).
En outre, elles sont déterminées par plusieurs niveaux : individu,
couple, milieu socioprofessionnel, culturel, ...

b) social : L'intégration sociale de l'enfant sera


assimilée à l'intégration au milieu extra-familial et essentiellement au
milieu scolaire.

L'appréciation du niveau d'intégration de chaque enfant


de la population d'étude se fera sur base de deux types de données :
d'une part, des données fournies par les parents (quels sont les
comportements manifestés par leur enfant, comment y réagissent-
ils?); d'autre part, des données résultant de l'intervention directe du
chercheur: observation des comportements de l'enfant, des
interactions familiales, ... ainsi que l'opinion du chercheur en
résultant.

Nous estimons qu'il y a "réussite" de l'adoption si, après


avoir appliqué ces instruments d'appréciation, nous concluons à une
intégration de l'enfant. Et la condition sine qua non de cette
intégration réside à notre sens dans la construction -ou re-
construction dans certains cas - de liens affectifs profonds et
satisfaisants entre l'enfant et ses parents adoptifs.

Section 2 : Les instruments utilisés et les problèmes


méthodologiques

138
Dans cette section, les conditions de réalisation de la
recherche vont être présentées.

§1 Le recueil des données et leur traitement par des


méthodes classiques

Le but de cette recherche est essentiellement d'ordre


clinique et praxéologique. Les méthodes que nous avons choisies
pour ce faire sont :

A - Les méthodes de recueil

a) l'enquête par questionnaire (questionnaire envoyé par la


poste)
b) - l'entretien semi-structuré avec les adoptants
- l'entretien semi-structuré avec l'enfant
c) l'observation des interactions familiales

Ces deux dernières méthodes sont appliquées au


domicile des adoptants.

a) Le questionnaire

Cet instrument a été élaboré sur base d'un questionnaire


utilisé par le Centre d'Adoption de l'université d'Utrecht en Hollande,
comme point de départ des consultations données par ce centre en
cas de problème surgissant au niveau de la post-adoption. Remanié
par nos soins, ce questionnaire a fait l'objet d'une pré-enquête203
auprès de quatre familles belges ayant adopté neuf enfants entre
1980 et 1985. Les informations recueillies auprès de ces quatre
familles ont été incluses dans les résultats de notre recherche.

b) L'entretien

Option fut prise pour la technique de l'entretien semi-


structuré, la conversation étant orientée en fonction d'une grille, d'un
guide préétabli.

- Avec les adoptants

203 M. Lepropre, op. cit.

139
Nous conduisons l'entretien, dans un premier temps, sur
la façon dont les parents ont vécu la première année de vie
commune avec l'enfant, quelles difficultés se sont présentées,
comment l'enfant s'est développé (langage, motricité, ...), quelles
relations il a établies et avec qui (famille élargie, amis, ...), l'entrée à
l'école, ... Dans un second temps, nous abordons la suite de la
relation jusqu'à la situation actuelle. Comment l'enfant est-il chez lui,
à l'école ? Qu'est-ce qui fait problème ? Comment les parents
définissent-ils le problème ? A quoi l'attribuent-ils ? Comment le
vivent-ils ?

- Avec l'enfant

Nous commençons l'entretien avec l'enfant en lui


demandant s'il sait qui nous sommes. Puis, l'entretien porte sur les
thèmes déjà envisagés, dans le cadre de sa vie actuelle aux niveaux
familial, extra-familial et scolaire. Ensuite, nous lui demandons s'il
conserve des souvenirs du Brésil et lui disons quelques mots en
portugais. Aux plus âgés des enquêtés, nous demandons s'ils
aimeraient connaître un jour le Brésil.

Antérieurement à ces données recueillies en Europe,


d'autres informations ont été retirées des procès des enfants
archivés au tribunal de Porto Alegre, à savoir :

• fiche d'identification de l'enfant


• étude psycho-médico-sociale de l'enfant et de sa famille d'origine
• sentence judiciaire de "situation irrégulière"
• enquête psychosociale des candidats adoptants et sentence
d'adoption
• rapports de suivi de l'enfant et de la famille adoptive

La compilation des données provenant des procès a été


réalisée par nous au Brésil avant septembre 1987 ; l'autre partie du
recueil des données (envoi des questionnaires et visites à domicile)
a été réalisée durant notre séjour en Europe entre mi-89 et fin 91.

B - Le traitement des données

Les données ainsi récoltées sont utilisées dans une


approche essentiellement transversale. Les thèmes qui nous
intéressent (voir hypothèses directrices) sont étudiés sur l'ensemble
de la population interviewée sur base des informations recueillies

140
dans les procès des enfants, les questionnaires et les visites à
domicile.

Dans l'objectif qui est le nôtre, à savoir améliorer notre


pratique à la lumière des enseignements découlant de cette
recherche, il y a lieu de façon plus approfondie sur quelques
situations qui sont particulièrement illustratives.

La population étudiée

Entre 1980 et 1985, 124 enfants originaires de Rio


Grande do Sul ont été adoptés à l'étranger, 123 en Europe et un aux
USA. A l'origine, l'objectif poursuivi était de rencontrer les 123
enfants placés dans des familles européennes dans cinq pays.

La population concernée par l'enquête

I II III IV V VI
Luxembourg 22 18 2 1 0 1
France 24 22 0 2 0 0
Italie 18 12 0 3 3 0
Belgique 48 38 2 5 3 0
Allemagne 11 0 0 0 0 11
123 90 4 11 6 12

Ce tableau indique dans la première colonne le nombre


total d'enfants adoptés par pays, dans la deuxième, le nombre
d'enfants adoptés, effectivement pris en considération dans
l'enquête. Les trois colonnes suivantes reprennent les cas qui, pour
diverses raisons, ont été retirés de la population d'enquête.

Troisième colonne : elle reprend les enfants rencontrés


mais dont les parents ont envoyé le questionnaire trop tard pour
qu'ils puissent être pris en considération.

Quatrième colonne : sont ici mentionnés les enfants


interviewés avec leur famille mais pour lesquels le questionnaire
rempli par les parents adoptifs n'a pas été reçu.

Cinquième colonne : elle reprend le nombre d'enfants


dont les parents avaient déménagé et qu'il n'a pas été possible de
retrouver.

141
Sixième colonne : les cas qui y figurent sont :

- 11 enfants adoptés par des familles allemandes que


nous n'avons pu inclure dans notre population d'enquête pour des
raisons logistiques liées à la différence de langue.

- un enfant adopté au Luxembourg, décédé trois mois


après son adoption204.

Les problèmes méthodologiques

Au cours de cette recherche, un certain nombre de


difficultés ont surgi:

le matériel disponible dans les procès archivés au


tribunal de Porto Alegre n'était pas complet dans tous les cas, mais
parfois aussi très peu détaillé. Ainsi, pour certains enfants trouvés
dans la rue, il n'existe aucune information sur la famille d'origine.
L'évaluation neuro-pédiatrique et psychologique de la majorité des
enfants de la population étudiée est relativement sommaire. Seuls
les enfants qui présentaient un problème médical important avant
leur adoption disposent d'un dossier plus approfondi à ce niveau.

Notre pratique antérieure, notre engagement dans le


processus par lequel les enfants et les familles, sujets de cette
recherche, se sont rencontrés comporte des aspects positifs, mais
aussi des difficultés. En effet, comme cela a été noté :

"L'expérience familière permet le surgissement


d'intuitions profondes et la pertinence des questions de départ. C'est
parce qu'on est dans une telle proximité que l'on peut saisir les
subtilités, les nuances."205

En revanche, les principaux écueils, sont liés à


l'implication du chercheur et au rapport subjectivité / objectivité.

a) L'implication du chercheur est source de biais


potentiels dans l'observation et le recueil des données en général.

204Il s'agissait d'un bébé, mort de complications liées à


un mauvais état général avant l'adoption
205 M. Duchamp, B. Boucquet, H. Drouard, op. cit., p. 97-98

142
Selon les mêmes auteurs, "seule, l'analyse de
l'implication peut réduire les dérives"206. Cette analyse207 devrait
s'effectuer à trois niveaux :

1) "le niveau de l'implication psychoaffective du chercheur"


2) "le niveau historico-existentiel (appartenance socioculturelle
du chercheur)"
3) "le niveau structuro-professionnel (système de valeurs du
chercheur et fonction sociale de la recherche)"

Il faut examiner ces trois points à la lumière de l'équation


posée:

1) Il est indéniable que nous sommes personnellement


impliquée à un niveau psychoaffectif tant dans cette
recherche, que dans notre travail. Le Pr. Soulé souligne à ce
propos qu'en matière d'adoption, l'intermédiaire est plus
interpellé "dans sa personne" que "dans sa fonction". Il nous
apparaît relativement clair que, dans notre pratique
professionnelle, nous opérons une projection de notre propre
roman familial.
2) Nous sommes, ainsi que la plupart de nos collègues du
service d'adoption du tribunal, issue de familles originaires
de différents pays d'Europe.208 Ce n'est sans doute pas par
hasard si nous faisons des adoptions avec l'Europe, de
préférence à l'Amérique du Nord, par exemple.En revanche,
en tant que brésilienne, nous sommes parfois choquée de
certaines attitudes, de la rigidité, observée chez des parents,
du personnel enseignant, ... Et dans cette mesure, nous
avons tendance à "souffrir" pour les enfants lorsque nous
rencontrons cette attitude dans leur entourage.
3) A notre sens, un des problèmes essentiels de l'adoption
internationale, réside dans la frustration de ne plus pouvoir
voir de nos propres yeux les enfants après leur adoption.
D'où le caractère capital de notre recherche où, selon toute
vraisemblance, il était avant tout important de venir voir
comment allaient ces enfants.

b) Le rapport subjectivité / objectivité

206 Ibidem, p. 98
207 Modèle de R. Barbier, ibid, p. 98
208 C'est d'ailleurs le cas de la plupart des habitants du
Sud du Brésil

143
"Les pièges d'auto-justification, de légitimation sont plus
difficiles à éviter. Le danger est grand d'accorder le cadre explicatif à
ce qu'on aurait dit de toute façon et cela, indépendamment de toute
méthode et de toute mesure."209 Il est vraisemblable que ce
problème existe dans le cas de la présente recherche. Il a fallu
veiller à en diminuer au maximum l'impact afin que cette inévitable
subjectivité n'entrave pas trop la validité des conclusions.

Il convient de revenir sur l'implication au niveau


professionnel et d’approfondir la réflexion sur ce sujet. En effet, il
semble important de mentionner ici l'élaboration proposée par O.
Ozoux-Teffaine dans son ouvrage sur l'adoption tardive. Elle y
analyse la façon dont adoptés et adoptants investissent les
intermédiaires au niveau fantasmatique, et soutient que
"l'intermédiaire est le lieu de projection d'une image combinée : d'une
part, celle du sphinx du mythe d'Oedipe, qui serait une figure
archaïque de la mère pré-génitale dévoratrice (...) et d'autre part,
celle d'une figure maternelle d'origine dont le retour est toujours
fantasmatiquement possible".210

De là, l'attitude ambivalente des enfants adoptés ainsi


que des adoptants à notre égard, attitude faite de plus ou moins de
joie et d'angoisse selon le cas, mais toujours extrêmement chargée
d'émotion. Aux yeux des familles adoptives, nous en venons à
représenter le tribunal pour enfants, le Brésil, la terre d'origine des
enfants et nous faisons donc "figure de parent originaire"211. Comme
nous avons connu les parents biologiques de leur enfant, nous
prenons quelque part leur place dans l'imaginaire de l'adopté et des
adoptants ; "la perception de la première mère passe par l'énoncé
qui en est fait"212. Cette réflexion apparaît fondamentale dans
l'interprétation des informations et comportements recueillis.

§2. La discussion des résultats

Avant d'aborder la discussion des résultats, il nous faut


faire part de quelques réflexions à propos des visites réalisées au
domicile des adoptants.

209 Ibidem, p. 99
210 O. Ozoux-Teffaine, op. cit., p. 100
211 Ibidem, p. 161
212 Ibidem, p. 161

144
A - La visite à domicile

L'accueil de toutes les familles fut chaleureux, malgré


les tensions existant au sein de certaines d'entre elles et
l'ambivalence des sentiments nourris à notre égard. La façon dont
les enfants nous ont accueillie a attiré notre attention. Sans que nous
puissions savoir de quelle façon notre visite leur avait été annoncée,
nous avons pu observer plusieurs types d'attitudes à notre égard.
Une majorité d'enfants se sont montrés heureux de nous rencontrer
et de pouvoir nous questionner sur leur passé : ils souhaitaient savoir
comment ils étaient, petits, où ils vivaient, ce qu'ils faisaient, ...
Plusieurs ont demandé des nouvelles de frères et soeurs et d'amis
de leur petite enfance. Quelques-uns d'entre eux avaient compris
que nous étions leur mère biologique.213 Une minorité d'enfants a
disparu après nous avoir saluée, visiblement effrayés par notre
présence. Aux dires de certains parents, quelques enfants ont
exprimé la crainte que nous ne les ramenions au Brésil. La quantité
d'objets souvenirs du Brésil figurant dans la chambre de la majorité
des enfants, objets parmi lesquels trônait presque immanquablement
la carte géographique du pays, est le plus souvent impressionnante.

De nombreux parents nous ont montré, soigneusement


rangés dans une boîte, les vêtements que l'enfant portait le jour où
ils l'ont rencontré. La quasi-totalité des adoptants nous a montré les
albums-photos de la famille. Les albums commencent souvent par
une photo des adoptants à l'aéroport, au moment du départ pour le
Brésil. Les photos suivantes illustrent la rencontre avec l'enfant et
son milieu de vie puis l'arrivée dans le pays d'accueil. Le baptême,
événement central dans de nombreuses familles, apparaît comme la
cérémonie de présentation officielle de l'enfant à la famille et aux
amis. L'ensemble de ces photos est chargé de symboles, de rites de
passage témoignant de la nouvelle naissance de l'enfant et de son
entrée dans la famille. Une remarque particulière peut être formulée
à l'égard de la place de choix occupée par l'avion dans l'histoire et
l'imaginaire des enfants. Il apparaît bel et bien comme la version
moderne de la cigogne ; quatre enfants nous ont soutenu qu'ils
étaient nés dans l'avion.

Quant à ces visites, outre leur fonction d'observation et


de recueil d'informations, elles ont constitué un moment privilégié

213 En fait, ce sont les parents qui nous ont confié que
les enfants leur avaient demandé si nous étions leur mère
d'origine.

145
d'intervention à effet thérapeutique. D'une part, il est clair que le
travailleur social, par essence, mêle recherche et intervention avec
une finalité d'aide. D'autre part, nous ne pouvons oublier que nous
faisons, quelque part, partie de l'histoire familiale dans laquelle nous
sommes intervenue à un moment-clé. Pour plusieurs familles
adoptives, ce contact de type thérapeutique existait déjà avant la
recherche et s'est poursuivi par la suite. Ces familles ont tendance à
nous contacter dans les moments de doute ou de prise de décision
relative à l'éducation de l'enfant adopté.214

B - Analyse des non-réponses

Trente-trois enfants n'ont pu être intégrés à la population


étudiée pour les raisons suivantes:

1. Parmi les enfants rencontrés et dont les questionnaires ont été


envoyés en retard, tous vont très bien et n'ont pas de problème
majeur d'intégration familiale. Dans un cas cependant, il faut
signaler que si l'enfant concerné par notre recherche va très bien,
il n'en est pas de même pour son frère adopté ultérieurement par
l'intermédiaire du tribunal de Porto Alegre. Les problèmes vécus
par ce couple à cause de leur deuxième adoption étaient à ce
moment très douloureux, un entretien les mettait alors mal à
l'aise. Le retard dans l'envoi du questionnaire est sans aucun
doute lié à cette problématique.

2. En ce qui concerne les enfants que nous avons rencontrés avec


leurs parents mais pour lesquels le questionnaire ne nous a pas
été renvoyé, deux sous-groupes doivent être distingués :

quatre enfants, deux frère et soeur italiens et deux


soeurs françaises vont très bien et sont parfaitement intégrés dans
leur famille. Toutefois les deux soeurs adoptées en France ont
changé de famille suite à l'échec de leur adoption par la mère
célibataire à laquelle le tribunal de Porto Alegre les avait confiées.
Une association de parents adoptifs, interpellée à propos de ce
cas215, a assumé la responsabilité du choix de la deuxième famille et

214 Ces cas devraient faire l'objet d'études plus


approfondies envisageant les divers aspects du transfert et
contre-transfert en cause
215 Le Tribunal pour Enfants de Porto Alegre a été informé
de l'échec de la première adoption et du changement de
famille

146
a géré le changement de famille, encadrée par le tribunal français
compétent. La famille actuelle s'est vue confier la tutelle des deux
petites filles. Il nous a été très difficile d'entrer personnellement en
contact avec la famille adoptive actuelle. A ce jour, les raisons de
ces difficultés ne nous apparaissent toujours pas clairement ; nous
avons eu l'impression de nous heurter à une sorte de "loi du silence"
parmi les différents parents adoptifs qui sont intervenus dans la
résolution de ce cas. Une fois le premier contact établi avec la
famille, tant les parents que les deux petites filles ont développé une
excellente relation avec nous.

Pour cinq autres enfants, la situation est plus


problématique, bien que le degré de difficultés rencontrées varie
selon le cas.

Une famille a renvoyé un questionnaire rempli pour leur


fille adoptée mais non pour leur fils216. S'il est vrai que la relation de
ce couple avec leur fils a été problématique durant les deux
premières années, ces difficultés étaient passées au moment de
l'entrevue et paraissaient bien gérées par les parents qui en parlaient
relativement facilement. Cette omission s'interprète difficilement

Dans le cas de la seconde famille, l'absence de réponse


au questionnaire écrit moins étonnante. Ces parents acceptent mal
le retard et les difficultés scolaires de leur fille adoptée
vraisemblablement liés à des séquelles de négligence graves
pendant la première année de sa vie. Ils parlent difficilement de ce
problème qu'ils vivent comme une blessure narcissique. Néanmoins,
on peut considérer, par ailleurs, que cette enfant est intégrée dans
cette famille.

La raison de l'absence de réponse de la troisième


famille est claire et même exprimée par le couple concerné. Ces
personnes ont un souvenir traumatique des circonstances dans
lesquelles ils ont accueilli leur enfant. Le couple était venu à Porto
Alegre pour adopter un petit garçon, qu'ils ont refusé sur place. La
raison invoquée par eux était un handicap physique important dont ils
n'avaient effectivement pas été informés au préalable217. Toutefois

216Il s'agit de l’adoption de toute une fratrie


217 Le petit garçon souffrait de séquelles graves d'une
ostéomyélite mal traitée au niveau des hanches. Ce cas
illustre malheureusement une défaillance dans le travail de
l'équipe du tribunal brésilien qui avait mal évalué le
problème médical de l'enfant

147
les intervenants du tribunal ont estimé que le problème était plus
grave et que le petit garçon proposé ne correspondait absolument
pas à celui que le couple avait imaginé. D’un commun accord avec le
service d'adoption impliqué, un autre enfant a alors été proposé au
couple. Ces personnes ont vécu le refus du premier enfant comme
un abandon de leur part, et jusqu'à ce jour, ils en portent la
culpabilité. Ils ont arrêté toute relation avec l'organisme d'adoption et
vivent dans la peur de rencontrer un jour par hasard l'enfant en
question. Cette famille considérée comme particulièrement "à risque"
a été suivie régulièrement par la psychologue du service d'adoption
pendant la première année qui a suivi l'adoption. Bien qu'avec
beaucoup d'appréhension, le couple nous a bien reçue et nous avons
pu discuter très longuement de l'ensemble de la question. Leur fils
adoptif va très bien mais il présente des problèmes scolaires qui
préoccupent beaucoup les parents.

Une quatrième famille s'est montrée importunée par


notre visite et nos questions. Les difficultés qu'ils rencontraient à ce
moment, principalement avec l'aînée des deux fillettes qu'ils avaient
adoptées, les indisposaient envers ce genre de recherche. L'aînée
présentait effectivement des problèmes: cette enfant était
visiblement dysharmonique, elle avait un retard scolaire important et
paraissait déprimée ainsi que le reste de la famille.

Le dernier cas est celui d'une fratrie218.

Le couple qui a accueilli ces deux enfants a aussi quatre


enfants biologiques. Sa motivation était d'"aider un enfant
malheureux dans le besoin" ; il s'agit d'un motif purement
humanitaire, non fondé en fait sur un réel désir d'enfant. Aucun
souhait n'avait été émis quant à l'âge, le sexe, ...Venues pour
adopter un petit garçon de quatre ans, ces personnes ont insisté
pour emmener également le demi-frère de celui-ci, dont ils avaient
appris l'existence et qui se trouvait à ce moment dans une famille
d'accueil. Dès le début, le contact entre les adoptants et les enfants
fut distant : il est apparu que ces derniers ne correspondaient pas à
l'image que s'en faisaient les parents. Ils leur semblaient bien
nourris, intelligents et, finalement, heureux. Les problèmes sont
apparus très rapidement après l'arrivée dans la famille ; les conflits
avec les enfants tournaient essentiellement autour des questions
liées à la propreté (les enfants se souillaient de jour comme de nuit)

218A.M. Crine et S. Nabinger, A propos d'un cas de mauvais


traitements dans une famille adoptive

148
et la maltraitance s'est très vite installée. Ces parents, qui souffraient
horriblement ainsi que le reste de la famille, n'ont jamais accepté de
se séparer des deux enfants. Suite au dépôt d'une plainte, le tribunal
pour enfants du pays d'accueil a, dans un premier temps, retiré les
deux adoptés de la famille puis les a rendus au père, notable local,
qui était venu les réclamer dès le lendemain. Lorsque nous avons
rencontré cette famille, un suivi psychiatrique était en place et
l'intervention d'un tiers permettait à l'opposition des enfants de
s'exprimer verbalement et au dialogue de reprendre. Leur contact
avec nous fut bon car franc et honnête, bien que difficile. Mais le
couple n'a pas souhaité participer directement à notre enquête. Les
enfants dont les problèmes s'étaient jusqu'alors cantonnés aux
relations familiales, commençaient à manifester des difficultés dans
le milieu scolaire. Ce cas, le plus difficile que nous ayons rencontré,
a été à l'origine d'une réflexion et d'une remise en cause de toute
l'équipe concernée afin que des situations similaires ne se
reproduisent plus.

Certains enfants n'ont pu être rencontrés parce que la


trace de leur famille s'était perdue au fil du temps. Il s'agit de trois
enfants adoptés en Italie et de trois autres en Belgique. Pour cinq
d'entre eux, le contact a été maintenu à l'occasion des rapports
d'évolution des enfants ; ceux-ci étaient très positifs dans l'ensemble
et nous ne disposons d'aucune information nous amenant à
soupçonner la présence de problèmes particuliers. Pour un enfant en
revanche, nous avons plusieurs raisons de penser qu'il doit exister
des difficultés : en effet, depuis le tout début de la procédure, ce cas
a fait problème. Au niveau de la sélection de la candidature
d'adoption d'abord, où l'assistante sociale du tribunal italien
compétent avait remis un avis négatif, bien que l'"idoneitta" leur ait
été en fin de compte accordée. Un incident familial de dernier
moment avait empêché le mari de venir au Brésil. Le séjour de la
mère à Porto Alegre fut extrêmement angoissant et déstabilisant.
Ces rapports d'évolution ne pointaient pas de difficulté majeure dans
la relation adoptive mais ultérieurement des échos alarmants nous
sont parvenus par l'intermédiaire d'une autre mère adoptive.

Enfin, en ce qui concerne les onze enfants adoptés par


des familles allemandes, nous avons reçu des informations par le
biais des rapports d'évolution (irréguliers, vu l'absence
d'encadrement local et pauvres au niveau des enquêtes sociales),
ainsi que de lettres, photos et cartes postales. Grâce à
l'intermédiaire locale, nous avons pu entrer en contact par téléphone
avec certains adoptants, lesquels nous ont à cette occasion donné

149
des nouvelles d'autres familles. Quel que soit le degré de fiabilité de
ces informations, elles sont cependant suffisantes pour nous faire
croire qu'aucune situation grave n'est à déplorer. Toutefois des
doutes subsistent pour une famille où ont été placés deux enfants,
frère et soeur. Là encore, il s'agit d'un cas de changement d'enfant
réalisé dans l'urgence par les intervenants brésiliens parce que
l'enfant, originellement destiné à ce couple avait disparu de
l'institution où il était hébergé la veille de l'adoption. La décision des
adoptants fut très difficile et les rapports d'évolution envoyés par la
suite témoignaient de difficultés dans l'établissement de la relation.

150
Titre II : Les résultats de la recherche
Les données recueillies ont fait l'objet d'un traitement
statistique, dont les résultats bruts sont présentés sous la forme
d'histogrammes (Chapitre 1) qui seront interprétés ensuite au regard
des hypothèses formulées comme fondement de la recherche en
termes d'intégration socio-familiale des enfants brésiliens adoptés en
Europe (Chapitre 2).

Chapitre I : La présentation des résultats

Section 1 : Le profil des enfants et des parents

§1. Le profil des enfants

A - Au moment de la rupture du lien familial

Les principaux motifs du placement en institution.

50

45

40

35
Pourcentage

30

25

43,3
20

15

10
15,6
13,3
5 11,1
10
6,7
0
Situation Maladie Désintégration Maltraitance Enfant trouvé Autres
socio- mentale des familiale
économique parents

Il est évident que la situation socio-économique précaire


est le motif le plus fréquemment avancé par les parents biologiques
qui amènent leur enfant au tribunal. Mais par-delà cette raison qu'ils
mettent en avant, se cachent de nombreux facteurs beaucoup plus
difficiles à mettre à jour.

151
Les demandeurs du placement.

70

60

50
Pourcentage

40

64,4
30

20

26,7
10

5,6
3,3
0
Non indiqué Mère Père Père et mère

Il s'agit plus exactement des adultes qui accompagnent


l'enfant au moment de la constitution de son dossier au tribunal. La
grande majorité des enfants sont amenés au tribunal pour enfants
par leur mère. Un quart des enfants sont accompagnés par le père et
la mère (ou en tout cas, par la mère et le compagnon de celle-ci).

Distribution en fonction de l'âge au moment du placement en


institution.

L'âge des enfants au moment de la rupture avec leur


famille d'origine varie de quelques jours à huit ans, la moyenne se
situant aux environs de deux ans et quatre mois. La moitié des
"abandons" a lieu avant que l'enfant ait atteint 18 mois.

152
Distribution en fonction de la durée du placement en institution.

70

60

50

40

63,3
30

20

26,7
10

6,7
3,3
0
- de 1 an 1 an 2 ans 3 ans

La durée moyenne du séjour en institution est de 11


mois et demi ; le minimum est de quelques jours et le maximum, de
trois ans et demi.

B - Au moment de l'adoption.

1. Distribution en fonction du sexe.

60

50

40
Pourcentage

30
53,3
46,7
20

10

0
Masculin Féminin

La proportion de filles et de garçons dans la population


d'enquête est sensiblement égale. L'impression retirée du travail de

153
terrain au tribunal pour enfants de Porto Alegre, était que, parmi les
enfants confiés aux institutions, les garçons étaient majoritaires219, et
que, de surcroît, les candidats adoptants brésiliens étaient plus
demandeurs de petites filles que de petits garçons.

2. Distribution en fonction de l'âge au moment de l'adoption.

25

20

15
Pourcentage

23,3

10

14,4 14,4
12,2
5
8,9
7,8 7,8
6,7
4,4

0
- 1ans 1 an 2 ans 3 ans 4 ans 5 ans 6 ans 7 ans 8 ans

La population d'enfants présente deux modes quant à


l'âge.

219 A.M. Crine et S. Nabinger, "Le roman familial des


fratries dans l'adoption internationale; Moi, mon frère,
moi, ma soeur",in Dialogue n° 114, 1991

154
3. Distribution en fonction de la couleur de la peau.

60

50

40

Pourcentage
30

51,1

20
33,3

10
15,6

0
Blanc Noir Metis

Les enfants blancs prédominent (51 %), une minorité


sont noirs (15 %) et une proportion intermédiaire est de type métissé
(33 %).

Cette question relative à la couleur de peau et au type


ethnique des enfants est des plus délicates et confuses. La
catégorisation des enfants ici présentée est grossière et
éminemment subjective. Cette catégorisation a été réalisée à fins
purement opérationnelles par les intervenants du tribunal de Porto
Alegre dans le but d'essayer de décrire aux services d'adoption et
aux adoptants étrangers l'apparence physique des enfants
adoptables. Mais il est apparu très rapidement que ce que les
intervenants brésiliens qualifiaient de "blanc" et de "métis" ne
correspondait pas toujours à l'image que s'en faisaient leurs
homologues européens. De ce fait, ce point est particulièrement
sensible et occupe une place non négligeable dans la problématique
étudiée.

155
4. Distribution en fonction de l'appartenance à une fratrie adoptée.

40

35

30

25
Pourcentage

20

34,6
15 29,4

23,1
10

5 9,1

0
Luxembourg France Italie Belgique

Alors que le nombre de frères et soeurs en besoin


d'adoption est très important à Porto Alegre (ces fratries pouvant
compter jusqu'à 6 enfants), ce qui attire l'attention dans ce tableau
est la faible proportion de fratries adoptées en Italie.

5. Distribution en fonction de l'état de santé.

a) Etat nutritionnel.

70

60

50
Pourcentage

40

63,3
30

20

24,4
10
12,2

0
Bonne Malnutrition légère Malnutrition sévère

156
b) Infections.

80

70

60

50

Pourcentage 40
74,4

30

20

10
15,6
10

0
Pas d'infection Infection légère Infection grave

c) Développement psychomoteur.

45

40

35

30
Pourcentage

25

20 40

32,2
15
27,8

10

0
Pas de retard Retard léger Retard grave

d) Malformations.

100

90

80

70
Pourcentage

60

50
93,3
40

30

20

10
6,7
0
Pas de malformations Malformation grave

157
e) Séquelles de mauvais traitements.

90

80

70

60
Pourcentage
50

83,3
40

30

20

10
16,7

0
Non Oui

De façon générale, les enfants venant de Porto Alegre


adoptés en Europe n'étaient pas en mauvaise santé, mais un grand
nombre d'entre eux présentaient, au moment de l'adoption, un retard
psychomoteur plus ou moins prononcé. Ce problème, surtout marqué
chez les enfants les plus jeunes, est classiquement décrit chez les
enfants vivant en institution.

Les séquelles physiques de mauvais traitements dont


certains enfants sont porteurs et résultent, soit de maltraitance réelle,
soit de négligence : il s'agit essentiellement de cicatrices dues à des
brûlures d'origine diverse (cigarettes, eau bouillante, fer à repasser,
etc...) et à des coups. Chez certains enfants elles atteignent de telles
proportions qu'elles nécessitent des opérations de chirurgie
esthétique.

158
Distribution des adoptions pendant la période considérée (1980-
1985)
120

100

80
Nombre de cas

60 120

40
68
61
52
20

24
16 20
10 8
0 1 2
1980 1981 1982 1983 1984 1985

Brésil Etranger

§2. Le profil des adoptants au moment de l'adoption

A - Distribution en fonction de l'état civil des adoptants

a) Par pays

40

35

30

25
Pourcentage

20
38,8

15 31,3

25,5
10 21
19,4 19,4
16,4 16,4

5
7,5
4,5
0
Luxembourg France Italie Belgique

Célibataire Marié Total

b) Général

159
90

80

70

60

Pourcentage
50

88
40

30

20

10
12

0
Célibataire Marié

Les adoptions réalisées par des célibataires sont


minoritaires et elles se concentrent dans deux pays. Il s'agit dans
tous les cas de femmes vivant seules et sans compagnon220.

La situation de droit se double donc d'une situation de


fait, vraisemblablement liée au contexte socioculturel prévalant en
France et en Belgique. Cette relation adoptive particulière mériterait
une étude spécialisée plus approfondie.

2. Distribution en fonction de l'âge des adoptants au moment de


l'adoption

220A l'exception d'une Belge, veuve, et vivant en couple


stable depuis le moment de l'adoption, et dont le compagnon
a ultérieurement reconnu l'enfant.

160
Agedesmères

70

60
Pourcentage

50
40

30 61

20 35.6
10
0 3.4
-de30ans 30-40 +de40ans

Age des pères

80
70
60
Pourcentage

50
40
70.1
30
20
10 22.4
7.5
0
-de30ans 30-40 +de40ans

L'âge moyen des pères est légèrement plus élevé que


celui des mères, dans le cas des couples.

On note sur le tableau suivant que, dans le cas des


mères célibataires, l'âge moyen est de trois ans supérieur à celui des
mères mariées et d’un an à celui des pères.

En relation à l'âge des adoptants, la situation au


Luxembourg et en Belgique apparaît relativement similaire : la
majorité des adoptants ont entre 30 et 40 ans. En Italie, la
distribution des âges est relativement étroite : entre 35 et 39 ans
pour les mères et entre 36 et 46 ans pour les pères, avec une
majorité de plus de 40 ans.

En France, la distribution des âges est beaucoup plus


large : les pères ont entre 31 et 45 ans, et les mères entre 32 et 46
ans. Dans plusieurs cas, la femme est plus âgée que son conjoint.

161
3. Distribution en fonction des années de mariage au moment de
l'adoption

Belgique France Italie Luxembourg


Maximum 25 26 28 17
Minimum 5 5 6 5
Moyenne 11 12 11 10
Déviation standard 4 7 4 2

Les couples d'adoptants ont autour de onze


années de mariage. On retrouve dans ce tableau la caractéristique
déjà décrite dans l'échantillon français, à savoir, une très large
distribution allant de 5 à 19 années de mariage.

4. Composition des familles

Avant Après
Biol. Adoptés Adoption Biol. Adoptés Fam.
Belgique 7 2 18 3 8 13
France 10 5 22 6 3 17
Italie 0 0 12 0 0 11
Luxembourg 18 7 38 0 16 26

En Italie, la situation observée dans l'échantillon


d'adoptants est assez remarquable : aucun de ces couples n'avait
d'enfant avant d'adopter au Brésil, ni n'en a eu après (seul un couple
a adopté deux enfants brésiliens).

Avant l'adoption au Brésil, la situation observée dans les


familles luxembourgeoises, françaises et belges est pratiquement
semblable : les familles (à l'exception de deux belges) ont trois
enfants maximum, et le nombre d'enfants biologiques est de loin
supérieur à celui des adoptés.

Mais les choses se présentent de façon très différente


après l'adoption au Brésil. En France, six enfants sont nés après
l'adoption et seulement trois ont été adoptés, alors qu'en Belgique,
aucun enfant n'est né dans les familles adoptives, mais seize ont été
adoptés.

Quatre familles se distinguent des autres par le nombre


de leurs enfants. Il s'agit des deux familles belges et de deux familles

162
luxembourgeoises. Les deux familles belges ont, au moment de
l'enquête, respectivement dix et six enfants221, et les deux
luxembourgeoises ont chacune 6 enfants, dont deux gravement
handicapés. Ce phénomène de familles très nombreuses s'observe
en Belgique et au Luxembourg222. En outre, il est remarquable que
les femmes de ces couples s'investissent soit dans des organismes
d'adoption, soit dans des oeuvres d'aide au Tiers-Monde.

Dans les familles françaises, une famille qui avait déjà


quatre enfants biologiques, après avoir adopté pour des motifs de
type humanitaire, a eu un nouveau bébé. Dans les trois autres cas en
revanche, les familles ont adopté en raison de leur infertilité du
moment. Ces femmes jeunes ont procréé par la suite respectivement
trois, un et un enfants. Cette situation est classiquement décrite dans
la littérature relative à l'adoption où une infertilité généralement non
diagnostiquée cède après l'arrivée de l'enfant adopté. Certains
auteurs parlent à ce propos d'"enfant-remède".

5. Profession des adoptants223

a) Profession du père (67 cas)

80

70

60

50
Pourcentage

40
76,9

30

46,2 45,5
42,9 42,9
20
30,8
27,3 27,3
10
15,4 15,4
7,7 7,7 9,5
4,8
0
Luxembourg France Italie Belgique

Cadre supérieur Cadre moyen Petit cadre Ouvrier/agricult.

221 La famille comptait 7 enfants mais un enfant adopté est


décédé.
222 A.M. Crine et S. Nabinger, "Le roman familial des
fratries dans l'adoption internationale", op. cit.
223 Nous avons retenu pour notre population d'enquête la
classification socio-professionnelle élaborée par M. Duyme
dans sa recherche "Les enfants abandonnés", Rôle des
familles adoptives et des assistantes maternelles, édition
du CNRS, Paris, 1981, p. 58.

163
b) Profession de la mère (67 cas)
80

70

60

50
Pourcentage

40
76,9

65,4
30

47,1 45,5
20

27,3
23,5 23,5
10
15,4 15,4
9,1 9,1 9,1 11,5
7,7 5,9 3,8 3,8
0
Luxembourg France Italie Belgique

Cadre supérieur Cadre moyen Petit cadre Ouvrier/agricult. Non spécialisé

Au Luxembourg, la grande majorité des pères adoptifs


sont cadres supérieurs et la grande majorité des mères ne travaillent
pas à l'extérieur.

En France, la distribution des professions est plus


étalée; une légère majorité d'hommes sont cadres supérieurs et une
légère majorité de femmes sont inoccupées.

En Italie, la distribution des professions est également


plus étalée mais les majorités, faibles elles aussi, se trouvent à des
endroits différents : une petite majorité d'ouvriers/agriculteurs pour
les pères et de cadres moyens pour les mères.

C'est en Belgique que les mères adoptives présentent le


taux le plus élevé de formation professionnelle, de loin supérieur à
celui des pères. Les sept célibataires de cet échantillon interviennent
bien sûr dans cette tendance. Quant aux pères, une petite moitié
travaillent comme cadres supérieurs et une autre comme
ouvriers/agriculteurs.

164
6. Lieu de résidence par pays et type d'habitation
a) Lieu de résidence

90

80

70

60
Pourcentage

50

40 81,8

30 61,5 58,8
50
20
29,4 30,8
23,1
10 18,2 19,2
15,4
11,8
0
Luxembourg France Italie Belgique

Ville Village Campagne

b) Type d'habitation/famille adoptante par pays (67 cas)

90

80

70

60
Pourcentage

50

84,6
40

63,6
30
50
20 41,2 41,2 42,3
36,4

10 17,6
15,4
7,7
0
Luxembourg France Italie Belgique

Appartement Maison jumelée Maison isolée

Au Luxembourg, une majorité d'adoptants vit dans des


villages, et des maisons isolées.

Au contraire, en Italie, quatre familles sur cinq vivent en


milieu urbain et, pour la plupart, en appartement.

En France, la moitié des adoptants habite en ville, mais


la proportion d'appartements est égale à celle des maisons isolées.

165
En Belgique, les adoptants se répartissent entre ville et
campagne, mais vivent presque tous dans des maisons.

Section 2 : Le vécu de l'adoption par les parents et


les enfants
On peut examiner maintenant comment parents et
enfants ont vécu le débu de l’adoption.

§1. La période préadoptive et l'adoption proprement


dite

A - Avant l'arrivée de l'enfant

Temps écoulé entre la première démarche en vue de l'adoption et


l'acceptation par un service d'adoption (en mois)

Luxembourg France Italie Belgique


Moyenne 8,7 16,3 42,4 22,3
Maximum 24 48 180 84
Minimum 1 1,5 10 0,3
Cas manquants 3 0 1 2

Chacun des pays concernés par la recherche organise


les procédures de pré-adoption de façon différente. Ainsi, en Italie,
les candidats à l'adoption sont passés par l'étape obligée de la
procédure d'agrément des personnes organisée par les institutions
locales compétentes. Mais, après cette procédure, la relation avec le
tribunal pour enfants de Porto Alegre s'est réalisée directement, sans
médiation par des organismes. En France, la situation de l'époque se
présente de façon très similaire à celle de l'Italie. En revanche, en
Belgique et au Luxembourg, le travail s'est d'emblée organisé par
l'intermédiaires de services d'adoption privés (un en Belgique, un au
Luxembourg). En l'absence de législation relative à un agrément des
personnes, ces services ont assuré la sélection des candidatures à
l'adoption.

Bien que le temps moyen écoulé entre la première


démarche réalisée par les adoptants dans chacun de ces quatre
pays et l'acceptation de leur candidature ne diffère pas de façon

166
statistiquement significative, il apparaît cependant que les
différences observées entre les chiffres relatifs à l'attente minimale
(10 jours en Belgique contre 10 mois en Italie), comme à l'attente
maximale (2 ans au Luxembourg, contre 15 ans en Italie !) reflètent
dans une certaine mesure les différences d'encadrement judiciaire et
administratif susmentionnés. Mais aussi rigoureux - voire lourd - soit
cet encadrement, il ne peut à lui seul justifier la longueur du délai
observée en Italie. Des entretiens cliniques menés auprès de ces
familles, nous avons conclu à des différences culturelles
importantes, notamment quant à la façon de considérer le mariage,
la procréation et la famille au sens large. Certains couples ont
attendu plusieurs années avant de se marier et de décider d'avoir
des enfants, parce qu'ils s'occupaient de façon prioritaire de leurs
propres parents âgés, dont ils ne se sont séparés qu'à la mort de
ceux-ci. Dans de telles conditions, il ne nous pas étonnant que les
délais d'attente subjective de l'enfant paraissent aussi longs à
certains candidats.

De toutes façons, il est remarquable de noter combien


les adoptants dramatisent la période qui précède l'adoption de leur
enfant. En atteste par exemple le cliché célèbre qui voit dans les
démarches pré-adoptives un "parcours du combattant". Il semble
vraisemblable que les adoptants estiment le délai en question, non
pas à partir de la première démarche administrative, mais plutôt à
partir de l'émergence du désir d'enfant dans leur couple et qu'en
conséquence, ce délai apparaisse subjectivement plus long qu'il
n'est en réalité.

13. Nombre de services d'adoption auxquels les candidats se sont


adressés

Luxembourg France Italie Belgique


Moyenne 2 9 2 4
Maximum 4 0 3 30
Minimum 1 1 1 1
Cas manquants 1 0 1 2

A cet égard, une différence significative apparaît entre la


façon de procéder des candidats français et celle des candidats
luxembourgeois et italiens, les candidats belges se situant entre les
deux extrêmes.

Cette observation appelle plusieurs commentaires :

167
1) Il existe en France un réseau de services d'adoption
relativement étendu et structuré. La Belgique disposait également à
cette époque de nombreux services d'adoption. Au Luxembourg, en
revanche, le nombre de tels services était très restreint (ce qui
semble cohérent vu la taille du pays). Quant à l'Italie, la situation qui
y prévalait, était quelque peu différente : alors que plusieurs services
d'adoption fonctionnaient, les candidats adoptants hésitaient à y
recourir, et ce, pour divers motifs (plusieurs scandales en matière
d'adoption internationale ayant défrayé la chronique, les organismes
d'adoption imposaient des délais d'attente importants et réclamaient
des frais d'inscription élevés). Cette position hésitante par rapport
aux services était d'ailleurs partagée par le tribunal pour enfants de
Porto Alegre.

Quoi qu'il en soit, il n'existait à l'époque ni cinquante


organismes en France, ni trente en Belgique, ainsi que nous l'ont dit
certains adoptants. On voit ici que la notion même de service
d'adoption n'est pas claire pour de nombreux candidats et se confond
vraisemblablement avec celle d'intermédiaire au sens large224.

14. Temps écoulé entre l'acceptation dans un service d'adoption et


l'arrivée de l'enfant

Luxembourg France Italie Belgique


Moyenne 6 6,5 10 6
Maximum 12 12 24 19
Minimum 0,5 1 2 1
Cas manquants 0 0 1 1

On n'observe pas de différence significative entre les


délais d'attente existant dans les quatre pays. Certaines des
remarques formulées pour la question 12 restent sans doute
néanmoins valables ici.

15. Intermédiaires de l'adoption

Cette question était inadéquate dans le contexte, elle ne


sera donc pas prise en considération.

16-17. Avis sur la procédure de sélection des candidatures

224Voir à ce sujet l'article de A.M. Crine et S. Nabinger,


"Les Parents de l'ombre", op. cit.

168
a) Pensez-vous qu'une sélection des demandes d'adoption est utile ?
35

30

25
Pourcentage

20

31,3
15

10
17,9
16,4
13,4
5
7,5
4,5
1,5 1,5 1,5 1,5 1,5 1,5
0
Luxembourg France Italie Belgique

Oui Non Peut-être Je ne sais pas

b) Comment avez-vous vécu le processus de sélection ?

30

25

20
Pourcentage

15
26,8

10

11,9
5 9
9 9
7,4 7,4
6
4,5 4,5
1,5 1,5 1,5
0
Luxembourg France Italie Belgique

Sans réponse Bien Très Bien Mal

La réponse des adoptants à cette question est


résolument positive: 4 personnes sur 5 pensent qu'une sélection des
candidatures d'adoption est utile.

Il est intéressant de confronter les réponses fournies à la


question 17 à celles de la question 16. La question 17 personnalise
le sujet en visant directement l'adoptant interviewé dans son propre
vécu. On s'aperçoit ici que près de la moitié des adoptants français
ont mal vécu le processus de sélection. Dans quelle mesure ne
faudrait-il pas envisager que certaines des nombreuses non-

169
réponses à cette question soient à interpréter comme des réticences
à exprimer une opinion également négative.

18. Préparation à l'adoption

a) Avez-vous reçu une préparation à l'adoption ?

20

15
Cas (67)

10 20

15

5 10
9
7

3
2
1
0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

Lecture d'ouvrages spécialisés, films, ...

25

20

15
Cas (67)

23
10

11
5
9
8
6
4 4
2
0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

170
c) Rencontres de famille adoptives

20

15
Cas (67)

10

16
14

11
5
9

6
4 4
3

0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

d) Participation à des groupes de préparation à l'adoption

25

20

15
Cas (67)

23
10

13
12
5
8
5
4
2
0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

e) Consultations auprès de psychothérapeutes

171
30

25

20
Cas (67)

15
27

10

11 12
5
7
5
2 3
0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

f) Autres types de préparation

25

20

15
Cas (67)

22
10

13
12
5 10

4 5

0 1

Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

La réponse globale à la question concernant la


préparation à l'adoption vécue par les candidats apparaît de prime
abord largement positive. Il est toutefois très éclairant de considérer
de façon séparée les sous-réponses à cette question. Peu de
candidats ont eu recours à des ouvrages spécialisés sur la question,
et moins encore ont eu l'occasion de participer à des groupes de
préparation à l'adoption, formule qui, à l'heure actuelle, est prônée
dans la plupart de ces pays.

La forme de préparation la plus usitée consiste dans la


rencontre avec d'autres familles adoptives, soit spontanée, soit
recommandée par les organismes d'adoption.

172
19. Informations reçues sur l'enfant proposé

Une grande majorité d'adoptants dit avoir reçu des


informations sur l'enfant qu'ils ont adopté. Il n'est malheureusement
pas possible d'en préciser la nature étant donné la forme de la
question posée225.
La proportion de personnes qui n'ont pas reçu
d'information - en l'occurrence une famille sur quatre - est
impressionnante. En effet, si on cumule les réponses "non" aux
réponses "il n'existait pas d'information", on s'aperçoit qu'entre 21 et
27 % des parents n'avaient pas reçu, pour une raison ou une autre,
d'information sur leur enfant avant de l'accueillir.

20. Autres propositions d'enfants

25

20

15
Cas (90)

22
10
17

13
12
5 10

6
5
3
2
0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui Indifférent ou on n'a pas fait de


demande spécifique

La majorité des adoptants n'a reçu aucune autre


proposition d'adoption que celle de l'enfant qu'ils ont effectivement
accueilli. Néanmoins, même si ces cas représentent une minorité226.

Il est intéressant de réfléchir davantage sur les réponses


positives à cette question. Celles-ci recouvrent deux types de
circonstances :

225 Une question fermée comprenant autant d'items que de


types d'information aurait été préférable
226 Les réponses positives concernent tout de même une
famille adoptive sur trois en Belgique.

173
1) d'une part, les situations où l'enfant initialement prévu pour
telle famille n'a pu lui être confié pour diverses raisons :
maladie intercurrente, problèmes juridiques, décès,...
L'expérience a montré qu'un événement de ce type était le
plus souvent vécu de façon très traumatique par les
adoptants.
2) D'autre part, les circonstances où les candidats refusent la
proposition qui leur est faite d'adopter tel ou tel enfant.

C'est tout le problème du "matching" dans son ensemble


qui est posé ici. Il est clair qu'il est de loin préférable que les
adoptants puissent refuser la proposition d'accueillir un enfant qui,
pour divers motifs, s'éloigne trop de leurs attentes. Mais la question
reste entière de savoir comment sont encadrées la proposition et la
réponse qui lui est associée (acceptation ou refus). A cet égard, on
peut remarquer qu'il existe des refus dans les quatre pays,
indépendamment de l'existence d'intermédiaires structurés sous
forme de services d'adoption. Notre expérience nous a permis de
comparer la qualité de l'encadrement fourni en direct par les
assistantes sociales du tribunal brésilien et celle de l'encadrement
proposé par les organismes d'adoption.

Dès lors, la quantité de refus en Belgique et au


Luxembourg doit vraisemblablement être relativisée par la qualité de
l'encadrement qui a été fourni par les services d'adoption aux
candidats concernés dans ces circonstances.

21. Souhaits émis par rapport à l'enfant.

Le critère le plus souvent pointé par les candidats est


celui de l'âge de l'enfant. Viennent ensuite, plus ou moins à égalité,
le sexe et la couleur de peau. Les souhaits quant à l'état de santé de
l'enfant ne sont pas toujours exprimés mais sont généralement sous-
entendus. Plusieurs candidats n'expriment aucun souhait spécifique.

22. Correspondance entre l'enfant proposé et l'enfant demandé

Sexe correspondant à la demande

174
90

80

70

60
Pourcentage

50

83,3
40 77,3
66,7
30 57,9

20
33,3 34,2

10 22,7
16,7
7,9
0
Luxembourg France Italie Belgique

Oui Non Indifférent

Age correspondant à la demande

80

70

60

50
Pourcentage

40
72,2 75

63,6
30
55,3

20
36,4
31,6

10 22,2
16,7
13,2
5,6 8,3
0
Luxembourg France Italie Belgique

Oui Non Indifférent

175
Couleur correspondant à la demande

80

70

60

50
Pourcentage

40 77,3

66,7
63,2
30
50
20 38,9
33,3 34,2

10
13,6
11,1 9,1
0 2,6

Luxembourg France Italie Belgique

Oui Non Indifférent

Etat de santé correspondant à la demande

80

70

60

50
Pourcentage

40
76,3
72,2
68,2 66,7
30

20

22,2 22,7 25
10
15,8
9,1 8,3 7,9
5,6
0
Luxembourg France Italie Belgique

Oui Non Indifférent

Dans les cas de réponse négatives, importance des


critères pour l'adoptant

176
70

60

50
Pourcentage

40

66,7
30
53,3

20 40 40
35,7
33,4
28,6 26,7
10 20 20
14,3 14,3
7,1
0
Luxembourg France Italie Belgique

Age Sexe Couleur Etat de santé Pas de réponse

Dans quelle mesure cela a-t-il fait problème ?

100

90

80

70
Pourcentage

60

50 100

40
73,3
64,3
30 60

20 40

10 21,4 20
14,3
6,7
0
Luxembourg France Italie Belgique

Pas trop important Gênant au départ Hésite à accepter pas de réponse

Il apparaît que les réponses aux différentes sous-


questions permettent de distinguer deux groupes de critères : d'une
part, le sexe et la couleur de peau de l'enfant et, d'autre part, son âge
et son état de santé, le second groupe étant considéré comme
important contrairement au premier.

C'est au niveau de l'âge que les enfants proposés


différaient le plus des enfants demandés, puis, au niveau de l'état de
santé.

Les réponses fournies par les adoptants à ces questions


appellent les commentaires suivants:

177
1) La plupart des enfants brésiliens adoptables par le biais du
tribunal de Porto Alegre étaient relativement âgés. Dès lors, la
tendance générale était de proposer aux candidats un enfant dont
l'âge correspondait à la limite supérieure -voire un peu plus dans
certains cas - de la fourchette d'âge souhaité.

2) En ce qui concerne l'état de santé, il est objectif que plusieurs


enfants se sont avérés plus affectés (handicaps, infections,
conséquences de malnutrition, troubles psychoaffectifs, ...) qu'il
n'apparaissait dans l'évaluation effectuée au Brésil.

3) En revanche, des réponses des parents adoptifs concernant le


sexe de l'enfant et surtout sa couleur de peau sont étonnantes.
Dans notre expérience de terrain, cet élément particulier a
toujours été un objet de préoccupation central pour un grand
nombre de candidats. Il est d'ailleurs remarquable que les
souhaits exprimés par les candidats quant à ces deux critères
sont interdépendants. Il faut comprendre par là qu'une couleur de
peau foncée et un type ethnique marqué sont plus facilement
acceptés chez une petite fille que chez un petit garçon.

4) De façon générale, oser exprimer des souhaits précis et assumés


quant à la couleur de peau d'un enfant est chose délicate227. De
plus, exprimer une déception par rapport aux attentes antérieures
est également très délicat, surtout sous la forme impersonnelle
d'un questionnaire écrit.

Enfin, une majorité de candidats s'accorde à dire que la


non-correspondance entre l'enfant proposé et l'enfant demandé
n'était pas trop importante pour eux.

B - La rencontre enfant-parents

23. Correspondance entre les informations reçues et l'enfant réel

227 Seuls les candidats italiens et quelques français


s'exprimaient clairement sur le sujet, ce qui n'apparaît
nullement dans les réponses au questionnaire.

178
80

70

60

50
Pourcentage

40 79
72,7 75
66,7
30

20

27,3
10
16,7 16,7 15,8
11,1
8,3 5,2
5,5
0
Luxembourg France Italie Belgique

Oui Non Pas de réponse Pas d'informations

Une majorité d'adoptants de chaque pays estiment que


l'enfant qu'ils ont rencontré au Brésil correspondait aux informations
qu'ils en avaient reçues. Toutefois, sur un critère ou un autre, un
adoptant sur cinq (en Belgique) et un adoptant sur trois (au
Luxembourg) n'est pas de cet avis.

23.1 Sinon, cela vous a-t-il gêné ?

80

70

60

50
Pourcentage

40
75
66,7 66,7
30
50
20
33,3 33,3 33,3
25
10
16,7

0
Luxembourg France Italie Belgique

Oui Non Pas de réponse

Il est intéressant de considérer les réponses à cette


question parallèlement à celles fournies à la sous-question 22.6.
Alors qu'une majorité de candidats se disaient peu gênés par
l'absence de concordance entre enfant désiré et enfant proposé
avant de partir au Brésil, les choses se présentent différemment

179
lorsque les parents sont confrontés pour la première fois à la réalité
de cet enfant qui leur est destiné.

Les réponses par les adoptants luxembourgeois et


français retiennent particulièrement l'attention : la France surtout, où
deux tiers des personnes qui avaient manifesté la non-
correspondance entre l'enfant rencontré et les informations reçues au
préalable avouent franchement avoir été gênées. En interprétant
également les non-réponses des candidats luxembourgeois comme
une gêne , la proportion est équivalente (deux candidats sur trois).

Cette observation correspond tout à fait à notre


expérience de terrain. Il nous a été donné d'assister à des scènes
extrêmement pénibles de déception des adoptants au moment de la
rencontre de l'enfant qui leur était destiné. Chez plusieurs couples
français et luxembourgeois, cette déception a pris des proportions
telles qu'une mère a été prise de nausées et de vomissements à la
vue de l'enfant, une autre a hésité jusqu'au dernier moment à
accepter la petite fille, ...Notons toutefois que ces personnes ont
emmené l'enfant proposé et ont accepté de répondre ultérieurement
à notre questionnaire.

Dans d'autres cas extrêmes de refus sur place de


l'enfant par les candidats, où le tribunal pour enfants de Porto Alegre
a pris la décision de proposer un autre enfant aux candidats, ces
adoptants ont refusé de collaborer à l'enquête.

24. Premier souvenir

Pour la moitié des adoptants le souvenir conservé est


agréable, positif; en revanche, pour un quart il est synonyme de
choses ou d'évènements déplaisants, décevants, voire pénibles.
Enfin, les derniers témoignent de souvenir mitigé où se mêlent les
éléments agréables et déplaisants.

25. Correspondance entre enfant réel et enfant imaginé

180
60

50

40
Pourcentage

30
52,4

44,5
20 41,7 41,7 42,1

26,3 26,3
10 22,2 22,2
19
16,6
14,3 14,3
11,1
5,3
0
Luxembourg France Italie Belgique

Non tout à fait +/- indifférent Oui Pas de réponse

Ce tableau vise des éléments éminemment subjectifs


(enfant imaginaire) difficilement dissociables des éléments "objectifs"
que sont les informations reçues avant de le rencontrer. Il s'agit ici
d'approcher le recoupement entre enfant imaginaire et enfant réel.
D'emblée, le profil des histogrammes apparaît beaucoup plus aplati
et homogène que celui de ceux obtenus pour les autres questions.
La proportion de réponses positives ne dépasse pas 52 % et dans
chaque pays, quelques adoptants disent ne pas avoir ressenti de
correspondance entre l'enfant rencontré et celui qu'ils imaginaient.

26. Durée des démarches au Brésil

50

45

40

35
Pourcentage

30

25
48,6
44,4 43,2
20 40,9 41,7

33,3 33,3
15
27,3
22,7
10
16,7 16,7
5 9,1 8,3 8,2
5,6
0
Luxembourg France Italie Belgique

De 0 à 5 jours De 6 à 10 jours De 11 à 15 jours De 16 à 20 jours

La majorité des adoptants ont passé entre 6 et 15 jours


au Brésil pour réaliser les démarches administratives nécessaires.

181
Certains Français et Luxembourgeois sont même restés moins d'une
semaine. Une infime minorité a passé entre 2 et 3 semaines au
Brésil. A cette époque, la loi ne posait aucune exigence quant à la
durée du séjour des adoptants au Brésil.

27. Type de jugement obtenu

40

35

30
Nombre de cas

25

20
37

15

22
10
18

12
5

0 1
Luxembourg France Italie Belgique

Garde Adoption

Tous les candidats ont quitté le Brésil avec un jugement


d'adoption à l'exception d'un couple belge où, suite à une erreur, une
des étapes procédurales n'a pu être accomplie pendant leur séjour
mais a été réalisée dans un délai de 30 jours.

28. Souvenir du séjour au Brésil

60

55

50

45

40
Pourcentage

35

30 58,8

25 51,9

20 40 40
38,5 38,5
15
25,9
10
17,6 17,6
15,4
5 10 10
7,7 5,9 7,4 7,4 7,4
0
Luxembourg France Italie Belgique

Très bon Bon Moyen Mauvais Pas de réponse

Une grande majorité des adoptants conserve un bon


souvenir, voire un très bon, de son séjour. Quatre adoptants (sur les

182
67) disent avoir un mauvais souvenir. Ils sont répartis en Italie, en
Belgique et au Luxembourg.

29. Projet de visiter le Brésil avec l'enfant

Envisage de retourner au Brésil avec l'enfant

100
90
80
Pourcentage

70
60
50 100
82.4 90
40
30 63
20
10 25.9
17.6 10
0 3.7 7.4
Luxembourg France Italie Belgique

Oui Non Peut-être Je ne me pose pas la


question

Une grande majorité (la totalité au Luxembourg)


d'adoptants envisage de retourner au Brésil avec l'enfant. Un seul
couple belge fait exception : le père nous a expliqué que lui, ouvrier,
avait été très touché par la pauvreté qu'il avait côtoyée au Brésil.

§ 2. La période post-adoptive

A - Le développement de l'enfant

31. Etat de santé de l'enfant au moment de la rencontre

a) Problème de santé lors de l'accueil

183
60

50

40

Pourcentage
30 59,7

20

30,4

10

9,9

0
Oui Non Pas de réponse

b) Problème de malnutrition lors de l'accueil

60

50

40
Pourcentage

30
56,4

20

29,2

10
14,4

0
Pas de malnutrition Légère Grave

c) Problème d'infection lors de l'accueil

184
70

60

50

Pourcentage
40

30 60,9

20

10 21,9
15,1

3,4
0
Pas d'infection Modérée Grave Pas de réponse

d) Développement psychomoteur lors de l'accueil

60

50

40
Pourcentage

30 74,4

20

10 21,1

4,4
0
Pas de retard Retard Léger Retard grave

e) Malformations lors de l'accueil

185
90

80

70

60

Pourcentage
50

85,9
40

30

20

10
11
3,1
0
Pas de malformation Légères Graves

f) Séquelles physiques de mauvais traitements lors de l'accueil

90

80

70

60
Pourcentage

50

85,75
40

30

20

10
14,25

0
Non Oui

Nous disposons d'informations "objectives" quant à ces


différents domaines médicaux par le biais des dossiers des enfants
archivés au tribunal pour enfants. La comparaison entre ces
informations et les souvenirs qu'ont les parents quant à l'état de
santé de leur enfant au moment de l'accueil donne des résultats
surprenants. En effet, les parents adoptifs font preuve d'une vision
très réaliste de l'état de santé de leur enfant, conforme à l'évaluation
médicale réalisée par le pédiatre attaché au tribunal pour enfants de
Porto Alegre. Leurs appréciations ne divergent des évaluations
pédiatriques que sur le point du développement psychomoteur des
enfants. Sur ce point, en effet, selon les dires des adoptants, trois

186
quarts des enfants adoptés avaient un niveau de développement
psychomoteur normal et quelques pourcents seulement, un retard
grave. Le pédiatre avait, quant à lui, estimé que seuls 40 % des
enfants avaient un niveau de développement correspondant à leur
âge et qu'un quart souffrait d'un retard grave. Nous voyons à cette
différence de jugement deux interprétations possibles : soit les
parents ont oublié les problèmes présentés par leurs enfants, soit les
enfants ont récupéré très vite. Les deux interprétations ne s'excluent
d'ailleurs nullement l'une l'autre. D'autre part, il n'était pas rare que
certains enfants manifestent des signes de récupération déjà après
quelques jours de vie commune avec leur nouvelle famille.

32. Problèmes de santé de l'enfant depuis son arrivée

100

90

80

70
Pourcentage

60

50
91,7
40 77,8 77,3 76,3

30

20

10 22,2
18,4
13,6 9,1 8,3 5,3
0
Luxembourg France Italie Belgique

Pas de problèmes Quelques problèmes Beaucoup de problèmes

La grande majorité des enfants n'a pas souffert de gros


problèmes de santé depuis son arrivée.
Les quelques problèmes décrits sont :
• des infections répétées de la sphère O.R.L., des troubles gastro-
intestinaux et un cas de problème de vue;
• deux enfants ont présenté des convulsions et deux autres sont
décrits comme hyperkinétiques;
• un seul enfant souffre de problèmes médicaux extrêmement
graves (hypercalciurie idiopathique)

187
33. Etat de santé actuel

100

90

80

70
Pourcentage

60

50 100 97,4
95,5
91,7
40

30

20

10
8,3
4,5 2,6
0
Luxembourg France Italie Belgique

Bon Moyen

Le tableau parle de lui même, et ne suscite pas de longs


commentaires: les enfants sont en bonne santé pour la grande
majorité.

L'éducation

34. Problèmes attendus par les adoptants

a) Vous attendiez-vous à des problèmes en matière d'éducation dans


la phase qui a suivi l'arrivée de l'enfant?

80

70

60

50
Pourcentage

40
72,7 73,7

30 61,1
58,3

20 41,7
38,9

27,3 26,3
10

0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

188
b) Vous attendiez-vous à des problèmes d'adaptation sociale?

90

80

70

60
Pourcentage

50

40 83,3 81,2

66,7 68,4
30

20
33,3 31,6
10 18,8
16,7

0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

c) Vous attendiez-vous à des problèmes scolaires?

90

80

70

60
Pourcentage

50

86,4
40 83,3

66,7
30
52,6
47,4
20
33,3

10
16,7
13,6

0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

d) Vous attendiez-vous à des problèmes de relations familiales ?

189
100

90

80

70
Pourcentage

60

50 100
90,9
40
75
71,1
30

20
28,9
25
10
9,1
0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

e) Vous attendiez-vous à d'autres problèmes ?

100

90

80

70
Pourcentage

60

50
94,4
86,4 83,3
40 81,6

30

20

10 18,4
13,6 16,7
5,6
0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

Les problèmes auxquels s'attendaient les parents au


début de la relation avec leur enfant, concernent essentiellement
l'éducation (un parent sur deux). Dans une moindre mesure, un
parent sur quatre s'attendait à rencontrer des problèmes au niveau
de l'adaptation sociale de l'enfant et au niveau de sa scolarité.

190
35. Problèmes attendus ultérieurement, quand l'enfant grandit

70

60

50
Pourcentage

40

66,7 65,8
30
55,6
50
45,5
20
33,3 31,6
27,8
10
16,6

4,5
0 2,6
Luxembourg France Italie Belgique

Nous ne nous y attendions pas Nous nous attendions à certains Pas de réponse
problèmes

La même proportion de parents adoptifs pensait être


confrontée à des difficultés en matière d'éducation après cette
première phase d'adaptation (un parent sur deux). Il semble donc
que les parents ne différencient pas le début de la relation adoptive
avec la suite.

37. Troubles présentés par l'enfant au cours des six premiers mois

37.1 A-t-il été sujet à des insomnies ou cauchemars durant les 6


premiers mois suivant son arrivée?

90

80

70

60
Pourcentage

50

40 83,3

66,7 68,4
30
50 50
20
33,3 31,6
10
16,7

0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

37.2 A-t-il présenté gourmandise, boulimie, ...?

191
80

70

60

50
Pourcentage

40
75 76,3
72,2
63,6
30

20
36,4
27,8
25 23,7
10

0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

37.3 A-t-il présenté un manque d'appétit ?

100

90

80

70
Pourcentage

60

50 100 100
88,9 89,5
40

30

20

10
11,1 10,5
0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

37.4 A-t-il présenté vomissements psychosomatiques ?

192
100

90

80

70
Pourcentage

60

50 100 100 97,4


90,9
40

30

20

10
9,1
0 2,6
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

37.5. A-t-il présenté énurésie ?

100

90

80

70
Pourcentage

60

50 100

40
75
63,6 65,8
30

20
36,4 34,2
25
10

0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

37.6. A-t-il présenté attachement superficiel/ami de tout le monde ?

193
90

80

70

60
Pourcentage

50

40 81,6
77,8 75

30
54,5
45,5
20

22,2 25
10 18,4

0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

37.7. A-t-il présenté anxiété, manque de confiance en soi ?

80

70

60

50
Pourcentage

40
72,2
30 59,1 60,5
50 50
20 40,9 39,5

27,8
10

0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

Les problèmes présentés par les enfants adoptés


pendant les six premiers mois sont, par ordre d'importance
décroissante :
• anxiété, manque de confiance en soi (39 %)
• insomnie, cauchemars (33 %)
• à égalité : énurésie, gourmandise, boulimie et attachement
superficiel à n'importe qui (26-27 %)
• le manque d'appétit et les vomissements sont exceptionnels
(quelques pourcents)

Une proportion importante des enfants présentent un


déséquilibre émotionnel durant cette première période de leur vie

194
nouvelle, appelée à juste titre, période d'adaptation. Les troubles
présentés à ce moment doivent être mis en relation avec les
carences et séparations qu'ils ont vécues auparavant, la rupture
toute récente qu'ils viennent de vivre et l'inconnu qui s'ouvre devant
eux.

38. Réaction des parents par rapport à ces troubles

Avez-vous trouvé ce comportement difficile à accepter ?

55

50

45

40

35
Pourcentage

30
54
25

20

15 29
10

5 9
6
0 2

Non Oui, mais plus Oui, et toujours Tout d'abord non Parfois
maintenant maintenant maintenant oui

Parmi les parents des enfants qui ont présenté des


troubles décrits à la question 37, près d'un sur deux dit avoir été (ou
dans une moindre mesure, être) gêné par les problèmes de son
enfant. L'autre moitié n'a pas trouvé ces troubles difficiles à
accepter.

39. Persistance des troubles

Ce comportement inhabituel subsiste-t-il toujours ?

195
55

50

45

40

35
Pourcentage

30
53
25

20 42

15

10

5
3 2
0

Non Oui, mais il est moins Oui, dans la même mesure Oui, de façon plus
marqué marquée

De façon parallèle, les troubles présentés par ces


enfants persistent dans une petite moitié des cas (47 %).

40. Apparition d'autres troubles

D'autres comportements ont-ils fait leur apparition depuis lors ?

60

50

40
Pourcentage

30 58,3
55,5 55,3
50

20 41,7

31,8
27,8
23,7
10 21
18,2
16,7

0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui Pas de réponse

Dans un quart des cas, d'autres comportements ont fait


leur apparition depuis lors, tels que mensonges, petits vols, anxiété
persistante, colères, violence, introversion, manque de
concentration, accès dépressifs, balancement, peur de l'abandon, de
la mort, difficultés liées à la révélation.

41 et 42. Interprétation par les adoptants de l'origine des problèmes


de leur enfant

196
41. Nous venons de décrire quelques comportements et problèmes
particuliers; ceux-ci avaient-ils, à votre avis, un lien spécifique avec
la vie de l'enfant dans son pays d'origine avant son adoption

60

50

40
Pourcentage

30
55,5 54,5 52,6

20
33,3 33,3 33,3 33,3
27,3
10 18,2 18,4 18,4

5,6 5,6 5,3 5,3


0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui Je ne sais pas Pas de réponse Ne concerne pas

42. Pensez-vous que l'enfant souffre de déracinement ?

100

90

80

70

60
Pourcentage

50
94,4
83,4
40 79
77,3

30

20

10
13,6 13,1
9,1 8,3 8,3 7,9
5,6
0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui Pas de réponse

La moitié des adoptants relient les troubles de leur


enfant à des expériences qu'il a vécues antérieurement dans son
pays d'origine.

197
Il est cependant curieux d'observer que la grande
majorité d'entre eux (92 %) ne pensent pas que leur enfant souffre de
déracinement.

43. Evaluation du niveau de développement de l'enfant par les


parents

43.1. Développement physique par rapport à des enfants de son


âge?

90

80

70

60
Pourcentage

50

40 83,2

63,6 66,7
30

44,8
20
36,4 33,3 34,2

10
15,8
5,6 5,6 5,6 5,2
0
Luxembourg France Italie Belgique

En avance Aucune différence En retard A un retard important

43.2. Développement moteur

100

90

80

70
Pourcentage

60

50
88,8 91,7
40 84,2
77,3

30

20

10
9,1 9,1 8,3 10,6
5,6 5,6 4,5 2,6 2,6
0
Luxembourg France Italie Belgique

En avance Aucune différence En retard A un retard important

43.3. En ce qui concerne le langage ?

198
90

80

70

60
Pourcentage

50

40 83,4
77,8

30
55,3
50
20
36,4
29
10
16,6 13,6 13,1
8,3 8,3
5,6 2,6
0
Luxembourg France Italie Belgique

En avance Aucune différence En retard A un retard important

L'impression que les parents ont du développement


physique et moteur de leur enfant adopté est que, de ces deux points
de vue, il est comparable aux enfants de son âge, voire dans
plusieurs cas, en avance. (88.9 % pour le développement physique
et 93.3 % pour le développement moteur).

L'impression des parents adoptifs diffère légèrement en


ce qui concerne le niveau de langage atteint par l'enfant adopté.
Globalement, selon leurs dires, un quart des enfants souffre de
retard dans ce domaine. La comparaison des réponses fournies par
les parents des quatre pays étudiés montre que le problème se situe
au niveau des familles belges et françaises.

Il est particulièrement étonnant de constater, tant dans


les réponses apportées par les adoptants luxembourgeois à cette
question que dans nos observations cliniques, l'excellent niveau
d'acquisition linguistique des enfants adoptés dans ce pays. En
effet, il ne faut pas perdre de vue qu'au Luxembourg les enfants
doivent apprendre de façon approfondie trois langues (le
luxembourgeois, le français et l'allemand) et ce, avant l'âge de huit
ans. Dans ces circonstances, les résultats observés relèvent à nos
yeux de la performance.

44. Regard des adoptants sur les réactions émotionnelles de leur


enfant

Comment pourriez-vous le mieux décrire sa façon de réagir au point


de vue émotionnel ?

199
70

60

50
Pourcentage

40

66,7
30 61,1

45,4
20 42

10 18,2 18,2
16,7 16,7 15,8 15,8
13,2 13,2
11,1 11,1 9,1 9,1 8,3 8,3
0
Luxembourg France Italie Belgique

Rien de particulier Instable, imprévisible Ne contôle pas Autres

De l'avis des parents, seule une moitié des enfants


présentent des réactions émotionnelles normales. 11 % n'arrivent
pas à exprimer leurs émotions, 14 % ont des réactions instables et
imprévisibles et 16 % ne contrôlent pas leurs réactions.

La partie ouverte de cette question ne fait apparaître


aucun cadre descriptif particulier

45. L'enfant cherche-t-il à attirer l'attention ?

50

45

40

35
Pourcentage

30

25
44,4 44,7
20 40,9 41,7

31,8 33,3
15 29
27,8
25
22,2 22,7
10
15,8
5 10,5
5,6 4,6
0
Luxembourg France Italie Belgique

Jamais Parfois Souvent Toujours

La grande majorité des adoptés (91 %) cherche à attirer


l'attention sur eux.

200
Toutefois, il nous est apparu, en discutant davantage
avec les parents que l'interprétation à donner à cette question était
peu précise.

46. Changements intervenus dans la vie de l'enfant depuis son


arrivée.

100

90

80

70
Pourcentage

60

50
90,9
40

30
55,6 55,3
50 50
44,4 44,7
20

10
9,1
0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

46.1. Déménagement ?

100

90

80

70
Pourcentage

60

50
91,7
88,9
84,2
40

30 59,1

20 40,9

10
15,8
11,1 8,3
0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

46.2. Séparations des parents ?

201
50

45

40

35
Pourcentage

30

25

42,2
20

15
24,4
10 20
13,3
5

0
Luxembourg France Italie Belgique

46.3. Décès d'un des parents ?

100

90

80

70
Pourcentage

60

50 100 100 100


95,4

40

30

20

10

0 4,6

Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

46.4. Décès d'un membre de la famille proche ?

202
90

80

70

60
Pourcentage

50

84,2
40 77,3
66,7
30 58,3

20 41,7
33,3
10 22,7
15,8

0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

46.5. Parent remarié ou nouvelle relation ?

100

90

80

70
Pourcentage

60

50 100 100 100 97,4

40

30

20

10

0 2,6
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

46.6. Arrivée d'un nouvel enfant ?

203
100

90

80

70
Pourcentage

60

50
91,7
40 79
72,2 68,2
30

20
31,8
27,8
10 21
8,3
0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

46.7. Absence prolongée d'un des parents ?

100

90

80

70
Pourcentage

60

50 100 100 97,4

40 81,8

30

20

10 18,2

0 2,6
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

46.8. Autres changements

204
100

90

80

70
Pourcentage

60

50 100 100
94,7
90,9
40

30

20

10
9,1
5,3
0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

61 % des enfants adoptés ont connu depuis leur arrivée


des changements importants :

• 20 % ont déménagé
• un a perdu son père (France)
• un quart ont perdu un ou plusieurs grands-parents
• la mère célibataire d'un enfant arrivé en Belgique a établi une
relation stable avec un compagnon
• un quart des enfants adoptés ont vu la naissance ou l'adoption
d'un(e) petit(e) frère (soeur)
• 5 % ont souffert d'une absence prolongée d'un de leurs parents
(pour des raisons professionnelles, ou en raison de
l'hospitalisation d'un petit frère)

Aucun des couples adoptants n'a divorcé.

47. Réaction de l'enfant à ces changements

La presque totalité des réponses fournies par les


parents à cette question228 fait apparaître des réactions
émotionnelles très positives et équilibrées de la part de l'enfant
adopté. On ne relève que 4 cas de réactions dysharmoniques ou
disproportionnées et 3 cas d'indifférence apparente.

48. Réactions de l'enfant face à l'inconnu

228 Le taux de réponse à cette question est extrêmement


important

205
La même remarque s'impose que pour la question 47.
Les adoptants ont répondu massivement à cette question. Ils
décrivent des réactions très équilibrées des enfants face aux
nouveautés de leur existence. Seuls 6 cas de réactions exagérées
d'angoisse ou d'excitation sont rapportés.

49. Attitude des parents face à ces réactions

L'énorme majorité des réponses témoigne d'attitudes


pondérées ou franchement positives des parents qui soutiennent leur
enfant dans ces moments particuliers. Trois cas d'attitudes mitigée
sont signalés et dans trois autres, les parents avouent ne pas
supporter les difficultés de l'enfant à ce niveau.

50. Comportements inadéquats de l'enfant

50.1. Présente-t-il des comportements tels que le mensonge ?

70

60

50
Pourcentage

40

66,7 63,6
30
57,9
50 50
20 42,1
36,4
33,3

10

0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

50.2. Présente-t-il des comportements tels que le chapardage, de


petits vols, etc. ?

206
90

80

70

60
Pourcentage

50
88,9
83,3 81,6
40
72,7
30

20

27,3
10 18,4
16,7
11,1
0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

50.3 Présente-t-il de l'agressivité verbale ?

80

70

60
Pourcentage

50

40
72,2 68,4
30 59,1 58,3

20 40,9 41,7
31,6
27,8
10

0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

50.4. Présente-t-il de l'agressivité physique ?

207
80

70

60

50
Pourcentage

40 79
77,8

30
50 50 50 50
20

10 22,2 21

0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

50.5. Fugue

100

90

80

70
Pourcentage

60

50 100
94,4 95,5
91,7
40

30

20

10

5,6 8,3
0 4,5

Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

Les troubles du comportement présentés par les


adoptés sont, par ordre d'importance décroissante :

• le mensonge (47 % des enfants)


• l'agressivité verbale (37 %)
• l'agressivité physique (32 %)
• les petits vols, chapardages (19 %)
• quelques cas isolés (trois au total) ont fugué

51. Réactions des parents à ces comportements inadéquats

208
Une proportion quasi-égale de parents réagissent les
uns en ayant avec l'enfant de longues séances d'explications, les
autres en alternant punitions et explications. Ces deux attitudes sont
largement majoritaires. Quelques parents (3 au total) se contentent
de punir et deux avouent "réagir mal", ce qui laisse à penser qu'ils
punissent sans avoir de dialogue constructif avec l'enfant. Trois
familles disent avoir recours à un psychologue ou psychiatre. Quatre
ne sont pas concernées par cette problématique.

52. Fréquence de ces comportements

Dans un tiers des cas environ, les comportements


difficiles se manifestent de façon quasi quotidienne; la fréquence des
autres va de rare jusqu'à régulière.

B - Les relations familiales et sociales

53. Appréciation par les parents de leur relation avec leur enfant

53.1 Père

80

70

60

50
Pourcentage

40
75
72,2
68,2 68,4
30

20

22,2 22,8
10
16,7 15,8 15,8
8,3
5,6 4,5 4,5
0
Luxembourg France Italie Belgique

Bonne Satisfaisante Insatisfaisante Ne concerne pas Pas de réponse

53.2 Mère

209
90

80

70

60
Pourcentage

50
89,5
86,4
40 83,3

66,7
30

20
33,3

10
16,7
9,1 7,9
4,5 2,6
0
Luxembourg France Italie Belgique

Bonne Satisfaisante Insatisfaisante Pas de réponse

Tout d'abord, il nous faut dire que, pour appréhender la


qualité des relations qui se sont tissées au fil du temps entre l'enfant
adopté et son entourage, un questionnaire de ce type semble très
inadéquat par ses aspects rudimentaires et formels. Les questions
suivantes ne visent qu'à suggérer des pistes qui ont été creusées
lors des entretiens cliniques que nous avons eus avec les différents
protagonistes concernés. Il est par exemple très délicat et difficile
d'interpréter ce que les parents mettent derrière les termes de
"bonne relation" ou de "relation satisfaisante". Si une majorité des
pères (70 %) et plus encore des mères (84 %), estiment que la
relation qu'ils ont avec leur enfant est bonne, 13 % cependant
trouvent qu'elle n'est que satisfaisante.

54. Appréciation par les parents de la relation entre l'enfant adopté et


son frère (sa soeur) biologique

Dans tous les cas où une fratrie a été adoptée, les


parents s'accordent unanimement à reconnaître que la relation entre
les frère(s) et soeur(s) est excellente.

55. Energie requise par la relation avec l'enfant adopté

210
55.1. Père
50

45

40

35
Pourcentage

30

25

20 41,7
38,9
36,4
33,3 33,3
15 31,6
28,9
25 23,7
22,7 22,7
10
16,7 15,8
13,6
5 11,1
4,6
0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Variable Oui, régulièrement Ne concerne pas Pas de réponse

55.2. Mère

50

45

40

35
Pourcentage

30

25 50

41,7 41,7 42,1


20 38,9 38,9
36,4
15 31,6
26,3
10
16,6
13,6
5 11,1 11,1

0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Variable Oui, régulièrement Pas de réponse

54 % des pères et 73 % des mères estiment que la


relation avec leur enfant requiert d'eux beaucoup d'efforts et de
persévérance, soit de façon régulière, soit de façon épisodique, mais
récurrente. En d'autres termes, une majorité de ces relations n'est
pas évidente de prime abord et exige des efforts soutenus.

56. Appréciation des relations de l'enfant avec les étrangers

Actuellement, quel type de relations entretient-il avec les


autres adultes par rapport à celles qu'il entretient avec vous ?

211
100

90

80

70
Pourcentage

60

50 97,4
88,8 91 91,7
40

30

20

10

5,6 5,6 4,5 4,5 8,3


0 2,6
Luxembourg France Italie Belgique

Il est effrayé par les adultes étrangers Il a une relation privilégiée mais est à Il s'attache de façon indifférenciée à
à la famille l'aise avec les étrangers tout adulte bienveillant

La grande majorité des enfants a, aux dires des parents,


une relation privilégiée avec ceux-ci, tout en étant à l'aise avec les
personnes étrangères. Pas de problème majeur donc de ce côté.
Seuls quatre enfants (un dans chaque pays, soit 4 % de la
population) continuent à présenter le comportement problématique
de s'attacher de façon indifférenciée à tout adulte bienveillant, ainsi
que 27 % le faisaient pendant la période d'adaptation.

57. Appréciation des relations de l'enfant adopté avec les autres


enfants de la famille

90

80

70

60
Pourcentage

50

86,4 89,5
40 83,3

30 58,3

20

25
10
16,7
11,1 9,1 7,9
5,6 4,5 2,6
0
Luxembourg France Italie Belgique

Jouent et se disputent Jouent et ne se disputent Se disputent Pas de réponse


jamais

212
Envers les autres enfants de leur famille, la majorité des
adoptés a un comportement tout-à-fait normal : ils jouent et se
disputent.

58 et 59. Souvenir avec l'enfant adopté

Les réponses à ces questions ont une finalité qui relève


plus de la clinique individuelle que de l'étude statistique. Elles
cernent un thème particulièrement mobilisateur pour les adoptants
qui, dans la quasi totalité, aiment raconter l'histoire de leur adoption
avec souvent un grand luxe de détails et beaucoup d'émotion.

60. Appréciation de ressemblance entre parents et enfant adopté

L'objectif de cette question est de cerner dans quelle


mesure les adoptants peuvent se reconnaître dans l'enfant qu'ils ont
accueilli. Il apparaît nettement que dans sept cas, cette
reconnaissance ne s'opère pas. "C'est difficile à dire", "il n'y a pas de
ressemblance", " on se retrouve beaucoup moins en eux que dans
les réactions de nos enfants biologiques", disent ces parents.
Globalement, deux tiers environ des adoptants se reconnaissent
dans certains traits de caractères et/ou physiques de leur enfant, et
ce, de façon différenciée pour le père et la mère. Les autres
mentionnent des éléments de ressemblance mais ceux-ci
s'appliquent différemment aux deux parents. Il est tout à fait étonnant
que plus d'un quart des parents qui ont accueilli des fratries
répondent quant à eux qu'ils ne différencient pas les frère(s) et/ou
soeur(s).Dans les cas extrêmes, un seul questionnaire est rempli, de
la même façon pour les deux enfants !

La scolarité

62 et 62.1. Entrée à l'école de l'enfant adopté

Combien de temps après son arrivée est-il entré à


l'école (jours)?

Luxembourg France Italie Belgique


Moyenne 32,6 14,9 16,9 6,4
Maximum 60 48 48 36
Minimum 0,2 0,2 0,2 0

Age au moment de son entrée à l'école

213
Luxembourg France Italie Belgique
Moyenne 4,7 4,3 5,8 5,4
Maximum 6,4 7,9 8,2 8,5
Minimum 3,5 2,1 3 0,4

Les données présentées dans ces tableaux sont à


comparer avec l'âge de l'enfant lors de son arrivée dans la famille
adoptive. Si nous comparons la situation telle qu'elle se présente
dans les familles adoptives belges et italiennes, nous constatons que
bien qu'elles aient accueilli des enfants plus ou moins du même âge,
ceux-ci sont entrés à l'école beaucoup plus rapidement en Belgique
qu'en Italie. A l'autre extrême, les enfants adoptés au Luxembourg,
arrivés certes beaucoup plus jeunes, ne sont rentrés à l'école que
près de deux ans et huit mois après leur arrivée.

Pour interpréter ces données, divers paramètres


doivent, à notre sens, être pris en considération :

1) l'occupation de la mère. Ainsi, les mères adoptives


luxembourgeoises sont en grande majorité mères au foyer alors
qu'à l'inverse les belges sont en grande majorité cadres
supérieurs.

2) la possibilité d'obtenir un congé maternel, avec ou sans solde, est


un élément qui doit entrer en ligne de compte.

3) les modes de garde des petits enfants sont extrêmement


différents dans chaque pays et liés à des éléments culturels.
Ainsi, la France est bien organisée à ce niveau (crèches, etc...)
alors qu'en Italie, c'est traditionnellement la famille élargie qui
prend en charge la garde des petits.

4) l'importance accordée à l'école varie en fonction du niveau des


attentes des parents, lesquelles sont liées à des éléments
socioculturels.

214
62.2 En quelle année de la séquence scolaire est-il entré à l'école ?

90

80

70

60
Pourcentage

50

40 84

30

20

10
12
0 4

TOTAL

0 1 2

62.2. En quelle année de la séquence scolaire est-il entré à l'école ?


Par pays

100

90

80

70
Pourcentage

60

50 100
86,4
40 79
66,6
30

20

10 21
16,7 16,7
9,1
4,5
0
Luxembourg France Italie Belgique

0 1 2

84 % des enfants adoptés sont entrés à l'école dans la


classe qui correspondait à leur âge, soit une grande majorité.

63. Début de l'enfant adopté à l'école.

63.1 Comment se sont passés les débuts à l'école au niveau du


travail scolaire ?

215
90

80

70

60
Pourcentage

50
91,7
40
68,7 64,9
30

45,5
20
31,3
27,3
10 22,7
18,9
13,5
8,3
4,5 2,7
0
Luxembourg France Italie Belgique

Bien Moyen Mal Très mal

63.2. Comment se sont passé des débuts à l'école au niveau des


relations avec les autres enfants?
100

90

80

70
Pourcentage

60

50
91,7
40 83,3
77,3 75,7

30

20

10
13,4
11,1 8,3 10,8 13,5
5,6 4,5 4,5
0
Luxembourg France Italie Belgique

Bien Moyen Mal Très mal

63.6. Quel est le retard ?

216
100

90

80

70
Pourcentage

60

50 100
88,9
40
72,7
30
52,6
20 39,5
27,3
10
11,1 7,9
0
Luxembourg France Italie Belgique

0 1 2

Les débuts à l'école, quant au travail scolaire se sont


bien passés pour une légère majorité (64 % des enfants) et mal,
voire très mal pour 18 % d'entre eux. En ce qui concerne les
relations avec les autres enfants, la situation est plus positive; pour
quatre enfants sur cinq, les choses se sont bien passées. Des
problèmes ne sont notés par les parents que pour 11 % des enfants.
Les difficultés scolaires du début sont vraisemblablement à mettre
en relation avec le retard psychomoteur que 25 % des enfants
présentaient à l'arrivée, ainsi qu'avec le manque de familiarité avec
la langue usuelle de leur pays d'accueil. Si l'on compare la classe
dans laquelle se trouvent les adoptés au moment de l'enquête et
celle dans laquelle ils sont supposés être en fonction de leur âge, on
constate que 71 % d'entre eux se trouvent dans la classe qui
correspond à leur âge. 26 % ont une année de retard et 3 % deux
ans de retard. Si on envisage le retard scolaire en fonction du pays
d'accueil, on observe des différences importantes : parmi les enfants
adoptés en Belgique, près d'un enfant sur deux (47 %) souffre de
retard scolaire. En Italie, en revanche, cette proportion est nulle.
Elle est de 11 % au Luxembourg et de 27 % en France.

Ces différences nationales ne sont pas sans rappeler


celles observées quant au délai laissé à l'enfant avant son entrée à
l'école (question 62). Les différents facteurs pointés dans
l'interprétation de la question 62 interviennent vraisemblablement ici
aussi.

64. Années scolaires répétées

217
100

90

80

70
Pourcentage

60

50 100
88,9
40
72,7
68,4
30

20
31,6
27,3
10
11,1
0
Luxembourg France Italie Belgique

Non Oui

64.1 Laquelle ?

Luxembourg France Belgique Total


Dernière 1 1 3 5
maternelle
1è année primaire 0 1 6 7
2è année primaire 1 1 2 4
3è année primaire 0 3 1 4
2 6 12 20
10 % 30 % 60 % 100 %

Le retard observé à la question précédente est à mettre


en relation avec les redoublements d'années ainsi que le montre le
tableau 64. (proportions similaires tant globalement que par pays).
Le tableau suivant montre que c'est surtout la première
année primaire qui a été doublée. Le redoublement de la dernière
année d'école maternelle ne peut lui être comparé. Il s'agit
généralement de situations où l'on préfère attendre un an de plus
avant de faire commencer le cycle scolaire aux enfants en raison
d'un manque de maturité ou pour d'autres raisons.

65. Evaluation des progrès scolaires de l'enfant adopté

Que pensez-vous des progrès scolaires de l'enfant par rapport à


l'ensemble de la classe?

218
50

45

40

35
Pourcentage

30

25
46,7
20

15

10 22,2
16,7
5
5,6 6,7
0 2,2

Avance marquée Légère avance Moyen Léger retard Retard important Ne concerne pas

Au regard de leurs parents, 22 % des enfants sont en


avance par rapport à leurs condisciples; 47 % ont le niveau moyen
de leur classe et 24 % sont en retard. Que cette avance soit ou non
objective, il semble particulièrement appréciable que les parents
aient cette vision positive et valorisante de la scolarité de leur enfant.

66. Appréciation de l'attitude de l'enfant à l'égard du travail scolaire

Actuellement, quel est son attitude face au travail scolaire en


général?

50

45

40

35
Pourcentage

30

25 50

20

15
25,6
10 18,9

5
4,4
0 1,1

Active Indiff. passive Attitude de rejet Variable Ne concerne pas

Les parents reconnaissent à la moitié des enfants une


attitude active face au travail scolaire; chez un enfant sur quatre,

219
cette attitude varie dans le temps entre activité, passivité et rejet; 19
% manifestent une indifférence passive. Le pourcentage de rejet
franc est extrêmement faible (4 %).

67. Appréciation de la capacité de concentration de l'enfant

Est-il capable de se concentrer sur une tâche ?

50

45

40

35
Pourcentage

30

25 81,1

20

15

10 18,9

Non Oui

La grande majorité des enfants n'ont pas de problème


de concentration sur les tâches qu'ils effectuent.

68. Appréciation de la réaction de l'enfant à l'égard des devoirs à


domicile

60

55

50

45

40
Pourcentage

35

30
54,4
25

20

15

10
15,6 14,4 14,4
5

0 1,1

Mal Bien Ne concerne pas Variable (dépend des


occasions)

220
54 % des enfants n'ont pas de difficultés à faire leurs
devoirs à domicile. 14 % en ont parfois (attitude variable) et 15 % en
ont de façon régulière. Une proportion non négligeable (14 %) des
enfants n'est pas concernée par le travail scolaire à la maison.

69. Appréciation par les parents de l'intégration de leur enfant dans


son groupe-classe

80

70

60
Pourcentage

50

40
75,6

30

20

10
11,1
6,7 4,4
0 2,2

Leader du groupe Participe aux jeux du Participe aux jeux du


groupe et a beaucoup groupe et a peu d'amis
d'amis

A un ami privilégié Autres

Une grande majorité d'enfants manifestent une très


bonne intégration au groupe des pairs (participation aux jeux, amitiés
nombreuses, leadership dans quelques cas). Aucun enfant ne reste
isolé et deux seulement n'ont qu'un seul ami.

70. Appréciation par les parents des relations extra-scolaires

A-t-il des contacts avec ses camarades de classe en dehors de


l'école ?

221
80

70

60

50
Pourcentage

40
77,8

30

20

10 18,9

0 3,3

Non Oui Pas de réponse

Une majorité des enfants (75 %) entretient des contacts


extra-scolaires avec ses condisciples.

71. Intégration raciale de l'enfant adopté vue par les parents

A-t-il des difficultés d'intégration liées à sa couleur de peau ?

80

70

60

50
Pourcentage

40
71,1
30

20

10
17,8

5,6 4,4
0 1,1

Aucune Peu Oui au début Oui, régulièrement Pas de réponse

Les parents n'attribuent pas de responsabilité


particulière à la couleur de la peau de leur enfant. 15 % pensent que
leur enfant a peu de difficultés à cet égard; 6 % pensent qu'il en a eu
au début mais que ce n'est plus un problème. Dans un seul cas, les

222
parents estiment que l'enfant a régulièrement des problèmes de cet
ordre (enfant adopté en Italie).

En conclusion de l'entretien

72. Opinion des parents quant à l'âge maximum de l'enfant adopté

30

25

20
Pourcentage

15
27,3

10

15,9
13,6 13,6
11,4
5
9,1
6,8

2,3
0
1 2 3 4 5 6 7 8

On s'aperçoit que, hormis les candidats luxembourgeois,


l'âge maximum le plus fréquemment avancé par les adoptants est 5-
6 ans (France, Italie, Belgique), c'est-à-dire, l'âge du début de la
scolarité. On voit donc une fois de plus, l'importance occupée par la
conception pédagogique et l'imaginaire des adoptants.

73. Opinion des parents adoptifs quant à la filiation biologique et la


filiation adoptive

Lorsque vous réexaminez les expériences vécues jusqu'à présent,


estimez-vous que cela revient au même d'adopter un enfant ou
d'avoir soi-même un enfant ?

223
50

45

40

35
Pourcentage

30

25

20 40,3

15 29,9
26,9
10

3
0

Non Oui Ne pouvons pas comparer Sans réponse

30 % des adoptants pensent qu'adopter et avoir soi-


même un enfant n'est pas comparable. 40 % affirment en revanche
que cela revient au même. 27 % disent ne pas être en mesure de
comparer.

La moitié des personnes qui jugent qu'adoption et


procréation sont deux démarches différentes, motivent leur réponse
par le passé de l'enfant adopté.

74. Appréciation de l'accompagnement réalisé par l'organisme


d'adoption

Comment avez-vous ressenti l'accompagnement, le suivi réalisé par


le service d'adoption?

Luxembourg France Italie Belgique Total %


Important, 6 2 6 19 33 49,3%
nécessaire
M'est 3 1 1 1 6 9%
indifférent
Inutile 2 3 1 0 6 9%
Jamais reçu 2 11 2 7 22 32,8%
de visite en
ce sens
13 17 10 27 67 100%
19,4% 25,4% 14,9% 40,3

224
Si une moitié des parents adoptifs ont bien vécu
l'accompagnement, une minorité d'entre eux (9 %) le jugent inutile. Il
nous apparaît tracassant de noter que 11 familles françaises sur 17
et 2 italiennes sur 10 n'ont jamais été sollicitées en ce sens. Ceci
semble étonnant dans deux pays où existe une obligation de suivi
pendant la période (six mois à un an en France, deux ans en Italie)
nécessaire à la conversion de l'adoption simple acquise au Brésil en
adoption plénière229.

75. Importance des rapports de suivi

Croyez-vous que les rapports d'évolution sont importants pour le


pays d'origine de l'enfant ?

80

70

60

50
Pourcentage

40
71,6
30

20

10
17,9
10,4
0

S. P. Oui Non

72 % des adoptants estiment que les rapports


d'évaluation sont importants pour le pays d'origine. 19 % sont d'avis
contraire parmi lesquels une majorité d'adoptants français.

76, 76.1 et 77. Contacts avec d'autres adoptants

76. Avez-vous des contacts avec d'autres parents adoptifs ?

229 Rappelons qu'à cette époque, la loi brésilienne


n'octroyait d'adoption plénière qu'aux citoyens
brésilienset aux étrangers résidant au Brésil.

225
90

80

70

60
Pourcentage

50

86,6
40

30

20

10
13,4

Non Oui

76.1 En ressentez-vous le besoin ?

60

55

50

45

40
Pourcentage

35

30

25 52,2
47,8
20

15

10

Non Oui

77. Etes-vous membre d'une association de parents adoptifs ?

226
70

60

50
Pourcentage

40

30 61,2

20

31,3

10

7,5
0

Non Oui Oui, très actif

Une grande majorité (97 %) d'adoptants ont des


contacts avec d'autres parents adoptifs. Mais paradoxalement, seule
une moitié en ressent le besoin. 31 % des parents sont membres
d'une association de parents adoptifs; 7 % sont particulièrement
actifs dans ce domaine.

78. Ressources des adoptants en cas de problème

les réponses fournies par les parents à cette question


sont, par ordre d'importance décroissante :
1) - pas de réponse - ça ne me concerne pas
(30 %)
- le médecin de famille (30 %)
2) - un psychologue (25 %)
3) - d'autres adoptants (22 %)
4) - le service d'adoption (15 %)
- les centres sociaux locaux (15 %)
5) - d'autres moyens
6) - un prêtre
- personne

Les parents adoptifs semblent disposer de plusieurs


ressources à ce niveau. La part prise par les professionnels dans
ces différents recours est importante (médecins, services d'adoption,
services sociaux locaux).

Chapitre II : L'analyse des résultats

227
Section 1 - Comment vont les enfants ?

§1. Impression première

Il nous a semblé utile d'exprimer notre première


impression lors de la rencontre avec les différents adoptés. Pour ce
faire, nous leur avons attribué une note de 0 à 10 qui prend en
compte la façon dont ils se présentent, l'interaction qu'ils établissent
avec le chercheur, le degré d'aisance et d'harmonie qui se dégage
de leur personne.

40

35

30

25
Pourcentage

20 40
37,8

15

10
16,6

5,6

0
de 3 à 5 de 6 à 7 8 de 8 à 10

L'énorme majorité (78 %) des enfants nous a fait une


impression bonne, voire pour plusieurs d'entre eux, excellente.

16 % nous ont laissé une impression mitigée, ceci pour


plusieurs raisons :
• certains semblaient extrêmement anxieux et perturbés par notre
présence.
• d'autres apparaissaient réellement dysharmoniques
• pour d'autres, encore, l'élément le plus marquant était leur
difficulté à entrer en relation avec autrui.

5 % des enfants nous ont laissé une impression très


mauvaise, soit par leur état de santé, soit par leur incapacité à entrer

228
en relation. En d'autres termes, ils présentaient de façon quelque
peu extrême le type de comportements susmentionnés.

Comme cela a été précédemment souligné230 et sans


qu'il faille particulièrement revenir sur ce point, l'énorme majorité des
enfants jouit d'une excellente santé.

§2. Le niveau de développement

Aux niveaux physique et moteur, les enfants adoptés


originaires de Porto Alegre sont comparables aux autres enfants de
leur âge, voire en avance231. Quelques-uns souffrent d'un léger retard
dans l'expression linguistique232, mais tous sans exception ont appris
la langue de leurs parents adoptifs avec une facilité et une rapidité
extraordinaires. Nombreux sont ceux qui parlent plusieurs langues.
Au niveau psychoaffectif, le tableau général est également positif
puisque, à de rares exceptions près, les enfants ont fait preuve d'une
grande capacité d'adaptation aux multiples changements qui ont
marqué leur existence au cours des dernières années233. Ils
témoignent d'un équilibre émotionnel remarquable.

Section 2 : Comment sont-ils intégrés ?

§1. L'interprétation des données statistiques

A - L'instrument utilisé

Pour apprécier le niveau d'intégration familiale et


sociale, nous prendrons en compte les éléments suivants :

1. La façon dont l'enfant se présente, la première impression qu'il


dégage nous semble être à la fois un reflet de son niveau
d'intégration mais en même temps, un préalable à toute nouvelle
interaction potentielle. Le premier élément que nous considérons
est donc l'impression générale que nous avons ressentie lors des
premiers moments de la rencontre avec chaque enfant : la façon
dont il se présente, tant au niveau comportemental, gestuel,

230 Tableau 33
231 Tableaux 43.1 et 43.2
232 Tableau 43.3
233 Cf. questions 47 et 48

229
verbal, vestimentaire et au niveau de l'attitude générale face au
nouvel arrivant qu'est le chercheur. Dans cette appréciation entre
également celle du climat, de l'ambiance générale dans laquelle
se déroule l'entrevue.

2. Diverses réponses aux items du questionnaire :

• les réponses aux questions 53, 55, 60 et 72 du questionnaire


nous renseignent sur les relations parents / enfant telles qu'elles
sont vues par les parents. Ces informations seront complétées
par l'opinion que le chercheur s'est forgée à cet égard lors de la
rencontre avec les parents et l'enfant.

• les réponses aux questions 54 et 57 du questionnaire nous


renseignent sur les relations entre l'enfant adopté et ses frères et
soeurs, vues par les parents ; elles seront également complétées
par l'opinion du chercheur.

• les relations extra-familiales en milieu scolaire seront abordées


de la façon décrite ci-dessus ; les questions correspondantes du
questionnaire étant les numéros 56, 65, 69, 70 et 71.

• pour aborder les relations entre l'adopté et la famille élargie,


essentiellement les grands-parents, nous disposons de quelques
observations réalisées par le chercheur lors des visites à
domicile.

3. Le troisième groupe d'indicateurs que nous considérons est fourni


par les réponses aux questions suivantes :

a) ces questions abordent les manifestations de


l'enfant aux niveaux psychosomatique et affectif et la façon dont les
parents y réagissent.

b) sont ici abordées les réactions de l'enfant au


changement, à l'inconnu et la façon dont les parents y réagissent.

c) ces questions abordent les problèmes liés à la


conduite de l'enfant et les réactions qu'ils suscitent chez ses parents.

4. L'opinion des parents quant à l'origine des


difficultés que rencontre leur enfant -ou qu'ils rencontrent avec leur
enfant. L'objectif est de parvenir à déceler dans quelle mesure, les
adoptants recherchent l'origine des problèmes dans un "avant" et un

230
"là-bas", c'est-à-dire dans le passé de l'enfant dans son pays
d'origine avant l'adoption ou s'ils sont capables de considérer leur
propre implication dans la problématique, en l'analysant sur base
des interactions entre l'enfant et eux "aujourd'hui et ici". La question
41 du questionnaire vise cette dimension. D'autres éléments
apparaissent dans l'entretien réalisé par le chercheur avec chaque
famille adoptive.

En élargissant cette piste de réflexion, il semble


important d'analyser quelque peu la façon dont les parents adoptifs
ont vécu le contact avec le chercheur, qui représente quelque part le
pays et, par-delà, la famille d'origine de leur enfant. Dans une
certaine mesure donc, la réaction que les parents ont envers nous
révèle la façon dont ils vivent l'histoire de leur enfant, dont on sait
qu'elle occupe une grande place dans l'imaginaire des parents et
joue de ce fait un grand rôle dans la relation adoptive.

Dans quelle mesure les adoptants, à l'instar de tous


parents quels qu'ils soient, se considèrent et s'assument dans les
gestes de tous les jours (décision par rapport à l'enfant, autorité
exercée à son égard, ..) comme les "vrais parents" de l'enfant
adopté234. Seule l'intuition clinique du chercheur permet, à notre avis,
d'appréhender cette dimension235.

B - Le niveau d'intégration

a) Niveau global d'intégration

234 Relire à ce sujet J. NOEL, "Les parents adoptifs sont-


ils de "vrais parents"?" in Lieux de l'enfance, l'adoption,
ed. Privat, 1985, N°1&2, p.93-97.
235 A ce niveau l'analyse des non-réponses est
particulièrement importante car il semble que certaines
d'entre elles puissent être mises en relation avec des
problèmes d'intégration des enfants adoptés dans les
familles concernées.

231
50

45

40

35
Pourcentage

30

25

43,3 44,4
20

15

10

12,3
5

0
Mauvais Moyen Bon

Mauvais Moyen Bon

44 % des enfants rencontrés s'avèrent, selon l'échelle


ainsi construite, bien, voire très bien intégrés dans leur nouveau
milieu de vie, tant familial qu'extra-familial. 43 % présentent un
niveau d'intégration moyen à bon. Seuls 12 %, soit onze enfants,
nous ont semblé mal intégrés.

b) Intégration familiale : les relations entre les enfants et leurs


parents

50

45

40

35
Pourcentage

30

25
45,6
20 38,9

15

10
15,6
5

0
Mauvais Moyen Bon

Mauvais Moyen Bon

Dans l'ensemble, ce tableau présente un profil fort


semblable au précédent. Dans la grande majorité des cas, les
relations parents-enfants sont bonnes (de satisfaisantes à très

232
bonnes). Cependant la proportion de cas qualifiés de niveau moyen
d'intégration (39 %) familiale est légèrement inférieure à celle des
cas de niveau moyen d'intégration globale, au profit des cas de
mauvaise intégration (16 %).

c) Intégration familiale : les relations entre frères et soeurs

100

90

80

70
Pourcentage

60

50
90,3
40

30

20

10
9,7
0
Moyen Bon

Moyen Bon

Pratiquement tous les enfants adoptés ont établi des


relations bonnes, voire très bonnes, avec leurs frères et soeurs,
indépendamment du fait que ceux-ci soient les enfants biologiques
des parents, d'autres enfants adoptés ou les frères et soeurs
biologiques des enfants étudiés. Les relations entre frères et soeurs
ne sont jamais mauvaises et très peu (10 %) sont moyennement
bonnes.
d) Intégration extra-familiale

233
90

80

70

60
Pourcentage

50
88,9
40

30

20

10
11,1
0
Moyen Bon

Moyen Bon

Le profil de la distribution des enfants quant à leur


intégration dans les milieux extérieurs et essentiellement le milieu
scolaire est fort semblable à celui décrit pour les relations entre
frères et soeurs. Dans une énorme majorité de cas (89 %), les
enfants sont bien et même très bien intégrés, seuls 11 % d'entre eux
présentent un niveau d'intégration moyen.

e) Sentiment des adoptants d'être les "vrais parents"

70

60

50
Pourcentage

40

66,8
30

20
33,2

10

0
Non Oui

Non Oui

234
En fonction des critères précédemment définis, nous
pensons qu'un tiers environ des adoptants concernés par notre
enquête (33 %) peuvent être considérés comme les "vrais parents"
des enfants. En ce qui concerne les autres, notre sentiment est qu'ils
considèrent leur enfant comme ce qu'en brésilien on dénomme "filho
de criaçâo"236. Il faut comprendre par là qu'ils ont avec lui un lien
privilégié, qu'ils l'éduquent de leur mieux, mais qu'ils ne le
considèrent pas vraiment comme leur enfant.

§2. quelques situations illustratives

Après l'analyse transversale de l'intégration du groupe


d'enfants étudié, la présentation de quelques situations particulières
mettra en lumière certaines modalités de cette adoption réciproque
parents/enfants. Elle permettra de faire ressortir la dynamique de
l'interaction spécifique à chaque cas des éléments caractéristiques
relevés dans l'analyse générale.

a) Une adoption "à risque"

Thomas est un jeune adolescent de 13 ans, grand et


d'allure sportive. Il se présente de façon naturelle et directe. Il a un
type physique qui se rapproche de celui de sa mère adoptive, au
grand bonheur de celle-ci. Il s'exprime facilement, peut verbaliser
ses sentiments et questionne beaucoup.

Ses parents sont extrêmement fiers de leur fils dont ils


aiment conter les exploits sportifs. Fils unique, il constitue leur
principal sujet de préoccupation et de discussion. Thomas a une vie
sociale intense, principalement par le biais de ses activités sportives.
Il est très bien intégré tant dans le voisinage que dans sa classe où il
tient fréquemment le rôle de leader. Les performances scolaires de
cet enfant intelligent sont généralement moyennes, en raison d'un
manque d'intérêt pour l'école qui désole ses parents. Ceux-là sont de
milieu socioprofessionnel modeste mais vivent très aisément, en
contact étroit avec la famille élargie qui vit à proximité. Tous deux
avaient plus de la quarantaine lorsqu'ils ont accueilli Thomas.

236 "filho" signifie "fils" et "criaçâo", "éducation,


élevage"

235
Ce couple avait perdu quelques trois ans auparavant
leur fils unique, décédé subitement de maladie à l'âge de onze ans.
Cet événement traumatique, bien que discuté et travaillé longuement
par le couple, avait laissé chez eux une énorme blessure encore à
vif. Le service d'adoption consulté avait estimé de ce fait que cette
adoption était une démarche "à risque". Une nette préférence était
formulée par le couple et soutenue par le service d'adoption pour
l'accueil d'une petite fille. Cependant, les enfants adoptables qui
furent présentés à cette époque étaient tous des garçons et la
décision fut finalement prise d'en proposer un au couple. Le
matching fut réalisé prudemment et soigneusement. Au moment de
la rencontre entre Thomas et ses futurs parents, le couple a présenté
une réaction de panique et de recul. La confrontation physique avec
un enfant qu'ils voyaient exagérément maigre, faible et "trop
grand"237. L'équipe du tribunal, très présente auprès du couple, ne
savait pas exactement comment réagir à ces hésitations qui ont duré
jusqu'à la veille du départ. Au retour, la mère adoptive fit une
dépression. Le couple était désarçonné par les attitudes de l'enfant.
Il a été très accompagné par les professionnels du service
d'adoption qui avaient pris le dossier en charge.

Ainsi, bien que présentant au départ de nombreux


risques de part et d'autre (parents et enfant), il a finalement
débouché sur un franc succès. Celui-ci nous semble dû tant aux
ressources personnelles du couple que de l'enfant, qu'au travail
fourni par tous les intervenants impliqués qui d'emblée ont identifié,
évalué et géré les difficultés à mesure qu'elles se sont présentées.

b) Un cas d'intégration difficile

Eric et Louis sont deux garçons qui, sans être frères


biologiques, ont été adoptés au même moment par un couple sans
enfant. Eric a douze ans et Louis, neuf ans. Eric a un type plus

237Thomas avait, quant à lui, une histoire également très


difficile. Avant d'arriver à l'institution amené par sa
mère, il avait vécu dans plusieurs familles qui l'ont
hébergé momentanément à la demande de la mère. Mais le
pire est que, sur les cinq mois qu'il est resté sous la
dépendance du tribunal pour enfants, il a également été
ballotté d'une famille d'accueil à l'autre. A cette époque,
en effet, le tribunal pour enfants expérimentait un projet
de placement des enfants en familles mais mal payées et mal
encadrées, celles-ci ne résistaient pas à la tâche très
dure qu'on attendait d'elles. Pour ces raisons, il a été
mis fin au projet l'année suivante.

236
indien, clair. C'est un gamin vif, intelligent et de contact agréable.
Louis est de type plus métissé, il se présente de façon aussi
naturelle et sympathique que son frère. Eric et Louis sont habillés
d'une façon qui ne peut passer inaperçue. Ils portent des vêtements
identiques de style classique bourgeois complètement désuet,
particulièrement anachroniques sur des enfants ethniquement typés
comme ils le sont. La relation entre les deux frères est excellente ;
leur intégration dans le milieu scolaire aussi et leurs performances à
ce niveau sont excellentes pour l'aîné, et bonnes pour le cadet. Il
n'en va pas de même pour la relation parents / enfants. Celle-ci est
peu satisfaisante pour le cadet et franchement mauvaise pour l'aîné.

Monsieur est cadre supérieur et madame ne


travaille pas ; ils ont adopté trois enfants pour des raisons de
stérilité238. Agés d'une trentaine d'années, ils témoignent tous deux
d'une personnalité extrêmement rigide. Envers leurs enfants comme
envers l'organisation de leur vie en général, ils font preuve d'une
exigence extrême dans les moindres détails. Il apparaît clairement
dans les réponses qu'ils fournissent aux questions que ce couple
désirait des enfants jeunes et de type européen alors que ce désir
n'avait pas été stipulé à l'époque, de sorte qu'aucun des deux
enfants qui leur ont été proposés ne rencontre en définitive leurs
attentes : l'un, parce qu'il est trop âgé, l'autre parce qu'il est trop typé
noir. A la question de savoir, de l'âge ou de la couleur de peau ce qui
leur importe le plus, les parents répondent sans hésiter l'âge et c'est
effectivement avec Eric, le plus âgé, que la relation s'est le plus
dégradée.

Au moment de l'adoption, Louis souffrait de malnutrition


grave et de diverses infections ; Eric était un petit garçon, vif et plein
de santé. Le cadet était en institution depuis la naissance et l'aîné
depuis presqu'un an. Louis est né prématuré avec un frère jumeau
qui est décédé dans les mois suivants. Il a été abandonné par une
mère seule et démunie. L'histoire de Eric est plus complexe. Il
semble qu'il ait été élevé par les patrons de sa mère biologique,
employée domestique très jeune qui, sur un coup de tête, est allée
sans prévenir quiconque, confier le petit au tribunal.

Il ne semble pas que ces enfants aient souffert outre


mesure de leur histoire individuelle. Louis qui était le plus atteint, a
largement récupéré tant physiquement que psychologiquement de
son mauvais départ dans la vie. En poussant plus loin la réflexion, on

238 Le couple a adopté ultérieurement une petite fille

237
est même surpris de la facilité avec laquelle ils se sont adaptés au
"moule" familial. Quant au couple parental, il nous apparaît
vraisemblable qu'ils auraient pu fonctionner adéquatement comme
parents d'enfants plus conformes à leurs attentes, du moins en ce qui
concerne une première adoption de garçons239.

De nouveau, c'est une erreur de sélection et, plus que


tout, de "matching" qui est à l'origine de cette difficile intégration. Il
est fort dommageable que ces adoptants n'aient pu, avec l'aide
bienveillante de professionnels, exprimer davantage leurs attentes
quant aux enfants qu'ils souhaitaient accueillir240. Une séparation
concernant la réalité de ce qu'est vraiment un enfant leur a fait
cruellement défaut.

c) Le devenir d'une fratrie

René et Louise sont frère et soeur biologiques. Ils font


partie d'une fratrie de quatre enfants dont les deux autres, deux
petites filles plus jeunes, ont été adoptées par une autre famille241.
René et Louise ont, au moment où nous les rencontrons,
respectivement, neuf et dix ans (les soeurs cadettes étant âgées de
huit et sept ans). Tous les quatre sont blancs de type européen242. Au
premier contact, les deux enfants sont sympathiques, mais méfiants,
sur leurs gardes. René a un gros problème de strabisme qui l'oblige
à porter des lentilles très épaisses. Les relations entre les deux
enfants sont bonnes mais selon la mère, elles posent problème entre
enfants biologiques et enfants adoptés. Les relations extra-familiales
en milieu scolaire sont bonnes pour les deux enfants. Les parents -
la mère surtout, qui est institutrice - se plaignent d'un manque
d'acquis de la part des deux enfants qui ont un an de retard scolaire
par rapport à leur classe d'âge. A ce propos, il est intéressant de

239 Certains adoptants ont clairement exprimé la relation


qu'ils établissent entre le sexe de l'enfant et sa couleur
de peau. En d'autres termes, le côté typé et "exotique"
passe beaucoup mieux chez les filles que chez les garçons,
considérés comme devant s'adapter à notre société,
affronter le monde extérieur, et gagner de quoi nourrir une
famille.
240 Il est aussi invraisemblable qu'ils aient été autorisés
à accueillir deux enfants à la fois.
241 Voir étude de cas suivante.
242 Etant donné la difficulté de trouver une famille pour
accueillir les quatre enfants ensemble, le service
d'adoption les a placés deux par deux dans des familles
amies de la même région.

238
noter que ces enfants ont commencé à fréquenter l'école la semaine
même de leur arrivée.

Les relations avec les parents sont froides et tendues


bien que, sur questionnaire, ce fait soit nié. De même, sur papier, les
parents disent que les deux enfants correspondent en tout point à
ceux qu'ils avaient demandés, mais verbalement ils ne cessent de
s'en plaindre et la mère va jusqu'à avouer clairement son regret
d'avoir adopté, par "manque d'informations", selon elle. Il s'agit d'un
couple jeune ayant deux enfants biologiques, lesquels ont quelques
années de plus que les enfants adoptés. Le père est ouvrier et la
mère, institutrice. La motivation avancée par eux est clairement
humanitaire. Ils disent désirer "depuis toujours", rendre heureux des
enfants défavorisés.

On connaît peu de choses de l'histoire de ces quatre


enfants. Leur mère biologique, une toute jeune femme, les a confiés
au tribunal pour raisons essentiellement socio-économiques. Elle
avait été abandonnée par son compagnon. Elle est venue leur rendre
quelques visites avant de disparaître complètement. Les enfants sont
restés sept mois dans l'institution. Ils ne souffraient d'aucun
problème physique particulier, à l'exception de René qui manifestait
un retard psychomoteur important.

Le séjour du couple au Brésil fut, objectivement, rendu


difficile et angoissant par une erreur procédurale. Bien que le cas de
ces enfants ne soit pas actuellement d'une gravité extrême, il nous
apparaît évident, avec le recul, que ce couple - ainsi qu'il le reconnaît
d'ailleurs - n'aurait jamais dû adopter ni ces enfants ni d'autres
(erreur de sélection). Ils les élèvent du mieux qu'ils peuvent. Mais la
relation est très pauvre au niveau affectif, il y a extrêmement peu
d'investissement et d'échanges. Le couple ne se remet absolument
pas en question et rejette la responsabilité de la situation sur autrui :
le service d'adoption, le tribunal brésilien et, en définitive, les
enfants.

Dans ce contexte, il n'est guère étonnant qu'ils aient


pratiquement rompu les relations avec la famille qui a accueilli les
deux soeurs de René et Louise, laquelle vit avec les deux petites
filles une relation extrêmement positive et enrichissante pour tous.

L'histoire des soeurs de René et Louise, Christine et


Carmen, est donc beaucoup plus heureuse. Ces deux petites filles
sont spontanées, enjouées et très communicatives. Les relations

239
qu'elles établissent avec leur entourage sont bonnes, excellentes
entre elles ainsi qu'avec leurs parents. Elles sont toutes deux dans la
classe correspondant à leur âge. Les parents ont une trentaine
d'années : le père est ouvrier et la mère institutrice. Le couple est
stérile et essaie depuis plusieurs années d'adopter un enfant dans
son pays, en vain. Parallèlement, ils hébergent et éduquent un jeune
garçon de onze ans depuis plusieurs années. Déçu de ses tentatives
d'adoption antérieures, le couple est extrêmement méfiant, désabusé
et madame est de temps en temps agressive envers le service
d'adoption, ce qui n'empêche nullement le bon déroulement des
entretiens pré-adoptifs. Le couple G se dit comblé par ces deux
petites filles avec lesquelles ils ont très rapidement tissé des liens
d'affection et de confiance réciproque et dont ils se sentent
visiblement les parents à part entière.

d) Une famille adoptive monoparentale

Paul et Vincent sont deux jeunes adolescents (12 et 14


ans) extrêmement sympathiques et souriants. Ils semblent heureux
de nous rencontrer et tous deux nous posent des questions sur le
Brésil, se montrent très intéressés par les problèmes sociaux et
économiques que connaît leur pays d'origine. Vincent, le plus jeune,
projette même de venir en aide aux Brésiliens pauvres "quand il sera
grand". Paul et Vincent ont été adoptés à l'âge de cinq et six ans et
demi par une infirmière célibataire.

Avant leur adoption, les deux garçons ont subi un


nombre important de placements successifs. Leur mère biologique
était une jeune adolescente délinquante. Les enfants sont de pères
différents et le père biologique de Vincent est décédé avant la
naissance de l'enfant. L'âge de l'aîné ne correspond pas aux
souhaits de sa mère adoptive, qui, de plus, aurait préféré accueillir
une fille et un garçon. Physiquement, les deux enfants sont très
différents : l'aîné est petit et basané ; le plus jeune est grand, a une
peau claire et un type européen. Dans un premier temps, qui a duré
de nombreuses années, l'aîné a incarné en quelque sorte "l'adoption
idéale" et le cadet, ses revers. Vincent présentait des signes graves
d'hyperkinésie, d'attachement superficiel et non-discriminatif, de
manque de contrôle des émotions et d'incapacité de concentration
sur quelque tâche que ce soit. L'aîné, en revanche, était et est
toujours un enfant presque trop parfait que sa mère, épuisée par les
efforts croissants qu'exige d'elle Vincent, a souvent eu tendance à

240
considérer comme un petit adulte243. Les enfants s'entendent
extrêmement bien entre eux et sont normalement intégrés parmi
leurs camarades de classe. Paul est très brillant au niveau scolaire ;
les performances de Vincent, elles, sont moyennes et acquises au
prix de réels sacrifices de la part de Mme V. Très vite, Vincent a
exprimé, y compris verbalement, le manque de père.

L'impression immédiate était que cette famille bien


qu'intégrée était stressée et épuisée, que la relation avec l'aîné
vécue jusqu'à ce moment de façon très positive risquait d'être
fortement remise en question lors d'une crise d'adolescence
inévitable. Des nouvelles récentes de cette famille nous prouvent
que nous avions raison : Paul a eu dernièrement une réaction
d'opposition brutale à sa mère qu'il refuse catégoriquement de voir,
réfugié dans la famille élargie. Seule, face à ces motifs de
préoccupation répétés, Mme V. est à nouveau très déprimée et
témoigne d'un sentiment de totale désillusion. Il apparaît que dans
cette situation, la mère adoptive, personne pourtant équilibrée et
pleine de ressources, est régulièrement dépassée par les problèmes
des enfants qu'elle doit assumer seule, problèmes qui,
parallèlement, semblent en partie aggravés par l'absence de père.
Un cas comme celui-ci où les difficultés ne semblent aucunement
imputables à un défaut d'encadrement (sélection, matching, ...), nous
amène à nous questionner sur les adoptions réalisées par
célibataires en tant que telles et la mesure dans laquelle elles sont
susceptibles de rencontrer vraiment tant l'intérêt de l'enfant que celui
du parent.

Conclusion de la deuxième partie


Au niveau statistique, nous avons recherché s'il y avait
une relation éventuelle entre le niveau d'intégration des enfants et
certaines de leurs caractéristiques:

• la durée de leur séjour dans leur famille adoptive (variant de


quelques mois à plusieurs années)
• leur âge au moment de l'adoption
• la durée de leur séjour en institution
• le motif du placement en institution
• leur état de santé au moment de l'adoption
• le sexe

243 Madame V. est aussi passée par un gros épisode


dépressif.

241
• la couleur de peau
• l'appartenance à une fratrie adoptée

Ensuite, la même recherche a été réalisée en fonction


de certaines caractéristiques des adoptants ainsi que de la
procédure suivie, à savoir :

• leur motivation à l'adoption


• la composition de leur famille (avec ou sans enfants biologiques)
• leur état civil
• leur âge
• leur niveau socioprofessionnel
• leur lieu de résidence
• le pays de résidence
• une éventuelle proposition antérieure d'accueillir un autre enfant
• la correspondance entre l'enfant demandé et l'enfant proposé
• la correspondance entre l'enfant imaginé et l'enfant réel

Aucune relation significative n'est apparue entre ces


variables.

Diverses raisons sont envisageables pour expliquer cet


état de fait. En premier lieu, au niveau statistique, nous avons à
considérer une population extrêmement hétérogène, d'effectif réduit
pour une problématique complexe où intervient un nombre important
de variables. Il y eut une proportion importante de non-réponses, tant
globales, que spécifiques à l'une ou l'autre des sous-questions.
Enfin, ce qui fait figure de variable dépendante dans cette recherche,
à savoir le niveau d'intégration des enfants, a été mesuré par le biais
d'un instrument créé par nous et donc extrêmement sujet à caution. Il
n'en reste pas moins que, quelle que soit la validité statistique de ces
mesures, la réalité observée montre que, dans une majorité de cas,
l'adoption de ces enfants par des familles européennes leur a permis
d'établir avec celles-ci des liens profonds, et donc de réaliser une
intégration satisfaisante (hypothèse n°1). Les échecs d'intégration
observés et les quelques changements de familles prouvent que
cette reconstruction de liens n'est pas possible pour n'importe quel
enfant dans n'importe quelle famille (hypothèse n°2). Enfin, il est à
remarquer que tant les intégrations réussies que les échecs
concernent des enfants qui ont été adoptés bébés comme d'autres
qui ont été adoptés grands, des enfants noirs comme des enfants
blancs, des enfants qui ont passé de nombreux mois en institution
comme ceux qui n'y ont séjourné que quelques jours. Cela dit, il faut

242
opérer une nette distinction entre un mal-être passager - lié à
l'adolescence par exemple - et une absence d'intégration.

N'étant pas statistiquement significatives, ces


observations ne prétendent pas contredire les relations observées
entre ces variables par de précédentes études réalisées
essentiellement dans les pays nordiques et anglo-saxons. Ceci est
d'autant plus important à souligner que le laps de temps écoulé entre
l'adoption et le moment de cette recherche est relativement court244
et qu'il est vraisemblable que d'autres difficultés vont surgir lors de la
crise d'adolescence de ces enfants245. Mais les observations faites
nous amènent à souligner que ce ne sont pas tant les
caractéristiques des enfants et / ou des adoptants qui sont
importantes en soi, mais plutôt la manière dont elles sont évaluées
et élaborées lors des interactions avec les intervenants (hypothèse
n°3). Ce travail de mise en évidence des ressources et des limites
propres à chacun est essentiel à la réalisation de cette phase critique
qu'est le matching, où l'adéquation maximale est recherchée entre
les besoins de l'un et les désirs des autres. Cette notion d'adéquation
réciproque renvoie à celle de la "superposabilité" entre l'enfant
imaginé et l'enfant réel246, notion centrale de toute filiation, biologique
ou adoptive. L'appréciation de cette "superposabilité" passe par une
évaluation soignée des besoins de l'enfant d'une part et des attentes
- réelles et non uniquement exprimées - des candidats d'autre part.
Pour réaliser une tâche aussi délicate et lourde de conséquences,
les intervenants doivent être des personnes spécialement formées et
expérimentées dans le domaine de l'adoption et qui, de surcroît,
bénéficient d'un travail de formation personnelle et de supervision.
En outre, étant donné que l'adoption touche aux domaines juridique,
social, médical et psychologique, il est nécessaire qu'elle soit
confiée à des équipes formées de professionnels de ces quatre
disciplines.

La grande difficulté en matière d'adoption internationale


réside dans la fait que deux équipes de professionnels vont devoir
intervenir séparées tant par la distance géographique que par les
références culturelles. Pourtant ces équipes, idéalement, devront
244 Hoksbergen et coll. montrent que les problèmes graves
apparaissent généralement autour de l'âge de 12 ans (R.A.C.
Hoksbergen, JJTM Spaan et BC Waardenburg, op. cit. pp38-
39).
245 Nous pensons que le contexte socio-politique que
connaissent actuellement les pays occidentaux risque de
constituer une difficulté supplémentaire.
246 Et vice-versa pour l'enfant !

243
apprécier les éléments de pronostic de l'adéquation réciproque de tel
enfant pour tel parent et vice-versa. La mise en relation n'est que
l'étape ultime du processus. Durant son déroulement, les
intervenants ont la responsabilité d'arrêter la procédure en présence
de signes précurseurs d'échec futur. Ces signes peuvent être d'ordre
juridique (réapparition d'un membre de la parentèle de l'enfant, par
exemple) ou psychologique (opposition de l'enfant, refus muet d'un
des conjoints, etc...). Ainsi, il s'avère que pour la plupart des enfants
qui, aujourd'hui, dans leur famille adoptive, sont confrontés à des
problèmes d'intégration, les intervenants brésiliens, au moment de la
mise en relation avec les parents qui leur étaient destinés, avaient eu
un pressentiment défavorable.

244
245
CONCLUSION
Quelle que soit la pression exercée sur les pays
d'origine des enfants par la demande émanant des postulants dans
les pays d'accueil, l'adoption internationale ne peut, en aucun cas,
être considérée comme la solution au problème de l'enfance
démunie et abandonnée au Brésil ou dans tout autre pays qui souffre
d'une inadéquation entre les ressources disponibles et l'ampleur des
problèmes liés à l'enfance. En effet, la seule considération qui doit
fonder le prononcé d'un jugement de filiation adoptive et de la sortie
d'un mineur vers une autre région du monde, c'est intérêt de enfant.

La procédure d'adoption internationale, dont ont


bénéficié les enfants brésiliens, objets de cette recherche,
conformément à la loi brésilienne du 13 juillet 1990 relative au statut
de l'enfant et de l'adolescent (art. 31), à l'article 21 (b) de la
Convention internationale des droits de l'enfant, de 1989, et à la
Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière
d'adoption internationale signée à La Haye le 31 mai 1993
(Préambule alinéa 3 et art. 4-b) avait le caractère de subsidiarité
exigé par le droit interne et les grands instruments internationaux
réglementant cette matière.

En définitive, il apparaît clairement que l'adoption


internationale ne peut représenter qu'une solution individuelle pour
certains enfants de même qu'une réponse à la demande de certains
parents adoptants. L'adoptabilité ne doit pas uniquement se
concevoir d'un point de vue juridique, mais c'est un concept
beaucoup plus large qui intègre un ensemble complexe d'éléments
psychologiques dont la capacité affective à affronter le

246
bouleversement le plus profond qui soit: un changement d'état lié à
un déplacement transculturel.

L'ensemble du processus adoptif doit impérativement


être encadré par des services de professionnels, seuls garants avec
l'intervenant ultime, le juge, de l'intérêt supérieur de l'enfant, comme
le préconise la Convention de La Haye de 1993 en ses articles 10 et
11. Le rôle de ces « tiers obligés » est essentiel. La médiation de la
démarche par des équipes pluridisciplinaires de professionnels
compétents et spécialisés, tant dans le pays d'origine de l'enfant que
dans le pays d'accueil, apparaît comme la seule méthode pour que
l'adoption d'un enfant venant de l'étranger ne soit pas une
«aventure»247 - [dé]marche sans savoir où l'on va - mais une décision
à laquelle le risque est inhérent, comme pour tout acte humain qui
doit être mesuré autant que faire se peut.

Cette fonction centrale des intermédiaires a, semble-t-il,


peu retenu l'attention des chercheurs. En analysant les facteurs de
réussite ou d'échecs en matière d'adoption internationale, les
chercheurs se sont attachés de façon quasi exclusive soit au profil
de l'enfant, soit aux caractéristiques présentées par les adoptants.
Au terme de cette étude, il nous semble que les chances de réussite
de toute démarche adoptive qui s'inscrit de plus dans un cadre
transculturel reposent essentiellement sur les capacités d'élaboration
psychique des différents intervenants professionnels.

A l'heure où, au Brésil, une frange de l'opinion publique


et des milieux professionnels concernés s'interrogent sur la véracité
des rumeurs et de certaines investigations journalistiques concernant
des trafics d'organes sur la personne d'enfants sortis de leur pays
d'origine sous le couvert de procédures d'adoption internationale, il
apparaît particulièrement pertinent de multiplier des recherches de
cet ordre. C'est par ce biais que l'on pourra rendre à l'adoption
internationale son vrai rôle de mesure de protection de l'enfant et sa
faculté d'interpeller l'opinion collective et les gouvernements sur la
richesse et l'espoir de l'humanité qu'incarnent ses enfants.

247Comme le répètent à satiété ouvrages, rapports et même


brochures officielles sans oublier évidemment tous les
reportages médiatiques.

247
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260
261
ANNEXES

262
I. Questionnaire type utilisé pour l'enquête

Le questionnaire a été distribué sous une forme assez libre, facile à


lire à annoter et à remplir par les parents, mais moins commode
qu'un formulaire précodé lors du dépouillement. On a reproduit ici le
questionnaire sous forme d'un presque fac simile dans lequel on
introduit en italique et dans une autre fonte la grille de dépouillement
du questionnaire. Ainsi une question a pu être subdivisée en sous-
question, on a ajouté des valeurs de non-réponse...

Toutes les réponses n'étaient pas toujours codifiables, dans le cas


de réponses de type descriptif on a conservé au dépouillement une
description, souvent ce type de question est marquée d'une lettre A
associée au numéro de la question ou de la sous-question.

263
INFORMATIONS GENERALES

1. Prénom de l'enfant :
2. Sexe :
3 Questionnaire rempli le :
4. Questionnaire rempli par : - père
- mère
- père et mère

PERE MERE
5. Profession
6. Etudes

7. Lieu de résidence : 1 - ville


2 - village
3 - campagne

8. Type d'habitation: 1 - appartement


2 - maison jumelée
3 - maison isolée

9. Nombre de chambres disponibles :

10. Composition de la famille : nombre de personnes


vivant sous le même toit :
adultes (à préciser) :

10.1 enfants biologiques:


prénom sexe date de
naissance

10.2 enfants adoptés:


prénom sexe date de date pays
naissance d'arrivée d'origine

264
enfant en accueil :
prénom sexe date de date pays
naissance d'arrivée d'origine

11. Si vous avez adopté plus d'un enfant, s'agit-il


d'une fratrie réelle?

11.1 Nombre d'enfants biologiques nés après l'adoption


de...:

265
AVANT L'ARRIVEE DE L'ENFANT

12. Combien de temps s'est écoulé entre votre toute


première démarche d'adoption et votre acceptation par
un service d'adoption?

13. A combien de services vous êtes-vous adressés?

14. Combien de temps s'est écoulé entre votre


acceptation et l'arrivée de l'enfant?

15. Par quel intermédiare avez-vous adopté votre


enfant?
- service d'adoption
- avocat
- prêtre, religieuse, .....
- connaissance vivant au Brésil
- crèche, orphelinat au Brésil
- tribunal d'enfants

16. Pensez-vous qu'une sélection des demandes


d'adoption est utile?
1 - oui
2 - non
3 - peut-être
4 - je ne sais pas

17. Comment avez-vous vécu le processus de sélection?


Expliquez :
0 - sans réponse
1 - bien
2 - très bien
3 - mal
4 - très mal

18. Avez-vous reçu une préparation à l'adoption?


0=non 1=oui
18.1 0=non, 1=oui - lecture d'ouvrages spécialisés, film
18.2 0=non, 1=oui - rencontres de familles adoptives
18.3 0=non, 1=oui - participationà des groupes de
préparation à
l'adoption
18.4 0=non, 1=oui - consultations auprès de
psychothérapeutes
18.5 0=non, 1=oui - autres, laquelle?
18A. - Description de 18.5

266
19. Avez-vous reçu des informations sur l'enfant avant
de prendre la décision de l'accueillir?
Lesquelles? (âge, couleur, santé,...)

question modifiée en 0= non et 1 =oui pour chacun des critères suivants :


19.1-âge 19.3-santé 19.5-temps d'institutionalisation 19.7-
autres
19.2 - couleur 19.4-sexe 19.6-motif de l'abandon 19.7A-
Descript.

20. Vous avait-on proposé un (des) autre(s) enfant(s)


avant ..............?

0 = non
1 = oui

21. Quels souhaits aviez-vous émis par rapport à


l'enfant?
Pourquoi?

description

22. L'enfant proposé correspondait-il à l'enfant


demandé?
22.1 - sexe: 1 oui 0 non 2 indifférent
ou pas d'exigence
22.2 - âge: 1 oui 0 non 2 indifférent ou pas
d'exigence
22.3 - couleur: 1 oui 0 non 2
indifférent ou pas d'exigence
22.4 - santé: 1 oui 0 non 2 indifférent
ou pas d'exigence

Si vous avez coché une ou plusieurs de réponses


négatives:

22.5 Lequel de ces 4 critères était-il le plus


important pour vous?
1 - âge 3 - couleur 5 - pas de réponse
2 - sexe 4 - santé

23.6 Dans quelle mesure cela a-t-il fait problème?


1 - nous avons pensé que ce n'était pas trop
important
2 - au départ, nous avons trouvé cela gênant

267
3 - nous avons longtemps hésité à accepter
4 - pas de réponse

268
RENCONTRE ENFANT-PARENTS

23. Lors de la première rencontre, les informations qui


vous avaient été fournies sur l'enfant coïncidaient-
elles avec l'enfant que l'on vous a présenté?

0 = non, 1 = oui, 2 = pas de réponse, 3 = nous n'avions aucune


information

23.1 Si non, cela vous a-t-il gêné?

0 = non 2 ne concerne pas (quand 23=oui)


1 = oui 3 pas de réponse

24. Quel est le premier souvenir que vous avez de votre


enfant?

description

25. Etait-il tel que vous vous le représentiez?


1 - non, tout à fait différent
2 - plus ou moins différent
3 - oui, tel qu'on s'y attendait
4 - pas de réponse

26. Lors de votre séjour au Brésil, combien de jours


ont duré vos démarches administratives?

1 - 0 à 5 jours
2 - 6 à 10 jours
3 - 11 à 15 jours
4 - 16 à 20 jours
5 - 21 à 30 jours
6 - plus de 30 jours

27. Quel type de jugement avez-vous obtenu?

1 - garde
2 - tutelle
3 - adoption

28. Quel souvenir avez-vous gardé de votre séjour au


Brésil?

1 - très bon
2 - bon
3 - moyen

269
4 - mauvais
5 - très mauvais
6 - pas de réponse

270
29. Envisagez-vous de retourner un jour au Brésil avec
.............?

1 - oui
2 - non
3 - peut-être
4 - je ne me pose pas la question

30. ....... était-il tel que vous vous le représentiez?


- non, tout à fait différent
- plus ou moins différent
- oui, tel qu'on s'y attendait
question non traitée car identique à 25

SANTE

31. Quel était l'état de santé de ............ lorsque


vous l'avez accueilli?

31.1 - Bonne santé 0 = non, 1=oui, 2=pas de réponse


31.2 - Malnutrition 0 = pas de malnutrition
1 = légère
2 = grave
31.3 - Infection 0 = pas d'infection
1 = modérée
2 = grave
31.4 - Developppement psychomoteur 0 = normal
1 = retard léger
2 = retard grave
31.5 - Malformations 0 = pas de malformations
1 = légères
2 = graves
31.6 - Séquelles de mauvais traitements 0 = non
1 = oui
31.6A - Description de 31.6

32.Des problèmes de santé importants se sont-ils


produits depuis l'arrivée de ............?
(mises à part les maladies infantiles habituelles)

1 - non
2 - quelques problèmes
3 - beaucoup de problèmes

Lesquels?
32.A - Description des problèmes

271
33. Quel est l'état de santé actuel de .............?

1 - bon
2 - moyen
3 - mauvais

EDUCATION
34. Vous attendiez-vous à des problèmes particuliers en
matière d'éducation pendant la phase qui a suivi
l'arrivée de .............?
0 = non 1 = oui
34.1 0=non,1=oui -nous nous attendions à des problèmes
d'adaptation sociale
34.2 0=non,1=oui -nous nous attendions à des problèmes
scolaires
34.3 0=non,1=oui -nous nous attendions à des problèmes de
relations familiales
34.4 0=non,1=oui -nous nous attendions à d'autres
problèmes
34A Lesquels?

35. Vous attendiez-vous à certains problèmes en matière


d'éducation après cette première phase, c'est-à-dire
quand l'enfant grandit?

0 - nous ne nous attendions pas à des problèmes


1 - nous nous attendions à rencontrer certains
problèmes particuliers
2 - pas de réponse
35A. Lesquels? (description)

36. Croyez-vous qu'élever un enfant adopté est plus


facile
1 - quand on a déjà des enfants biologiques
2 - quand on n'a pas d'enfants biologiques
3 - pas de réponse
4 - "je ne sais pas" ou "n'ayant pas d'enfant biologique, impossible de
répondre"

37. Il arrive que durant les 6 premiers mois suivant


l'arrivée les enfants aient des comportements
inhabituels. ............... a-t-il manifesté ces
comportement?
0 = non 1 = oui
37.1 - 0=non,1=oui - insomnie, cauchemars
37.2 - 0=non,1=oui - gourmandise, boulimie
37.3 - 0=non,1=oui - manque d'appétit

272
37.4 - 0=non,1=oui - vomissements psycho-somatiques
37.5 - 0=non,1=oui - énurésie
37.6 - 0=non,1=oui - attachement uperficiel, ami de tout le
monde
37.7 - 0=non,1=oui - anxiété, manque de confiance en soi
37A - autres : décrire de façon approfondie

273
38. Avez - vous trouvé ce comportement difficile à
accepter?

0 - non
1 - tout d'abord oui, mais plus maintenant
2 - tout d'abord oui, toujours maintenant
3 - tout d'abord non, maintenant oui
4 - parfois
5 - pas de réponse
6 - ne concerne pas (pour ceux qui ont répondu non à 37.)

39. Ce comportement inhabituel subsiste-t-il toujours?

0 - non
1 - oui, mais il est moins marqué
2 - oui, dans la même mesure
3 - oui, de façon plus marquée
4 - pas de réponse
5 - ne concerne pas (pour ceux qui ont répondu non à 37.)

40. D'autres comportements ont-ils fait leur apparition


depuis lors?
0 = non 1 = oui 2 = pas de réponse
40A. Si oui, lesquels?

41. Nous venons de décrire quelques comportements et


problèmes particuliers; ceux-ci avaient-ils, à votre
avis, un lien spécifique avec la vie de ......... dans
son pays d'origine, avant son adoption?

1 - oui
0 - non
2 - je ne sais pas
3 - pas de réponse
4 - ne concerne pas (0 pour 37. et 40.)

42. Pensez-vous que ..........souffre de déracinement?

1 - oui
0 - non
2 - difficile à dire ou pas de réponse

43. Lorsque vous comparez le développement de


.......... avec celui des enfants de son âge, peut-on
dire, selon vous, qu'il est :

274
43.1 En ce qui concerne le développement physique
(croissance, taille, poids)

1 - en avance
2 - aucune différence
3 - en retard
4 - a un retard important

43.2 En ce qui concerne le développement moteur


(courrir, s'habiller, habileté générale)

1 - en avance
2 - aucune différence
3 - en retard
4 - a un retard important

43.3 En ce qui concerne le langage

1 - en avance
2 - aucune différence
3 - en retard
4 - a un retard important

44. Comment pourriez-vous le mieux décrire sa façon de


réagir au point de vue émotionnel?

0 - rien de particulier, normal


1 - n'arrive pas à exprimer ses émotions
2 - instable, imprévisible
3 - n'arrive pas à contrôler ses émotions
4 - autres
44A - préciser
description

45. Cherche-t-il à attirer l'attention?

0 - jamais
1 - parfois
2 - souvent
3 - toujours

46. Depuis l'arrivée de ............., a-t-il connu des


changements importants?

0 = non 1 = oui
46.1 0=non,1=oui - déménagement

275
46.2 0=non,1=oui - séparation des parents
46.3 0=non,1=oui - décès d'un des parents

276
46.4 0=non,1=oui - décès d'un membre de la famille proche
46.4A Lequel? description
46.5 0=non,1=oui - parent remarié ou nouvelle relation
46.6 0=non,1=oui - arrivée d'un nouvel enfant
46.7 0=non,1=oui - absence prolongée d'un des parents
46.8 0=non,1=oui - autre
46A préciser description

47A Comment a-t-il réagi à ces changements?


description

48. Comment réagit-il actuellement à ce qui est


nouveau, imprévu
Ex. changement de classe, d'instituteur, départ en
vacances...?
Donnez des exemples
description

49. Comment réagissez-vous à cette attitude?

description

50. ........... présente-t-il ou a-t-il présenté des


comportements tels que :

50.1 - 0 = non 1 = oui - mensonge


50.2 - 0 = non 1 = oui - chapardages, petits vols, ...
50.3 - 0 = non 1 = oui - agressivité verbale
50.4 - 0 = non 1 = oui - agressivité physique
50.5 - 0 = non 1 = oui - fugue
50A Donnez des exemples
description

277
51. Comment réagissez-vous à cette attitude?
description

52. Quelle est la fréquence de ces comportements?


description

RELATIONS
53. Etablir des liens affectifs entre enfants et
parents adoptifs n'est pas toujours aisé.
Que pensez-vous, de façon générale, de votre relation
avec..............?

53.1 PERE 53.2 MERE


1- bonne 1- bonne
2- satisfaisante 2- satisfaisante
3- insatisfaisante 3- insatisfaisante
4- mauvaise 4- mauvaise
5- ne concerne pas (mère celib.) 5- pas de réponse
6- pas de réponse

54. Que pensez-vous, de façon générale, de la relation


entre .............. et son frère (sa soeur) biologique
(de même filiation)?
description

55. Estimez-vous que votre relation avec


............... vous demande beaucoup d'efforts et de
persévérance?

55.1 PERE 55.2 MERE


0- non 0- non
1- c'est variable 1- c'est variable
2- oui, régulièrement 2- oui, régulièrement
3- ne concerne pas 3- pas de réponse
4- pas de réponse 4-

278
56. Actuellement, quel type de relations
................. a-t-il avec les autres adultes par
rapport à celles qu'il a avec vous?

1 - il est effrayé par les adultes étrangers à la


famille
2 - il a une relation privilégiée avec les parents mais
est aussi à l'aise avec les étrangers
3 - l'enfant s'attache de façon indifférenciée à tout
adulte bienveillant
4 - pas de réponse

57. Comment qualifieriez vous la relation entre


............. et les autres enfants de la famille?

1 - ils jouent et se disputent


2 - ils jouent et ne se disputent jamais
3 - ils se disputent
4 - ils sont indifférents
5 - pas de réponse

58. Quel est votre souvenir le plus agréable avec


...........?

description

59. Quel est votre souvenir le plus désagréable


avec..........?

description

60. En quoi ........... vous ressemble-t-il?

60.1 PERE 60.2 MERE


description description

279
SCOLARITE DES ENFANTS
61. Age au moment de la réponse

61.1 Age actuel (corrigé pour janvier 92)


61.2 Age à son arrivée

62. Combien de temps après son arrivée est-il entré à


l'école? (mois)

62.1 Age au moment de son entrée à l'école


62.2 En quelle année de la séquence scolaire est-il
entré à l'école?(code unique feuille annexe)

Comment se sont passés les débuts à l'école?


63.1 Au niveau du travail scolaire

1 = bien
2 = moyen
3 = mal
4 = très mal

63.2 Au niveau des relations avec les autres enfants

1 = bien
2 = moyen
3 = mal
4 = très mal

63.3 Classe actuelle (voir code feuille annexe)

63.4 Classe recommandée pour son âge (voir grille


d'unification)

63.5 Est-il en retard vis-àvis de son âge?

63.6 Quel est ce retard

64. A-t-il répété une (des) année(s)?


0 = non 1=non
64.1 Laquelle? (voir code feuille annexe)

65. Que pensez-vous des progrès scolaires de


............ par rapport à l'ensemble de sa classe?

1 - avance marquée
2 - légère avance
3 - moyen, rien à signaler

280
4 - léger retard
5 - retard important
6 - ne me concerne pas

281
66. Actuellement, quelle est son attitude face au
travail scolaire en général?

1 - active
2 - indifférente, passive
3 - attitude de rejet
4 - variable
5 - ne concerne pas

67. Est-il capable de se concentrer sur une tâche?


1 = oui 0 = non

67A Donner des exemples


description

68. Comment l'enfant réagit-il au travail scolaire à


domicile?

1 - bien
0 - mal
2 - ne concerne pas (enfants non encore
scolarisés)
3 - variable (dépend des occasions)

69. Comment est-il integré dans son groupe classe

1 - il est leader du groupe


2 - il participe aux jeux du groupe et a beaucoup
d'amis
3 - il participe peu au jeux du groupe et a peu
d'amis
4 - il a un ami privilégié
5 - il est le plus souvent solitaire
6 - autres

70. A-t-il des contacts avec ses camarades de classe en


dehors de l'école?

1 - oui
0 - non
2 - pas de réponse ou "ne concerne pas"

71. A-t-il des difficultés d'intégration liées à sa


couleur de peau?

0 - aucune
1 - peu

282
2 - oui au début
3 - oui régulièrement
4 - pas de réponse

283
CONCLUSIONS

72. Sur base de votre expérience, quel est, à votre


avis, l'âge maximum souhaitable au moment de
l'adoption?

73. Lorsque vous réexaminez les expériences vécues


jusqu'à présent, estimez-vous que cela revient au même
d'adopter un enfant ou d'avoir soi-même un enfant?
0 = non, 1 = oui, 2 = nous ne pouvons pas comparer, 3 = pas de réponse

73.1 1 - non, en raison des réactions de l'entourage


2 - non, en raison du passé de l'enfant
3 - non, en raison d'un autre contexte affectif
4 - non, pour d'autres raisons
5 - non, en raison de 2+3

73A autres raisons


description

74. Comment avez-vous ressenti l'accompagnement, le


suivi réalisé par le service d'adoption?

1 - important, nécessaire
2 - cela m'est indifférent
3 - inutile
4 - je n'ai jamais reçu de visite en ce sens

75. Croyez-vous que les rapports d'évolution sont


importants pour le pays d'origine de l'enfant?

1 - oui
0 - non
2 - je ne sais pas

76. Avez-vous des contacts avec d'autres parents


adoptifs?
0 = non 1= oui

76.1 En ressentez-vous le besoin?


0 = non 1= oui

284
77. Etes-vous membre d'une association de parents
adoptifs?
1 - oui
2 - oui et je suis très actif en ce sens
0 = non

78. En cas de difficultés, qui avez-vous contacté?

78.1 - Personne (on se débrouille seuls) 0 = non, 1 =


oui
78.2 - Pas de réponse (ou ça ne m'intéresse pas) 0 = non, 1 =
oui
78.3 - L'organisme par lequel nous avons adopté 0 = non, 1 =
oui
78.4 - Un service d'assistance extérieur (centre PMS...) 0 = non, 1 =
oui
78.5 - Le médecin de famille 0 = non, 1 =
oui
78.6 - Un psychologue 0 = non, 1 =
oui
78.7 - Un prêtre 0 = non, 1 =
oui
78.8 - D'autres parents adoptifs 0 = non, 1 =
oui
78.9 - Autres moyens 0 = non, 1 =
oui
78A - Préciser
description

79. Quels conseils donneriez-vous aux futurs parents


adoptifs?
description

80. Estimez-vous que les aspects les plus importants de


vos expériences d'adoption ont été abordés?
1 = oui 0 = non

80.1 Si non, avez-vous autre chose à ajouter?

285
description

286
287
II. Tableau d'équivalence des enseignements

288
EQUIVALENCE DES ENSEIGNEMENTS
AGE ITALIE BELGIQUE FRANCE

2-3

3-4

4-5 1a
Maternelle Maternelle
Materna
0 5-6 2a

1 6-7 1a 1 CP

2 7-8 2a 2 CE1

3 8-9 3a 3 Primaire CE2 Primaire


Elementaria
4 9-10 4a 4 CM1

5 1011 5a 5 CM2

6 11-12 1a 6 6e
Media
7 12-13 2a 1 5e
inferiore Collège
8 13-14 3a 2 4e

9 14-15 1a 3 3e
Media Secondaire
10 15-16 2a superiore 4 2e

11 16-17 3a o 5 1e
Lycée
12 17-18 4a
technica 6 T

289
III. Tableau de classification professionnelle

CLASSIFICATION PROFESSIONNELLE (d'après Duyme,


1981)

1 - cadres supérieurs, professions libérales


2 - cadres moyens, et toute profession ou fonction
nécessitant le baccalauréat ou son équivalent.
3 - commerçants, artisans, agents de maîtrise
4 - ouvriers qualifiés et agriculteurs
5 - sans qualification

290
291
IV. Acte final de la Conférence de La Haye 26
Mai 1993

292
293
294
295
296
297
298
299
300
301
V. Loi d'adoption. Extrait du statut de l'enfant
et de l'adolescent, Diario Oficial de la
République Fédérative du Brésil, Section I, du
16 juillet 1990

302
303
304
305
306
307
SOMMAIRE

308
SOMMAIRE
SOMMAIRE...........................................................................................................1

INTRODUCTION...................................................................................................1

PREMIERE PARTIE: L'ENFANT ABANDONNE ET L'INTERVENTION


DE L'ETAT............................................................................................................6

TITRE I: L'ABANDON : LES SOLUTIONS INSTITUTIONNELLES ET FAMILIALES


EN DROIT INTERNE ........................................................................................ 8
Chapitre I: La rupture entre l'enfant et la famille d'origine 8
Section 1 : Les facteurs économiques de la rupture ...................................10
§1 . L'inadéquation du modèle de développement économique...............10
§2 . Les facteurs socioculturels ................................................................11
A - La santé et l'infrastructure sanitaire ........................................................12
B - L'éducation ............................................................................................13
Section 2 : La carence de soins maternels et les formes de la
séparation....................................................................................................19
§1 - Les conditions et les conséquences de la carence ...........................20
A - Les conditions........................................................................................20
L'âge de l'enfant au moment de la séparation..............................20
La durée de l'éloignement. .........................................................20
Les conditions avant et après la séparation.................................21
La vulnérabilité différentielle des enfants. ...................................21
Le nombre et la fréquence des changements de milieu de
vie. ............................................................................................21
B - Les effets des carences et séparations précoces.......................................22
vulnérabilité au niveau de la personnalité....................................23
§2. Les différentes formes de séparation entre la mère et l'enfant ...........24
A - Le consentement à l'adoption donné par la mère à la naissance du
bébé.............................................................................................................24
B - Disparition de la mère après la naissance du bébé ...................................25
C - Les "cas sociaux" ...................................................................................25
D - Le retrait des enfants par le juge.............................................................27
Section 3 : Le placement en institution........................................................28
§1. Les conditions matérielles et le personnel..........................................29
§2. Une population fluctuante ...................................................................30
§3. Quelques conséquences sur le développement psychomoteur
de l'enfant .................................................................................................32
Chapitre II : L'adoption en droit interne 34
Section 1 : L'évolution socio-juridique de l'adoption au Brésil.....................34
§1. L'évolution de la société brésilienne ...................................................35
A - Les fonctions de l'adoption.....................................................................36
B - Les facteurs de l'évolution historique......................................................37
§2. L'évolution de l'adoption en droit brésilien..........................................39
La loi 3.133/57 ..........................................................................39
La loi 4.655/65 : la légitimation adoptive. ..................................40
La loi 6.697/79 : le Code des mineurs. .......................................40
La loi 8.069/90 : le Statut de l'enfant et de l'adolescent...............41
Section 2 : L'organisation de l'adoption au tribunal de Porto Alegre...........45
§1. Le service d'adoption ..........................................................................45
§2. La sélection des candidats adoptants.................................................46
A- Les pratiques antérieures.........................................................................46
B - La pratique actuelle................................................................................48
Section 3 : Les enfants adoptables .............................................................51
§1. Les enfants "conformes" aux attentes des adoptants brésiliens.........51
§2. Les enfants difficiles à placer en adoption..........................................53
A - Les enfants souffrant de problèmes de santé et de handicap ....................53
B - Les enfants plus âgés..............................................................................54
C - Les enfants de type ethnique différent.....................................................55
D - Les fratries.............................................................................................57
TITRE II : L'ADOPTION PAR DES ETRANGERS ................................................. 59
Chapitre I : Les caractéristiques de l'adoption par des
étrangers 59
Section 1 : Le développement de l'adoption internationale.........................60
§1. Considérations générales ...................................................................60
§2. L'impact des instruments internationaux.............................................64
Section 2 : Les motivations des adoptants étrangers..................................67
§1. Les motivations habituelles.................................................................67
§2. Le cas particulier des familles "hypertrophiques" ...............................70
Section 3 : L'importance du trafic d'enfants et le rôle des
intermédiaires ..............................................................................................73
§1. Les trafics d'enfants ............................................................................73
A - Le problème de la définition du trafic .....................................................73
B - Des formes de trafic. ..............................................................................75
§2. Les intermédiaires de l'adoption .........................................................78
A - La voie privée et la voie institutionnelle..................................................79
B - L'importance des intermédiaires au niveau fantasmatique........................81
§3. Le rôle des médias..............................................................................82
A - Les mécanismes journalistiques ..............................................................84
a) L'amplification, l'exagération..................................................84
b) La distorsion .........................................................................85
c) L'importance relative par rapport aux autres
informations ..............................................................................85
d) Le mensonge .........................................................................85
e) La dramatisation par introduction de thèmes à sensation ........85
B - L'exposé de quelques affaires .................................................................86
a) L'Ethiopie..............................................................................86
b) Le cas de la Roumanie ...........................................................86
c) Le cas de Serena Cruz en Italie ..............................................88
Section 4 Les conditions d’adoptabilité en France, Belgique, Italie et
Luxembourg.................................................................................................88
I - FRANCE ...............................................................................................88
1. Généralités...............................................................................................89
2. Conditions à remplir.................................................................................89
a) par l'adoptant.........................................................................89
b) par l'adopté............................................................................89
3. Forme de l'acte ......................................................................90
4. Type d'adoption.......................................................................................90
5. Extinction du lien.....................................................................................90
6. Médiation de la démarche ........................................................................91
7. Particularités de l'adoption internationale..................................................91
II - BELGIQUE...........................................................................................91
1. Généralités...............................................................................................91
2. Conditions à remplir.................................................................................91
a) par l'adoptant.........................................................................91
b) par l'adopté............................................................................92
3. Forme de l'acte.........................................................................................92
4. Type d'adoption.......................................................................................93
5. Extinction du lien.....................................................................................93
6. Médiation de la démarche. .......................................................................93
7. Particularités de l'adoption internationale..................................................93
III - ITALIE.................................................................................................94
1. Généralités...............................................................................................94
2. Conditions à remplir.................................................................................94
a) par l'adoptant.........................................................................94
b) par l'adopté............................................................................95
3. Forme de l'acte.........................................................................................95
4. Type d'adoption.......................................................................................95
5. Extinction du lien.....................................................................................95
6. Médiation de la démarche ........................................................................96
7. Particularités de l'adoption internationale..................................................96
IV - LUXEMBOURG ..................................................................................96
1. Généralités...............................................................................................96
2. Conditions à remplir.................................................................................97
a) par l'adoptant.........................................................................97
b) par l'adopté............................................................................97
3. Forme de l'acte.........................................................................................97
4. Type d'adoption .......................................................................................98
5. Extinction du lien.....................................................................................98
6. Médiation de la démarche ........................................................................98
7. Particularités de l'adoption internationale..................................................98
Remarques................................................................................................99
Chapitre II : La pratique de l'adoption par des étrangers au
tribunal de Porto Alegre 99
§1. La voie informelle..............................................................................100
Section 1: "L'apparentement" ou le "matching" .........................................101
§1. La prise de contact avec les adoptants étrangers ............................101
A - La prise de contact par les adoptants....................................................101
B - La proposition d'un enfant par l'équipe .................................................103
§2. La voie institutionnelle ......................................................................107
A - L'étude psycho-médicale ......................................................................107
B - La préparation à l'adoption...................................................................110
Section 2 : La mise en relation et le suivi de l'adoption.............................113
§1. L'arrivée des adoptants et leur séjour au Brésil................................113
A - Le décalage transculturel et la mise en relation à la FEBEM.................114
B - Les refus sur place et les demandes de changement d'enfant..................118
§2. Les rapports de suivi.........................................................................120
Section 3 : Le coût de l'adoption ...............................................................124
§1. Le coût réel .......................................................................................125
§2. Le coût symbolique ...........................................................................127
Conclusion.................................................................................................128
DEUXIEME PARTIE : L'INTEGRATION DES ENFANTS BRESILIENS
ADOPTES PAR DES FAMILLES EUROPEENNES .........................................129

TITRE I : LA RECHERCHE ET SES FONDEMENTS ......................................... 130


Chapitre I : Révision des études antérieures 130
Chapitre II : La problématique et la méthodologie de la
recherche 135
Section 1 : L'objet, les finalités et les hypothèses directrices....................135
Section 2 : Les instruments utilisés et les problèmes
méthodologiques .......................................................................................138
§1 Le recueil des données et leur traitement par des méthodes
classiques ...............................................................................................139
A - Les méthodes de recueil.......................................................................139
a) Le questionnaire .................................................................. 139
b) L'entretien ........................................................................... 139
B - Le traitement des données....................................................................140
§2. La discussion des résultats...............................................................144
A - La visite à domicile ..............................................................................145
B - Analyse des non-réponses ....................................................................146
TITRE II : LES RESULTATS DE LA RECHERCHE ............................................ 151
Chapitre I : La présentation des résultats 151
Section 1 : Le profil des enfants et des parents ........................................151
§1. Le profil des enfants .........................................................................151
A - Au moment de la rupture du lien familial..............................................151
B - Au moment de l'adoption. ....................................................................153
§2. Le profil des adoptants au moment de l'adoption ................................159
A - Distribution en fonction de l'état civil des adoptants .........................159
Section 2 : Le vécu de l'adoption par les parents et les enfants
166
§1. La période préadoptive et l'adoption proprement dite .........................166
A - Avant l'arrivée de l'enfant ..................................................................166
§ 2. La période post-adoptive....................................................................183
A - Le développement de l'enfant ...........................................................183
En conclusion de l'entretien...................................................... 223
Chapitre II : L'analyse des résultats 227
Section 1 - Comment vont les enfants ?....................................................228
§1. Impression première .........................................................................228
§2. Le niveau de développement............................................................229
Section 2 : Comment sont-ils intégrés ? ....................................................229
§1. L'interprétation des données statistiques .........................................229
A - L'instrument utilisé...............................................................................229
B - Le niveau d'intégration.........................................................................231
§2. quelques situations illustratives ........................................................235
Conclusion de la deuxième partie 241
CONCLUSION ..................................................................................................246

BIBLIOGRAPHIE ..............................................................................................248

ANNEXES .........................................................................................................262

I. QUESTIONNAIRE TYPE UTILISE POUR L'ENQUETE ..................................... 263


II. TABLEAU D'EQUIVALENCE DES ENSEIGNEMENTS..................................... 288
III. TABLEAU DE CLASSIFICATION PROFESSIONNELLE .................................. 290
IV. ACTE FINAL DE LA CONFERENCE DE LA HAYE 26 MAI 1993................... 292
V. LOI D'ADOPTION. EXTRAIT DU STATUT DE L'ENFANT ET DE
L'ADOLESCENT, DIARIO OFICIAL DE LA REPUBLIQUE FEDERATIVE DU
BRESIL, SECTION I, DU 16 JUILLET 1990 ................................................... 302
SOMMAIRE.......................................................................................................308

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