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UNIVERSITE PRIVEE DE BURKINA FASO

OUAGADOUGOU Unité - Progrès - Justice


……………………………
UFR/SCIENCES JURIDIQUES,
POLITIQUES ET
ADMINISTRATIVES

PRE-MEMOIRE DE FIN DU PREMIER CYCLE

LICENCE 3

MENTION : DROIT PRIVE

THEME : L’EXECUTION DE LA SENTENCE ARBITRALE EN


MATIERE COMMERCIALE

Soutenu publiquement par :

SEGDA Assane Oussame

Directeur de recherche :

Monsieur DEMBELE Hervé Année Universitaire : 2021/2022


INTRODUCTION

Le terrorisme a considérablement marqué la scène internationale, en particulier depuis le


début du 21ème siècle, amenant les Etats et les organisations internationales à réagir par le biais
de législations et d’opérations de lutte contre le terrorisme1. Bien que la prévention et la lutte
contre le terrorisme soient légitimes et nécessaires pour les Etats afin d’assurer la sécurité au
niveau national, régional et international, les mesures adoptées dans ce cadre doivent
respecter les cadres juridiques internationaux existants, parmi lesquels le Droit International
Humanitaire (DIH). Dans la pratique cependant, l’adoption de régimes d’exceptions a fait
émergé de nouveaux défis juridiques et a eu des conséquences humanitaires importantes : les
prétendus statuts de « combattants illégaux 2» ou « non privilégiés » , la notion contestée
d’assassinats ciblés , la détention illégale et secrète ; la privation de garanties judiciaires ; la
torture et autres formes de mauvais traitements ; la stigmatisation d’individus et de leurs
familles en particulier les femmes et les enfants ; la déchéance de la nationalité conduisant à
l’apatridie et à la négation des droits fondamentaux ; à la criminalisation des activités
humanitaires. Compte tenu de son actualité le terrorisme est devenu un sujet régulier dans les
forums internationaux, tel que le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Et bien que beaucoup
ait été déjà dit sur les conséquences en matière de droits humains, il est également utile
d’analyser les législations internationales et les opérations de lutte contre le terrorisme à
travers le prisme du DIH. A cet égard beaucoup de défis relèvent du maintien de l’intégrité du
DIH vis-à-vis des cadres de la lutte contre le terrorisme et de la prévention de l’espace
humanitaire. Mais considérant que le terrorisme ne peut être considéré ni comme un conflit
armé international, ni comme un conflit armé non international ; il s’impose des limites à
l’effectivité du DIH face au terrorisme.
Le Droit International Humanitaire (DIH) traditionnellement connu sous le nom de droit de la
guerre et des gens, est un ensemble de règles qui tend à limiter les effets des opérations de la
guerre, en particulier à l’égard des populations, des installations civiles et des personnes qui
ne participent pas ou plus aux combats (prisonniers de guerre, réfugiés), ainsi qu’en limitant

1
Terrorisme, lutte contre le terrorisme et DIH, https://www.quidjustitiae.ca/en/node/1770. Publié le 19
septembre 2021, consulté le 06/07/2022
2
Le terme « combattant illégal », « combattant ennemi » ou encore « combattant ennemi illégal » (« unlawful
combatant »), défini dans le USA PATRIOT Act, est le terme utilisé par le gouvernement des États-Unis sous la
présidence de George W. Bush pour qualifier les prisonniers capturés dans le cadre de la « Guerre contre le
terrorisme » se trouvant dans le centre de détention de Guantanamo ou dans d'autres centres de détention
clandestins de la CIA ou du Pentagone, notamment en Afghanistan et en Irak. Le terme de « combattant ennemi
» a été utilisé par Donald Rumsfeld pour qualifier tout individu suspecté de terrorisme quand bien même rien ne
le prouverait. https://fr.wikipedia.org/wiki/Combattant_ill%C3%A9gal
les objectifs, les moyens et les armes de la guerre.3 Il est aussi appelé « droit des conflits
armés ». Le DIH fait partie du Droit International qui régi les relations entre Etats. Il est formé
par un ensemble de règles internationales d’origines coutumières4 et conventionnelles. Les
conventions de Genève5 relatives à la guerre (notamment les quatre conventions de 1949 et
leur premier protocole additionnel de 19776) constituent les principaux traités applicables aux
conflits armés internationaux.
Le terrorisme quant à lui n’a pas de définition unanime. La difficulté pour l’élaboration d’une
définition juridique acceptable provient du fait que malgré tous les efforts, on ne peut définir
le terrorisme d’une manière tautologique en utilisant le mot terreur, ou les autres mots comme
éprouvante, intimidation, effroi, n’exprimant pas la même idée que la terreur 7. La difficulté
provient également du fait que le terrorisme est une désignation générique, englobant toute
une série d’actes multiformes comportant violence et terreur. Pour notre part nous vous
donnerons d’abord une définition selon Jean SALMON, et une définition selon le lexique des
termes juridiques. En se prêtant à cet exercice consacré à la définition du terrorisme, Jean
SALMON dans son ouvrage intitulé Vocabulaire du Droit International Public, défini le
terrorisme comme : « un fait illicite de violence grave commis par un individu ou un groupe
d’individus, agissant à titre individuel ou avec l’approbation, l’encouragement, la tolérance
ou le soutien d’un Etat, contre des personnes ou des biens dans la poursuite d’un objectif
idéologique, et susceptible de mettre en danger la paix et la sécurité internationale ». Le
lexique des termes juridiques quant à lui défini le terrorisme en matière de droit pénal comme
« l’ensemble des infractions limitativement énuméré dans le code pénal, qualifié ainsi
lorsqu’elles sont en relation avec une entreprise collective ou individuelle ayant pour but de

3
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Droit_international_humanitaire
4
Le droit international humanitaire coutumier est un corpus de règles non écrites du droit international public ; il
porte sur le comportement dans le cadre d'un conflit armé.
5
Les conventions de Genève sont des traités internationaux fondamentaux dans le domaine du droit international
humanitaire. Elles dictent les règles de conduite à adopter en période de conflits armés, et notamment la
protection des civils, des membres de l'aide humanitaire, des blessés ou encore, des prisonniers de guerre.
La première convention de Genève date de 1864. Cependant, les textes en vigueur aujourd’hui ont été écrits
après la Seconde Guerre mondiale. Sept textes ont cours actuellement : les quatre conventions de Genève du 12
août 1949, les deux protocoles additionnels du 8 juin 1977 et le troisième protocole additionnel de 2005. Les
quatre conventions de Genève ont été mondialement ratifiées, ce qui signifie que chacun des États du monde
s’engage à les respecter
6
Le Protocole I, ou Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des
victimes des conflits armés internationaux du 8 juin 1977, est un protocole qui amende les conventions de
Genève relatives à la protection des victimes dans les conflits internationaux, au sens où les « conflits armés dans
lesquels les peuples combattent contre la domination coloniale, l'occupation par des étrangers ou contre des
régimes racistes » sont considérés comme des conflits internationaux. Ce traité réaffirme les principes de droit
international présents dans les premières conventions de Genève en 1949 mais il introduit des clarifications et de
nouvelles clauses pour s'adapter aux développements de la guerre internationale moderne depuis la Seconde
Guerre mondiale.
7
Antoine SOTTILE, LE terrorisme international, p.9
troubler l’ordre public par l’intimidation et la terreur (…) ». Selon une approche
comparative de ces différentes définitions, nous pouvons retenir que le terrorisme est une
manifestation d’actes violents par un individu ou un groupe d’individus visant à troubler
l’ordre public et la sécurité internationale ou d’un Etat. Parmi ces définitions nous ne
retiendrons que celle émanent du droit public dans le cadre de notre étude.
Le champ de notre travail se fera sur la définition que nous avons retenu du terrorisme au sens
du droit international général puisque le DIH est un droit constitutionnel universel
Le sujet présente un intérêt pratique et théorique important. D’un point de vue pratique, la
question des limites du DIH dans la lutte contre le terrorisme est un enjeu majeur pour les
Etats et les organisations internationales. Les actes terroristes sont souvent commis en
violation du DIH, et la lutte contre le terrorisme soulève des questions complexes en matières
de droit pénal international et de droit de la guerre. D’un point de vue théorique, cette
question soulève des enjeux importants en ce qui concerne les limites de la souveraineté des
Etats et le rôle des organisations internationales dans la régulation des conflits armés.
Cependant quelles sont les limites du DIH face au terrorisme ? Quelles sont les insuffisances
des règles du DIH dans la lutte contre le terrorisme ? Les tentatives de lutte des acteurs contre
le terrorisme se révèlent elles efficaces ?
C’est dans cette optique que nous étudierons en premier temps l’insuffisance théoriquement
marquée du DIH (chapitre 1) et en second temps les tentatives d’adaptation des acteurs
pratiquement limitées (chapitre 2)
Chapitre I : L’insuffisance théoriquement marquée du DIH

Les actions menées par le DIH dans la lutte contre le terrorisme se retrouvent insuffisantes
face à la complexité de ce fléau. Cette insuffisance du DIH se justifie d’abord par le fait que le
terrorisme n’a pas de définition précise, ensuite il existe des difficultés relevant de la
qualification juridique du terrorisme (section 1) et enfin de l’incrimination généralisée des
actes de terrorisme (section 2)

Section 1 : Les difficultés relevant des problèmes de qualifications juridique


Ces difficultés de qualification juridique proviennent du fait que le terrorisme ne peut être
considéré ni comme un conflit armé international ni comme un conflit armé non international.
Ici nous verrons la complexité des crises terroristes (paragraphe 1) et l’incrimination
généralisée des actes de terrorisme (paragraphe 2)
Paragraphe 1 : La complexité des situations de crises terroristes
Ce paragraphe comprend 2 situations : les crises terroristes en temps de guerre (A) et les
crises terroristes en temps de paix (B)
A : Les crises terroristes en temps de guerre
En temps de guerre, les actes de terrorisme sont interdits par les Conventions de Genève de
1949 et par leurs Protocoles additionnels de 19778.
Plus généralement, le droit international humanitaire (DIH) interdit les attaques contre les
populations civiles. Cette disposition fondamentale est applicable à la conduite des conflits
armés, internationaux et non internationaux9.
Reconnues comme des principes appartenant au droit coutumier, l'obligation de distinguer
entre les combattants et les civils d'une part, et l'interdiction d'attaquer les populations civiles
d'autre part, s'imposent obligatoirement aux parties à un conflit, quelle que soit leur qualité.
"Les attaques ne doivent pas être dirigées contre des civils" et "les actes ou menaces de
violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile sont
interdits10".
La Cour internationale de justice a par ailleurs considéré que ces interdictions étaient
applicables en toutes situations, de paix ou de conflit armé, comme "considérations
élémentaires d’humanité, plus absolues encore en temps de paix qu'en temps de guerre11.

8
Cf. articles 27,33,34 de la IVe Convention de 1949,51, alinéa 2, du Protocole additionnel I du 8 juin 1977,4 et
13 du Protocole additionnel II du 8 juin 1977.
9
Cf. article 51,2. du Protocole I du 8 juin 1977 : "Ni la population civile en tant que telle ni les personnes civiles
ne doivent être l'objet d'attaques. Sont interdits les actes ou menaces de violence dont le but principal est de
répandre la terreur parmi la population civile" et art. 13,2. du Protocole II : "Ni la population civile en tant que
telle ni les personnes civiles ne devront être l'objet d'attaques. Sont interdits les actes ou menaces de violence
dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile."
10
Cf. Règles 1 et 2 de l'étude sur le droit coutumier réalisée par le CICR, "Customary International Humanitarian
Law", par Jean-Marie Henckaerts et Louise Doswald-Beck, CICR et Cambridge University Press, 2005, anglais
11
C.I.J. Aff. des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis
d’Amérique) [fond]. Arrêt du 27 juin 1986, § 215 à 220
B : Les actes terroristes en temps de paix
Comme le DIH n’est applicable qu’en cas de conflit armé, il ne règlemente pas les actes
terroristes perpétrés en temps de paix. Ces actes sont cependant soumis au droit, c’est-à-dire à
la législation nationale et au droit international, en particulier le droit relatif aux droits de
l’homme.12 Quels que soit la nature de leurs auteurs, les actes terroristes commis en dehors
des conflits armés doivent être réprimés par les organismes nationaux ou internationaux
d’application des lois. Les états peuvent prendre diverses mesures pour prévenir ou réprimer
les actes terroristes ; comme la collecte de renseignement ; la coopération policière et
judiciaire, l’extradition, les sanctions pénales, les enquêtes financières, le gel d’avoirs ou les
pressions diplomatiques et économiques à l’encontre des états accusés de soutenir les
personnes soupçonnées de terrorisme.
L'approche au cas par cas adoptée par le CICR pour qualifier juridiquement les situations de
violence est aussi utilisée pour déterminer le statut et les droits des personnes détenues dans le
cadre de la lutte contre le terrorisme. Si elles sont détenues dans le cadre d'un conflit armé
international, le CICR doit pouvoir avoir accès à elles selon les règles applicables du droit
humanitaire. Quand la lutte contre le terrorisme implique un conflit armé non international, le
CICR offre ses services humanitaires aux parties. En dehors des situations de conflit armé, le
CICR exerce son droit à l'initiative humanitaire pour demander accès aux personnes détenues.
La complexité des situations de crises terroristes nous amène à nous demander s’il existe des
organismes qui ont les compétences nécessaires pour incriminer les actes de terrorisme.
Paragraphe 2 : L’incrimination généralisée des actes de terrorisme
L’incrimination généralisée des actes de terrorisme est une pratique qui consiste à criminaliser
de manière excessive et vague des actes qui peuvent être considérés comme terroriste. C’est
sur cette base que nous étudierons les compétences de la CPI (A) et de l’ONU (B) dans
l’incrimination des actes de terrorisme.

A : La compétence de la CPI

Le terrorisme a été explicitement exclu de la compétence de la CPI. A cet égard, certains Etats
et certains chercheurs en tirent argument pour conclure que le crime de terrorisme est
définitivement exclu du système pénal international. Pourtant, tout comme pour la question de
la définition du terrorisme, et contrairement à une idée trop fréquemment véhiculée, le crime
de terrorisme n'est pas totalement exclu de la compétence de la CPI. Il ne subsiste, en réalité,
qu'un "petit" périmètre qui ne supporte pas l'homogénéité de traitement. Cette lacune a de
sérieuses répercussions tant sur les droits des victimes que sur ceux de la défense.
La CPI est compétente pour connaître de certains crimes de terrorisme. Il convient de
distinguer selon que les actes de terrorisme sont commis en temps de guerre ou en temps de
paix.
En temps de guerre, le DIH interdit explicitement le recours au terrorisme et, de manière
générale, interdit toutes les attaques contre les personnes civiles. La violation de cette
disposition constitue une infraction grave au DIH au sens de l'article 85,3, a du Protocole I du
8 juin 1977.

12
Publication du CICR en mai 2015, "Droit International Humanitaire : réponses à vos questions"
Le DIH ne distinguant pas entre crimes de guerre et crimes contre l'humanité, la violation
d'une de ses dispositions est susceptible d'être qualifiée soit de crime de guerre soit de crime
contre l'humanité.13
Il convient donc de rapprocher les dispositions du DIH de celles du Statut de la CPI.
Aux termes de l'article 5 du Statut de Rome, la CPI est compétente pour connaître des crimes
de guerre. L'article 8-2 du Statut précise que : "on entend par "crimes de guerre" :
Les infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoir l'un quelconque
des actes ci-après lorsqu'ils visent des personnes ou des biens protégés par les dispositions des
Conventions de Genève :".
Suit une énumération des actes considérés. Dans cette liste, sont expressément désignés :
l’homicide intentionnel, le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de
porter gravement atteinte à l'intégrité physique ou à la santé, la prise d'otages ;".
Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés
internationaux dans le cadre établi du droit international, à savoir : le fait de diriger
intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou contre des
civils qui ne participent pas directement part aux hostilités ; le fait de diriger
intentionnellement des attaques contre des biens de caractère civil, c'est-à-dire des biens qui
ne sont pas des objectifs militaires ; le fait d'attaquer ou de bombarder, par quelque moyen
que ce soit, des villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus et qui ne
sont pas des objectifs militaires ; le fait d'employer du poison ou des armes empoisonnées ; le
fait d'employer des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que tous liquides, matières
ou procédés analogues ; es atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements
humiliants et dégradants ;".
La CPI est également compétente pour les crimes de guerre commis en cas de conflit armé
non international : "En cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international, les
violations graves de l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève du 12 août 1949, à
savoir l'un quelconque des actes ci-après commis à l'encontre de personnes qui ne participent
pas directement aux hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont déposé les
armes et les personnes qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure, détention ou
par toute autre cause :"
Etant précisé que ces dispositions ne sont pas applicables aux situations de troubles internes et
de tensions intérieures, suit une énumération des actes considérés. Dans cette liste, sont
expressément désignées :
"Les atteintes à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes,
les mutilations, les traitements cruels et la torture ; Les atteintes à la dignité de la personne,
notamment les traitements humiliants et dégradants ; Les prises d'otages ;(…)".
En cas de "conflits armés qui opposent de manière prolongée sur le territoire d'un État les
autorités du gouvernement de cet État et des groupes armés organisés ou des groupes armés
13
Ghislaine DOUCET, « La qualification des infractions graves au droit international humanitaire », in Mise en
œuvre du Droit International Humanitaire, Martinus Nijhoff Publishers (1989).
organisés entre eux" (à l'exclusion des situations de troubles internes et de tensions
intérieures), le Statut précise que sont également qualifiés de crimes de guerre :
Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés ne présentant
pas un caractère international, dans le cadre établi du droit international, à savoir l'un
quelconque des actes ci-après :".
Suit une énumération des actes considérés. Dans cette liste, sont expressément désignés :
Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle
ou contre des personnes civiles qui ne participent pas directement aux hostilités ; (…)".
Ces dispositions sont précisées par le règlement de la CPI relatif aux éléments des crimes
(article 8).

Cela signifie qu'un acte de terrorisme commis en temps de conflit armé, international ou non
international, dès lors qu'il s'attaque à des personnes civiles ou à des populations civiles, entre
dans la compétence de la CPI qui pourra donc juger les auteurs de tels actes, sous réserve
qu'elle soit compétente ratione temporis et que la situation soit recevable, étant rappelé que la
CPI "est complémentaire des juridictions pénales nationales". 14
Par ailleurs, le Statut de la CPI qualifie un certain nombre d'actes de crimes contre l'humanité,
que ceux-ci soient commis en temps de guerre ou en période de paix. Ainsi, certaines
infractions graves au DIH peuvent être qualifiées de crimes contre l'humanité.
L'article 7 § 1 du Statut de la CPI ne distingue pas entre "temps de paix / temps de guerre",
considérant que constitue un crime contre l'humanité les actes, limitativement énumérés dans
cet article, "commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre
toute population civile et en connaissance de cette attaque".
Suit une énumération des actes considérés. Dans cette liste, sont expressément désignés :
"Meurtre ; (…), Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en
violation des dispositions fondamentales du droit international ; Torture ; (…), Persécution de
tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d'ordre politique, racial,
national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou en fonction
d'autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en
corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la
compétence de la Cour ; (…), Autres actes inhumains de caractère analogue causant
intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la
santé physique ou mentale".
L'article 7 précise que "par "attaque lancée contre une population civile", on entend le
comportement qui consiste en la commission multiple d'actes visés au paragraphe 1 à
l'encontre d'une population civile quelconque, en application ou dans la poursuite de la
politique d'un État ou d'une organisation ayant pour but une telle attaque ;" (§ 2, a) et que "par
"torture", on entend le fait d'infliger intentionnellement une douleur ou des souffrances
aiguës, physiques ou mentales, à une personne se trouvant sous sa garde ou sous son contrôle;
l'acception de ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de
sanctions légales, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles ;" (§ 2, b).

14
Cf. article 11, article 17 et préambule du Statut
Ces dispositions sont précisées par le règlement de la CPI relatif aux éléments des crimes
(article 7).
En conséquence et eu égard au champ de compétence ratione materie de la CPI, il ne paraît
pas impossible de considérer qu'un crime de terrorisme puisse entrer dans la compétence de la
CPI pour autant que l'acte en cause réunisse tous les éléments constitutifs du crime contre
l'humanité tels que prévus à l'article 7 du Statut de la CPI et rien ne peut, a priori, faire
obstacle à ce que la CPI ait à en connaître, sous réserve, naturellement, que les autres
éléments de compétence soient réunis.15
Ainsi, le Président de la CPI, Philippe Kirsch, a souligné que "le Statut de la CPI ne
comprenait pas le terrorisme parmi les crimes qui relèvent de sa compétence, mais que ce
crime pourrait par ailleurs être considéré comme un crime contre l'humanité, et faire dès lors
l'objet de sanctions internationales pour ce motif, outre celles déjà disponibles sous d'autres
chefs". 16
Se référant à l'article 7 du Statut, Philippe Kirsch indique "qu'il faudrait donc qu'un Procureur
prouve quatre différents éléments pour qu'un crime soit considéré comme crime contre
l'humanité : d’abord que certains actes ont été commis, ensuite qu'ils l'ont été dans le cadre
d'une attaque généralisée ou systématique, que l'attaque était lancée contre une population
civile, en application ou dans la poursuite d'une politique d'un Etat ou d'une organisation, et
enfin que l'auteur de ces actes savait qu'ils faisaient partie d'une attaque généralisée ou
systématique
Il résulte de cette analyse qu'en pratique, seuls certains actes de terrorisme sont exclus de la
compétence de la CPI : il s'agit de ceux commis en temps de paix qui ne remplissent pas les
critères constitutifs de la qualification de crime contre l'humanité.
B : La compétence de l’ONU
Depuis les premières résolutions de l'Assemblée générale visant à prendre des "mesures visant
à prévenir" ou à "éliminer le terrorisme international 17, l'ONU a travaillé à la finalisation de
nouveaux projets de traités, telles la Convention internationale pour la répression du
financement du terrorisme du 9 décembre 1999 et la Convention internationale pour la
répression des actes de terrorisme nucléaire du 13 avril 2005. 18 Parallèlement, au cours des
ans, le Conseil de sécurité s'est emparé de la question en systématisant la condamnation des
actes de terrorisme, quels que soient le lieu et le contexte où ils sont commis, et en
catégorisant le terrorisme comme l'un des crimes internationaux les plus graves. Ainsi, après
avoir admis, en 1998, que "la répression des actes de terrorisme essentielle pour le maintien
de la paix et de la sécurité internationale 19, le Conseil a considéré "de tels actes (les
épouvantables attaques terroristes qui ont eu lieu le 11 septembre 2001) comme tout acte de

15
Particulièrement les règles relatives à la compétence ratione temporis de la Cour, à l'exercice de sa
compétence, à son caractère complémentaire des juridictions nationales.
16
« Terrorisme, crimes contre l'humanité et Cour pénale internationale », in "Livre Noir",
17
L'Assemblée générale de l'ONU a adopté régulièrement, depuis le 18 décembre 1972 (A/Res.3043 (XXVII),
date de la création du premier comité spécial chargé d'étudier cette question, des résolutions relatives au
terrorisme. Elle a aussi créé, par la résolution 51/210 du 17 décembre 1996, un Comité spécial chargé "d'élaborer
une convention internationale pour la répression des attaques terroristes à l'explosif, puis une convention
internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire". Ces résolutions sont disponibles sur le site de
l'ONU.
18
A/RES/59/290 du 15 avril 2005, convention ouverte à la signature du 14 septembre 2005 au 31 décembre 2006
19
Résolution 1189 (1998) du 13 août 1998, suite aux attentats perpétrés le 7 août à Nairobi (Kenya) et à Dar es-
Salaam (Tanzanie).
terrorisme international, comme une menace à la paix et la sécurité internationales" 20. Le
Conseil a ensuite réitéré cette qualification dans chacune des résolutions adoptées suite à la
survenance d'un acte de terrorisme.21 En créant un comité ad hoc chargé de veiller à la mise en
œuvre de ses précédentes résolutions sur le terrorisme 22, le Conseil de sécurité est allé plus
loin puisque la résolution 1373 a été prise sur le fondement du Chapitre VII de la Charte,
"Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression".
Avant cette date, une seule fois seulement, le Conseil de sécurité avait fondé l'une de ses
résolutions dans le domaine du terrorisme sur le Chapitre VII. C'était en 1992, pour
condamner la Libye suite aux attentats de Lockerbie et contre le DC 10 de la Compagnie
UTA. 23
Après 2001, toutes les résolutions de portée générale relatives à la lutte contre le terrorisme
ont été prises par référence au Chapitre VII de la Charte des Nations unies. 24
Le Conseil de sécurité affirme, désormais systématiquement, que "le terrorisme sous toutes
ses formes et dans toutes ses manifestations constitue l'une des menaces les plus graves pour
la paix et la sécurité" et que "les actes de terrorisme sont tous criminels et injustifiables, quels
qu'en soient le mobile, le moment ou les auteurs 25".  Ainsi, depuis quelques années, non
seulement le terrorisme est devenu un enjeu prioritaire de la communauté internationale, mais
ce crime est entré dans la qualification très restreinte des crimes internationaux les plus graves
et a été doté de la plus haute qualification dans la typologie des infractions internationales26.
Parallèlement, tant les initiatives relatives à la mise en œuvre de ces décisions que les travaux
visant à mieux organiser la lutte contre le terrorisme se sont multipliés. Dans ce processus,
l'ONU a remis à son ordre du jour, la question de la conclusion rapide d'une convention
générale sur l'élimination totale du terrorisme sans pouvoir aboutir, à ce jour à un accord sur
la définition du terrorisme. Simultanément aux travaux menés par le Comité contre le
terrorisme, un "Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le
changement" a été mis en place par le Secrétaire général de l'ONU en 2003.
Malgré les compétences de grands organismes internationaux comme la CPI et l’ONU qui
participent activement à la lutte et à l’incrimination du terrorisme, celui-ci est souvent
20
Résolution 1368 (2001) du 12 septembre 2001, à propos des attentats commis à New-York, Washington et en
Pennsylvanie (Etats-Unis).
21
L'Assemblée générale de l'ONU a adopté régulièrement, depuis le 18 décembre 1972 (A/Res.3043 (XXVII),
date de la création du premier comité spécial chargé d'étudier cette question, des résolutions relatives au
terrorisme. Elle a aussi créé, par la résolution 51/210 du 17 décembre 1996, un Comité spécial chargé "d'élaborer
une convention internationale pour la répression des attaques terroristes à l'explosif, puis une convention
internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire". Ces résolutions sont disponibles sur le site de
l'ONU.
22
A/RES/59/290 du 15 avril 2005, convention ouverte à la signature du 14 septembre 2005 au 31 décembre
2006.
23
Résolution 1189 (1998) du 13 août 1998, suite aux attentats perpétrés le 7 août à Nairobi (Kenya) et à Dar es-
Salaam (Tanzanie).
24
Résolution 1368 (2001) du 12 septembre 2001, à propos des attentats commis à New-York, Washington et en
Pennsylvanie (Etats-Unis). Souligné par nous.
25
Résolutions 1377 (2001) du 12 novembre 2001 sur la menace à la paix et à la sécurité résultant d'actes
terroristes ; 1438 (2002) du 14 octobre 2002, à propos des attentats perpétrés à Bali ; 1440 (2002) du 24 octobre
2002 à propos de la prise d'otages à Moscou ; 1450 (2002) du 13 décembre 2002 détaillant 31 recommandations
aux Etats ; 1452 (2002) du 20 décembre 2002, efforts déployés sur le plan international pour éliminer le
terrorisme ; 1455 (2003) du 17 janvier 2003 ; 1456 (2003) du 20 janvier 2003 ; 1465 (2003) du 13 février
2003,1516 (2003) du 20 novembre 2003,1530 (2004) du 11 mars 2004,1611 (2005) 7 juillet 2005,1618 (2005)
du 4 août 2005.
26
Résolution 1373 (2001) du 28 septembre 2001.
considéré comme un nouveau modèle de conflit armé à cause des différences qui l’oppose
avec les autres types de conflits armés.

Section 2 : Le terrorisme comme un « nouveau » modèle de conflit armé


Le terrorisme est souvent considéré comme un nouveau modèle de conflit armé, mais il est
important de souligner qu’il n’est pas un conflit armé au sens traditionnel du terme. Par contre
il y’a tout de même eu une évolution au niveau des autres types de conflits armés (paragraphe
1) et de nouveaux critères de détermination de ces conflits (paragraphe 2)
Paragraphe 1 : L’évolution indéniable de la typologie des conflits armés

On dénombre à ce jour deux types de conflits armés : les conflits armés internationaux (CAI)
et les conflits armés non internationaux (CANI). Le DIH a évolué avec le temps ce qui a
permis la mise à jour des différents processus de ces conflits afin de mieux les cerner et les
adapter aux situations adéquates. C’est dans cette lancée que nous ferons cas dans les lignes
suivantes du droit des conflits armés internationaux (A) et du droit des conflits armés non
internationaux en (B)
A : Le droit des conflits armés internationaux

L’histoire des conflits armés internationaux montre que le champ d’application de ce régime
juridique a été progressivement élargi au fur et à mesure de son développement
conventionnel. Tandis qu’une conception étroite et formaliste de la guerre prévalait à
l’origine, la réforme du système avec la révision des conventions de Genève en 1949 a
privilégié une approche plus large, fondée sur une notion plus objective, celle de conflit armé.
Cette extension fut par ailleurs poursuivie par la suite avec l’adoption du protocole
additionnel I de 1977. Cet instrument fit entrer un type de conflit supplémentaire dans le
domaine du droit des conflits armés internationaux, celui des guerres de libération nationales.
Ce régime juridique comprend un corps de règles spécifiques dont le champ d’application est
déterminé sur la base d’un concept autonome, celui d’occupation.
Les conventions de Genève de 1949, en vertu de leur article commun s’appliquent « en cas de
guerre déclarée ou de tout autre conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs des hautes
parties contractantes, même si l’Etat de guerre n’est pas reconnu par l’une d’elles »27. Les
situations évoquées ici opposent des Etats. Les Hautes Parties contractantes mentionnées dans
ce texte sont en effet des entités souveraines. Selon les cas, les confrontations peuvent prendre
la forme soit d’une confrontation directe entre Etats soit d’une intervention dans un conflit
interne préexistant. Dans cette seconde hypothèse, il y’a « internationalisation » du conflit.
Tel est le cas si une puissance étrangère envoie des troupes sur le terrain à l’appui d’un
mouvement d’opposition au gouvernement local. L’intervention peut aussi se faire par
procuration, lorsque cette puissance se contente de soutenir et guider la rébellion depuis
l’extérieur28. Dans ce cas, il est alors indispensable de déterminer en quoi consiste le niveau
27
Le même champ d'application a aussi été retenu pour d'autres instruments de droit international humanitaire,
notamment le Protocole additionnel I (voir article 1(3)).
28
Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), Affaire Tadic, Arrêt du 15 juillet 1999, par. 84 : "Il
est indéniable qu'un conflit armé est de caractère international s'il oppose deux ou plusieurs États. De plus, un
conflit armé interne qui éclate sur le territoire d'un État peut devenir international (ou, selon les circonstances,
présenter parallèlement un caractère international) si les troupes d’un autre État interviennent dans le conflit ou
de contrôle permettant de qualifier le conflit armé international. Toute forme d’influence
n’entraine pas forcément l’internationalisation du conflit. Sur ce point, le Tribunal pénal
international pour l'ex-Yougoslavie précise que "le contrôle exercé par un État sur des forces
armées, des milices ou des unités paramilitaires subordonnées peut revêtir un caractère global
(mais doit aller au-delà de la simple aide financière, fourniture d’équipements militaires ou
formation). Cette condition ne va toutefois pas jusqu’à inclure l’émission d’ordres spécifiques
par l’État ou sa direction de chaque opération.29 Ce critère du "contrôle global" ("overall
control") est réalisé lorsque l'État étranger "joue un rôle dans l’organisation, la coordination
ou la planification des actions militaires du groupe militaire, en plus de le financer,
l’entraîner, l’équiper ou lui apporter son soutien opérationnel" 30. Il doit donc y avoir une
implication plus forte qu'un simple soutien logistique, mais cette implication ne suppose pas
que toutes les actions du groupe concerné soient dirigées par l'État intervenant de l'extérieur.
Les situations mentionnées à l'article 2(1) commun aux Conventions de Genève de 1949 sont
envisagées sous le double aspect du formalisme et de l'effectivité. Il s'agit d'une part des
guerres déclarées, qui supposent une reconnaissance officielle de l'état de guerre par les
parties impliquées. Il s'agit d'autre part des autres formes de conflits armés interétatiques, dont
l'existence ne dépend pas de la qualification que celles-ci peuvent en donner.
Depuis l'adoption du Protocole additionnel I de 1977, le champ d'application du droit des
conflits armés internationaux ne se limite plus aux confrontations strictement interétatiques,
mais englobe aussi des affrontements opposant des forces gouvernementales à certains
groupes non gouvernementaux, à savoir les peuples en lutte dans l'exercice du droit à
l'autodétermination. Le Protocole prévoit en effet que les situations visées par l'article 2
commun aux Conventions de 1949 comprennent les "conflits armés dans lesquels les peuples
luttent contre la domination coloniale et l'occupation étrangère et contre les régimes racistes
dans l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, consacré dans la Charte des
Nations Unies et dans la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les
relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations
Unies31
Lorsque l'un des belligérants parvient à s'imposer à son adversaire, un conflit armé
international peut prendre la forme d'une occupation 32. Aux termes de l’article 42 du
Règlement de La Haye de 1907, "un territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve
placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie". Pour qu'il y ait occupation au sens de cette

encore, si certains participants au conflit armé interne agissent au nom de cet autre État".
29
Sur ce point, voir aussi Cour internationale de justice, Application de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), Arrêt du 26 février 2007, para.
404. La Cour, sans se prononcer toutefois définitivement sur la question, admet que le critère du contrôle global
puisse être "pertinent et adéquat" pour la qualification d'un conflit armé. Pour une discussion à ce sujet, voir A.
Cassese, "The Nicaragua and Tadic Tests Revisited in Light of the ICJ Judgment on Genocide in Bosnia",
European Journal of International Law, Vol. 18, N° 4, 2007, pp. 649-668
30
TPIY, Affaire Tadic, Arrêt du 15 juillet 1999, ci-dessus note 2, para. 137 ; voir aussi les para. 120 et 131. Voir
encore TPIY, Affaire Naletilic et Martinovic, Jugement du 31 mars 2003, para. 198. Pour une analyse de cette
jurisprudence, voir J.G. Stewart, "Towards a Single Definition of Armed Conflict in International Humanitarian
Law : a Critique of Internationalized Armed Conflict", pp. 323 ; A. Cullen, The Concept of Non-International
Armed Conflict in International Humanitarian Law: A Study on Thresholds of Applicability, Thesis, University
College, Galway, 2007, pp.229.
31
Protocole additionnel I, article 1(4).
32
Pour un examen détaillé de la notion et du droit de l'occupation, voir Y. Dinstein, The International Law of
Belligerent Occupation, Cambridge, Cambridge University Press, 2009, 303 pp.; R. Kolb, S. Vité, Le droit de
l'occupation militaire: perspectives historiques et enjeux juridiques actuels, Bruxelles, Bruylant, 2009, 482 pp;
Y. Arai-Takahashi, The Law of Occupation: Continuity and Change of International Humanitarian Law, and its
Interaction with International Human Rights Law, Cambridge, Nijhoff, 2009, 760 pp.
disposition, deux conditions doivent être satisfaites : l'occupant est en mesure de contrôler de
manière effective un territoire qui n'est pas le sien ; son intervention n'a pas été agréée par le
souverain légitime33. Le contrôle territorial effectif, qui se trouve au cœur de la notion
d'occupation, suppose que puisse s'opérer une substitution des pouvoirs. Cette condition est
réalisée lorsque, d’une part, le gouvernement déchu est incapable d’exercer publiquement son
autorité et, d’autre part, la Puissance occupante est à même de compenser cette absence en
imposant sa propre domination34.
Dans certains cas, le contrôle territorial n'est pas exercé directement par les forces
d'occupation, mais par l'intermédiaire d'un gouvernement fantoche ou d'une autre forme de
pouvoir local subordonné35. Il est difficile cependant d'évaluer de cas en cas le degré
d'influence requis pour que ce cas de figure soit réalisé. Toute ingérence dans les affaires d'un
État tiers ne signifie pas forcément qu'il y ait occupation.
Dans les deux cas, il s'agit d'évaluer l'intensité du contrôle exercé par un État sur un groupe ou
une autorité situés sur le territoire d'un autre État.

B : Le droit des conflits armés non internationaux

La notion de conflit armé non international en droit humanitaire doit être analysée sur la base
de deux textes conventionnels principaux : l'article 3 commun aux Conventions de Genève de
1949 et l'article 1 du Protocole additionnel II de 1977. Cette section va mettre en lumière les
critères que propose chacune de ces dispositions et montrera comment ces critères peuvent
être interprétés à la lumière des évolutions de la pratique. La notion de conflit armé non
international est en outre débattue en lien avec la détermination de la compétence
juridictionnelle de la Cour pénale internationale (CPI). Il conviendra d'exposer brièvement les
termes de ce débat en examinant les dispositions pertinentes du Statut de la Cour.
Article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949
L'article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 s'applique en cas de "conflit armé
ne présentant pas un caractère international et surgissant sur le territoire de l'une des hautes
parties contractantes36. Cette disposition s'exprime d'abord par la négative, puisqu'elle couvre
les conflits armés "ne présentant pas un caractère international". Elle renvoie ainsi, en creux, à
l'article 2 commun, qui couvre, comme mentionné précédemment, les affrontements entre
33
Voir notamment: M. Bothe, "Beginning and End of Occupation", Current Challenges to the Law of
Occupation, Proceedings of the Bruges Colloquium, 20-21 octobre 2005, N° 34, automne 2004, pp. 28-32. Voir
aussi E. Benvenisti, The International Law of Occupation, Princeton University Press, Princeton, 1993, p. 4.
L'auteur définit l'occupation comme "the effective control of power (be it one or more states or an international
organisation, such as the United Nations) over a territory to which that power has no sovereign title, without the
volition of the sovereign of that territory".
34
17 Voir notamment United Kingdom, Ministry of Defence, The Manual of the Law of Armed Conflict, 2004,
para.
11.3; CIJ, Affaire des activités armées sur le territoire du Congo (fond), République démocratique du Congo c.
Ouganda, Arrêt, 19 décembre 2005, Rôle général N° 116, para. 173 ; TPIY, Affaire Naletilic, note 4 ci-dessus,
para. 217; A. Roberts, "What is military occupation?", British Yearbook of International Law, Vol. 55, 1984, pp.
249 et 300.
35
En ce sens, voir United Kingdom, Ministry of Defence, note 17 ci-dessus, para. 11.3.1. Voir aussi TPIY,
Affaire Tadic, Jugement du 7 mai 1997, para. 584: "le lien entre les organes ou agents de facto et la puissance
étrangère couvre les circonstances dans lesquelles celle-ci 'occupe' un certain territoire ou opère sur celui-ci
uniquement par l’intermédiaire des actes d’organes ou d’agents de facto"
36
Article 3(1) commun.
États. Les conflits armés ne présentant pas un caractère international sont donc ceux dans
lesquels l'une au moins des parties impliquées n'est pas gouvernementale. Selon les cas, les
hostilités se déroulent soit entre un (ou des) groupe(s) armés et des forces étatiques, soit
uniquement entre des groupes armés37. L'article 3 commun suppose par ailleurs qu'il y ait
"conflit armé", c'est-à-dire que la situation atteigne un niveau qui la distingue d'autres formes
de violence auxquelles le droit international humanitaire ne s'applique pas, telles que "les
situations de tensions internes, de troubles intérieurs, comme les émeutes, les actes isolés et
sporadiques de violence et autres actes analogues"38. Le seuil requis dans ce cas est plus élevé
que pour un conflit armé international. La pratique, notamment celle du Tribunal pénal
international pour l'ex Yougoslavie, montre que ce seuil est atteint chaque fois que la situation
peut être qualifiée de "protracted armed violence" 39. Cette condition doit être évaluée à l'aune
de deux critères fondamentaux : l'intensité de la violence et l'organisation des parties.
L'article 1er du Protocole additionnel II
Le Protocole additionnel II s'applique aux conflits armés non internationaux "qui se déroulent
sur le territoire d'une Haute Partie contractante entre ses forces armées et des forces armées
dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite d'un commandement
responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel qu'il leur permette de
mener des opérations militaires continues et concertées et d'appliquer le présent Protocole".
Cet instrument ne s'applique en revanche pas aux guerres de libération nationale qui sont
assimilées à des conflits armés internationaux en vertu de l'article 1(4) du Protocole
additionnel I.
Comme dans le cas de l'article 3 commun, il ne peut y avoir conflit armé non international au
sens du Protocole II que si la situation atteint un certain degré de violence qui la distingue des
cas de tensions internes ou de troubles intérieurs 40. Cet instrument définit toutefois un champ
d'application plus restreint que celui de l'article 3 commun. Il exige en effet que les forces non
gouvernementales atteignent un niveau d'organisation particulièrement élevé, en ce sens
qu'elles doivent être placées "sous la conduite d'un commandement responsable" et exercer un
contrôle territorial qui leur permette "de mener des opérations militaires continues et
concertées et d'appliquer le présent Protocole41. Si l'article 3 commun suppose lui aussi que les
groupes armés fassent preuve d'un certain degré d'organisation, il ne prévoit en revanche pas
que ces groupes soient en mesure de maîtriser une portion de territoire. Il arrive ainsi en
pratique qu'un conflit entre dans le champ d'application matériel de l'article 3 commun, mais
ne remplisse pas les conditions fixées par le Protocole II. En revanche, tous les conflits armés
37
En ce sens, voir TPIY, Affaire Tadic, Arrêt relatif à l'appel de la défense concernant l'exception préjudicielle
d'incompétence, note 10 ci-dessus, para. 70.
38
Protocole additionnel II, art. 1(2). Bien que cette citation soit reprise du Protocole additionnel II, il est admis
que le seuil fixé vaut aussi pour les conflits couverts par l'art. 3 commun. Voir en ce sens, CICR, "Comment le
terme 'conflit armé' est-il défini en droit international humanitaire ?", Prise de position, mars 2008, p. 3. Sur ce
point, voir aussi TPIY, Affaire Limaj, Jugement du 30 novembre 2005, para. 84.
39
TPIY, Arrêt relatif à l'appel de la défense concernant l'exception préjudicielle d'incompétence, note 10 para.
70.
40
TPIY, Arrêt relatif à l'appel de la défense concernant l'exception préjudicielle d'incompétence, note 10 para.
70.
41
Protocole additionnel II, art. 1(1).
couverts par celui-ci le sont aussi par l'article 3 commun. En pratique, il est souvent difficile
d'identifier les situations correspondant aux critères d'application fixés par le Protocole
additionnel II. Le degré de contrôle territorial exigible peut notamment faire l'objet
d'appréciations différentes selon les cas. Si l'on adopte une interprétation large, la notion de
conflit armé non international au sens de cet instrument se rapproche de celle de l'article 3
commun. Même un contrôle temporaire et limité géographiquement suffirait dans ce cas à
justifier l'application du Protocole42. Inversement, si l'on interprète strictement l'article 1(1),
les situations couvertes se limitent au cas où la partie non gouvernementale exerce un contrôle
similaire à celui d'un État et où la nature des affrontements est semblable à celle d'un conflit
armé international43. Le CICR semble adopter quant à lui une position intermédiaire sur ce
point, en admettant que la maîtrise territoriale puisse revêtir parfois un "caractère relatif, par
exemple quand les centres urbains restent en mains gouvernementales tandis que les zones
rurales échappent à leur autorité". Il ajoute toutefois que la nature même des obligations
formulées dans le Protocole II suppose "une certaine stabilité dans le contrôle d'une portion,
même modeste, du territoire". Le Protocole additionnel II limite par ailleurs son champ
d'application aux conflits armés qui opposent des forces gouvernementales à des forces
armées dissidentes ou des groupes armés. Cela signifie que, contrairement à l'article 3
commun qui ne prévoit pas cette restriction, il ne s'étend pas aux conflits qui se déroulent
uniquement entre des groupes non gouvernementaux44. Le Protocole additionnel II réitère le
critère ratione loci déjà formulé à l'article 3 commun, à savoir qu'il ne couvre que les conflits
armés non internationaux "qui se déroulent sur le territoire d'une Haute Partie contractante".
Vu l’évolution des conflits armés, des nouveaux critères ont été élaborés pour tenir compte de
l’évolution des conflits modernes.
Paragraphe 2 : Les critères nouveaux de la détermination des conflits armés

De nouveaux critères ont été mis en place pour la détermination des conflits armés. Ces
critères comprennent notamment la durée du conflit, l’intensité des combats, l’organisation
des parties en conflits et le contrôle territorial, qui seront détaillés en deux parties : les critères
objectifs de qualification (A) et les critères d’interprétations de la jurisprudence (B)

42
D. Momtaz estime en ce sens qu'il n'est pas nécessaire que les parties concernées aient mis en place une
structure administrative semblable à celle d'un État. Il ajoute que le critère de contrôle territorial doit être évalué
en fonction de la nature des obligations envisagées. Pour certaines d'entre elles, liées au respect des droits
fondamentaux, "le contrôle d'une partie du territoire pourrait ne pas s'avérer nécessaire" (D. Momtaz, "Le droit
international humanitaire applicable aux conflits armés non internationaux", Recueil des Cours de l'Académie de
Droit international, N° 292, 2002, p. 50).
43
L. Moir, The Law of Internal Armed Conflict, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, p. 106
44
Bothe, Partsch and Solf, note 13, p. 627.
A. Les critères objectifs de qualification
Une situation de violence peut évoluer dans le temps et se transformer d’une catégorie de
conflit armé à une autre. Ce qui rend la tâche du CICR davantage compliquée pour qualifier
les faits et préciser le corpus normatif applicable. C’est la raison pour laquelle l’institution
genevoise a dégagé des critères objectifs de qualification des combats. Ainsi, dans le cadre
d’un conflit armé non international (CANI), le CICR retient les critères du niveau d’intensité
de la violence et du degré d’organisation du groupe armé. À cet effet, l’article 1er, alinéa 1 du
Protocole additionnel I de 1977 détermine son champ d’application, à savoir les conflits
armés non internationaux se déroulant [...] sur le territoire d’une haute partie contractante
entre ses forces armées et des forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui,
sous la conduite d’un commandement responsable, exercent sur une partie de son territoire un
contrôle tel qu’il leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées [...].
De ce fait, les critères mentionnés dans ce paragraphe permettent de distinguer un conflit des
situations de tensions internes ou de troubles intérieurs. En revanche, ces éléments ne sont pas
à vrai dire considérés comme des aspects constitutifs de l’existence d’un conflit armé
international (CAI), qui porte sur l’emploi de la force entre deux États. En ce sens, l’article 2,
alinéa 1 commun aux quatre conventions de Genève s’applique « en cas de guerre déclarée ou
de tout autre conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs des hautes parties contractantes,
même si l’état de guerre n’est pas reconnu par l’une d’elles ». Cette dernière formalité
(déclaration de guerre) n’est pas prise en compte s’agissant de l’application du droit
international humanitaire. Pour supporter l’existence des critères précités, certaines conditions
doivent être remplies ; à titre d’exemple, le niveau d’intensité de la violence est déterminé
suivant des indicateurs précis, tels que la durée et la gravité des affrontements armés, les
catégories d’armes utilisées, le nombre de combattants et de troupes armées, le nombre de
victimes et l’étendue des dommages causés par les combats. D’autres facteurs sont mis en
lumière pour apprécier le degré d’organisation du groupe armé : l’existence d’une chaîne de
commandement, l’exécution des ordres, la capacité de planifier et de lancer des opérations
militaires, ainsi que la capacité de recruter, former et équiper de nouveaux combattants. Les
cas de qualification peuvent comprendre d’autres situations plus complexes, telles que les
conflits armés internes internationalisés 45et les conflits mixtes. Un conflit armé non
international peut s’internationaliser dans les hypothèses suivantes :
D’abord l’État victime d’une insurrection reconnaît les insurgés comme des belligérants ;
Ensuite un ou plusieurs États étrangers interviennent avec leurs propres forces armées en
faveur d’une des parties ;
Enfin deux États étrangers interviennent avec leurs forces armées respectives, chacun en
faveur d’une des parties46.
Pour ce qui est du conflit mixte, ce dernier concerne l’intervention d’un ou plusieurs États
tiers dans un conflit armé non international ; en l’espèce, le droit applicable varie en fonction
des parties qui s’affrontent. Lorsqu’un État décide d’accorder son consentement à
l’intervention d’un État tiers sur son territoire pour combattre, par exemple, un groupe armé
non gouvernemental, le conflit n’est pas réputé international. Par ailleurs, un conflit qui éclate

45
J. G. Stewart, « Vers une définition unique des conflits armés dans le droit international humanitaire : une
critique des conflits armés internationalisés », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 85, no 850, juin
2003, p. 313-350.
46
P. Verri, « Dictionnaire du droit international des conflits armés », Genève, CICR, 1988, p. 37.
sur le territoire d’un État entre deux ethnies distinctes, pourvu qu’il réponde aux critères
d’intensité, de durée et de participation, peut être qualifié de conflit armé non international.
Les critères cités ci-devant ont fait l’objet d’interprétation jurisprudentielle par les juridictions
internationales.

B : Les critères d’interprétations de la jurisprudence internationale

Les juridictions pénales internationales47, particulièrement le Tribunal pénal international pour


l’ex-Yougoslavie (TPIY) et dans un certain sens le Tribunal pénal international pour le
Rwanda (TPIR), ont largement contribué par le biais de leurs diverses décisions à interpréter
les critères consacrés à la qualification des conflits armés. De manière concrète, la
jurisprudence de ces tribunaux a permis de préciser l’interprétation des critères énoncés dans
le Protocole additionnel II, ainsi que les conditions d’internationalisation des conflits armés
internes. Les critères de qualification des conflits armés ne doivent pas relever de manière
subjective du pouvoir discrétionnaire des États. Dans sa décision du 2 septembre 1998, le
TPIR a rappelé que : [...] les quatre Conventions de Genève, ainsi que les deux Protocoles s’y
rapportant, ont pour vocation première de protéger les victimes et les victimes potentielles des
conflits armés. Si l’application du droit international humanitaire dépendait de la seule
appréciation subjective des parties aux conflits, celles-ci auraient dans la plupart des cas
tendance à en minimiser l’intensité. Aussi, sur la base de critères objectifs, l’article 3 commun
et le Protocole additionnel II trouvent-ils application dès lors qu’il est établi qu’il existe un
conflit armé interne qui satisfait leurs critères préétablis respectifs48.
La notion de conflit armé et les critères qui s’y attachent ont été précisés par le TPIY, dans
son arrêt du 15 juillet 1999. Selon la chambre d’appel, [...] un conflit armé est de caractère
international s’il oppose deux ou plusieurs États. De plus, un conflit armé interne qui éclate
sur le territoire d’un État peut devenir international (ou, selon les circonstances, présenter
parallèlement un caractère international) si les troupes d’un autre État interviennent dans le

47
Un Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux (MTPI) a été créé en vertu de la résolution 1966 du
Conseil de sécurité de l’ONU en date du 22 décembre 2010 pour achever les travaux du Tribunal pénal
international pour le Rwanda et du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, une fois leurs mandats
respectifs arrivés à échéance (la clôture formelle des deux juridictions a eu lieu respectivement le 31 décembre
2015 et le 31 décembre 2017). Le Mécanisme comprend deux divisions, l’une à Arusha (Tanzanie) et l’autre à
La Haye (Pays-Bas).
48
TPIR, 2 septembre 1998, Le Procureur c. Jean-Paul Akayesu, affaire no ICTR-96-4-T, p. 243-244, § 603.
conflit ou encore, si certains participants au conflit armé interne agissent au nom de cet autre
État49.
De plus, la chambre de première instance de la même juridiction rappelle qu’[...] un conflit
armé existe chaque fois qu’il y a recours à la force armée entre États ou un conflit armé
prolongé entre les autorités gouvernementales et des groupes armés organisés ou entre de tels
groupes au sein d’un État50.
Sur le plan pratique, les chambres de première instance des juridictions pénales
internationales à l’instar de celle saisie dans l’affaire Tadić ont estimé que [...] le critère tiré
des violences armées prolongées se rapportait davantage à l’intensité de ces violences qu’à
leur durée. Afin d’apprécier l’intensité des violences, les Chambres ont tenu compte
d’éléments symptomatiques dont aucun n’est par lui-même essentiel pour établir que les
combats sont suffisamment intenses. Parmi ces éléments, il faut citer le nombre, la durée et
l’intensité des différents affrontements, les types d’armes et autres matériels militaires utilisés,
le nombre de munitions tirées et leur calibre ; le nombre de personnes et le type de forces
engagées dans les combats ; le nombre de victimes ; l’étendue des destructions ; le nombre de
civils ayant fui la zone des combats. L’engagement du Conseil de sécurité des Nations Unies
peut également témoigner de l’intensité d’un conflit51.
La chambre de première instance II du TPIY rappelle, pour l’intensité des violences, d’autres
aspects tels que [...] le blocus ou le siège de villes et leur pilonnage intensif ; [...] l’existence
de lignes de front entre les parties et le déplacement de ces lignes de front; l’occupation d’un
territoire, de villes et de villages; [...] l’existence d’ordre ou d’accords de cessez-le-feu et les
efforts des représentants d’organisations internationales pour obtenir et faire respecter des
accords de cessez-le-feu52.
Pour ce qui est des groupes armés, [...] les chambres de première instance ont tenu compte de
plusieurs éléments dont aucun n’est par lui-même essentiel pour établir que la condition d’«
organisation » est remplie. Parmi ces éléments, il faut citer l’existence d’une structure de
commandement, de règles de discipline et d’instances disciplinaires au sein du groupe ; d’un
quartier général ; le fait que le groupe contrôle un territoire délimité ; la capacité qu’a le
groupe de se procurer des armes et autres équipements militaires, de recruter et de donner une
instruction militaire ; la capacité de planifier, coordonner et mener des opérations militaires,

49
TPIY, 15 juillet 1999, Procureur c. Duško Tadić, p. 35, § 84.
50
TPIY, 7 mai 1997, Le Procureur c. Duško Tadić alias « Dule », affaire no IT-94-1-T, p. 217, § 561.
51
TPIY, 3 avril 2008, Le Procureur c. Ramush Haradinaj, Idriz Balaj, Lari Brahimaj, affaire no IT-04-84-T 2, p.
27, § 49.
52
TPIY, 10 juillet 2008, Le Procureur c. Ljube Boškoski, Johan Tarčulovski, affaire no IT-04-82-T, p. 91, § 177.
notamment d’effectuer des mouvements de troupes et d’assurer un soutien logistique ; la
capacité de définir une stratégie militaire unique et d’user de tactiques militaires; et la
capacité de s’exprimer d’une seule voix et de conclure des accords comme des accords de
cessez-le-feu ou de paix. 53
Pour sa part, la Cour internationale de justice (CIJ) a mis l’accent sur le critère du « contrôle
effectif » des opérations militaires au détriment de celui du « contrôle global » jugé judicieux
pour la qualification d’un conflit armé international, mais inadapté pour engager la
responsabilité internationale de l’État pour des actes commis par des groupes armés. En effet,
selon le juge de La Haye, le critère du « contrôle global » [...] présente le défaut majeur
d’étendre le champ de la responsabilité des États bien au-delà du principe fondamental qui
gouverne le droit de la responsabilité internationale, à savoir qu’un État n’est responsable que
de son propre comportement, c’est-à-dire de celui des personnes qui, à quelque titre que ce
soit, agissent en son nom. Tel est le cas des actes accomplis par ses organes officiels, et aussi
par des personnes ou entités qui, bien que le droit interne de l’État ne les reconnaisse pas
formellement comme tels, doivent être assimilés à des organes de l’État parce qu’ils se
trouvent placés sous sa dépendance totale (…) 54
Le DIH reste cependant confronté à des problèmes majeurs dans la lutte contre le terrorisme.
Théoriquement le DIH n’arrive pas à encadrer le terrorisme à cause de l’absence de textes le
régissant. Dans la pratique également les tentatives d’adaptation des acteurs internationaux se
retrouvent limitées, en raison de plusieurs facteurs dont nous ferons cas dans le chapitre 2.

53
TPIY, 3 avril 2008, Le Procureur c. Ramush Haradinaj, Idriz Balaj, Lari Brahimaj, p. 32-33, § 60. Dans
l’affaire Boškoski, le TPIY a regroupé les facteurs d’organisation des groupes armés en cinq grandes catégories:
la structure de commandement, la capacité du groupe armé à mener des opérations militaires de manière
organisée, le niveau logistique, le niveau de discipline du groupe pour faire respecter les obligations
fondamentales découlant de l’article 3 commun et l’aptitude à le faire, la capacité du groupe à parler d’une seule
voix (TPIY, 10 juillet 2008, Le Procureur c. Ljube
Boškoski, Johan Tarčulovski, p. 104-106, § 199-203).
54
CIJ, arrêt du 26 février 2007, affaire de l’Application de la Convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), Recueil, 2007, p. 43, § 406.
Chapitre II : Les tentatives d’adaptation des acteurs pratiquement limitées
Malgré l’existence des textes internationaux, les acteurs de la scène internationale n’arrivent
pas à trouver de solutions effectives pour mettre fin au terrorisme. Leurs tentatives
d’adaptation se trouvent malheureusement limitées pour plusieurs raisons. Deux principales
raisons ferons l’objet de notre étude : le tâtonnement conjoncturel des acteurs (section 1) et les
obstacles à l’action humanitaire dans les situations de terrorisme (section 2)
Section 1 : Le tâtonnement conjoncturel des acteurs

Dans cette partie nous étudierons d’abord les insuffisances de la collaboration juridique
(paragraphe 1) et l’inefficacité de l’encadrement du terrorisme international (paragraphe 2)

Paragraphe 1 : Les insuffisances de la collaboration juridique


Deux remarques se dégagent, à l'étude de la collaboration juridique concernant le terrorisme :
le défaut d'imagination (A) et l'absence de coordination des travaux (B).

A) Le défaut d'imagination des auteurs.

Il ne s'agit pas là encore de se pencher sur le contenu des règles, mais plus simplement sur la
méthode retenue pour énoncer celui-ci. L'élaboration des règles spécifiques au terrorisme
international ne traduit en effet aucune recherche particulière, ne comporte aucune volonté
d'enrichir les concepts ou les techniques juridiques. La règle internationale préfère renvoyer
l'essentiel des difficultés aux législations nationales mais court du même fait le risque de voir
naître la contradiction ou celui de ne plus présenter aucun intérêt à être ratifié. Le défaut
d'analyse des causes et origines du terrorisme illustre ce rejet de toute réflexion. Cette option
méthodologique n'est pourtant que le résultat d'un échec, même s'il reste à démontrer que
l'analyse est concevable, que le terrorisme est autre chose qu'une réalité fuyante et
insaisissable. Il y eut de nombreuses tentatives en sens contraire, en particulier dans le cadre
du Comité spécial du terrorisme international créé à cet effet aux Nations Unies 55, pour
conclure à l'impossibilité de se mettre d'accord. Aujourd'hui, d'ailleurs, les interrogations
initiales qui portaient sur la légitimité de certaines hypothèses de terrorisme 56se sont
déplacées vers les manipulations qu'en font les Etats57... Il en reste un ensemble conventionnel
prônant la répression d'un phénomène qu'il se refuse à définir, laissant sceptique sur le
caractère opérationnel d'une telle démarche. Cette cécité volontaire des auteurs de la règle
renvoie alors, une fois de plus, au droit interne ou aux accords bilatéraux (en matière
extraditionnelle par exemple) le soin d'affronter les contradictions. Celles-ci surgissent
immanquablement des approximations ou du refus de poser et de trancher les difficultés
55
Ses premières réunions posèrent le problème dans toutes ses dimensions, le condamnant par suite à
l'impuissance. Voir J.F.' PREVOST, « Aspects nouveaux du terrorisme international » cet Annuaire 1973
p. 579.
56
Voir la proposition algérienne au nom du groupe non-aligné durant la 28e session des N.U., in
« La lutte internationale contre le terrorisme », p. 40.
57
Cf. J. DAUCHY, Travaux de la Commission Juridique de l'Assemblée Générale des N.U., cet Annuaire 1985,
p. 571.
inhérentes au traitement du terrorisme. Ainsi, la communauté internationale ne mesure pas le
paradoxe qu'il y a à dénoncer le terrorisme au moyen de jugements de valeurs que les termes
retenus soulignent (« perfide », « odieux ») 58 tout en prétendant lui refuser une dimension
subjective. Ainsi, les Etats eux-mêmes réclament une évaluation strictement objective du
terrorisme afin de nier son caractère politique mais le définissent dans le même laps de temps
dans leur législation interne par sa seule finalité « répandre la terreur » 59. Cette obstination
interdit des différenciations éventuelles, de comprendre que s'il n'y a pas nécessairement des
infractions typiquement terroristes (leurs formes paraissent empruntées à la délinquance
ordinaire), il y a en revanche « une » violence terroriste et même vraisemblablement « des »
terrorismes laissant sceptique sur le caractère opérationnel d'une telle démarche. Ce défaut
d'imagination afin de démarquer le terrorisme des autres formes de criminalité violente
interdit à une véritable politique criminelle de voir le jour, en réponse au terrorisme, en
particulier dans des ensembles régionaux. Ces derniers ne disposent, c'est certain, que de
solutions répressives à l'encontre d'un terrorisme qui les frappe, comme le terrorisme du
Proche-Orient frappe l'Europe, les moyens d'une prévention leur échappant. Il n'en va plus de
même pour d'autres formes de terrorisme dans les mêmes endroits, qui traduisent cette fois-ci
des conflits locaux majeurs 60et réclament une véritable approche criminologique.
Quoi qu'il en soit, en parler toujours paraît tenir lieu de politique aux Etats, et l'absence de
coordination de leurs travaux ne surprend guère.

B : L’absence de coordination des travaux

Il n'y a aucune coordination systématique des travaux entrepris pour lutter juridiquement
contre le terrorisme. La multiplicité des lieux où la règle se pense l'explique, même si de
timides allusions commencent à relier les différentes initiatives depuis peu. Sur le plan
conventionnel, on se félicite certes que la Convention de Strasbourg intègre explicitement
dans son incrimination du terrorisme les textes sur la piraterie aérienne 61 et implicitement les
autres62. A l'inverse, la Convention sur la prise d'otages se garde de toute référence aux textes
de Tokyo, La Haye, Montréal, Washington, New- York ou Strasbourg qui sont tous
susceptibles de concerner des prises d'otages, fût-ce dans un avion ou une ambassade 63. Sur le
plan déclaratoire, au-delà des efforts réitérés des Nations Unies64, la Déclaration relative au
terrorisme international adoptée à Tokyo prend ostensiblement la peine de viser la Déclaration

58
Quel sens donner aux « moyens cruels ou perfides » employés pour réaliser l'infraction selon l'article 13 de la
Convention de Strasbourg ? Ou à l'idéale « défense de la démocratie » que prétendent défendre la vingtaine
d'Etats membres du Conseil de l'Europe dans leur résolution 863 précitée ?
59
La République française exprime ce choix dans l'article 1 de la loi du 9 septembre 1986 relative à la lutte
contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'Etat (J.O, 10 septembre 1986). Il a fait en tant que tel l'objet
d'une saisine du Conseil Constitutionnel sur la base d'une violation du principe de légalité des délits et des peines
en raison d'un manque de précision des éléments constitutifs de l'infraction, grief que le Conseil rejette, Décision
86-216 D.C. du 3 septembre 1986, J.O. 5 septembre 1986 p. 10 786.
60
Celui du Pays Basque espagnol ou de l'Irlande du Nord, par exemple.
61
Article 1 alinéas a et b.
62
Article 1 alinéa c (atteintes aux fonctions diplomatiques) et d (prises d'otages).
63
Cette omission est volontaire, puisque résultant de la suppression d'un paragraphe à l'intérieur de l'article 10 de
la Convention, faisant d'abord allusion aux autres textes, puis aux « traités multilatéraux en 34e vigueur session,
concernant supplément la n° lutte 39 p. contre 17. Le terrorisme », voir Documents officiels de l'Assemblée
générale, 34ème session, supplément n° 39, P.17
64
Voir par exemple la résolution précitée de l'Assemblée générale lors de sa 40e session.
de Bonn de 197865 que, la filiation à remarquer, les « sept principales démocraties » et la
Communauté européenne se promettent de « rendre plus efficace »66. L'exemple des Nations
Unies en est révélateur. L'étude du terrorisme y est disséminée à travers les travaux de la
Commission du droit international, du Comité spécial du terrorisme international 67, du Comité
chargé de l'élaboration de la convention contre la prise d'otages 68, du Projet de Code des
crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité 69, sans parler de la définition de l'agression,
des principes régissant les relations amicales, des réunions de la Sixième Commission à
propos de la sécurité des missions diplomatiques, de l'emploi de la force ou de la
décolonisation 70et sans essayer de recenser la liste des innombrables condamnations
ponctuelles des actes de terrorisme71. Des erreurs de vocabulaire ou des assimilations abusives
découlent de ce désordre, qualifiant de terrorisme des actes qui n'en sont pas avec d'autant
plus de facilité que le terme n'a pas de contenu précis... Pour être complet, il faudrait ajouter
au tableau rémunération des initiatives et condamnations provenant des organisations
européennes, de la C.E.E. à l’U.E. O72 et surtout de celles d'institutions privées qui se
penchent autant sur l'usage de procédures techniques 73que juridiques.74
On ne peut que regretter cet éparpilleraient. En effet, lorsque la coordination des travaux a
lieu (à l'O.A.C.I. par exemple, sur renvoi de l'O.N.U.) elle peut permettre l'élaboration de
conventions spécialisées comme à la Haye ou à Montréal ou bien favoriser une réflexion
spécifique sur les problèmes de prévention 75. La réaction européenne au terrorisme en a pris
note, d'autant qu'elle dispose d'un instrument adéquat (le Comité européen pour les problèmes
criminels du Conseil de l'Europe, qu'elle associe à l'exécution de la Convention de
Strasbourg76.
II reste que parfois le souci de coordination va à l'encontre du but prétendument rechercher, le
châtiment du terroriste. Il s'agit là au contraire de l'éviter, comme dans le texte sur la prise
65
Texte in Documents d'actualité internationale, 1978 n° 40 ; commentaire W. SCHWENK, « The Bonn
Déclaration on hijacking », Annales de droit aérien, Mac Gill University, Pedone, 1978 p. 318.
66
Point final de la Déclaration de Tokyo, par ailleurs citée elle-même par l'Assemblée parlementaire du Conseil
de l'Europe le 18 septembre 1986.
67
Lors de l'élaboration du texte de 1973 qui lui fut confiée.
68
(68) Doc. A/34/39 Auxquels il faut ajouter ceux des groupes de travail constitués (voir A/33/39).
69
Voir J. DEHAUSSY, Travaux de la Commission du droit international, cet Annuaire 1985, p. 610.
70
Chacun de ses volets est susceptible de -concerner le terrorisme, comme en témoigne sa dissémination dans les
travaux de la Commission juridique des Nations Unies, cet Annuaire, 1985, pp. 571,
573, 580, 589. '
71
Par exemple la condamnation du Conseil de Sécurité en date du 18 décembre 1985,
72
Par exemple, la Recommandation 1 024 (1986) relative à la réponse européenne au terrorisme international et
la Résolution 863 (1986) de Comme l'Association internationale des pilotes de lignes (I.F.A.L.P.A.).'11
l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ou la résolution précitée du Parlement européen du 30 octobre
1986.
73
Comme l'Association internationale des pilotes de lignes (I.F.A.L.P.A.).
74
Voir par exemple les travaux de l'Association internationale de droit pénal.
75
Résolution 40/73 de l'Assemblée générale des Nations Unies une tentative louable de coordination, à propos de
« l'examen de mesures efficaces visant à renforcer la protection et la sécurité des missions et représentants
diplomatiques et consulaires ». Renforçant les procédures de rapports sur les infractions à l'encontre des missions
diplomatiques inaugurées par la résolution 35/168, le texte de 1985 fait du Secrétaire
Général le pivot du mécanisme, en lui permettant notamment de rappeler leurs obligations aux Etats demeurés
silencieux. Le dernier rapport du Secrétaire Général (A/41/547) du 17 septembre 1986 permet une vision
d'ensemble du problème, tout en n'épargnant une certaine dimension critique
76
Voir en ce sens la suite donnée par ce Comité à la Recommandation R (82)14 du Comité des
Ministres (sur la coopération internationale en matière de poursuite et de répression du terrorisme) à travers un
Rapport sur les extorsions obtenues par les menaces à caractère terroriste, Strasbourg, 1986.
Voir également « Conférence sur la défense de la démocratie contre le terrorisme en Europe, tâches et problèmes
», Strasbourg, 1980.
d'otages, en mentionnant des dispositions du droit humanitaire qui absolvent en fait le
délinquant77, c'est indiquer déjà le peu d'efficacité d'un encadrement juridique du terrorisme.

Paragraphe 2 : L’inefficacité de l’encadrement juridique du terrorisme international

La riposte organisée par le droit international face au terrorisme est inefficace. En grande
partie, la raison en est claire : les règles conventionnelles sont marquées du sceau de la
contradiction en ce qui concerne les obligations visant les terroristes (A) et de celui de
l'ambigüité pour les silences gardés sur l'attitude des Etats (B)

A : La contradiction des solutions concernant les individus.


Les souverainetés sont fortement attachées à l'idée que composer c'est céder, et donc
abandonner une partie de cette souveraineté78, ceci se vérifie dans l'armature du droit visant le
terrorisme. Il s'agit donc d'un véritable exercice d'équilibriste qui consiste à prétendre se
donner les moyens de réprimer le terrorisme tout en conservant celui de les refuser aux autres.
Pour ce faire, l'apparence est respectée à travers l'exigence d'une poursuite automatique du
terroriste capturé, tandis que la réalité révèle l'introduction dans les textes de clauses
justificatives du terrorisme qui rendent ces textes inopérants.
L'apparence : l'obligation de poursuivre ou de livrer le terroriste.
C'est l'inspiration commune des textes, de l'O.A.C. au Conseil de l'Europe, de New- York à
Washington. La maxime « aut dedere, aut punire » fait donc autorité et l'adhésion au principe
de compétence universelle est générale 79. Le contenu de l'obligation est donc clair et ses
implications évidentes, ce qui permet d'en comprendre l'exacte signification.
Les conventions réprimant les manifestations du terrorisme international ont pour objectif de
rendre automatique la poursuite du délinquant. Une fois le délinquant arrêté, il faut donc
opérer un choix : livrer ou poursuivre. Le premier terme de l'alternative, la livraison, est sans
aucun doute prioritaire pour les Etats. Il appelle une nouvelle jeunesse du procédé
extraditionnel 80que les diverses conventions facilitent en s'offrant à être de véritables traités
d'extradition pour les Etats qui n'en seraient pas dotés 81. La seconde option ouverte consiste à
poursuivre automatiquement le terroriste, en cas de non-extradition. Elle passe d'abord par
une incrimination pénale venant relayer la condamnation internationale pour lui donner plein
effet82. Ceci ne pose pas véritablement problème, les manifestations du terrorisme recoupant
77
L'affrontement principal lors de l'élaboration du texte eut lieu sur ce point, et la satisfaction des observateurs
de l'O.L.P. lors des travaux préparatoires contraste avec les réserves interprétatives du représentant israélien à
l'Assemblée générale (voir Doc. off. de l'Ag., 34e session, comptes rendus des séances plénières, vol. III, 105e
séance. 17 décembre 1979, p. 2 063).
78
R. KOERING-JOULIN, Rapport français in « Structures et méthodes de la coopération répressive
internationale et régionale », R.I.D.P. 1984 p. 147.
79
F.H. DONNEDIEU de VABRES, « Le système de la répression universelle », R.C.D.I.P. 1922, p. 533.
80
Sur le thème : H. SCHULTZ. « Problèmes actuels de l'extradition » R.I.D.P. 1975 p. 499. 'G.
LEVASSEUR, « Les avatars du droit et de la pratique de l'extradition », R.F.DA. 1985 p. 145.
81
Articles 8 des conventions de la Haye, Montréal et New- York (1973) ; article 4 de la Convention de
Washington ; article 2 de la Convention de Strasbourg ; article 10 de la Convention de New- York (1979).
82
Article 2 de la Convention de la Haye ; article 3 de la Convention de Montréal ; article 8 al. D de la
Convention de Washington ; article 2 paragraphe 1 de la Convention de New- York (1973) ; article 2 de la
Convention de New- York (1979).
d'ordinaire des infractions connues du droit interne, mis à part le cas de la piraterie aérienne 83.
Elle réclame ensuite la mise en œuvre de l'action pénale, plus délicate.
L’implication de l'obligation : réduire l'infraction politique.
Si l'asile ne bloque pas la poursuite, l'infraction politique interdit à l'inverse l'extradition du
terroriste. Puisque les Etats sont « convaincus que l'extradition est un moyen particulièrement
efficace »84 de lutte contre le terrorisme, il leur faut supprimer ce butoir. C'est l'axe privilégié
de la politique juridique contre le terrorisme. L'obstacle est classique en droit extraditionnel 85,
il est relayé par les législations internes (comme la loi française du 10 mars 1927) et par les
accords bilatéraux ou multilatéraux86. L'action du droit international a donc été progressive car
l'absence de définition du crime politique comme du terrorisme rendaient tous les
accommodements possibles. Il a fallu contourner davantage que contredire. Les conventions
sur le terrorisme ont donc été prudentes, préférant d'abord mettre l'accent sur la gravité du
crime plutôt que sur sa qualification. La règle internationale fait l'économie d'un débat de
fond, au demeurant, insoluble, puisque nul n'est capable de démontrer que le terrorisme n'est
pas politique. Ecartant implicitement le jeu de l'infraction politique en mettant en avant la
parenté du terrorisme avec des crimes de droit commun, les différents textes (hormis celui de
Strasbourg) préfèrent esquiver la question afin de parvenir à un accord, même si le doute
persiste parfois87.
La signification de l'obligation : disqualifier le terrorisme.
Le terrorisme est considéré désormais comme un crime ordinaire, particulièrement grave, «
pour les besoins de l'extradition 88». Le procédé est juridique mais son dessein est politique. Il
s'agit d'interdire toute glorification romantique du terrorisme par le biais de l'infraction
politique, de le mettre effectivement hors-la-loi. L'idée se comprend mais il n'est pas certain
qu'elle soit réaliste. La criminalité terroriste est profondément originale et arracher l'étiquette
ne modifie pas le contenu du flacon, tellement cette négation d'un terrorisme politique
s'apparente à de l'auto persuasion. La Convention de Strasbourg en administre la preuve elle-
même en interdisant le jeu de l'infraction politique 89, mais en admettant aussitôt un peu plus
loin que les Etats peuvent quand même le faire, « à condition de prendre dûment en compte la
gravité de l'acte 90». Cette « réserve conditionnelle 91» montre bien qu'il est impossible de
conditionner l'appréciation souveraine des Etats. Ces tentatives de banalisation, aujourd'hui
systématiques, souffrent d'un vice rédhibitoire : il n'est pas possible, rationnellement, de
dissocier le terrorisme de la criminalité politique. Tout indique le contraire : le fanatisme des
exécutants, le choix des cibles, le contenu des exigences. Le profit est mince, du reste : quelle
règle interdirait le châtiment d'un délinquant politique ? Il s'agit simplement de réfléchir au
contexte dans lequel l'infraction est consommée et les Etats ne tiennent vraisemblablement

83
Aujourd'hui incriminée en tant que telle dans la quasi-totalité des législations internes.
84
Préambule de la Convention de Strasbourg.
85
Voir R. KOERING-JOULIN, « Infraction politique et violence », J.C.P. 1982-D-3 066-13.; J.C.
BONICHOT, « L'extradition passive », cet Annuaire 1983.
86
Pour un point de la situation : J. BORRICAND, « Actualité et perspectives du droit extraditionnel français »,
J.C.P. 1983-1-3 102.
87
Pour une grille de réflexion : D. LABETOULLE, concl. Sur CE., Assemblée, 5 février 1980, Gabor
Winter, D. 1980, p. 450. La sélection des cibles du terrorisme contraint à la prudence, de l'amiral Carrero
Blanco en Espagne, à Lord Mounbatten en Grande Bretagne ou à Aldo Moro en Italie ou Alain Peyrefitte
à Provins.
88
Préambule de la Convention de Strasbourg.
89
Articles 1 et 2.
90
Article 13.
91
C. VALLEE. Cet Annuaire 1979 p. 765.
pas à voir s'accréditer ce type d'examen. L'importance de ces contradictions expliquerait à elle
seule l'inefficacité patente d'un droit international. Il faut y ajouter des silences troublants.
B : L'ambiguïté des silences gardés sur l'attitude des états
Le droit international public s'adresse essentiellement aux Etats. Or, rien ici ne fournit
d'indications sur l'attitude de ceux-ci face au terrorisme, soit qu'il s'agisse de résoudre les
problèmes concrets qu'il pose, soit qu'il s'agisse de dénoncer son emploi par des Etats. Tantôt
parce qu'il ne veut pas, tantôt parce qu'il ne peut pas traiter la difficulté, le droit international
garde donc le silence sur l'incrimination des Etats convaincus de terrorisme et ne précise pas
l'étendue des obligations d'un Etat confronté au terrorisme.
Le refus d'incriminer le terrorisme manipulé par les Etats :
« A en juger par leur conduite au niveau de la création du droit, les Etats sont les auteurs ou
les complices de l'ambiguïté du droit international 92» ; le constat se vérifie entièrement ici. A
l'heure où chacun comprend bien que le terroriste individuel dépend entièrement d'un soutien
étatique pour sa survie, le silence gardé par les conventions sur le comportement des Etats
complices ou instigateurs surprend. Celles-ci ne sont élaborées que pour répondre à une
criminalité individuelle, sommairement identifiée. Elles s'avèrent incapables de répondre à
une violence qui a largement changé de caractères. Pire, lorsque la condamnation surgit sous
la pression des événements, elle n'emprunte jamais la voie juridique. Il faut s'en convaincre :
le terrorisme individuel n'est guère que la conséquence d'un manquement, celui des Etats à
leurs obligations internationales. Par omission longtemps et par action de plus en plus
fréquemment, les Etats sont directement responsables de la prolifération du terrorisme.
Contrôlé dans sa plus grande part par des Etats souverains, le terrorisme international ne
correspond donc en rien au phénomène imparfaitement cerné par les règles internationales.
L'imprécision des obligations étatiques face au terrorisme :
Les seules obligations concrètes découlant du droit international se situent en aval de
l'infraction : l'Etat doit extrader ou poursuivre. En revanche, rien ne définit précisément
l'étendue des obligations en amont de l'infraction et moins encore durant son déroulement.
Certes, l'obligation de prévention générale du terrorisme est connue de tous mais elle est
largement illusoire, appuyée tantôt sur les textes 93, tantôt sur le rappel que « chaque Etat a le
devoir de s'abstenir d'organiser ou d'encourager des actes... de terrorisme sur le territoire d'un
autre Etat, d'y aider ou d'y participer, ou de tolérer sur son territoire des activités organisées en
vue de perpétrer de tels actes94 » : II faut attendre en réalité la commission d'une infraction
pour en jauger l'efficacité, rien ne la définissant hormis les vœux pieux habituels. D'ailleurs,
dans le silence des textes, il est frappant de noter la fuite des Etats devant l'engagement
juridique en ce domaine. Mise à part l'œuvre d'institutions spécialisées 95, l'essentiel de la
coopération du monde occidental et surtout européen se déroule en marge d'accords
internationaux. Elle réfute ainsi toute place à une définition juridique de ses principes, de son
action, de ses modalités et l'année 1986 marquera sous cet angle l'officialisation d'une
coopération policière européenne jusqu'ici discrète.96
92
G. de LacHARRIERE, La politique juridique extérieure, Economica, 1983 p. 103.
93
Par exemple : article 4 de la Convention de New- York de 1973 et de 1979, à partir duquel les
Etats s'engagent à « interdire sur leur territoire les activités illégales » de ceux, individus ou organisations, qui
encouragent, organisent ou commettent des prises d'otages.
94
A.G., résolution 3314
95
Celle de l'O.A.C.I. ou même de l'O.M.I. (visée par ailleurs dans la Déclaration de Tokyo),
96
En particulier par l'intermédiaire des conférences annuelles des ministres de l'intérieur, autrement dénommés «
groupe Trevi », qui se voient consacrées par la résolution 863. Sans doute est-ce l'exigence de la lutte contre le
terrorisme, du reste parfaitement comprise par l'opinion publique, et sûrement est-ce « l'action résolue, tenace,
Il en va de même en ce qui concerne la prévention de l'irréparable, c'est-à-dire de
l'accomplissement de l'infraction. Le terrorisme crée des situations d'une complexité
redoutable, tant pour l'Etat qui est le siège de l'infraction que pour celui qui est la cible du
chantage. Les textes en vigueur se gardent cependant d'organiser une réaction-type, laissant
chacun maître de sa riposte. Ce constat de carence est réaliste : la criminalité terroriste
réclame une grande latitude d'action, une souplesse maximale impossible à déterminer
juridiquement. Cette conjonction du hasard et de la souveraineté des Etats-parties se décèle
dans les termes de la Convention sur la prise d'otages, pourtant là plus récemment élaborée.
Les tentatives d’adaptation limitées des acteurs internationaux contre le terrorisme en raison
de plusieurs facteurs. Par exemple, les politiques de répression du terrorisme peuvent parfois
être trop strictes et entrainer des restrictions excessives sur la liberté de mouvement des
travailleurs humanitaires ce qui peut empêcher d’atteindre les populations les plus
vulnérables, de plus les acteurs humanitaires peuvent être confrontés à des risques de sécurité
élevés dans les zones touchées par le terrorisme, ce qui peut limiter leur capacité à fournir une
assistance efficace. Nous y reviendrons plus en détail dans la section suivante.
Section 2 : Les obstacles à l’action humanitaire dans les situations de terrorisme
Lors des conflits, c’est le Comité International de la Croix/ Croissant Rouge (CICR) qui
s’occupe des blessés. Le personnel et les infrastructures du CICR sont très souvent confrontés
à des attaques dans les situations de terrorisme et de conflits armés alors qu’en temps normal
ils devraient être épargnés. Dans cette optique nous aborderons les obstacles aux soins de
santé (paragraphe 1) et le problème des déplacés internes (paragraphe 2)
Paragraphe 1 : Les obstacles aux soins de santé Les soins de santé en danger : exposé d’une
urgence
Deux principaux points se dégagent, les violences contre les structures médicales (A) et les
violences contre le personnel de santé (B)
A : Les violences contre les structures médicales
Par violence, on entend notamment les bombardements, les tirs d’artillerie et à l’arme légère,
les pillages, les effractions, les manœuvres d’encerclement et tout autre acte entravant par la
force le fonctionnement des structures médicales (par exemple en les privant d’eau et
d’électricité). Les structures médicales sont entre autres, les hôpitaux, les laboratoires, les
dispensaires, les postes de premiers secours, les centres de transfusion sanguine, les dépôts de
matériel médical et les pharmacies de ces unités97.
Les attaques contre les structures médicales lors de violences armées et de troubles internes se
rangent en quatre grandes catégories. La première comprend les actes de violence délibérée
contre ces structures pour obtenir un avantage militaire en privant l’opposant, et ceux
soupçonnés de le soutenir, de l’assistance médicale nécessaire pour soigner les blessés. Ces
attaques peuvent aussi avoir pour objectif de répandre la terreur parmi la population en
prenant pour cible des infrastructures protégées. En outre, des attaques sont parfois lancées
pour délivrer des combattants détenus qui sont hospitalisés. L’attaque contre l’hôpital Jinnah,
à Lahore (Pakistan), en juin 2010, avait précisément pour but de délivrer un activiste blessé,
capturé après un attentat dans une mosquée, où 80 fidèles avaient trouvé la mort. Trois

discrète » que la Déclaration de Tokyo précitée mentionne.


97
CICR, LES SOINS DE SANTÉ EN DANGER : EXPOSÉ D’UNE URGENCE,
https://www.icrc.org/fr/doc/assets/files/publications/icrc-001-4072.pdf, consulté le 7/7/2022
hommes armés en uniforme de police sont entrés dans l’hôpital et ont fait feu de manière
indiscriminée, tuant des employés, des visiteurs et des agents de sécurité.
La deuxième catégorie d’attaques contre les structures médicales comprend les actes de
violence délibérée perpétrés pour des raisons politiques, religieuses ou ethniques, plutôt que
pour obtenir un avantage militaire en tant que tel. Les exemples suivants rentrent dans cette
catégorie: l’incendie déclenché dans un dispensaire géré par des Ouzbeks au Kirghizistan lors
des violences ethniques en juin 2010; le bouclage et la prise de contrôle de l’hôpital
Salmaniya par les militaires au début de l’année 2011 à Bahreïn, parce que soupçonné de
soutenir les manifestants antigouvernementaux ; et l’attentat contre un hôpital de Karachi, en
février 2010, qui visait les survivants d’une attaque à caractère religieux contre un bus
transportant des membres d’une minorité chiite.
La troisième catégorie a trait aux effets involontaires des bombardements et des tirs d’obus ou
de missiles contre une cible militaire. Ces « dommages collatéraux » sont particulièrement
fréquents lors d’opérations militaires menées dans des zones urbaines très peuplées. Les
auteurs de ce genre d’attaques sont censés prendre toutes les précautions possibles pour
distinguer entre cibles légitimes et illégitimes. Or, dans les conflits en Libye, à Sri Lanka, en
Somalie, dans le territoire palestinien occupé, au Liban, au Yémen et au Rwanda, des
structures médicales ont subi de graves dommages, officiellement causés par erreur. Ces
établissements sont d’autant plus menacés s’ils se trouvent à proximité d’installations
militaires.
La quatrième forme de violences contre les structures médicales sans doute la plus fréquente
regroupe les vols de médicaments ou d’équipements médicaux. Ces actes visent parfois à
obtenir du matériel médical pour soigner des combattants blessés craignant de se rendre dans
un établissement de santé. Néanmoins, ils sont le plus souvent commis à des fins purement
criminelles. En 2003, à Bagdad, le pillage des hôpitaux et la destruction d’infrastructures et de
dépôts de matériel médical ont été pratiqués à une si grande échelle que tout le système de
santé de la ville s’est littéralement effondré. Les hôpitaux ont été contraints de fermer,
abandonnant à leur sort blessés et mourants.
Les structures médicales ne sont pas les seules cibles d’attaque. Le personnel de santé est
également menacé et périt souvent en voulant sauver des vies.
B : Les violences contre le personnel de santé
Par violence, on entend notamment le fait de tuer, de blesser, d’enlever, de harceler, de
menacer, d’intimider et de dévaliser des membres du personnel de santé ; ou encore de les
arrêter pour avoir accompli leurs tâches médicales. Les personnels de santé sont, entre autres,
les médecins, le personnel infirmier et paramédical comme les secouristes, le personnel de
soutien assigné à des fonctions médicales, le personnel administratif des structures médicales
et les ambulanciers98.
Les personnels de santé font face à de nombreux défis lorsqu’ils travaillent dans des conflits
armés et autres situations de violence. Ils doivent notamment adapter leurs standards en
fonction des ressources dont ils disposent, et gérer des afflux massifs de personnes ayant
besoin de secours immédiats. Au-delà de ces défis purement professionnels, ils sont en outre
exposés à de graves dangers liés à la nature même de leur travail.

98
CICR, LES SOINS DE SANTÉ EN DANGER : EXPOSÉ D’UNE URGENCE,
https://www.icrc.org/fr/doc/assets/files/publications/icrc-001-4072.pdf, consulté le 7/7/2022
L’Irak a été le théâtre de quelques-unes des pires attaques dirigées contre des personnels de
santé. En 2008, le ministère irakien de la Santé estimait que plus de 625 agents de santé
avaient perdu la vie depuis 2003. En 2007, par exemple, de nombreux médecins ont été
délibérément pris pour cible dans une vague d’attentats qui a notamment coûté la vie au
docteur Mohammed Ajil, directeur de l’hôpital psychiatrique de Bagdad, abattu par des
hommes à moto alors qu’il rentrait chez lui. Des centaines d’autres médecins ont reçu des
menaces de mort ou ont été enlevés, parfois contre rançon, mais aussi pour des motifs
politiques ou religieux. Plus de la moitié des médecins que comptait le pays ont fui à
l’étranger, tandis que la plupart de ceux qui sont restés sont aujourd’hui contraints de vivre
sur leur lieu de travail, s’ils ne veulent pas risquer leur vie en rentrant chaque jour chez eux.
La violence contre les personnels de santé est aussi très répandue en Afghanistan, où ils sont
souvent l’objet de menaces, de harcèlement et d’attaques. Dans ce pays, des dizaines de
membres du personnel médical ont été enlevés, tantôt pour de l’argent, tantôt pour leurs
compétences, se voyant alors contraints de donner des soins à des combattants blessés qui
craignaient d’être arrêtés s’ils recouraient aux services d’un établissement public. Au cours de
la longue guerre qui a déchiré Sri Lanka, des médecins et d’autres personnels de santé ont fait
l’objet de menaces ou ont été tués pour avoir « prodigué des soins à l’ennemi ». En décembre
2008, la moitié des médecins en activité à Vavuniya ont reçu une lettre anonyme postée à
Colombo, dans laquelle on leur signifiait qu’un médecin tamoul serait tué pour venger la mort
d’un médecin cinghalais assassiné dans le district de Batticaloa.
Les conflits, notamment le terrorisme contraint les populations à fuir leurs habitations pour
trouver refuge à l’intérieur de leur propre pays : c’est le déplacement interne. Et nous y
viendrons dans les lignes qui suivent.
Paragraphe 2 : Le problème des déplacés internes
Le déplacement interne est un problème humanitaire qui préoccupe beaucoup les États
directement touchés ainsi que la communauté internationale. Les déplacés internes ont
cependant des besoins que la communauté internationale et le CICR ont souvent du mal à
satisfaire. C’est ainsi que nous étudierons les problèmes liés à la satisfaction des déplacés
internes (A) et les problèmes liés à leur sécurité (B)

A : Les problèmes liés à la satisfaction de leurs besoins


Les déplacés internes sont des personnes vulnérables qui ont besoin d’aide matérielle que
financière. Si nous prenons l’exemple du Burkina Faso, on constate que de plus en plus de
déplacés se dirigent vers la capitale. Ils sont composés essentiellement de femmes et d’enfants
qui mendient pour assurer leur pain du jour. Cela est déplorable car ni les autorités du
gouvernement ni la communauté internationale encore moins le CICR n’arrivent à satisfaire
leurs besoins. Ils sont livrés à eux-mêmes d’autant plus que leur nombre ne cesse de
s’accroitre avec les différentes attaques qui sont très fréquentes. Très souvent des personnes
tels que les étudiants et les personnes altruistes font des collectes de dons via les réseaux
sociaux pour essayer tant bien que mal de leur venir en aide.
Sur le plan international, lorsqu'il entreprend un programme pour la population civile, le
CICR s'efforce toujours de repérer les groupes particulièrement vulnérables. On peut donc
dire que cette démarche est davantage orientée vers les personnes vulnérables que vers des
catégories prédéfinies. Il est toutefois évident que les personnes déplacées sont souvent
particulièrement vulnérables et qu'elles figurent par conséquent parmi les bénéficiaires du
CICR99. En même temps, les conditions dans lesquelles vivent les personnes déplacées varient
considérablement selon qu'elles se trouvent dans le temps et dans l'espace proches d'un conflit
et suivant la phase considérée du déplacement. Il peut arriver que des personnes récemment
déplacées soient encore exposées aux dangers des opérations militaires et qu'elles ne
possèdent plus rien ; elles dépendent dans ce cas d'une aide immédiate pour survivre. D'autres
personnes déplacées ont peut-être trouvé une sécurité relative en dehors des zones de conflit ;
elles sont éventuellement déplacées depuis des années et ont retrouvé un certain niveau
d'autonomie. Dans son action, le CICR accorde la priorité à la première catégorie de
personnes déplacées.
Les statistiques réalisées sur les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays suscitent
toujours un grand intérêt, et soulèvent parfois des controverses, parmi les organisations
humanitaires et les gouvernements. Si on laisse de côté les sous-estimations ou les
exagérations délibérées occasionnelles, qui sont motivées par le souhait de minimiser
l'ampleur de la crise ou celui de solliciter un plus grand soutien de la part des gouvernements
donateurs, il est important de noter que la notion même de personne déplacée varie largement
d'une organisation à l'autre, en fonction de l'importance que chacune veut donner à son
intervention , et que ces chiffres sont par conséquent choisis à des fins précises par la plupart
des personnes qui les utilisent. Pour sa part, le CICR réserve le terme de « personne déplacée
» aux personnes qui ont le plus besoin d'être secourues en urgence. Ce terme s'applique
généralement aux personnes récemment déplacées qui, pour survivre, sont totalement
dépendantes d'une aide immédiate. De l'avis du CICR, ce serait par conséquent une erreur
d'accorder trop d'importance aux chiffres et, en particulier, d'allouer des fonds à cette seule
catégorie de victimes. Une telle pratique serait non seulement contestable sur le plan éthique
vis-à-vis des autres catégories de victimes qui rencontrent les mêmes difficultés, voire des
difficultés plus grandes, mais elle serait également inopérante dans le cadre d'une approche
globale. 
Un problème s’oppose entre le CICR et les Etats, Le CICR estime que la responsabilité de
subvenir aux besoins des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays en matière d'assistance
et de protection incombe au premier chef aux autorités nationales. Malheureusement, les
autorités très souvent n’arrivent pas à satisfaire les besoins des déplacés interne, qui sont
livrés à eux même tant que le CICR n’intervient pas. Cependant quand est-il de leur sécurité ?

B : Les problèmes liés à leur sécurité


D’une part, la sécurité des personnes déplacés est un véritable problème. Contrains de fuir
leurs habitations à cause d’un conflit ou d’une guerre, sont livrés à eux-mêmes. Mais ils ont
quand même le droit de rechercher la sécurité dans une autre partie du pays. Les populations
d'accueil, elles-mêmes parfois vulnérables, doivent partager les ressources disponibles avec
les nouveaux arrivants : terres agricoles, eau et pâturages subissent une pression
supplémentaire. Les services essentiels, comme la santé et l'éducation, sont débordés. Les
tensions entre résidents et déplacés, parfois vives, peuvent déboucher sur des affrontements
violents. Les déplacés internes sont arrachés à leur environnement familier et privés du

99
COMITÉ INTERNATIONAL DE LA CROIX-ROUGE, Les activités du CICR relatives au déplacement
interne
19-07-2000 Déclaration. Conseil économique et social - secteur humanitaire.
https://www.icrc.org/fr/doc/resources/documents/misc/5fzhn8.htm
soutien de leur réseau social. Il arrive souvent que les familles soient séparées. Certains sont
tués ou disparaissent sur la route100.
Aussi, les groupes terroristes peuvent attaqués les camps des déplacés internes ou les
personnes déplacées elles-mêmes, ce qui peut entrainer des pertes humaines et des
déplacements supplémentaires. Les camps des déplacés internes peuvent être également
utilisés comme base pour les groupes terroristes, ce qui peut mettre en danger la sécurité des
résidents et des travailleurs humanitaires. En outre, les personnes déplacées peuvent être
victimes de harcèlement, d’intimidation et de recrutement forcé par les groupes terroristes.
Les femmes et les enfants sont particulièrement vulnérables à ces pratiques, et peuvent être
victimes de violences sexuelles et de mariages forcés. Les personnes déplacées internes
peuvent également être confrontées à des problèmes de sécurité liés à la criminalité et à la
violence urbaine, ainsi qu’à la discrimination de la part des communautés d’accueil.
D’autre part, les organisations humanitaires travaillent à fournir une aide et une protection aux
personnes déplacées par le terrorisme. Cela comprend la fourniture de nourriture, d’eau, de
soins de santé et d’abris, ainsi que la protection contre la violence et l’exploitation. Les
organisations humanitaires travaillent également à renforcer la sécurité des camps des
déplacés internes, en fournissant des services de sécurité, en renforçant les infrastructures et
en formant les résidents à la sécurité personnelle. Ils travaillent également à promouvoir les
droits des personnes déplacées, en travaillant avec les gouvernements et les communautés
pour lutter contre la stigmatisation.
En fin de compte, la sécurité des déplacés internes dépend de la capacité des gouvernements
et de la communauté internationale à répondre aux menaces posées par le terrorisme. Cela
comprend la lutte contre les groupes terroristes, la promotion de la sécurité et des droits des
personnes déplacées, et la fourniture d’une aide humanitaire adéquate. En travaillant
ensemble, les gouvernements, les organisations humanitaires et les communautés peuvent
aider à protéger les personnes déplacées internes contre les menaces posées par le terrorisme.

100
COMITÉ INTERNATIONAL DE LA CROIX-ROUGE, Déplacés internes : les enjeux humanitaires.
https://www.icrc.org/fr/nos-activites/deplaces-internes-les-enjeux-humanitaires consulté le 4/12/2022
CONCLUSION

La lutte contre le terrorisme est devenue l’une des principales préoccupations mondiales au
cours de ces dernières décennies. Face à cette menace persistante, le DIH a été considéré
comme un cadre juridique essentiel pour réguler les conflits armés et protéger les droits
fondamentaux des individus touchés par ces conflits. Cependant, malgré son importance et
son application dans divers contextes, le DIH présente des limites significatives lorsqu’il est
confronté au terrorisme.
L’une des principales limites du DIH face au terrorisme réside dans la définition même du
terrorisme. Contrairement aux conflits armés traditionnels, le terrorisme ne se limite pas à des
actes perpétrés par des Etats ou des acteurs étatiques identifiables. Les groupes terroristes
peuvent être transnationaux, non étatiques et sans frontières. Cela rend difficile l’application
des normes du DIH qui ont été conçues pour des conflits entre Etats. Les actions terroristes
peuvent également impliquer des attaques contre les civils, ce qui va à l’encontre du principe
fondamental de la distinction entre combattants et non-combattants dans le DIH.
Une autre limite essentielle est la question de l’application du DIH par les groupes terroristes
eux-mêmes. Les terroristes ne sont pas tenus par les conventions internationales du DIH, et
leur mépris pour les règles humanitaires conduit souvent à des atrocités de grande échelle. Les
enlèvements, les exécutions sommaires et les attaques indiscriminées contre des civiles sont
des exemples de violations flagrantes du DIH par les groupes terroristes, remettant en
question l’efficacité de ces normes dans de telles situations.
Enfin, une autre limite importante du DIH face au terrorisme est la préoccupation croissante
concernant la balance entre sécurité et droits de l’homme ainsi que l’inefficacité de la
coopération internationale.
En conclusion le DIH est un instrument crucial pour réguler les conflits armés et protéger les
droits fondamentaux des personnes touchées par ces conflits. Cependant il présente des
limites significatives lorsqu’il est confronté au terrorisme, en raison de la nature complexe et
changeante de cette menace. Les défis liés à la définition du terrorisme, à l’application des
groupes terroristes eux-mêmes, à l’équilibre entre sécurité et droits de l’homme ainsi qu’à
l’inefficacité de coopération internationale, remettent en question l’efficacité du DIH dans la
lutte contre le terrorisme.
Pour relever ces défis, il est essentiel que la communauté internationale continue de travailler
ensemble pour renforcer et adapter les DIH aux nouvelles réalités du terrorisme. Cela peut
impliquer des révisions législatives, des mécanismes de coopération internationale plus
solides et une sensibilisation accrue aux principes du DIH dans les opérations de lutte contre
le terrorisme. Enfin de compte, l’objectif doit être de concilier la sécurité avec les droits de
l’homme, afin de protéger toutes les personnes touchées par ces conflits, et de faire en sorte
que le DIH continue de jouer un rôle essentiel dans la préservation de la dignité humaine en
temps de guerre.

BIBLIOGRAPHIE

I.Doctrine

A. Ouvrages généraux
SALMON Jean, Dictionnaire de droit international public, Bruxelles Bruylant, 2001p
GUINCHARD Serges et DEBARD Thierry, Lexiques des termes juridiques, 25ème édition
2017-2018, 2158p
VERRI Pietro, Dictionnaire du droit international des conflits armés, Italie, 1988, 147p

B. Ouvrages spécialisés

C. Articles
LABAYLE Henri, « Droit international et lutte contre le terrorisme », in : Annuaire français
de droit international, vol 32, 1986, pp 105-138
SOTTILE Antoine, « Le terrorisme international », Vol 65 de Recueil des cours/ Hague
Academy of International Law, Recueil Sirey, 1938, 98p
DOUCET Ghislaine, « Terrorisme : définition, juridictions pénales internationales et
victimes », dans Revue internationale de droit pénal, 2005 Vol 76 p 251 à 273
ZANI Mamoud, « le comité international de la Croix-Rouge et la qualification des conflits
armés », Cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux, mis en ligne le 16/11/2019
VITE Sylvain, « typologie des conflits armés en droits international humaitaire : concepts
juridiques et réalités », du Comité international de la croix rouge, 21p,
https://www.icrc.org/fr/doc/assets/files/other/irrc-873-vite-fre.pdf
PREVOST Jean François, « les aspects nouveaux du terrorisme international », Annuaire
français de droit international, 1973, pp 579-600

II- Textes juridiques


A. Conventions
Convention de Genève (IV) du 12 Aout 1949 relative à la protection des civils en temps de
guerre et ses protocoles additionnels du 8 juin 1977
Convention de Tokyo, relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des
aéronefs signée à Tokyo le 14 septembre 1963
Convention international de 1979 contre la prise d’otage, signée à New York en Décembre
1979
Convention de 1973 sur la prévention et la répression des personnes jouissant d’une
protection internationale, y compris les agents diplomatiques, signée le 14 Décembre 1973
Convention de la Haye, pour la répression de la capture illicite d’aéronefs, signée le 16
Décembre 1970
Convention de Strasbourg (convention européenne pour la répression du terrorisme), portant
sur la répression du terrorisme, fait à Strasbourg le 27 Janvier 1977
Convention de Montréal, pour la répression des actes illicites dirigés contre la sécurité de
l’aviation civile, signée le 23 septembre 1971
Statut de la cour pénale internationale, Rome, 17 juillet 1998

B. Résolutions
Résolution du 12 septembre 2001 à propos des attentats commis à New York et en
Pensylvanie
Résolution du 12 novembre 2001 sur la menace à la paix et à la sécurité résultant d’actes
terroristes
A/RES/59/290 du 15 avril 2005, convention ouverte à la signature du 14 septembre 2005 au
31 décembre 2006.
Résolution 1189 (1998) du 13 août 1998, suite aux attentats perpétrés le 7 août à Nairobi
(Kenya) et à Dar es-Salaam (Tanzanie).

III. Jurisprudence

CIJ, affaire des activités armées sur le territoire du Congo, Arrêt du 19 décembre 1997
CIJ, affaire de l’application de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide
CIJ, affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, arrêt du 27 juin 1986
TPIY, affaire Tadic, arrêt du 15 juillet 1999
TPIY, arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception jurisprudentielle
d’incompétence
TPIY, affaire Naletilic et Martinovic, jugement du 31 mars 2003

IV. Webographie
Terrorisme, lutte contre le terrorisme et DIH, https://www.quidjustitiae.ca/en/node/1770

Definition du terme « combanttant illégal », https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Combattant_ill

%C3%A9gal

Definition du DIH, https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Droit_international_humanitaire

CICR : les activités relatives au déplacement interne,

https://mail.google.com/mail/w/0/#inbox/FMfcgzGrbHxvkDqJIFMsTkvIWpHwTmxK?

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CICR : déplacés internes et enjeux humanitaires,

https://www.icrc.org/fr/nos-activites/deplaces-internes-les-enjeux-humanitaires

CICR : les soins de santé en danger : exposé d’une urgence,

https://www.icrc.org/fr/doc/assets/files/publications/icrc-001-4072.pdf

Le CICR et les personnes déplacés internes,

https://www.icrc.org/fr/doc/resources/documents/misc/5fzfs9.htm

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