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RÉPUBLIQUE DU SÉNÉGAL

Un Peuple - Un But - Une Foi

Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation

33, MZ -198 MERMOZ – BP : 5355, Dakar-Fann (SENEGAL)


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Site web: http:// www.unis.sn
Membre du Conseil africain et Malgache pour l’Enseignement supérieur (CAMES)

FACULTÉ DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES

Mémoire pour l’obtention du diplôme de Master


Mention : Droit Public
Option : Relations internationales

Sujet :

LE DROIT DE LA LEGITIME DEFENSE EN


DROIT INTERNATIONAL PUBLIC.

Présenté et soutenu par : Sous la direction de :


M. Jacques-Didier WORA Dr Moussa DIOP, Maitre de Conférences
EKABANE assimilé à la Faculté des Sciences juridiques et
politiques de l’Université Cheikh Anta Diop de
Dakar (UCAD) chargé des enseignements à
l’Université du Sahel de Dakar (UNIS).

Année Académique : 2018-2019


DEDICACES
À mes chers parents WORA Louis-Martin et ABATE NKOULOU Marceline, pour tous leurs
sacrifices, leur amour, leur tendresse, leur soutien et leurs prières tout au long de mes études

À mes chers frères et sœurs pour leurs encouragements permanents, et leur soutien moral,

À toute ma famille pour leur soutien tout au long de mon parcours universitaire,

À tous mes chers amis,

À ma chère et tendre fille WORA ANDRIAMANGA Miëlla.

Que ce travail soit l’accomplissement de vos vœux tant allégués, et le fruit de votre soutien
infaillible,

Merci d’être toujours là pour moi.

i
REMERCIEMENTS
La réalisation de ce mémoire a été possible grâce au concours de plusieurs personnes à qui je
voudrais témoigner toute ma gratitude.

Je voudrais tout d’abord adresser toute ma gratitude au directeur de ce mémoire, Dr Moussa


DIOP, pour sa patience, sa disponibilité et surtout ses judicieux conseils, qui ont contribué à
alimenter ma réflexion.

Je remercie également toute l’administration de l’Université du Sahel et au corps professoral,


pour leurs enseignements dignes d’intérêt.

Un grand merci à mes parents, pour leur soutien constant et leurs encouragements.

Enfin, dans l’impossibilité de citer tous les noms, nos sincères remerciements vont à tous ceux
et celles, qui de près ou de loin, ont permis par leurs conseils et leurs compétences la
réalisation de ce mémoire.

ii
SIGLES ET ABRÉVIATIONS
A.C.D.I : Annuaire de la Commission du Droit international.

A.D.M : Arme de Destruction massive.

A.F.D.I : Annuaire français de Droit international.

A.G.N.U : Assemblée générale des Nations Unies

A.I.D.I : Annuaire de l’Institut de Droit international.

A.J.I.L: American Journal of International Law.

C.A.N.I : Conflit armé non international.

C.D.I : Commission du Droit international.

C.D.S : Conseil de Sécurité.

C.O.C.O.V.I.N.U : Commission de Contrôle, de Vérification et d'Inspection des Nations


unies.

C.I.J : Cour Internationale de Justice.

C.P.J.I : Cour permanente de justice internationale.

D.I.P : Droit international public.

E.I : État islamique.

E.I.I.L : État islamique en Irak et au Levant.

E.J.I.L: European Journal of International Law.

I.D.I : Institution de Droit international.

L.G.D.J : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence.

N.U : Nations Unies.

O.N.U : Organisation des Nations Unies.

R.C.A.D.I : Recueil des Cours de l’Académie de Droit international de la Haye.

Rec. CIJ : Recueil de la Cour International de Justice.

iii
R.G.D.I.P : Revue générale de Droit international public.

R.Q.D.I : Revue québécoise de Droit international.

R2P : Responsabilité de protéger.

P.U.F : Presses universitaires de France.

S.D.N : Société des Nations.

S.F.D.I : Société française pour le Droit international.

T.P.I.Y : Le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.

U.N.C.I.O : Documents de la Conférence des Nations Unies pour l’Organisation


internationale.

U.N.S.C.O.M: United Nations Special Commission.

iv
SOMMAIRE:

DEDICACES ............................................................................................................................. i
REMERCIEMENTS ................................................................................................................ ii
SIGLES ET ABRÉVIATIONS .............................................................................................. iii
SOMMAIRE: ............................................................................................................................ v
INTRODUCTION .................................................................................................................... 1
PARTIE I : LES CONDITIONS DE L’EXERCICE DU DROIT DE LEGITIME
DEFENSE. ................................................................................................................................ 6
CHAPITRE I : LA PRATIQUE DU DROIT DE LÉGITIME DÉFENSE. ........................ 7
SECTION I : LE CADRE LEGAL DU DROIT DE LEGITIME DEFENSE. ................... 7
SECTION II : LES PARTICULARITÉS DU DROIT DE LÉGITIME DÉFENSE
COLLECTIVE. ...................................................................................................................... 19
CHAPITRE II : L’ACTION EN LEGITIME DEFENSE. ................................................. 28
SECTION I : LE BIEN-FONDE DE LA RÉACTION. ...................................................... 28
SECTION II : LA COMPLEXITÉ DES RELATIONS ENTRE BELLIGÉRANTS. ..... 34
PARTIE II : L’INSTRUMENTALISATION DE LA LEGITIME DEFENSE................ 40
CHAPITRE I : LE DROIT INTERNATIONAL FACE A LA LEGITIME DEFENSE
PREVENTIVE. ....................................................................................................................... 41
SECTION I : ABSENCE D’AUTORISATION DE LA LEGITIME DEFENSE
PREVENTIVE PAR LE DROIT INTERNATIONAL COUTUMIER PREEXISTANT.
.................................................................................................................................................. 41
SECTION II : L’EXCLUSION DE LA LEGITIME DEFENSE PREVENTIVE PAR
L’ARTICLE 51 DE LA CHARTE DE L’ONU. .................................................................. 47
CHAPITRE II : ANALYSE DE DEUX CAS : L’INTERVENTION AMÉRICAINE EN
IRAK ET LES INTERVENTIONS EN SYRIE. ................................................................. 53
SECTION I : L’INTERVENTION AMÉRICAINE EN IRAK. ........................................ 53
SECTION II : L’INTERVENTION EN SYRIE ................................................................. 61
CONCLUSION ....................................................................................................................... 72
Bibliographie : ......................................................................................................................... vi

v
INTRODUCTION
Les relations internationales classiques ont toujours été marquées par l’état de nature où le
recours à la violence était considéré comme l’expression normale de l’antagonisme des
souverainetés. Ceci étant, la guerre était considérée comme un mode normal de règlement des
différends internationaux. Ainsi, celui qui pouvait user de la force n’avait pas besoin de
recourir à la justice pour régler ces différends internationaux. Dès lors, ce besoin constant de
recourir à la force pouvait être expliqué par trois principales causes : la compétition, la
défiance et la gloire. Si la première pousse les États à attaquer pour le profit, la deuxième les
pousse à attaquer pour la sécurité et quant à la troisième, elle les pousse à attaquer pour la
réputation. L’usage de la guerre n’a jamais été restreint par le droit international classique,
laissant ainsi la libre appréciation de l’opportunité de son déclenchement aux États.
Autrement dit, les États étaient seuls juges des buts qu’ils désiraient atteindre grâce au recours
de la force armée.

Peu à peu, l’idée de pouvoir règlementer le recours à la force a commencé à naitre. La


première tentative commence avec la doctrine Drago-Porter. Cette doctrine fut une réponse à
l'intervention du Royaume-Uni, de l'Allemagne et de l'Italie qui avaient bloqué et bombardé
des ports en raison de la taille de la dette vénézuélienne qui avait été contractée sous le
mandat du président Cipriano Castro. À cet effet, le juriste Luis Drago estimait qu'il n'était
pas possible de recourir à la force pour le recouvrement des dettes. Il énonça que « le principe
que je voudrais voir reconnu est celui selon lequel la dette publique ne peut donner lieu à une
intervention armée, et encore moins à l'occupation physique du sol des nations américaines
par une puissance européenne ». Cette doctrine est une extension de la doctrine Monroe1 qui
affirme qu'aucun pouvoir étranger, y compris les États-Unis, ne peut utiliser la force contre les
nations américaines afin de recouvrer des dettes. En 1907, cette doctrine devint une règle

1 « Edictée en 1823, la « doctrine Monroe » a caractérisé la politique étrangère américaine durant le


19ème et le 20ème siècle. Qualifiée de doctrine, il s’agit en fait d’un ensemble de principes définis par le
président James Monroe lors de son message annuel au Congrès en décembre 1823. Ses propos
visent spécifiquement les européens à qui il défend toute intervention dans les affaires américaines.
Par «américaines », le président Monroe entend l’ensemble du continent américain de l’Alaska à la
Terre de feu, comprenant ainsi l’Amérique du Sud partiellement décolonisée à l’époque. Cette doctrine
que l’on peut résumer à la formule énoncée par James Monroe lors de ce discours : « Aux Européens
le vieux continent, aux Américains le Nouveau Monde », repose sur des principes simples.
L’ensemble du continent ne peut plus être soumis à la colonisation ou à l’ingérence européenne qui
sera considéré comme une menace pour la sécurité et la paix ; et de même, les Etats Unis
s’abstiendront d’intervenir dans les affaires des pays européens. La référence à ces principes comme
doctrine de politique étrangère n’eut lieu qu’à partir de sa désignation comme telle au milieu du
19ème siècle. Tout comme la Russie maintient, qui tente de maintenir un « espace proche » sous son
influence, les Etats Unis entendaient se poser comme défenseurs des jeunes Etats latino-américains
contre une menace extérieure. Cette doctrine illustre aussi la volonté des Etats Unis de se démarquer
un peu plus de la puissance britannique. » https://les-yeux-du-monde.fr/ressources/15691-quest-ce-la-
doctrine-monroe (consulté le 13/04/19 à 00:15).

1
juridique. En effet, une version modifiée par Horace Porter avait été apportée à La Haye en
1907. Elle énonçait en plus que l’arbitrage devait être le premier moyen pour résoudre des
conflits : tout État parti à la convention devait dès lors accepter de se soumettre à une
procédure d’arbitrage et d’y participer de bonne foi2, sinon l'État qui réclamait le
remboursement de sa créance retrouvait le droit d'utiliser la force armée pour arriver à ses
fins.

Si la convention Drago-Porter n’était qu’une limitation partielle du recours à la force, avec le


Pacte de la Société des Nations de 1919, on allait vers une limitation générale du droit de
recourir à la force. Ce Pacte exige qu'avant le recours à la guerre, il faille avoir épuisé toutes
les voies de recours pacifiques3. Mais c’est avec le Pacte Briand-Kellogg du 26 août 1928 que
nous allons assister à une réelle mise hors-la-loi par un texte juridique du recours à la guerre.
Ce texte demande aux États, dans leurs relations mutuelles avec les autres, de renoncer à la
guerre en tant qu’instrument de politique nationale4.

Après la Deuxième Guerre mondiale, les États, par le biais des Nations Unies, prirent
définitivement conscience de la nécessité d’interdire le recours à la force dans les relations
internationales, car voulant « préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux
fois en l'espace d'une vie humaine a infligé à l'humanité d'indicibles souffrances »5. Ainsi
l’article 2 de la Charte interdit « tout recours à la force » dont la guerre n'est qu'une forme
extrême. Néanmoins, le chapitre VII de la Charte prévoit deux exceptions à son article 2. La
première concerne l’intervention armée autorisée par le Conseil de sécurité en vertu de
l’article 42. La deuxième concerne l’action de légitime défense sur le fondement de l’article
51. En d’autres termes, depuis 1945, excepté l’intervention armée autorisée par le Conseil de
sécurité, la seule autre façon de recourir à la force est le droit de légitime défense. D’où notre
sujet : le droit de légitime défense en droit international public.

En ce qui concerne la définition de la légitime défense en droit international, il serait


préférable de s’appuyer sur l’article 51 de la Charte des Nations Unies qui

2 L’article 37 énonce que : « L’arbitrage international a pour objet le règlement de litiges entre les Etats
par des juges de leur choix et sur la base du respect du droit. Le recours à l’arbitrage implique
l’engagement de se soumettre de bonne foi à la sentence. » Convention pour le règlement pacifique
des conflits internationaux disponible sur site : https://www.admin.ch/opc/fr/classified-
compilation/19070025/201106090000/0.193.212.pdf (consulté le 13/04/19 à 01:15).
3 Articles 10, 11, 12, 13 du Pacte de la SDN disponible sur site : http://mjp.univ-
perp.fr/traites/sdn1919.htm (consulté le 14/04/19 à 09:02).
4 Article 1 du Pacte Briand-Kellogg disponible sur site : http://mjp.univ-perp.fr/traites/1928briand-

kellogg.htm (consulté le 14/04/19 à 09:46).


5 Préambule de la Charte de l’Organisation des Nations Unies.

2
dispose qu’« aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de
légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est
l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures
nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des
Membres dans l'exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la
connaissance du Conseil de sécurité et n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a le
Conseil, en vertu de la présente Charte, d'agir à tout moment de la manière qu'il juge
nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ». La légitime
défense en droit international serait ainsi une réaction armée à un acte d’agression. Elle est
individuelle lorsqu’elle est le fait du seul État victime de l’agression ; elle est collective
lorsque des États tiers viennent en aide à l’État attaqué en application d’un accord
d’assistance mutuelle6. Quant à la définition de la notion du droit international7, elle est une
tâche essentiellement laissée à la jurisprudence et à la doctrine. Tout d’abord, le droit
international public est un droit produit par un accord de volonté entre deux ou plusieurs
États8 selon Combacau et Sur. Ensuite selon Jean Salmon, la définition du droit international
peut être associée à plusieurs critères selon que l'en abonde la doctrine9. Parmi les critères
dégagés, nous nous appuierons sur l’origine des normes dans la mesure où, ce critère serait
plus en lien avec notre sujet. Ainsi, le droit international public serait l'ensemble des normes
qui ont pour origine les accords entre Etats ou qui émanent d'entités auxquelles les États ont
accordé ou reconnu le pouvoir de créer des normes internationales. En sus, selon Sayeman
BULA – BULA « le droit international constitue l'ensemble de règles obligatoires, écrites, qui
gouvernent essentiellement les relations entre les États et les entités reconnues par ces
derniers »10. Enfin, pour ce qui est de la définition jurisprudentielle du droit international
public, c’est un droit qui régit les relations entre États souverains. Les règles lient les États qui
souscrivent librement à leurs engagements soit par voie de conventions, soit par voie des
usages acceptés par eux.11

Lorsqu’on parle de légitime défense en droit international, l’on a souvent tendance à faire un
parallèle avec la légitime défense en droit interne. Si les deux remplissent quasiment les

6 Lexique des termes juridiques : 22e édition, Dalloz, Paris, 2014-2015, p. 593.
7 L'art. 38 du statut de la CIJ se limite à identifier le contenu du DIP sans le définir : conventions
internationales, coutumes internationale, principes généraux de droit, la doctrine et l'équité.
8 COMBACAU et SUR, Droit international public, 4ème éd., PUF, Paris, 1999.
9 SALMON J., Dictionnaire de droit international public, Bruylant, Bruxelles, 2001.
10 BULA - BULA, S., Droit international public, Cours polycopié, 3ème graduat, Fac Droit, UNIKIN,

Kinshasa, 2005 - 2006, p. 14.


11 CPJI, Affaire du Lotus, arrêt du 07 septembre 1927, in RJDI, série A, n° 10, p. 18.

3
mêmes critères à savoir : la nécessité de l’attaque, la proportionnalité de la frappe et le fait
que la frappe doit être immédiate. Elles sont tout aussi distinctes. En effet, certains estiment
que la légitime défense en droit international est une notion propre à ce droit, ne présentant
aucune parenté avec la notion du même nom en droit interne12. Se pose ainsi le problème de
savoir si la légitime défense en droit international est une exception au principe du non-
recours à la force ou un droit. À ce propos, Nguyen Quoc Dinh estime que « tout caractère de
mesure supplétive de police à cette légitime défense assigne à celle-ci un rôle beaucoup plus
étendu qu’en droit interne : elle serait une exception susceptible de suspendre l’effet
obligatoire du droit international, et pourrait être invoquée pour justifier tout acte étatique
internationalement illicite. Ainsi se trouvent séparées l’“exception” de légitime défense qui
relève du droit international et la “compétence” de légitime défense qui est une notion
strictement de droit interne ». En plus de la distinction avec la légitime défense en droit
interne, il se pose aussi une autre distinction cette fois-ci avec une nouvelle notion qui petit à
petit commence à faire son trou. Cette notion est la légitime défense préventive qui, semble-t-
il, est dénuée de toute base juridique. Généralement, les États qui invoquent ce droit,
autoévaluent une menace réelle, potentielle ou virtuelle et vont en l’encontre de la règle
générale. Ils font la guerre à un État sans qu’aucune agression n’ait eu lieu.

Aujourd’hui, parler d’un droit de légitime défense en droit international dévient délicat. Ceci
est dû au fait que ce droit est souvent utilisé dans des proportions assez variées, entrainant une
incompréhension dans sa mise en œuvre. Ainsi la problématique du droit de légitime défense
se situerait dans son exercice. Autrement dit, entre sa pertinence et sa remise en cause
constante. Dès lors la question centrale que l’on peut se poser est celle de savoir : quelle est
aujourd’hui l’effectivité de la mise en œuvre du droit de la légitime défense ?

La légitime défense en droit international, attise plusieurs débats principalement sur les
conditions de sa mise en œuvre. Parallèlement à la légitime défense qui est prévue par l’article
51 de la Charte, s’est développée une légitime défense préventive. Si la première exige
l’existence d’une agression armée tout en étant confortée par la jurisprudence classique13 et
récente14 de la Cour Internationale de Justice, la seconde selon ses défenseurs serait tout à fait

12 Pour un exposé de ces positions, voir Nguyen Quoc Dinh, « La légitime défense d’après la Charte
des Nations unies », RGDIP
13 Cf. Arrêt, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua.
14 Cf. Arrêt du 6 novembre 2003 relatif à l'Affaire des Plates-formes pétrolières opposant les Etats-

Unis à l'Iran, Rec.CIJ, 2003, p. 189, paragraphe 57, p. 191, paragraphe 64, p. 195, paragraphe 72 ;
également Avis consultatif du 9 juillet 2004 sur Les Conséquences juridiques de l'édification d'un mur

4
légitime et donc juridiquement possible, car n’étant pas condamné par la Résolution 3314
(XXIX) portant définition de l'agression15. En outre, dans la pratique, les concepts de légitime
défense préventive ont été utilisés par les États-Unis dans le cadre de leur « guerre globale
contre le terrorisme ». Ainsi, depuis le moment où il existe des guerres, chaque guerre a été
qualifiée de caractère défensif, par conséquent « une nation qui veut faire la guerre est
toujours en état de légitime défense »16.

Au regard de l’actualité internationale et de la nouvelle direction que l’on veut donner à ce


droit de légitime défense, plusieurs angles, plusieurs approches peuvent être utilisés pour
aborder ce sujet. Mais dans le cadre de cette étude, il nous semble nécessaire de voir dans un
premier temps les conditions de l’exercice du droit de légitime défense (Première partie) et
dans un second l’instrumentalisation de la légitime défense (Deuxième partie).

dans le territoire palestinien occupé, Rec. CIJ, 2004, p. 194, p. 194, paragraphe 139. La lecture que
fait la Cour de l'article 51, ici, est étroite.
15 Voir Jean COMBACAU et Serge SUR, Droit international public, Montchrestien, Paris, 6ème édition,

2004, p. 626.
16 C. Clémenceau, Grandeurs et Misères d'une Victoire, Paris, 1930. p. 282.

5
PARTIE I : LES CONDITIONS DE L’EXERCICE DU
DROIT DE LEGITIME DEFENSE.
Les libertés des Etats doivent être exercées à des fins conciliables avec l’intérêt général. Leur
exercice cesse d’être légitime, il devient abusif quand cet exercice crée une gêne ou un
préjudice inutile à d’autres États17. En d’autres termes, « un droit exercé méchamment ou
imprudemment, pour nuire à autrui, n’a plus que l’apparence de la légalité. Au fond, il est
illicite. Il donne lieu à responsabilité »18. Pour autant, l’abus de droit n’est pas forcément
toujours aisément identifiable. C’est pourquoi il est nécessaire d’enserrer l’exercice d’un droit
dans certaines limites qui, si elles sont franchies, permettront d’établir la violation de la norme
en question. Les limitations inhérentes à l’exercice d’un droit en conditionnent son efficacité.
L’étude de l’article 51 nous montre que les auteurs de la Charte ont très rapidement pris
conscience de cette nécessité et ont encadré le droit de légitime défense dans de strictes
modalités de mise en œuvre. Ainsi, pour parler des conditions de l’exercice du droit de
légitime défense, il convient, d’une part d’analyser la pratique du droit de légitime défense
(Chapitre I) avant de voir d’autre part, l’action en légitime défense (Chapitre II).

17 Charles de Visscher, De l’équité dans le règlement arbitral ou judiciaire des litiges de droit
international public, Pédone, Paris, 1972, page 36.
18 Nicolas Politis, « Le problème des limitations de la souveraineté et la théorie de l’abus de droit dans

les rapports internationaux », RCADI, 1925-I, volume 6, page 78.

6
CHAPITRE I : LA PRATIQUE DU DROIT DE LÉGITIME DÉFENSE.
L’élément indispensable à l’invocation du droit de légitime défense est l’agression armée
préalable. Le droit international reconnaît également d’autres modalités liées non plus à
l’invocation, mais à l’exercice du droit de légitime défense. L’étude de la Charte et du
système de sécurité collective permet d’identifier le cadre légal du droit de légitime défense
(Section I) qui se veut nécessairement subsidiaire ou accessoire et provisoire. Elle nous
permet également de voir les particularités du droit de légitime défense collective (Section II).

SECTION I : LE CADRE LEGAL DU DROIT DE LEGITIME DEFENSE.


Parler du cadre légal revient à voir le caractère résiduel de la légitime défense (Paragraphe 1)
et l’exercice du droit de légitime défense dans les conditions coutumières (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : LE CARACTERE RESIDUEL DE LA LEGITIME


DEFENSE.
Les auteurs de la Charte ont cherché comment concilier le principe de la compétence
exclusive du Conseil de Sécurité avec l’action distincte des États intéressés en cas de légitime
défense. Pour régler le problème, ils ont voulu que l’action en légitime défense soit
subsidiaire (A) et provisoire (B).

A- Le caractère subsidiaire du droit de légitime défense.


Dans l’unique hypothèse où le Conseil de sécurité se trouve dans l’incapacité de maintenir ou
de rétablir la paix et la sécurité internationales et de protéger ainsi les États membres de
l’ONU, le droit de légitime défense peut être mis en œuvre. Le caractère subsidiaire ou
accessoire du droit de légitime défense19 découle donc de cette analyse. Il ne peut
théoriquement pas être mis en œuvre parallèlement à l’action du Conseil.

Le caractère subsidiaire de l’action en légitime défense ne résulte pas explicitement de


l’article 51 de la Charte. Mais, on ne saurait le nier, car il découle logiquement, à la fois de
l’article 24 qui confère au Conseil de sécurité la « responsabilité principale » du maintien de
la paix et de sécurité internationales et des dispositions du chapitre VII qui reconnait en

19 Il ne faut pas confondre le caractère subsidiaire du droit de légitime défense avec le principe de
subsidiarité connu en droit communautaire qui suppose que « dans les domaines qui ne relèvent pas
de sa compétence exclusive, la Communauté n’intervient […] que si et dans la mesure où les objectifs
de l’action envisagée ne peuvent être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et peuvent
donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau
communautaire ». Voir Nguyen Quoc Dinh, Alain Pellet et Patrick Daillier, Droit international public,
L.G.D.J., Paris, 7e éd., page 603. De manière plus approfondie, voir également Philippe Brault, Le
principe de subsidiarité, La Documentation française, Paris, 2005, 111 pages.

7
principe l’exclusivité du pouvoir du Conseil de déclencher les mesures coercitives. D’ailleurs
nous le verrons l’article 51 admet explicitement le caractère provisoire de l’action. Or, cette
action n’est provisoire que si, au départ, elle est subsidiaire.

Dans la pratique, la compétence subsidiaire des États n’a que trop souvent l’occasion de
s’exercer parce que le Conseil de Sécurité ne dispose pas de moyens matériels suffisamment
puissants pour la mise en œuvre des mesures coercitives impliquant l’emploi de la force. Les
mesures coercitives n’impliquant pas le recours à la force, tels les embargos ou les blocus
économiques, sont plus faciles à mettre en œuvre, mais pas toujours suffisantes pour faire
cesser l’agression armée20.

La charte n’a pas créé une véritable armée internationale placée sous un commandement
international, destinée à aider le Conseil à mener à bien sa mission. Les articles 43 à 47
invitent seulement les États qui y consentent à mettre leur propre armée nationale à la
disposition de l’Organisation, ce qui n’est pas sans poser certaines complications, car les États
membres sont souvent réticents à abandonner une partie de leur force armée qui échappe à
leur commandement. La Charte pose les bases d’une armée « semi-internationale qui
comprend des contingents nationaux placés sous les ordres d’un état-major international »21 .
Cette armée n’est en aucun cas une armée permanente. Elle est levée lorsqu’une situation de
crise l’exige ce qui n’est pas de nature à faciliter le rôle du Conseil de sécurité, car la mise en
place d’une force internationale nécessite, dans l’hypothèse la plus optimiste, un certain délai
s’évaluant au minimum à plusieurs jours22. Or, en cas d’agression armée, et encore plus
aujourd’hui à l’heure des armes de destruction massive, l’État victime doit pouvoir se
défendre au plus vite.

Par rapport à l’article 16 du Pacte de la SDN qui prévoyait que les contingents nationaux
restant sous leur propre commandement pouvaient être mis à la disposition de l’ancienne
organisation internationale, un gros progrès a été enregistré. Cependant, le constat est que la
nouvelle technique soit suffisamment énergique. On décèlera que, même dans la Charte, le

20 L’exemple koweitien est à cet égard encore significatif. Il témoigne de l’inefficacité des mesures
coercitives n’impliquant pas l’emploi de la force à faire cesser l’agression et de la nécessité de recourir
à des mesures de contraintes armées. Voir notamment les résolutions 660, 661 et 678 respectivement
des 2 août 1990 et du 29 novembre 1990 du Conseil de sécurité.
21 Nguyen Quoc Dinh, Alain Pellet et Patrick Daillier, Droit International Public, L.G.D.J, Paris, 7e éd.

page 233.
22 Le délai de quelques jours ne paraît pas véritablement tenable si l’on se réfère aux expériences

passées. Il semble alors préférable d’évoquer quelques semaines, voire quelques mois, entre
l’agression armée et les mesures coercitives impliquant l’emploi de la force. Suite à l’invasion du
Koweït par l’Irak au mois d’août 1990, plusieurs mois ont ainsi été nécessaires pour mettre en œuvre
les mesures de contraintes armées seules aptes, en l’espèce, à faire cesser l’agression

8
Conseil de Sécurité ne peut exiger que chaque État membre mette ses forces armées à sa
disposition. L’article 43 de la Charte prévoit que le Conseil peut avec tous les États membres
signer des accords spéciaux afin de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité
internationale. Dans son paragraphe 3, il est prévu que « l’accord ou les accords seront
négociés aussitôt que possible, sur l’initiative du Conseil de Sécurité. Ils seront conclus entre
le Conseil de Sécurité et des groupes de Membres de l’Organisation, et devront être ratifiés
par les États signataires selon leurs règles constitutionnelles respectives »23. Ainsi ce
paragraphe 3 comporte une précaution louable en réservant au Conseil l’initiative de la
négociation de ces accords afin de déjouer les manœuvres dilatoires d’un État qui voudrait se
dérober à cette coopération militaire. L’État intéressé peut difficilement accepter ces accords,
juridiquement, rien ne l’y oblige. Sa totale liberté sur ce point est encore marquée par la partie
finale de ce paragraphe 3 qui stipule que « ces accords devront être ratifiés par les États
signataires selon leurs règles constitutionnelles respectives ». On adopte en somme, les
mêmes règles applicables dans les anciennes confédérations d’États, qui rendirent la force
matérielle du pouvoir confédéral entièrement subordonné au bon vouloir des États membres.

D’un autre côté, cette armée ne disposera pas de toutes les facilités de manœuvre afin de
réprimer l’agression partout et au moment même où elle se produira. On n’a pas tenu compte
de l’amendement français prévoyant en faveur des forces opérant pour le compte du Conseil,
le droit de passage. Le paragraphe 2 de l’article 43 déclare seulement que les accords susvisés
fixeront, entre autres, « la nature, des facilités et de l’assistance à fournir ». Or, rien ne permet
d’exclure, a priori, l’attitude intransigeante d’un État quelconque refusant d’octroyer ce droit
de passage et entravant ainsi l’action coercitive du Conseil. Pareille attitude a été, on se le
rappelle, celle de la Pologne qui, semble-t-il, fut en partie responsable en 1939 de l’échec de
l’alliance franco-soviétique24.

On reste donc très en deçà de l’optimisme de M. Paul Boncour, rapporteur à San Francisco
chargé d’examiner la question des mesures coercitives, qui déclare « l’organisation
internationale cessera d’être désarmé devant la violence ; une force collective dont l’étendue,
la composition, les détails et l’emplacement seront fixés d’avance devra être mise à la
disposition du Conseil pour faire appliquer ses décisions »25.

23 Article 43, paragraphe 3 de la Charte des Nations Unies.


24 Paul Reynaud, Souvenir publiés dans le journal « France-Soir » du 14-5-1947
25 Rapport au comité III / 3 – U.N.C.I.O. Doc. Vol. 12, p.515 et suiv.

9
Dès lors, à raison de la faiblesse des moyens matériels mis au service du Conseil de Sécurité,
on reste sensiblement éloigné du système interne des États. Dans le cadre étatique, l’individu
peut, en principe, compter sur la force publique qui est présente partout et suffisamment
organisée pour assurer sa protection. Sa compétence est véritablement subsidiaire. Par contre,
dans l’ordre international qui naît de la Charte, pratiquement les États doivent encore compter
principalement sur eux-mêmes pour assurer leur propre défense. Ainsi, se révèle le sens
profond de l’article 51.

B - Le caractère provisoire du droit de légitime défense.


Le caractère provisoire de l’action en légitime défense est expressément prévu par l’article 51
qui n’autorise l’exercice du droit de légitime défense que « jusqu'à ce que le Conseil de
Sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales ».
Le sens de cette disposition est absolument clair. L’État agissant au titre de la légitime
défense devra se dessaisir de sa compétence dès lors que le Conseil de sécurité principalement
compétent aura décidé des mesures appropriées pour rétablir la paix et la sécurité
internationales26.

En supposant que celui-ci soit associé à l’action collective, hypothèse qui est, d’ailleurs,
d’ores et déjà prévue dans la disposition de l’article 106 de la Charte, les opérations dont il
aura la charge ne seront plus « juridiquement » des actes de légitime défense, mais rentreront
dans le cadre de cette action accomplie sous l’autorité du Conseil de Sécurité.

Il est évidemment très important de connaitre le moment où la compétence de légitime


défense cessera de s’exercer. Ce n’est certainement pas la date où, comme l’article 51 lui en
fait l’obligation, celui-ci informe le Conseil des mesures qu’il a lui-même prises. Ce qui
gouverne les organisations internationales c’est le principe de spécialité qui « est fondé,
comme dans la théorie des établissements publics en droit interne, sur la conception
dominante d’après laquelle les organisations internationales constituent des moyens pour la
poursuite en commun d’objectifs d’intérêt général »27. En effet cette approche a été confirmée
par la CIJ qui a rappelé que « les organisations internationales sont des sujets de droit
international qui ne jouissent pas, à l'instar des États, de compétences générales. Les
organisations internationales sont régies par le “principe de spécialité”, c'est-à-dire dotées par
les Etats qui les créent de compétences d'attribution dont les limites sont fonction des intérêts

26Nguyen Quoc Dinh, « La légitime défense d’après la Charte des Nations unies », RGDIP, 1948, page 233.
27Nguyen Quoc Dinh, Alain Pellet et Patrick Daillier, Droit International Public, L.G.D.J, Paris, 7e éd.
page 602.

10
communs que ceux-ci leur donnent pour mission de promouvoir »28. Elle ne fait, à cet égard,
que réitérer la position défendue par la CPJI qui considérait déjà que « comme la Commission
européenne n'est pas un État, mais une institution internationale pourvue d'un objet spécial,
elle n'a que les attributions que lui confère le Statut définitif, pour lui permettre de remplir cet
objet; mais elle a compétence pour exercer ces fonctions dans leur plénitude, pour autant que
le Statut ne lui impose pas de restrictions »29. Le Conseil de Sécurité, aussi important soit-il,
son domaine de compétence ne peut aller au-delà des compétences qui lui sont reconnues par
les États membres à travers la Charte. Le TPIY rappelle ainsi que « le Conseil de sécurité est
un organe d'une organisation internationale, établie par un traité qui sert de cadre
constitutionnel à ladite organisation. Le Conseil de sécurité est, par conséquent, assujetti à
certaines limites constitutionnelles, aussi larges que puissent être ses pouvoirs tels que définis
par la constitution. Ces pouvoirs ne peuvent pas, en tout état de cause, excéder les limites de
la compétence de l'Organisation dans son ensemble, pour ne pas mentionner d'autres limites
spécifiques ou celles qui peuvent découler de la répartition interne des pouvoirs au sein de
l'Organisation. En tout état de cause, ni la lettre ni l'esprit de la Charte ne conçoivent le
Conseil de sécurité comme legibus solutus (échappant à la loi) »30. La compétence du Conseil
de sécurité doit donc être recherchée dans les dispositions de la Charte et plus précisément
dans l’article 24 qui lui confère « la responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécurité internationales ».

Le dessaisissement n’aura lieu que le jour où l’organisme international aura pris des mesures
effectives en vue de faire face à la situation. Néanmoins un laps de temps qui pourrait être très
long s’écoulera avant l’intervention du Conseil de Sécurité. À bien des égards, en effet, celui-
ci éprouvera de la difficulté à arrêter ses décisions. Il résulte des termes tout à fait généraux de
l’article 51, tant dans sa première que dans sa seconde phrase, que le Conseil est absolument
libre quant au choix des décisions à prendre. Avant d’examiner le conflit au fond, il pourra
décider des mesures provisoires qui aux termes de l’article 40 de la Charte ne préjugeront en
rien les droits, des prétentions ou de la position des parties intéressées. Ces mesures si elles
sont effectives, seront de nature à suspendre l’action de l’État attaqué. Mais, elles rentrent
dans la catégorie des questions qui ne peuvent être statuées qu’à l’unanimité des cinq
membres permanents, laquelle, évidemment, sera difficile à obtenir. Il sera cependant fort

28 CIJ, avis, Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé, 8 juillet 1996,
Recueil, 1996, page 78, §25.
29 CPJI, avis, Compétence de la Commission européenne du Danube, avis consultatif, 8 décembre

1927, série B n° 14, page 64.


30 TPIY, Chambre d’appel, Affaire Tadic, 2 octobre 1995, §28

11
possible, dans des affaires ce genre, que le Conseil hésite à prendre des simples mesures
conservatoires qui risqueraient d’être insuffisantes. Mieux vaudrait ne pas dessaisir
prématurément l’État qui se défend et chercher à adopter d’emblée des mesures définitives.

Dès lors, la question que l’on peut être amené à se poser est de savoir si toutes les mesures
prises sur le fondement du Chapitre VII mettent fin au droit de légitime défense 31. « Si la
réponse est clairement positive pour les mesures de l’article 42 et très probablement la même
pour celles de l’article 41, elle reste incertaine pour ce qui est des mesures provisoires »32 de
l’article 40 de la Charte. Le droit de légitime défense court jusqu’à ce que l’ONU ait pris
véritablement le relais de l’État victime. En d’autres termes jusqu’à ce qu’elle ait décidé de
sanctions contre l’agresseur et que des mesures nécessaires et suffisantes aient été prises pour
rétablir la paix et la sécurité internationales. Le droit de légitime défense cesse ainsi que
lorsque la sécurité et la survie de l’Etat agressé sont assurées par les mécanismes du système
de sécurité collective.

PARAGRAPHE 2 : L’EXERCICE DU DROIT DE LEGITIME DEFENSE


DANS LES CONDITIONS COUTUMIERES
La Cour Internationale de Justice a identifié, à travers sa jurisprudence, des modalités
d’origine coutumière de la fameuse affaire de la Caroline33. Toute action menée au nom du
droit de légitime défense doit ainsi répondre aux critères cumulatifs de proportionnalité (A),
de nécessité et d’immédiateté (B).

A- Le critère de proportionnalité.
« Les contre-mesures doivent être proportionnelles au préjudice subi, compte tenu de la
gravité du fait internationalement illicite et des droits en cause »34. Cette disposition ne fait
que confirmer une règle admise de longue date en droit international tant par la doctrine et la
jurisprudence que par la pratique35. Elle tente de restreindre les abus des États qui

31 Sur cette question, voir Olivier Corten, « La nécessité et le jus ad bellum », in SFDI, La nécessité en
droit international, Colloque de Grenoble, Pedone, Paris, 2007, pages 132 à 135.
32 Georges Abi-Saab, « Cours général de droit international public », RCADI, 1987-VII, volume 207,

page 372. Voir également Hans Kelsen, The law of the United Nations, A critical analysis of its
fundamental problems, Stevens and Sons, London, 1951, page 801.
33 Ronald St. John Macdonald, « L’emploi de la force par les Etats en droit international », in

Mohammed Bedjaoui (directeur général), Droit international, Bilan et perspectives, tome 2, Pedone,
Paris, 1991, pages 774 et 775.
34 Article 51 du second projet de la Commission du Droit International sur la responsabilité de l’Etat

pour fait internationalement illicite.


35 Sur ce sujet, voir Ian Brownlie, Principles of public international law, Oxford University Press,

Oxford, 2003, 6e éd., pages 261 et s.

12
n'hésiteraient pas à prendre des contre-mesures abusées et disproportionnées à l'acte
incriminé. C'est une disposition qui reprend le principe selon lequel la réponse doit être
proportionnelle à l'attaque.

À partir de 1928, il a été reconnu que « même si l’on admettait que le droit des gens n’exige
pas que les représailles se mesure approximativement à l’offense, on devrait certainement
considérer comme excessives et partant illicites, des représailles hors de toute proportion avec
l’acte qui les a motivées »36. Depuis, cette règle a été confirmée de manière constante. Les
arbitres, dans l’affaire des services aériens opposant les États-Unis à la France, ont considéré
qu’« il est généralement admis que les contre-mesures doivent tout d’abord correspondre à
une certaine équivalence à la violation alléguée ; il s’agit là d’une règle bien connue... D’une
manière générale, on a fait observer que l’appréciation de la .proportionnalité concrète des
contre-mesures n’était pas simple et ne pouvait être réalisée que d’une manière
approximative. Selon le Tribunal, l’un des problèmes essentiels est de tenir compte dans un
litige entre États non seulement des dommages subis par les compagnies intéressées, mais de
l’importance des questions de principe incluses dans la violation alléguée »37. Ce passage met
en exergue les innombrables difficultés d’appréhension qu’il renferme ainsi que son caractère
subjectif, tout en réaffirmant l’importance du principe de proportionnalité.

Dans l’affaire relative au Projet Gabčíkovo-Nagymaros, la CIJ a confirmé cette règle en


rappelant qu’« une condition importante est que les effets d’une contre-mesure doivent être
proportionnés aux dommages subis compte tenu des droits en cause. En 1929, la Cour
permanente de justice internationale, à propos de la navigation sur l’Oder, a déclaré ce qui suit
: “[la] communauté d’intérêts sur un fleuve navigable devient la base d’une communauté de
droit, dont les traits essentiels sont la parfaite égalité de tous les États riverains dans l’usage

36 Sentence arbitrale, Naulilaa (Responsabilité de l’Allemagne à raison des dommages causés dans
les colonies portugaises du sud de l’Afrique), 31 juillet 1928, Recueil des sentences arbitrales, vol. II,
1928, page 1028.
37 Sentence arbitrale, Accords relatifs aux services aériens du 27 mars 1946 entre les Etats-Unis et la

France, 9 décembre 1978, Recueil des sentences arbitrales, vol. XVIII, 1978, page 454. La sentence
poursuivait en expliquant que « dans la présente affaire, il ne suffit pas, de l’avis du Tribunal, de
comparer les dommages subis par la Pan Am du fait de la suspension des services projetés et les
dommages subis par les compagnies françaises visées par les contre-mesures en cause; il faut
également tenir compte de l’importance des positions de principe prises à l’occasion du refus des
autorités françaises, à savoir de l’interdiction de principe des ruptures de charge. Si l’on prend en
considération l’importance de ce principe dans le cadre général de la politique des transports aériens
décidée par le Gouvernement des Etats-Unis et poursuivie par la conclusion de nombreux accords
internationaux avec d’autres pays que la France, on ne saurait considérer que les mesures qui ont été
l’objet de l’action des Etats-Unis aient été clairement disproportionnées à celles prises par la France.
Aucune des deux Parties n’a soumis au Tribunal des éléments pour fonder ou détruire cette
proportionnalité, et le Tribunal doit donc se contenter d’un jugement très approximatif ».

13
de tout le parcours du fleuve et l’exclusion de tout privilège d’un riverain quelconque par
rapport aux autres”. Le développement moderne du droit international a renforcé ce principe
également pour les utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la
navigation… La Cour considère que la Tchécoslovaquie en prenant unilatéralement le
contrôle d’une ressource partagée, et en privant ainsi la Hongrie de son droit à une part
équitable et raisonnable des ressources naturelles du Danube - avec les effets continus que le
détournement de ses eaux déploie sur l’écologie de la région riveraine du Szigetköz - n’a pas
respecté la proportionnalité exigée par le droit international... La Cour estime donc que le
détournement du Danube effectué par la Tchécoslovaquie n’était pas une contre-mesure licite,
faute d’être proportionnée »38.

Cette disposition reprend le principe selon lequel la réponse doit être proportionnelle à
l'attaque tout en tentant, de restreindre les abus des États qui n'hésiteraient pas à prendre des
contre-mesures abusées et disproportionnées à l'acte incriminé. Ainsi force est de constater
que la formulation employée par les juges de La Haye est la même que celle retenue dans le
second projet de la CDI. Néanmoins concernant la formulation positive du principe de
proportionnalité, la Cour a souligné le fait que ce qui doit être salué « étant donné qu’une
éventuelle formulation négative39 aurait laissé aux États une marge d’appréciation trop
importante qui risquerait de priver le principe de sa raison d’être »40.

Il faut noter que les possibilités d’actions offertes aux États sont réduites par une définition
positive de la proportionnalité, comme celle retenue par la CDI et la CIJ. Entre l’État fautif et
l’État lésé, un équilibre est ainsi recherché. Une telle définition renferme alors un moins
important danger de perturbation des relations internationales et « dans d’autres domaines du
droit dans lesquels la proportionnalité est pertinente (par exemple la légitime défense), il est

38 CIJ, arrêt, Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), 25 septembre 1997, Recueil, 1997,


page 7.
39 Définir négativement la proportionnalité revient à admettre que la contre-mesure ne doit pas être

manifestement ni excessivement disproportionnée.


40 Linos-Alexandre Sicilianos, « Sanctions institutionnelles et contre-mesures : tendances récentes »,

in Laura Picchio Forlati, Linos-Alexandre Sicilianos (ss. dir.), Les sanctions économiques en droit
international, Martinus Nijhoff Publishers, Leiden/Boston, 2004, page 51. Sur le principe de
proportionnalité, voir également Daniel Bardonnet, « Quelques observations sur le principe de
proportionnalité en droit international », in Mélanges Eduardo Jiménez de Aréchaga, Le droit
international dans un monde en mutation, vol. II, FCU, Montevideo, 1994, pages 995 à 1036 ; Robert
Kolb, « La proportionnalité dans le cadre des contre-mesures et des sanctions – essai de clarification
conceptuelle », in Laura Picchio Forlati, Linos-Alexandre Sicilianos (ss. dir.), op. Cit, pages 379 à 443 ;
Enzo Cannizzaro, « The role of proportionality in the law of international countermeasures », EJIL,
2001, pages 889 à 916.

14
normal d’exprimer cette condition en termes positifs, même si, dans ces domaines aussi, ce
qui est proportionnel n’est pas quelque chose qui peut être déterminé avec précision »41.

Dans la mise en œuvre du droit de légitime défense, la CIJ a identifié par analogie avec les
contre-mesures, le principe de proportionnalité. À de nombreuses reprises, elle a réitéré sa
position en rappelant que « les conditions régissant l’exercice du droit de légitime défense
sont bien établies : comme l’a relevé la Cour dans son avis consultatif relatif à la Licéité de la
menace ou de l’emploi d’armes nucléaires “[l]a soumission de l’exercice du droit de légitime
défense aux conditions de nécessité et de proportionnalité est une règle du droit international
coutumier” (C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 245, par. 41) ; en outre, la Cour a évoqué, en l’affaire
des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, la règle spécifique
“selon laquelle la légitime défense ne justifierait que des mesures proportionnées à l’agression
armée subie, et nécessaires pour y riposter” comme étant “bien établie en droit international
coutumier” (C.I.J. Recueil 1986, p. 94, par. 176) »42.

Pour qu’une entreprise sur le fondement du droit de légitime défense soit licite, le principe de
proportionnalité doit être impérativement respecté. Cependant toute opération qui obéit à cette
règle n’est pas nécessairement conforme au droit international43. La proportionnalité suppose
de retrouver un équilibre préalablement troublé par une action antérieure. Toute action allant
au-delà sera disproportionnée. « La proportionnalité se nourrit donc de deux aspects. En
premier lieu, par l’intervention dans la sphère protégée d’autrui. En deuxième lieu, par l’idée
de rétablissement d’un équilibre global auparavant troublé par un acte unilatéral. Par cette
idée d’équilibre concret et réel, la proportionnalité s’avère être une notion matérielle. Elle ne
concerne pas l’égalité ou la justice formelle, arithmétique (réciprocité par équivalence, talion),
mais l’égalité ou la justice matérielle, géométrique (équilibrage d’espèce de facteurs très
divers). D’où le caractère individualisant, l’optique d’espèce de la proportionnalité. Elle
touche à l’équilibrage de choses qui sont différentes et ne peuvent être mesurées par
équivalence formelle. En ce sens, la proportionnalité n’est jamais seulement quantitative, elle

41 Voir CDI, projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite et
commentaires y relatifs, page 369. Voir
http://untreaty.un.org/ilc/texts/instruments/francais/commentaires/9_6_2001_francais.pdf Il est parfois
considéré que l’approche positive ou négative de la proportionnalité n’est qu’une question
d’opportunité et que le droit international ne consacre aucune des deux définitions. A ce sujet, voir
notamment Robert Kolb, « La proportionnalité dans le cadre des contre-mesures et des sanctions –
essai de clarification conceptuelle », in Laura Picchio Forlati, Linos-Alexandre Sicilianos (ss. dir.), op.
Cit, pages 427 et s.
42 CIJ, arrêt, Plates-formes pétrolières, 6 novembre 2003, Recueil, 2003, pages 36 et 37, §76.
43 CIJ, arrêt, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, 27 juin 1986, Recueil,

1986, page 122, § 237.

15
est toujours aussi qualitative. L’individualisation de son optique trouve un fondement objectif
et donc aussi une limite dans la finalité indiquée de la proportionnalité : le rétablissement de
l’équilibre troublé »44.

B - Les critères de nécessité et d’immédiateté.


Il sera question pour nous ici de parler des critères de nécessité et d’immédiateté.

Concernant les critères de nécessité, l’article 49 consacré à l’objet et aux limites des contre-
mesures45 nous montre que la référence explicite au principe de nécessité a par ailleurs été
abandonnée. Le respect de ce principe d’origine coutumière reste conditionné au seul droit de
légitime défense. Le commentaire associé de l’article 21 du projet est, à ce sujet, sans
ambiguïté et affirme que « les conditions de proportionnalité et de nécessité [sont] inhérentes
au concept de légitime défense »46. Il ne fait que reprendre une règle connue du droit
international, consacrée par la CIJ dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci et réitérée depuis à de nombreuses reprises47. La Cour n’a pas
jugé utile, bien que profondément ancré dans le droit international coutumier, de préciser ce
qu’il fallait entendre par « proportionnée et nécessaire ». Le bon sens semble suffire à
appréhender le principe de nécessité et il n’existe que très peu de développements à ce sujet.
Alors que plusieurs pages du Rapport de Roberto Ago, Rapporteur spécial de la CDI, sont
consacrées à l’étude précise de la légitime défense, le constat est tel que seules quelques
lignes rappellent de manière brève qu’« en soulignant l’exigence du caractère nécessaire de
l’action menée en état de légitime défense, on veut insister sur le point que l’État agressé (ou
menacé d’agression imminente si l’on admet la légitime défense préventive) ne doit en
l’occurrence pas avoir eu de moyen autre d’arrêter l’agression que le recours à l’emploi de la
force armée. Autrement dit, s’il avait pu atteindre ledit résultat par des mesures n’impliquant

44 Robert Kolb, « La proportionnalité dans le cadre des contre-mesures et des sanctions – essai de
clarification conceptuelle », in Laura Picchio Forlati, Linos-Alexandre Sicilianos (ss. dir.), op. Cit, pages
380 et 381.
45 L’article 49 du projet d’articles de la CDI sur la responsabilité internationale de l’Etat pour fait illicite

prévoit que : « 1. L’Etat lésé ne peut prendre de contre-mesures à l’encontre de l’Etat responsable du
fait internationalement illicite que pour amener cet Etat à s’acquitter des obligations qui lui incombent
en vertu de la deuxième partie. 2. Les contre-mesures sont limitées à l’inexécution temporaire
d’obligations internationales de l’Etat prenant les mesures envers l’Etat responsable. 3. Les contre-
mesures doivent, autant que possible, être prises d’une manière qui permette la reprise de l’exécution
des obligations en question ». Sur la question de l’abandon du principe de nécessité pour les contre-
mesures, voir James Crawford, « Troisième rapport sur la responsabilité des Etats », ACDI, 2000, vol.
II, 1ère partie, §346 ; Linos-Alexandre Sicilianos, « Sanctions institutionnelles et contre-mesures :
tendances récentes », in Laura Picchio Forlati, Linos-Alexandre Sicilianos (ss. dir.), op. Cit, page 52.
46 CDI, projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite et

commentaires y relatifs, op. Cit, page 192.


47 Voir supra

16
pas l’emploi de la force armée, la justification du comportement adopté en contradiction avec
l’interdiction générale du recours à la force armée ne pourrait pas jouer »48.

En résumé, le recours à la force au titre de légitime défense n’est nécessaire que dans l’unique
hypothèse où, pour mettre un terme à l’agression, l’État ne disposait pas d’autres solutions. La
doctrine semble ainsi unanime à cette acceptation. Cette dernière est également partagée par
auteurs les plus favorables à une conception extensive de la légitime défense. C’est ainsi que
le juge Schwebel relevait dans son opinion opposée l’arrêt de la Cour du 27 juin 1986 que «
s’il faut se prononcer sur la question de la nécessité - et la Cour s’est prononcée sur cette
question – il s’agit essentiellement de savoir si les États-Unis disposaient de moyens
pacifiques pour atteindre les buts qu’ils ont cherché à atteindre par la force »49. En outre la
doctrine anglo-saxonne considère que « when a war of self-defense is triggered by an allout
invasion, the issue of necessity usually becomes moot. The target State is by no means
expected “to allow invasion to proceed without resistance on the ground that peaceful
settlement should be sought first”. Necessity comes to the fore when war is begun following
an isolated armed attack. Before the defending State opens the floodgates to fullscale
hostilities, it is obligated to verify that reasonable settlement of the conflict in an amicable
way is not attainable »50.

L’exigence de nécessité du droit de légitime défense selon certains suppose l’inexistence de


moyens autres pour mettre un terme à la violation du droit international portant préjudice à
l’État victime, elle exclut nécessairement la légitime défense préventive51. Ainsi, tant que
l’agression armée n’a pas été réalisée, pour assurer sa sécurité, d’autres moyens que le recours
à la force doivent être envisagés par l’État qui se sent menacé. La nécessité doit aussi

48Roberto Ago, « Additif au huitième rapport sur la responsabilité des Etats », ACDI, 1980, volume II,
1ère partie. Voir A/CN.4/318/Add.1-4 et A/CN.4/318/Add.5 à 7, page 67, §120.
49 CIJ, Arrêt, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, 27 juin 1986, Opinion

dissidente du Juge Stephen M. Schwebel, Recueil, 1986, page 363, § 201.


50 « Lorsqu'une guerre de légitime défense est déclenchée par une invasion totale, la question de la

nécessité devient généralement sans objet. L’État visé n’est en aucun cas censé « permettre à
l’invasion de se dérouler sans résistance au motif qu’un règlement pacifique devrait être recherché au
préalable ». La nécessité s'impose lorsque la guerre est déclenchée à la suite d'une attaque armée
isolée. Avant que l'État défendeur ouvre la porte aux hostilités à grande échelle, il est tenu de vérifier
qu'un règlement raisonnable du conflit à l'amiable n'est pas réalisable. » Yoram Dinstein, War,
aggression and self-defence, Cambridge University Press, Cambridge, 2001, 3e éd., pages 207 et
208.
51 La doctrine n’est pourtant pas unanime à ce sujet et le doute persiste parfois chez certains auteurs

qui au regard des événements récents constatent qu’une « action préventive ne peut pas être
totalement exclue comme moyen nécessaire ». Voir Karl M. Messen, « Le droit au recours à la force
militaire : une esquisse selon les principes fondamentaux », in SFDI et la Deutsche Gesellschaft für
Völkerrecht, Les nouvelles menaces contre la paix et la sécurité internationales, Journée franco-
allemande, Pedone, Paris, 2004, page 122.

17
s’apprécier au regard d’un certain nombre de critères 52. En effet, un lien de causalité doit
exister entre l’action en légitime défense et le préjudice subi par l’État victime de l’agression
armée. Autrement dit, est-ce que le déclenchement de l’agression armée suffit à fonder la
nécessité de se défendre ou si celle-ci est plutôt liée au préjudice.

À cet effet, certaines précisions ont été apportées par les juges dans l’affaire qui a opposé le
Nicaragua aux États-Unis. Relativement à « la nécessité, la Cour observe que les mesures
prises par les États-Unis en décembre 1981 (ou au plus tôt en mars de cette année-là…) ne
peuvent être considérées comme correspondant à une “nécessité” propre à justifier leur action
en réplique à l’assistance que le Nicaragua aurait apportée à l’opposition armée au Salvador.
D’une part, ces mesures n’ont été adoptées et n’ont commencé à produire leurs effets que
plusieurs mois après que la grande offensive de l’opposition armée au Salvador contre le
gouvernement de ce pays eut été totalement repoussée (janvier 1981) et que son action se fut
trouvée très considérablement affaiblie en conséquence. Le péril majeur pour le
gouvernement salvadorien a ainsi pu être écarté sans que les États-Unis aient déclenché leurs
activités au Nicaragua et contre lui »53. De ce qui en découle, il est implicitement dit que le
principe de nécessité suppose que l’agression armée soit en train de produire des effets. Dès
lors, la légitime défense ne peut pas être invoquée en prétextant le motif d’une agression
armée terminée.

Le principe de nécessité est indissolublement lié au principe d’immédiateté. La riposte ne peut


être différée, mais immédiate. Si la riposte n’est pas immédiate, la menace ne semble pas si
périlleuse et le doute s’installe alors quant à la nécessité d’y répondre par la force armée. La
doctrine est bien unanime, et bien avant l’adoption de la Charte des Nations unies et de
l’article 51, sur le fait que la légitime défense « est le droit qui appartient à quiconque est
attaqué de riposter sur-le-champ »54 ; « c’est le moyen d’agir au jour, à l’heure, à la minute où
se produit l’agression brutale que la rapidité des moyens techniques peut rendre redoutable
»55.

Le principe d’immédiateté n’a jamais été remis en cause et est affirmé de longue date par le
Conseil de Sécurité qui l’a rappelé dès 1951 à propos du conflit israélo-arabe. En effet
l’Égypte avait décidé d’imposer des restrictions au passage de navires par le canal de Suez en
52 Emile Giraud, « La théorie de la légitime défense », RCADI, 1934-III, volume 49, page 709
53 CIJ, arrêt, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, 27 juin 1986, Recueil,
1986, page 122, § 237.
54 Voir Linos-Alexandre Sicilianos, Les réactions décentralisées à l’illicite : des contre-mesures à la

légitime défense, op. Cit, page 204.


55 UNICIO, vol. XI, page 74.

18
invoquant le droit de légitime défense deux ans après la fin des hostilités. En évaluant les faits
au regard du principe d’immédiateté, le Conseil de sécurité avait considéré que « puisque le
régime d’armistice qui est en vigueur depuis près de deux ans et demi a un caractère
permanent, aucune des deux parties ne peut raisonnablement affirmer qu’elle se trouve en état
de belligérance active ni qu’elle a besoin d’exercer le droit de visite, de fouille et de saisie à
des fins de légitime défense »56. Ce qu’i y a lieu de comprendre ici est que dans l’admission
du droit de légitime défense la durée occupe une place centrale57. En d’autres termes, pour
être licite, une action fondée sur l’article 51 de la Charte suppose une réaction immédiate à
l’agression armée. L’État victime ne doit pas pouvoir se permettre d’attendre.

En reconnaissant le droit de légitime défense, la Charte l’a subordonné à une agression armée.
L’exercice de ce droit suppose le respect d’un certain nombre de critères d’origine coutumière
dégagés par la jurisprudence de la CIJ. Il ne s’agit cependant que de conditions classiques
inhérentes à la légitime défense individuelle, mais la Charte ayant également consacré le droit
de légitime défense collective, celui-ci, en plus des conditions énoncées ci-dessus, se voit
soumis au respect d’autres règles découlant de sa nature particulière.

SECTION II : LES PARTICULARITÉS DU DROIT DE LÉGITIME


DÉFENSE COLLECTIVE.
La légitime défense collective vise « le droit qui appartient à un État de faire usage de la
force pour assister un autre État lorsque celui-ci est victime d’une agression armée »58, elle
peut être le fait d’une régionalisation du droit de légitime défense collective (paragraphe 1) ou
le fait d’une universalisation du droit de légitime défense collective (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : LA RÉGIONALISATION DU DROIT DE LÉGITIME


DÉFENSE COLLECTIVE.
La régionalisation du droit de légitime défense collective suppose l’exigence d’un accord
exprimant le libre consentement des États (A). Cet accord doit être conclu par un
gouvernement légal (B) qui ne doit pas être sous la contrainte.

56 Conseil de sécurité, résolution 95, 1er septembre 1951, §5.


57 Si l’instantanéité est exclue par la nature même des relations internationales, l’immédiateté, en
fonction des situations, doit s’entendre comme un délai de quelques jours voire quelques semaines
entre l’agression armée et la riposte en légitime défense. Au-delà, il semble difficile de prétendre que
le principe d’immédiateté puisse être respecté.
58 Amine Mouheb, « la legitime defense collective en droit international », publié le 08 mai 2009,

http://droit-algerien.over-blog.com/article-31162539.html (consulté le 18/04/19 à 21:47).

19
A - Exigence d’accord entre les États.
Le chapitre VIII de la Charte des Nations Unies dispose ainsi qu’ « Aucune disposition de la
présente Charte ne s'oppose à l'existence d'accords ou d'organismes régionaux destinés à
régler les affaires qui, touchant au maintien de la paix et de la sécurité internationales, se
prêtent à une action de caractère régional, pourvu que ces accords ou ces organismes et leur
activité soient compatibles avec les buts et les principes des Nations Unies »59. Le droit de la
légitime défense collective doit être étroitement lié à ce Chapitre.

Il faut savoir que lors des travaux préparatoires de l’élaboration de la Charte des Nations
unies, parallèlement différentes régions du monde négociaient des accords régionaux, soit en
matière de défense, soit sur des matières plus générales60. À l’instar de l’acte des
Chapultepec61 du 3 mars 1945, qui est un accord entre les États du continent américain
prévoyant une assistance mutuelle en cas d’agression. La création d’une nouvelle organisation
internationale ne devait pas s’opposer aux accords existants déjà dans cette partie du continent
américain62. Ainsi bien que les États initiateurs de la Charte n’aient pas une même conception
de la notion d’accords régionaux et de leur place par rapport à la Charte en devenir 63, on
voyait qu’il y’avait un rapport direct entre la rédaction finale de l’article 51 et la présence
d’accords régionaux. Néanmoins il se posait la question de la définition de l’entente régionale.

Pour ce qui est de la définition de l’entente régionale, il a été retenu lors de travaux
préparatoires que « sont considérées comme des ententes régionales, plusieurs pays qui, en
raison de leur voisinage, de leur communauté d’intérêts ou d’affinités culturelles,
linguistiques, historiques ou spirituelles, se solidarisent pour le règlement pacifique de tout
différend pouvant survenir entre eux, pour le maintien de la paix et de la sécurité dans leur
région, comme pour la sauvegarde de leurs intérêts et le développement de leurs relations
économiques et culturelles »64. Ainsi pour qu’il ait entente régionale, il faut la réunification de
deux critères principaux à savoir, la permanence de l’entente et la contiguïté géographique des
États qui en font partie.

59 Article 52 alinéa 1 de la Charte des Nations Unies.


60 Edem Kodjo et Habib Gherari, « Article 52 » dans Jean-Pierre Cot et Alain Pellet, dir, La Charte des
Nations unies : commentaire article par article, 3e éd., Paris, Economica, 2005, 1367 à la p. 1370.
61 Acte de Chapultepec, 3 mars 1945, 60 U.S. Stat. 1831.
62 En ce sens, voir la position de l’Uruguay, du Mexique et du Venezuela dans NU, « Propositions de

Dumbarton Oaks », supra note 20 aux pp. 28, 223 et 265.


63 Quoc Dinh, supra note 33 aux pp. 245-248; Delivanis, supra note 5 aux pp. 44-48; Mark B. Baker, «

Terrorism and the Inherent Right of Self-Defense (A Call to Amend Article 51 of the UN Charter) »
(1987-1988) 10 Hous. J. Int’l L. 25.
64 UNCIO, vol. 12, page 854

20
La nécessité d’un accord entre l’État victime et les États associés à sa défense est requise pour
la mise en œuvre de la régionalisation du droit de légitime défense collective. Le fait qu’il ait
au préalable un accord faisait l’unanimité au sein des membres ayant participé à l’élaboration
de l’article 5165. Le but était d’éviter que l’intervention ne se fasse de manière unilatérale.
Une rencontre des volontés doit être nécessairement prévue entre l’État agressé et les États
qui souhaitent lui venir en aide. Cette solution étant retenue par le droit international a été
confirmée par la CIJ qui a cependant exprimé une position un peu plus souple en se référant à
la demande de l’État agressé au détriment de la notion d’accord66. Le délégué colombien, qui
présidait le Comité quatre de la troisième Commission, exprima ainsi l’idée selon laquelle « si
un groupe de pays liés entre eux par un accord régional se déclarent solidaires pour leur
défense mutuelle comme dans le cas des États américains, ils déclencheront cette défense en
commun au moment où l’un d’eux sera attaqué. Et le droit de défense n’appartient pas
seulement aux pays directement victimes de l’agression ; il s’étend aux pays qui, par des
accords régionaux, se sont rendus solidaires du pays directement attaqué »67.

Au fil des années le constat a été tel que la communauté d’intérêts a pris le dessus sur le
critère de la contiguïté géographique. En effet des traités d’assistance mutuelle ont été
multipliés durant la guerre froide dépassant ainsi des zones géographiques. Nous pouvons
prendre l’exemple du traité bilatéral qui avait été signé entre les États-Unis et la Corée du Sud
en 195368. Avec l’émergence de ces accords mutuels, d’autres types d’accords ont très
rapidement inclus que la nécessité « d’un accord librement consenti par lequel, les parties
s’engagent à considérer qu’une agression dirigée contre l’une d’entre elles est une agression
dirigée contre une autre ou toutes les autres parties »69. Ici l’objectif reste le même à savoir
mettre en place une défense collective dans l’hypothèse où un État parti serait victime d’une
agression armée. En plus de la nécessité d’un accord librement consenti, l’État attaqué doit
faire une déclaration par laquelle il constate qu’il est victime d’une agression armée 70. C’est

65 Voir UNCIO, vol. 12, pages 690 à 693


66 Voir, CIJ, arrêt, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, 27 juin 1986,
Recueil, 1986, page 105, §199.
67 Ibid., page 691.
68 Voir AJIL, 1954, vol. 48, Supplément, page 147. Au même titre, il faut également signaler le Traité

de défense mutuelle entre les Etats-Unis et les Philippines signé le 30 août 1951, le Traité tripartite de
sécurité signé le 1er septembre 1951 entre les Etats-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande (ANZUS),
le Traité de coopération et de sécurité mutuelle signé entre les Etats-Unis et le Japon le 22 juin 1970
ou encore les différents traités bilatéraux entre Etats du Pacte de Varsovie.
69 Nguyen Quoc Dinh, Alain Pellet et Patrick Daillier, op. Cit, page 945.
70 Voir CIJ, arrêt, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, 27 juin 1986,

Recueil, 1986, page 105, § 199. Voir également Théodore Christakis et Karine Bannelier, « Volenti
non fit injuria ? Les effets du consentement à l’intervention militaire », AFDI, 2004, pages 102 à 137.

21
une condition supplémentaire de mise en œuvre du droit de légitime défense collective.
S’agissant de la déclaration qui doit être faite, se pose la question de savoir quelle autorité est
compétente pour demander le soutien d’États tiers et le recours au droit de légitime défense
collective.

B - L’autorité compétente pour demander le soutien d’un État tiers.


Pour éviter que le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures et l’interdiction du
recours à la menace ou en l’emploi de la force ne soient violés, le droit de légitime défense
collective suppose le consentement de l’État qui est agressé et une déclaration affirmant qu’il
est attaqué. Ce consentement prend souvent la forme des traités et ne peuvent être conclus que
par les sujets de droit international. Ces accords sont ainsi soumis à l’obéissance du droit
général des traités, c’est-à-dire à la Convention de Vienne de 1969. Cette réflexion engendre
plusieurs conséquences, notamment en cas de conflit armé non international. Cela pose la
question de l’invocation du droit de légitime défense collective dans ces situations.

À un moment donné de l’histoire, l’on s’est demandé si un Etat qui faisait face à des
problèmes internes pouvait, solliciter le soutien d’un État tiers au nom de la légitime défense
collective. Le droit international admet cela à condition que la demande émane du
gouvernement légal en place et non d’un groupe d’insurrectionnel luttant contre ce dernier.
Ainsi, si la demande émane d’un groupe insurrectionnel, la doctrine estime dans sa majorité
que « illegality is also brought by the invalidity of a request, that is, if it does not emanate
genuinely from the established or legitimate Government of the requesting State »71. De ce qui
précède, on retient alors que seul le gouvernement légal peut invoquer le droit de légitime
défense collective. Néanmoins le droit international a prévu certaines limites liées à la nature
des objectifs poursuivis par le gouvernement qui l’invoque. Ainsi, si l’objectif du
gouvernement légal est de maintenir par la force un régime colonial ou raciste, le droit de
légitime défense collective ne peut être mis en œuvre72.

Parallèlement une doctrine s’est développée et estime que l’exercice du droit de légitime
défense ne doit se limiter qu’aux conflits armés internationaux, parce que dans les conflits
armés internationaux, il y a pas de confusion entre le gouvernement légal et un groupe

71 « L’illégalité est également due à la nullité d'une demande, c'est-à-dire si elle ne provient pas
véritablement du gouvernement établi ou légitime de l'État requérant » Avra CONSTANTINOU, The
right of self-defence under customary international law and article 51 of United Nations Charter, Ant.
N. Sakkoulas/Bruylant, Athènes/Bruxelles, page 179. Voir également pages 178 à 182.
72 Voir Linos-Alexandre SICILIANOS, Les réactions décentralisées à l’illicite : des contremesures à la

légitime défense, LGDJ, Paris, 1990, page 330.

22
d’insurrectionnel, ici il s’agira d’un conflit entre deux États formellement reconnus. Cette
doctrine s’appuie notamment sur la résolution de l’Institut de droit international du 14 août
1975 réaffirmée par la résolution 2625 de l’Assemblée générale des Nations unies. Il ressort
de cette résolution que peu importe l’organe dont émane la demande, les États tiers ne doivent
pas intervenir dans une guerre civile. Par la suite la résolution rappelle que nonobstant les
dispositions de l’article 2, les États tiers peuvent : prêter une assistance ordonnée, autorisée ou
recommandée par l’Organisation des Nations Unies conformément à la Charte et aux autres
règles de droit international. L’autorisation de faire appel au droit de légitime défense
collective est ainsi reconnue à demi-mot. Une exception est ainsi admise, car elle considère
que « pour la puissance intervenante, l’excuse de la légitime défense exprimée par l’article 51
de la Charte conserve toute sa valeur »73.

PARAGRAPHE 2 : L’UNIVERSALISATION DU DROIT DE LÉGITIME


DÉFENSE COLLECTIVE.
Le maintien de la paix et de la sécurité internationale est l’un des buts principaux des Nations
unies. En 1945, il a donc été prévu un système de sécurité plus efficace que celui de la SDN.
Pour cela, il fut posé comme principe que l’agression perpétuée contre un État devait être
considérée comme une agression contre la paix, et qu’elle devenait alors l’affaire de tous les
États. Cependant, certaines doctrines se sont érigées contre le fait que l’agression contre un
État constituait une affaire de tous les États (A). En outre l’universalisation du droit de
légitime défense nous amène à voir le CDS et le droit de légitime défense collective (B).

A- La controverse doctrinale autour de la légitime défense collective.


Il existe plusieurs divergences doctrinales quant à la légitime défense. Une partie de la
doctrine considère comme une fiction juridique l’idée selon laquelle l’agression contre un État
reviendrait à une agression contre tous les États signataires d’un traité ou d’un pacte de
défense. C’est notamment le cas de la doctrine anglo-saxonne. Cette dernière estime que le
terme «légitime défense collective», tel qu'il est utilisé dans la Charte, ne fait que reconnaître
que les membres peuvent exercer collectivement leur droit individuel; elle ne crée pas de
nouveaux droits ni ne permet, en permettant l'utilisation d'une fiction juridique, de convertir

73Jean Charpentier, « Les effets du consentement à l’intervention », in Mélanges offerts à Stylianos P.


Séfériades, vol. II, Athènes, Klissiounis, 1961, page 499. Dans le même sens, voir également Ian
Brownlie, International law and the use of force by States, op. Cit, page 327. En sens inverse, voir
Charles Zorgbibe, La guerre civile, PUF, Paris, 1975, pages 118 et 124 ainsi que Mohammed
Bennouna, Le consentement à l’ingérence militaire dans les conflits internes, LGDJ, Paris, 1974,
pages 146 et s.

23
une action non autorisée par un organe compétent de l'ONU en action dans l'exercice du droit
de légitime défense collective74. Ce refus de la doctrine anglo-saxonne trouve principalement
son explication dans la terminologie employée dans les différentes versions de la Charte.
Certains qualifieraient cette terminologie de « variable et approximative »75. En effet la
version anglaise donne « collective self-defense » qui peut être assimilée à de la légitime
défense, car elle se définit comme une défense de soi-même. Cependant un État qui vient en
aide à un État agressé ne se défend pas soi-même. En 1980, Roberto Ago précisait qu’il voyait
« vraiment pas pourquoi on devrait alors se servir de l’adjectif “collectif” pour caractériser
une situation qui ne serait en réalité que la juxtaposition purement casuelle de plusieurs
comportements adoptés en état de légitime défense “individuelle” »76. En outre la CIJ alla
dans la même direction dans l’arrêt relatif aux Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci77.

Pour appréhender la notion de « collective self-defence », nous prendrons l’exemple de deux


théories. La première estime que « le droit de légitime défense, entre États comme entre
individus, ne vise pas seulement la défense personnelle, mais aussi celle d’autrui »78. Elle
assimile droit interne au droit international. Cependant il n’est pas possible de voir le droit
international comme le droit interne79. Quant à la seconde, elle considère que « le devoir de
maintenir la paix, d’une part, et l’obligation de redresser la norme violée de l’autre,

74 Derek Bowett, Self-defence in international law, Frederick A. Prager, New-York, 1958, page 216
75 Delais Julien, « les Nations Unies et le droit de la légitime défense », disponible sur :
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00346398/document, page 320. (Consulté le 18/04/19 à 21:59).
76 Roberto Ago, « Additif au huitième rapport sur la responsabilité des Etats », op.cit., page 66, §118.
77 Voir CIJ, Arrêt, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, 27 juin 1986,

Recueil, 1986, pages 70 à 72. Voir également l’opinion dissidente du Juge Sir Robert Jennings dans
laquelle il estime que « la notion de légitime défense collective ne s’applique pas à la défense exercée
pour autrui, sans quoi elle se prêterait vraiment à des abus. L’Etat qui apporte son assistance n’est
pas un défenseur autorisé, à qui il est permis, sous certaines conditions, de venir en aide à l’Etat
bénéficiaire. Certes, lorsqu’il vient en aide à l’Etat victime, l’autre Etat doit non seulement satisfaire à
certaines exigences mais aussi se défendre lui-même dans une certaine mesure. Même la “légitime
défense collective” devrait renfermer cet élément de défense personnelle qui est inhérent à la notion
de défense. Telle est probablement l’idée qui sous-tend les accords d’assistance mutuelle, comme le
système de l’Organisation des Etats américains, pour lesquels en fait l’article 51 a été tout
spécialement conçu. Dans un tel système de sécurité collective, la sécurité de chaque Etat membre
est réputée être liée à celle des autres Etats membres, non seulement en raison d’un accord mais
aussi parce que c’est là la conséquence même du système et de son organisation ». Ibid., page 545
78
Louis LE FUR, « Guerre juste et juste paix », RGDIP, 1919, page 74. L’auteur fonde son analyse
sur une analogie avec le droit interne lequel prévoyait à l’article 328 de l’ancien code pénal que « il n’y
a crime, ni délit lorsque l’homicide, les blessures et les coups étaient commandés par la nécessité
actuelle de la légitime défense de soi-même ou d’autrui ». Dans le même sens, des auteurs anglo-
saxons considéraient que « self-defence, when legitimate, need not be limited to one’s own defence,
but may extend to the defence of states unjustly attacked, appears to follow from the analogy to
private law ». Voir Thomas Baty, Canons of international law, Murray, London, 1930, page 99.
79 Voir Derek Bowett, Self-defence in international law, op. Cit, pages 201 et 202.

24
convergent et s’unissent dans le précepte de soutenir la légitime défense d’autrui »80. Ainsi,
l’intérêt général de maintien de la paix et de la sécurité internationales commande le droit de
légitime défense collective. Une confusion entre la « légitime défense collective » et la
« sécurité collective » est donc faite à ce niveau. Cette confusion qui nous semble opportun
d’éclairer.

Selon les dispositions de la charte, deux aménagements sont prévus à l’interdiction du recours
à la menace ou à l’emploi de la force81. Premièrement le CDS donne son autorisation.
Deuxièmement la Charte donne la possibilité à l’État agressé de recourir à la légitime défense.
Néanmoins la défense collective ne peut résulter que d’une autorisation préalable du CDS ou
à la rigueur de l’Assemblée générale dans le cadre de la mise en œuvre de la résolution Dean
Acheson. La légitime défense collective n’est pas qu’un substitut à l’action du CDS en cas de
blocage de ce dernier. En outre la finalité des deux aménagements est totalement différente.
La sécurité collective vise le maintien ou le rétablissement de la paix et de la sécurité
internationales dans le cadre du CDS. Ce dernier agit donc en fonction de l’intérêt général.
Quant au droit de légitime défense collective, il vise la survie de l’État agressé et n’intéresse
donc que l’intérêt particulier de celui-ci, voire également l’intérêt des États qui lui prêtent
assistance. C’est ici que se trouve la distinction majeure entre sécurité collective et légitime
défense collective. Dès lors, nous comprenons que la sécurité collective sauvegarde l’intérêt
général, tandis que la légitime défense collective poursuit la sauvegarde des intérêts
particuliers.

Le CDS bénéficie dès lors d’une priorité d’action dans la mesure où, le droit de légitime
défense est un substitut à la carence du conseil. Par-dessus tout parce qu’il poursuit la
sauvegarde de l’intérêt général et que ce dernier prime sur l’intérêt particulier.

B - Le Conseil de Sécurité et le droit de légitime défense collective.


Les NU ne disposant pas d’une force armée internationale, le CDS a tendance à s’appuyer sur
les organismes régionaux. Ces derniers sont reconnus par l’article 52 de la Charte à condition
que ces accords régionaux soient « compatibles avec les buts et principes des NU ». En outre
ils doivent être destinés « à régler les affaires qui, touchant au maintien de la paix et de la
sécurité internationales, se prêtent à une action de caractère régional ». Les ententes
régionales sont ainsi soumises à l’autorité du CDS. En d’autres termes, « il s’agit d’une

80 Robert REDSLOB, Traité de droit des gens, Recueil Sirey, Paris, 1950, page 435.
81 Article 2, §2 de la Charte des NU.

25
situation qu’on peut analyser en termes de délégation de pouvoirs. L’emprise du Conseil de
sécurité sur les actions coercitives envisagées par les instances régionales est, en effet,
décisive puisque leur mise en œuvre est soumise à son autorisation. La décentralisation de la
coercition est ainsi rigoureusement contrôlée. Ceci implique, évidemment, que le blocage du
Conseil de sécurité à cause du veto opposé par un de ses membres permanents aboutit au
blocage du mécanisme coercitif régional »82. Selon le système de la Charte, seul le CDS a le
pouvoir de mener des actions coercitives, néanmoins il peut le déléguer aux ententes
régionales. Il reste maintenant à régler le problème entre le CDS et ces accords régionaux.

En effet, plusieurs États estiment que les initiatives régionales doivent avoir la priorité sur les
interventions des NU. Pour justifier leur hiérarchisation, ils invoquent les arguments pratiques
tels que la rapidité et l’efficacité, mais aussi une considération juridique. Cette dernière
trouverait sa source dans les statuts des organisations régionales qui les obligent à intervenir
préventivement dans certaines conditions. Face à cela, la Charte prévoit dans son article 54
que toutes les activités des organisations en matière de sécurité sont placées sous le contrôle
du CDS. En outre, aucune action coercitive ne devrait être entreprise par ces organisations
sans son autorisation préalable83, sauf l’exception établie par l’article 10784 pour les « États
ex-ennemis ». Il serait ainsi établi « une sorte de fédéralisme, plus fonctionnel
qu’institutionnel, dont le Conseil de sécurité occupe le sommet. »85

En plus l’argumentation dégagée néglige la portée de l’article 103 de la Charte, qui affirme sa
primauté par rapport aux autres traités de sécurité collective, comme l’a rappelé la CIJ dans
l’affaire des Activités militaires au Nicaragua. Le Conseil de sécurité insiste toujours sur sa
responsabilité « principale » du maintien de la paix et de la sécurité internationales86.

Certaines actions décidées par le CDS sont souvent dénuées d’ambiguïtés, aux fondements
juridiques incertains. Nous pouvons prendre l’exemple des résolutions adoptées, suite à
l’invasion du Koweït par l’Irak qui ne marque nullement une internationalisation du recours à

82 Linos-Alexandre Sicilianos, Les réactions décentralisées à l’illicite : des contre-mesures à la légitime


défense, op. cit., page 130.
83 Article 53, paragraphe 53.
84 L’article 107 prévoit que : « aucune disposition de la présente Charte n’affecte ou ‘interdit, vis-à-vis

d’un Etat qui, au cours de la Seconde Guerre mondiale, a été l’ennemi de l’un quelconque des
signataires de la présente Charte, une action entreprise ou autorisé, comme suite de cette guerre, par
les gouvernements qui ont la responsabilité de cette action. »
85 Ngyuen Quoc Dinh, Patrick Daillier, Alain Pellet, Droit international public, L.G.D.J, Paris, 7e éd., p.

1008. Voir aussi Ngyuen Quoc Dinh, Patrick Daillier, Mathias Forteau, Alain Pellet, Droit international
public, L.G.D.J, Paris, 8e éd., p. 1115.
86 Voir la résolution 1318 du 7 septembre 2000, « Déclaration du Conseil réuni au niveau des chefs

d’Etat et de gouvernement »

26
la force. Tout en affirmant dans sa résolution 661 que « le droit naturel de légitime défense,
individuelle ou collective, face à l’attaque armée dirigée par l’Iraq contre le Koweït,
consacrée par l’article 51 de la Charte »87, le CDS dans sa résolution 678 et en vertu de
l’article 42 de la Charte, « autorise les États membres qui coopèrent avec le Gouvernement
koweïtien, si au 15 janvier 1991 l’Iraq n’a pas pleinement appliqué les résolutions
susmentionnées conformément au paragraphe 1 ci-dessus, à user de tous les moyens
nécessaires pour faire respecter et appliquer la résolution 660 (1990) et toutes les résolutions
pertinentes adoptées ultérieurement et pour rétablir la paix et la sécurité internationales dans
la région »88. Ces résolutions montrent l’incapacité du Conseil à adopter une position claire en
matière de recours à la force. Ainsi il hésite sur le fondement juridique à donner à l’action de
la coalition d’un côté le droit de légitime défense tout en autorisant de l’autre les États à
intervenir contre l’agression irakienne.

87 Conseil de sécurité, Résolution 661, 6 août 1990, préambule, alinéa 6


88 Conseil de sécurité, Résolution 678, 29 novembre 1990, §2.

27
CHAPITRE II : L’ACTION EN LEGITIME DEFENSE.
Parler de l’action en légitime défense nous amener à voir dans un premier temps le bien-fondé
de la réaction (Section I), et dans un second temps de la complexité des relations entre
belligérants (Section II).

SECTION I : LE BIEN-FONDE DE LA RÉACTION.


Nous nous intéresserons principalement au déroulement de la réaction (Paragraphe 1) et la
justice privée qui est fortement prohibée (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : LE DÉROULEMENT DE LA RÉACTION.


Le déroulement de la réaction nous amène à voir la nature de la réaction (A), avant
d’envisager son lieu et sa finalité de celle-ci (B).

A- La nature de la réaction.
Au sens de la résolution 3314 de l’AGNU, le recours à la légitime défense ne peut être
envisagé qu’à la suite d’une agression armée. Cependant plusieurs questions existent quant
aux biens dont l’attaque fait naître l’état de légitime défense. Si l’attaque est dirigée contre
des biens qui se situent sur le territoire terrestre, aérien ou maritime de l’Etat, la question ne
pose pas, car naturellement l’Etat peut invoquer son droit de légitime défense comme le
prévoit la Charte. Mais elle se pose lorsque l’attaque est dirigée contre des biens de l’État qui
se trouvent hors de son territoire échappant ainsi à sa souveraineté. Peut-on invoquer le droit
de légitime défense dans ce cas ? À cette question, la doctrine répond positivement à cette
interrogation89.

Néanmoins une exception est faite lorsque l’atteinte à l’intégrité territoriale d’un État ou à
certains de ses biens résulte de mesures coercitives décidées par l’Organisation des Nations
unies. Dès lors, ces mesures « entreprises conformément à la Charte des Nations Unies, soit
directement par le Conseil de sécurité, soit avec son autorisation en vertu d’accords régionaux
ou par des organismes régionaux, ne peuvent évidemment pas créer un état de légitime
défense. Les mesures coercitives ont pour but d’assurer le maintien ou la restauration de la
paix internationale et sont donc prises dans l’intérêt général de l’humanité. Elles ne sauraient
donc jamais être qualifiées d’agressions armées »90.

89 Voir notamment Alfred Verdross, Völkerrecht, Springer, Vienne, 1964, 5e éd., page 428
90 Jaroslav Zourek, « La notion de légitime défense en droit international », AIDI, 1975, page 61.

28
La réaction en légitime défense doit être de nature à répondre une agression armée. Un Etat ne
peut prétendre intervenir en légitime défense sans que ce dernier se soit victime d’une attaque
armée. C’est dans ce sens que la CIJ dans son avis de 2004 a conclu que la légitime défense
dans le cas de la construction du mur de protection israélien en territoires occupés, ne pouvait
être invoquée parce que le différend n’était pas de nature interétatique. En outre dans
l’hypothèse où cette affaire serait une affaire interétatique, la construction du mur ne peut être
constitutive d’une mesure de légitime défense, car elle ne saurait impliquer l’emploi de la
force armée.

De ce qui précède, on peut retenir qu’une réaction en légitime défense implique


nécessairement l’emploi de la force armée. Dans sa jurisprudence, la CIJ le reconnait
implicitement en ce sens que dans l’affaire relative aux Activités militaires et paramilitaires
au Nicaragua, les juges de La Haye estimaient que « sur le plan du droit, la Cour ne saurait
considérer la riposte à une intervention du Nicaragua comme une telle justification.
L’agression armée ouvrirait un droit à la légitime défense collective, mais un recours à la
force d’une moindre gravité ne saurait, comme la Cour l’a déjà indiqué (paragraphe 211),
autoriser des contre-mesures collectives impliquant l’emploi de la force. Les faits reprochés
au Nicaragua, à supposer même qu’ils aient été établis et qu’ils lui soient imputables,
n’auraient pu justifier des contre-mesures proportionnées que de la part de l’État qui en aurait
été victime, c’est-à-dire, El Salvador, le Honduras ou le Costa Rica. Ils ne sauraient justifier
des contre-mesures prises par un État tiers, les États-Unis, et en particulier une intervention
impliquant l’usage de la force »91.

La nature de la réaction ainsi analysée, nous sommes donc amenés à voir dans quel espace
peut se dérouler la réaction de l’État agressé et quelle peut être sa finalité.

B - Le lieu et la finalité de la réaction.


S’agissant du lieu de la réaction, les États ne bénéficient pas d’une entière liberté pour porter
l’attaque. Le lieu de la réaction est soumis à certaines limites. Entre autres, des actions ne
peuvent être envisagées contre des États tiers. Les opérations militaires ne peuvent se dérouler
que sur des espaces territoriaux restreints. À ce propos, nous pouvons prendre l’exemple de
l’invocation du droit de légitime défense contre l’Argentine par le Royaume-Uni dans
l’affaire des Malouines. Aucun des deux États n’a envisagé une réaction en dehors de la zone

91CIJ, Arrêt, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, 27 juin 1986, Recueil,
1986, page 127, §249.

29
géographique de l’archipel. Il est ainsi admis par les États que la légitime défense ne peut être
circonscrite au lieu de commission de l’agression armée. Bien que parfois mise à mal,
notamment par les États-Unis92, c’est une pratique qui est quasi unanime. Cependant, certains
comportements étatiques tendent à démontrer que l’on ne saurait accepter le principe selon
lequel la légitime défense ne devrait s’exercer que sur le territoire de l’État agressé. Ici il
s’agit du cas où l’agression est faite dans le territoire même de l’État. Mais qu’en est-il du cas
où l’agression est faite par exemple sur un navire en haute mer battant pavillon de l’État
agressé93 ? Plus encore qu’en est-il du cas où l’Etat est victime d’une agression armée sur le
territoire d’un autre État94.

Dans le cas où l’agression est faite contre un navire battant pavillon, il n’existe pas de raisons
pour que la solution soit différente de l’hypothèse selon laquelle l’agression est directement
menée contre le territoire de l’État victime. Dans le second cas qui est un peu complexe, non
seulement l’Etat dont les ressortissants ont été victimes pourra réagir, mais l’Etat sur le
territoire duquel a été perpétrée l’agression armée, du fait de la violation de son intégrité
territoriale, pourra également invoquer l’article 51 de la Charte.

La principale limite que pose le droit international par rapport au lieu de la réaction est que, si
l’État victime peut intervenir sur le territoire de l’État agresseur, sa réaction ne peut être
animée que par un motif défensif.

En ce qui concerne la finalité de la réaction, avant la Seconde Guerre mondiale, l’idée selon
laquelle la réaction en légitime défense pouvait avoir une finalité punitive était défendue. En
effet ces défenseurs estimaient que le droit international reconnaissait une responsabilité
pénale de l’État et, par-là même, un délit international pouvant être sanctionné par une peine

92
A titre d’exemple nous pouvons citer les actions en légitime défense de la Malaisie contre
l’Indonésie en 1963 et 1964, de l’Ethiopie contre la Somalie en 1977, du Congo contre le Katanga en
1978, du Tchad en 1976 et 1983, du Mozambique en 1975, de l’Angola en 1975 et 1988, du
Cambodge en 1979, du Sri Lanka en 1984, du Yémen, en 1962 ou encore de l’Afghanistan en 1980.
Notons cependant que depuis quelques années, les Etats-Unis, lorsqu’ils agissent sur le fondement
de la légitime défense, optent pour des opérations d’envergure. L’intervention menée contre
l’Afghanistan suite aux attentats du 11 septembre 2001 est particulièrement frappante à ce sujet. On
peut toutefois douter de l’impact de cette pratique du fait qu’il est fortement contesté que l’action des
Etats-Unis relève véritablement du droit de légitime défense tel que l’entend l’article 51 de la Charte
des Nations unies.
93 On peut également envisager l’hypothèse de la destruction d’un ou de plusieurs avions dans

l’espace aérien international. La question demeure la même. L’Etat dont les avions ont
l’immatriculation peut-il réagir sur le fondement du droit de légitime défense et, si la réponse est
affirmative, comment peut-il le faire ?
94 On peut également envisager l’hypothèse dans laquelle les ressortissants d’un Etat étranger sont

précisément visés par l’agression comme ce fut le cas lors des attentats contre les ambassades
américaines en Tanzanie et au Kenya en 1997.

30
se situant dans le domaine des représailles. Cette idée fut notamment battue en brèche après la
Guerre avec l’adoption de la Charte. À cet effet, la majorité de la doctrine considérait que «
même si un acte illicite du droit international, tel que le recours à une guerre illicite, est
parfois appelé un crime, la responsabilité collective de l’État pour un tel acte n’est pas une
responsabilité pénale, car les représailles et la guerre n’ont pas le caractère spécifique d’une
peine »95. Ainsi, aucune distinction n’est faite par le droit international entre la responsabilité
civile et la responsabilité pénale telle qu’elle existe en droit interne.

Un caractère punitif sous peine d’être contraire au droit international, ne peut donc être le but
d’une réaction fondée sur l’article 51 de la Charte. Une autre finalité est poursuivie par la
réaction en légitime défense et « il serait absolument erroné de croire que la légitime défense
puisse elle aussi être définie comme une forme de sanction, même en précisant qu'il s'agirait
d'une sanction applicable à un type de fait illicite déterminé. “Légitime défense” et “sanction”
sont des réactions ayant trait à des moments différents, et, surtout, logiquement distincts.
D'ailleurs, comme son nom l'indique, l'action menée en état de légitime défense est une action
par laquelle un État vise à défendre son intégrité territoriale ou son indépendance contre une
attaque violente, une action qui oppose un emploi “défensif” de la force à un emploi
“offensif” de la même force, ceci […] dans le but d'empêcher l'action illicite d'autrui de se
dérouler, d'aboutir, d'atteindre ses buts »96.

PARAGRAPHE 2 : L’INTERDICTION DE LA JUSTICE PRIVÉE.


L’interdiction de la justice privée nous emmène à avoir de facto que les représailles armées
sont prohibées (A). En outre nous verrons aussi l’ambigüité entre le droit de conservation et le
droit de légitime défense (B).

A- La prohibition des représailles armées.


Depuis de longue date, les représailles armées sont interdites dans la mesure où elles sont
incompatibles avec l’interdiction générale du recours à la force. L’illégalité des représailles
est affirmée par les organes principaux de l’ONU. Ainsi, après les attaques effectuées par le
Yémen en 1964, le CDS avait condamné les représailles en les considérants comme étant

95Hans Kelsen, « Théorie du droit international public », RCADI, 1953-III, vol. 84, page 88.
96Linos-Alexandre Sicilianos, Les réactions décentralisées à l’illicite : des contre-mesures à la légitime
défense, op. cit., page 56.

31
incompatibles avec les buts et les principes des NU97. En outre, l’AGNU dans sa résolution
2625 confirme que « les États ont le devoir de s’abstenir d’actes de représailles impliquant
l’emploi de la force »98.

Bien avant le CDS et l’AGNU, la CIJ s’était déjà penchée sur la question et estimait que « le
prétendu droit d’intervention ne peut être envisagé par elle que comme la manifestation d’une
politique de force, politique qui, dans le passé, a donné lieu aux abus les plus graves et qui ne
saurait, quelles que soient les déficiences présentes de l’organisation internationale, trouver
aucune place dans le droit international »99. Plus loin, elle estimait que « l’agression armée
ouvrirait un droit à la légitime défense collective, mais un recours à la force d’une moindre
gravité ne saurait […] autoriser des contre-mesures collectives impliquant l’emploi de la
force. »100

La licéité ou non du recours à la force est établie par la finalité des réactions, car, il est
souvent difficile dans la pratique, de distinguer les représailles armées illicites d’une réaction
fondée sur le droit de légitime défense. Face à cela, la majorité de la doctrine est pour le
principe selon lequel la légitime défense ne peut avoir qu’un but défensif. Les représailles ont
une finalité punitive et ainsi vont au-delà de la simple défense. Elles cherchent à imposer
réparation du préjudice causé et réfutent un règlement satisfaisant du différend crée par l’acte
illégal initial. Il en découle donc que la légitime défense et les représailles n’ont pas la
finalité. Ainsi « Le but des représailles est de faire cesser l’activité ou l’omission
dommageable et, le cas échéant, de forcer l’État fautif à réparer le dommage causé, tandis que
la légitime défense n’a d’autre but que de repousser l’agression armée et, dans certains cas,
d’en empêcher la répétition. »101

97
Conseil de sécurité, résolution 188, 9 avril 1964, §1. Voir également, les résolutions du Conseil de
sécurité 111 du 19 janvier 1956, 171 du 9 avril 1962, 316 du 26 juin 1972, 332 du 21 avril 1973, 487
du 19 juin 1981, 527 du 15 décembre 1982, 573 du 4 octobre 1985.
98 Assemblée générale, résolution 2625, 24 octobre 1970, Déclaration relative aux principes du droit

international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la
Charte des Nations Unies. Dans le même sens, on peut également citer la résolution 36/103 relative à
l’inadmissibilité de l’intervention et de l’ingérence dans les affaires intérieures des Etats par laquelle
l’Assemblée générale rappelle « le devoir d’un Etat de s’abstenir de recourir à toute intervention
armée, subversion, occupation militaire ou à toute autre forme d’intervention ou d’ingérence, avouée
ou dissimulée, dirigée contre un autre Etat ou groupe d’Etats, ou à tout actes d’ingérence militaire,
politique ou économique dans les affaires intérieures d’un autre Etat, y compris des actes de
représailles impliquant l’emploi de la force ». Voir également par exemple la résolution 41/38 de
l’Assemblée générale du 20 novembre 1986.
99 CIJ, arrêt, Détroit de Corfou, 9 avril 1949, Recueil, 1949, page 35.
100 CIJ, arrêt, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, 27 juin 1986, Recueil,

1986, page 127, §249.


101 Jaroslav Zourek, « La notion de légitime défense en droit international », op. cit., page 60.

32
B - L’ambiguïté entre le droit de conservation et la légitime défense.
Le droit de conservation a parfois été tenté d’être assimilé au droit de légitime défense. Étant
le premier des droits des États et le plus absolu, il est reconnu à tout État en vertu de son
existence même le droit d’exister, de se maintenir et de se développer. Il offre des possibilités
très importantes de recours à la force.

À ce propos, la doctrine reconnait que « le premier et le plus important de tous les droits
nationaux, celui qui sert de base fondamentale à la plupart des autres, est le droit de
conservation. Toute personne morale, du moment où son existence est légitime, a le droit de
pourvoir au bien-être et à la conservation de cette existence. Les sociétés politiques ou États
souverains légitimement établis jouissent donc aussi de ce droit. Le droit de conservation de
soi-même implique nécessairement tous les autres droits incidents qui sont essentiels pour
arriver à cette fin. Parmi ces droits se trouve celui de repousser, au préjudice de l’agresseur,
les attaques injustes dont l’État ou ses citoyens pourraient être l’objet. Cette modification du
droit de conservation est ce que l’on nomme le droit de légitime défense »102. Cette
conception n’a que très peu des choses en commun avec l’esprit de l’article 51. Néanmoins, la
doctrine n’est pas unanime et il existe de ce fait certaines confusions notamment avec
l’introduction de nouvelles notions telles les doctrines de nécessité ou l’intervention103.

De cette confusion, est créé le concept d’autoprotection ou self-help. Le but est ici de
regrouper les justifications diverses et variées des États pour recourir à la force en une notion
unique englobant tout le reste. Cette notion donne une très grande liberté aux États dans
l’emploi de la force armée dans un système où prévalait la justice privée.

Par rapport à cette doctrine, Kofi Annan estimait que cette doctrine « représente un
changement fondamental par rapport aux principes sur lesquels la paix et la stabilité du
monde reposent depuis cinquante-huit ans, même de manière imparfaite »104. Il ajouta que « si
elle est adoptée, elle pourrait créer des précédents qui multiplieraient un recours à la force
unilatéral et sans fondement juridique, avec une justification crédible ou non ». Par ces
propos, il appelle les États à respecter les obligations qui découlent du droit international tel
qu’il existe aujourd’hui.

102
Henry Wheaton, Eléments de droit international, F. A. Brokhaus, Leipzig, 1874, 5e éd., volume 1,
page 76.
103 Voir Robert Kolb, « La légitime défense au XIXe et pendant l’époque de la Société des Nations »,

op. cit., pages 25 à 70 ; Jaroslav Zourek, « La notion de légitime défense en droit international », op.
cit., pages 21 et 22.
104 Discours devant l’Assemblée générale des Nations unies reproduit in Le Monde, 24 septembre

2003.

33
SECTION II : LA COMPLEXITÉ DES RELATIONS ENTRE
BELLIGÉRANTS.
Tout d’abord nous verrons l’auteur de la réaction en légitime défense (Paragraphe 1) avant de
voir les destinataires de la réaction en légitime défense (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : L’AUTEUR DE LA RÉACTION EN LÉGITIME


DÉFENSE
Nous verrons les auteurs prévus par la Charte des NU (A) ainsi que les cas échappant aux
dispositions de l’article 51 tel que le droit de neutralité (B).

A- Les auteurs prévus par la Charte des NU.


La réaction en légitime défense doit s’apparenter à une réaction qu’à une action parce qu’elle
intervient suite à un élément déclencheur qu’est l’agression armée. Selon la Charte des NU,
seul un de ses membres qui sont des entités étatiques peut exercer ce droit. L’auteur de la
réaction est soumis à plusieurs conditions telles que : il doit être un État membre de
l’Organisation et il doit avoir été victime d’une agression armée.

L’article 51 est un instrument permettant le règlement d’un conflit entre deux Etats :
l’agresseur et l’agressé. Le droit de légitime défense est ainsi conçu comme étant une réponse
apportée par l’État victime d’une atteinte dans ces droits envers l’État auteur de cette violation
du droit international. Si ce droit tendait à être cantonné dans un rapport bilatéral, aujourd’hui
il tend à être dépassé au profit d’une approche multilatérale voir universelle remettant ainsi en
cause le modèle classique des conflits bilatéraux. Ainsi, non seulement le ou les États
victimes directement de l’agression peuvent invoquer le droit de légitimes défenses, mais
aussi les États qui, par un mécanisme juridique, vont se considérer comme étant touchés par la
violation grave d’une norme impérative du droit international qu’est l’interdiction du recours
à la force.

Si l’État agressé doit être impérativement membre de l’organisation, qu’en est-il de l’État
auteur de la violation ou de l’État agresseur ? Concernant l’agresseur, la réponse paraît
relativement simple. Il ne serait pas raisonnable de circonscrire le droit de légitime défense
dans la seule hypothèse ou l’agression armée serait le fait d’un État membre de l’organisation.

En effet, rappelons le contexte de la création de la Charte. C’était au lendemain de la Seconde


Guerre mondiale et les États vainqueurs et alliés craignaient une revanche. Il semble que
l’article 51 soit conçu pour prévenir une agression armée d’un État non membre de
34
l’Organisation, car la menace ne semble pas pouvoir venir des membres des NU. La légitime
défense, tant individuelle que collective, paraît pouvoir naître suite à une agression armée que
celle-ci soit le fait d’un État qui soit ou non membre de l’ONU.

B - Le droit de neutralité et la Charte.


Quelques questions ont été laissées en suspens par la Charte des NU notamment le problème
de la neutralité. La neutralité est définie comme un droit reconnu à un État de décider, de
manière unilatérale, de ne pas participer à une guerre. Néanmoins une distinction entre la
neutralité d’un Etat par rapport à un conflit précis et la neutralité perpétuelle doit être faite 105.
La neutralité perpétuelle oblige juridiquement un État à être neutre, quel que soit le conflit.

Avec l’évolution de la société internationale et des relations conflictuelles, le droit de la


neutralité a également muté. Ainsi la nouvelle distinction qui est faite, est entre la neutralité
intégrale et la neutralité différentielle. La neutralité intégrale est celle qui confère à l’État qui
l’invoque des droits et des obligations. S’agissant de ses obligations, il est permis à l’État
d’entretenir des relations commerciales avec les belligérants, mais il doit s’abstenir de prendre
part aux hostilités ou de favoriser l’une des parties. Quant à ses droits, il a droit au respect de
son intégrité territoriale. De ce fait, les belligérants ont l’obligation de ne pas violer ses
espaces. Si par son comportement, l’Etat est considéré comme un ennemi par les belligérants,
ces derniers peuvent à tout moment, sauf en cas de neutralité perpétuelle décider de lever la
neutralité de l’État.

Il est cependant difficile de concilier le droit de neutralité avec la Charte des Nations unies.
En effet, lors des travaux préparatoires, la neutralité était considérée par certaines délégations
comme étant incompatible avec le statut de membre de l’organisation. À ce propos, lors de
l’étude du paragraphe 5 de l’article 2, l’expression « sans qu’un État puisse, pour s’y
soustraire, invoquer un statut de neutralité » avait été proposée par la France. Ici c’est la
neutralité permanente qui est souhaitée. La position selon laquelle le statut de neutralité

105 A ce sujet, il convient de signaler que « la neutralité perpétuelle est généralement garantie par un
traité multilatéral. Tel a été le cas de la Belgique (traités de 1831 et 1839), du Luxembourg (1867) du
Laos (1962), de la Suisse (Acte final de la Conférence de Vienne, 1815, confirmé par les Traités de
paix de 1919) ou de l’Autriche (Traité d’Etat de 1955). Excepté dans ces deux derniers cas, cette
garantie internationale n’a pas empêché les Etats “perpétuellement neutres” de subir des agressions
étrangères. Malgré ces échecs, le statut de neutralité permanente demeure attractif : Malte s’est
déclarée perpétuellement neutre en 1982 et le Costa Rica en 1983 et ces deux pays ont cherché à
faire reconnaître leur neutralité par les Puissances. (L’Acte final d’Helsinki de 1975 reconnaît aux
participants le droit à la neutralité et le document de clôture de la réunion de Madrid en 1983 sur les
suites de la CSCE “prend note” de la Déclaration maltaise) ». Voir Nguyen Quoc Dinh, Alain Pellet et
Patrick Daillier, op. cit., page 985.

35
permanente est incompatible avec les paragraphes 5 et 6 de l’article 2 avait été soutenue par le
délégué français. Il ne permettrait pas aux États de se conformer aux obligations qui leur
incombent du fait de leur statut de membres de l’Organisation des Nations unies106. Au regard
du paragraphe 5 de l’article 2, « les Membres de l'Organisation donnent à celle-ci pleine
assistance dans toute action entreprise par elle conformément aux dispositions de la présente
Charte et s'abstiennent de prêter assistance à un État contre lequel l'Organisation entreprend
une action préventive ou coercitive »107. En outre, l’article 48 paragraphe 1 prévoit que « les
mesures nécessaires à l'exécution des décisions du Conseil de sécurité pour le maintien de la
paix et de la sécurité internationales sont prises par tous les Membres des Nations Unies ou
certains d'entre eux, selon l'appréciation du Conseil ». Dans la mesure où les Etats doivent
mettre à disposition de l’Organisation les moyens nécessaires à l’exécution de la décision,
cette dernière est donc incompatible avec la neutralité.

Il convient cependant de préciser que le recours au droit de légitime défense peut engendrer
des conséquences pour l’État qui l’invoque, notamment au regard du statut de la neutralité.
Reste désormais à savoir contre qui l’action en légitime défense peut être dirigée.

PARAGRAPHE 2 : LES DESTINATAIRES DE LA RÉACTION EN


LEGITIME DEFENSE.
La réaction en légitime défense doit être dirigée contre l’État auteur de l’agression armée (A).
Cependant l’agression peut également être le fait de plusieurs États ou des États membres
d’une organisation internationale (B).

A- La réaction contre l’État agresseur.


Nous analyserons les conditions d’identification de l’État auteur d’une agression armée. La
responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite doit être le motif de condamnation
de ce dernier. Si lorsque l’agression n’est le fait que d’un seul Etat l’identification est facile,
elle devient plus difficile lorsque c’est le fait de plusieurs États.

Pour savoir comment une agression armée peut être attribuée à un État, il suffit de résoudre le
problème de l’imputation108. L’agression armée est ainsi considérée comme une violation

106 Voir UNCIO, vol. 6, pages 459 et 460.


107 Sur cette question, voir Charles Chaumont, « Les Nations Unies et la neutralité », RCADI, 1956-I,
volume 89, pages 1 à 59.
108
Sur la question de l’imputation, voir Luigi Condorelli, « L'imputation à l'Etat d'un fait
internationalement illicite : solutions classiques et nouvelles tendances », RCADI, 1984-VI, volume
189, pages 9 à 222.

36
grave d’obligation découlant d’une norme impérative du droit international de nature à
engager la responsabilité de l’État qui l’a commise par le second projet de la CDI. Ainsi dans
l’article 4 du projet, « le comportement de tout organe de l’État est considéré comme un fait
de l’État d’après le droit international, que cet organe exerce des fonctions législatives,
exécutives, judiciaires ou autres, quelle que soit la position qu’il occupe dans l’organisation
de l’État, et quelle que soit sa nature en tant qu’organe du gouvernement central ou d’une
collectivité territoriale de l’État ». Dès lors, s’il est démontré que l’action a été commise au
nom de cet État, peu importe l’auteur du fait au niveau interne, le fait lui sera imputable. En
outre le projet ajoute que la responsabilité de l’État peut être engagée par le fait d’un agent
incompétent, d’un fonctionnaire de fait voire d’un particulier agissant en son nom109.

Comme nous l’avons déjà souligné plus haut, lorsque l’agression armée émane de plusieurs
États, il devient difficile de savoir contre qui la riposte sera dirigée. Alors pour connaitre le
type de riposte qui peut être envisagé par l’État victime, il est conseillé d’identifier le degré
d’implication de chaque État. Dès lors, si l’État est considéré comme coauteur ou s’il est
simplement impliqué dans l’agression, la riposte ne saurait être la même que si ce dernier en
était l’auteur. En droit international, on définit le coauteur d’un fait illicite comme étant des
« États dont les agissements identiques ou parallèles convergent vers la réalisation d’une
violation d’une obligation internationale. L’exemple type de cette situation est celui de deux
ou plusieurs États alliés dont les forces armées, agissant de concert, se livrent à une agression
contre un autre État »110. À titre d’exemple, nous pouvons prendre le cas de la crise des
missiles de 1962 où en fournissant des missiles que Cuba avait pointés vers le territoire des
États-Unis, l’ex-URSS et Cuba étaient considérés comme coauteurs d’une violation du droit
international. Les mesures de quarantaine et de blocus prises à l’encontre de l’État cubain
étaient donc justifiées, car un État victime d’une agression faite par plusieurs Etat peut
riposter contre l’ensemble de ses agresseurs.

Cependant certaines nuances ont été introduites par l’article 16 du projet du projet de 2001 de
la CDI qui prévoit que : « l’État qui aide ou assiste un autre État dans la commission du fait
internationalement illicite par ce dernier est internationalement responsable pour avoir agi de
la sorte dans le cas où : a) ledit État agit ainsi en connaissance des circonstances du fait

109 Voir supra. CIJ, arrêt, Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, 24 mai
1980, Recueil, 1980, page 35, §74 ; CIJ, arrêt, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci, 27 juin 1986, Recueil, 1986, pages 64 et 65, §115
110 Linos-Alexandre Sicilianos, Les réactions décentralisées à l’illicite : des contre-mesures à la

légitime défense, op. cit., page 71.

37
internationalement illicite; et b) le fait serait internationalement illicite s’il était commis par
cet État ». Dans tous les cas, le principalement responsable est l’État auteur, l’autre État ayant
simplement un rôle d’appui. Agissant sur le fondement du droit de légitime défense, l’État
victime d’une agression armée pourra directement réagir contre l’Etat ou les États auteurs de
cette violation du droit international.

B - La réaction contre les États membres d’une organisation internationale.


Lorsqu’un État non membre d’une organisation internationale est victime d’une agression
armée par cette dernière, il pourra riposter contre l’organisation conformément aux règles
classiques de la responsabilité. Se pose alors une interrogation par rapport aux États membres
de l’organisation. Il s’agit ici de savoir si ces États membres sont considérés comme des
coauteurs, des auteurs ou dans une moindre des tiers.

Par rapport à l’infraction commise par l’organisation internationale, les États membres ne
peuvent être considérés comme des tiers. Ils ne peuvent donc pas exciper leur personnalité
juridique distincte pour se mettre hors de cause. Ils y ont contribué rien qu’en votant par le
biais de leurs représentants au sein de l’organe qui a pris la décision 111. Il ne peut avoir une
séparation de la personnalité juridique d’une organisation de celle de ses membres de manière
générale et absolue par le droit international112.

En outre les États membres ne peuvent être considérés comme des coauteurs ou des auteurs,
car un « État coauteur ou un État impliqué est responsable à titre personnel vis-à-vis de l’État
lésé, alors que les États membres, pris individuellement, n’encourent pas de responsabilité
internationale pour le fait de l’organisation »113. Bien que visant l’organisation internationale,
les contre-mesures qui seront prises par l’État victime pourront directement affecter les États
membres. Malheureusement des travaux n’ont pas encore été menés par la CDI et la
responsabilité des organisations internationales est calquée sur les règles régissant la
responsabilité internationale des États.

Lors de la rédaction de la Charte, l’agression armée d’un Etat par une organisation
internationale n’avait pas été prévue. L’article 51 et le droit de légitime défense n’était conçu

111
Linos-Alexandre Sicilianos, Les réactions décentralisées à l’illicite : des contre-mesures à la
légitime défense, op. cit., page 72.
112 Paul Reuter, « Premier rapport sur la question des traités conclus entre Etats et organisations

internationales ou entre deux ou plusieurs organisations internationales », ACDI, Document


A/CN.4/258, 1972, vol. II, page 199, §38.
113 Linos-Alexandre Sicilianos, Les réactions décentralisées à l’illicite : des contre-mesures à la

légitime défense, op. cit., page 72.

38
que dans une relation exclusivement interétatique. C’est-à-dire une agression armée faite par
un État contre un autre État. Qu’à cela ne tienne, les États ne pourront se réfugier derrière
l’organisation pour s’exonérer de leur responsabilité du fait de la réalisation d’une agression
armée. L’organisation s’efface ainsi devant l’action des États et sur le fondement du droit de
légitime défense, l’État victime pourra directement agir contre ces États.

39
PARTIE II : L’INSTRUMENTALISATION DE LA
LEGITIME DEFENSE.
L’instrumentalisation du droit de légitime défense s’explique, par le fait qu’une partie de la
société internationale a tendance à avoir une interprétation dénaturée du droit de légitime
défense. En effet, pour éliminer une menace imminente proche ou lointaine, il est reconnu
notamment par une partie de la doctrine américaine que le droit international coutumier ou
classique permettrait à un État de lancer une opération militaire. Néanmoins l’existence d’un
tel droit justifierait le fait que le recours à la force ait été élaboré par la Charte dans le but de
pouvoir user de la force contre les États tiers sans se retrouver en état de guerre avec eux114.

En reconnaissant qu’un État pouvait se défendre sans qu’il ait été au préalable victime d’une
agression armée comme l’exige l’article 51 de la Charte, cette doctrine développerait ainsi un
droit de légitime défense préventive. Se pose alors la question de savoir ce que le droit
international ou coutumier pense face à cela. Il convient dans un premier temps de voir la
position du droit international face à la légitime défense préventive (Chapitre I). Dans un
second temps, pour mieux cerner cette notion, il nous semble également opportun de voir la
pratique de certains États face à la légitime défense préventive (Chapitre II).

114 Jean Delivanis, La légitime défense en droit international public (le droit international face à ses
limites), Thèse pour le doctorat d’État, université de Caen, Faculté de droit et sciences économiques,
Juin 1969, p. 1.

40
CHAPITRE I : LE DROIT INTERNATIONAL FACE A LA LEGITIME
DEFENSE PREVENTIVE.
Le droit international coutumier ne reconnait pas la légitime défense préventive et ce malgré
que, ses défenseurs s’appuieraient sur des faits historiques qui n’ont d’ailleurs aucune base
juridique (Section I). En outre, cette absence de reconnaissance est également réaffirmée par
l’article 51 de la Charte de l’ONU (Section II).

SECTION I : ABSENCE D’AUTORISATION DE LA LEGITIME


DEFENSE PREVENTIVE PAR LE DROIT INTERNATIONAL
COUTUMIER PREEXISTANT.
L’absence d’autorisation de la légitime défense préventive par le droit international coutumier
préexistant, s’expliquerait par le fait que ce droit n’est pas été consacré par le droit coutumier
antérieur à la Charte (Paragraphe 1). Plus encore, cette absence est réaffirmée par le jugement
du tribunal de Nuremberg (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : ABSENCE DE CONSÉCRATION D’UNE LEGITIME


DEFENSE PREVENTIVE PAR LE DROIT COUTUMIER ANTÉRIEUR
À LA CHARTE.
Les partisans de la légitime défense préventive avancent l’argument selon lequel, l’article 51
n’a pas porté atteinte à la règle coutumière préexistante. Il nous semble donc nécessaire de
présenter cette thèse (A) avant d’exprimer quelques doutes à son égard (B).

A- La thèse : le renvoi à l’affaire de la Caroline.


La célèbre affaire du Caroline qui opposa les États-Unis et la Grande-Bretagne en 1837 est
considérée par plusieurs doctrinaires comme étant l’origine de la légitime défense préventive.

Une insurrection des canadiens contre le gouvernement britannique éclata pendant l’année
1837. Indépendamment de la position officielle de leur gouvernement, de nombreux citoyens
américains venaient en aide aux insurgés en leur fournissant à titre privé des aides matérielles.
Le ravitaillement des troupes et la relève des volontaires étaient assurés entre le territoire
américain et l’île de Navy, par un navire de cabotage « Caroline ». Dans la nuit du 29 au 30
décembre 1837, par le fleuve du Niagara, soixante-dix soldats de Sa Majesté Victoria basés au

41
Canada traversèrent la frontière avec les États-Unis115. Malgré que le navire se trouvait sur le
territoire américain, il fut pris d’assaut et incendié aux chutes du Niagara par les soldats
britanniques. Au cours de cet assaut, deux américains furent tués et parallèlement, un officier
britannique fut arrêté par les autorités américaines et fut menacé de poursuites pour assassinat
et destruction de biens.

Afin de déterminer la licéité de l’action des forces anglaises, des négociations entre les
autorités américaines et britanniques sont entreprises. Après les négociations, il s’ensuit un
échange de lettres entre le secrétaire d’État américain aux affaires étrangères Daniel Webster
et le ministre britannique Henry Stephen FOX. Ce dernier, à une note de protestation de John
Forsyth répondait que « le caractère du bateau pirate du navire à vapeur « le Caroline » et la
nécessite de légitime défense et d'autoprotection qui forceront les sujets de Sa Majesté à
détruire ce navire semble être établis avec suffisamment de certitudes... ». Répondant par une
construction restrictive de la légitime défense théorisée par les britanniques, les américains
calquaient sur les règles du droit interne en reconnaissant qu'une action militaire en territoire
étranger pouvait se justifier dans le cas : « d'une nécessite de légitime défense, urgente,
irrésistible, et ne laissant ni le choix des moyens ni le temps de délibérer »116. Dès lors nous
constatons alors une législation ou tout au moins une reconnaissance du droit de légitime
défense.

Si cette affaire fut résolue par des excuses du gouvernement britannique, elle est considérée
aujourd’hui comme le « Locus classicus » en matière de légitime défense préventive et que ni
l'évolution du droit international ni le développement des règles du « jus contra bellum », ni
même l'avènement de la Charte et du système de sécurité collective n'ont pu faire
disparaître117.

115
Théodore CHRISTAKIS, « existe-t-il un droit de légitime défense en cas de simple ‘’menace ‘’ ?
Une réponse au « groupe de personnalités de haut niveau de l'O.N.U.» » Article disponible sur site :
file:///C:/Users/dts/Documents/memoire/article_t_christakis_droit_legitime_defense.pdf (consulté le
20/03/2019 à 2h44).
116 Cette célèbre formule appartient au Secrétaire d’Etat américain Daniel Webster dans une note

adressée à son homologue britannique le 24 avril 1841. Quelque mois plus tard, le 7 décembre 1841,
le Président Tyler reprenait l’idée en affirmant dans un message au congrès que « son gouvernement
ne pourrait jamais autoriser aucun gouvernement étranger quel qu’il soit, sauf en cas de nécessité la
plus urgente et la plus extrême, à envahir son territoire, que ce fût pour arrêter des personnes ayant
violé le droit interne de ce gouvernement étranger ou pour détruire leurs biens ». La traduction
française de ces textes figure in rapport de la CDI, A/56/10 ; 2001, p. 210.
117 Théodore Christakis, Vers une reconnaissance de la notion de guerre préventive, in l'intervention

en Irak et le droit international, Éditions Pedone, Paris 2004, p. 16.

42
B - La réfutation de cette thèse.
Présenter l’affaire du « Caroline » comme étant le « locus classicus » de la légitime défense
viendrait à faire fausse route. Plusieurs raisons peuvent être soulevées.

Premièrement, le recours à la force n’était pas prohibé au début du XIXe siècle. Autrement dit
à cette époque la guerre est juste du moment où l’État avait des motifs légitimes. Ici on
constate une confusion qui prévaut encore entre le droit au sens strict et les considérations
subjectives de justice, qui étaient laissées à l'appréciation unilatérale des États118. Ainsi le cas
du Caroline ne peut être purement et simplement transposé à une époque où la Charte des
Nations unies est rentrée en vigueur119. En outre, « l’illicite qu’on voulait prévenir n’émanait
pas d’Etats, mais d’individus, et il faut ajouter que les Etats d’où provenaient ces individus
n’étaient aucunement responsables »120. Avec l’instauration de la Charte des Nations Unies,
les relations interétatiques ont changé d'objectif ; finies les guerres justes et apparition des
guerres discrétionnaires : c'est « le jus ad bellum » généralisé121.

Deuxièmement, l’incident du Caroline n’a jamais été classé comme un « locus classicus » en
matière de jus ad bellum par les auteurs du XIXe et du début du XXe siècle. La référence à ce
cas par ces derniers est fait dans le cadre de l’analyse de la neutralité, du droit d’inviolabilité
du territoire neutre et des éventuelles exceptions122, voir du droit de nécessité et
d’autoconservation en général. Sous l’impulsion de Roberto Ago, la CDI a « reclassé »
l’affaire Caroline en soulignant que « l’incident du « Caroline » de 1837, bien que souvent
cité comme un cas légitime défense, faisait en réalité intervenir l’excuse de nécessité à une
époque où le droit de régissant l’emploi de la force ne reposait pas du tout sur les mêmes
bases qu’aujourd’hui »123. En plus les premiers pas du jus ad bellum contemporain remontent
à la période de l’entre-deux-guerres avec, surtout, le Pacte de la SDN de 1919 et le Pacte de
Paris de 1928. Donc, considérer l’affaire du « Caroline » comme un précédent donnant

118
Olivier Corten, Le retour des guerres préventives, Le droit international menacé, Éditions Labor.
Bruxelles 2003. p.14.
- Voir aussi : Joe Verhoven, Libres propos sur le « statut » de la légitime défense en droit international,
In « Légitime défense », colloque organisé pour l'université de Poitiers S/D de Rahim Kherad, du 05
au 06 octobre 2006, LARAG, Paris 2008, p. 266.
119 Voir Théodore Christakis, « Vers une reconnaissance de la notion de guerre préventive ? », in

Karine Bannelier, Théodore Christakis, Olivier Corten et Pierre Klein (ss. dir.), L’intervention en Irak et
le droit international, Pedone, Paris, 2004, page 18.
120 Antonio CASSESE, « L’article 51 », in Jean-Pierre Cot, Alain Pellet et Mathias Forteau, La Charte

des Nations unies, commentaire article par article, Economica, Paris, 2005, 3e éd., page 772.
121 Robert Kolb, La violence et le droit international, In A.F.D.I., p. 35.
122 Ainsi par exemple : T. WOOSLEY, introduction to the study of international law, 5e ed., 1878 ; H.

TAYLOR, A treatise on international public law, 1901, p. 688 et T.J. LAWRENCE, the principes of
international law, 6e ed., 1911, p. 609.
123 Rapport de la CDI, A/56/10, 2001, p. 209

43
naissance à un droit de légitime défense préventive comme on l’entend aujourd’hui revient à
avoir des doutes sur l’existence connue d’un tel droit au moment de la rédaction de la Charte
en 1945. Ainsi, pour déterminer si une exception de légitime défense « anticipative »na
accompagné le principe de l’interdiction de l’agression, puis le principe du recours à la force
en général, c’est la période entre les deux-guerres qui est plus pertinente d’un point de vue
normatif.

PARAGRAPHE 2: UNE ABSENCE RÉAFFIRMÉE PAR LE


JUGEMENT DU TRIBUNAL DE NUREMBERG.
Le procès devant le Tribunal de Nuremberg opposait l’Allemagne et la Norvège. Afin de
mieux comprendre la décision du Tribunal, nous exposerons de façon succincte le problème
(A) avant de voir la décision du Tribunal.

A - Exposé des faits.


Le Gouvernement allemand adressait à la Norvège une assurance solennelle après que la
guerre avec la Pologne eut éclaté le 2 septembre 1939. Cette assurance était conçue dans les
termes suivants : « Le Gouvernement du Reich allemand est résolu, en raison des relations
d'amitié existant entre la Norvège et l'Allemagne, à ne porter préjudice en aucune circonstance
à l'inviolabilité et à l'intégrité de la Norvège et à respecter son territoire. En faisant cette
déclaration, le Gouvernement du Reich s'attend naturellement à ce que, de son côté, la
Norvège observe une neutralité irréprochable envers le Reich et il ne tolérera aucune violation
de la neutralité de la Norvège de la part d'un tiers. Si le Gouvernement royal norvégien devait
s'écarter de cette attitude, en favorisant une violation de [216] neutralité de cette nature, le
Gouvernement du Reich serait alors obligé de sauvegarder ses intérêts selon les exigences de
la situation »124. Le 9 avril 1940, l'Allemagne envahit la Norvège. L'idée de cette campagne
prit naissance, semble-t-il, dans l'esprit des accusés Raeder et Rosenberg. En effet le 3 octobre
1939, Raeder avait préparé un mémorandum sur « l'acquisition de bases en Norvège ».

Trois jours plus tard, l’Allemagne donna à la Norvège des assurances supplémentaires qui
disaient notamment : « L'Allemagne n'a jamais eu de conflits d'intérêt, ni même de différends
avec les États nordiques et elle n'en a pas davantage à l'heure actuelle.»

124Voir : Procès des grands criminels de guerre Devant le Tribunal Militaire International Nuremberg
14 novembre 1945-1er octobre 1946 Texte officiel en langue française Édité à Nuremberg, Allemagne
1947 disponible sur site : http://www.legal-tools.org/doc/512713/pdf/ (consulté le 21/03/2019 à 02h19).

44
Néanmoins, l’Allemagne avait tout intérêt à occuper les côtes norvégiennes, car elle devait
perdre beaucoup de terrain si c’était les troupes britanniques qui le faisaient. C’est ainsi que le
10 octobre, Raeder mit Hitler au courant de ces inconvénients. Malgré de nombreuses études
menées à ce sujet par Raeder, Hitler déclara qu'il préférerait que la Norvège observât comme
toute la Scandinavie une attitude de neutralité, car il ne désirait pas étendre le théâtre de la
guerre ou entraîner d'autres nations dans le conflit. Mais si l'ennemi étendait le champ des
opérations, Hitler serait obligé de se défendre contre cette entreprise. Plus tard avec
l’évolution des hostilités, Hitler changea d’avis et le 1er mars, Hitler lança un ordre
concernant l'« Exercice Weser » 125 et contenant le passage suivant: « Le développement de la
situation en Scandinavie exige que soient faits tous les préparatifs en vue de l'occupation du
Danemark et de la Norvège par une partie des Forces armées allemandes. Cette opération doit
empêcher une intervention britannique en Scandinavie et dans la Baltique; de plus, elle doit
protéger notre source de minerai en Suède et donner à notre Marine et à notre Aviation une
ligne de départ plus étendue contre la Grande-Bretagne... Le franchissement de la frontière
danoise et le débarquement en Norvège doivent avoir lieu simultanément... Il est de la plus
haute importance que les États scandinaves ainsi que les pays de l'Ouest soient surpris par nos
mesures. » Le 24 mars, les ordres d'opérations navales relatifs à l’ « Exercice Weser » furent
donnés et suivis le 30 mars par ceux de Donitz, Commandant en chef de la flotte sous-marine.
Le 9 avril 1940, les Forces allemandes envahissaient la Norvège et le Danemark.

B - Le jugement du Tribunal.
Devant le Tribunal, la Défense a prétendu que l'Allemagne s'était vue obligée d'attaquer la
Norvège pour prévenir un débarquement allié et que, par conséquent, ces opérations
revêtaient un caractère préventif. En outre, « La Défense s'est appuyée sur des documents qui
furent saisis plus tard par les Allemands et qui démontreraient que le plan allié, visant à
occuper des ports et des aérodromes de Norvège occidentale, était bien arrêté, malgré son
retard sur les plans allemands qui présidèrent à l'exécution effective de l'invasion. D'après ces
documents, un plan modifié avait été finalement adopté le 20 mars; un convoi devait quitter
l'Angleterre le 5 avril et la pose de mines dans les eaux norvégiennes devait commencer le

125 Après qu’Hitler ait promis de donner son appui financier et confia à un [217] état-major spécial
l'examen des questions militaires que soulevait une campagne en Norvège. Le 27 janvier 1940, Keitel
rédigea un mémorandum concernant les plans d'invasion de la Norvège. Le 28 février, Jodl notait
dans son journal: « Je proposai d'abord au Chef de L'OKW, et ensuite au Führer, que le « Cas Jaune
» (c'est-à-dire l'opération contre les Pays-Bas) et l’« Exercice Weser», (c'est-à-dire l'opération contre,
la Norvège et le Danemark) fussent préparés de manière à être indépendants l'un de l'autre en ce qui
concerne non seulement le moment choisi, mais aussi les forces employées.»

45
même jour; ces documents indiquent aussi que, le 5 avril, la date de départ fut reportée au 8
avril. Quoi qu'il en soit, ces plans ne furent pas la cause de l'invasion allemande. C'est pour
acquérir des bases d'attaque plus efficaces contre l'Angleterre et contre la France que
l'Allemagne occupa la Norvège selon des plans établis bien avant les plans alliés, sur lesquels
on s'appuie aujourd'hui pour invoquer le prétexte de la légitime défense »126.

D’abord l’argument avait été rejeté par le tribunal, car, il le qualifiait de fallacieux en
affirmant qu’acquérir les bases d’attaques avancées pour faciliter l'envahissement de
l’Angleterre et de la France était le seul objectif de l’agression armée contre la Norvège. En
outre, le tribunal en rejetant le motif de légitime défense invoqué par les accusés de « rappeler
qu'une action préventive en territoire étranger ne se justifie que dans le cas d'une nécessité
pressante et urgente de défense, qui ne permet ni de choisir les moyens ni de délibérer »127.

Ensuite, le tribunal a estimé que les critères de nécessité absolue de défense, de menace
imminente n'étaient pas réunis et surtout que la Norvège ne constituait aucune menace
envers l'Allemagne, et ce au regard de sa position de neutralité durant le conflit mondial.

Enfin, le juriste Linos Alexandre Sicilianos estimait que le jugement avait fait, en invoquant
l'affaire de la Caroline, une confusion entre légitime défense et état de nécessité, deux critères
qui n'ont aucune place dans la justification de l'agression allemande contre la Norvège128.

Nonobstant le fait que le cas de la Caroline ait reçu une qualification officielle par le tribunal
de Nuremberg, nous ne pouvons le considérer comme un « locus classicus » en matière de
légitime défense préventive, mais comme une règle coutumière préexistante avant la Charte
des Nations Unies. En plus ce tribunal ayant à s’occuper de faits antérieurs à la Charte des
Nations Unies n’avait aucune raison d’examiner la validité de la formulation des conditions à
la lumière de la Charte des Nations Unies.

126
Ibidem. p. 112.
127 Affaire Caroline, Moore's digest of international law II, 412, Jugement du premier octobre 1946, In
Théodore Christakis, Vers une reconnaissance de la notion de guerre préventive ? Editions Pedone
Paris 2004, p 17.
128 Slim Laghmani, La doctrine américaine de la préemptive self-défense, in le droit international à
la croisée des chemins, Colloque organisé par le laboratoire Angevin de recherche sur les
actes juridiques, S/D de rahim Kherad du 05 au 06 octobre 2006, Université de Poitiers L.G.D.J. ,
Éditions Pedone, Paris 2007 , p 148.

46
SECTION II : L’EXCLUSION DE LA LEGITIME DEFENSE
PREVENTIVE PAR L’ARTICLE 51 DE LA CHARTE DE L’ONU.
Une interprétation de l’article 51 montre que cette dernière exige incontestablement une
agression armée (Paragraphe 1). En outre, la seule interrogation aujourd’hui porte sur
l’élargissement de la portée de l’article 51 pour autoriser une légitime défense en dehors d’un
cas d’agression, c’est-à-dire dans le cas d’une simple menace (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : L’EXIGENCE D’ « AGRESSION ARMÉE » PAR


L’ARTICLE 51 DE LA CHARTE DE L’ONU.
Une simple menace ne suffit pas pour invoquer l’article 51 au regard de l’interprétation de cet
article (A). Cette interprétation nous permet également de comprendre qu’une « légitime
défense interceptive » (B) peut être possible dans le cas où une agression armée est
effectivement lancée.

A- Le sens clair de l’article 51.


Plusieurs auteurs à l’instar de McDougal soutiennent le fait que la possibilité d’une action
militaire en cas de simple menace n’était pas exclu par l’article 51 de la Charte. En d’autres
termes, l'exigence d'une agression armée ne constitue pas une condition sine qua non pour
l'exercice de la légitime défense. Ainsi, en se référant au texte anglais de ce dernier, le
Professeur McDougal estime que l’expression « if an armed attack occurs »129 ne doit pas
être exclusivement considérée comme étant «if and only if, an armed attack occurs »130.
Néanmoins, cette analyse n’est pas confirmée par l’interprétation grammaticale de l’article 51.
Ce dernier, en effet, exige l’existence d’une agression armée afin d’invoquer le droit de
légitime défense. Le sens ordinaire des termes de l’article 51 de la Charte peut être considéré
comme étant suffisamment assez claire et qu’il exclut d’autres hypothèses que l’agression
armée. C’est ainsi que Hans Kelsen soulignait le fait qu'une attaque simplement "imminente"
ne justifierait pas le recours à la force comme un exercice bien établi par l'article 51131.

L’obstacle de l’interprétation grammaticale qui était suffisamment clair a poussé certains


auteurs à chercher dans l’objet et le but de l’article 51 afin de faire une interprétation
théologique. L’article 51 viserait selon certains auteurs, à protéger les États en leur donnant la

129 « En cas d’attaque armée »


130 « Si et seulement si une attaque armée se produit » : M. McDOUGAL, « the Soviet-Cuban
quarantine and self-défense », AJIL, Vol. 57, 1963, p. 600.
131 H. Kelsen, The law of the United Nations, London, Stevens & Sons, 1950, pp. 797.

47
possibilité de recourir à la force en cas de danger ou de menace. Poursuivant dans la même
logique, Koskennierni en se référant à la raison d’être de l’article estime que sa raison d’être
est de protéger l’Etat ainsi, vous pouvez alors recourir à la force armée, car tout ce qui menace
l’État a tendance à être équivalent à une menace ou utilisation de la force132. L’analyse faite
par Koskennierni va à l’encontre même du but réel de l’article 51. En effet, cet article est
considéré comme une exception très stricte à l’interdiction du recours à la force de l’article
2§4 de la Charte. En plus, il ne faut pas oublier qu’empêcher au maximum le recours
unilatéral à la force dans les relations internationales reste le but principal de la Charte.

Lors des travaux préparatoires de la Charte, une proposition britannique visant à élargir la
portée de la légitime défense à toute situation ou litige entraînant une rupture de la paix a été
abandonnée. Les conditions exigeantes d’exercice de la légitime classique qui sont, le respect
des principes de nécessité et de proportionnalité sont difficilement conciliables avec la
légitime préventive. Cette dernière se fonde sur une appréciation subjective de l’existence
d’une menace, d'où un risque énorme d'abus. Certains États ont déjà eu à préparer la guerre
jusqu’à, mobiliser leurs avions et leurs flottes, positionner leurs troupes aux frontières, sans
pour autant qu’une balle n’ait été tirée. Face à une telle situation, comment l’État qui
invoquerait une attaque préventive pourra mesurer la proportionnalité dans la mesure où,
aucune agression armée n’a eu lieu ?

Voilà pourquoi le droit de légitime défense classique est reconnu par la Charte, car, il répond
à une agression armée et il est régi par les principes de nécessité et de proportionnalité tout
étant soumis au contrôle légitime du Conseil de Sécurité.

B - L’autorisation d’« une légitime défense interceptive » par l’article 51 de


la Charte de l’ONU.
Les théories anticipatives et préventives sont mises hors-la-loi dans la mesure où, la condition
sine qua non pour l’exercice de la légitime défense est, l’existence matérielle d’une agression
armée. En revanche, un Etat qui est victime d’une agression armée a le droit de riposter à
partir du moment où celle-ci a été déclenchée sans attendre de subir les effets de cette
agression. Ici le recours à la force tend à éviter que l'acte d'agression en cours de réalisation

132 « To interpret an article reasonably is to refer to the raison d'être of the article, and the raison d'être
is to protect the State [...] Anything you do to protect the State, you can then use armed force for
because anything that threatens the State tends to be equal to a threat or use offorce » voir Théodore
Christakis, « Vers une reconnaissance de la notion de guerre préventive ? » disponible sur site :
file:///C:/Users/dts/Documents/memoire/article_t_christakis_droit_legitime_defense.pdf (consulté le
26/03/2019 à 1H48).

48
n'atteigne son objectif; en d'autres termes, la riposte tend à neutraliser et à intercepter l'attaque
avant que l'acte d'agression n'ait été en quelque sorte perpétré. Par exemple, si un État (A)
lance un missile vers un État (B) et que ce dernier l'intercepte tout en contre-attaquant, dans
ce cas on peut considérer que l'État (B) n'a fait que riposter à une agression armée en cours.
Nous sommes donc en présence d’une légitime défense interceptive qui semble être conforme
au droit positif133.

La situation semble être simple lorsque l’on a pressé sur la détente, mais ne l’est autant dans
le cas d’une déclaration de guerre, car une riposte se confondrait à une légitime défense
préventive. Il faut noter qu’ici que la ligne de distinction entre la notion de légitime
préventive et celle interceptive, se trouve dans la différence entre une menace, même
imminente, et une agression qui est en cours de réalisation même si elle n'a pas été
consommée. L’interception viserait ainsi « à enrayer le processus de réalisation d'un acte
d'agression in fieri »134.

Une solution concernant le problème des avancées technologiques dans le domaine des armes
nucléaires peut nous être fournie par l’hypothèse de la légitime défense interceptive. En effet
dans la mesure où, nous constatons l’écoulement d’un laps de temps entre le lancement et
l'impact d'un missile nucléaire, une riposte déclenchée durant cette période et avant donc
l'anéantissement éventuel des bases de lancement pourrait être qualifiée de légitime défense
interceptive135.

En somme, on peut dire donc que : « Au-delà du cas des armes nucléaires, qui reste
hypothétique, il importe de souligner une fois de plus que la notion de légitime défense
interceptive [...] est entièrement conforme à l'esprit et à la lettre de l'article 51 de la Charte. Il
ne s'agit pas d'une riposte face à une simple menace, même imminente, d'emploi de la force,
mais bien plutôt d'une réaction à un acte d'agression qui est en cours de réalisation même s'il
n'est pas encore accompli »136.

133
Ainsi que le droit de légitime défense en cas d’agression indirecte.
134 Linos-Alexandre Sicilianos, Les réactions décentralisées à l’illicite : des contre-mesures à la
légitime défense, op. cit., page 404.
135
Ibid. page 405.
136 Ibid. page 405

49
PARAGRAPHE 2 : ABSENCE D’UNE REVISION FORMELLE
PERMETTANT UNE NOUVELLE INTERPRÉTATION DE L’ARTICLE
51 DE LA CHARTE DE L’ONU.
Les différents traités multilatéraux de sécurité conclus depuis 1945 confirment l’interprétation
classique de l’article 51 de la Charte (A). À la lumière de la pratique étatique, rien ne laisse
entrevoir l’hypothèse d’une révision de l’article 51 en faveur d’une légitime défense
préventive (B).

A - Absence d’autorisation d’une nouvelle interprétation de l’article 51 au


regard des accords ultérieurs des Etats et d’autres textes officiels.
En reprenant les termes de l’article 51 ou en y renvoyant directement à cet article, plusieurs
traités internationaux137 ont toujours réaffirmé que pour invoquer le droit de légitime défense
collective, il faudrait l’existence d’une agression armée.

Depuis 1945, on ne retrouve aucune trace de la notion de légitime défense préventive dans les
nombreuses résolutions adoptées prises au sein de l’ONU en lien avec le principe de non-
recours à la force. Néanmoins, il est nécessaire de rappeler qu’aucune reconnaissance
implicite de la légitime défense préventive ne peut être, associée à aucune interprétation
quelconque de l’article 2 de la résolution 3314 intitulée « Définition de l’agression »138. En
effet, selon cet article « l’emploi de la force armée en violation de la Charte par un État
agissant le premier constitue la preuve suffisante à première vue d’un acte d’agression, bien
que le CDS puisse conclure, conformément à la Charte, qu’établir qu’un acte d’agression a été
commis ne serait pas justifié compte tenu des autres circonstances pertinentes, y compris que
les actes en cause ou leurs conséquences ne sont pas d’une gravité suffisante ». Ici l’emploi de
la force en premier fait peser une présomption. Cette présomption est hélas une présomption
réfutable, de perpétration d’un acte d’agression.

Plusieurs pays occidentaux ont insisté pour que le terme « circonstances pertinentes » soit
ajouté à la définition de l’agression. Cela pourrait renvoyer à une forme de légalisation de
l’attaque préventive, mais tel n’est pas le cas. L’objectif ici était de préserver la marge
d’appréciation du Conseil de Sécurité. Une interprétation trop stricte de l’agression armée
l’aurait gêné. Ainsi, rien de la précédente définition ne peut être interprété comme élargissant

137 Voir par exemple, le Traité Interaméricain d'Assistance Mutuelle de Rio de 1947 (article 3), le Traité
de l'Union de l'Europe Occidentale de Bruxelles de 1948 (article 4), le Traité de l'Atlantique du Nord de
1949 (articles 5 et 7), et le défunt Pacte de Varsovie de 1955 (article 4).
138 Résolution adoptée par l’AGNU le 14 décembre 1974.

50
ou diminuant d’une manière quelconque la portée de la Charte, y compris ses dispositions
concernant les cas dans lesquels l’emploi de la force est légitime139. Dans la pratique, les Etats
« [...] prefer to take a wide view of armed attack rather than openly claim anticipatory self-
defense. This reluctance expressly to invoke anticipatory self-defense is in itself a clear
indication of the doubtful status of this justification for the use of force. »140

B – La pratique des États.


La légitime défense préventive n’a été invoquée que très rarement. Les rares invocations de la
légitime défense concernent l’Afrique du Sud141, Israël et les États-Unis. Nous nous
appesantirons plus sur le cas d’Israël et des États-Unis.

Concernant le cas israélien, il s’agit du bombardement en 1975 des camps palestiniens au


Liban et l'attaque de 1981 contre le réacteur nucléaire irakien Osirak. Pour le premier, le
gouvernement israélien déclarait, après le bombardement des camps palestiniens au Liban,
qu’il s’agissait d’une action préventive visant à prévenir des attaques contre Israël 142. Tous les
pays membres143 du Conseil de Sécurité et même les États-Unis144 condamnèrent cette
intervention. Si l’on autorise chaque État à déterminer lui-même ce qui peut être qualifié
d’action préventive comme l’a fait Israël, cela reviendrait à légaliser l’anarchie ce qui est
contre l'ordre international fondé sur les principes de la Charte des Nations Unies145.
Néanmoins à cause du veto des États-Unis, aucune résolution condamnant l'attaque
israélienne n'a été approuvée.

139 Voir L.A. SICILIANOS, Les réactions décentralisées… Op. Cit., p. 400. Il souligne que « du reste,
les attaques préventives au nom de la « légitime défense » ont été explicitement condamnées par un
grand nombre d’Etats au cours des débats sur la définition de l’agression ».
140 « Préfèrent avoir une vision large des attaques armées plutôt que de revendiquer ouvertement une

légitime défense anticipée. Cette réticence à invoquer expressément la légitime défense anticipée est
en soi une indication claire du caractère douteux de cette justification du recours à la force. » :
Christine Gray, International Law and the Use of Force, Oxford: Oxford University Press, 2000, à la
page 112.
141
Afin de justifier son intervention au Lesotho, l’Afrique du Sud avait invoqué un droit d’action
préventive. Cet argument n’a pas convaincu le CDS qui l’a qualifié d’ « acte agressif injustifiable » et
« prémédité » qui « constitue une violation fragrante de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de
cet Etat », S/RES 527 du 15 décembre 1982. Cf. aussi S/PV. 2409 du 16 décembre 1982.
142 Voir Istvan Pogany, The Security Council and the Arab-Israel Conjlict, New York: St Martin's Press,

1984, pp. 91.


143 Voir déclarations des Représentants de la République Uni du Cameroun, SIPV.1861, 8 décembre

1975, p.3 § 18; de la Chine, ibid., p.6 § 41, de l'URSS, SIPV.1860, 5 décembre 1975, p.3 § 17
144 Déclaration du représentant des États-Unis: « Les États-Unis déplorent profondément ces

attaques, de même que nous avons toujours déploré les actes terroristes méprisables qui ont causé la
perte de vies humaines en Israël », SIPV.1860, 5 décembre 1975, p. 1§ 4.
145 Déclarations du Représentant du Liban, SIPV.1859, 4 décembre 1975, pp. 47-48 et 50.

51
Quant au second problème, l’auteur de l’attaque a soutenu devant le Conseil que dans la
mesure où ce réacteur aurait pour finalité de produire des armes nucléaires qui, selon lui,
seraient destinées contre Israël, il avait le droit d’éliminer la menace. Cette intervention
également avait été énergiquement condamnée par le Conseil de sécurité qui estimait que
l’attaque militaire menée par Israël constituait une violation flagrante de la Charte des Nations
Unies et des normes de conduites internationales146.

En ce qui concerne les cas américains, il est question de la crise cubaine de 1962 et de la
destruction de l'usine AI-Shifa au Soudan en 1998. Dans la crise cubaine de 1962, les
américains n’ont jamais invoqué la légitime défense préventive. Ils se sont appuyés sur
l’article 52 de la Charte, car comme le disait le Conseiller juridique du State Departement, ils
considéraient la légitime défense préventive comme étant trop dangereuse de ce fait, ils l’ont
volontairement écarté.

Pour le cas saoudien, treize missiles de croisière Tomahawk avaient été lancés contre l'usine
d'AI-Shifa par les américains. Ils se sont défendus en déclarant que le but de cette attaque était
de dissuader et empêcher la répétition d'attaques terroristes illégales aux États-Unis et dans
d'autres pays147. Bien qu’ayant fait l’objet de vives critiques de la part de la communauté
internationale148, les États-Unis n’ont pas été officiellement condamnés par le Conseil de
Sécurité.

En somme, en considérant les risques d’abus auxquelles elle se prête, la légitime défense
préventive est encore interdite au regard de la Charte de l’ONU.

146 S/RES/481, 19 juin 1981. Voir aussi NRES/36/27, l3 novembre 1981 ; AlRES/37/l8, 16 décembre
1982 ; NRES/38/9, 10 novembre 1983 ; AlRES/39/l4, 16 novembre 1984 : AlRES/40/6, 1er novembre
1985; AlRES/4I/l2, 29 octobre 1986.
147 « deter and prevent the repetition of unlawful tenorist attacks on the United States and other

countries », Lettre adressée par Bill Richardson, Représentant permanent des États-Unis aux Nations
Unies, au Président du Conseil de sécurité, S/19981760, 20 août 1998.
148 Ligue des États arabes, Resolution 5794, 17 September 1998, dans Letter dated 25 September

1998 from the Permanent Representative of Lebanon to the United Nations addressed to the
President of the Security Council, United Nations, S/1998/894, 17 Septembre 1998 ; Résolution 22/28-
P, 28e session de la Conférence islamique des Ministres des Affaires étrangères, 25 au 27 juin 200 l,
Bamako, Mali ; Résolution 21129-P, 2ge session de la Conférence islamique des Ministres des
affaires étrangères, 25 au 27 juin 2002, Khartoum, République du Soudan.

52
CHAPITRE II : ANALYSE DE DEUX CAS : L’INTERVENTION
AMÉRICAINE EN IRAK ET LES INTERVENTIONS EN SYRIE.
Nous ne saurions faire l’étude d’une telle notion sans toutefois analyser certains cas qui ont
bouleversé où qui bouleverse toujours la communauté internationale. Nous parlerons ainsi de
l’intervention américaine en Irak (Section I) et de l’intervention en Syrie (Section II).

SECTION I : L’INTERVENTION AMÉRICAINE EN IRAK.


Après l’attaque du 11 septembre 2001, les États-Unis avaient sorti une liste « d’États voyous
» pays faisant partie de « l'axe du mal » dans laquelle, figurait au premier plan l’Irak de
Saddam Hussein. Dominés par les néoconservateurs, les États-Unis avaient saisi cette
occasion inattendue pour punir les États qui menacent leur sécurité mettant ainsi en place une
nouvelle doctrine de lutte contre le terrorisme. Cette dernière avait pour slogan « attaquer
avant d'être attaqué »149. Ainsi, en application de la doctrine américaine qui prévoyait un droit
à l'autodéfense en agissant à titre préventif, le 19 mars 2003 à 21h 37 min G.M.T150 l’Irak fût
envahi. Plusieurs motifs ont été avancés par les États-Unis pour justifier leur intervention en
Irak (Paragraphe 1). Néanmoins, ces motifs ont-ils été suffisants pour convaincre la
communauté internationale ? D’où l’analyse de l’intervention américaine au regard du droit
international public (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : LES MOTIFS DE L’INTERVENTION EN IRAK.


Dans un discours devant l'académie militaire de West Point à New York, un changement de
stratégie dans la politique de défense américaine avait été annoncé par le Président américain
Georges W. Bush. Cette nouvelle stratégie était dénommée « National Security Strategy »151.
C’est sur cette dernière que les dirigeants américains se sont appuyés pour la guerre contre
l’Irak. Leur but était ainsi : de lutter contre le terrorisme, d’éliminer les armes de destruction
massive et enfin d’instaurer une véritable démocratie en libérant le peuple irakien de Saddam
Hussein. Si ces derniers constituent les motifs officiels (A), hélas comme dans toute guerre et
à fortiori une guerre préventive les agresseurs ont souvent d’autres motifs cachés (B).

149 Philip S. Golub, Comment s'est décidée l'offensive contre Bagdad, in Le monde diplomatique,
2003, p 20.
150 Quelques heures après la fin de l'ultimatum de 48 h du Président américain, George W. Bush

demandant au président irakien Saddam Hussein ainsi qu'à ses deux fils, Oudai et Qusay, de quitter
l'Irak.
151 « The National Securily Strategy of the United States of America », disponible en ligne :

https://www.state.gov/documents/organization/63562.pdf (consulté le 02/04/2019 à 01:55).

53
A- Les motifs officiels de l’intervention en Irak.
Pour entrer en guerre contre l’Irak, trois principales raisons ont été invoquées le 07 octobre
2002 au Cincinnati Museum Center dans l'Ohio par le Président Georges W. BUSH.

En premier lieu nous pouvons citer la lutte contre le terrorisme. En effet, depuis les attentats
de 2001, les États-Unis se considéraient en guerre contre le terrorisme et estimaient que l’Irak
soutenait le groupe terroriste Al-Qaida152. Dans son discours, le Président BUSH soutient
que : « Nous savons que l'Irak et Al-Qaida ont eu des contacts de haut niveau qui datent d'il y
a une décennie. Quelques chefs d'Al-Qaida qui se sont enfuis de l'Afghanistan sont allés en
Irak ; parmi eux, un chef très important d'Al-Qaida qui a reçu traitement médical à Bagdad
cette année et qui a été associé à la planification d'attaques chimiques et biologiques. Nous
avons appris que l'Irak a formé des membres d'Al-Qaida pour la fabrication de bombes et gaz
toxiques et mortels... L'Irak pourrait décider à tout moment de fournir une arme biologique ou
chimique à un groupe terroriste ou à des terroristes individuels. L'alliance avec les terroristes
pourrait permettre au régime irakien d'attaquer l'Amérique sans ne laisser aucune empreinte
digitale »153. Cet argument soutenu par le Président Bush a été battu en brèche, car, l'islam
rigoureux des terroristes est incompatible avec l'islam religion de l’État prôné par Saddam
Hussein. En plus ce dernier avait refusé de vendre des armes à Al-Qaida154.

En second lieu, les États-Unis cherchaient à éliminer les armes de destruction massive
(ADM). Le Président américain déclarait dans ce discours que : « le régime a produit des
milliers de tonnes d'agents chimiques, y compris le gaz de moutarde, le gaz neurotoxique de
sarin... Les photographies satellites indiquent que l'Irak reconstruit des équipements aux
emplacements qui ont fait partie de son programme nucléaire dans le passé ... Si le régime
irakien peut produire, acheter, ou voler une quantité d'uranium fortement enrichi plus grand
qu'un base-ball simple, il pourrait avoir une arme nucléaire en moins d'une année. Et si nous
permettons qu'il se passe cela, une ligne terrible serait croisée. Saddam Hussein serait en
mesure de passer la technologie nucléaire aux terroristes. »

152 Groupe responsable entre autres des attentats contre le navire militaire USS Cole, des attentats
contre plusieurs ambassades des États-Unis en Afrique et des attentats du 11 septembre 2001.
153 Extrait du discours du Président BUSH le 07 octobre 2002 en Ohio disponible sur site :

https://georgewbush-whitehouse.archives.gov/news/releases/2002/10/20021007-8.html (consulté le
02/04/19 à 02:37).
154 M. KHELIFATI Omar, « La légitime défense préventive au regard du droit international public et son

effectivité dans le cadre de la deuxième guerre du Golfe », p. 213, 214. Disponible sur site :
file:///C:/Users/dts/Documents/memoire/la%20légitime%20défense%20préventive.pdf (consulté le
02/04/19 à 03:06).

54
S’agissant des armes de destruction massive de l’Irak, le 13 avril 2003, le conseiller
scientifique du Président Saddam Hussein à savoir le Général Amer Hammoudi Hasse
affirmait que : « Je m'attends à être questionné, interrogé, sur le programme d'armement
irakien (…) je vous le dis pour l'histoire, nous n'avons rien et ce n'est pas pour défendre le
régime »155. En effet, aucune trace d’A.D.M n’a été détectée pendant l’intervention
américaine. Cela est conforté par les rapports de l'U.N.S.C.O.M et de la C.O.C.O.V.I.N.U. où
les inspecteurs chargés de la destruction de l'arsenal militaire irakien estiment que les A.D.M.
ont été détruites durant les années quatre-vingt-dix. En d’autres termes, l’Irak ne possédait
plus les A.D.M. en 2003. La thèse selon laquelle l’Irak avait des A.D.M. était considérée
comme étant la plus grande arnaque de tous les temps. C’est ainsi que Robin Cook ancien
ministre britannique affirmait qu’« Il s'agit donc, sans doute du plus grand mensonge d’État
de ces dernières années. D'une campagne de manipulation menée probablement en toute
connaissance des choses, en tout cas, malgré toutes les indications contraires pour faire croire
aux opinions publiques mondiales que l'Irak détenait et fabriquait des armes de destruction
massive (…) »156. Plus loin, il estime que « la guerre a été déclenchée non pour détruire ces
armes, mais pour changer le régime de Bagdad et commencer à remodeler le Proche-Orient.
Les armes n'ont servi que de prétexte. »157

En dernier lieu, l’objectif était de libérer le peuple irakien et d’instaurer une réelle démocratie.
Aucun État n’a le droit d’intervenir dans les affaires internes d’un autre État. Ceci étant,
aucun Etat n’a le droit de renverser le régime politique d'un autre État ou libérer son peuple et
y instaurer la démocratie. Les États-Unis voulaient instaurer la démocratie en Irak afin de la
propager à tout le Moyen-Orient pour qu’il devienne une zone plus pacifique. Pour le
Président BUSH, « Les vies de citoyens irakiens s'amélioreraient spectaculairement si
Saddam Hussein n'était plus au pouvoir … l’Amérique croit que toutes les personnes ont droit
à l'espoir et aux droits de l'homme, aux exigences non négociables de la dignité humaine …

155 M. KHELIFATI Omar, « La légitime défense préventive au regard du droit international public et son
effectivité dans le cadre de la deuxième guerre du Golfe », op. Cit. p. 208.
156
Le Monde, Editorial : L'aveu américain, Publié le 29 mai 2003 à 12h12 - Mis à jour le 29 mai 2003
à 12h12 disponible sur site : https://www.lemonde.fr/vous/article/2003/05/29/editorial-l-aveu-
americain_321963_3238.html (consulté le 02/04/19 à 04 :12).
157 Ibidem.

55
l'oppression des Kurdes, des Assyriens, des Turcomans, des chiites, des sunnites et d'autres
sera levée. La longue captivité de l'Irak finira, et une ère de nouvel espoir commencera. »158

B - Les motifs cachés de l’intervention en Irak.


Selon plusieurs auteurs, la raison principale pour laquelle l'administration Bush est intervenue
en Irak serait pour avoir le contrôle sur le pétrole irakien en particulier et dans le Moyen-
Orient en général. Cette région détient 60 % des réserves mondiales. En d’autres termes, cette
guerre « permettrait à beaucoup d’entreprises européennes et américaines de profiter du
pétrole irakien, prendre le contrôle des puits de pétrole du 4e détenteur de réserves »159. Toute
opération contre des pays du Golfe est donc considérée comme une menace pour les intérêts
vitaux des États-Unis : « Toute tentative, de la part de n'importe quelle puissance étrangère,
de prendre le contrôle de la région du golfe Persique sera considérée comme une attaque
contre les intérêts vitaux des États-Unis d'Amérique. Et cette attaque sera repoussée par tous
les moyens nécessaires, y compris la force militaire »160. Cette déclaration montre l’intérêt
stratégique que représente le golfe Persique pour les États-Unis qui recherchent une stabilité
du cours du pétrole, une réduction de la consommation intérieure et à diversifier les sources
d’approvisionnement à l’étranger. D’autant plus que la dépendance américaine en pétrole
étranger devrait passer de 52 % de la consommation totale en 2001 à 66 % en 2020, d’après
un rapport de la National Energy Policy Development Group, rédigé par Richard Cheney
alors Vice-Président à la maison blanche.

Outre les américains, leurs alliés lors de cette guerre, en l’occurrence la Grande-Bretagne,
devaient aussi bénéficier du pétrole en Irak. L’accès au pétrole irakien était bel et bien la
raison principale de la décision britannique de s’engager aux côtés des États-Unis lors de
l’invasion de l’Irak en 2003. Des documents confidentiels obtenus par M. Muttitt grâce à la
loi britannique sur la liberté d’information divulguent certaines informations. Dans ces
documents, on peut ainsi lire le compte-rendu d’une réunion ou « La baronne Symons a
reconnu qu’il serait difficile de justifier que les compagnies britanniques puissent sortir
perdantes en Irak (…) si la Grande-Bretagne devait être un allié proéminent du gouvernement
américain durant la crise. » La ministre a alors promis « de rendre compte aux compagnies

158 Extrait du discours du Président Bush le 07-10-2002 traduction de Tohouindji. G. Christian


Hessou, in M. KHELIFATI Omar, « La légitime défense préventive au regard du droit international
public et son effectivité dans le cadre de la deuxième guerre du Golfe », op. Cit. p. 203.
159 Wikipédia l’Encyclopédie libre, Guerre d’Irak, disponible sur site :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_d%27Irak#Les_enjeux_officieux (consulté le 02/04/19 à 17:49).


160 déclarait le Président américain Jimmy Carter dans son discours sur l'état de la nation en 1980,

extrait tiré Tohouindji. G. Christian Hessou, Op. Cit,

56
avant Noël » du résultat de ses tractations auprès de l’administration Bush à Washington161.
Plus loin, le directeur du Moyen-Orient au Foreign rassurait que « Shell et BP ne pourraient
pas se permettre de ne pas avoir leur part en [Irak], pour le bien de leurs futurs à long terme.
(…) Nous sommes déterminés à obtenir pour les compagnies britanniques une part honnête de
l’action dans l’Irak post-Saddam »162. Le secret de polichinelle a également été révélé par
quelques personnalités américaines. Paul Wolfowitz déclarait que : « La plus grosse
différence entre la Corée du Nord et l’Irak (…) : l’Irak nage dans une mer de pétrole ! ». Et
Alan Greenspan ajoute : « Je suis attristé qu’il soit politiquement inconvenant de reconnaître
ce que tout le monde sait : la guerre d’Irak est largement une histoire de pétrole »163.

Cette guerre en Irak devait également permettre aux américains de démontrer leur puissance
militaire. En effet, sous l’influence idéologique des néoconservateurs, l’administration
américaine pratiquait un unilatéralisme sans complexe164. Elle entendait imposer ses vues au
monde, instaurant ainsi une certaine hégémonie américaine.

PARAGRAPHE 2 : L’ANALYSE DE L’INTERVENTION AMÉRICAINE


AU REGARD DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC.
L’intervention américaine en Irak, en avril 2003, n’entre pas dans la catégorie des actes de
légitime défense tels que formuler par l’article 51 de la Charte (A). Analyser l’intervention
américaine en Irak, nous permet également de voir le rôle qu’a pu jouer l’ONU dans cette
intervention (B).

A - L’intervention américaine contraire aux dispositions de l’article 51 de la


Charte.
Avant de parler de l’article 51, nous analyserons d’abord l’intervention américaine par rapport
à la résolution 3314 (XXIX) 1974 de l’AGNU qui définit l’agression. Rappelons que cette
résolution a été adoptée par consensus.

Intégralement consacrée à la définition de l'agression, cette résolution comprend une annexe


intitulée « Définition de l'agression » comportant 8 articles. Elle énonce dans son article 1er
que : « l'agression est l'emploi de la force armée par un État contre la souveraineté, l'intégrité

161 Matthieu Auzanneau, « La guerre d’Irak était BIEN une guerre du pétrole (cette fois, c’est prouvé
!) », Le Monde.fr, 14 juin 2011 disponible sur site : http://petrole.blog.lemonde.fr/2011/06/14/la-guerre-
dirak-etait-bien-une-guerre-du-petrole-cette-fois-cest-sur/ (consulté le 02/04/19 à 18:20).
162 Ibidem. Sans pagination.
163 Ibidem. Sans pagination.
164 Maurice Vaïsse, Les Relations Internationales depuis 1945, Armand Colin, Paris, 2016, p. 241.

57
territoriale ou l'indépendance politique d'un autre État, ou de toute autre manière incompatible
avec la Charte des Nations Unies, ainsi qu'il ressort de la présente définition ». En déclarant
vouloir instaurer une véritable démocratie, les États-Unis allaient en l’encontre de cet article.

Dans son article 2, la résolution poursuit en disposant que : « l'emploi de la force armée en
violation de la Charte par un État agissant le premier constitue la preuve suffisante, à première
vue, d'un acte d'agression ». Allant dans le même sens, la CIJ avait précisé à ce propos que
l'agression implique la volonté précise d'un État d'attaquer un autre État165. Tout en laissant le
soin au CDS de la compléter166, cette résolution liste sept actes constituant une agression.
Constituent ainsi des actes d'agression internationale : « a. L'invasion ou l'attaque du territoire
d'un État par les forces armées d'un autre État, ou toute occupation militaire, même
temporaire, résultante d'une telle invasion ou d'une telle attaque, ou toute annexion par
l'emploi de la force du territoire d'un autre État; b. Le bombardement, par les forces armées
d'un État, du territoire d'un autre État, ou l'emploi de toutes armes par un État contre le
territoire d'un autre État; c. Le blocus des ports ou des côtes d'un État par les forces armées
d'un autre État; d. L'attaque par les forces armées d'un État contre les forces armées terrestres,
navales ou aériennes, la marine ou l'aviation civile d'un autre État167… »168. L’intervention
américaine en Irak, au regard de la définition de l’agression, peut être qualifiée d'agression
caractérisée menée offensivement par les forces armées régulières d'une coalition contre la
souveraineté d'un autre État.

L’article 51 reconnait un « droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective dans le


cas où un membre des Nations unies est l'objet d'une agression armée ». Pour l’invoquer,
comme nous l’avons déjà précisé précédemment, l’État doit être victime d’une agression
armée. Cependant dans le cas qui nous intéresse, l’État agressé ici semble être l’Irak et non les
États-Unis. L’action américaine n’a rien à avoir avec une action en légitime.

L’action en légitime défense doit répondre aux principes de nécessité, de proportionnalité. En


quoi l’intervention américaine est-elle nécessaire ? Dans la mesure où nous avons constaté

165 CIJ, 6 novembre 2003, arrêt, Plates-formes pétrolières, Rec. 2003, § 64.
166 Article 4 la résolution 3314 (XXIX)
167 L'on peut signaler que dans l'Affaire des plates-formes pétrolières, la Cour avait dit que « le minage

d'un seul navire de guerre peut, éventuellement suffire à justifier qu'il soit fait usage du droit naturel de
légitime défense (CIJ, 6 nov. 2003, arrêt Plates-formes pétrolières, Rec. 2003, § 72).
168 Article 3 de la résolution 3314 (XXIX) extrait de : Olivier Lungwe Fataki, Le crime d'agression en

droit international pénal, portée et enjeux de la révision de Kampala, Université Catholique de


Bukavu - Licence 2016, disponible sur site : https://www.memoireonline.com/04/17/9758/m_Le-crime-
d-agression-en-droit-international-penal-portee-et-enjeux-de-la-revision-de-Kampala.html (consulté le
03/04/19 à 15:26).

58
que les différents arguments qui ont été avancés ci et là n’étaient pas fondés. Quant au
principe de proportionnalité, comment pouvons-nous mesurer la proportionnalité de l’action
américaine dans la mesure où l’Irak n’a jamais attaqué les États-Unis ? On soulèvera les
attentats du 11 septembre, mais ces derniers ont été perpétrés par un groupe d’individus et non
d’État et qui en l’occurrence se trouvaient être des saoudiens et non des irakiens. L’agression
doit être imputable à un État. Autrement dit, l'attribution d'une agression à l'Etat constitue une
condition pour qu'elle soit considérée comme un fait internationalement illicite169.

En outre, la possession d’armes de destructions massives prohibées par l’Irak ne constitue en


rien une agression armée au sens même de l’article 51 de la Charte. Ainsi, nous nous
retrouvons en face d’une violation nette et grave de cette dernière, car la détention d'armes
nucléaires par les États n’est pas contraire au droit international coutumier170.

B - Le rôle de l’ONU dans l’intervention américaine en Irak.


Les États-Unis ont toujours recherché l’approbation du Conseil de sécurité pour légitimer leur
intervention en Irak. En lui faisant endosser les politiques menées, l’implication du Conseil de
sécurité revêt une importance capitale. Autrement dit, avec une probable approbation d’une
organisation telle que l’ONU, les américains espéraient obtenir la licéité et la légitimité de
leurs actes171. Malheureusement, tel n’était pas le cas, car elle n’a jamais approuvé
l’intervention américaine. Si elle n’at pas autorisée la guerre, elle ne l’a pas non plus
condamné.

Dans son préambule, la Charte des Nations Unies affirme que : « Nous, peuples des Nations
unies, résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre (...) et à instituer des
méthodes garantissant qu’il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans l’intérêt
commun (...) avons décidé d’associer nos efforts pour réaliser ces desseins. » Dès son article
initial, la Charte souligne que le but premier de l’ONU est de « maintenir la paix et la sécurité
internationales » et « de réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix ». En
intervenant en Irak sans mandat de l’ONU, « les États-Unis et leurs alliés britanniques ont

169 Néanmoins il faut souligner le fait que, les actes de personnes ou de groupes privés peuvent être
considérés comme le fait d'un Etat et comme un acte d'agression attribuable à cet Etat si certaines
conditions sont réunies en l'occurrence, l'envoi par un Etat de ces personnes ou groupes ou la
participation substantielle de ce même Etat à leur action.
170 Avis consultatif de la CIJ relatif à la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires du 08

juillet 1996 Rec CIJ 1996 par 100, in Pierre Michel Eiseman et Photini Pazartzis, La jurisprudence de
la CIJ.
171 Cf. Madjid Benchikh, Les Organisations internationales et les conflits armés, L’Harmattan, Paris,

2001, pp. 38 et s.

59
donc violé la légalité internationale, se sont essuyé les pieds sur les principes fondamentaux
des Nations unies et clairement comportés en agresseurs. »172

Au sein du Conseil de sécurité, deux conceptions des relations internationales s’opposaient


avant l’intervention en Irak. La première était composée des États-Unis et ses alliés. Ils
revendiquaient le recours à la force armée même sans autorisation du Conseil de sécurité. La
deuxième, composée de la France, l'Allemagne et la Russie, prônait le respect de la légalité
internationale pour la résolution des conflits d'une manière pacifique. Le groupe mené par la
France estimait que pour toute action militaire, il fallait une légitimation des Nations Unies.
Ainsi dans les conclusions du Conseil européen d'Helsinki des 10 et 11 décembre 1999, au
paragraphe 26, il est reconnu que : « l'Union reconnaît que le Conseil de sécurité des Nations
Unies est l'instance à laquelle il appartient en premier de veiller au maintien de la paix et de la
sécurité internationale »173. Pour eux, il n’y avait aucune raison d'attaquer l'Irak qui a accepté
le retour sans condition des inspecteurs en désarmement chassés de ce pays depuis 1988
d’autant plus que l’Irak accepta le 16-09-2002 le retour des inspecteurs.

Lassé de la dure bataille diplomatique, et constatant « l'échec de l'organisation dans sa


mission sacrée qui consiste à assurer la paix et la sécurité internationales »174, les États-Unis
et la Grande-Bretagne décidèrent d'attaquer l'Irak et de passer outre le Conseil de sécurité.
Cette décision montre la faiblesse de cette organisation dans la mesure où les États détenteurs
du droit de veto pensent pouvoir faire tout ce qu’ils veulent. Entre les mains des grandes
puissances telles que les États-Unis, le Conseil de sécurité devient un instrument175.

Si l’ONU n’a pas pu empêcher l’intervention américaine en Irak, elle aurait au moins joué un
grand rôle dans la reconstruction de l’Irak en adoptant plusieurs résolutions allant dans ce
sens. Par la résolution 1483, comme tous les États membres, les États-Unis et à la Grande-
Bretagne étaient appelés à œuvrer pour la reconstruction de l’Irak, les Nations Unies devant
jouer un « rôle crucial ». Ces dernières avaient un rôle d’assistance humanitaire et de

172 Ignacio Ramonet, « Illégale agression », Le Monde diplomatique, avril 2003, p. 1 disponible sur
site : https://www.monde-diplomatique.fr/2003/04/RAMONET/9963 (consulté le 04/04/19 à 02:59).
173 Lire le rapport de l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale « L'Europe et la stratégie de

sécurité nationale des Etats-Unis » mai 2003


174 M. KHELIFATI Omar, « La légitime défense préventive au regard du droit international public et son

effectivité dans le cadre de la deuxième guerre du Golfe », op. Cit. p. 250.


175 En contribuant à hauteur de 25 % du total des contributions obligatoires des États membres de

l'ONU, les USA pouvaient se permettre de marginaliser cette organisation, ils savaient pertinemment
aussi qu'ils ne seront jamais sanctionnés par le Conseil de sécurité.

60
facilitateur dans la reconstruction économique et institutionnelle176. Sous l’égide du Conseil
de sécurité, une conférence pour décider des contributions financières des États membres177
avait été tenue. En outre, le Conseil de sécurité demanda une mobilisation générale de tous les
États membres « pour contribuer à la stabilité et à la sécurité de l’Iraq en fournissant
personnel, équipements et autres ressources sous l’égide de l’Autorité provisoire. »

SECTION II : L’INTERVENTION EN SYRIE


Débutée dans le contexte du Printemps arabe, la guerre civile syrienne ou révolution syrienne
est un conflit armé en cours depuis 2011 en Syrie. Au départ, c’était des manifestations
pacifiques en faveur de la démocratie qui ont été mal réprimées par le régime en place,
donnant lieu à une rébellion armée. Entre 2011 et 2018, plusieurs interventions ont eu lieu en
Syrie. On peut ainsi parler de l’intervention russe qui s’appuie sur des fondements légaux
(Paragraphe 1). Néanmoins, si l’intervention russe trouve une base légale, il y a d’autres
interventions étatiques aux fondements juridiques incertains (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1: LES FONDEMENTS LÉGAUX DE


L’INTERVENTION RUSSE EN SYRIE.
Pour parler de l’intervention russe, il nous semble opportun de faire un bref historique de la
situation syrienne (A), avant de dégager les bases juridiques de l’intervention russe.

A - Bref historique sur la situation syrienne.


Avant 2011, la Syrie était un pays de 23 millions d’habitants avec une superficie de 185 000
km². Depuis son indépendance acquise en 1946, elle a connu plusieurs épisodes
démocratiques et des nombreux coups d’Etats militaire dont celui du parti Baath en 1963 qui a
établi le régime actuel. Avant cette crise, elle était considérée comme l’un des pays le plus
stables de sa région. Après la mort de son père Hafez Al-Assad178 qui avait régné pendant près
de trente ans, Bachar Al-Assad lui succède dans ce pays qui était autrefois surnommé « L’État

176 Allant dans cette logique, Le Conseil de sécurité encourageait les Etats membres, notamment le
G7, et les banques à apporter leurs contributions financières et technologiques à la reconstruction.
177 Le Secrétaire général des Nations Unies annonce une contribution totale de la conférence de

Madrid du 23 octobre 2003, qui s’élève à 33 milliards de dollars, dont 20 milliards émanant des Etats-
Unis, 5,5 milliards de la Banque mondiale et du FMI et 5 milliards du Japon. L’Union européenne
n’annonce que 233 millions de dollars pour 2004, mais le Royaume-Uni promet une contribution
particulière de 910 millions; L’Arabie saoudite contribue pour 1 milliard, dont la moitié en prêts.
178 Hafez Al-Assad s’était emparé du pouvoir en 1970 après un putsch. Il avait établi une dictature

sécuritaire verrouillée après s’être débarrassé de ces adversaires politiques.

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de barbarie » par Michel Seurat. Après une courte période de libéralisation179, surtout
économique, Bachar rétablit un système autoritaire autour d’un clan familial et militaire,
affairiste et corrompu180. S’inspirant des autres révolutions du Printemps arabe, la révolution a
commencé en Syrie en mars 2011. Ils voulaient un changement de régime et réclamaient la
liberté, la justice et la dignité. Bachar Al-Assad soit quarante- cinq jours avant le soulèvement
syrien, déclarait que la Syrie n’allait pas être atteinte par les vagues de contestation qui
submergeaient la région181. Il comptait sur le fait que son régime jouissait d’une grande
popularité, à cause de sa position contraire à l’impérialisme américain et sioniste et du soutien
aux mouvements de la résistance palestinienne et libanaise du Hamas et du Hezbollah182.

Les raisons de la révolution syrienne sont nombreuses. La population est fatiguée d’être
marginalisée par une minorité qui mène une vie de château. À cela, il faut ajouter le fait que la
population est privée de ses droits par un maillage sécuritaire étouffant. La sécheresse de 2006
à 2010 a enfin provoqué une montée des prix et poussé 1,5 million de personnes à rejoindre
les périphéries des villes. Les conditions étaient réunies pour une explosion sociale. Il fallait
une étincelle183. Au crépuscule de la révolution, Bachar Al- Assad accusait les manifestants de
vouloir instaurer des « émirats salafistes » soutenus par l’étranger, notamment par les
monarchies du Golfe comme le Qatar et l’Arabie Saoudite. D’après lui, le seul but de ces
manifestations qui sont soutenues par les pays occidentaux tels que les États-Unis serait de
déstabiliser son régime.

La militarisation de la révolution commence par une réponse logique à la violence et la


répression impitoyables du régime. Elle est ensuite rattrapée par le sectarisme c’est-à-dire les
massacres de caractère confessionnel (les soldats qui sont par leurs supérieurs parce qu’ils
refusent de tirer sur leurs concitoyens), milices chiites, groupes islamistes et salafistes, Daech,
Front al- Nousra, milices kurdes, milices chrétiennes… Peu à peu, la situation en Syrie passe
d’une révolution à une guerre civile du fait de l’asymétrie des combats entre la puissante
armée régulière avec ses chars, ses canons et son aviation et des combattants rebelles armés
de fusils mitrailleurs et parfois de lance-roquettes.

179 Il faut rappeler que lors de son discours d’investiture du 17 juillet 2000, il avait promis rompre avec
la gouvernance de son père.
180 « Le Conflit Syrien Pour les Nuls », mis à jour le 30/04/17 disponible sur site :
https://www.leconflitsyrienpourlesnuls.org/ (consulté le 05/04/19 à 22:42).
181 Taha ZAKARIA, SYRIE, De Boeck Supérieur, 2017, p. 5.
182 Interview du président syrien Bachar al- Assad disponible sur site :

http://www.wsj.com/articles/SB10001424052748703833204576114712441122894
183 « Le Conflit Syrien Pour les Nuls », mis à jour le 30/04/17 disponible sur site :

https://www.leconflitsyrienpourlesnuls.org/ (consulté le 05/04/19 à 00:20).

62
Le Président Bachar Al- Assad bénéficie de plusieurs alliés sur le terrain qui sont entre autres
l’Iran et la Russie. Ces derniers lui fournissent massivement en hommes, en armes et en
matériel, intervenant même directement sur le terrain et le protégeant également sur le plan
diplomatique à l’ONU. À titre d’exemple, « sur le terrain, la présence iranienne est composée
de plusieurs centaines de conseillers, de paramilitaires ou encore de la force Al-Qods. En
décembre 2013, après une montée en puissance en vue des négociations de Genève II, la
présence iranienne en Syrie a été évaluée à 10 000 hommes. En 2015, des sources de sécurité
syrienne ont révélé que 7 000 à 10 000 soldats de la seule brigade Al-Qods, avaient été
déployés autour de Damas pour la protéger après la prise de Palmyre par l’EI »184. En outre
Moscou soutient Bachar Al-Assad, son dernier allié dans la région et son principal client. Cela
est matérialisé par les vetos successifs opposés par la Russie au Conseil de Sécurité de
l’ONU, paralysant ainsi toute condamnation ou action punitive contre le régime de Damas.
L’implication russe dans le conflit devient de plus en plus accrue en septembre 2015. En effet,
Moscou devient belligérante et bombarde directement des cibles sur le terrain.

B - Les bases juridiques de l’intervention russe.


L’intervention militaire de la Russie en Syrie a marqué un tournant dans l’évolution des
rapports de force sur le terrain185. Grâce à cette intervention, le régime syrien a pu reprendre
le contrôle sur certaines zones du pays186. Parmi ces dernières, on peut citer : les cités de
Palmyre (mars 2016), Alep (décembre 2016), Deir ez-Zor (novembre 2017) ou Douma (avril
2018)187. Pour justifier leur intervention en Syrie, le Représentant permanent de la Fédération
de Russie auprès de l’Organisation des Nations Unies déclarait dans une lettre adressée au
Président du Conseil de sécurité le 15 octobre que : « […] en réponse à la demande formulée
par le Président de la République arabe syrienne, Bachar Al-Assad, en vue de recevoir une
assistance militaire dans la lutte qu’il mène contre l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL)
et d’autres groupes terroristes opérant en Syrie, la Fédération de Russie a commencé, le 30
septembre 2015, à procéder à des frappes aériennes et à lancer des missiles sur le territoire de
la République arabe syrienne, en prenant pour cibles les installations des organisations

184 « Le Conflit Syrien Pour les Nuls », OP. Cit. Sans pagination
185 L’appui militaire russe a été particulièrement intensif, avec plus de 60 frappes par jour (contre une
moyenne de 7 pour les forces de la coalition occidentale).
186 S. Rosenberg, « Syria war: Putin’s Russian mission accomplished » BBC News
www.bbc.com/news/world-europe-42330551 (consulté le 06/04/19 à 23:05).
187 Avec la prise de contrôle de ces zones, le régime a son autorité sur plus de 80% du territoire

syrien.

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terroristes […] »188. Il nous revient ici de voir, si une telle justification est conforme au droit
international.

En formulant une demande d’aide à la Russie, Bachar Al-Assad a donné à la Russie la


possibilité d’invoquer un argument juridique classique, celui du consentement ou de
l’invitation des autorités gouvernementales189. Cependant cet argument doit respecter
certaines conditions telles que l’expression de ce consentement. En effet, pour constituer une
justification juridique, la Commission du droit international lors de ses travaux préparatoires
sur la responsabilité de l’État avait rappelé que : « […] le consentement de l’État doit être:
valable en droit international, clairement établi, réellement exprimé (ce qui exclut le
consentement présumé), attribuable à l’État sur le plan international, et antérieur à la
commission du fait auquel il se rapporte. En outre, le consentement ne peut être invoqué
comme excluant l’illicéité d’un fait d’un autre État que dans les limites que l’État qui exprime
ce consentement entend lui attribuer quant à sa portée et à sa durée »190. Dans le cas d’espèce,
n’ayant débuté qu’après avoir reçu le consentement du régime syrien, tout semble porter sur le
fait que l’intervention russe avait rempli toutes ces conditions. Malgré le fait qu’il n’y avait
pas de document annexe reprenant un appel officiel du président syrien, cela ne remet pas en
cause le consentement, car, du moment que le consentement est clair, aucune forme
particulière n’est requise pour son expression191. De ce fait, l’intervention russe a été faite sur
les bases d’un consentement clairement établi avec une portée limitée192. Il faut
nécessairement rappeler que l’invitation à une intervention militaire étrangère sur le territoire
national doit émaner du gouvernement légitime.

Le fait d’aider un gouvernement à réprimer un mouvement de rébellion interne va à l’encontre


de plusieurs principes du droit international193. Les autorités russes ont toujours soulevé

188 Olivier CORTEN, « L’intervention de la Russie en Syrie: que reste-t-il du principe de non-
intervention dans les guerres civiles? », QIL, 30 septembre 2018, disponible sur site : http://www.qil-
qdi.org/lintervention-de-la-russie-en-syrie-que-reste-t-il-du-principe-de-non-intervention-dans-les-
guerres-civiles/ (consulté le 07/04/19 à 00:03).
189 O Corten, Le droit contre la guerre (2e edn, Pedone 2014) chapitre 6.
190 Annuaire de la Commission du Droit International (1979) II 2e partie 124 par 11.
191 Affaire des activités armées sur le territoire du Congo (République Démocratique du Congo c

Ouganda) (Arrêt) [2005] Rec CIJ par 46, 47 et 53.


192 Karine. Bannelier-Christakis, « Military Interventions against ISIL in Iraq, Syria and Libya and the

Legal Basis of Consent » (2016) 29 Leiden J Intl L 761.


193 Selon l’article 2 de la résolution de l’Institut de droit international sur le principe de non-intervention

dans les guerres civiles, « les Etats tiers s’abstiendront d’assister les parties à une guerre civile
sévissant sur le territoire d’un autre Etat ». Ainsi sera interdite non seulement l’aide aux rebelles,
conformément à l’interdiction du recours à la force tel qu’elle est énoncée dans diverses résolutions de
l’Assemblée générale des Nations Unies, mais aussi l’appui à des forces gouvernementales. Dans
cette perspective, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, tel qu’il est notamment exprimé à

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l’argument de la lutte contre l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) et d’autres groupes
terroristes opérant en Syrie. Ainsi toute ingérence dans les affaires internes russes est niée par
Moscou. Il s’appuie d’ailleurs sur de multiples résolutions du Conseil de Sécurité qui prévoit
que « demandé aux États membres qui ont la capacité de le faire de prendre toutes les mesures
nécessaires, conformément au droit international, en particulier à la Charte des Nations Unies,
au droit international des droits de l’homme, au droit international des réfugiés et au droit
international humanitaire, sur le territoire se trouvant sous le contrôle de l’EIIL, également
connu sous le nom de Daech, en Syrie et en Iraq, de redoubler d’efforts et de coordonner leur
action en vue de prévenir et de faire cesser les actes de terrorisme commis tout
particulièrement par l’EIIL, également connus sous le nom de Daech, par le Front el-Nosra et
tous les autres individus, groupes, entreprises et entités associés à Al-Qaida […] et
d’éradiquer le sanctuaire qu’ils ont créé sur une partie significative des territoires de l’Iraq et
de la Syrie »194.

Dans la mesure où les groupes terroristes ne peuvent être considérés comme des mouvements
rebelles classiques qui revendiquent une légitimité, mais sont plutôt assimilés à des groupes
criminels, l’intervention russe ne peut être considérée comme une ingérence. En autre, selon
l’article 3 de la résolution de l’Institut de droit international sur le principe de non-
intervention dans les guerres civiles, nous pouvons soulever certaines exceptions. Ainsi, un
État tiers peut intervenir dans les guerres civiles s’il vise « une assistance ordonnée, autorisée
ou recommandée par 1’Organisation des Nations Unies conformément à la Charte et aux
autres règles du droit international »195. Néanmoins l’intervention russe a parfois été critiquée
du fait qu’elle a visé à la fois les groupes terroristes, mais aussi à l’encontre de mouvements
d’opposition syriens, dont certains sont regroupés sous l’appellation d’ « armée syrienne
libre ».

De ce qui précède, l’intervention russe en Syrie s’est faite sur des bases juridiques légales.
Ceci s’explique notamment par le fait que « les autorités russes ne se sont pas contentées de se
référer à un consentement antérieur, certain, valide et attribuable à la Syrie; elles se sont aussi
prévalues du but de l’intervention, qui était de lutter contre des groupes terroristes
conformément aux résolutions du Conseil de sécurité; a contrario, et toujours à en croire le

l’article 1er commun aux Pactes des Nations Unies sur les droits de l’homme, implique que soit
préservé le libre choix de son régime politique, sans ingérence extérieure.
194 CS, Résolution 2249 (20 novembre 2015) UN Doc S/RES/2249 (2015) par 5. Disponible sur site

https://undocs.org/fr/S/RES/2249(2015)
195 IDI, Résolution sur le principe de non-intervention dans les guerres civiles (n 14) art 3 lettre c. ; O

Corten, « La rébellion et le droit international » (n 4) 109 et ss.

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discours justificatif russe tout comme d’ailleurs, celui des autorités syriennes, il ne s’agissait
pas d’aider le gouvernement syrien à réprimer un mouvement rebelle interne »196.

PARAGRAPHE 2: DES INTERVENTIONS ÉTATIQUES AUX


FONDEMENTS JURIDIQUES INCERTAINS.
Lorsqu’on parle des interventions étatiques aux fondements incertains, on se réfère d’une part
à l’intervention américaine contre la base aérienne de Shayrat en Syrie en riposte à une
attaque chimique présumée imputée au "dictateur Bachar al-Assad" (A) et d’autre part
l’intervention française contre un camp d’entraînement djihadiste situé dans la région de
Raqqa (B).

A - L’intervention américaine en Syrie en avril 2017.


Depuis le début du conflit syrien, les États-Unis ont toujours refusé d’intervenir militairement.
En effet, malgré les massacres au gaz survenus dans l’ancienne oasis de la Ghouta en août
2013, Barack Obama déclarait qu’une « ligne rouge avait été franchie » et qu’il était prêt à
frapper l'armée du président Bachar al-Assad, mais hélas cela ne s’était pas produit. Se
trouvant dans des circonstances similaires, Donald Trump a pris dans la nuit de jeudi à
vendredi 7 avril 2017, le contrepied de son prédécesseur en frappant militairement de
cinquante-neuf tirs de missiles Tomahawk le régime syrien après une attaque chimique.

La ville de Khan Cheikhoun en Syrie avait été victime d’une attaque chimique le 04 avril
2017 faisant au moins 86 morts, dont 27 enfants197. En utilisant du sarin198 pour attaquer la
ville de Khan Cheikhoun, le gouvernement syrien avait violé « la Convention sur
l’interdiction des armes chimiques », ladite Convention à laquelle il aurait adhéré en octobre
2013. Aussitôt après cette attaque une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU avait été

196 Olivier CORTEN, « L’intervention de la Russie en Syrie: que reste-t-il du principe de non-
intervention dans les guerres civiles? », QIL, 30 septembre 2018, disponible sur site : http://www.qil-
qdi.org/lintervention-de-la-russie-en-syrie-que-reste-t-il-du-principe-de-non-intervention-dans-les-
guerres-civiles/ (consulté le 07/04/19 à 02:32).
197 « L'intervention américaine en Syrie souligne l'impuissance du Conseil de sécurité de l'ONU »,

BFMTV, 07/04/17, disponible sur site : https://www.bfmtv.com/international/l-intervention-americaine-


en-syrie-met-en-lumiere-l-impuissance-du-conseil-de-securite-de-l-onu-1137610.html (consulté le
07/04/19 à 18:42).
198 Le sarin (désignation OTAN: GB) est une substance inodore, incolore et volatile, de la famille

des organophosphorés, neurotoxique pour l'homme et l'animal. Même à très faible dose (10 parties
par milliard) il peut être fatal. On estime qu'il est environ 500 fois plus toxique que le cyanure. Il passe
facilement la barrière des poumons et est absorbé par la peau, d'où il passe directement dans le sang.
Quand il ne tue pas, il laisse de graves séquelles neurologiques. Pour ces raisons, il a été utilisé
comme arme chimique, avant d'être considéré comme une arme de destruction massive par
les Nations unies (résolution 687, 1991). À ce titre, sa production et sa conservation sont interdites
depuis 1993. Les États devaient avoir détruit leurs stocks d'armes chimiques avant 2007.

66
convoquée par de nombreux pays tels que la France. Vingt-quatre heures avant qu’une frappe
ne soit ordonnée contre les installations du régime de Bachar Al-Assad, l’ambassadrice
américaine à l’ONU Nikki Haley déclarait que : « Quand les Nations unies échouent
constamment dans leur mission d'action collective, il y a des moments dans la vie des Etats où
nous sommes obligés d'agir nous-mêmes ». Les frappes américaines surviennent sans l’aval
ou le mandat du Conseil de sécurité. Cela peut être interprété comme une violation du droit
international et une agression contre État souverain. Un État rappelons-le ne peut intervenir
dans un autre État qu’en cas de légitime défense (dans la mesure où nous sommes en présence
d’une agression armée) ou dans le cas où il est mandaté par le Conseil de sécurité ou plus
encore s’il est invité par l’État ou l’intervention doit avoir lieu comme ce fut le cas de
l’intervention russe. D’autant plus que quelques heures après les frappes, Donald Trump
déclarait « ce soir j’ai ordonné des frappes militaires sur l’aéroport d’où est parti l’attaque
chimique… ces frappes sont dans l’intérêt vital de la sécurité nationale des États-Unis pour
empêcher et stopper l’utilisation et la diffusion des armes chimiques. Je demande à toutes les
nations civilisées de se joindre à nous pour tenter de mettre fin au bain de sang en Syrie »199.
En quoi cette base constitue un danger pour les États-Unis dans la mesure où les attaques qui
sont parties de cette base n’étaient pas tournées contre les américains. S’il avait justifié son
attaque en s’appuyant sur « le prince de la responsabilité de protéger »200, cela aurait pu être
acceptable, car même ce principe doit s’exercer dans le cadre de l’ONU.

Ce n’est pas pour être le défenseur des américains, mais rappelons le, s’ils avaient attendu
l’autorisation du Conseil de Sécurité pour pouvoir frapper les installations du régime syrien,
c’est que à l’heure ou ces lignes sont écrites cela ne se saurait jamais produit, car, lorsqu’on
aborde le cas syrien au Conseil de sécurité et que les résolutions sont prises contre eux, la

199 Propos recueillis au journal de BFMTV du 07/04/17 disponible sur site :


https://www.youtube.com/watch?v=pIauePQfOfU (visionné le 07/04/19 à 21:35).
200 « Lors du 60ème sommet mondial des Nations Unies, à l’automne 2005, l’Assemblée générale a

adopté le principe de la Responsabilité de protéger, sous le titre « Devoir de protéger les populations
contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité ». Un
État qui faillirait à son devoir de protection envers sa population civile « activerait » une responsabilité
subsidiaire de la communauté internationale. Cette responsabilité pourrait donner lieu à une
intervention, à savoir, selon le rapport Evans-Sahnoun, des mesures prises contre un État ou contre
ses dirigeants, sans leur consentement, à des fins présentées comme étant humanitaires ou
protectrices. Cette logique de double responsabilité, qui sous-tend le concept, a été limitée par les
Nations Unies aux cas de génocides, crimes de guerre, nettoyages ethniques et crimes contre
l’humanité. Celles-ci réaffirment que c’est à chaque État qu’incombe ce devoir de protection ; mais
qu’il « incombe également à la communauté internationale, dans le cadre de l’Organisation des
Nations Unies, de mettre en œuvre les moyens diplomatiques, humanitaires et autres moyens
pacifiques appropriés, conformément aux Chapitres VI et VIII de la Charte des Nations Unies, afin
d’aider à protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des
crimes contre l’humanité » (A/RES/59/314, par.138) ». Source : http://www.operationspaix.net/102-
resources/details-lexique/responsabilite-de-proteger.html

67
Russie pose toujours son véto. Tel est encore le cas lorsque le 28 avril 2017 la Russie avait
opposé son veto cette fois avec la Chine contre une résolution prévoyant de nouvelles
sanctions contre la Syrie pour son utilisation d'armes chimiques. Selon Vladimir Poutine, une
nouvelle sanction « n'aiderait pas le processus de négociations pour la paix en Syrie, le
président russe qualifiant d'éventuelles mesures contre le pouvoir syrien
"d'inopportunes" dans le contexte des pourparlers laborieux menés à Genève sous l'égide de
l'ONU »201.

Il va s’en dire que cette attaque a été condamnée par plusieurs pays, mais elle a également été
soutenue par plusieurs autres. Le jour de l’attaque, le Kremlin par la voix de son porte-parole
Dmitri Pestrov déclarait « le président Poutine considère les frappes américaines contre la
Syrie comme une agression contre un État souverain en violation des normes du droit
international »202. Quant aux lots de soutien, Recep Tayyip Erdogan saluait cette mesure, lors
d'un discours à Antakya, qui était selon lui « concrète et positive », mais pas suffisante pour
protéger le peuple syrien opprimé. En outre, l’Arabie saoudite saluait également la « décision
courageuse » des États-Unis pour réprimer l'utilisation présumée d'armes chimiques par le
régime syrien contre des civils. Par le biais du bureau du Premier ministre Benjamin
Netanyahu, Israël soutenait « totalement la décision du président Trump et espère que ce
message de détermination face aux agissements ignobles du régime de Bachar al-Assad sera
entendu non seulement à Damas, mais aussi à Téhéran, Pyongyang et ailleurs ».

Chaque fois qu’une intervention militaire n’ayant pas reçu l’aval du Conseil de sécurité a lieu,
c’est toute l’organisation qui est mise en cause. Concernant l’intervention américaine en Syrie
(intervention qui au regard du droit international n’est pas légale), le chef de la diplomatie
allemande Sigmar Gabriel estimait « Il était à peine supportable de devoir regarder comment
le Conseil de sécurité de l'ONU s'est montré incapable de réagir de manière claire à
l'utilisation barbare d'armes chimiques. Que les États-Unis réagissent en attaquant les
structures militaires du régime (de Bachar al-Assad) qui a commis ce crime de guerre est
compréhensible ».

En somme, s’agissant de l’intervention américaine en Syrie, les torts sont partagés.


L’intervention américaine sur le plan du droit international ne trouve pas vraiment une base
juridique d’autant plus que le Conseil de sécurité n’avait pas donné son aval. Le Conseil de

201 « L'intervention américaine en Syrie souligne l'impuissance du Conseil de sécurité de l'ONU »,


BFMTV, 07/04/17, Op. Cit.
202 https://www.france24.com/fr/20170407-frappes-americaines-syrie-agression-russie-poutine-etats-
unis-attaque-chimique-iran (consulté le 09/04/19 à 14h30).

68
sécurité a également sa part de responsabilité, car il devait agir après avoir constaté qu’une
attaque chimique en violation de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques avait
eu lieu. L’on peut être amené à se demander si l’intervention américaine ne traduisait pas un
échec de l’ONU, mais comme Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales le
reconnaissait sur BFMTV « C'est un échec du jeu consensuel et convergent des puissances.
Ce n'est pas les Nations Unies qu'il faut accuser, c'est le manque de ressources dont elles
disposent ».

B - L’intervention française contre le camp d’entraînement djihadiste situé


dans la région de Raqqa.
La perte par un État de tout contrôle sur des positions importantes de son territoire entrainant
l’existence des groupes armés qui lancent des attaques contre d’autres États, favorise la mise
en œuvre de la sécurité collective qui ne peut se faire que dans le cadre de l’ONU. À défaut, si
un Etat veut intervenir, il doit avoir le consentement de l’État territorialement compétent ou
intervenir sur sa demande.

Dans sa lutte contre Daech, l’Irak a sollicité et obtenu le soutien de plusieurs Etats malgré le
fait que le conflit soit à la base un conflit armé non international (CANI). Ce conflit, s’est peu
à peu internationalisé devant un conflit transnational parce que se situant à cheval entre deux
pays à savoir l’Irak et la Syrie. Cependant, un État parti à la coalition qui lutte contre Daech
en Irak ne peut pas intervenir en Syrie sans le consentement du gouvernement de Damas.

Certains États dans leur lutte contre le terrorisme semblent souvent méconnaitre ce principe.
La France a toujours soutenu que « que le régime de Bachar al-Assad s’est rendu coupable de
crimes contre l’Humanité et ne constitue pas un interlocuteur valable dans les
négociations »203. Qu’à cela ne tienne, le fait que le gouvernement d’un État ne contrôle plus
son territoire et persécute sa propre population ne permet pas de se passer de son
consentement pour intervenir unilatéralement. Comme nous l’avons dit précédemment, pour
ce genre de situation, on a développé le principe « la responsabilité de protéger » (R2P). Ce
principe permet à la communauté internationale de se substituer à un État qui aurait manqué à
son devoir de protéger sa population. Ce principe respecte notamment les règles applicables
en matière de recours à la force, ainsi il revient toujours au Conseil de sécurité de déclarer
l’État défaillant et d’ordonner les mesures nécessaires.

203
Olivier de Frouville, « Frappes en Syrie : quel cadre en droit international ? », The Conversation, 20
octobre 2015, disponible sur site : https://theconversation.com/frappes-en-syrie-quel-cadre-en-droit-
international-49261 (consulté le 10/04/19 à 16:07).

69
Dans tous les cas, la France n’a jamais déclaré vouloir venir en aide à la population civile
syrienne. Son intervention en Syrie était dans le seul but de se protéger par avance contre des
attaques terroristes sur son propre territoire. Manuel Valls alors Premier ministre déclarait :
« nous frappons Daech en Syrie, car cette organisation terroriste organise, prépare des
attentats vers la France depuis la Syrie depuis ses sanctuaires et nous agissons donc en
légitime défense, c’est ce que nous permet la Charte des Nations Unies l’article 51. Et j’ai dit
à l’Assemblée nationale que c’est cette base-là que nous devrions intervenir et agir »204. Pour
justifier ces frappes de deux Rafale français dans un camp d’entraînement djihadiste situé
dans la région de Raqqa, la France a toujours soulevé la légitime défense. Cependant, il
semblerait que ces frappes visaient une ou plusieurs personnes qui avaient été désignées
comme cibles de l’attaque. À ce propos, Jean-Yves Le Drian alors ministre de la Défense
durant cette période expliquait que les «centres de combattants étrangers» visés n'avaient pas
pour mission «d'aller combattre pour Daech sur le Levant, mais de venir en France, en
Europe, pour commettre des attentats»205. Lors d’une visite officielle en Jordanie, M. Valls
réaffirmait «Nous frappons Daech et tous ceux qui, au sein de Daech, quelles que soient leur
origine et leur nationalité, ont décidé de frapper la France et donc de frapper leur propre
pays… Au nom de la légitime défense, c'est une obligation de frapper Daech et nous
continuerons, quelle que soit la nationalité de ceux qui sont dans ces centres qui préparent des
attentats... Tous ceux qui rejoignent ces camps, tous ceux qui rejoignent Daech doivent savoir
qu'ils peuvent demain être frappés.»

Dans le contexte d’une intervention armée, la légitime défense ne permet pas de fonder la
légalité des cibles, le statut des personnes qu’elle cible devrait être précisé par la France. Elle
doit être en mesure d’établir que les personnes ciblées participent directement aux hostilités
dans le cadre d’un conflit armé non international, car, le fait qu’une personne prépare un
attentat terroriste n’en fait pas pour autant une cible légitime d’une frappe qui vise à son
élimination. Selon le Comité international de la Croix rouge, une personne participe
directement aux hostilités dans un conflit armé non international si elle exerce une fonction de
combat continue au sein d’un groupe armé. Reste maintenant à déterminer si les personnes
visées pouvaient être considérées comme participant « directement » aux hostilités dans le

204 Propos de M. Valls disponibles sur YouTube https://www.youtube.com/watch?v=848Eq57Jiv4


(visionné le 10/04/19 à 16:33).
205 Anne Rovan, « En Syrie, les frappes françaises auraient tué des djihadistes français », Le figaro.fr,

12/10/2015 disponible sur site : http://www.lefigaro.fr/international/2015/10/12/01003-


20151012ARTFIG00003-l-avertissement-de-valls-aux-djihadistes-francais.php (consulté le 10/04/19 à
16:54).

70
cadre d’un conflit armé non internationales. Mais la France a toujours soutenu que cette
opération était tournée contre les terroristes. Autrement dit : des criminels de droit commun.
Mais dans ce cas, le droit international des droits de l’Homme exige une stricte
proportionnalité du recours à la force et la menace posée par les individus visés ce qui
implique également de respecter un certain nombre de précautions avant de frapper.

En cas de disproportion de l’usage de la force ou de non-respect de ces conditions,


l’élimination physique d’une personne peut être qualifiée de violation du droit à la vie, et
donc d’exécution sommaire. En tout état de cause, la jurisprudence exige, dans ce cas, qu’une
enquête effective ait lieu pour déterminer les circonstances dans lesquelles une personne a été
privée de la vie.

Enfin, la nationalité ne joue pas un rôle déterminant dans ce domaine : qu’il s’agisse du droit
des conflits armés ou du droit international des droits de l’Homme, la protection s’étend à
toute personne, quelle que soit sa nationalité. Inversement, une personne qui constitue une
cible légitime au titre du droit des conflits armés peut être ciblée, quelle que soit sa
nationalité.

71
CONCLUSION
Tout d’abord, il convient de souligner que dans le cadre de la Charte des Nations Unies, la
légitime défense est une exception au principe du non-recours à la force armée dans les
relations internationales prévu par l’article 2. Sa mise en œuvre nécessite plusieurs conditions
autrement dit, son exercice doit être proportionné à l'agression subie et la riposte doit être
immédiate. Elle peut s’exercer individuellement ou collectivement.

Ensuite, dans la pratique, le concept de légitime défense a été instrumentalisé par les États qui
ont eu à l’invoquer, développant ainsi d’autres formes de légitime défense telles que la
légitime défense préventive. Les conditions de mise en œuvre de cette dernière n’ont aucune
base juridique. La légitime défense préventive serait un motif d’ingérence et représente aux
yeux de la charte des Nations Unies une forme d’agression armée. Ceci explique le fait que
chaque fois qu’une légitime défense préventive a été invoquée pour justifier une intervention
armée, elle n’a jamais reçu l’appui de la communauté internationale. Malheureusement, le
constat est qu’aujourd’hui, les États qui invoquent ce droit de légitime défense sont ceux
qu’on qualifie de « superpuissances » entrainant ainsi l’impossibilité, voir l’incapacité de la
communauté internationale de pouvoir les réprimer.

Enfin, une réinterprétation de l’article 51 a été à mainte fois sollicitée, poussant l’ancien
Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan en 2003 à mettre en place un Groupe de
personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement qui « avait pour
mission d’évaluer les menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité internationales, de dire en
quoi nos politiques et nos institutions actuelles nous permettent d’y faire face et de
recommander des mesures propres à donner à l’Organisation des Nations Unies les moyens de
pourvoir à la sécurité collective au XXIe siècle ». Le Groupe de personnalités de haut niveau
concluait ainsi à l’occasion de son Rapport que « l’article 51 de la Charte des Nations Unies
ne doit être ni réécrit ni réinterprété, que ce soit pour en étendre le champ d’application établi
depuis longtemps (afin d’autoriser des mesures préventives en cas de menaces non
imminentes) ou pour le réduire (afin de n’en autoriser l’application qu’en cas d’agression
effective) »206

cependant, les relations internationales ont subi une certaine mutation. Des nouvelles formes
de guerre qui n’avait pas été prévue par la Charte ont vu le jour. La légitime défense doit être
dirigée contre un État, mais le nouveau problème planétaire du terrorisme, avec la possibilité

206 A/59/565, Rapport du groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le
changement, page 93, §53 : disponible sur site :
file:///C:/Users/dts/Documents/memoire/un%20monde%20plus%20sûr,%20notre%20affaire%20à%20t
ous.%20rapport%20de%20l'ONU.pdf (consulté le 17/04/19 à 4:37).

72
que des groupes terroristes s’emparent et emploient des armes biologiques, chimiques ou
nucléaires, reste une situation qui n’avait pas été prévue par l’esprit de l’article 51, car
rappelons le terrorisme n’est généralement pas le fait d’un État, mais d’un groupe
d’insurrectionnel. En outre pour qu’une attaque terroriste constitue une agression armée, il
faut que l’acte soit susceptible d’être attribué à un État, dès lors il pourra alors donner lieu au
droit de recourir à la force sur le fondement de la légitime défense. À l’évidence, un tel
rattachement entre les faits d’agression et l’État, qui garantit la validité du recours à la force
armée sur la base de la légitime défense, tient fondamentalement au fait que l’agression armée
vise d’abord les rapports étatiques207. Dans la mesure où, le terrorisme contemporain n’est le
fait que d’un groupe d’individu, se trouve alors la nécessité de l’inséré dans l’ordonnance
juridique de la société internationale afin de lui donner une reconnaissance. Cela tendrait à
éviter des abus du droit légitime défense en invoquant la légitime défense préventive pour
attaquer une partie du territoire d’un État souverain comme cela fut dernièrement le cas avec
l’attaque de la France contre la Syrie.

207Jean-Paul Bidias, « Le recours à la légitime défense par les organisations régionales dans la lutte
contre le terrorisme », in, RQDI, volume 29-1, 2016. pp. 38.

73
Bibliographie :
Ouvrages généraux

 COMBACAU (J) et SUR (S), Droit international public, Monchrestien, Paris, 6e éd.,
2004, pages.

 DINH (NQ) ; DAILLIER (P) ; PELLET (A), Droit international public, L.G.D.J.,
Paris, 7e éd., 2003, 1455 pages.

 DINH (NQ) ; DAILLIER (P) ; FORTEAU (M) ; PELLET (A), Droit international
public, L.G.D.J, Paris, 8e éd, 1722 pages.

 SALMON (J), Dictionnaire de droit international, Bruylant/AUF, Bruxelles, 2001,


1198 pages.

 TOUSCOZ (J), Droit international, PUF, Paris, 1993, 420 pages.

 ZAKARIA (T), SYRIE, De Boeck Supérieur, 2e éd, 2017, 137 pages.

Ouvrages spécifiques

 BOWETT (D), Self-defense in international law, Frederick A. Prager, New York,


1958, 294 pages.

 BRAULT (P), Le principe de subsidiarité, La Documentation française, Paris, 2005,


111 pages.

 CORTEN (O), Le retour des guerres préventives : le droit international menacé,


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 CORTEN (O), Le droit contre la guerre, l'interdiction du recours à la force en droit


international contemporain, Éditions Pedone, Paris 2008, 867 pages.

 DINSTEIN (Y.), War, aggression and self-defence, Cambridge University Press,


Cambridge, 2001, 3e éd., 300 pages.

 Hassan Abdel Hadi AL CHALABI, La légitime défense en droit international, les


éditions universitaires d’Égypte, 1952, 276 pages.

 SICILIANOS (L.A), les réactions décentralisées à l’illicite : des contremesures à la


légitime défense, LGDJ, Paris, 1990, 532 pages.

vi
Articles

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http://petrole.blog.lemonde.fr/2011/06/14/la-guerre-dirak-etait-bien-une-guerre-du-
petrole-cette-fois-cest-sur/

 CHRISTAKI (T.) et Karine BANNELIER (K.), « Volenti non fit injuria ? Les effets
du consentement à l’intervention militaire », disponible sur site :
https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_2004_num_50_1_3789

 CHRISTAKI (T.), « Existe-t-il un droit de légitime défense en cas de simple


‘menace’ » article disponible sur site https://cesice.univ-grenoble-
alpes.fr/sites/cesice/files/Mediatheque/Documents/Centre/Membres/article_t_christaki
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 CHRISTAKIS (T.), « Vers une reconnaissance de la notion de guerre préventive ? »


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file:///C:/Users/dts/Documents/memoire/article_t_christakis_droit_legitime_defense.p
df

 CORTEN (O.), « L’intervention de la Russie en Syrie: que reste-t-il du principe de


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diplomatique, 2003, p. 20.

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 Le Monde, éditorial : « L'aveu américain », publié le 29 mai 2003 à 12h12 - mis à jour
le 29 mai 2003 à 12h12 disponible sur site :

vii
https://www.lemonde.fr/vous/article/2003/05/29/editorial-l-aveu-
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 « L'intervention américaine en Syrie souligne l'impuissance du Conseil de sécurité de


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9999_2006_num_19_1_1024

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Rapports et Résolutions

 Institut de Droit international Annuaire Vol. 56, Session de Wiesbaden 1975


disponible sur site :

viii
file:///C:/Users/dts/Documents/memoire/institut%20des%20relations%20international
es%20annuaire.pdf

 Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite


disponible sur site : http://hrlibrary.umn.edu/instree/Fwrongfulacts.pdf

 Troisième rapport sur la responsabilité des États, par M. James Crawford, rapporteur
spécial, disponible sur site :
http://legal.un.org/ilc/documentation/french/a_cn4_507.pdf

 ANNAN Kofi (secrétaire général des Nations Unies). Dans une liberté plus grande :
développement, sécurité et respect des droits de l'homme pour tous : rapport. New
York, mars 2005, 72 p. disponibles sur site : https://documents-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N05/270/79/PDF/N0527079.pdf?OpenElement

 Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement
(Nations Unies). Un monde plus sûr : notre affaire à tous : rapport. New York,
décembre 2004, 109 p. disponibles sur site : https://documents-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N04/602/32/PDF/N0460232.pdf?OpenElement

 Résolution 95 (1951) du CS du 1er septembre 1951 portant sur l’Israël-Palestine.


Disponible sur site :
https://fr.wikisource.org/wiki/R%C3%A9solution_95_du_Conseil_de_s%C3%A9curit
%C3%A9_des_Nations_unies

 Résolution 2625 de l’AGNU du 24 octobre 1970 portant déclaration relative aux


principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre
les États conformément à la Charte des Nations Unies. Disponible sur site
https://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/2625(XXV)

 Résolution 3314 (XXIX) de l'AGNU du 14 décembre 1974 portant définition de


l'agression. Disponible sur site :
https://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/3314(XXIX)

 Résolution 661 du CS du 6 août 1990 portant sur la situation entre l’Iraq et le Koweït.
Disponible sur site : https://undocs.org/fr/S/RES/661(1990)

 Résolution 678 du CS du 29 novembre 1990 pourtant sur l’Iraq et le Koweït.


Disponible sur site : https://undocs.org/fr/S/RES/678(1990)

ix
 Résolution 1318 du CS du 7 septembre 2000 sur la nécessité d’assurer au Conseil de
sécurité un rôle effectif dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, en
particulier en Afrique. Disponible sur site https://undocs.org/fr/S/RES/1318(2000)

 Résolution 1441 du CS des NU du 08 novembre 2002 portant injonction à l'Irak de


coopérer avec les inspecteurs des Nations Unies. Disponible sur site :
https://undocs.org/fr/S/RES/1441(2002)

 Résolution 2249 du CS des NU du 20 novembre 2015 portant les menaces contre la


paix et la sécurité internationales résultant d’actes de terrorisme disponible sur site
https://undocs.org/fr/S/RES/2249(2015)

Thèses et Mémoires

 Dia Mamadou. La politique étrangère américaine à l'épreuve des événements du 11


septembre 2001 : le cas irakien. Mémoire disponible sur site :
https://www.memoireonline.com/11/06/279/politique-etrangere-americaine-11-
septembre-irak.html

 Jean DELIVANIS, La légitime défense en droit international public moderne, LGDJ,


Paris, 1971, BDI, n° 59, 201 pages.

 Julien DETAIS, Les Nations Unies et le droit de la légitime défense, domain_other.


Université d’Anger, 2007, 547 pages.

 M. KHELIFATI Omar, « La légitime défense préventive au regard du droit


international public et son effectivité dans le cadre de la deuxième guerre du Golfe »,
disponible sur site :
file:///C:/Users/dts/Documents/memoire/la%20légitime%20défense%20préventive.pdf

 Tohuindji G. Christian Hessou, Le droit à la guerre préventive, Essai de réflexion sur


la légalité et la légitimité du concept. Mémoire disponible sur site :
https://www.memoireonline.com/01/07/324/m_droit-a-la-guerre-preventive-reflexion-
legalite-legitimite-du-concept0.html

Jurisprudence

 CPJI, avis, Compétence de la Commission européenne du Danube, 8 décembre 1927,


série B n° 14, 1927.

x
 CIJ, arrêt, détroit de Corfou, 15 décembre 1949, Recueil, 1949.

 CIJ, arrêt, Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran, 24 mai


1980, Recueil, 1980.

 CIJ, arrêt, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, 26


novembre 1984, Recueil, 1984.

 CIJ, arrêt, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci


(Nicaragua c/ États-Unis), 27 juin 1986, Recueil, 1986.

 CIJ, avis, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, 8 juillet 1996,


Recueil, 1996.

 CIJ, arrêt, Plates-formes pétrolières, 6 novembre 2003, Recueil, 2003.

 CIJ, avis, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur sur le Territoire occupé
palestinien, 8 juillet 2004, Recueil, 2004.

Conventions

 Pacte de la Société des Nations du 10 janvier 1920, extrait disponible sur site :
http://mjp.univ-perp.fr/traites/sdn1919.htm

 Pacte de Briand-Kellogg du 24 juillet 1929, disponible sur site : http://mjp.univ-


perp.fr/traites/1928briand-kellogg.htm

 Charte des Nations Unies du 24 octobre 1945, disponible sur site :


https://www.un.org/fr/charter-united-nations/

xi
Table des matières
DEDICACES ............................................................................................................................. i

REMERCIEMENTS ................................................................................................................ ii

SIGLES ET ABRÉVIATIONS .............................................................................................. iii

SOMMAIRE: ............................................................................................................................ v

INTRODUCTION .................................................................................................................... 1

PARTIE I : LES CONDITIONS DE L’EXERCICE DU DROIT DE LEGITIME


DEFENSE. ................................................................................................................................ 6

CHAPITRE I : LA PRATIQUE DU DROIT DE LÉGITIME DÉFENSE. ........................ 7

SECTION I : LE CADRE LEGAL DU DROIT DE LEGITIME DEFENSE. ................... 7

PARAGRAPHE 1 : LE CARACTERE RESIDUEL DE LA LEGITIME DEFENSE. ..... 7

A- Le caractère subsidiaire du droit de légitime défense. .................................................... 7

B - Le caractère provisoire du droit de légitime défense. ................................................... 10

PARAGRAPHE 2 : L’EXERCICE DU DROIT DE LEGITIME DEFENSE DANS LES


CONDITIONS COUTUMIERES ......................................................................................... 12

A- Le critère de proportionnalité. ......................................................................................... 12

B - Les critères de nécessité et d’immédiateté. .................................................................... 16

SECTION II : LES PARTICULARITÉS DU DROIT DE LÉGITIME DÉFENSE


COLLECTIVE. ...................................................................................................................... 19

PARAGRAPHE 1 : LA RÉGIONALISATION DU DROIT DE LÉGITIME DÉFENSE


COLLECTIVE. ...................................................................................................................... 19

A - Exigence d’accord entre les États. .................................................................................. 20

B - L’autorité compétente pour demander le soutien d’un État tiers. .............................. 22

PARAGRAPHE 2 : L’UNIVERSALISATION DU DROIT DE LÉGITIME DÉFENSE


COLLECTIVE. ...................................................................................................................... 23

A- La controverse doctrinale autour de la légitime défense collective. ............................. 23

B - Le Conseil de Sécurité et le droit de légitime défense collective. ................................. 25

CHAPITRE II : L’ACTION EN LEGITIME DEFENSE. ................................................. 28

xii
SECTION I : LE BIEN-FONDE DE LA RÉACTION. ...................................................... 28

PARAGRAPHE 1 : LE DÉROULEMENT DE LA RÉACTION...................................... 28

A- La nature de la réaction.................................................................................................... 28

B - Le lieu et la finalité de la réaction. .................................................................................. 29

PARAGRAPHE 2 : L’INTERDICTION DE LA JUSTICE PRIVÉE. ............................. 31

A- La prohibition des représailles armées. .......................................................................... 31

B - L’ambiguïté entre le droit de conservation et la légitime défense. .............................. 33

SECTION II : LA COMPLEXITÉ DES RELATIONS ENTRE BELLIGÉRANTS. ..... 34

PARAGRAPHE 1 : L’AUTEUR DE LA RÉACTION EN LÉGITIME DÉFENSE ....... 34

A- Les auteurs prévus par la Charte des NU. ...................................................................... 34

B - Le droit de neutralité et la Charte. ................................................................................. 35

PARAGRAPHE 2 : LES DESTINATAIRES DE LA RÉACTION EN LEGITIME


DEFENSE. .............................................................................................................................. 36

A- La réaction contre l’État agresseur. ................................................................................ 36

B - La réaction contre les États membres d’une organisation internationale. ................. 38

PARTIE II : L’INSTRUMENTALISATION DE LA LEGITIME DEFENSE................ 40

CHAPITRE I : LE DROIT INTERNATIONAL FACE A LA LEGITIME DEFENSE


PREVENTIVE. ....................................................................................................................... 41

SECTION I : ABSENCE D’AUTORISATION DE LA LEGITIME DEFENSE


PREVENTIVE PAR LE DROIT INTERNATIONAL COUTUMIER PREEXISTANT.
.................................................................................................................................................. 41

PARAGRAPHE 1 : ABSENCE DE CONSÉCRATION D’UNE LEGITIME DEFENSE


PREVENTIVE PAR LE DROIT COUTUMIER ANTÉRIEUR À LA CHARTE. ......... 41

A- La thèse : le renvoi à l’affaire de la Caroline. ................................................................ 41

B - La réfutation de cette thèse. ............................................................................................ 43

PARAGRAPHE 2 : UNE ABSENCE RÉAFFIRMÉE PAR LE JUGEMENT DU


TRIBUNAL DE NUREMBERG. .......................................................................................... 44

A - Exposé des faits................................................................................................................. 44

xiii
B - Le jugement du Tribunal. ................................................................................................ 45

SECTION II : L’EXCLUSION DE LA LEGITIME DEFENSE PREVENTIVE PAR


L’ARTICLE 51 DE LA CHARTE DE L’ONU. .................................................................. 47

PARAGRAPHE 1 : L’EXIGENCE D’ « AGRESSION ARMÉE » PAR L’ARTICLE 51


DE LA CHARTE DE L’ONU. .............................................................................................. 47

A- Le sens clair de l’article 51. .............................................................................................. 47

B - L’autorisation d’« une légitime défense interceptive » par l’article 51 de la Charte de


l’ONU....................................................................................................................................... 48

PARAGRAPHE 2 : ABSENCE D’UNE REVISION FORMELLE PERMETTANT UNE


NOUVELLE INTERPRÉTATION DE L’ARTICLE 51 DE LA CHARTE DE L’ONU.
.................................................................................................................................................. 50

A - Absence d’autorisation d’une nouvelle interprétation de l’article 51 au regard des


accords ultérieurs des Etats et d’autres textes officiels. ..................................................... 50

B – La pratique des États. ..................................................................................................... 51

CHAPITRE II : ANALYSE DE DEUX CAS : L’INTERVENTION AMÉRICAINE EN


IRAK ET LES INTERVENTIONS EN SYRIE. ................................................................. 53

SECTION I : L’INTERVENTION AMÉRICAINE EN IRAK. ........................................ 53

PARAGRAPHE 1 : LES MOTIFS DE L’INTERVENTION EN IRAK. ......................... 53

A- Les motifs officiels de l’intervention en Irak. ................................................................. 54

B - Les motifs cachés de l’intervention en Irak. .................................................................. 56

PARAGRAPHE 2 : L’ANALYSE DE L’INTERVENTION AMÉRICAINE AU


REGARD DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC. ....................................................... 57

A - L’intervention américaine contraire aux dispositions de l’article 51 de la Charte. .. 57

B - Le rôle de l’ONU dans l’intervention américaine en Irak. ........................................... 59

SECTION II : L’INTERVENTION EN SYRIE ................................................................. 61

PARAGRAPHE 1 : LES FONDEMENTS LÉGAUX DE L’INTERVENTION RUSSE


EN SYRIE. .............................................................................................................................. 61

A - Bref historique sur la situation syrienne. ....................................................................... 61

B - Les bases juridiques de l’intervention russe. ................................................................. 63

xiv
PARAGRAPHE 2 : DES INTERVENTIONS ÉTATIQUES AUX FONDEMENTS
JURIDIQUES INCERTAINS. .............................................................................................. 66

A - L’intervention américaine en Syrie en avril 2017. ........................................................ 66

B - L’intervention française contre le camp d’entraînement djihadiste situé dans la


région de Raqqa. ..................................................................................................................... 69

CONCLUSION ....................................................................................................................... 72

Bibliographie : ......................................................................................................................... vi

xv

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