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Droit international public : les relations entre États

Leçon 7 : La protection internationale des droits de l’homme


Rémy Prouvèze

Table des matières


Section 1. La consécration internationale de la protection des droits de l’homme............................................. p. 2
§1. L’affirmation des droits de l’homme au niveau universel.............................................................................................................. p. 2
A. Le rôle des organisations internationales.................................................................................................................................................................... p. 3
B. Les principaux instruments juridiques.......................................................................................................................................................................... p. 4
C. Les entraves à l’universalité des droits de l’homme................................................................................................................................................... p. 5
1. Les entraves idéologiques et culturelles.............................................................................................................................................................................................................p. 5

2. Les entraves économiques et techniques.......................................................................................................................................................................................................... p. 5

§2. L’affirmation des droits de l’homme au niveau régional................................................................................................................ p. 6


A. Dans le cadre du Conseil de l’Europe.........................................................................................................................................................................p. 6
B. Dans le cadre de l’Organisation des États Américains............................................................................................................................................... p. 7
C. Dans le cadre de l’Union africaine.............................................................................................................................................................................. p. 7
Section 2. Les mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme............................................. p. 10
§1. Les mécanismes au plan universel............................................................................................................................................. p. 10
A. Le Conseil des droits de l'Homme des Nations Unies.............................................................................................................................................. p. 10
B. Les autres organes de contrôle onusiens..................................................................................................................................................................p. 11
§2. Les mécanismes au plan régional...............................................................................................................................................p. 12
A. La Cour européenne des droits de l'Homme.............................................................................................................................................................p. 12
B. La Cour interaméricaine des droits de l'Homme....................................................................................................................................................... p. 13
C. La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples..........................................................................................................................................p. 14

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La protection internationale des droits de l’Homme revêt une certaine spécificité en droit international. En effet,
elle traduit l’irruption des individus dans l’ordre juridique international traditionnellement dominé par les
Etats et pour lequel l’individu n’est qu’un sujet médiat, passif, voire un objet de droit, et très rarement un sujet
de droit à part entière.

Face aux carences juridiques des Etats et/ou aux violations des droits de l’homme qu’ils ont pu ou pourraient
commettre, l’intervention d’une protection internationale s’est avérée nécessaire. La protection internationale
des droits de l’homme apparaît donc comme une atteinte ou une restriction à la souveraineté des Etats
qui, par principe, disposent d’une compétence exclusive sur les individus résidant sur leur territoire. D’où une
certaine prudence ou méfiance des Etats à l’égard d’une matière qui ne relève plus désormais du domaine
réservé des Etats, de leur compétence exclusive.

Remarque
Plus largement, un des apports majeurs du droit international des droits de l’homme réside sans doute dans
le dépassement de la conception classique du droit international selon laquelle ce droit n’est qu’un droit des
relations interétatiques dans lesquelles l’individu n’a que peu ou pas de place. Le droit international des droits
de l’homme et la protection qu’il met en place visent ainsi à transpercer le voile ou l’écran étatique pour faire
apparaître l’individu dans l’ordre juridique international en lui reconnaissant des droits au niveau international
et la possibilité de les protéger, de les faire valoir et respecter en portant réclamation devant des mécanismes
internationaux.

La consécration des droits de l’homme et de leur protection apparaît donc comme un phénomène d’importance
en droit international, même si cette consécration ne s’est pas faite sans certaines difficultés et limites (Section
1), tandis que la garantie de cette protection internationale a été confiée à des mécanismes très divers qui
connaissent des fortunes diverses (Section 2).

Section 1. La consécration
internationale de la protection des
droits de l’homme
La consécration internationale de la protection des droits de l’homme intervient après la seconde guerre
mondiale avec notammentla Charte des Nations Uniesqui en fait une valeur essentielle de la nouvelle
Organisation (alinéa 2 du Préambule et art. 1 § 3 par exemple). A partir de là, les Etats vont recourir à de
nombreux instruments pour proclamer et affirmer les (ou des) droits de l’homme, que ce soit au niveau universel
(§ 1) ou régional (§ 2).

§1. L’affirmation des droits de l’homme au


niveau universel
Le droit international des droits de l’homme est un droit idéologique, fondé sur une certaine conception
de l’homme, avec comme principe premier l’égalité de tous les hommes. L’influence de l’école du droit
naturel – que l’on retrouve dans plusieurs déclarations nationales (comme le Préambule de la déclaration
d’indépendance des Etats-Unis de 1776 ou la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui
expose « les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme ») – est ici particulièrement prégnante.

L’homme étant partout le même, les principaux textes internationaux relatifs aux droits de l’Homme vont
reconnaître une certaine universalité, celle de la personne humaine, qui va se répercuter sur les droits de

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celles-ci : outre leur permanence et leur intemporalité, ces droits sont eux aussi universels. Cette universalité
des droits de l’Homme signifie que ces droits sont reconnus à tout homme (quelle que soit sa nationalité) par
chaque ordre juridique.

Remarque
Ces droits sont donc objectifs : peu importe l’attitude des Etats vis-à-vis des instruments juridiques qui
consacrent ces droits, ils existent et sont inhérents à l’homme ou à la femme du seul fait de leur humanité.
Du fait de cette conception universaliste, les organisations internationales à vocation universelle vont jouer
un rôle important dans l’affirmation des droits de l’homme (A), comme en attestent les principaux instruments
juridiques en la matière (B). Néanmoins, malgré l’affirmation de cette universalité, il faut bien avoir conscience
que les droits de l’homme ne sont pas (encore ?) universels en raison d’un certain nombre d’entraves (C).

A. Le rôle des organisations internationales

De nombreuses organisations internationales concourent à la protection des droits de l’homme. Au plan


universel, celles qui ont une action particulièrement importante se trouve dans le système des Nations Unies.

La première, la plus ancienne, est l’Organisation Internationale du Travail. Créée en 1919 (Partie XIII du
Traité de Paix de Versailles du 28 juin 1919) et rattachée aux Nations Unies par un accord signé à New York
le 30 mai 1946, cette institution spécialisée œuvre pour la protection des droits de l’homme au travail.

Remarque
Elle est à l’origine de 188 conventions internationales en la matière (et plus encore de recommandations),
telles que laConvention n° 29sur le travail forcé de 1930,la Convention n° 87sur la liberté syndicale et
la protection du droit syndical de 1948,la Convention n° 105sur l'abolition du travail forcé de 1957, oula
Convention n° 182sur les pires formes de travail des enfants de 1999.

Une autre institution spécialisée joue un rôle d’envergure en matière normative et de contrôle. Il s’agit de
l’UNESCO, créée le 16 novembre 1945 à Londres. L’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la
Science et la Culture joue un rôle de premier plan dans la protection des droits de l’homme relevant de sa
compétence, notamment le droit à l’éducation, le droit à profiter des progrès de la science, les droits culturels
et le droit à l’information. Cette organisation internationale vise à diffuser des valeurs considérées comme
universelles telles que les principes d’égalité, de non-discrimination, du respect de la dignité humaine, etc.

Remarque
Elle le fait par le biais de programmes, de stratégies mais également en élaborant des textes juridiques :
la Convention de l’UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement
(1960), la Déclaration sur la race et les préjugés raciaux (1978), la Déclaration universelle sur le génome
humain et les droits de l’homme (1997), la Déclaration sur la science et l’utilisation des connaissances
scientifiques (1999), la Convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique (2001) ou la
Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme (2005) en sont quelques exemples.
Parfois, l'UNESCO s'exprimera ponctuellement sur des évènements ou situations qui portent atteinte aux
droits qu'elle a mission de promouvoir et de défendre. Par exemple, l'UNESCO a récemment dénoncé la
destruction de biens historiques et culturels par le groupe « Etat islamique » (voir AFP, « Destruction de la
cité de Nimroud par l'État islamique : l'UNESCO dénonce un crime de guerre et saisit l'ONU », 6 mars 2015 et
« La cité antique détruite par l'EI en Irak, un « crime de guerre » selon l'Unesco », Le Monde.fr, 6 mars 2015).
Toutefois, ces organisations internationales ont une compétence spéciale, limitée par leurs buts et objets, et
ne disposent pas de la compétence générale de l’ONU. Dès lors, et en raison de l’universalité proclamée des
droits de l’homme, il est logique que l’ONU occupe une place centrale dans l’établissement d’une protection
internationale des droits de l’homme. Non seulement, comme on l’a déjà dit, les droits de l’homme font
partie des valeurs essentielles sur lesquelles repose l’ONU, mais, par ailleurs, la Charte des Nations Unies

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prévoit à plusieurs reprises que l’ONU agira en faveur du « (…) respect des droits de l'Homme et des libertés
fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion » (art. 1er § 3 ou art.
55 de la Charte des Nations Unies par exemple).

Malgré ces nombreuses mentions des droits de l’homme et la nécessaire action des organes de l’ONU en
leur faveur, la Charte des Nations Unies ne pose que des grands principes qui vont être mis en pratique par
les organes de l’ONU.

L’Assemblée générale est le principal organe des Nations Unies en la matière : son action normative se fonde
notamment sur l’article 13 de la Charte des Nations Unies qui lui donne compétence pour « (…) provoque[r]
des études et fait des recommandations en vue de : (…) Développer la coopération internationale dans les
domaines économique, social, de la culture intellectuelle et de l'éducation, de la santé publique, et faciliter
pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, la jouissance des droits de l'Homme
et des libertés fondamentales ».

Elle est aidée dans sa tache par le Conseil économique et social des Nations Unies qui peut créer des «
commissions pour les questions économiques et sociales et le progrès des droits de l'Homme » (art. 68 de
la Charte des Nations Unies).

La Commission des droits de l’homme était une de ces commissions, instituée par la résolution 5 (I) du
16 février 1946. C’est cet organe subsidiaire du Conseil économique et social qui a préparé la plupart des
instruments juridiques adoptés par l’ONU en la matière. Depuis 2006, la Commission des droits de l’homme a
été remplacée par le Conseil des droits de l’homme créé par l’Assemblée générale (Résolution 60/251 du
15 mars 2006). Cet organe s’est montré beaucoup moins efficace pour le moment que sa devancière et n’a
pas fait taire les critiques adressées à celle-ci, notamment au regard des Etats qui sont représentés au sein
du Conseil des droits de l’homme et de la raison de leur participation (voir infra).

Même si l’action des Nations Unies en faveur des droits de l’homme connaît certaines entraves (du fait des
réticences des Etats à se voir imposer des obligations internationales en la matière et, surtout, un contrôle
international sur leurs activités) et limites, elle s’avère importante comme en témoignent les principaux
instruments juridiques universels dans ce domaine.

B. Les principaux instruments juridiques

La Charte internationale des droits de l’homme regroupe les principaux instruments juridiques universels
en la matière. Elle est composée de trois textes :
• LaDéclaration universelle des droits de l’homme(DUDH) qui a été adoptée le 10 décembre 1948
par l’Assemblée générale de l’ONU. Elle affirme l’universalité (précédemment évoquée) des droits de
l’homme et consacre des droits civils et politiques (droits de première génération : différentes libertés,
droit à la nationalité, droit de propriété, droit de réunion, droit de participer à la vie publique de l’Etat…)
et des droits sociaux et économiques (droit de deuxième génération : droit à la sécurité sociale, au
travail, à l’éducation, à la culture…). En tant que premier texte international à vocation universel en
matière de droits de l’homme, la DUDH a une importance politique et historique particulière, même
si, au plan juridique, elle n’a qu’une valeur déclarative : c’est une résolution de l’Assemblée générale,
une recommandation sans force contraignante pour les Etats. Elle ne peut donc pas être invoquée par
les individus devant un juge (national ou international). Les principes qu’elle proclame ont, en revanche,
acquis une valeur coutumière, voire impérative : le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie
(TPIY) a ainsi reconnu que l'interdiction de la torture est une norme impérative du droit international (voir
TPIY, Furundzija,arrêt du 10 décembre 1998, IT-95-17/1-T, § 144), tout comme l'a fait plus récemment
la Cour internationale de justice (CIJ, Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader
(Belgique c. Sénégal), arrêt du 20 juillet 2012, § 99) ;
• LePacte international sur les droits civils et politiques(PIDCP), adopté par l’Assemblée générale des
Nations Unies le 16 décembre 1966, dans le but de se doter d’un instrument plus contraignant que la

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DUDH. Après de longues et difficiles négociations dans un contexte de guerre froide, le PIDCP énonce
des droits et libertés classiques reconnus aux individus contre les ingérences de l’Etat (droit à
la vie, interdiction de la torture, de l’esclavage et du travail forcé, droit à la liberté, à la vie privée, à
la sécurité, liberté de pensée, etc.). Il est également institué un Comité des droits de l’homme afin
d’assurer le suivi de ce traité (voir. infra) et, conformément au Protocole facultatif se rapportant au Pacte
international relatif aux droits civils et politiques (adopté le même jour que le PIDCP), les ressortissants
des Etats qui ont ratifié ce Protocole peuvent le saisir après avoir épuisé les voies de recours internes à
leur Etat. Un deuxième protocole facultatif au PIDCP (adopté par l'Assemblée générale le 15 décembre
1989) vise à abolir la peine de mort ;
• LePacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels(PIDESC) est adopté en même
temps que le PIDCP. Il consacre des droits de deuxième génération, tels que le droit de toute
personne au travail et à la formation, la liberté syndicale, le droit à la sécurité sociale, à la santé et
à l'éducation. Il faudra attendre le 10 décembre 2008 (jour du soixantième anniversaire de la DUDH)
pour que l’Assemblée générale adopte le protocole facultatif relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels. Ce Protocole (qui est entré en vigueur le 5 mai 2013) devrait permettre aux ressortissants des
Etats l’ayant ratifié de saisir le Comité des droits économiques sociaux et culturels (l’équivalent du Comité
des droits de l’homme précédemment cité) à propos de violations, par leur Etat, d'un droit consacré par
le PIDESC.
A ces textes principaux s’ajoutent des traités plus spécifiques tels que la Convention pour la prévention et
la répression du crime de génocide de 1948, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, la Convention relative aux droits de l'enfant du 20
novembre 1989, des traités visant à protéger l’environnement, etc.

C’est donc une large panoplie de droits et libertés qui font l’objet d’une reconnaissance importante au plan
international. Néanmoins, l’universalité des droits de l’homme connaît certaines entraves.

C. Les entraves à l’universalité des droits de


l’homme

Bien qu’affirmé, l’universalité des droits de l’homme rencontre certains obstacles. Les droits de l’homme ne sont
en effet pas (encore ?) véritablement universels pour plusieurs raisons. L’une d’elles est que leur application
et/ou mise en œuvre demeurent imparfaites. Mais, outre ce problème, les entraves sont surtout, d’une part,
d’ordre idéologique et culturel ; et, d’autre part d’ordre économique et technique.

1. Les entraves idéologiques et culturelles

Ces premières entraves découlent de la différence entre deux conceptions des droits de l’homme :
• Une conception libérale, la conception occidentale, qui se concentre sur les droits individuels (civils et
politiques), la démocratie libérale, le pluralisme politique, etc. et qui a inspiré la DUDH et le PIDCP (ce
qui a nourri les critiques d’européano- (ou occidentalo-) centrisme formulées à propos de ces textes) ;
• Et une conception socialo-marxiste, celle des pays d’Europe de l’Est (par le passé) et de la Chine
(toujours aujourd’hui) et qui a fortement influencé de nombreux pays du Tiers monde, selon laquelle
l’individu n’est plus pris dans son individualité mais est situé au sein d’une collectivité sociale.
Remarque
La chute de l’URSS n’a pas entraîné la disparition totale de cette conception et l’opposition idéologique
persiste, même si les principes démocratiques et d’Etat de droit (dans leur acception occidentale) connaissent
une certaine consécration à travers l’action des Nations Unies.
De même, les différences culturelles et religieuses entre Etats et entre populations, souvent affirmées pour
soutenir une conception propre des droits de l’homme, freinent l’universalisation des droits de l’homme.

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2. Les entraves économiques et techniques

Les entraves économiques résultent du niveau de développement des Etats. Le sous-développement


économique est un frein à la consécration et à la réalisation des droits de l’homme au plan universel.
La conception des pays en développement est ainsi influencée par ces considérations économiques qui la
conduisent à associer traditionnellement les droits individuels aux droits des peuples qui ont ici un poids
important. L’équilibre établi entre ces droits s’avère souvent différent de celui que réalise la conception libérale
occidentale et génère également des oppositions entre les Etats.

Ces oppositions (comme les précédentes) ont un effet préjudiciable sur la protection internationale des
droits de l’homme, accentué par des raisons de techniques juridiques. Le processus de ratification des
conventions et protocoles visant à consacrer des droits de l’homme ne permet qu’une protection universelle
imparfaite : seuls les Etats qui ratifient ces traités sont obligés par ceux-ci et seulement dans les limites de
ce consentement. On voit ainsi que la protection se fait ici un peu « à la carte » avec une entrée en vigueur
différente selon les Etats (en fonction de la date de ratification du texte en cause) et l’utilisation très large des
réserves par les Etats pour limiter leur engagement.

On rappellera qu’une réserve est, selon l’article 2 § 1 dela Convention de Vienne sur le droit des traités entre
Etats (1969), une « déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un Etat quand
il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet
juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet Etat ».

On relèvera sur ce dernier point qu’une tendance importante en droit international vise à réduire ou à encadrer
le recours à cette technique du droit des traités : certains organes créés pour assurer le suivi d’un traité se
sont ainsi reconnus compétents pour examiner la validité des réserves faites à ce traité afin de préserver ses
buts et objet et/ou que celui-ci ne soit pas vidé de sa substance par ce biais au point de n’être qu’une coquille
vide. C’est ce qu’a fait la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans un arrêt Belilos c. Suisse du
29 avril 1988 (série A, n° 132, §§ 47-60) ou le Comité des droits de l’homme dansson observation générale n
° 24 (52)du 2 novembre 1994 et une décisionKennedy c. Trinité et Tobagodu 2 novembre 1999.

§2. L’affirmation des droits de l’homme au


niveau régional
Si l’Europe, à travers notamment le Conseil de l’Europe, fait office de pionnière ici (A), l’affirmation des droits
de l’homme au niveau régional dépasse les frontières du continent européen. Parmi les différents instruments
régionaux relatifs aux droits de l’homme qui ont pu être adoptés de par le monde, on s’intéressera aux
principaux, ceux intervenus dans le cadre de l’Organisation des Etats Américains (B) et, plus récemment, dans
le cadre de l’Union africaine (C).

A. Dans le cadre du Conseil de l’Europe

Remarque
Le Conseil de l’Europe est une organisation internationale régionale instituée par le traité de Londres du 5
mai 1949. Regroupant désormais 47 Etats autour des principes de prééminence du droit et du respect
des droits de l’homme et des libertés fondamentales, cette organisation est à l’origine de plusieurs textes
importants dans le domaine des droits de l’homme.
Le premier et le plus important texte est laConvention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales, communément appelée Convention européenne des droits de l’homme. Signée le 4 novembre

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1950, cette Convention est entrée en vigueur en 1953 (la France ne l’a cependant ratifiée qu’en 1974). Elle a été
complétée par la suite par 14 protocoles additionnels. L’ensemble consacre des droits individuels classiques
(liberté, sécurité, droit à la vie, interdiction de la torture, liberté de pensée et de religion, d’expression, droit à
la vie privée, à un juge, etc.) et un système de garantie de ces droits.

Les droits économiques et sociaux ne sont pas envisagés par cette convention. Ils font l’objet d’un autre
texte : laCharte sociale européennede 1961 (révisée en 1996) consacre le droit au travail le droit syndical,
le droit à la sécurité sociale, les droits des travailleurs migrants, etc. Elle vient ainsi compléter la Convention
européenne des droits de l’homme, même si ici, le respect de cette Charte n’est pas garanti par un système
de contrôle contraignant.

Ces textes, notamment le premier, s’avèrent plus contraignants que les instruments universels précédemment
évoqués. La raison réside dans la « proximité » des Etats au niveau régional qui facilite le rapprochement
des points de vue (peut-être pas si éloignés du fait d’une certaine culture juridique commune ou partagée) et
permet ainsi de s’entendre plus facilement sur les obligations qu’ils s’imposent « entre eux » et les mécanismes
contraignants qu’ils mettent en place.

Il en résulte un système de protection des droits de l’homme plutôt efficace au niveau européen et qui devrait
être renforcée prochainement avec l’adhésion prévue (mais pas encore faite) de l’Union européenne à la
Convention européenne des droits de l’homme.

B. Dans le cadre de l’Organisation des États


Américains

LaConvention américaine des droits de l’hommea été adoptée le 22 novembre 1969 à San José (Costa-Rica)
sous les auspices de l’Organisation des Etats Américains (OEA), une organisation régionale regroupant 35
Etats du continent américain et qui n’est pas spécialisée dans la protection des droits de l’homme, même si au
titre des principes sur lesquels est fondée l’OEA, « les Etats américains proclament les droits fondamentaux
de la personne humaine sans aucune distinction de race, de nationalité, de religion ou de sexe » (art. 3 al.
l dela Charte de l’OEA).

Remarque
Cette convention américaine s’inspire de la Convention européenne des droits de l’homme et établit un
système similaire à son homologue européen auquel participent 24 Etats sud-américains, alors que les Etats-
Unis et le Canada n’ont pas ratifié la convention et Trinité-et-Tobago s’en est retiré en 1998.
Ce texte protège des droits civils et politiques (droit à la vie et à l’intégrité physique, liberté de conscience
et de religion, de pensée et d’expression, d’association, droit à la nationalité, liberté de circulation, droit d’élire
et d’être élu, etc.) mais va plus loin que le texte du Conseil de l’Europe en prévoyant de protéger également
des droits sociaux, économiques et culturels (art. 26). Cette prévision ne sera réalisée qu’avec leProtocole
de San Salvadorqui n’intervient qu’en 1988 (droit au travail, syndical, à la sécurité sociale, à la santé, à
l’alimentation, à l’éducation, à la culture, etc.). La Convention américaine met aussi en place un mécanisme
de garantie de ces droits (voir infra), dont l’activité importante permet une protection effective des droits
conventionnellement consacrés.

C. Dans le cadre de l’Union africaine

L’Union africaine (UA) est une organisation régionale qui regroupe actuellement 54 Etats membres, soit tous
les pays d'Afrique à l'exception du Maroc (qui s'est retiré de l'OUA en 1984 pour protester contre l'admission
de la République arabe sahraouie démocratique en 1982). Elle a pour buts de promouvoir la démocratie,
les droits de l'Homme et du développement à travers l'Afrique.

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Remarque
A ces fins, elle vise à l'augmentation des investissements extérieurs et pour cela a été mis en place le Nouveau
partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), un programme fondé sur l’idée que la paix et la
démocratie sont des préalables indispensables au développement durable.
Adoptée dans le cadre de l’Organisation de l’Union Africaine (OUA), devenue en 2002 l’UA, laCharte africaine
des droits de l’homme et des peuplesa été signée à Nairobi le 27 juin 1981. Cette Charte s’inspire de ses
devancières européennes et américaines, tout en les dépassant puisque elle consacre des droits civils et
politiques (liberté et sécurité, droit à la vie, respect de la dignité humaine, liberté de conscience et de religion,
liberté d’expression et d’association, liberté de circulation, etc.), ainsi que des droits sociaux, économiques
et culturels (droit de propriété, droit au travail, à la santé, à l’éducation, etc.), réunis pour la première fois
dans un même traité.

De plus, la Charte prévoit les devoirs de l’individu envers la famille et l’Etat et, comme son nom l’indique,
consacre également certains droits des peuples (à l’existence, à la décolonisation, à la paix, sur les
ressources naturelles, etc.) qui s’apparentent cependant à des droits de l’Etat, plus que du peuple.

Fruit d’un long processus, le Protocole deOuagadougou du 9 juin 1998est venu enfin créer une Cour africaine
des droits de l’homme afin de garantir les droits consacrés par la Charte africaine. En vertu duProtocole portant
statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'Hommedu 1er juillet 2008, la Cour africaine des droits
de l'Homme devrait fusionner prochainement avec la Cour de justice de l'Union africaine lorsque ce texte aura
été ratifié par au moins 15 Etats (le dernier recensement de l'Union africaine fait état de 30 Etats signataires,
dont seulement 5 ont ratifié).

En dehors de l’Europe, de l’Amérique et de l’Afrique, les traités affirmant les droits de l’homme sont beaucoup
plus rares et revêtent une importance beaucoup moins grande.

Exemple
La Charte arabe des droits fondamentaux par exemple s’avère très en deçà des standards internationaux
en la matière.

Exemple
De même, la très récenteDéclaration sur les droits de l’homme de l’ASEAN (Association of Southeast Asian
Nations, qui est une organisation politique, économique et culturelle regroupant dix pays d'Asie du Sud-Est),
la première déclaration du genre dans cette région du monde adoptée le 18 novembre 2012, n’est qu’un
premier pas, limité pour l’instant par son caractère non contraignant et des dispositions en retrait par rapport
aux instruments universels et régionaux que l’on a évoqués.

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La consécration internationale de la protection des droits de l'homme

Reste que si l’affirmation de ces droits est une chose, il convient de mettre en place les mécanismes
nécessaires à la garantie de cette protection internationale.

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Section 2. Les mécanismes
internationaux de protection des droits
de l’homme
Les Etats ont une prudence (voire une méfiance) traditionnelle à l’égard des mécanismes internationaux de
contrôle de leurs obligations, qui plus est lorsque ceux-ci visent à faire respecter les droits de l’homme et
peuvent être saisis par des personnes privées. Ceci explique que l’on exige généralement que l’individu ait
épuisé les voies de recours internes de l’Etat supposé à l’origine de la violation d’un de ses droits avant de
pouvoir saisir un mécanismes international, quand cela est possible (c’est-à-dire que l’Etat y a consenti).

Ces mécanismes sont cependant nombreux et de natures diverses (politiques ou juridictionnelles). Dans un
souci pédagogique, nous ne présenterons que les principaux mécanismes permettant de garantir la protection
internationale des droits de l’homme en distinguant les mécanismes universels (§ 1) des mécanismes
régionaux (§ 2).

§1. Les mécanismes au plan universel


Le système des Nations Unies a généré un nombre important de mécanismes universels de protection des
droits de l’homme (B) parmi lesquels une attention particulière peut être apportée au Conseil des droits de
l’homme (A).

A. Le Conseil des droits de l'Homme des Nations


Unies

Le Conseil des droits de l'Homme est un organe intergouvernemental récent du système des Nations Unies
qui est venu remplacer la Commission des droits de l’homme. Organe subsidiaire de l’Assemblée générale
(Résolution 60/251 du 15 mars 2006), il est composé de 47 Etats.
Le Conseil a comme mission de renforcer la promotion et la protection des droits de l'Homme dans le monde.
Son but principal est d’examiner des situations de violations de droits de l'Homme et de faire des
recommandations à leur propos.
Pour mener à bien sa mission et atteindre son but, le Conseil des droits de l’homme dispose de certains
moyens.

L’un d’entre eux est l'examen périodique universel : ce mécanisme permet au Conseil d’examiner comment
chacun des 192 Etats membres de l'ONU respectent et font respecter les droits de l’homme sur leur territoire.
La situation de chaque pays est examinée à tour de rôle sur la base d’un rapport présenté par le pays concerné
et deux rapports du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme (un qui présente les informations rassemblées
par l’ONU sur ce pays et un autre sur les positions des ONG). Un groupe de travail (composé de trois Etats
membres du Conseil tirés au sort) est désigné pour chaque pays examiné et chargé de la rédaction d’un
rapport contenant des recommandations. Ce rapport est examiné par la suite en séance plénière du Conseil
qui l’adopte avec des recommandations finales pour l’Etat examiné. Selon une étude de fin 2012, 40% des
recommandations ont été suivies d’une action de l’État.

Malgré son caractère récent, ce mécanisme a déjà suscité des avis très partagés. Les ONG sont divisées
entre, d’une part, le fait que l’examen périodique universel va permettre de renforcer le dialogue sur les droits
de l'Homme dans chaque pays et, d’autre part, les limites posées à la participation des ONG à ce mécanisme.

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Certains Etats (au premier rang desquels on trouve les Etats-Unis) ont également critiqué l’attention particulière
et continue apportée par le Conseil à Israël.

Remarque
A ce propos, suite à la décision du Conseil de démarrer une mission d'enquête internationale indépendante
sur l'impact des colonies israéliennes dans les Territoires palestiniens occupés, Israël a décidé de suspendre
sa coopération avec le Conseil en raison de l’hostilité de celui-ci à son égard. Israël est donc le premier pays
à ne pas s'être soumis à l'examen périodique universel en janvier 2013, ce qui pourrait créer un précédent
fâcheux pour l’effectivité et l’efficacité de ce mécanisme.
Outre ce contrôle politique périodique, le Conseil des droits de l’homme dispose également d’un mécanisme
de plaintes individuelles qui permet à un ou des individus de porter à la connaissance du Conseil des
violations de droits de l'Homme. Mis en place par la résolution 5/1 du Conseil des droits de l’homme, ce
mécanisme respecte une grande confidentialité et repose largement sur la coopération des Etats concernés
par les plaintes. Il en résulte une portée limitée.

B. Les autres organes de contrôle onusiens

De nombreux instruments juridiques des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme sont accompagnés de
mécanismes de contrôle visant à assurer le respect des droits consacrés.

Exemple
Tel est le cas de la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1966, la
Convention contre la torture de 1984, la Convention sur les droits de l’enfant de 1990, la Convention sur la
protection des travailleurs migrants de 1990 ou la Convention sur les droits des personnes handicapées de
2006. De même, l’OIT et l’UNESCO connaissent des procédures permettant d’assurer le respect des droits
de l’homme.
Les organes ainsi mis en place sont des organes non juridictionnels : des individus ou groupes d’individus
peuvent saisir ces organes mais les « décisions » de ces derniers ne sont pas juridiquement contraignantes.

Parmi ces organes de contrôle de la famille des Nations Unies, un revêt une importance particulière du fait de
son activité : le Comité des droits de l’homme.

Composé de 18 experts, il est chargé de surveiller la mise en œuvre des dispositions du PIDCP (qui le créé)
et des deux protocoles facultatifs qui s'y rapportent. Le Comité des droits de l’homme exerce un contrôle non
juridictionnel :
• Sur la base de rapport des Etats sur les mesures prises par eux pour assurer le respect des droits de
l’homme reconnus par le PIDCP. Ces Etats peuvent se voir adresser des observations par le Comité
dans le but de les aider à améliorer la protection nationale, plus que de dénoncer des violations ;
• Sur la base de plaintes des Etats parties selon l’article 41 du PIDCP et à condition que les Etats en
cause aient accepté la compétence du Comité. A ce jour, 48 Etats ont fait cette déclaration ;
• Sur la base de plaintes des individus. Le premier Protocole facultatif (ratifié par 114 Etats) se rapportant
au Pacte permet au Comité des droits de l'Homme de recevoir et d’examiner des communications
émanant de particuliers qui prétendent être victimes d'une violation de l'un des droits énoncés dans
le Pacte. Dans ce cadre, le Comité décide d'abord si une communication est recevable, puis engage
un dialogue avec l'Etat concerné. L'examen des communications s'effectue à huis clos, mais les
constatations et conclusions peuvent être rendues publiques par le Comité. Depuis l'instauration de cette
procédure en 1977, le Comité a constaté des violations des dispositions du Pacte dans plus de 750 cas.
On mentionnera pour finir le Comité des droits économiques, sociaux et culturels créé en 1985 par le
Comité économique et social des Nations Unies pour assurer le respect des dispositions du PIDESC. Conçu
sur le même modèle que le Comité des droits de l’homme, il ne peut être saisi par des particuliers que depuis
l'entrée en vigueur le 5 mai 2013 du Protocole facultatif relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
(adopté le 10 décembre 2008 par l'Assemblée Générale des Nations Unies) suite à la 10ème ratification (par
l'Uruguay le 5 février 2013) et seulement par les ressortissants des Etats ayant ratifié ce protocole (soit, en

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avril 2015, seulement 20 Etats : Argentine, Belgique, Bolivie, Bosnie-Herzégovine, Cap-Vert, Costa Rica, El
Salvador, Equateur, Espagne, Finlande, France, Gabon, Italie, Luxembourg, Mongolie, Monténégro, Niger,
Portugal, Slovaquie et Uruguay).

A côté de ces mécanismes universels qui s’avèrent peu contraignants d’un point de vue juridique, on trouve
des mécanismes régionaux souvent plus développés.

§2. Les mécanismes au plan régional


On trouve au plan régional de nombreux mécanismes de contrôle et de protection des droits de l’homme. On
les retrouve dans le cadre des trois grandes organisations continentales précédemment évoquées, à savoir
le Conseil de l’Europe, l’OEA et l’UA.

Remarque
Ces organisations régionales prévoient en effet des mécanismes non juridictionnels, à l’image de
ceux prévus au plan universel avec parfois le recueil de plaintes des particuliers (comme la Commission
interaméricaine dans le cadre de l’OEA).
Les mécanismes juridictionnels sont cependant les plus intéressants dans la mesure où leurs décisions,
fondées sur la règle de droit, vont s’imposer aux Etats. On trouve pareil mécanisme dans le cadre du Conseil
de l’Europe (A), de l’OEA (B) et de l’UA (C).

A. La Cour européenne des droits de l'Homme

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) est un organe juridictionnel supranational créé par la
Convention européenne des droits de l'Homme (art. 19), dans le cadre du Conseil de l'Europe et qui siège à
Strasbourg. Sa mission est de veiller au respect de la Convention européenne des droits de l'Homme. Pour
cela, la Cour est compétente pour traiter les recours portés contre un État membre du Conseil de l'Europe
qui ne respecterait pas les droits et les libertés reconnus par la Convention (et ses Protocoles additionnels).
Elle juge en en formation de juge unique, en comité de 3 juges, en Chambre (7 juges), en Grande Chambre
(17 juges) ou en assemblée plénière.
La CEDH reçoit ainsi des requêtes de la part d’Etats parties à la Convention (art. 33 de la Convention
européenne des droits de l’homme) pour « tout manquement par une autre partie à la convention ou à ses
protocoles », mais elle reçoit également des requêtes individuelles (art. 34 de la Convention européenne des
droits de l’homme). Initialement, les Etats parties devaient avoir accepté que leurs ressortissants disposent du
droit de recours individuels pour que ces particuliers puissent saisir la CEDH (la France n’a reconnu le droit
de recours individuel qu’en 1981).

Remarque
Depuis l’entrée en vigueur du Protocole n° 11 (1998), l’accès à la Cour est ouvert de plein droit aux individus.
La CEDH est ainsi une institution relativement originale dans l’ordre juridique international dans la mesure où il
s’agit d’une juridiction internationale ouverte aux individus (« toute personne physique, toute organisation
non gouvernementale ou tout groupe de particuliers »).
Au départ, le système mis en place prévoyait principalement deux organes :
• Une commission qui examinait la recevabilité et donnait une sorte d’avis préalable en établissant et
vérifiant les faits allégués ;
• La cour qui jugeait l’affaire au fond.

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Amorcée par le Protocole n°11 (1998), la refonte du système – nécessaire en raison de l’accroissement
considérable des requêtes individuelles (de 1000 en 1988 à plus de 57000 en 2010) – est effectuée avec le
Protocole n° 14 du 13 mai 2004 : la commission disparaît au profit d’une cour désormais unique.

Après avoir épuisé les voies de recours internes, le requérant saisit la CEDH qui va examiner la recevabilité
de la requête, tenter une conciliation et, en cas d’échec, rendre une décision sur le fond de l’affaire en se
fondant sur la Convention. L’arrêt de la Cour est définitif et a une autorité relative de la chose jugée (art. 46
de la Convention européenne des droits de l’homme). Il peut constater la violation de la Convention, préciser
les mesures que l’Etat doit prendre pour remédier à cette violation et, éventuellement, accorder une indemnité
au requérant.

C’est le Comité des ministres du Conseil de l’Europe qui est chargé de surveiller l’exécution de l’arrêt
de la Cour. On soulignera à ce propos que les cas de non application des arrêts de la CEDH sont relativement
peu nombreux en comparaison du nombre de décisions effectivement appliquées, même si ces « exceptions
» minent l’autorité de la Cour et l’efficacité du système de protection européen et le Conseil des ministres
manque certainement de fermeté dans ce domaine.

Quoi qu’il en soit, la jurisprudence de la Cour, parfois inventive ou audacieuse (ce qui a pu susciter des
critiques de la part des Etats parties), revêt désormais une importance considérable en permettant une
garantie juridictionnelle des droits de l’homme et de par son influence sur les juges et les droits nationaux
en Europe.

B. La Cour interaméricaine des droits de l'Homme

La Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIADH) est un organe juridictionnel dont le siège est à
San José au Costa Rica. Sa mission est de garantir les droits consacrés par la Convention américaine des
droits de l’homme. Elle fait partie, avec la Commission interaméricaine des droits de l'Homme, du système
de protection des droits de l'Homme de l’OEA.
Très largement inspiré de son homologue européen, son organisation, son fonctionnement et sa
compétence sont calqués sur ceux de la CEDH. La CIADH est cependant plus institutionnalisée avec
seulement 7 juges (auxquels s’ajoutent éventuellement des juges ad hoc).

Elle exerce deux types de fonctions :


• Une fonction consultative qu’elle exerce par le biais d’avis qu’elle rend à la demande d’un Etat partie
à propos de questions juridiques liées aux droits de l’homme. Il s’agit d’une sorte de contrôle préventif
et volontaire qui se montre relativement efficace ;
• Une fonction contentieuse pour des affaires dans lesquelles un État, partie à la Convention américaine
des droits de l’homme et qui a accepté la juridiction contentieuse de la Cour, est accusé d'une
violation des droits protégés. La Cour ne peut être saisie que par un Etat partie ou par la Commission
interaméricaine. A la différence de la CEDH, les individus ne peuvent pas saisir directement la CIADH :
ils doivent d'abord déposer une requête devant la Commission interaméricaine qui se prononcera
sur la recevabilité de la réclamation et se livrera à un premier examen de l’affaire en proposant des
recommandations et, éventuellement, une amende pour la violation à l'État concerné. Si l'État ne respecte
pas ces recommandations ou si l'affaire est d'une importance particulière, la CIADH sera saisie.
Après une phase écrite et une phase orale, la procédure s’achève avec l’adoption d’une décision par la Cour
sur le fond. Les arrêts de la Cour sont définitifs et sans appel. Ils bénéficient d’une autorité relative de la chose
jugée. A la différence de la CEDH, le suivi des arrêts de la CIADH n’est pas assuré, si ce n’est par le biais
d’action diplomatique au sein de l’OEA.

Malgré cette limite, la jurisprudence de la CIADH – bien que concentrée sur les questions de disparitions
forcées et de détentions et exécutions arbitraires – exerce une influence importante sur le droit international
et participe à son développement progressif. Les arrêts et avis audacieux de la CIADH ont cependant suscité
certaines critiques ou réserves, confirmant certains Etats dans leur choix de ne pas participer au mécanisme

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(les Etats-Unis par exemple) ou en conduisant d’autres à s’en retirer (comme les Etats des Caraïbes suite à
des décisions de la CIADH à propos de la peine de mort).

Le mécanisme présente donc certaines faiblesses et les mauvaises relations avec l'Assemblée générale de
l'OEA ne facilitent pas le fonctionnement de la Cour.

C. La Cour africaine des droits de l'homme et des


peuples

Instituée par le Protocole de Ouagadougou du 9 juin 1998 dans le cadre de l’OUA (ratifié à ce jour par 26
Etats), la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples est le fruit d’un long processus diplomatique
qui n'a abouti qu’avec beaucoup de difficultés. C’est une cour régionale dont la mission est d’assurer la
protection des droits de l'Homme et des peuples en Afrique en application de la Charte africaine des
droits de l’homme et des peuples, du Protocole et de tout autre instrument relatif aux droits de l'Homme ratifié
par les Etats concernés.. Elle complète les fonctions de la Commission africaine des droits de l’homme et
des peuples.
La Cour se compose de onze juges, ressortissants des États membres de l'Union africaine, qui élisent
un Président et un vice-président. Ces derniers sont assistés par un greffier qui exerce des fonctions
administratives. Son siège (provisoire) est à Arusha (Tanzanie).

La Cour exerce des compétences consultative et contentieuse. La Cour peut être saisie de plaintes et/ou
requêtes par la Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples, par les Etats parties au Protocole
ou par des organisations intergouvernementales africaines (art. 5 du Protocole). Les ONG bénéficiant du statut
d'observateur auprès de la Commission et les individus ne peuvent saisir directement la Cour qu’à la condition
que l’Etat dont ils sont ressortissants a accepté cette procédure par une déclaration spéciale. En juin 2013, 7
pays seulement avaient procédé à une telle déclaration : le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Malawi,
le Mali, le Rwanda et la Tanzanie.

La Cour a officiellement débuté ses activités en novembre 2006. Elle a rendu son premier jugement en 2009
dans l’affaire Yogogombaye c. République du Sénégal. Jusqu’au mois de septembre 2013, la Cour avait reçu
28 requêtes et avait déjà rendu 23 jugements. 5 affaires étaient pendantes (c'est-à-dire en cours d'examen
ou à examiner).

Cette juridiction est encore jeune. Il est donc un peu tôt pour se prononcer sur la portée de cette institution
qui a pour l’instant une activité modeste et un avenir incertain compte tenu de la situation sur le continent
africain. De plus, le Protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'Homme (adopté
le 1er juillet 2008) prévoit la fusion de la Cour africaine des droits de l'Homme avec la Cour de justice de
l'Union africaine lorsque ce texte aura été ratifié par au moins 15 Etats. Toutefois, pour l'heure, parmi les 30
Etats signataires, on compte seulement 5 ratifications.

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Les mécanismes internationaux de protection des droits de l'homme

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