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Université Hassan II Casablanca

Centre d’Études Doctorales : Droit , Économie et Gestion

Laboratoire : Droit et Relations Internationales

Thèse pour l’obtention d’un Doctorat en Sciences Juridiques


Sous le thème :

SÉCURITÉ JURIDIQUE DES RÉFUGIÉS ET DEMANDEURS D’ASILE AU MAROC :


« DE L’EFFECTIVITÉ DE L’ACCÉS AUX DROITS FONDAMENTAUX »

Thèse de doctorat présentée et soutenue à Casablanca par :


Sinda NAWROCKA

Dirigée par :
Naima GUENNOUNI

Jury :

Professeure Hind TAKTAK Professeur de l'enseignement supérieur Université Hassan II, Ain Chok Présidente

Professeur Rachid DAOUANI Professeur de l'enseignement supérieur Université Hassan II, Ain Chok Rapporteur

Professeure Naima GUENNOUNI Professeur de l'enseignement supérieur Université Hassan II, Ain Chok Directrice de thèse

Professeur Aziz CHAHIR Professeur de l'enseignement supérieur IRFC , Rabat-Salé Rapporteur

Année universitaire 2021-2022


Thèse de doctorat sous le thème : « Sécurité juridique des réfugiés et demandeurs d’asile au Maroc : de l’effectivité d’accès aux droits fondamentaux»

REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué à l’aboutissement de mon travail de
recherche et qui m’ont soutenu pour la rédaction de cette thèse de doctorat.

Tout d'abord, j’exprime ma gratitude et ma reconnaissance profonde à mon encadrante, la


professeure Madame Naima GUENNOUNI, pour sa disponibilité, ses conseils avisés, son soutien
indéfectible et sa grande patience pour m’avoir accompagné tout au long de mon travail.

Ensuite, je remercie la professeure Madame Hind TAK TAK de m’avoir encouragé au début de
mon parcours de recherche et aussi de m’avoir permis de prendre part à la création au sein de la
faculté des sciences juridiques économiques et sociales du Centre marocain des études sur les
réfugiés (CMER).

Je tiens également à remercier le professeur Monsieur Aziz CHAHIR, qui fait partie de ce centre
etqui n’a pas hésité à me soutenir durant la réalisation de mon travail de recherche.

Je remercie aussi celles et ceux qui m’ont consacré de leur temps pour partager avec
moi des informations et leurs savoir-faire à commencer par la professeure Madame Nabila
ZOUHIRI.

Un grand merci également à ma mère qui a toujours trouvé la force pour m'aider à donner le
meilleur de moi-même, mais aussi et surtout à ma grand-mère qui m'a encouragé, dès le début
de mon parcours, à me surpasser et qui a fait de moi la personne que je suis.

Je remercie toutes les personnes qui ont contribué, de près ou de loin, à la réalisation de ma
thèse de doctorat.

Enfin, je remercie mon ange gardien, ma faiblesse et ma force , ma chère fille Souha , pour sa
présence et son soutien inconditionnel .

Sous la direction de la Professeure : Mme. Naima GUENNOUNI – Doctorante : Sinda Nawrocka 1


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Thèse de doctorat sous le thème : « Sécurité juridique des réfugiés et demandeurs d’asile au Maroc : de l’effectivité d’accès aux droits fondamentaux»

RESUMÉ
Notre recherche appréhende la problématique de la sécurité juridique des réfugiés et demandeurs
d’asile au Maroc, ceux qui ont pu éviter le refoulement interdit par le droit international. Notre
étude a porté, d’une part, sur l’analyse historique et juridico-politique du principe universel de
non refoulement. À cet égard, l’analyse a montré que la disposition du non-refoulement tend vers
une protection juridique international des réfugiés et demandeurs d’asile, qui s’est concrétisée par
l’adoption de la convention de Genève de 1951, notamment. D’autre part, notre recherche a porté
sur l’analyse de la situation des droits des réfugiés et demandeurs d’asile au Maroc. Notre enquête
a révélé une situation d’insécurité juridique alarmante de ces populations, principalement à cause
de l’absence d’un cadre juridique de l’asile. En même temps, l’enquête atteste des efforts
indéniables déployés par les autorités marocaines en vue de garantir une protection juridique des
réfugiés et demandeurs d’asile. Malgré les insuffisances réglementaires, ces derniers bénéficient
de plus en plus d’une accessibilité relative mais effective aux droits fondamentaux, tels que le droit
au travail, droit à la santé, droit à l’éducation, le droit à la justice, droit à la sécurité sociale et
droit au regroupement familial.

ABSTRACT
Our research addresses the issue of legal security for refugees and asylum seekers in Morocco,
who have been able to avoid refoulement which is forbidden by international law. Our study
focused, on the one hand, on the historical and legal-political analysis of the universal principle of
non-refoulement. In this respect, the analysis has shown that the provision of non-refoulement
tends towards an international legal protection of refugees and asylum seekers, which has resulted
in the adoption of the Geneva Convention of 1951, in particular. On the other hand, our research
focused on the analysis of the situation of the rights of refugees and asylum seekers in Morocco.
Our investigation revealed a situation of alarming legal insecurity of these populations, mainly
because of the absence of a legal framework for asylum. At the same time, the survey attests to the
undeniable efforts made by the Moroccan authorities to guarantee legal protection for refugees
and asylum seekers. Despite the regulatory shortcomings, the latter increasingly benefit from
relative but effective accessibility to fundamental rights, such as the right to work, the right to
health, the right to education, the right to justice, the right to social security and the right to family
reunification.

Sous la direction de la Professeure : Mme. Naima GUENNOUNI – Doctorante : Sinda Nawrocka 2


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LISTE DES ACRONYMES ET DES ABRÉVIATIONS


CdE Conseil de l'Europe
CE Communauté européenne
CEDS Comité européen des droits sociaux
CERD Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination
raciale CESCR
CGUE Cour de justice de l'Union européenne
CI La communauté internationale
CIJ Mémoires Cour Internationale de Justice, Mémoires, plaidoiries et documents
Commissione EDU Commission européenne des droits de l'homme
Commissione inter.am. Commission interaméricaine des droits de l’homme
Cour africaine Cour africaine des droits de l'homme et des peuples
CPT Comité européen pour la prévention de la torture
ECRE Conseil européen pour les réfugiés et les exilés
ICC Cour pénale internationale
ICJ Cour internationale de Justice
ICJ Reports International Court of Justice Reports
ICJR International Criminal Justice Review
IRO Organisation internationale des réfugiés
LN Société des Nations
LNTS League of Nations Treaty Series
OSA/OAS Organisation des États américains
SFDI Société française pour le droit international
UA Union Africaine
UE Union européenne
UNGA Assemblée générale des Nations Unies
UNHCR Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
UNSC Conseil de sécurité des Nations Unies
UNSG Secrétaire général des Nations Unies

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SOMMAIRE

REMERCIMENTS
RESUMÉES
LISTE DES ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS
INTRODUCTION

OBJET DE LA RECHERCHE
PROBLÉMATIQUE
HYPOTHÈSES DE RECHERCHE
APPROCHE ET TECHNIQUE DE RECHERCHE
PLAN GÉNÉRAL DE L‘ÉTUDE

PREMIÈRE PARTIE : EVOLUTION HISTORIQUE DES DROITS DES RÉFUGIÉS ET


DEMANDEURS D’ASILE

CHAPITRE I : ASILE, REFUGE ET PROTECTION JURIDIQUE : ORIGINES ET


ÉVOLUTIONS

SECTION 1 : CONTEXTE HISTORIQUE DE L’HERMÉNEUTIQUE DES CONCEPTS


D’« ASILE » ET DE « RÉFUGIÉ »
SECTION 2 : SECURITÉ JURIDIQUE, NON REFOULEMENT ET EXCEPTIONS DE
DÉLIT POLITIQUE DANS LES TRAITÉS D’EXTRADITION DU XIXe SIÈCLE
SECTION 3 :LA PREMIÈRE RECONSTRUCTION DU DROIT D’ASILE ET
L’INTERDICTION DU REFOULEMENT DANS LE CADRE DES DROITS DE
L’HOMME ET DU DROIT HUMANITAIRE
SECTION 4 : VERS UNE CODIFICATION ORGANIQUE D’UN « DROIT DU RÉFUGIÉ »
SECTION 5 :LA CRÉATION DU HAUT-COMMISSARIAT DES NATIONS UNIES POUR
LES RÉFUGIÉS (UNHCR)
SECTION 6 : PROTECTION DES RÉFUGIÉS DANS LES TRAVAUX PRÉPARATOIRES
DE LA CONVENTION DE GENÈVE SUR LE STATUT DES RÉFUGIÉS

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SECTION 7 :« ASILE » ET « REFUGE » DANS LE MONDE CONTEMPORAIN :


ADAPTATION DE LA PROTECTION AUX SITUATIONS DE DÉPLACEMENT
MONDIALISÉ

CHAPITRE II : L’OBLIGATION DE LA PROTECTION JURIDIQUE


PRÉVUE DANS LA CONVENTION DE GENÉVE ET LA PRATIQUE
RELATIVE AU DROIT INTERNATIONAL

SECTION 1 : LE RÉGIME JURIDIQUE DE LA PROTECTION INTERNATIONALE DES


RÉFUGIÉS
SECTION 2 :LA NOTION DE RÉFUGIÉ DANS LA CONVENTION DE GENÈVE
SECTION 3 : LES ÉLÉMENTS DE LA DÉFINITION DE RÉFUGIÉ : PERSÉCUTION
SECTION 4 : LES CLAUSES D'EXCLUSION DU STATUT DE RÉFUGIÉ
SECTION 5 : CARACTÈRE FORCÉ DU RETRAIT ET NATURE DE L'AGENT
PERSÉCUTEUR
SECTION 6 : REVENDICATIONS DE LICENCIEMENT DU STATUT DE RÉFUGIÉ ET
PRATIQUE DE L'EXCEPTION DE PROTECTION INTERNE
SECTION 7 : LE CARACTÈRE INTERNATIONAL DE L’« ÉLOIGNEMENT »
SECTION 8 : LE « CATALOGUE » DES DROITS ET OBLIGATIONS DES RÉFUGIÉS
SECTION 9 : L’OBLIGATION DE NON-REFOULEMENT PAR RAPPORT À LA
SECURITÉ JURIDIQUE INTERNATIONALE : CAS DE FIGURE ET MODALITÉS

CHAPITRE III : PROTECTION JURIDIQUE DES DROITS DES REFUGIES


POSTÉRIEURS À LA CONVENTION DE 1951

SECTION 1 : LA CONFÉRENCE DES NATIONS UNIES SUR L'ASILE TERRITORIAL :


UNE OCCASION MANQUÉE DE RECONSTRUIRE L'INTERDICTION DU REJET « AU
RISQUE DE PERSÉCUTION » EN TANT QUE TITULAIRE DU DROIT À « L'ASILE »
SECTION 2 : L’EXTENSION DE LA NOTION DE RÉFUGIÉ ET LA PORTÉE DE
L'INTERDICTION DE REFOULEMENT EN RELATION AVEC LE RISQUE DE
PERSÉCUTION : LES PRINCIPALES MATRICES

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SECTION 3 : LE NON-REFOULEMENT DES RÉFUGIÉS DANS LE DROIT DES


RÉFUGIÉS POST-GENÈVE : L'EXPÉRIENCE AFRICAINE
SECTION 4 : ASILE, REFUGE ET NON-REFOULEMENT SUR LE CONTINENT
AMÉRICAIN
SECTION 5 : L'INTERDICTION DU REFOULEMENT EN ASIE ET DANS LE MONDE
ARABE
SECTION 6 : L’ÉVOLUTION DU NON-REFOULEMENT EN EUROPE

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

DEUXIEME PARTIE : FONDEMENTS DE LA SECURITÉ


JURIDIQUE DES REFUGIES ET DEMANDEURS D’ASILE ET
EFFECTIVITÉ D’ACCÉS AUX DROITS FONDAMENTAU MAROC

CHAPITRE I : LES REFUGIÉS ET DEMANDEURS D’ASILE AU MAROC :


CONTEXTE, ENJEUX ET APERCU JURIDICO-POLITIQUE

SECTION 1 : CONTRIBUTION DU HCR AU DÉVELOPPEMENT DU DROIT


INTERNATIONAL DES RÉFUGIÉS : LES CONDITIONS JURIDIQUES PRÉALABLES
SECTION 2 : UN NOUVEAU PROTOCOLE ADDITIONNEL À LA CONVENTION DE
GENÈVE ? DÉVELOPPEMENTS SUR LA “PROTECTION TEMPORAIRE” EN MARGE
DE LA CRISE SYRIENNE
SECTION 3 : DÉVELOPPEMENTS DE « LEGE FERENDA » ? LE PROBLÈME DES
RÉFUGIÉS « CLIMATIQUES »
SECTION 4 : LES RISQUES INHÉRENTS À UNE FORMULATION GLOBALE DU «
PRINCIPE » DE NON-REFOULEMENT
SECTION 5 : EVOLUTION DU DISPOSITIF JURIDIQUE RELATIF AUX REFUGIES ET
DEMANDEURS D’ASIL AU MAROC

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CHAPITRE II : SECURITÉ JURIDIQUE DES REFUGIES ET DEMANDEURS


D’ASILE AU MAROC : UN ÉTAT DES LIEUX SUR L’ACCÉS AUX DROITS
FONDAMENTAUX

SECTION 1 : DROIT AU TRAVAIL ET A L’EMPLOI


SECTION 2 : DROIT A UN NIVEAU DE VIE DECENT
SECTION 3 : DROIT D’ACCES AUX SOINS DE SANTE
SECTION 4 : DROIT A L’EDUCATION ET A L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SECTION 5 : DROIT AU REGROUPEMENT FAMILIAL
SECTION 6 : DROIT A LA SECURITE SOCIALE
SECTION 7 : DROIT AU RETOUR VOLONTAIRE POUR UNE REINTEGRATION
SECTION 8 : INTEGRATION DES REFUGIES ET DEMANDEURS D’ASILE : ABSENCE
D’UN CADRE JURIDIQUE DE L’ASILE

CHAPITRE III : EFFECTIVITÉ DE L’ACCÉS DES RÉFUGIÉS ET


DEMANDEURS D’ASILE AU MAROC AUX DROITS FONDAMENTAUX :
ENTRE DISPOSITIONS JURIDIQUES ET RÉALITÉS PRATIQUES

SECTION 1. L’ENQUÊTE
SECTION 2. DROIT D’ACCÉS AU SÉJOUR RÉGULIER : UN PARCOURS DE
COMBATTANT MALGRÉ LA CAMPAGNE DE RÉGULARISATION
SECTION 3. DROIT D’ACCÉS DES ENFANTS DES MIGRANTS À L’ÉTAT CIVIL : UNE
PROTECTION FRAGILE ET INSUFFISANTE
SECTION 4. DROIT D’ACCÉS À LA SANTÉ : UN TRAITEMENT BUREAUCRATIQUE,
ONÉREUX ET DISCRIMINATOIRE
SECTION 5. DROIT D’ACCÉS DES MIGRANTS À L’ÉDUCATION : INEGALITÉ DES
CHANCES ENTRE NATIONAUX ET MIGRANTS
SECTION 6. DROIT D’ACCÉS À L’EMPLOI : ABSENCE DE REGLEMENTATION ET
PRÉMINENCE DE L’INFORMEL
SECTION 7. DROIT D’ACCÉS À LA JUSTICE : LIMITES DE LA PROTECTION
JUDICIAIRE
SECTION 8 : INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE

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CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

CONCLUSION GÉNÉRALE
BILBLIOGRAPHIE SELECTIVE
ANNEXES
LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES
TABLE DES MATIERES

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INTRODUCTION

« Le premier droit, « le droit d’avoir droit », dont parlait Hanna


Arendt, impliquerait à fortiori un droit d’asile », Oudejeans,
2014

In Alain Guy Sipowo & Olivier Barsalou, dir. « Le droit


international des réfugiés face à une gouvernance mondiale en
crise », Études internationales, volume XLIX, printemps 2018.

Le phénomène des migrations internationales, en particulier celui des « migrations forcées »1,
soulève des questions croissantes d'ordre juridique, mais aussi politique, qui souvent ne trouvent
pas de réponse satisfaisante dans les instruments actuellement fournis aux États et aux
organisations régionales internationales.

Voulant quantifier l'ampleur du problème, le rapport de UNHCR “Global Trends 2013” affirme
qu’en 2012 plus de quarante-cinq millions de personnes ont été contraintes d'émigrer, le chiffre le
plus élevé des quatorze dernières années. Dans le contexte de ces flux « mixtes », plus de quinze
millions étaient des réfugiés, environ un million composé de demandeurs d'asile et environ trente
millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays. Ces chiffres, toutefois, en augmentation par
rapport à l'année précédente, sont extraordinairement plus importants que ceux qui ont conduit, en
1951, un grand nombre d'États à signer la Convention de Genève sur le Statut de réfugié. L’objectif
étant de garantir le statut de réfugié en assurant la protection internationale à environ un million et
demi de réfugiés européens après la Seconde Guerre mondiale.

1Actuellement, on constate que le terme « migration forcée » semble être abandonné par les instances internationales qui préfèrent désormais
utiliser, par exemple, le terme générique de « mouvements migrations ».

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Une nouvelle aggravation de la situation s'est produite au premier semestre 2013, à la suite de
la guerre civile en Syrie et de la détérioration de la situation politique et humanitaire en
Afghanistan. Selon les données de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), en
2018, environ 214 millions de personnes migrent à travers une frontière nationale et à peu près 740
millions de personnes se déplacent à l'intérieur des frontières du pays dans lequel ils se trouvent.
En d'autres termes, un milliard de personnes migrent, ce qui équivaut à une personne sur sept de
l’ensemble de la population mondiale.

Ainsi, nous sommes dans une phase historique où les mouvements de personnes, à l'intérieur et
à l'extérieur des États, touchent une plus grande partie de la population mondiale qu'à aucun autre
moment de l'histoire. Non sans raison, le Président de la soixante-sixième Assemblée générale des
Nations Unies, Nassir Abdulaziz Al-Nasser, en Décembre 2011, a introduit la question de la
migration parmi les « grands enjeux mondiaux du 21e siècle » et a exhorté la communauté
internationale à revoir les termes dans lesquels le débat sur le “jus migrandi” a été mis en place à
ce jour. Dans le cadre de ce débat, un relief fondamental devrait être accordé à la réflexion sur le
contenu et les limites de la norme qui interdit le refoulement, à savoir, l’expulsion d’un étranger
aux territoires frontaliers où risquent d'être soumis à la persécution, la torture et la maltraitance ou
d'autres violations graves de leurs droits humains.

L'interdiction du refoulement a été créditée comme une limite sur les pouvoirs d'autorité que
l'État peut exercer contre l'étranger. Au même titre d’ailleurs que la règle coutumière établie qui
interdit de rejeter l'étranger avec des modalités indignes et, partant, oblige l'État à protéger la
personne et les biens de l'étranger résidant régulièrement dans un pays d’accueil. Cette limite
intervient dans une phase délicate de l'histoire des migrants, c'est-à-dire celle de l'admission et de la
sortie du territoire de l'État hôte. En fait, c'est le moment où l'étranger se détache de l'ordre
juridique d'appartenance et entre en contact avec un système juridique qui lui est étranger, dans la
mesure où il ignore les instruments juridiques chargés de sa protection. C'est aussi le moment où il
y a un plus grand risque à ce que le migrant ne puisse pas bénéficier des droits humains
fondamentaux.

Comme on le verra dans les chapitres suivants, avec l'émergence de nouveaux défis liés aux
questions de migration, on relève une prolifération des catégories de personnes régies par les
diverses dispositions du droit international, ainsi que la multiplication des cas matériels et des

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contextes normatifs dans lesquels la sécurité juridique a été invoquée, ainsi que les valeurs
juridiques que la protection juridique a été appelée à présider.

Par ailleurs, il faudra souligner l'importance de la sécurité juridique qui a été reconnue dans le
projet d'articles sur “la protection des droits de l'homme des personnes expulsées ou en voie
d’expulsion” par la Commission du droit international, dans lequel elle est présentée à double titre.
En premier lieu, comme obligation de l'État de réception d'assurer à l'étranger le respect du droit à
la vie et à la liberté, ce qui entraîne l'interdiction de l'expulser vers des territoires où il risque d'être
persécuté en raison de ses caractéristiques personnelles. Deuxièmement, en tant qu'obligation de
l'État hôte de protéger l'étranger contre le risque réel d'être soumis à la torture ou à des traitements
inhumains ou dégradants à la suite du renvoi ; en d'autres termes, pour lui garantir une protection
"par ricochet" développée dans le cadre des droits de l'Homme.

Si, par conséquent, peu de doute peut survenir sur le relief la sécurité juridique des réfugiés ou
les personnes qui fuient la torture ou de mauvais traitements, force est de constater que de
nombreuses incertitudes dominent encore le débat autour du contenu de cette « protection », ainsi
que la nature et l'étendue des obligations internationales en relation avec la possibilité d’engager la
responsabilité internationale des États.

Ce sont-là des questions dont la compréhension et l’analyse sont devenues compliquées à cause
de la tendance éthique, largement adoptée par les ONG chargées de la protection des droits de
l'Homme et par celles qui traitent de la protection des réfugiés, à évoquer ce qui est connu
génériquement comme le « principe » de non-refoulement. Ce qui correspond à une interdiction
d'expulsion (dans les formes d'expulsion, d’extradition, de rejet à la frontière) de toute personne qui
risque une grave violation de ses droits fondamentaux, y compris la liberté de toute forme de
persécution. De plus, ces incertitudes sont alimentées par l'écart entre la tendance, décrite ci-
dessus, et les manifestations de la pratique de nombreux États dans le cadre de la lutte contre le
terrorisme international et la gestion des flux migratoires transnationaux de taille croissante.

Afin de clarifier notre propos, on propose de procéder à une évaluation des tendances “trend”
d'expansion et de compression de la protection juridique, qui découlent de cette interdiction,
concernant les bénéficiaires “ratione materiae” et “loci”. Passer d'une analyse séparée des deux
lignes principales de développement de la sécurité juridique – l’une, dans le cadre du régime

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juridique des réfugiés et, l'autre, dans cadre des droits de l'homme – cette recherche vise à identifier
le contenu et la portée de la norme dans les différents contextes juridiques dans lesquels elle trouve
son expression dans le droit international contemporain.

En mettant l’accent sur la sécurité juridique des réfugiés et demandeurs d’asile, à travers le prisme
du non-refoulement – ses tenants et ses aboutissants historiques –, notre objectif est d’abord de
mettre en relief les dangers qui guettent les réfugiés et les demandeurs d’asile au niveau
international, d’une manière générale, à savoir celles et ceux qui subissent les conséquences de la
non-application du principe de « non-refoulement ». D’un point de vue historique, notre ambition
est de mettre en évidence l’évolution de la sécurité juridique des réfugiés et demandeurs d’asile,
notamment celles et ceux qui étaient menacés par le refoulement et qui se trouvent dans des
situations de dangers ou de risques (persécution, extradition, traumatismes psychologiques,
discriminations…)

En empruntant ce cheminement juridico-politique de la vulnérabilité des personnes déplacées ou


des migrants, notamment, et qui ont pu éviter, in extrémis, l’extradition, notamment par les
autorités marocaines, notre objectif ici est de comprendre les mécanismes qui aggravent la situation
des droits humains des migrants, de manière à pouvoir mesurer la portée de l’obligation de la
protection juridique des réfugiés et demandeurs d’asile non-refoulés, notamment celles et ceux qui
souhaitent s’installer ou qui sont résidant dans le royaume.

À terme, notre ambition est d’interroger les mécanismes juridiques, tels qu’ils sont adoptés au
niveau international, qui permettent de garantir une protection juridique à ces populations
vulnérables. Concrètement, notre travail a consisté à mesurer l’effectivité de l’accès des réfugiés et
demandeurs d’asile aux droits fondamentaux (droit à la santé, droit à l’état civil, droit à la justice,
droit à l’emploi, droit à l’éducation…). Ce travail nous a permis de vérifier, in situ, l’applicabilité
ou non de la protection juridique en tant que mécanisme juridique international susceptible de
réduire la vulnérabilité et ce, à partir d’une enquête sur les perceptions nourries par les acteurs eux-
mêmes. La question principale tournait autour de l’effectivité (on non) de l’accès réel d’une
population de réfugiés et demandeurs d’asile installés au Maroc aux droits fondamentaux, tels
qu’ils sont garantis par le droit international (deuxième partie).

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Avant d’appréhender nos deux parties de recherche, on propose de présenter une introduction
générale du travail composée d’une note méthodologique formulée en cinq points traitant chacun
d’un aspect particulier de la recherche à commencer par la construction de l’objet d’étude, la
problématique, les hypothèses à vérifier, l’approche et la technique de recherche adoptées et
l’annonce du plan général de la recherche.

I. Objet de la recherche
Notre objectif étant de procéder à une évaluation des tendances “trend” d'expansion et de
compression de la protection, qui découlent de l’interdiction du refoulement – tant sur le plan du
régime juridique des réfugiés que de celui des droits de l'homme. La recherche vise à identifier le
contenu, la nature et la portée de la norme dans les différents contextes juridiques dans lesquels elle
trouve son expression dans le droit international contemporain. Appliquée au contexte marocain,
notre approche concerne principalement l’analyse des modalités de fonctionnement
(dysfonctionnement) de la sécurité Juridique du demandeur d’Asile et l'évolution de l'interdiction
du refoulement en droit international au Maroc.

II. Problématique
À partir de la littérature abondante sur la question migratoire, l’idée de la sécurité juridique des
réfugiés et demandeurs d’asile, tout particulièrement, s’est imposée à nous comme la clé de voûte
susceptible de nous permettre de saisir les modes de fonctionnement du droit international par
rapport à la régulation des flux migratoires, en général, et la garantie des droits humains des
migrants en particulier.

La réflexion porte ici sur le contenu et les limites de la norme qui interdit le refoulement, à
savoir, l’expulsion d’un étranger aux territoires frontaliers où ils risquent d'être soumis à la
persécution, la torture et la maltraitance ou d'autres violations graves de leurs droits humains. Si
peu de doute peut survenir sur le relief de l'interdiction du refoulement dans la protection des
réfugiés ou les personnes qui fuient la torture ou de mauvais traitements, force est de constater que
de nombreuses incertitudes dominent encore le débat autour du contenu de cette « protection »,
ainsi que la nature, l'étendue et la portée des obligations internationales de non-refoulement, en
relation avec la possibilité d’engager la responsabilité internationale des États. En même temps,
notre objet de recherche ne se limite pas à la description du processus de non-refoulement, mais

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s’étend aussi à l’analyse de la situation des personnes non-refoulées, dont les réfugiés et les
demandeurs d’asile, par rapport à la question de l’accessibilité effective ou non de ces derniers à
leurs droits fondamentaux, tels qu’ils sont prônés et garantis par le droit international à travers les
conventions internationales adoptées par le royaume.

Et pour cause, le Maroc qui est devenu désormais un pays de transit/installation des réfugiés
pourrait constituer à bien des égards un “laboratoire d’analyse” permettant d’évaluer les
potentialités institutionnelles et technico-juridiques des pouvoirs publics à assurer la sécurité
juridique des réfugiés, dans le respect des principes universels des droits de l’Homme. Notre
postulat de départ est simple : en l’absence d’un cadre juridique de l’asile, les réfugiés et
demandeurs d’asile sont confrontés à une situation de vulnérabilité du moment où ils ne sauraient
pas à même de bénéficier d’une protection juridique.

L’idée qu’ils ont pu échapper au refoulement ou à l’expulsion devrait nous interpeller sur leur
situation juridique et, surtout, leurs conditions de vie inhérentes à une sécurité juridique susceptible
de leur garantir l’accès aux droits fondamentaux dans le respect de la dignité humaine. La question
nous semble d’autant plus alarmante surtout lorsqu’il s’agit des réfugiés et demandeurs d’asile
installés dans un pays comme le Maroc, qui malgré les efforts déployés par les autorités demeure
loin des exigences du droit international en matière de régulation des flux migratoires dans le
respect des droits humains.

III. Hypothèses de recherche


Notre travail est basé sur une double hypothèse : la première hypothèse inhérente à l’idée selon
laquelle le “ratio” humanitaire de la disposition du non-refoulement et sa nature de « concept
ouvert » serait révélatrice de l’évolution historique du dispositif légal international visant à garantir
une protection juridique aux réfugiés et demandeurs d’asile. D’une part, cela aurait permis la mise
en place d’un ensemble d’adaptations du « contenu original », dans toutes les conventions relatives
aux réfugiés et, d’autre part, un développement autonome et transversal qui a touché d'autres
régimes juridiques.

Afin de tester la véracité de cette hypothèse, notre travail traite des sources du droit
international régissant le non-refoulement, en général, et analyse les principales évolutions de la

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pratique internationale en matière d'expulsion des étrangers, notamment ceux qui risquent la
persécution ou des traitements inhumains dans le pays de destination.

La deuxième hypothèse émane de la question de la sécurité juridique des réfugiés et


demandeurs d’asile au Maroc. Un problème qui se pose avec acuité lorsque ces derniers échappent
au refoulement et se trouvent dans une situation de vulnérabilité en attendant que leur situation soit
régularisée dans le pays hôte ou même quand ils envisagent de renouveler leur autorisation de
séjour et que leurs demandes sont rejetées pour des raisons diverses et variées. Partant de là, on
suppose que dans ces cas de figure, surtout en l’absence d’un cadre juridique de l’asile, les réfugiés
et demandeurs d’asile deviendraient plus vulnérables et, partant, leurs droits fondamentaux ne
seraient pas garantis comme le stipule la législation internationale. L’accès aux services de base,
dont notamment le travail, l’éducation et la santé, deviendraient ainsi de plus en plus difficile en
l’absence d’une protection juridique qui préservent la dignité des réfugiés et demandeurs d’asile et
respectent leurs droits humains. La protection juridique serait ainsi une condition sine qua non
d’une intégration socioéconomique des migrants dans leur pays hôte.

Notre deuxième hypothèse sera vérifiée à partir de l’analyse des résultats d’une enquête sur le
terrain qui nous a permis de saisir la situation juridique d’un échantillon de réfugiés, résidant au
Maroc, qui font état des difficultés rencontrés au quotidien pour pouvoir accéder à leurs droits
fondamentaux (droit à l’état civil, droit au travail, droit à la santé, droit à la justice…).

IV. Approche et technique de recherche


L’approche adoptée dans ce travail de recherche s’inscrit, bien évidemment, dans le paradigme
du droit international qui tend à étudier le fonctionnement du dispositif juridique et réglementaire
inhérent à la régulation de la question de la sécurité juridique des réfugiés. Concrètement, sur le
plan herméneutique, notre travail d’investigation s’est basé sur l’arsenal juridique spécifique à la
question des réfugiés, notamment l’ensemble des conventions internationales, les textes
réglementaires et la jurisprudence internationale relatifs à la sécurité juridique et au droit au non-
refoulement des réfugiés, tant au niveau international qu’au niveau du Maroc.

Notre démarche se veut, d’abord, compréhensive, basée sur l’analyse et le commentaire des
textes juridiques, mais aussi comparative, dans la mesure où l’étude opère des analyses

Sous la direction de la Professeure : Mme. Naima GUENNOUNI – Doctorante : Sinda Nawrocka 15


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comparatives, sur fond d’une contextualisation historique. D’un point de vue empirique, la
recherche adopte la technique de l’étude de cas (case study), qui se focalise sur l’analyse de l’état
des lieux de la sécurité juridique et le non refoulement des réfugiés au Maroc.

À cet effet, une enquête sur le terrain va être menée auprès des acteurs institutionnels
(gouvernements et ONG) et des réfugiés. Cela nous permettra de disposer de données précieuses
sur les modalités de fonctionnement des dispositifs juridiques relatifs à la sécurité des réfugiés,
ainsi que les limites et les perspectives d’amélioration des textes et procédures réglementaires, de
manière à pouvoir assurer à terme une meilleure protection des réfugiés.

V. Plan général de la recherche


Dans un premier temps, partant de l'exégèse de l'article 33 de la Convention de Genève relative
au statut des réfugiés, cette recherche vise à évaluer l'impact de l'évolution du principe de non-
refoulement sur l'interprétation des normes internationales des droits de l'Homme, du droit
humanitaire et sur la coopération judiciaire en matière pénale, ainsi que sur la formation d'une règle
coutumière interdisant le refoulement.

Cette recherche est divisée en deux parties distinctes qui tentent, chacune selon un angle
particulier, de rendre compte de l’intelligibilité et l’applicabilité de la question de la sécurité
juridique et le principe de non-refoulement des réfugiés au Maroc.

Ainsi, la première partie de la recherche compte développer le thème de l'obligation de la


sécurité juridique des réfugiés et demandeurs d’asile en droit international, notamment le rôle des
instances internationales défendant le « droit des réfugiés ». La deuxième partie tente de rendre
compte de la centralité de la protection juridique des réfugiés, notamment ceux qui sont installés au
Maroc, à travers le prisme de l’accès aux droits fondamentaux. Une analyse juridique exhaustive
du dispositif réglementaire international visant la sécurité juridique des réfugiés a été appuyée par
une enquête sur le terrain auprès d’une population de réfugiés dans le but de mesurer l’effectivité
réelle de l’accès ou non de ces derniers aux droits fondamentaux (droit à l’état civil, droit à
l’éducation, droit à la santé, droit à la justice, droit à la culture, droit à l’emploi…).

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PREMIÈRE PARTIE :

EVOLUTION HISTORIQUE DES DROITS DES RÉFUGIÉS ET


DEMANDEURS D’ASILE

La première partie a pour objectif de mettre l’accent sur l’évolution historique du principe
internationale de la sécurité juridique des réfugiés et demandeurs d’asile, à travers le prisme du
non-refoulement. Notre objectif est d’abord de mettre en relief les dangers qui guettent les réfugiés
et les demandeurs d’asile au niveau international, à savoir celles et ceux qui étaient menacés par
le refoulement et qui se trouvent dans des situations de dangers ou de risques (persécution,
extradition, traumatismes psychologiques, discriminations…).

La première partie sera composée de trois chapitres : Le premier chapitre revient sur les
évolutions historiques réglementaires des notions d’asile, réfugié et protection juridique. Le
deuxième chapitre sera consacré à l’analyse du principe de l’obligation de la protection juridique
prévue dans la Convention de Genève et la pratique du droit international. Le troisième chapitre
sera dédié à l’étude du principe de protection juridique des droits des réfugiés postérieurs à la
Convention de 1951.

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CHAPITRE I : ASILE, REFUGE ET PROTECTION JURIDIQUE : ORIGINES


ET ÉVOLUTIONS

Ce premier chapitre sera divisé en sept sections qui tente, chacune de revenir sur la genèse des
concepts fondamentaux de notre recherche, à savoir : asile, refuge et non-refoulement. La première
section sera dédiée à la présentation de notes historiques sur l'herméneutique des concepts d '"asile"
et de "refuge". La section 2 traitera du principe de non-refoulement et l’exception du crime
politique dans les traités d'extradition du 19ème siècle. La troisième section essaiera de revenir sur
la première reconstruction du droit d'asile et l'interdiction du refoulement dans le domaine des
droits de l'homme et du droit humanitaire. La section 4 tend à mettre en avant une codification
organique d'une "loi sur les réfugiés". La section 5 sera consacrée à la création du Haut-
Commissariat pour les réfugiés au sein des Nations Unies. La sixième section mettre en évidence le
non-refoulement dans les travaux préparatoires de la Convention de Genève sur le statut de réfugié.
Enfin, la section 7 va mettre l’accent sur les concepts d’ « Asile » et « refuge » dans le monde
contemporain à travers l’adaptation de la protection aux situations de déplacement mondial.

Section 1. Contexte historique de l'herméneutique des concepts d’


« asile » et de « réfugié »
Telle l'expression de la souveraineté sur un territoire, l'idée d'accorder l'asile aux étrangers a des
très anciennes origines historiques, qui remontent au deuxième millénaire av J.-C. En Orient, on
rappelle le développement des formes d'organisation sociale avec un territoire doué de limites
précises et gouverné par une autorité2. Les historiens du droit remontent à cette période lors des
premiers accords conclus entre les peuples voisins sur le traitement des étrangers et, en particulier,
des exilés et des réfugiés. Il est souvent mentionné, par exemple, la déclaration d’un Roi Hittite
qui, lors de la conclusion d'un accord avec une communauté voisine, énoncerait, pour la première
fois, un principe semblable à celui de l'asile, au sens du droit international moderne, et a également
soutenu une sorte d'interdiction de rejet comme suit :

2 Cfr. LENZERINI, Asilo e diritti umani. L’evoluzione del diritto di asilo nel diritto internazionale, Milano, 2009, p. 22.

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« En ce qui concerne les réfugiés, je déclare sous serment ce qui suit : lorsqu'un réfugié vient
de chez vous, on n'aura pas à vous le rendre. Rejeter un réfugié du pays des Hittites n'est pas
honnête "3.

Dans la Grèce antique, l'asile trouverait l'affirmation et la propagation comme une institution
juridique, l'acquisition d'une connotation éminemment spatiale, liée au caractère inviolable reconnu
par la communauté locale dans certains endroits. En particulier, ce fut les sanctuaires, des lieux de
refuge dans lesquels tout le monde pouvait obtenir une protection. Le caractère sacré de ces lieux
était une projection directe de leur fonction religieuse, comme en témoigne justement le fait que la
racine d'asile grec soit mystique et mythologique ; les dieux, eux-mêmes, les architectes du
comportement humain et capables de conduire les mortels à commettre des actes d'impiété, ils se
chargeaient de les protéger en leur offrant un abri dans les sanctuaires4. La protection, par
conséquent, n’était pas accordée par l'autorité politique, qui, comme tout le monde le sait, était le
destinataire de l'obligation d’interdire la violation du lieu sacré. La racine étymologique du terme
asile – composé du “α” privative et du nom « συλον » en grec « droit de saisie5 » - aide à clarifier
la configuration de l'asile comme une exception particulière à la règle de la puissance du souverain
sur le territoire6

Cette forme de protection, universelle “ratione personarum” et permanente “ratione


temporis”, ne concerne, toutefois, que des sanctuaires spécifiques qui revêtent une importance
particulière. Souvent, en effet, franchir le seuil d'un lieu de culte générique ne permettait pas
d'obtenir l'asile, mais seulement “l’ίχεσία"7, à savoir une sorte d'immunité temporaire8, visant à
permettre l'accès du “demandeur d’asile” au rite de la “supplication” pour l'octroi d'une protection
stable et durable, c'est-à-dire de l'asile effectif. Ce fut le cas également dans la tradition judaïque9,

3 UNHCR, The State of the World’s Refugees: the Challenge of Protection, Ch. 2 Asylum Under Threat, Box 2.1 The Origins of Asylum,
Geneva, 1993, accessibile online all’indirizzo: [http://www.unhcr.org/3eeedd4a4.html]. «Concerning a refugee, I affirm on oath the following: when a
refugee comes from your land into mine he will not be returned to you. To return a refugee from the land of the Hittites is not right».
4 MASTROMARTINO, L’asilo nella società e nella cultura greco-antica, L’Acropoli, anno X, 2009, p. 173 ss.
5 DEVOTO, OLI, Vocabolario illustrato della lingua italiana, Milano, 1975, p. 206; MONTANARI, GI. Vocabolario della lingua greca, Milano, 1998,

p. 1893.
6 Cfr. TRUJILLO HERRERA, La Union Europea y el derecho de asilo, Madrid, 2003, p. 40; SÉGUR, La crise du droit d’asile, Paris, 1998, p. 15;

ALLAND, TEITGEN-COLLY, Traité du droit de l’asile, Paris, 2002, p. 19; BOLESTA-KOZIEBRODZKI, Le droit d’asile, Leiden, 1962, p. 14;
CRIFÒ, Asilo (diritti antichi), Enc. dir., Milano, 1958, p. 191; CRÉPEAU, Droit d’asile, Bruxelles, 1995, p. 29; CAPPELLETTI, Dalla legge di
dio alla legge dello Stato. Per una storia del diritto di asilo, in BILOTTA, CAPPELLETTI (a cura di), Il diritto di asilo, Padova, 2006, p. 1 ss., a
p. 6; RIGSBY, Asylia, Berkeley, 1996, p. 31.
7 Ivi, p. 14. Anche CRIFÒ, op. cit., p. 192,
8 Ivi, p. 193 e PAOLI, Asilo (diritto greco e romano), Noviss. dig. it., Torino, 1958, p. 1035
9 Cfr. GIOSUÈ, 20:3-6 e 9; Deuteronomio, 19:4 e 11-13; nn. 35:11-12 e 24. Dans la tradition juive, v. aussi Ancien Testament, nn. 35: 9-29, où le

Seigneur ordonne à Moïse d'établir six villes destinées à l'asile des étrangers persécutés sans faute; Nouveau Testament, Exode 22.20: «Ne
maltraite pas et n'opprime pas l'étranger, car vous étiez aussi des étrangers dans le pays d'Égypte»; Lévitique, 19.33-34: "Quand un étranger
habite avec toi dans ton pays, tu ne lui feras pas tort [...] tu le traiteras comme l'un d'entre vous, qui est né dans votre pays". Même dans la
tradition musulmane, il est de son devoir d'accueillir et d'assister le réfugié: v. Coran, chap. 8,73 à 75. En ce qui concerne la tradition chrétienne,

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même dans la tradition hellénique, par conséquent, le suppliant était soumis à une sorte de test,
effectué par une autorité politique ou religieuse sur la base de critères précis, pour la vérification de
l'existence des conditions d'octroi (ou non) de l'asile10 .

À partir de la fin de la période archaïque et avec une plus grande incidence à l'âge classique,
cette forme de protection aurait été étendue également aux « étrangers », à savoir ceux qui ne
pouvaient vanter aucun lien de nationalité avec un autre “polis” (ville), ayant été exilé ou mis au
ban pour avoir commis des crimes graves11. De cette manière-là, le concept de « réfugié » a été mis
au jour, c'est-à-dire un étranger qui a perdu tout lien avec sa communauté d'origine, qui ne
bénéficie plus d'aucune autorité souveraine et dont le destin est u coup remis à la décision
discrétionnaire de l'autorité chez laquelle il invoque un refuge12.

A cette catégorie particulière d'étrangers, à qui aucune considération13 préalable n’était


accordée, une vulnérabilité particulière est progressivement reconnue, qui se traduit juridiquement
par l'affirmation d'un droit authentique des exilés à chercher refuge loin de la patrie, à recevoir un
accueil dans une ville étrangère et y être reconnu le statut privilégié de "meteco"14. Ce statut,
cependant, se distinguait des "Privilèges d'asilía", ou formes d'immunité accordées, à titre
personnel, à certaines catégories particulières de citoyens venant d'autres « poleis », pour garantir
leur liberté et leurs intérêts légitimes.

En effet, alors que les premiers avaient une racine intrinsèquement humanitaire et étaient
accordés, unilatéralement, par le souverain territorial, les asiles étaient négociés entre les polis sur
une base synallagmatique et de réciprocité. De manière significative, le même “ratio” humanitaire,
posée au fondement de la protection des étrangers exilés, préside au droit d'asile accordé aux
esclaves, qui eux ont réussi à échapper à un maître, qui tenait leur vie ou leur sécurité physique.
Ainsi, dans une société où l'esclavage jouait un rôle indispensable dans la vie politique des citoyens
des « poleis », où l'esclave était le seul détenteur de positions juridiques passives, l'institution

v. Evangile selon Matthieu 25.35-40, où Dieu appelle les justes à sa droite et les bénit en se rappelant "j'étais étranger et tu m'as accueilli",
précepte duquel se développe le droit d'asile ecclésiastique,
10 Cfr. RIGSBY, op. cit., p. 10: «In practice escaping to a temple was not enough for a fugitive from the law: the god or the god’s priest could

refuse him».
11 Cfr. DE SANCTIS, Storia dei greci, Firenze, 1942, pp. 548-549; BALOGH, Political Refugees in Ancient Greece, Roma, 1972, p. 2 e

BISCARDI, Diritto greco antico, Milano, 1982, p. 288.


12 Cfr. SINHA, Asylum and International Law, The Hague, 1971, p. 16.
13 Cfr. TRUJILLO HERRERA, op. cit., p. 41
14 BALOGH, op. cit., p. 43; BISCARDI, op. cit., pp. 86-89

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d'asile constituait, selon Mastromartino, « le seul exemple de protection subjective reconnue aux
personnes qui ne sont pas fournies, ex jure, de droits (d'importance publique)15 ».

Dans les royaumes hellénistiques, par exemple, l'asile va acquérir progressivement une capacité
séculaire : les autorités politiques acquièrent la compétence de déclarer, par de véritables décrets,
l'intangibilité de certains lieux sacrés et même de cités entières, qui deviennent bientôt des zones
libres et neutres, immunisées de la guerre, a même titre d’ailleurs que le principe de l'ingérence du
pouvoir souverain16. Ces titres d'inviolabilité déclinèrent dès que la “pax” romaine commença. À
l’opposé, l'asile chrétien ou « ecclésiastique », aussi populaire qu’il fut lors du IV siècle après J.C,
eut la vie plus durable, tout en étant soumis à des limites plus strictes, lesquelles imposées par
Rome en réaction aux abus concernant l'identification des sites et la définition des titulaires de
droits.

Dans l’asile chrétien, même s’il ressemble au païen, quant aux caractéristiques extérieures, les
fondements philosophiques et théologiques de l’institution changent et l’affirmation de la
périphrase "to ecclesiam confugere", à la place du terme « asile », sert à souligner l'idée de l'église,
en tant que lieu où la rémission des péchés a lieu, et dans lequel même le criminel qui s'est échappé
de la loi terrestre a eu la possibilité de se repentir et de trouver en Dieu la rédemption et la
miséricorde.

La réception des religieux représentait, en effet, une bannière de la souveraineté des institutions
ecclésiastiques face au pouvoir temporel qui, toutefois, défendait leurs prérogatives d'une fonction
de justice sociale, offrant ainsi une dernière et inaliénable garantie aux plus faibles – l'asile – qui
était fondamental dans un système d'administration de la justice, lequel est caractérisé par des
lacunes et des distorsions graves et systématiques.

Avec l'affirmation du principe de souveraineté étatique comme pierre angulaire des relations
entre les différentes entités étatiques supérieures non reconnues, l'institut de l'asile ecclésiastique a
décliné, devenant le premier objet de concordat entre pouvoir civil et pouvoir religieux, puis de
laïcisation définitive.

15 Cfr. MASTROMARTINO, op. cit., p. 173, 174 et 175


16 Cfr. DUCLAUX, Ad ecclesiam confugere: naissance du droit d’asile dans les eglises, Paris, 1994, pp. 224-225.

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Les historiens du droit rappellent constamment un événement comme un tournant entre


l'histoire de l'asile ecclésiastique et celle de l'asile politique. C’est la révocation de l’édit de Nantes
avec lequel, en 1598, Henri IV avait accordé aux huguenots une pleine liberté de culte et une
centaine de rues. L'acte de révocation, ordonné en 1685 par le roi de France Louis XIV, força plus
de deux cent mille personnes à fuir leur pays. Ces "réfugiés" ante litteram trouvèrent refuge dans
les possessions du marquis de Brandebourg qui, avec l'édit de Potsdam, autorisèrent les huguenots
à s'y installer. Cet événement marque le principe de la tradition européenne d'asile moderne, fondée
sur les relations entre États souverains et indépendants et sur le caractère politique de l'institution.

Ainsi, alors que les accords entre souverains se multipliaient afin d’essayer de réglementer les
livraisons de traîtres et de subversifs17, l'asile assumait les connotations d'une concession du
monarque dans l'exercice des prérogatives de son propre gouvernement. À titre d’exemple, l’article
120 de la Constitution française de 1793, qui n’est d’ailleurs jamais entré en vigueur, stipule que le
peuple Français :« donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le
refuse aux tyrans »18 .

Cette déclaration montre indéniablement à quel point l’institution d’asile a tant souffert, perdant
de fait le lien avec un lieu déterminé et acquérant de l’importance sur l’ensemble du territoire de
l’État. Combien, depuis, le bénéfice de l’asile est réservé exclusivement à ceux qui fuient leur pays
"pour la cause de la liberté" ou à ceux qui sont injustement persécutés en raison de leur action
politique contre des « tyrans ».

C’est à partir de ce moment que le droit d’asile commence à se reconstruire autour de l’élément
politique, c’est-à-dire autour de la même racine qui sous-tend la définition du réfugié, laquelle est
actuellement admise en droit international. De nos jours, l’asile « territorial » est configuré comme
une institution directement liée à la souveraineté territoriale de l'État. Une institution reconnue par
le droit (naissant) de la communauté internationale qui dispose de la pleine discrétion en matière de
gestion des étrangers présents sur leur territoire, qui nécessitent une assistance matérielle ou une
protection juridique. Selon Goodwin-Gill, les États nationaux, en tant qu’entités souveraines et

17 GIARDINA, SABBATUCCI, VIDOTTO, Il mosaico e gli specchi. Percorsi di storia dal medioevo ad oggi, Roma-Bari, 2010
18 Constitution française du 24 juin 1793, art. 120

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indépendantes, assument le droit de refuser à se rendre à l’État de nationalité des individus soumis
à leur pouvoir19.

Dans le cas où cette manifestation de la souveraineté de l’État marque le début de l’évolution


du régime de protection internationale à l’époque contemporaine, l’ancienne conception spatiale de
l’asile est restée inhérente à la pratique de l’asile diplomatique ou extraterritoriale. Pour mémoire,
il faudra noter que cette pratique accorde des immunités et des privilèges aux personnes qui se
trouvent dans les lieux de représentation de l’État, sur la base du “fictio iuris” de
l’extraterritorialité du siège diplomatique20. L'asile diplomatique est surtout répandu en Amérique
latine21. Dans cette région, cette pratique a été consacré dans de nombreux instruments de
négociation22.

Section 2. Sécurité juridique, non refoulement et exceptions de délit


politique dans les traités d'extradition du XIXe siècle
Au cours de la première moitié du XIXe siècle, l’État a été obligé de mettre en place des formes
de coopération judiciaire en matière pénale. Cela permettait ainsi de poursuivre les auteurs
d'infractions commises en violation des droits constitutionnels. Même s'ils s'étaient retirés de la
juridiction de l’État dans lequel l'infraction pénale avait été commise, en se réfugiant à l'étranger23.
Cette obligation s'est traduite par le développement de l'institution d'extradition.

L’extradition, au sens moderne du terme24, se distingue de l’expulsion et de la déportation en


raison du but différent poursuivi : en étant dans le premier cas, celui de protéger la communauté
nationale d’une menace à l’ordre public. À contrario, dans les deux autres cas, on cherche à
imposer le respect de la loi à ceux qui sont soumis à la juridiction de l'État25.

Ces développements visaient à enrichir le discours sur l’asile par des nuances et des problèmes
supplémentaires, dont l’attribution avait été jusque-là le résultat d’une manifestation libre du

19 GOODWIN-GILL, MCADAM, The Refugee in International Law, 3a ed., Oxford, 2007, p. 358.
20 Second Report on the Expulsion of Aliens by Maurice Kamto, Special Rapporteur, 20 July 2006, A/CN.4/573, par. 78
21 16 août 2012, demande d’asile de Julian Assange, accessibile online: [http://www.mmrree.gob.ec/2012/com042.asp]. In argomento, VÄRK,

Diplomatic asylum: Theory, Practice and the Case of Julian Assange, Sisekaitseakadeemia Toimetised, 2012, p. 240 ss.
22 Traité de Montevideo sur le droit penal international du 23 janvier 1889, la Convention de l’Havana sur le droit d’asile du 20 fevrier 1928et la

Convention de Caracas sur l’asil politique et diplomatique (OAS Official Records, OEA/Ser.X/I; Treaty Series 34)
23 Somchai Lingsiriprasert v. United States of America, ILM, 1990, p. 1390 ss., a p. 1396: «It was for this reason that the law of extradition was

introduced between civilized nations so that fugitive offenders might be returned for trials in the country against whose laws they had offended».
24 SCHMITT, The nomos of the Earth in the International Law of the «ius publicum europaeum», New York, 2003, p. 52.
25 STEIN, Extradition, MPEPIL, vol. 2, 1995, p. 327

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pouvoir discrétionnaire de l’État territorial. Un pouvoir qui désormais devait nécessairement être
contrebalancé par les besoins des États qui ont signé des traités à ce sujet26. En fait, la règle « aut
dedere aut judicare » a quelque peu restreint la liberté de l'État d'accorder l'asile, créant ainsi une
tension dialectique entre les deux institutions. Ce qui était difficile à résoudre compte tenu des
difficultés rencontrées pour reconstruire au moins l'une des deux institutions de droit coutumier
susmentionnées27.

Malgré cette incertitude, il est probable d'identifier au moins un principe de la discipline de


l'extradition, dont le caractère coutumier est, actuellement, généralement accepté28: l'exception du
crime politique29. Ce principe, établi pour la première fois dans la loi belge sur l’extradition de
1833, obtint une diffusion rapide dans les législations nationales successives et notamment dans les
traités internationaux d'extradition30.

Le premier étant le traité bilatéral entre la France et la Belgique de 1834 31. Il consistait en la
possibilité de ne pas suivre une demande d'extradition lorsque l'affaire pénale, qui détermine la
demande de remise l'auteur présumé, est de nature purement politique ou quand il s’agit d’un crime
relevant du « common law », commis à des fins politiques ou en rapport avec un crime politique.
De cette définition découlent deux ordres de considérations : l’un concernant le caractère éthique
de la base juridique de l’exception et, l’autre, inhérent aux conséquences juridiques de celle-ci à
l’égard de la personne recherchée.

En premier lieu, pour que l’exception soit activée, il est de fait indispensable que l’infraction
alléguée dans la demande d’extradition soit imputable à la catégorie particulière d’infractions
pénales comprenant des crimes politiques. La distinction concernant les crimes de « droit
commun », de nature à corriger les effets du comportement anti-juridique aux fins de
l'extradition32, est justement établie par le fait que le crime politique a été attribué depuis
l'Antiquité33. Cette distinction est conformée – après la parenthèse correspondant à la phase de
consolidation de l'autorité des États-nations – par une emphase accrue depuis le XIXe siècle, un
fondement juridique de nature éthico-idéologique.
26 GRAHL-MADSEN, Territorial Asylum, Stockholm-London-New York, 1980, p. 18.
27 Sull’asilo v. FRANCIONI, op. cit., p. 6. Sull’estradizione
28 Dictionnaire de droit international public et privé, Berlin-Paris, 1885, p. 332
29 ROLIN, Quelques questions relatives à l’extradition, RdC, vol. 1, 1923, p. 177
30 PUENTE EGIDO, L’extradition en droit international: problèmes choisis, RdC, vol. 231, 1991, p. 9
31 Convention d’Estradition des Malfaiteurs, 22 novembre 1834, British and Foreign State Papers, vol. 22, p. 223 ss. p. 224, art. 5;
32 PROAL, Political Crime, New York, 1898.
33 PASSAS, Political Crime and Political Offender, Liverpool L.R., vol. 8, 1986, p. 23 ss., a p. 24.

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A notre sens, ce fondement découle à son tour de la notion du « sens commun », selon laquelle,
c'est la raison d'état, et non la « rule of law , qui détermine ce qui est légitime, afin que ceux qui
s’opposent à des choix jugés injustes, même qualifiés comme légitimes par le pouvoir souverain,
ne puissent pas être jugé comme des criminels communs. C’est le cas notamment de ceux qui
luttent pour la défense des valeurs suprêmes sur lesquelles repose la nation dans son ensemble.

Cette considération est cruciale pour nos objectifs de recherche, dans la mesure où elle précise
le fait que l'exception à l'extradition est un crime politique, consolidée depuis le XIXe siècle. Il est
en de même de l'interdiction du refoulement, qui sera décrété pour la première fois dans une
convention internationale un siècle après. Les deux principes partagent la même matrice
herméneutique et philosophique, donnée par la prise de conscience de la faillibilité du pouvoir
souverain dans la garantie de la protection, en toutes circonstances : tant le respect du contrat social
sur lequel est fondée la vie de la communauté nationale, tant la protection de ses citoyens, qui ne
peut garantir une sécurité juridique à une personne forcée de quitter son pays : soit à cause d’une
crainte fondée ou d'être persécutée en raison de ses caractéristiques individuelles ou bien à cause de
ses propres idéologies politiques ou religieuses .

En termes de conséquences juridiques pour l'individu, comme rappel à la cause du refus


d'extradition fondée sur des raisons politiques, il est utile de rappeler ici l'article 16 des “Règles
internationales sur l’admission et l’expulsion des étrangers”, lesquelles adoptées par l'Institut de
droit international en 1892. Dans ce document historique, on pourrait lire ceci :

« L’expulsé réfugié sur un territoire pour se soustraire à des poursuites au pénal, ne peut être
livré, par voie détournée, à l’État poursuivant, sans que les conditions posées en matière
d’extradition aient été dûment observées »34.

Selon cette définition, le refus de livrer l’étranger accusé de crimes politiques, comme condition
afin que l'extradition soit légitime, inhibe certes l'éloignement de l'étranger, mais ne signifie pas
automatiquement pour autant l'octroi d'un « statut de résidence » à l’étranger qui en bénéficie.
D'ailleurs, il a été même affirmé, expressément, que le développement historique de l'institution de
l'asile politique coïncide avec l'affirmation d'un droit de l'État et non un droit de l'individu sous sa
juridiction.

34 Règles internationales sur l’admission et l'expulsion des étrangers, Session de Genève 1892

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La question qui pourrait donc se poser est de savoir qu’est ce qui a changé dans cette définition
datant de 1892 ? Plus précisément, si aujourd'hui l'État choisit de ne pas renvoyer un étranger sur la
base de l'exception en question, il est de fait obligé d'accorder l’asile politique sur son territoire,
c’est-à-dire s’il est possible d’approuver le "saut logique" de l’exception du crime politique au droit
à l’asile.

Sur ce point, de nombreux chercheurs ont fortement soutenu la thèse qui nie que le recours à
l'exception oblige l'État à refuser de procéder à l'extradition et à offrir, en contrepartie, l'asile à
l'auteur présumé d'un crime politique. À l’opposée, une autre thèse a été soutenue selon laquelle
« l’exception susmentionnée est la preuve de la volonté de l’État requis d’accorder une protection
à l’étranger »35 Cette idée invoque l’article 120 de la Constitution française de 1793 qui, comme
on l’avait précisé plus-haut, « réservait l’asile aux personnes qui fuyaient parce qu’elles étaient
persécutées en raison de leurs action politique contre les ‘tyrans’ ».

Il convient à cet effet de rappeler ici que l’exception du crime politique, du moins à ses
origines, ne pouvait pas être reliée à un ratio humanitaire, tirant sa raison d’être de l’intérêt de
l’État requis de ne pas être impliqué dans des conflits politico-idéologiques de l'État requérant.
Cependant, il est indéniable que, du fait de la décision de ne pas extrader l’étranger pour des
raisons politiques, l’État requis finissait automatiquement par lui fournir une sorte de protection, du
moins dans la mesure où il lui permettait de ne pas quitter le territoire de l’État.

Partant de ces prémisses théorico-pratiques, notamment dans la jurisprudence internationale et


nationale la plus récente, une thèse s’est affirmée avec acuité : l’idée selon laquelle l'exception du
crime politique à l'extradition vise à protéger l'extradé d'une atteinte potentielle à ses droits
fondamentaux. Une telle situation est justifiée par des intérêts politiques, indépendamment du
caractère effectif du crime commis. En ce sens, l’exception a été configurée en un instrument de
défense des droits de l’Homme. Et pour cause, elle tend à éviter le risque que l'État requis agisse en
"complice" de l'État requérant dans la persécution de l'extradé, en lui assurant une forme de
protection contre son État d'origine ou contre celui de la résidence habituelle en cas d'apatridie36.
Pour interpréter objectivement cette évolution, on ne devrait pas sous-estimer les réflexions selon
lesquelles le développement du droit des réfugiés et des droits de l'Homme, survenues au cours du

35 LAUTERPACHT, The Law of Nations and the Punishment of War Crimes, BYIL, vol. 21, 1944, p. 58
36 DUGARD, VAN DEN WYNGAERT, Reconciling Extradition with Human Rights, AJIL, vol. 92, 1998, p. 187

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XXe siècle, ont conduit à une interprétation juridique et légale des instruments internationaux
d’extradition.

Section 3. La première reconstruction du droit d'asile et l'interdiction du


refoulement dans le cadre des droits de l'Homme et du droit
humanitaire
À partir de la moitié du XXe siècle, le droit d’asile a été consacré dans la plupart des
constitutions nationales37. Il a même été prévu dans plusieurs législations, notamment celles
spécialisées dans la gestion des étrangers, dans lesquelles s'opposaient l'affirmation solennelle de la
liberté de l'État dans l'octroi de l’asile avec l'absence d'un droit subjectif de l’individu38.

On trouve également un reflet de cette orientation dans les débats qui ont précédé l’adoption de
la Déclaration universelle des droits de l’Homme, du 10 décembre 1948, qui établit le droit d'asile
dans l'article 14, par. 1. Dans le projet de déclaration adopté par la Commission des droits de
l'Homme, le principe énoncé dans l'article 12 à l'origine était exprimé dans des termes quelque peu
différents, comme on pourrait le constater dans ce passage :

«1. Everyone has the right to seek and be granted, in other countries, asylum from persecution.
2. Prosecutions genuinely arising from non-political crimes or from acts contrary to the purposes
and principles of the United Nations do not constitute persecution».

Ainsi si les États de la Troisième Commission de l'Assemblée générale avaient accepté cette
formulation, l'article 14 de la Déclaration, bien que ne disposant pas d’un effet contraignant, aurait
néanmoins fourni un fondement interprétatif solide pour une reconstruction du droit d'asile, en tant
que droit subjectif. . Cependant, plusieurs voix se sont élevées contre cette hypothèse controversée
: certains délégués s'y sont opposés au motif qu'aucun État ne saurait, raisonnablement, accepter les
responsabilités découlant de l'affirmation d'un droit individuel à l'asile39. D'autres ont adhéré à la
supposition selon laquelle il n'y avait pas de disposition de droit international général en matière
d’asile. Enfin, d’autres encore ont revendiqué le pouvoir discrétionnaire absolu de l’État dans le
domaine des décisions d’entrée et de sortie du territoire.

37 FERRARI, L’asilo nel diritto internazionale, 2005, accessible online: [http://www.unhcr.it/news/dir/91/view/633/lasilo-nel-diritto-


internazionale- 63300.html
38 CARLIER, Droit d’asile et des réfugiés. De la protection aux droits, RdC, vol. 332, 2007
39 UN Doc. A/C.3/SR.121, p. 330 (Mrs. Corbet pour le Royaume Uni); p. 332 (Mr Plaza pour le Venezuela).

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En fin de compte, à partir de la version de l'article 14 adoptée en séance plénière, des


dispositions ont été effacées tant la référence au par. 1, au “right to be granted asylum”, tant la
définition de la persécution, formulée au par. 240. C’était donc clair que, au-delà du contenu littéral
strict de l'article 14, qui introduit le concept ambigu de " jouissance “ de l'asile, le droit d'asile était
perçu comme le "droit" de chaque État partie de la communauté internationale d'offrir l'asile et de
s'opposer aux demandes d'extradition.

Cette donnée peut également être déduite de la construction du par. 2 de l'article 14, qui ne
laisse aucun doute sur le fait que le droit de l'État d'accorder l'asile ne constitue qu'une exception
aux obligations assumées en matière d'extradition. C’est le cas notamment de la limite représentée
par l'exclusion du bénéfice de ceux qu'ils sont poursuivis de crimes graves non politiques et d'actes
contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

En tout état de cause, bien que l’omission de prévoir des obligations de réception de la part des
États représente, certainement, le « péché originel » du système international de protection des
réfugiés41, les rédacteurs de la Déclaration universelle ont toujours eu le mérite d’avoir inclus, au
par. 1 de l'article 14, la plus importante déclaration sur les droits de l'homme, à savoir : le "droit de
chercher asile des persécutions", créant ainsi la base d'une liaison durable entre le droit des
réfugiés et les droits de l'Homme42.

Le ratio humanitaire du droit d'asile a également été soulignée par une importante résolution de
l'Institut de Droit International, adoptée lors de la session de Bath, présidée par Raestad et Perassi,
en septembre 1950. Passant à l'observation selon laquelle « l’exode massif d’individus contraints
pour des raisons politiques de quitter leur pays impose aux États le devoir de joindre leurs efforts,
en vue de pourvoir aux exigences de pareilles situations » et que « la reconnaissance
internationale des Droits de la personne humaine commande de nouveaux et plus amples
développements de l’asile »43, cette résolution prévoyait malgré tout un rappel exprès à la
Déclaration universelle des droits de l'Homme, considéré comme un point de départ de
l'approfondissement du concept d'asile.

40 l’actuel texte de l’art. 14 de la Declaration universelle dit : «1) Everyone has the right to seek and to enjoy in other countries asylum from
persecution. (2) This right may not be invoked in the case of prosecutions genuinely arising from non-political crimes or from acts contrary to
the purposes and principles of the United Nations» .
41 LAUTERPACHT, The Universal Declaration of Human Rights, BYIL, vol. 25, 1948, p. 354
42 EDWARDS, Human Rights, Refugees and the Right ‘To Enjoy’ Asylum, IJRL, vol. 17, 2005, p. 293
43 L’asile en droit international public, Session de Bath 1950, in Résolutions de l’Institut de droit international 1873-1956, 1957, p. 58

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Toutefois, aucun progrès n’a été enregistré en ce qui concerne la configuration des positions
juridiques des deux parties concernées par l’asile : l’État est resté le seul titulaire du droit
d’octroyer l’asile, tandis que les individus ne sont que les bénéficiaires de l’exercice de la part de
l’État de son plein droit. Tout au plus, l'objectif humanitaire de l'asile a été utilisé pour que l'État
hôte décide d'accorder l'asile sur un plan d'imprenabilité et que l'État, lui-même, est protégé contre
d'éventuelles représailles de la part de l'État de nationalité de l'asile. À cette fin, rappelons-le, la
résolution prévoyait ceci :

«Tout État qui, dans l’accomplissement de ses devoirs d’humanité, accorde asile sur son
territoire n’encourt de ce fait aucune responsabilité internationale».

Il en résultait donc clairement que, en l'absence d'obligations conventionnelles en matière


d'extradition, ou d'hypothèse d'extradition, prévues par le traité, un État n'était pas tenu de renvoyer
un individu que l'État d'origine prétend, pour qu’il soit soumis à un processus pour les crimes
communs, si l'octroi de l'asile est lié à des motivations humanitaires. Par ailleurs, le problème
herméneutique et définitif du terme asile n’a pas été complètement affecté, ce qui a été qualifié sur
le plan juridique de :

«La protection qu’un État accorde sur son territoire ou dans un autre endroit relevant de
certains de ses organes à un individu qui est venu la rechercher».

Ainsi , avec le développement du droit humanitaire et grâce à la contribution des traditions


nationales, notamment européennes, le cadre juridique du droit des réfugiés a commencé à se
développer quantitativement et qualitativement.

À partir de 1949, avec l'adoption de la quatrième Convention de Genève sur la protection des
civils en temps de guerre44, aux réfugiés a été reconnu un statut spécifique de protection
humanitaire. En revanche, le lien particulier qui existe entre le droit humanitaire et le droit des
réfugiés semble inefficace si jamais il se répercute davantage sur les circonstances dans lesquelles
le problème des réfugiés se manifeste plus fréquemment. Il s’agit là notamment d’identifier les
situations de conflit interne latent ou celles de conflit armé international, dont les victimes doivent

44 Geneva Convention Relative to the Protection of Civilian Persons in Time of War (IV Convention de Genève), 12 Août 1949

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être protégées et assistées de manière impartiale et ce, conformément aux Conventions de Genève
sur le droit humanitaire. De fait, en vertu de l'article 4 de la quatrième convention de Genève, ils
méritent d'être protégés comme le stipule la disposition suivante : « those who, at a given moment
and in any manner whatsoever, find themselves, in case of a conflict or occupation, in the hands of
a Party to the conflict or Occupying Power of which they are not nationals ».

Cette exposition est née de la conscience que les étrangers sont les premières victimes de la
guerre, car les droits et libertés reconnus en temps de paix par l'État hôte sont systématiquement
remodulés négativement dans l'État d’accueil en temps de guerre, Surtout lorsque ces derniers ont
la citoyenneté d'un État ennemi. La même convention a d'ailleurs reconnu, dans l'article 27, par. 4,
que «the Parties to the conflict may take such measures of control and security in regard to
protected persons as may be necessary as a result of the war».

Par ailleurs, cette prise de conscience a conduit à la nécessité d'éviter que les réfugiés, déjà
privés de la protection de leur État d’origine, soient traités de la même manière que les citoyens des
pays ennemis, en raison de leurs origines liées à cet État. À cette fin, une disposition spécifique
traitant du problème des réfugiés a été incluse dans la Convention, à savoir l'article 44, aux termes
duquel on pourrait lire ceci:

«In applying the measures of control mentioned in the present Convention, the Detaining
Power shall not treat as enemy aliens exclusively on the basis of their nationality de jure of an
enemy State, refugees who do not, in fact, enjoy the protection of any government»45.

La disposition décrit ici une pratique généralisée des États, surtout lors de conflits armés, à
savoir celle de fusionner la sphère des droits et libertés reconnus aux étrangers en temps de paix, en
particulier lorsque ces derniers possèdent la citoyenneté d'un État ennemi. Cette prémisse peut
servir afin de mieux interpréter le sens de l'article 44, qui impose aux États de distinguer entre la
situation juridique des étrangers et celle des réfugiés, qui, bien qu'ils puissent avoir une relation de
citoyenneté avec un État étranger spécifique, ne bénéficient pas, en pratique, de la protection qui
devrait être le doit principal d’appartenance à une communauté nationale spécifique. Dit autrement,
les rédacteurs de la Convention ont déduit du fait que la relation entre le réfugié et son État

45Protocol Additional to the Geneva Conventions of 12 August 1949, and relating to the Protection of Victims of International Armed
Conflicts , 8 juin1977.

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d’origine ne peut être assimilée à un “genuine link”, mais plutôt à une construction fictive vidée de
tout sens de substance, puisqu’elle aboutit à la conclusion que :

«People who are in fact the first victims of the Power at war with their country of asylum and
who are in certain cases in favor of the latter’s cause, obviously cannot be treated as enemies. The
purely formal criterion of nationality must therefore be adjusted, for it rests on an essentially legal
and technical conception, and the strict application of such a contradiction would be in
contradiction to human reality and contrary to justice and morality»46.

De cette manière-là, le fondement herméneutique de la protection des réfugiés dans le droit


international contemporain a été affirmé, résumé en l’absence de protection effective de l’État de
nationalité. Cette notion a été par ailleurs reprise dans l'article 8 de la Convention de Genève de
1951 sur le statut des réfugiés, dans lequel est stipulé ceci :

«With regard to exceptional measures which may be taken against the person, property or
interests of nationals of a foreign State, the Contracting States shall not apply such measures to a
refugee who is formally a national of the said State solely on account of such nationality.
Contracting States which, under their legislation, are prevented from applying the general
principle expressed in this article, shall, in appropriate cases, grant exemptions in favor of such
refugees»47.

Outre la question du statut juridique des réfugiés en temps de guerre, il existait un autre point à
réglementer pour garantir une forme de protection aux réfugiés, à savoir : les limites du droit de
l'État impliqué dans un conflit d'expulser les étrangers présents sur leur territoire. Il faudra noter
qu’une interdiction de l'expulsion d'un étranger ou d'un groupe d'étrangers, en l'absence de raisons
impérieuses, soit de nature guerrière, soit liées à la sécurité nationale, peut être déduite de l'article
45 de la quatrième convention de Genève, dont le paragraphe 4 énonce clairement l’obligation de
non-refoulement, formulée dans les termes suivants :

46 IV Geneva Convention relative to the Protection of Civilian Persons in Time o War: Commentary, Geneva, 1958, p. 264
47 Convention Relating to the Status of Refugees (Convenzione di Ginevra), 28 July 1951, 189 UNTS 137, a p. 150, art. 8.

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«In no circumstances shall a protected person be transferred to a country where he or she may
have reason to fear persecution for his or her political opinions or religious beliefs »48

Le ratio de cette interdiction est donc identique à celle qui aurait présidé à la formulation de la
norme de non-refoulement dans la Convention de Genève de 1951. Celle-ci consistait, comme on
le verra ultérieurement, dans la nécessité ressentie par les États parties de décider d'interdire
l'éloignement de l'étranger en présence d'un risque de persécution.

En outre, il convient de noter que l'article 45 étend la protection des étrangers contre l'expulsion
même aux cas où les conditions de risque de persécution, qui caractérisent la disposition de la
Convention de Genève de 1951 , ne sont pas présents. En fait, la Convention interdit le transfert
des personnes protégées vers les pays qui ne montrent pas « the willingness and ability » de
respecter les autres dispositions de la IVe Convention concernant la protection des civils49.

Enfin, le même article introduit une limitation à l'obligation de non-refoulement, adaptée à la


nécessité de garantir l'efficacité de la coopération intergouvernementale dans le secteur de la justice
pénale. De fait, cela exclue l'utilisation du principe de non-refoulement pour justifier le non-respect
d'une demande d’extradition pour des infractions graves de droit commun50. De cette manière-là
ont été réaffirmées, également dans le droit humanitaire, la fonction d'asile et celle de l'interdiction
du refoulement en tant que réciproque d’extradition.

48 Quatrième convention de Genève art. 45, par. 4


49 IV Convention de Genève art. 45:” Protected persons shall not be transferred to a Power wich is not a party to the Convention. This provision shall in no way
constitute an obstacle to the repatriation of protected persons, or to their return to their country of residence after the cessation of hostilities. Protected persons may be
transferred by the Detaining Power only to a Power which is a party to the present Convention and after the Detaining Power has satisfied itself of the willingness and
ability of such transferee Power to apply the present Convention».
50 Voir Paragraphe. 5, qui dit ceci : «The provisions of this Article do not constitute an obstacle to the extradition, in pursuance of extradition treaties concluded

before the outbreak of hostilities, of protected persons accused of offences against ordinary criminal law»

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Section 4. Vers une codification organique d'un « droit de réfugié »

Avec l’avènement du vingtième siècle, l’intérêt de la communauté internationale pour le


problème des réfugiés ne pouvait que croître, notamment en raison des déséquilibres
démographiques causés par les conflits mondiaux. Cependant, même avant 1915, il existait des
exemples de législations nationales prévoyant des dispositions spécifiques sur le non-refoulement.
C’est le cas notamment de l’Aliens Act , publié par le Parlement britannique le 11 août 1905, dont
notamment la première partie qui a énuméré les cas de figures où l'immigré devrait être considéré
par les gardes-frontières comme un « undesirable immigrant», et donc rejeté à la frontière, à
l'exception de ce qui suit :

«[I]n the case of an immigrant who proves that he is seeking to avoid prosecution or
punishment on religious grounds or for an offence of a political character, or persecution
involving danger of imprisonment or danger to life or limb on account of religious belief, leave to
land shall not be refused»51.

Au-delà d’exemples isolés, tels que celui évoqué ci-dessus, la communauté internationale n’a
été confrontée au problème de la définition du concept juridique de « réfugié » et de la protection
internationale qui s’y rattachait, que dans la première période de l’Après-guerre. Face à la montée
de la « migration forcée », causée soit par la faim, soit par le risque de persécution, plus d'un
million et demi de citoyens russes52, les réticences des États européens d’accorder l'asile ne faisait
qu’accroître.

Par contre, il s’est développé une tendance visant à introduire des restrictions liées à l'entrée des
étrangers et à l’adoption d’une politique d'expulsion massive53. Ces tendances ont été facilitées par
le fait que la plupart de ces étrangers étaient sans pièces d'identité54. En outre, en ce qui concerne
les étrangers de nationalité russe, il convient d'ajouter que même après leur rapatriement, s’ils
avaient réussi à s’échapper aux persécutions et à la faim, la majorité d'entre eux seraient restés
apatrides , puisqu'avec un décret de 1921, le Comité central exécutif et le Conseil des commissaires

51 Aliens Act 1905, 5 Edw. 7, Chap. 13, p. 22


52Conférence des organisations russes, Mémorandum sur la question des réfugiés russes présenté au Conseil de la Société des Nations par la
Conférence des Organisations Russes réunie a Paris en août 1921, Paris, 1921, pp. 4-5.
53 SKRAN, Historical Development of International Refugee Law, in ZIMMERMANN
54 Resolutions adopted by the Conference on the Question of Russian Refugees, LN Doc. C.277.M.203.1921.VII (1921), pp. 2-3.

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du peuple ont privé de la citoyenneté toutes les personnes résidantes à l'étranger depuis plus de
cinq ans ou bien qui ont quitté la Russie après le 7 novembre 1917, sans obtenir l'autorisation du
gouvernement soviétique55.

C'est donc dans ce contexte historique que le cadre juridique pour la protection des réfugiés
contre le risque de déplacement forcé des pays d'origine, traditionnellement lié aux hypothèses
classiques de « l'exception à l'extradition », s'est enrichi de profils supplémentaires56. Ainsi, la
Croix-Rouge internationale (CRI) a pris une initiative concrète dans ce sens. Grâce aux travaux de
son président, Gustav Ador, qui a cherché à sensibiliser la communauté internationale sur la
nécessité de prendre des mesures urgentes pour limiter les conséquences dramatiques de la crise
russe, des règles sûres sur le traitement des réfugiés ont été rétablies, de manière à faire en sorte
que la protection ne soit plus accordée à la discrétion des États.

Dans son appel à la Société des Nations (SN), Ador a posé la question pour la première fois
dans une perspective humanitaire. En réponse, le 27 juin 1921, la Société des Nations établit la
figure du Haut-Commissariat pour les réfugiés, en la personne du naturaliste et diplomate
norvégien Fridtjof Nansen, chargée de garantir la protection juridique et l'assistance matérielle aux
réfugiés57. Sous la direction de Nansen, une conférence est organisée ainsi à Genève, en 1922, et
qui a abouti à la rédaction d'un accord sur la délivrance de documents d'identité et de documents de
voyage, qui ont une validité internationale pour les réfugiés russes. Deux ans plus tard, profitant de
ce cadre de travail, un accord similaire avait été négocié avec succès pour résoudre la crise
arménienne58 .

Grâce à ces instruments, Nansen a réussi à négocier l’adoption d’un document d’identité et de
voyage spécial pour les réfugiés, capable de reconstruire leur identité et promouvoir leur
intégration dans les États hôtes. Cet instrument, connu sous le nom de «passeport Nansen», fut un

55 Conférence des organisations russes, cit., pp. 5-6. Cfr. WILLIAMS, Denationalization, BYIL, vol. 8, 1927, p. 45 ss.
56 KÄLIN, CARONI, HEIM, Article 33, para. 1 1951 Convention, op. cit., p. 1336
57 ADAMS, Extent and Nature of the World Refugee Problem, Annals AAPSS, 1939, vol. 203, p. 26
58 Il s’agit respectivement de l’accord du 5 Juillet 1922 et du Plan du 1924 ,intégrées deux années plus tard avec l’Accord du 12 Mai 1926 (ratifiés

par 20 États figurants parmi les accords , conventions , protocoles, mentionnées à l’article art. 1/A/1de la Convention de Genève)
successivement avec l’Accord du 30 Juin 1928 relatif au statut juridique des réfugiés Russes, Arméniens, Syriens, Kurdes et Turcs ratifié par
seulement 10 états . Arrangement with regard to the Issue of Certificates of Identity to Russian Refugees, 5 July 1922, LNTS Vol. XIII, No.
355, p. 238; Report of the Secretary General on the Future Organization of Refugee Work, LN Doc 1930 XIII.2, cit. anche in HATHAWAY,
The Rights of Refugees under International Law, Cambridge, 2005, p. 86, nota 22. V. inoltre, NANSEN, Armenian Refugees, LN Doc. C. 237.
1924 e ID., Russian Refugees: General Report on the Work Accomplished up to March 15, 1922, LN Doc. C. 124. M. 74. 1922.

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grand succès, proportionnellement à la délicatesse du thème et du moment historique, et qui


obtiendra une reconnaissance formelle dans cinquante-deux pays59.

En 1926, le Conseil de la Société des Nations exprima son intention d'étendre la protection à
d'autres catégories de réfugiés qui, à la suite de conflits, étaient amenées à se trouver dans des
conditions similaires à celles des réfugiés russes et arméniens. Ces catégories ont été identifiées
dans un rapport du Haut-Commissariat60 sur la base des hypothèses suivantes :

«All the other categories of refugees [....] who hitherto have had no means of subsistence and
are unable in their present position to obtain any, will come within the sphere of activity of the
permanent organization of the League of Nations»61.

Cependant, cette interprétation de la notion de réfugié a été jugée excessivement large, en


contradiction avec une vaste dissidence au sein de la Société des Nations. Sur la base de la
réflexion selon laquelle: «there [was] a tendency to go beyond not what was reasonable, but what
was possible»62 .

Néanmoins, une violation du principe de discrétion absolue des États en matière


d'admission/d'entrée, de séjour et de circulation des étrangers sur le territoire de leur juridiction a
été ouverte et un progrès important a aussi été réalisé sur le plan de la compréhension du problème
des réfugiés. Au cours de ces année, ces derniers étaient considérées comme une véritable
"anomalie" en droit international63. Vu qu’ils ne bénéficient pas de la condition de réciprocité qui
les lient avec leur pays d'origine, ils n’avaient pas le droit de de bénéficier de la protection
diplomatique64.

Leur condition était donc exclusivement régie par des traités bilatéraux, qui ne comportaient
aucune obligation, mais des formes de coopération souples avec l'office de Nansen. Le but étant de
résoudre un problème sans se soucier des raisons qui avaient fait fuir ces personnes. D'autre part,
cela dépendait également du fait qu'une définition détaillée et généralement acceptée du réfugié

59 JEAGER, On the History of the International Protection of Refugees, IRRC, vol. 83, 2001, p. 727
60 Report by the High Commissioner, LN Doc. l927.XIII.3 (1927), p. 14
61 Report by the High Commissioner, LN Doc. l927.XIII.3 (1927), p. 7
6243rd Session of the Council LN O.J. (February 1927 )p. 1137
63 UN DOC. E/1392, 11 Juillet 1949
64 HATHAWAY, The Rights of Refugees under International Law, cit., pp. 84-85: «The refugee is an alien in any and every country in which he may go. He

does not have the last resort which is always open to the “normal alien” – return to his own country».

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n'avait pas été élaborée. Et que le seul élément identifié pour désigner le statut de réfugié était
l'absence de protection de la part de l'État d’origine, avec lequel étaient négociés, cas par cas, des
accords conçus et ce, afin de protéger certaines catégories de personnes65.

La Convention sur le statut international des réfugiés66 n'a été adoptée qu'en 1933, sous les
auspices de la Société des Nations. C’était le premier exemple de traité global sur le sujet et un
modèle pour les rédacteurs en chef de la convention ultérieure du 1951 . Dans cette Convention
était présent le principe de « l'égalité » de traitement et de la non-discrimination des réfugiés à
l'égard des ressortissants de l'État hôte. De plus, et pour la première fois dans un traité
international67, l'obligation de non-refoulement a été ratifiée. En effet, les deux premiers
paragraphes de l'article 3 de la Convention du 1933 précisaient ceci :

«Chacune des Parties Contractantes s’engage à ne pas éloigner de son territoire par
application de mesures de police, telles que l’expulsion ou le refoulement. Les réfugiés ayant été
autorisés à y séjourner régulièrement, à moins que lesdites mesures ne soient dictées par des
raisons de sécurité nationale ou d’ordre public. Elle s’engage, dans tous les cas, à ne pas refouler
les réfugiés sur les frontières de leur pays d’origine»68.

Ainsi, le premier paragraphe constituait une interdiction générale d'expulsion et de refoulement


des réfugiés qui résidant régulièrement sur le territoire de l'État. Le deuxième paragraphe
établissait, lui, une interdiction absolue du retour des réfugiés aux frontières du pays d'origine. La
traduction anglaise du secrétaire de la Société des Nations, par. 2 de l'article 3 de la Convention,
rédigé dans la seule langue officielle française, suggérait, toutefois, une interprétation légèrement
différente de l'interdiction de refoulement, dans la mesure où elle prévoyait ceci:

«[Each of the Contracting Parties] undertakes in any case not to refuse entry to refugees at the
frontier of their countries of origin».

En d'autres termes, alors que la version française soulignait le caractère absolu de l'interdiction
de rapatriement des réfugiés dans leur pays d'origine, le texte anglais, lui, semblait prévoir une
65 Comme clarifié par l’UNHCR: « [T]he characteristic and essential feature of the problem was that persons classed as “refugees” have no regular nationality and
are therefore deprived of the normal protection accorded to the regular citizens of the State ». Cfr. Report of the Secretary General on the Future
Organization of Refugee Work, LN Doc 1930 XIII.2 in HATHAWAY, The Rights of Refugees under International Law, p. 86
66 Convention relating to the International Status of Refugees, 28 October 1933, LNTS Vol. CLIX, No. 3663, p. 200
67 Le seul précédent était le cas des Russes et des Arméniens dans la recommandation n.7 adoptée par les Parties de l’accord du 1928.
68 Convention du 1933 v. Procès-verbaux de la Conférence Intergouvernementale pour les Réfugiés, LN Doc. C. I 13.M.41. 1934, pp. 23-24

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sorte de "droit" d'entrer du réfugié, qui ne pouvait être renvoyé sur le territoire de l’État partie à la
Convention. En particulier dans le cas où le pays hôte est limitrophe du pays d’origine du réfugié69.

Quoi qu’il en soit, le Royaume-Uni, qui jouait à l’époque avec la France un rôle crucial dans
l’évolution du droit international, a émis une réserve à égalité au paragraphe 2 de l'art. 3 de la
Convention de Genève. En outre, celle-ci n'a été ratifiée que par huit États, dont trois qui avaient
apposé des réserves et des déclarations d’interprétation au moment de la ratification70. L’accueil,
très passif, réservé à la Convention témoignait vraisemblablement de la volonté des États de
maintenir une souveraineté absolue sur les questions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers.
Comme le prouvait d’ailleurs l'échec substantiel de l'Accord Provisoire ultérieur de 193. Bien que
moins ambitieux concernant les réfugiés provenant d’Allemagne , auxquels seulement sept pays
ont adhéré71.

Malgré le très petit nombre de ratifications, cet accord a ajouté un élément supplémentaire à la
définition du réfugié. En fait, en plus de l'interdiction du refoulement et du droit d'accès à la justice,
celle-ci a introduit la condition qui deviendrait plus tard fondamentale pour la reconnaissance du
statut de réfugié, à savoir le concept de « persécution politique ». En outre, l’Accord provisoire sur
les réfugiés en provenance d’Allemagne a été transformé le 10 février 1938 en une Convention,
dont l'article 5, paragraphe 3 lett. a), même si sans mentionner le terme « refoulement », a accepté,
à priori, un principe similaire à celui énoncé à l'article 3 de la Convention sur le statut international
des réfugiés du 193372.

Vers le tournant des années 1930 va se dessiner les contours de la nouvelle vision internationale
de la protection des réfugiés. Toutefois, la Seconde Guerre mondiale a brusquement interrompu ce
processus. En 1938, à l'Office des réfugiés Nansen73, créé l'automne du 1930 et opérationnel depuis
le printemps 1931, succéda au Haut-Commissariat (c'est-à-dire le premier organisme international
créé par la Société des Nations au début des années 1920 pour gérer le problème des réfugiés), et le
premier , en cessant ses activités74, a laissé les réfugiés sans aucune protection.

69 KÄLIN, CARONI, HEIM, Article 33, para. 1 1951 Convention, op. cit., p. 1337
70 L’Italie , l’Égypte , le Royaume-Uni (V. UNSG, UN Doc. E/1112 (1949), p. 78 )
71 V. UNSG, UN Doc. E/1112 (1949), p. 112
72 Convention concerning the Status of Refugees Coming From Germany, 10 February 1938, LNTS Vol. CXCII, No. 4461
73 Nansen International Office for Refugees. Report by the Governing Body to the Twelfth Assembly of League of Nations [A.27. 1931.] e

Statutes of Nansen International Office for Refugees as Approved by the Council on January 19th, 1931, LN O.J., February 1931, pp. 309-311.
74 Report by M. Michael Hansson, Former President of the Governing Body of the Nansen International Office for Refugees, on the Activities

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Section 5. La création du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les


réfugiés (UNHCR)

Ce n'est qu'après la naissance des Nations Unies que les questions d'asile et de protection
internationale sont revenues au-devant de la scène. Une des premières résolutions de l’Assemblée
générale, la résolution n. 8 (1) du 12 février 1946, énonçant ainsi le principe selon lequel les
réfugiés ou les personnes déplacées qui avaient des motifs valables de les rapatrier ne devraient pas
être expulsés de manière coercitive dans leur pays d'origine75.

La même année, cette résolution a été suivie par la création d'une importante agence spécialisée
des Nations Unies: the International Refugee Organization. L’IRO avait un mandat de durée
limitée76, mais de pouvoirs très étendus. Premièrement, ratione loci, avec le dépassement de
l’approche sectorielle consistant à élaborer des protections spécifiques pour certains groupes
ethniques de réfugiés. Comme ce qui s'était passé pour les Russes , des Arméniens et des Juifs
d’Allemagne, et l’élargissement du champ d’action. L’objectif étant de permettre à l’organisation
de gérer le problème général des réfugiés européens à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Par
ailleurs, les pouvoirs de l'IRO semblaient également être pertinents « ratione materiae », vu que
c’était la première organisation internationale à pouvoir s'occuper non seulement du rapatriement
des réfugiés, mais aussi de leur réinstallation77. Et même dans ce cas, la communauté des États ne
semblait disposer même d'une petite partie de sa souveraineté en faveur d'une institution
spécialisée, créée pour protéger les intérêts individuels.

Toutefois, le problème des réfugiés commençait à s'effondrer et à saper les bases du pouvoir de
contrôler les frontières des États dans la plupart des pays européen. De fait, l'Assemblée générale
des Nations Unies a décidé de créer, en décembre 1949, une nouvelle agence internationale chargée

of the Office from July 1st to December 31st, 1938


75 UNGA, Res. 8(1), 12 February 1946, par. (c)(ii): «no refugees or displaced persons who have finally and definitely, in complete freedom, and

after receiving full knowledge of the facts, including adequate information from the governments of their countries of origin, expressed valid
objections to returning to their countries of origin and who do not come within the provisions of paragraph (d) below, shall be compelled to
return to their country of origin. The future of such refugees or displaced persons shall become the concern of whatever international body
may be recognized or established as a result of the report referred to in paragraphs (a) and (b) above, except in cases where the government of
the country where they are established has made an arrangement with this body to assume the complete cost of their maintenance and the
responsibility for their protection».
76 HOLBORN, The International Refugee Organization: A Specialized Agency of the United Nations, Its History and Work 1946-1952,

Oxford, 1956, p. 200


77 Ses fonctions comprennent l'identification, l'enregistrement, la classification, l'assistance, la protection juridique et politique des réfugiés et, en

dernier recours, leur rapatriement.

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de la gestion du problème des réfugiés. Ce fut la naissance du Haut-Commissariat des Nations


Unies pour les réfugiés (UNHCR), dont le statut a été adopté par la résolution 428 (V) du 14
décembre 195078. Le même jour, le HCR a voté la résolution 429 (V). En même temps,
l'Assemblée a décidé de confier à la Conférence de plénipotentiaires le mandat de rédiger le texte
de la Convention sur le statut de réfugié79.

Le Haut-Commissariat aux réfugiés est né ainsi en tant qu'organe subsidiaire de l'Assemblée


générale, créé en vertu de l'article 22 de la Charte des Nations Unies. L’objectif statuaire étant de
gérer le problème international des réfugiés européens après la Seconde Guerre mondiale. Son
mandat, général et universel, était celle qu’elle avait initialement et qui a été d’ailleurs renouvelée
par l’Assemblée générale jusqu’en 2004, date à laquelle il avait été décidé de la prolonger « until
the refugee problem is solved » .

Un comité consultatif a d'abord été constitué pour épauler le Haut-commissariat, nommé par le
Conseil économique et social et chargé de fournir des avis. En 1954, ce comité a été remplacé par
un organe exécutif ayant la fonction de direction du HCR dans la mise en œuvre de son programme
qui, quatre ans plus tard seulement, aurait pris sa configuration définitive en tant que Comité
exécutif du Programme du Haut-Commissariat, chargé de déterminer les directives générales qui
sous-tendent la planification, le développement et l'administration des programmes et projets du
HCR80.

78 UN Doc. A/RES/428 (V), 14 December 1950 (Statut du UNHCR)


79 UN Doc. A/RES/429 (V), 14 December 1950
80 UN Doc. E/RES/672 (XXV), 30 April 1958

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Section 6. La protection juridique dans les travaux préparatoires de la


Convention de Genève sur le statut des réfugiés

La Convention de Genève sur le statut des réfugiés a été adoptée le 28 juillet 1951 et est entrée
en vigueur en 1954, lors du dépôt du sixième instrument de ratification. Le système international
de protection des réfugiés s'est achevé ainsi en 1967 avec l'adoption du Protocole de New York81.
Celui-ci supprimait en partie les limitations spatiales et temporelles prévues à l'article 1B de la
Convention, selon lesquelles la notion de « réfugié » ne s'appliquait qu'aux personnes qui étaient
devenues victimes d'événements survenus dans les frontières européennes avant janvier 1951.
Parallèlement, il laissait aux Hautes Parties contractantes le droit de déclarer l'acceptation des
obligations conventionnelles également ailleurs82.

Et comme il a été souligné précédemment, l’adoption de la Convention de Genève de 1951 sur


le statut de réfugié représente l’aboutissement du long et difficile processus de développement d’un
régime international de protection des réfugiés. Caractérisé par l’ambivalence des États, il s'agissait
d’un travail de recherche entre la nécessité de mettre en place un régime international de protection
des personnes fuyant les persécutions, rendue encore plus urgente par le récent traumatisme de la
Seconde Guerre mondiale, et la manifestation d’une volonté résolue de garder toute discrétion en
matière d’asile.

Cette ambivalence a joué aussi un rôle important dans les négociations en vue de l’adoption de
la Convention de Genève de 1951. Des négociations ont eu lieu en effet dans le cadre de la
première instance d’un comité ad hoc de l’ECOSOC83 et de l’Assemblée générale des Nations
Unies. Et successivement à la Conférence des plénipotentiaires sur le statut du réfugié et de
l’apatride, à qui l'Assemblée générale a confié le soin de finaliser le texte de l'accord en décembre
195084.

Les travaux préparatoires de la Convention offrent d’ailleurs une pluralité de visions et de clés
pour comprendre les concepts sous-jacents au droit des réfugiés. Lesquels ne seront pas
appréhendés ici au vu de la profusion des études critiques85. Pour nos besoins de recherche,

81 Protocol relating to the Status of Refugees of 31 January 1967 (Protocollo di New York)
82 Refugee Protection in International Law, Cambridge, 2003, p. 87 ss., a p. 101 ss.
83 ECOSOC, Resolution 248 B (IX) of 8 August 1949
84 UN Docs. A/CONF.2/108/Rev.1, A/CONF.2/102/Add.2 e A/CONF.2/105.
85 WEIS, The Refugee Convention, 1951: The Travaux Preparatoires Analyzed with Commentary, Cambridge, 1995;

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toutefois, il est utile d'attirer l'attention sur le contexte historique dans lequel s'est déroulée cette
négociation. Et pour cause, cela expliquera en grande partie les difficultés rencontrées pour
codifier des mécanismes durables de protection des réfugiés86. L'article 2 de la Charte des Nations
Unies énonçait ainsi l'inaliénabilité des principes de souveraineté, d'indépendance et de non-
ingérence dans les affaires intérieures des États.

La prééminence de ces valeurs fondatrices du nouvel ordre mondial a donné lieu, comme
mentionné ci-dessus, à une réflexion – en ce qui concerne le traitement réservé aux étrangers – à
l'article 14, par. 1 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, ou encore la
convention relative au non-respect des obligations internationales des États en matière d'asile. C’est
la clé de voûte pour comprendre les raisons pour lesquelles la Convention de Genève ne contient
aucune référence à l’asile et ne précise pas le lien juridique entre les concepts d’asile et de refuge,
mais impose simplement aux États parties de reconnaître le statut de réfugié.

Les mêmes raisons historiques et politiques peuvent être utiles pour comprendre la fonction
assignée à l'institution de protection internationale des réfugiés, à savoir celle de résoudre le
problème pratique et contingent des mouvements forcés transfrontaliers après la Seconde Guerre
mondiale. Selon une approche "réactive", il est difficile ainsi d’envisager la protection des "futurs"
réfugiés, ni les « Personnes déplacées dans leur propre pays » et qui exclue également une action
visant à prévenir le problème.

L’adoption d’une définition du terme "réfugié" offre ainsi un premier essai sur les difficultés
qui auraient été rencontrées lors des travaux préparatoires pour tenter de codifier un régime
cohérent et harmonieux de protection internationale. En réalité, la formulation du concept de
« réfugié » est probablement le principal compromis à la base de la Convention de Genève. C’est le
résultat d’une médiation entre les positions des États. Ceux-ci souhaitaient mettre en place un
système de protection inspiré de la logique des politiques mises en place dans ce domaine, laquelle
est élaborée dans les années 1930, et celle des pays, surtout Européens, qui ont voulu donner à la
définition de réfugié les adresses qui découlent du droit international naissant des droits de
l'Homme.

86GOODWIN-GILL, Convention Relating to the Status of Refugees. Protocol Relating to the Status of Refugees, in United Nations
Audiovisual Library of International Law, 2008, p. 1, accessible online: [www.un.org/law/avl].

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Ce fut l’essentiel des efforts visant à surmonter la logique de protection de groupes et de


catégories spécifiques, et d'accepter une définition générale du terme « réfugié » qui n'a donc pas
été obtenu sans contrepartie. Au début, cela s’est limité en une formulation extrêmement générique
du terme réfugié, dont la seule caractérisation était la suivante: représentée par le concept de
"crainte fondée de persécution" pour des raisons politiques et religieuses. En outre, pour éviter le
risque redouté que la Convention étende les garanties de protection aux futurs réfugiés, en
détachant le nouveau-né “régime de protection international” de la logique temporelle et de la
gestion du problème du contingent87, les deux limitations opérationnelles susmentionnées ont été
envisagées de la manière suivante : d’une part, une réserve temporelle, destinée à exclure du
bénéfice de la protection ceux qui, bien que relevant de la définition adoptée par le Convention,
étaient devenus des réfugiés à la suite d’événements survenus après le 1er janvier 195. Et, d’autre
part, une réserve géographique, qui autorisait les États contractants à limiter leurs obligations, en
ratifiant la Convention pour la protection des réfugiés européens. Cependant, aux termes de l'article
42 de la Convention, aucune réserve ne pouvait s'appliquer à la règle énoncée dans l'article premier
sur la définition du réfugié, ni à l'autre norme fondamentale du trait, c’est-à-dire l'article 33.

La détermination du contenu, de la portée, des effets juridiques et des exceptions de ces


dernières constituait l'autre question cruciale autour de laquelle l'intérêt des participants pour les
travaux préparatoires était porté. En fait, pendant les travaux du Comité ad hoc sur l’apatridie et les
problèmes connexes, il était évident qu’il était difficile de parvenir à une position commune sur la
nécessité de prévoir une interdiction absolue du refoulement. Le projet contenant cette disposition,
l'article 24 - intitulé «Exclusion and Non- Admittance»88 et certifiant une telle obligation de
manière absolue au par. 3 - a fait l'objet d'une proposition d'amendement de la part du Royaume-
Uni visant à prévoir une exception à l'interdiction de refoulement pour des raisons de sécurité
nationale89.

Cependant, cette proposition a été abandonnée, car il a été dit que, si elle a été acceptée, elle
aurait considérablement appauvri la protection envisagée. Par conséquent, le projet suivant,
contenu à l'article 28, n'incluait pas d'exception à l'interdiction de refoulement posée par les Hautes
Parties contractantes. Ainsi, il était libellé dans les termes suivants :

87 Convention Relating to the Status of Refugees Protocol Relating to the Status of Refugees, cit., p. 2.
88 Convention Relating to the Status of Refugees Protocol Relating to the Status of Refugees, cit., p. 2.
89 «Each of the High Contracting Parties undertakes in any case not to turn back refugees to the frontiers of their countries of origin, or to territories where their life or

freedom would be threatened on account of their race, religion, nationality or political opinions». V. Ad Hoc Committee on Refugees and Stateless Persons, UN
Doc. E/AC.32/2 Annex (1950), p. 45.

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«No Contracting State shall expel or return a refugee in a manner whatsoever to the frontiers
of territories where his life or freedom would be threatened on account of his race, religion,
nationality or political opinion»90.

La possibilité de prévoir une exception à l'interdiction absolue de refoulement a été rediscutée


lors de la deuxième session du Comité ad hoc. Ce fut à la suite de l'opposition de certains États à
l'adoption d'une disposition qui ne prévoyait pas, par exception, la possibilité exclure du bénéfice
du non-refoulement les criminels internationaux et les personnes susceptibles de menacer l'ordre
public91. Cependant, dans l'impossibilité de coaguler le consensus autour de l'une ou l'autre
approche de l'article 28, la question a été laissée en suspens et ce, afin d'être débattue à la
Conférence de plénipotentiaires92.

Le deuxième paragraphe de l'article, qui exclut du bénéfice du non-refoulement le réfugié pour


lequel il existe selon le texte de loi : « reasonable grounds for regarding as a danger to the
security of the country in which he is, or who, having been convicted by a final judgment of a
particularly serious crime, constitutes a danger to the community of that country»

il a été ajouté lors de la Conférence de plénipotentiaires, sur la base de deux propositions


d'amendements, l'une anglo-française93et l'autre suédoise94. Tandis que ce dernier reformulait
l’ensemble du texte de la norme, étendant la protection aux "membres d’un groupe social
particulier". On envisageait l’hypothèse du refoulement c.d. "Chaîne" tout en introduisant une
exception uniquement dans les cas où le réfugié constituait une menace pour l'ordre public et la
sécurité nationale. La première laissait intact le premier paragraphe de l'article et se limitait à en
ajouter un deuxième. Dans ce texte ils étaient articulés deux cas distincts d’exclusion du réfugié du

90 Ad Hoc Committee on Refugees and Stateless Persons, UN Doc. E/AC.32/L.32 (1950), p. 12; UN Doc. E/AC.32/SR.25 (1950), p. 12, par.
53.
91 Ad Hoc Committee on Refugees and Stateless Persons, UN Doc. E/AC.32/L.40 (1950), p. 30 . et p. 57
92 Ad Hoc Committee on Refugees and Stateless Persons, UN Docs. E/1850 e E/AC.32/8 (1950), p. 13.
93 Conference of Plenipotentiaries, UN Doc. A/CONF.2/69 (1951): «The benefit of the present provision may not, however, be claimed by a refugee whom

there are reasonable grounds for regarding as a danger to the security of the country in which he is residing, or who, having been lawfully convicted in that country of
particularly serious crimes or offences, constitutes a danger to the community thereof».
94 Conference of Plenipotentiaries, UN Doc. A/CONF.2/70 (1951): «No Contracting State shall expel or return in any manner whatsoever to the frontiers

of territories where his life od freedom would be threatened on account of his race, religion, nationality, membership of a particular social group, or political opinion, or
where he would be exposed to the risk of being sent to a territory where his life or freedom would thereby be endangered. By way of exception, however, such measures
shall be permitted in the case where the presence of a refugee in the territory of a Contracting State would constitute a danger to national security of public order».

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bénéfice du non-refoulement qui, avec des ajustements risibles, auraient été adoptés dans le texte
final de l’article 33 de la Convention de Genève95.

Par ailleurs, il convient de noter que la disposition de l'exception a placé l'article 33 dans la
foulée de l'exclusion traditionnelle du bénéfice de la protection internationale de ceux qui ne
pouvaient être considérés comme dignes de l'être. En outre, l'exégèse de l'exception à l'interdiction
de refoulement aurait été immédiatement compliquée par l'existence, dans l'article 1 (F), d'une
exemption de même structure, bien que concernant la définition du réfugié. À son tour, cette
dernière disposition a créé un précédent dans l'article 14, par. 2 de la Déclaration universelle,
précisément dans la résolution n. 8 (1) de l'Assemblée générale des Nations Unies du 12 février
1946, dans le statut de l'IRO et aussi dans celui de l'UNHCR96. En outre, comme on le verra dans
les chapitres suivants, la quasi-totalité des instruments internationaux sur les réfugiés élaborés sur
le modèle de la Convention de Genève97 se caractérisent par la présence de clauses d'exclusion de
la protection. Celles-ci sont liées à la commission de crimes de droit commun ou de violations
graves des principes fondamentaux de l'humanité.

L'introduction de ces clauses, ainsi que l'exception à l'interdiction de refoulement, répondent


ainsi à la logique d'éviter un abus du droit d'asile et de protéger les communautés nationales du
pays d'accueil. Comme l'a déclaré le délégué français Rochefort en ces termes:

«The possibility of a refugee committing a crime in a country other than his country of origin or
his country of asylum could not be ignored. No matter where a crime was committed, it reflected
upon the personality of the guilty individual, and the perpetrator was always a criminal. What was
required was that a distinction should be made between real criminals and genuine refugees»98.

Cependant, à cause de la nature ontologiquement humanitaire de la protection internationale, il


est apparu la nécessité d’une exégèse restrictive de l’exception99, qui n’a pas porté atteinte au
principe selon lequel « a refugee who may not be sent back must be allowed to stay somewhere in

95 V. UN Doc. A/CONF.2/SR.16 (1951), p. 17.


96 l’art. 7 (d) du Statut de l’UNHCR dit : «According to Article 7(d) of the UNHCR’s Statute, the competence of the High Commissioner shall not extend to a
person in respect of whom there are serious reasons that he has committed a crime covered by the provisions of the treaties of extradition or a crime mentioned in Article
VI of the London Charter of the International Military Tribunal or by the provisions of Article 14, Paragraph 2, of the Universal Declaration of Human Rights».
97 art. 1, par. 5 de la OAU Convention Governing the Specific Aspects of Refugee Problems in Africa (Convenzione OUA), 10 September

1969, 1001 UNTS 45. In argomento KAPFERER, Article 14(2) of the Universal Declaration of Human Rights and Exclusion from
International Refugee Protection, RSQ, vol. 27, 2008, p. 53 ss.
98 Conference of Plenipotentiaries, UN Doc. A/CONF.2/SR.16 (1951), p. 6 ss. e 8
99 V. UN Doc. A/CONF.2/SR.16 (1951), p. 8

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100
some way or another » . Et, d'autre part, c'était un point fondamental, puisque la disposition
contenue dans l'article 33, par. 1 représentait le principal instrument codifié dans la Convention
pour atteindre l'objectif et le but escomptés.

La prédiction et l'interprétation d'une cause d'exclusion du bénéfice du non-refoulement n'était


pas le seul sujet de discussion en rapport avec l'article 33. L'autre question épineuse concernait
justement la possibilité d'inclure les demandeurs d'asile parmi les bénéficiaires. à la frontière et
donc sans permis de séjour régulier. Cette question avait déjà été portée à l'attention des
participants lors de la première séance des travaux du Comité ad hoc, au cours de laquelle plusieurs
délégués avaient fait valoir que la loi ne pouvait être interprétée de manière à ne protéger que les
étrangers résidant régulièrement sur le territoire de l'État. parte101. À contrario, lors de la deuxième
session, une interprétation restrictive de cette dernière a été renforcée, entérinée par le représentant
de la Suisse sur la base des positions de l'IRO102.

Au cours de la Conférence de plénipotentiaires, les auteurs d'une interprétation excluant la


protection des réfugiés qui ne se trouvaient pas déjà sur le territoire d'un État partie ont tiré parti de
la version anglaise du texte. De fait, il s’agissait du sens littéral des verbes "expel" et "return".
Alors que ceux qui soutenaient la nécessité d’inclure les réfugiés, qui faisaient pression aux
frontières, utilisaient le terme « refouler » qui figure dans la version française103. Finalement, cette
dernière position a prévalu et ce, malgré l'exclusion expresse du bénéfice du non-refoulement des
flux massifs de réfugiés104. Et, d'autre part, il est indéniable que le terme français de "refoulement"
évoque principalement l'hypothèse d'un rejet à la frontière. Et ce, selon le sens traditionnel
développé depuis son premier statut dans un accord international ou dans la Convention de
Londres. Précisément, le statut international de réfugié de 1933, dans lequel les États parties se sont
engagés à respecter le principe suivant : "dans tous les cas, à ne pas refouler les réfugiés à leurs
frontières d'origine"105.

Comme il a été souligné auparavant, l'obligation a par la suite été déclinée dans un sens encore
plus large dans la résolution 8 a), qui a été adoptée par l'Assemblée générale lors de sa première

100 GRAHL-MADSEN, Commentary on the Refugee Convention 1951: Article 2-11, 13-37, cit., p. 138.
101 Ad Hoc Committee on Statelessness and Related Problems, UN Doc. E/AC.32/SR.20 (1950), pp. 11-13, parr. 54-56 (USA); parr. 60-63
(France et Israel)
102 UN Doc. E/AC.32/SR.40 (1950), p. 33. Cfr. WEIS, The Refugee Convention, 1951, cit., p. 341 ss.
103 Conference of Plenipotentiaries, UN Doc. A/CONF.2/SR.16 (1951), p. 6
104 Conference of Plenipotentiaries, UN Doc. A/CONF.2/SR.35 (1951), p. 21.
105 Convention de Geneve, art. 3, par. 2.

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session 154, qui stipulait que : «les réfugiés avec des objections valables ne devraient pas être
obligés de retourner dans leur pays d’origine ». Dans cette formulation précise, le refoulement
avait déjà perdu la connotation territoriale et la qualification de simple moyen d'aliénation du
territoire de l'État, caractérisé par l'expulsion et l'extradition quant aux conditions de procédure.
Mais qui reste similaire en ce qui concerne les objectifs poursuivis.

La justification humanitaire de l'obligation de non-refoulement est en fait une exégèse de la


règle qui précède la nécessité d'éviter que le réfugié soit exposé à un risque de persécution pour les
évaluations concernant le lieu où il risquait d'être retiré. En d’autres termes, il a su imposé un
déplacement de l’attention du lieu d’où l’État a procédé à la refoule (ou de ses frontières) au lieu où
le réfugié a été effectivement rejeté, qui ne pouvait pas être le pays d’origine, il avait fui de peur
d'être persécuté.

La Convention de 1951 ne pouvait donc que suivre l'approche inaugurée par l'Assemblée
générale. En effet, une lecture systématique de l’article 1 A) 2) de la Convention, contenant la
définition du réfugié, ainsi de son article 33, indique clairement que la Convention reconnaît que
les territoires auxquels le réfugié a perdu ont été rejetés ou ne relèvent pas de la juridiction de l'État
d'origine. Notons en même temps le fait que, par le biais du refoulement, le réfugié a été exposé à
un risque réel de persécution.

Naturellement, il s’agit du principe selon lequel : «the prohibition against expelling or


returning a refugee to a country of persecution does not in itself constitute an obligation to allow
the refugee in question to take up residence in the territory of the State concerned»106.

Cependant, il conférait le droit à une sorte d' « asile temporaire » à quiconque ne pouvait être
rejeté ou expulsé car, dans les seuls États disposés à l'accueillir, sa vie et sa liberté seraient en
danger.107

106 GRAHL-MADSEN, Commentary on the Refugee Convention 1951: Article 2-11, 13-37, cit., p. 137: «Whereas Article I (A) (2) of the
Refugee Convention defines as a refugee a person who is outside his country of origin “owing to well-founded fear of being persecuted” [in
this country], Article 33 refers to “territories where his life or freedom would be threatened” on account of the same grounds as set out in
Article I (A) (2) [avoiding any reference to the country of origin]».
107 STOYANOVA, The Principle of Non-Refoulement and the Right of Asylum-Seekers to Enter State Territory, IJHRL, vol. 3, 2008, p. 1 ss., a

p. 8.

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Section 7. « Asile » et « refuge » dans le monde contemporain:


adaptation de la protection aux situations de déplacement mondialisé

Comme nous l'avons démontré au début de ce chapitre, dans l'étymologie grecque, le contenu
normatif du terme "asile" est représenté par le droit d'être dans un "lieu sûr", dans lequel l'individu
est protégé du raid. Il ressort ainsi de l’expérience décrite dans les pages précédentes que la matrice
éthique commune du développement des concepts d’asile, de refuge et de non-refoulement découle
de la nécessité de garantir la protection des personnes fuyant les raids, les persécutions et les
privations.

De fait, ces personnes seront privées de leurs droits naturels. Et C’est précisément à partir de
cette dernière considération, c’est-à-dire l’observation de la situation particulière de
vulnérabilité108, dans laquelle se trouve un individu qui ne peut jouir de la protection d’aucun État,
que débute l’élaboration juridique qui aboutit à la reconnaissance de la particularité du statut de
réfugié. A une particularité à laquelle la communauté des États assigne une forme spécifique de
protection, de caractère international, qui est subsidiaire et temporaire en ce qui concerne la
protection découlant de la citoyenneté109.

Sous cette forme de protection internationale, le droit de "pouvoir rester" dans un lieu sûr –
c’est-à-dire où la personne est exempte de persécution – est garanti par l’obligation des États
parties à la Convention de Genève de ne pas livrer le réfugié aux autorités d'un Etat, surtout sous
la juridiction de laquelle cet étranger n'est pas "sûr", c'est-à-dire l'obligation de non-refoulement

108 BUSTAMANTE, Immigrants’ Vulnerability as Subjects of Human Rights, IMR, vol. 36, 2002, p. 333 ss.; DE VARENNES, Strangers in
Foreign Lands – Diversity, Vulnerability and the Rights of Migrants, UNESCO-MOST Working Paper 9, Paris, 2003, p. 9
109 v. HATHAWAY, The Rights of Refugees under International Law, cit., pp. 4-5; 13-14; 85 ss.

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CHAPITRE II : L’OBLIGATION DE LA PROTECTION JURIDIQUE


PRÉVUE DANS LA CONVENTION DE GENÉVE ET LA PRATIQUE
RELATIVE AU DROIT INTERNATIONAL

Ce deuxième chapitre sera consacré à l’étude du principe de l’obligation de non-refoulement,


prévu dans la convention de Genève et dans la pratique juridique du droit international. Ce chapitre
sera divisé en neuf sections traitant chacune d’un aspect particulier de l’obligation de non-
refoulement comme principe fondateur de la protection juridique des réfugiés et demandeurs
d’asile.

Section 1. Le régime juridique de la protection internationale des


réfugiés
D'un point de vue à la fois juridique et politique, l'établissement d'un régime international de
protection des réfugiés110 est une question complexe. Les réfugiés représentent ainsi une
composante numérique minoritaire, mais néanmoins significative, de migrants qui quittent leur
pays pour des raisons diverses et variées. En conséquence, la protection internationale des réfugiés
s'inscrit dans le thème plus vaste des migrations internationales, un sujet politiquement sensible en
soi, car pertinent pour l'indépendance des États nationaux111. Comme nous l'avons déjà démontré,
le droit international général reconnaît aux États la pleine liberté de réglementer le phénomène de
la migration et, partant, d'éliminer les citoyens des pays tiers se trouvant sur le territoire de l'État.
Avec surtout la seule précaution d'éviter les modalités d’aliénation qui sont scandaleuses pour
l’étranger et qui donnent à celui-ci un délai raisonnable pour régler ses propres penchant afin de
pouvoir quitter le pays.

L'importance de l'institution et de l'évolution du régime de protection internationale des


réfugiés après la seconde guerre mondiale ne doit donc pas être recherchée dans la dynamique des
relations entre l'État et le "non-citoyen". Son essence repose en effet sur les différences
intrinsèques qui distinguent l’étranger du réfugié, sur lesquelles se sont construits les différents
110 SOHN, BUERGENTHAL (eds.), The Movement of Persons Across Borders, Studies in Transnational Legal Policy, No 23, Washington
D.C., 1992, p. 99 ss., p. 99: « Refugees [...] are also subject to a special international regime under which they are accorded protection by the competent international
organizations and by the States through which they transit or in which they seek temporary refuge or permanent settlement ».
111 BROWNLIE, Principles of Public International Law, 6a ed., Oxford, 2003, p. 293.

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concepts d’asile affirmés depuis l’antiquité. Il s’agit-il de concepts que nous avons brièvement
reconstruits dans le chapitre précédent. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un étranger, et qu'il ne puisse
donc pas se vanter d'un lien authentique avec l'État hôte, le réfugié est "un étranger étrange, parce
que le gouvernement protège la personne d'un gouvernement" 112.

L’instrument principal du droit international en la matière est bien évidemment la Convention


de Genève. Celle-ci accepte la première définition organique du réfugié, les formes de protection et
d’assistance qui lui sont accordées, ses droits sociaux reconnu par les États parties dans l'accord,
ainsi que par ses obligations à l'égard des gouvernements hôtes.

À partir de la Convention de Genève, le régime international des réfugiés s’éloigne de plus en


plus de celui des migrants113. Le point de départ fut de l’hypothèse selon laquelle il n’existe pas de
protection « nationale » des réfugiés, laquelle est fondée sur « l’extension du droit et du devoir
d'asile aux immigrés est un moyen inopérant et même nocif »114: celui-ci est inopérant, car il en
résulterait un flux irréversible de migrants économiques qui tenterait de contourner les politiques
nationales de l'immigration par la demande d'asile. Ce droit est aussi préjudiciable, car il finirait par
compromettre la protection des "vrais" réfugiés, créant ainsi une pression excessive et ingérable sur
les systèmes nationaux de vérification du statut.

Cela dit, il faut également reconnaître que la Convention se limite à définir les caractéristiques
fondamentales de la notion de réfugié. Elle laisse ainsi à l’interprète national une certaine marge de
manœuvre concernant un certain nombre de questions pertinentes. Il s’agit notamment du contenu
de la notion de persécution, des clauses d’exclusion du régime de protection internationale et de la
relation qui, selon la Convention, est établie entre logement et asile dans les États qui en font
partie. Ces profils seront analysés dans les pages suivantes, car ils permettent de clarifier la
fonction et le contenu de l’obligation de non-refoulement dans le système de Genève.

112 BOLESTA-KOZIEBRODZKI, op. cit., p. 63. V. anche Communication from the International Refugee Organization to the Economic and
Social Council, UN Doc. E/1392, App. I: «The refugee is an alien in any and every country to which he may go. He does not have the last resort which is always
open to the “normal alien” – return to his own country. The man who is everywhere an alien has to live in unusually difficult material and psychological conditions».
113 KARATANI, How History Separated Refugee and Migrant Regimes: In Search of Their Institutional Origins, IJRL, vol. 17, 2005, p. 517 ss.
114 TIBERGHIEN, La protection des réfugiés en France, Paris, 1984, préface de André Jacomet

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Section 2. La notion de « réfugié » dans la Convention de Genève


L’adoption de la Convention de Genève de 1951, et de son Protocole de New York de 1967
complémentaire, a été l’exercice de codification le plus complet et systématique en matière de droit
des réfugiés au niveau universel. Soixante ans après son adoption et avec cent quarante-sept
ratifications a été reconnue « the continuing relevance and resilience of this international regime of
rights and principles » 115.

Ces instruments ont marqué un tournant décisif par rapport à un droit précédent pour diverses
raisons. Tout d’abord, d’un point de vue déterminant, puisque le droit des réfugiés a pour la
première fois fourni une définition générale du réfugié.

Comme mentionné dans le chapitre précédent, dans la loi sur le maintien de l'ordre élaborée au
cours des trente années qui vont de la première guerre à la Seconde Guerre mondiale, le concept de
"refuge" a été décliné de plusieurs manières. Ainsi, alors que, dans la première période d'après-
guerre, pour répondre à la nécessité de rationaliser les mouvements transfrontaliers d'apatrides et de
migrants économiques irréguliers, la définition actuelle de "refuge" reposait sur les exigences
formelles qui distinguaient un réfugié d'un migrant dans les années 1930.

En raison des exodes massifs, causés par la politique d’annihilation des nazis, les États ont ainsi
estimé devoir étendre la protection internationale aux membres des groupes ethniques spécifiques
les plus touchés par la persécution. Immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, pour
atténuer le drame social de l'immense flux de réfugiés, qui ont appuyé sur les frontières des États
occidentaux et, après le "déclenchement" de la guerre froide, comme une forme d'ingérence (même
indirecte) dans les affaires intérieures des régimes communistes, l'Occident a promu la codification
d'une nouvelle définition du « réfugié ». On se demandait si on pouvait inclure tous ceux qui, en
raison d'un risque réel de persécution, ne pourraient ou ne voudraient pas se soumettre à la
juridiction de leur propre État de citoyenneté.

Les multiples articulations de la définition de "réfugié", affirmées au cours de la période


considérée, reflètent les différents types de problèmes auxquels la communauté internationale est

115Cfr. Declaration of States parties to the 1951 Convention and/or its 1967 Protocol Relating to the Status of Refugees, Ministerial Meeting of
States Parties, Geneva, 12-13 December 2001, UN Doc. HCR/MMSP/2001/09, 16 January 2002, cons.

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confrontée. Tant au niveau de la gestion des flux migratoires qu’au niveau des dispositions
différentes de la communauté internationale en matière d'acceptation des populations allogènes116 .
La notion juridique de "réfugié", forgée à partir de ces locaux, a acquis de fait un caractère
extrêmement dynamique et malléable et, du moins jusqu’à la Convention de Genève de 1951, a été
utilisée comme un conteneur dans lequel entrer des catégories de personnes très différentes. Ce fut
le seul trait d'union constitutive du fait qe ces dernières ne pouvaient se vanter de la protection de
l’état de citoyenneté et qu’ils se trouvaient hors de leurs frontières, constituant ains i un problème
international que la communauté des États entendait prendre en charge.

Dans la Convention de Genève, pour rappel, la notion de « réfugié » n’est pas liée au
présupposé d’appartenance à une certaine catégorie de personnes et, partant, trouve son fondement
dans le concept de persécution individuelle, subie ou redoutée. Selon l'article 1, lettre (A), par. 1,
de cette convention, toute personne peut être considérée comme un réfugié, sur la base
d'instruments internationaux préexistants, relève de la notion de réfugié. Par. 2 du même article, à
la suite des modifications apportées par le Protocole de New York, il est entendu dans l'accord de
candidature « ratione personae » que le réfugié se trouve en dehors de son pays d'origine et aussi
qu'il ne veut pas ou ne peut pas revenir ou en faire usage de sa protection. Et ce en raison de la peur
bien fondée d'y être persécutée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son
appartenance à un groupe social déterminé et de ses opinions politiques.

Section 3. Les éléments de la définition de réfugié : persécution

Les éléments qui caractérisent la définition de réfugié sur laquelle repose le système de
protection conventionnel sont les suivants :

- Un comportement persécuteur ou l’existence d’une crainte fondée de persécution qui empêce


le réfugié de rentrer chez lui ;
- Le caractère forcé de la migration, en raison de l'impossibilité pour l'individu de bénéficier
de la protection de son État d'origine;
- L'éloignement temporaire ou permanent de l'État d'origine et le caractère transfrontalier de la
migration, ce qui implique que le réfugié a déjà franchi la frontière administrative de l'État
d'origine ou de celui dans lequel la persécution s'est produite ou pourrait se produire.

116 Second Report on the Expulsion of Aliens, cit., par. 57.

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La "crainte fondée" de persécution est certainement le principal élément de la définition du


réfugié contenue dans la Convention, à savoir le renvoi du pays d'origine et l'absence de protection
par ces derniers facteurs fonctionnels qui prouvent l’existence des premiers. Il fait également la
distinction entre le statut de réfugié, déterminé par une source de persécution individuelle et
essentiellement politique (comme qualifié par la race, la religion, la nationalité, etc.), et celle des
réfugiés (ou déplacés personne), c’est-à-dire une personne qui échappe à une situation de violence
objective et généralisée qui n’est pas protégée par la Convention de Genève117.

Il est intéressant de noter, tout d'abord, que la structure et la formulation linguistique de la règle
exclut la possibilité de limiter la propriété d'une protection internationale aux cas où le risque de
persécution actuel ou passé, bien ce risque pourrait être simplement le potentiel et l'avenir. Par
ailleurs, l'expression « crainte fondée » implique nécessairement l'évaluation d'un élément subjectif
et un élément objectif: le premier, qui consiste à la peur, la seconde dans la nécessité que cette
crainte est fondée. En d'autres termes, l'évaluation subjective de la personne concernée, en
particulier dans les cas où la persécution n'a pas encore eu lieu, devient décisive pour estimer le
risque. Toutefois, étant donné que les individus perçoivent le risque de différentes manières, il est
nécessaire d'ancrer l'évaluation de sa validité aux critères objectifs118. Cette formulation large
« ratione temporis » du risque de persécution pose des problèmes pratiques sans importance
secondaire, car les États parties à la Convention doivent nécessairement identifier : 1. des critères
de vérification objectifs de l'efficacité du risque de persécution 2. les personnes méritant une
protection internationale119.

En outre, le terme "persécution" n’est pas clarifié par le dictat conventionnel, sinon pour ce qui
concerne le lien entre celui-ci et la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un groupe
social particulier ou les opinions politiques du peuple. On parle de victime, pas plus qu’une
interprétation systématique des règles contenues dans la Convention120. Toutefois, le contenu
matériel du comportement persécuteur prévu par la Convention de Genève ne peut être identifié
que sur la base du droit international des droits de l'Homme.

117 EDWARDS, HURWITZ, Introductory Note to the Arusha Summary Conclusions on Complementarities between International Refugee
Law, International Criminal Law, and International Human Rights Law, IJRL, vol. 23, 2011, p. 856 ss., p. 858
118 UNHCR, Handbook and Guidelines on Procedures and Criteria for Determining Refugee Status under the 1951 Convention and the 1967

Protocol Relating to the Status of Refugees, UN Doc. HCR/1P/4/ENG/REV. 3, December 2011, p. 9.


119 Cfr. GRAHL-MADSEN, The Status of Refugees in International Law: Refugee character, vol. I, Leiden, 1966, p. 173 ss.
120 PIRJOLA, Shadows in Paradise: Exploring “Non-Refoulement” as an Open Concept, IJRL, vol. 19, 2007, p. 639 ss.,

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En tout état de cause, il est exclu l’acceptation d’une définition de la persécution dont le
contenu matériel relève de la notion de “grosses violations”121 et qui est reconstituée à travers les
paramètres énoncés à l’article 7, par. 1, lett. h) et par. 2, lett. g) du Statut de la Cour pénale
internationale122. Bien que, appuyée avec autorité123, la notion de « crimina juris gentium » se soit
progressivement affranchie du système de droit international des conflits armés. L’objectif étant de
s'approcher de celle des règles régissant la coexistence et la coopération entre les systèmes pénaux
nationaux, le chevauchement entre les institutions internationales et les institutions de régulation.
Par exemple, l'extradition, le statut juridique de l'étranger et l'efficacité dans le domaine du droit
pénal ne peuvent être confirmés de plan124.

Sur un plan théorique, la transposition dans le droit des réfugiés de la notion de "persécution",
telle qu’elle est développée par les tribunaux pénaux internationaux dans la jurisprudence relative
aux crimes contre l'humanité, est codifiée à l'article 7 du Statut de Rome comme "atteinte grave et
intentionnelle à des droits fondamentaux". Et ce, en violation du droit international, pour des
raisons liées à l'identité du groupe ou de la communauté ". De fait, cela ne pourrait être envisagé
que si le comportement persécuteur individuel était inséré dans un contexte de violation
systématique des droits de l'homme d'un groupe125. Toutefois, l’utilisation de la notion de
« persécution » développée dans le droit pénal international imposerait à la personne une charge de
preuve excessive. Ce qui serait contraire au caractère humanitaire de la protection internationale.

En fait, la liste des motifs qui qualifient la persécution, considérés comme pertinents pour la
reconnaissance de la protection internationale des réfugiés, renvoie à une formulation typique des
instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme126. En outre, les rédacteurs en chef de la
Convention ont délibérément conçu la thèse selon laquelle le contenu de l'action persécutoire était
indéterminée de manière à rendre le régime de Genève souple et adaptable, en même temps revêtait
une certaine importance. Comme l'a souligné le Haut-Commissariat pour les réfugiés, les

121 Review of Further Developments in Fields with which the Sub-Commission has been concerned.
Definition of Gross and Large-Scale Violations of Human Rights as an International Crime (Working paper submitted by Mr. Stanislav Chernichenko in accordance
with Sub-Commission decision 1992/109),
122 Cfr. Rome Statute of the International Criminal Court, UN Doc. A/CONF.183/9, 17 July 1998: « ‘Persecution’ means the intentional and severe

deprivation of fundamental rights contrary to international law by reason of the identity of the group or collectivity ».
123 CASSESE, Lineamenti di diritto penale internazionale, vol. I. Diritto sostanziale, Bologna, 2005, p. 11
124 CATENACCI, “Legalità” e “tipicità” del reato nello Statuto della Corte penale internazionale, Milano 2003, p. 11.
125 BROWLIE, op. cit., p. 562 ss.
126 Art. 14 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme « Considering that the Charter of the United Nations and the Universal Declaration of

Human Rights approved on 10 December 1948 by the General Assembly have affirmed the principle that human beings shall enjoy fundamental rights and freedoms
without discrimination»; il secondo considerando: «Considering that the United Nations has, on various occasions, manifested its profound concern for refugees and
endeavoured to assure refugees the widest possible exercise of these fundamental rights and freedoms»; il quinto considerando: «Expressing the wish that all States,
recognizing the social and humanitarian nature of the problem of refugees, will do everything within their power to prevent this problem from becoming a cause of tension
between States ».

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rédacteurs en chef de la Convention, ne définissant pas le terme de persécution, "ont déclaré que
tous les types de persécution à venir devraient être englobés dans le terme"127.

Par conséquent, dans le développement de la « praxis », l’indétermination de la notion de


persécution s’est révélée être fonctionnelle pour favoriser une interprétation évolutive de la norme.
Tout particulièrement, parmi les causes de persécution, appartenir à une "catégorie sociale" était
celle dont l'interprétation permettait un élargissement plus important de la catégorie de
bénéficiaires de la protection. Par exemple, dans une phrase française, l’albinisme, c’est-à-dire une
maladie congénitale, a été qualifié de "groupe social" au sens de la définition conventionnelle du
réfugié128.

Depuis les années 1980, faut-il bien le rappeler, la ligne d'interprétation prédominante s'est
concentrée sur les persécutions fondées sur le genre (c.d. gender-based persecutions)129. Bien
qu’ils soient reconnus dans la zone des léopards, ils ont lancé un processus important d’extension
de la protection internationale des réfugiés130. Prenons, par exemple, la protection des anciennes
victimes de la traite131 qui, si elles sont renvoyées, risquent de subir de nouvelles formes de traite,
des représailles de la part de réseaux criminels auxquels elles s'étaient échappées, l'ostracisme,
l'exclusion sociale, l'intimidation et la discrimination en tous genres132.

La reconnaissance du statut de réfugié aux victimes de la traite s’est ainsi faite par le biais de
leur configuration, en tant que groupe social persécuté, et en partant de l’observation selon laquelle
dans certaines sociétés, femmes célibataires, veuves, divorcées, séparées , les enfants abandonnés
ou orphelins sont exposés à un risque de trafic plus important et ce, en raison de leur plus grande
vulnérabilité. Par conséquent, l'expérience passée de la traite, et non la crainte de futures
persécutions, est l'un des éléments fondamentaux qui définissent le groupe aux fins de la protection
internationale133.

127 UNHCR, Interpreting Article 1 of the 1951 Convention Relating to the Status of Refugees, April 2001, p. 5.
128 France, Comm’n des Recours des Réfugiés, 1 décembre 2005
129 TÜRK, Ensuring Protection to LGBTI Persons of Concern, IJRL, vol. 25, 2013, p. 120 ss.
130 l’Aliens Act (2004) Finlandais qui reconnait expressément le genre comme categorie a proteger par la Convention de Geneve
131 Protocol to Prevent, Suppress and Punish Trafficking in Persons Especially Women and Children, supplementing the United Nations

Convention against Transnational Organized Crime, UNGA Res. 55/25, Annex II, U.N. Doc. A/45/49 (2001)
132 OIM, Handbook on Direct Assistance for Victims of Trafficking
133 UNHCR, Guidelines on International Protection No. 7: The Application of Article 1A(2) of the 1951 Convention and/or 1967 Protocol

relating to the Status of Refugees to Victims of Trafficking and Persons at Risk of Being Trafficked, UN Doc. HCR/GIP/06/07, 7 April 2006.

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De même, le concept de persécution pour des motifs politiques a été largement réinterprété pour
deux finalités : d’une part, aux fins de l’éligibilité au statut de réfugié et, d’autre part, pour incl les
victimes de violences familiales et de mutilations des organes génitaux féminins134. Enfin, la
Convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à
l'égard des femmes et la violence domestique, consacrée à l'article 60 qui dit ceci : “Gender- based
asylum claims”: «1. Parties shall take the necessary legislative or other measures to ensure that
gender-based violence against women may be recognised as a form of persecution within the
meaning of Article 1, A (2), of the 1951 Convention relating to the Status of Refugees»135 .

Cela étant dit, si d'un côté l'indétermination de la notion de "persécution" dans la Convention de
Genève a permis d'étendre la notion de « la protection », elle a également laissé à l'interprète de
l'État une grande marge pour apprécier l’ « intégration de l'exigence dans la présente affaire . Une
discrétion qui a conduit souvent à l'adoption de solutions juridiques dissemblables dans des cas tout
à fait similaires, notamment en ce qui concerne les hypothèses de fait et le droit applicable.

C'est ce qui d’ailleurs s'est produit, par exemple, dans une affaire dans laquelle l'interprétation
évolutive de la notion de "groupe social" et de "persécution politique" visait à reconnaître la
protection internationale à des personnes juridiquement inexistantes. Il s'agit-il de ceux qui sont
définis en Chine comme des "enfants noirs" (des enfants illégaux) nés dans cet État en dehors de la
planification gouvernementale des naissances. Ce qui de fait impose un seul enfant par famille et
est donc discriminé et exclu du bénéfice de la jouissance. Il s’agissait en fait d’une grande partie
des droits fondamentaux. Pour éviter ce sort, la pratique des parents d'expatriation illégale à un âge
précoce est envahie afin qu'ils puissent demander l'asile dans d'autres pays.

La question a été soulevée, par exemple, dans l'affaire Chen Shi Hai v. Le ministre de
l'Immigration et des Affaires multiculturelles136, dans lequel la Haute Cour australienne a interprété
la notion de "persécution" au sens de la Convention de Genève, en ce sens que « [soit] la
persécution ou non de la persécution au sens de la Convention ne dépend pas de la nature de la

134 Canadian Council for Refugees, International Conference on Refugee Women Fleeing Gender-Based Persecution: Conference Proceedings,
Montreal, Canada, 4-6 maggio 2001
135 CdE, Convention on preventing and combating violence against women and domestic violence (Istanbul Convention), CETS 210, 11 May

2011, art. 60, “cette violence devrait etre considerée « as a form of serious harm giving rise to complementary/subsidiary protection». Le même article
affirme ainsi ceci : « 2. Parties shall ensure that a gender-sensitive interpretation is given to each of the Convention grounds and that where it is established that the
persecution feared is for one or more of these grounds, applicants shall be granted refugee status according to the applicable relevant instruments. 3. Parties shall take the
necessary legislative or other measures to develop gender-sensitive reception procedures and support services for asylum-seekers as well as gender guidelines and gender-
sensitive asylum procedures, including refugee status determination and application for international protection».
136 Australia, Chen Shi Hai v. The Minister for Immigration and Multicultural Affairs, (2000) HCA 19.

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conduite [mais] [...] si elle discrimine une personne en raison de sa race, sa religion, sa
nationalité, son opinion politique ou son appartenance à un groupe social »137.

D'après ce mode raisonnement, il a constaté que les enfants nés en Chine, en violation du
règlement relatif au contrôle des naissances et aux demandeurs d'asile en Australie, constituaient un
"groupe social"138 digne de la protection internationale. Et pour cause, s'ils étaient rapatriés, ils
recevraient un traitement discriminatoire équivalant à une persécution. Ce qui entraînerait
notamment la non-jouissance des droits dont l'utilisation donne accès à un minimum d'avantages
sociaux. Par ailleurs, et contrairement aux juridictions australiennes, celles des États-Unis ont
rejeté les demandes d’asile devant le même cas, considérant que l'exigence de persécution n'est pas
intégrée, mais seulement celle de discrimination139.

Cette approche reflète les mises en garde exprimées par le Haut-Commissariat, à une époque
antérieure, sur la possibilité d’assimiler le risque de persécution à un risque discriminatoire, en
partant de la reconnaissance du fait que «difference in treatment of various groups do exist to a
greater or lesser extent in many societies. Persons who receive less favourable treatment as a
result of such differences are not necessarily victims of persecution»140.

Conformément à cette interprétation restrictive, on considère depuis longtemps qu'un risque de


discrimination dans le pays de destination du réfugié n’est point une persécution que dans le cas où
il est de nature à compromettre la jouissance de droits absolus et inviolables, inhérents à la même
vie et liberté de la personne humaine141.

La pratique jurisprudentielle des États parties à la Convention a permis de mettre en évidence le


lien entre persécution et discrimination142, mais aussi de le généraliser. En effet, l'examen de cette

137 Le cas A v. Minister for Immigration & Ethnic Affairs, (1997) HCA 4, et rajoute, au par. 29 que : «Whether the different treatment of different
individuals or groups is appropriate and adapted to achieving some legitimate government object depends on the different treatment involved and, ultimately, whether it
offends the standards of civil societies which seek to meet the calls of common humanity. Ordinarily, denial of access to food, shelter, medical treatment and, in the case
of children, denial of an opportunity to obtain an education involve such a significant departure from the standards of the civilized world as to constitute persecution.
And that is so even if the different treatment involved is undertaken for the purpose of achieving some legitimate national objective».
138 Australia, Chen Shi Hai v. The Minister for Immigration and Multicultural Affairs, cit., par. 32: « Once it is accepted that “black children” are a social

group for the purposes of the Convention, that they are treated differently from other children and that, in the case of the appellant, the different treatment he is likely to
receive amounts to persecution, there is little scope for concluding that that treatment is for a reason other than his being a “black child”».
139 EDSTROM, Assessing Asylum Claims from Children Born in Violation of China’s One-Child Policy: What the United States can Learn

from Australia, WILJ, vol. 27, 2009, p. 139 ss.


140 UNHCR, Handbook on Procedures and Criteria for Determining Refugee Status under the 1951 Convention and legislation of the 1967

Protocol relating to the Status of Refugees, HCR/-IP/4/Eng/REV.1 Reedited, Geneva, January 1992, UNHCR 1979, par. 54.
141 Cfr. GOODWIN-GILL, MCADAM, op. cit., pp. 90 ss.
142 UNHCR, Agents of Persecution. UNHCR Position, 14 March 1995; Opinion of UNHCR Regarding the Question of “Non-State

Persecution”, As Discussed With the Committee on Human Rights and Humanitarian Aid of the German Parliament (Lower House) on 29
November 1999, 29 November 1999, parr. 45-49;

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pratique montre la tendance à considérer le phénomène des persécuteurs. De fait, il a permis de


justifier la reconnaissance du statut de réfugié, les violations graves des droits de l'homme
fondamentaux, résultant d'un ensemble complexe de raisons, d'intérêts et de mesures portant
atteinte à la dignité humaine, laquelle est souvent accompagnée par une volonté claire de
discriminer des groupes spécifiques d'individus143. Ainsi, le statut de réfugié a été reconnu au cas
où l’étranger rapatrié ne pourrait pas jouir, à égalité avec ses concitoyens, du droit à l’éducation, à
la santé, à la participation sociale et à la liberté de pratiquer sa religion.

Par exemple, la Cour fédérale du Canada, ayant accordé l'asile à une femme de nationalité
chinoise, contrainte de subir une stérilisation forcée144, a consacré que même la plus jeune fille de
la femme devrait bénéficier de la protection internationale. Non seulement dans un souci de
préservation de la cellule familiale, mais aussi parce que, dans l’éventualité où la mineure serait
rapatriée, « she would, in her own right, experience such concerted and severe discrimination,
including deprivation of medical care, education and employment opportunities and even food, so
as to amount to persecution. [...] As such, she is a member of a particular social group, that is,
second children.»

Le droit de l'Union européenne, qui prévoit la reconnaissance du statut de réfugié en vertu de


l'article premier, let. (A) de la convention de Genève ? Il stipule ainsi que les actes de persécution
doivent: « a) être suffisamment graves, de par leur nature ou leur fréquence, pour constituer une
violation grave des droits de l'homme fondamentaux, en particulier des droits pour lesquels toute
dérogation est exclue conformément à l'article 15, paragraphe 2, de la [CEDH]; ou b) constituent la
somme de plusieurs mesures, y compris des violations des droits de l'homme, dont l'impact est
suffisamment grave pour exercer sur la personne un effet similaire à celui visé au point a)145 et peut
prendre les forme suivantes : sanctions pénales judiciaires ou disproportionnées ou bien
discriminatoires.

Concernant les raisons qui pourraient conduire à un comportement persécuteur, cette législation
précise que l'exigence d'appartenance à un groupe social particulier doit être considérée comme
intégrée lorsque "les membres de ce groupe partagent une caractéristique innée ou une histoire

143 GOODWIN-GILL, MCADAM, op. cit., p. 92; HATHAWAY, The Law of Refugee Status, cit., p. 101 ss.; GRAHL-MADSEN, The Status of
Refugees in International Law, vol. I, cit., p. 189 ss.
144 Canada, Cheung v. Canada (Minister of Employment and Immigration), (1993) 2 FC 314 (F.C.A.).
145 Directive juridique 2004/83/CE du Conseil du 29 Avril 2004

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commune qui ne peut être changée caractéristique ou la foi qui est si fondamentale dans l'identité
ou la conscience qu'une personne ne devrait pas être obligée d'y renoncer, et ce [...] groupe a une
identité distincte dans le pays en question, car il est perçu comme différent de la société
environnante ".

Dans un récent arrêt de la Cour de justice de l'Union, il a été avancé, par exemple, que
l'existence d'une législation nationale disproportionnée et discriminatoire dans le pays d'origine du
demandeur d'asile, qui remplit les conditions suivantes, à savoir : les crimes, les actes homosexuels
et une peine privative de liberté, qui est effectivement appliquée dans des cas spécifiques, suffisent
pour satisfaire à l'exigence de persécution aux fins de déterminer le statut de réfugié146. De manière
significative, on peut affirmer que la Cour a également ajouté qu'« au lieu de l'évaluation d'une
demande de statut de réfugié, les autorités compétentes ne peuvent pas raisonnablement s'attendre
à ce que, pour éviter le risque de persécution, le demandeur d'asile cache son homosexualité. dans
son pays d’origine ou donner la preuve de la confidentialité dans l’expression de son orientation
sexuelle.»147.

Section 4. Les clauses d'exclusion du statut de réfugié


L'existence d'une persécution signifie qu'il y a une victime. La condamnation de l’expiation
d’une peine, infligée à un particulier à la suite d’une procédure judiciaire régulièrement célébrée,
ne peut donc pas être incluse dans la notion de "persécution" aux fins de la protection
internationale148.

Pour cette raison-là justement, le traité prévoit expressément des clauses d'exclusion. L’objectif
étant d’exclure du bénéfice de la protection internationale certaines catégories de personnes qui,
tout en répondant aux critères d'obtention du statut de réfugié, ne peuvent être considérées comme
des "victimes" de persécution. En effet, dans la perspective pragmatique qui domine l’architecture,
le système conventionnel de protection des réfugiés, qui accorderait le statut de réfugié à une

146 CGUE, Minister voor Immigratie en Asiel c. X (C-199/12) e Y (C-200/12) e Z c. Minister voor Immigratie en Asiel (C-201/12), sent. 7
novembre 2013, par. 79, punto 2.
147 C. GUE, le droit d’asil aux individus homosexuels et l’interdiction de discrimination dans la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union

Européenne DUDI, 2014, p. 261 ss.


148 Handbook and Guidelines on Procedures and Criteria, cit., p. 14, par. 56: «Persecution must be distinguished from punishment for a

common law offence. Persons fleeing from prosecution or punishment for such an offence are not normally refugees. It should be recalled that
a refugee is a victim – or potential victim – of injustice, not a fugitive from justice».

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personne dont la conduite serait dangereuse pour l’État réfugié, constituerait de fait un abus de
droit149.

La principale de ces exceptions est régie par l’article 1, lettre. (F) de la Convention, qui
concerne les personnes contre lesquelles il existe "de sérieuses raisons" de croire qu'elles se sont
rendues coupables d'un crime de guerre avant leur entrée dans l'État d'accueil. C’est le cas
notamment du droit international humanitaire comme le fait de commettre un crime contre
l'humanité, régi par la convention sur le génocide; ou un crime de droit commun très grave ou
encore des actes contraires aux buts des Nations Unies150.

Le contenu de l'exception reflète ainsi le contexte historique dans lequel le traité a été rédigé.
Le souvenir des procès de Nuremberg était extrêmement vif et un sentiment commun s’exprimait
au sein de la communauté internationale quant à la nécessité de punir les transgresseurs de l’ordre
international et des valeurs qu’il exprime151. D'où le libellé de l'article 1, lettre (F), qui vise à
exclure ab initio la reconnaissance du statut du domaine de la protection conventionnelle contre le
réfugié accusé d'avoir commis un crime en dehors des frontières de l'État d'accueil et avant le
procès formel..

En effet, la lettre de la règle laisse un large pouvoir discrétionnaire aux États pour la
vérification des conditions implicites inhérentes à l'exclusion de la reconnaissance du statut. Celle-
ci n'exigeant aucune preuve formelle de la commission de l'infraction. À l’opposé, elle se contente
de la présence d'éléments purement indicatifs152. Par conséquent, bien que l’intention d’introduire
la dérogation ait un caractère punitif, elle ne peut être déduite de l’article 1, lettre. (F) de la
Convention de Genève une obligation pour les États parties, qui accueillent des réfugiés exclus de
la protection et de les poursuivre pénalement. En fait, l’obstacle le plus important à ce niveau
concerne la différence entre les normes de preuve existant entre le droit des réfugiés et le droit
pénal, car la norme de preuve pour la mise en accusation d’un particulier est nécessairement

149 Cfr. GOODWIN-GILL, Convention relating to the Status of Refugees. Protocol relating to the Status of Refugees, cit., p. 4, LAWAND, The
Right to Return of Palestinians in International Law, IJRL, vol. 8, 1996, p. 532 ss.
150 VAN KRIEKEN, Refugee Law in Context: The Exclusion Clause, Cambridge, 2001.
151 GILBERT, Current Issues in the Application of the Exclusion Clauses, in FELLER, TÜRK, NICHOLSON (eds.), op. cit., p. 427 ss.;

MUSALO ET. AL, Refugee Law and Policy: a Comparative and International Approach, Durham, 2002, p. 700.
152 Handbook and Guidelines on Procedures and Criteria, cit., p. 28 ss., parr. 140-163.

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supérieure à celle nécessaire pour exclure un étranger bénéficiant du statut de réfugié en vertu de la
Convention de Genève153.

La détermination du contenu spécifique des différentes hypothèses dérogatoires est essentielle


pour limiter le pouvoir discrétionnaire de l’État dans la phase de reconnaissance du statut de
réfugié. En effet, comme indiqué dans les directives du Haut-Commissariat sur l'application des
clauses d'exclusion154, la jurisprudence concernant la première hypothèse - celle dans laquelle le
réfugié a commis un crime contre la paix, contre l'humanité ou un crime de guerre - est la plus
riche et plus cohérent, car il existe plusieurs instruments d'assistance qui aident à déterminer la
nature, la portée et le contenu des infractions énumérées à l'article 1 f) a)155.

Par conséquent, un doute persiste sur l'interprétation peut surgir concernant les crimes de droit
commun et les actes contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. Les premiers sont des
crimes manifestement non politiques, d'une gravité telle qu'ils entrent dans les catégories pour
lesquelles les lois nationales prévoient les peines les plus sévères.

La jurisprudence relative à l'article 1 (f) (b) est moins claire que celle de l'article 1 (f) (a), car
les paramètres d'interprétation de la notion de "crime non politique grave" moins stricte. Dans
certains cas, la jurisprudence a déterminé l'exigence de la gravité du crime et de son caractère
apolitique en se référant aux règles contenues dans les traités d'extradition bilatéraux156, risquant
toutefois de priver de la notion d'infraction grave de "Common law" de la Convention de son
caractère internationaliste157. Pour éviter ce risque-là, le Haut-Commissariat a proposé une
définition de "infraction grave de droit commun" en tant qu'infraction pénale dont le mobile est
principalement de nature personnelle et a également donné des exemples d'infractions graves
susceptibles de tomber sous le coup de la clause d'exclusion de commentaires tels que le meurtre et
le viol158.

153 SIMEON, Ethics and the Exclusion of Those Who Are ‘Not Deserving’ of Convention Refugee Status, in JUSS, HARVEY (eds.), Research
Companion to Migration Theory and Policy, Farnham, 2013, p. 258 ss., p. 282 ss., spec. p. 284.
154 UNHCR, Guidelines on International Protection No. 5: Application of the Exclusion Clauses – Article 1F of the 1951 Convention Relating

to the Status of Refugees, UN Doc. HCR/GIP/03/05, 4 September 2003, par. 10


155 Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide, 78 UNTS 277, 9 December 1948
156 HATHAWAY, HARVEY, Framing Refugee Protection in the New World Disorder, Cornell ILJ, vol. 34, 2001, p. 257 ss., pp. 279 e 285.
157 SAUL, Exclusion of Suspected Terrorists from Asylum: Trends in International and European Refugee Law, Institute for International

Integration Studies, Discussion Paper No. 26, July 2004.


158 Guidelines on International Protection No. 5, cit., parr. 14-15

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En tout état de cause, ce qui paraît nécessaire pour l’activation de la clause visée à l’article 1,
lett. (F) b) de la Convention de Genève, est que le demandeur d'asile est accusé d'un crime qui n'a
pas de nature politique. Sinon, la même raison d'être que le régime international de protection des
réfugiés serait compromis, liée ontologiquement à la nécessité de protéger les étrangers qui ont
commis des crimes politiques159.

Cette déclaration soulève donc la question de l'exclusion de la protection internationale des


terroristes présumés par le recours à l'article premier, lett. (F) b) de la Convention, qui soulève à
son tour le problème plus vaste et plus complexe de la définition du terrorisme dans le droit
international contemporain, problème qui dépasse la présente analyse160.

Toutefois, il est utile de souligner ici que la question a été posée, en pratique, après le 11
septembre 2001, suites aux conséquences des politiques antiterroristes adoptées par de nombreux
États. En outre, dans sa résolution 1373/2001161, le Conseil de sécurité des Nations Unies a
condamné fermement les actes terroristes et s'est engagé à empêcher la propagation de la menace
terroriste, en adoptant des mesures visant, notamment, à dissuader et réprimander tous ceux qui
financent, planifient, soutiennent et commettent des actes terroristes, ainsi que ceux qui soutiennent
de près ou de loin de tels actes.

En fait, il a demandé aux États d’adopter, conformément au droit des réfugiés et aux droits de
l’Homme, des précautions spécifiques dans le cadre des procédures nationales d’examen des
demandes d’asile "afin de prévoir que le demandeur d’asile n’a pas planifié, et pour assurer ". Il a
été ainsi préconisé que les auteurs, organisateurs ou facilitateurs d'actes terroristes n'utilisent pas le
statut de réfugié et que les demandes de motivation politique ne sont pas reconnues pour justifier le
rejet d'une « demande d'extradition terroristes présumés ».

Enfin, la lettre (F) c) de l'article premier établit l'exclusion de la protection du réfugié qui s'est
rendu coupable d'actes contraires aux buts et principes de l'Organisation des Nations Unies ou aux
principes fondamentaux qui régissent la vie du couple les relations internationales et les relations
entre les États membres. Par conséquent, cette dérogation trouve un fondement normatif dans les
dispositions contenues dans le préambule de la Charte des Nations Unies (ONU) et notamment

159 ALLAIN, The jus cogens nature of non-refoulement, IJRL, vol. 13, 2001, p. 533 ss., p. 545.
160 NIGRO, La definizione di terrorismo nel diritto internazionale, Napoli, 2013;
161 UNSC, Resolution 1373, 28 septembre. 2001, UN Doc. S/RES/1373 (2001).

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dans ses premiers articles. Cependant, leur formulation n’affecte pas les critères permettant
d’identifier les destinataires. Conséquence de l'extrême généralité de la définition contenue à
l'article premier, lett. (F) c), on était en face de la nature résiduelle qui a été reconnue pour
l'exception en question.

Dans les directives du Haut-Commissariat sur l'application des exceptions, il est avancé que
cette clause ne peut être soulignée "que dans des circonstances extrêmes, par une activité qui
attaque le fondement même de la communauté internationale de coexistence"162. De même, la
doctrine de la majorité a affirmé que la disposition en question ne pouvait concerner aucun
individu, mais seulement les personnes "formellement chargées de la mise en œuvre nationale des
principes et objectifs de l'ONU"163. En ce sens, la notion d '"actions contraires aux objectifs et aux
principes de la Charte des Nations Unies" finit essentiellement par se superposer à celle de crimina
juris gentium. Ainsi, seul un individu occupant une position de force dans le gouvernement de son
pays peut se trouver en mesure de commettre des actions contraires aux principes qui sous-tendent
l’ordre public international164. Dans ce cas de figure, il a été observé ainsi "qu'il existe un
chevauchement considérable entre l'article 1 F, alinéas a) et c), en ce sens que crimes de paix,
crimes de guerre et crimes contre l'humanité sont bien entendu les Nations Unies »165.

En pratique, cette exception a été très peu utilisée166. En effet, dans certains cas, la juridiction
nationale a formellement exclu la possibilité d'utiliser l'article 1 f) c) pour exclure un réfugié du
bénéfice de la protection internationale, comme dans le cas précis des "enfants soldats", où se
produisent justement des évaluations supplémentaires de la protection des mineurs167.

162 Guidelines on International Protection No. 5, cit., par. 17.


163 HATHAWAY, HARVEY, op. cit., p. 267.
164 SANTALLA VARGAS, Ensuring Protection and Prosecution of Alleged Torturers: Looking for Compatibility of Non-Refoulement

Protection and Prosecution of International Crimes, EJML, vol. 8, 2006, p. 41 ss.; HANDMAKER, Seeking Justice, Guaranteeing Protection
and Ensuring Due Process: Addressing the Tensions between Exclusion from Refugee Protection and the Principle of Universal Jurisdiction,
NQHR, vol. 21, 2003, p. 677 ss., a p. 681; FITZPATRICK, The Post-Exclusion Phase: Extradition, Prosecution and Expulsion, IJRL, vol. 12,
2000, p. 272 ss., a p. 274.
165 SIMEON, op. cit., p. 284.
166 Pushpanathan v. Canada (Minister of Citizenship & Immigr.), [1998] 1 S.C.R. 982, mod. 1 S.C.R. 1222; K.K. v. Secretary of State for the

Home Department, [2005] INLR 124, [2004] UKIAT 101, cit. in WORSTER, The Evolving Definition of the Refugee in Contemporary
International Law, BJIL, vol. 30, 2012, p. 94
167 WORSTER, The Evolving Definition of the Refugee in Contemporary International Law, cit., p. 103, nota 33. In argomento UNHCR,

Background Note on Exclusion Clauses: Article 1F of the 1951 Convention Relating to the Status of Refugees, IJRL, vol. 17, 2003, p. 293 ss.,
parr. 91-93.

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Section 5. Caractère forcé du retrait et nature de l'agent persécuteur


En ce qui concerne le caractère forcé de la migration, la Convention stipule que le réfugié peut
"ne pas pouvoir ou ne pas vouloir retourner". Les deux hypothèses doivent être examinées
séparément, car la première concerne le cas dans lequel l'État de nationalité n'est pas en mesure de
protéger le réfugié, c'est-à-dire une circonstance échappant au contrôle de l'individu, telle qu'une
guerre ou une révolution. La seconde hypothèse provient de la crainte de persécution dont souffre
l'individu, c'est-à-dire son évaluation subjective du risque auquel il serait exposé une fois rentré
chez lui, ce qui lui fait refuser la protection préparée par l'État de nationalité168.

La prédiction de la formule "impossible ou non disposé" offre de nombreuses pistes de


réflexion. Premièrement, étant donné que le lien temporaire établi entre l’État hôte et le réfugié
contribue à la préservation d’un bien juridique, qui ne peut être d’ailleurs garanti par le lien de
citoyenneté, l’État hôte doit ainsi éviter de coopérer avec l’État d’origine pour résoudre le
problème des réfugiés.

En revanche, il est plausible que, même si l’État d’accueil souhaite une confrontation avec
l’État d’origine sur la question des réfugiés, c’est ce dernier qui refuse le dialogue. En fait, en
reconnaissant la qualité de réfugié à son propre citoyen, une déclaration politique d'incapacité ou
de désintérêt de l'État d'origine reste inhérente à la réalisation de l'une des fonctions essentielles de
la souveraineté. Pour cette raison-là, l’existence de preuves ou des preuves de cette "incapacité ou
refus" d’un État de respecter l’obligation légale de protéger ses citoyens, tant sur le plan interne
qu’international, a prouvé la présomption de probabilité du risque de persécution et aussi du bien-
fondé de la crainte individuelle présumée d’être harcelé169.

En outre, le fait de reconnaître qu’une personne ne peut pas retourner chez lui, parce que l’État
d’origine ne peut pas garantir la protection, signifie étendre la protection internationale aux cas des
personnes victimes d’un comportement matériel d’organes non étatiques. Ce qui pose du coup le
problème de 'identification d'un critère permettant de reconstituer la condition préalable du
caractère discriminatoire de l'action persécutive à l'égard de comportements qui, en général, font
défaut.

168 Handbook and Guidelines on Procedures and Criteria, cit., p. 16.


169 WEIS, The Refugee Convention, 1951, cit., p. 9.

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Lorsqu’il s’agit du fumus persecutionis, s’agissant des victimes potentielles d’un comportement
matériel d’organes non étatiques, il convient de demander à l’État d’accueil de : 1. s’assurer au
préalable de la violation par l’État d’origine de l’obligation de protéger son propre citoyen ; 2.
déterminer, le cas échéant, les conséquences de cette évaluation du point de vue de la
responsabilité internationale des États en matière de non-diligence raisonnable170. Problème, celui-
ci, dont la solution est compliquée par le fait que la règle primaire, dont la violation représente le
primum movens pour tenter de reconstituer le fait illicite en question, n’est qualifiée que de manière
très générique. L'obligation de l'État de contrôler son territoire171, dont les conséquences en termes
de responsabilité internationale ne sont pas qualifiées d'obligations juridiques secondaires172.

Sur ce point précis, ni la Convention ni les travaux préparatoires ne sauvent173 la situation.


D’autre part, compte tenu de la logique humanitaire qui sous-tend le système du système de
Genève, il n’est pas surprenant de constater que les méthodes de détermination de la "crainte
fondée" de persécution exposée dans la Convention de l'enquête sur l'imputabilité à l'État d'origine
de l'affaire qui équivaut à une persécution.

Deux approches distinctes sont donc apparues dans la jurisprudence des États parties au traité.
Les tribunaux de certains États parties à la Convention174 ont reconstitué l'exigence du c. "Défaut
de protection de l'État" qui, combiné à la vérification de la violation des droits fondamentaux du
demandeur, constituerait la condition sine qua non de la reconnaissance de la protection en
l'absence d'une implication directe de l'État d'origine dans des actions en persécution. Dans cette
jurisprudence-là, le recours à l'exigence d'absence de protection de la part de l'État a joué un rôle
supplémentaire, compensant ainsi la difficulté de reconstituer la gravité et le caractère systématique
du comportement matériel persécutif dans le cas d'agents privés. Le paramètre de référence
normatif sur la base de laquelle l'existence ou non de la protection de l'État était constatée était
donc celle des mesures de prévention et de répression des phénomènes de persécution. Ces mesures
étaient mises en œuvre par l'État d'origine dans chaque cas d'espèce et appréciées à la lumière des
170 PISILLO MAZZESCHI, Due diligence e responsabilità internazionale degli Stati, Milano, 1989.
171 UN Docs. A/RES/63/148; A/RES/62/124; A/RES/61/137; A/RES/60/129, A/RES/59/170; A/RES/58/151; A/RES/57/187;
A/RES/56/137; A/RES/53/125; A/RES/52/103. In argomento, HOFMANN, Refugee-Generating Policies and the Law of State Responsibility,
ZAÖRV, 1985, p. 694
172 TOMUSCHAT, State Responsibility and the Country of Origin, in GOWLLAND-DEBBAS (ed.), The Problem of Refugees in the Light of

Contemporary International Law Issues, The Hague, 1995, p. 60


173 GRAHL-MADSEN, The Status of Refugees in International Law, vol. I, cit., p. 189 ss.; KÄLIN, Non-State Agents of Persecution and the

Inability of the State to Protect, GILJ, vol. 15, 2000- 2001, p. 415 ss.; LAMBERT, The Conceptualisation of “Persecution” by the House of
Lords: Horvath v. Secretary of State for the Home Department, IJRL, vol. 13, 2001, p. 16
174 Horvath v. Secretary of State for the Home Department, cit., p. 18 , TÜRK, Non-State Agents of Persecutions, in CHETAIL,

GOWLLAND- DEBBAS (eds.), Switzerland and the International Protection of Refugees, The Hague, 2002, p. 95

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normes internationales relatives à la responsabilité de l’État en cas d’échec dû à une “due


diligence”175.

Par ailleurs, à l’opposé, la non-pertinence de l'origine de l'agent de persécution aux fins de


l'accès à la protection internationale a été établie et le fondement de la crainte de la persécution (la
"méthode de la protection") a été utilisé comme seule discrimination176. Dans le cadre de cette
approche, actuellement majoritaire, la reconnaissance du statut de réfugié n’empêche pas de
déterminer la responsabilité internationale de l’État d’origine pour diligence raisonnable et de
pouvoir évaluer le lien de causalité entre l’action de persécution et son imputabilité dans le pays
d'origine du demandeur d'asile177.

L’approche de la protection a vraisemblablement eu le mérite de mieux refléter le caractère


humanitaire de la protection internationale, même si elle pose et continue de poser des problèmes
de sécurité juridique et de traitement inégal. Et pour cause, on relève l’absence d’un organe
compétent pour interpréter de manière pertinente la Convention de Genève et les risques de
fragmentation de la notion de persécution aux fins d’accès à la protection internationale qui en
découle178.

À contrario, dans l'état actuel du développement du droit international général, il ne semble pas
possible de s'écarter de la thèse selon laquelle l'inutilité de l'imputabilité d'actes de persécution à
l'État d'origine serait imputable. La raison c’est qu’on pourrait arriver à une conclusion différente
qui impliquerait nécessairement la possibilité pour les États parties de la Convention d’attribuer la
responsabilité internationale à l'Etat d’origine pour eux. La conclusion que la ligne n'apparaît ni
avec l'objet et le but de la Convention, ni avec l'importance que les États attachent au respect de
leur immunité de juridiction étrangère179.

Dans la pratique juridique du Haut-Commissariat aux réfugiés, la possibilité d'adopter


l'approche de la protection était appuyée à partir de la formulation générale de l'article 1, lettre (A),
par. 2, celui-ci permet ainsi d'inclure dans la protection internationale les situations
175 Velásquez-Rodríguez c. Honduras, sent. 29 luglio 1988,
176 V. Canada, Federal Court, Zalzali v. Minister of Employment and Immigration, jud. 30 April 1991, 2 FC 605
177 MOORE, Whither the Accountability Theory: Second-Class Status for Third-Party Refugees as a Threat to International Refugee Protection,

IJRL, vol. 13, 2001, p. 32 ss., p. 34


178 BONAFÈ, La nozione di persecuzione nel diritto dell’Unione europea in materia di rifugiati e la responsabilità internazionale dello Stato, in

CALIGIURI, CATALDI, NAPOLETANO (a cura di), La tutela dei diritti umani in Europa. Tra sovranità statale e ordinamenti sovranazionali,
Padova, 2010, p. 277 ss., p. 289.
179 ICJ, Jurisdictional Immunities o the State (Germania c. Italia), sent. 3 febbraio 2012, ICJ Reports 2012, p. 99 ss.

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d'affaiblissement, même localisé, du pouvoir de contrôle de l'État. De fait, les autorités publiques
ne puissent éviter la persécution de leurs citoyens180.

A ce niveau d’analyse, comme le réaffirme le HCR dans la dernière version du Manuel sur les
procédures et critères de détermination du statut de réfugié de décembre 2011, et à la lumière
également des travaux préparatoires et de l'objet et but de la Convention de Genève, la persécution
recouvre à la fois le comportement de l'État et le comportement privé. Par conséquent, il n'est pas
nécessaire, pour activer la protection internationale, que l'agent chargé de la persécution soit un
État, et que la violation grave des droits de l'individu dépend d'un comportement actif d'institutions
non étatiques ou simple omission de l'État d'origine ou encore issu de la résidence habituelle181.

Section 6. Revendications de licenciement du statut de réfugié et


pratique de l'exception de protection interne
L'élément principal du régime international de protection des réfugiés réside dans la rupture du
lien social ordinaire existant entre l'État d'appartenance et l'individu qui cherche refuge.
Conformément à la logique de provisionnement qui caractérise la condition découlant du caractère
subsidiaire de la protection internationale, la Convention de Genève énonce également certaines
conditions auxquelles un réfugié cesse d'être considéré en tant que tel182. Par ailleurs, les clauses de
licenciement peuvent faire référence à un changement de la situation personnelle du réfugié
résultant d'une initiative volontaire. C’est le cas notamment dans le cas d'une nouvelle acquisition
de la citoyenneté effective du pays d'origine, ou fondé sur des considérations objectives, ou encore
le cas des changements produits dans l'État d'origine et qui rendent les motifs pour lesquels le sujet
avait été reconnu réfugié ne sont plus valables.

Ces clauses, ainsi que les exceptions qui y découlent, reposent sur l’idée que la protection
internationale ne doit être ni accordée ni maintenue quand elle n’est plus nécessaire ni justifiable183.

180 UNHCR, Guidelines on International Protection No. 2: “Membership of a Particular Social Group” within the Context of Article 1A(2) of
the 1951 Convention and/or its 1967 Protocol Relating to the Status of Refugees, UN Doc. HCR/GIP/02/02, 7 May 2002,par. 23; Global
Consultation on International Protection. Summary Conclusions: Membership of a Particular Social Group. Expert Roundtable Organized by
the United Nations High Commissioner for Refugees and the International Institute of Humanitarian Law, San Remo, Italy, 6-8 September
2001, par. 6.
181 Handbook and Guidelines on Procedures and Criteria, cit., par. 65: «Persecution is normally related to action by the authorities of a country. It may also

emanate from sections of the population that do not respect the standards established by the laws of the country concerned. [...] Where serious discriminatory or other
offensive acts are committed by the local populace, they can be considered as persecution if they are knowingly tolerated by the authorities, or if the authorities refuse, or
prove unable, to offer effective protection».
182 Convention de Genève, art. 1, lett. (C).
183 UNHCR, Summary Conclusions: Cessation of Refugee Status, Expert Roundtable, May 2001; Note on the Cancellation of Refugee Status,

November 2004.

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L’évaluation de la nécessité ou de la justification de la protection internationale incombe de fait


aux États parties à la Convention, qui l’appliquent au cours de la procédure de reconnaissance du
statut ou ultérieurement.

Dans le cadre d'une telle évaluation, le pouvoir discrétionnaire des États est limité à la fois par
les données textuelles relatives aux clauses d'exclusion et de résiliation, construites en négatif, et
aussi par une interprétation systématique des règles contenues dans la Convention au même titre
que les exceptions. De fait, aucune autre raison ne peut être invoquée par analogie pour justifier le
non-octroi ou la révocation du statut.

À cet égard, il est rappelé que la révocation du statut ne doit pas être confondue avec
l'annulation du statut de réfugié. Celle-ci peut être déclarée par l'autorité de l'État chargé de
l'examen de la demande d'asile lorsque, après le succès de la procédure, de nouvelles indications
apparaissent. Celles-ci pourraient invalider la reconnaissance du statut, telle que la représentation
erronée de faits par le demandeur ou la possession d'une double citoyenneté ou de plusieurs
nationalités, ou encore l'existence de conditions pour l'activation de l'une des clauses d'exclusion.

Par exemple, dans le cas de nationalités multiples, l'accès à la protection internationale n'est
possible que s'il est prouvé que la nationalité de chacun des liens de citoyenneté de l'individu184 est
faible au niveau de la protection nationale. Mais s’il y a des restrictions de citoyenneté prétendu
efficace par l'étranger, il appartiendra aux réglementations nationales du droit international privé de
régir la concurrence ultérieure des critères de connexion et ce, afin de déterminer le lien
d'appartenance préférentielle. Dans l’ordre juridique italien, par exemple, la question est résolue
par l’article 19, concernant les questions d’apatridie, de refuge et de citoyenneté multiple. Ces
questions sont régies par la loi du 31 mai 1995, n. 218, qui a réformé le système italien de droit
international privé185. Pour rappel, sur la base de cette disposition, chaque fois que les liens de
citoyenneté individuels revendiqués par le particulier, ceux-ci ne sont pas comptés dans le droit
italien, car la loi qui s’applique étroitement est celle qui existe entre les états d’appartenance.

Il convient donc de rappeler ici que, parallèlement aux exceptions à la protection internationale
fondées sur les normes de la Convention de Genève, d’autres hypothèses d’exclusion de la

184 WORSTER, International Law and the Expulsion of Individuals with More than One Nationality, UCLA JILFA, vol. 14, 2009, p. 423 ss.
185 BATCHELOR, Statelessness and the Problem of Resolving Nationality Status, IJRL, vol. 10, 1998, p. 156 ss.

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propriété du statut de réfugié, fondées sur un recours technique, ont été établies dans la pratique.
Rappelons ici justement les notions d’annulation de la qualification ou de révocation de celle-ci
pour refuser la protection aux demandeurs qui, avant de fuir à l’étranger, n’ont pas cherché une
protection alternative "Interne"186.

Cette pratique peut donc être étayée par le rejet d'une demande de protection internationale.
C’est le cas notamment lorsque le demandeur d'asile aurait pu échapper à la persécution, en se
déplaçant dans les limites de l'État de citoyenneté ou de la résidence habituelle "Protection interne
alternative"), ou encore dans la déclaration de cessation de la protection internationale, dans les cas
où une partie du territoire du pays du réfugié, différente de celle où il résidait avant la fuite, est
considérée comme "sûre" aux fins du rapatriement de la même chose ("solutions de remplacement
internes")187.

Bien entendu, cette pratique concerne les cas où l'agent persécuté est un organisme non
étatique, qui exerce tout au plus une forme de contrôle sur une partie du territoire d'où s'échappe le
réfugié. Ce qui pose de fait le problème de savoir si ce dernier peut éviter le risque de persécution
cherchant ainsi refuge dans une zone du territoire de l'État, qui est différente de celle contrôlée par
les rebelles.

Partant de la configuration de la protection internationale, en tant que substitut de la protection


nationale, qui n'est activée qu'en l'absence et à la place de celle-ci (compte tenu de l'optimum
juridique), cette pratique a pour objectif d'introduire un "raccourci" procédural dans la décision sur
la recevabilité des demandes d’asile188, limitant ainsi l’abus du droit. Toutefois, comme on le verra
dans les commentaires sur le droit de l’Union européenne qui le codifie, cette pratique extra-
conventionnelle risque d’entraîner une réduction indue du champ de la définition du réfugié. Celle-
ci renvoie au sens de l’article 1 A) de la Convention de Genève, inhérent à l’infraction de

186 UNHCR, Guidelines on International Protection No. 4: “Internal Flight or Relocation Alternative” within the Context of Article 1A(2) of
the 1951 Convention and/or 1967 Protocol relating to the Status of Refugees, UN Doc. HCR/GIP/03/04, 23 July 2003; WORSTER, The
Evolving Definition of the Refugee in Contemporary International Law, cit., p. 141 ss.
187 HA THA W A Y, FOSTER, Internal Protection/Relocation/Flight Alternative As An Aspect of Refugee Status Determination, in FELLER,

TÜRK, NICHOLSON (eds.), op. cit., p. 357 ss., p. 358.


188 ummary Conclusions: Internal Protection/Relocation/Flight Alternative. Expert roundtable organized by the United Nations High

Commissioner for Refugees and the International Institute of Humanitarian Law, San Remo, Italy, 6–8 September 2001, in FELLER, TÜRK
NICHOLSON (eds.), op. cit., p. 418-419, a p. 418.

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l'obligation de refoulement et de la réduction des normes minimales de protection garanties par la


Convention de Genève189

Section 7. Le caractère international de l’« éloignement »


Si l'origine de la persécution ne semble pas déterminante aux fins de la reconnaissance du statut
de réfugié, de sorte que la protection internationale puisse être assurée, il est certainement
nécessaire que le réfugié ait franchi la frontière administrative de l'État d'appartenance. Comme l'a
déclaré justement la Cour internationale de Justice (CIJ) en 1950 à propos de l'affaire Asylum
190
(Colombie c. Pérou) « the refugee is within the territory of the State of refuge » , seulement
lorsque l'individu abandonne le territoire de l'État de nationalité ou de résidence habituelle. La
protection internationale peut être reconnue, soit en raison d’un conflit incurable du réfugié avec un
centre de pouvoir national, soit que ce dernier cherche refuge contre la persécution dans un État
partie à la Convention,

Si le franchissement d'une frontière internationale permet l'internationalisation d'une affaire, qui


resterait par ailleurs purement interne, il est évident que la Convention ne s'applique pas aux
personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays191, fuyant, par exemple, des situations de
violence généralisée.

Se déplaçant à l'intérieur des limites de l'État et restant du fait sous la juridiction de son État.
Ces personnes se trouvent dans une situation lamentable que celle des réfugiés, puisque le droit
genevois sacrifie leur protection à la réaffirmation du principe du domaine réservé de l'État, Du
moins dans la mesure où les effets d'un conflit ou d'une situation de violences généralisées ne sont
pas de nature à entraîner la mobilisation de la communauté internationale pour éviter ou
interrompre la commission de violations flagrantes192.

La question n'apparaît toutefois pas dans d'autres systèmes régionaux de protection des
réfugiés, où la définition de "réfugié" a été étendue aux catégories de personnes : celles qui ne

189 HATHAWAY, FOSTER, op. cit., p. 392.


190 ICJ, Asylum Case, cit., p. 274.
191 Guiding Principles on Internal Displacement (UN Doc. E/CN.4/1998/53/Add.2, 11 February 1998, «For the purposes of these Principles, internally

displaced persons are persons or groups of persons who have been forced or obliged to flee or to leave their homes or places of habitual residence, in particular as a result
of or in order to avoid the effects of armed conflict, situations of generalized violence, violations of human rights or natural or human-made disasters, and who have not
crossed an internationally recognised State border».
192 LAGRANGE, L’application de la Convention de Rome a des actes accomplis par les Etats Parties en dehors du territoire National, RGDIP,

vol. 112, 2008, p. 521 ss.

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fuient pas un risque de persécution et celles qui ne répondent pas à l'exigence transnationale de la
migration. On pense ici tout particulièrement à la Convention de l'OUA de 1969 qui, comme on le
verra dans le chapitre suivant, inclut les réfugiés et les personnes déplacées à l'intérieur de leur
propre pays dans la définition du réfugié.

Section 8. Le « catalogue » des droits et obligations des réfugiés


La "qualité" des réfugiés, en vertu de la Convention de Genève, implique la reconnaissance
d'une série de droits et d'obligations représentant un traitement minimal, auquel on ne peut déroger
sous le péjus, pour les États parties au Traité193. La reconnaissance de cette qualité et la protection
qui en découle, dans un État de surcroît, la partie contractante a ses propres effets « erga omnes
partes ». La Convention de Genève étant un traité non synallagmatique à vocation humanitaire,
dans lequel une exemption de la condition de réciprocité législative est envisagée194.

La protection découlant de la qualité de réfugié est détaillée aux articles 2 et suivants, à partir
des "obligations générales" du réfugié, consistant à respecter les lois et les mesures prises pour
maintenir l'ordre public dans le pays d'accueil.

Les articles suivants contiennent un catalogue des droits fondamentaux du réfugié, tels que le
droit de ne pas être victime de discrimination, la liberté de religion, le droit au travail, à l'éducation,
au logement, à l'assistance sociale et administrative. La configuration de telles règles révèle la
matrice principalement européenne des normes de protection conventionnelle, dont la prévision est
fonctionnelle pour la réalisation effective de l'objectif d'intégration du réfugié, prévu précisément
dans l'article 34195. Poursuivre l'objectif consistant à lier le réfugié à la Le système juridique de
l'État hôte préside également les dispositions des articles 27 et 28 relatives à l'octroi aux réfugiés
qui n'en ont pas, de documents d'identité et de voyage valables.

Le statut juridique du réfugié est régi par le chapitre II du traité, qui reconnaît le droit
d'association, le droit de propriété et le droit à la protection juridictionnelle196. Cet article régit le
statut personnel du réfugié à l'article 12, qui est déterminé selon la loi du pays de résidence ou, à

193 Article 5 et atr. 7 de convention de Geneve «Rights granted apart from this Convention. Nothing in this Convention shall be deemed to impair any rights and
benefits granted by a Contracting State to refugees apart from this Convention».
194 SALERNO, L’obbligo internazionale di non-refoulement dei richiedenti asilo, DUDI, vol. 4, 2010, p. 48
195 Cfr. GOODWIN-GILL, Convention relating to the Status of Refugees, cit., p. 5
196 Convention de Geneve, artt. 15, 13-14, 16.

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défaut, selon la loi du pays de résidence. Cette discipline des critères de lien social, lorsque celle de
citoyenneté ne peut être appliquée à l'identification de la loi applicable à la détermination du statut
personnel du réfugié, renvoie cependant à l'article 12 de la Convention de New York du 28
septembre 1954 sur le statut des apatrides197. Celui-ci est souvent inspiré par le législateur national,
comme dans le cas de la réforme du système de droit international privé italien, qui a "nationalisé"
la solution conventionnelle à l'article 19 de la loi du 31 mai 1995, n. 218.

Concernant le degré de protection accordé aux réfugiés, le cadre général de la Convention


reflète les limites d'une vision fondamentale des droits fondamentaux du XXe siècle. À ce propos,
le principe de l'universalité des droits de l'homme s'est établi parallèlement à la fourniture
d’exceptions et des limites à la jouissance par certains étrangers de certains droits fondamentaux.
Une projection à son tour étayée par l'absence de « lien de citoyenneté »198.

Ajoutons à cela que les rédacteurs de la Convention de Genève ont renoncé à la création du
régime de protection internationale des réfugiés bénéficiant d'un véritable droit subjectif à l'asile et
ont préféré établir un catalogue de droits (émanant du réfugié de la constatation du qualité dans le
pays hôte). Parmi ces droits, on peut citer notamment la protection et le contenu garantis qui sont
déterminés par les États parties, en l’absence d’un organe doté de l’interprétation authentique du
traité.

En effet, il n’existe ni protection harmonisée ni régime unique de protection pour tous les
réfugiés, car la clause du « traitement le plus favorable » est parfois prévue et même réservée dans
les mêmes conditions aux étrangers en séjour régulier199. Ceci seulement dans certains cas comme
celui du "Traitement national"200.

Ces formes de protection étendue sont réservées aux réfugiés qui ont un lien plus stable avec
l’État hôte ou qui y résident «régulièrement» ou «habituellement»201, à l’issue des procédures de
reconnaissance du statut ou d’octroi d’un permis de séjour non temporaire. Sont en revanche exclus
les réfugiés "légalement présents" dans le pays d'accueil, c'est-à-dire ceux dont l'entrée et le séjour
ont été conformes à la législation nationale en matière d'immigration et qui attendent que leur statut
197 Convention relative au statut des apatrides, art. 12: «Personal status. 1. The personal status of a stateless person shall be governed by the law of the country
of his domicile or, if he has no domicile, by the law of the country of his residence».
198 NASCIMBENE, Lo straniero nel diritto internazionale, Milano, 2013, p. 29
199 GOODWIN-GILL, Convention relating to the Status of Refugees, cit., p. 5.
200 Convention de Genéve , artt. 4, 14, 16, 20, 22, par. 1, 23, 24, par. 1, 29.
201 CHERUBINI, L’asilo dalla Convenzione di Ginevra al diritto dell’Unione europea, cit., p. 3 ss.

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soit déterminé. À fortiori, les réfugiés dont l'entrée n'est pas irrégulière ou qui sont restés dans les
délais prévus par un permis de séjour temporaire n'en bénéficient pas.

Les États parties ne peuvent ainsi en aucun cas accorder à ces deux dernières catégories de
202
réfugiés un traitement pire que celui accordé aux étrangers en général . De plus, à tous les
réfugiés, sans distinction aucune, la protection contre le refoulement est reconnue conformément à
l'article 33 intitulé "Interdiction d'expulsion ou de retour (" refoulement ")". Le paragraphe 1 de cet
article stipule ceci :

«Aucun État contractant ne doit expulser ou refouler (" refouler ") un réfugié de quelque
manière que ce soit aux frontières des territoires où sa vie ou sa liberté seraient menacées en
raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social
particulier ou de sa situation politique »203

Par conséquent, on assiste à une phase inhérente à l'entrée de l'étranger dans le pays d'accueil et
la conclusion des procédures nationales de reconnaissance du statut de réfugié, qui n'est pas sans
protection. Car le respect de l'interdiction de refoulement impose à l'État de ne pas l'éloigner de lui.
Un pays dans lequel il peut être menacé par sa vie et sa sécurité.

Cette règle ne représente pas une nouveauté absolue dans le domaine du droit international.
Bien au contraire, il reprend, qualifie et rend effectif ce que prévoit déjà l'article 3 de la Convention
de 1933 sur le statut de réfugié international, filtré à travers les réflexions de l'Assemblée générale
des Nations Unies204 et du Comité ad hoc sur l'apatridie et les problèmes connexes, accusé d’avoir
préparé les travaux de la conférence 1951205.

L'obligation de non-refoulement est considérée à juste titre comme la norme de la fermeture du


système international de protection des réfugiés. Une sorte de fil rouge qui unit tous les éléments
du système international de protection des réfugiés. Cette règle revêt une importance particulière,

202 Convention de Geneve art. 7, par. 1: «Except where this Convention contains more favourable provisions, a Contracting State shall accord to
refugees the same treatment as is accorded to aliens generally».
203 GRANT, BARKER, Encyclopaedic Dictionary of International Law, New York, 2004, p. 426: «Refoulement [is] the expulsion or return of a refugee

from one state to another where his life or liberty would be threatened. [...] It is now prohibited by Article 33 of the Convention relating to the status of refugees (28-Jul-
1958) which bars the expulsion or return of refugees in any manner whatsoever to the frontiers of territories where his life or freedom would be threatened on account of
his race, religion, nationality, membership of a particular social group or political opinion».
204 Premiere Session de l'assemblée générale de l’ONU : «no refugees or displaced persons who have finally and definitely [...] expressed valid objections to

returning to their countries of origin [...] shall be compelled to return».


205 UN Doc. E/AC. 32/SR. 20, 1950, pp. 11-12, parr. 54-55.

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en particulier dans les moments d'actualité du contact avec le pays dans lequel ils demandent la
protection, ou dans la phase d'accès au territoire de l'État de refuge et d'éloignement de celui-ci206.

Avant d'examiner ces profils, il convient de noter que le terme "refoulement", ne trouvant pas
un équivalent juridique parfait en dehors de la langue française, a été de plus en plus utilisé comme
synonyme de "rejet" (en anglais). Pour rappel, le rejet, compris comme la "non-admission" de
l'étranger sur le territoire, ou son "expulsion" du territoire de l'État d'accueil207, est en soi une
simple activité légale208 exercée par l'État. Celui-ci exerce de ses propres le droit souverain au
contrôle des flux migratoires et à l’interdiction de l’immigration clandestine209, ainsi que les autres
formes d’exclusion des étrangers, prévues par le système juridique interne. Sachant que celles-ci
sont ignorées par le droit international (pensons-nous au "rejet à la frontière" ou au
"Reconditionnement à la frontière" des étrangers présents sur le territoire, mais sans permis de
séjour régulier) 210.

En effet, l’assimilation terminologique a affecté le contenu normatif du rejet. À partir de la


Convention de Genève, les activités d’interdiction de l’immigration et de contrôle des flux
étrangers, conduites par les États parties, devaient passer le test du respect de ce type particulier
d’interdiction de rejet. Cela passe principalement par le qualifier en fonction de ses conséquences,
ou du risque de persécution que l’étranger peut encourir du fait de l’exécution de la mesure de
renvoi.

De plus, comme nous le verrons ultérieurement, ce critère a été appliqué à toute mesure
d'éloignement prise par un État contre un étranger et ce, indépendamment de la qualification de
celle-ci en termes d'expulsion, d'extradition, de rejet à la frontière, non admission, cession ou
livraison211. Avec tout de même une compression substantielle de la liberté des États dans un
espace qui représente traditionnellement la quintessence de la souveraineté.

206 UNHCR, Note on the Principle of Non-Refoulement, Geneva, nov. 1997,


207 Second Report on the Expulsion of Aliens, cit., parr. 162-164
208 SPATTI, I limiti all’esclusione degli stranieri dal territorio dell’Unione europea, Torino, 2010, p. 24 ss.
209 IDI, Règles internationales sur l'admission et l’expulsion des étrangers, cit., Preambolo: «Considérant que, pour chaque Etat, le droit d'admettre ou de

ne pas admettre des étrangers sur son territoire, ou de ne les y admettre que conditionnellement, ou de les en expulser, est une conséquence logique et nécessaire de sa
souveraineté et de son indépendance»
210 GAJA, Expulsion of Aliens: Some Old and New Issues in International Law, Cursos Euromediterráneos Bancaja de Derecho Internacional,

vol. 3, 1999, p. 283 ss., pp. 290-291.


211 V. Second Report on the Expulsion of Aliens, cit., parr. 165-166.

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Section 9. L'obligation de non-refoulement par rapport à la sécurité


juridique internationale : cas de figure et modalités
L'interdiction de refoulement concerne, en premier lieu, les mesures prises par l'État pour
expulser l'individu du territoire de l'État d'accueil. Des mesures qui peuvent être adoptées dans la
phase ascendante de la situation de réfugié, c'est-à-dire avant la reconnaissance officielle du statut
de réfugié.

La première question à appréhender ici concerne le champ d'application personnel du non-


refoulement dans la phase d'accès au territoire de l'État de refuge.

La lettre de la norme, acceptée à l'article 33, par. 1, limite le bénéfice du non-refoulement aux
"réfugiés", c'est-à-dire à ceux qui possèdent les conditions requises visées à l'article 1, lettre (A),
par. 2 pour obtenir la reconnaissance du statut de réfugié ou qui ont déjà obtenu la reconnaissance
officielle de ce statut.

La thèse de limiter le bénéfice du non-refoulement aux réfugiés "Statutaire" est étayé par les
déclarations faites lors de la conférence diplomatique à Genève. Durant cet évènement, les
délégués de certains États ont choisi une lecture restrictive de la loi et ce, afin d'éviter que le
principe qui y est consacré soit traduit en un instrument de compression de l'État discrétionnaire sur
les politiques de migration212.

Cet argument est en effet étayé par le fait que la Convention de Genève ne reconnaît pas le droit
d'asile des réfugiés. En outre, elle ne constitue une obligation connexe d'admettre le réfugié sur le
territoire des États parties213. A cela s'ajoute le fait que la règle de l'article 33, par. 1 de la
Convention se limite à interdire le déplacement vers des territoires dans lesquels la vie et la sécurité
du réfugié peut être lésée, et non pas également vers un État tiers, qui peut être considéré comme
"sûr" pour la protection du réfugié lui-même.

Cependant, dans la pratique, après l'entrée en vigueur de la Convention, en particulier sur la


base des réflexions du HCR, une interprétation du non-refoulement est devenue envahissante. Ce
212 UN Doc. E/AC. 32/SR. 21, pp. 3-7.
213 JULIEN-LAFERRIERE, Le droit d’asile enterré à peine découvert, in KOUBI (sous la direction de), Le préambule de la Constitution de
1946. Antinomies juridiques et contradictions politiques, Paris, 1996, p. 209 ss., pp. 212-213: «[L]a Convention de Genève n’est pas une convention sur
l’asile. Dans aucune de ses dispositions elle ne fait obligation aux Etats parties d’accorder l’asile – c’est-à-dire l’entrée de leur territoire et le maintien sur ce territoire –
aux étrangers qui s’adressent à eux pour obtenir leur protection et s’y voir reconnus réfugiés, ni même à ceux qu’ils reconnaissent réfugiés».

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qui tend à dépasser les limites intrinsèques conventionnelles214. En effet, en suivant le canon
herméneutique énoncé à l’article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités215, une
interprétation systématique et de bonne foi des règles conventionnelles empêche de soutenir la
lecture restrictive susmentionnée. Et pour cause, elle permettrait en définitive à l'État partie d'éviter
l'obligation de non-refoulement dans la plupart des cas, réduisant ainsi l'efficacité la loi en question
et compromettre tout le système international de protection des réfugiés.

D'autre part, l'extension de l'obligation de non-refoulement aux "demandeurs d'asile", c'est-à-


dire à ceux qui ont demandé et n'a pas encore obtenu la vérification de la qualité de réfugié,
découle du fait que cette évaluation en concerne un " statut " : une condition qui caractérise
l’étranger dans son" être ". Et à partir de cette condition découle la structure de la relation entre
l’étranger et l’État hôte, ainsi que la reconnexion d’un ensemble de positions juridiques actives et
passives. Par conséquent, la condition du réfugié est une condition de fait, pregiuridica, dans
laquelle l'individu se trouve indépendamment du fait que cette qualité est reconnue par l'État
d'accueil216.

La reconnaissance du statut de réfugié a un caractère déclaratoire, en tant qu’acte formel qui, en


ratifiant la Convention de Genève, oblige les États à délivrer aux étrangers qui présentent les
caractéristiques énoncées à l’article 1, lettre (A), par. 2, la référence au terme "réfugié" à l'article
33, par. 1. Cette reconnaissance ne peut viser à exclure du champ d'application les "réfugiés"
potentiels qui n'ont pas encore obtenu la reconnaissance de statut217. Ainsi, même en l'absence de
toute obligation d'admission du demandeur d'asile sur le territoire, le principe selon lequel toute
personne qui soumet une demande d'asile, avant de pouvoir être expulsée, a le droit de mener la
procédure de manière régulière et rapide l'examen de leur demande. Mais surtout en vertu de
l'obligation de refoulement auquel cet examen a lieu sans préjudice de sa vie et de sa liberté.

Cette dernière considération implique qu'en cas de renvoi du demandeur d'asile dans un autre
État considéré comme "sûr", l'État d'accueil doit vérifier que l'étranger expulsé ne risque pas d'être

214 ExCom, Problem of Refugees and Asylum Seekers Who Move in an Irregular Manner from a Country in Which They Had Already Found
Protection, Conclusion No. 58 (XL), 1989.
215 Vienna Convention on the Law of Treaties, 1155 UNTS 33
216 JAEGER, Etude des déplacements irréguliers des demandeurs d’asile et des réfugiés. Groupe de travail sur les déplacements irréguliers des

demandeurs d’asile et des réfugiés, EC/SCP/40/Rev. 1, Geneva, 1985, p. 3: «il n’est pas nécessaire que le demandeur d’asile soit reconnu de façon formelle
comme réfugié pour avoir cette qualité, qui est intrinsèque».
217 Handbook and Guidelines on Procedures and Criteria, cit., p. 9, par. 28: «A person is a refugee within the meaning of the 1951 Convention as soon as

he fulfils the criteria contained in the definition. This would necessarily occur prior to the time at which his refugee status is formally determined. Recognition of his refugee
status does not therefore make him a refugee but declares him to be one. He does not become a refugee because of recognition, but is recognized because he is a refugee».

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refoulé dans "l'État de sécurité" qui le reçoit pour examiner sa situation. domanda218. D'un point de
vue matériel de ces considérations, l'interdiction du refoulement c.d. "Indirecte" ou "chaîne" 219, ou
le déplacement du réfugié aux frontières de territoires. D'où il peut être rejeté à nouveau dans un
pays dans lequel il risque d'être persécuté220, ainsi que l'interdiction des mesures étatiques de rejet à
la frontière.221

Selon le Comité exécutif du HCR, l'obligation de non-refoulement impose «both at the border
and within the territory of a State ‒ of persons who may be subjected to persecution if returned to
their country of origin irrespective of whether or not they have been formally recognized as
refugees»222 .

En effet, l'hypothèse de la mise en œuvre correcte de la procédure de reconnaissance est


l'identification du demandeur d'asile. Ce dernier serait en tout état de cause exclue en cas de rejet à
la frontière223 De surcroît, le rejet est interdit "de quelque manière que ce soit" pour laquelle, même
la pratique de la détention, en vue de l'expulsion, des étrangers dans les cd ne peut être considérée
comme légitime. Les "zones de transit" des aéroports internationaux, qui ont été utilisées de la
même manière que les zones franches sur la base d'un fictio iuris, qui a néanmoins une pertinence
purement interne224.

L'interdiction de rejet à la frontière, expressément prévue dans de nombreux instruments


internationaux postérieurs à la Convention de Genève225, doit certainement aussi concerner les
actions de lutte contre l'immigration irrégulière menées par l'État partie en dehors de ses frontières.
Et pour cause, même de cette manière, le demandeur d'asile est empêché de présenter la demande

218 JULIEN-LAFERRIERE, Le droit d’asile enterré à peine découvert, cit., p. 212: «La seule obligation qui découle, pour les Etats, de la Convention est le
“principe du non-refoulement”, selon lequel [...] [l]es Etats ne peuvent donc renvoyer un demandeur d’asile – le terme “réfugié” est interprété dans un sens large, par
application notamment du caractère recognitif de la décision d'admission au statut de réfugié – dans le pays qu’il a fui ou un pays susceptible de le renvoyer à son tour
dans le pays qu’il a fui». Sulla prassi del rinvio verso un “Paese terzo sicuro” v. infra, par. 13.
219 Secretary of State for the Home Department, ex parte Bugdaycay, (1987) AC 514 UKHL, cit. anche in SOHN, BUERGENTHAL (eds.), op.

cit., p. 123 ss., a p. 129.


220 WOUTERS, International Legal Standards for the Protection from Refoulement, Antwerp/Oxford/Portland, 2009, p. 140 ss.
221 HATHAWAY, The Rights of Refugees, cit., p. 315 ss.; GOODWIN-GILL, MCADAM, op. cit., p. 206 ss.; LAUTERPACHT,

BETHLEHEM, op. cit., p. 113 ss.


222Non-Refoulement, Conclusion No. 6, (XXVIII), 1977, p. 14.
223 Handbook and Guidelines on Procedures and Criteria, cit., p. 49, par. 189. Cfr. anche MARX, Non- Refoulement, Access to Procedures, and

Responsibility for Determining Refugee Claims, IJRL, vol. 7, 1995, p. 383 ss., p. 401.
224 Non-Refoulement Obligations in Public International Law: Towards a New Protection Status ?, in JUSS, HARVEY (eds.), op. cit., p. 129 ss.,

p. 138.
225 Declaration on Territorial Asylum, UN Doc. A/RES/2312 (XXII), 14 December 1967), art. 3, par. 1.

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de reconnaissance du statut de réfugié, la vérification des conditions d'éligibilité au statut par les
autorités nationales compétentes et, finalement, l'accès à la protection internationale226.

Il ne peut pas non plus induire en erreur l'énonciation au sens territorial de l'article 33, par. 1,
qui interdit le refoulement vers "les frontières des territoires". L’interdisant en suggérant que
l'interdiction du refoulement ne peut pas s'étendre, par exemple, aux zones marines. La logique de
cette formulation est en effet clarifiée si elle reflète le contexte historique dans lequel évolue la
Convention. Il s’agit d’un contexte dans lequel le problème des réfugiés venant d’Europe de l’Est,
traversant les frontières des États, devait être résolu. .

L'interprétation de l'obligation de non-refoulement, en tant que garantie territoriale limitée, a


toutefois suscité un certain écho dans la pratique actuelle des États. Par exemple, il a inspiré la
Cour suprême des États-Unis d’Amérique dans la célèbre affaire “Sale v. Haitian Centers
Council”227, où ce tribunal a établi - sur la base d'une relecture des travaux préparatoires de la
Convention de Genève - que les réfugiés haïtiens interceptés en haute mer pouvaient être rapatriés
par les autorités américaines sans que l'État encoure de violation de l'article 33 de la Convention de
Genève. Et pour cause, n'ayant pas touché le sol américain, ils ne pouvaient pas rentrer garanties
prévues par le traité et bénéficient ainsi d'une protection contre le refoulement228.

Cette thèse, sévèrement critiquée par le juge Blackmun229, a également été désavouée par la
Commission interaméricaine des droits de l'Homme. Un organe de l'Organisation des États
américains, qui affirmait dans la décision ceci : « the United States Government [had] breached its
treaty obligations in respect of article 33 of the Convention relating to the Status of Refugees» car
«Article 33 had no geographical limitations»230: "L'article 33 n'était pas limité
géographiquement »231.

Néanmoins, plus d’une décennie plus tard, la Chambre des lords réaffirmait le principe de
territorialité du non-refoulement (énoncé dans la décision de l'affaire Sale c. Haitian Centers
Council) inhérent à la légitimité des contrôles effectués par les autorités britanniques aux aéroports,
226 V. Second Report on the Expulsion of Aliens, cit., par. 99
227 Sale v. Haitian Centers Council, 509 U.S. 155 (1993), Opinion of 21 June 1993, ILM, vol. 32, 1993, p. 1052 ss., parr. 176-184-188.
228 HONGJU KOH, WISHNIE, The Story of Sale v. Haitian Centers Council: Guantánamo and Refoulement, in HURWITZ,

SATTERTHWAITE, FORD (eds.), Human Rights Advocacy Stories, New York, 2009, p. 38
229 Stati Uniti, Supreme Court, Sale v. Haitian Centers Council, cit., Dissenting Opinion of Judge Blackmun, parr. 189 ss., spec. par. 19
230 Haitian Centre for Human Rights et al. c. Stati Uniti, 1
231 GIBNEY, HANSEN, Deportation and the Liberal State: the Forcible Return of Asylum Seekers and Unlawful Migrants in Canada,

Germany and the United Kingdom, UNHCR Working Paper, p. 1

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ainsi que par d’autres États européens. L’objectif étant d’"écrémer" les demandeurs d’asile
éligibles pour la présentation d’une demande d’asile au Royaume-Uni232. Ayant également rappelé
d'autres exemples de pratiques australiennes, les lords britanniques ont conclu ainsi :

«Art. 33 concerns refugees who have gained entry into the territory of a Contracting State,
legally or illegally, but not to refugees who ask entrance into this territory. [...] In other words, if a
refugee has succeeded in eluding the frontier guards, he is safe; if he has not, it is his hard
luck»233.

Il est vraisemblable que le fait de légitimer une opération interdisant l’accès au territoire de
l’État hôte et, partant, à la protection internationale, entraîne inévitablement une inégalité de
traitement entre les catégories de demandeurs d’asile. De cette manière, ces derniers sont
récompensés, malgré l’irrégularité de leurs comportements, et peuvent jouir précisément du fait de
leur présence sur ce territoire, du droit de faire examiner leur demande d’asile234.

Une contribution importante à la réorientation des pratiques décrites par le Comité consultatif
est venue de l’« Advisory Opinion on the Extraterritorial Application of Non-Refoulement
Obligations under the 1951 Convention relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol of
UNHCR »235. Ce qui incluait le débat sur la portée extraterritoriale du non-refoulement dans le
débat plus large sur le concept de « juridiction » en matière de protection des droits de l'homme
fondamentaux pour conclure que «[t]he obligation set out in Article 33(1) of the 1951 Convention
is subject to a geographic restriction only with regard to the country where a refugee may not be
sent to, not the place where he or she is sent from».

232 Royaume-Uni, R v Immigration Officer at Prague Airport and Another, Ex parte European Roma Rights Centre and Others, (2004) UKHL
55.
233 ROBINSON, Convention Relating to the Status of Refugees. Its History, Contents and Interpretation, New York, 1953, p. 163.
234 HATHAWAY, The Rights of Refugees, cit., p. 336 ss.; GOODWIN-GILL, MCADAM, op. cit., p. 247 ss.; FOSTER, Protection Elsewhere:
The Legal Implications of Requiring Refugees to Seek Protection in Another State, Michigan JIL, vol. 28, 2007, p. 223 ss., p. 251 ss.
235 UNHCR, Advisory Opinion on the Extraterritorial Application of Non-Refoulement Obligations under the 1951 Convention relating to the

Status of Refugees and its 1967 Protocol, 26 January 2007,

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1.Non-refoulement et (absence de) droit d’asile


Dans la pratique des États parties, la reconstitution de l'interdiction du refoulement en tant que
règle du double processus. L’objectif est de permettre aux réfugiés d'accéder aux procédures de
reconnaissance de leur statut et aussi de clarifier en quels termes logico-juridiques la définition
conventionnelle du réfugié, en l’absence du droit d’asile dans la Convention de Genève.

Ce sont deux questions ontologiquement liées, mais distinctes sur le plan déontologique,
puisque, en vertu du statut de réfugié, ce dernier est protégé par des dispositions du droit
international. En même temps, il jouit d'une réelle droit d’asile que dans la mesure où un État
décide de l’accorder sur la base du droit interne236.

La disjonction logico-juridique entre les deux concepts apparaît clairement dans un projet de
convention sur l'asile territorial et diplomatique, élaboré par l'Association de droit international en
1972, dont l'article premier est libellé comme suit:

«Article 1, subparagraph (a): All States have a right to grant asylum to all victims of or who
have a well-grounded fear of persecution and to political offenders. Article 1, subparagraph (b):
The High Contracting Parties undertake to grant refuge in their territories to all those who are
seeking asylum from persecution on grounds of race, religion, nationality, membership of a
particular social group, which shall be understood to include any regional or linguistic group, or
adherence to a particular opinion»237.

Par conséquent, dans le terme générique de "droit d'asile", trois profils distincts peuvent être
attribués à la propriété et au contenu de la loi. Premièrement, le droit classique des États d
'"accorder l'asile politique"238 et de permettre ainsi à l'étranger de jouir des droits et libertés inscrits
dans les constitutions nationales. Deuxièmement, le droit de l'individu à "demander l'asile" contre
la persécution. Ce qui correspond, pour les États parties à des traités internationaux sur les réfugiés,
à l'obligation de donner accès aux procédures d'examen des demandes d'asile sur leur territoire et se
conformer à une norme internationale de traitement. Troisièmement, le droit subjectif de l'étranger

236 Declaration sur l’Asyl territorial: “The situation of persons referred to in article 1, paragraph 1 [asylum granted by a State], is, without prejudice to the
sovereignty of States and the purposes and principles of the United Nations, of concern to the international community».
237 ILA, Committee on Legal Aspects of the Problem of Asylum, Report and Draft Conventions on Diplomatic and Territorial Asylum, Fifthy-Fifth

Biennial Conference, New York, 1972, p. 196 ss., p. 207.


238 GRAHL-MADSEN, Territorial Asylum, cit., spec. pp. 45-46.

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"de bénéficier de l'asile" de la persécution, énoncé à l'article 14, par. 1 de la Déclaration universelle
des droits de l'homme, c’est-à-dire le “right to have rights”239.

Or, il a été avancé qu'une forme embryonnaire de droit "de bénéficier de l'asile", évincée de la
porte principale du bâtiment de protection des réfugiés, entrerait de la "porte arrière" dans le centre
d'hébergement240. Ce, en interdisant le refoulement dans le but de hypothèse matérielle pour la
mise en œuvre d'une procédure efficace de reconnaissance du statut de réfugié, qui agirait comme
une "charnière juridique" entre les concepts de "refuge" et d '"asile"241.

Étant donné que les États parties accordent l'admission temporaire des demandeurs d'asile sur le
territoire de l'État. De fait, la protection et l'assistance nécessaires en attendant l'examen de la
demande de protection internationale242. Ce type d '"asile temporaire" – même atténué accès aux
droits et avantages sociaux – la nature et le fonctionnement ne diffèrent en aucun cas du droit
subjectif à l'asile243. En fait, à l'instar du droit de citoyenneté, typique de la protection de l'État,
l'asile "temporaire" représente l'attente légitime de protection internationale dont le demandeur
d'asile dispose, en tant que réfugié potentiel, à l'égard des États parties à la Convention de
Genève244.

Du point de vue téléologique, alors que le droit d’asile confère aux bénéficiaires une protection
tendancielle. L’objectif étant de réussir leur intégration dans le tissu social de la communauté
d’accueil. Celle-ci est assorti d’un ensemble de droits pour une assimilation partielle au traitement
des citoyens, c’est-à-dire l'asile "temporaire" (nomen est omen) qui garantit une protection
temporaire au bénéficiaire. Celle-ci est indispensable à l'achèvement des procédures permettant de
vérifier l'existence de conditions préalables à la reconnaissance du statut de réfugié ou motivées par
l’impossibilité de le transférer dans un pays tiers sûr.

239 Hannah Arendt, The Origins of Totalitarism, «We become aware of the existence of a right to have rights [...] and a right to belong to some kind of
organized community, only when millions of people emerge who had lost and could not regain these rights because of the new global political situation». V. ID., op. cit.,
p. 297.
240 V. LENZERINI, Asilo e diritti umani, cit., p. 335 ss.
241 BOED, The State of the Right of Asylum in International Law, Duke JCIL, vol. 5, 1994, p. 1 ss., p. 1.
242 La phase d’enregistrement de la demande d’Asyl «doit être comprise comme celle où le demandeur est mis en possession par la préfecture d’un document le

plaçant à l’abri de tout refoulement». Così, Francia, Rapport sur la réforme de l’asile remis au Ministre de l’Intérieur, le 28 novembre 2013, par Valérie
Létard, Sénatrice et Jean-Louis Touraine, Député,
243 ALLAND, Asile, in CARREAU, LAGARDE, SYNVET, BERNARD, BONNAFOUS (sous la direction de), Encyclopédie juridique, Tome I.

Répertoire de droit international, Paris, 1998, p. 5.


244 CREPEAU, op. cit., p. 169; CARLIER, Droits des réfugiés, Bruxelles, 1989, p. 34.

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Cette approche trouve du réconfort dans de nombreuses résolutions de l'Assemblée générale des
Nations Unies, selon lesquelles "le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile d'autres pays
depuis la persécution". Il est complété, dans la Convention de Genève, par le devoir des États
d'autoriser les accès du demandeur d'asile aux procédures de reconnaissance du statut de réfugié,
principalement pour ne pas le rejeter aux frontières des territoires où sa vie ou sa liberté pourraient
être menacées.

Cependant, cette déclaration mérite une clarification. Comme nous l'avons souligné plus-haut à
plusieurs reprises, la Convention de Genève n'est ni un traité sur l'asile, ni une disposition relative à
l'asile "provisoire", compris comme le précipité de l'interdiction du refoulement245. Cette évolution
est tout au plus imputable à l'interprétation (diffusée dans la pratique des États) des dispositions
combinées des articles 33, paragraphes 1 et 31, par. 1 de la Convention de Genève, interdisant à ce
dernier d'imposer une sanction pénale au réfugié en cas d'entrée irrégulière dans le pays d'accueil.
Prenant l'exemple français, à savoir :

«Cette obligation d’asile provisoire n’a été admise qu’un peu plus tard, par le Conseil d’Etat et
sur le fondement d’une autre disposition de la Convention de Genève, l’article 31, § l, aux termes
duquel “les Etats contractants n’appliqueront pas de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou
de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur
liberté était menacée (...), entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation, sous réserve
qu’ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de
leur entrée ou présence irrégulière”. Le Conseil d’Etat a déduit de ce texte un droit, pour les
demandeurs d’asile, d’être admis à séjourner en France jusqu’à ce qu’il soit définitivement statué
sur leur demande (C.E., ass., 13 déc. 1991, Préfet de l’Hérault c. Dakoury et Nkodia, 2 esp.)»246.

Toutefois, toujours dans les termes décrits ci-dessus, "la référence à la Convention de Genève
peut être passablement artificielle"247. Étant donné que l'interdiction de sanctionner l'entrée et le
séjour irrégulier du réfugié ne peuvent découler d'un "droit de séjour" à ce dernier. Néanmoins, il
convient de reconnaître que cette évolution de la pratique a le mérite de désamorcer le potentiel
d’un système de protection internationale des réfugiés non fondé sur le droit d’asile.

245 JULIEN-LAFERRIERE, Le droit d’asile enterré à peine découvert, cit., p. 212: «Les Etats ne peuvent donc renvoyer un demandeur d’asile [...] [m]ais
ils n’ont aucune obligation de l’admettre sur leur territoire, même à titre provisoire et pendant la durée de la procédure de détermination de sa qualité de réfugié». V. anche
HATHAWAY, Leveraging Asylum, Tex ILJ, vol. 45, 2010, p. 503 ss., p. 530-531: «But the Refugee Convention is not an instrument that is organized around
granting rights to a beneficiary class defined by the duty of non-refoulement. Codification of the duty of non-refoulement was actually far from the core of the Refugee
Convention's purposes; indeed, as initially proposed, Article 33 would have applied only to refugees arriving with pre-authorization in a state party. [...] As a matter of
historical fact, there is no basis to suggest that the Refugee Convention exists to delineate the entitlements of persons granted protection against refoulement».
246 JULIEN-LAFERRIERE, Le droit d’asile enterré à peine découvert, cit., p. 212.
247 JULIEN-LAFERRIERE, Le droit d’asile enterré à peine découvert, cit., p. 213.

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Il ne faut donc pas s'étonner que, dans la pratique juridique des États, il existe de nombreux
exemples de justification de l'admission temporaire pour des motifs humanitaires248 et que l'accès à
l'asile temporaire de ceux qui le demandent soit souvent entravé par une série d'obstacles de
procédure. C’est le cas notamment de la mise en place de conditions de recevabilité strictes pour
les demandes d’asile, ou de garanties insuffisantes, le non-respect du droit à l’information sur les
procédures d’accès à la protection dans la langue d’origine, ainsi que le droit de recevoir un
entretien individuel avec un responsable cette tâche, ainsi que le droit de communiquer avec le
Haut-Commissariat, de connaître les motifs de la décision de rejet de la demande et de faire appel
de cette décision249.

En tout état de cause, ce droit d'asile provisoire devrait être limité au temps strictement
nécessaire pour expliquer la procédure d'évaluation du statut. Et pour cause, on ne peut pas en
déduire qu'il représente également une forme minimale de protection pour les demandeurs d'asile
dont la demande a été rejetée ou qui ne l'ont pas été. En même temps, vu qu’il n’a pas eu accès à la
procédure, l’État hôte n’ayant pas été en mesure de lui accorder l’accès250. Dans ce dernier cas, la
configuration d'un droit subjectif réel d'asile temporaire pour les affrontements individuels, comme
nous l'avons déjà noté, avec le fait que l'article 33, par. 1 n'empêche pas l'éloignement, se limitant à
énoncer une garantie concernant le pays de destination, dans laquelle le demandeur d'asile ne doit
pas mettre sa vie et sa liberté en danger.

Une conclusion différente ne peut pas non plus être tirée en ce qui concerne la situation des
demandeurs d'asile dont la demande a été rejetée. Et ce tout en tenant compte de la relation entre
les deux dispositions fondamentales de la Convention de Genève : celle qui contient la définition
du réfugié sur laquelle la reconnaissance du statut et celle de l'interdiction du refoulement. En fait,

248 V. International Association of Refugee Law Judges, Forced Migration and the Advancement of International Protection, 7th World Conference,
Mexico City, November 6-9, 2006, p. 53 ss.
249 LAMBERT, Seeking Asylum. Comparative Law and Practice in Selected European Countries, Dordrecht-Boston-London, 1995, p. 8 ss. en

particulier, «la notion de “demande d’asile manifestement infondée” est ainsi conçue comme un instrument de régulation des flux des
demandeurs d’asile, qui permet aux Etats de procéder à un filtrage préalable des demandes d’asile aux fins de l’admission au séjour». Cfr.
CHETAIL, Le principe de non-refoulement et le statut de réfugié en droit international, in CHETAIL, FLAUSS (sous la direction de), La
Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés – 50 ans après: bilan et perspectives, Bruxelles, 2001, p. 3 ss., p. 22.
250 The Problem of Manifestly Unfounded or Abusive Applications for Refugee Status or Asylum, Conclusion No. 30 (XXXIV), 1983, lett. e):

«Recognized the substantive character of a decision that an application for refugee status is manifestly unfounded or abusive, the grave consequences of an erroneous
determination for the applicant and the resulting need for such a decision to be accompanied by appropriate procedural guarantees and therefore recommended that: (i) as
in the case of all requests for the determination of refugee status or the grant of asylum, the applicant should be given a complete personal interview by a fully qualified
official and, whenever possible, by an official of the authority competent to determine refugee status; (ii) the manifestly unfounded or abusive character of an application
should be established by the authority normally competent to determine refugee status; (iii) an unsuccessful applicant should be enabled to have a negative decision reviewed
before rejection at the frontier or forcible removal from the territory. Where arrangements for such a review do not exist, governments should give favourable consideration
to their establishment. This review possibility can be more simplified than that available in the case of rejected applications which are not considered manifestly unfounded
or abusive».

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il ressort clairement de l'analyse de ce rapport que la seconde n'est qu'une forme de protection
individuelle qui découle de la première251.

Et pour mieux expliquer une telle affirmation, il est nécessaire de dissiper toute confusion
conceptuelle latente, qui peut résulter de la qualification différente du risque auquel le réfugié
potentiel ne peut être exposé en vertu de l'article 1 er, let. (A), par. 2 ("risque de persécution") et de
l'article 33, par. 1 ("Menace contre la vie et la liberté") de la Convention de Genève. Selon une
approche, en effet datante et minoritaire, de sorte que l’article 33, par. 1, trouver application, il
serait nécessaire, outre une "menace pour la vie et la liberté", l'existence d'un risque individuel de
252
persécution, qualifié sur la base de déterminants visés à l’article 1 er, lettre A, par. 2 . Il
semblerait donc évident que cette lecture de l'article 33, par. 1 réserve la protection découlant de
l'interdiction dans les cas où les conditions énoncées sont cumulativement satisfaites. Et celles qui
sont nécessaires à la reconnaissance du statut restreint considérablement la portée ratione
personarum.

D'autre part, selon une autre approche, l'obligation de non-refoulement garantit une forme de
protection contre l'expulsion. Cela ne se limite pas ceux qui entrent dans la définition de réfugié,
car leur situation personnelle complète les exigences de la persécution. Cette protection contre
l’expulsion touche également ceux qui font face à une violation potentielle du droit à la vie, du
droit à l'intégrité physique, du droit à la liberté individuelle253.

De cette manière, l'interdiction de refoulement s'appliquerait même si l'existence des conditions


personnelles du risque n'était pas prouvée. C’est le cas notamment de l'éloignement d'un étranger
qui n'est pas individuellement à risque se produit vers un pays dans lequel il se trouve commettre
des violations systématiques des droits de l'Homme.

Une telle approche a le mérite de souligner la fonction différente à laquelle les deux normes en
question sont régies par la Convention de Genève. L'élément fondamental de la définition de
réfugié selon l'article 1, lettre (A), par. 2 est le risque de persécution, qui place l'attention sur le
sujet individuellement affecté, en raison de sa connotation politico-idéologique particulière180. Par

251 HATHAWAY, The Rights of Refugees under International Law, cit., pp. 300-301; GOODWIN-GILL, MCADAM, op. cit., p. 196;
MCADAM, Complementary Protection in International Refugee Law, Oxford, 2007, p. 200.
252 Sentence de la Cour Suprême des États Unis : Immigration and Naturalization Service v. Cardoza-Fonseca, 9 March 1987, 480 US 421, 444
253 Consuetude de l’UNHCR : v. ExCom, Establishment of the Sub-committee and General, Conclusion No. 1 (XXVI), 1975, p. 7; Refugees

without an Asylum Country, Conclusion No. 15 (XXX), 1979, p. 31.

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contre, dans la norme qui accepte l'obligation de non-refoulement l'attention est placée sur l'objet,
le trait prépondérant étant précisément la menace pour la vie et la liberté de l'individu. Ces
considérations, en accord avec la fin de la Convention de Genève qui visent à créer un régime
uniforme de protection internationale des réfugiés, va nous nous convaincre que les deux
qualifications de risque différentes incluses dans les articles susmentionnés devraient être
coordonnées.

Toutefois, nous ne pensons pas qu'une telle coordination puisse affecter l'étendue du non-
refoulement, en faisant varier les formes de protection, du concept de «persécution» individuelle à
la «menace pour la vie et la liberté» plus générale et plus abstraite.

En effet, l'article 1, lettre (A), par. 2 inclut une définition juridiquement pertinente d'une
catégorie d'étrangers (les réfugiés, en fait), à laquelle le droit international reconnaît un régime de
protection spécifique (dont le contenu est détaillé dans la Convention de Genève). Par aileurs, dans
ce régime, le bénéfice de « refoulement », contenu à l'article 33, par. 1, est considéré comme l'un
des principaux droits individuels254. Cet avantage se traduit ainsi par l'impossibilité pour l'État
partie à la Convention de reporter le réfugié (actuel ou potentiel) à celui d'où il s'échappe255, mais
ne peut être étendu à un demandeur d'asile dont la demande a été rejetée.

Cela est aussi corroboré par la pratique étatique qui réserve souvent aux demandeurs d'asile,
dont la demande a été rejetée et dont l'éloignement a été différé pour des raisons économiques ou
juridiques. Il s’agissait là, rrien de plus qu'un statut de simple tolérance (les "personnes
tolérées")256, qui exclut la liberté de circulation, ainsi que l’accès aux avantages sociaux, parfois
même élémentaires. Ne pouvant obtenir de titre de séjour, ces étrangers se trouvent de fait dans
l'impasse, à moins que leur position ne soit régularisée par une amnistie.

Le droit de l'Union européenne reflète, en particulier, la disposition selon laquelle les États
membres peuvent exclure du champ d'application des directives communautaires. Celles-ci sont

254 HA THA W A Y, The Rights of Refugees, cit., p. 304 ss., spec. p. 307; WOUTERS, op. cit., p. 57; MESSINEO, op. cit., p. 135.
255 GRAHL- MADSEN, The Status of Refugees in International Law, cit., p. 196; WEIS, The Refugee Convention, 1951, cit., pp. 219, 303, 341.
256 V. LEISE, Germany to Regularize “Tolerated” Asylum Seekers, in The Online Journal of the Migration Policy Institute, April 5, 2007

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relatives à la lutte contre l'immigration clandestine les étrangers sans titre régulier, comme un
permis de séjour, bénéficient d'une suspension temporaire de l’éloignement257

2.L'obligation de non-refoulement dans la phase d’éloignement


Pour analyser le champ d'application matériel de l'obligation de non-refoulement dans la phase
descendante de la situation de réfugié, c'est-à-dire après que le statut ait été officiellement reconnu,
il est nécessaire d'examiner les cas dans lesquels le risque d'éloignement du territoire peut en effet
se matérialiser dans le pays de refuge ou d’interpréter le contenu de la formule "de quelque
manière que ce soit", comme le stipule justement l’article 33, dans le par. 1 de la Convention.

Cette expression est fonctionnelle pour étendre l'interdiction de refoulement aux mesures
d'éloignement. Celles-ci sont prises par tout organe de l'État intervenant dans tout segment de la
juridiction de l'État258. En effet, comme déjà mentionné plus-haut, le risque de refoulement peut
survenir lors de l'exécution de toute mesure d'éloignement prise par un État contre un étranger. Et
ce quel que soit le statut juridique national d'une disposition telle que l'expulsion, le rejet, la
reconstitution à la frontière ou la non admission stipulée dans la loi de l'État.

Du point de vue du droit international général, les hypothèses mentionnées peuvent donc être
assimilées à celle de l’"expulsion" au sens du deuxième rapport sur l'expulsion des étrangers de la
Commission du droit international259. L’expulsion est définie ici comme étant la mesure étatique
par laquelle la suppression coercitive du étranger légalement "présent" ou "résident" sur le territoire
de l'État260.

Par contre, en droit interne, ainsi que dans certains instruments internationaux
conventionnels261, le concept d’expulsion est plus étendu et inclut du coup le rejet des personnes
présentes sur le territoire de l’État, qu’elles disposent ou non un séjour ou résidence262.

257 UE, Directive 2009/52/CE du Parlement Européen et du Conseil, du 18 juin 2009: “Un Etat membre peut decider de ne pas appliquer l'interdiction
d'embauche des citoyens des pays tiers qui sont irréguliers “
258 «[the] intent and meaning of Article 33(1) of the 1951 Convention are unambiguous and establish an obligation not to return a refugee or asylum-seeker to a

country where he or she would be risk of persecution or other serious harm, which applies wherever a State exercises jurisdiction, including at the frontier, on the high seas
or on the territory of another State». V. UNHCR, Advisory Opinion on the Extraterritorial Application of Non- Refoulement, cit., par. 24.
259 Second Report on the Expulsion of Aliens, cit., parr. 153-194.
260 260 Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms, 213 UNTS 222 (CEDU); Protocol No. 7 as amended by

Protocol No. 11, CETS 117, 22 November 1984)


261 International Convention on the Protection of the Rights of all Migrant Workers and Members of their Families, UN Doc. A/RES/45/158,

2220 UNTS 3, 18 December 1990, art. 22

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Mais en tout état de cause, il s'agit d'une mesure qui n'est pas nécessairement individuelle, car
elle peut également concerner des groupes de personnes, ce que nous appelons une "expulsion
collective" . Quant à la contrainte, elle n’est pas nécessairement matérielle, mais peut aussi être une
invitation à quitter le territoire de l’État hôte pour se rendre dans un État prêt à accueillir l’individu
expulsé. Dans la plupart des cas, le motif évoqué renvoie à un cas de citoyenneté (lorsqu'il est
possible d'identifier la citoyenneté) ou un cas d'apatridie, concernant le pays de résidence habituelle
de la personne apatride.

L’expulsion du réfugié régulièrement "présent" est envisagée ici dans la Convention de Genève.
À la fois dans la norme visée à l’article 32, par. 1, qui indique de manière exhaustive les exceptions
à l'interdiction générale d'expulsion des réfugiés, comme dans l'exception à l'interdiction de
refoulement énoncée à l'article 33, par. 2. Pour comprendre la relation entre les deux dispositions
conventionnelles mentionnées, il est nécessaire d’analyser ici les hypothèses dérogatoires qu’elles
contiennent.

Ainsi, l’article 32, par. 1 stipule que «[t]he Contracting States shall not expel a refugee lawfully
in their territory save on grounds of national security or public order»263. Il s’agit-il d’une
interdiction générale d’expulsion des réfugiés qui sont régulièrement "présents"264, limités par les
deux exceptions qui ne sont pas cumulatives et typiques des dispositions des traités internationaux
en matière d’expulsion265 dans le cas d’atteinte à ordre public et à la sécurité nationale266.

Ces deux concepts ne trouvent d’ailleurs pas de définition précise et uniforme dans les
instruments de police ni dans la jurisprudence internationale267, pour lesquels la qualification de
celui-ci est laissée principalement aux systèmes juridiques internes268. À l’appui de cette thèse,
dans le récent arrêt de la Cour internationale de Justice dans l’affaire Ahmadou Sadio Diallo, qui

262 NASCIMBENE, DI PASCALE, Rapport de synthèse et conclusions, in NASCIMBENE (ed.), Expulsion and Detention of Aliens in the
European Union Countries, Milano, 2001, p. 533 ss., p. 579.
263 ABI-SAAB, Quelques concepts juridiques techniques concernant l’admission et l’expulsion des réfugiés en portant une attention particulière

à l’Afrique, Réunion d’experts sur les problèmes juridiques et de la protection, Arusha, 7-11 May 1979, UNHCR, Geneva, p. 11
264 Convention relative au status des Apatrides: «The Contracting States shall not expel a stateless person lawfully in their territory save on [...]»)

Art.13 du Pacte Onu sur les droits civils et politiques (International Covenant on Civil and Political Rights) 16 December 1966: «An alien lawfully
in the territory of a State Party to the present Covenant may be expelled therefrom only in pursuance of» .
265 l’article 12, par. 4 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (African (Banjul) Charter on Human and Peoples’ Rights, 1520

UNTS 217/ OAU Doc. CAB/LEG/67/3.5, 27 June 1981): «A non-national legally admitted in a territory of a State Party to the present
Charter, may only be expelled from it by virtue of a decision taken in accordance with the law»).
266 Third Report on the Expulsion of Aliens by Mr. Maurice Kamto, Special Rapporteur, Fifty-Ninth Session, Geneva, 7 May-8 June and 9 July-10 August

2007, UN Doc. A/CN.4/581, 19 April 2007, par. 63 ss.


267 ICJ, Ahmadou Sadio Diallo (République de la Guinée vs. Republique démocratique du Congo), sentence du 30 novembre 2010, ICJ Reports

2010, p. 639 ss., par. 15-19-81. Sur le concept d’”Ordre Public” SPERDUTI, Les lois d’application nécessaire en tant que lois d’ordre public,
RCDIP, vol. 66, 1977
268 France, Cour de cassation, Russie c. La Ropit, sentence du 5 mars 1928, Journal de droit international privé, Clunet, 1928, p. 674)

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constitue à cet effet le premier arrêt de la Cour relatif à l’expulsion d’étrangers. À cet égard, cette
juridiction a affirmé ceci :

«[T]he expulsion of an alien lawfully in the territory of a State [...] can only be compatible with
the international obligations of that State if it is decided in accordance with “the law”, in other
words the domestic law applicable in that respect. Compliance with international law is to some
extent dependent here on compliance with internal law»269.

Cela dit, l’interprétation des concepts d’ordre public et de sécurité , aux fins de l’interdiction
générale de l’expulsion des réfugiés énoncée à l’article 32 de la Convention de Genève, ne peut
être que restrictive, au vu de l’objet et du but de la Convention, notamment le Traité et le libellé
négatif de la disposition. Effectivement, la volonté des rédacteurs de la Convention de Genève
d'autoriser l'activation de l'exception de la menace pour l'ordre public uniquement dans les cas
d'attaque grave contre l'ordre public peut également être déduite des travaux préparatoires.
Paraphrasant le comité ad hoc sur l’apatridie en ces termes :

« Alors que les étrangers peuvent, s’ils sont frappés d’expulsion être renvoyés dans le pays
dont ils ont la nationalité, les réfugiés ne peuvent l’être. C’est pourquoi l’expulsion d’un réfugié
est une mesure particulièrement grave »270.

Contrairement à l'article 32, par. 1, article 33, par. 1 de la Convention de Genève prévoit une
interdiction d'expulsion qui n'est pas générale, mais liée à une hypothèse spécifique, à savoir
l'existence d'un risque de violation de certains droits fondamentaux du réfugié271. Parallèlement, le
par. 2 de la même disposition contient une exception à l'interdiction d'expulsion dans le cas décrit,
elle-même qualifiée par rapport à des hypothèses spécifiques. Conformément à l'al. 2 de l'article 33
qui stipule ceci :

« The benefit of [non-refoulement] may not, however, be claimed by a refugee whom there are
reasonable grounds for regarding as a danger to the security of the country in which he is, or who,

269 ICJ, Ahmadou Sadio Diallo, cit., par. 65.


270 GOODWIN-GILL, The Right to Leave, the Right to Return and the Question of a Right to Remain, in GOWLLAND-DEBBAS (ed.), op.
cit, p. 95 ss., p. 100.
271 Third Report on the Expulsion of Aliens, cit., par. 66. V. anche Sixth Report on the Expulsion of Aliens. Special Rapporteur Maurice Kamto, Sixty-Second

Session, UN Doc. A/CN.4/625, Geneva, 3 May-4 June and 5 July-6 August 2007.

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having been convicted by a final judgement of a particularly serious crime, constitutes a danger to
the community of that country »272.

La disposition prévoyant une exemption de l'obligation de non-refoulement en droit des


réfugiés est une conséquence du "rapport de réciprocité" établi entre l'État d'accueil et le réfugié.
Partant de là, le premier s'engage à protéger le second, dans la mesure où ce dernier respecte le
pacte social et n'est pas responsable d'actes susceptibles de déstabiliser l'ordre social de la
communauté d'accueil273. Par ailleurs-, la règle contenue à l'article 33, par. 2 est configuré comme
un instrument qui ne peut être utilisé que comme extrema ratio, lorsque d'autres solutions s'avèrent
insuffisantes pour protéger la sécurité ou la population du pays d'accueil.

Ceci peut être déduit d’une interprétation systématique de la dérogation, à la lumière de l’objet
(protection des réfugiés) et de la finalité ((clairement humanitaire) du traité qui le contient274. Cela
ressort à la fois de la lecture conjointe de l’article 33, par. 2 avec la clause d'exception à la
définition de réfugié, visée à l'article 1 er, lettre F) b), que l’on a analysée au début de ce
chapitre275.

En fait, comme nous l’avons déjà démontré, la lettre (F) (b) de l’article premier refuse la
protection internationale à une personne qui a commis un crime grave "en dehors du pays de refuge
et avant son admission dans ce pays un réfugié ». Alors que l'article 33, par. 2 exclut que l'État hôte
devrait, aux fins de l'éloignement, mettre en œuvre les procédures de garantie résultant de
l'interdiction de refoulement contre un réfugié, lequel se trouve sur son territoire et complète l'une
des deux hypothèses prévues par la dérogation.

Les deux situations pouvant amener les autorités nationales compétentes à expulser un réfugié
sans lui accorder le bénéfice du non-refoulement concernent : la présence de motifs sérieux de
croire que son séjour sur le territoire de l'État d'accueil représente un danger pour la sécurité
nationale ou une menace effective pour sa communauté, en raison d’une dernière condamnation
pour un crime particulièrement grave.

272 article33. V. UN Doc. A/CONF. 2/SR. 16, p. 8


273 JULIEN-LAFERRIERE, Le traitement des réfugiés et demandeurs d’asile au point d’entrée, Actes du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 30
novembre- 1989, DH-EB (89), 1990, p. 20 ss. Colloque sur les droits de I'homme sans frontières,
274 ICJ, Reservations to the Convention on Genocide, Avis Consultif du 28 maggio 1951, ICJ Reports 1951, p. 15 ss., p. 23
275 ZIMMERMANN, WENNHOLZ, Article 33, para. 2 1951 Convention, in ZIMMERMANN (ed.), op. cit., p. 1397 ss.

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La première hypothèse dérogatoire, quant à elle, est une clause de sauvegarde commune à la
plupart des traités relatifs aux droits de l'homme276, mais qui apparaît extrêmement détaillée et
limitée dans la Convention de Genève. Tout d’abord, le libellé même de la dérogation ("un réfugié
pour lequel il existe des motifs raisonnables de protéger le pays dans lequel il se trouve
désormais)" implique que la menace qui pèse sur le pays hôte doit être placée à l’avenir ou à la
source. maximum dans le présent, puisqu’un réfugié ne peut être rejeté en raison de son
comportement passé277. Deuxièmement, la dérogation en cause doit être interprétée de manière
restrictive, car la lettre de la disposition précise que les raisons qui poussent l’État à décider que le
réfugié constitue en effet une menace pour sa sécurité nationale doivent être sérieuses et qualifiées
(«reasonable grounds»)278.

Finalement, on doit prendre en compte des hypothèses susceptibles de démontrer le risque de


mettre en péril la sécurité intérieure ou internationale de l'État279, son indépendance ou sa forme de
gouvernement, par des actes d'espionnage ou de terrorisme international ou bien par le sabotage de
positions militaires ou encore par des tentatives de coup d'État280.

L'interprétation de la portée de la deuxième exception à l'interdiction de refoulement concernant


l'existence d'une menace pour la communauté de l'État d'accueil281 peut être plus complexe pour
l'interprète juridique. En fait, son activation est subordonnée à la survenue de deux conditions
cumulatives: une de nature formelle (consistant en une infraction particulièrement grave commise
par le réfugié à expulser) et une autre d’ordonnance de procédure (complétée par une
condamnation définitive pour de telles infractions)282, qui permettent de croire que le réfugié
constitue une menace pour la communauté hôte.

Il s'ensuit donc de ce qui précède que l'activation de la dérogation en cause suppose que le
réfugié a comparu devant une juridiction nationale de dernier ressort pour suspicion de crime grave
prévue par la loi du for (sans préciser le lieu et le moment de l'affaire pénale) et qu'il avait donc

276 Art. 12 ICCPR e l’art. 15 CEDU


277 GRAHL-MADSEN, Commentary on the Refugee Convention 1951, cit., pp. 399-400; LAUTERPACHT, BETHLEHEM, op. cit., pp. 140-
141.
278 Arrangement relatif aux marins réfugiés, 1964 RO 142, 23 Nov. 1957),au par.. 6 du chapitre 3
279 GRAHL-MADSEN, Commentary on the Refugee Convention 1951: Article 2-11, 13-37, cit., p. 401.
280 STENBERG, op. cit., pp. 133-143
281 Third Report on the Expulsion of Aliens, cit., par. 67 DELGADO, Running Afoul of the Non-Refoulement Principle: The

[Mis]Interpretation and [Mis]Application of the Particularly Serious Crime Exception, S.Cal.L.Rev., vol. 86, 2013, p. 1 ss.
282 GRAHL-MADSEN, Commentary on the Refugee Convention 1951, cit., pp. 404-405.

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accès à recours effectifs contre la condamnation ou résiliation inutile des conditions du recours
(avec effet suspensif)283.

S'agissant de l'exception du danger pour la sécurité nationale, de nature clairement préventive,


la menace pour la communauté étatique vise à protéger des intérêts sociaux fondamentaux qui ne
coïncident pas avec la notion d'ordre public sous-tendant l'article 32284. Cette menace doit donc être
évaluée au cas par cas en fonction du comportement de l'accusé et du risque de récidive découlant
de son séjour sur le territoire de l'État285. Il s’ensuit ensuite que la peine n’est pas un déterminant
absolu de l’exemption, mais un élément central visant à objectiver l’évaluation, par ailleurs
extrêmement discrétionnaire, des conditions dans lesquelles un réfugié peut représenter une
menace pour la communauté nationale et, partant, protéger le réfugié contre le risque de
refoulement286.

En résumé de ce qui précède, l'article 33, par. 2 envisage l'exclusion de la protection contre le
refoulement, destinée à être appliquée lorsqu'un réfugié représente une menace qualifiée pour le
pays hôte, tandis que la lettre F) de l'article 1 régit les cas – y compris le point b) suivant: note plus
dans la pratique – dans laquelle un étranger ne peut pas être considéré digne de la protection
internationale et ne devrait donc pas du tout être reconnu en tant que statut de réfugié.

Il en résulte ce qui a été démontré plus haut qu’en ce qui concerne un étranger dont le statut
n'est pas reconnu, l'article 33, par. 2, ainsi que le statut de réfugié auquel s'applique la dérogation
au non-refoulement n'est pas automatiquement révoqué ou annulé.

Ce dernier argument a tout de même des conséquences non négligeables en ce qui concerne le
traitement à réserver aux bénéficiaires de l'exemption. En fait, s'ils sont protégés contre le retrait de
règles non conventionnelles, telles que l'interdiction de ré-inhumation, au risque de subir une
torture reconstituée dans le cadre du droit international des droits de l'homme, ils ne devraient pas
pour autant être exclus de la jouissance des principaux droits conventionnels.

283 UN Doc. A/CONF. 2/SR. 16, p. 12


284 CHETAIL, Le principe de non-refoulement et le statut de réfugié en droit international, cit., p. 44.
285 GRAHL-MADSEN, Commentary on the Refugee Convention 1951, cit., pp. 407-408. Handbook on Procedures and Criteria, cit., parr. 154,

156.
286 LAUTERPACHT, BETHLEHEM, op. cit., p. 129 ss.; CHETAIL, Le principe de non-refoulement et le statut de réfugié en droit

international, cit., pp. 13-14.

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3.L'interdiction du refoulement en tant que « pont » entre les


procédures d'asile et d'extradition
On a déjà fait référence à l'extradition pour analyser le sens de la notion d '"infraction grave du
Common law" au sens de l'exclusion du statut de réfugié. Par ailleurs, le débat sur la relation entre
extradition et protection internationale concerne également la portée de l'obligation de refoulement,
c'est-à-dire si l'extradition peut être assimilée à une expulsion pour renforcer la protection
découlant de l'interdiction.

En réalité, l'extradition et l'expulsion sont des institutions très différentes en droit international.
L'extradition est de fait une mesure individuelle consistant en la remise d'un individu à un État qui
exige sa présence pour le soumettre à un procès pénal ou à l'exécution d'une peine287. D'autre part,
faut-il le souligner, l'expulsion peut également être collective.

Par ailleurs, alors que l'expulsion est un acte unilatéral de "conservation de soi" de l'État, sa
réglementation reflète la liberté des États d'expulser des étrangers : soit en l’absence de permis de
séjour n'est pas conforme à la législation interne, soit lorsqu’il y a une menace l'ordre et la sécurité
nationaux. L'extradition repose de fait sur une relation bilatérale entre États et fait partie de la
coopération internationale pour la prévention et la lutte contre le crime.

En fait, il ne répond pas au seul intérêt de l'État qui l'exécute, mais au principe plus général de
la sécurité de la peine, selon la règle de l'autodérision, et ne concerne pas uniquement les étrangers,
l'État pouvant également extrader son propre citoyen288. Comme ce fut indiqué dans la doctrine,
tout en pouvant qualifier l’extradition de Typologie d'expulsion régie par des règles particulières,
précisément en vertu du régime spécifique régissant la situation d'extradition. Cette forme de
coopération judiciaire en matière pénale est généralement exclue des instruments internationaux
relatifs à l'expulsion289.

287 CRAWFORD, Brownlie’s Principles of Public International Law, 8a ed., Oxford, 2012, p. 318: «Where this cooperation rests on a procedure of
request and consent, regulated by certain general principles, the form of international judicial assistance is called extradition».
288 GILBERT, Aspects of Extradition Law, Dordrecht-Boston-London, 1991; JENNINGS, WATTS (eds.), Oppenheim’s International Law,

Volume I: Peace, 9a ed., Harlow, 1992.


289 GAJA, Expulsion of Aliens, cit., p. 291

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Au cours des travaux préparatoires de la Convention de Genève de 1951, la question des traités
d'extradition entre pays d'origine et de refuge a été délibérément écartée290, en partant de
l'hypothèse que l'interdiction du refoulement ne ferait pas obstacle à son application291.

De fait, cette déclaration reflète le fait que, dans la plupart des systèmes juridiques internes,
l’examen des demandes d’extradition et des demandes d’asile est soumis à un régime procédural
distinct, l’extradition relevant de la compétence des tribunaux pénaux et la décision en matière
pénale. l'octroi de l'asile dans les juridictions administratives292. Ajoutons à cela, dans la pratique
juridique des États, le dépôt d’une demande d’asile n’entraîne souvent pas d’effet suspensif de la
décision d’extradition, en particulier lorsqu’elle est adoptée conformément aux obligations
découlant de la ratification d’un traité multilatéral sur l'extradition.

Il n’est donc pas surprenant que, dans les décennies qui ont suivi l’entrée en vigueur de la
Convention, certains juges nationaux européens, partant d’une interprétation restrictive et littérale
de l’article 33, par. 1, de la Convention de Genève, ont déduit de l'absence d'une telle coordination
l'extradabilité du réfugié vers le pays d'origine. L'obligation de non-refoulement pourrait de fait
être contournée banalement par une demande d'extradition formelle, même de la part de l'agent de
persécution des réfugiés293.

Par conséquent, il convient de noter que la règle « aut dedere aut iudicare » n'empêche pas
l'État partie à la Convention de Genève d'éviter l'expulsion. Concrètement, cela passe par
l’évitement de la prise en charge du jugement rendu contre un réfugié, qui a commis une infraction
grave sur le territoire294 ou l’exécution d’une peine prononcée à son encontre par le juge de l’État
requérant à deux conditions : existence des accords de reconnaissance mutuelle des mesures
juridictionnelles et existence d’un ordre de l’État qui envisage l’affaire pénale pour laquelle le

290 UN Doc. A/CONF. 2/SR. 16, p. 13.


291 UN Doc. A/CONF. 2/SR. 35, p. 21.
292 SIRENELLI, Les rapports entre extradition et asile, RGDIP, vol. 117, 2013, p. 611 ss., pp. 615-617.
293 SIRENELLI, op. cit., p. 619
294 ILBERT, Current Issues in the Application of the Exclusion Clauses, cit., p. 428; BASSIOUNI, Wise, Aut dedere aut judicare: the Duty to

Extradite or Prosecute in International Law, Dordrecht- Boston-London, 1995; VAN DEN WIJNGAERT, The Political Offense Exception to
Extradition. The Delicate Problem of Balancing the Rights of the Individual and the International Public Order, Boston- Antwerp-London-
Frankfurt, 1980; PELLONPÄÄ, Expulsion in International Law: a Study In International Aliens Law and Human Rights with Special Reference
to Finland, in Annales Academiae Scientiarum Fennicae, 1984, p. 489-506.

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réfugié est été condamné. En effet, comme l'a noté justement la Cour internationale de Justice dans
« l'affaire Lockerbie », la décision d'extradition est discrétionnaire295.

En outre, l'extradition peut être évitée, si les conditions sont remplies, en faisant référence à
l'exception classique du crime politique. C’est le cas notamment des États qui ont ratifié le Statut
de la Cour pénale internationale. Par conséquent, ces derniers assument l’obligation de remettre à
la Cour internationale les accusés des crimes graves relevant de leur compétence. À moins que des
limites du droit national s'opposant à la remise, telles que l'exception relative à l'infraction
politique, ou que la décision de ne pas être extradé soit motivée par la volonté de poursuivre
l'auteur présumé d'un crime grave296. Dans ce cas de figure, et en vertu du principe de
complémentarité des compétences de la Cour pénale internationale, ces États se voient confier
l'exercice de poursuites pénales297.

Cependant, l'interdiction d'extradition pour les crimes politiques ne couvre pas tous les cas dans
lesquels le refoulement est interdit par la Convention de Genève. Car, comme cela a déjà été
mentionné plus haut, l'exception de crime politique et l'interdiction du refoulement, bien que liées,
ils ne peuvent pas être superposés298.

Il est donc évident que, dans le cadre de la coopération judiciaire en matière pénale, en
l’absence d’obligations en vertu desquelles les parties c.d. "Motifs de refus" également du non-
refoulement, les États membres ont laissé un large pouvoir discrétionnaire, en ce qui concerne la
décision d'extrader un réfugié299. Il est aussi évident que ce large pouvoir discrétionnaire doit être
exercé, du moins par les États parties à la Convention de Genève, d'une manière compatible avec le
respect du principe de coopération loyale et la mise en œuvre de bonne foi des dispositions du
traité300.

De fait, on ne peut pas prendre en compte que l’article 33, par. 1 interdit le refoulement "de
quelque manière"301 et que, dans le libellé de son interdiction, l'accent est mis sur la "destination du

295 ICJ, Questions of Interpretation and Application of the 1971 Montreal Convention Arising from the Aerial Incident at Lockerbie (Libie vs.
Royaume Uni), ord. 14 avril 1992, ICJ Reports 1992, p. 114 ss., par. 24: «In so far as general international law is concerned, extradition is a sovereign decision
of the requested State, which is never under an obligation to carry it out».
296 CONFORTI, Diritto internazionale, 7a ed., Napoli, 2006, p. 280.
297 LANCIOTTI, op. cit., p. 72.
298 SIRENELLI, op. cit., pp. 620 e 611-612.
299 GRAHL-MADSEN, Territorial Asylum, cit., pp. 34-43.
300 GRAHL-MADSEN, The Status of Refugees in International Law, vol. II, Leiden, 1972, p. 87.
301 ExCom, Problems of Extradition Affecting Refugees, Conclusion No. 17 (XXXI), 1980, par. c.

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licencié" (qui doit être "sûre" du risque potentiel de persécution) et non sur "les modalités de
"élimination" (par exemple extradition, expulsion, rejet, etc.)302.Du coup, leur respect impose
nécessairement, même dans le contexte d’une extradition, une vérification préalable des risques
auxquels l’étranger doit faire face après la livraison; cette vérification ne peut pas non plus être
contournée par des arguments de portée purement interne, tels que celui fondé sur l'absence de
coordination entre la procédure de reconnaissance du statut de réfugié et la procédure d'extradition.

Beaucoup plus problématique est l’hypothèse selon laquelle l’État partie à la Convention de
1951 est, lui aussi, tenue par des obligations d’extradition juridiquement contraignantes. Ceux-ci
peuvent entrer en conflit avec le respect de la règle énoncée à l’article 33, par. 1.

C’est le même cas de la "double extradition", dans lequel le suspect est extradé vers un pays
tiers considéré comme "sûr", ce qui, à son tour, l'étend au pays d'origine. Dans cette hypothèse, afin
de se conformer à l'interdiction de refoulement, l'État requis devrait au moins obtenir des
assurances diplomatiques du premier État requérant sur l'abstention du rapatriement forcé de
l'accusé.

Considérons également l’hypothèse dans laquelle la protection internationale a été reconnue, en


vertu de la Convention de Genève, à un individu qui se trouve sous la juridiction d’un pays autre
que celui qui en a reconnu le statut, et que ce dernier pays a également il fait partie de la
convention de 1951 et doit être extradé sur la base d'un traité bilatéral d'extradition. Dans ce cas, la
prédominance du régime d'extradition sur le droit d'asile est renvoyée ainsi à la configuration des
obligations internationales réciproques en termes de protection internationale et d'extradition303. Du
moins en l’absence d'une clause de subordination ou de compatibilité dans le traité d'extradition. et
à moins que ce conflit réglementaire ne soit reconstruit en termes hiérarchiques.

À cet égard, il convient de rappeler que, dans la plupart des systèmes juridiques nationaux, les
règles constitutionnelles relatives au droit d'asile énoncent l'interdiction absolue de l'extradition
lorsque l'individu requis peut faire l'objet, dans l'État requérant, d'un traitement contraire aux

302 CHETAIL, Le principe de non-refoulement et le statut de réfugié en droit international, cit., p. 55: «La prohibition contenue à l’article 33 doit
s’entendre comme interdisant toute mesure de renvoi, quelle qu’elle soit. Si non, l’expression “de quelque manière que ce soit” ne serait qu’une inutile et maladroite
redondance. Or, si les rédacteurs de l’article 33 ont cru de voir insérer cette formule, c’est précisément pour prévenir tout mode de renvoi, indépendamment de sa
qualification juridique en droit interne. Le critère déterminant n’est donc pas le moyen par le quelle le réfugié est renvoyé, mais la destination»
303 WOUTERS, op. cit., p. 136 ss. SIRENELLI, op. cit., p. 621.

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principes fondamentaux sur lesquels le Réglementation interne304. En ce sens, le jugement rendu


par la Cour constitutionnelle italienne peut être mentionné dans la célèbre affaire de Venise.

Appel à une décision sur la légitimité constitutionnelle effective d'une décision d'extradition
d'une personne condamnée à la peine capitale prononcée à l'encontre des États-Unis, adoptée sur la
base de l'accord bilatéral d'extradition en vigueur entre l'Italie et les États-Unis, qui prévoyait que
l'extradition serait n'a été accordée qu'en présence d'assurances diplomatiques valables de l'État
requérant sur la non-exécution de la peine capitale, la Consulta a déclaré que cette assurance ne
permettait pas d'éviter une violation de l'article 27, 3ème par. de la Constitution305, car la violation
de cet article découlerait directement du fait que le système juridique du pays de destination
prévoyait la peine de mort pour punir certains crimes.

Ces dernières années, la nécessité de protéger la justice internationale au détriment de celle de


la justice internationale a aussi été confortée par le retrait de l'interdiction du refoulement en termes
de règle coutumière et contraignante, de valeur impérative de celle-ci. L’objectif étant de pouvoir
soulever la partie contractante demandée par faire respecter l'obligation d'extradition si, dans ce
cas, son exécution entraîne un risque d'extradition vers le pays demandeur et, par conséquent, sans
affecter la validité du traité306.

Le problème qui se pose donc est celui de la validité de l'attribution de la valeur impérative à la
règle qui interdit la persécution du rejet à risque. Sur cette question délicate, nous allons revenir
aux pages suivantes. Pour l’instant, il suffit de mentionner qu’il ne s’agit pas d’une tendance
linéaire, ayant subi des fluctuations considérables à la suite de la révision des réglementations
internes et internationales suite à l’émergence du phénomène terroriste à grande échelle.

304 SIRENELLI, op. cit., p. 620; GOODWIN-GILL, MCADAM, op. cit., p. 147.
305 MARCHETTI, op. cit., p. 700; PISANI, Italia-Stati Uniti. Cooperazione in materia penale, Milano, 2007, p. 159 ss.
306 MILANOVIC, Norm Conflict in International Law: Whither Human Rights?, Duke JCIL, vol. 20, 2009, p. 69 ss.

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4.Les garanties de procédure et modalités liées au non-refoulement


La vérification de l’existence des conditions nécessaires à la reconnaissance du statut de réfugié
et des conditions permettant de bénéficier du non-refoulement pourrait conditionner toute l’affaire
de la personne ayant besoin de la protection internationale. D'où justement les précautions prises
pour renforcer les garanties dans la phase ascendante et descendante de la situation de réfugié,
c'est-à-dire dans les phases dans lesquelles le risque de restreindre son droit d'accès et le maintien
de la protection internationale est plus grand.

Dans la Convention de Genève, certaines des clauses de sauvegarde, qui se sont révélées très
importantes pour la protection des réfugiés, sont de procédure et figurent aux articles 31 et 32 du
traité. Ainsi , en vertu de l'article 31, l'État n'utilise pas l'entrée ou le séjour irrégulier, qui
n'empêche pas l'utilisation d'autres droits en vertu du traité de 1951307, pour justifier l'imposition de
sanctions pénales affectant la jouissance du bénéfice de la personne. non-refoulement.

La disposition en question prend de fait en compte les énormes difficultés rencontrées par les
personnes qui fuient leur État et se retrouvent souvent dans l'impossibilité matérielle de remplir les
formalités bureaucratiques requises, lesquelles permettent un accès régulier au territoire de l'État de
refuge et empêchent le simple statut formel du statut. L’administration des réfugiés peut
effectivement priver les mécanismes de protection prévus par la Convention de Genève.

Cependant, partant d’une interprétation contraire à cet article, la pratique des États a obtenu
l’autorisation implicite de renvoyer un demandeur d’asile d’un lieu considéré comme sûr. Plus
précisément, cette pratique repose sur la notion de "pays tiers sûr” (“safe third country”) , de "pays
308
de premier asile" (“country of first asylum”) ou de "pays tiers d'accueil" (“host third country”)
,pour autoriser l’État dans lequel le demandeur d’asile est expulsé vers un autre État, réputé sûr (au
sens de l’obligation de non-refoulement) au motif que le demandeur d’asile en question a transité,
est resté ou a déjà demandé l'asile dans ce pays avant d'entrer sur le territoire de l'État dans lequel il
se trouve309.

307 Conventiion de Geneve, articles 32 e 28.


308 KJAERGAARD, The Concept of “Safe Third Country” in Contemporary European Refugee Law, IJRL, vol. 6, 1994, p. 649 ss.
309 HAILBRONNER, The Concept of “Safe Country” and Expeditious Asylum Procedures: A Western European Perspective, IJRL, vol. 5,

1993, p. 31 ss.

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Cette pratique était déjà largement utilisée notamment États-Unis310, où elle a été codifiée ces
dernières années311. Aussi en Europe le recours à des politiques de "protection ailleurs" a été
largement diffusé312 et sanctionné à l'époque par le droit de l'Union313, qui a notamment adopté un
mécanisme de "tri" des demandes d'asile entre pays membres fondé sur l'hypothèse "Sécurité" des
systèmes respectifs de protection des droits des demandeurs314.

L'instrument du c.d. Les "accords de protection ailleurs" ont également été à la base de la
politique australienne de "sous-traitance" de la protection internationale, adoptée depuis les années
2000315. Celle-ci a connu un renouveau ces dernières années316. Et bien que l'objectif de la
Convention soit d'atteindre l'objectif de la Convention, la possibilité d'un "celui-ci de choisir son
pays de refuge"317, cette pratique étatique est également étrangère au cadre. convenzionale318.

Cependant, il ne respecte pas l'obligation de non-refoulement, car le critère par lequel les États
parties évaluent la "sécurité" du pays tiers en question, c’est précisément le risque que l’étranger
qui souhaite s’éloigner fasse face à une menace pour sa vie ou sa sécurité319.

Toutefois, , au niveau de la pratique juridique européenne, les mécanismes de rejet à l'égard


d'un pays tiers sûr (et autres) présentent des difficultés considérables d'application et un risque
inhérent d'inégalité de traitement. En fait, en l'absence d'un régime uniforme et universellement
reconnu, la définition de ce que l'on entend par "pays tiers sûr" varie d'un État à l'autre et parfois
aussi entre les différentes autorités compétentes d'un même État320.

310 NORTH, Extraterritorial Effect of Non-Refoulement, International Association of Refugee Law Judges, World Conference, Bled, Slovenia, 7-9
September 2011.
311 Code of Federal Regulations, Title 8, Immigration and Nationality Regulations, mod. 4.1.97, rif., Chapter V, Part 1208 2/28/03, section

208.13 (Establishing asylum eligibility), par. (1)(i)(b), selon lequel : «[A]n asylum officer shall, in the exercise of his or her discretion, refer or deny, [...] the
asylum application of an alien found to be a refugee on the basis of past persecution if [it] is found by a preponderance of the evidence [that] [t]he applicant could avoid
future persecution by relocating to another part of the applicant's country of nationality or, if stateless, another part of the applicant's country of last habitual residence,
and under all the circumstances, it would be reasonable to expect the applicant to do so». V. anche ivi, par. (2)(C)(ii): «An applicant does not have a well-founded fear
of persecution if the applicant could avoid persecution by relocating to another part of the applicant's country of nationality or, if stateless, another part of the
applicant's country of last habitual residence, if under all the circumstances it would be reasonable to expect the applicant to do so».
312 ECRE, ELENA Reseach Paper on the Application of the Concept of Internal Protection Alternative, Research Paper, 1 September 2000, p.

65.
313 Directive 2005/85/CE (Dir. procedure 2005)
314 Reglement (CE) n. 343/2003 du Conseil (Reg. Dublino II), du 18 fevrier 2003
315 Tampa Enters Australian Waters With 433 Asylum Seekers On Board, 2001,
[http://www.abc.net.au/archives/80days/stories/2012/01/19/3412121.htm]
316 MCADAM, Australia and Asylum Seekers, IJRL, vol. 25, 2013, p. 435 ss.
317 ABLARD, NOVAK, L’évolution du droit d’asile en Allemagne jusqu’à la réforme de 1993, IJRL, vol. 7, 1995, p. 260 ss., p. 278; VEDSTED-

HANSEN, Non-Admission Policies and the Right to Protection: Refugees’ Choice Versus States Exclusion NICHOLSON, TWOMEY (eds.),
Refugee Rights and Realities. Evolving International Concepts and Regimes, Cambridge, 1999, p. 269
318 WORSTER, The Evolving Definition of the Refugee in Contemporary International Law, cit., p. 144
319 UNHCR, Report of the Sub-committee of the Whole on International Protection, UN Doc. A/AC. 96/781, 9 October 1991, par. 34.
320 DUNSTAN, Playing Human Pinball: The Amnesty International United Kingdom Section Report on UK Home Office ‘Safe Third Country’

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Par ailleurs, la règle contenue au par. 2 de l'article 32 (le paragraphe 1, comme nous l'avons vu
plus haut, interdit aux États parties d'expulser un réfugie résidant régulièrement sur leur territoire.
Si ce n'est pour des raisons de sécurité (nationale ou d'ordre public). Ce qui contribue à renforcer
l’obligation de non-refoulement. En fait, l'article 32 prévoit une série d '"obstacles" procéduraux à
l'expulsion, allant de la réserve légale pour réglementer la décision d'expulsion à la protection
juridictionnelle en passant par le droit de former un recours effectif contre la décision
d'expulsion321.

Il s’agit donc d’une protection minimale des droits de la défense que doit nécessairement
préparer l’État qui entend expulser un réfugié officiellement reconnu. Ceci étant, l’article 32, par. 2
constituait, néanmoins, un précédent important pour la production normative internationale
ultérieure, comme en témoigne l’adoption, dans le Pacte de 1966 sur les droits civils et politiques,
d’une norme - l’article 13 - selon laquelle on pourrait lire ceci :

«An alien lawfully in the territory of a State Party to the present Covenant may be expelled
therefrom only in pursuance of a decision reached in accordance with law and shall, except where
compelling reasons of national security otherwise require, be allowed to submit the reasons
against his expulsion and to have his case reviewed by, and be represented for the purpose before,
the competent authority or a person or persons especially designated by the competent
authority»322.

Dans la pratique du Comité des droits de l'homme, cette disposition a été effectivement
interprétée comme une garantie procédurale importante pour la protection de l'étranger se trouvant
légalement sur le territoire de l'État partie au Pacte, puisqu'elle s’applique «to all procedures aimed
at the obligatory departure of an alien, whether described in national law as expulsion or
otherwise. If such procedures entail arrest, the safeguards of the Covenant relating to deprivation
of liberty (arts. 9 and 10) may also be applicable. If the arrest is for the particular purpose of
extradition, other provisions of national and international law may apply»323.

Practice, IJRL, vol. 7, 1995, p. 606 ss.


321 Convention de Geenve, art. 32, par. 2.
322 ICCPR, art. 13
323 HRC, General Comment n. 15, The Position Of Aliens Under the Covenant, 11 April 1986

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Par ailleurs, il ressort de l'article 33 combiné avec les articles 31 et 32 que le réfugié, qui fait
l'objet d'une décision d'expulsion, n'est pas obligé de s'éloigner du territoire de l'État partie qui
l'expulse. En fait, l'automatisme expulsif est exclu de la lettre de l'article 32, par. 3, selon lequel les
États contractants accordent au réfugié un délai lui permettant de : rechercher un autre pays
disposé à l'accueillir. De fait, il faudra souligner l'interdiction de refoulement imposant à l'État hôte
et l'obligation d'avoir préalablement établi la cessation du danger dans le pays de origine ou
sécurité du pays de destination324.

En ce sens, le Comité des droits de l'homme a déclaré, toujours à propos de l'article 13 du Pacte
que «normally an alien who is expelled must be allowed to leave for any country that agrees to
take him».325 En plus, par rapport à la dégradation de la situation des étrangers ne bénéficiant pas

du statut de "présence régulière" sur le territoire de l'État partie au Pacte, le Comité a appuyé en ces
termes :

« If the legality of an alien’s entry or stay is in dispute, any decision on this point leading to his
expulsion or deportation ought to be taken in accordance with article 13. It is for the competent
authorities of the State party, in good faith and in the exercise of their powers, to apply and
interpret the domestic law, observing, however, such requirements under the Covenant as equality
before the law (art. 26)».

De retour à la Convention de Genève, ces observations sommaires montrent que l'exécution


combinée des articles 32 et 33, peut souvent interdire l'exécution de la disposition relative à
l'expulsion. En fait, sur la base d'un principe bien établi du droit international général, seul l'État de
nationalité l'individu est obligé de réadmettre son propre citoyen326. Mais cette option pourrait être
exclue par l'interdiction de renvoyer le réfugié dans les lieux où il s'est échappé.

En plus, bien que l'État hôte puisse procéder à l'expulsion du réfugié vers un État tiers sûr, cette
possibilité pourrait rester purement théorique, car il n'est pas facile de trouver un pays disposé à
accueillir un réfugié faisant l'objet d'une mesure d'expulsion pour menace à la sécurité nationale ou
à l'ordre public du pays hôte (conformément à l'article 32, paragraphe 1). Il n’est donc pas rare,
dans la pratique juridique, que la mesure d'éloignement du réfugié en vertu de l'article 32 reste non
324 Convention de Genève, art. 32, par. 3.
325 General Comment n. 15, cit., point 9.
326 GOODWIN-GILL, International Law and Movement of Persons Between States, cit., pp. 17-28.

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appliquée. Dans ces circonstances, le par. L'article 3 de l'article 32 prévoit néanmoins que l'État
d'accueil peut prendre toutes les mesures internes qu'il juge nécessaires à l'égard du réfugié327.

En ce qui concerne la compatibilité de telles mesures, qui vont en pratique de la limitation du


mouvement des étrangers à la détention administrative, aux fins de la protection internationale des
réfugiés, il existe vraisemblablement une production jurisprudentielle intéressante de tribunaux
régionaux sur les droits de l'homme, qui sera examinée plus en détail dans les chapitres suivants.

327Expulsion, Conclusion No. 7 (XXVIII), 1977, p. 15: «The Contracting States reserve the right to apply during that period such internal measures as they may
deem necessary»

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CHAPITRE III : PROTECTION DES DROITS DES REFUGIES


POSTÉRIEURS À LA CONVENTION DE 1951

Ce troisième chapitre sera divisé en seize sections qui reviennent, chacune selon un angle
particulier, sur les différents aspects du principe de non-refoulement des réfugiés. L’objectif des
sections (6) composant ce chapitre premier est en effet de saisir l’évolution historique du dispositif
réglementaire internationale relatif à la sécurité juridique, notamment la mise ne application du
principe de protection des droits des réfugiés et demandeurs d’asile postérieurs à la Convention de
1951.

Section 1. La conférence des Nations Unies sur l'asile territorial: une


occasion manquée de reconstruire l'interdiction du rejet « au risque de
persécution » en tant que titulaire du droit à « l'asile »
La Convention de Genève, loin d’être le point de départ du développement du droit des
réfugiés, est la première étape du processus d’érosion de la configuration traditionnelle du droit des
réfugiés et aussi le paramètre incontournable dans le débat sur son évolution en droit international
contemporain328 . Cette érosion part en fait de l'observation de l'insuffisance de la définition du
réfugié acceptée par la Convention de 1951 pour inclure les différentes âmes qui ont enrichi le
panorama déjà composite des migrations forcées depuis les années cinquante329.

Des tentatives pour parvenir à une codification plus complète et systématique sur le sujet ont
été menées un peu plus d'une décennie après l'entrée en vigueur de la Convention.

Après le colloque sur les aspects juridiques des problèmes de réfugiés tenu à Bellagio en 1965
et clôturé par la proposition effective de supprimer les limites de la définition du réfugié figurant à
l’article 1B de la Convention de Genève par le biais de l’instrument d’un protocole facultatif330(qui
deviendrait ultérieurement Protocole de New York de 1967). Rappelons à cet égard ici la
Conférence sur les droits de l'homme, tenue à Téhéran en 1968331, en 1977, et la Conférence de

328 HEUSER, op. cit.; LABMAN, Looking Back, Moving Forward: The History and Future of Refugee Protection, 2009 ; NORTH, CHIA,
Towards Convergence in the Interpretation of the Refugees Convention — A Proposal for the Establishment of an International Refugee
Court,; AYIL, vol. 25, 2006, p. 105 ; NANDA, The Global Challenge of Protecting Human Rights: Promising New Developments, DJILP, vol.
34, 2006, p. 47 ; WORSTER, The Contemporary International Law Status of the Right to Receive Asylum, 2012,
329 Chatham House, The Refugees Convention: Why Not Scrap It? Summary of Discussion at the International Law Program Discussion

Group, 20 October 2005


330 UNHCR, Colloquium on the Legal Aspects of Refugee Problems (Note by the High Commissioner), 5 May 1965, A/AC.96/INF.40
331 Proclamation of Teheran, Final Act of the International Conference on Human Rights, Teheran, 22 April to 13 May 196

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Genève sur l'asile territorial332 qui s’est tenue aux Nations Unies dans le but de rédiger un nouveau
traité. Ce document aurait dû contenir des dispositions sur le regroupement familial des réfugiés et
dissoudre l'essentiel de la portée de l'obligation de non-refoulement, avec la disposition expresse de
l'extension de cette obligation aux rejets à la frontière333.

L’ambition de la Conférence était donc de dépasser la distinction faite dans la Convention de


Genève entre le statut de réfugié et le droit d’asile (entendue comme "droit de chercher et de
bénéficier de l’asile de persécution", conformément à l’article 14, paragraphe 1 de la Déclaration
universelle des droits de l'homme. À laquelle correspond ici une obligation d'admission par l'État),
exprimant sous sa forme juridique le lien latent mais évident entre le droit des réfugiés et les droits
de l'homme. C'était, comme on l'a démontré clairement, une ambition loin de peregrina, puisque:

«The framers’ unambiguous reference in the Preamble of the 1951 Convention to the Universal
Declaration of Human Rights indicates a desire for the refugee definition to evolve in tandem with
human rights principles»334.

Si ce projet ambitieux avait abouti, les développements normatifs concernant ainsi les réfugiés
auraient probablement été achevés dans l'affirmation de l'obligation internationale incombant aux
États de reconnaître aux personnes fuyant les persécutions,. Et ce en raison de leur vulnérabilité
particulière, un réel droit subjectif à l'asile et traitement plus avancé en termes de protection,
similaire à celui accordé aux minorités335.

Cependant, la tâche confiée à la Conférence s’est avérée impossible à mener à bien, notamment
en raison de l’absence d’accord sur la nature et le contenu normatif de l’obligation de non-
refoulement336. Ou encore de la seule disposition de la Convention de 1951 selon laquelle
l'interdiction de rejeter un demandeur d'asile persécuté a introduit dans la loi de Genève sur les

332 Elaboration of a Draft Convention on Territorial Asylum, 9 December 1975, UN Doc. A/RES/3456; United Nations Conference on
Territorial Asylum, 21 April 1977, UN Doc. A/CONF.78/12
333 WEIS, The Draft United Nations Convention on Territorial Asylum, BYIL, vol. 50, 1979, p. 151 ss.; BOED, op. cit., p. 13.
334 VON STERNBERG, The Grounds of Refugee Protection in the Context of International Human Rights and Humanitarian Law: Canadian

and United States Case Law Compared, The Hague, 2002, p. 314.
335 MANDELSTAM, La protection des minorités, RdC, vol. 1, 1923, p. 363 ss.; ERMACORA, The Protection of Minorities before the United

Nations, RdC, vol. 182, 1983, p. 247 ss.; VUKAS, States, Peoples and Minorities, RdC, vol. 231, 1991, p. 263 ss.
336 HAILBRONNER, Non-Refoulement and ‘Humanitarian’ Refugees: Customary International Law or Wishful Legal Thinking?, VJIL, vol. 26,

1985-1986, p. 857 ss., p. 864, note 32.

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réfugiés une forme embryonnaire de droit d'asile consistant en un accès aux procédures de
reconnaissance du statut de réfugié337.

D'autre part, l'échec de la Conférence sur l'asile territorial était prévisible, étant donné l'hostilité
manifestée par la plupart des États d'Europe orientale, d'Asie et du Proche-Orient, du moins
jusqu'aux années 70, à ratifier les instruments conventionnels. contenant des clauses de non-
refoulement et aussi le déni par eux de l’obligation légale du précepte338. Toutefois, cette
orientation n'a été que partiellement modifiée ces derniers temps, car les cas d'expulsions forcées
de réfugiés et de demandeurs d'asile de manière systématique et généralisée par certains États
asiatiques sont encore largement documentés339.

Mais ce qui est incroyable, c’est que l’hostilité envers l’obligation de non-refoulement,
manifestée par un nombre important d’États à la Conférence340, ne les a pas empêchés de
s’abstenir. Et ce en passant une déclaration sur la nécessité de reconnaître la valeur coutumier à
l’obligation de non-refoulement, encouragée par un groupe tout aussi important, sinon un groupe
important de pays d’Europe occidentale et d’Amérique latine341.

Commentant l'échec de la Conférence sur l'asile territorial présentée ainsi à l'Assemblée


générale l'année suivante, la Commission du droit international a soutenu que l'institution de l’asile
«[does] not appear at present to require active consideration in the near future»342.

Le seul instrument universel sur le droit d'asile territorial est de fait une loi non contraignante:
la Déclaration des Nations Unies sur l'asile territorial datant de 1967. Dans cette déclaration, "le
droit de chercher et de bénéficier de l'asile d'autres pays «persécutions» s’est également étendu aux

337 Les suivantes Resolutions de l'assemblée Générale: UN Docs. A/RES/44/137, 15 Dec. 1989, par. 3; A/RES/46/106, 16 Dec. 1991, par. 4;
A/RES/47/105, 16 Dec. 1992, par. 4; A/RES/48/116, 20 Dec. 1993, par. 3; A/RES/49/169, 23 Dec. 1994, par. 4
338 HAILBRONNER, Non-Refoulement and ‘Humanitarian’ Refugees, cit., p. 867. V. amplius, KHAN, Legal Problems Relating to Refugees

and Displaced Persons, RdC, vol. 149, 1976, p. 287 ss., a p. 318; HATHAWAY, Leveraging Asylum, cit., p. 506, note 21; DAVIES, The Asian
Rejection: International Refugee Law in Asia, AJPH, vol. 52, 2006, p. 562 ss., ou l’autrice affirme: «The majority of Asian states have not signed
onto the major international refugee law instruments which promote refugee recognition and protection. Yet, second to Africa, the Asian region
has had the highest number of refugees since the Second World War».
339 Asia Pacific Refugee Rights Network (APRRN), Joint Statement on the Principle of Non-Refoulement and the Recent Forced Deportations

of the Uighurs from Cambodia and the Lao Hmong from Thailand, 14 January 2010, Amnesty International Report 2013. The State of the World’s
Human Rights, London, 2013, p. 290 (Malesia), p. 314-316 (Tailandia), et p. 91 (Liberia), p. 142 (Sud-Africa).
340 HURWITZ, The Collective Responsibility of States to Protect Refugees, Oxford, 2009, p. 21: «the Committee met for [more than] four

weeks and only three of the ten articles of the experts’ draft Convention were discussed and voted on. [T]he preoccupation of the majority of
the states attending the Conference was that of safeguarding, to exasperation point, the sovereign right of a state to grant asylum»
341 GRAHL-MADSEN, Territorial Asylum, cit., p. 61
342 UN Doc. A/RES/32/10, par. 109, pp. 129-130, cit., in GOODWIN-GILL, The 1967 Declaration On Territorial Asylum, in United Nations

Audiovisual Library of International Law, 2012, p. 7

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personnes qui luttent contre le colonialisme343. En outre, le caractère humanitaire de la protection


internationale a été réitéré, d'où découlent la validité erga omnes de la décision souveraine d'un
État accordant l'asile et l'obligation de ne pas coopérer avec le pays qui persécute le réfugié344.

Le principe de c.d. a également été codifié selon le principe du “burden responsibility sharing”
, selon lequel on pourrait lire ceci :

«Where a State finds difficulty in granting or continuing to grant asylum, States individually or
jointly or through the United Nations shall consider, in a spirit of international solidarity,
appropriate measures to lighten the burden on that State»345.

En y regardant de plus près, il s’agit ici de constater un principe dont l’application est
consubstantielle en ce qui concerne l’obligation de non-refoulement en cas d’afflux massif de
réfugiés, expression de la responsabilité collective assumée par la communauté internationale
envers les personnes qui ne sont pas protégées par l'État de citoyenneté ou de résidence346.

Toutefois, après avoir affirmé le principe du partage de la charge et élargi le champ


d'application de l'obligation de non-refoulement ratione personae toute personne qui demande
l'asile ou qui échappe à toute forme de persécution347. Aussi la Déclaration sur l'asile territorial
prévue, au par. 2 de l'article 3, une clause exemptant l'obligation de non-refoulement précisément
en relation avec l'hypothèse d'exodes massifs348. C’était là une autre manifestation de l’hostilité de
nombreux États à limiter leur souveraineté en ce qui concerne le renvoi des étrangers349. Cette
hostilité est cependant apparue au cours des travaux préparatoires de la Déclaration, lorsque de

343 Déclaration sur l’asile territorial, art.1


344 Déclaration sur l’asile territorial, art.2
345 Déclaration sur l’asile territorial, art.3
346 GRAHL-MADSEN, Teritorial Asylum, cit., p. 54: «the rule of non-refoulement is an expression of the collective responsibility of the community of States,

stated already by Grotius and Vattel, that persons seeking asylum shall be able to find an abode somewhere. If a particular State finds that the burden imposed upon it
by the influx of asylum-seekers is too heavy to bear alone, the remedy should not be to turn the asylum-seekers away, but to enlist the cooperation of other States».
347, Declaration sur l’asile territorial art. 3, par. 1: «No person [...] shall be subjected to measures such as rejection at the frontier or, if he has already entered the

territory in which he seeks asylum, expulsion or compulsory return to any State where he may be subjected to persecution».
348
Declaration sur l’asile territorial art. 3, par. 2: «Exception may be made to the foregoing principle only for overriding reasons of national security or in order to
safeguard the population, as in the case of a mass influx of persons».
349 Declaration sur l’asile territorial art. 2, par. 3 bis: «The provisions of paragraph 1 of this article shall not apply to any person whom there are

serious reasons for regarding as a threat or danger to the security of the country in which he is seeking asylum».
GOODWIN-GILL, MCADAM, The Refugee In International Law, Online Resource Centre, Annexe 5, Miscellaneous Texts, p. 3

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nombreux pays du bloc de l’Est ont déclaré qu’ils interpréteraient la règle du non-refoulement en
tant qu'obligation morale et non juridique350.

Toutefois, faut-il bien le souligner, l'interdiction du refoulement n'a pas perdu sa place centrale
dans le droit des réfugiés. En effet, tout en soulignant la liberté des États de renvoyer de force un
réfugié "indésirable", la Déclaration a introduit, au par. 3 de l'article 3, une garantie de procédure
visant à empêcher la remise de ces derniers à leurs tortionnaires. En fait, il a sanctionné l’obligation
incombant à l’État du réfugié d’autoriser l’expulsion à demander l’asile à un État tiers sûr351.

La fourniture d'une telle garantie de procédure a aussi rappelé le caractère négatif de


l'interdiction de refoulement, par opposition aux obligations positives qui incombent à l'État qui
décide d'accorder l'asile352.

La Déclaration, tout en étant un acte de soft law, représente cependant une manifestation non
négligeable de l'opinio juris internationale, qui ne concerne pas seulement l’importance de
l’obligation de non-refoulement, mais reflète également les divisions qui, au moment de l’adoption
de celle-ci, divisaient la communauté internationale sur le contenu, la portée et la nature de la
norme en question. Comme indiqué plus haut, ces scissions auraient conduit dix ans plus tard à
l'échec de la Conférence des Nations Unies sur l'asile territorial et à l'élimination définitive de la
question de l'asile de l'ordre du jour des travaux de la Commission du droit international.

350 Twenty-First Session, Sixth Commitee, 953rd meeting, 9 Dec. 1966, UN Doc. A/C.6/L.616 and Add. 1 and 2
351 Declaration sur l’asile territorial, art.3
352 WEIS, The United Nations Declaration on Territorial Asylum, cit., p. 142

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Section 2. L'extension de la notion de réfugié et la portée de


l'interdiction de refoulement en relation avec le risque de persécution :
les principales matrices

Depuis la constatation de l'impossibilité d'adopter une nouvelle convention universelle pour


reconstruire l'interdiction du "risque de persécution", en tant que porte-parole de "l'asile",
l'actualisation du système international de protection des réfugiés a eu lieu en effet par le
interprétation évolutive de la Convention de Genève et du Protocole de New York353.

L’Assemblée générale a reconnu ainsi l’importance incontestable de ces instruments pour la


protection des réfugiés dans de nombreuses circonstances, en particulier dans la résolution 56/137
de 2001, aux termes de laquelle "la Convention de 1951 et son Protocole de 1967 restent les
fondation du régime international des réfugiés »et a également souligné« l'importance du plein
respect du principe de non-refoulement »354.

Par ailleurs, jusqu'à récemment, les États parties ont réaffirmé leur engagement de veiller au
respect des règles énoncées dans ces instruments, en accordant une attention particulière à
l'obligation de non-refoulement, qui a été reconnue par l'État de droit comme loi. général
international355.

La dynamique de la modernisation de la configuration traditionnelle du droit des réfugiés dans


la région est liée de fait à la nécessité de répondre aux nouveaux défis posés par la transformation
des mouvements de population, défis non imputables aux canons de la persécution individuelle
d'une matrice politico-idéologique356.

Progressivement, les migrations "forcées" ont impliqué des personnes contraintes de fuir des
conditions généralisées de difficultés, de précarité et de danger, résultant de guerres civiles,

353 FELLER, International Refugee Protection 50 Years On: The Protection Challenges of the Past, Present and Future, IRRC, vol. 83, 2001, p.
581
354 UN Doc. A/RES/56/137, par. 3, 19 Dec. 2001
355 Declaration of States parties to the 1951 Convention and/or its 1967 Protocol Relating to the Status of Refugees, Ministerial Meeting of

States Parties, cit., cons. 4 del Preambolo: «Acknowledging the continuing relevance and resilience of this international regime of rights and principles, including at
its core the principle of non-refoulement, whose applicability is embedded in customary international law».
356
Third Report on the Expulsion of Aliens, cit., par. 61: «In view of the definition contained in the 1951 Convention, which has been called Eurocentric in origin,
[...] — in that its purpose was to protect political refugees who feared persecution in their countries of origin — and fundamentally “individualistic” because, under its
authority, refugee status was granted only to individual persons, several authors have proposed even broader definitions of the concept of refugee».

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générées à leur tour par le lourd héritage colonial de frontières artificielles et les déséquilibres
structurels dans les États à la nouvelle indépendance32. .

En outre, il faudra rappeler que depuis les années 1990, avec la fin de la guerre froide et la
levée des restrictions à l’expatriation instaurées par les régimes communistes, la question des
exodes massifs a également touché les États européens et, en général, les économies sociales, qui
ont ils ont été "envahis" par des étrangers fuyant des conditions de vie insoutenables ou des conflits
locaux sanglants357.

Au cours de la dernière décennie, faut-il bien le souligner, le problème de la migration forcée a


donc pris des connotations quantitatives et qualitativement pertinentes et est aujourd’hui au centre
des débats internationaux. Ces développements ont favorisé une interprétation évolutive de la
Convention de Genève. Partant de la concurrence de deux tendances principales: celle liée aux
développements régionaux du droit des réfugiés et celle du Haut-Commissariat pour les réfugiés
d’adapter la définition du réfugié et de la protection contre la discrimination. De fait, le
refoulement à l'évolution des phénomènes migratoires et aux nouveaux besoins de protection
internationale des individus. Ces tendances et leur impact sur les progrès de la protection
internationale et sur la reconstruction, en termes de droit coutumier de l'obligation de non-
refoulement, seront ainsi reflétés dans les pages suivantes.

357 FELLER, International Refugee Protection 50 Years On, cit., p. 587 ss.

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Section 3. La notion de réfugié et le non-refoulement dans le droit des


réfugiés post-Genève: l'expérience africaine.

Le Rapporteur spécial sur l'expulsion des étrangers, Maurice Kamto, a reconnu en ces termes
ceci :

« Since the 1951 Convention on the Status of Refugees, [the principle of non- refoulement] has
been incorporated in many conventions and declarations of principle at both the universal and
regional levels (such as the Final Act of the United Nations Conference on the Status of Stateless
Persons of 23 September 1954; article 10 of the Agreement relating to Refugee Seamen of 23
November 1957; article II, paragraph 3, of the Principles concerning Treatment of Refugees
adopted in 1966 by the Asian-African Legal Consultative Committee; resolution (67) 14 on asylum
to persons in danger of persecution adopted by the Committee of Ministers of the Council of
Europe; article 3 of the United Nations Declaration on Territorial Asylum adopted by the General
Assembly on 14 December 1967; article II, paragraph 3, of the Organization of African Unity
(OAU) Convention governing the Specific Aspects of Refugee Problems in Africa of 10 September
1969; the many conclusions announced by the Executive Committee of the United Nations High
Commissioner for Refugees (UNHCR) Programme since 1977; and the Cartagena Declaration on
Refugees of 22 November 1984, which sought “to reiterate the importance and meaning of the
principle of non-refoulement (including the prohibition of rejection at the frontier) as a
cornerstone of the international protection of refugees”»358.

La multiplication des instruments internationaux du droit de négociation et du « soft law », qui


incluent une interdiction de rejet sous peine de persécution, repose sur l'objectif de modernisation
et d'approfondissement de la protection internationale des réfugiés. Celle-ci relie la notion de
"réfugié" à des situations qui ne sont pas formellement envisagées de la Convention elle-même.

L'un des premiers exemples cités par le Rapporteur spécial est précisément l'Arrangement de La
Haye sur les marins réfugiés, conclu en 1957 par les puissances maritimes de l'époque
européenne359. Ce traité, qui constitue le premier instrument contractuel postérieur à la Convention

358 ILC, Expulsion of Aliens. Draft Articles on Protection of the Human Rights of Persons Who Have Been or Are Being Expelled, As
Restructured by the Special Rapporteur, Mr. Maurice Kamto, in the Light of the Plenary Debate During the First Part of the Sixty-First Session,
Geneva, 4 May-5 June and 6 July-7 August 2009, UN Doc. A/CN.4/617, 21 July 2009, note 8, point 1.
359 UNHCR, Agreement relating to Refugee Seamen, 23 November 1957

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de Genève et dont l’adoption a été parrainée par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les
réfugiés, était destiné à traiter de la question délicate des marins réfugiés à qui l’article 11 de la
Convention de Genève360.

Le traité spécifie les obligations découlant de l'État du pavillon du navire sur lequel se trouve en
effet le marin réfugié, qui consiste en la reconnaissance de son statut et en la fourniture de
documents valides afin que le marin puisse débarquer361. A cet égard, deux dispositions de ce traité
sont intéressantes pour nos besoins. Il s’agit tout particulièrement des articles 9 et 10: le premier
interdit de garder le marin réfugié à bord du navire sur lequel il se trouve, si un tel séjour forcé à
bord du navire pouvait mettre gravement en danger sa santé physique et mentale362; la deuxième
décision qui dit ceci :

«No refugee seaman shall be forced, as far as it is in the power of the Contracting Parties, to
stay on board a ship which is bound for a port, or is due to sail through waters, where he has well-
founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership of a particular
social group or political opinion».

Cet article adapte le contenu de la règle visée à l'article 33, par. 1 de la Convention de Genève
pour la protection des réfugiés363. L'article susmentionné sert aussi de garantie contre les atteintes à
l'intégrité physique et mentale du marin réfugié. Cependant, dans ce cas de figure, le risque ne
découle pas de l'exécution d'une mesure d'éloignement, mais de la détention obligatoire de
l’intéressé par le navire.

Cette disposition est particulièrement intéressante, car elle introduit justement un concept qui
sera développé plus tard dans les instruments de maintien de l'ordre et de soft law relatifs aux
réfugiés : à savoir que le risque de persécution peut également provenir du séjour forcé du réfugié
dans un lieu particulier, qui soit un navire, soit le pays d'origine ou de résidence habituelle. En fait,
au sens large du terme, l’accord mentionné est une première preuve de la tendance à

360 Le meme article dit que : «In the case of refugees regularly serving as crew members on board a ship flying the flag of a Contracting State, that State shall give
sympathetic consideration to their establishment on its territory and the issue of travel documents to them or their temporary admission to its territory particularly with a
view to facilitating their establishment in another country».
361 Accord sur les marins réfugiés, art. 2
362 Accord sur les marins réfugiés, art. 9: «No refugee seaman shall be forced, as far as it is in the power of the Contracting Parties, to stay on board a ship if his

physical or mental health would thereby be seriously endangered».


363 KÄLIN, Das Prinzip des Non-Refoulement, cit., p. 48 ss.

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l’internationalisation du problème des personnes qui ont besoin de protection internationale et qui
ne peuvent quitter le lieu où leur intégrité physique et mentale est menacée.

Cette tendance lourde a été pleinement concrétisée par la codification du droit des réfugiés en
Afrique qui, passant de l'extension de la protection au risque de refoulement parallèlement à
l'extension du concept de réfugié, a conduit à d'importantes adaptations conceptuelles dans zone
régionale.

Le point de départ de l'analyse de ces développements est bien évidemment la Convention sur
certains aspects du problème des réfugiés en Afrique364, laquelle a été adoptée par l'Organisation de
l'unité africaine en 1969. Bien que conforme à la Convention de Genève365, la Convention africaine
s'associe à la définition traditionnelle du réfugié366 la condition de ceux qui fuient des situations de
guerre civile ou des États en faillite, à condition, par. 2 de l'article I qui stipule ceci :

«The term “refugee” shall also apply to every person who, owing to external aggression,
occupation, foreign domination or events seriously disturbing public order in either part or the
whole of his country of origin or nationality, is compelled to leave his place of habitual residence
in order to seek refuge in another place outside his country of origin or nationality»367.

En effet, cette adaptation a dû paraître aux éditeurs de la Convention, adaptée au déclin de la


réalité des États africains, au régime de protection juridique développé justement au niveau
universel par le traité de 1951. Et ce, en tenant compte des particularités du phénomène des
réfugiés sur le continent africain et effets de la décolonisation sur les mouvements de population
forcés368.

La pratique concernant l'interprétation de la définition large du réfugié contenue dans la


Convention de l'OUA a été orientée de manière à centrer l'examen de la demande de

364 WODIE, L’Afrique et le droit humanitaire, IRRC, vol. 68, 1986, p. 259
OKOTH- OBBO, Thirty Years On: A Legal Review of the 1969 OAU Refugee Convention Governing the Specific Aspects of the Refugee
Problems in Africa, RSQ, vol. 20, 2001, p. 79
Lawyers Committee on Human Rights, African Exodus: Refugee Crisis, Human Rights and the 1969 OAU Convention, New York, 1995.
365 Convenzione OUA, art. 9: «Recognizing that the United Nations Convention of 28 July 1951, as modified by the Protocol of 31 January

1967, constitutes the basic and universal instrument relating to the status of refugees and reflects the deep concern of States for refugees and
their desire to establish common standards for their treatment».
366 Convenzione OUA art.9 par.1
367 Convenzione OUA art.9 par.2
368 GROTH, Engendering Protection: an Analysis of the 2009 Kampala Convention and its Provisions for Internally Displaced Women, IJRL,

vol. 23, 2011, p. 221 ss., p. 222.

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reconnaissance du statut de réfugié sur la situation existant dans l'État d'origine. Ce qui a généré la
reconnaissance du statut ipso facto , si les hypothèses factuelles d '"agression extérieure,
occupation, domination étrangère ou événements perturbant gravement l'ordre public, en partie ou
en totalité, de son pays d'origine ou de sa nationalité" énumérées à l'article premier, par. 2. Et ce,
sans détecter les considérations relatives au risque individuel de persécution redouté par le
requérant369.

Dit autrement, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'agression (subie ou redoutée) et les
raisons qui ont conduit à l'évasion du réfugié n'a pas été jugée nécessaire pour garantir l'application
de la règle, la gravité de la situation dans l'État d'origine. C’est de fait une définition dont les
principales différences par rapport à la notion de "réfugié" (au sens de l’article premier de la
Convention de Genève de 1951). Celle-ci consistait en une tentative d’objectivation de la notion de
réfugié et en l’absence de qualifications spécifiques de la personne concernée. crainte fondée de
persécution370.

À cela s’ajoute l’autre élément fondamental, mentionné plus haut, à savoir l’extension de la
protection contre le refoulement à l’hypothèse selon laquelle le déplacement implique le risque
d’être forcé de rester dans un lieu où souffrir d'une persécution. Selon la règle énoncée au
paragraphe 3 de l’article II de la Convention de l’OUA, en réalité, il s’agit de ce qui suit :

«No person shall be subjected by a Member State to measures such as rejection at the frontier,
return or expulsion, which would compel him to return to or remain in a territory where his life,
physical integrity or liberty would be threatened for the reasons set out in Article I, paragraphs 1
and 2»371.

Il s'agit là de la disposition la plus importante de la Convention africaine, qui libère


l'interdiction du refoulement des exceptions prévues dans la Convention de Genève et prévoit
expressément la possibilité d'un refoulement à la frontière. Par ailleurs, il faudra préciser qu’en
interdisant aux États parties d'adopter "ce qui obligerait les personnes à rester" à des mesures dans
un lieu où elles peuvent être persécutées, article II, par. 3 était considéré comme un instrument
approprié pour réglementer le phénomène de l'exode massif de réfugiés. Ce qui empêcha ainsi

369 OKOTH-OBBO, op. cit., p. 112 ss


370 RANKIN, op. cit., passim.
371 Convention OUA, article II, par. 3.

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l'Etat vers lequel le flux de masse est dirigé de refuser aux membres du groupe l'admission sur leur
territoire, les forçant à rester dans les lieux d'où ils fuient372. Il en résulte de ce qui précède au
moins une obligation d'admission temporaire, en vue du rapatriement librement consenti373.

Et c'est justement à partir de cette disposition de la Convention africaine qu'un nouveau statut
du droit international s'est développé, c.d. "protection temporaire", qui diffère d’ailleurs à la fois du
régime de Genève et des formes de protection subsidiaire, qui seront examinées ci-après 50.

Il est facile donc de comprendre en quoi l'ampleur du changement provoqué, du moins au


niveau de la définition, est telle que l'OUA a représenté, pour les développements ultérieurs du
droit des réfugiés en Afrique (et pas seulement). Ce que la Convention de Genève a d’ailleurs le
développement de la protection des réfugiés au niveau universel: un point de référence
indispensable; pour lesquels, en droit international africain, les instruments régionaux qui ont
étendu encore plus la protection internationale. Cela comprenait aussi ceux qui ne franchissent pas
les frontières de l'État d'origine (dites personnes déplacées dans leur propre pays), remplissent une
fonction complémentaire à celle que préside la Convention de 1969.

Dans ces instruments juridiques et réglementaires, qui sont la Convention et la Déclaration de


Kampala, tous deux adoptés en 2009 par l'Union africaine374, on doit mentionner deux
compléments précisant les Principes directeurs, relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur
de leur propre territoire, adoptés en 1998 par les Nations Unies375, et ce, parallèlement à l'objectif
de gestion du phénomène du déplacement forcé de la population à l’intérieur des frontières d’un
État. À cet égard, l’attention est consacrée aux aspects préventifs du déplacement et à la recherche
de "solutions durables". En conséquence de ce qui précède, les règles qui y figurent produisent des
effets "indirects" importants sur le régime de la migration forcée transfrontalière376.

372 D’SA, The African Refugee Problem: Relevant International Conventions and Recent Activities of the Organization of African Unity, NILR,
vol. 31, 1984, p. 378 ss.
373 Article V, par. 1 de la Convention OUA: : «The essentially voluntary character of repatriation shall be respected in all cases and no refugee

shall be repatriated against his will»


374 Kampala Declaration on Refugees, Returnees and Internally Displaced Persons in Africa, Ext/Assembly/AU/PA/Draft/Decl. (I) Rev. 1

(2009), 23 October 2009; African Union Convention on the Protection of and Assistance to Internally Displaced Persons, 23 October 2009, 49
ILM 86 (2010).
375 UN Doc. E/CN.4/1998/53/Add.2, 11 February 1998. Sur la définition de “internally displaced persons” (IDPs) contenue dans les Guiding

Principles, v. supra, cap. 2, par. 7.


376 MULUGETA ABEBE, The Kampala Convention and Environmentally Induced Displacement in Africa, IOM Intersessional Workshop on Climate

Change, Environmental Degradation and Migration, Geneva, 29-30 March 2011, p. 1.

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En droit africain, par exemple, les contours du problème des réfugiés disparaissent, comme
indiqué dans le schéma de Genève, et il est reconnu que le déplacement forcé est un phénomène
unitaire qui présente deux "faces": celle de la migration transfrontalière et celle de la migration.
'déplacement interne. Il s’agit-il de deux aspects étroitement liés et interdépendants, de sorte que la
solution du problème des réfugiés en Afrique ne peut être séparée d’une approche intégrée, qui
prend également en compte le problème des mouvements internes de population.

Si c’est là le substrat philosophico-juridique sur lequel se dirige et se fonde la codification du


droit des réfugiés en Afrique, les instruments normatifs dont le système africain est doté ne
semblent pas en mesure de mener à la réalisation de cet objectif. Par ailleurs, le principal obstacle
est structurel et réside dans le fait que les traités mentionnés se caractérisent par des dispositions
qui séparent juridiquement la réglementation de l'asile de celle du refuge. Et ce, sans identifier
ensuite le contenu minimum obligatoire de la protection, découlant de la reconnaissance du statut
de réfugié et de l'interdiction du refoulement.

Maintenant, on propose de considérer ainsi l’article II de la Convention de l’OUA, aux termes


duquel les États parties à l’organisation qui était à l'époque l’Unité africaine «shall use their best
endeavors consistent with their respective legislations to receive refugees and to secure the
settlement of those refugees who, for well-founded reasons, are unable or unwilling to return to
their country of origin or nationality»377, À l’opposé, on considère qu’en ce qui concerne le droit
d'asile, il est simplement décrit comme un «peaceful and humanitarian act and shall not be regarded
as an unfriendly act by any Member State »378.

Par conséquent, alors que dans la Convention de Genève, qui ne fait d’ailleurs aucune référence
au droit d'asile, les concepts d'"asile" et de "refuge", même en corrélation étroite, ne sont pas
affaiblis379. Bien au contraire, la dissociation normative entre eux devient plus claire ici, l'octroi de
l'asile reste un acte discrétionnaire de l'État, une expression de la souveraineté territoriale et la
protection des réfugiés, se constituant en une obligation juridique internationale pour les États
parties à la Convention.

377 Convention OUA, art. II, par. 1.


378 Convenzione OUA, art. II, par. 2.
379 OLOKA ONYANGO, Plugging the Holes: Refugees, OAU Policy and the Practices of Member States, USC Issue Brief, Washington DC,

October 1986

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Toutefois, faut-il bien le souligner, le contenu d'une telle obligation légale, en termes
d'attribution de droits à des personnes protégées, reste indéterminé dans la Convention de l’OUA .

En effet, l'article en question se limite à engager en réalité les États parties à faire tout ce qui est
en leur pouvoir, dans le cadre de la législation nationale, pour préparer l'accueil des réfugiés et
l'asile de ceux qui ne peuvent pas retourner dans leur pays d'origine. En l'absence d'un catalogue
des droits et devoirs des réfugiés, établi sur la base de celui contenu dans la Convention de Genève
de 1951, la référence aux “best endeavours” à la “consistency” avec la législation interne affaiblit
fortement le résultat innovant des définitions du statut de réfugié et le non-refoulement. En
attribuant en fait une large marge de discrétion aux États pour déterminer les procédures de
reconnaissance du statut de réfugié et le contenu matériel de l'accueil.

Le système du règlement qui vient d’être commenté justement est reproduit dans la Convention
de Kampala, qui prévoit expressément une clause de sauvegarde. L’objectif étant de reconnaître le
droit des personnes déplacées à l’intérieur de recevoir un asile, fondé sur la Charte africaine des
droits de l’homme et des peuples380, et d’obtenir la protection, en tant que réfugié, sur la base de la
Convention de l'OUA381.

En réalité, le traité se réfère également à la Convention de Genève de 1951, en tant que source
normative invocable pour la reconnaissance du statut de réfugié. Normalement, une telle référence
ne concerne que les États qui ont ratifié la Convention de 1951 et les individus qui présentent les
conditions requises pour la reconnaissance du statut, selon cette dernière, excluant au passage tout
précisément les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays.

Passant de la Convention à la Déclaration de Kampala sur la protection des personnes déplacées


dans leur propre pays, la définition de la norme de traitement des demandeurs d'asile et des réfugiés
reste ainsi l'apanage des États. Dans le paragraphe 6 de la Déclaration, les États signataires
s'engagent à adopter ceci :

380 Charte Africaine, art. 12, par. 3, ou est énoncé le droit d'asile, et art. 23, par. 2, lett. (a), à partir duquel «[f]or the purpose of strengthening peace,
solidarity and friendly relations, States parties to the present Charter shall ensure that: (a) any individual enjoying the right of asylum under 12 of the present Charter
shall not engage in subversive activities against his country of origin or any other State party to the present Charter».
381 Convention de Kampala, art. 20, par. 1: «No provision in this Convention shall be interpreted as affecting or undermining the right of internally displaced

persons to seek and be granted asylum within the framework of the African Charter on Human and Peoples’ Rights, and to seek protection, as a refugee, within the
purview of the 1969 OAU Convention Governing the Specific Aspects of Refugee Problems in Africa or the 1951 U.N Convention Relating to the Status of Refugees
as well as the 1967 Protocol Relating to the Status of Refugees».

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«[A]ll necessary measures to ensure full respect for the fundamental principle of non-
refoulement as recognized in International Customary Law as enunciated in Article 33 of the 1951
UN Geneva Convention relating to the Status of Refugees and in Article 2 of the 1969 OAU
Convention Governing the Specific Aspects of Refugee Problems in Africa and, through
appropriate national mechanisms, ensure that asylum seekers and refugees are treated humanely,
and that their rights are protected»382.

Cette formulation non seulement ne porte pas atteinte à l’importance accordée par la
Convention de l’OUA aux législations nationales d’application, dans la définition d’une norme de
traitement des personnes protégées, mais elle figure aussi dans un instrument non contraignant. Ce
qui reflète plus clairement la conviction réelle des États africains en ces termes : l'efficacité du
système de protection des réfugiés en Afrique doit reposer essentiellement sur le pouvoir
discrétionnaire de l'État.

Cela a conduit ainsi à penser que le non-refoulement en Afrique est simplement «the result of a
favor’, the right of specific persons at least to a temporary stay in the country of refuge»383. À cet
effet, l'examen de la praxis africaine ne permet pas beaucoup de détachement d'une telle
affirmation.

Dans une première phase, coïncidant avec la décennie qui a suivi l’achèvement de la
Convention de l’OUA, l’adaptation des systèmes juridiques internes des États africains a fait ainsi
défaut et a conduit à l’adoption d’une législation nationale sur l’asile et le logement plus axée sur
autre liberté des réfugiés384.

Ce n’est qu’à la suite de la Conférence panafricaine, sur les réfugiés de 1979385, qui s’est tenue
sous les auspices du HCR, qu’est apparu à ce moment-là un modèle de législation décrivant les
éléments saillants de la notion de réfugié et de non-refoulement acceptée dans la Convention
africaine et qui était par la-même le guide pour la réforme de la législation nationale386.

382 Déclaration de Kampala, par.6


383 HOFMANN, Refugee Law in Africa, Law and State, vol. 39, 1989, p. 79 ss., p. 85.
384 Botswana: Refugees (Recognition and Control) Act, Cap. 25:03, 5 April 1968,
385 Recommendations from the Pan-African Conference on the Situation of Refugees in Africa, Arusha (Tanzania), 17 May 1979
386 UNHCR, Guidelines for National Refugee Legislation, with Commentary, 9 December 1980, UN Doc. HCR/120/41/80 / GE.81-0013, Section 6

par. 2.

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Quoi qu’il en soit, l’expérience africaine, y compris celle relative à la législation la plus
avancée adoptée à la suite de la Conférence panafricaine387, témoigne ainsi de l’écart existant entre
la norme écrite et la pratique de la mise en œuvre. Comme l'a dit justement et avec éloquence le
Haut-Commissaire pour les réfugiés en ces termes :

«While the elaboration of legal standards is an important function in devising the framework
for refugee protection, the optimal realization of these standards lies in essentially non-legal
considerations of an institutional, resource-based, logistic and material nature. In other words, the
elaboration of the appropriate legal regime for refugee protection must be underpinned by the
consolidation of technical know- how and resources, logistic and other infrastructures and other
material resources»388.

387 Malawi: Nigeria: Refugee Act, 8 May 1989: [http://www.unhcr.org/refworld/docid/3ae6b4f28.htm];


388 UNHCR, Issues and Challenges in International Protection in Africa, Special Issue, IJRL, 1995, p. 55 ss., p. 63.

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Section 4. Asile, refuge et non-refoulement sur le continent américain


Sur le continent américain, les concepts d'asile, d'hébergement et de non-refoulement sont régis
par trois systèmes de réglementation distincts opérant au niveau régional389. La première est celle
basée sur les traités relatifs à l'asile diplomatique, à l'asile politique et à l'extradition, mis au point
depuis 1889, mentionnés dans le premier chapitre.

Le deuxième est le système interaméricain des droits de l'homme, que nous aborderons
également dans la deuxième partie du travail, sur les tendances évolutives de l'interdiction du rejet
en ce qui concerne le risque de torture et de mauvais traitements390. Comme on le sait, à l'origine de
ce système, il y a la Déclaration américaine des droits de l'homme et des devoirs, signée lors de la
IXe Conférence internationale des États américains, tenue à Bogotá en 1948, dont l'article XXVII
dispose:

«Every person has the right, in case of pursuit not resulting from ordinary crimes, to seek and
receive asylum in foreign territory, in accordance with the laws of each country and with
international agreements»391.

Dans la Convention américaine de 1969 (ou Pacte de San José), instrument contraignant entré
en vigueur en 1978, le droit d'asile et l'interdiction de refoulement sont régis par la même règle,
l'article 22 intitulé “Freedom of Movement and Residence” , paragraphes 7 et 8:

« Para. 7. Every person has the right to seek and be granted asylum in a foreign territory, in
accordance with the legislation of the state and international conventions, in the event he is being
pursued for political offenses or related common crimes. Para. 8. In no case may an alien be
deported or returned to a country, regardless of whether or not it is his country of origin, if in that
country his right to life or personal freedom is in danger of being violated because of his race,
nationality, religion, social status, or political opinions».

389 UNHCR, Joint Council of Europe / UNHCR Colloquium on the Role of Regional Human Rights Courts in Interpreting and Enforcing
Legal Standards for the Protection of Forcibly Displaced Persons, 15-16 June 2011, Strasbourg, France, 2012,
390 Inter-American Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination against Persons with Disabilities, 7 June 1999, OAS

AG/RES. 1608
391 American Declaration of the Rights and Duties of Man, OEA/Ser.L./V.II.23, doc. 21, rev. 6 (1948), rep. OEA/Ser.L.V/II.82 doc. 6 rev.1, p. 17

(1992) (Dichiarazione americana), articolo XXVII.

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Et conformément à l'importance particulière reconnue par l'institut d'asile dans la tradition


latino-américaine392, par. 7 est construit comme un droit subjectif réel de recevoir l'asile.

S'agissant de la formulation de la règle contenue dans la Déclaration américaine, la protection


s'étend du coup à la fois aux crimes politiques et aux infractions connexes de Common law, ainsi
qu'à la reprise à l'origine dans le projet d'article 14, par. 1 de la Déclaration universelle. Celle-ci
stipule que toute personne a le droit non seulement de demander et de recevoir l'asile, mais
également que le droit à l'asile est garanti ("soit accordé") .

Ce droit est un corollaire de l'interdiction de rejet, acceptée dans le paragraphe suivant, qui suit
justement le contenu de l'article 33 de la Convention de Genève de 1951 (plaçant le non-
refoulement en défense du droit à la vie et à la liberté individuelle). Cela s’opère en généralisant le
champ d'application, en étendant expressément la protection ratione personarum à tout étranger et
en précisant la cause de la persécution, laquelle consistait à appartenir à un groupe social en se
référant au risque découlant du "statut social".

Articulés l’un avec l’autre, les deux paragraphes suggèrent l’idée que, dans le système
interaméricain, cet objectif ambitieux, qui a échoué au niveau universel, soit atteint, à attribuer à
ceux qui ne peuvent pas être rejetés en raison du risque de persécution, un droit réel. individu à
l'asile politique393. purement

En ce sens, du moins d'un point de vue purement conceptuel, les prévisions relatives au droit
d'asile et au non-refoulement en vigueur dans le système interaméricain sont de loin les plus
avancées du paysage actuel de la protection internationale des réfugiés. En fait, en plus de passer
de la propriété du droit d’asile à un droit individuel394 au niveau réglementaire74, ils vont au-delà
de la logique qui régit en principe la codification du droit des réfugiés. Il s’agit de savoir
déterminer la protection d’une catégorie d’étrangers jugés dignes de protection, d'adopter une
approche universelle, typique du droit international des droits de l'homme. Comme le reconnaît

392 White Paper Prepared by The Open Society Institute Forced Migration Projects for the Conference on Regional Responses to Forced
Migration Emergencies in Central America and the Caribbean, September 30/October 1, 1997, :
[http://www.oas.org/juridico/english/whitee.html].
393 STUART, The Inter-American System of Human Rights and Refugee Protection: Post September 11th 2001, RSQ, vol. 24, 2005, p. 67 ss., p.

67: «The right to non-refoulement is the gateway through which a refugee/asylum seeker can access all other rights. It is therefore important to determine the extent to
which states, within the Inter-American system, can derogate from the norm of non-refoulement».
394 PROCACCINI, Constructing the Right “Not to Be Made a Refugee” at the European and Inter-American Courts of Human Rights, HHRJ,

vol. 22, 2008, p. 271 ss.

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d’ailleurs justement le Rapporteur spécial Kamto, dans les notes au projet d'articles sur la
protection des droits de l'Homme des personnes expulsées ou expulsées, en ces termes :

«[O]nly the provisions of the American Convention on Human Rights expressly accord the
principle of non-refoulement general scope with respect to human rights. Article 22, paragraph 8,
of the Convention [...] echoes article 3 of the Universal Declaration of Human Rights, which
states: “Everyone has the right to life, liberty and security of person.” That provision has been
taken up, with differences or nuances of formulation, in a variety of international human rights
instruments both universal and regional (article 6 of the International Covenant on Civil and
Political Rights; article 2, paragraph 1, of the Convention for the Protection of Human Rights and
Fundamental Freedoms (European Convention on Human Rights); article 4 of the African Charter
on Human and Peoples’ Rights; see also the Arab Charter on Human Rights)»395.

On peut constater donc que l’article 22, par. 8 de la Convention américaine est dans une
position de charnière entre le corpus juris du droit des réfugiés et celui des droits de l'homme, tirant
de l'ancien le principe de non-refoulement en ce qui concerne un risque de persécution qualifié
(donc un préjudice potentiel pour le droit à la vie et à l'intégrité personnelle396) et, deuxièmement,
la fonction de non-refoulement en tant que norme relative à l'aliénation des étrangers en général.

Le remaniement des concepts fondamentaux qui sous-tendent la protection internationale sur le


continent américain ne s'est toutefois pas limité à ce qui a été dit jusqu'à présent. En revanche, il a
également touché le troisième système de réglementation qui y est appliqué, à savoir le système
universel de protection des réfugiés, fondé sur la Convention. Genève en 1951 et le Protocole de
New York de 1967. La Déclaration de Carthagène de 1984 qui fut un instrument non
contraignant397 adopté par le Colloque sur la protection internationale des réfugiés en Amérique
centrale, au Mexique et au Panama, proposait une relecture pragmatique de la Déclaration398 très
intéressant.

395 Expulsion of Aliens. Draft Articles on Protection of the Human Rights of Persons Who Have Been or Are Being Expelled, cit., nota 8, par.
1.
396 American Convention on Human Rights, l’art. 22, par. 8, «Extradition shall not be granted nor shall the person sought be returned when there are grounds
to believe that his life is in danger, that he will be subjected to torture or to cruel, inhuman or degrading treatment, or that he will be tried by special or ad hoc courts in the
requesting State».
397 «to extend support and, insofar as possible, to implement the conclusions and recommendations of the Cartagena Declaration on Refugees».

V. UNHCR, OAS General Assembly; an Inter-American Initiative on Refugees, 1986, p. 5.


398 UNHCR, The Refugee Situation in Latin America: Protection and Solutions Based on the Pragmatic Approach of the Cartagena Declaration

on Refugees of 1984, Discussion Document, November 2004, IJRL, vol. 18, 2006, p. 252 ss.

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Premièrement, le paragraphe 4 de la section III de la Déclaration reconnaissait expressément le


caractère pacifique, apolitique et purement humanitaire de l'octroi de l'asile et de la reconnaissance
du statut de réfugié399, institutions qui semblent se chevaucher dans le système américain400. En
plus de ce qui a été dit jusqu'à maintenant, ces données sont encore confirmées à la section III, par.
4 de la Déclaration, qui réaffirme l'inapplicabilité du principe de réciprocité dans le domaine de la
protection internationale des réfugiés:

«To confirm the peaceful, non-political and exclusively humanitarian nature of grant of asylum
or recognition of the status of refugee and to underline the importance of the internationally
accepted principle that nothing in either shall be interpreted as an unfriendly act towards the
country of origin of refugees»401.

Concernant la notion de réfugié acceptée dans la Déclaration, elle développe et systématise les
tendances qui se dégagent de la Convention africaine. Le but étant d’intégrer l’expérience latino-
américaine particulière en matière d’exode massif. Par conséquent, la définition du réfugié figurant
à l'article 1A de la Convention de Genève est élargie pour inclure: "les personnes qui ont fui leur
pays parce que leur vie, leur sécurité ou leur liberté ont été menacées par la violence généralisée,
l'agression étrangère, les conflits internes , violation massive des droits de l'homme ou autres
circonstances ayant gravement perturbé l'ordre public ». Cette définition large est presque
uniforme sur la scène internationale, même dans les instruments régionaux non contraignants
régionaux suivants.

Un exemple en est la Déclaration de Rio de Janeiro sur l’Institut pour les réfugiés, adoptée en
2000 par les États du Mercosur avec la Bolivie et le Chili402, par laquelle les Hautes Parties
contractantes se sont engagées à ne pas rejeter "un réfugié qui a été reconnu autre État contractant
ou associé des États-Unis, à la normalité du pays qui régit ce numéro » et d’étudier « la possibilité
d’inclure dans la définition du réfugié la protection des victimes de violations graves et
généralisées des droits de l’homme ». Ainsi, l'interdiction du refoulement a été étendue aux
399 Déclaration de Cartagena sez. III, par. 4
400 GUTIERREZ SILVA, The Impact of the Cartagena Declaration in Latin America – The Case of Ecuador, in Rights Based Approach, 4
Sept. 2012 : «In the Inter-American sphere, the terms Asylum and Refugee are used synonymously to designate the admission of a person into
territory under the jurisdiction of the hosting State and to specify the protection that such state must guarantee in compliance with the
Interamerican Conventions. At the United Nations level instead, a distinction must be made between the concept of asylum and refugee status.
The term Asylum is used to describe the simple physical admission of one or more persons into the territory of a State while the State
examines and decides on the refugee status».
401 the Cartagena Declaration sez. III, par. 4.
402 UNHCR, Americas - Miscellaneous, Rio de Janeiro Declaration on the Institution of Refuge, Nov. 10, 2000,
http://www.unhcr.org/refworld/docid/3de4f8982.html].

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réfugiés, dont le statut a déjà été déterminé. Fuyant de cette manière-là une "violation généralisée
des droits de l'homme". Néanmoins, ce dernier motif de fuite n'a pas été inclus parmi les
déterminants de la reconnaissance du statut lui-même.

Le retour à la Déclaration de Carthagène, à une notion aussi large de "réfugié", est associé à une
déclaration tout aussi forte de l'obligation de non-refoulement, définie comme "une pierre
angulaire de la protection internationale des réfugiés" , dont le champ d'application s'étend
expressément à l'hypothèse d'un rejet à la frontière. En ce qui concerne la nature de l'obligation, la
Déclaration va plus loin que tout autre instrument de maintien de l'ordre ou de soft law en la
matière, en soutenant ceci :

«[t]his principle is imperative in regard to refugees and in the present state of international law
should be acknowledged and observed as a rule of jus cogens»403.

De toute évidence, cette déclaration doit être considérée comme plus progressive que
descriptive et, de manière assez typique, reflète l’importance que la protection des réfugiés et
l’asile ont toujours jouée dans la pratique régionale404. Par ailleurs, il a été réitéré dans la
Déclaration de Mexico et le Plan d'action pour le renforcement de la protection internationale des
réfugiés en Amérique latine du 16 novembre 2004. Pour rappel, ces textes ont été adopté par les
États d'Amérique latine lors de la célébration du vingtième anniversaire de la Déclaration de
Carthagène. Dans le préambule, on reconnaît ainsi :

« Le caractère juridique du principe de non-refoulement, y compris le non-rejet à la frontière, est


la pierre angulaire du droit international des réfugiés, énoncé dans la Convention relative au
statut des réfugiés de 1951 et son protocole de 1967. Cela a été également affirmé dans l'article 22
(8) de la Convention américaine relative aux droits de l'Homme et l'article 3 de la Convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que

403 UNHCR, Americas - Miscellaneous, Rio de Janeiro Declaration on the Institution of Refuge, Nov. 10, 2000, section III perag.5
404 CANÇADO TRINDADE, Aproximaciones y convergencias revisitadas: Diez años de interacción entre el Derecho Internacional de los
derechos humanos, el Derecho Internacional de los Refugiados, y el Derecho Internacional Humanitario (De Cartagena/1984 a San José/1994 y
México/2004), in UNHCR, Memoria del vigésimo aniversario de la Declaración de Cartagena sobre los refugiados (1984 – 2004), San José,
2005, p. 139 ss., p. 184: « La consécration de ce principe fondamental du droit international relatif aux réfugiés, de non-refoulement, confirmée
et élargie par le droit international des droits de l'homme, comme étant un principe juridique qui implique incontestablement une limitation de la
souveraineté de l'État (en matière de droits de l'homme). Il est lié aussi à l’extradition, la déportation et l’expulsion, et vise à oeuvrer en faveur de
l'intégrité et du bien-être de la personne humaine. Cela correspond également, à mon sens, à une manifestation sans équivoque de la vision de
plus en plus anthropocentrique du droit international contemporain.».

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l'engagement des pays d'Amérique Latine avec le maintien des frontières ouvertes pour garantir la
protection et la sécurité de ceux qui ont droit à la protection internationale »405.

Cette définition est extrêmement intéressante dans la mesure où il assimile le contenu protégé
du non-refoulement en droit des réfugiés à l’évolution de la règle interdisant le rejet de la torture au
risque des droits de l’homme, en attribuant à la première le caractère contraignant de la seconde
analogie. En ce qui concerne les conséquences juridiques d'une telle réduction ad unum, nous
reviendrons ci-après sur la pratique du HCR.

Section 5. L'interdiction du refoulement en Asie et dans le monde arabe


L'extension de la définition du réfugié conventionnel a touché aussi les instruments juridiques
non contraignants sur le droit des réfugiés adoptés sur le continent asiatique. Ceci est confirmé par
le c.d. Les principes de Bangkok, adoptés par le Comité consultatif afro-asiatique en 1966 et
introduits en 2001, qui, à l’article I, par. 2, fournissent une définition du réfugié largement inspirée
par la Convention sur des aspects spécifiques du problème des réfugiés en Afrique.

L'extension de la notion de réfugié, adoptée dans cet instrument de droit mou, contraste ainsi
avec une formulation de l'interdiction de refoulement. Tout en élargissant l'étendue de la protection
ratione personarum à "quiconque" et en incluant, parmi les causes de persécution, l'origine
ethnique406, cette interdiction maintient encore les exceptions traditionnelles liées à l'ordre public, à
la sécurité nationale et au risque que le réfugié constitue une menace pour la communauté
d'accueil407. Plus pertinent est le paragraphe 2 de la disposition en question, qui introduit le même
tempérament procédural que les clauses d'exclusion contenues dans la déclaration sur l'asile
territorial analysée au début du chapitre 97 et sur lequel on pourait lire ceci : «[i]n cases where a
State decides to apply any of the above-mentioned measures to a person seeking asylum, it should

405 Declaración y Plan de Acción de México Para Fortalecer la Protección Internacional de los Refugiados en América Latina, Ciudad de México,
16 de noviembre del 2004
406 Principes de Bangkok, art. III: «1. No one seeking asylum in accordance with these Principles shall be subjected to measures such as rejection at the frontier,

return or expulsion which would result in his life or freedom being threatened on account of his race, religion, nationality, ethnic origin, membership of a particular social
group or political opinion».
407 Principes de Bangkok, art. III paragraphe 1, deuxieme partie : «The provision as outlined above may not however be claimed by a person when there are

reasonable grounds to believe the person’s presence is a danger to the national security or public order of the country in which he is, or who, having been convicted by a final
judgement of a particularly serious crime, constitutes a danger to the community of that country».

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grant provisional asylum under such conditions as it may deem appropriate, to enable the person
thus endangered to seek asylum in another country»408.

Par ailleurs, dans l’évaluation de l’évolution différente des instruments de protection des
réfugiés sur le continent asiatique, notamment vis-à-vis de l’Afrique et de l’Amérique latine, il
n’est pas impossible de laisser de côté le cas mentionné précédemment. Les Asiatiques, notamment
le Bangladesh, l'Inde, le Népal, le Pakistan et la Thaïlande, n'ont jamais adhéré à la Convention de
Genève de 1951409et ont parfois nié avec force le caractère juridique de la règle interdisant le
refoulement l'existence d'une obligation de non-refoulement dans l'attente de l'examen d'une
demande d'asile.410

Mais de toutes les manières, il est incontestable que la Convention de l'OUA et la Déclaration
de Carthagène ont fortement orienté le processus mondial de promotion de la protection
internationale par voie d'interprétation, en mettant notamment à l'ordre du jour la question de
l'extension du concept de réfugié. international, d'autre part, réaffirmant l'importance de la
Convention de Genève en tant que point de départ de l'évolution des tendances en matière de droit
des réfugiés411. Un autre exemple est celui fourni par la formulation de la disposition interdisant le
refoulement dans la Déclaration du Caire sur la protection des réfugiés et des personnes déplacées
dans le monde arabe, adoptée par la Ligue des États arabes en 1992, dont notamment l'article 2. et
l'article 3, par. 5 de la Convention de Carthagène qui dit ceci :

«Reaffirms the importance of the principle prohibiting the return or the expulsion of a refugee
to a country where his life or his freedom will be in danger and considers this principle as an
imperative rule of the international public law»412.

En dernière analyse, il s’agit d’un ensemble d’outils juridiques émanant de la Convention de


l’OUA et la Déclaration de Carthagène, dont la portée dépasse la dimension régionale et qui ont été

408 Principes de Bangkok, art III , par. “


409 ALEXANDER, Without Refuge: Chin refugees in India and Malaysia, FMR, vol. 30, 2008, p. 36
410 AALCO, Report of the Thirty-Ninth Session, Il Cairo, parr. 8-15pour les positions du l Pakistan et du Thailande concernant la formulation

de la norme à l’article III des Principes de Bangkok: «(i) Pakistan: This article laid down the condition that no one seeking asylum in accordance with these
principles shall be subjected to measures such as rejection at the frontier, return or expulsion from the host country. Although Pakistan has not resorted to using these
harsh measures against refugees, yet it does not support making it legally binding. (ii) Thailand: In Article 3-A para I on non-refoulement, the words "seeking asylum"
should be substituted with "after asylum is granted" in order to be consistent with the principle of non-refoulement».
411 MCADAM, Complementary Protection in International Refugee Law, cit., pp. 45-46.
412 LLigue des Etats Arabes, Declaration on the Protection of Refugees and Displaced Persons in the Arab World, 19 November 1992. V. anche

Universal Islamic Declaration of Human Rights, 19 September 1981, 21 Dhul Qaidah 1401, art. IX (”Right to asylum”): «a) Every persecuted or
oppressed person has the right to seek refuge and asylum. This right is guaranteed to every human being irrespective of race, religion, colour and sex».

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pris comme modèle général pour l’avancement de la législation nationale sur la protection des
réfugiés413.

En fait, comme l’a reconnu d’ailleurs l’assemblée générale, les principes juridiques œuvrent à
garantir deux besoins fondamentaux en ces termes : «[t]he importance of ensuring access, for all
persons seeking international protection, to fair and efficient procedures for determination of
refugee status or, as appropriate, to other mechanisms to ensure that persons in need of
international protection are identified and granted such protection»414 et, en même temps, «not
diminishing the protection offered to refugees under the terms of the 1951 Convention, the 1967
Protocol and relevant regional instruments»415.

Section 6. L'évolution du non-refoulement en Europe


Une autre exception est faite des progrès du droit des réfugiés dans le contexte européen. A ce
niveau d’analyse, les premiers efforts pour fournir une forme de protection régionale contre le
refoulement remontent à 1961. À l’époque, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a
proposé l'adoption d'un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme,
dans lequel une obligation générale de non-refoulement a été sanctionnée au profit des étrangers.
Ces derniers pourraient se retrouver, après le déménagement, devant une menace réelle pour leur
propre vie, leur intégrité personnelle ou leur liberté416.

Dans le projet de protocole sur l'asile, qui aurait été la deuxième annexe de la CEDH, la relation
entre asile et non-refoulement était clairement définie. Et pour cause, après avoir déclaré, aux
paragraphes 1 et 2, le droit de chercher et bénéficier d’un asile politique contre la persécution sur
les territoires des parties contractantes, il a été déclaré ainsi que «[n]o one seeking or enjoying
asylum in accordance with paragraphs 1 and 2 of this Article shall, except for overriding reasons
of national security or safeguarding of the population, be subjected to measures such as rejection
at the frontier, return or expulsion which would result in compelling him to return to or remain in

413 Report of the Working Group on Solutions and Protection to the 42nd Session of the Executive Committee of the High Commissioner’s
Programme 12 Aout 1991
414 V. UN Docs. A/RES/49/169, 23 dic. 1994, par. 5 e A/RES/50/152, 21 dic. 1995, par. 5.
415 V. UN Docs. A/RES/49/169, 23 dic. 1994, par. 5 e A/RES/50/152, 21 dic. 1995, par. 5.
416 Recommendation 293 (1961) on the Right of Asylum, 26 September 1961, e Report of the Legal Committee, Doc. No. 1329 (1961)

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a territory if there is well founded fear of persecution endangering his life, physical integrity or

liberty in that territory»417.

Cette formulation, tout en se situant dans la foulée de la Convention de Genève de 1951, est
principalement accompagnée d'exceptions reprenant celles admises à son paragraphe 2 de l’article
33 de la même convention. Celle-ci contenait également des profils de nouveautés qui seront mieux
développés après 10 ans dans la Convention OUA (une reflection au risque du “to return or
remain”) et dans la Convention américaine (une réflexion au rapport entre le non-refoulement et le
droit d'asile). Cependant, le temps n'était pas mûr et la proposition d'un nouveau protocole sur
l'asile a été rejetée418. Et rien à cet égard ne serait mieux choisi pour adopter une convention
régionale «designed to give full legal recognition to the practice of granting asylum in member
States» 419

Ce qui restait de ces efforts n’était donc qu’une simple invitation aux États membres du Conseil
de l’Europe à garantir aux réfugiés «the right not to be returned to a country where they would be
in danger of persecution (recognition of the principle of prohibition of return (non-refoulement))»
et de leur offrir : «at least temporary asylum with a view to their admission to another country, in
cases where a given country does not feel in a position to grant them permanent asylum for
reasons of national security or safeguarding of the population».

Mais à partir de la deuxième moitié des années soixante-dix, avec la Recommandation 773,
l'Assemblée parlementaire est revenue sur le problème des réfugiés. Concrètement, cela passe par
l’abandon cette fois de l'ambition de codifier le droit d'asile au niveau régional et d’utilisant
l'instrument d'interprétation du développement de la Convention de Genève de 1951 pour
rechercher une solution à un problème réel : la présence croissante dans les États membres du
Conseil de l'Europe d'individus ayant besoin d'une protection internationale. Des États qui ne
répondaient pas aux exigences de la Convention de Genève pour la reconnaissance du statut de
réfugié420.

417 par. 3 del Draft for an article relating to the right of asylum to be included in the Second Protocol to the Convention for the Protection of
Human Rights and Fundamental Freedoms.
418 Report of the Committee on Population and Refugees, Explanatory Memorandum, par. 25, (15th Sitting, Doc. 1986), cit. anche in

HAILBRONNER, Non-Refoulement and ‘Humanitarian’ Refugees, cit., p. 870, note 71.


419 commendation 434 (1965) on the Granting of the Right of Asylum to European Refugees, Assembly Debate on 1st October 1965 (15th

Sitting), par. 11.


420Recommendation 773 (1976) on the Situation of de Facto Refugees, Assembly debate on 26 January 1976 (19th Sitting), par. 1

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Grâce à cette recommandation, il était donc destiné à offrir aux États parties un instrument non
contraignant inspirant l’adaptation des règlements intérieurs à la protection des réfugiés de facto421.
La définition proposée par cette nouvelle catégorie d’étrangers nécessitant une protection
internationale répondait pour l’essentiel aux termes de la définition du réfugié figurant à l’article
1A (2) de la Convention de Genève ; Tout en élargissant son champ d’application par l’exclusion
de cette définition de la notion de La "persécution" et l'adoption d'une liste de causes purement
indicatives422.

Parallèlement, l’Assemblée a appelé les États membres à : « apply liberally the definition of
‘refugee’ in the Convention as amended by the Protocol »423, naturellement dans le sens de faire
progresser la protection.

Depuis la fin des années 80, et de manière plus décisive dans les décennies suivantes, les
organes du Conseil de l'Europe ont contribué de manière significative à un changement important,
de par leurs recommandations424, visant à affirmer la nécessité de fournir des formes de protection
complémentaires à celles stipulées dans la Convention de Genève, et ce, afin d'adapter la protection
internationale à l'évolution du phénomène des migrations internationales.

Dans ces instruments, la liste des bénéficiaires de la protection va en fait bien au-delà des
frontières traditionnelles définies par la Convention de Genève. Ceci s’est opéré à travers une
interprétation extensive de l'obligation de non-refoulement, qui devient un porte-drapeau de la
dignité humaine ; Et pour cause, elle empêche d’exécuter une disposition prévoyant le renvoi d'un
étranger s'il est soumis à la torture ou à des mauvais traitements, voire à une privation grave de sa
liberté et sa sécurité.

Le recours à la règle contre le refoulement, comme outil pour renforcer la protection contre
l'expulsion de l'étranger, s'il y a un risque que ceux-ci connaîtront la torture ou à des violations
graves de leurs droits fondamentaux, a donné lieu à un élan important au renforcement de la classe

421 PALUDAN, WEIS, The New Refugees in Europe. Report on Problems of Refugees and Exiles in Europe, Geneva, 1974.
422 MCADAM, Complementary Protection in International Refugee Law, cit., p. 44.
423 Recommendation 773, cit., par. II
424 Recommendation R (81)16 of 5 November 1981 on the Harmonization of the National Procedures Relating to Asylum; Recommendation R

(84) of 25 January 1984 on the Protection of Persons Satisfying the Criteria in the Geneva Convention Who Are Not Formally Recognized as
Refugees.

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425
protection internationale alternative aux solutions "conventionnelle" et "temporaire" , qui porte
le nom de protection "subsidiaire" ou "complémentaire" 426.

Dans la recommandation n. 18 sur 2001427, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a


suggéré ainsi l'adoption de certaines motivations, alternatives au risque de persécution individuelle,
sur la base de la protection des réfugiés au titre de l'article 1 A (2) de la Convention de Genève.
L’objectif étant de justifier la protection internationale des personnes qui ne remplissent pas les
conditions de reconnaissance du statut de réfugié.

La recommandation exhortait les États parties à ne pas aliéner un étranger dans leur pays
d'origine s'ils se réunissaient - plus tard renvoi - risque de torture et de traitements inhumains et
dégradants ou menaçant sa propre vie, sa liberté et sa sécurité. Cela fut ainsi le résultat de la
présence dans l'État d'origine d'une situation de violence aveugle dans le contexte d'un conflit
armé428. Comme indiqué expressément dans la recommandation susmentionnée, cette forme de
protection est ajoutée et ne recoupe pas celle offerte par le système de Genève429 et revêt un
caractère individuel, contrairement à la protection temporaire430.

Jusqu'aux années 2000, de tels progrès conceptuels ne se sont traduits par l'adoption d'aucun
acte contraignant susceptible de rapprocher les législations des États de l'asile et du non-
refoulement. Néanmoins, la Recommandation n. 18 a ouvert la voie - pour les pays membres du
Conseil de l'Europe, qui font également partie de l'Union européenne - à la formulation du premier
acte de droit communautaire dans lequel il constitue un véritable statut de protection "subsidiaire"
(par rapport au statut de réfugié), c’est-à-dire la directive sur les qualifications, adopté en 2004 par
le Conseil de la Communauté européenne.

À cet égard, il est nécessaire de souligner de prime à bord que la protection filiale est liée à un
statut qui ne couvre pas tous ceux qui ne peuvent pas être révoqués en raison de l'interdiction du

425 Recommendation 1327 (1997) on the Protection and Reinforcement of the Human Rights of Refugees and Asylum-Seekers in Europe;
Recommendation 1525 (2001) on the United Nations High Commissioner for Refugees and the Fiftieth Anniversary of the Geneva
Convention.
426 Recommendation 1088 (1988) on the Right to Territorial Asylum
427 Recommendation (2001) 18 of the Committee of Ministers to Member States on Subsidiary Protection, 27 November 2001.
428 Recommendation (2001) 18 of the Committee of Ministers to Member States on Subsidiary Protection, 27 November 2001.
429 Recommendation (2001) 18, cit., «Stressing that protection measures, subsidiary to those enshrined in the 1951 Convention and its 1967

Protocol, should be implemented in such a manner that these measures do not undermine but complement the existing refugee protection
regime».
430 Recommendation (2001) 18, cit., «Considering that subsidiary protection is a category of individual protection as opposed to the concept of temporary protection

which, as defined by Recommendation No. R (2000) 9 of the Committee of Ministers, is an exceptional practical measure, limited in time, applicable as such in
situations of massive and sudden influx».

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refoulement (comprise dans son sens vaste et englobant). En effet, ce statut, tout en répondant au
besoin d'étendre la protection au-delà des "limites" imposées par la Convention de Genève, n'agit
pas pour fournir un "catalogue" de droits individuels à ceux qui ne le font pas ils peuvent être
refoulés.

Cela ressort d’une manière évidente de l’installation de la directive sur les qualifications, où la
protection subsidiaire est qualifiée par type des risques spécifiés dans la directive elle-même.
Tandis que le contenu de la "La protection contre le rejet" (donc l'article 21 de l'acte est enregistré)
n'est pas identifié de manière autonome, une simple référence aux obligations étant prévue
hypothèses internationales formulées par les États membres de l'Union.

Au terme de cette première partie, on peut avancer que notre première hypothèse a été
confirmée dans la mesure où le principe de non refoulement s’est avéré durant les évolutions
historiques de la législation internationale comme un principe universel majeur qui permet aux
réfugiés et demandeurs d’asile de bénéficier d’une sécurité juridique émanant des principes
universels des droits humains.

L’analyse nous a permis de vérifier la véracité de l’idée selon laquelle il existe effectivement
un “ratio” humanitaire de la disposition du non-refoulement et sa nature de « concept ouvert » qui
révèle en effet une évolution historique remarquable du dispositif légal international vers davantage
de protection juridique des réfugiés et demandeurs d’asile. Ce qui s’est traduit par la mise en place
d’un ensemble d’adaptations du « contenu original », dans toutes les conventions relatives aux
réfugiés et, d’autre part, un développement autonome et transversal qui a touché d'autres régimes
juridiques à commencer par l’importance de l’adoption de la convention de Genève de 1951 et bien
d’autres conventions qui s’en suivront. Cela a été possible grâce à l’analyse effectuée des sources
du droit international régissant le non-refoulement, en général, permettant ainsi de restituer les
principales évolutions de la pratique internationale en matière d'expulsion des étrangers,
notamment ceux qui risquent la persécution ou des traitements inhumains dans le pays de
destination.

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Conclusion de la première partie

La description des évolutions historiques du « droit des réfugiés » à travers les différentes étapes de
l’élaboration et la révision des différents dispositifs juridiques dans les pays occidentaux,
principalement, est d’une importance capitale, afin de comprendre les tenants et les aboutissants
des droits des réfugiés et demandeurs d’asile.

Comme on l’a relevé dans la première partie de ce travail, les développements législatifs et
jurisprudentiels, qui ont affecté le régime international de protection des réfugiés, ont
considérablement affecté, non seulement le contenu et la portée de l'interdiction du refoulement,
mais aussi la nature de celle-ci, qui a été accréditée.

Dans la pratique internationale du droit, comme les principaux droits reconnus aux réfugiés par
le droit international. Cette protection, même avec les limites existantes et les zones d’ombre qui la
distinguent, témoigne malgré tout de la réalisation par la communauté internationale d'une étape
importante de la civilisation juridique. Et c’est précisément dans l'un des secteurs dans lesquels les
États sont traditionnellement plus jaloux de leurs prérogatives souveraines.

Depuis la fin de la guerre froide431, la fluidité du contexte social mondial rend la question des
réfugiés et du refoulement de plus en plus sensible. Dans un environnement marqué par les
mouvements de population qui affectent une tranche de la population mondiale plus large que
jamais auparavant432, et la migrations internationales figurant parmi les "grands problèmes
mondiaux"433, ce contexte mondial a imposé une adaptation des formes de protection aux nouveaux
facteurs de risque. Cette adaptation était nécessaire pour assurer l’efficacité de la protection de
droit international, à savoir le droit de séjour dans un endroit sûr et sécurisé (safe). Cela a du coup
obligé à répondre, de temps à autre, à une question fondamentale: qu'entend-on par "lieu sûr"?434

Il a fallu admettre que la catégorie juridique de "réfugié", bien qu’extensible grâce à


l'instrument d'interprétation évolutionniste, est très liée aux contraintes déterminantes contenues

431 UNHCR, Summary Conclusions on International Protection of Persons Fleeing Armed Conflict and Other Situations of Violence;
Roundtable 13 and 14 September 2012, Cape Town, South Africa, 20 December 2012, par. 1
432 THOMPSON, Opening Remarks, MIDSA Ministerial Conference, Enhancing Labour Migration and Migration Management in the SADC

Region, Maputo, 12 juillet, 2013.


433 Statement at the Council of the International Organization for Migration, Geneva, 6 decembre 2011, p. 1.
434 UNHCR, Safe at Last? Law and Practice in Selected EU Member States with Respect to Asylum- Seekers Fleeing Indiscriminate Violence, 27

July 2011

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dans la Convention de 1951. Par conséquent, outre le statut de réfugié, le droit international a
reconstruit d’autres formes de protection internationale, afin de donner un "droit de rester dans un
lieu sûr" à de nouvelles catégories de bénéficiaires. Toujours dans le contexte de ces formes de
protection alternatives, qui seront examinées dans la deuxième partie de notre travail, l'interdiction
d'expulsion a joué un rôle permettant de garantir le "droit de rester en lieu sûr". Une notion qui a
évolué, excluant de son champ d'application tout lieu où un individu peut subir de graves violations
de ses droits fondamentaux. Ce résultat représente d’ailleurs une avancée considérable dans la
protection de ceux qui sont obligés de fuir, par rapport à quand, il y a quelques années, «all
discussions about the refugee problems revolved around this one question: How can the refugee be
made deportable again?»435.

Il est donc clair que l'efficacité du non-refoulement et du développement futur de la protection


dépendront de la réponse que la communauté internationale voudra bien donner, de temps à autre, à
ce que l'on entend par "lieu sûr"436.

Dans la deuxième partie, il sera plus question des fondements de la sécurité juridique et surtout
l’effectivité de l’accès des réfugiés et demandeurs d’asile à leurs droits fondamentaux au Maroc, où
l’absence d’un cadre juridique de l’asile rendrait ces populations de plus en plus vulnérables.

435 The Origins of Totalitarianism. Part II: Imperialism, 2a ed., Cleveland/New York, 1958, p. 284
436 Second Report on the Expulsion of Aliens, cit., parr. 45-122 , UNHCR, 2008 Global Trends, Geneva, June 2009, pp. 3-6

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DEUXIÉME PARTIE :

FONDEMENTS DE LA SECURUTÉ JURIDIQUE DES RÉFUGIÉS ET


DEMANDEURS D’ASILE, ET EFFECTIVITÉ DE L’ACCÉS AUX DROITS
FONDAMENTAUX AU MAROC

Dans la deuxième partie, notre objectif est de comprendre les mécanismes qui aggravent la
situation des droits humains des migrants au Maroc à travers une évaluation de la portée de
l’obligation de la protection juridique des réfugiés et demandeurs d’asile non-refoulés. Autrement
dit, l’idée est d’interroger les mécanismes juridiques, tels qu’ils sont adoptés au niveau
international, qui permettent de garantir une protection juridique à ces populations vulnérables.
Concrètement, cette deuxième partie sera composée de trois chapitres : Le premier chapitre sera
consacré à l’étude des réfugiés et demandeurs d’asile au Maroc, à travers le contexte, les enjeux et
l’évolution juridico-politique. Le deuxième chapitre sera dédié sur un diagnostic mettant l’accent
sur la protection juridique des réfugiés et demandeurs d’asile dans le royaume. Le troisième
chapitre sera focalisé sur l’analyse des résultats d’une enquête par entretien sur l’effectivité de
l’accès des réfugiés et demandeurs d’asile au Maroc aux droits fondamentaux(droit à la santé, droit
à l’état civil, droit à la justice, droit à l’emploi, droit à l’éducation…).

Le Maroc est à la fois un pays d’accueil et de transit avec sur son territoire 11.149 réfugiés et
demandeurs d’asile originaires de plus de 40 pays. Le Maroc a initié en 2013 une politique
migratoire particulièrement ouverte et respectueuse des droits humains. En rompant avec les
pratiques passées, il véhicule ainsi une vision plus positive des mobilités humaines.

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D’importants progrès ont été réalisés en matière d’asile. Cependant, le processus devant conduire à
l’instauration d’un dispositif juridique et institutionnel national de l’asile n’est toujours pas abouti à
ce jour, principalement en raison de l’ajournement de l’adoption de la loi sur l’asile. En l’absence
de texte législatif qui régit la reconnaissance de l’asile, des centaines de personnes continuent,
depuis plusieurs années pour la plupart, à être considérées par l’Etat marocain comme demandeurs
d’asile.

A la suite de la publication par le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH)437 d’un rapport
intitulé « Étrangers et Droits de l’Homme au Maroc - Pour une politique d’asile et d’immigration
radicalement nouvelle » en septembre 2013438, le Roi Mohammed VI a invité le gouvernement à
élaborer une nouvelle politique relative aux questions d’immigration et d’asile en suivant une
approche humaniste conforme aux engagements internationaux du Maroc.

Alors que de nombreuses violations du droit d’asile étaient régulièrement observées et rapportées
par des associations de la société civile avant 2013, l’annonce du lancement de la nouvelle
politique a permis d’enregistrer de grands progrès en la matière. Les documents délivrés par le
Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) sont mieux reconnus depuis par les autorités et les
opérations de reconduite à la frontière sont moins fréquentes.

En matière d’asile, la nouvelle politique s’est donné pour objectif l’instauration d’un système
national d’asile par le biais notamment d’un ensemble de réformes et de créations juridiques et
institutionnelles. Certaines actions phares prévues ont rapidement été matérialisées.

La reconnaissance de l’asile à 537 réfugiés statutaires du HCR en 2013 puis la conduite d’une
seconde opération de régularisation des réfugiés à partir de 2014, l’amorce d’un processus
d’élaboration d’un projet de loi sur l’asile ou encore l’adoption d’une Stratégie Nationale

437 Le Conseil National des Droits de l’Homme est l’institution étatique indépendante chargée de la promotion et de la protection des droits de
l’Homme au Maroc
438 C’est notamment le cas du GADEM qui rapporte en 2009 que : « les forces de l’ordre arrêtent parfois des personnes qui ne sont pas en infraction

par rapport à leur séjour au Maroc : demandeurs d’asile, […]. Les autorités fondent aussi la présomption de séjour irrégulier sur le fait que le
document est faux, ce qui enfreint le principe de présomption d’innocence au détriment du migrant. Les 11 et 12 août 2008, plusieurs dizaines de
migrants subsahariens ont été arrêtés au faciès par des policiers en civils à Rabat, sans aucune explication. Ce n’est qu’après plusieurs heures de privation de
liberté, l’intervention d’associations et du HCR que la plupart des migrants disposant d’attestation du HCR ou de passeport ont été libérés.»
(GADEM, février 2009).

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d’Immigration et d’Asile (SNIA) constituent autant d’éléments qui laissaient présager la mise en
place effective et rapide d’un système national d’asile de qualité.

Cependant, le constat est que cette politique publique, initiée il y a plus de six ans, n’a toujours pas
conduit à l’instauration d’un dispositif juridique et institutionnel national de l’asile. Le projet de loi
sur l’asile n’a pas été adopté ni même rendu public par le Secrétariat général du gouvernement.
L’enregistrement et l’examen des demandes d’asile continuent à être effectués par la représentation
du Haut-Commissariat aux Réfugiés. Les réfugiés statutaires du HCR sont ensuite référés au
Bureau des Réfugiés et des Apatrides (BRA) pour y être auditionnés afin que l’asile leur soit
reconnu par l’Etat marocain.

Cette situation, censée être transitoire, perdure dans le temps. Elle est par ailleurs fragile. En effet,
le BRA avait suspendu ses activités pendant 20 mois (d’avril 2017 à décembre 2018) rendant donc
impossible la reconnaissance du statut de réfugié par l’Etat marocain. Les lacunes enregistrées en
matière d’asile entravent la protection des droits internationalement reconnus aux réfugiés et aux
demandeurs d’asile consacrés dans des textes de droit international auxquels le Maroc a souscrit,
en particulier la Convention de Genève relative au statut des réfugiés de 1951 et la Convention de
l’Organisation de l’Unité Africaine sur les aspects propres aux réfugiés en Afrique de 1969. Ces
instruments juridiques internationaux sont pourtant mis en avant par le Maroc dans l’Agenda
Africain pour la Migration qu’il a élaboré et qui a été adopté par l’Union africaine.

La présente étude adopte une approche légaliste. En se basant sur la loi suprême du Royaume du
Maroc qui consacre notamment dans ses toutes premières lignes le « choix irrévocable de
construire un Etat de droit démocratique »439 cet exercice d’analyse vise à mettre en valeur la
protection de la dignité humaine des réfugiés et des demandeurs d’asile, ainsi que la primauté du
droit. Cette analyse tend à favoriser l’adoption d’une approche plus inclusive dans l’élaboration
d’un système national d’asile qui soit fiable et de qualité et suggère des mesures transitoires pour
mieux protéger le droit des réfugiés et des demandeurs d’asile et améliorer ainsi leur vie
quotidienne au Maroc.

Dans cette partie, nous aborderons la question de l’obligation de non refoulement en droit marocain
des réfugiés et demandeurs d’asile à travers trois chapitres : le premier revient sur l’évolution du

439 Préambule de la Constitution de 2011

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cadre juridique et institutionnel à la lumière de la législation internationale et du dispositif


réglementaire du HCR. Dans le deuxième chapitre, notre intérêt portera sur les droits sociaux,
économiques et culturels des migrants (réfugiés et demandeurs d’asile) à partir d’un état des lieux
de la situation actuelle au Maroc.

Aussi, on tentera de mettre en évidence le rôle central joué par les acteurs institutionnels (CNDH et
HCR) dans la protection et le renforcement des droits et de ces populations et ce, en vue d’éviter
leur refoulement et d’assurer leur sécurité. Dans le troisième et dernier chapitre, on essaiera de
présenter les résultats de notre enquête sur l’effectivité de l’accès des réfugiés et demandeurs
d’asile aux droits fondamentaux au Maroc. L’objectif de notre étude de cas étant de mettre en relief
les opportunités et les limites de la sécurité juridique internationale et nationale, en donnant la
parole à une population de réfugiés établis dans le royaume.

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CHAPITRE I : LES RÉFUGIÉS ET DEMANDEURS D’ASILE AU MAROC :


CONTEXTE, ENJEUX ET APERÇU JURIDICO-POLITIQUE

Le premier chapitre revient sur l’évolution du cadre juridique et institutionnel à la lumière de la


législation internationale, notamment le dispositif réglementaire du HCR. Ce chapitre sera divisé
en six sections qui reviennent, chacune selon un angle particulier, sur les différents aspects du
principe de non-refoulement des réfugiés postérieurs à la convention de 1951.

Section 1. Contribution du HCR au développement progressif du droit


international des réfugiés: les conditions juridiques préalables

Maintenant que l’analyse de l’évolution de la réglementation régionale en matière d’asile, de


logement et de non-refoulement a été terminée, on propose d’examiner maintenant le rôle joué par
le Haut-Commissariat pour les réfugiés dans la consolidation et l’avancement de la protection
internationale.

À cette fin, on suggère de commencer par les relations entre le HCR et le système de protection
des réfugiés basé sur la Convention de Genève. Comme nous l'avons déjà mentionné, l'Agence des
Nations Unies pour les réfugiés a été créée en tant qu'organe subsidiaire de l'Assemblée générale le
14 décembre 1950 ou à la même date que l'organe de l'Assemblée des Nations Unies a décidé de
conférer la Conférence de plénipotentiaires au mandat pour rédiger le texte de la Convention sur le
statut de réfugié. Le lien entre la Convention de Genève de 1951 et le HCR apparaît donc comme
un élément génétique, ayant été conçu simultanément justement comme l'une des sources
principales du droit international des réfugiés et l'autre comme un outil opérationnel pour une
protection efficace440.

Bien que ce soit en substance, ce lien n’a toutefois pas été directement exprimé, la Convention
ne prévoyant ni mécanisme de contrôle interne, ni sanction à l’encontre des États parties qui ne la
respectent pas. L’article 35 de ce traité, qui oblige les États parties à coopérer loyalement avec le
Haut-Commissariat et à lui faire rapport sur ce qui suit, est la seule règle permettant d’attribuer un
rôle au HCR dans l’application de la Convention de Genève et la mise en œuvre des obligations

440 SAULLE, sous “Alto Commissariato delle Nazioni Unite per i Rifugiati (ACNUR)”, Enc. dir., vol. VI, Milano, 2002, p. 1 ss.

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conventionnelles441. Par conséquent, même en l'absence d'une structure de contrôle ou de


mécanismes de sanction et d'une mise en œuvre contraignante des obligations conventionnelles.
Une telle disposition a permis ainsi au HCR de contrôler l'application de la Convention, en
collectant des informations sur le droit interne des États et des données statistiques sur le statut des
réfugiés. Cette disposition a permis aussi d'envoyer des rapports sur l'état de la protection
internationale aux organes de l'ONU442.

L'article 35 constitue une base juridique pour une relation fonctionnelle et dynamique entre le
HCR et la Convention de Genève. Elle décline en particulier l'obligation plus générale de
coopération avec les Nations Unies, à laquelle les États membres de cette organisation sont
destinataires443. En effet, dans la mesure où elle impose aux États parties à la Convention de
faciliter la tâche de le Haut-Commissariat dans l'application des dispositions conventionnelles444,
les oblige à s'adapter à l'évolution de la pratique de cet organe en matière de protection
internationale des réfugiés445.

Le caractère fonctionnel et évolutif du lien effectif qui existe entre cette agence des Nations
Unies et la convention sur le statut de réfugié, qui découle à la fois de la lettre de la règle énoncée à
l'article 35 du traité et des caractéristiques statutaires du mandat de l'institution en question. Il suffit
d’ailleurs de dire que le devoir de coopération loyale avec le HCR vis-à-vis des États parties au
traité est conçu de telle sorte qu'il continue d'exister même en ce qui concerne un futur organe des
Nations Unies qui remplacerait le Haut-Commissariat dans l'exercice de ses fonctions »446. En
outre, l’article 9 des statuts donne à l’Assemblée générale le pouvoir de conférer au Haut-
Commissariat les pouvoirs supplémentaires qu’elle juge nécessaires pour lui permettre d’exercer
ses fonctions, clause qui, comme nous le dirons dans les pages suivantes, a permis une extension
considérable du mandat de ce dernier ratione personarum447.

La relation entre le HCR et la Convention de Genève est fonctionnelle en ce sens justement


qu'elle ne peut être comparée aux organes de surveillance de la plupart des traités relatifs aux droits

441 TÜRK, UNHCR’s Supervisory Responsibility, RQDI, 2002, pp. 135 ss., pp. 146-148.
442 Statut de l’UNHCR, art. 11.
443 s, KÄLIN, Supervising the 1951 Convention on the Status of Refugees: Article 35 and Beyond, cit., p. 617 ss.
444 Implementation of the 1951 Convention and the 1967 Protocol Relating to the Status of Refugees, Conclusion No. 57 (XL), 1989;
445 KÄLIN, Le mécanisme de surveillance de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, in CHETAIL, FLAUSS

(sous la direction de), op. cit., p. 133 ss., pp. 136-137.


446 art. 35, par. 1: «any other agency of the United Nations which may succeed it». Per simili rilievi, v. TÜRK, UNHCR’s Supervisory

Responsibility, cit., p. 143.


447 UNGA, Report of the United Nations High Commissioner for Refugees, 30 November 1976, UN Doc. A/RES/31/35

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de l'homme, tels que le Comité des droits de l'homme du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques, le Comité contre la torture de la Convention des Nations Unies contre la torture448, le
Comité des droits de l'enfant de la Convention de 1989449 sur les droits de l'enfant et, encore une
fois, la Cour de Strasbourg pour la CEDH et la Cour interaméricaine pour le Pacte de San José450 .

Et contrairement à ces organes précités, créés pour donner une interprétation authentique des
normes conventionnelles451 et en assurer le respect, le Haut-Commissariat est doté d'un statut
autonome et d'objectifs de nature générale et universelle452 qui ne coïncident que partiellement avec
celles prévues par la convention de Genève. Il s'ensuit de ce qui précède que cet organe n'a pas été
en mesure de mener à bien cette action créative qui, par exemple, a permis le développement des
droits de la CEDH par le biais de la Cour européenne des droits de l'homme.

À cet égard, faut-il bien le souligner, l’agence des Nations Unies a tenté de le compenser en
soulignant la responsabilité morale "spéciale" que lui attribue le Statut fondateur. Cela concerne la
recherche de "solutions permanentes" au problème des réfugiés453. Elle a permis de reconnaître cet
organe comme établissement opérationnel, adoptant un caractère humanitaire et social avec des
objectifs apolitiques454. Ce rôle catalyseur des meilleures pratiques en matière de résolution du
problème mondial des réfugiés et défenseur d'une approche "globale", on pourrait le comprendre
dans ce cadre :

«A comprehensive approach to refugee protection [that] comprises, inter alia, respect for all
human rights; the principle of non-refoulement; access, consistent with the 1951 Convention and
the 1967 Protocol, of all asylum-seekers to fair and effective procedures for determining status and
protection needs; no rejection at frontiers without the application of these procedures; asylum; the

448 Convention against Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment, 10 December 1984, 1465 UNTS 85. Nel
prosieguo,
449 Convention on the Rights of the Child, 20 November 1989, 1577 UNTS 3.
450 American Convention on Human Rights (Pact of San José), 22 November 1969, 1144 UNTS 123
451 KÄLIN, Supervising the 1951 Convention Relating to the Status of Refugees: Article 35 and Beyond, cit., p. 653.
452 Note on International Protection, UN Doc. A/AC.96/930, 7 July 2000, par. 2: «UNHCR’s international protection function has evolved greatly over the

past five decades from being a surrogate for consular and diplomatic protection to ensuring the basic rights of refugees, and increasingly their physical safety and security.
While the main responsibility for safeguarding the rights of refugees lies with States, UNHCR’s statutory role is to assist governments to take the necessary measures,
starting with asylum and ending with the realization of durable solutions»; Protection of Asylum-Seekers in Situations of Large-Scale Influx, Conclusion
No. 22 (XXXII), 1981.
453 KHAN, UNHCR. Its Function. Development of Relevant Law, in KHAN, op. cit., pp. 334-350; LOESCHER, BETTS, MILNER, The

United Nations High Commissioner for Refugees (UNHCR)


454 Statut de l’UNHCR, art. 2.

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provision of any necessary material assistance; and the identification of durable solutions which
recognize human dignity and worth»455.

Conformément à l'al. 8 a) du Statut, cet objectif doit être atteint notamment en promouvant le
développement progressif du droit international des réfugiés. Il s’agit aussi de veiller au respect des
conventions internationales pertinentes et de proposer leur amendement456. S'agissant du
développement progressif du droit des réfugiés, il a déjà été souligné l'importance de l'impulsion
donnée par le HCR à l'adoption d'instruments régionaux de protection des réfugiés, comme dans le
cas de la Convention sur des aspects spécifiques du problème des réfugiés en Afrique, de la
Déclaration de Carthagène et des Principes de Bangkok. Au niveau universel, il convient
également de rappeler le rôle joué par le HCR dans l’adoption du Protocole de New York du 31
janvier 1967457, qui, comme on l’avait souligné d’ailleurs à plusieurs reprises, a complété
l’architecture du régime international des réfugiés en éliminant les limitations appliquées à l'origine
à la Convention.

En ce qui concerne son rôle de "gardien" du respect du droit des réfugiés458, le Haut-
Commissariat a mis l'accent sur l'obligation de prendre ses positions en compte de bonne foi afin
de garantir une position suffisante quant à la fonction de contrôle des réfugiés et la mise en œuvre
de la Convention de Genève459. Le principal outil qu'il a utilisé à cet égard pour atteindre cet
objectif est représenté par : les directives d'interprétation et des lignes directrices relatives à la
préparation des mécanismes pour la mise en œuvre des obligations conventionnelles et les
procédures administratives et judiciaires pour la détermination du statut de rifugiato460. Par ailleurs,
dans l'accomplissement de ses tâches statutaires, le HCR était appuyé par un comité exécutif461,
organe doté de fonctions consultative. Cet organe a produit des conclusions annuelles qui ne
produisant pas non plus d'effets juridiques contraignants. Ce qui a contribué à générer
d'importantes conséquences politiques et morales pour les gouvernements, notamment dans la
pratique internationale en matière de réfugiés.

455 ExCom, International Protection, Conclusion No. 81 (XLVIII), 1997, lett. (h)
456 WARNER, Forty Years of the Executive Committee: From the Old to the New, IJRL, vol. 2, 1990, p. 238 ss., p. 245.
457 Protocol de New York, art. 1
458 Statut de l’UNHCR, art. 8.
459 GOODWIN-GILL, Convention Relating to the Status of Refugees; Protocol Relating to the Status of Refugees, cit., pp. 6-7
460 NORTH, CHIA, Towards Convergence in the Interpretation of the Refugees Convention: A Proposal for the Establishment of an

International Judicial Commission for Refugees, in MCADAM (ed.), Forced Migration, Human Rights and Security, Oxford/Portland, 2008, p.
225 ss., p. 235.
461 SZTUCKI, The Conclusions on the International Protection of Refugees Adopted by the Executive Committee of the UNHCR

Programme, IJRL, vol. 1, 1989, p. 285 ss., pp. 288-290.

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Les actes du HCR et du Comité exécutif, qui ne peuvent être reconnus comme une valeur autre
que celle du soft law, ont acquis une autorité considérable dans le panorama des demandes
internationales de protection des réfugiés462. Celles-ci sont soutenues, comme nous l'avons
démontré, par le devoir de collaboration loyale États parties aux Nations Unies. Et Si ces actes
représentaient l'outil opérationnel utilisé par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les
réfugiés, comme nous le verrons dans les pages suivantes, la nécessité de garantir l'efficacité de la
protection contre le refoulement constitue encore la prémisse réglementaire d'un élargissement du
mandat du HCR ratione personarum.

Paragraphe 1. La notion de « réfugié » et de « non-refoulement » dans la pratique


du HCR

En vertu du Statut du HCR, le mandat ratione personarum de l'Agence n'est pas soumis à des
délimitations particulières, acceptant d’adopter ainsi la notion universelle de réfugié . Sur la base
de ce concept, on pourrait affirmer ceci :

« Any [...] person who is outside the country of his nationality or, if he has no nationality, the
country of his former habitual residence, because he has or had well-founded fear of persecution
by reason of his race, religion, nationality or political opinion and is unable or, because of such
fear, is unwilling to avail himself of the protection of the government of the country of his
nationality, or, if he has no nationality, to return to the country of his former habitual residence
»463.

En raison de l’absence de limites ratione temporis et loci, le concept statutaire de réfugié est
devenu – du moins dans la pratique des Nations Unies – un instrument capable de lier le
comportement des États qui ne font pas partis de la Convention de Genève. Il a permis ainsi aux
États membres initiaux de bénéficier de la faculté de constituer une réserve temporelle au titre de
l'article 1 B, paragraphe 1, du traité. En tant que membres initiaux, ils n'étaient pas tenus de retirer
le statut de « réfugié » de son dispositif réglementaire en vertu de l'article 1.3 du protocole de New
York de 1967464. Le HCR a également souligné la nécessité d'étendre son mandat à tous ceux qui

462 GOODWIN-GILL, Entry and Exclusion of Refugees. The Obligations of States and the Protection Function of the Office of the United
Nations High Commissioner for Refugees, Michigan YBILS, vol. 3, 1982, p. 291 ss.
463 Statut de l’UNHCR, par 6 B
464 UNHCR, Note on Determination of Refugee Status under International Instruments, 24 August 1977, EC/SCP/5, par. 9.

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fuient un risque de persécution, indépendamment de la reconnaissance légale de leur statut par


l'État d'accueil465.

L'Agence a fini du coup de traiter avec tous les étrangers qui, s'ils sont renvoyés, risquent de
subir une violation grave de leurs droits fondamentaux, généralisant ainsi la protection contre le
refoulement. A titre d’exemple, l'inclusion entre les personnes prises en charge par les demandeurs
d'asile466 du HCR ne constituaient pas l'acte de reconnaissance du statut de réfugié. Sans compter la
nécessité de protéger - en particulier contre le risque de refoulement467 - des "réfugiés potentiels"
(c'est-à-dire demandeurs d’asile) dans l’attente de l’achèvement de la procédure d’examen de leur
demande, et ce afin d’éviter de soustraire effectivement tout le mécanisme de protection468.

Toujours sur la base de considérations relatives à l'efficacité de la protection internationale,


l'agence des Nations Unies a étendu son mandat aux personnes fuyant les conflits armés. Il s’agit,
comme indiqué au chapitre précédent , d’identifier les critères personnels de la persécution de ces
dernières au sens de la Convention de Genève469.

Parallèlement à la généralisation de la protection contre le rejet ratione personarum, la Haut-


Commissariat a aussi appuyé l'extension de la protection ratione materiae à toutes les mesures
d'expulsion prévisibles au niveau national. Le HCR et le Comité exécutif ont rappelé que la lettre
de l'article 33, par. 1 de la Convention de 1951 interdit le rejet "de quelque manière que ce soit".
De fait, il est nécessaire d'inclure les mesures d'expulsion / expulsion contre les réfugiés, le retour
des réfugiés dans leur pays d'origine, dans le cadre des mesures d'éloignement susceptibles de
violer l'interdiction du refoulement ou des pays tiers peu sûrs, des barrières électrifiées pour
empêcher l'entrée, la non-admission des passagers clandestins et des poussées d'arrivées par bateau
ou des interdictions en haute mer 470.

465 Note on International Protection, 26 June 2009, UN Doc. A/AC.96/1066, par. 20.
466 ExCom, Stowaway Asylum-Seekers, Conclusion No. 53 (XXXIX), 1988, par. 1, : «Like other asylum-seekers, stowaway asylum-seekers must be
protected against forcible return to their country of origin».
467 Conclusion No. 103, cit., de l’ExCom
468 Conclusion No. 6, cit., de l’ExCom
469 Note on International Protection, 1 September 1995, UN Doc. A/AC.96/850, par. 11: «It is recalled that in many situations, persons fleeing conflict

may also be fleeing a well-founded fear of persecution for Convention reasons. This is the case, for example, when a segment of the population is targeted by government or
non-government forces due to their ethnic, religious or political affiliation. Persons fleeing or remaining outside a country for reasons pertinent to refugee status qualify as
Convention refugees, regardless of whether those grounds have arisen during conflict. Steps towards strengthening the international protection required by all persons fleeing
conflict must take this into account to avoid diminishing the protection to which refugees are entitled».
470 Note on the Principle of Non-Refoulement, cit., lett. D)

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De cette manière-là, l’agence des Nations Unies a approuvé l’application extraterritoriale de


l’interdiction et ce, afin d’imposer aux États le respect de l’obligation. Non seulement lorsqu'ils
exercent leur propre juridiction de jure, mais aussi dans toute situation dans laquelle un étranger
devient soumis au contrôle effectif de l'État lui-même471. Il s'ensuit ainsi que toute interprétation
visant à établir un lien entre la responsabilité de l'État partie à la Convention et la présence de
l'étranger sur le territoire national apparaît illégitime472.

En outre, en ce qui concerne la relation entre non-refoulement et extradition, le HCR a rappelé


qu'une interdiction de la remise de l'étranger (en présence d'un risque de persécution), inspirée de
l'article 33, par. 1, est reproduit dans de nombreux traités de coopération judiciaire en matière
pénale (tels que la Convention européenne d'extradition473). De fait, la protection contre le
refoulement, sous peine de persécution, ne peut s'étendre qu'aux demandes d’extradition474.

En fin de compte, pour le HCR, "lorsque les réfugiés – ou les demandeurs d'asile qui peuvent
être des réfugiés – sont soumis, directement ou indirectement, à de telles mesures de retour. Que
ce soit sous forme de rejet, d'expulsion ou autrement vers des territoires où leur vie ou leur liberté
sont menacées475. Et ce, indépendamment du fait que "les territoires où leur vie ou leur liberté sont
menacées" sont ceux du pays d'origine ou de la résidence habituelle, pour les apatrides, voire d'un
pays tiers, d'où ils risquent d'être refoulés476, ainsi que de la nature étatique de l'agent
persécuteur477.

L’importance de cette définition du non-refoulement réside ainsi dans le fait qu’elle constitue
une interprétation faisant autorité des obligations découlant de la Convention de Genève.
Parallèlement, elle élargit la portée pour adapter la protection aux temps qui changent. Du point de
vue argumentatif et méthodologique, l’extension du contenu et de la portée de l’interdiction de
refoulement a été obtenue, en puisant profondément dans l’évolution de la jurisprudence

471 UNHCR, Advisory Opinion on the Extraterritorial Application of Non-Refoulement, cit., par 43: «the decisive criterion [of jurisdiction] is not
whether such persons are on the State’s territory, but rather, whether they come within the effective control and authority of that State».
472 UNHCR, Advisory Opinion on the Extraterritorial Application of Non-Refoulement, cit., par. 29: «Furthermore, any interpretation which construes

the scope of Art. 33 (1) of the 1951 Convention as not extending to measures whereby a State, acting outside its territory, returns or otherwise transfers refugees to a
country where they are at risk of persecution would be fundamentally inconsistent with the humanitarian object and purpose of the 1951 Convention and its 1967
Protocol»
473 HATHAWAY, The Rights of Refugees, cit., pp. 160-171;
474 KOH, Reflections on Refoulement and Haitian Centers Council, HILJ, vol. 35, 1994, p. 1
475 WOUTERS, DEN HEIJER, The Marine I Case: a Comment, IJRL, vol. 22, 2010, p. 1 ss.
476 UNHCR, Resettlement Handbook, 2004, cap. 4.
477 UNHCR, Agents of Persecution – UNHCR Position, 14 March 1995.

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internationale en matière de droits de l’Homme concernant l’interdiction de l’expulsion


d’étrangers.

L’argumentation du HCR est précisée notamment dans l’avis consultatif sur l’application
extraterritoriale du principe de non-refoulement de 2007478. Après avoir analysé ici le concept de
compétence extraterritoriale formulé par la Cour internationale de Justice dans le “ Legal
Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory , il a tenté
d’examiner la pratique du Comité des Nations Unies contre la torture et la jurisprudence des
organes de contrôle créés par les traités régionaux sur les droits de l'homme479, pour conclure ainsi
que :

«[T]he reasoning adopted by courts and human rights treaty bodies in their authoritative
interpretation of the relevant human rights provisions is relevant also to the prohibition of
refoulement under international refugee law, given the similar nature of the obligations and the
object and purpose of the treaties which form their legal basis»480

De fait, la subsomption dans ce qui est défini comme le "principe" de non-refoulement des
normes de protection, élaborée en relation avec l'interdiction du rejet au risque de torture dans le
cadre du droit international des droits de l'Homme, découlerait de la “similar nature of the
obligations and the object and purpose of the treaties which form their legal basis”.

Maintenant qu’on a appréhendé les conséquences juridiques de l'affirmation, sur lesquelles


nous reviendrons plus tard, il est évident qu'en reconstruisant les "contours" du non-refoulement et
en clarifiant certains profils nébuleux en relation avec le contenu et l'étendue de la protection. Il
s'ensuit que le HCR est allé bien au-delà de l'obligation contractuelle énoncée à l'article 33 de la
Convention de Genève. Ainsi, non seulement il a "emprunté" la pratique des traités de droits de
l'Homme par les organes conventionnels, mais il a également intégré l'évolution de la
réglementation régionale dans le droit des réfugiés, comme dans le cas de la pratique africaine
consistant à étendre la protection contre le refoulement aux disques compacts. C’est le cas
notamment du "Déplacé", cas analysé dans le paragraphe suivant.

478 UNHCR, Advisory Opinion on the Extraterritorial Application of Non-Refoulement, cit. par. 37.
479 KLUG, HOWE, The Concept of State Jurisdiction and the Applicability of the Non – refoulement Principle to Extraterritorial Interception
Measures, in RYAN, MITSILEGAS (eds.), Extraterritorial Immigration Control. Legal Challenges, Leiden, 2010, p. 69 ss., spec. a p. 88
480 UNHCR, Advisory Opinion on the Extraterritorial Application of Non-Refoulement, cit., par. 42, p. 503.

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Paragraphe 2. Extension du mandat du HCR aux personnes déplacées

Comme il a été mentionné dans le paragraphe précédent, un exemple typique de l'expansion


dynamique du mandat du HCR considère les personnes qui font partie des flux massifs de
populations, lesquelles fuient des conflits armés ou des événements qui ont déformé en tout ou en
partie l 'ordre public du pays d'origine, de la nationalité ou de la résidence habituelle481.

La nécessité d'adapter le mandat du Haut-Commissariat historique aux défis contemporains de


déplacement a été mis ainsi en lumière par le groupe d'étude du Comité exécutif. Celui-ci a été mis
en place dans les années soixante à faire rapport sur l'évolution du mandat du Haut-Commissariat
au cours de la précédente482 quarante ans. Dans les conclusions du groupe, le problème de
l'importance internationale supposée déplacée de l'hypothèse que chacun des membres d'un groupe
dissident pourrait être considéré, à première vue, un réfugié et doit être protégé contre le risque de
refoulement, jusqu'à ce test contraria483. Comme l'a rappelé justement le Comité exécutif du HCR,
en ces termes : “ [i] n [tous les cas d'afflux à grande échelle] le principe fondamental de non-
refoulement - y compris les non-refoulement à la frontière - doit être scrupuleusement respectée”
484
.

En pratique, il s'ensuit de ce qui précède que l'État, touché par un afflux massif et systématique
de réfugiés ou de personnes déplacées, devrait examiner la situation individuelle de chacun des
membres du groupe. Si l'État hôte ne peut pas ou ne veut pas accepter les demandes d'asile reçues.
La "réinstallation" ou le "transfert direct" (réinstallation ou établissement dans un pays tiers), qui
prévoit l'exécution d'une procédure exceptionnelle, coordonnée par le Haut-Commissariat
conformément à l'art. 9 de son statut, selon lequel les personnes déplacées sont transférées de l'État
de première réception à un État tiers qui accepte cette responsabilité.

Cette dernière procédure a, comme nous l'avons d’ailleurs justement démontré, un caractère
exceptionnel, dans le but de considérer que L’extension du mandat du HCR aux personnes
déplacées (et leur qualification en tant que réfugiés prima facie). De fait, en vertu du devoir de

481 CULLEN, The Concept of Non-International Armed Conflict in International Humanitarian Law, Cambridge, 2010.
482 Note on International Protection, 25 August 1992, A/AC.96/799, parr. 14-16
483 LAUTERPACHT, BETHLEHEM, The Scope and Content of the Principle of Non-Refoulement: Opinion, cit., par. 103, p. 119: «The words

of Article 33(1) give no reason to exclude the application of the principle to situations of mass influx. On the contrary, read in the light of the humanitarian object of
the [1951 Convention] and the fundamental character of the principle [of non-refoulement], the principle must apply unless its application is clearly excluded»
484 ExCom, Conclusion No. 22, cit., par. II (A)(2).

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coopération loyale avec le HCR, les États sont tenus de garantir aux personnes fuyant les zones et
situations de conflit de troubles et de violence au moins une protection minimale contre le
refoulement. Comme l'a noté justement le Rapporteur spécial sur la question de l'expulsion des
étrangers, Kamto en ces termes :

«This goes well beyond the relevant treaty obligations. If such an obligation exists, it carries
the correlate obligation not to expel the type of “refugees” in question, namely, those who have not
yet been granted refugee status and who might therefore find themselves in the receiving territory
illegally — at least before their situation has been considered by the competent national
authorities»485.

Il convient ainsi de noter que la reconnaissance de la qualité de "réfugié" dans le flux massif
d’étrangers découle de l’impossibilité de les expulser tout en les sanctionnant pour une rentrée
irrégulière dans l’État hôte. Autrement dit, par une règle contenue à l'article 31, par. 1 de la
Convention de Genève, qui interdit l'imposition d'une sanction pénale au réfugié en cas d'entrée
irrégulière dans le pays d'accueil486. En fait, comme cela a été indiqué dans le chapitre précédent, le
système conventionnel préfigure trois types de réfugiés: les "résidents réguliers", les "légalement
présents" et les "irréguliers" n'ayant pas accès à la majorité des avantages découlant des évaluations
du statut, mais sont en même temps protégés contre le refoulement, du moins lors de l'examen de la
demande d’asile.

Cette approche a trouvé un écho favorable dans le rapport de la Commission mondiale sur les
migrations internationales, lancé en décembre 2003 à l'initiative du Secrétaire général des Nations
Unies487. Ce rapport indique justement que, dans la lutte contre l'immigration irrégulière, les États
ne sont pas dispensés de respecter les droits Humains des migrants, le droit d'asile et les principes
de la protection internationale, et ajoute ceci :

485 V. Third Report on the Expulsion of Aliens, cit., par. 69. Volume I.
486 EGGLI, Mass Refugee Influx and the Limits of Public International Law, The Hague, 2002, p. 165.
487 Resolution 58/208 of 23 December 2003 on the Institution of a High-Level Dialogue to International Migration and Development During

Its Sixty-First Session in 2006, UN Doc. A/60/205.

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«In situations of mass influx, States should consider offering the new arrivals prima facie
refugee status, a practice used to good effect for many years in Africa and developing countries in
other regions»488.

L’impact de la pratique juridique africaine, analysée au tout début de ce chapitre, sur


l’extension du mandat du HCR, a également concerné l’affaiblissement de l’importance juridique
de l’élément de la transnationalité de la migration afin de permettre à un individu de bénéficier de
la protection contre le refoulement. Cette pratique a conduit par conséquent le Haut-Commissariat
à inclure, parmi les "personnes relevant de la compétence", les groupes de réfugiés ou de personnes
déplacées vivant dans les limites territoriales de l'État d'appartenance. Cette pratique a été basée sur
le fait que, même en l'absence de compétence générale pour la protection des personnes déplacées,
l'extension du mandat à ces dernières découle de motivations humanitaires et doit du coup se faire
au cas par cas489.

Pour se constituer une idée précise sur l’ampleur du bureau du Haut-Commissaire aujourd’hui,
on peut affirmer ainsi que, selon les données fournies par l’Agence elle-même, relatives à 2012, sur
un total de plus de 45 millions de personnes obligées de migrer dans le monde, auxquelles
s’ajoutent environ trente millions de personnes déplacées à l'intérieur de leur pays190, le HCR a
assuré la protection d'environ quarante millions de personnes, dont près de quinze millions de
personnes déplacées, plus de dix millions de réfugiés, près de sept millions de personnes rapatriées
et apatrides, près d'un million de demandeurs d'asile et un autre million de sujets considérés dignes
d'être protégés490.

488 GCIM, Migration in an Interconnected World: New Directions for Action, Report of the Global Commission on International Migration,
October 2005: [www.gcim.org], cap. III, p. 40
489 Note on International Protection, A/AC.96/799, cit., parr. 14-16.
490 History of the UNHCR : [http://www.unhcr.org/pages/49c3646cbc.html].

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Section 2. Un nouveau protocole additionnel à la Convention de Genève


? Développements sur la “protection temporaire” en marge de la crise
syrienne
Cette dernière décennie, tout particulièrement, la dynamique des déplacements forcés a amené
le HCR à reconnaître que le problème des refuges est aujourd'hui de plus en plus lié à la
dynamique des conflits internes et de moins en moins aux persécutions politiques en temps de
paix491. En partant de ces prémisses, l'agence des Nations Unies a exprimé le besoin de réorienter la
perspective du droit international qui traite des réfugiés. L’objectif étant d'assurer l'efficacité de la
protection aux populations fuyant ce type de situation, à l'abri des excès de la discrétion de l'État492.

En fait, il n'existe actuellement aucun cadre régissant les formes de "protection temporaire" que
les États choisissent de mettre en place pour gérer les urgences humanitaires résultant de l'afflux
massif de réfugiés fuyant les guerres civiles493. Cependant, très souvent, ces flux sont perçus
comme une forme dangereuse de déstabilisation de la sécurité du pays d'accueil. À cet égard, la
célèbre résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies dans laquelle cet organe a exprimé sa
préoccupation devant la pression exercée sur les frontières turque et iranienne et ce, suite au
mouvement de des réfugiés kurdes fuyant l'Irak en 1991 ayant pu déstabiliser la paix et la sécurité
de toute la région494.

De plus, même lorsque la protection est reconnue au groupe de réfugiés, en raison de la


vulnérabilité qu’ils présentent à première vue, vu qu’ils fuient la guerre, elle aboutit souvent à la
reconnaissance d’un statut très limité concerne notamment l'accès aux droits, qui ne prévoit pas la
possibilité de déposer une demande d'asile. C’est d’autant plus vrai dans certaines régions du
monde, comme l’Asie et le Moyen-Orient, où le sort des réfugiés est confié à une véritable
"roulette russe"495.

Bien que les États de ces régions soient à la fois les principaux pays d'origine des flux de
réfugiés, et que les principaux pays de destination puissent être considérés comme des "États

491 UNHCR, Summary Conclusions on International Protection of Persons Fleeing Armed Conflict and Other Situations of Violence;
Roundtable 13 and 14 September 2012, Cape Town, South Africa, 20 December 2012, par. 1.
492 EDWARDS, Coping With Contemporary Conflicts: “Conflict Refugees’ and the 1951 Convention Protection Regime, 70th Course on International Refugee

Law, International Institute of Humanitarian Law, San Remo, Italy, 23 April 2013, Opening Lecture: «it is important to acknowledge that the majority of the
world’s refugees in 2013 are in fact in flight from conflict or other situations of violence, rather than from so called “peacetime persecution”».
493 DWARDS, Temporary Protection, Derogation and the 1951 Refugee Convention, Melbourne JIL, vol. 13, 2012, p. 595 ss., p. 600.
494 Conseil de Sécurité Doc. S/RES/0688(1991) cit. in ALLAIN, op. cit., pp. 543.
495 RAMJI-NOGALES, SCHOENHOLTZ, SCHRAG, Refugee Roulette: Disparities in Asylum Adjudication and Proposals for Reform, New

York, 2009.

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particulièrement touchés", nombre d'entre eux n'ont pas encore été ratifiés. la Convention de 1951
sur le statut des réfugiés et adopter des formes d'accueil, parfois classées sous l'étiquette de
"protection temporaire". Ces formes sont en réalité le résultat d'anciennes pratiques d'hospitalité
régionale et humanitaire, qui n'ont pas grande chose à voir avec le concept normatif de la
protection temporaire en tant que forme de gestion des urgences par l'octroi d'un statut de
protection des droits de l'homme fondé sur l'obligation de non-refoulement496.

Les conséquences de la persistance de ces "usages" de bon voisinage et de leur assimilation aux
formes de "protection temporaire" ont été mises en évidence à travers les mesures d'accueil
préparées par les États voisins. Et ce, à la suite de la crise des réfugiés en Libye en 2011 et en
Syrie, qui a culminé en 2013. Considérons, par exemple, la Turquie, qui a adopté un régime de
"protection temporaire" sur la base d'une conclusion du Comité exécutif du HCR adoptée en 1981
pour faire face aux conséquences de la crise humanitaire indochinoise dans les années 1970. Par
ailleurs, lors de la récente crise syrienne, les États européens ne montrent pas de meilleures
performances d'accueil des pays voisins. De fait, selon les déclarations du Haut-Commissaire, ils
ont en fait tenté de contenir les arrivées de réfugiés syriens par l'adoption de politiques de "pas
d'arrivée"497.

En ce qui concerne la question syrienne, dès décembre 2012, le HCR avait invité les États
concernés par les flux à adopter une norme de traitement minimale, afin d'inspirer l'accueil des
réfugiés syriens, ce qui devrait inclure ceci :

«a. Access to the territory and to safety; b. Protection from refoulement; c. Access to the
necessities of life, including i. Adequate shelter with appropriate sanitary arrangements (whether
provided in dedicated sites or ensured through community hosting arrangements) ii. Food iii.
Health care facilities iv. Access to primary education; d. Identity documentation; e. Respect for
family unity and where needed, special protection for children, in particular those who are
unaccompanied/separated, including family tracing arrangements; and f. Respect for the principles
of non-discrimination and freedom of movement»498.

496 Roundtable on Temporary Protection, 19-20 July 2012. Summary Conclusions on Temporary Protection, 20 July 2012, International Institute
of Humanitarian Law, San Remo,
497 UNHCR Highlights Dangers Facing Syrians in Transit, Urges Countries To Keep Borders Open, 18 October 2013.
498 International Protection Considerations with regard to people fleeing the Syrian Arab Republic, Update I, December 2012, par. 5. ??

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Cependant, en l'absence d'un traité international qui crée des obligations juridiques pour les
États qui décident de le ratifier, les recommandations du HCR ont souvent été rejetées499.

Le problème de la codification de la protection temporaire au niveau international, afin d'éviter


le pouvoir discrétionnaire de l'État, en particulier en Asie, a été examiné en fait lors de la table
ronde organisée par le Haut-Commissariat et s'est tenue à l'Institut de droit humanitaire de San
Remo en juillet 2012. À l’époque, différentes stratégies visant à promouvoir le rapprochement des
pratiques nationales dans le domaine de la protection temporaire ont été évaluées, notamment :

1. La directive du « soft law », sur la base de l’adoption d’un cadre de directives générales ;
2. la directive du « hard law », consistant à promouvoir un nouveau protocole additionnel à
la Convention de Genève sur le statut de réfugié de 1951;
3. Le plan régional, qui vise à élaborer des instruments spécifiques à soumettre à l'attention
des pays asiatiques;
4. Le plan national, basé sur la tentative d'influencer les décideurs par la diffusion d'un
modèle réglementaire de protection temporaire spécialement élaboré par le HCR500.

En fait, les résultats de la table ronde ne vont pas beaucoup plus loin que les propositions liminaires
et il est nécessaire de prendre note de la pertinence du quatrième considérant du préambule de la
Convention de 1951 sur les réfugiés, dans lequel il a rappelé que «the grant of asylum may place
unduly heavy burdens on certain countries» e che il problema dei rifugiati è «international in
scope and nature and cannot therefore be achieved without international co-operation»501.

499 Refuge from Inhumanity: Enriching Refugee Protection Standards Through Recourse To International Humanitarian Law, 11-12 February
2013, Oxford, 2013, p. 2 ss.
500 Roundtable on Temporary Protection, cit., par. 29: «Should UNHCR aim for general guidelines on temporary protection, promote a protocol to the 1951

Convention, or develop regional instruments in the Middle East and/or South East Asia? Or should UNHCR draft a template/framework for regional temporary
protection arrangements or simply influence domestic legislation?».
501 EDWARDS, Temporary Protection, Derogation and the 1951 Refugee Convention

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Section 3. Développements de « Lege ferenda » ? Le problème des


réfugiés « climatiques »
Aux côtés des populations fuyant les guerres civiles et la violence interne, le changement
climatique est une autre source importante de mouvements de population forcés. Il s’agit des
réfugiés "environnementaux" ou "climatiques". Autrement dit, ceux qui fuient la famine, la
sécheresse, les tsunamis, les tremblements de terre ou les catastrophes naturelles liées au
réchauffement de la planète502.

Le changement climatique est une source de "déplacements forcés" affectant des centaines de
milliers de personnes contraintes de quitter leur foyer et leur pays pour survivre. Cette situation a
été invoquée par beaucoup, dans une perspective de lege ferenda, application de l'interdiction de
rejet.

Pour comprendre la gravité de ce problème, il suffit de penser qu’en 1995, lorsqu’il a été
reconnu pour la première fois sur la scène internationale, les réfugiés environnementaux
représentaient environ 25 millions de personnes. Alors que, comme on le sait, les réfugiés
traditionnels représentaient environ 27 millions de personnes503. Malgré les données quantitatives
en constante augmentation, le droit international reste indifférent à cette catégorie de personnes
contraintes de fuir leur pays. En fait, il n’existe pas de définition normative du réfugié
environnemental, ni de régime de protection. Comme l'a d’ailleurs récemment reconnu António
Guterres, Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, en ces termes :

«A growing number of people are uprooted by natural disasters or lose their livelihoods to
desertification, with climate change now found to be the key factor accelerating all other drivers of
forced displacement. These persons are not truly migrants, in the sense that they did not move
voluntarily. As forcibly displaced not covered by the refugee protection regime, they find
themselves in a legal void»504.

L’obstacle à la protection des réfugiés climatiques dans le cadre réglementaire du système de


Genève peut être considéré comme étant génétique. C’est-à-dire en lien avec la configuration du
502 MCADAM, Climate Change Displacement and International Law: Complementary Protection Standards, Division of International
Protection, UNHCR, Geneva, May 2011
503 MYERS, Environmental Refugees: An Emergent Security Issue, 13th Economic Forum, Prague, 23- 27 May 2005,
504 UNHCR, Statement by Mr. António Guterres, United Nations High Commissioner for Refugees Intergovernmental Meeting at Ministerial

Level to Mark the 60th Anniversary of the 1951 Convention relating to the Status of Refugees, 2011.

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réfugié en tant que "victime" d'un "comportement persécuteur" (et donc digne d'être protégé), qui
ne peut pas trouver la justice dans le pays d'origine (et donc méritant une protection internationale).

Comme l'ont souligné d’ailleurs les rédacteurs de la Convention de Genève, lors des travaux
préparatoires, la définition classique du réfugié, en plus de ne pas couvrir toutes les situations dans
lesquelles un étranger est "victime" d'une persécution de la matrice humaine et clairement
identifiable "ne faites référence aux réfugiés, par exemple, car il est difficile d'imaginer qu'il y ait
des incendies, des inondations, des tremblements de terre ou des éruptions volcaniques, par
exemple, différenciés entre leurs victimes en fonction de la race, de la religion ou de l'opinion
politique »505. On sera ainsi devant un raisonnement inapproprié , même s’il était possible de
distinguer entre les catastrophes naturelles provoquées par l’homme et celles dans lesquelles la
responsabilité humaine ne peut en aucun cas être mise en cause, la protection de ceux qui fuient des
catastrophes humaines au sein de la société. Ceci étant, la Convention de Genève ne pourrait pas
tout de même être prouvée que le déposant a été individuellement touché par les conséquences du
changement climatique.

En outre, même si un régime international de protection des « réfugiés climatiques » était mis
en place, il y aurait toujours des personnes qui fuyaient leurs pays pour d’autres raisons et qui
seraient toujours exclues de la protection, à moins que l'exigence fondamentale en matière de
migration transnationale ne soit annulée, comme c’est le cas lors des catastrophes naturelles.

Encore une fois, sur un plan théorique, cela pourrait aider à une interprétation extensive de la
notion de réfugié contenue dans la Convention africaine, discutée ci-dessus. Comme nous l’avons
vu auparavant, ce traité étend la notion de "réfugié" aux personnes réfugiées en raison de “events
seriously disturbing the public order”. Ainsi, si les catastrophes naturelles devaient être comprises
comme des événements susceptibles de déstabiliser l’ordre public, la protection pourrait être
étendue aux réfugiés «climatiques».

En effet, cette interprétation clé est très faible, non seulement à partir de la notion typique de
"notion d'ordre public" , mais aussi parce que la référence aux "événements contraires à l'ordre
public" figure dans une liste de situations factuelles dont les risques pour l’individu relèvent de la
matrice humaine(“external aggression, occupation, foreign domination”). Ceci est d’autant plus

505 Verdict de l’UN Document classé. A/CONFIGURATION 2/Serie.22, n°6

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vrai que rien dans l’expression «suggest[s] that victims of natural disasters or economic misfortune
should become the responsibility of the international community»506.

Par ailleurs, même si cette extension de la notion de réfugié dans la Convention africaine était
considérée comme méthodologiquement viable, elle ne serait en aucun cas soutenue par la pratique
régionale. En fait, bien que dans de nombreux épisodes, les États africains voisins aient offert un
refuge aux personnes frappées par des catastrophes naturelles, il est vrai que ces États ont toujours
pris soin de ne pas faire référence au dictat conventionnel pour justifier leur décision d'accorder
l'asile507. Aussi le Haut-Commissariat pour les réfugiés qui, intervenant dans des situations de
catastrophes naturelles en faveur de la population autochtone en fuite, a pris le soin de préciser que
ces interventions ne relevaient pas de leur mandat officiel, mais constituaient des opérations
d'assistance humanitaire, limité dans le temps et déployé à la demande du Secrétaire général des
Nations Unies508.

Dans le cadre du droit des réfugiés, l’absence de solution n’élimine cependant pas le problème
ni l’urgence. Tout d’abord, d’établir des formes stables de coopération entre les États qui
"subissent" la catastrophe naturelle et ceux qui "endurent" l'arrivée de réfugiés fuyant les mêmes.
En conséquence, lorsque l'événement naturel catastrophique prive un peuple de ses propres moyens
de subsistance, le problème interne tend inévitablement à l'internationalisation509. Comme l'a
souligné d’ailleurs à juste titre le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies en ces termes :

«Climate change-related impacts have a range of implications, both direct and indirect, for the
effective enjoyment of human rights including, inter alia, the right to life, the right to adequate
food, the right to the highest attainable standard of health, the right to adequate housing, the right
to self-determination and human rights obligations related to access to safe drinking water and
sanitation [and] these implications [...]will be felt most acutely by those segments of the population
who are already in vulnerable situations owing to factors such as geography, poverty, gender, age,
indigenous or minority status and disability»510.

506 HATHAWAY, The Law of Refugee Status, cit., p. 17.


507 EDWARDS, Refugee Status Determination in Africa, AJICL, vol. 14, 2006, p. 204
508 Note on International Protection, UN Doc. A/AC.96/1008, 4 July 2005, par. 36
509 Report of the Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights on the Relationship Between Climate Change and

Human Rights, UN Doc. A/HRC/10/61, 15 January 2009.


510 Human Rights Council Resolution 10/4. Human Rights and Climate Change, UN Doc. A/HRC/RES/10/4, 25 March 2009, c

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Dans ces cas de figure, la coopération internationale est nécessaire car «in no case may a people
511
be deprived of its own means of subsistence» . Par exemple, dans l'Union européenne, l'impact
du changement climatique sur les flux migratoires a été explicitement reconnu dans le livre blanc
de la Commission sur l'adaptation au changement climatique. Celle-ci prévoit ainsi des formes de
coopération avec les pays les plus touchés. En outre, dans une résolution du Parlement européen
sur le livre blanc, il a été noté que le changement climatique pouvait déclencher des migrations à
grande échelle en provenance de régions qui constituent déjà le point d'origine des flux migratoires
vers l'Europe. Par ailleurs, l'accent a été mis sur possibilité de prendre en compte le problème de la
migration climatique dans la planification à long terme des politiques d'aide au développement.

Toutefois, les difficultés relatives à ce processus réglementaire ne sont pas rares. Ces difficultés
sont apparues, par exemple, dans les travaux de la Commission de droit international sur la
protection des personnes en cas de catastrophe512. D’où la question de la coopération internationale
pour la gestion des réfugiés fuyant des catastrophes naturelles n’est pas suffisamment traitée513.

En effet, il faut bien reconnaître que la notion juridique de "réfugiés du climat" inclut des
individus unis uniquement par l'impossibilité de rentrer chez eux pour des raisons
environnementales. Et même si on projette de créer un cadre international spécial pour les protéger,
le problème serait donc de limiter la protection aux cas d'impossibilité objective de retour (liés par
exemple à l'élévation du niveau de la mer pour les États insulaires, ce qui peut entraîner les réfugiés
climatiques, en fait apatrides) ou pour les étendre aux cas où il n’existe qu’une sorte de difficulté
environnementale (par exemple dans les cas où le territoire indien est retiré du fait de la
désertification ou de la pollution de l’aquifère) .

Dans le premier cas de figure, c'est-à-dire lorsque les catastrophes naturelles compromettent la
survie même des peuples autochtones, on peut, en réalité, voir dans cette "menace" suffisamment
grave pour justifier l'accueil et le non-refoulement dans d'autres pays514. En ce sens que l'appel du

511 Human Rights and Climate Change, cit. cons. 8: «Recognizing also that climate change is a global problem requiring a global solution, and
that effective international cooperation [...] is important in order to support national efforts»
512 ZORZI GIUSTINIANI, The Works of the International Law Commission on ‘Protection of Persons in the Event of Disasters’. A Critical

Appraisal, in DE GUTTRY et al. (eds.), op. cit., p. 65 ss.


513 Protection of persons in the event of disasters. Texts and titles of draft articles 5 bis, 12, 13, 14 and 15, provisionally adopted by the

Drafting Committee from 5 to 11 July 2012, Sixty-fourth session, Geneva, 7 May–1 June and 2 July–3 August 2012, UN Doc. A/CN.4/L.812,
12 July 2012
514 BETTS, Survival Migration Failed Governance and the Crisis of Displacement, Ithaca, 2013.

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Haut-Commissariat ne pourrait être lu sans un rapatriement forcé des personnes fuyant le tsunami
qui a frappé de nombreux États asiatiques en décembre 2004515.

Ceci étant démontré dans le chapitre précédent, la notion de "menace", au sens de l'article 33 de
la Convention de Genève, et celle de "persécution" de l'article 1, let. (A), par. 2 du traité lui-même
sont largement assimilables l’une avec l’autre. Par conséquent, même si les effets d’une menace
résultant de catastrophes naturelles sur l’individu étaient similaires à ceux résultant d’une menace
de persécution, qui compromet la vie et la sécurité, l’hypothèse de l’extension de la protection aux
réfugiés climatiques sur la base d'une interprétation évolutive de la notion de "menace" en droit des
réfugiés, il n'est pas prévisible. Et pour cause, l'origine de la menace ne peut en aucun cas être
identifiée sous une forme de persécution traditionnelle - résultant d'un comportement actif ou omis
de l'État d'origine.

À la fin de cette analyse, qu’il s’agisse d’une interprétation extensive du concept de réfugié ou
de la volonté de "repousser" la protection contre le refoulement, l’inclusion des réfugiés
climatiques dans le lot des bénéficiaires de la protection internationale semble juridiquement et
techniquement irréalisable. Tout au plus, cet objectif pourrait être atteint par une extension de la
notion de "traitement inhumain et dégradant" au fondement de la protection contre l'éloignement
d'étrangers dans le cadre des droits de l'homme516.

Par ailleurs, selon la pratique des organes conventionnels universels et régionaux sur les droits
de l'homme517, la protection contre le refoulement a été étendue précisément aux effets potentiels
de l'aliénation sur l'individu. Cependant, on dira également que les organes de traités sur les droits
de l'homme traités par traités ont été réticents à adopter une notion de risque interdisant
l'éloignement de l'étranger en cas d'atteinte potentielle à ses droits économiques et sociaux. Ce qui
complique du coup l'utilisation de la protection offerte par la règle interdisant le refoulement,
notamment en ce qui concerne la catégorie de réfugiés du climat518.

La question reste donc ouverte au débat juridique. En effet, la protection des réfugiés
climatiques peut tout au plus être incluse dans le système de protection temporaire. Ceci serait

515 KOLMANNSKOG, MYRSTAD, Environmental Displacement in European Asylum Law, EJML, vol. 11, 2009, p. 313 ss., p. 332. V.
516 RÖHL, Fleeing Violence and Poverty: Non-Refoulement Obligations under the European Convention of Human Rights, New Issues In
Refugee Research. Working Paper No. 111, UNHCR, January 2005;
517 KNOX, Linking Human Rights and Climate Change at the United Nations, HELR, vol. 33, 2009, p. 477 ss.
518 CASSESE, Can the Notion of Inhuman and Degrading Treatment be Applied to Socio-Economic Conditions?, EJIL, vol. 2, 1991, p. 141

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envisageable à condition que l'état de l'afflux massif soit démontré juridiquement et que la source
normative de référence ne limite pas la portée ratione personarum aux personnes fuyant les conflits
et/ou les violations massives et systématiques de leurs droits fondamentaux.

Section 4. Les risques inhérents à une formulation globale du


« principe » de non-refoulement
L'Agence des Nations Unies pour les réfugiés ne s'est pas contentée d'élargir et de préciser le
contenu et la portée de l'obligation contractuelle énoncée à l'article 33 de la Convention de Genève.
Elle a même proposé la poursuite de deux objectifs ambitieux, à savoir : le développement
progressif d'une norme coutumière ( et cogente), qui interdit le rejet, et la compression des
exceptions, prévues au par. 2 de l'article 33519.

Depuis les années 1970, puis avec une plus grande incertitude à partir du début des années
1980, le Comité exécutif a reconnu l'évolution de l'obligation, et ce, conformément à l'article 33,
par. 1 de la Convention de Genève dans un "principe" de droit international général520. Les
dispositions de ladite Convention soutenait aussi qu'un tel principe acquérait «the character of a
peremptory rule of international law» 521

Au cours des années 1990, le Haut-Commissariat a reconnu par ailleurs l'importance de


l'obligation de non-refoulement en tant que principe coutumier522, qui constitue la "pierre
angulaire" du système de protection internationale523 ("pierre angulaire de la protection
internationale"524).

519 LEWIS, UNHCR’s Contribution to the Development of International Refugee Law: Its Foundations and Evolution, IJRL, vol. 17, 2005, p.
67 ss.;
520CORKERY, The Contribution of the UNHCR Executive Committee to the Development of International Refugee Law, AILJ, vol. 13, 2006,

p. 97
521 ExCom, International Protection, Conclusion No. 25 (XXXIII), 1982; Conclusion No. 79
522 Note on the Principle of Non-Refoulement, cit., lett. B): «Because of its wide acceptance, it is UNHCR’s considered view, supported by jurisprudence and

the work of jurists, that the principle of non- refoulement has become a norm of customary international law. This view is based on a consistent State practice combined
with a recognition on the part of States that the principle has a normative character. As outlined above, the principle has been incorporated in international treaties
adopted at the universal and regional levels to which a large number of States have now become parties. Moreover, the principle has also been systematically reaffirmed in
Conclusions of the Executive Committee and in resolutions adopted by the General Assembly, thus demonstrating international consensus in this respect and providing
important guidelines for the interpretation of the aforementioned provisions».
523 Note on International Protection, 7 September 1994, A/AC.96/830, par. 15: «The provisions of the Convention remain the standard against which any

measures for the protection and treatment of refugees are judged. Its most important provision, the principle of non-refoulement contained in Article 33, is the cornerstone
of international protection».
524 Refugee Protection: A Guide to International Refugee Law, December 2001

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L'objectif de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés consistant à promouvoir le
développement progressif du principe de non-refoulement a été expressément déclaré et reconnu
par l'Agence elle-même, notamment dans un avis rendu à la Cour constitutionnelle allemande en
1994 où l’on pourrait lire ceci :

«In the exercise of his supervisory function [...], the United Nations High Commissioner for
Refugees has frequently been called upon to draw the attention of governments to the need to
respect the principle of non-refoulement or to protest to governments in those cases in which the
principle of non-refoulement has been disregarded. This action [...] has enabled the High
Commissioner closely to follow the practice of Governments in regard to the application of the
principle of non- refoulement and to contribute to the development of this principle into a rule of
international customary law»525.

En fait, il est indéniable de constater que l'action du HCR a eu une incidence sur l'application de
la Convention de Genève dans les systèmes juridiques internes des États parties, qui coopéraient
généralement avec le HCR dans l'exercice de ses tâches statutaires526. Par ailleurs, il est évident que
cette action a eu une influence positive sur l’élaboration de l’obligation coutumière de non-
refoulement.

Cependant, dans le but de surmonter, grâce à l'interprétation évolutive de la Convention de


Genève, les limites de la protection internationale qu'elle énonce. Cela s’est opéré à travers une
manœuvre qui a déduit du devoir de coopération loyale des États parties avec le Haut-
Commissariat pour les réfugiés527 et du principe d'interprétation du traité de bonne foi, obligations
juridiques imprévues528. À cet égard, les déclarations du HCR ont souvent été détachées des
données juridiques, perdant ainsi leur autorité. De plus, cette approche a favorisé une
reconstruction du principe coutumier de non-refoulement en termes globaux, par le
reconditionnement, dans le socle du principe de la pluralité de règles, et ce, afin d'interdire à l'État
l'expulsion ou la remise d’un étranger s’il risque de subir une violation grave de ses droits
fondamentaux.

525 UNHCR, The Principle of Non-Refoulement as a Norm of Customary International Law. Response to the Questions Posed to UNHCR by
the Federal Constitutional Court of the Federal Republic of Germany in Cases 2 BvR 1938/93, 2 BvR 1953/93, 2 BvR 1954/93, 31 January
1994: [http://www.refworld.org/cgi-bin/texis/vtx/rwmain?docid=437b6db64].
526 LEWIS, UNHCR and International Refugee Law: From Treaties to Innovation, New York, 2012.
527 The United Nations and the Principles of International Law: Essays in Memory of Michael Akehurst, London, 2002, pp. 103-104.
528 HA THA W A Y, Leveraging Asylum, cit., p. 506, nota 21; p. 509 e pp. 511-512

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Le problème qui sous-tend cette reconstruction du "principe" de non-refoulement est justement


qu'il s'appuie librement sur la pratique internationale en matière d'interdiction d'expulsion des
étrangers. Ceux qui sont menacés de torture et de mauvais traitements. L’objectif étant de le
ramener dans le cadre du principe de non-refoulement. Il s’agit de toutes les affaires dans
lesquelles le droit à la vie, à l'intégrité physique, à la liberté sont menacés, ainsi que dans lesquelles
il existe un risque d'être soumises à la torture et à des mauvais traitements ou à d'autres violations
graves des droits fondamentaux de l'homme529. Dit autrement, cette approche globale présuppose
l’assimilabilité des hypothèses, du degré et du type de protection contre le refoulement découlant
du droit des réfugiés et du droit international des droits de l’homme.

Pour mieux comprendre la technique utilisée par le HCR, on pourrait prendre l’exemple de la
justification de l'application extraterritoriale du non-refoulement proposée par l'Agence. Comme
nous l'avons démontré auparavant, l'extension de l'obligation, en l'espèce, a été déduite, par
analogie, de la pratique des organes de contrôle des traités relatifs aux droits de l'Homme. Cela
concerne notamment l'interprétation et les limites de compétence, sur la base de la "similitude"
nature des obligations et de l’objet des traités qui en constituent la base juridique "530. Il est donc
évident que cette approche sous-estime les conséquences juridiques du fait que, en droit des
réfugiés, l’interdiction est liée à un risque de persécution, assorti de réserves sur la base de
déterminants spécifiques et accompagné d’exceptions, tandis que dans le droit international des
droits de l’homme, l'interdiction est reconstruite en tant que garantie renforcée de l'interdiction
générale et obligatoire de "la torture et des mauvais traitements".

En effet, on doit souligner que la règle énoncée à l'article 33 de la Convention de Genève est
une disposition génétiquement "auto-limitée", en ce sens qu'elle prévoit expressément des
exceptions, au par. 2 de l'article susmentionné. Alors que, comme on l’a déjà démontré,
l'interdiction de la torture est un impératif absolu et catégorique qui, pour être observé, présuppose
l'exécution exacte de ce que la règle prescrit, sans possibilité d'équilibre ou de réconciliation avec
d'autres principes ou droits531. Par conséquent, si ces deux normes entrent dans le "principe" du
non-refoulement, il convient ainsi de conclure que seul le par. 1 de l'article 33 est devenu une règle
générale et que le par. 2 est tombé dans la désuétude.

529 Note on International Protection, UN Doc. A/AC.96/1066, cit., par. 20


530 Note on International Protection, UN Doc. A/AC.96/1066, cit., par.8
531 ALEXY, La formula per la quantificazione del peso nel bilanciamento, Ars Interpretandi, 2005, p. 97

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Cette solution pourrait de fait être considérée comme étayée par l’examen de la pratique, dans
laquelle la référence à l’exception visée à l’article 33, par. 2 est en effet rare532. Cependant, les
données issues de cette pratique n'impliquent pas que le par. 2 de l’Article 33 de la Convention de
Genève a cessé de produire des effets juridiques contraignants pour les États parties au traité.
D’autant plus que ces États n’ont pas exprimé une opinio juris claire à cet effet.

Une autre hypothèse, suggérée ici par la doctrine faisant autorité, pourrait être de "préserver"
les exceptions classiques liées à la sécurité nationale dans le cadre du "principe" de non-
refoulement. Ceci pourrait être opéré en confinant ces exceptions aux hypothèses dans lesquelles le
risque de persécution n’atteint pas un seuil aussi élevé. C’est-à-dire être comparables au risque de
torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants533. Toutefois, cette formulation omnis
definitio periculosa comprend en réalité un risque de faire deux pas en arrière dans la protection
des victimes potentielles de persécution. Et pour cause, elle libère l’exception des contraintes
strictes auxquelles elle est soumise dans la Convention de Genève534, sans toutefois identifier le
seuil de risque. risque nécessaire qu'il soit bloqué par l'interdiction de la torture.

Par conséquent, tout en ayant pris le temps nécessaire pour mettre en évidence les
chevauchements et les interconnexions existant entre les différents régimes dans lesquels
l'interdiction de refoulement535 a lieu, notre approche, pour ainsi dire "holistique", n'affecte pas
pour autant des problèmes découlant des circonstances particulières. Au-delà de l'assimilation de la
revendication, qui sous-tend toutes les règles entrant dans le "principe" du non-refoulement, elles
divergent en fonction de la structure et de la fonction de la réglementation. De plus, opérant dans
des contextes juridiques différents, ils ont produit une pratique très divergente, notamment
concernant les caractéristiques juridico-juridiques, le degré et l'efficacité de la protection, mais
aussi et surtout le caractère approprié de l'interdiction de refoulement à percevoir et à faire l'objet
d'attentes de faisabilité536.

532 M. MOHAMMED, Exclusion in International Refugee Law: 20th Century Principles for 21st Century Practice?,:
[http://www.carfms.org/sites/default/files/Mohammed.ExclusionRefugeeLaw.doc.pdf].
533 LAUTERPACHT, BETHLEHEM, The Scope and Content of the Principle of Non-Refoulement: Opinion, cit., pp. 163-164.
534 MESSINEO, op. cit., p. 151.
535 LAUTERPACHT, BETHLEHEM, The scope and Content of the Principle of Non-Refoulement: Opinion, cit., p. 106.
536 HATHAWAY, Leveraging Asylum, cit., spec. a p. 510 daffirme que: «The incongruity of the claim arises from the fact that non-refoulement is merely a

means to a protection end. The means itself can only be the subject of general acceptance within a particular context. That is, the assertion that all states accept the duty
of protection against refoulement assumes some agreement about the circumstances in which the duty is owed. Yet there is no such agreement, since the evidence of opinio
juris relied upon by Lauterpacht and Bethlehem sometimes relates to persons who have a well-founded fear of being persecuted; in other cases, to persons at risk of
torture; and in still other circumstances, to persons at risk of other forms of human rights abuse. [...] There is, in short, no common acceptance of the duty of non-
refoulement related to any particular class of persons or type of risk, much less to their combined beneficiary class».

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Ceci étant démontré, on ne peut pas y remédier non plus en faisant appel à la valeur
contraignante du principe de non-refoulement dans une perspective progressive537. Au contraire, la
tentative de "renforcer" l'approche globale de l'analyse des développements, qui ont affecté
l'interdiction de refoulement en droit des réfugiés avec l'affirmation du caractère obligatoire de
l'interdiction finit souvent par introduire un élément supplémentaire de complexité. En plus, cela se
fait sans clarifier les conséquences de la reconstruction de la valeur impérative du non-refoulement
en vue de la protection des personnes déplacées, c'est-à-dire du point de vue du Haut-
Commissariat.

Une fois encore, la question laissée en suspens concerne la détermination de la protection


exacte et de la garantie du contenu du principe, opération qui n’a pas une importance pratique
secondaire. Et pour cause, bien que prometteuse dans une perspective progressive538, la formule
globale chère au HCR peut tromper l'interprète sur l'étendue et les limites de la protection à
reconnaître en l'espèce539. En outre, l'absence d'une interprétation unifiée et non ambiguë (liée à
une pratique jurisprudentielle spécifique) des critères d'éligibilité à la protection, tels que la
"persécution" ou le "traitement dégradant".

Ce qui finit par laisser aux autorités nationales compétentes dans le domaine migratoire une
large marge de discrétion. Ajoutons à cela l’émergence de l’idée que le contenu et la portée du
principe de non-refoulement sont, au stade actuel de développement du droit international,
indéterminés. Les États, contribuent à légitimer l’adoption de politiques restrictives en matière
d’immigration et d’asile plutôt qu’une manifestation du jurinisme international.

Ainsi, au vu de ce qui précède, les véritables données juridiques finissent par être éclipsées par
l’émergence d’une norme de droit international général, dont le contenu est globalement similaire à
celui de la norme de droit admise à l’article 33, par. 1 de la Convention de 1951.

De ce qui a été dit jusqu'à présent, il ressort ainsi que la contribution du HCR à l'évolution de la
règle interdisant le refoulement a concerné à la fois l'extension du contenu de la protection, et ce
contre le rejet et le renforcement du jurini juris, notamment sur le caractère coutumier de la norme.

537 ALLAIN, op. cit.; CANÇADO TRINDADE, Aproximaciones y convergencias revisitadas, cit., p. 184:
538 CHINKIN, The Challenge of Soft Law: Development and Change in International Law, ICLQ, vol. 38, 1989, p. 850
539 CHETAIL, Le droit des réfugiés à l’épreuve des droits de l’homme: le bilan de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme

sur l’interdiction du renvoi des étrangers menacés de torture et de traitements inhumains et dégradants, RBDI, vol. 1, 2004, p. 155

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En effet, il est indéniable que les efforts du HCR ont affecté la formation d'une règle coutumière.
De fait, cela a généré l’interdiction du refoulement à travers l’acte de renverser ce qui avait été
revendiqué, il y a près de trente ans dans un document célèbre, lequel est devenu le symbole de la
querelle sur la nature de l'interdiction du refoulement. Dans ce document, on pourrait lire ce qui
suit:

«The point at which the UNHCR’s view of non-refoulement diverges from state practice is the
point at which wishful legal thinking replaced careful factual and legal analysis. The requirements
for the existence of customary international law – consistent state practice and opinio juris –
simply are not met»540.

Il convient malgré cela de préciser que la règle coutumière à laquelle il est fait référence n'est
pas le "principe" global de non-refoulement, tel que mentionné dans le paragraphe précédent, mais
plutôt l'interdiction du rejet sous peine de persécution. Bien que la doctrine qui réfute de tels
développements fasse toujours partie, même si elle fait autorité, en tant que minorité541. En plus,
l'existence d'une règle coutumière interdisant le refoulement, en présence d'une menace qualifiée
d'atteinte à l'intégrité physique et psychologique de l'étranger, l'obligation d'accord prévue à
l'article 33 de la Convention de Genève542 est à peine réfutée543.

Dans l’abrégé, faut-il bien le rappeler, la structure de l’obligation conventionnelle de non-


refoulement semble répondre aux exigences établies par la Cour internationale de Justice dans
l’affaire du plateau continental de la mer du Nord. Cela concerne l’identification des "dispositions
normatives"544 vu la fonction essentielle et vitale de cette obligation dans le système de Genève, la
clarté de son contenu normatif (du moins le purement négatif) et le fait que, aux termes de l'article
33, aucune réserve ne peut être faite par les États parties545.

Plus précisément, comme on l’a déjà démontré auparavant, l’obligation de non-refoulement a


été systématiquement reproduite dans les instruments internationaux à la suite de la Convention de
Genève. En outre, le caractère coutumier de l’obligation est de plus en plus invoqué par les États,

540 HAILBRONNER, Non-Refoulement and ‘Humanitarian’ Refugees, cit., p. 872.


541 HATHAWAY, The Rights of Refugees, cit., p. 364; ID., Leveraging Asylum, cit., p. 510
542 ICJ Reports 1969, p. 3 ss., al par. 71, ou o peut lire : «There is no doubt that this process is a perfectly possible one and does from time to time occur: it

constitutes indeed one of the recognized methods by which new rules of customary international law may be formed».
543 VILLANI, Linee di tendenza della giurisprudenza della Corte europea dei diritti dell’uomo relativa agli stranieri, cit., p. 277,
544 North Sea Continental Shelf Cases, cit., parr. 71-7
545 GOODWIN-GILL, MCADAM, op. cit., p. 345 ss.

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même si très peu de voix se détachent du choeur des acteurs internationaux qui reconnaissent
ouvertement le développement d'une "pratique générale, laquelle est acceptée comme un droit" à
partir de la règle contenue à l'article 33 de la Convention de 1951.

Outre les États parties au traité qui, comme on l'a mentionné, l'ont solennellement affirmé en
2001, les positions du HCR et du Comité exécutif ont été reflétées dans de nombreuses résolutions
de l'Assemblée générale des Nations Unies, dans lequel il est condamné ce qui suit : « the
widespread violation of the principle of non-refoulement and of the rights of refugees, in some
cases resulting in loss of refugee lives» e si afferma che «the principle of non-refoulement is not
subject to derogation »546.

S'agissant d'actes de « soft law », il faut rappeler que ces résolutions sont une manifestation non
négligeable de l'opini juris internationale, à plus forte raison, puisqu'elles ont été adoptées à
l'unanimité. Aussi, ils reflètent dans une large mesure les conclusions du Comité exécutif (un
organe intergouvernemental de composition) émanant des représentants des États qui ont «a
demonstrated interest in, and devotion to, the solution of the refugee problem»547, selon la
jurisprudence de la Cour internationale de Justice concernant l’émergence de la coutume
internationale548.

En outre, il est indéniable que, dans la reconstitution de la nature de la norme en question,


l'opinius juris des États “specially affected States” 549 par le problème des réfugiés s'est vu accorder
une importance particulière. L’objectif étant de compenser justement l'absence d'une pratique
univoque ou universelle à l'appui de la thèse. A cet égard, il faudra l’obligation de l'élaboration
d'une norme coutumière sur le non-refoulement sous risque de persécution550. Et c’est précisément
sur l’absence d’universalité dans cette pratique qu’ils s’appuient sur les thèses qui nient un tel
développement. Par ailleurs, c’est de ce fait incontestable que nous avons commencé l’analyse

546 UN Doc. A/RES/52/132, 12 December 1997, par. 12.


547 LAUTERPACHT, BETHLEHEM, The Scope and Content of the Principle of Non- Refoulement: Opinion, cit., p. 148: «With a membership
of fifty-seven states having a declared interest in the area [of refugee protection], Conclusions of the Executive Committee can, in our view, be taken as expressions of
opinion which are broadly representative of the views of the international community. This is particularly the case as participation in meetings of the Executive
Committee is not limited to, and tipically exceeds, its membership».
548 ICJ, North Sea Continental Shelf Cases, cit., p. 43, «With respect to the other elements usually regarded as necessary before a conventional rule can be

considered to have become a general rule of international law, it might be that, even without the passage of any considerable period of time, a very widespread and
representative participation in the convention might suffice of itself, provided it included that of States whose interests were specially affected».
549 CRAWFORD, The Creation of States in International Law, 2a ed., Oxford, 2006, p. 114.
550 HENCKAERTS, DOSWALD- BECK, Customary International Humanitarian Law, Cambridge, 2005.

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effectuée dans ce chapitre, en parlant justement d’un certain échec de la Conférence des Nations
Unies sur l’asile territorial551.

Cependant, il est vrai que, du moins depuis les années 80, les cas de violation substantielle de
l'obligation, y compris par les États tiers aux instruments contractuels qui la prévoyaient, se sont
multipliés, devenant en grande partie un " "justification", laquelle est fondée sur une interprétation
particulière de la même ou sur le déni de la violation alléguée552. Ce faisant, de tels cas ne peuvent
pas être utilisés à bon escient pour nier la formation d'une coutume qui interdit le rejet sous risque
de persécution553.

L’émergence d’une coutume internationale ne peut pas non plus être présumée présupposer
l’existence d’une pratique totalement concordante et convergente, puisqu’il suffit qu’elle soit
«générale»554, ce que l’on ne peut difficilement nier dans la phase actuelle du développement du
droit international 275. Le même rapporteur spécial sur l'expulsion des étrangers, Maurice Kamto, a
reconnu le caractère général de l'obligation, affirmant que «[t]he arguments drawn from universal
instruments and convergent regional rights offer a sufficient basis for codifying [the obligation to
ensure respect for the right to life and personal liberty in the receiving State of persons who have
been or are being expelled] in the context of the law on the expulsion of aliens»555.

Cette dernière affirmation renforce d’ailleurs la thèse selon laquelle l'obligation coutumière de
non-refoulement au risque de persécution est maintenant close. De fait, la pratique des États en
violation de celle-ci ne peut en aucun cas être invoquée pour étayer l'incapacité de former la norme
du droit international général, lequel reste une simple violation d’une norme coutumière
pleinement opérationnelle.

551 WORSTER, The Evolving Definition of the Refugee in Contemporary International Law, cit., p. 107 ss., spec. pp. 120- 127.
552 PERLUSS, HARTMAN, Temporary Refuge: Emergence of a Customary International Norm, VJIL, vol. 26, 1986, p. 551
553 HATHAWAY, The Rights of Refugees, cit., page 364
554 ICJ, Military and Paramilitary Activities in and Against Nicaragua, cit., par. 186: «The Court does not consider that, for a rule to be established as

customary, the corresponding practice must be in absolutely rigorous conformity with the rule. In order to deduce the existence of customary rules, the Court deems it
sufficient that the conduct of States should, in general, be consistent with such rules, and that instances of State conduct inconsistent with a given rule should generally
have been treated as breaches of that rule, not as indications of the recognition of a new rule».
555 ILC, Expulsion of Aliens. Draft Articles on Protection of the Human Rights of Persons Who Have Been or Are Being Expelled, As

Restructured, cit., nota 8, point 1.

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Section 5. Évolution du dispositif juridique relatif aux réfugiés et


demandeurs d’asile au Maroc

Le cadre juridique, politique et institutionnel national relatif à l’asile est très limité. En effet, le
Maroc ne s’est jamais doté d’une loi sur l’asile. Seul un très court décret adopté le 29 août 1957
fixe les modalités d’application de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés de 1951.
L’une des lacunes importantes de ce texte réside dans le fait qu’il ne précise pas les modalités
d’exercice de la Détermination du Statut de Réfugié (DSR), c’est à dire la procédure par laquelle
une institution nationale ou internationale cherche à déterminer si une personne, qui a déposé une
demande d’asile ou a exprimé d’une autre manière son besoin de protection internationale, est
effectivement réfugiée. Le Bureau des Réfugiés et des Apatrides qu’institue le décret, pour
accorder la qualité de réfugiés et protéger administrativement et juridiquement les réfugiés et les
demandeurs d’asile, connait pour sa part un fonctionnement très irrégulier dans le temps.

L’étude de l’évolution de l’arsenal juridique inhérent aux réfugiés et demandeurs d’asile passe par
l’analyse d’un ensemble de dispositions réglementaires, dont la loi n° 02-03, la constitution du
Maroc de 2011 et les mesures réglementaires relatifs aux droits des réfugiés et demandeurs d’asile,
à travers la vision royale et la politique nationale, qui s’est concrétisée par l’adoption de la stratégie
nationale d’immigration et d’asile (SNIA).

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Paragraphe 1. Le droit d’asile dans la loi n° 02-03

Par ailleurs, certains articles de la loi n° 02-03 adoptée en 2003 (relative à l’entrée et au séjour des
étrangers, à l’émigration et à l’immigration irrégulières) à la forte orientation sécuritaire
s’appliquent aux demandeurs d’asile et aux réfugiés. A titre d’exemple, l’article 29 est venu
consacrer dans la loi le principe de non refoulement en vertu duquel un réfugié ne peut être expulsé
vers un État où sa vie ou sa liberté peuvent être menacées.

En plus d’être limité, le cadre juridique en vigueur relatif à l’asile n’est pas conforme à la
Convention de Genève et à la réalité des demandeurs d’asile. En effet, l’alinéa 5 de l’article 17 de
la loi n° 02-03 impose que la délivrance de la carte de résidence aux personnes réfugiées soit
soumise à la condition de régularité d’entrée sur le territoire marocain556. Cet article de loi est en
contradiction avec la Convention de Genève de 1951 et en particulier avec l’alinéa 1 de l’article 31
en vertu duquel les réfugiés disposent d’une immunité pénale quant à leur entrée irrégulière sur le
territoire de l’État dans lequel ils formulent une demande d’asile557.

Par ailleurs, en raison du fonctionnement irrégulier du Bureau des Réfugiés et Apatrides (BRA)558,
l’enregistrement des demandes d’asile et l’octroi de la protection internationale par les autorités
marocaines n’a pas été possible durant de longues périodes et notamment entre 2004 et 2013. Pour
faire face à cette situation, c’est le HCR qui se charge depuis 2007 de la détermination du statut de
réfugié. Cette procédure semble encore opaque vu que les recours des personnes déboutées sont
instruits par le HCR.

Paragraphe 2. Le droit d’asile dans la constitution marocaine de 2011

556 « Sous réserve de la régularité du séjour et de celle de l’entrée sur le territoire marocain, et sauf dérogation, la carte de résidence est délivrée :
[…] 5- à l’étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du décret du 29 août 1957 fixant les modalités d’application de la
Convention (de Genève), ainsi qu’à son conjoint et à ses enfants mineurs ou dans l’année qui suit leur majorité civile ». (Article 17 de la loi n°02-
03)
557 « Réfugiés en situation irrégulière dans le pays d’accueil. Les États contractants n’appliqueront pas de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour

irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée au sens prévu par l’article premier, entrent ou se trouvent sur leur
territoire sans autorisation, sous la réserve qu’ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence
irrégulières » (Alinéa 1 de l’article 31 de la Convention de Genève de 1951)
558
Depuis le 4 décembre, les audiences de la Commission interministérielle au Bureau des réfugiés et apatrides (BRA) ont repris, permettant à
nouveau aux réfugiés d'obtenir une carte de réfugié puis un titre de séjour au Maroc. Une situation bloquée depuis mars 2017.

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La Constitution de 2011 est venue consacrer le principe de primauté du droit international sur le
droit interne559. Ainsi, dans son article 30, le texte constitutionnel exige la définition des conditions
d’octroi de l’asile par le biais de la loi560. Deux ans plus tard, le CNDH a recommandé au
gouvernement pour l’instauration d’un système national de l’asile conforme au texte
constitutionnel561. Or le ministère de l’Intérieur a publié un arrêté en date du 13 février 2012 pour
préciser les modalités d’application de l’article 17 de la loi n° 02-03 sans dispenser les réfugiés de
la condition de régularité d’entrée sur le territoire marocain.

Parallèlement à cela, une commission présidée par la Délégation Interministérielle aux Droits de
l’Homme (DIDH) a été désignée par le gouvernement le 17 septembre 2013 pour élaborer le projet
de loi d’asile n° 26-14 (toujours en instance) qui doit permettre l’instauration d’un système national
d’asile. Un communiqué officiel a simplement indiqué que l’approbation du projet de loi a été
reportée « en vue d’approfondir l’étude de ce texte eu égard à son importance »562.

L’avant-projet de loi n’a pas été rendu public par le Secrétariat Général du Gouvernement et son
contenu demeure un sujet de controverses et de tergiversations qui s’inscrit dans un long processus
censé donner corps à un cadre juridique de l’asile, comme le démontre le tableau chronologique ci-
après :

559 « […] le Royaume du Maroc, […] réaffirme […] et s’[…] engage : […] accorder aux conventions internationales dûment ratifiées par lui, dans le
cadre des dispositions de la Constitution et des lois du Royaume, dans le respect de son identité nationale immuable, et dès la publication de ces
conventions, la primauté sur le droit interne du pays, et harmoniser en conséquence les dispositions pertinentes de sa législation nationale. »
(Préambule de la Constitution marocaine)
560 « Les conditions d’extradition et d’octroi du droit d’asile sont définies par la loi ».(Article 30 de la constitution)
561 « Mettre en place un dispositif juridique et institutionnel national de l’asile, qui se fonde d’une part sur les principes énoncés dans le préambule de la constitution marocaine

de 2011, et qui organise d’autre part le statut du réfugié au Maroc et les conditions de l’exercice du droit d’asile reconnu dans l’article 30 de la constitution ». (CNDH,
09/09/2013)
562 (MAP, 16/12/2015).

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Tableau 1 ; Chronologie de l’évolution juridique du droit d’asile au Maroc

7 novembre 1956 : Ratification par le Maroc de la Convention de Genève


relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951.
29 août 1957 : Décret n° 2-57-1256 fixant les modalités d’application de la
Convention relative au statut des réfugiés et création du Bureau des Réfugiés
et des Apatrides (BRA).
11 novembre 2003 : adoption de la loi n° 02-03 relative à l’entrée et au séjour
des étrangers au Maroc, à l’émigration et à l’immigration irrégulières.
2004 : Suspension des activités du Bureau des Réfugiés et des Apatrides.
20 juillet 2007 : Signature d’un accord de siège entre le Maroc et le HCR.
13 février 2012 : Arrêté du ministre de l’intérieur n° 505-12 fixant les
documents devant être produits pour bénéficier des dispositions de l’article 17
de la loi n° 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du
Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulière.
9 Septembre 2013 : Publication des conclusions du rapport thématique relatif
à la situation des migrants et des réfugiés au Maroc élaborées par le Conseil
National des Droits de l’Homme (CNDH).
10 Septembre 2013 : « Hautes orientations » royales au gouvernement pour
procéder à l’élaboration d’une politique globale en matière d’immigration et
d’un plan d’action opérationnel.
17 septembre 2013 : Création par le gouvernement d’une commission en
charge de la régularisation des réfugiés statutaires du HCR ainsi que d’une
autre commission chargée d’élaborer un projet de loi sur l’asile.
25 septembre 2013 : Réouverture du Bureau pour les Réfugiés et les
Apatrides auquel siège la commission chargée de la régularisation des
réfugiés statutaires du HCR et début de la première opération de
régularisation des réfugiés.
21 novembre 2013 : Fin du traitement des dossiers de demandeurs d’asile

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reconnus par le HCR. Sur les 853 réfugiés reconnus par le HCR, 545
demandes déposées ont été étudiées, et 537 ont été acceptées. Les 8 cas
restants sont des enfants de couples mixtes qui sont donc marocains de jure.
23 janvier 2014 : Début de la deuxième phase de l’opération de régularisation
des réfugiés statutaires reconnus par le HCR devant se poursuivre jusqu’à
l’adoption de la loi relative à l’asile.
Mars 2014 : Déclaration de la Délégation Interministérielle aux Droits de
l’Homme qui préside la commission chargée de l’élaboration du projet de loi
sur l’asile annonçant avoir terminé sa mission.
18 décembre 2014 : Adoption par le conseil du gouvernement de la Stratégie
Nationale d’immigration et de l’Asile (SNIA).
16 décembre 2015 : Inscription de l’adoption du projet de loi sur l’asile à
l’ordre du jour du conseil de gouvernement avant son retrait le jour même.
Avril 2017 : Suspension des auditions du BRA.
17 avril 2017 : Un groupe de demandeurs d’asile syriens bloqué à la frontière
entre le Maroc et l’Algérie au niveau de Figuig provoque une crise
diplomatique entre les deux États voisins.
Décembre 2018 : Reprise des activités du BRA.

Paragraphe 3. Mesures réglementaires relatives au droit d’asile

L’action du gouvernement tend à permettre de statuer sur les demandes d’asile des réfugiés
statutaires du HCR auditionnés par le BRA. Le CNDH a formulé dans son rapport un certain
nombre de recommandations à l’adresse du gouvernement, à commencer par la reconnaissance
effective du statut de réfugié délivré par le HCR à travers la délivrance de titres de séjour.

Le 17 septembre 2013, le gouvernement a décidé de créer une commission qui siège au BRA, en
vue de régulariser les réfugiés statutaires du HCR. Une première opération conduite du 25
septembre au 21 novembre 2013 a permis la reconnaissance de l’asile et la régularisation de la
situation administrative de l’ensemble des 537 réfugiés alors reconnus par le HCR après avoir été
auditionnés par le BRA. Parmi ces réfugiés, le BRA a régularisé la majorité des demandes traitées,
dont la plupart ont été soumises par des Syriens (45%) (voir le schéma 1 ci-dessus)563.

563
OXFAM, note d’information sur l’état des migrations entre l’Afrique et l’Europe, octobre 2020. (www.oxfam.org).

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Figure 1. Répartition par nationalité des réfugiés reconnus par le BRA de la première
opération de régularisation des réfugiés (2016)

Une seconde opération a été lancée le 23 juillet 2014 et est censée se poursuivre jusqu’à
l’instauration d’un système national d’asile. Cette opération a permis de régler tous les dossiers des
réfugiés statutaires du HCR, à l’exception systématique des ressortissants syriens. Plus de 1 500
réfugiés syriens statutaires du HCR564 sont dans cette situation depuis plusieurs années. Ils sont
considérés par les autorités marocaines comme des demandeurs d’asile et sont donc juridiquement
protégés du risque de refoulement565.

Cependant, ces derniers ne disposent pas de titres de séjour leurs permettant de contracter
librement pour l’exercice d’une activité professionnelle ou la location d’un logement. En l’absence
de loi qui engage les autorités à statuer sur les demandes d’asile sous un délai défini, la situation de

564Estimation communiquée par un membre de la commission du BRA en avril 2019.


565Il est à noter par ailleurs que durant la première opération de régularisation, aucun ressortissant syrien n’a été référé par le HCR à la commission
du BRA pour y être auditionné

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ces personnes risque de perdurer encore. Pour cette raison et vu la précarité qu’ils connaissent, il
est urgent pour les autorités statuent leurs demandes d’asile.

À la fin de 2014 – date finale de l'opération exceptionnelle de régularisation – le nombre de


demandes de régularisation validées a atteint 17 916 sur un total de 27 332566, soit un taux de
satisfaction de 65 % et un peu plus du tiers des 45 000 régularisations annoncées comme objectif
de l'opération. En ce qui concerne l'asile, le HCR a reconnu relativement peu de réfugiés au Maroc.
Il y avait 643 réfugiés reconnus par le HCR parmi 2 937 demandeurs d'asile en instance567. Selon
le dernier rapport du HCP datant de 2021, Plus de la moitié des réfugiés sont Syriens plus d’un
refugié́ sur 2 au Maroc (54,4%) est d’origine Syrienne. Très loin en deuxième position, viennent les
Yéménites avec une part de 12,3%, suivis des Centrafricains avec 9,9%, des Ivoiriens avec 4,5%,
des ressortissants de la RDC (2,2%) et des Camerounais (1,9%)568. D’où l’engagement du royaume
dans la mise en place d’une politique nationale en matière de protection des réfugiés et demandeurs
d’asile.

Section 6. Politique nationale en matière de protection des réfugiés et


demandeurs d’asile

L’étude de la politique nationale relative à la régulation de la question des réfugiés et demandeurs


d’asile se propose de traiter la question en deux points : le premier renvoie à la vision royale
inhérente à la question des réfugiés, alors que le second point est intrinsèquement lié à l’adoption
de la Stratégie Nationale d’Immigration et d’Asile (SNIA).

Malgré les efforts et le soutien financier visant la modernisation de la gouvernance de la migration,


les législations sont archaïques et orientées vers une approche sécuritaire. Parallèlement à cela, le
gouvernement s’est voulu réactif en créant une commission interministérielle avec pour mission la
refonte du dispositif juridique et institutionnel de l’immigration et de l’asile.

566 Voir le processus de Rabat webpage Towards a new Moroccan immigration policy, http://www.
processusderabat.net/web/index.php/news-and-events/towards-a-new-moroccan-immigration-
policy
567 UNHCR, Morocco Factsheet, 1 April 2015, http://www.unhcr.org/4c907df39.pdf. See also Human Rights Watch, Abused and

Expelled. Ill-Treatment of Sub-Saharan African Migrants in Morocco, 10 February 2014, p. 48,


http://www.hrw.org/node/122527/section/10
568 Haut-commissariat au Plan, La migration forcée au Maroc, résultats de l’enquête nationale de 2021, p.8

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En avril 2015, un premier projet de loi 27-14 relatif à la lutte contre la traite des êtres humains fut
préparé puis adopté en conseil de gouvernement. Pour la première fois, le législateur a reconnu la
criminalisation de la traite des êtres humains, ainsi que les mécanismes opérationnels pour la
protection et l’assistance aux victimes. A cela, il faudra ajouter le projet de loi 95-14 relatif à la
migration qui réglemente l’entrée et le séjour des étrangers au Maroc et qui devrait en principe
abroger l’ancienne loi 02-03. Cadrant avec le droit et les conventions internationales, cette loi
consacre les droits et les obligations des étrangers en ces termes : « le principe de l’encouragement
de l’intégration des étrangers et la coexistence des citoyens marocains et des étrangers sur la base
des valeurs humaines ainsi que le respect et la tolérance mutuelle ».

Ajoutons à ce dispositif juridique le projet de loi 26-14 relatif à l’asile (toujours en instance) visant
la protection des étrangers en situation de danger à cause de leur nationalité, leur race, leur religion
ou leurs convictions politiques. Dans le même sens, le législateur a décidé de créer une instance
nationale pour les réfugiés et les apatrides, ainsi que la reconnaissance aux réfugiés des droits
prévus par la Convention de Genève, notamment le droit au séjour, au regroupement familial ainsi
que le droit d’exercer une activité professionnelle569.

Paragraphe 1. Le droit d’asile selon la nouvelle vision royale

C’est dans cet esprit, et probablement en réaction à un documentaire de la BBC diffusé le 4


septembre 2013, où le Maroc a été accusé de « violations des droits de l’homme sur les
migrants »570 que le roi Mohamed VI a rencontré, le 10 septembre 2013, son ministre de l’Intérieur
et quelques représentants des droits de l’homme (au sein du Conseil national des droits de
l’Homme - CNDH) pour initier une nouvelle « politique de migration et d’asile » pour les résidents
étrangers du royaume, en particulier les migrants illégaux571. La Guinée, mais aussi les réfugiés de
Libye et de Syrie. La nouvelle politique migratoire devait comporter trois éléments principaux :

569 OXFAM, note d’information sur l’état des migrations entre l’Afrique et l’Europe, octobre 2020. (www.oxfam.org).
570 Paul Mason, “Morocco accused of human rights breaches over migrants”, in BBC News, 4 September 2013,

http://www.bbc.com/news/business-23959892
571 Même si des porte-parole officiels et des médias publics ont joint cette initiative à un reportage sur la question de la migration irrégulière

publié par la CNDH, des observateurs ont dû lier cette initiative au documentaire de la BBC

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- une activité exceptionnelle de régularisation des immigrants, réalisée en 2014 (cette


opération devait bénéficier à près de 45 000 migrants);
- des pouvoirs plus étendus seront accordés au HCR pour accorder le droit d'asile à un nombre
plus important de demandeurs d'asile au Maroc ;
- de nouvelles lois permettant une meilleure intégration des migrants et des demandeurs d'asile
dans la vie sociale au Maroc, ainsi qu'une lutte plus marquée contre la traite des êtres
humains.

Quant aux autres objectifs de la « nouvelle initiative », le ministère en charge des Marocains vivant
à l'étranger et des affaires de migration a élaboré, en 2014, une « Stratégie nationale sur
l'immigration et l'asile ». Une telle stratégie, adoptée par un Conseil gouvernemental tenu en
décembre 2014, a pour objectif d'assurer une meilleure intégration des immigrants et une meilleure
gestion des flux migratoires dans le cadre d'une « politique cohérente, globale, humaniste et
responsable »572. Cette vision stratégique est fondée sur trois objectifs principaux :

- Faciliter l'intégration des nouveaux immigrants régularisés ;


- Mettre en place et améliorer un cadre institutionnel et réglementaire adapté ;
- Gérer les flux migratoires dans le respect des droits de l'homme573.

572 Voir le Conseil de gouvernement du jeudi 18 décembre 2014, http://www.maroc.ma/fr/actualites/ conseil-de-gouvernement-du-


jeudi-18-decembre-2014
573 ALIOUA M. & FERRIÉ J.N., La nouvelle politique marocaine de migration, UIR, Fondation Kornad-Adenauer Stiftung, 2017

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Paragraphe 2. La Stratégie Nationale d’Immigration et d’Asile (SNIA)

Le Maroc dispose d’une Stratégie Nationale d’Immigration et d’Asile (SNIA) de 2014574 visant la
régulation des politiques migratoires qui se veulent « humanistes »575 et qui aspirent cadrer avec le
droit et les conventions internationales. La stratégie a été adoptée parallèlement avec la signature
du partenariat de mobilité́ de l’Union européenne après que les médias ont dénoncé le traitement
injuste des migrants par les autorités marocaines.

Dans un second temps, le gouvernement a lancée deux programmes de régularisation des migrants
sans papiers (en 2014 et 2017) et de la délivrance de la première série de cartes de réfugiés et de
demandeurs d’asile à environ 50 000 migrants (avec la possibilité d’accéder au marché du travail)
576
, majoritairement des subsahariennes577. L’adoption de la SNIA a permis par ailleurs une aide
financière (621 millions d’euros entre 2014-2019) de la part de l’Union européenne pour appuyer
ses programmes de régulation des migrations.

Malgré ces efforts, le cadre légal fait défaut et les flux migratoires sont toujours régis par la Loi 02-
03578 qui ne garantit pas une sécurité juridique aux réfugiés et demandeurs d’asile et les expose à
davantage de vulnérabilité vu qu’ils ne bénéficient pas de l’accès à leurs droits fondamentaux579.

574 Royaume du Maroc. (2014), Stratégie Nationale d’Immigration et d’Asile. https://marocainsdumonde.gov.ma/wp-


content/uploads/2018/02/Strate%CC%81gie- Nationale-dimmigration-et-dAsile-ilovepdf-compressed.pdf. L’adoption de cette stratégie a été
accompagnée de la création du Département ministériel chargé des Affaires de la Migration, distinct du département chargé des Marocains
résidant à l’étranger, un département qui existe sous différentes formes dans d’autres pays de la région.
575 Les Discours du Roi qui a adressé un message à la Conférence Intergouvernementale sur la migration à Marrakech.

http://www.maroc.ma/fr/discours-royaux/sm-le-roi-adresse-un-message-la-conference-intergouvernementale-sur-la- migration
576 En raison des politiques marocaines qui exigent des employeurs de prouver qu’ils n’ont pas pu trouver de citoyenne marocaine pour pourvoir

un poste, l’accès à un emploi formel reste compliqué même pour les migrant-e-s régularisés. Le seul secteur du marché́ du travail auxquelles ces
restrictions ne sont généralement pas applicables est celui des centres d’appel, qui emploie de nombreux migrants et migrantes subsaharien-ne-s
pour la plupart francophones
577 Certains migrants étaient des réfugiés syrien-ne-s, qui ont utilisé la procédure de régularisation pour accélérer le processus de détermination

du statut de réfugié́, long et controversé sur le plan politique.


578 Loi n° 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulière.

http://adala.justice.gov.ma/production/legislation/fr/penal/immigration%20clandestine. Voir Conclusion et recommandations du rapport du


CNDH sur les étrangers et droits de l’homme au Maroc pour une politique d’asile et d’immigration radicalement nouvelle.
https://www.cndh.org.ma/fr/rapports-thematiques/conclusions-et-recommandations-du-rapport-etrangers-et-droits-de-lhomme.pdf
579
ALIOUA M. & FERRIÉ J.N., La nouvelle politique marocaine de migration, UIR, Fondation Kornad-Adenauer Stiftung, 2017

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a. Contexte de l’élaboration de la SNIA

Selon une déclaration du ministère des Affaires Étrangères, la Stratégie nationale de l’immigration
et de l’asile adoptée le 18 décembre 2014, qui correspond à la Journée internationale des migrants,
vise à « assurer une meilleure intégration des immigrés et une meilleure gestion des flux
migratoires, dans le cadre d’une politique humaniste et responsable ». L’élaboration de la SNIA,
qui s’est inscrit dans le cadre d’une approche participative avec l’ensemble des parties prenantes,
émane d’un diagnostic basé sur une enquête de terrain visant à saisir les besoins des populations
des migrants580. L’index d’évaluation des politiques d’intégration MIPEX (Migration Integration
Policy Index) a constitué une source d’inspiration dans le travail d’élaboration de la Stratégie581.

580
Communiqué du MCMREAM deux ans après le lancement de la SNIA, 2016.
581Cet indice mesure ce que font concrètement 97 38 gouvernements (pays de l’UE, d’Amérique du Nord et quelques autres États) pour
promouvoir l’intégration des migrants dans leurs pays. Le MIPEX se base sur un ensemble complet de 144 indicateurs très précis, dont certains
ont été pris en compte pour concevoir la stratégie.

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b. Objectifs stratégiques et bilans préliminaires de la SNIA

La SNIA s’est fixée pour objectif stratégique la gestion des flux migratoires dans le respect des
conventions internationales en vue de la mise sur pied d’un cadre juridique moderne. Le schéma
suivant, présenté le 10 septembre 2014 à l’occasion du premier séminaire-anniversaire du
lancement de la nouvelle politique migratoire, illustre les différentes étapes ayant conduit à
l’élaboration de la SNIA:

Tableau 2 : Processus de l’élaboration de la SNIA

1. État des lieux et diagnostic Vision stratégique


2. Axes et programmes stratégiques
3. Suivi, évaluation et conduite du changement
4. n COPIL 1 n COPIL 2 n COPIL 3 Rencontres 14 institutionnels 8
acteurs de la société civile Journée d’ateliers avec 31 participants 14
institutionnels 12 partenaires internationaux
5. Livrables
o Rapport de diagnostic
o Rapport de la vision stratégique
o Rapport sur les programmes opérationnels
o Rapport sur la gestion et la conduite du changement

Source : MCMREAM.

Pour répondre aux quatre objectifs fixés, la Stratégie se structure en 11 programmes distincts (7
sectoriels et 4 transverses) qui se déclinent chacun en actions opérationnelles dont le nombre total
est égal à 81. La structure même de la Stratégie révèle une ingénierie de travail que l’on pourrait
résumer dans le schéma suivant :

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Tableau 3. Structure de la Stratégie nationale de l’immigration et de l’asile Education et culture

• OSP 1 : Intégrer les immigrés et réfugiés dans le système scolaire formel et


non formel
• OSP 2 : Promouvoir la diversité des formes d’expression culturelle
• OSP 3 : Former les immigrés et réfugiés aux langues et cultures marocaines
12 actions
• OSP 4 : Intégrer les immigrés réguliers et réfugiés dans les programmes
sportifs et de loisirs destinés à la jeunesse « Jeunesse et loisirs » 4 actions
• OSP 5 : Assurer aux immigrés et réfugiés l’accès aux soins dans les mêmes
conditions que les Marocains • OSP 6 : Coordonner l’action des associations
dans le domaine de la santé 7 actions
• OSP 7 : Promouvoir le droit au logement des immigrés réguliers et réfugiés
dans les mêmes conditions que les Marocains Logement 2 actions
• OSP 8 : Apporter une assistance juridique aux immigrés
• OSP 9 : Intégrer les migrants dans les programmes de solidarité et de
développement social 5 actions Assistance sociale et humanitaire
• OSP 10 : Assurer l’accès des immigrés à la formation professionnelle
• OSP 11 : Faciliter l’intégration professionnelle des immigrés régularisés 4
actions Formation professionnelle • OSP 12 : Faciliter I’accès des immigrés
réguliers à l’emploi
• OSP 13 : Promouvoir la création d’entreprises par les immigrés réguliers
• OSP 14 : Couvrir les besoins spécifiques en main-d’œuvre Emploi 8 actions
• OSP 15 : Maîtriser les flux d’immigration selon une approche humaniste et
respectueuse des droits de I ’homme
• OSP 16 : Lutter contre la traite des êtres humains et les réseaux de trafic 6
actions Gestion des flux et lutte contre la traite
• OSP 17 : Développer la coopération internationale sur la base du principe
de responsabilité partagée • OSP 18 : Promouvoir le co-développement
• OSP 19 : Promouvoir la coopération scientifique et technique 5 actions

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Coopération et partenariats internationaux


• OSP 20 : Reconnaître le statut des apatrides
• OSP 21 : Aligner le cadre conventionnel national sur les standards
internationaux relatifs aux droits de travailleurs immigrés
• OSP 22 : Favoriser la mobilité et le retour volontaire des immigrés par la
portabilité des droits de sécurité sociale
• OSP 23 : Mettre à niveau le cadre réglementaire national 11 actions Cadre
réglementaire et conventionnel
• OSP 24 : Mettre en place un dispositif de coordination de la stratégie
nationale de l’immigration et de l’asile dans le cadre d’une gestion intégrée et
d’une responsabilité partagée
• OSP 25 : Développer la veille sur les questions migratoires
• OSP 26 : Renforcer les capacités des acteurs en charge des questions
d’immigration, d’asile et traite des êtres humains.
• OSP 27 : Informer et sensibiliser aux questions de l’immigration et de l’asile
17 actions Gouvernance et communication
NB : OSP : Objectif spécifique
Source : MCMREAM.

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CHAPITRE II. SECURITÉ JURIDIQUE DES RÉFUGIÉS ET DEMANDEURS


D’ASILE AU MAROC : UN ÉTAT DES LIEUX SUR L’ACCÉS AUX DROITS
FONDAMENTAUX

Dans ce deuxième chapitre, notre intérêt portera sur les droits sociaux, économiques et culturels
des migrants (réfugiés et demandeurs d’asile) à partir d’un état des lieux de la situation actuelle au
Maroc. Aussi, on tentera de mettre en évidence le rôle central joué par les acteurs institutionnels
(CNDH et HCR) dans la protection et le renforcement des droits et de ces populations et ce, en vue
d’éviter leur refoulement et d’assurer leur sécurité.

Le Maroc a signé et ratifié un certain nombre de conventions et d’accords bilatéraux en vue de


défendre les intérêts de ses MRE (voir tableau ci-après). Par ailleurs, l’article 31 de la constitution
marocaine dresse une liste des droits économiques et sociaux garantis par l’État, mais en les
limitant à ses citoyens et citoyennes582.

582 La constitution marocaine de 2011

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Tableau 4 : Conventions internationales ratifiées par le Maroc pour la reconnaissance des


droits de l’homme (tableau synthétique)
Textes réglementaires Statut au Maroc
Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels Ratifié en 1979
(1966)
Protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux Non signé
droits économiques, sociaux et culturels (2008)
Convention internationale sur la protection des droits de tous les Ratifiée en 1993, publication
travailleurs migrants et des membres de leur famille (en vigueur depuis officielle février 2012
2003)
Convention de l’OIT no.143 sur la liberté syndicale et la protection du Non signée
droit syndical (en vigueur depuis 1950)
Convention de l’OIT no 143 sur les travailleurs migrants (en vigueur Non signée
depuis 1978)
Convention de Genève relative au statut des réfugiés (1951) et Ratifiée en 1956, signature
protocole additionnel (1967) du Protocole de 1967 en
1971
Convention internationale des droits de l’enfant (cide) (1989) Ratifiée en 1993
Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à Ratifiée en 1993, levée des
l’égard des femmes (1979), protocole facultatif (2000) réserves et ratification du
Protocole facultatif en 2011
Convention des Nations Unies de Palerme contre la criminalité Ratifié en 2003
nationale organisée (entrée en vigueur en 2003)
Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la Ratifié en 2011
criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir
la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (entrée
en vigueur en 2003)
Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, Non ratifié
additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité
transnationale organisée (entrée en vigueur en 2004)

Depuis 2013, en réponse à la pression exercée par la société civile, l’État marocain s’est engagé à

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prendre des mesures destinées à améliorer la reconnaissance des droits des personnes étrangères
dans le pays : l’élaboration d’un cadre juridique d’asile (en phase de projet) permettant de
régulariser les personnes étrangères sans droit de séjour sur le territoire marocain.

Dans la pratique, il n’existe pas de cadre juridique clair : la loi sur le droit d’asile reste un projet
qui n’a été ni discuté ni adopté par le Parlement. Ainsi, la détermination du statut de réfugié (DSR)
a été externalisée au HCR via une commission gouvernementale ad hoc (non régulière) qui octroie
des cartes de séjour spéciales aux réfugiés. De fait, ces derniers qui disposent d’une carte de séjour
nationale peuvent être employés contrairement aux migrants583.

Le processus de régularisation est censé permettre à davantage de personnes étrangères d’obtenir


le droit de séjour et d’accéder aux droits économiques, sociaux et culturels afférents, surtout pour
les personnes réfugiées et demandeurs d’asile.

Dans ce chapitre premier notre intérêt portera principalement sur la question de la sécurité des
réfugiés et demandeurs d’asile au Maroc. Et pour cause, les droits des migrants, réfugiés et
demandeurs d’asile sont loin d’être garantis par les dispositions juridiques de la loi marocaine, à
commencer par le droit au travail, droit à un niveau décent, droit d’accès aux soins de santé, droit
à la culture, à l’éducation et à l’enseignement supérieur, droit au regroupement familial, droit au
logement, droit à la couverture sociale et droit au retour au pays d’origine.

583 Rapport préliminaire du HCP sur la migration forcée au Maroc en 2018.

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Section 1. Droit au travail et à l’emploi

La constitution marocaine garantit le droit des citoyens. De même, le Code du travail (art. 9)
interdit toute discrimination fondée sur « l’ascendance nationale » en matière d’emploi. Le Maroc
applique le principe de préférence nationale : l’administration doit pouvoir attester qu’il n’existe
pas sur le marché du travail marocain un profil national capable de remplir les fonctions pour
lesquelles il/elle souhaite être employé (ceci se fait en publiant l’offre de travail dans des
journaux)584. Les personnes étrangères sont limitées dans l’accès au travail par le choix du métier:
« Nul ne peut être nommé à un emploi public (…) s’il ne possède la nationalité marocaine. »585.
Par ailleurs, les salariés étrangers ne peuvent pas appartenir aux bureaux locaux ou nationaux des
syndicats, ni bénéficier de la protection et des facilités associées dont bénéficient leurs collègues
syndicalistes marocains586. De par la loi, les salariés non marocains n’ont pas le droit de se
présenter aux élections des délégués du personnel dans le secteur privé587.

On va voir ci-après la situation juridique des migrants qui souhaitent accéder au marché de travail.
Deux populations doivent être distingués ici : les populations migrantes que nous projetons de
traiter succinctement, et les réfugiées sur lesquels on va s’attarder pour voir dans quelle mesure
cette populations bénéficient ou pas d’une sécurité juridique à travers l’accès aux droits
fondamentaux.

a. Accès au travail par les personnes migrantes

Selon l’article 19 de la loi 02-03 relative à l’entrée et le séjour des étrangers au Maroc, et de
l’émigration et l’immigration irrégulières, il existe deux types de permis de séjour pour les
personnes étrangères qui leur permettent l’accès au travail : les cartes d’immatriculation et les
cartes de résidence. L’article 9 du code de travail défini les procédures administratives à suivre
par l’employeur pour recruter un salarié étranger (autorisation administrative, autorisation de

584 Voir la loi n° 65.99 formant Code du travail marocain, article 9 et suite
585 Dahir du 24/02/1958 portant Statut Général de la Fonction Publique
586 En ce qui concerne le droit syndical, les salariés étrangères ont le droit d’adhérer aux syndicats, mais le Code du travail précise que les membres

chargés de la direction et d’administration du syndicat professionnel doivent être de nationalité marocaine (article 416) : la loi interdit de facto aux
personnes étrangères d’assumer des responsabilités syndicales.
587 De fait, ils ne peuvent pas siéger au sein des comités d’entreprise (art. 465) et des comités d’hygiène et de sécurité (art. 337). Ainsi, aucune

personne étrangère n’est autorisée à fonder un syndicat en raison des conditions extrêmement restrictives d’enregistrement d’une association
étrangère au Maroc (Dahir 1-5-376 article 5) et ce, contrairement aux dispositions de l’article 40 de la Convention sur les droits des travailleurs
migrants et des membres de leurs familles.

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l’ANAPEC588, visa de travail, déclaration au CNSS, cotisations sociales…)589.

La Stratégie nationale d’immigration et d’asile comporte deux programmes (Formation


professionnelle & Emploi») destinés à faciliter l’intégration économique des immigrés et des
réfugiés dans un cadre partenarial avec les organismes publics et certaines ONG. . Jusqu’à la fin de
l’année 2016, selon les chiffres officiels de l’ANAPEC, l’accès des migrants réguliers aux
programmes et aux services de recherche d’emploi offerts au nationaux est limité à en juger par un
taux d’insertion de 1,88%.590 Malgré l’extension de l’exercice par les migrants de certains métiers
(infirmiers, sage-femme…), les migrants ne peuvent pas bénéficier d’un contrat à durée
indéterminé (CDI) et son exclus d’exercer des métiers comme avocat.

Les migrants irréguliers, majoritairement subsahariens, sont de plus en plus nombreux à travailler
dans le secteur informel pour des emplois peu qualifiés (comme les travaux publics, marbrerie,
travail domestique etc.). De fait, ils ne bénéficient d’aucune protection juridique, ce qui rend leur
situation plus vulnérable.

b. Accès au travail pour les personnes réfugiées

Avant 2013, les personnes demandant l’asile n’avaient pas le droit d’obtenir une autorisation de
séjour, même provisoire. L’absence de reconnaissance par les autorités marocaines du statut de
réfugié délivré par le HCR (BRA a empêché la délivrance d’un titre de séjour à toutes les
personnes réfugiées reconnues après 2004. Depuis le 4 décembre 2018, les audiences de la
Commission interministérielle au Bureau des réfugiés et apatrides (BRA) ont repris, permettant à
nouveau aux réfugiés d'obtenir une carte de réfugié puis un titre de séjour au Maroc. En pratique,
les personnes réfugiées et demandeuses d’asile n’ont pas accès au marché du travail.

588 Certaines catégories de personnes sont exemptées de l’autorisation ANAPEC et peuvent aller directement au ministère de l’Emploi pour
obtenir un visa de travail. Il s’agit notamment de ressortissant d’Algérie, Tunisie et Sénégal, les chefs d’entreprise, les présidents d’entreprise et
les directeurs généraux, les personnes sur les affectations de poste temporaires au Maroc, les conjoints de ressortissants marocains et les joueurs
de football.
589 l’embauche de personnes migrantes est conditionnée par la légalité de leur statut (entrée et séjour). L’article 521 du Code du travail prévoit

une amende allant de 2.000 à 5.000 dirhams (200 à 500 euros) pour toute personne qui emploierait une personne étrangère sans autorisation de
l’ANAPEC et sans disposer d’un timbre du ministère de l’Emploi. Le Code de travail stipule aussi que dans le cas de refus du gouvernement
d’accorder une autorisation de travail, l’employeur ou l’employeuse s’engage à supporter les frais de retour de la personne employée dans son
pays de résidence.
590 Rapport de synthèse du MCMREAM, Rabat, 2016.

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Par conséquent, lors de la demande d’autorisation au travail formulée auprès de l’ANAPEC591 de


nombreuses personnes réfugiées ne peuvent pas présenter les documents exigés tels que les
certificats et copies des diplômes des travaux antérieurs. Il est intéressant de noter, cependant,
que le ministère de l’Emploi présente une liste des personnes étrangères sur son site Internet qui
pourraient être exemptés de l’autorisation de l’ANAPEC. Cette liste comprend surtout les «
réfugiés politiques et les apatrides ».

Dans la majorité de cas, les personnes réfugiées doivent compter sur l’aide de leurs familles ou
amis. La plupart se trouve ainsi obligé d’exercer des activités sans autorisation de travail
(emplois précaires, conditions difficiles) ou s’adonner à la prostitution ou à la mendicité.

Section 2. Droit à un niveau de vie décent

Le droit à un niveau de vie suffisant n’est pas expressément reconnu par la loi marocaine.
Cependant l’article 31 de la Constitution de 2011 protège le droit des citoyens à la protection
sociale, à un logement décent, à l’accès à l’eau, à un environnement sain et au développement
durable.

Or, dans la réalité, les personnes étrangères au Maroc n’ont pas accès au droit à la sécurité sociale
ou au logement, qu’elles soient migrantes ou réfugiées, et ce en contradiction avec les dispositions
de la Convention sur les droits des travailleurs migrants et les membres de leur famille592. Dans la
pratique, les personnes migrantes et réfugiées dépendent du soutien de plusieurs ONG (ex.
Fondation Orient Occident, Caritas, la Délégation Espagnole d’Aide, OIM….) pour accéder à des
services de base (nourriture, logement, soins médicaux…).

591 Procédure pour les personnes migrantes citée plus haut


592 La Convention sur les droits des travailleurs migrants et les membres de leur famille de 1951

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Section 3. Droit d’accès aux soins de santé

Concernant l’accès des migrants et réfugiés aux soins, la Constitution marocaine dans l’article 31
ne parle que des citoyens marocains. Les personnes migrantes et réfugiées sont couvertes par
l’Assurance maladie obligatoire (AMO) seulement si elles bénéficient de la CNSS. Ceux qui ne
peuvent pas jouir de l’AMO pourraient bénéficier d’un régime d’assurance libre (RAMED, régime
d’assistance médicale).

À cet égard, il est à souligner l’action majeure de la SNIA en 2017 dans le domaine de la santé
consiste à étendre le Régime d’assistance médicale (RAMED) aux immigrés et aux réfugiés les
plus démunis qui ne bénéficient pas d’une couverture médicale. À cet effet, le ministère des
Affaires Étrangères a signé un accord de partenariat avec l’Agence nationale d’assurance maladie
(ANAM), qui sera chargé de produire des cartes d’assistance médicale pour les étrangers
régularisés (migrants et réfugiés). Ajoutons à cela, les campagnes de sensibilisation et de formation
du personnel médical afin qu’il s’engage dans l’accompagnement des migrants et réfugiés en leur
facilitant l’accès aux hôpitaux et centres hospitaliers. À ce niveau, il serait utile de distinguer entre
l’accès aux soins de la part de deux populations : les migrants et les réfugiés.

Selon un rapport du réseau Euromed de 2015, la situation des migrants est alarmante. Les
personnes en situation irrégulière n’ont pas accès au régime de l’AMO, vu qu’ils n’ont pas la
nationalité marocaine ou bien qu’ils ne disposent pas d’un permis de séjour. Toutefois, le ministère
de la Santé a sorti en 2003 une circulaire pour faciliter l’accès des migrants clandestins immigrés
clandestins et des réfugiés aux structures hospitalières publiques, dont l’accouchement gratuit. En
pratique, faut-il bien le souligner, la disponibilité des soins dans les hôpitaux publics est entravée
par la forte demande de la part d’un grand nombre de démunis nationaux et du manque d’entretien
des appareils médicaux593.

L’accès des étrangers aux soins est une préoccupation majeure du HCR qui multiplie les
partenariats avec des associations humanitaires, comme Caritas, Médecins du Monde et le
Croissant-Rouge, afin de mettre en place des programmes permettant l’accès des migrants et

593Euromed Rights : Maroc : Droits économiques et sociaux des personnes migrantes et refugiées - Octobre 2015 www.euromedrights.org
rapport consulté le 8 janvier 2021

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réfugiés aux soins. Sans compter les efforts déployés dans le domaine de la lutte contre le Sida
au profit des migrants594.

Section 4. Droit à l’éducation et à l’enseignement supérieur

La loi marocaine ne garantit le droit à l’éducation que pour ses ressortissants595. Toutefois, l’accès
aux écoles marocaines n’est pas interdit aux personnes étrangères, même si les démarches
administratives relatives à l’inscription sont compliquées596.

Selon les données du réseau Euromed Rights (2013/2014), les efforts du gouvernement à assurer
l’intégration des enfants issus de familles de migrants à l’éducation demeurent de loin insuffisants
à en juger par la décision du ministère de tutelle visant à encourager les établissements scolaires à
inscrire les enfants de migrants597. Cependant, en pratique, les migrants et réfugiés rencontrent des
obstacles qui empêchent souvent leurs enfants de s’inscrire à l’école publique, notamment à cause
des difficultés d’enregistrement des enfants à l’état civil598. Sans compter les difficultés que
rencontrent les enfants et leurs familles non musulmanes à cause de l’inscription aux cours de
religion musulmane et les difficultés liées à l’apprentissage de l’arabe. Malgré les interventions du
HCR, la situation demeure compliquée à tel point que des associations ont décidé d’assurer des
services d’éducation pour les réfugiés.

594
Euromed Rights : Maroc : Droits économiques et sociaux des personnes migrantes et refugiées - Octobre 2015 www.euromedrights.org rapport consulté
le 8 janvier 2021
595
L’article 31 de la constitution énonce l’accès au droit « à une éducation moderne, accessible et de qualité, à l’éducation sur l’attachement à l’identité
marocaine et aux constantes nationales immuables à la formation professionnelle et à l’éducation physique et artistique ».
596
Pour toute inscription dans un établissement scolaire ou de formation professionnelle, les documents suivants596 sont requis :
- Demande manuscrite signée par le parent ou le tuteur de l’élève concerné ;
- Attestation scolaire ou tout autre document équivalent, sur chaque année
- scolaire effectuée dans le pays d’origine (les nouveaux élèves sont dispensés
- de ce document) ;
- Copie de la carte d’identité ou passeport du père ou tuteur, ou tout autre
- document équivalent ;
- Copie de carte de résidence de l’enfant pour l’année en cours, si elle a été
- octroyée (avec une tolérance en pratique si elle n’est pas produite)
- Copie d’acte de naissance ou copie équivalente de l’état civil ou tout autre
- document administratif identifiant le nom de l’élève et son âge, délivré par les autorités concernées.
597
Le ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation professionnelle a adressé aux académies régionales de l’Éducation et de la
Formation une circulaire officielle, datée du 9 octobre 2013, appelant à une meilleure intégration dans le système d’éducation nationale
marocain des élèves et étudiants provenant des pays du Sahel et des pays subsahariens.
598
En mai 2014, le Tribunal de la Famille de Tanger a condamné à trois reprises des administrations qui refusaient d’inscrire des nouveau-nés
au registre d’État civil, en violation de la Convention Internationale sur les Droits de l’Enfant signée par le Maroc. À souligner que les
ressortissants subsahariens qui vivent dans les forêts loin des établissements scolaires n’ont pas la possibilité d’amener leurs enfants à l’école.

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En 2013, la Stratégie nationale d’immigration et d’Asile a pris une décision majeure incluse dans
son programme consacré à l’éducation et à la culture599. La même année, le ministère de
l’Éducation nationale a sorti une circulaire qui vise l’intégration des migrants (uniquement les
élèves étrangers issus des pays du Sahel et des pays subsahariens) dans le système éducatif,
exhortant les directeurs des établissements à « inscrire les élèves étrangers dans les établissements
de l’éducation et de l’enseignement public et privé et aussi de leur permettre de bénéficier des
cours de l’éducation non formelle ».

La circulaire qui n’a pas encore été amendée a permis à environ 7 000 enfants étrangers d’intégrer
chaque année le système éducatif formel600 dans les 12 académies régionales que compte le
Royaume601.

Par ailleurs, des cours de soutien scolaire ont été ouverts spécialement pour les élèves immigrés et
réfugiés, mais ils connaissent une affluence limitée et décroissante (603 bénéficiaires en 2014-2015
contre seulement 245 en 2015-2016)602. Des programmes sociaux d’aide à la scolarisation initié par
le gouvernement ont également vu le jour (bourses pour les étudiants…), ainsi que l’opération « un
million de cartables » qui profitent aussi aux migrants et réfugiés603.

599 Il semble important de relever que la circulaire n° 13-487 du ministère de l’Education nationale a été adressée aux directeurs des
établissements scolaires publics et privés le 9 octobre 2013, soit après le lancement de la NPM mais avant celui de la SNIA
600
Les chiffres sont moins importants et à la baisse en ce qui concerne l’éducation non formelle (ENF) (1 628 bénéficiaires en 2014-2015 contre
seulement 422 l’année scolaire suivante).
601 Voir à ce propos, le rapport de MCMREAM, sur la scolarisation des enfants issus de la migration, Rabat, 2014.
602 Rapport détaillé du MCMREAM, Rabat, 2016.
603 Rapport Euromed rights,…Op.cit….

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Section 5. Droit au regroupement familial

La loi n° 02-03 ne prévoit aucune procédure de regroupement familial604. L’article 17.5 de cette
même loi précise que « les personnes réfugiées statutaires (décret d’août 1957) ont droit à une
carte de résidence ainsi que leur conjoint et leur(s) enfant(s) (s’ils sont mineur(s) ou viennent
d’accéder à la majorité », c’est-à-dire dans l’année qui suit leur majorité civile. Pourtant, ce décret
n’étant pas appliqué au Maroc, cette disposition de la loi n’est à son tour pas mise en application.

Concernant les demandeurs d’asile, ils n’ont pas droit au regroupement familial durant l’examen
de leur dossier d’asile. Étant donnée la période l’absence d’activités du BRA de nombreuses
demandes sont gelées même après la réouverture de ce bureau en 2018605. L’absence d’un cadre
juridique d’asile ne permet pas une protection juridique des réfugiés, non seulement pour qu’ils
bénéficient du regroupement familial, mais pour accéder à tous leurs droits fondamentaux.

Section 6. Droit à la sécurité sociale

L’affiliation aux systèmes de retraite et de sécurité sociale est liée à l’exercice du travail.
Néanmoins, il n’existe pas d’indemnités de chômage ni pour les marocains ni pour les personnes
migrantes. Par ailleurs, les personnes étrangères qui bénéficiaient de ces prestations étaient la
plupart du temps des travailleurs expatriés issus de pays occidentaux.

Toutefois, le Maroc commence à mettre en place un projet pilote promulgué début décembre 2014,
permettant aux jeunes diplômés marocains (licenciés) pour raison économique de percevoir une
indemnité chômage. L’Indemnité de Perte d’Emploi a officiellement été lancée en avril 2015 après
la capitalisation du fond par l’État606.

604 L’article 17 de la loi 02-03 permet au conjoint et aux enfants mineurs d’une personne étrangère titulaire de la carte de résidence d’obtenir une
carte de résidence. l’article 16 du décret du 1er avril 2010 prévoit seulement que « l’étranger désirant le regroupement familial doit présenter les
documents établissant sa relation familiale (...) en ayant des moyens d’existence suffisants ».
605 Rapport Euromed rights,…Op.cit….
606 “L’indemnité de perte d’emploi enfin accessible au Maroc”, Econostrum.info, 30 avril 2015

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Section 7. Droit au retour volontaire pour une réintégration

Selon un rapport sur la nouvelle politique migratoire au Maroc607, la Stratégie nationale de


l’immigration et de l’asile (SNIA) a pris en compte un programme visant l’Aide au retour
volontaire des migrants et à la réintégration (AVRR), adopté en 2006 par l’OIM. Ce programme
d’assistance humanitaire tend à encourager les migrants à retourner à leurs pays et entreprendre des
petits projets et une assistance sociale relative.

Les autorités marocaines ont contribué aux côtés des pays européens608 à ce projet sur le plan
financier et administratif en facilitant les retours (3000 retours en 2016). L’objectif du Maroc est de
lutter contre les discriminations à l’égard des migrants, tout en œuvrant à limiter le nombre de
migrants irréguliers grâce à l’AVRR.

Les réfugiés et demandeurs d’asile sont eux-aussi concernés par ce programme et d’autres élaborés
par le Maroc, les acteurs associatifs609 ses partenaires internationaux. L’approche participative
entreprise par les autorités marocaines semble avoir contribué à inciter les migrants à retourner à
leurs pays d’origine, évitant ainsi de basculer davantage dans la précarité et la vulnérabilité.

607 Mehdi ALIOUA, J.N FERRIÉ, La nouvelle politique migratoire marocaine, UIR & Kornad Adenauer Stifung, Rabat, 2017.
608 Le Maroc a signé des accords de réadmission avec l’Allemagne (1998), l’Espagne (1992), la France (1983), l’Italie (1998) et le Portugal (1999).
609 En six ans, de nombreuses associations de migrants au Maroc ont pu être officiellement créées, et de ce fait bénéficier de subventions

publiques.

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Section 8 : intégration des réfugiés et demandeurs d’asile au Maroc :


absence d’un cadre national d’asile
Le rapport sur les Étrangers et droits de l’homme au Maroc610 élaboré par le CNDH vise à
contribuer à la mise en place d’une politique d’asile et d’immigration qui prend en considération la
priorité de l’intégration des migrants dont notamment les réfugiés et les demandeurs d’asile. L’une
de propositions du CNDH aux autorités marocaines est la reconnaissance du statut de réfugié
délivré par le HCR.

L’intérêt portera ici sur la question de la sécurité juridique des migrants à travers le rôle central du
HCR, ainsi que l’engagement du Maroc dans la politique de régularisation des migrants,
notamment les réfugiés syriens qui fuitent la guerre. En l’absence d’un cadre juridique approprié, la
protection juridique des migrants demeure difficile à atteindre malgré les efforts fournis par les
acteurs institutionnels et associatifs.

La politique d’intégration des migrants irréguliers s’est traduite par l’adoption d’une stratégie de
régularisation. L’objectif à terme est de garantir le non-refoulement des réfugiés et demandeurs
d’asile. La politique nationale de régularisation est appréhendée ici à partir de trois points : 1. Les
migrants en situation administrative irrégulière et 2. Les migrants irréguliers statuaires du HCR. 3.
Limites du mécanisme de régularisation des réfugiés syriens.

Paragraphe 1. Les migrants en situation administrative irrégulière


La campagne de régularisation des migrants en situation irrégulière qui s’est tenue tout au long de
2014 est l’une des recommandations phares contenues dans le rapport du CNDH. Six catégories
d’immigrés irréguliers sont concernées : les étrangers conjoints de ressortissants marocains, les
conjoints d’autres étrangers en résidence régulière au Maroc, les enfants issus des deux catégories
d’immigrés précédentes, les étrangers disposant de contrats de travail effectifs, ceux justifiant de
cinq ans de résidence continue au Maroc et enfin les étrangers atteints de maladies graves.

Le 1er janvier 2014, l’opération de régularisation des migrants a commencé sous l’égide du
ministère de l’Intérieur avec pour objectif à terme de traiter quelques 40.000 dossiers (15.000
subsahariens), dont la plupart a été régularisé (92% de réponse favorable) et ce, malgré les

610 Rapport sur les Étrangers et les droits de l’homme au Maroc, CNDH, Rabat, 2014

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insuffisances de l’opération (manque de logistiques, rigidité des critères d’éligibilité, démotivation


du personnel des bureaux administratifs..). Une commission nationale a été chargé de traiter les
demandes de recours présentés avec une recommandation de régulariser 10.000 migrants
supplémentaires611. D’après les données communiquées par le MCMREAM, il apparaît également
que les Syriens représentent près du quart des étrangers régularisés. Majoritairement des hommes,
les mineurs issus de familles de migrants n’ont pas eu le droit de rester durablement au Maroc612.

Après l’annonce de la fin de l’opération de régularisation, les autorités ont procédé au


démantèlement des opérations des camps de réfugiés, notamment dans le nord du Maroc613
marqués par de nombreuses arrestations de migrants irréguliers. Du côté des autorités, il fallait
contrer les flux migratoires pour des raisons aussi d’ordre sécuritaire visant à identifier les migrants
régularisés, afin de mieux les localiser en cas de besoin. D’où l’engagement du Maroc à renfoncer
les contrôles des frontières question soit sécuritaire grâce à une enveloppe de 2 milliards de DH en
2015.

Le 12 décembre 2016, le Maroc la deuxième phase d’intégration des personnes en situation


irrégulière. Le même dispositif a été redéployé. Fin décembre 2017, l’opération a pris fin avec cette
fois-ci un discours des autorités qui évoquent l’objectif d’intégration des migrants qui dépasse la
simple régularisation administrative des migrants.

611 Selon un communiqué du CNDH, 10 201 personnes ont pu être régularisées. Ce chiffre s’élève à 10 162 selon le MCMREAM.
612 La loi 02-03 ne protège pas les mineurs dans la mesure où elle évoque les mineurs étrangers de manière générale dans ses articles 26 et 29 qui
énoncent qu’ils ne peuvent faire l’objet d’expulsion ni de mesures d’éloignement.
613 Principalement dans les forêts de Gourougou et les environs de Nador

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Paragraphe 2. Les migrants irréguliers statutaires du HCR

Le Maroc a ratifié la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés614 et qui prévoit
la création du Bureau des réfugiés et des apatrides (BRA) relevant du Ministère des Affaires
Étrangères et de coopération. L’absence d’un cadre juridique national rend ainsi difficile la
détermination du statut de réfugié (DSR) par le BRA dont le travail a été suspendu plusieurs fois
par les autorités pour des considérations politiques et sécuritaires. Pour pallier ces
dysfonctionnements, le HCR a pris en charge le traitement des DSR soumises par les migrants
irréguliers, y compris les réfugiés615 et demandeurs d’asile616, tous régis par la loi 02-03 relative à
l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc, à l’émigration et à l’immigration clandestine. En
attendant l’adoption de la loi 26-14 relative à l’asile qui permettra de créer un dispositif législatif et
institutionnel national de l’asile.

Le HCR se trouve ainsi devant une situation intenable dans laquelle les réfugiés se trouvent coincés
sans protection juridique. De fait, leurs droits fondamentaux ne sont pas garantis à commencer par
l’obtention d’un titre de séjour et encore moins l’accès au travail, à la santé, à l’éducation ou au
regroupement familial. Ce qui explique justement l’insécurité juridique dont souffrent les réfugiés
qui se trouvent parfois refoulés si jamais ils se font prendre par les autorités. À ce niveau, force est
de reconnaitre que la mobilisation du HCR à protéger les réfugiés et demandeurs d’asile, en leur
délivrant des titres de séjour reconnus par l’administration617, semble avoir contribué à assurer
davantage de protection juridique aux migrants en situation de vulnérabilité.

Une première phase de la campagne de régularisation des réfugiés statutaires du HCR a été
effectuée par le BRA du 25 septembre au 21 novembre 2013. Sur les 853 réfugiés (majoritairement
des subsahariens) reconnus par le HCR, seules 545 demandes ont été déposées et traitées.

614 Un an plus tard est adopté le décret royal n° 2-57-1256 fixant les modalités d’application de cette même convention.
615 L’article premier de la loi 02-03 stipule ceci : « entend par «étrangers» les personnes n’ayant pas la nationalité marocaine, n’ayant pas de nationalité connue ou
dont la nationalité n’a pu être déterminée».
616 L’asile n’est reconnu à aucun réfugié vu que le décret de 1957 n’est pas appliqué car le BRA suspend ses activités.
617 Sur recommandation du CNDH, le Maroc a créé le 17 septembre 2017 une commission ad hoc en charge de la régularisation des réfugiés

statutaires du HCR. Cette commission est présidée par le ministère des Affaires étrangères et composée de représentants des départements est
ministériels suivants : MI, MCMREAM, MJL, MEAS et de la DIDH. La Commission siège au BRA, initialement prévu par le décret de 1957

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Paragraphe 3. limites du mécanisme de régularisation des migrants au


Maroc : le cas des réfugiés syriens

Selon les données publiées par le HCR en 2014, le BRA n’aurait reçu et approuvé aucune demande
émanant de Syriens qui fuient la guerre tragique en Syrie. Tout en sachant que l’opération de
régularisation des migrants irréguliers a permis la régularisation administrative de près de 5 500
Syriens618. Conscientes de l’urgence de la question, les autorités ont pris en compte le cas des
réfugiés syriens lors de la seconde phase de l’opération de régularisation des réfugiés statutaires du
HCR, lancée le 23 juillet 2014, dont la majorité était des Syriens dont les demandes de
régularisation ont été rejetées par les autorités619 (voir les tableaux statistiques ci-après) :

618UNHCR, rapport annuel sur la migration forcée au Maroc 2013-2014.


619
Au 31 août 2016, le HCR reconnaît 2 753 réfugiés syriens dont seuls 993 ont été auditionnés par la Commission du BRA sans qu’ils soient
régularisés.

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Tableau 5 : Nombre des demandeurs d’asile et réfugiés enregistrés auprès du HCR Maroc au 31
août 2016 par nationalité du pays d’origine
Syrie 2 756
Côte d’Ivoire 281
Yémen 469
République démocratique du 170
Congo
République centrafricaine 129
Irak 135
Autres 234
Total 4 171
Source HCR Maroc

Tableau 6: Parts des demandeurs d’asile et réfugiés enregistrés auprès du HCR Maroc au 31
août 2016 par nationalité
Côte d’Ivoire 7%
Yémen 11 11%
République démocratique du 4%
Congo
République centrafricaine 3%
République centrafricaine Irak 3%
Autres 6%
Syrie 66%

Total 100%
Source : HCR Maroc.

En l’absence d’une loi spécifique au droit d’asile, les réfugiés syriens ne bénéficient toujours pas
d’une protection juridique au Maroc et restent soumis à la précarité et la vulnérabilité. Pendant ce-
temps, les demandes des réfugiés subsahariens (presque la moitié) ont été curieusement acceptées

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par les autorités marocaines620. Ils pourront ainsi bénéficier d’une protection provisoire d’une
année pour pouvoir faire une demande de renouvellement de leurs cartes de séjour.

La décision des autorités marocaines semble être motivée par des considérations politiques à en
juger par la position du royaume qui exige pour les Syriens (les Lybiens aussi) l’obtention d’un
visa pour rentrer au pays. Sans compter le renforcement des contrôles dans les frontières visant à
empêcher les Syriens de rentrer au Maroc. Face à cette situation, le HCR est intervenu pour faire
prévaloir des dispositions exceptionnelles visant la protection juridique des réfugiés en danger, à
l’instar des Syriens, en leur accordant un statut de réfugié sans passer par la procédure
administrative. Le déploiement du HCR semble avoir obligé les autorités à décider de la
régularisation systématique des Syriens qui bénéficient désormais d’une protection provisoire.

En fait, il est à noter qu’en l’absence de cadre juridique spécifique sur l’asile, les campagnes de
régularisation des réfugiés, qui ressemblent à une opération de reconnaissance de leurs statuts,
confirment les DSR délivrés par le HCR, et ce, à l’exception des Syriens pour des raisons
vraisemblablement politiques. Cela étant dit, on pourrait toujours se poser la question sur la
situation des migrants au Maroc et dans quelle mesure parviennent-ils ou non à accéder à leurs
droits fondamentaux. Notre enquête sur le terrain auprès d’une douzaine de réfugiés subsahariens
va nous apporter des éléments de réponse à même de nous éclairer sur les perspectives et les
difficultés d’intégration de ces populations vulnérables.

620 Rapport annuel sur les migrations du MCMREAM, Rabat, 2016.

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CHAPITRE III : DE L’EFFECTIVITÉ DE L’ACCÉS DES RÉFUGIÉS ET


DEMANDEURS D’ASILE AU MAROC AUX DROITS FONDAMENTAUX :
ENTRE DISPOSITIONS JURIDIQUES ET RÉALITÉS PRATIQUES

La loi sur l’entrée et le séjour des étrangers au Maroc, l’immigration et l’émigration clandestine
connue sous le nom de la loi 02/03 est entrée en vigueur en novembre 2003. C’est un dispositif
préventif qui tend vers une maîtrise des flux migratoires et qui reconnaît en même temps la pleine
liberté d’accès, de séjour, d’établissement et de sortie du territoire marocain.

À cette fin, le Maroc a adopté, le 18 décembre 2014, une nouvelle stratégie nationale
d’immigration et d’asile (SNIA) afin de cadrer avec ses engagements internationaux et répondre
aux dispositions de la Constitution de 2011 qui stipulent notamment, d’une part, dans son
préambule que : « Le Royaume du Maroc...réaffirme son attachement aux droits de l’Homme tels
qu’ils sont universellement reconnus, ainsi que sa volonté de continuer à œuvrer pour préserver la
paix et la sécurité dans le monde.» Et, d’autre part, dans son article 30 que : « Les étrangers
jouissent des libertés fondamentales reconnues aux citoyennes et citoyens marocains,
conformément à la loi. Ceux d’entre eux qui résident au Maroc peuvent participer aux élections
locales en vertu de la loi, de l’application de conventions internationales ou de pratiques de
réciprocité. ».

Cette stratégie nationale a été élaborée selon une approche participative, visant l’intégration des
étrangers en leur facilitant l’accès aux droits (droits à la santé, à l’éducation, à l’état civil, au
logement...). La mise en œuvre de la SNIA tend en effet à faciliter l’accès des étrangers aux droits
fondamentaux.

Dans ce troisième chapitre, l’analyse portera sur la question de l’effectivité de l’accès des réfugiés
et demandeurs d’asile au Maroc aux droits fondamentaux. La démarche est présentée ici à partir de
l’analyse du dispositif juridique national et international soumis à l’épreuve de la pratique, mais
aussi et surtout à travers l’analyse des données collectées auprès de certains réfugiés installés au
Maroc. Interrogés sur l’accessibilité (ou non) aux droits fondamentaux (droit à la santé,
l’éducation, l’emploi, la justice, l’état civil…), ces acteurs témoignent de leur propre expérience
personnelle à chaque fois lorsqu’ils ont eu à faire à l’administration pour inscrire leurs enfants à
l’école, obtenir un acte de naissance ou un acte de mariage, accéder au marché de l’emploi ou

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bénéfice des services de justice. Dans la première section, l’accent sera mis sur les conditions du
déroulement de l’enquête, alors que les six sections (2-7) qui suivent tentent de mettre la lumière
sur l’effectivité de l’accès des réfugiés à leurs droits à partir de l’analyse des résultats de l’enquête.
Section 1. L’enquête

L’enquête menée auprès des migrants tend à comprendre les logiques qui président à leur accès aux
droits fondamentaux. À cette fin, la technique de recherche adoptée a été l’entretien semi-directif
qui nous a permis de collecter des données qualitatives traitées selon une analyse thématique des
différents droits dont devraient jouir les réfugiés et demandeurs d’asile. L’interprétation des
résultats tend à mettre en évidence les opportunités et les limites de la sécurité juridique des
migrants, notamment les réfugiés et les demandeurs d’asile au Maroc.

Paragraphe 1. Importance de l’approche qualitative (étude de cas)


Dans le Dictionnaire des méthodes qualitatives en sciences humaines et sociales, Mucchielli
avançait que :

« L’important, désormais, en sciences humaines et sociales n’est plus uniquement de « valider »


l’approche qualitative, ses critères de certification, son éthique, son paradigme de référence, les
théories inductives trouvées… (car tout cela est largement établi), mais de participer à
l’accumulation des connaissances dans ce domaine et d’accélérer le transfert de ces connaissances
dans la société. (1996 : 5) »

Les méthodes qualitatives n’ont pas pour objectif de produire des données représentatives, c’est-à-
dire généralisables à l’ensemble d’une population. Elles doivent être mises en œuvre avec rigueur
afin que l’on puisse en exploiter les résultats. La recherche qualitative est particulièrement
appropriée lorsque les phénomènes sociaux observés sont difficiles à mesurer.

Notre échantillon aléatoire qui comprenait au départ 20 individus a été réduit à une douzaine, qui
ont accepté de nous répondre (par courriel et par téléphone : voir en annexe le protocole d’entretien
qualitatif semi-directif), tout en gardant l’anonymat. Cet échantillon a été construit sur la base de
trois critères : l’origine des réfugiés (principalement subsahariens vu la difficulté de s’entretenir
avec des réfugiés syriens pour des raisons sécuritaires), d’âge adulte leur permettant de rendre
compte réellement des discriminations et inégalités subies et, enfin, un échantillon relativement

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représentatif prenant en considération les femmes, même s’il a été majoritairement composé
d’hommes.

De prime abord, il faut souligner que la recherche qualitative englobe toutes les formes de
recherche sur le terrain qui s’intéressent aux discours et aux récits de vie. En effet, l’une des
particularités de la recherche qualitative est qu’elle étudie les phénomènes sociaux dans le milieu
social où il s’observe plutôt que dans des situations artificielles ou expérimentales. Puisque les
expériences et les croyances sont étroitement liées à des situations de la vie quotidienne, il est
moins pertinent de les étudier dans un contexte artificiel ou expérimental.

Par conséquent, les données sont collectées en interagissant avec les individus dans leur propre
langue et en les observant sur leur propre territoire (Kirk et Miller, 1986) ou à un endroit de leur
choix. Une autre caractéristique de la recherche qualitative est le recours fréquent à plusieurs
méthodes qualitatives différentes pour répondre à une seule et même question de recherche Cela
tient en partie à ce qu’on appelle la triangulation, processus qui consiste à confronter les résultats
de plusieurs sources de données621. Enfin, la recherche qualitative est toujours itérative : elle doit
être revue à partir de suppositions, d’hypothèses ou des théories générales qui changent et se
développent tout au long des étapes successives du processus de recherche (Pope et Mays,
2006)622.

621 J. KIRK & M.L. MILLER, Reliability and validity in qualitative research, a Sage university paper, 1986
622
Pope C, Mays N. (Eds), Qualitative research in health care 3rd Edition. Oxford: Blackwell/ BMJ, January 2006

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Paragraphe 2. Adaptation de l’approche qualitative


L’approche qualitative utilise une démarche rigoureuse et, comme dans n’importe quel type de
recherche, le travail préalable (étape 1) consiste à faire le point sur le sujet étudié par une revue de
la littérature. Cette recension des écrits permet de s’imprégner des résultats précédents des
recherches sur le sujet. Cela permet de mieux cerner le problème.

L’étape suivante (étape 2) est primordiale et consiste à définir l’angle théorique suivant lequel le
sujet sera analysé.

La troisième étape consiste à définir la question de recherche de façon précise et claire (étape 3).

Cette question de recherche constitue l’objet de recherche et toutes les méthodes et stratégies de
collecte de données doivent être mises en place (étape 4) pour y répondre.

Enfin, les données collectées doivent être rigoureusement analysées, interprétées, discutées (étape
5) afin de tirer des conclusions et ouvrir de nouvelles perspectives de recherche.

Paragraphe 3. Technique de recherche


Quant à l’entretien individuel semi-directif, il a été le principal outil de collecte de données vu la
nature de la question de recherche : quelles sont les logiques de protection juridique des migrants
au Maroc ? Cette question vise à comprendre les modalités d’accès ou non des réfugiés et
demandeurs d’asile, notamment, aux droits fondamentaux à commencer par les services de base
(séjour légal, état civil, santé, éducation, emploi, justice).

L’entretien a été possible grâce au guide d’entretien fait de questions et de thèmes en fonction de
nos objectifs de recherche et de la catégorie d’interlocuteurs et d’interlocutrices (une douzaine de
migrants). Ceci a permis de concevoir un guide d’entretien thématique afin de guider nos
entretiens. Aussi, le canevas d’entretien à l’adresse des réfugiés, toujours ouvert et en constante
évolution, portait sur les différents aspects du quotidien des réfugiés et demandeurs d’asile
(activités économiques, sources de revenus, parcours migratoires), tout en détaillant les dimensions
centrales de l’étude : l’accessibilité aux droits au quotidien.

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Il ne s’agissait aucunement de déterminer une liste de questions à poser, mais d’établir un système
organisé de thèmes permettant de structurer l’entretien, sans induire un discours commandé. Le
guide d’entretien était également évolutif et de nouveaux sujets à explorer ont été intégrés au fur et
à mesure du temps. Des questions localement pertinentes ont été également incluses. De la sorte, il
était possible de revenir sur le même problème exprimé selon différents points de vue623.

Ainsi, à travers l’entretien semi-dirigé, j’ai eu la chance de pénétrer l’univers des réfugiés, afin de
mieux comprendre leurs difficultés d’accéder aux droits fondamentaux en contexte urbain (la ville
de Rabat). L’échantillon construit de l’enquête a privilégié la diversité des profils des acteurs,
notamment leur nationalité, leur âge (entre 22 et 50 ans), leur statut social (majoritairement mariés
avec des enfants), niveau d’instruction (majoritairement avec un niveau d’instruction moyen) et
résidant à Rabat (la plupart dans les quartiers Youssoufia et Nahda)624.

Et puisqu’il s’agissait de données verbales, j’ai demandé l’accord des interviewé-e-s afin
d’enregistrer les entretiens. Il ressort de cette expérience de terrain que l’entretien, plus qu’un
simple outil de collecte de données, consiste en une relation sociale. Aussi, sa structure, son usage,
son déroulement sont-ils influencés par le contexte social625.

Concernant l’échantillon, il faut souligner que le but de la recherche qualitative n’est pas d’avoir un
échantillon représentatif, mais plutôt un échantillon qui reflète les caractéristiques et la richesse du
contexte ou de la population étudiée (les migrants). La détermination des caractéristiques des
participants est une étape importante car elle renseigne sur les différents interlocuteurs et
différentes interlocutrices à contacter pour participer à la recherche.

Dans l’approche qualitative, les deux qualités essentielles sont la diversité de l’expression et la
présence dans l’échantillon d’individus présentant des caractéristiques très liées aux phénomènes
étudiés. L’approche qualitative décrit et explique les phénomènes de façon détaillée à partir d’un
nombre limité d’observations.

623
SAWADOGO, L’approche H. P. “L’approche qualitative et ses principales stratégies d’enquête”,
https://scienceetbiencommun.pressbooks.pub/projetthese/chapter/methodes-qualitatives-de-recherche/ document on line consulté : le 20
avril 2021.

624 Le choix de la ville de Rabat s’est imposé de par les contacts dont je dispose auprès de certaines personnes travaillant au sein du HCR à la
capitale.
625 De Bloganqueaux & Sagbo (2012), De l’usage des outils de la recherche qualitative en milieu rural ivoirien : une analyse de l’influence du

groupe social sur la structure de l’entretien. Recherches qualitatives en contexte africain, vol. 31 (1), pp. 6-28

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Année universitaire 2021-22
Thèse de doctorat sous le thème : « Sécurité juridique des réfugiés et demandeurs d’asile au Maroc : de l’effectivité d’accès aux droits fondamentaux»

Paragraphe 4. Traitement, analyse et interprétation des données


Comme dans tout processus de recherche, l’analyse des données recueillies est une étape nécessaire
pour obtenir des résultats, les discuter et tirer des conclusions. L’analyse des données qualitatives
demande beaucoup de travail et beaucoup de temps: « […] good qualitative analysis is able to
document its claim to reflect some of the truth of a phenomenon by reference to systematically
gathered data », au contraire « poor qualitative analysis is anecdotal, unreflective, descriptive
without being focused on a coherent line of inquiry » (Fielding, 1993626 ; Pope et al., 2000 : 116627).

Les données qualitatives se présentent sous forme de texte, d’éléments sonores ou de vidéos.
L’analyse de telles données vise à décrire les données (textuelles) dans un sens qui reflète
l’environnement social concerné ou les propres dires des personnes ayant participé aux entretiens.
Analyser des données qualitatives requiert que l’on se concentre sur les aspects interdépendants de
l’environnement social, du groupe ou des personnes enquêtées.

L’analyse qualitative déconstruit les données afin de construire une analyse ou une théorie
(Mortelmans, 2009). Plusieurs approches d’analyses peuvent être suivies : par exemple l’analyse de
contenu thématique, l’approche inductive générale, la théorie ancrée (grounded theory) ou la
framework analysis. Des éléments de différentes approches peuvent également être combinés en
une seule analyse (Pope et Mays, 2006628).

L’approche choisie dépend en grande partie du design et des objectifs de la recherche.


L’analyse des données qualitatives se fait suivant plusieurs étapes :

- Transcription intégrale des entretiens et organisation du corpus de données;


- Identification et organisation des concepts et idées;
- Élaboration de thèmes généraux;
- Validation et confirmation des conclusions;
- Interprétation.

626 Fielding, N. (1993). Ethnography. Dans N. Gilbert (dir.), Researching social life (p. 154-171). Sage
627 Pope, C., Ziebland, S. et Mays, N. (2000). Qualitative research in health care : Analysing qualitative data. British Medical Journal, 320(7227),
114-116. https://doi.org/10.1136/bmj.320.7227.114
628 Pope, C. et Mays, N. (2006). Qualitative research in health care. Blackwell, BMJ Books.

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Qu’en est-il vraiment de l’effectivité629 des droits fondamentaux supposés être accessibles aux
étrangers parmi les migrants et notamment les réfugiés. Dans quelle mesure leurs droits
fondamentaux (droit à la santé, à l’état civil, à l’éducation, à l’emploi, à la justice…) sont-ils ou
non protégés et garantis par la loi et les réglementations en vigueur ?

Afin de répondre à cette question, on a réalisé une enquête qualitative auprès d’une douzaine de
réfugiés installés au Maroc auxquels on a adressé un protocole d’entretiens semi-directifs visant à
vérifier si leurs droits fondamentaux sont protégés par la loi dans la vie quotidienne630.

Section 2. Le droit d’accès des migrants au séjour légal : un parcours de


combattant malgré la compagne de régularisation

Dans le domaine du droit international, le droit « accès au séjour régulier » n’est pas évoqué
expressément dans les conventions et les accords internationaux. A quelques exceptions près
comme le droit de choisir une résidence ou une localité d’installation. On peut citer pour exemple,
l’article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui dispose ceci : «
Quiconque se trouve légalement sur le territoire d'un État a le droit d'y circuler librement et d'y
choisir librement sa résidence... »631. De même, l’article 5.i de la Convention internationale sur
l’élimination des formes de discrimination raciale garantit le droit de choisir sa résidence à
l'intérieur d'un État632. En plus, la Convention internationale sur les droits de tous les travailleurs
migrants garantit dans son article 8 à tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille la
liberté de quitter tout État633, y compris leur État d'origine.634

629 Il semble que l’effectivité n’appartienne pas réellement au langage du droit. Elle ne constitue, à proprement parler, ni une catégorie juridique,
ni un mot dont les juristes usent de façon habituelle, hormis en droit international public où le terme s’applique à la nationalité des personnes,
l’État, l’occupation de territoires, l’exercice de la souveraineté, l’annexion ou encore le blocus maritime. L’effectivité vise alors ce qui se réalise
en fait pour être valable ou opposable aux tiers, ce qui prévaut dans les faits et dont l’existence indiscutable justifie la reconnaissance ou
l’opposabilité. C’est ici une méthode de création de droit : l’occupation effective d’un territoire sans maître vaut attribution d’un titre juridique.
Autrement dit, la notion d’effectivité est utilisée, en droit international, pour définir le caractère d’une situation qui existe en fait, réellement.
Cette effectivité-là n’est point celle du droit lui-même. Elle désigne une situation de fait dont la règle de droit va tenir compte. Ainsi que l’écrit
Paul Amselek, l’étude de l’effectivité statuée par les normes juridiques interroge sur le contenu même d’une norme juridique, tandis que l’analyse
de l’effectivité des règles de droit porte sur la question de leur application. Paul Amselek, Perspectives critiques d’une réflexion…. Dans le
premier cas, la réflexion ne porte pas sur l’effectivité de la norme, c’est l’effectivité – c’est-à-dire une situation effective – qui est prise en compte
par la règle de droit. Il s’agit de l’action de l’effectivité sur le droit, autrement dit du rôle joué par le fait au niveau de la création de la règle de
droit, et non pas de l’effectivité de la norme juridique proprement dite qui, seule, nous intéresse ici. Voir : Yann Leroy, La notion d'effectivité du
droit, dans Droit et société 2011/3 (n° 79), pages 715 à 732.
630 Voir en annexe, le protocole d’entretien.
631 Article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
632 Article 5.i de la Convention internationale sur l’élimination des formes de discrimination raciale
633 Des restrictions sont toutefois prévues par la loi, nécessaires à la protection de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la

moralité publiques, ou des droits et libertés d'autrui.


634 Article 8 de la Convention internationale sur les droits de tous les travailleurs migrants

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Dans le droit marocain, il est reconnu aux étrangers la liberté d’accès et de séjour dans le territoire
marocain. Dans la constitution de 2011, on reconnait à tout étranger la liberté de s’établir sur le
territoire marocain en ces termes : « Est garantie pour tous, la liberté de circuler et de s'établir sur
le territoire national, d'en sortir et d'y retourner, conformément à la loi. »635. Cela dit, l’étranger
souhaitant séjourner dans le royaume est tenu de respecter certaines conditions réglementaires
spécifiques636.

Dans un autre registre, les dispositions de la loi n° 02-03 obligent tout étranger qui souhaite
séjourner au Maroc d’obtenir un titre de séjour dès qu’il atteint l’âge de 18 ans et ce, conformément
aux dispositions de l’article 6 de la loi 02-03. Ce titre de séjour pourrait être une carte
d’immatriculation ou une carte de résidence conformément aux dispositions de l’article 5 de la loi
02-03 relative à l'entrée et du séjour des étrangers au Maroc, à l'émigration et l'immigration
irrégulières qui dispose ceci : « Les titres de séjour sur le territoire marocain sont : la carte
d'immatriculation ; la carte de résidence »637. Cela étant dit, l’étranger doit suivre une procédure
administrative spécifique afin qu’il puisse obtenir un titre de séjour (une carte d’immatriculation638
ou une carte de résidence).

Concernant la carte de résidence, elle peut être demandée en tant que titre de séjour par un étranger
y compris celui ou celle qui a obtenu le statut de réfugié comme le dispose l’article 16 de la loi 02-
03. En effet, la carte de résidence est délivrée à toute personne n’ayant pas la nationalité marocaine
et qui justifie une résidence au Maroc d’au moins 4 ans de manière continue639. À cet égard, il
faudra rappeler l’opération d’envergure visant la régularisation des migrants irréguliers qui a
permis l’obtention et/ou le renouvellement des titres de séjour qui constitue une préoccupation
majeure pour les migrants irréguliers.

Dans notre recherche, il semble que les migrants sont unanimes quant aux difficultés rencontrées
pour l’obtention ou le renouvellement de leur carte de séjour, même si certains reconnaissent les
635 Article 24 de la constitution marocaine de 2011 ;
636 Voir les dispositions de la loi n° 02-03 relative à l'entrée et au séjour des étrangers au Maroc, à l'émigration et l'immigration irrégulières ainsi
que son décret d’application n° 2-09- 607.
637 Article 5 de la loi 02-03 relative à l'entrée et du séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l'émigration et l'immigration irrégulières
638 Voir pour plus de détails : Article 1 ; 8 et 9 de la loi 02-03 et aussi le décret n° 2-09-607 portant application de la loi 02-03, notamment les

articles 15 et 16
639 Selon l’article 16 de la loi 02-03, afin d’obtenir, l’étranger doit répondre à l’une des conditions suivantes :

- Être marié avec un(e) marocain(e) ;


- Avoir l’un des deux parents marocains ;
- Avoir un enfant ayant obtenu la nationalité marocaine ;
- Rejoindre son conjoint et/ou ses enfants étrangers disposant d’une carte de résidence
- Avoir obtenu le statut de réfugié ou Avoir une résidence au Maroc.

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efforts déployés par les autorités pour garantir la régularisation des migrants. La carte de séjour est
indéniablement le handicap majeur qui entrave l’intégration des migrants. À ce propos, A.O., un
Guinéen réfugié de 25 ans, résidant à Rabat, ne cache pas son agacement quant aux difficultés
administratives que rencontrent les migrants pour obtenir ou renouveler leur carte de séjour. Il ne
manque pas de souligner les difficultés supplémentaires que rencontrent les réfugiés et demandeurs
d’asile pour décrocher un permis de résidence au Maroc :

« Je suis actuellement responsable d’un commerce spécialisé dans la réparation du


matériel informatique, depuis 2019. C’est l’année où j’ai pu régulariser ma situation en
tant que réfugié. J’ai fait la demande 3 fois et à chaque fois je vois ma demande rejetée,
alors que j’ai passé avec succès de nombreux entretiens avec le HCR. Depuis le
lancement de la campagne de régularisation, les demandes des réfugiés et demandeurs
d’asile sont devenues compliquées. Cette population subit une injustice considérable
comparée aux migrants irréguliers. Ils ont profité de la campagne de régularisation et
certains d’entre eux n’a même pas les conditions demandées. C’est une occasion quand
même. Pour moi c’était la galère. L’avocat du HCR chargé de mon dossier travaille
dans des conditions difficiles. En plus, il y en n’a pas d’avocats qui s’intéressent aux
migrants. Il y a aussi beaucoup d’arnaqueurs qui se font passés pour des avocats
capables de te fournir les papiers. Il y a aussi les faussaires qui font de faux-papiers
vendus parfois à 10 milles Dh. D’autres passeurs promettent parfois aux migrants un
voyage (ndlr :Hrig) pour regagner l’Espagne. Mais les migrants subsahariens sont
devenus attentifs, ils se font avoir rarement. Il faut dire que la régularisation lancée par
le Maroc au profit de nos frères africains est un cadeau du ciel. C’est vrai que la
situation reste difficile parce que les gens se méfient un peu de nous et parfois ils
refusent de nous louer des chambres, mais la vérité c’est que malgré la précarité, on vit
mieux au Maroc que chez nous. Il ne faut pas oublier aussi les efforts du roi, notre frère
qui a offert à l’Afrique et aux africains un cadeau en or en donnant ses ordres aux
responsables de nous donner des cartes de séjour et de bénéficier des soins médicaux
gratuits dans les hôpitaux. Lors d’un accouchement, on comprend l’importance de cette
possibilité. (rires) »640

640 A.O., un Guinéen réfugié de 25 ans installé à Rabat (entretien effectué le 13 janvier 2022).

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Il est vrai que la Maroc a entrepris des actions en faveur de la régularisation des étrangers dans
l’ensemble du territoire marocain. Grâce aux opérations de régularisations qu’il a organisées ainsi
que la mise en place des démarches administratives nécessaires permettant aux étrangers d’avoir et
de renouveler leurs titres de séjour, le Royaume a pu régulariser la situation des milliers des
étrangers (environ 50 milles demandes validées entre 2014 et 2018)641.Toutefois, et malgré ces
efforts, certains étrangers demeurent sans titres, notamment les réfugiés et les demandeurs d’asile.

Concernant la campagne de régularisation des migrant s irréguliers, l’enquête révèle un sentiment


de satisfaction parmi les migrants qui saluent tous l’initiative du royaume, même s’ils demeurent
inquiets quant à leur avenir vu les difficultés socioéconomiques que traversent les pays de la région
à cause de la pandémie du Covid-19. C’est en tous cas l’avis de Z. A. une jeune réfugiée béninoise
de 27 ans qui réside à Rabat et qui vient juste de fonder une famille après avoir décroché un job
d’assistante au sein d’une association d’aide aux migrants :

« Personnellement, j’ai de la chance parce que j’ai fait beaucoup de rencontres avec des
Marocains qui aident les migrants subsahariens notamment. J’ai toujours su que pour
améliorer sa situation, il faudra faire des sacrifices. Je me suis engagé depuis 2017 dans
le travail associatif, surtout avec les communautés subsahariennes. Au début j’avais un
statut provisoire vu que ma demande a été soumise aux responsables du HCR. Mais il
faut dire que la campagne de régularisation est une chance pour des milliers de familles
de migrants. Moi j’avais déjà déposé ma demande avant le lancement de la campagne,
mais je reconnais que le traitement des dossiers a été accéléré. Je connais pas mal
d’amis à moi qui ont profité de cette campagne, le problème c’était la constitution du
dossier. Certains fonctionnaires n’ont pas été coopératif vu qu’ils demandaient de
l’argent (ndlr :corruption) aux migrants pour activer le traitement. C’est normal qu’il y
a toujours des gens malhonnêtes qui profitent de la situation des gens démunies. Pas
seulement au Maroc, mais aussi à l’étranger »642.

641 A noter que la circulaire régulant l’opération n’a jamais été réellement diffusée de manière officielle. A cela, il faudra ajouter aussi les
disparités de traitement des demandes en fonction des régions, villes, et arrondissements (un document constitutif du dossier de demande
pouvant être exigé dans un bureau et pas dans un autre). Sans compter la rigidité des critères exigés pour avoir un titre de séjour, notamment les
personnes entrées au Maroc de manière irrégulière, ne disposant d’aucun document d’identité ou ne pouvant prouver la durée de leur présence
sur le territoire. Enfin, il y a le problème du statut légal des commissions régionales (au nombre de 83) constituées des représentants des
autorités et des représentants de la société civile pour statuer des demandes de régularisation des migrants irréguliers.
642 Entretien avec Z. A. une jeune réfugiée béninoise de 27 ans qui réside à Rabat (entretien effectué le 11 janvier 2022).

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Cependant, les réfugiés interviewés semblent avoir été frappés de plein fouet de l’impact de la
pandémie du Covid-19 dans la mesure où ce fut difficile de constituer le dossier d’obtention ou de
renouvellement de la carte de séjour avec les mesures de restriction. Sans compter la complexité du
dossier à constituer pour présenter les demandes de résidence à une administration qui ne justifie
pas toujours son refus d’un dossier. C’est en tous cas l’avis de M.F une jeune militante associative
de 29 ans d’origine congolaise qui revient sur les conditions difficiles de régularisation des
migrants, notamment l’obtention ou le renouvellement de la carte de séjour :

« Selon mon expérience personnelle depuis des années dans le milieu associatif, j’ai
remarqué que les conditions d’obtention ou de renouvellement de la carte de séjour ou
d’un titre de résidence sont devenues de plus en plus compliquées pour les migrants.
L’administration oblige les migrants à se présenter, après la fin du confinement, mené
d’un dossier difficile constitué d’un contrat de travail, d’une fiche de paie, d’un contrat
de bail, d’une fiche anthropométrique et d’un certificat de résidence, alors
qu’auparavant, le demandeur se contentait de présenter un passeport valable ou une
pièce d’identité, une facture d'eau et d’électricité avec l’adresse de la résidence. Cette
situation compliquée rend la vie des migrants invivable, surtout en période de pandémie
où ils n’ont pas accès à l’emploi et alors qu’ils sont en cours de moyens malgré l’aide
fournie par les autorités et surtout les associations. Le travail d’une association comme
GADEM643 malgré son importance reste insuffisant. C’est bien d’accompagner et de
sensibiliser les migrants de leurs droits encore faut-il qu’ils disposent des moyens
nécessaires pour subvenir à leurs besoins. Cette situation empêche les migrants
d’accéder à leurs droits et de profiter des services (éducation, santé,
administration..........).644

643 GADEM : groupe antiraciste de défense et d'accompagnement des étrangers et migrants (créé en 2010)
644 M.F une jeune militante associative de 29 ans d’origine congolaise résidant à Rabat, (entretien effectué le 9 janvier 2022)

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Section 3. Droit d’accès des migrants à l’état civil : une protection fragile
et insuffisante

L’inscription dans les registres de l’état civil du pays hôte est une question qui inquiète depuis
toujours les étrangers. Selon le dictionnaire juridique Dalloz (1974), l'expression « état civil »
désigne « un ensemble d’éléments relatifs à la personne qui identifient un individu tels que les nom
et prénoms, la date et le lieu de sa naissance, sa situation maritale ». Autrement dit, c’est un
ensemble d'actes juridiques qui constatent des évènements tels que la naissance, le mariage et le
décès, sans tenir compte de la race, la nationalité, l’origine ou tout autre attribut personnel.

Pour l’administration, l’importance de l’état civil réside dans le fait qu’il permet à celle-ci, d’un
côté, d’évaluer un ensemble d’événements rattachés à l’individu, tels que les naissances, les
mariages et les décès et, de l’autre, de permettre à l’État d’assurer la planification et la
programmation d’une politique économique et sociale.

Pour les migrants, l’inscription dans le registre de l’état civil revêt une importance majeure : pour
une personne physique, avoir un acte de naissance permettre à celle-ci d’établir ses documents
d’identité (la carte nationale d'identité, passeport…). Elle permet aussi l'inscription des enfants à
l'école. Sans compter le fait que l’acte de naissance constitue une pièce nécessaire pour l’accès à
l’emploi ou pour établir les actes de mariage qui aideront à prouver l’état de personne mariée et les
actes de décès qui serviront de base à prouver le décès d'une personne.

A. Le droit à l’état civil : un déficit d’information

Le droit des étrangers d’être inscrit dans le registre de l’état civil est un droit garanti par des
instruments de droit international. C’est le cas notamment du pacte international sur les droits civils
et politiques qui reconnaît dans son article 24 le droit de « tout enfant doit être enregistré
immédiatement après sa naissance et avoir un nom. »645. De même l’article 7 de la convention
relative aux droits de l’enfant qui garantit à tout enfant le droit d’être enregistré après sa naissance
et dispose clairement que : « L'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à
un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses
parents et d'être élevé par eux ».646

645 Article 24 du pacte international sur les droits civils et politiques


646 Article 7 de la convention relative aux droits de l’enfant

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Il ressort de ces dispositions que le droit à l’état civil est garanti à tout individu que ce soit de
nationalité marocaine ou étrangère avec quelques différences au niveau procédural647. En effet,
selon l’article 3 de la loi 37-99 sur l’état civil, « tous les marocains sont obligatoirement soumis au
régime d’état civil. Le même régime s’applique aux étrangers en ce qui concerne les naissances et
les décès survenant sur le territoire national ». Autrement dit, toute personne née ou décédée sur le
territoire marocain qu’il soit de nationalité marocaine ou étrangère est soumise à l’obligation
d’enregistrer ses naissances et ses décès.

Or, dans la pratique, les migrants ne sont pas toujours bien informés de leurs droits et obligations.
Le déficit d’information rend ainsi difficile l’accès aux droits, notamment à celui de bénéficier de
l’état civil, comme en témoigne justement A.B, un jeune réfugié malien de 30 ans qui souligne le
manque d’information sur les droits des migrants subsahariens en ces termes :

« Nous les migrants on est analphabètes et démunis. On n’a pas accès aux informations,
ni télévision, ni connexion Internet. Les associations organisent parfois des journées
d’information mais elles choisissent des gens instruits et qui ont des connaissances. Les
autres restent chez eux, c’est ça la réalité. J’ai des amis que les associations engagent
pour informer les migrants illettrés, mais ils ne font pas leur boulot. Ils se rendent aux
journées de formation pour profiter et faire des contacts et pourquoi pas décrocher un
job. Alors que leur rôle c’est d’informer les migrants de leurs droits. On ne peut pas
reprocher aux autorités de faire tout, tout le travail. L’enregistrement à l’état civil est
devenu plus facile qu’auparavant. C’est grâce aux fonctionnaires des arrondissements
que les migrants ont compris la procédure, ils n’arrêtent pas de nous expliquer ce qu’il
faut faire. Je me rappelle avant les migrants ignoraient tout, mais maintenant ils ont
beaucoup d’information. Par exemple, les documents qu’il faudra avoir pour
l’enregistrement à l’état civil sont maintenant connus, en plus les migrants échangent les
informations sur whatsApp et les groupes des réseaux sociaux. Le problème maintenant
c’est la lenteur des procédures au niveau de l’administration. C’est ça le vrai
problème. »648

647 Au Maroc, le droit à l’état civil est régi par la loi n°37-99 relative à l’état civil et le décret d’application n° 2-99-665 du 2 chaabane 1423 (9
octobre 2002).
648 Entretien avec S.M réfugié guinéen à Rabat, effectué le 3 janvier 2022

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Il faut rappeler que le droit de l’inscription des étrangers à l’état civil est un droit soumis à des
règles procédurales souvent ignorées par les citoyens. Ainsi, l’obtention de l’avis de naissance est
une obligation pour toute personne née sur le territoire marocain. Un enfant étranger né au Maroc
doit obligatoirement être enregistré à l’état civil ce qui lui permettra d’avoir une identité et de jouir
de l’ensemble de ses droits fondamentaux comme le droit à l’éducation, le droit aux soins de
santé...649. À souligner, enfin, que l’avis de naissance doit être soumis à une procédure de
déclaration soit auprès des autorités marocaines (dans un délai de 30 jours)650 ou auprès des
autorités consulaires du pays d’origine651.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il semble que de nombreux migrants sont dans la
plupart des cas informés des procédures à suivre pour effectuer l’enregistrement à l’état civil
comme en témoignent à ce propos les déclarations de A.B un réfugié malien de 26 ans résidant à
Rabat qui avance ceci :

« Les procédures administratives sont maintenant connues et apprises par cœur par les
migrants. C’est faux de dire que les migrants sont des ignorants. Les communautés de
migrants diffusent l’information régulièrement, surtout concernant les papiers à
produire pour enregistrer les nouveaux nés à l’état civil. Les choses sont compliquées
pour les réfugiés et les demandeurs d’asile qui sont obligés de suivre des procédures
plus complexes. Sincèrement pour les migrants irréguliers les procédures sont connues
maintenant. Ce n’est plus un problème pour constituer le dossier administratif pour
enregistrer les enfants qui viennent de naître. Le problème c’est e manque de moyens
pour faire les photocopies et les légalisations sachant que les migrants n’ont pas de
moyens de survie. Mais ils sont intelligents encore faut-il qu’ils disposent des moyens
nécessaires pour mettre en application les procédures. D’après mon expérience

649 Caritas au Maroc, « L’inscription à l’état civil des enfants étrangers au Maroc : guide informatif » 2018.
650 La procédure de déclaration doit être réalisée dans un délai de 30 jours après la naissance de l’enfant selon l’article 15 du décret d’application
n° 2-99-665 du 2 chaabane 1423 (9 octobre 2002). En ce concerne les pièces à fournir, la mère de l’enfant étranger doit, au moment de la
déclaration, fournir l’avis de naissance de l’enfant ainsi que ses pièces d’identité (de la mère et du père s’il est présent). D’autres documents
peuvent être demandés tels que le carnet de vaccination, ou une attestation sur l’honneur si la mère a un son statut de femme célibataire. Ce
document doit être rédigé en arabe, signé par la mère et légalisé. En cas de dépassement des délais réglementaires, des procédures compliquées
devraient être suivies par les migrants. (voir la loi n°37-99 de l’état civil marocain et aussi Caritas au Maroc, « L’inscription à l’état civil des enfants
étrangers au Maroc : guide informatif », édition Juin 2018).
651 Les démarches procédurales concernant la déclaration auprès des autorités consulaires varient d’un pays à un autre. Cette déclaration auprès

du consulat ou l’ambassade du pays d’origine revêt d’une importance capitale pour les parents étrangers car « pour pouvoir quitter le Maroc, la
personne doit en effet, posséder un acte de naissance de son pays d’origine ce qui lui permettra de retirer aussi un extrait de naissance au pays et dans toutes ses
représentations consulaires à l’étranger ». Pour la procédure d’enregistrement hors-délai, elle est réalisée auprès du tribunal du pays d’origine ce qui la
rend compliquée et longue. Pour les documents à fournir, les services consulaires exigent au moins les documents un document d’identité de la
mère et du père le cas échéant, l’avis de naissance et une demande manuscrite adressée à l’ambassadeur ou au consul. (voir : Caritas au Maroc, «
L’inscription à l’état civil des enfants étrangers au Maroc : guide informatif » 2018).

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personnelle, il y a eu beaucoup de changement. Auparavant, on demandait aux parents


des migrants qui souhaitent enregistrer leurs enfants d’apporter de nombreux des
documents justifiants de leur résidence leur origine, etc. alors que l’on ne demandait pas
ça aux Marocains. Maintenant, j’ai constaté que les fonctionnaires sont plus souples et
ils n’insistent pas trop sur les documents à présenter ».652

Le même avis est partagé par L.K. une jeune femme de 27 ans réfugiée d’origine guinéenne, qui
reconnaît les efforts déployés par les autorités marocaines afin de faciliter l’enregistrement des
enfants issus de parents migrants :

« c’est vrai qu’après la campagne de régularisation de nos frères subsahariens, les


autorités marocaines sont devenues plus compréhensives et coopératives qu’auparavant.
Je me rappelle en 2013, lorsque j’ai eu ma première fille, c’était difficile d’enregistrer
un nouveau-né à l’hôpital public. J’avais mes documents attestant de mon statut
provisoire de réfugiée, mais on ne voulait rien entendre, les responsables m’ont demandé
un certificat de résidence pour vérifier mon lieu de résidence qui correspond au
dispensaire que j’ai visité. Ma sœur vient d’accoucher de son deuxième enfant à Rabat,
elle m’a dit que les responsables de l’hôpital se sont contentés de vérifier juste un
document du HCR attestant que ma sœur avait présenté une demande d’asile aux
autorité marocaines. Avant c’était impensable de passer comme ça et d’enregistrer
l’enfant. On effectuait plusieurs enquêtes. »653

652 Entretien avec A.B réfugié malien à Rabat, effectué le 6 janvier 2022
653 Entretien avec L.K. une jeune femme de 27 ans réfugiée d’origine guinéenne, effectué le 8 janvier 2022

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B. Amélioration des procédures d’enregistrement de l’étranger à l’état


civil

Il est vrai que le Maroc a entretenu des efforts considérables afin de faciliter l’enregistrement des
enfants étrangers à l’état civil au même titre que les Marocains. Toutefois, les pratiques
administratives, au niveau des hôpitaux notamment, ont révélé l’existence d’un certain nombre de
difficultés qui entravent l’enregistrement des enfants étrangers à l’état civil.

Parfois, il est à relever que les procédures d’enregistrement l’état civil changent en fonction des
circonscriptions et des localités. Il se trouve que certains migrants rencontrent des difficultés à
enregistrer leurs enfants à l’état civil, comme en témoignent les propos de N. D. une jeune
Guinéenne de 22 ans qui vient de déposer sa demande d’asile auprès du HCR :

« Je suis resté des semaines à attendre l’avis de naissance de ma fille alors que je
connais pas mal de femmes marocaines qui en bénéficient dans les heures qui suivent.
C’est vraiment révoltant parce que ce retard nous prive de l’aide que nous donne les
ONG. Pour profiter d’une aide au logement ou des denrées alimentaires, il faudra l’vis
de naissance pour que l’enfant soit reconnu officiellement. Je connais des amies à moi
qui ont eu des problèmes parce qu’il l arrive que l’hôpital où l’enfant est né refuse de
délivrer l’avis de naissance à la mère qi celle-ci n’a pas de document justifiant de son
identité comme un contrat de bail ou un certificat de mariage. Dans ce cas, de
nombreuses femmes migrantes n’ont pas la possibilité de justifier d’un mariage dans la
mesure où la plupart ont eu des relations extraconjugales en dehors du mariage. Ce sont
donc des femmes célibataires. D’autres ont carrément perdu leurs papiers ou bien les
ont détruits exprès pour demander le statut de réfugié. À. Cela, il faudra ajouter le
coût654 de tomber enceinte. C’est vraiment la galère ici lorsqu’une femme tombe
enceinte. On lui demande de payer les frais d’accouchement en l’absence du père qui
s’est défilé dans la plupart des cas. Heureusement, les associations interviennent pour
nous éviter le calvaire. Sans oublier le problème que de nombreux migrants rencontrent
ici au Maroc, le problème des noms africains qui ne sont pas reconnus par les autorités

654 Rappelons ici que la circulaire du Ministère de la santé (Circulaire 108 du 12 décembre 2008) impose le principe de gratuité du suivi de grossesse, des
accouchements et des césariennes dans les structures publiques complétée par la Note du 1er juin 2009 destinée aux CHU qui impose le principe d’une gratuité des
accouchements pour les femmes référées par le système de santé public. Malgré cela, il arrive que les CHU refusent de délivrer l’avis de naissance si les frais n’ont pas été
réglés.

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marocaines. On n’imagine pas donner ainsi un nom arabe655 à un enfant d’origine


africaine ou de religion chrétienne, c’est très difficile de se trouver dans cette situation
»656.

De nombreux réfugiés n’hésitent pas à souligner l’importance du HCR et des associations de la


société civile dans l’accompagnement des migrants qui ont des difficultés à enregistrer leurs
enfants à l’état civil marocain. C’est le cas notamment de Y. L., un réfugié camerounais de 45 ans
qui réside depuis 10 ans au Maroc et qui estime que s’il n’ y avait pas les associations, les migrants
n’auraient pas pu profiter de l’accès à des droits élémentaires tels que l’enregistrement à l’état civil
:

« j’ai un ami qui travaille au sein Cartas657 comme médiateur auprès des communautés
des migrants depuis 2017. Il m’a raconté que dorénavant, les migrants n’auront pas ces
problèmes administratifs pour enregistrer leurs enfants, vu que les procédures sont bien
diffusées auprès des communautés des migrants. Le problème réside dans la lenteur du
traitement des dossiers par l’administration. Certains parlent de pistons ou de
connaissances, certains fonctionnaires nous demandent de l’argent (bakchich) pour
activer un dossier mais il y a des gens sérieux et sympathiques malgré tout. Il ne faut pas
oublier les efforts du HCR ce sont des gens bien s’ils n’étaient pas là on ne serait pas
là… »658

655 Le problème du nom et du prénom se pose aussi aux réfugiés syriens et yéménites qui n’arrivent pas à donner un nom comprenant en plus
du nom et prénom le nom de la famille ou de la communauté de filiation de l’enfant. Dans le formulaire administratif de l’état civil marocain, il
n’existe que deux cases à renseigner : nom et prénom. La question de l’identité juridique se pose ici avec acuité. La protection juridique touche
ici ses limites.
656 Entretien avec N. D. une jeune Guinéenne de 22 ans demandeuse d’asile, effectué le 11 janvier 2022.
657 L’interviewé parle de l’association CARITAS : une association qui travaille depuis longtemps auprès des familles étrangères pour faciliter

l’inscription à l’état civil de leurs enfants nés sur le territoire marocain. Cette association a mis en place des guides pour assister les migrants
étrangers à enregistrer leurs enfants dans les registres de l’tat civil marocain.
658 Entretien avec Y. L., un réfugié camerounais de 45 ans effectué le 10 janvier 2022.

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Section 4. Droit d’accès des migrants à la santé : un traitement


bureaucratique, onéreux et discriminatoire

Dans le droit international, faut-il le rappeler, le droit à la santé est un droit inhérent à tout être
humain quel que soit son âge, sa race, sa nationalité, son origine, sa religion, sa situation familiale,
administrative ou même son statut social. Ce droit est garanti par des instruments juridiques tant au
niveau national qu’international. Pour la petite histoire, le droit de bénéficier de soins de santé a été
mentionné pour la première fois dans la constitution de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)
en 1946 qui l’a défini comme étant : « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne
consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » Et le même document d’ajouter
ceci : « la possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des
droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions
politiques, sa condition économique ou sociale »659.

En principe, le droit à la santé est souvent associé à l’accès aux soins de santé. Mais dans la
pratique, des personnes de nationalité étrangère ou des personnes migrantes rencontrent des
difficultés à bénéficier du droit à la santé qui est garanti par le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels (PIDESC). Pour rappel, ce pacte permet ainsi aux étrangers et
migrants réguliers de profiter des soins de santé. Ce droit s’applique à tout individu abstraction
faite de sa race, sa nationalité, son origine, sa religion, sa situation familiale, administrative ou de
son statut660.

A. Une réglementation inadaptée pour l’accès aux soins

Le gouvernement marocain s’est engagé dans un processus d’adaptation de son arsenal juridique
aux dispositions internationales, notamment la loi cadre n° 34-09 relative au système de santé et à
l’offre de soins. Cette loi cadre a fixé des principes et les objectifs fondamentaux de l’action de
l’État en matière de santé, notamment le principe de l’égalité d’accès aux soins et services de la
santé (art. 1). Ce principe est confirmé par les dispositions de l’article 7 de la même loi qui garantit
l’accès aux soins de santé appropriées, et ce, dans le respect de la personne et son intégrité, tout en
veillant à la répartition équitable des offres de soins661.

659 Préambule de la constitution de l’Organisation mondiale de la santé en 1946


660 Article 12 Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC)
661 Article 2 et 7 de la loi cadre n° 34-09 relative au système de santé et à l’offre de soins.

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Par ailleurs, le Maroc a appuyé la loi cadre n° 34-09 relative au système de santé et à l’offre de
soins par des dispositions réglementaires garantissant le droit d’accès aux soins à toute personne
migrante662. En effet, deux circulaires ministérielles ont été adoptées par le ministère de la Santé et
qui garantissent le droit d’accès aux soins à toute personne migrante. La première circulaire a été
adoptée en 2003 et qui autorise les migrants en situation régulière à bénéficier gratuitement des
services de soins préventifs. La seconde circulaire adoptée en 2008 permet d’élargir cet accès
gratuit à toutes les prestations sanitaires offertes par le réseau des établissements de soins de santé
de base.

A cela, il faudra ajouter les dispositions du Règlement interne des hôpitaux, en vigueur depuis
2011, dans les différents services du Ministère de la Santé, qui accorde le droit d’accès aux soins
pour les étrangers, quel que soit leur statut, au même titre que les Marocains en soulignant
notamment ceci : « Les patients ou blessés non marocains sont admis, quels que soient leurs
statuts, dans les mêmes conditions que les nationaux. Les modalités de facturation des prestations
qui leur sont prodiguées doivent s’effectuer dans les mêmes conditions sauf en cas d’existence de
convention de soins entre le Maroc et le pays dont le patient est ressortissant. »663.

En vue de consolider ce socle législatif, le Maroc a adopté en 2013 une stratégie nationale
d’immigration et d’asile (SNIA) qui permet, notamment, aux étrangers en situation régulière
l’accès aux soins, en les intégrants dans le programme de couverture médicale pour les plus
démunis (RAMED). Cette intégration s’est concrétisée en octobre 2015 suite à la signature d’une
convention tripartite entre le Ministère de la Santé, Ministère de l’Économie et des Finances et le
Ministère Chargé des Marocains Résidents à l’Étranger et Affaires de la Migration.

Il ressort donc de ces dispositions que le droit d’accès aux soins est garanti aussi bien aux
Marocains qu’aux migrants qui devraient leur bénéficier égalitairement des mêmes offres de soins.
Or, dans la pratique la réalité est totalement différente à en juger notamment par les déclarations
des interviewées qui dénoncent tous sans exception des formes systématiques de discriminations
envers les migrants, notamment, qui souhaitent profiter de l’accès aux services de soins dispensés
par les établissements hospitaliers publics.
662 La loi cadre n° 34-09 relative au système de santé et à l’offre de soins par des dispositions réglementaires
663 Article 57 du Règlement interne des hôpitaux au Maroc, 2011.

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C’est le cas notamment de D.M, une jeune réfugiée guinéenne de 33 ans qui réside à Rabat depuis
2017 et qui nous confie que les migrants souffrent le martyr pour se faire soigner au Maroc :

« Cela fait quelques années que je suis installée au Maroc, je connais bien le pays, ces
gens sont sympathiques et ils ne sont pas racistes malgré les préjugés que certains
avancent. C’est vrai, il y a toujours des cas comme partout de gens qui ne souhaitent pas
avoir à faire à des migrants subsahariens en particulier, mais en général lorsque je
souhaite aller à l’hôpital, j’ai la possibilité de profiter des soins gratuitement. Une fois
ma fille de 1à ans a eu une intoxication grave et je l’ai ramené à un hôpital à Rabat. Elle
a été prise en charge par un médecin sympathique. Il faut qu’on soit honnête, même les
Marocains ne bénéficient pas facilement des services de soins. On faisait la queue pour
la consultation et j’avais à côté de moi des Marocains et personne ne nous a manqué de
respect. Chacun attendant son tour. Ce sont des gens simples comme nous tous. »664

Le même avis est partagé par Y.L. un refugié camerounais de 45 ans qui ne cache pas son
sentiment de satisfaction vis-à-vis de la tolérance de la majorité des Marocains qu’il connaît depuis
des années à l’égard des migrants, notamment au sein des hôpitaux :

« J’ai beaucoup d’amis Marocains et je peux vous dire qu’ils ne sont pas racistes comme
certains le pensent. Au Cameroun, je subissais plus de racisme qu’au Maroc. Je suis issu
d’une famille modeste et ma tribu est enclavée, alors pour accéder à l’hôpital de
Yaoundé, il faudra avoir des pistons et de l’argent. On ne t’accepte pas facilement et les
médecins d’autres tribus n’accepteront jamais de te soigner, c’est la vérité. Au Maroc,
c’est vrai il y a comme partout des gens qui te compliquent la vie, mais la majorité ce
sont des gens qui aident dans la mesure du possible. »665

664 Entretien avec D.M, une jeune réfugiée guinéenne de 33 ans qui réside à Rabat depuis 2017 (entretien effectué le 9 janvier 2022
665 Entretien avec Y. L., un réfugié camerounais de 45 ans effectué le 10 janvier 2022.

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B. Un accès restreint des étrangers à la santé

Malgré les efforts déployés, l’accès des étrangers aux soins reste restreint à cause d’obstacles liés
aux procédures administratives, ainsi qu’à la précarité économique des migrants. Sur le plan
administratif, les personnes migrantes dépourvues des documents d’identité trouvent beaucoup de
difficultés à accéder aux centres de santé (publics privés). En plus de l’exigence d’une pièce
d’identité, les services de santé demandent aux étrangers de fournir un contrat de bail. L’objectif
étant de vérifier si la résidence du patient se situe au sein de la même circonscription que le centre
de la santé666. Toutefois, dans le cas où l’étranger se trouve dans l’impossibilité de fournir un
contrat de bail, les professionnels de la santé l’orientent vers des acteurs associatifs qui délivrent à
la personne un carnet d’usagers sur lequel est mentionnée l’adresse de la personne.

Sur le plan socioéconomique, il faudra reconnaître que la précarité des personnes migrantes rend
très difficile l’accès aux soins de santé667. Les payements sont donc identifiés comme l’un des
problèmes d’accès aux soins des personnes migrantes. S’ajoute au paiement des soins, la nécessité
pour les personnes migrantes de payer des prescriptions médicamenteuses.

En face à cette situation, la société civile joue indéniablement un rôle majeur dans la lutte contre la
vulnérabilité des personnes migrantes, en leur facilitant l’accès aux soins et en leur fournissant les
médicaments, notamment durant la pandémie du Covid-19, et ce en fonction des moyens
disponibles.

D’après l’enquête, la plupart des interviewés affirment que le problème principal qui entrave
l’accès des migrants aux soins réside dans le manque des équipements médicaux au sein du
royaume associé à la précarité des migrants. C’est le cas notamment de A.T. un père nigérian de 42
ans qui réside à Rabat, qui affirme ainsi :

« Je crois que l’on doit être juste et objectif. Le problème de l’accès des migrants aux
soins est plus général. C’est un problème de moyens puisque les hôpitaux marocains
dans leur majorité ne disposent pas de beaucoup de moyens. Si vous posez la question
aux Marocains, ils vous répondront la même chose. Notre problème nous les migrants

666Voir le rapport inédit du GTP Casablanca HCR-ONU, 2017-2018.


667D’un point de vue juridique, les prestations des soins de santé primaires au niveau des centres de santé (consultations de médecins générale,
soins infirmiers, suivi de la santé de la mère et de l’enfant, prestations d’urgence médicales de proximité) sont gratuites.

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c’est principalement les papiers justificatifs. Mais les choses ont changé depuis pas mal
de temps. Il faudra aussi rappeler que les migrants subsahariens ont une longue
expérience dans le domaine de la médecine traditionnelle que les Africains utilisent
depuis des décennies. C’est une solution à base d’herbe médicinales qui nous permet de
traiter quelques maladies. C’est la solution face à la précarité et la misère qui frappent
les africains et les gens démunies »668.

Section 5. Le droit d’accès des élevés de réfugiés à l’éducation : inégalité


des chances entre nationaux et migrants

L’accès à l’éducation est l’un des droits fondamentaux garanti à tout être humain par tous les
dispositifs juridiques internationaux relatifs aux droits humains. Ainsi, la déclaration universelle
des droits de l’Homme dans son article 26 dispose clairement que : « Toute personne a droit à
l’éducation. L’éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement
élémentaire et fondamental. »669. Ces dispositions ont été confirmées par les articles 13 et 14 du
pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels qui garantissent le droit à
l'éducation, à commencer par la gratuité de l'enseignement (primaire, secondaire et supérieur).

Par ailleurs, la convention relative aux droits de l’enfant, dans son article 28, oblige les États
signataires à reconnaître le droit à l’éducation à tout enfant670. Sans compter le fait que le droit à
éducation au Maroc est un droit constitutionnel671. Sur le plan législatif, la loi n°04-00 du 19 mai
2000, portant sur l’obligation de l’enseignement fondamental, dans son article premier, limite
cependant l’accès à l’éducation aux enfants marocains ayant atteint l’âge de six ans. De fait, les
enfants migrants établis sur le sol marocain se trouvent exclus de ce droit à l’éducation.

Afin de remédier à cette situation, les autorités publiques se sont engagées dans un processus
d’intégration des enfants issus de la migration à l’école publique marocaine. À cette fin, le
ministère de l'Éducation nationale, de la Formation professionnelle, de l'Enseignement supérieur et
de la Recherche scientifique marocain a adopté le 9 octobre 2013 la circulaire N° 13.487

668 Entretien avec A.T. un père nigérian de 42 ans qui réside à Rabat (effectué le 09 janvier 2022).
669 La déclaration universelle des droits de l’Homme et du citoyen
670 La convention relative aux droits de l’enfant
671 Article 32 de la constitution marocaine 2011

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permettant l'accès des élèves migrants subsahariens et du Sahel au système éducatif marocain
(public, privé et à l'Education Non Formelle)672.

Parmi les droits dont l’accès est garanti par la SNIA, l’accès à l’éducation des enfants étrangers
occupe une place centrale. En effet, la SNIA a mis en place un certain nombre de mesures
d’accompagnement en coordination avec les partenaires institutionnels et les organisations de la
société visant l’intégration des élèves migrants dans les programmes d’éducation marocains
(formels et informels).

À cet égard, le Maroc a mis en place un cadre réglementaire favorisant l’inclusion des enfants des
migrants dans le système éducatif. Toutefois, les procédures d’inscription scolaire des enfants
étrangers restent aujourd’hui encore complexes et difficiles surtout avec des parents qui changent
d’une région à une autre. La procédure commence par l’obtention d’une autorisation de
scolarisation. En effet, les parents de l’enfant issu d’une famille de migrants, qu’il soit né au Maroc
ou à bien à l’étranger, doivent obtenir une autorisation de scolarisation délivrée par la direction
provinciale sur la base de la présentation d’un acte de naissance marocain ou non673.

Dans la pratique, la situation des migrants demeure difficile, notamment lorsqu’il s’agit de l’accès
à l’éducation. Malgré la réglementation en vigueur, force est de constater que les réfugiés et
demandeurs d’asile, par exemple, font l’objet d’une discrimination plus importante qui rend
laborieuse l’intégration de leurs enfants dans le système éducatif national.

C’est en tous cas l’avis de F.G une jeune mère célibataire de 30 ans qui réside à Rabat depuis
2015 :

« D’après mon expérience, l’accès des enfants de migrants à l’école publique marocaine
est très difficile à cause des procédures mise en place, notamment pour les réfugiés.
Pour inscrire les enfants à l’école, on demande aux parents, notamment dans la région
de Casablanca, de rédiger une lettre manuscrite en arabe afin de déposer la demande de
cette autorisation à la direction provinciale. Et malgré les difficultés rencontrées par les

672 En 2018, cette circulaire a été complétée par la directive 18-139 avec des mesures liées à la sensibilisation, l’accueil et l’inscription,
l’accompagnement pédagogique et éducatif, ainsi que le processus évaluatif des enfants migrants. Pour renforcer l’insertion des enfants des
migrants à l’école, le Maroc a adopté en 2014 la stratégie nationale d’immigration et d’asile (SNIA).
673 Caritas Maroc, « état des lieux des procédures d’inscription Scolaire des élèves étrangers au Maroc », Note d’observations et

Recommandations », Janvier 2018

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migrants dont la majorité ne maitrisent pas l’arabe, on fait beaucoup d’efforts pour
s’adapter. Mais à cela il faudra ajouter le nombre incalculable de documents qu’il
faudra présenter pour faire la demande d’inscription des enfants à l’école, à commencer
par l’exigence de la présentation de certificats médicaux attestant de l’aptitude des
élèves à suivre des cours. C’est incompréhensible de demander ça aux enfants de
migrants, alors que les enfants des familles marocaines, on ne leur demande pas ce
genre de documents. Mes enfants à moi me disent souvent pourquoi maman l’école
insiste sur notre état de santé, on n’est pas malades et pourtant ils insistent sur le
674
certificat médical. »

Au Maroc, le problème de l’accès à l’éducation des élèves étrangers se pose généralement au


niveau de l’inscription. Elle passe par la présentation des documents d’identité que les parents en
situation administrative irrégulière ne peuvent présenter (carte de séjour, documents d’identité...).
Par conséquent, la situation administrative des parents devient un frein principal à l’accès des
élèves à l’éducation et peut avoir, par la suite, des répercussions négatives sur la scolarisation de
l’enfant.

Un autre problème empêche la scolarisation des enfants de migrants réside dans l’instabilité des
parents et la peur des arrestations et des refoulements. À cela, il faudra ajouter des obstacles
d’ordre pédagogique dans la mesure où les élèves migrants non arabophones sont obligés de suivre
une scolarisation dispensée en arabe classique. L’enseignement des matières islamiques constitue
aussi un obstacle pour la plupart des parents d’enfants migrants non-musulmans qui craignent pour
leurs enfants de perdre leur identité collective dans un environnement islamique675.

À ce niveau, force est de reconnaître que la société civile fournit un effort considérable en vue de
faciliter l’accès des enfants étrangers à l’éducation676. Une action qui a favorisé la scolarisation des
enfants migrants subsahariens privés du droit à l’éducation pour cause de situation administrative
irrégulière. Malgré les efforts de l’État marocain, l’intégration des enfants de migrants dans le
système éducatif reste une entreprise pénible.

674 Entretien avec F.G une jeune mère célibataire de 30 ans qui réside à Rabat (effectué le 11 janvier 2022).
675 Voir à ce propos : le rapport intitulé : « les enfants migrants et l’école marocaine », Projet cofinancé par l’UE (état des lieux sur l’accès à
l’éducation des enfants migrants subsahariens au Maroc), Rabat, 2017
676 Depuis 2010, un système d’intégration informel a été mis en place par Caritas Maroc, Centre d’Accueil des Migrants (CAM) et la Fondation

Orient Occident (FOO), en collaboration avec l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR). De même, le Centre d’Accueil des
Migrants offre des services éducatifs aux enfants étrangers à travers trois niveaux d’apprentissages : petite, moyenne et grande section..

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À cet égard, l’enquête révèle un sentiment de discrimination parmi les réfugiés qui trouvent des
difficultés à intégrer le système éducatif marocain. Parmi les difficultés rencontrées, ils insistent
surtout sur les problèmes liés à l’inscription des enfants et aussi l’obstacle linguistique qui empêche
les enfants non arabophones à suivre une scolarisation normale. Comme en témoigne d’ailleurs Y.
L., un réfugié camerounais de 45 ans qui atteste de ces handicapes à partir de son expérience
personnelle :

« Cela fait 4 ans que je me suis installé au Maroc, pour moi et mes enfants l’école et la
scolarisation est une priorité pour notre avenir et l’avenir des enfants. Le problème c’est
que les responsables marocains exigent tout un dossier de documents administratifs,
notamment le certificat de résidence alors que mon travail dans la construction (Travaux
publics) m’oblige à me déplacer et de changer de résidence tous les 3 mois. Je rencontre
des difficultés à convaincre le directeur de l’école que c’est mon travail qui m’oblige à
me déplacer. L’année dernière, j’ai été obligé de payer 300 Dh pour les frais mensuels
de scolarité de ma fille de 8 ans vu qu’on ne voulait pas la réinscrire dans une autre
école proche de mon lieu de travail. Personnellement, j’ai appris darija et je l’ai appris
à mes enfants qui côtoient des enfants marocains. C’est pratique d’apprendre la langue.
Quant à l’arabe, on fait des efforts c’est une langue compliquée mais on s’adapte. Moi,
j’ai de la chance parce que ma femme fournit un effort considérable pour suivre la
scolarisation des enfants. Contrairement à pas mal de migrants, je ne m’inquiète pas
pour mes enfants qui sont chrétiens et qui fréquent des enfants musulmans on est tous
des frères. C’est dépassé cette question de religion. Mais j’avoue que mon cas reste
l’exception, beaucoup de migrants n’arrivent pas à suivre les cours avec leurs enfants à
cause de leur précarité économique. En plus, ils n’ont pas les moyens pour leur acheter
la fourniture scolaire. La plupart préfère ne pas scolariser leurs enfants et les engager à
travailler ou même faire la manche. Ce qui est vraiment navrant ».677

677 Entretien avec A.T. un père nigérian de 42 ans qui réside à Rabat (effectué le 09 janvier 2022

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Section 6. L’accès des migrants à l’emploi : absence d’un cadre


réglementaire et prééminence de l’informel

L’accès à un emploi décent est un droit fondamental garanti par les législations internationales et
nationales visant la protection juridique des droits humains. Ainsi, l’article 6 du pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) garantit le droit au travail et impose
aux États signataires du pacte de reconnaître à toute personne le droit au travail et gagner sa vie678.
De même, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants
et des membres de leur famille impose aux États le respect des droits des travailleurs migrants sans
aucune discrimination et dans le respect du principe d’égalité de traitement entre travailleurs
migrants et nationaux679.

Le Maroc a tenté d’adapter sa législation en fonction du droit international afin de garantir aux
étrangers, au même titre que les Marocains, l’accès à un emploi décent. La loi n° 65.99 relative au
code du travail garantit ainsi le droit à l’emploi aux personnes étrangères à travers l’instauration
d’une procédure spéciale relative au recrutement des salariés étrangers au Maroc.

L’emploi des travailleurs étrangers au Maroc est soumis à des procédures et formalités particulières
permettant l’obtention d’un permis de travail (autorisation du ministère de l’emploi)680. Cette
autorisation est accordée sous forme de visa apposé sur le contrat de travail681. Ensuite, l’ANAPEC
publie une offre d’emploi au niveau national en vue de permettre à tout candidat marocain
présentant le profil recherché de postuler au poste demandé. Il s’agit d’une application du principe
de préférence nationale. Le règlement exige que dans un délai de 15 minimum, si aucun candidat

678 Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC)
679 Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille adopté par l’ONU en
1990
680 En principe, tous les étrangers ayant un statut de salarié au Maroc doivent obtenir un CTE dûment visé, avant la prise de leurs fonctions et ce

conformément aux dispositions de l’article 516 de la loi N° 65.99 relative au code du travail qui dispose « tout employeur désireux de recruter un
salarié étranger doit obtenir une autorisation de l’autorité gouvernementale chargée du travail. » Article 516 de la loi N° 65.99 relative au code du
travail
681 En cas d’omission, « l’employeur risque une amende et doit prendre à sa charge les frais de rapatriement du salarié qui n’aurait pas obtenu

ledit visa de travail ou son renouvellement. De son côté, l’employé ne peut pas travailler légalement et demeurer sur le territoire marocain. Par
ailleurs, préalablement à l’obtention du visa du contrat de travail, l’employeur doit obtenir une attestation d’activité auprès de l’Agence Nationale
de Promotion de l’Emploi et des Compétences (ANAPEC). Il doit, à cet effet, déposer un dossier comprenant les pièces suivantes :
- Une demande formulée à l’attention du Directeur Général de l’ANAPEC contenant le nom, prénom et l’emploi métier qu’exercera le
futur salarié étranger.
- Un formulaire de renseignements au format ANAPEC dûment rempli,
- Une fiche descriptive émanant de l’employeur qui détaille avec précision les critères du poste à pouvoir et les compétences
recherchées.
- Un justificatif d’identité (CIN ou passeport),
- Un CV et les copies légalisées des diplômes et des attestations de travail des employeurs précédents,
- Une fiche annonce détaillant l’offre d’emploi qui sera publiée dans deux journaux (l’un francophone, l’autre arabophone).

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national ne se présente ou ne correspond au profil recherché, l’ANAPEC autorise l’embauche du


salarié étranger.

L’employeur doit ensuite transmettre l’ensemble du dossier au Ministère de l’Emploi et suivre une
procédure d’obtention du contrat de travail d’étranger (CTE) . A cet effet, selon la réglementation
en vigueur, l’employeur est tenu de déposer une demande de visa d’un CTE auprès des services
compétents, à savoir le Ministère du Travail et de l’Insertion Professionnelle682.

Sur le plan administratif, plusieurs documents sont exigés pour compléter les demandes de visas,
notamment une copie du diplôme du futur salarié, une attestation de son ancien employeur et les
documents relatifs à l’existence juridique de la société d’accueil. Ces documents doivent être
signés et légalisés puis déposés au Ministère du Travail. Le délai de traitement et de délivrance des
visas est de 10 jours à compter du jour qui suit la date de réception de dossiers dûment complets et
conformes. Après le dépôt de ces documents, un accusé de dépôt est délivré au migrant683.

Dans la pratique, l’accès au travail reste difficile pour les étrangers en raison des démarches
administratives compliquées. A cela, il faudra ajouter l’appréhension de certains employeurs à
recruter des migrants subsahariens, notamment. Ce qui explique le fait que ces derniers soient
obligés de travailler dans l’informel dans des emplois peu qualifiés (maçonnerie, marbrerie, travail
domestique, lavage de voitures, gardiennage, etc.). En outre, n’étant pas déclarés auprès du CNSS
par leur employeur et ne disposant pas de l’autorisation de l’ANAPEC, ces migrants subsahariens
ne bénéficient pas d’une couverture sociale à l’instar des travailleurs684.

Cette situation rend ainsi difficile la protection juridique des migrants dont la plupart ne parvient
pas à intégrer le monde du travail et encore moins espérer avoir des contrats leur garantissant les
droits sociaux (couverture médicale, salaires mensuels, allocations familiales…). D’où l’état de
précarité sociale et économique qui traverse les communautés de la plupart des réfugiés
interviewés. Comme en témoigne justement Y.L. un réfugié camerounais de 45 ans qui ne cache
pas sa détresse même s’il demeure optimiste de voir sa situation s’améliorer grâce à un futur

682 www.anapec.ma
683 Par ailleurs, depuis le 1er juin 2017, les demandes de visas des contrats de travail des étrangers (CTE) doit être déposées via la plateforme
TAECHIR, un service développé par le Ministère de l’Emploi et des Affaires Sociales marocain pour gérer les demandes liées aux contrats de
travail des étrangers en vue de faciliter la démarche de recrutement.
684 Avec l’avènement du Covid-19, de nombreux programmes ont vu le jour grâce à l’implication de la société civile. Les actions de l’intégration

économique au profit des migrants et réfugiés pendant et post confinement » organisé par AMAPPE en collaboration avec GTP-Casablanca
(HCR).

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contrat de travail qu’elle aspire décrocher. Ses propos décrit parfaitement le calvaire des réfugiés
pour survivre :

« tout le monde nous dit vous les réfugiés vous avez de la chance d’avoir le permis de
travail automatiquement après l’obtention du DSR. C’est vrai que nos frères les
migrants n’ont pas cette chance. Mais cela ne veut rien dire. Les employeurs se
comportement de la même manière avec nous. Ils refusent de nous embaucher : pour eux
un africain noir, c’est un africain noir. Je parle des gens démunis. Je sais que pour les
réfugiés qui ont les moyens c’est différent. Ils peuvent accéder à des boulots
respectables. Selon mon expérience personnelle, je connais pas mal de migrants
subsahariens qui ont profité de l’aide des associations pour trouver un travail. Mais ça
reste quand même insuffisant pour nourrir une famille. La plupart des travaux qui
s’offrent aux migrants subsahariens sont situés dans l’informel, notamment dans le
domaine des services à commencer par le bâtiment, le gardiennage et le lavage de
voiture. J’ai fait une dizaine de petits emplois ici et là grâce à l’aide de l’AMAPPEE 685;
je parvenais à gagner parfois 100 Dh par jour. Mais c’était dur au départ, parce que le
travail durait jusqu’à 12 heures par jour. Actuellement, j’ai contacté l’ANAPEC grâce à
un ami. Et c’était une agréable surprise, un monsieur très sympa m’a mis en contact
avec un responsable d’une station d’essence Total À Salé. Je travaille actuellement
comme pompiste avec un contrat qui me permet de toucher 1500 Dh par mois. Les
Marocains sont généreux, c’est la vérité, beaucoup de conducteurs me filent du
pourboire après un coup d’éponge sur le pare-brise. Je pourrais aller jusqu’à 3000 Dh
par mois. Le problème c’est que maintenant que je me suis marié, ce salaire n’est pas
suffisant. Ma femme m’a conseillé de faire des économies pour aller en Espagne. Mais
j’ai constaté qu’avec le Covid c’est mieux de trouver un travail stable ici au Maroc.
Maintenant que j’ai les papiers je pourrais vivre tranquillement ici ». 686

D’autres réfugiés n’essayent pas de s’intégrer en commençant par travailler dans l’informel dans
l’attente d’une éventuelle régularisation. De nombreux migrants subsahariens, notamment,
basculent dans la mendicité ou la prostitution, rendant encore plus vulnérable leur situation sociale.
C’est en tous cas ce que nous a déclaré Z.L. une jeune mère malienne de 33 ans résidant à Rabat,

685 Le travail de l’AMAPPE (Association Marocaine d'Appui à la promotion de la Petite Entreprise)


se focalise sur trois axes : insertion à l’emploi, création des microprojets et formation professionnelle.
686 Y.L. un refugié camerounais de 45 ans résidant à Rabat (entretien effectué le 10 janvier 2022)

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qui s’est trouvée dans la rue avec ses deux enfants après avoir été abandonné par son mari et ses
proches. Son témoignage est poignant :

« Cela fait deux ans que je suis sans abri avec mes enfants. Grâce à une association à
Youssoufia (ndlr : Rabat), je pourrais passer la nuit en sécurité mais dans des conditions
difficiles. Il y a les rats le soir qui m’empêche de dormir. Je connais pas mal de femmes
migrantes qui font de la prostitution, parfois elles se font tabasser ou même enlever pour
travailler chez des gens riches qui ont des fermes à la campagne. Moi, j’ai choisi je
vendre des mouchoirs aux conducteurs de voitures, mais il y a beaucoup de concurrence
et la police nous chasse parfois parce qu’on bloque la circulation. Malgré tout cela, ici
au Maroc on peut trouver un moyen pour gagner sa vie et la vie n’est pas très chère.
Avec 5 Dh je prépare un plat chaud à mes enfants fait de légumes et des abats de poulets
que les marocains ne mangent pas. Ma sœur a trouvé un travail de bonne chez une
grande famille à Fès. Elle va très bien. Le problème c’est qu’à force de trop travailler,
elle est tombée malade et maintenant la famille compte la renvoyer. Mon cousin lui aussi
travaille dans un service de lavage de voiture, mais tout récemment il a été obligé de
quitter son travail. Le gérant préfère des Marocains parce que d’après lui certains
clients ne souhaitent pas avoir à faire avec les Africains. Mais, il faut reconnaitre que la
majorité des Marocains nous aident énormément. Le problème c’est qu’eux aussi les
pauvres n’ont pas beaucoup de moyens. Mais on arrive avec eux ce sont des gens
sympathiques… »687.

687 Entretien avec Z.L. une jeune mère malienne de 33 ans habitant à Rabat (entretien effectué le 14 janvier 2022).

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Section 7. L’accès des migrants à la justice : limites de la protection


judiciaire

L’accès à la justice est un droit fondamental permettant à tout individu de défendre ses droits
devant un tribunal. L’accès à la justice est consacré par plusieurs textes nationaux et internationaux
visant la protection des droits humains. Ces textes forment le cadre légal garantissant l’accès à la
justice à toutes les personnes migrantes ou étrangers au même titre que les nationaux, et ce,
abstraction faire de leur religion, leur race, leur ethnie, leur origine sociale ou leur communauté
d’appartenance.

Le droit d’accéder à la justice est garanti en effet par les conventions internationales. C’est le cas
de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui garantit à toute personne le droit à un
recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits
fondamentaux (article 8)688. On peut citer aussi l’article 14 du pacte international relatif aux droits
civils et politiques qui garantit aux étrangers l’équité devant les tribunaux et les cours de justice689.
D’autres conventions permettent à des catégories spéciales des migrants le droit d’ester en justice,
telle que la Convention relative au statut des réfugiés (CISR) qui garantit à tout réfugié le libre
accès devant les tribunaux. De même que la convention internationale sur la protection des droits
de tous les travailleurs migrants qui garantit dans son article 18 aux travailleurs migrants et les
membres de leur famille les mêmes droits devant les tribunaux, tels que les droits d’être entendu
équitablement par un tribunal compétent, indépendant et impartial690.

Sur le plan de la législation nationale, le Maroc a adopté un dispositif juridique permettant l’accès à
la justice aux personnes migrantes. À commencer par l’article 118 de la constitution marocaine de
2011 qui reconnait à toute personne l’accès à la justice pour défendre ses droits et dispose que :
« l’accès à la justice est garanti à toute personne pour la défense de ses droits et de ses intérêts
protégés par la loi »691. Dans la même lignée, l’article 20 de la Loi 02-03 relative à l’entrée et au
séjour des étrangers, à l’émigration et l’immigration irrégulière. Dans son article 22, cette loi
garantit une protection judiciaire à tout étranger dont la demande d'obtention ou de renouvellement
d'un titre de séjour a été refusée ou bien qui s'est vu retirer le droit de recours devant le tribunal

688 L’article 8 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948)


689 l’article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966)
690 Article 18 de la convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants
691 Article 118 de la Constitution marocaine de 2011

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administratif, en sa qualité de juge des référés dans le délai de quinze (15) jours et ce, suivant la
date de notification de la décision du refus ou du retrait692.

D’après l’enquête, les réfugiés interviewés sont unanimes quant à la difficulté de bénéficier du
droit à la justice693. La question de la vulnérabilité de cette population atteste ainsi des limites de la
protection judiciaire dont devrait jouir toutes les personnes, notamment les réfugiés en situation de
vulnérabilité. En témoignent ainsi les propos poignants de Z. K. un père ougandais de 45 ans,
installé à Rabat, et qui bénéficie du statut de réfugié depuis 3 ans.

« En plus de la complexité des procédures judiciaires qui s’appliquent à tout le monde,


aussi bien les Marocains que les migrants, il faut rappeler que les étrangers démunis
trouvent des difficultés d’accéder aux tribunaux à cause de l’absence des moyens
financiers pour payer les frais de justice et les honoraires de l’avocat. Je connais pas
mal de migrants qui n’osent même penser recourir à la justice considérée comme un
luxe. Personnellement, j’ai eu un problème avec un propriétaire qui m’a chassé de mon
appartement avec mes enfants sans me prévenir par voie judiciaire. Lorsque j’ai fait
appel à la justice, mon dossier n’a pas été traité à temps et le juge a vite donné son
jugement de me chasser de mon appartement sans se demander si j’étais en règle ou pas.
Moi, je payais mensuellement mon loyer. La loi devrait me protéger comme tous les
Marocains. Mais le juge dès qu’il a su que le locataire était migrant subsaharien, il n’a
pas pris le temps de faire l’enquête pour savoir que je suis ouvrier dans une boulangerie
et que mon employeur me paie régulièrement les cotisations sociales une fois que j’ai
décroché mon statut de réfugié et que je suis en situation régulière. Lorsque j’ai fait
appel, je n’ai pas obtenu mes droits. Ma voisine qui a été agressée une fois et s’est vu
son portable volé a porté plainte. Jusqu’à maintenant pas de réaction de la part des
autorités. Alors que lorsque les marocains portent plainte, la police prend le soin de
traiter leur demande. L’injustice qui frappe les migrants est considérable. Il faut dire
que voir un migrant au tribunal, c’est automatiquement le considérer comme coupable.
On ne peut pas imaginer un migrant devant la justice n’étant pas une personne humaine

692 Article 22 de la Loi 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers, à l’émigration et l’immigration irrégulière
693 Parmi les rares travaux scientifiques consacrés au droit des migrants d’accéder à la justice, on peut citer la recherche intéressante de
ZOUHIRI, Nabila (2019), basée sur une enquête approfondie auprès des migrantEs irrégulierEs, mettant en lumière le rôle central que doit
jouer la justice pour assurer la protection juridique des migrants, notamment irréguliers d’origine subsaharienne. Le droit de bénéficier d’un
procès équitable permet à ces populations vulnérables de migrants de s’intégrer plus facilement dans la société. Ce qui contribue à renforcer le
sentiment d’équité entre les étrangers et les nationaux. Voir à ce propos : ZOUHIRI, Nabila, « Droit au procès équitable des migrantEs subsaharienEs
irrégulierEs au Maroc », Thèse de doctorat soutenue en 2019, sous la direction du professeur GUENNOUNI Naima, FSJESC.

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en train de défendre ses intérêts. Un ami m’a parlé d’un programme d’assistance légale
au profit des étrangers en situation vulnérable, mais qui exclut les migrants en situation
irrégulière. En plus, ce programme n’est pas généralisé à toutes les régions puisqu’il se
limite aux grandes villes et ne couvre pas le monde rural »694.

Un autre migrant subsaharien A.B. un réfugié malien de 26 ans résidant à Rabat qui estime que le
droit d’accès à la justice ne devrait pas être ramené à la question de la migration dans la mesure où
même les Marocains n’ont pas un accès facile aux tribunaux pour défendre leurs droits :

« Je connais des avocats marocains qui défendent les gens démunis et qui n’ont pas de
moyens financiers pour défendre leurs intérêts devant les tribunaux. Le problème c’est
que ces avocats refusent la plupart du temps de défendre des migrants subsahariens en
particulier et estiment que ce sont les associations qui sont censées prendre en charge la
défense des droits des migrants. Personnellement, je crois qu’ils ont raison dans la
mesure où on ne peut pas travailler tout le temps gratuitement. Le bénévolat de certains
avocats n’est pas suffisant. Le HCR et les ONG internationales dispose d’un budget pour
engager des avocats afin de défendre les droits des migrants. Certaines associations
marocaines comme « Droit et société »695 bénéficient de subventions publiques en
provenance aussi de l’’étranger. Ce genre d’associations ne fournit pas assez d’efforts
pour assister les migrants dans leur parcours devant les tribunaux. J’ai entendu parler
d’un programme conduit par cette association pour sensibiliser les migrants de leurs
droits et les aider à se défendre devant la justice, mais ce n’est pas suffisant au vu de
nombre considérable de migrants qui souffrent de l’accès ç la justice au Maroc » 696

694 Entretien avec Z. K. un père ougandais de 45 ans, installé à Rabat (entretien effectué le 8 janvier 2022).
695 Il s’agit là d’un projet conduit en 2017 par l’association « droit et société » : le projet « Caravane de la justice » vise à favoriser l’accès à la
justice par des personnes démunies (migrantes et Marocaines), notamment des conseils juridiques gratuites.
696 Entretien avec A.B réfugié malien à Rabat, effectué le 6 janvier 2022

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Section 8. Interprétation des résultats de l’enquête

Dans ce dernier chapitre, la question de l’effectivité de l’accès des réfugiés au Maroc aux droits
fondamentaux a été appréhendée à partir de l’analyse du dispositif juridique national et
international, soumis à l’épreuve de la pratique des acteurs au quotidien, notamment des réfugiés et
demandeurs d’asile.

Les résultats de l’enquête sont plutôt ambivalents même s’il y un accord général tacite des
interviewés sur la persistance des difficultés qui entravent l’accès des réfugiés aux droits
fondamentaux (séjour légal, la santé, l’éducation, l’emploi, la justice et l’état civil).

À partir de leur propre expérience personnelle, on peut affirmer que les droits fondamentaux des
migrants ne sont pas protégés et que ces derniers sont de plus en plus vulnérables, et ce malgré les
efforts indéniables déployés par les autorités marocaines pour favoriser l’intégration des migrants.

Force est de constater que les réfugiés ne bénéficient pas d’une sécurité juridique, notamment
lorsqu’ils ont à faire à l’administration pour inscrire leurs enfants à l’école, ou encore pour obtenir
ou renouveler leur carte de séjour, ou demander un acte de naissance, un acte de mariage, ou pour
faire appel à la justice dans le but de défendre leurs droits. La seule exception est que les réfugiés,
contrairement aux migrants, obtiennent directement l’autorisation d’accéder au marché de l’emploi
du moment où ils disposent d’un DSR.

En général, on peut affirmer que l’enquête révèle que les réfugiés interviewés font un constat sans
appel : malgré les efforts fournis, les réfugiés ne jouissent pas d’une sécurité juridique, telle qu’elle
est exigée par le droit international. Afin d’assurer leur intégration, les interviewés appellent les
autorités marocaines et la société civile à améliorer l’accès aux droits fondamentaux.

Premièrement, les réfugiés interviewés rencontrent des difficultés à bénéficier du droit au séjour
régulier. Il est vrai que le Maroc reconnaît aux étrangers par sa législation interne la liberté d’accès
et de séjour dans le territoire marocain. Toutefois, force est de constater que les migrants peinent
pour l’obtention ou le renouvellement de leur carte de séjour. C’est indéniablement le handicap
majeur qui entrave leur intégration sociale. Le titre de séjour (ou l’autorisation de résidence) est
sans le moindre doute le « passeport » pour accéder aux droits fondamentaux.

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Il est vrai aussi que le royaume a entrepris des actions importantes en faveur de la régularisation de
la situation de milliers d’étrangers, permettant ainsi aux étrangers d’avoir ou de renouveler leurs
titres de séjour : environ 50 milles demandes validées entre 2014 et 2018. Toutefois, et malgré ces
efforts, certains étrangers demeurent sans titres, notamment les réfugiés et les demandeurs d’asile.

À cela, il faudra ajouter la survenue de la pandémie de la Covid-19 qui avait frappé


particulièrement les migrants dans la mesure où ces derniers devraient se présenter physiquement
pour faire leur demande d’obtention ou de renouvellement de la carte de séjour dans un contexte
marqué par l’état d’urgence sanitaire. Sans compter la complexité du dossier à constituer pour
présenter les demandes de résidence à une administration (HCR & BRA) qui ne justifie pas
systématiquement le refus des dossiers.

Deuxièmement, les réfugiés interviewés continuent à faire face aux difficultés administratives
lorsqu’ils souhaitent bénéficier du droit d’enregistrement à l’état civil marocain. Malgré le
dispositif juridique reconnaissant aux migrants ce droit fondamental, il faut souligner que dans la
pratique ces derniers ne sont pas toujours bien informés de leurs droits. De nombreux réfugiés
soulignent l’importance des associations de la société civile dans l’accompagnement des migrants
qui ont des difficultés à enregistrer leurs enfants à l’état civil marocain.

Troisièmement, l’enquête révèle les difficultés considérables dont font face les réfugiés pour
accéder aux soins dans les établissements hospitaliers publics. Malgré le fait que le droit d’accès
aux soins soit garanti, tant pour les Marocains que les migrants, il n’en demeure pas moins que,
dans la pratique, la réalité est totalement différente. La majorité des interviewés dénoncent ainsi
des formes systématiques de discrimination envers les migrants, notamment, ceux qui souhaitent
profiter de l’accès aux services de soins dispensés par les établissements hospitaliers publics.

Par ailleurs, il faudra ajouter que la précarité des migrants rend très difficile l’accès aux soins de
santé. La difficulté est double : le paiement des soins et le paiement des prescriptions
médicamenteuses. D’après l’enquête, il ressort, enfin, que les réfugiés interviewés sont conscients
de la complexité systémique du problème de l’accès aux soins. À cet égard, ils affirment à juste
titre d’ailleurs que le problème principal qui entrave l’accès des migrants aux soins, au même titre

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que les Marocains, réside principalement dans le manque des équipements médicaux dans
l’ensemble du royaume.

Quatrièmement, l’enquête nous apprend que les enfants issus de familles de réfugiés ont du mal à
bénéficier du droit à l’éducation. Malgré les déclarations des autorités saluant les initiatives du
gouvernement en faveur des migrants pour assurer leur scolarisation, il n’en demeure pas moins
que, dans la réalité, les procédures d’inscriptions scolaires des enfants étrangers restent très
complexes. Surtout avec la mobilité des parents qui changent d’une région à une autre, ainsi que la
peur des arrestations et des refoulements.

La situation est plus qu’alarmante pour les réfugiés et demandeurs d’asile, par exemple, qui font,
eux, l’objet d’une discrimination plus importante, rendant laborieux l’intégration des enfants dans
l’école publique.

Cinquièmement, l’enquête atteste de la situation précaire de la plupart des interviewés dont la


plupart sont vulnérables dans la mesure où ils travaillent dans le secteur informel. Même si, il faut
le reconnaître, le statut de « réfugié » semble plus avantageux que celui du « migrant » en ce qui
concerne l’accès à l’emploi.

Il est vrai que le Maroc a essayé d’adapter sa législation en fonction du droit international, et ce,
afin de garantir l’accès à un emploi décent aux étrangers au même titre que les Marocains. Et
pourtant, dans la réalité, l’accès au travail reste difficile pour les migrants (moins pour les réfugiés)
en raison des démarches administratives compliquées. À cela, il faudra ajouter l’appréhension de
certains employeurs à recruter des migrants subsahariens, dont la majorité travaillent dans
l’informel exerçant des emplois peu qualifiés et sous-valorisés (maçonnerie, marbrerie, travail
domestique, lavage de voitures, gardiennage, etc.). En outre, n’étant pas déclarés auprès du CNSS
par leur employeur et ne disposant pas de l’autorisation de l’ANAPEC, ces migrants subsahariens
ne bénéficient pas d’une couverture sociale.

Cette situation rend difficile la protection juridique des réfugiés et demandeurs d’asile dont la
plupart ne parvient pas décrocher des contrats de travail légal leur garantissant des droits sociaux
(couverture médicale, salaires mensuels, allocations familiales…). D’où la nécessité de mettre en

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place un cadre réglementaire spécifique à même de favoriser l’insertion socioprofessionnelle des


migrants, en incitant les entreprises marocaines à recruter les migrants qualifiés et motivés.

Enfin, sixièmement, l’enquête nous révèle que les réfugiés demeurent vulnérables face à la justice,
notamment lorsque leurs droits sont bafoués. Malgré les avancées en matière législative, visant à
garantir aux migrants l’accès à la justice, il est à souligner le fait que, dans la réalité, les réfugiés
interviewés sont unanimes quant à la difficulté de jouir d’une protection judiciaire. Ils sont ainsi
souvent refoulés, expulsés ou emprisonnés pour être rapatriés sur la base de décisions de justice
qu’ils jugent « souvent expéditives et injustifiées »

La situation devient intenable au vu du déficit enregistré au niveau de l’assistance juridique, vu le


nombre limité des avocats disposés à conseillers les réfugiés, ainsi que leur précarité qui ne leur
permet pas de s’acquitter des frais de justice. Ce constat sans appel atteste des limites de la sécurité
judiciaire dont devrait jouir toutes les personnes étrangères, notamment les réfugiés et demandeurs
d’asile.

A la fin de cette deuxième partie, on peut avancer que notre deuxième hypothèse inhérente à la
question de la sécurité juridique des réfugiés et demandeurs d’asile au Maroc n’est que
partiellement confirmée. Il est vrai que lorsque ces populations échappent au refoulement, elles se
trouvent effectivement dans une situation de vulnérabilité indéniable, en attendant que leur
situation soit régularisée dans le pays hôte (demandes d’obtention ou de renouvellement de cartes
de séjour rejetées…). L’étude atteste aussi qu’en l’absence d’un cadre juridique de l’asile, les
réfugiés et demandeurs d’asile dans le royaume deviennent plus vulnérables et, partant, leurs droits
fondamentaux ne sont pas entièrement garantis conformément à la législation internationale.

Toutefois, les résultats de l’enquête menée auprès d’un groupe de réfugiés nous révèlent parfois
une ambivalence dans le narratif des interviewés qui, malgré les discriminations subies et la
vulnérabilité endurée, n’hésitent pas à reconnaître les efforts déployés par les autorités et, surtout,
la nécessité de relativiser le manque de protection juridique, en insistant sur le fait que les
inégalités juridiques ne touchent pas seulement les réfugiés, mais aussi les nationaux. Ils affirment
qu’effectivement l’accès aux droits fondamentaux au quotidien ( le travail, l’éducation, la santé…)
demeure laborieux et pénible, non seulement pour les migrants, mais aussi pour les Marocains. Et
pour cause, les réfugiés et demandeurs d’asile, tout particulièrement, subissent une double

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sanction : la vulnérabilité et l’insécurité juridique. Cette situation atteste d’un problème majeur
relatif à la protection juridique des réfugiés et demandeurs d’asile de manière à préserver leur
dignité humaine dans le cadre du respect des droits humains, surtout en l’absence d’un cadre
juridique de l’asile.

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Conclusion de la deuxième partie

Le renforcement du cadre réglementaire et conventionnel, ainsi que sa mise à niveau par rapport
aux engagements constitutionnels et conventionnels pris par le Maroc, sont indispensables pour
combler le vide juridique existant à l’heure actuelle concernant certains aspects de la question
migratoire.

Dans ce cadre, trois lois, relatives à l’immigration, à l’asile et à la traite, devaient être adoptées. A
l’heure actuelle, seule la loi relative à la lutte contre la traite des êtres humains (27-14) a été
adoptée le 2 août 2016. La seule loi régulant la question de l’immigration est la loi 02-03697 serait
marquée par des considérations avant tout sécuritaires. Alors que cette loi interdit l’expulsion des
femmes étrangères enceintes et des mineurs, dans la pratique les autorités des femmes migrantes
régulières ont fait l’objet de discrimination et de maltraitance.698 Une année après sa promulgation,
la mise en œuvre de la loi 27-14 relative à la lutte contre la traite des êtres humains se limite
souvent à l’immigration clandestine, notamment la « lutte contre les réseaux de traite ». Quant à la
procédure d’asile, elle repose encore sur le rôle du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les
Réfugiés (HCR), en association avec le Bureau des Réfugiés et Apatrides (BRA), en l’absence d’un
cadre légal de l’asile.

A la fin de cette deuxième partie, on peut affirmer le rôle majeur joué par le HCR et le BRA dans
la détermination des statuts de réfugiés et demandeurs d’asile au Maroc. Sans compoter l’aide
juridique et l’accès à la justice apportés par le HCR aux réfugiés, notamment ceux qui souhaitent
faire recours à cause du rejet de leurs demandes de régularisation. Même si on reproche souvent au
HCR de pécher par manque de transparence dans la transmission de l’intégralité des décisions en
défaveur des réfugiés qui se trouvent limiter dans leur procédure de recours en l’absence d’une
juridiction nationale. À cela, il faudra ajouter la localisation du HCR dans la ville de Rabat. Ce qui
empêche beaucoup de migrants de s’y rendre dans les dates indiquées. D’où la nécessité que le
royaume adopte un cadre réglementaire innovant, relatif aux réfugiés et demandeurs d’asile. Ce
faisant, il pourrait espérer ainsi cadrer avec le droit international, en assurant un accès effectif et
réel de tous les réfugiés et demandeurs d’asile à leurs droits fondamentaux.

697Relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et l’immigration clandestine.
698 Communiqué du GADEM: http://www.gadem-asso.org/communique/une-femme-enceinte-a-quelques-jours-du-terme-retenue-en-zone-
dattente-a-laeroport-mohammed-v-de-casablanca

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Par ailleurs, d’après notre enquête, on peut avancer que les droits fondamentaux des réfugiés
interviewés ne sont pas protégés et que ces derniers sont de plus en plus vulnérables, et ce malgré
les efforts indéniables déployés par les autorités marocaines pour favoriser l’intégration des
migrants. En plus des discriminations subies par les nationaux et les conditions de vie
socioéconomiques déplorables, les réfugiés ne bénéficient pas d’une sécurité juridique, notamment
lorsqu’ils ont à faire à l’administration pour inscrire leurs enfants à l’école, ou pour obtenir ou
renouveler leur carte de séjour, ou demander un acte de naissance ou de mariage, ou encore pour
faire appel à la justice dans le but de défendre leurs droits ou tout simplement pour accéder aux
hôpitaux en cas d’urgence ou pour un accouchement. La seule exception est que les réfugiés,
contrairement aux migrants, obtiennent directement l’autorisation d’accéder au marché de l’emploi
du moment où ils disposent d’un DSR. Le manque de sécurité juridique, telle qu’elle est exigée par
le droit international, rend ainsi difficile l’intégration des réfugiés à travers l’accès aux droits
fondamentaux. C’est pourquoi, certains interviewés n’hésitent pas à appeler les autorités
marocaines et la société civile à œuvrer activement pour adopter un cadre juridique de l’asile
susceptible de mettre fin à leur souffrance au quotidien.

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CONCLUSION GENERALE

Comme on l’a relevé dans la première partie de ce travail, les développements législatifs et
jurisprudentiels, qui ont affecté le régime international de protection des réfugiés, ont
considérablement affecté, non seulement le contenu et la portée de l'interdiction du refoulement,
mais aussi la nature de celle-ci, qui a été accréditée.

Il ressort de notre investigation que la matrice éthique commune du développement des concepts
d’asile, de refuge et de non-refoulement découle de la nécessité de garantir la protection des
personnes fuyant les raids, les persécutions et les privations. De fait, ces personnes seront privées
de leurs droits naturels. Et c’est précisément à partir de cette dernière considération, c’est-à-dire
l’observation de la situation particulière de vulnérabilité, dans laquelle se trouve un individu qui ne
peut jouir de la protection d’aucun État, que débute l’élaboration juridique qui aboutit à la
reconnaissance de la particularité du statut de réfugié. Sous cette forme de protection
internationale, les États faisant partis de la Convention de Genève sont obligés de ne pas livrer le
réfugié aux autorités d'un État.

D’où la naissance de l'obligation de « non-refoulement » comme principe fondateur de la


protection juridique internationale des réfugiés et demandeurs d’asile. En matière de protection
internationale des réfugiés, comme on l’a démontré d’ailleurs durant cette première partie de notre
recherche, il existe une production jurisprudentielle intéressante de tribunaux régionaux sur les
droits de l'homme, qui met l’accent sur l’importance de la sécurité juridique des réfugiés.

Toutefois, le fait de légitimer une opération interdisant l’accès au territoire de l’État hôte et,
partant, à la protection internationale, entraîne inévitablement une inégalité de traitement entre les
catégories de demandeurs d’asile. De cette manière, ces derniers sont récompensés, malgré
l’irrégularité de leurs comportements, et peuvent jouir précisément du fait de leur présence sur ce
territoire, du droit de faire examiner leur demande d’asile. D’où justement tout le débat sur la
portée extraterritoriale du non-refoulement qui limite l’obligation à une restriction géographique,
seulement en considérant le pays où le réfugié pourrait être renvoyé et non son pays de provenance.
Cela pourrait contribuer à préserver ses droits fondamentaux de manière à le prémunir de la
vulnérabilité.

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Un détour historique nous a renseigné sur les évolutions complexes du « droit des réfugiés et
demandeurs d’asile », tel qu’il a été reconnu dans la convention de Genève de 1951, ainsi que les
autres conventions internationales, permettant de protéger ces populations particulièrement
vulnérabilité et fragiles.

Dans la pratique internationale du droit, comme les principaux droits reconnus aux réfugiés, cette
protection, même avec les limites existantes et les zones d’ombre qui la distinguent, témoigne de la
réalisation par la communauté internationale d'une étape importante dans l’édification de la
tradition des droits humains.

Depuis la fin de la guerre froide, la fluidité du contexte social mondial rend la question des réfugiés
et du refoulement de plus en plus sensible. Dans un environnement marqué par les contraintes des
mouvements de migrations internationales contenues dans la Convention de Genève de 1951, la
communauté internationale était obligée d’adapter des formes de protection des réfugiés à de
nouvelles catégories de bénéficiaires : les réfugiés.

À cet effet, le législateur s’est basé sur l’arsenal juridique du droit international afin de préserver le
droit de séjour dans un endroit sûr et sécurisé (safe). En effet, à travers ces formes de protection
alternatives, l'interdiction d'expulsion a joué un rôle central permettant ainsi de garantir le « droit
de rester en lieu sûr ». Une notion qui a évolué, excluant de son champ d'application tout lieu où un
individu peut subir de graves violations de ses droits fondamentaux. Ce résultat représente une
avancée considérable dans la protection de ceux qui sont obligés de fuir les dangers des guerres et
des persécutions.

Et pourtant, dans la pratique, les réfugiés et demandeurs d’asile continuaient de subir des
discriminations et des injustices dans les pays hôtes. Il aura fallu attendre les années 2000 pour voir
le droit international prendre la question en charge. En 2004, les pays membres du Conseil de
l'Europe – qui font également partie de l'Union européenne – ont procédé ainsi à la formulation du
premier acte de droit communautaire, connu sous le nom de « la directive des qualifications », qui
constitue un véritable statut de protection « subsidiaire » par rapport au statut de réfugié. Ce statut,
tout en répondant au besoin d'étendre la protection au-delà des « limites » imposées par la
Convention de Genève, n'agit pas pour fournir un « catalogue » de droits individuels à ceux qui
n’en font pas partie et qui peuvent être refoulés.

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Au terme de notre recherche, on peut avancer que notre première hypothèse a été confirmée
dans la mesure où le principe de non refoulement s’est avéré, durant tout le long des évolutions
historiques de la législation internationale, comme étant un principe universel majeur qui permet
aux réfugiés et demandeurs d’asile de bénéficier d’une sécurité juridique émanant des principes
universels des droits humains. L’analyse nous a permis ainsi de vérifier la véracité de l’idée selon
laquelle il existe effectivement un « ratio » humanitaire de la disposition du non-refoulement et sa
nature de « concept ouvert » qui révèle en effet une évolution historique remarquable du dispositif
légal international vers davantage de protection juridique des réfugiés et demandeurs d’asile.

Ce qui s’est traduit de fait par la mise en place d’un ensemble d’adaptations du « contenu
original », dans toutes les conventions relatives aux réfugiés et, d’autre part, un développement
autonome et transversal qui a touché d'autres régimes juridiques à commencer par l’importance de
l’adoption de la convention de Genève de 1951 et bien d’autres conventions qui s’en suivront. Cela
a été possible grâce à l’analyse que nous avons effectué des sources du droit international régissant
le non-refoulement, en général. Ce qui nous a permis de restituer les principales évolutions de la
pratique internationale en matière d'expulsion des étrangers, notamment ceux qui risquent la
persécution ou des traitements inhumains dans le pays de destination.

L’étude menée nous a permis d’identifier les mécanismes qui aggravent la situation des droits
humains des migrants au Maroc, par le biais d’une évaluation de la portée de l’obligation de la
protection juridique des réfugiés et demandeurs d’asile non-refoulés. À ce niveau, il est à souligner
le rôle majeur joué par le HCR dans la préservation du respect du droit des réfugiés, en mettant
l'accent sur l'obligation des États à le respecter par le biais d’un contrôle légal et humaniste des
réfugiés, en conformité avec les principes de la Convention de Genève. Notre recherche a révélé
ainsi la centralité d’un outil juridique dans la protection juridique des réfugiés, à savoir : les
directives d'interprétation et des lignes directrices relatives à la mise en œuvre des obligations
conventionnelles et les procédures administratives et judiciaires pour la détermination du statut de
« réfugié ».

Par ailleurs, dans l'accomplissement de ses tâches statutaires, le HCR était appuyé par un comité
exécutif (organe consultatif) dans son travail d’élaboration des conclusions annuelles qui ne
produisant pas non plus d'effets juridiques contraignants pour les réfugiés. Les actes du HCR et du

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Comité exécutif, considérés seulement comme un outil opérationnel soft Law, ont acquis une
autorité considérable dans le panorama des demandes internationales de protection des réfugiés. Ce
qui laisse entendre la nécessité du renforcement de l’obligation de protection des réfugiés contre le
refoulement, ce qui allait constituer la prémisse réglementaire d'un élargissement du mandat du
HCR.

Cependant, en l'absence d'un traité international qui crée des obligations juridiques pour les États
qui décident de le ratifier, les recommandations du HCR ont souvent été rejetées. Par ailleurs, le
contexte actuel nécessite l’intervention du droit international, surtout avec l’émergence de
nouvelles populations revendiquant la protection juridique, notamment les « réfugiés climatiques »
qui peuvent être inclus dans le système de protection temporaire.

Concernant le problème de l’expulsion des étrangers, notre recherche nous a permis de saisir le rôle
de l’ONU qui a reconnu le caractère « général » de l'obligation coutumière de non-refoulement des
réfugiés. De fait, la pratique des États en violation de celle-ci ne peut en aucun cas être invoquée
pour étayer l'incapacité de former la norme du droit international général, lequel reste une simple
violation d’une norme coutumière pleinement opérationnelle.

Concernant le Maroc, notre recherche a révélé la situation des réfugiés et demandeurs d’asile qui
reste difficile au vu des limites du cadre juridique, politique et institutionnel national inexistant
relatif à l’asile. Ainsi, le royaume ne s’est jamais doté d’une loi sur l’asile. Seul un très court décret
adopté le 29 août 1957 fixe les modalités d’application de la Convention de Genève relative au
statut des réfugiés de 1951.

L’une des insuffisances importantes de ce texte réside dans le fait qu’il ne précise pas les modalités
d’exercice de la Détermination du Statut de Réfugié (DSR), c’est-à-dire la procédure par laquelle
une institution nationale ou internationale cherche à déterminer si une personne, qui a déposé une
demande d’asile ou a exprimé d’une autre manière son besoin de protection internationale, est
effectivement réfugiée ou non. Le Bureau des Réfugiés et des Apatrides (BRA) ne dispose pas d’un
cadre juridique performant. Fonctionnant d’une manière irrégulière dans le temps, le BRA reste
pour le moment le seul organe chargé d’accorder la qualité de réfugiés et protéger
administrativement et juridiquement les réfugiés et les demandeurs d’asile.

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En effet, il faudra souligner les insuffisances de l’arsenal juridique inhérent aux réfugiés et
demandeurs d’asile au Maroc. Les dispositions réglementaires en vigueur doivent accélérer
l’adoption d’un cadre réglementaire globale comprenant ainsi la loi n° 02-03, les nouvelles
dispositions constitutionnelles de 2011 et les mesures réglementaires relatifs aux droits des réfugiés
et demandeurs d’asile, émanant de la vision royale qui a abouti en 2013 à l’adoption de la Stratégie
nationale d’immigration et d’asile (SNIA).

Il est vrai que la Constitution de 2011 est venue consacrer le principe de primauté du droit
international sur le droit interne. Ainsi, dans son article 30, le texte constitutionnel exige la
définition des conditions d’octroi de l’asile par le biais de la loi699. Et pourtant, dans la pratique peu
de choses ont été faits. En 2013, le CNDH a interpellé le gouvernement pour l’instauration d’un
système national de l’asile qui soit conforme au texte constitutionnel. Non seulement
l’harmonisation prescrite par la loi suprême marocaine n’a pas eu lieu, mais un arrêté du Ministère
de l’Intérieur en date du 13 février 2012 est venu préciser les modalités d’application de l’article 17
de la loi n° 02-03 sans soustraire les réfugiés à la condition de régularité d’entrée sur le territoire
marocain.

Conformément à la constitution et à la recommandation formulée par le CNDH, une commission


présidée par la Délégation Interministérielle aux Droits de l’Homme (DIDH) a été désignée par le
gouvernement le 17 septembre 2013 pour élaborer le projet de loi d’asile qui doit permettre
l’instauration d’un système national d’asile. Face au retard enregistré dans l’adoption de cette loi,
un communiqué du conseil du gouvernement a simplement indiqué que l’approbation du projet de
loi n° 26-14 a été reportée « en vue d’approfondir l’étude de ce texte eu égard à son importance ».
À cet égard, il est à noter que l’avant-projet de loi n’a pas été rendu public par le Secrétariat
Général du Gouvernement rendant ainsi impossible l’instauration d’un débat public autour de cette
question.

Entre-temps, le gouvernement marocain a procédé le 17 septembre 2013 à la création d’une


commission qui siège au BRA (Bureau des réfugiés et Apatrides). Celle-ci a pour mission de
régulariser les réfugiés statutaires du HCR. Une première opération conduite du 25 septembre au
21 novembre 2013 a permis la reconnaissance de l’asile et la régularisation de la situation

699
« Les conditions d’extradition et d’octroi du droit d’asile sont définies par la loi ».(Article 30 de la constitution)

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administrative de l’ensemble des 537 réfugiés alors reconnus par le HCR après avoir été
auditionnés par le BRA.

Accusé de « violations des droits de l’homme sur les migrants », le roi Mohamed VI a décidé en
2013 d’initier une nouvelle « politique de migration et d’asile » pour les résidents étrangers du
royaume, en particulier les migrants illégaux. Cette volonté s’est concrétisée par le lancement de
Stratégie Nationale d’Immigration et d’Asile (SNIA) en 2014. Cette politique été adoptée
parallèlement à la signature du partenariat de mobilité́ de l’Union européenne après que le
traitement violent réservé par les forces de l’ordre aux migrants subsahariens. Cette politique a été
suivie de deux programmes de régularisation des migrants sans papiers (en 2014 et 2017) et de la
délivrance de la première série de cartes de réfugiés et de demandeurs d’asile à environ 50 000
migrants, en grande partie d'origines subsahariennes, qui se trouvaient en situation irrégulière dans
le pays.

À travers notre recherche, nous avons essayé de mettre la lumière sur l’effectivité (ou non) de
l’accès des réfugiés au Maroc aux droits fondamentaux. D’abord, on a mis en évidence le rôle
indéniable joué par les acteurs institutionnels et la société civile (CNDH et HCR) dans la protection
juridique de ces populations vulnérables et ce, malgré toutes les insuffisances qui persistent,
notamment sur le plan juridique. Ensuite, notre intérêt a porté sur la situation des droits sociaux,
économiques et culturels d’un échantillon (12 individus) de réfugiés et demandeurs d’asile qui ont
pu échapper au refoulement.

Notre analyse a révélé les contradictions qui existent entre l’engagement institutionnel du
royaume à assurer la protection juridique des réfugiés et la pratique au quotidien qui les exposent
à la vulnérabilité et l’insécurité. Il est inutile de rappeler que le Maroc a ratifié un certain nombre
de conventions et d’accords bilatéraux en vue de défendre les intérêts des MRE, ainsi que les
migrants. Par ailleurs, l’article 31 de la constitution marocaine dresse une liste des droits
économiques et sociaux garantis par l’État, mais en les limitant à ses citoyens. En l’absence d’un
cadre juridique de l’asile, la détermination du statut de réfugié́ a été externalisée au HCR via une
commission gouvernementale ad hoc qui octroie des cartes de séjour spéciales aux réfugiés.
Concrètement, on a relevé un important décalage entre le nombre de décisions prises par le HCR
concernant le statut de réfugié́ et le nombre renduit de cartes de séjour octroyées par la
commission. Contrairement aux migrants, les réfugiés en possession d’une carte de séjour

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nationale ne font l’objet d’aucune restriction en matière d’emploi et peuvent être employés au
même titre que n’importe quel citoyen marocain.

Par ailleurs, la recherche nous a permis de confirmer en partie l’idée selon laquelle le processus de
régularisation s’inscrit dans le cadre d’une volonté politique visant la protection juridique des
migrants, notamment les réfugiés et demandeurs d’asile. Malgré certaines insuffisances, force est
de reconnaître que cette initiative a permis à de nombreuses personnes étrangères d’obtenir le
droit de séjour et d’accéder aux droits économiques, sociaux et culturels afférents.

Dans le domaine du droit au travail, on peut affirmer qu’en dépit des restrictions imposées aux
travailleurs et travailleuses étrangères dans l’exercice de leur droit à fonder un syndicat, par
exemple, des membres de la communauté migrante, soutenus par l’Organisation Démocratique du
Travail (ODT), ont créé l’Organisation Démocratique des Travailleurs et Travailleuses immigrés
au Maroc en juillet 2012.

Dans le domaine du droit à la santé, on a relevé que l’action-phare de la SNIA dans le domaine de
la santé consiste à étendre le Régime d’assistance médicale (RAMED) aux immigrés et aux
réfugiés les plus démunis qui ne bénéficient pas d’une couverture médicale (obligatoire pour les
travailleurs et les étudiants). L’accès aux soins des étrangers est une préoccupation majeure dans
l’action des ONG comme Caritas, Médecins du Monde, MSF et le Croissant-Rouge qui ont mis en
place des programmes visant à faciliter l’accès aux soins de santé pour les personnes migrantes. Par
ailleurs, le HCR a développé des partenariats avec des organisations de la société civile, par
exemple avec l’Organisation Panafricaine de Lutte contre le Sida Maroc (OPALS), afin d’assurer
l’accès aux soins de santé pour les personnes réfugiées.

En ce qui concerne le droit à l’éducation, des efforts considérables doivent être fournis pur assurer
l’intégration des étrangers au système éducatif. La circulaire ministérielle, appelant les directeurs
des établissements scolaires à inscrire les enfants issus de familles de migrants à l’école publique
marocaine, concerne uniquement « les élèves étrangers issus des pays du Sahel et des pays
subsahariens » et non pas l’ensemble des étrangers qui résident au Maroc. Aussi, l’éducation des
ressortissants de pays autres que la Syrie ou les États subsahariens n’est pas garantie et dépend du
pouvoir discrétionnaire des directeurs des écoles publiques. Le MCMREAM a formulé une

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demande au MENFP visant à étendre le champ d’application de la circulaire à l’ensemble des


enfants étrangers abstraction faite de leur nationalité, leur race, leur religion ou leurs convictions
politiques ou encore de leur situation administrative (réguliers, ou irréguliers). Quant à l’éducation
non formelle (ENF) des migrants, les chiffres officiels affirment qu’elle serait à la baisse,
notamment parmi les réfugiés et demandeurs d’asile.

Concernant le droit à l’éducation, il faut souligner le rôle de la société civile marocaine et issue de
la migration dans le domaine de la migration forcée, tout particulièrement. Elle a été d’ailleurs
reconnue par les autorités même si les acteurs associatifs n’ont pas été consulté lors de la mise en
œuvre de la SNIA. Par ailleurs, force est de constater que la position du Maroc à l’égard des
réfugiés Syriens est pour le moins intrigante dans la mesure où elle ne semble pas correspondre à l’
« esprit de justice » prôné par la politique migratoire marocaine.

L’analyse des différentes opérations de régularisation entreprises dans le cadre de la nouvelle


politique migratoire nous permet de dresser le bilan plutôt positif malgré certaines insuffisances
(manque de flexibilité dans l’interprétation des règlements, fraudes, manque de logistiques,
démotivation du personnel administratif…). Un constat d’ailleurs corroboré par certains
interviewés lors de notre enquête sur l’effectivité de l’accès des réfugiés et demandeurs d’asile aux
droits fondamentaux.

Dans un autre registre, l’enquête révèle que les réfugiés interrogés sont mitigés concernant leur
situation puisqu’ils déclarent qu’ils ont besoin davantage de sécurité juridique, même s’ils
parviennent plus ou moins à bénéficier d’un accès relatif mais réel aux droits fondamentaux.

Premièrement, les interviewés rencontrent des difficultés à bénéficier du droit au séjour régulier et
peinent à obtenir ou à renouveler leur carte de séjour. Malgré les campagnes de régularisation, de
nombreux étrangers demeurent sans titres, notamment les réfugiés et les demandeurs d’asile,
surtout en période de la Covid-19. Sans compter la complexité du dossier à constituer pour
présenter les demandes de résidence à une administration qui ne justifie pas systématiquement le
refus des dossiers.

Deuxièmement, les interviewés continuent à faire face aux difficultés administratives pour
bénéficier du droit d’enregistrement à l’état civil marocain. Ils soulignent ici l’importance du rôle

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des associations dans l’accompagnement et la sensibilisation des migrants, notamment les réfugiés
et les demandeurs d’asile.

Troisièmement, l’enquête a révélé les difficultés considérables dont font face les migrants pour
accéder aux soins dans les établissements hospitaliers publics. Ils dénoncent notamment les
discriminations et les injustices qui frappent les migrants, notamment dans les services des
urgences. Toutefois, ils n’hésitent pas à reconnaître que cette situation est globale et serait liée au
manque du personnel soignant et des équipements médicaux nécessaires dans le royaume.

Quatrièmement, l’enquête nous apprend que les enfants issus de familles de migrants ont du mal à
bénéficier du droit à l’éducation. Sans compter l’instabilité des parents migrants et la peur des
arrestations et des refoulements qui rendent difficile la scolarisation des enfants.

Cinquièmement, l’enquête atteste de la situation précaire des migrants dont la plupart travaillent
dans le secteur informel (gardiennage, BTP, lavage de voitures…). En outre, n’étant pas déclarés
auprès du CNSS par leur employeur et ne disposant pas de l’autorisation de l’ANAPEC, ces
réfugiés ne bénéficient pas d’une couverture sociale. D’où la nécessité de mettre en place un cadre
réglementaire spécifique à même de favoriser l’insertion socioprofessionnelle des réfugiés, en
incitant les entreprises marocaines à recruter les migrants qualifiés et motivés. Contrairement aux
migrants, les réfugiés avec un DSR obtiennent automatiquement l’autorisation d’accéder
légalement à l’emploi. Les réfugiés et demandeurs d’asile souffrent plutôt de discriminations
sociales lors du recrutement.

Enfin, sixièmement, l’enquête nous a appris que les réfugiés peinent à accéder aux services de
justice, notamment lorsque leurs droits sont bafoués. Ils déclarent ainsi être souvent refoulés,
expulsés ou emprisonnés sur la base de décisions de justice souvent expéditives et bureaucratiques.
Sans compter la précarité des migrants, y compris les réfugiés et les demandeurs d’asile, qui ne
bénéficient pas d’une assistance judiciaire.

A la fin de note recherche, on peut avancer que notre deuxième hypothèse inhérente à la
question de la sécurité juridique des réfugiés et demandeurs d’asile au Maroc n’est que
partiellement confirmée. Il est vrai que lorsque ces populations échappent au refoulement, elles se
trouvent effectivement dans une situation de vulnérabilité indéniable, en attendant que leur

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situation soit régularisée dans le pays hôte (demandes d’obtention ou de renouvellement de cartes
de séjour rejetées…). L’étude atteste aussi qu’en l’absence d’un cadre juridique de l’asile, les
réfugiés et demandeurs d’asile dans le royaume deviennent de plus en plus vulnérables et, partant,
leurs droits fondamentaux ne sont pas entièrement garantis conformément à la législation
internationale.

Toutefois, les résultats de l’enquête menée auprès d’un échantillon de réfugiés nous a révélé
une ambivalence dans le narratif d’une partie des interviewés qui, malgré les discriminations subies
et la vulnérabilité endurée, n’hésite pas à reconnaître les efforts déployés par les autorités et,
surtout, la nécessité de relativiser le manque de protection juridique, en insistant sur le fait que les
inégalités juridiques ne touchent pas seulement les réfugiés, mais aussi les nationaux. Ils affirment
qu’effectivement l’accès aux droits fondamentaux au quotidien ( travail, éducation, santé…)
demeure laborieux non seulement pour les migrants, mais aussi pour les Marocains. Certes, les
réfugiés et demandeurs d’asile, tout particulièrement, subissent malgré tout une double sanction : la
vulnérabilité et l’insécurité juridique. Cette situation atteste d’un problème majeur relatif à la
protection juridique des migrants de manière à préserver leur dignité humaine dans le cadre du
respect des droits humains, surtout en l’absence d’un cadre juridique de l’asile.

Au terme de cette recherche, on peut affirmer qu’il y a urgence à mettre sur pied un cadre
réglementaire spécifique aux réfugiés et demandeurs d’asile à même de leur permettre d’accéder
davantage et plus aisément aux droits fondamentaux. Une politique nationale de régulation des
migrations passe, avant tout, par l’adoption d’une réglementation moderne susceptible d’assurer
une intégration des réfugiés et demandeurs d’asile à travers une protection juridique « réelle et
effective », telle qu’elle est prônée par le droit international.

Ceci étant, malgré les difficultés d’integration rencontrées par les réfugiés et demandeurs d’asile,
ces derniers ne manquent pas de reconnaître les efforts déployés par les autorités marocaines visant
la protection juridique des populations vulnérables de migrants. Bien plus, certains réfugiés
interviewés estiment que l’insécurité juridique et la vulnérabilité, dont souffrent les migrants,
impactent aussi, à des degrés moins, les populations locales. Cela devrait donc interpeller les
autorités afin qu’elles prennent en considération le challenge d’endiguer les discriminations
sociales et les inégalités juridiques subies par les réfugiés et les demandeurs d’asile.

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Année universitaire 2021-22
Thèse de doctorat sous le thème : « Sécurité juridique des réfugiés et demandeurs d’asile au Maroc : de l’effectivité d’accès aux droits fondamentaux»

Notre thèse atteste incontestablement de l’existence d’un système de « bricolage institutionnel » de


la migration forcée ; un dispositif ambivalent et perfectible qui peine à trouver un équilibre entre
des considérations politiques et sécuritaires, inhérentes à la question des réfugiés (notamment
Syriens), et les exigences des dispositions légales du droit international. Ce qui nécessite la
mobilisation de tous les acteurs en jeu à œuvrer davantage afin de garantir aux réfugiés et
demandeurs d’asile une sécurité juridique qui passe, prioritairement, par l’adoption d’un cadre
juridique de l’asile.

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BILIOGRAPHIE SELECTIVE

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Année universitaire 2021-22
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Sous la direction de la Professeure : Mme. Naima GUENNOUNI – Doctorante : Sinda Nawrocka 251
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- Resolutions adopted by the Conference on the Question of Russian Refugees, LN Doc.
C.277.M.203.1921.VII (1921) ;
- Conférence des organisations russes, cit., pp. 5-6. Cfr. WILLIAMS, Denationalization, BYIL,
vol. 8, 1927, p. 45 ss.
- OXFAM, Note d’information sur l’état des migrations entre l’Afrique et l’Europe, octobre
2020. (www.oxfam.org).
- Report by the High Commissioner, LN Doc. l927.XIII.3 (1927) ;

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Thèse de doctorat sous le thème : « Sécurité juridique des réfugiés et demandeurs d’asile au Maroc : de l’effectivité d’accès aux droits fondamentaux»

- Report by the High Commissioner, LN Doc. l927.XIII.3 (1927) ;


- 43rd Session of the Council LN O.J. (February 1927 ) ;
- UN DOC. E/1392, 11 Juillet 1949
- Report of the Secretary General on the Future Organization of Refugee Work, LN Doc 1930
XIII.2 in HATHAWAY, The Rights of Refugees under International Law ;
- Convention relating to the International Status of Refugees, 28 October 1933, LNTS Vol.
CLIX, No. 3663, p. 200
- Convention du 1933 v. Procès-verbaux de la Conférence Intergouvernementale pour les
Réfugiés, LN Doc. C. I 13.M.41. 1934 ;
- L’Italie , l’Égypte , le Royaume-Uni (V. UNSG, UN Doc. E/1112 (1949) ;
- Convention concerning the Status of Refugees Coming From Germany, 10 February 1938,
LNTS Vol. CXCII, No. 4461
- Nansen International Office for Refugees. Report by the Governing Body to the Twelfth
Assembly of League of Nations [A.27. 1931.] The Statutes of Nansen International Office
for Refugees as Approved by the Council on January 19th, 1931, LN O.J., February 1931 ;
- Report by M. Michael Hansson, Former President of the Governing Body of the Nansen
International Office for Refugees, on the Activities of the Office from July 1st to December
31st, 1938
- UNGA, Res. 8(1), 12 February 1946, par. (c)(ii) ;
- Protocol relating to the Status of Refugees of 31 January 1967 (Protocollo di New York)
- Refugee Protection in International Law, Cambridge, 2003 ;
- ECOSOC, Resolution 248 B (IX) of 8 August 1949
- UN Docs. A/CONF.2/108/Rev.1, A/CONF.2/102/Add.2 e A/CONF.2/105.
- V. Ad Hoc Committee on Refugees and Stateless Persons, UN Doc. E/AC.32/2 Annex
(1950)
- Ad Hoc Committee on Refugees and Stateless Persons, UN Doc. E/AC.32/L.32 (1950), p.
12; UN Doc. E/AC.32/SR.25 (1950) ;
- Conference of Plenipotentiaries, UN Doc. A/CONF.2/69 (1951) ;
- Statut de l’UNHCR
- VI of the London Charter of the International Military Tribunal or by the provisions
- The Universal Declaration of Human Rights».
- OAU Convention Governing the Specific Aspects of Refugee Problems in Africa
(Convenzione OUA), 10 September 1969, 1001 UNTS 45. In argomento
- Conference of Plenipotentiaries, UN Doc. A/CONF.2/SR.16 (1951), p. 6 ss. e 8
- Ad Hoc Committee on Statelessness and Related Problems, UN Doc. E/AC.32/SR.20
(1950) ;
- UN Doc. E/AC.32/SR.40 (1950), p. 33. Cfr. WEIS, The Refugee Convention, 1951 ;
- UNHCR, Summary Conclusions on International Protection of Persons Fleeing Armed
Conflict and Other Situations of Violence; Roundtable 13 and 14 September 2012, Cape
Town, South Africa, 20 December 2012

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Thèse de doctorat sous le thème : « Sécurité juridique des réfugiés et demandeurs d’asile au Maroc : de l’effectivité d’accès aux droits fondamentaux»

- Statement at the Council of the International Organization for Migration, Geneva, 6


decembre 2011
- UNHCR, Safe at Last? Law and Practice in Selected EU Member States with Respect to
Asylum- Seekers Fleeing Indiscriminate Violence, 27 July 2011
- Second Report on the Expulsion of Aliens, cit., parr. 45-122 , UNHCR, 2008 Global Trends,
Geneva, June 2009 ;
- Declaration of States parties to the 1951 Convention and/or its 1967 Protocol Relating to the
Status of Refugees, Ministerial Meeting of States Parties, Geneva, 12-13 December 2001,
UN Doc. HCR/MMSP/2001/09, 16 January 2002, cons.
- UNHCR, Handbook and Guidelines on Procedures and Criteria for Determining Refugee
Status under the 1951 Convention and the 1967 Protocol Relating to the Status of Refugees,
UN Doc. HCR/1P/4/ENG/REV. 3, December 2011 ;
- Rome Statute of the International Criminal Court, UN Doc. A/CONF.183/9, 17 July 1998 ;
- UNHCR, Interpreting Article 1 of the 1951 Convention Relating to the Status of Refugees,
April 2001, p. 5.
- France, Comm’n des Recours des Réfugiés, 1 décembre 2005
- Protocol to Prevent, Suppress and Punish Trafficking in Persons Especially Women and
Children, supplementing the United Nations Convention against Transnational Organized
Crime, UNGA Res. 55/25, Annex II, U.N. Doc. A/45/49 (2001) ;
- OIM, Handbook on Direct Assistance for Victims of Trafficking 2000 ;
- UNHCR, Guidelines on International Protection No. 7: The Application of Article 1A(2) of
the 1951 Convention and/or 1967 Protocol relating to the Status of Refugees to Victims of
Trafficking and Persons at Risk of Being Trafficked, UN Doc. HCR/GIP/06/07, 7 April
2006 ;
- Canadian Council for Refugees, International Conference on Refugee Women Fleeing
Gender-Based Persecution: Conference Proceedings, Montreal, Canada, 4-6 maggio 2001 ;
- CdE, Convention on preventing and combating violence against women and domestic
violence (Istanbul Convention), CETS 210, 11 May 2011 ;
- Canada, Cheung v. Canada (Minister of Employment and Immigration), (1993) 2 FC 314
(F.C.A.).
- Directive juridique 2004/83/CE du Conseil du 29 Avril 2004
- @&voor Immigratie en Asiel (C-201/12), sent. 7 novembre 2013, par. 79, punto 2.
- Australia, Chen Shi Hai v. The Minister for Immigration and Multicultural Affairs, (2000)
HCA 19.
- UNHCR, Handbook on Procedures and Criteria for Determining Refugee Status under the
1951 Convention and legislation of the 1967 Protocol relating to the Status of Refugees,
HCR/-IP/4/Eng/REV.1 Reedited, Geneva, January 1992, UNHCR 1979 ;
- UNHCR, Agents of Persecution. UNHCR Position, 14 March 1995; Opinion of UNHCR
Regarding the Question of “Non-State Persecution”, As Discussed With the Committee on
Human Rights and Humanitarian Aid of the German Parliament (Lower House) on 29
November 1999, 29 November 1999 ;
- UNHCR, Guidelines on International Protection No. 5: Application of the Exclusion Clauses

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– Article 1F of the 1951 Convention Relating to the Status of Refugees, UN Doc.


HCR/GIP/03/05, 4 September 2003 ;
- Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide, 78 UNTS 277, 9
December 1948 ;
- Pushpanathan v. Canada (Minister of Citizenship & Immigr.), [1998] 1 S.C.R. 982, mod. 1
S.C.R. 1222; K.K. v. Secretary of State for the Home Department, [2005] INLR 124, [2004]
UKIAT 101, cit. in WORSTER, The Evolving Definition of the Refugee in Contemporary
International Law, BJIL, vol. 30, 2012 ;
- V. Canada, Federal Court, Zalzali v. Minister of Employment and Immigration, jud. 30 April
1991, 2 FC 605
- ICJ, Jurisdictional Immunities o the State (Germania c. Italia), sent. 3 febbraio 2012, ICJ
Reports 2012 ;
- UNHCR, Summary Conclusions: Cessation of Refugee Status, Expert Roundtable, May
2001; Note on the Cancellation of Refugee Status, November 2004 ;
- UNHCR, Note on the Principle of Non-Refoulement, Geneva, nov. 1997 ;
- ExCom, Problem of Refugees and Asylum Seekers Who Move in an Irregular Manner from
a Country in Which They Had Already Found Protection, Conclusion No. 58 (XL), 1989 ;
- Vienna Convention on the Law of Treaties, 1155 UNTS 33 ;
- Declaration on Territorial Asylum, UN Doc. A/RES/2312 (XXII), 14 December 1967) ;
- Sale v. Haitian Centers Council, 509 U.S. 155 (1993), Opinion of 21 June 1993, ILM, vol.
32, 1993 ;
- Royaume Uni, R v Immigration Officer at Prague Airport and Another, Ex parte European
Roma Rights Centre and Others, (2004) UKHL 55.
- UNHCR, Advisory Opinion on the Extraterritorial Application of Non-Refoulement
Obligations under the 1951 Convention relating to the Status of Refugees and its 1967
Protocol, 26 January 2007 ;
- ILA, Committee on Legal Aspects of the Problem of Asylum, Report and Draft Conventions
on Diplomatic and Territorial Asylum, Fifthy-Fifth Biennial Conference, New York, 1972 ;
- Così, Francia, Rapport sur la réforme de l’asile remis au Ministre de l’Intérieur, le 28
novembre 2013, par Valérie Létard, Sénatrice et Jean-Louis Touraine, Député ;
- V. International Association of Refugee Law Judges, Forced Migration and the Advancement
of International Protection, 7th World Conference, Mexico City, November 6-9, 2006 ;
- Sentence de la Cour Suprême des États Unis : Immigration and Naturalization Service v.
Cardoza-Fonseca, 9 March 1987, 480 US 421, 444 ;
- Consuetude de l’UNHCR : v. ExCom, Establishment of the Sub-committee and General,
Conclusion No. 1 (XXVI), 1975, p. 7; Refugees without an Asylum Country, Conclusion No.
15 (XXX), 1979 ;
- Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms, 213 UNTS 222
(CEDU); Protocol No. 7 as amended by Protocol No. 11, CETS 117, 22 November 1984) ;
- International Convention on the Protection of the Rights of all Migrant Workers and
Members of their Families, UN Doc. A/RES/45/158, 2220 UNTS 3, 18 December 1990 ;
- ICJ, Ahmadou Sadio Diallo (République de la Guinée vs. Republique démocratique du

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Congo), sentence du 30 novembre 2010, ICJ Reports 2010, p. 639 ss., par. 15-19-81. Sur le
concept d’”Ordre Public” SPERDUTI, Les lois d’application nécessaire en tant que lois
d’ordre public, RCDIP, vol. 66, 1977 ;
- France, Cour de cassation, Russie c. La Ropit, sentence du 5 mars 1928, Journal de droit
international privé, Clunet, 1928 ;
- Third Report on the Expulsion of Aliens, cit., par. 67 DELGADO, Running Afoul of the
Non-Refoulement Principle: The [Mis]Interpretation and [Mis]Application of the
Particularly Serious Crime Exception, S.Cal.L.Rev., vol. 86, 2013 ;
- ICJ, Questions of Interpretation and Application of the 1971 Montreal Convention Arising
from the Aerial Incident at Lockerbie (Libie vs. Royaume Uni), ord. 14 avril 1992, ICJ
Reports 1992 ;
- Réglement (CE) n. 343/2003 du Conseil (Reg. Dublino II), du 18 fevrier 2003
- NASCIMBENE, DI PASCALE, Rapport de synthèse et conclusions, in NASCIMBENE
(ed.), Expulsion and Detention of Aliens in the European Union Countries, Milano, 2001 ;
- UNHCR, Report of the Sub-committee of the Whole on International Protection, UN Doc.
A/AC. 96/781, 9 October 1991 ;
- MCADAM, Climate Change Displacement and International Law: Complementary
Protection Standards, Division of International Protection, UNHCR, Geneva, May 2011 ;
- Paul Mason, “Morocco accused of human rights breaches over migrants”, in BBC News,
4 September 2013, http://www.bbc.com/news/business-23959892
- Processus de Rabat, Towards a new Moroccan immigration policy, http://www.
processusderabat.net/web/index.php/news-and-events/towards-a-new-moroccan-
immigration-
- policy
- UNHCR, Morocco Factsheet, 1 April 2015, http://www.unhcr.org/4c907df39.pdf. See also
Human Rights Watch, Abused and Expelled. Ill-Treatment of Sub-Saharan African Migrants
in Morocco, 10 February 2014, p. 48, http://www.hrw.org/node/122527/section/10
- La loi n° 65.99 formant Code du travail marocain, article 9 et suite
- Dahir du 24/02/1958 portant Statut Général de la Fonction Publique
- La loi 02-03 relative à l’entrée et le séjour des étrangers au Maroc, et de l’émigration et
l’immigration irrégulières
- Rapport détaillé du MCMREAM, Rabat, 2016.
- La Convention sur les droits des travailleurs migrants et les membres de leur famille de 1951
- Rapport du ministère marocain de la Justice (2013-2014)
- Rapport de MCMREAM, sur la scolarisation des enfants issus de la migration, Rabat, 2014.
- GADEM, rapport de synthèse sur la situation des migrants irréguliers au Maroc, 2014
- Rapport du MCMREAM, Rabat, 2016.
- Rapport détaillé du MCMREAM, Rabat, (2014-2017).
- HCR, rapport inédit sur les droits fondamentaux des migrants au Maroc GTP Casablanca
HCR-ONU, 2017-2018.

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Thèse de doctorat sous le thème : « Sécurité juridique des réfugiés et demandeurs d’asile au Maroc : de l’effectivité d’accès aux droits fondamentaux»

- Rapport UE sur les migrations : « les enfants migrants et l’école marocaine », Projet
cofinancé par l’UE (état des lieux sur l’accès à l’éducation des enfants migrants subsahariens
au Maroc), Rabat, 2017
- Rapport de Caritas au Maroc, « L’inscription à l’état civil des enfants étrangers au Maroc :
guide informatif », édition Juin 2018.
- Loi n°37-99 relative à l’état civil et son décret d’application n° 2-99-665 du 2 chaabane 1423
(9 octobre 2002). décret d’application n° 2-99-665 du 2 chaabane 1423 (9 octobre 2002) ;
- Circulaire du Ministère de la santé (Circulaire 108 du 12 décembre 2008) imposant le
principe de gratuité du suivi de grossesse, des accouchements et des césariennes dans les
structures publiques complétée par la Note du 1er juin 2009 destinée aux CHU qui impose le
principe d’une gratuité des accouchements pour les femmes référées par le système de santé
public ;
- Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) 1966 ;
- Loi-cadre n° 34-09 relative au système de santé et à l’offre de soins au Maroc ;
- Règlement interne des hôpitaux au Maroc, 2011 ;
- La convention relative aux droits de l’enfant 1989 ;
- Directive 18-139 avec des mesures liées à la sensibilisation, l’accueil et l’inscription,
l’accompagnement pédagogique et éducatif, ainsi que le processus évaluatif des enfants
migrants ;
- Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) (1966) ;
- Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des
membres de leur famille adopté par l’ONU en 1990 ;
- Loi n° 65.99 relative au Code du travail marocain 1999 ;
- Pacte international relatif aux droits civils et politiques 1966 ;
- Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants 1990 ;
- Loi 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers, à l’émigration et l’immigration
irrégulière ;
- Convention relative aux droits de l’enfant (ONU) 1988 ;
- La constitution marocaine de 2011 ;
- Règlement interne des hôpitaux marocains 2014 ;
- La loi n°04-00 portant sur l’obligation de l’enseignement fondamental (2000).

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ANNEXES

ANNEXE 1 (guide d’entretien) :

GUIDE D’ENTRETIEN

Avertissement :

Dans le cadre d’une recherche doctorale en droit privé à la faculté des sciences
juridiques économiques et sociales Ain Chock Casablanca, nous menons une
série d’entretiens avec les migrants afin de voir dans quelle mesure ces deniers
bénéficient ou pas de leurs droits fondamentaux (santé, école, état civil,
justice…) dans le royaume du Maroc.
En vous remerciant d’apporter votre éclairage à notre recherche, nous nous
engageons à garantir l’anonymat à tous les interviewés dans le strict respect de
la déontologie de la recherche.

Questions

- Comment se déroule l’expérience de migration au Maroc ? Depuis que vous êtes arrivé
jusqu’à maintenant, pourriez-vous nous raconter brièvement votre histoire personnelle
avec la migration ?

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- Avez-vous déjà été informé de vos droits les plus élémentaires (accès à la justice, à l’école,
à la santé, à l’état civil, à l’emploi…) par une personne ou une association ? Si oui,
veuillez-nous racontez comment cela s’est passé pour vous ?

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- Avez-vous déjà eu à faire à la justice ? Si oui, veuillez-nous raconter comment cela s’est
passé pour vous (une anecdote) ?

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- Avez-vous eu des difficultés à vous enregistrez (ou l’un de vos proches) à l’état
civil marocain ? Si oui, veuillez-nous raconter comment cela s’est passé pour vous (une
anecdote) ?

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- Avez-vous déjà eu des difficultés à décrocher un emploi ? Si oui, veuillez-nous raconter


comment cela s’est passé pour vous (une anecdote) ?

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Sous la direction de la Professeure : Mme. Naima GUENNOUNI – Doctorante : Sinda Nawrocka 259
Année universitaire 2021-22
Thèse de doctorat sous le thème : « Sécurité juridique des réfugiés et demandeurs d’asile au Maroc : de l’effectivité d’accès aux droits fondamentaux»

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- Avez-vous déjà eu des difficultés à bénéficier des soins de santé dans un hôpital public ?
Si oui, veuillez-nous raconter comment cela s’est passé pour vous (une anecdote) ?

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- Avez-vous déjà eu des difficultés à obtenir ou à renouveler votre carte de séjour ? Si oui,
veuillez-nous raconter comment cela s’est passé pour vous (une anecdote) ?

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- Avez-vous déjà eu des difficultés pour l’inscription de votre enfant (ou l’enfant d’un ami)
à l’école publique marocaine ? Si oui, veuillez-nous raconter comment cela s’est
passé pour vous (une anecdote) ?

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………………………………………………………………………………………………………

- Quel est votre avis sur la campagne de régularisation des migrants lancée en 2017 ?
Quelles sont, pour vous, les choses à améliorer pour le bon déroulement de cette
initiative ?

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- Veuillez-vous présenter en renseignant l’encadré ci-après :

Âge : ………………..

Nationalité :…………….

Lieu de résidence :

Date d’arrivé au Maroc : ………….

Statut matrimonial :………………………..

Niveau d’instruction :………………………………….

Activité professionnelle : …………………………………..

Projet d’avenir :
……………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………………………….
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ANNEXE 2 : LISTING DES ENTRETIENS EFFECTUES AVEC DES MIGRANTS


SUBSAHARIENS (DECEMBRE-JANVIER 2022)

- Entretien avec S.M réfugié guinéen à Rabat (entretien effectué le 3 janvier 2022) ;
- Entretien avec A.B réfugié malien à Rabat (entretien effectué le 6 janvier 2022)
- Entretien avec L.K. une jeune femme de 27 ans réfugiée d’origine guinéenne, (entretien
effectué le 8 janvier 2022) ;
- Entretien avec N. D. une jeune Guinéenne de 22 ans demandeuse d’asile, (entretien effectué
le 11 janvier 2022) ;
- Entretien avec Y. L., un réfugié camerounais de 45 ans (entretien effectué le 10 janvier
2022)
- Entretien avec D.M, une jeune réfugiée guinéenne de 33 ans qui réside à Rabat depuis 2017
(entretien effectué le 9 janvier 2022) ;
- Entretien avec A.T. un père nigérian de 42 ans qui réside à Rabat (entretien effectué le 09
janvier 2022) ;
- Entretien avec F.G une jeune mère célibataire de 30 ans qui réside à Rabat (entretien effectué
le 11 janvier 2022).
- Entretien avec Z.L. une jeune mère malienne de 33 ans habitant à Rabat (entretien effectué le
14 janvier 2022).
- Entretien avec A.O., un Guinéen réfugié de 25 ans installé à Rabat (entretien effectué le 13
janvier 2022).
- Entretien avec Z. A. une jeune réfugiée béninoise de 27 ans qui réside à Rabat (entretien
effectué le 11 janvier 2022).
- Entretien avec M.F une jeune militante associative de 29 ans d’origine congolaise (entretien
effectué le 9 janvier 2022) ;
- Entretien avec Z. K. un père ougandais de 45 ans, installé à Rabat (entretien effectué le 8
janvier 2022).

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LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES

- Tableau 1. Chronologie de l’évolution juridique du droit d’asile au Maroc……………..166


- Tableau 2 : Processus de l’élaboration de la SNIA………………………………………173
- Tableau 3. Structure de la Stratégie nationale de l’immigration et de l’asile Education et
culture……………………………………………………………………………….........174
- Tableau 4 : Conventions internationales ratifiées par le Maroc pour la reconnaissance des
droits de l’homme (tableau synthétique) ……………………………………………...…177
- Tableau 5 : Nombre des demandeurs d’asile et réfugiés enregistrés auprès du HCR Maroc au
31 août 2016 par nationalité du pays d’origine………………………………………......190
- Tableau 6 : Parts des demandeurs d’asile et réfugiés enregistrés auprès du HCR Maroc au 31
août 2016 par nationalité…………………………………………………..…………..…191
- Figure 1. Répartition par nationalité des réfugiés reconnus par le BRA de la première
opération de régularisation (2016) ……………………...……………………………….168

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TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS ................................................. ERRORE. IL SEGNALIBRO NON È DEFINITO.


LISTE DES ACRONYMES ET DES ABRÉVIATIONS.........................................................3
INTRODUCTION ..................................................................................................................9
I. OBJET DE LA RECHERCHE ................................................................................................... 13
II. PROBLEMATIQUE ................................................................................................................ 13
III. HYPOTHESES DE RECHERCHE .......................................................................................... 14
IV. APPROCHE ET TECHNIQUE DE RECHERCHE...................................................................... 15
V. PLAN GENERAL DE LA RECHERCHE ..................................................................................... 16
PREMIÈRE PARTIE : ........................................................................................................ 18
EVOLUTION HISTORIQUE DES DROITS DES RÉFUGIÉS ET DEMANDEURS
D’ASILE .............................................................................................................................. 18
CHAPITRE I : ASILE, REFUGE ET PROTECTION JURIDIQUE : ORIGINES ET
ÉVOLUTIONS ..................................................................................................................... 19
SECTION 1. CONTEXTE HISTORIQUE DE L'HERMENEUTIQUE DES CONCEPTS D’ « ASILE » ET DE
« REFUGIE » ............................................................................................................................... 19
SECTION 2. SECURITE JURIDIQUE, NON REFOULEMENT ET EXCEPTIONS DE DELIT POLITIQUE
DANS LES TRAITES D'EXTRADITION DU XIXE SIECLE ................................................................. 24
SECTION 3. LA PREMIERE RECONSTRUCTION DU DROIT D'ASILE ET L'INTERDICTION DU
REFOULEMENT DANS LE CADRE DES DROITS DE L'HOMME ET DU DROIT HUMANITAIRE ............ 28
SECTION 4. VERS UNE CODIFICATION ORGANIQUE D'UN « DROIT DE REFUGIE » ........................ 34
SECTION 5. LA CREATION DU HAUT-COMMISSARIAT DES NATIONS UNIES POUR LES REFUGIES
(UNHCR) .................................................................................................................................. 39
SECTION 6. LA PROTECTION JURIDIQUE DANS LES TRAVAUX PREPARATOIRES DE LA
CONVENTION DE GENEVE SUR LE STATUT DES REFUGIES .......................................................... 41
SECTION 7. « ASILE » ET « REFUGE » DANS LE MONDE CONTEMPORAIN: ADAPTATION DE LA
PROTECTION AUX SITUATIONS DE DEPLACEMENT MONDIALISE ................................................. 48

CHAPITRE II : L’OBLIGATION DE LA PROTECTION JURIDIQUE PRÉVUE DANS LA


CONVENTION DE GENÉVE ET LA PRATIQUE RELATIVE AU DROIT
INTERNATIONAL .............................................................................................................. 49
SECTION 1. LE REGIME JURIDIQUE DE LA PROTECTION INTERNATIONALE DES REFUGIES ......... 49
SECTION 2. LA NOTION DE « REFUGIE » DANS LA CONVENTION DE GENEVE ............................. 51
SECTION 3. LES ELEMENTS DE LA DEFINITION DE REFUGIE : PERSECUTION............................... 52
SECTION 4. LES CLAUSES D'EXCLUSION DU STATUT DE REFUGIE ............................................... 59
SECTION 5. CARACTERE FORCE DU RETRAIT ET NATURE DE L'AGENT PERSECUTEUR ............... 64
SECTION 6. REVENDICATIONS DE LICENCIEMENT DU STATUT DE REFUGIE ET PRATIQUE DE
L'EXCEPTION DE PROTECTION INTERNE ..................................................................................... 67
SECTION 7. LE CARACTERE INTERNATIONAL DE L’« ELOIGNEMENT » ...................................... 70

Sous la direction de la Professeure : Mme. Naima GUENNOUNI – Doctorante : Sinda Nawrocka 264
Année universitaire 2021-22
Thèse de doctorat sous le thème : « Sécurité juridique des réfugiés et demandeurs d’asile au Maroc : de l’effectivité d’accès aux droits fondamentaux»

SECTION 8. LE « CATALOGUE » DES DROITS ET OBLIGATIONS DES REFUGIES ............................ 71


SECTION 9. L'OBLIGATION DE NON-REFOULEMENT PAR RAPPORT A LA SECURITE JURIDIQUE
INTERNATIONALE : CAS DE FIGURE ET MODALITES .................................................................... 75

CHAPITRE III : PROTECTION DES DROITS DES REFUGIES POSTÉRIEURS À LA


CONVENTION DE 1951 .................................................................................................... 102
SECTION 1. LA CONFERENCE DES NATIONS UNIES SUR L'ASILE TERRITORIAL: UNE OCCASION
MANQUEE DE RECONSTRUIRE L'INTERDICTION DU REJET « AU RISQUE DE PERSECUTION » EN
TANT QUE TITULAIRE DU DROIT A « L'ASILE » ......................................................................... 102
SECTION 2. L'EXTENSION DE LA NOTION DE REFUGIE ET LA PORTEE DE L'INTERDICTION DE
REFOULEMENT EN RELATION AVEC LE RISQUE DE PERSECUTION : LES PRINCIPALES MATRICES
................................................................................................................................................. 107
SECTION 3. LA NOTION DE REFUGIE ET LE NON-REFOULEMENT DANS LE DROIT DES REFUGIES
POST-GENEVE: L'EXPERIENCE AFRICAINE. .............................................................................. 109
SECTION 4. ASILE, REFUGE ET NON-REFOULEMENT SUR LE CONTINENT AMERICAIN .............. 118
SECTION 5. L'INTERDICTION DU REFOULEMENT EN ASIE ET DANS LE MONDE ARABE.............. 123
SECTION 6. L'EVOLUTION DU NON-REFOULEMENT EN EUROPE ............................................... 125
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE .................................................................................... 130
DEUXIÉME PARTIE : ...................................................................................................... 132
FONDEMENTS DE LA SECURUTÉ JURIDIQUE DES RÉFUGIÉS ET DEMANDEURS
D’ASILE, ET EFFECTIVITÉ DE L’ACCÉS AUX DROITS FONDAMENTAUX AU
MAROC ............................................................................................................................. 132
CHAPITRE I : LES RÉFUGIÉS ET DEMANDEURS D’ASILE AU MAROC : CONTEXTE,
ENJEUX ET APERÇU JURIDICO-POLITIQUE.............................................................. 136
SECTION 1. CONTRIBUTION DU HCR AU DEVELOPPEMENT PROGRESSIF DU DROIT
INTERNATIONAL DES REFUGIES: LES CONDITIONS JURIDIQUES PREALABLES ........................... 136
SECTION 2. UN NOUVEAU PROTOCOLE ADDITIONNEL A LA CONVENTION DE GENEVE ?
DEVELOPPEMENTS SUR LA “PROTECTION TEMPORAIRE” EN MARGE DE LA CRISE SYRIENNE .. 147
SECTION 3. DEVELOPPEMENTS DE « LEGE FERENDA » ? LE PROBLEME DES REFUGIES
« CLIMATIQUES » ..................................................................................................................... 150
SECTION 4. LES RISQUES INHERENTS A UNE FORMULATION GLOBALE DU « PRINCIPE » DE NON-
REFOULEMENT ......................................................................................................................... 155
SECTION 5. ÉVOLUTION DU DISPOSITIF JURIDIQUE RELATIF AUX REFUGIES ET DEMANDEURS
D’ASILE AU MAROC .................................................................................................................. 163
SECTION 6. POLITIQUE NATIONALE EN MATIERE DE PROTECTION DES REFUGIES ET
DEMANDEURS D’ASILE .............................................................................................................. 169

CHAPITRE II. SECURITÉ JURIDIQUE DES RÉFUGIÉS ET DEMANDEURS D’ASILE


AU MAROC : UN ÉTAT DES LIEUX SUR L’ACCÉS AUX DROITS FONDAMENTAUX
........................................................................................................................................... 177
SECTION 1. DROIT AU TRAVAIL ET A L’EMPLOI ....................................................................... 180
SECTION 2. DROIT A UN NIVEAU DE VIE DECENT ...................................................................... 182
SECTION 3. DROIT D’ACCES AUX SOINS DE SANTE .................................................................... 183
SECTION 4. DROIT A L’EDUCATION ET A L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ................................... 184
SECTION 5. DROIT AU REGROUPEMENT FAMILIAL ................................................................... 186
SECTION 6. DROIT A LA SECURITE SOCIALE ............................................................................. 186

Sous la direction de la Professeure : Mme. Naima GUENNOUNI – Doctorante : Sinda Nawrocka 265
Année universitaire 2021-22
Thèse de doctorat sous le thème : « Sécurité juridique des réfugiés et demandeurs d’asile au Maroc : de l’effectivité d’accès aux droits fondamentaux»

SECTION 7. DROIT AU RETOUR VOLONTAIRE POUR UNE REINTEGRATION ............................... 187


SECTION 8 : INTEGRATION DES REFUGIES ET DEMANDEURS D’ASILE AU MAROC : ABSENCE D’UN
CADRE NATIONAL D’ASILE........................................................................................................ 188

CHAPITRE III : DE L’EFFECTIVITÉ DE L’ACCÉS DES RÉFUGIÉS ET DEMANDEURS


D’ASILE AU MAROC AUX DROITS FONDAMENTAUX : ENTRE DISPOSITIONS
JURIDIQUES ET RÉALITÉS PRATIQUES ..................................................................... 194
SECTION 1. L’ENQUETE............................................................................................................ 195
SECTION 2. LE DROIT D’ACCES DES MIGRANTS AU SEJOUR LEGAL : UN PARCOURS DE
COMBATTANT MALGRE LA COMPAGNE DE REGULARISATION .................................................. 200
SECTION 3. DROIT D’ACCES DES MIGRANTS A L’ETAT CIVIL : UNE PROTECTION FRAGILE ET
INSUFFISANTE........................................................................................................................... 205
SECTION 4. DROIT D’ACCES DES MIGRANTS A LA SANTE : UN TRAITEMENT BUREAUCRATIQUE,
ONEREUX ET DISCRIMINATOIRE ............................................................................................... 211
SECTION 5. LE DROIT D’ACCES DES ELEVES DE REFUGIES A L’EDUCATION : INEGALITE DES
CHANCES ENTRE NATIONAUX ET MIGRANTS ............................................................................. 215
SECTION 6. L’ACCES DES MIGRANTS A L’EMPLOI : ABSENCE D’UN CADRE REGLEMENTAIRE ET
PREEMINENCE DE L’INFORMEL ................................................................................................ 219
SECTION 7. L’ACCES DES MIGRANTS A LA JUSTICE : LIMITES DE LA PROTECTION JUDICIAIRE 223
SECTION 8. INTERPRETATION DES RESULTATS DE L’ENQUETE................................................. 226
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE .................................................................................... 231
CONCLUSION GENERALE ................................................................................................ 233
BILIOGRAPHIE SELECTIVE ............................................................................................. 244
ANNEXES .............................................................................................................................. 258
LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES ............................................................................... 263

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