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Droit de la responsabilité internationale des États et des

Organisations internationales

Cours de M. Alexandre NEGRUS

Institut d’Études de Géopolitique Appliquée - 31 Rue de Poissy 75005 Paris

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La responsabilité internationale des États : contenu et mise en
oeuvre

I. Le fait internationalement illicite

La responsabilité est au coeur même de la notion d’ordre juridique pour une raison
essentielle : c’est la responsabilité qui permet la sanction de la règle de droit. Selon De Visscher, «
la responsabilité est le corollaire obligé de l’égalité des États ». Naturellement, la responsabilité
internationale découle nécessairement de l’égalité souveraine des États. Leur égalité souveraine
implique des obligations en vertu desquelles leur responsabilité peut être engagée en cas de fait
internationalement illicite. L’objet de cette premier partie est d’étudier, au préalable, les fonctions
de la responsabilité internationales des États. Aussi, il s’agit de saisi la façon dont la responsabilité
internationale de l’État peut être engagée.

La responsabilité internationale des États est la manifestation la plus visible de la


personnalité juridique des États. Un État, dès lors qu’il réunit les éléments constitutifs, est apte à
exercer sa souveraineté. L’État exerçant sa souveraineté, sa vie juridique est faite d’actes juridiques
qui peuvent engager sa responsabilité, soit vis-à-vis d’un individu ou groupe d’individus, soit vis-à-
vis d’une organisation internationale ou autre personne morale, ou encore, et c’est ce qui sera étudié
le plus en détail, vis-à-vis d’un ou d’autres États.

Assurément, les États entretiennent entre eux des rapports juridiques très encadrés. Ceux-ci
peuvent conclure entre eux des traités, ce qui est la forme la plus aboutie de la souveraineté. Ils
peuvent s’engager dans des rapports bilatéraux ou trilatéraux, voire comme souvent multilatéraux.
Dans chacun de ces actes juridiques, peu importe leur forme et le dénomination, les États engagent
leur responsabilité parce qu’ils sont non seulement des personnes morales de droit public, mais
aussi parce que dans leur vie juridique, ils peuvent contrevenir, soit volontairement soit
involontairement, à leurs obligations prises en vertu d’un acte juridique déterminé ou en vertu de la
coutume internationale (renvoi aux sources).

Il convient de préciser dès à présent qu’un État qui commet un fait internationalement illicite
se trouve dans l’obligation de réparer la faute. Un État est responsable sur le plan international et
cette responsabilité, dont il convient d’examiner le contenu et la mise en oeuvre, consiste à réparer
le dommage causé. La violation d’une règle de droit fait naître de nouveaux rapports juridiques
entre les États car c’est le droit qui organise les conséquences de la violation du droit. Dès lors, on
entre dans une distinction entre d’un côté les obligations primaires et de l’autre les obligations
secondaires. L’obligation de réparation entre dans cette seconde catégorie.

Selon Max Huber, la responsabilité est un système qui prévoit à l’avance que le droit sera
violé et qui organise les conséquences de la violation. On peut lire cette affirmation en complément
de celle de Gérard de La Prédelle, puisque celui-ci affirme que cela fait naître un nouveau rapport
juridique et une nouvelle règle de droit apparaît, celle de réparer.

La violation d’une règle de droit cause un dommage et tout préjudice doit être réparé. C’est
ce que l’on peut lire dans l’arrêt « Usine de Chorzow » de la CPJI en 1928 : « c’est un principe du
droit international, voire une conception générale du droit que toute violation d’un engagement
comporte l’obligation de réparer ».
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Ce cadre étant posé, se pose maintenant la question de savoir en vertu de quelles règles la
responsabilité internationale d’un État peut-elle être engagée ?

La responsabilité pour fait internationalement illicite, malgré des traités internationaux peu
nombreux, repose sur des règles essentiellement coutumières que la Commission du Droit
international (CDI) a codifiées en 2001 dans ce que l’on appelle communément les Articles de
2001, texte adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies dans la Résolution 56/83. Ces
Articles de 2001 reflètent des règles coutumières et c’est donc sur la base de la coutume que les
États ont créé entre eux des rapports juridiques.

L’article 2 des Articles de 2001 pose une règle essentielle : « il y a fait internationalement
illicite de l’État lorsqu’un comportement consistant en une action ou une omission est attribuable à
l’État en vertu du droit international (a) et constitue une violation d’une obligation internationale
de l’État (b) ». Ces éléments seront forcément étudiés dans la partie relative à la mise en oeuvre de
la responsabilité internationale des États.

II. Le contenu de la responsabilité internationale des États

En vertu de l’article premier des Articles de 2001, « tout fait internationalement illicite d’un
État engage sa responsabilité internationale ». Cette règle, très générale et transposée très
simplement par écrit, est en réalité pleine de sens et impose une primauté du droit international sur
le droit interne. En effet, dans l’affaire « Wimbledon » (CPJI, 17/8/1923), il est précisé que quand
bien même l’État aurait agit en conformité avec son droit interne, cela n’empêche pas l’engagement
de la responsabilité sur le plan international.

L’État est responsable s’il se rend coupable d’une violation. Les violations des règles de
droit sont à déterminer en fonction des règles coutumières, nous l’avons vu, mais également en
fonction des textes de droit international. Les États, en vertu d’une multitude de textes, ce sont
engagés à respecter de nombreuses règles. Pour étudier le contenu de la responsabilité internationale
des États, il convient donc essentiellement d’être attentif aux règles de droit contenues dans les
traités.

Successivement, il convient de voir quelques exemples du contenu de la responsabilité


internationale des États, sans pour autant que la liste qui sera présentée ne soit exhaustive. Les
exemples qui sont présentés sont ceux tirés de la pratique.

A. Obligation de « due diligence »

Dans son arrêt « Détroit de Corfou » du 9 avril 1949, la CIJ reconnaît l’obligation de « due
diligence » comme principe général du droit international. Cette obligation de moyen impose aux
États de prendre toutes les mesures raisonnables et nécessaires pour éviter qu’un événement donné
ne se produise, mais sans garantir que l’événement ne se produira pas.

B. Obligation de mener des études d’impact

Dans l’affaire « Usines de pâte à papier » de 2010, la CIJ impose l’obligation de mener des
études d’impact. C’est la première fois que la CIJ le dit : quand un État a un projet polluant, il est
obligé de faire des études d’impact et cela matérialise certains progrès du droit international en droit
de l’environnement.

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Tout État qui a un projet industriel ou d’une autre nature est dans l’obligation de mettre en
oeuvre des études qui consisteront à étudier la faisabilité du projet sur le plan environnemental et il
devra s’assurer que le projet en question ne soit pas un projet de nature polluante et nocive pour
l’environnement. Un État qui mène un projet de cette nature sans avoir préalablement réalisé les
études nécessaires engage sa responsabilité internationale et devra réparer les dommages causés.

C. La torture

Plusieurs textes de droit international traitent de la question de la torture, dont le Statut de


Rome de la Cour pénale internationale (CPI) et la Convention internationale contre la torture et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Dans ces textes, une définition de la torture est donnée et s’il fallait résumer les principaux critères
pour pouvoir qualifier un acte de torture, voici ce qu’il faut en retenir :

- une intention ;
- une souffrance aigüe ;
- acte exercé par un agent de la fonction publique.

L’article 7 du Statut de la CPI sur les crimes contre l’humanité dispose « [p]ar « torture », on
entend le fait d'infliger intentionnellement une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou
mentales, à une personne se trouvant sous sa garde ou sous son contrôle ; l'acception de ce terme
ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légales,
inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles [...] ».

D. Discrimination raciale

On en trouve une définition dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination raciale de 1965. L’article premier a défini la discrimination raciale
comme suit : « [d]ans la présente convention, l’expression « discrimination raciale » vise toute
distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou
l’origine nationale ou éthique, qui a pour but ou effet de détruire ou de compromettre la
reconnaissance, la jouissance ou l’exercice dans des conditions d’égalité, des droits de l’homme et
des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel dans tout
autre domaine de la vie politique ».

Dès lors qu’est identifiée, dans la pratique, une violation de cette règle, l’État engagera sa
responsabilité internationale. Il convient donc, de façon précise, d’identifier tout comportement de
l’État pour déterminer s’il a violé ou non une règle de cette portée.

E. Les immunités de l’État

Du fait de l’égalité souveraine des États, découle un principe fondamental en droit


international public : le régime des immunités.
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En vertu de l’affaire des Immunités juridictionnelles (Allemagne c. Italie) de 2012, la CIJ a
déterminé deux types d’immunités :

- les immunités de juridiction = un État ne peut pas être jugé par les juges d’un autre État ;
- les immunités d’exécution = un tribunal étranger ne peut pas mettre en hypothèque un bien d’un
autre État.

Si l’une de ces règles, à savoir l’immunité de juridiction ou l’immunité d’exécution est


violée par un État, celui-ci engage sa responsabilité internationale et devra réparer le dommage
causé à l’autre État. Là encore, il convient de regarder précisément, dans l’exposé des faits d’une
situation que l’on nous présente, s’il y a bien eu une violation de ce régime des immunités.

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