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Thèse 2019 Open Access

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Le recours à la force armée par l'Union africaine : Contribution à


l'interprétation de l'article 4 (h) de l'Acte constitutif de l'Union africaine

Diallo, Alimata

How to cite

DIALLO, Alimata. Le recours à la force armée par l’Union africaine : Contribution à l’interprétation de
l’article 4 (h) de l’Acte constitutif de l’Union africaine. 2019. doi: 10.13097/archive-ouverte/unige:149899

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LE RECOURS A LA FORCE ARMEE PAR L’UNION AFRICAINE : CONTRIBUTION
À L’INTERPRETATION DE L’ARTICLE 4 (H) DE L’ACTE CONSTITUTIF DE
L’UNION AFRICAINE

Thèse présentée en vue de l’obtention du grade de Docteur en droit par

Alimata Diallo

Sous la co-direction des professeurs Nicolas Michel et Makane Moïse Mbengue

Sous la présidence de M. Alexandre FLüCKIGER, Vice-doyen et professeur à la Faculté de


Droit, Université de Genève,
le jury est composé de :
Mme Gloria GAGGIOLI, professeure à la Faculté de droit, Université de Genève
Mme Namira NEGM, Ambassadrice, Conseillère juridique de l’Union africaine
M. Nicolas Michel, professeur honoraire à la Faculté de droit, Université de Genève (co-
directeur de thèse)
M. Makane Moïse MBENGUE, professeur à la Faculté de droit, Université de Genève (co-
directeur de thèse)

Faculté de droit de l’Université de Genève


2019
A ma défunte mère,
Qui m’a appris à voir l’éclat des étoiles dans la nuit noire,
A mes frères et sœurs qui m’ont laissé choisir ma voie,
A mon ami Sâ Benjamin Traoré qui m’a fait grâce d’une amitié inestimable.
REMERCIEMENTS

J’exprime une profonde reconnaissance à toutes les personnes dont le soutien et l’amabilité ont
rendu possible l’aboutissement de ce travail. Je ne saurais les nommer, de peur d’en oublier ou
de ne pas trouver les mots justes.
Il est des gratitudes qui s’expriment mieux dans le silence du cœur.
SIGLES ET ABRÉVIATIONS
Ann.C.D.I : Annuaire de la Commission du droit international
Ann.I.D.I : Annuaire de l’Institut de droit international
AMISEC : Mission de l’Union africaine pour le soutien aux élections aux Comores
AMISOM : Mission de l’Union africaine en Somalie (African Mission in Somalia)
CADEG : Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance
CARIC : Capacité africaine de réponse immédiate aux crises
CDI : Commission du droit international
CDR : Capacité de déploiement rapide
CEA : Communauté économique africaine
CEEAC : Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale
CEDEAO : Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest
CEDH : Convention européenne des droits de l’homme
CEMAC : Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale
CER : Communautés économiques régionales
CIJ : Cour internationale de justice
COPAX : Conseil de paix et de la sécurité de l’Afrique centrale
CPJI : Cour permanente de justice internationale
CPS : Conseil de paix et de sécurité
FAA : Force Africaine en Attente
IGAD : Autorité intergouvernementale pour le développement
LRA : L’Armée de résistance du seigneur
MIAB : Mission de l’Union africaine au Burundi
MUAS : Mission de l’Union africaine au Soudan
MISMA : Mission internationale de soutien au Mali
MINUSMA : Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies
MISCA : Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite Africaine
MINUSCA : Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation
en Centrafrique

a
OEA : Organisation des Etats américains
OMC : Organisation Mondiale du Commerce
ONU : Organisation des Nations Unies
ONUB : Opération des Nations Unies au Burundi
OTAN : Organisation du Traité de l’Atlantique Nord
OUA : Organisation de l’Unité africaine
UA : Union africaine
UE : Union européenne
UN : United Nations
U. N. Doc. : United Nations Document
RASD : République arabe sahraouie démocratique
SADC : Southern African Development Community

b
SOMMAIRE
Sigles et abréviationS .......................................................................................................................a

Sommaire .........................................................................................................................................c

Introduction générale ...................................................................................................................... 1

Chapitre Préliminaire : L’architecture africaine de paix et de sécurité .................................... 26

Section I : Les organes de mise en œuvre de la sécurité collective de l’Union africaine ..... 27

Section II : Les Communautés économiques régionales, acteurs clés du maintien de la paix


en Afrique ............................................................................................................................. 58

Chapitre I : La préhistoire de l’article 4 (h) : les velléités sous-régionales de recours à la force


armée sans autorisation préalable du Conseil de sécurité ......................................................... 94

Section I : La tendance à l’affirmation d’un droit d’intervention par la CEDEAO .............. 94

Section II : Les tendances autonomistes des autres Organisations sous-régionales africaines


............................................................................................................................................. 132

Chapitre II : L’histoire de l’adoption de l’article 4 (h) à la lumière des travaux préparatoires


................................................................................................................................................. 161

Section I: Le processus d’adoption de l’article 4 (h) à la lumière des travaux préparatoires de


l’Acte constitutif de l’Union africaine ................................................................................ 163

Section II: les circonstances de l’institutionnalisation d’un droit d’intervention ............... 196

Chapitre III : Accord ultérieur sur l’interprétation de l’article 4 (h) et pratique subséquente 238

Section I: le Consensus d’Ezulwini, un accord ultérieur interprétatif de l’article 4(h) ?.... 240

Section II: la pratique subséquente de l’Union africaine dans l’application de l’article 4 (h)
............................................................................................................................................. 268

CHAPITRE IV : LA LEGALITE EN DROIT INTERNATIONAL DE L’ARTICLE 4 (H) ........................... 306

Section I: Les arguments doctrinaux sur la relation entre l’article 4 (h) et le droit de la Charte
............................................................................................................................................. 308

Section II: La compatibilité avec le droit de la Charte des Nations Unies ......................... 333

c
Chapitre V : L’hypothèse de la formation d’une norme coutumière régionale ...................... 362

Section I: les premières manifestations de la supposée norme coutumière ........................ 366

Section II: L’hypothèse d’une codification ou d’une cristallisation par la pratique


conventionnelle ................................................................................................................... 397

Conclusion générale .................................................................................................................... 414

Table des matières............................................................................................................................ i

Bibliographie.................................................................................................................................. vi

d
INTRODUCTION GÉNÉRALE
A son cinquième sommet extraordinaire tenu à Syrte (Libye), le 2 mars 20011, l’Assemblée des
chefs d’Etat et de gouvernement de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), représentant
cinquante-trois (53) Etats membres2, déclarait solennellement et fièrement, la création de l’Union
africaine. L’Acte constitutif qui avait été adopté le 11 juillet 20003 entrait officiellement en vigueur
le 26 mai 2001, à la suite de la ratification par les deux tiers des Etats membres de l’OUA,
conformément aux prescriptions de son article 28.4

La substitution de l’Union africaine à l’Organisation de l’Unité africaine est considérée comme un


tournant décisif dans l’histoire politique moderne de l’Afrique.5 En effet, comme il a été relevé par
la majorité des auteurs ayant procédé à l’analyse de la nouvelle Organisation, l’Union africaine est
investie d’une mission beaucoup plus ambitieuse que sa devancière.6 La mutation de l’OUA en

1
OUA, Report of Secretary-General, Council of Ministers, 74th Ordinary Session, 9th Ordinary Session of the African
Economic Community (AEC), 2-7 July 2001, CM/2210 (LXXIV).
2
L’Organisation de l’Unité africaine créé le 23 mai 1963 par les pays africains nouvellement indépendants à Addis-
Abeba (Éthiopie) est la devancière de l’Union africaine qui comptait au moment de la mutation 53 États membres, le
Maroc s’étant retiré de l’Organisation régionale le 12 novembre 1984 en raison de l’admission de la République arabe
sahraouie démocratique (RASD) et le Soudan du Sud n’avait pas encore fait sécession. L’Union africaine compte de
nos jours au total cinquante-cinq (55) États membres, le Soudan du Sud ayant acquis son indépendance de la
République du Soudan le 9 juillet 2011 et le Maroc a réintégré de nouveau l’Union le 30 janvier 2017.
3
L’Acte constitutif de l’Union africaine a été adopté à la trente sixième session ordinaire de la Conférence des chefs
d’État et de gouvernement du 10-12 juillet 2000 tenue à Lomé au Togo.
4
L’article 28 de l’Acte constitutif de l’Union africaine dispose que : « Le présent Acte entre en vigueur trente jours
après le dépôt des instruments de ratification par les deux tiers des États membres de l’OUA ». A noter également que
dès son entrée en vigueur, l’Acte constitutif était censé abroger et remplacer la Charte de l’OUA, en application de
l’article 33 (1). Mais la Charte de l’OUA est restée opérante pendant une période transitoire d’un an, en application
d’une décision adoptée à cet égard par la trente septième session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de
gouvernement tenue à Lusaka (Zambie), le 10 juillet 2001, Conférence de l’UA, 37e Session ordinaire de la Conférence
des chefs d’État et de gouvernement de l’OUA, Doc. AHG/Doc. 160.
5
Tiyanjana MALUWA, « Reimagining African Unity: Some Preliminary Reflections on The Constitutive Act of The
African Union », African Yearbook of International Law, vol. 9, 2001, p. 4; Tiyanjana MALUWA, « The Constitutive
Act of the African Union and Postcolonial Institution- building in Africa », Leiden Journal of International Law, vol.
16, no1, 2003, p. 158; Tiyanjana MALUWA, « Fast-Tracking African Unity or Making Haste Slowly? A note on the
amendments to the Constitutive Act of the African Union », Netherlands International Law Review, vol. 51, no2,
2004, p. 196.
6
Voir de façon selective, Stéphane DOUMBÉ-BILLÉ, « L’Union africaine : Objectifs et Principes », dans F.
OUGERGOUZ, A. A. YUSUF, L’Union africaine : Cadre juridique et institutionnel : Manuel sur l’Organisation
panafricaine, Editions A. Pedone, 2013, pp. 57-76; Mesmer L. GUEUYOU, « Le rôle de l’Union africaine dans la

1
une Union africaine consacre clairement une rupture avec l’ordre politique, juridique et
institutionnel de l’OUA et la mise en place d’un nouvel ordre avec l’adoption de l’Acte constitutif.7

Ainsi, bien que la nouvelle Organisation reprenne à son compte certains grands principes de
l’OUA8, elle s’en distingue par l’affirmation d’objectifs et principes innovants. L’Acte constitutif
de l’Union africaine renferme plusieurs nouveaux principes reflétant les nouvelles aspirations de
l’Organisation régionale africaine.9 Nous nous intéresserons cependant dans le cadre de cette étude
à l’un de ces principes considérés comme le plus audacieux, voire révolutionnaire.10 Il s’agit de
l’article 4, alinéa h) qui prévoit : « le droit de l’Union d’intervenir dans un Etat membre sur
décision de la conférence, dans certaines circonstances graves, à savoir : les crimes de guerre, le

prevention et la resolution des conflits », dans Fatsah OUGERGOUZ, Abdulqawi A. YUSUF, L’Union africaine :
Cadre juridique et institutionnel : Manuel sur l’Organisation panafricaine, Editions A. Pedone, 2013, pp. 269-292;
Tiyanjana MALUWA, « Reimagining African Unity: Some Preliminary Reflections on The Constitutive Act of The
African Union », op. cit., pp. 3-38; Tiyanjana MALUWA, « The Constitutive Act of the African Union and
Postcolonial Institution- building in Africa », op. cit., pp. 157-170; Konstantinos D. MAGLIVERAS and Gino J.
NALDI, « The African Union-A New Dawn for Africa? » International and Comparative Law Quarterly, vol. 51,
2002, pp. 415-425; Abass ADEMOLA and Mashood A. BADERIN, «Towards Effective Collective Security and
Human Right Protection in Africa: An Assessment of the Constitutive Act of the African Union », Netherlands
International Law Review, vol. 49, no1, 2002, pp. 1-38; Corinne A. PACKER and Donald RUKARE, « Current
Developments: The New African Union and its Constitutive Act », American Journal of International Law, vol. 96,
no. 2, 2002, pp. 365-379.
7
Tiyanjana MALUWA, « La transition : De l’Organisation de l’Unité Africaine à L’Union africaine », dans Fatsah
OUGERGOUZ, Abdulqawi A. YUSUF, L’Union africaine : Cadre juridique et institutionnel : Manuel sur
l’Organisation panafricaine, Editions A. Pedone, 2013, p. 36.
8
Il s’agit notamment des principes de l’égalité souveraine des États repris par l’article 4 (a) de l’Acte constitutif, du
principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un autre État consacré à l’article 4 (g), du principe du respect
de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de tout État que l’on retrouve à l’article 4 (b), ainsi que du principe du
règlement pacifique des différends qui est postulé à l’article 4 (e).Voir pour une analyse détaillée des objectifs et des
principes de l’Union africaine, Stéphane DOUMBÉ-BILLÉ, « L’Union africaine : Objectifs et Principes », op. cit.,
pp. 57-76.
9
Voir par exemple le principe de la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes (article 4, l), le respect des
principes démocratiques, des droits de l’homme, de l’état de droit et de la bonne gouvernance (article 4, m) ou la
condamnation et rejet des changements anticonstitutionnels de gouvernement (article 4, p).
10
Voir par exemple Ben KIOKO, « the Right of Intervention under the African Union’s Constitutive Act: From Non-
Interference to Non-Intervention “, International Review of the Red Cross, vol.85, 2003, pp. 812-814; BOISSON DE
CHAZOURNES, « Les relations entre organisations régionales et organisations universelles », Recueil des cours de
l’Académie de droit international de la Haye, t. 237, 2010, p. 289.

2
génocide et les crimes contre l’humanité ».11 Cette disposition suscite de l’intérêt à plusieurs
égards.

Premièrement, l’article 4 (h) constitue sans l’ombre d’un doute une innovation institutionnelle sans
précédent. C’est en effet une première en droit international qu’une Organisation régionale
institutionnalise un droit d’intervention sur le territoire de ses Etats membres en cas de commission
de certains crimes graves tels que les crimes de guerre, le génocide, les crimes contre l’humanité.12
Considérée comme une disposition sans égal dans d’autres régions du monde, elle a, à juste titre,
suscité divers commentaires sur son caractère novateur. Par exemple, dans son Rapport portant sur
la mise en œuvre de la responsabilité de protéger, du 12 janvier 2009, le Secrétaire général des
Nations Unies faisait remarquer à propos de l’institutionnalisation d’un droit d’intervention en
Afrique :

« […] L’évolution de la pensée et de la pratique en Afrique a été à cet égard particulièrement remarquable.
Tandis que l’Organisation de l’unité africaine insistait sur la non-intervention, l’Union africaine qui lui a
succédé a mis l’accent sur la non-indifférence. En 2000, cinq ans avant la reconnaissance par le Sommet
mondial de 2005 de la responsabilité de protéger, l’Acte constitutif de l’Union africaine prévoyait, à l’alinéa

11
La disposition a été amendé deux ans après l’adoption de l’Acte constitutif pour étendre les motifs d’intervention à
la « menace grave de l’ordre légitime afin de restaurer la paix et la stabilité dans l’État membre de l’Union sur
recommandation du Conseil de paix et de sécurité », voir l’article 4 (h) tel que amendé par le Protocole portant
amendement de l’Acte Constitutif de l’Union Africaine adopté par la première session extraordinaire de l’Assemblée
de l’Union Africaine à Addis-Abeba, le 03 février 2003. Ce protocole devra entrer en principe en vigueur après la
ratification par les deux tiers des cinq États membres de l’Union, à la date du 15 juin 2017, il a été ratifié par seulement
28 pays membres, voir sur le statut de ratification https://au.int/sites/default/files/treaties/7785-sl-
protocol_on_the_amendments_to_the_constitutive_act_of_the_african_union_.pdf.
12
Abdulqawi A. YUSUF, « The Right of Intervention by the African Union: A New Paradigm in Regional
Enforcement Action? », African Yearbook of International Law, vol.11, 2003, p. 3. Cette affirmation est cependant à
nuancer. En effet, bien avant l’adoption de l’Acte constitutif de l’Union africaine, deux organisations sous régionales,
la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (en abrégé CEDEAO) et la Communauté économique
des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) ont adoptés des protocoles qui instituent des droits d’intervention dans les
affaires intérieures de leurs États membres. Voir pour plus de détails sur ces innovations institutionnelles, infra,
chapitre I. Celles-ci étant cependant des organisations sous régionales, l’Union africaine reste la première organisation
régionale regroupant tous les États du continent africain à institutionnaliser un droit d’intervention.

3
h) de son article 4, le « droit de l’Union d’intervenir dans un Etat membre sur décision de la Conférence, dans
certaines circonstances graves, à savoir : les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l’humanité ».13

Deuxièmement, cette institutionnalisation est très surprenante dans la mesure où la disposition


semble remettre en cause certains principes classiques du droit international, notamment le
principe de souveraineté, de non-intervention et de l’interdiction du recours à la force auxquels
sont fermement attachés les Etats, particulièrement les Etats africains.14 L’insertion d’un droit
d’intervention dans l’Acte constitutif de l’Union africaine est d’autant plus étonnante que les Etats
africains ont toujours manifesté une hostilité à toute notion d’intervention, quels qu’en soit les
motifs.15 Ils étaient ainsi particulièrement opposés à l’idée de consécration d’un droit général
d’intervention humanitaire au plan international. En d’autres termes, il semble résider un paradoxe
entre le discours des dirigeants africains sur le droit d’intervention humanitaire et l’adoption de
l’article 4 (h). A titre illustratif, quelques mois seulement avant l’adoption de l’Acte constitutif, les
Etats africains signaient des déclarations adoptées par le « Groupe des 77 »16 et par le Mouvement
des Non-alignés qui rejetaient toutes clairement la notion d’intervention humanitaire.17 Ces Etats

13
La mise en œuvre de la responsabilité de protéger, Rapport du Secrétaire général, 12 janvier 2009, par. 8, UN Doc.
A/63/677.
14
Les États africains étaient très attachés à ces principes depuis leur accession aux indépendances. Cet attachement
était justifié selon Martin Kunschak par leur fragilité et leur vulnérabilité, Martin KUNSCHAK, « The African Union
and the Right to Intervention: Is there a Need for UN Security Council Authorisation? », South African Yearbook
International Law, vol.31, 2006, p.195.
15
Ils soupçonnaient les États puissants de défendre des intérêts impérialistes sous le couvert de l’argument
d’intervention pour des motifs humanitaires. Martin KUNSCHAK, « The African Union and the Right to Intervention:
Is there a Need for UN Security Council Authorisation? », op. cit., pp.195-196; Abdulqawi A. YUSUF, « The Right
of Intervention by the African Union: A New Paradigm in Regional Enforcement Action? », op. cit. pp.16-17; Edward
KWAKWA, « Internal Conflicts in Africa: Is There a Right of Humanitarian Action? », African Yearbook of
International Law, vol. 2, 1994, p. 30.
16
Le « Groupe des 77 » est un organisme qui regroupe 132 États membres de l’ONU.
17
La première déclaration adoptée le 24 septembre 1999 rejetait de façon vigoureuse le droit d’intervention
humanitaire : « [T]he Ministers stressed the need to maintain clear distinctions between humanitarian assistance and
other activities of the United Nations. They rejected the so-called right of humanitarian intervention, which has no
basis in the UN Charter or in international law », Declaration given on the 35th anniversary of the creation of the «
Group of 77», par. 69 et 70.
Une seconde déclaration est adoptée quelques mois plus tard par le même groupe réaffirmant le rejet du « prétendu
droit d’intervention humanitaire, qui ne se fonde sur aucune base légale dans la Charte des Nations Unies ni dans les
principes généraux du droit international », Déclaration du Sommet du Sud, adoptée par les chefs d’État et de
gouvernement des pays membres du Groupe des 77 réunis à La Havane, 14 avril 2000, annexée à la Lettre datée du

4
ont également, de façon individuelle, condamné le droit d’intervention humanitaire au nom, entre
autres, du respect de la souveraineté des Etats et du système de la Charte des Nations Unies.18

Troisièmement, l’article 4 (h) inspire de nouveau la curiosité lorsqu’on prend en considération le


contexte de sa codification. L’Acte constitutif a été adopté à une période où le débat sur l’existence
d’un « droit d’intervention humanitaire » avait connu un renouveau.19 Mais, la doctrine a fait
l’objet de tellement de controverses et de réticences que tout espoir de sa consécration formelle au
niveau international semblait perdu d’avance.20 Il semble par conséquent difficile de voir en
l’article 4 (h), la duplication d’une doctrine qui a émergé au plan international, vu qu’elle a
massivement fait l’objet de rejet.21

Enfin, l’article 4 (h) soulève davantage de questionnements sur sa compatibilité avec le droit de la
Charte qui régit le recours à la force. L’absence de précision sur l’exigence de l’autorisation
préalable du Conseil de sécurité avant la mise en œuvre de la disposition suggère a priori une
remise en question du droit de la Charte, notamment l’article 53 qui soumet toute action coercitive
des Organisations régionales en matière de maintien de la paix et de la sécurité à une autorisation
préalable du Conseil de sécurité. Une telle position, si elle est assumée, entraine de sérieuses
complications en droit international étant donné qu’elle implique une atteinte au monopole du

5 mai 2000, adressée au président de l’Assemblée générale par le Représentant permanent du Nigéria auprès de
l’ONU, A/55/74, 12 mai 2000, par. 54. Voir également, le Communiqué final publié à l’issue de la Réunion des
ministres des affaires étrangères et des chefs de délégation du Mouvement des pays non alignés tenue à New York le
23 septembre 1999, annexée à la Lettre datée du 15 octobre 1999, adressée au Secrétaire général par le Représentant
permanent de l’Afrique du Sud auprès de l’Organisation des Nations Unies, 18 octobre 1999, A/54/469 S/1999/1063,
par. 8.
18
Voir dans ce sens entre autres les positions de l’Égypte (A/54/PV.29, 7 octobre 1999, p. 8) ; de l’Éthiopie
(A/C.4/54/SR.13, 27 octobre 1999, p. 2, par. 5); du Sénégal (A/54/PV.56, 20 octobre 1999, p. 11); de la Lybie
(A/54/PV.19, 30 septembre 1999, p.18); de la Namibie (A/55/PV.24, 20 septembre 2000, p. 12); de la Tunisie
(A/55/PV.6, 7 septembre 2000, p. 13).
19
Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, 2ème éd., Paris, Pedone, 2014, pp. 795-796.
20
Ibid.
21
Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., pp. 801-836; Christine GRAY, International Law and the Use
of Force, 3rd ed. Oxford, Oxford University Press, 2008, pp. 51-55.

5
Conseil de sécurité en matière de recours à la force ainsi qu’un risque de nullité de la disposition
pour violation de l’article 2 (4) largement considérée comme une norme de droit impératif.22

On comprend alors aisément que cette nouveauté institutionnelle totalement inattendue et


suffisamment audacieuse qui annonce un changement de paradigme en matière de recours à la
force armée par l’Union africaine donne lieu à des débats dès les lendemains de son adoption.

Bien que près de deux décennies après l’adoption de l’Acte constitutif, l’article 4 (h) n’ait
pratiquement pas fait l’objet d’une application surtout dans le cadre d’une action coercitive armée,
la survenance de plusieurs crises humanitaires de grande ampleur sur le continent, notamment
celles au Darfour et en Somalie a de nouveau attiré l’attention des chercheurs sur la disposition.23

La récente intervention militaire de la CEDEAO en Gambie sans une autorisation préalable du


Conseil de sécurité a également contribué à relancer le débat sur le nouveau développement

22
Voir l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités qui dispose qu’: « est nul tout traité qui, au
moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit international général », Convention de
Vienne sur le droit des traités de 1969. L’article 26 du projet d’articles sur la responsabilité des États, prévoit également
qu’aucune circonstance excluant l’illicéité ne peut être admise pour « tout fait de l’État qui n’est pas conforme à une
obligation découlant d’une norme impérative du droit international général », Rapport de la CDI pour sa cinquante-
troisième session, doc. A/56/10, 1er octobre 2001, p. 221. L’article 25 du projet d’articles sur la responsabilité des
organisations internationales prévoit un principe identique, voir Rapport de la CDI pour sa soixante et unième session,
doc. A/64/10, 25 septembre 2009, p. 108. D’autre part, un autre point de vue a été développé par certains auteurs
consistant à considérer l’article 53 de la Charte en tant que disposition précisant les contours du recours à la force –
dont le caractère impératif est reconnu- comme exprimant à son tour une règle de jus cogens dont la violation
entrainerait une nullité de la disposition en cause, voir sur ce point, Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op.
cit., p. 565 ; Chrisitne GRAY, International Law and the Use of Force, op. cit., p. 53; Ademola ABASS and Mashood
A. BADERIN, « Towards effective collective security and human rights protection in Africa: An assessment of the
Constitutive Act of the new African Union », op. cit., p. 18.
23
Ces crises ont remis à l’ordre du jour les questionnements sur la mise en œuvre de l’article, certains auteurs y ayant
vu l’occasion d’une application de l’article 4 (h). Voir par exemple sur la question Nabil HAJJAMI, La responsabilité
de protéger, Bruxelles, Bruylant, 2013, pp. 466-472 ; Abass ADEMOLA, « The United Nations, the African Union
and the Darfur Crisis: Of Apology and Utopia », Netherlands International Law Review, vol. LIV, 2007, p. 415-440;
Paul D. WILLIAMS and David R. BLACK, « Introduction: International Society and the Crisis in Darfur », in Paul
D. WILLIAMS and David R. BLACK, (eds.), The International Politics of Mass Atrocities: The Case of Darfur,
Routledge, Abingdon, forthcoming 2009, pp. 1-25; Alex J. BELLAMY, Global Politics and the Responsibility to
Protect – From words to deeds, Routledge, 2010, p. 14; Alex J. BELLAMY, « The Responsibility to Protect – Five
Years On », Ethics & International Affairs, vol. 24, no2, 2010, pp. 143-169; International Crisis Group, « The AU ‘s
Mission in Darfur: Bridging the Gaps » , Africa Briefing No. 28, International Crisis Group, Nairobi/Brussels, 6 July
2005, disponible sur https://www.crisisgroup.org/africa/horn-africa/sudan/aus-mission-darfur-bridging-gaps, consulté
le 04 mai 2018.

6
normatif en matière de recours à la force par les Organisations régionales africaines.24La présente
étude tentera d’apporter des éléments de clarification sur le sens et la portée d’une disposition
juridique suffisamment imprécise sur le plan normatif et qui légifère dans des domaines déjà bien
controversés à l’origine, les relations entre l’ONU et les Organisations régionales en matière de
recours à la force. Cette clarification est suffisamment importante dans la mesure où le recours à
la force dans la société internationale « n’[est -] pas une chose à prendre à la légère », pour
emprunter des termes de la Cour internationale de la justice dans un autre contexte.25

Partant de cette mise en contexte, notre propos introductif s’attèlera dans un premier temps à faire
quelques précisions utiles de clarification conceptuelle et de délimitation du sujet de l’étude (I). Il
sera question dans un second temps de la problématique et de l’hypothèse de l’étude (II). Notre
interêt portera en dernier lieu sur la méthodologie et le plan de l’étude (III).

I- Considérations générales sur la notion d’intervention en droit international


Une réflexion juridique sur l’interprétation de l’article 4 (h) impose au préalable de déterminer le
plus clairement possible ce que recouvre la notion de « droit d’intervention » à laquelle renvoie la
disposition. Cette tâche de clarification s’avère toutefois ardue au regard des incertitudes qui
entourent la définition même du concept d’« intervention » en droit international. On s’attachera
alors dans un premier temps à préciser la notion d’intervention en général (A), avant d’explorer le
sens visé par l’article 4 (h) (B).

A- La notion d’intervention en général


Malgré d’abondantes publications en science politique et en droit portant sur l’intervention, des
confusions persistent sur le sens et la véritable portée de la notion en droit international. Un tour
d’horizon permet de constater que l’intervention demeure à ce jour une notion suffisamment
obscure au point où l’on ne puisse en donner une signification précise, ni même en définir le

24
Cette intervention sera abordée plus en détails dans les développements qui suivront.
25
La Cour utilisait cette formule dans l’affaire Nottebhom parlant de la naturalisation, voir CIJ, Nottebhom, 1955, p.
24.

7
contenu exact.26Le flou conceptuel qui entoure la notion s’explique en partie par la diversité des
situations qu’elle est censée couvrir.27 Plus récemment, l’apparition de certains concepts
impliquant la notion d’intervention tels que l’ « ingérence humanitaire » ou l’ « intervention
humanitaire », qui eux-mêmes sont peu définis, a favorisé le foisonnement d’autres notions
voisines à l’origine de nouvelles confusions conceptuelles.

Il peut néanmoins être retenu dans le cadre d’une tentative d’appréhension de la notion que sa
définition a connu une évolution historique progressive. A l’origine, l’intervention était utilisée en
droit international classique pour désigner des pressions spécifiques et ponctuelles dans le cadre
de relations pacifiques. A partir du 19e siècle, le terme renvoyait dans le vocabulaire juridique au
fait de « s’ingérer », de « s’immiscer » ou « d’interférer » dans les affaires internes d’un Etat. Au
20e siècle, l’« intervention » désigne une action d’un Etat pour protéger ses propres citoyens. C’est
à partir de l’entre-deux-guerres que le concept d’intervention acquiert le sens qui lui est attribué
de nos jours, c’est-à-dire la violation du domaine réservé de l’Etat.28 Un consensus s’est ainsi
dégagé dans la doctrine contemporaine depuis l’adoption de la Charte pour reconnaître que
l’intervention consiste en l’immixtion d’un Etat, d’un groupe d’Etats ou d’une Organisation
intergouvernementale dans les affaires internes ou externes d’un Etat souverain indépendant sans
le consentement de celui-ci, et ce dans le but de lui imposer sa volonté.29 Le dictionnaire de droit

26
Percy H. WINFIELD, « The History of Intervention in International Law », British Yearbook of International Law,
vol. 3, 1922-3, p. 130; Pitman B. POTTET, « L’intervention en droit international moderne », Recueil des cours de
l’Académie de Droit International de la Haye, 1930–II, vol.32, p. 612; Antoine -Didier K-M. MINDUA,
Organisations internationales, interventions armées et droits de l’Homme, Genève: I.U.H.E.I., thèse n°708, 1995, p.
33.
27
Lori F. DAMROSCH, « Changing Conceptions of Intervention in International Law », in Reed Laura W. et Kaysen,
Carl (ed.), Emerging Norms of Justified Intervention. A collection of Essays from a Project of the American Academy
of Arts and Sciences, Cambridge Massachusetts: C.I.S.S., 1993, p. 91 cité par Thierry TARDY, « L’intervention dans
les années quatre-vingt-dix: réflexion autour d’un concept évolutif », Annuaire Français des Relations
Internationales, vol.2, 2001, pp.771-772.
28
James E.S. FAWCETT, « Intervention in International Law », Recueil des cours de l’Académie de droit
international de la Haye, t. 103. vol. II, 1961, p. 347; Natalino RONZITTI, Rescuing Nationals abroad through
Military Coercion and Intervention on Grounds of Humanity, Dordrecht, Boston, Lancaster: Martinus Nijhoff
Publishers, 1985, p. 21.
29
Dès la période de l’entre-deux guerres déjà des auteurs considéraient comme éléments essentiels de définition de
l’intervention une immixtion d’un quelconque degré ou de quelque nature que ce soit d’un ou de plusieurs États dans
les affaires internes ou externes d’un ou de plusieurs États, voir Percy H. WINFIELD, « The history of Intervention

8
international public de Jean Salmon définit ainsi l’intervention comme des « mesures de contrainte
d’ordre politique, économique ou militaire, prises par un ou plusieurs Etats, constituant une
ingérence dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre Etat et empiétant sur sa
souveraineté et la liberté ».30 L’intervention est également définie par le manuel de droit
international public Q. D. NGUYEN comme « le fait d’un Etat qui cherche à pénétrer dans la
sphère de compétence exclusivement réservée à un autre Etat, soit pour l’aider à régler ses affaires
propres, soit pour les régler à sa place ou l’obliger à les régler conformément à ses vœux ».31 De
ces définitions, il peut être retenu que l’intervention se caractérise par deux éléments constitutifs
essentiels que sont la contrainte physique ou morale, et le domaine réservé de l’Etat.32 Il reste que
de profonds désaccords subsistent sur la définition du contenu et de la portée du domaine réservé
de l’Etat, ainsi que sur la nature de la contrainte exercée dans le cadre d’une intervention. La
détermination du contenu exact du domaine réservé de l’Etat pose problème. Certains l’assimilent
à la « compétence nationale exclusive », notion qui reste tout autant imprécise que le domaine

in International Law », op. cit., pp.131- 139 ; Pitman B. POTTET., « L’intervention en droit international moderne »,
op.cit., p.614.
30
», Jean SALMON (dir.), dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 609.
31
Voir Patrick DAILLIER, Alain PELLET, Mathias FORTEAU, Nguyen QUOC DINH, Droit international public,
8e édition, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 2009, p. 1046.
32
Même si certains auteurs réfutent le fait que la contrainte soit constitutive de l’intervention. Pour ces auteurs, une
atteinte aux droits souverains de l’État semble suffisante. C’est le cas de E. DAVID, « portée et limite du principe de
non-intervention », Revue Belge de Droit International, 1990/2, §7 ; ainsi que de VERHOEVEN J., « Non-
intervention : ‘affaires intérieures’ ou ‘vie privée’ ? », in Le droit international au service de la paix, de la justice et
du développement : Mélanges Michel Virally, Paris, Pédone, 1991, p.494. Pourtant la contrainte en tant que
composante de l’intervention a été confirmée par la résolution 2131 (XX) de l’Assemblée Générale de l’ONU du 21
décembre qui interdit l’usage de mesures en vue de « contraindre un autre État », ainsi que celle 2625 (XXV) qui
dispose en ces termes « aucun État ne peut appliquer ni encourager l’usage de mesures économiques, politiques ou de
tout autre nature pour contraindre un autre État ». La Cour Internationale de Justice a également confirmé cette vision
dans son arrêt relatif à l’Affaire des activités militaires et paramilitaires, voir CIJ, Activités militaires et paramilitaires
au Nicaragua et contre celui-ci, 1986, § 205, p.108, où la Cour observe que « l’intervention est illicite lorsqu’à propos
de ces choix, qui doivent demeurer libres, elle utilise des moyens de contrainte ». Le terme contrainte n’est en réalité
pas non plus défini en droit international, d’où la difficulté à en délimiter les contours, Voir Olivier CORTEN & Pierre
KLEIN, Droit d’ingérence ou obligation de réaction ? Les possibilités d’action visant à assurer le respect des droits
de la personne face au principe de non-intervention, Bruxelles, E. Bruylant, 1992, p.17. Il apparait évident qu’une
intervention armée implique nécessairement une contrainte, mais celle –ci ne se résume pas exclusivement à l’emploi
de la force militaire, elle implique également selon ces auteurs d’autres mesures aussi bien économiques,
diplomatiques que politiques.

9
réservé de l’Etat33, d’autres au contraire lui renient une existence juridique autonome.34 Si l’on
s’en tient cependant à l’avis de la Cour Internationale de Justice (C.I.J.), le domaine réservé de
l’Etat se rapporte aux orientations politiques internes d’un Etat, ainsi qu’au choix du niveau
d’armement.35

Des divergences doctrinales ont également porté sur le fait de savoir si l'intervention impliquait
des mesures coercitives non armées ou renvoyait exclusivement à des actions armées, ou encore
sur la forme de pression ou d’action permettant de conclure à une intervention armée.

En ce qui concerne la première question portant sur la nature des actions coercitives constitutives
d’intervention, les avis sont très partagés. Pour certains auteurs, la notion d’intervention couvre
toute « ingérence », qu’elle soit consentie, sollicitée ou imposée à travers une action de caractère
militaire. Les tenants de cette vision estiment que les pressions économiques et politiques ne
peuvent être qualifiées d’intervention que dans la mesure où elles pourraient être assimilées à des
usages de la force.36 D’autres identifient la contrainte comme renvoyant exclusivement à la menace

33
Le ‘domaine réservé’ de l’État est considéré par le dictionnaire de droit international public et par une majorité
doctrinale comme le « domaine d’activités dans lequel l’État, n’étant pas lié par le droit international, jouit d’une
compétence totalement discrétionnaire et, en conséquence, ne doit subir aucune immixtion de la part des autres États
ou des organisations internationales », Jean SALMON (dir.), dictionnaire de droit international public, op.cit., p. 356.
Voir également Robert KOLB, « Du domaine réservé : réflexions sur la théorie de la compétence nationale », Revue
générale de droit international public, 2006, no3, p. 602 ; Gilbert GUILLAUME, « Article 2, paragraphe 7», dans
Jean-Pierre COT, Alain PELLET, et Mathias FORTEAU (dir. publ.), La Charte des Nations Unies : commentaire
article par article, Paris, Economica, 2005, pp. 485-507.
34
Voir entre autres Robert KOLB, « Du domaine réservé : réflexions sur la théorie de la compétence nationale », op.
cit., pp. 597 – 646; Georges SCELLE, « Critique du soi-disant domaine de ‘compétence exclusive’ », Revue de droit
international et de législation comparée, vol. 14, 1933, pp. 365 et ss.
35
CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, op.cit., par. 258, pp.130-131 et par. 270,
p.135.
36
Voir Patrick DAILLIER, Alain PELLET, Mathias FORTEAU, Nguyen QUOC DINH, Droit international public,
op. cit., p.1047. Mario BETTATI fait cependant une distinction entre l’intervention (ou ingérence puisqu’il assimile
les deux termes) matérielle et celle immatérielle. Pour lui, l’intervention matérielle implique une incursion physique
sur le territoire d’un Etat, cette forme d’intervention peut donner lieu à une qualification d’agression. L’intervention
immatérielle consiste elle, à simplement s’immiscer dans les affaires intérieures d’un Etat étranger en prenant position
sur son régime politique, économique ou social afin de la faire changer par la rupture diplomatique ou toute autre
moyen de pression. Elle n’implique pas d’action physique ni de présence sur le territoire de l’Etat victime de
l’intervention, Mario BETTATI, « un droit d’ingérence ? » Revue générale de droit international public, vol. XCV,
no3, pp. 641-642.

10
ou à l'emploi de la force armée.37 Les deux résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU se
référant à l’intervention, semblent indiquer que la notion comprend d’autres types de mesures que
l’action militaire. La résolution 2131(XX) du 21 décembre 1965 donne à la notion une définition
suffisamment large, impliquant toutes autres mesures que l’emploi de la force, bien que tout usage
de la force ne se rapporte pas forcement à une action armée.38 La résolution 2625 (XXV) du 24
octobre 1970 considère comme intervention : « … non seulement l’intervention armée mais aussi
toute autre forme d’ingérence ou toute menace… ».39 Le principe de non-intervention postulé par
cette résolution traduit une conception extensive de la contrainte soutenue par certains auteurs ainsi
que par les Etats du tiers monde. Cette conception extensive considère que la contrainte peut être
aussi bien morale que physique et se traduire par des pressions diplomatiques, politiques ou
économiques.40

Enfin, sur la seconde branche des divergences doctrinales portant sur la forme de contrainte
constitutive d’intervention armée, il faut relever qu’en droit international public, l’intervention

37
Mark AMSTUTZ par exemple définit l’intervention comme « l’usage de la force armée destinée à imposer la volonté
de celui qui intervient contre un adversaire refusant de s’y soumettre », Mark R. AMSTUTZ, International Conflict
and Cooperation. An Introduction to World Politics, Brown and Benchmark, Chicago, 1995, p. 242; Selon Charles-
Philippe DAVID, l’intervention a remplacé la guerre. Il la définit comme « un comportement coercitif qui engage le
déploiement d’une force militaire et vise des opérations armées qui comportent un risque de violence », Charles-
Philippe. DAVID, La Guerre et la paix. Approches contemporaines de la sécurité et de la stratégie, Paris, Presses de
Sciences Po, 2000, p. 257 ; voir aussi Mohammed BENOUNNA, le consentement à l’ingérence militaire dans les
conflits internes, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence,1976, p.12 ; James E.S. FAWCETT,
« Intervention in International Law », op. cit., p. 347.
38
Le texte de la résolution 2131 (XX) dispose en effet que :
« 1. Aucun État n’a le droit d’intervenir, directement ou indirectement, pour quelque raison que ce soit, dans les
affaires intérieures ou extérieures d’un autre État. En conséquence, non seulement l’intervention armée mais aussi
toute autre forme d’ingérence ou toute menace, dirigées contre la personnalité d’un État ou contre ses éléments
politiques, économiques et culturels sont condamnés.
2. Aucun État ne peut appliquer, ni encourager l’usage de mesures économiques, politiques ou de tout autre nature
pour contraindre un autre État à subordonner l’exercice de ses droits souverains pour obtenir de lui des avantages de
quelque ordre que ce soit… », Nos italiques.
39
Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les
États conformément à la Charte des Nations Unies, A. G. Rés. 2526 (XXV), 24 octobre 1970.

40
W. THOMAS And A. J. THOMAS, Non-intervention. The law and its Import in the Americas, Dallas: Southern
Methodist University Press, 1956, p.69.

11
armée semble être considérée comme ayant une existence juridique propre. Elle désigne un recours
spécifique à l’emploi de la force. Elle fait généralement référence à une action armée illégale sur
le territoire et la juridiction d’un Etat.41 La Cour Internationale de Justice et la résolution 2625
(XXV) de l’Assemblée générale ont également fourni des précisions permettant de définir
l’intervention armée. En effet, dans son arrêt du 27 juin 1986, la Cour définit la forme de la
contrainte donnant lieu à une intervention armée. D’après elle, : « cet élément de contrainte,
constitutif de l’intervention prohibée et formant son essence même, est particulièrement évident
dans le cas d’une intervention utilisant la force, soit sous la forme directe d’une action militaire,
soit sous celle, indirecte, du soutien à des activités armées subversives ou terroristes à l’intérieur
d’un autre Etat ».42 La résolution 2625 (XXV) quant à elle dispose que : « tous les Etats doivent
aussi s’abstenir d’organiser, d’aider, de fomenter, de financer, d’encourager ou de tolérer des
activités armées subversives ou terroristes destinées à changer par la violence le régime d’un autre
Etat, ainsi que d’intervenir dans les luttes intestines d’un autre Etat ».43 Il ressort de ces textes que
l’intervention armée consiste pour un Etat à utiliser ses propres troupes pour mener une action
militaire sur le territoire d’un autre Etat, - dans ce cas on parle d’intervention armée directe - ou à
soutenir des insurgés dans une guerre civile ou des activités subversives ou terroristes à l’intérieur
d’un autre Etat.44

Les rédacteurs de l’Acte constitutif semblent avoir fait l’option de la conception extensive de la
contrainte constitutive d’intervention, l’article 4 (h) ayant été expressément mis en œuvre pour la

41
Stephen M. SCHWEBEL, « Aggression, Intervention and Self-defense in Modern International Law », Recueil des
cours de l’Académie de droit international de la Haye, t. 136, vol. II, 1972, p.455.
42
CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, op.cit., par. 205, pp.107-108.
43
A. G. Rés. 2526 (XXV), 24 octobre 1970, op. cit., par. 2.
44
Voir sur l’intervention armée indirecte la Déclaration sur l’inadmissibilité de l’intervention et de l’ingérence dans
les affaires intérieures des États, A.G. Res. 36/103, 9 décembre 1981, par. 2.

12
première fois dans le cadre d’une action coercitive non armée. L’Union africaine a en effet invoqué
l’article 4 (h) pour soutenir son action dans le procès Hissène Habré.45

L’« intervention » au sens de l’article 4 (h) de l’Acte constitutif de l’Union africaine renvoie par
conséquent à la fois à des actions coercitives armées et non armées. Notre analyse se focalisera
cependant essentiellement sur les mesures coercitives armées. Ce choix se justifie par le fait qu’il
est admis de nos jours que l’intervention non armée n’est pas considérée comme une violation de
l’article 53 de la Charte.46 La pratique du Conseil de sécurité et des Organisations régionales a
évolué vers une reconnaissance de l’interprétation restrictive des mesures coercitives selon
laquelle seules les mesures militaires requièrent l’autorisation du Conseil de sécurité en vertu de
l’article 53.47 Les Organisations régionales jouissent ainsi d’une autonomie dans l’adoption de
mesures non armées à l’encontre de leurs Etats membres. Ces dernières ne requièrent pas une
autorisation du Conseil de sécurité.

Le second impératif de clarification a trait à la nature du droit d’intervention institué par l’article
4 (h).

B- Nature et caractéristiques de l’intervention visée à l’article 4 (h)


L’Acte constitutif de l’Union africaine n’apporte pas de précisions sur les contours du droit
d’intervention consacré par l’article 4 (h). Il est simplement mentionné un « droit d’intervention »
en cas de survenance de circonstances graves comme les crimes de guerre, le génocide et les crimes
contre l’humanité. La disposition a ainsi été assimilé par la plupart des auteurs à un « droit
d’intervention humanitaire », voire à « la responsabilité de protéger », les notions les plus usitées

45
Conférence de l’U.A, 7e session ordinaire, Banjul, 2 juillet 2006, « Décision sur le procès d’Hissène Habré et
l’Union africaine », Doc. Assembly/AU/3 (VII), disponible sur
http://archive.au.int/collect/auassemb/import/French/Assembly%20AU%20Dec%20127%20(VII)%20_F.PDF.
46
Ana P. LLOPIS, Force, ONU et organisations régionales : répartition des responsabilités en matière coercitive,
Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 77 – 87.
47
Laurence BOISSON DE CHAZOURNES, « Les relations entre organisations régionales et organisations
universelles », op.cit., pp. 265 - 267.

13
pour designer l’usage de la force armée à des fins humanitaires ou de protection des droits de
l’Homme. 48

Cependant, s’il existe des proximités conceptuelles entre ces notions, le droit d’intervention
institué par l’article 4 (h) ne saurait être parfaitement identifié à celles-ci. Les similitudes et
dissemblances entre ces notions feront l’objet d’une analyse approfondie dans le corps du travail.
On retiendra dans le cadre de cette étude que le « droit d’intervention » au sens de l’article 4 (h)
renvoie aux éléments de définition suivants :

- En premier lieu, une intervention dans les affaires intérieures des Etats membres. Le terme
intervention impliquant aussi bien des mesures coercitives armées et non armées.
- En second lieu, le consentement de l’Etat membre concerné n’est pas requis. D’abord,
parce que la décision d’intervention est prise par une majorité de deux tiers de la
Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement. Ensuite, comme le note Olivier Corten,
l’expression « droit » implique par hypothèse une base juridique autonome ne nécessitant
par conséquent pas un consentement préalable de l’Etat hôte.49
- En troisième lieu, la question de l’autorisation préalable du Conseil de sécurité des Nations
Unies reste posée, ce qui justifie que nous écartions l’assimilation de la disposition au droit
d’intervention humanitaire qui par hypothèse renvoie à une action militaire unilatérale.
- En dernier lieu, l’intervention dans le cadre de l’article 4 (h) ne poursuit pas que des buts
humanitaires. Elle vise également des situations qui ne relèvent pas nécessairement des

48
Voir de façon sélective, par exemple, Robert KOLB qui parle d’ « une institutionnalisation du droit d’intervention
humanitaire, auquel la pointe acérée de l’unilatéralisme est enlevée par une prise de décision collective », Robert
KOLB, « article 53 », dans Jean-Pierre COT, Alain PELLET, et Mathias FORTEAU (dir. publ.), La Charte des
Nations Unies : commentaire article par article, Paris, Economica, 2005, p. 1421 ; Laurence BOISSON DE
CHAZOURNES, « Les relations entre organisations régionales et organisations universelles », op. cit., p. 290 ;
Abdulqawi A. YUSUF, « The Right of Intervention by the African Union: A New Paradigm in Regional Enforcement
Action? », op. cit., pp.16-20 ; Guillaume ETIENNE , « L’article 2, paragraphe 7, de la Charte des Nations Unies : Une
lecture à la lumière de la pratique récente de l’Assemblée générale et du Conseil de Sécurité des Nations Unies »,
African Yearbook of International Law, vol. 11, 2003, pp. 256-261 ; Dan KUWALI , « Protect Responsibly : the
African Union’s implementation of article 4 (h) intervention », Yearbook of International Humanitarian Law, vol.11,
2008, p. 52.
49
Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., p. 796.

14
plus graves violations des droits de l’homme, notamment la menace grave de l’ordre
légitime d’un Etat membre ou encore la restauration de la paix et de la sécurité sur la
recommandation du Conseil de paix et de sécurité.
Ces précisions faites, il convient dès lors d’examiner la problématique et l’hypothèse de travail
retenues.

II- Problématique et hypothèse de l’étude


On commencera par aborder la problématique qui soutiendra la réflexion (A), avant d’en venir à
l’hypothèse de travail formulée (B).

A- Problématique de l’étude
Un auteur bien connu publiait en 2012 dans l’European Society of International Law (ESIL), un
article intitulé « L’Union africaine, une Organisation régionale susceptible de s’émanciper de
l’autorité du Conseil de sécurité, Opinio juris et pratique récente des Etats ».50 L’intitulé de cette
étude révèle en partie toute la problématique qui entoure l’interprétation de l’article 4 (h) de l’Acte
constitutif de l’Union africaine.

Il est, en effet, généralement admis qu’en matière de recours à la force armée, l’action des
Organisations régionales est subordonnée à une autorisation préalable du Conseil de sécurité.51 Il
s’en suit que « l’action coercitive des Organisations régionales repose sur une délégation de
pouvoirs du Conseil de sécurité ».52 Une Organisation régionale ne peut par conséquent exercer

50
Olivier CORTEN, « L’Union africaine, une organisation régionale susceptible de s’émanciper de l’autorité du
Conseil de sécurité ? Opinio juris et pratique récente des Etats », Select Proceedings of European Society of
International Law : http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2193756; paru également dans Mariano J
Aznar, Mary E Footer (Eds.), Select Proceedings of the European Society of International Law, vol. 4, 2012 (2016),
pp. 203-219.
51
Article 53 par. 1 de la Charte des Nations Unies qui dispose : « Le Conseil de sécurité utilise, s’il y’a lieu, les
accords ou organismes régionaux pour l’application des mesures coercitives prises sous son autorité. Toutefois, aucune
action coercitive ne sera entreprise en vertu d’accords régionaux sans l’autorisation du Conseil de sécurité ».
52
Robert KOLB, Ius contra bellum, le droit international relatif au maintien de la paix, Précis, Helbing &
Lichtenhahn, Bâle / Genève/ Munich, Bruylant, Bruxelles, 2003, p. 109.

15
un droit propre d’action coercitive armée sans une autorisation préalable du Conseil de sécurité.53
Il est également reconnu que la prohibition du recours à la force armée ne connait que deux limites
en droit international, la légitime défense prescrit par l’article 51 de la Charte et les actions
autorisées par le Conseil de sécurité en vertu du chapitre VII.54 Or, bien qu’impliquant de véritables
interventions militaires, l’article 4 (h) ne fait aucune mention de l’obligation d’obtenir
l’autorisation préalable du Conseil de sécurité. Il est même expressément prévu que ces
interventions soient autorisées par des organes spécifiques des Organisations régionales. La
décision d’intervention est prévue pour être prise par la Conférence des Chefs d’Etat et de
gouvernement de l’Union55, sur recommandation du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS)56 ou à
la demande d’Etats membres de l’Union.57 L’opération militaire étant censée être conduite par la

53
Voir Erika DE WET, « The Evolving Role of ECOWAS and the SADC in Peace Operations: A Challenge to the
Primacy of the United Nations Security Council in Matters of Peace and Security », Leiden Journal of International
Law, vol.27, 2014, p. 355 et s.; Robert KOLB, Ius contra bellum, le droit international relatif au maintien de la paix,
op. cit., p. 144 et s.; Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., p. 555.
54
En plus de ces limitations, il est admis en droit international que le consentement donné à un recours à la force est
de nature à justifier celui-ci, voir Louise DOLWALD-BECK, « The Legal Validity of Military Intervention by Invitation
of the Government », British Yearbook of International Law, 1986, p. 189 et s.; Robert KOLB, Ius contra bellum,
op.cit., p. 324 et s.; Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op.cit., p. 407 et s.; Christine GRAY, International Law
and The Use of Force, 3rd ed., Oxford, Oxford University Press, 2008, p. 67 et s; Théodore CHRISTAKIS et Karine
BANNELIER, « Volenti non fit injuria? Les effets du consentement à l’intervention militaire », Annuaire français de
droit international, 2004, p. 102 et s.
55
L’article 4 du règlement intérieur de la Conférence qui définit ses pouvoirs et attributions dispose : « 1. La
conférence : e) décide de l'intervention dans un Etat membre dans des circonstances graves, à savoir les crimes de
guerre, le génocide et les crimes contre l’humanité ; f) décide de l'intervention dans tout Etat membre, à sa demande,
pour rétablir la paix et la sécurité ; », UA, Règlements intérieurs de la Conférence de l’Union et du Conseil exécutif,
Statuts de la Commission et règlements intérieurs du Comité des représentants permanents, adoptés par la première
session ordinaire de la Conférence tenue en juillet 2002 à Durban (Afrique du Sud), et amendés par la huitième session
ordinaire de la Conférence tenue en janvier 2007, à Addis-Abeba (Ethiopie).
56
L’article 7 du Protocole relatif à la création du Conseil de paix dispose sur les pouvoirs du Conseil de paix et de
sécurité ce qui suit : « 1. Conjointement avec le Président de la Commission, le Conseil de paix et de sécurité : (…)
(e). recommande à la Conférence, conformément à l’article 4 ( h) de l’Acte Constitutif l'intervention au nom de l’Union
dans un Etat membre dans certaines circonstances graves, à savoir les crimes de guerre, le génocide et les crimes
contre l'humanité, tels que définis dans les conventions et instruments internationaux pertinents », ; (f). approuve les
modalités d’intervention de l’Union dans un Etat membre, suite à une décision de la Conférence conformément à
l'article 4(j) de l'Acte constitutif ; (….) », UA, Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité, adoptée
par la première session ordinaire de la Conférence de l’Union africaine, Durban (Afrique du Sud), 9 juillet 2002.
57
UA, Acte constitutif, article 4 (j) qui dispose d’un droit des États membres de solliciter l’intervention de l’Union
pour restaurer la paix et la sécurité.

16
Force africaine prépositionnée.58 Dès lors se pose un problème de compatibilité de l’article 4 (h)
avec le droit de la Charte des Nations Unies.

Quel sens attribuer alors à cette omission de l’obligation de requérir l’autorisation préalable du
Conseil de sécurité tel que prescrit par l’article 53 de la Charte?

Les opinions sont très partagées sur la question. Une grande majorité doctrinale réfute toute
supposition selon laquelle l’article 4 (h) viserait à ériger un système autonome africain de recours
à la force et défend l’idée d’une interprétation conforme avec le droit de la Charte. Les tenants de
ce courant estiment par conséquent que même en l’absence d’une disposition expresse, le droit
d’intervention institué par l’article 4 (h) serait subordonné au droit de la Charte.59 Certains autres
auteurs considèrent la disposition comme l’expression d’une remise en cause par les Etats africains
du cadre légal actuel de réglementation du recours à la force, défini par la Charte des Nations
Unies.60 Contrairement à la tendance dominante, l’hypothèse qui soutient la présente réflexion
s’inscrit dans une toute autre vision.

B- Hypothèse de travail
Au regard de la problématique ci-dessus exposée, cette étude soutient l’hypothèse selon laquelle,
l’Afrique (l’Union africaine et les Organisations sous-régionales – principalement la CEDEAO -)
semble défendre une lecture particulière de l’article 53 et de leur rôle en matière de recours à la

58
UA, Protocole relatif à la création du CPS, article 13.

59
Voir principalement Robert KOLB, « article 53 », op. cit., pp.1421-1423 ; Olivier CORTEN, Le droit contre la
guerre. L’interdiction du recours à la force en droit international contemporain, Paris, Pedone, 2008, pp.524-530 ;
Laurence BOISSON DE CHAZOURNES, « Les relations entre organisations régionales et organisations
universelles », op. cit., pp. 289-296.
60
Jean ALLAIN, « The True Challenge to the United Nations System of the Use of Force: The Failures of Kosovo
and Iraq and the Emergence of the African Union », Max Planck Yearbook of United Nations, vol.8, 2004, pp. 287-
288. L’auteur note qu’en adoptant une telle disposition, les États africains n’ont pas seulement voulu remettre en cause
la responsabilité primaire du Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix et de la sécurité mais ils se sont
également attribués un droit de recours à la force propre, en dehors du cadre normatif définit par la Charte; Abdulqawi
Yusuf quant à lui évoque un changement de paradigme en ce qui concerne le recours à la force par les organisations
régionales dans le cadre du droit de la Charte. Voir Abdulqawi A. YUSUF, « The Right of Intervention by the African
Union: A New Paradigm in Regional Enforcement Action? », op. cit., pp. 20-21.

17
force. Le silence de l’article 4 (h) ainsi que des dispositions précisant les conditions de sa mise en
œuvre sur l’obligation de requérir l’autorisation préalable du Conseil de sécurité traduit une
volonté des rédacteurs de s’émanciper du cadre strict de l’article 53 qui consacre une primauté du
Conseil de sécurité sur les Organisations régionales en matière de recours à la force armée.
L’ambigüité entretenue autour de l’exigence de l’autorisation du Conseil de sécurité dénote en
réalité des velléités de s’émanciper de l’autorité du Conseil de sécurité en matière coercitive.
Comme notre réflexion tentera de le démontrer, la pratique et les cadres institutionnels normatifs
récents développés par les Organisations régionales africaines participent à l’affirmation de droits
autonomes d’interventions. L’article 4 (h) est à notre avis la matérialisation de ce changement de
paradigme en matière de recours à la force armée en Afrique qui a commencé à se concrétiser au
travers des premières interventions des Organisations sous-régionales. Il convient par ailleurs de
préciser dès à présent que la vision autonomiste défendue reste toutefois limitée et ne semble pas,
pour le moment, remettre en cause la règle générale de l’interdiction du recours à la force contenue
à l’article 2 § 4 et consacrée en droit coutumier.61 Il est plutôt question d’adapter des règles de
droit international à des spécificités régionales.

Il importe à présent de procéder à des précisions sur la méthodologie qui servira à la vérification
de l’hypothèse formulée ainsi que du matériau qui a été mobilisé à cet effet.

Ces précisions s’avèrent d’autant plus utiles que comme l’a fort justement souligné le professeur
Jean Salmon : « la première obligation d’un scientifique à l’égard de son auditoire est de décrire
sa méthode, la manière dont il perçoit l’objet de son étude et la mesure dans laquelle sa propre
subjectivité affecte l’objet de celle-ci ».62 De plus, il existe diverses façons d’examiner un sujet

61
La règle de l’interdiction du recours à la force armée est tenue de nos jours pour une règle coutumière et de droit
impératif. Sur cette affirmation du statut coutumier, voir CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci, op. cit., p. 190.
62
Jean SALMON, « Le droit international à l’épreuve au tournant du XXIe siècle », Cours euro-méditerranéens
Bancaja de droit international, vol. VI, 2002, p. 53.

18
d’étude, sans qu’aucune n’ait la prétention d’être scientifiquement meilleure que l’autre, de sorte
qu’il s’avère nécessaire de préciser l’angle sous lequel on entend mener l’analyse.63

III- Précisions méthodologiques et plan de l’étude


Cette étude entend s’inscrire dans une approche transversale combinant plusieurs disciplines
juridiques. Au regard de l’objet de l’étude et de la problématique qu’elle envisage de résoudre, il
convient d’adopter dans un premier temps l’approche classique de technique juridique comme
discipline scientifique de référence. Ce choix n’est cependant pas figé, on s’autorisera des
emprunts à d’autres sciences du droit notamment la théorie du droit.

En effet, l’objet de l’étude justifie le choix principal de la technique juridique qui :

« […] vise à déterminer le contenu d’une règle à partir d’une prise en compte des sources formelles du droit
international positif […]. La technique juridique vise à exposer l’Etat du droit tel qu’il existe et à en
déterminer le contenu. Il s’agit donc d’établir et d’interpréter une règle juridique… ».64

Comme il a déjà été mentionné, l’interprétation textuelle de l’article 4 (h) semble poser un
problème de compatibilité avec le droit positif relatif au recours à la force armée en droit
international. Dans la mesure où notre étude aspire principalement à saisir la disposition en
recherchant la volonté commune des Etats parties à l’Acte constitutif de l’Union africaine, elle
relève hardiment de la technique juridique. Il s’agira dans une démarche initiale de se prononcer
sur le sens de l’article 4 (h) de lege lata, et non d’en évaluer la justesse ni la légitimité. Il sera fait
référence dans cette perspective aux principes d’interprétation énoncés par les articles 31 et 32 de
la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969.65 Cette première approche dogmatique
juridique vise à décortiquer l’article 4 (h) afin de vérifier si les Etats membres de l’Union africaine
ont voulu inscrire le droit d’intervention ainsi consacré dans une approche volontairement

63
Olivier CORTEN, Méthodologie du droit international public, éditions de l’ULB, Bruxelles, 2009, pp. 42-44.
64
Ibid., p. 23.
65
Convention de Vienne sur le droit des traités, Nations Unies, Recueil des traités, vol. 1155, p. 331, Vienne, mai
1969.

19
contestatrice de l’édifice juridique bâtie par la Charte au sujet du recours à la force dans la société
internationale.

De plus, étant donné que la présente étude pose la question de la légalité de l’article 4 (h) en droit
international et vise à déterminer sa conformité avec le droit international relatif au recours à la
force armée, on peut dire qu’elle prête pertinemment à une approche de technique juridique. Ainsi,
l’interprétation de la disposition pour en dégager le sens voulu par les rédacteurs ainsi que la
vérification de sa conformité au droit existant en matière de recours à la force relève de la technique
juridique.

Au surplus, dans une étude qui aspire à cerner les contours juridiques d’une disposition qui semble
poser un défi au droit positif sur le recours à la force en droit international, matière du droit
international par excellence politisée, on ne saurait éluder les rapports de force ainsi que les réalités
sociales, politiques et historiques inhérents à l’institutionnalisation d’un droit d’intervention par
l’article 4 (h). On se permettra ainsi, conformement aux règles coutumières d’interprétation des
traités mentionnées, d’interroger les origines lointaines, le contexte d’adoption ainsi que les
motivations ayant influencé l’institutionnalisation de la disposition afin seulement de « restituer
le phénomène juridique dans le contexte social que le droit entend réguler ».66 L’étude s’inscrit,
partant, dans une approche critique qui, contrairement à l’approche formaliste implique une part
d’interdisciplinarité et permet de dépasser la technique juridique pour intégrer une perspective de
type sociologique.67

Enfin, dans la mesure où la notion d’intervention est suffisamment discutée en doctrine, qu’en tant
que concept, ses contours et son mode de fonctionnement ne sont pas très clairs en droit

66
Voir l’avant-propos de Pierre-Marie DUPUY, « Du bon usage d’un positivisme bien tempéré », in Catherine LE
BRIS, L’humanité saisie par le droit international public, Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris, 2012,
p. XI.
67
L’approche critique est en effet définie par le dictionnaire de droit international comme une : « approche doctrinale
du droit international caractérisée par le souci de dépasser le formalisme juridique au profit d’une mise en relation du
phénomène avec la réalité sociale et, en particulier, avec les contradictions qui la caractérisent », Jean SALMON (dir.)
Dictionnaire de droit international public, op.cit., p. 290.

20
international, plusieurs de nos développements touchant ce concept ressortiront nécessairement
d’une approche de théorie analytique du droit. Dans le fond, toute démarche interprétative - en tant
que concept fondamental de l’ordre juridique 68
- comporte en soi une dimension de théorie
juridique. Pour rappel, cette approche a pour but de « s’interroger sur la place d’un concept
déterminé dans l’ordre juridique international pris dans sa globalité ». Elle se destine donc à
préciser la manière dont une règle ou un concept juridique fonctionne au sein de l’ordre juridique.69

Il convient maintenant de dire un dernier mot sur le matériau utilisé pour conduire notre analyse.
Les sources mobilisées sont constituées tout à la fois d’instruments juridiques classiques du droit
international mais aussi d’autres types de documents.

Les sources classiques sont celles généralement acceptées en droit international, énoncées par
l’article 38 du Statut de la CIJ. Plus précisement, le traité et la coutume considérés comme des
sources primaires, les principes généraux de droit classés comme sources subsidiaires, la
jurisprudence et la doctrine comme des moyens auxiliaires de détermination des règles de droit.

Dans la mesure où l’étude cherche à vérifier l’hypothèse émise plus haut, celle d’une tentative
d’émancipation de l’autorité du Conseil de sécurité en matière de recours à la force armée, la
présente réflexion accordera une place de choix à l’opinio juris des Organisations régionales et
sous-régionales africaines sur l’exigence de l’autorisation préalable du Conseil de sécurité. Nous
nous intéresserons à cet égard aux précédents de recours à la force armée menés par les
Organisations régionales africaines, dans le but de vérifier si ces actions coercitives armées ont été
fondées sur la revendication d’un droit nouveau. Le matériau utilisé prend ainsi en compte la
pratique brute des Organisations sous-régionales qui ont été les premières à montrer un activisme
en matière de maintien de la paix et de la sécurité en Afrique. De même, les déclarations et discours
politiques à la fois des Organisations régionales et des Etats membres sur la question constitueront

68
Voir Michel Troper, « Interprétation », in D. Alland et S. Rials (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, op.cit.,
p. 843.
69
Olivier CORTEN, Méthodologie du droit international, op.cit., p. 24.

21
un matériau privilégié de l’étude. On tentera de déceler dans ces textes les références à un pouvoir
autonome d’intervention sans une autorisation préalable du Conseil de sécurité.

Sachant que l’Acte constitutif de l’Union africaine est le document de première main auquel il faut
se référer pour toute réflexion portant sur l’article 4 (h), une importance particulière sera accordée
aux discussions ayant précédé son adoption. Les travaux préparatoires de ce traité sont révélateurs
des véritables intentions des Etats africains lorsqu’ils ont pris la décision d’instituer l’article 4 (h).
C’est le lieu toutefois de reconnaitre sur ce point que l’accès aux travaux préparatoires n’a pas été
une tâche aisée. Il faut même avouer que de façon générale, les sources documentaires provenant
d’Etats et d’institutions africaines impliquées dans notre étude étaient en majorité difficiles
d’accès, parce qu’inaccessibles en ligne, et dans certains cas introuvables. Ces difficultés ont
contribué dans une certaine mesure à prolonger le temps consacré à cette étude. Nous avons ainsi
dû à nous adresser à maintes reprises à des fonctionnaires des Organisations régionales et sous-
régionales ou à des auteurs pour obtenir copie de certains documents indispensables à notre
analyse. Pour ce qui concerne les travaux préparatoires de l’Acte constitutif, ils ne sont pour
l’instant pas encore publiés, ni disponibles en ligne, certainement du fait de leur sensibilité. Ils sont
conservés au département des affaires juridiques de l’Union africaine et accessibles sur
autorisation. Au regard de leur importance pour la présente étude et de l’impossibilité d’en obtenir
copie à distance, nous avons dû nous rendre au siège de l’institution. Nous avons ainsi pu obtenir
divers documents dont des copies des différentes versions des projets d’Acte constitutifs qui ont
été amendées au fil des rencontres, les rapports des séances de travail, ainsi qu’une variété d’autres
archives permettant de suivre le processus de transformation de l’OUA.

D’autres types de données ont également été pris en compte, notamment des déclarations de
dirigeants africains impliqués dans le processus de rédaction de l’Acte constitutif prononcées dans
des foras régionaux ou sous régionaux.

Cependant, le caractère fragmentaire des archives recueillies n’a pas permis une reconstitution du
processus d’adoption de l’Acte constitutif, partant de l’ensemble des intentions réelles des Etats
membres. Nous avons par conséquent été dans l’obligation d’utiliser des moyens alternatifs pour
vérifier et compléter la chronologie du processus d’adoption de l’Acte constitutif et des
négociations sur l’article 4 (h). Nous avons ainsi puisé des informations dans des revues de presse

22
comme Jeune Afrique qui était le principal organe de presse accrédité dans le suivi des travaux
préparatoires et procédé à des interviews physiques et par mail afin de confirmer ou infirmer des
dates ou certaines informations. Les interviews ont consisté essentiellement en des entrevues avec
des fonctionnaires de l’Union africaine, notamment ceux travaillant au département des affaires
juridiques et au département Paix et Sécurité de la Commission de l’Union africaine. Notre séjour
ayant coïncidé avec une session de la Commission de l’Union africaine sur le droit international,
nous n’avons pas manqué d’avoir des entretiens avec certains membres qui avaient été impliqués
dans le processus de rédaction de la Charte. D’autres interviews ont également été menées à
l’occasion de colloques et événements scientifiques.

Les sources secondaires, notamment la doctrine, y compris les propos et les travaux de personnes
directement impliquées dans le processus viendront par conséquent combler le caractère
parcellaire des sources primaires.

En prenant en considération tout ce qui précède, et à partir de la problématique et des hypothèses


dégagées, l’étude s’articulera autour de six chapitres. Un chapitre préliminaire portant sur les
mécanismes africains de gestion des conflits permet de donner un aperçu du système de sécurité
collectif régional africain et, partant, de faciliter la compréhension des développements
subséquents.

L’article 4 (h) a très largement été considéré comme une évolution normative sans précédent.
Pourtant, l’Acte constitutif n’est pas le premier traité sur le continent africain à institutionnaliser
un droit d’intervention pour des motifs humanitaires et de maintien de la paix et de la sécurité.
Quelques mois avant son adoption, certaines Organisations sous-régionales notamment la
CEDEAO et la CEEAC convenaient de mécanismes de gestion des conflits leur conférant le droit
d’intervenir dans les affaires intérieures de leurs Etats membres pour des motifs entre autres de
violations massives des droits de l’homme, de gouvernance démocratique ou de maintien de la
paix et de la sécurité régionale. De plus, bien avant ces consécrations normatives, la CEDEAO et
la SADC menaient des interventions armées sur le territoire de certains Etats membres sans une
autorisation préalable du Conseil de sécurité. Ces premières initiatives des Organisations sous-
régionales qui étaient en réalité les prémices de velléités d’émancipation des Organisations

23
régionales africaines de l’autorité du Conseil de sécurité en matière de recours à la force armée
sont examinées dans le premier chapitre.

Bien qu’après l’adoption de l’Acte constitutif l’article 4 (h) ait suscité la curiosité de la doctrine,
la quasi-totalité des études qui y ont été consacrées ont procédé à l’analyse de la disposition dans
sa version finale. Certaines autres se sont intéressées essentiellement aux implications juridiques
de la disposition sur le droit positif existant. Or, comme nous le mentionnions plus haut, une
interprétation textuelle de l’article ne permet pas d’appréhender les raisons de son
institutionnalisation, ni les intentions des parties au moment où elles adoptaient la disposition. Le
deuxième chapitre tente par conséquent de combler cette lacune en se penchant sur les origines de
l’institutionnalisation d’un droit d’intervention par l’Union africaine. Cet examen se fera à la
lumière des travaux préparatoires conformément aux principes d’interprétation énoncés par les
articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités.

Dans le même ordre d’idées, l’article 31 de la même Convention précise qu’il peut être tenu
compte, en même temps que du contexte : « a) de tout accord ultérieur intervenu entre les parties
au sujet de l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions ; ou de b) de toute
pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par laquelle est établi l’accord des parties
à l’égard de l’interprétation du traité ». Le troisième chapitre est par conséquent consacré à
l’examen d’un accord intervenu entre les parties dénommé Consensus d’Ezulwini qui présente les
caractéristiques d’un accord ultérieur d’interprétation ainsi qu’à la pratique ultérieure pertinente.

Le quatrième chapitre interroge la validité juridique de l’article 4 (h) au regard du droit


international positif existant sur le recours à la force armée par les Organisations régionales.
Comme le relève la Convention de Vienne précitée, toute disposition conventionnelle tire sa
validité d’autres dispositions conventionnelles et du droit international coutumier. Il convient de
ce fait de mettre en lumière l’environnement normatif dans lequel entend s’insérer la disposition
conventionnelle.

Pour finir, le dernier chapitre discute l’hypothèse selon laquelle l’article 4 (h) pourrait trouver
fondement dans du droit régional coutumier qui serait en émergence ou qui se serait formé à partir

24
de la pratique d’interventions armées à la légalité discutable de la CEDEAO au Libéria et en Sierra
Léone.

25
CHAPITRE PRELIMINAIRE : L’ARCHITECTURE AFRICAINE DE PAIX ET DE SECURITE
Les réalités politiques de l'époque de la fin de la seconde guerre mondiale ont déterminé la création
d'une Organisation mondiale donnant droit aux thèses universalistes.70 Mais la Charte des Nations
Unies admet clairement le principe de l’existence des accords régionaux dont les activités sont
compatibles avec les buts et les principes de l’ONU. Le chapitre VIII, fruit de compromis entre les
tenants universalistes et régionalistes est ainsi consacré à la participation des Organisations
régionales au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Ce chapitre constitue donc en
premier lieu le fondement juridique de l’action des Organisations régionales dans le domaine du
maintien de la paix et de la sécurité internationales. Tout au long, ce fondement juridique sera
étoffé par un ensemble de textes et recommandations portant sur la nécessité d’un renforcement
de la coopération avec les Organisations régionales.

Si la Charte concède le principe de la participation des Organisations régionales au maintien de la


paix et de la sécurité, une telle intervention est toutefois subordonnée à la reconnaissance de la
qualité d’Organisation régionale dans le sens du chapitre VIII.

La qualité d’Organisation régionale au sens du chapitre VIII a été reconnue aux principales
Organisations régionales africaines notamment l’Union Africaine (UA) et la CEDEAO.71 Le
chapitre VIII est d’ailleurs constamment rappelé comme fondement juridique dans leurs rapports
avec les Nations Unies.72 Ce statut découle non seulement de la flexibilité qui a résulté de la

70
La constitution de la Charte des Nations Unies a donné lieu à un véritable tiraillement entre l’universalisme et le
régionalisme. Voir l’abondante littérature sur les divergences, principalement Ugo VILLANI, « Les rapports entre
l’ONU et les organisations régionales dans le domaine du maintien de la paix », Recueil des cours de l’Académie de
droit international de la Haye, vol. 290, 2001, pp. 243-258 ; Hanna SABA, « Les accords régionaux dans la Charte
de l’ONU », Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye, vol. 80, 1952, pp. 661-663.
71
L’OUA a fait l’objet d’une reconnaissance comme organisation régionale au sens du chapitre VIII par le Conseil de
sécurité de l’ONU dans le préambule de sa résolution 199 (1964) du 30 décembre 1964 qui dispose que « l’OUA doit
pouvoir aider, dans le cadre de l’article 52 de la Charte des Nations Unies, à trouver une solution pacifique à tous les
problèmes et différends qui affectent la paix et la sécurité du continent africain ». Il a donc été considéré que l’UA est
une organisation régionale par succession à l’OUA. Pour ce qui concerne la CEDEAO, voir la résolution 788 (1992)
du Conseil de sécurité du 19 novembre 1992, S/RES/788 (1992).
72
Voir notamment la Déclaration du président du Conseil de sécurité qui affirme que « le Conseil considère qu’en
déployant des opérations de maintien de la paix autorisées par lui, l’Union africaine contribue au maintien de la paix
et de la sécurité internationales d’une manière qui correspond bien aux dispositions du chapitre VIII de la Charte »,

26
qualification d’un accord ou d’un organisme d’Organisation régionale au sens du chapitre VIII,
mais aussi de la conformité de ces deux Organisations régionales aux critères de qualification de
l’article 52 de la Charte.

En plus du chapitre VIII de la Charte, les Organisations régionales africaines tirent le fondement
de leur action en matière de maintien de la paix de compétences propres que leur confère le système
de sécurité régional qu’elles ont mis en place pour s’approprier des questions de paix et de sécurité
en Afrique. Ce chapitre est destiné à la présentation de ce système de sécurité collective à l’échelle
continentale couramment dénommée architecture africaine de paix et de sécurité, l’objectif étant
de fixer le cadre de notre analyse et de faciliter la compréhension des développements subséquents.

Nous explorerons les mécanismes juridiques et institutionnels qui sous-tendent cette architecture
en abordant dans un premier temps les organes de mise en œuvre de la sécurité collective de
l’Union africaine (Section I). Les Organisations régionales dites Communautés économiques
régionales qui se sont dotées de compétences en matière de paix et de sécurité et qui sont parties
intégrantes de ce dispositif institutionnel africain de paix et de sécurité sont examinées en second
lieu (Section II).

Section I : Les organes de mise en œuvre de la sécurité collective de l’Union africaine

Le système de sécurité collective mis en place par l’Union africaine à l’échelle continentale repose
sur un organe de décision permanent pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits, le
Conseil de paix et de sécurité (Par. I). Dans le cadre de son mandat, le Conseil de paix et de sécurité
est assisté de structures dont les principaux sont : le système continental d’alerte rapide, le Conseil
des sages et la Force Africaine en Attente (FAA) (Par. II).

voir du côté de l’UA la Common African Position on the UN Review of Peace operations, adoptée lors de la 502e
réunion du Conseil de Paix et de sécurité de l’Union africaine tenue le 29 avril 2015, PSC/PR/2(DII) ainsi que le
Rapport de la présidente de la Commission sur des mesures de suivi de la position africaine commune sur la revue
des opérations de paix des Nations Unies, PSC/AHG/3. (DXLVII).

27
Paragraphe I : Le Conseil de paix et de sécurité (CPS)

Conçu à l’image du Conseil de sécurité des Nations Unies, le Conseil de paix et de sécurité de
l’Union africaine est le pilier principal du système de sécurité collective à l’échelle continentale
africaine.73 Il traduit une concrétisation de la volonté d’apporter des réponses adéquates et
africaines aux problèmes récurrents sur le continent en matière de maintien de la paix et de la
sécurité conformément au principe de « solutions africaines aux problèmes africains ». La création
de cet organe n’était pas initialement prévue par l’Acte constitutif de l’Union africaine. Il est issu
de la transformation de l’Organe central du Mécanisme pour la prévention, la gestion et le
règlement des conflits de l’OUA en marge du processus de mutation de l’OUA à l’Union
africaine.74 Selon le Protocole relatif à sa création, « le Conseil de paix et de sécurité constitue un
système de sécurité collective et d'alerte rapide, visant à permettre une réaction rapide et efficace

73
Le constat d’un certain mimétisme institutionnel et normatif par l’UA du modèle de construction de l’Union
européenne et des Nations Unies a été relevé par plusieurs auteurs. Le Conseil de paix et de sécurité a été jugé
d’inspiration onusienne à cause de sa double composante de « membres permanents et membres non permanents »,
Voir Paul WILLIAMS, « The Peace and Security Council of the African Union : Evaluating an embryonic
international institution », The Journal of Modern African Studies, vol. XLVII, n° 4, 2009, pp. 603-626. Voir
également Delphine LECOUTRE, « Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, clef d’une nouvelle
architecture de stabilité en Afrique ? », Afrique contemporaine, 2004, vol. 4, no 212, p. 141, article disponible en ligne
à l’adresse : http:// www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2004-4-page-131.htm
74
La décision d’incorporer l’Organe central du Mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits
comme un organe de l’Union africaine conformément à l’article 5, alinéa 2 de l’Acte constitutif qui stipule que : « La
conférence peut décider de créer d’autres organes » a été prise en juillet 2001, lors du sommet de l’OUA à Lusaka.
S’en sont suivies des réflexions portant sur la révision des structures, des procédures et des méthodes de travail de
l’Organe central initié par le Secrétaire général de l’OUA. Ces réflexions aboutissent à un projet du Protocole sur la
création du Conseil de paix et de sécurité qui sera adopté par la 1ere session ordinaire de la Conférence de l’Union
africaine du 09 au 10 juillet 2002 à Durban en Afrique du Sud. Voir Décision sur la création du Conseil de paix et de
sécurité de l’Union africaine, Doc. AHG/1234 (XXXVIII). Sur l’historique de l’incorporation, voir Delphine
LECOUTRE, « Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, clef d’une nouvelle architecture de stabilité en
Afrique? », op. cit., pp. 131-138. Voir aussi Alphonse Z. TAMEKAMTA, « L’architecture de paix et de sécurité de
l’Union africaine (APSA) : Articulations et enjeux de la gouvernance sécuritaire au XXI e siècle », Note d’Analyse
Politique de l’Institut de Recherche et d’Enseignement sur la Paix, janvier 2015, no 24, pp. 2-3, article disponible en
ligne à l’adresse http://www.thinkingafrica.org/V2/wp-content/uploads/2015/03/NAP-25-_APSA.pdf, consulté ce
jour 01 septembre 2015.

28
aux situations de conflit et de crise en Afrique ».75 Il est aussi l’« organe de décision permanent
pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits ».76

En termes d’objectifs, le Conseil de paix et de sécurité en affiche de bien ambitieux comme la


promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité sur le continent. Pour l’atteinte de ceux-ci, le
Protocole lui assigne des fonctions et des pouvoirs qui couvrent des domaines suffisamment
étendus.77 Son champ d’action s’étend de la prévention des conflits à la consolidation de la paix.
Ainsi, le Conseil de paix et de sécurité est censé prendre des initiatives et actions appropriées pour
anticiper et prévenir les conflits, et il lui incombe la responsabilité de rétablir et de consolider la
paix dans les cas où les conflits ont déjà éclaté. Il lui revient également la charge de coordonner et
d’harmoniser les efforts du continent dans la prévention et la lutte contre le terrorisme international
sous tous ses aspects. Le Conseil de paix et de sécurité s’occupe également de l’élaboration d’une
politique de défense commune de l’Union conformément à l’article 4 (d) de l’Acte constitutif de
l’Union africaine, ainsi que de la promotion de pratiques démocratiques, de la bonne gouvernance,
de l’Etat de droit et de la protection des libertés fondamentales.78

Les principes qui guident l’action du Conseil de paix et de sécurité sont en tous points identiques
à ceux spécifiés dans l’Acte constitutif de l’Union africaine. Ils sont caractérisés par la reprise de
principes classiques hérités de l’OUA,79 mais s’en distinguent par l’adoption de principes

75
UA, Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité entré en vigueur le 26 décembre 2003, après
une ratification de 27 États membres, Article 2 alinéa 1, voir aussi l’article 22 qui exige la ratification d’une majorité
simple.
76
Ibid.
77
UA, Protocole relatif au CPS, voir les articles 6 et 7 du qui énoncent respectivement les fonctions et pouvoirs du
Conseil de paix et de sécurité.
78
UA, Protocole relatif au CPS, article 3.
79
Sur les sept principes affichés par la Charte de l’OUA, les quatre principaux ont été repris par le Protocole relatif à
la création du CPS notamment l’égalité souveraine de tous les États membres, la non-ingérence dans les affaires
intérieures des États membres, le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de chaque État et de son droit
inaliénable à une existence indépendante et le règlement pacifique des différends, voir l’article 3 de la Charte de
l’OUA, 25 mai 1963, Addis-Abeba, Éthiopie et l’article 4 du Protocole relatif à la création du CPS, 9 juillet 2002,
Durban, Afrique du Sud.

29
innovants tels que la condamnation et la sanction des changements anticonstitutionnels, ainsi que
le droit de l’Union d’intervenir dans tout Etat membre, conformément aux articles 4 (h) et (j).

Le Conseil de paix et de sécurité marque une rupture avec l’Organe central du Mécanisme de
l’OUA, auquel il se substitue, par sa composition et les modalités de désignation de ses membres.
Il se compose de quinze membres ayant des droits égaux dont cinq détiennent un mandat de trois
ans et dix, un mandat de deux ans.80 La distribution des sièges se fait sur la base du principe
d’équité, de la rotation et de la répartition géographique des membres, ce qui favorise l’attribution
de plus de sièges aux régions comptant le plus grand nombre d’Etats.81 En théorie, contrairement
au Conseil de sécurité des Nations Unies dont le Conseil de paix et de sécurité en est l’inspiration,
les membres ne disposent pas de droit de veto, ni de membres permanents. Ce choix semble
répondre à une double considération. En premier lieu, l’absence de veto et de permanence des
membres permet d’assurer aux décisions prises par l’organe un caractère consensuel et
démocratique. Ensuite, l’absence de tels droits traduit la volonté de garantir l’égalité souveraine
proclamée par l’Union tout en évitant d’accorder suffisamment de pouvoirs à certains Etats grâce
au système de rotation.82 Les leaders africains ont voulu à tout prix éviter de reproduire le schéma
du Conseil de sécurité des Nations Unies contre lequel ils n’ont pas manqué d’adresser de vives
critiques dans le cadre de la réforme des Nations Unies.83 En pratique cependant, on observe une
tentation de certains pays à exercer une permanence, notamment ceux disposant de mandat de trois

80
UA, Protocole relatif au CPS, article 5.
81
Ce qui revient à une répartition de quatre sièges à l’Afrique de l’Ouest, trois à l’Afrique centrale, trois à l’Afrique
de l’Est, trois à l’Afrique australe et deux à l’Afrique du Nord. Voir Delphine LECOUTRE, « Les enjeux du Conseil
de paix et de sécurité », Supplément Union africaine, septembre 2009, article disponible en ligne à l’adresse
https://www.monde-diplomatique.fr/2009/09/LECOUTRE/18163, consulté le 17 février 2016. Ces principes de
répartition n’ont pas manqué de faire l’objet de longs débats entre les États membres des sous régions. Voir sur les
détails des débats Delphine LECOUTRE, « Le Conseil de paix et de sécurité, clef d’une nouvelle architecture de
stabilité en Afrique? », op. cit., pp. 144-151.
82
Delphine LECOUTRE, « Le Conseil de paix et de sécurité, clef d’une nouvelle architecture de stabilité en
Afrique? », op. cit., pp. 142-143.
83
Voir sur la question la Déclaration d’Harare, OUA, AHG/Decl.3 (XXXIII), Déclaration sur la réforme du Conseil
de Sécurité, 33e session de la conférence des chefs d’État et de gouvernement, Harare du 2 au 4 juin 1997, Zimbabwe;
La Position Commune Africaine sur la Réforme des Nations Unies dénommée « Le consensus d’Ezulwini », UA, Ext.
/EX. CL. / 2 (VII), Conseil Exécutif, 7eme Session extraordinaire, 7-8 mars 2005, Addis-Abeba (Éthiopie).

30
ans, surtout qu’un membre sortant est immédiatement rééligible. Ces manœuvres sont souvent le
fait de pays confrontés à de graves enjeux sécuritaires, c’est le cas de la Somalie, de l’Algérie, de
la Mauritanie ou encore du Nigéria.84 Il est également à relever une tendance à l’instauration d’un
« veto de fait » au profit des plus grands contributeurs financiers comme l’Algérie et le Nigéria
qui supportent chacun quinze pour cent (15%) du budget de l’Union.85

Les critères d’éligibilité au Conseil de paix et de sécurité sont précisés à l’article 5, alinéa 2 du
Protocole relatif à la création du CPS. Ils sont identiques aux cinq sous-régions et ont trait à
l’engagement de l’Etat membre à défendre les principes de l’Union, à honorer les obligations
financières ainsi que les responsabilités liées à la qualité de membre. Il est également tenu compte
de la contribution de l’Etat membre au règlement des conflits régionaux ainsi qu’à la promotion
de la paix et de la sécurité en Afrique. Une référence subtile est faite au respect de la légalité
constitutionnelle, de l’Etat de droit et des droits de l’homme. La présence de missions permanentes
bien dotées en personnel et en moyens auprès de l’Union africaine et de l’ONU est requise.
Cependant, en pratique, le jeu de rotation prime sur tous ces critères.

Incontestablement, la création du Conseil de paix et de sécurité a permis à l’Union africaine de


faire preuve d’un dynamisme croissant dans la gestion des conflits. Il est pour l’heure plus question
d’analyser les efforts et initiatives déployés par l’Union à travers cet organe pour faire face aux
conflits que d’évaluer des résultats tangibles.

On peut en effet noter que depuis son entrée en vigueur en 2003, le Conseil de paix et de sécurité
a connu un plein fonctionnement. Depuis sa date d’entrée en vigueur à nos jours, il a régulièrement
tenu des réunions et produit des rapports périodiques sur ses activités et l’Etat de la paix et de la
sécurité en Afrique, preuve d’un fonctionnement régulier de l’organe.86 A côté de ces réunions

84
Delphine LECOUTRE, « Les enjeux du Conseil de paix et de sécurité », op. cit., pages II et III.
85
Ibid.
86
Voir par exemple le Rapport du Conseil de paix et de sécurité sur ses activités et l’état de la paix et de la sécurité
en Afrique du 31 janvier 2015, disponible à l’adresse http://www.peaceau.org/fr/article/rapport-du-conseil-de-paix-et-
de-securite-sur-ses-activites-et-l-etat-de-la-paix-et-de-la-securite-en-afrique-3, consulté le 23 juillet 2019.

31
périodiques, le CPS examine également des questions thématiques liées à son mandat.87 En
pratique, l’action du Conseil de paix et de sécurité sur certains dossiers clés a permis de renforcer
la légitimité de l’Union africaine tant au niveau continental que sur le plan international. Dans le
cadre de son mandat, il a pris des initiatives majeures dans le domaine de la prévention, du
rétablissement de la paix mais aussi des opérations de soutien à la paix. Ces efforts ont été
accomplis en étroite coopération avec les Communautés économiques ainsi que les Nations Unies
et les partenaires internationaux.

Au niveau continental, l’Union africaine s’est illustrée par son engagement à travers le CPS dans
la résolution de multiples conflits et crises à l’égard desquels souvent les acteurs internationaux se
sont montrés réticents à intervenir. Elle a ainsi au lendemain de sa création déployé des missions
au Burundi88, au Soudan89, aux Comores où elle conduit une intervention militaire en réaction à
un changement anticonstitutionnel de pouvoir.90 Le CPS s’est également saisit de l’épineuse crise
somalienne par la création de sa plus importante mission en termes d’effectifs atteints, la Mission

87
Par exemple, au cours de l’année 2013, le CPS a procédé à une analyse thématique de sujets variés comme les
perspectives de partage du pouvoir en Afrique (Rapport sur le CPS, numéro 50, septembre 2013, pp.7-10) ; les
femmes, les enfants et les autres groupes vulnérables dans les conflits armés (Rapport sur le CPS, numéro 42, février
2013).
88
Le CPS a autorisé une Force spéciale de protection de 800 hommes pour la sécurité des dirigeants et combattants
du Palipehutu FNL. Principalement fournie par l’Afrique du Sud, la force est restée au Burundi jusqu’en décembre
2009. Voir Communiqué PSC/PR/Comm.(LXV) de la 65 e réunion du CPS tenue le 09 novembre 2006.
89
Sur la Mission de l’Union africaine au Darfour (MUAS) qui a été remplacé en 2007 par la Mission hybride des
Nations Unies et de l’Union Africaine (MINUAD), voir entre autres les rapports du président de la Commission de
l’Union africaine sur la situation au Darfour : 45e réunion du CPS, 12 janvier 2006, PSC/PR/2(XLV) ; 46e réunion du
CPS, 10 mars 2006, PSC/MIN/2(XLVI), 63 e réunion du CPS du 18 septembre 2006, PSC/MIN/2(LXIII) ; voir aussi
Michel LIEGEOIS, « Opérations hybrides : Premières leçons de la MINUAD », dans J. COULON (dir.), le Guide du
maintien de la paix 2009, Éditions Athéna, 2010, pp. 39- 58.
90
L’intervention aux Comores qui visait à rétablir le contrôle de l’Union des Comores sur l’île a fait l’objet de critiques
concernant sa légitimité ainsi que sa légalité. Voir de façon générale sur l’intervention le Rapport du président de la
commission sur la situation aux Comores depuis la 10eme session ordinaire de la conférence de l’union, tenue à Addis
Abeba du 31 janvier au 2 février 2008, présenté lors de la 124 e réunion du Conseil de Paix et de sécurité le 30 Avril
2008 à Addis Abeba, en Ethiopie PSC/PR/2(CXXIV). Sur les controverses concernant la légitimité ou la légalité de
l’intervention voir Natalie FORITE « les troupes de l’Union Africaine devaient –elles intervenir à Anjoua », 26 mars
2008, article disponible sur http://www.afrik.com/article13957.html ; Daniela QUELHAS « L’intervention récente de
l’Union africaine aux Comores : un usage légal de la force ? », 03 avril 2009, article disponible sur http://ireenat.univ-
lille2.fr/pages-actualites/detail-article/archive/2009/april/article/lintervention-recente-de-lunion-africaine-aux-
comores-un-usage-legal-de-la-force.html?tx_ttnews%5BbackPid%5D=110&cHash=21c712e748.

32
de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), un terrain sur lequel aussi bien l’ONU que les acteurs
étrangers rechignaient à s’engager.91

Au Mali comme en Centrafrique, les Organisations régionales notamment l’Union africaine et la


CEDEAO ont fait montre d’un activisme qui s’est traduit par la mise en place d’opérations de paix
dotées de mandats ambitieux qui auraient pu s’inscrire également dans la durée n’eut été le manque
de ressources.92 Le CPS reste saisi d’autres conflits et crises non moins importants sur le continent
comme la crise libyenne, la situation en République Démocratique du Congo, la crise au Soudan
du Sud qui enregistre des aggravations intermittentes, la question du Sahara Occidental et bien
d’autres cas qui perdurent.93

91
Romain ESMENJAUD, Benedikt FRANKE, « Qui s'est approprié la gestion de la paix et de la sécurité en Afrique
? », Revue internationale et stratégique 2009/3 (n° 75), p. 42.
92
La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation du Mali a été créée par la résolution
2100 (S/RES/2100 (2013) du Conseil de sécurité de l’ONU en remplacement de la Mission internationale de soutien
au Mali sous conduite africaine (MISMA) de la CEDEAO et de l’Union africaine. Sur la participation du CPS à la
gestion de la crise malienne, voir les documents suivants : PSC/MIN/COMM.2(CCCXXXIX);
PSC/PR/COMM.2(CCCXLI); les résolutions du Conseil de sécurité : (S/RES/2100 (2013)) du 25 avril 2013 ;
S/RES/2056 (2012)) du 05 juillet 2012; S/RES/2071 (2012)) du 12 octobre 2012; S/RES/2085 (2012) du 20 décembre
2012. Sur l’historique de la MISMA, voir Thomas POULIN, « Historique de l’opération MISMA », Réseau de
Recherche sur les Opérations de paix (ROP), 3 avril 2013, http://www.operationspaix.net/167-historique-misma.html,
consulté le 22 février 2016. Au 31 octobre 2013, la MINUSMA comptait 96% de contingents africains de son effectif
qui était 4.400hommes en armes en janvier 2014. Dans le cas de la Centrafrique, le Conseil de sécurité des Nations
Unies a adopté la résolution 2127 autorisant le déploiement d’une force française en République centrafricaine en
appui à la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA) qui a pris le relai de la
MICOPAX (qui relevait de la Communauté économique des États d’Afrique centrale), le 19 décembre 2013. Crée le
10 avril 2014 par la résolution du Conseil de sécurité S/RES/2149 (2014), la MINUSCA (Mission multidimensionnelle
intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation en Centrafrique) remplace la MISCA. Sur la crise centrafricaine, voir
principalement, le Rapport de la présidente de la Commission sur la situation en République Centrafricaine et les
activités de la Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique sous conduite africaine, adoptée à la 416 e réunion
des chefs d’État et de gouvernement, Addis-Abeba, Éthiopie, 29 janvier 2014, PSC/AHG/4(CDXVI). Voir aussi sur
l’historique de la création de la création de la MINUSCA, Salomé PONSIN, « Historique de l’opération MINUSCA
», Réseau de Recherche sur les Opérations de paix (ROP), 23 février 2015, http://www.operationspaix.net/190-
historique-minusca.html, consulté le 22 février 2016.
93
Voir sur les situations examinées par le CPS à nos jours, le Rapport du Conseil de paix et de sécurité sur ses activités
et l’état de la paix et de la sécurité en Afrique de janvier 2015, disponible sur
http://www.peaceau.org/fr/article/rapport-du-conseil-de-paix-et-de-securite-sur-ses-activites-et-l-etat-de-la-paix-et-
de-la-securite-en-afrique-3.

33
La contribution du Conseil de paix et de sécurité dans la prévention et la gestion des changements
anticonstitutionnels dénote également de la détermination de l’Union à éradiquer les conflits, le
lien entre ces changements et les conflits ayant suffisamment été établi.94 En effet, il convient de
relever que le mécanisme de l’Union africaine de réaction aux changements anticonstitutionnels
repose sur le Conseil de paix et de sécurité qui détient les compétences d’imposition des sanctions
conformément aux pouvoirs qui lui ont été conférés par le Protocole relatif à sa création ainsi que
par la Charte africaine.95 Ainsi, depuis son lancement officiel en 2003, le Conseil de paix et de
sécurité s’est penché sur divers cas de changements anticonstitutionnels, procédant parfois à une
application ferme de sanctions à l’encontre d’Etats membres sur les territoires desquels sont
survenus des changements anticonstitutionnels. C’était le cas de Sao Tomé et Principe (2003) 96, la

94
UA, Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (CADEG) signée en 2007 et en vigueur
depuis le 15 février 2012, préambule, par. 9 ; voir aussi l’article 2 (4) de la CADEG qui qualifie le changement
anticonstitutionnel de « menace grave à la stabilité, à la paix, à la sécurité et au développement », voir aussi Djacoba
L. TEHINDRAZANARIVELO, « Les sanctions de l’Union africaine contre les coups d’État et autres changements
de gouvernement : potentialités et mesures de renforcement », African Yearbook of International Law, vol. 12, 2004,
p. 268.
95
Voir UA, Protocole relatif à la création du CPS, article 7 (g) ; article 24 de la CADEG. Le pouvoir d’imposition de
sanctions du Conseil de paix et de sécurité n’est cependant pas exclusif, il revient également à la Conférence de
l’Union. Le constat et l’appréciation de l’illégalité du changement de gouvernement relèvent du président en exercice
de l’Union africaine et du président de la Commission. Voir aussi UA, Règlement intérieur de la Conférence sur le
processus de réaction de l’Union aux changements anticonstitutionnels, article 37 (4).
96
Coup d’État intervenu le 16 juillet 2003, voir sur la condamnation et la suspension de l’État : le Communiqué de la
quatre-vingts treizième session au niveau des ambassadeurs de l’Organe central du mécanisme pour la prévention,
la gestion et le règlement des conflits du 24 juillet 2003, Central Organ/AMB/COMM. (XCIII). Voir sur la doctrine
Sayeman BULA-BULA, « Mise hors-la-loi ou mise en quarantaine des gouvernements anticonstitutionnels par
l’Union africaine ? », African Yearbook of International Law, vol. 11, 2003, pp. 68-71.

34
Mauritanie (2005, 2008) 97, du Togo (2005) 98, de la Guinée (2008) 99, de la Guinée-Bissau (2003,
100 101 102 103
2009, 2012) , de Madagascar (2002, 2009) , du Niger (2010) , du Mali (2012) , de la

97
Le premier coup d’État en Mauritanie intervient le 3 août 2005. Le Conseil de paix et de sécurité en fait une
condamnation ferme en sa 36 -ème réunion tenue le 04 août 2005 et décide de la suspension de la participation de la
Mauritanie aux activités de l’Union jusqu’au retour de l’ordre constitutionnel, voir PSC/PR/COMM. (CCXXII),
222eme réunion du CPS, Addis-Ababa, 29 mars 2010, para.3. Le CPS décide également de l’envoi d’une délégation
ministérielle dans le but d’engager les auteurs du putsch à un retour à l’ordre constitutionnel, voir PSC/PR/COMM.
(XXXV)-(II), Déclaration du Conseil de paix et de Sécurité de l’UA, 36eme réunion, 4 août 2005 ; voir sur l’évolution
de la situation PSC/PR/Comm.1 (XXXVII), Communiqué de la 37eme réunion du CPS, du 8 septembre 2005, la
suspension est levée après un retour à l’ordre constitutionnel, PSC/PR/Comm (LXXVI), 76eme réunion du CPS,
Communiqué sur la situation en République islamique de Mauritanie du 10 avril 2007. Le Conseil de paix et de
sécurité s’est également saisi de la situation en Mauritanie en sa 144eme session tenue le 07 août 2008, après un
second coup d’État intervenu le 6 août 2008.Voir sur ce second coup d’État, PSC/PR/COMM (CLIV), Communiqué
de la 144eme réunion du Conseil de Paix et de Sécurité, Addis-Abéba, 7 août 2008, ; CPS/MIN/COmm.2 (CLI),
Communiqué de la 151eme réunion du CPS ; PSC/MIN/COMM. (CXCVI) du 29 juin 2009.
98
L’Union africaine s’est saisie du cas Togolais à la suite de manipulations constitutionnelles dans le but de porter M.
Faure Gnassingbé au pouvoir après le décès de son père Gnassingbé Eyadema. C’était une situation atypique dans la
mesure où il ne s’agissait pas d’un coup d’État classique, elle n’entrait pas non plus dans la nomenclature des situations
pouvant être considérées comme changements anticonstitutionnels par les textes de l’Union africaine en vigueur à
cette période. Rappelons que la CADEG qui a identifié ce type de situation comme constitutive de changement
anticonstitutionnel de gouvernement (voir l’article 23(5)) est entrée en vigueur que le 15 février 2012. Le CPS a
néanmoins qualifié les faits de changements anticonstitutionnels et a pris des décisions à ce sujet, voir le Communiqué
du Conseil de Paix et de sécurité PSC/PR/Comm. (XXIV), 24eme réunion, 7 février 2005. Voir aussi sur la doctrine
Djacoba L. TEHINDRAZANARIVELO, « Les sanctions de l’Union Africaine contre les Coups d’États et autres
changements anticonstitutionnels de gouvernement : Potentialités et autres mesures de renforcement », op. cit., pp.
275-279; Roland ADJOVI, « Le Togo, un changement anticonstitutionnel savant et un nouveau test pour l’Union
africaine », in Actualité et Droit International, février 2005, disponible sous l’adresse électronique (http ://
www.ridi.org/adi, consulté le 11 septembre 2015.
99
La particularité du cas de la Guinée est que le coup d’État a été précédé d’une tentative que le CPS a clairement
condamnée, renforçant le précédent de condamnation et réaction de l’Union aux tentatives de coup d’État. La première
condamnation d’une tentative de coup d’État fut celle du président en exercice de la Commission M. Alpha Oumar
Konaré contre la tentative de coup de force intervenue en République démocratique du Congo. Voir sur le traitement
de cette crise les documents suivants : PSC/PR/COMM(CCLXVI), 266eme réunion du CPS du 16 mars 2011 tenue à
Addis-Abeba ; PSC/PR/COMM (CLXIV), 164eme réunion, Addis-abeba, 24 décembre 2008 ; PSC/PR/COMM
(CLXV), 165eme réunion, Addis-Abeba, 29 décembre 2008 ; PSC/PR/BR/1 (CLXIX), 169eme réunion, Addis-
Abeba, 10 février 2009 ; PSC/PR/Comm(CCIV), 204eme réunion du CPS tenue à Addis-Abeba, le 17 septembre
2009 ; PSC/AHG/COMM.2 (CCVII), 207eme réunion du CPS, Abuja, 29 octobre 2009 ; PSC/PR/BR.2 (CCXXXII),
232eme réunion du CPS du 17 juin 2010 tenue à Addis-Abeba ; PSC/PR/BR.(CCXLVIII), 243eme réunion du CPS,
Addis-Abeba, 13 novembre 2010.
100
Un premier coup d’État intervient en Guinée Bissau le 14 septembre 2003 et suscite la réaction de l’Union africaine,
voir Communiqué de la quatre-vingt treizième session ordinaire au niveau des ambassadeurs de l’Organe central du
mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits du 18 septembre 2003, Central
Organ/AMB/COMM. (XCIII) ; voir sur la doctrine Sayeman BULA-BULA, « Mise hors-la-loi ou mise en quarantaine
des gouvernements anticonstitutionnels par l’Union africaine ? », op. cit., pp. 71-74. Sur le second coup d’État du 02
mars 2009, voir les documents du CPS suivants : PSC/PR/COMM (CLXXIV) Rev.2, 174eme réunion du CPS, Addis-
Abeba, 3 mars 2009 ; PSC/PR/COMM. (CCXXII), 222eme réunion du CPS, Addis Abéba, 29 mars 2010. Voir sur la
doctrine Joseph KAZADI, « L’Union africaine face à la gestion des changements anticonstitutionnels de

35
gouvernement », Revue québécoise de droit international, vol. 25, no 2, 2012, pp. Le 17 avril 2012, le CPS a décidé,
à la suite d’un autre coup d’État intervenu le 12 avril 2012, deux semaines avant le deuxième tour de l’élection
présidentielle le 29 avril 2012 de « suspendre avec effet immédiat la participation de la Guinée-Bissau à toutes les
activités de l’Union jusqu’à la restauration effective de l’ordre constitutionnel », voir sur ce troisième coup d’État,
Union africaine, Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité, Institut d’Études de Sécurité, numéro 45, avril 2013,
pp. 6-11 ; voir également le Rapport sur la paix et la sécurité dans l’espace CEDEAO, Institut d’Études de Sécurité,
numéro 8, avril 2014.
101
Madagascar avait déjà fait l’objet d’une première suspension en 2002, décidée par la Conférence sur
recommandation de l’Organe central de l’OUA avant sa mutation. Cette suspension a été jugée illégale par certains
analystes au regard de l’ambigüité juridique qui a entouré la prise d’une telle décision, Tiyanjana MALUWA, « The
Constitutive Act of the African Union and Institution-Building in Postcolonial Africa », Leiden Journal of
International Law, vol.16, 2003, p. 165; Djacoba L. TEHINDRAZANARIVELO, « Les sanctions de l’Union
Africaine contre les Coups d’États et autres changements anticonstitutionnels de gouvernement : Potentialités et autres
mesures de renforcement », op. cit., pp. 292-295. Voir sur la suspension, la Décision des chefs d’État et de
gouvernement de l’OUA de juillet 2002, Assembly/AU/Dec.4 (I), 1ere session ordinaire, 9-10 juillet, Durban (Afrique
du Sud), le Communiqué du 21 juin 2002, para.5&7, sur la levée de la suspension, voir la Décision sur Madagascar,
Assembly/AU/Dec.6 (II), par. 1 et 2, 2e session ordinaire de la Conférence, 10-12 juillet 2003, Maputo (Mozambique);
Central Organ/MEC/MIN/Comm.(VII), 7e session ordinaire, Addis-Abeba, 15 janvier 2003, par.1. Sur la légalité de
la suspension, voir Djacoba L. TEHINDRAZANARIVELO, « Les sanctions de l’Union Africaine contre les Coups
d’États et autres changements anticonstitutionnels de gouvernement : Potentialités et autres mesures de renforcement
», op. cit., pp. 272-275; Sayeman BULA-BULA, « Mise hors-la-loi ou mise en quarantaine des gouvernements
anticonstitutionnels par l’Union africaine ? », op. cit., pp. 56-64. L’île connaitra à nouveau un autre changement
anticonstitutionnel le 17 mars 2009. Voir sur la gestion du CPS de ce second cas les documents suivants : Rapport du
Président de la Commission sur la situation à Madagascar (PSC/PR/2 (CCXVI)), 216eme réunion du Conseil de Paix
et de sécurité, Addis-Abeba, 19 février 2010; Conseil de Paix et de Sécurité, Communiqué de la 216e réunion, 19
février 2010 (PSC/PR/COMM.1 (CCXV)); Assembly/AU/Dec.269 (XIV) adoptée à la 14eme session ordinaire de la
Conférence, Addis-Abeba, du 31 janvier au 02 février 2010; Assembly/AU/Dec.279 (XIV), 14eme session ordinaire
de la Conférence, Addis-Abeba, du 31 janvier au 02 février 2010.
102
Voir sur l’examen de ce coup d’Etat intervenu le 18 février 2010 par le CPS : PSC/PR/COMM.2 (CCXVI),
Communiqué de la 216eme réunion du CPS, Addis-Abeba, 19 février 2010; PSC/PR/COMM.2(CCXVI);
PSC/PR/BR.2(CCXX), Communiqué du 11 mars 2010; PSC/PR/COMM (CCLXVI), 266éme réunion du CPS du 16
mars 2011 tenue à Addis-Abéba, voir également pour les besoins de la doctrine Virginie BAUDAIS and Grégory
CHAUZAL, « The 2010 coup d’État in Niger : a praetorian regulation of politics », in African Affairs, 110/439, Oxford
University Press, Oxford, 2010, pp. 295-304.
103
Voir sur ce coup d’État intervenu le 22 mars 2012, quelques semaines avant les élections présidentielles au moment
même où le Mali faisait face à des attaques de mouvements rebelles et terroristes, les documents suivants du CPS :
PSC/PR/COMM(CCCXV), 315eme réunion du CPS, Addis-Abeba, 23 mars 2012, PSC/PR/COMM(CCCXVI),
316eme réunion du CPS, Addis-Abeba, 3 avril 2012. Il convient de relever que le ton était très ferme dans ces
communiqués. Le pays a non seulement été suspendu des activités de l’Union, mais des sanctions individuelles ont
été imposées aux responsables de la junte. Des menaces de poursuites judiciaires ont même été proférées à l’encontre
des auteurs de changements inconstitutionnels.

36
Centrafrique (2003, 2013) 104
, du Burkina Faso (2015).105 Il convient de relever que l’action du
Conseil de paix et de sécurité dans la gestion de toutes ces situations de changements
anticonstitutionnels a été efficace grâce aux efforts des Organisations sous-régionales de la zone
d’appartenance de l’Etat concerné. La CEDEAO a été dans ce sens très active dans la résolution
de plusieurs crises qui ont éclaté dans la sous-région ouest africaine. C’est le cas entre autres de la
crise ivoirienne 106, de celle du Mali 107, de la Guinée-Bissau 108, pour ne citer que celles-là.

Le Conseil de paix et de sécurité s’est également saisi des révoltes pacifiques en Tunisie (2010),
en Egypte (2011), au Burkina Faso (2014), et de celle armée en Lybie de 2011. Ces mouvements

104
Sur le premier coup d’État intervenu le 15 mars 2003, l’Organe central de gestion des conflits de l’OUA a été très
ferme dans son Communiqué qui « condamne fermement le coup d’État survenu à Bangui » sur la base des
dispositions de l’Acte constitutif de l’Union africaine, voir le Communiqué de la 90eme session ordinaire de l’Organe
central du mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits au niveau des ambassadeurs du 17
mars 2003, Central Organ/MEC/AMB/Comm.(XC). Un second putsch a lieu le 24 mars 2013, voir sur cette seconde
crise, le Communiqué sur la situation en République centrafricaine (RCA), PSC/PR/COMM. (CCCLXIII), 25 mars
2013 ; le Rapport sur la paix et la sécurité dans l’espace CEDEAO, Institut d’Études de Sécurité, numéro 45, avril
2013.
105
Voir le Communiqué de la 544e réunion du CPS sur la situation au Burkina Faso tenue le 18 septembre 2015,
disponible sur http://www.peaceau.org/fr/article/communique-de-la-544eme-reunion-du-cps-sur-la-situation-au-
burkina-faso; le Communiqué de presse par lequel l’Union africaine rejette comme nulle et de nul effet l’annonce par
les militaires de la « destitution » du président de la transition au Burkina Faso, disponible sur
http://www.peaceau.org/uploads/cua-comm-press-burkina-faso-17-9-2015.pdf ; ainsi que le Communiqué de presse
conjoint de l’Union africaine, de la CEDEAO et des Nations Unies sur la situation au Burkina Faso, disponible sur
http://www.peaceau.org/fr/article/communique-de-presse-conjoint-de-l-union-africaine-de-la-cedeao-et-des-nations-
unies-sur-la-situation-au-burkina-faso.
106
Le dynamisme de la CEDEAO dans la résolution de la crise ivoirienne a été reconnu par l’Union africaine qui s’est
« félicité des initiatives prises par la CEDEAO et la Commission de l’UA, en vue de trouver une solution pacifique à
la crise dans le respect du choix démocratique des ivoiriens », Communiqué de la 259eme réunion, 28 janvier 2011,
Addis-Abeba, PSC/AHG/COMM (CCLIX), para.3
107
Dans son Communiqué de la 315e réunion, le Conseil de paix et de sécurité reconnait les efforts déployés par la
CEDEAO dans le cadre de la résolution de la crise au Mali, et « réaffirme son plein appui aux décisions prises par la
CEDEAO en réponse aux crises maliennes », PSC/PR/COMM(CCCXV), 315eme réunion du CPS, Addis-Abeba, 23
mars 2012, voir les paras. 2&4
108
Dans son Communiqué de la 174e réunion consacrée à la situation en Guinée-Bissau, le CPS « se félicite des
efforts déployés par la CEDEAO au cours des dernières années pour engager les autorités guinéennes et les autres
parties prenantes à résoudre les graves problèmes auxquels leur pays est confronté… Il se félicite également de l’action
immédiate de la direction de la CEDEAO condamnant sans équivoque les assassinats et appelant au respect de la
Constitution… Le Conseil encourage la CEDEAO dans sa détermination… », PSC/PR/COMM (CLXXIV) Rev.2,
174eme réunion du CPS, Addis-Abeba, 3 mars 2009, par. 9 ; le Communiqué de la 222e réunion est également
éloquent, le CPS « note avec satisfaction l’appui qu’apporte la CEDEAO et ses États membres…… »,
PSC/PR/COMM. (CCXXII), 222eme réunion du CPS, Addis Abéba, 29 mars 2010, par. 6.

37
populaires qui ont conduits à des chutes de gouvernement n’étaient pas répertoriés par les
instruments pertinents de l’Union africaine comme des changements anticonstitutionnels mais ne
demeuraient pas moins des changements en dehors de la légalité constitutionnelle. Ces situations
ont mis à nu les lacunes et les difficultés d’interprétation des instruments juridiques pertinents de
l’Union africaine sur les changements anticonstitutionnels de gouvernement.109

En effet, la pratique subséquente de l’Union africaine révèle une tendance à une condamnation
indiscriminée de tout changement de gouvernement qui ne serait pas conforme à la constitution et
aux lois en vigueur, quelle que soit la légitimité qui justifierait un tel renversement.110 Toutefois,
l’exemple récent de la réaction de l’Union africaine à la « révolution » burkinabé, ainsi que sa
gestion des révoltes populaires en Tunisie, en Egypte et de façon réservée en Lybie 111, permettent
de soutenir que les changements inconstitutionnels qui conduisent à la chute de régimes dits

109
Dans son Communiqué de presse de la 432e réunion du Conseil de paix et de sécurité (CSP), l’Union reconnait les
limites et incohérences de l’interprétation des instruments relatifs au rejet des changements anticonstitutionnels en ces
termes : « Les participants et le Conseil ont reconnu qu’en dépit des efforts déployés, le continent reste confronté au
défi des changements anticonstitutionnels de gouvernements. Soulignant que les soulèvements populaires qui sont
intervenus en Afrique du Nord en 2010-2011 représentent la volonté librement exprimée des peuples des pays
concernés, ils ont relevé les faiblesses et les lacunes du cadre normatif actuel de l’UA, qui ont affecté la réponse de
l’Union à ces soulèvements. À cet égard, ils ont reconnu l’existence d’une lacune sur comment traiter les révoltes
populaires dans le contexte des instruments actuels de l’UA sur les changements anticonstitutionnels de
gouvernements. Ils ont noté que la flexibilité et l’incohérence observées dans l’interprétation et l’application des
instruments pertinents ont créé un problème de crédibilité pour l’UA », Commission de l’Union Africaine,
Communiqué de presse de la 432e réunion du Conseil de paix et de la sécurité (CPS) sur « les changements
anticonstitutionnels de Gouvernement et les soulèvements populaires en Afrique », tenue le 29 avril 2014, à Addis-
Abeba, par. 7.
110
Voir aussi les exemples de la crise post-électorale malgache intervenue en 2002 et le processus de succession au
président Faure Gnassingbé Eyadema du Togo en 2005. Djacoba Tehindrazanarivelo déduit de l’analyse de ces deux
cas, que l’Union Africaine a tendance à sanctionner toute prise de pouvoir qui n’est pas conforme à la Constitution
nationale et que la légalité de référence est celle qui prévalait avant le déclenchement du processus de succession. Voir
Djacoba L. TEHINDRAZANARIVELO, « Les sanctions de l’Union africaine contre les Coups d’États et autres
changements anticonstitutionnels de gouvernement : Potentialités et autres mesures de renforcement », op. cit., p. 278.
111
Notre réserve se justifie par le fait que dans le cas de la Lybie, les révoltes à elles seules n’ont pas conduit à la chute
du pouvoir, mais l’intervention de l’Otan qui a prêté main forte aux rebelles. Voir les documents de l’Union africaine
sur la situation en Lybie : UA, CPS, Communiqué de presse de la 285e réunion, Addis-Abeba en Éthiopie, 13 juillet
2011, PSC/PR/PS/2.(CCLXXXV), session extraordinaire de la conférence de l’Union sur l’état de paix et de sécurité
en Afrique, rapport du président de la Commission sur les défis actuels à la paix et à la sécurité sur le continent et les
efforts de l’UA, Addis-Abeba en Éthiopie, 25-26 Mai 2011, EXT/ASSEMBLY/AU/2.(01.2011).

38
« autoritaires » ne sont pas prohibés.112 Dans le cas du Burkina Faso, le Conseil de paix et de
sécurité a qualifié dans un premier temps l’irruption de l’armée au pouvoir et la suspension de la
constitution de coup d’Etat. Elle menaçait la junte de l’application de sanctions y compris la
suspension du pays aux activités de l’Union en cas de non-respect du délai de quinze (15) jours
pour remettre le pouvoir aux civils.113 En sa 468e réunion tenue le 18 novembre 2014, le Conseil
de paix et de sécurité procédera à l’évaluation de la situation un jour avant l’expiration du délai de
quinze jours. Il renoncera finalement aux mesures de sanctions à l’encontre du Burkina au regard
de « la perspective de transfert du pouvoir au président de la transition nouvellement désigné,
prévu pour le 21 novembre 2014 ».114 Dans le cas d’espèce, l’UA a fait une entorse à ses
dispositions sur la réaction aux changements inconstitutionnels. Le Conseil de paix et de sécurité
a même estimé que « l’éviction du président Blaise Compaoré suite aux manifestations populaires
n’était pas un cas classique de changement inconstitutionnel de gouvernement, mais plutôt une
expression du droit des peuples à se soulever pacifiquement contre des systèmes politiques
oppressifs ». 115
La même logique a guidé la gestion de l’UA des révoltes populaires intervenues
en Tunisie, Égypte et Libye, qui suivant la définition d’un changement anticonstitutionnel seraient
considérées comme telles. Mais celles-ci n’ont non seulement pas fait l’objet de condamnation de
la part de l’Union.116 Mieux, elle relevait à leur propos : « Les soulèvements en Tunisie et en

112
Un gouvernement peut bien donner l’apparence d’une démocratie à travers l’organisation d’élections régulières
conformément à la constitution de l’État, mais se révéler être une dictature. La méconnaissance de règles
constitutionnelles organisant la séparation de pouvoir, la persécution d’opposants politiques, l’entrave à la liberté
d’expression de la presse et de la population, ainsi que la patrimonialisation du pouvoir sont des traits caractéristiques
d’un pouvoir dictatorial même si celui-ci organise régulièrement des consultations électorales.
113
Voir UA, CPS, Communiqué de presse de la 465e rencontre, Addis-Abeba en Éthiopie, 03 novembre 2014,
PSC/PR/COMM.(CDLXV), il est important de relever que c’est une première que l’Union africaine n’ait pas imposé
de sanctions immédiatement après avoir qualifié la prise de pouvoir par l’armée de coup d’État. Ce précédent remet
en cause la pratique subséquente de l’Union qui consiste à appliquer immédiatement les sanctions en cas de
changement de gouvernement jugé inconstitutionnel avant de commencer les négociations en vue de la restauration
de l’ordre constitutionnel.
UA, Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité, Institut d’Études de Sécurité, numéro 65, décembre 2014/ janvier
114

2015, pp. 2-3, disponible sur www.issafrica.org


115
Voir UA, Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité, Institut d’Études de Sécurité, numéro 64, novembre 2014,
pp. 2-3, disponible sur www.issafrica.org.
116
Il est à noter cependant que le renversement du président Morsi a été qualifié de changement anticonstitutionnel
par l’Union Africaine, et a donné lieu à la suspension de l’Égypte des instances de l’Union Africaine. Voir, UA,

39
Égypte sont les révélateurs d’une évolution profonde qui peut enrichir les processus de
consolidation de la démocratie en Afrique ».117 De plus :

« Si l’UA n’a pu anticiper ces évolutions, elle n’en a pas moins réagi avec la créativité nécessaire face à des
situations inédites au regard de ses instruments. En d’autres termes, notre Union a su faire preuve de la
flexibilité requise, fondant son action non sur une lecture littérale et dogmatique des textes existants, mais
sur la nécessité de contribuer à la réalisation de l’objectif d’ensemble poursuivi par l’UA, à savoir la
consolidation des processus de démocratisation en cours sur le continent ».118

Paragraphe II : Les structures d’appui du Conseil de paix et de sécurité

Outre le Conseil de paix et de sécurité, le dispositif continental de maintien de la paix et de la


sécurité est constitué d’un Système d’alerte rapide et d’un Conseil de sages prévus comme des
outils de prévention des conflits. En outre, le président de la Commission de l’Union africaine joue
un rôle essentiel dans la gestion des conflits en action conjointe avec le Conseil de paix et de
sécurité. Une force africaine prépositionnée est prévue pour permettre à l’Union africaine
d’effectuer ses propres missions de paix et d’interventions.

A- Les instruments de prévention des conflits : le Système continental d’alerte rapide et le


Groupe des sages

Le système continental d’alerte rapide est une composante importante du dispositif de l’Union
africaine en matière de prévision et de prévention des conflits prévu par l’article 12 du Protocole

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité, Institut d’Études de Sécurité, numéro 49, août 2013, p. 2, disponible sur
www.issafrica.org; Voir de façon générale sur les révoltes dans ces trois pays les documents suivants de l’Union
Africaine : UA, CPS, Communiqué de presse de la 260e rencontre, Addis-Abeba en Éthiopie, 11 février 2011,
PSC/PR/COMM.(CCLX); UA, Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité, Institut d’Études de Sécurité, numéro
44, mars 2013, pp. 2-5, disponible sur www.issafrica.org; UA, Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité, Institut
d’Études de Sécurité, numéro 55, février 2014, pp. 4-7, disponible sur www.issafrica.org; UA, CPS, Communiqué de
presse de la 257e rencontre, Addis-Abeba en Éthiopie, 15 janvier 2011, PSC/PR/COMM.2(CCLVII); UA, CPS,
Communiqué de presse de la 268e rencontre, Addis-Abeba en Éthiopie, 23 mai 2011, PSC/PR/BR.2(CCLXVIII).
117
UA, Rapport du Président de la Commission sur les défis actuels à la paix et à la sécurité sur le continent et les
efforts de l’UA : Renforcer le leadership de l’Afrique, promouvoir des solutions africaines, mai 2011, Doc. off
UAEXT/Assembly/AU/2 (01.2011), par. 5.
118
Ibid. par.10.

40
relatif à la création du CPS.119 Il permet au Conseil de paix et de sécurité d’assumer ses
responsabilités en matière de prévention et d’anticipation des différends et conflits ainsi que de
politiques susceptibles de conduire à un génocide ou à des crimes contre l’humanité.120 Il se
compose d’un centre d’observation et de contrôle, chargé de la collecte et de l’analyse des données
et d’unités d’observation et de contrôle des mécanismes régionaux.121 Ce système permet de
recueillir des informations précises et fiables sur de potentielles situations de conflits, ainsi que de
menaces à la paix et à la sécurité afin d’aider à l’élaboration de stratégies appropriées pour prévenir
et limiter les effets destructeurs de certains conflits. 122 Le président de la Commission de l’Union
africaine utilise les informations recueillies pour saisir le Conseil de paix et de sécurité en temps
opportun. Il lui est également autorisé de se servir de ces informations pour s’acquitter des
responsabilités et fonctions qui lui sont confiées par le Protocole.123 Prévu pour être fonctionnel en
fin 2010, le système d’alerte rapide affiche une existence mitigée. En effet, l’efficacité du Système
repose en partie sur la contribution des mécanismes régionaux qui sont les mieux placés pour
constater les risques de conflits.124 Or la salle de veille (situation room) du système d’alerte rapide
ne disposerait pas de capacités suffisantes pour procéder au traitement des informations provenant
des Communautés économiques régionales.125 Ceci explique le fait que certaines Organisations
régionales s’en tiennent à leurs propres systèmes d’alerte rapide.126 Pour accélérer l’effectivité du

119
Voir pour une analyse détaillée de ce mécanise Issaka K. SOUARE, « Le système d’alerte précoce de l’Union
africaine : Un mécanisme en évolution », Guide du maintien de la paix, 2011, pp. 144-161.
120
UA, Protocole relatif à la création du CPS, Article 7. 1(a).
121
Ibid., Article 12. 2.
122
Ibid., Article 12. 4.
123
Ibid., Article 12.5.
124
Jakkie CILLIERS, « Towards a Continental Early Warning System for Africa », ISS Paper, no102, avril 2005.
125
Amandine GNANGUENON, « Le rôle des Communautés économiques régionales dans la mise en œuvre de
l’Architecture africaine de paix et de sécurité », octobre 2010, disponible à l’adresse
www.defense.gouv.fr/.../EPS2010_communautes_economiques_afrique, p. 39, consulté le 19 février 2016.
126
Voir le fonctionnement du Système d’observation de la paix et de la sécurité sous régionales (pré-alerte) de la
CEDEAO, chapitre IV du Protocole relatif au Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de
maintien de la paix et de la sécurité de la CEDEAO; voir également le Protocole sur la création du Mécanisme
d’Alerte Précoce et de Réaction aux Conflits pour les États Membres de l’IGAD du 09 janvier 2002, Khartoum, au
Soudan, disponible sur https://www.issafrica.org/uploads/CEWARNFR.PDF, consulté le 19 février 2016.

41
système, une réunion sur l’alerte rapide et la prévention des conflits, regroupant les experts
gouvernementaux des Etats membres de l’UA et les représentants des Communautés économiques
régionales (CER), s’est tenue à Kempton Park, en Afrique du Sud, du 17 au 19 décembre 2006.
Cette rencontre a également vu la participation, en qualité d’observateurs, de représentants de
centres africains de recherche et d’institutions universitaires, d’Organisations non
gouvernementales (ONG), ainsi que d’Organisations internationales, y compris les Nations Unies.
La réunion fait suite à la décision prise par le CPS, lors de sa cinquante septième réunion tenue le
21 juin 2006, demandant à la Commission de l’UA d’accélérer le processus de mise en œuvre
opérationnelle de l’architecture continentale de paix et de sécurité, y compris le Système
continental d’alerte rapide.127

Le Groupe des sages a été prévu pour venir en appui au Conseil de paix et au président de la
Commission de l’Union africaine en matière de prévention des conflits. Il se compose de « cinq
personnalités africaines, hautement respectées, venant des diverses couches de la société et qui ont
apporté une contribution exceptionnelle à la cause de la paix, de la sécurité et du développement
sur le continent ».128 Le Groupe est investi d’un rôle essentiellement consultatif. Il fournit dans ce
sens, des services consultatifs sur toutes questions relatives au maintien, à la promotion, de la
sécurité et de la stabilité en Afrique au Conseil de paix et de sécurité ainsi qu’au président de la
Commission.129 Il peut également entreprendre des actions appropriées en matière de prévention
de conflits en appui au Conseil de paix et au président de la Commission,130 comme initier une
médiation ou procéder à l’envoi d’un facilitateur dans le but de maintenir ou d’obtenir un dialogue

127
Voir le Cadre pour la mise en œuvre opérationnelle du Système continental d’alerte rapide, réunion d’experts
gouvernementaux sur l’alerte rapide et la prévention des conflits PSD/EW/EXP/FRAMEWORK(I), Kempton Park,
Afrique du Sud 17 – 19 décembre 2006.
128
Ces personnalités sont sélectionnées par le président de la Commission, après consultation des États membres
concernés, sur la base de la représentation régionale. Elles sont nommées pour un mandat de trois ans, voir article 11,
alinéa 2, du Protocole relatif à la création du CPS.
129
UA, Protocole relatif à la création du CPS, Article 11, alinéa 3.
130
Ces actions sont menées à la demande du CPS, du président de la Commission ou sur l’initiative propre du groupe
lui-même, voir article 11, alinéa 4 du Protocole relatif à la création du CPS.

42
entre les parties en conflit.131 Le Groupe des sages soumet son rapport à la Conférence par
l’intermédiaire du Conseil de paix et de sécurité.132 Dans le cadre de son mandat, il a décidé
d’adopter une stratégie basée sur un domaine thématique important de réflexion sur la prévention
des conflits, qui est mise en œuvre chaque année et dont s’inspirent la plupart de ses interventions
stratégiques.133 Il occupe une position stratégique pour appuyer le CPS et le président de la
Commission dans le cadre de la diplomatie préventive visant à éviter les différends résultant des
élections et à empêcher que les tensions politiques ne se transforment en violence généralisée.134

B- Le président de la Commission de l’Union africaine

Le rôle du président de la Commission tel que défini par le Protocole semble refléter celui du
Secrétaire général des Nations Unies.135 Il peut en effet, prendre toutes les initiatives appropriées
dans le cadre de la prévention, de la gestion et du règlement des conflits. A cet effet, il peut attirer
l’attention du Conseil de paix et de sécurité ou le Groupe des sages sur toute affaire qui pourrait
mettre en danger la paix et la sécurité du continent.136 Il peut également de sa propre initiative ou
à la demande du Conseil de paix et de sécurité user de bons offices pour prévenir les conflits

131
Salomon GOMES, « The peacemaking and mediation role of the OAU and AU: what prospects?», Paper submitted
to the Centre for Conflict Resolution Policy Seminar, Building an African Union for the 21st century, Cap Town, South
Africa, 20-22 august 2005.
132
UA, Protocole relatif à la création du CPS, Article 11, alinéa 5. La périodicité des rapports n’est cependant pas
précisée. Le Groupe a fourni par exemple un rapport en 2009, preuve de sa fonctionnalité, Voir UA, Rapport du
Groupe des sages sur la consolidation du rôle de l’Union africaine dans la prévention, la gestion et le règlement des
tensions et des conflits violents lies aux élections en Afrique, treizième session ordinaire de la Conférence de l’Union,
1er – 3 juillet 2009, Addis-Abeba, Éthiopie, Assembly/AU/6(XIII) ANNEXE II .
133
Au cours de sa deuxième réunion tenue à Addis Abéba, Éthiopie, le 17 juillet 2008, le Groupe des sages a échangé
des points de vue sur la situation de la paix et de la sécurité sur le continent en mettant en exergue les principaux défis.
Sur la base des délibérations, il a été décidé que le domaine thématique principal de réflexion pour 2008 serait la
prévention, la gestion et le règlement des crises et tensions résultant des élections, voir Rapport du groupe des sages
sur la consolidation du rôle de l’union africaine dans la prévention, la gestion et le règlement des tensions et des
conflits violents lies aux élections en Afrique, op. cit., par. 69.
134
Ibid, par.70. Voir sur les interventions que pourraient faire le Groupe des sages dans le cadre du règlement des
différends électoraux le par. 72.
135
Voir la longue liste d’attributions du président de la Commission qui présente une certaine similarité avec celles
du secrétaire général de l’ONU. Voir aussi l’article 8 des statuts de la Commission Dft/Rlg/Comm/Au. 4 (II) Rev. 2.
136
Voir UA, Protocole relatif à la création du CPS, article 10, alinéa 2, lettres a et b.

43
potentiels, régler les conflits en cours et promouvoir les initiatives et les efforts de consolidation
de la paix et de reconstruction post conflit.137 Le président de la Commission est chargé de la mise
en œuvre et du suivi des décisions du Conseil de paix et de sécurité, notamment l’Organisation et
le déploiement des missions d’appui à la paix, ainsi que des décisions d’intervention prises par la
Conférence de l’Union africaine conformément aux articles 4(h) et (j). Dans l’exercice de ses
pouvoirs et fonctions en matière de maintien de la paix et de la sécurité, le président de la
Commission est assisté du Commissaire chargé des questions de paix et de sécurité.

C- Le dispositif d’intervention : La Force africaine en attente

La Force africaine en attente est l’instrument le plus ambitieux de l’architecture africaine de paix
et de sécurité. L’idée de la création d’une force africaine n’est pas nouvelle, elle précède la
naissance de l’Union africaine. Elle se confond pratiquement à l’histoire du panafricanisme.
Toutefois, toutes les initiatives de mise en commun des capacités militaires pour permettre à
l’Afrique d’organiser ses propres forces de maintien de la paix n’ont pas abouti du fait de multiples
contraintes d’ordre politique, institutionnel et financier.138 Le projet est remis à l’ordre du jour sous
l’impulsion de Kadhafi qui propose la création d’une armée unique africaine lors de la mutation
de l’OUA à l’Union africaine.139 La proposition fera cependant l’objet de graves désaccords entre

137
UA, Protocole relatif à la création du CPS, article 10, alinéa 2, lettre c.
138
Voir sur l’évolution historique de cette ambitieuse idée de la création d’une force africaine, Benedikt FRANKE, «
A pan-African army: The evolution of an idea and its eventual realisation in the African standby force », African
security review, vol.15, n° 4, 2006; Romain ESMENJAUD, « L’africanisation des opérations de paix, de Kwame
N’Krumah à la Force africaine en attente : Une conception évolutive de la sécurité », in Jocelyn COULON (éd.),
Guide du maintien de la paix 2011, Athéna Éditions, 2012, pp. 33-44; Catherine GUICHERD, « La naissance d’une
force africaine en attente », Guide du maintien de la paix, 2007-2008, pp. 71-72; Amandine GNANGUENON, « le
processus de mise en œuvre de la Force africaine en attente », Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire
(IRSEM), 2012, disponible sur http://www.defense.gouv.fr/irsem/publications/lettre-de-l-irsem/les-lettres-de-l-irsem-
2012-2013/2012-lettre-de-l-irsem/lettre-de-l-irsem-n-7-2012/dossier-strategique/le-processus-de-mise-en-oeuvre-de-
la-force-africaine-en-attente, consulté le 25 septembre 2015 ; Emad AWWAD, « Le Conseil de paix et de sécurité de
l’Union africaine », Guide du maintien de la paix, 2005-2006, pp. 165-167.
139
Voir le Traité sur une défense commune et la création d’une armée unique de l’Union africaine (point proposé par
la Lybie), Deuxième réunion des ministres africains de la défense et de la sécurité sur la mise en place de la force
africaine en attente et de la politique africaine commune de défense et de sécurité, 22-23 février 2004, Tripoli (Lybie),
MIN/Def.& Sec./3 (II)

44
les participants au Sommet de Durban sur les objectifs d’une telle armée.140 Les dirigeants africains
finissent par s’accorder sur le concept de force africaine en attente qui sera entériné par le Protocole
relatif à la création du CPS comme une composante essentielle de l’architecture de paix et de
sécurité africaine.141 L’article 13 dudit Protocole fait ainsi référence à une force africaine
prépositionnée composée de contingents multidisciplinaires en attente, avec des composantes
civiles et militaires, stationnés dans leur pays d’origine et prêts à être déployés rapidement. Elle a
pour but de permettre au Conseil de paix et de sécurité d’assumer ses responsabilités dans le cadre
du déploiement des missions d’appui à la paix et d’intervention conformément aux articles 4 (h)
et (j) de l’Acte constitutif de l’Union africaine. Dans sa conception, la force africaine en attente
est censée doter l’Union d’une capacité de réaction rapide aux crises. Elle traduit dans ce sens la
concrétisation des ambitions d’éradication des conflits sur le continent que l’Union africaine s’est
fixée à travers sa nouvelle pratique en matière de maintien de la paix qui privilégie désormais la
puissance comme moyen de résolution des conflits en Afrique.142 Son opérationnalisation constitue
donc un défi majeur pour l’Union qui reste confrontée à de multiples crises nécessitant des actions
rapides et concrètes sur le terrain. Elle exprime également la matérialisation du principe de
solutions africaines aux problèmes africains. Le mandat de la force africaine en attente couvre par
ailleurs un vaste champ d’action allant des missions d’observation et de contrôle à l’assistance
humanitaire. Il implique également des missions d’appui à la paix, d’intervention, de déploiement

140
Les responsables africains n’avaient pas la même vision sur le rôle à assigner à cette armée unique. Certains leaders
comme Khadafi, Mugabe et Daniel Moi estimaient que celle –ci avait pour principal but de défendre les États africains
contre les menaces extérieures (notamment les interventions occidentales), tandis que la plupart de jeunes dirigeants
dont Thabo Mbeki et Olusegun Obasanjo la considérait comme une force de maintien de la paix avec une capacité
d’intervention dans les conflits, voir Peter KAGWANJA, « Power and peace: South African and the refurbishing of
Africa’s multilateral capacity for peacemaking », Journal of Contemporary African Studies, vol. 24, no2, 2006, p. 45.
141
Le concept de la Force africaine en Attente a d’abord été adopté lors de la 3e session de l’Union africaine à Addis-
Abeba en juillet 2004, cette approbation entérine le Document - cadre sur la mise en place de la Force africaine en
Attente et du Comité d’état-major, adopté à la 3e Conférence des Chefs d’état-major africains, tenue les 15 et 16 mai
2003.
Voir Yves A. CHOUALA, « Puissance, résolution des conflits et sécurité collective à l’ère de l’Union africaine »,
142

Annuaire Français de Relations Internationales, vol. VI, Éditions Bruylant, Bruxelles, pp. 287-306.

45
préventif et de consolidation de la paix.143

La Force africaine en Attente est fondée sur un partage de tâches entre l’Union africaine et les
Organisations régionales africaines qui doivent fournir chacune une brigade.144 Ces brigades
régionales sont pour la plupart en cours de formation, organisées à partir des communautés
économiques régionales du continent : la Brigade de la Communauté de Développement d’Afrique
Australe (SADCBRIG), la Brigade en attente d’Afrique de l’Est (EASBRIG), la Brigade en attente
d’Afrique du Nord (NASBRIG), la Brigade de la Communauté Économique des Etats d’Afrique
de l’Ouest (ECOBRIG) et la Brigade de la Communauté Économique des Etats d’Afrique Centrale
(ECCASBRIG). La brigade de la CEDEAO devrait être la plus apte à être opérationnelle le plus
tôt du fait de l’expérience établie de l’Organisation régionale en matière d’intervention. En plus
d’une brigade en attente avec les trois composantes civile, policière et militaire, chaque CER doit
disposer d’un élément de planification (PLANELM), d’un Etat-major de brigade et d’un dépôt
logistique militaire.145 Il existe des disparités certaines de développement et de ressources
(financières et humaines) entre les différentes régions.146 Ce qui justifie le fait que certaines régions
procèdent à l’adaptation de leur brigade en attente.147 Les relations entre les Communautés
économiques et l’Union africaine dans le cadre de la mise en place de la FAA sont régies par le

Cette classification n’exclut pas cependant que le CPS ou la Conférence lui confie des missions d’une autre nature
143

que celles prévues par le Protocole, voir Protocole relatif à la création du CPS, article 13.
144
La SADC en Afrique australe, la CEDEAO en Afrique de l’Ouest, la CEEAC en Afrique centrale, l’IGAD en
Afrique de l’Est, l’Union du Maghreb Arabe (UMA) en Afrique du Nord.
145
Pour plus de détails sur la constitution et l’état d’avancement des brigades, voir Nicolas BACH, « la construction
de l’Architecture africaine de paix et de sécurité en Afrique de l’Est : Un « outil adapté » pour qui ? », dans M. FAU-
NOUGARET, L.M. IBRIGA (dir.), L’Architecture de paix et de sécurité en Afrique : bilan et perspectives, Paris,
l’Harmattan, 2014, pp. 230-235 ; Amandine GNANGUENON, « Le rôle des Communautés économiques régionales
dans la mise en œuvre de l’architecture africaine de paix et de sécurité », op. cit., pp. 39-40.
146
Voir sur l’état d’avancement des différentes brigades Jakkie CILLIERS, « Force Africaine en Attente : État des
progrès accomplis dans sa mise en place », Pretoria, Institute for Security Studies Paper, numéro 160, mars 2008, pp.
14-21.
147
Par exemple, la région SADC a choisi de ne pas établir un siège de brigade permanent mais plutôt d’en établir un
quand la brigade est appelée à être déployée. L’unité de planification (PLANELM) demeure ainsi la seule structure
permanente de la SADC, voir Madeleine O MODO, « Fiche d’information de l’organisation : SADC », Réseau de
Recherches sur les Opérations de paix, 11 août 2010, disponible sur http://www.operationspaix.net/14-fiche-d-
information-de-l-organisation-sadc.html, consulté le 22 février 2016.

46
Protocole d’accord, de coopération dans le domaine de la paix et de la sécurité entre l’Union
africaine, les Communautés économiques régionales et les mécanismes de coordination des
brigades régionales en attente de l’Est et du Nord.148 Ledit Protocole pose le principe de « la
reconnaissance du rôle des CER et des Mécanismes de coordination dans la prévention, la gestion
et le règlement des conflits dans leur zone de juridiction ».149 Il aménage les modalités de la
coopération et de la coordination consistant entre autres à des réunions, des échanges
d’information réguliers ainsi qu’à la mise à disposition d’officiers de liaison. Il reste cependant
indispensable de parvenir à terme à un cadre juridique permettant d’encadrer les relations entre les
CER et l’UA dans le contexte de la mise en place de la Force africaine en attente.150

La structure de la FAA repose sur six scénarios possibles sous lesquels la force africaine en attente

148
Dans le but de promouvoir et de renforcer les relations entre l’UA et les Mécanismes Régionaux en matière de
prévention, de règlement et de gestion des conflits, l’article 16(1) du Protocole relatif à la création du CPS prévoit que
le Conseil et le Président de la Commission harmonisent et coordonnent les activités des MR (entre eux et avec le
CPS) dans le domaine de la paix, de la sécurité et de la stabilité afin que ces activités soient conformes aux objectifs
et aux principes de l’Union. À ces fins, le Protocole prévoit la conclusion d’un protocole d’accord entre l’UA et les
Mécanismes Régionaux. C’est à ce titre qu’a été signé à Addis-Abeba le 28 janvier 2008, en marge de la 12ème session
ordinaire du Conseil exécutif de l’Union africaine, le Protocole d’accord de coopération dans le domaine de la paix et
de la sécurité entre l’UA, les CER et les Mécanismes de coordinations des brigades régionales en attente de l’Afrique
de l’Est (EASBRIG) et de l’Afrique du Nord (CRAN). Les Parties au Protocole d’accord sont : l’Union africaine, le
Marché Commun d’Afrique Orientale et Australe (COMESA), la Communauté des États Sahélo-Sahariens (CEN-
SAD), la Communauté Est Africaine (EAC), l’Autorité Intergouvernementale pour le Développement (IGAD), la
Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC), la Communauté Économique des États de
l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Communauté pour le Développement de l’Afrique Australe (SADC), le
Mécanisme de coordination de la brigade en attente de l’Afrique de l’Est (EASBRIG) et la Capacité de la Région
Afrique du Nord (CRAN). L’Union du Maghreb Arabe (UMA), qui est l’une des CER reconnues par l’UA, n’a pas
encore signé le Protocole d’accord, voir, http://apsa.peaceau.org/fr/page/36-cer-mr#sthash.erdXAcWR.dpuf, consulté
le 05 octobre 2015.
149
UA, Protocole d’accord entre l’UA et les Mécanismes Régionaux, Article 4.
150
Dans ce sens un atelier sur les aspects juridiques de la FAA a été tenu au siège de la Commission de l’Union
africaine à Addis-Abeba en Éthiopie du 10 au 14 juillet 2007. Le but étant de proposer des directives pour la mise en
place d’un cadre juridique régulant les relations entre l’union africaine et les CER dans le contexte de la mise en place
de la FAA, voir le Rapport sur l’état d’avancement de la mise en place de la Force africaine en Attente, Réunion des
experts et des chefs d’état-major et des services de police africains & réunion des ministres africains de la défense et
de la sécurité, 24-28 mars 2008 Addis-Abeba (Éthiopie), EX.CL/427 (XIII), par. 76-78. Il est également envisagé à
court terme l’élaboration d’un Mémorandum d’entente entre l’Union africaine, les Nations Unies et les Communautés
économiques régionales qui définira les obligations de toutes les parties en relation ainsi que des accords entre l’Union
africaine, les Nations Unies et toutes autres organisations internationales sur l’utilisation des capacités de la FAA.

47
pourrait être déployée.151 Dans le cadre de la mise en œuvre de ces scénarios, l’Union africaine
coopère avec les Nations Unies ainsi qu’avec des Organisations régionales et/ou internationales,
les Etats membres et la société civile. Cependant, l’Union détient le contrôle sur le déploiement et
la conduite des missions entreprises par la FAA. Le Conseil de paix et de sécurité étant l’autorité
compétente à entreprendre ou à autoriser les actions touchant au maintien de la paix et de la sécurité
en Afrique.152 Le CPS bénéficie à cet égard de l’assistance et de conseils d’un Comité d’Etat-major
sur toutes les questions se rapportant aux impératifs militaires et sécuritaires en ce qui concerne la
gestion de la paix et de la sécurité en Afrique.153
Conformément aux instruments juridiques qui fondent la création de la force africaine en attente,
notamment le Document‐ cadre de mai 2003 pour la mise en place de la FAA et du Comité d'Etat‐
major (CEM),154 l’Union africaine et les Communautés économiques régionales/Mécanismes

151
Voir le paragraphe 1.6 du Cadre stratégique pour la création d’une Force africaine en attente et du Comité d’état-
major (Partie 1) : adopté par la Troisième réunion des Chefs d’état-major africains de la Défense, 15–16 mai 2003,
Addis-Abeba ou la Feuille de route pour la mise en place de la Force africaine en attente, Réunion d’experts sur les
relations entre l’UA et les Mécanismes Régionaux pour la Prévention, la gestion et le règlement des conflits, Addis-
Abeba, 22-23 mars 2005, EXP/AURECS/ASF/4(I), disponible sur http://www.peaceau.org/uploads/asf-roadmap-
fr.pdf, consulté le 05 octobre 2015.
152
Il revient au CPS d’autoriser l’organisation et le déploiement de missions d’appui à la paix, il est également chargé
d’élaborer les directives générales relatives à la conduite de ces missions, y compris leur mandat et procède aussi à la
révision périodique des directives. Le CPS est donc l’organe de l’Union qui décide de l’intervention pour les scénarios
1 à 5 de l’article 4 (j) de l’Acte constitutif. Voir l’article 7, ainsi que les alinéas 4 et 5 de l’article 13 du Protocole
relatif à la création du CSP définissant les pouvoirs du Conseil de paix et de sécurité. Pour une intervention dans le
cadre de l’article 4 (h), l’autorisation est prise par la Conférence de l’UA, voir les alinéas (e) et (f) de l’article 4 du
Règlement intérieur de la Conférence de l’Union africaine. L’autorisation du Conseil de sécurité des Nations Unies
est en principe requise dans les cas d’intervention au regard de l’article 53 de la Charte, mais les dispositions suscitées
ne le précisent. Cette question fait l’objet d’examen approfondi dans le cadre de la présente étude, voir les chapitres
suivants. Voir aussi le paragraphe 3.17 du cadre stratégique de la FAA qui indique que « le CPS, en tant qu’institution
décisionnaire, doit être la seule autorité admise à mandater et à mettre un terme à des missions de paix et des opérations
de l’UA... le commandement et le contrôle politiques de missions mandatées par le CPS doivent être investis dans le
Président, qui doit soumettre des rapports périodiques au CPS sur les progrès de la mise en œuvre des mandats
pertinents de ces opérations et de ces missions », Document - cadre sur la mise en place de la FAA et du CEM, 3
Réunion des Chefs d’Etat-major africain (CEMA) réunie à Addis-Abeba, Ethiopie,15 mai au 16 Mai 2003.
153
Voir sur la structure et les missions du Comité d’état-major l’article 13, alinéa 8 du Protocole relatif à la création
du CPS.
154
Tel qu'approuvé par la 3e session ordinaire de la Conférence de I ’Union, tenue à Addis Abéba du 6 au 8 juillet
2004 [Assembly/AU/Dec.35(III)Rev.1.

48
régionaux de gestion des conflits ont entrepris des efforts pour sa concrétisation. 155
Le Document - cadre avait prévu la mise en place de la force africaine en attente en deux étapes.
La première consistait à la mise au point d’une capacité de réponse à brefs délais (30 jours) pour
des opérations correspondant à quatre scénarios.156 Il s’agit de missions d’observation (autonomes
ou conjointes avec l’ONU), de missions de maintien de la paix non coercitives. La seconde étape
devrait consacrer le développement de deux scénarios plus ambitieux : celui de forces de maintien
de la paix pour des missions de maintien de la paix multidimensionnelles, détenant un faible
pouvoir coercitif, et celui d’une force d’intervention dont la base légale repose sur l’article 4 (h)
de l’Acte constitutif de l’Union.157 Une feuille de route a été définie en mars 2005158 pour accélérer
le processus de mise en œuvre de la FAA, après que le calendrier prévu par le Document - cadre
ait accusé du retard.159 Malgré les difficultés de respect des échéances des feuilles de route, des
progrès ont été accomplis dans la concrétisation de la force africaine en attente. Ainsi, La feuille
de route I qui a couvert la période de juin 2006 à mars 2008 a permis l’élaboration et l’adoption
des principaux documents cadre relatifs à la mise en œuvre de la Force.160 La feuille de route II a

155
La FAA tire également son fondement des articles 4 (h) et (j) de l’Acte constitutif de l’UA, de l’article 13 (par. 1-
5), du Protocole relatif à la création du CPS.
156
Voir les missions et scenarios de l’annexe A de la feuille de route pour l’opérationnalisation de la FAA, principales
conclusions et principes de base de la Force africaine en Attente retenus de la troisième réunion des chefs d’état-major
africains (mai 2003).
157
Ibid.
158
UA, Feuille de route pour la mise en place de la Force africaine en Attente, op. cit..
159
La première étape devait être parachevée en juin 2005 et la seconde en 2010. Une première phase s’est achevée en
2006 avec un an de retard, à travers l’accomplissement d’un certain nombre d’actions, voir Catherine GUICHERD, «
La naissance d’une force africaine en attente », op. cit., pp. 74-75 ; Amandine « Le rôle des Communautés
économiques dans la mise en œuvre de l’architecture africaine de paix et de sécurité», op. cit., pp. 41-43 ; Jean-Baptiste
NATAMA, « Architecture de paix et de sécurité en Afrique : La Force Africaine en Attente », Forum de l’Institut des
hautes études de défense nationale (IHEDN) sur le continent africain (FICA), Institut des hautes études de défense
nationale, p.10. La seconde étape, elle comporte deux phases. Une première (2007 – 2008) implique entre autres la
précision de composantes techniques, l’acquisition des moyens, le recrutement et la formation des personnels ainsi
que le financement des opérations. Cette deuxième étape devrait prendre fin par une Phase III (2009-2010) à travers
une série d’exercices visant à vérifier l’opérationnalité du dispositif, voir Catherine GUICHERD, « La naissance d’une
force africaine en attente », op. cit., pp. 74-75 .
160
Il s’agit notamment de la doctrine de la FAA, de la Directive sur l’entrainement et la formation, le Concept
logistique, le Concept sur la chaine de commandement et le Concept sur les systèmes de communication et
d’information, les procédures opérationnelles permanentes (SPO), voir le Rapport de la présidente de la commission
sur l’opérationnalisation de la capacité de déploiement rapide de la force africaine en attente et la mise en place

49
permis le renforcement des capacités de l’Union dans la gestion des opérations de paix
multidimensionnelles (scénario 5). Elle a également permis la précision de composantes
techniques, l’acquisition des moyens, le recrutement et la formation des personnels ainsi que le
financement des opérations.161 Cette deuxième phase qui couvrait la période 2008 à 2010 a pris fin
par la tenue d’un exercice continental de Poste de Commandement dénommé AMANI AFRICA I.
L’exercice a permis de conclure que la FAA a atteint une capacité opérationnelle initiale.162 Il aura
également permis selon le président de la Commission de l’époque Jean PING « d’évaluer et de
valider les progrès accomplis à ce jour, d’identifier et de redresser les insuffisances et les défauts
qui doivent l’être pour continuer à développer la FAA ».163
En dépit de ces efforts, la FAA n’a pas pu être opérationnelle en 2010. L’échéance de
l’opérationnalité de la force est désormais envisagée pour l’année 2015. Une troisième feuille de
route a été adoptée dans ce sens le 26 octobre 2011.164 La Feuille de route III vise principalement
trois objectifs : dans un premier temps, finaliser les actions en suspens amorcées par la Feuille de
route II, notamment sur les questions logistique, juridique, opérationnelle et structurelle. Ensuite,
il faudra revisiter la vision de la FAA en vue de s’assurer de sa cohérence avec les besoins et les
réalités de l’Afrique tels que définis par les divers instruments de sécurité collective. Enfin, un
accent devra être mis sur les nouvelles priorités et les nouveaux défis. Cette dernière phase devrait
se conclure par un cycle d’entrainement dénommé AMANI AFRICA II et par un Exercice de

d’une « capacité africaine de réponse immédiate aux crises », 6e réunion ordinaire du comité technique spécialisé sur
la défense, la sûreté et la sécurité, Réunion préparatoire des chefs d’état-major, Addis-Abéba, Ethiopie, 29 – 30 avril
2013, RPT/Exp/VI/STCDSS/(i‐a)2013, par. 6.
161
Voir Catherine GUICHERD, « La naissance d’une force africaine en attente », op. cit., pp. 74-75 .
162
Rapport de la présidente de la Commission sur l’opérationnalisation de la capacité de déploiement rapide de la
force africaine en attente et la mise en place d’une « capacité africaine de réponse immédiate aux crises », op. cit.,
par. 7.
163
Jean Ping, Allocution pour l’ouverture de l’exercice de poste de commandement AMANI AFRICA, Addis-Abeba,
20 Octobre 2010.
164
La feuille de route III de la FAA a été adoptée lors de la 5e réunion ordinaire du Comité Technique spécialisé sur
la défense, la sureté et la sécurité (CTSDSS) tenue à Addis-Abeba le 26 octobre 2011 et approuvée par la 20 e session
ordinaire du Conseil exécutif, tenue à Addis-Abeba du 23 au 27 janvier 2012, EX.CL/Dec. 681(XX).

50
terrain en 2015.165 L’objectif étant de « valider la capacité de l’Union africaine à accorder un
mandat pour l’emploi d’une Capacité de déploiement rapide, en tant qu’opération d’entrée de
théâtre (scénario 6) et à conduire, dans la foulée, une opération pleinement multidimensionnelle
de soutien à la paix (scénario 5) ».166

Le dispositif de la FAA intègre également une Capacité de Déploiement Rapide censée permettre
à l’Union de répondre à des situations d’urgence. Le but de cette capacité est de permettre une
intervention rapide dans une crise pour mettre un terme à des conflits violents et/ou à des atrocités
et pour stabiliser la situation ou pour apporter une assistance urgente dans les cas de catastrophes
naturelles ou humaines.167

Le Document - cadre dispose sur la Capacité de Déploiement Rapide (CDR) qu’« En situation
d’urgence, l’OUA (UA) doit prendre des mesures préventives préliminaires, tout en se préparant
à une action plus globale pouvant nécessiter l’intervention de l’ONU. Ici, l’accent est mis sur la
rapidité de l’action et du déploiement ».168 À la suite des divergences sur la nature, l’emplacement
et les liens entre le commandement et le contrôle de la CDR, il a été admis qu’elle soit partie
intégrante des différentes Forces en attente. Il est prévu qu’elle soit déployée en avant garde d’une
mission de plus grande envergure. La Feuille de route III avait recommandé que la CDR soit testée,
évaluée et rendue opérationnelle en 2012. Ce qui n’a pas été le cas, la Capacité de déploiement
rapide n’est pas encore fonctionnelle.

165
Le cycle d’entrainement AMANI AFRICA II a été lancé en septembre 2011 à Addis-Abeba par l’Union avec le
soutien de la Commission européenne. Voir pour plus de détails l’Allocution d’ouverture de la Conférence de
lancement de l’Exercice Amani Africa II du président de la Commission de l’Union, Jean Ping prononcée le 26 octobre
2011, à Addis-Abeba en Ethiopie.
166
La Conférence initiale de planification tenue du 7 au 9 mars 2012 a permis de finaliser les spécifications de
l’Exercice et de fixer le cadre général du Cycle, voir Rapport de la présidente de la Commission sur
l’opérationnalisation de la capacité de déploiement rapide de la force africaine en attente et la mise en place d’une
« capacité africaine de réponse immédiate aux crises », op. cit., par. 12.
167
Jakkie CILLIERS, « Force Africaine en Attente : État des progrès accomplis dans sa mise en place », op.cit., p.11.
168
Document - cadre pour la mise en place de la Force africaine en attente et du Comité d’état-major, par 1.4 (a). Pour
plus de détails sur la CDR, voir Jakkie CILLIERS, « Force Africaine en Attente : État des progrès accomplis dans sa
mise en place », op.cit., pp. 10-13.

51
Au regard de la lenteur de la mise en œuvre de la FAA et de la Capacité de déploiement rapide et
face à la résurgence des crises, il a été décidé la création de la Capacité africaine de réponse
immédiate aux crises en abrégé (CARIC). Il s’agit d’un instrument opérationnel de sécurité
collective conçu comme un arrangement transitoire pour combler les insuffisances relevées dans
les réponses de l’Union africaine aux crises urgentes sur le continent. La récente crise malienne a
par exemple rappelé l’absence et l’importance d’une force panafricaine d’intervention capable de
répondre diligemment aux urgences.169 Les interventions françaises au Mali et en Centrafrique qui
ont permis une sécurisation et une stabilisation des zones de conflits, suivies par des déploiements
de missions des Nations Unies ont sérieusement écorné ce principe d’appropriation africaine de la
gestion des conflits par les Organisations régionales africaines. La crise malienne a remis à l’ordre
du jour l’urgence de la concrétisation du dispositif continental africain d’intervention constitué par
la FAA et la Capacité d’intervention rapide. C’est ce besoin de faire face à des défis sécuritaires
immédiats afin de pallier les retards de mise en œuvre des instruments d’intervention de l’Union
qui justifie l’initiative de la CARIC.

La CARIC est conçue comme une force exclusivement militaire, efficiente, robuste, crédible et
facile à déployer.170 Elle doit être apte à mener des opérations de durée et à objectifs limités ou de
permettre la création de conditions favorables à l’engagement d’opérations de paix de l’Union
africaine ou de missions conjointes avec l’ONU de plus grande envergure.171

La direction politique, la conduite stratégique ainsi que l’activation de la CARIC relèvent de la


présidence de la Commission de l’Union africaine qui fait une délégation générale de ces

169
Face à l’offensive des groupes armés et à l’incapacité de l’Union africaine ainsi que de la CEDEAO à apporter une
réponse concrète à la demande d’assistance du gouvernement malien qui a dû faire recours à la France qui a lancé
l’opération « Serval » pour bloquer l’avancée des groupes armées et permettre le processus de libération du pays. Sans
oublier également l’opération Sangaris menée par la France en Centrafrique en décembre 2013.
170
Il est prévu un délai maximal de 10 jours pour sa constitution, voir le Rapport de la présidente de la Commission
sur l’opérationnalisation de la Capacité de Déploiement Rapide, de la Force Africaine en Attente et la mise en place
d’une « Capacité Africaine de Réponse Immédiate aux Crises», adoptée lors de la 6e réunion ordinaire du Comité
Technique Spécialisé sur la défense, la sureté et la sécurité, Réunion préparatoire des chefs d’État-major, Addis-
Abeba, Éthiopie, 29-30 avril 2013, RPT/Exp/VI/STCDSS/(i-a) 2013, p. 8, par. 27
171
Ibid, p. 7, par. 26.

52
prérogatives au Commissaire à la paix et à la sécurité.172 La constitution se fera sur la base de
contribution volontaire des Etats membres, le principe étant celui de la mutualisation des
ressources pour la mise en place d’une force à partir de capacités existantes.173 La procédure de
constitution se fera par la sélection de modules nationaux proposés par les Etats et sélectionnés au
terme d’un processus impliquant le respect de critères opérationnels. Les unités retenues sont mises
à la disposition de la Commission de l’Union africaine par les Etats membres et déployées
conformément aux règles et procédures de l’Union.174 Avant même sa concrétisation, la CARIC
fait l’objet de quelques réserves et réticences.175 Conçue pour pallier les retards de mise en œuvre
de ces dernières, la CARIC elle-même se retrouve confrontée à diverses problématiques. Sa mise
en œuvre pourrait engendrer de nouvelles difficultés ou même complexifier celles existantes.176

Sur le terrain pratique, il convient de noter que malgré la lenteur et la lourdeur dont on peut faire
constat dans la concrétisation des dispositifs d’intervention, les opérations de paix africaines se

172
Voir sur le schéma de la chaine générique de commandement et de contrôle de la CARIC, le Rapport de la
présidente de la Commission sur l’opérationnalisation de la Capacité de Déploiement Rapide, de la Force Africaine
en Attente et la mise en place d’une « Capacité Africaine de Réponse Immédiate aux Crises », op. cit., p. 9.
173
Michel LUNTUMBUE, « APSA : Contours et défis d’une Afrique de la défense », avec la participation de Oswald
Padonou, Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la sécurité (GRIP), 15 janvier 2014, p. 9, disponible
sur http://www.grip.org/sites/grip.org/files/NOTES_ANALYSE/2014/NA_2014-01-16_FR_M-LUNTUMBUE.pdf,
consulté le 22 février 2016.
174
Il est important de préciser cependant que les États membres conservent le contrôle administratif de leurs forces
sur le terrain des hostilités. Ils pourront éventuellement être relevés de cette responsabilité un mois après le
déploiement.
175
Déjà, les ministres africains de la Défense avaient exprimé de fortes réserves sur le concept lors d’une réunion
tenue à Addis- Abeba, le 30 avril 2013 après avoir pris connaissance d’un Rapport présenté par la présidente de la
Commission sur la question. Les ministres proposent plutôt une évaluation exhaustive sur les défis rencontrés dans la
mise en œuvre de la FAA et de la CDR. Certains pays auraient également exprimé la crainte d’une duplication des
efforts lors de la 21 -ème session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine
(tenue les 26 et 27 mai 2013) et auraient marqué leur préférence à la suggestion des ministres de la Défense, ISS
Today, 03 juin 2013, disponible sur
http://www.operationspaix.net/DATA/DOCUMENT/7977~v~Une_reactivite_accrue_de_l_Afrique_aux_situations_
de_crise_.pdf, consulté le 16 octobre 2015.
176
Il est reproché au mécanisme de couver un risque latent d’affrontement avec les dispositifs en construction. Aussi,
comme il a été relevé de façon pertinente, la question se pose de savoir s’il est possible de créer à court terme une
force exclusivement panafricaine, Voir Samuel NGUEMBOCK, « La CARIC (capacité africaine de réponse
immédiate aux crises) : Enjeux géopolitiques et défis de la mise en œuvre », Note d’Analyse Politique n.15, janvier
2014, Institut de Recherche et d’Enseignement sur la Paix, pp. 4-6.

53
sont considérablement développées au cours de la dernière décennie. L’Union africaine et les
Communautés Économiques Régionales (CER) / Mécanismes régionaux ont déployé plusieurs
opérations de paix à travers le continent. L’Union a expérimenté son premier déploiement au
Burundi. Il s’agit de la Mission de l’UA au Burundi (MIAB), autorisée par l’Organe Central de
l’OUA en février 2003 dans le cadre de la mise en œuvre des Accords d’Arusha conclus en
décembre 2002.177 Cette opération d’un effectif de 3500 hommes a permis de créer des conditions
pour un déploiement des Nations Unies. Elle a été remplacée par l’Opération des Nations Unies
au Burundi (ONUB) en juin 2004.178

Dès mai 2004, l’Union africaine a entrepris une mission suffisamment complexe au Darfour, la
Mission de l’UA au Soudan (MUAS).179 Elle a également dû faire face à des défis considérables
dans le cadre de sa mission de paix en Somalie, l’AMISOM (African Mission in Somalia). Cette
opération est directement pilotée par l’Union africaine.180

Les missions au Mali et en République Centrafricaine ont été déployées au prix de rudes efforts et
dans des conditions difficiles.181 A ces opérations de grande envergure s’ajoutent des missions de

Voir Communiqué Central Organ/MEC/AHG/Comm.(viii) de la 7e session ordinaire de l’Organe central, tenue à


177

Addis-Abeba, le 3 février 2003.


178
Le CPS a autorisé une Force spéciale de protection de 800 hommes pour la sécurité des dirigeants et combattants
du Palipehutu FNL. Principalement fournie par l’Afrique du Sud, la force est restée au Burundi jusqu’en décembre
2009. Voir Communiqué PSC/PR/Comm.(LXV) de la 65 e réunion du CPS tenue le 09 novembre 2006.
179
Sur la Mission de l’Union africaine au Darfour (MUAS) qui a été remplacé en 2007 par la Mission hybride des
Nations Unies et de l’Union Africaine (MINUAD), voir entre autres les Rapports du président de la Commission de
l’Union africaine sur la situation au Darfour : 45e réunion du CPS, 12 janvier 2006, PSC/PR/2(XLV) ; 46e réunion du
CPS, 10 mars 2006, PSC/MIN/2(XLVI), 63 e réunion du CPS du 18 septembre 2006, PSC/MIN/2(LXIII) ; voir aussi
Michel LIEGEOIS, « Opérations hybrides : Premières leçons de la MINUAD », op. cit., pp. 39- 58.
180
Sur l’AMISOM, voir entre autres, le Rapport du président de la Commission sur la situation en Somalie soumis à
la 69e réunion du CPS du 19 janvier 2007 (PSC/PR/2(LXIX) ; le Communiqué PSC/PR/Comm(LXIX) ; le Rapport
du président de la Commission à la 245e réunion du CPS, tenue le 15 octobre 2010 (PSC/MIN/1(CCLXLV) et le
communiqué PSC/MIN/Comm(CCLXLV).
181
La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation du Mali (MINUSMA) a été créée
par la résolution 2100 (S/RES/2100 (2013) du Conseil de sécurité de l’ONU en remplacement de la Mission
internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA) de la CEDEAO et de l’Union africaine. Sur la
participation du CPS à la gestion de la crise malienne, voir les documents suivants :
PSC/MIN/COMM.2(CCCXXXIX); PSC/PR/COMM.2(CCCXLI); les résolutions du Conseil de sécurité :
(S/RES/2100 (2013)) du 25 avril 2013 ; S/RES/2056 (2012)) du 05 juillet 2012; S/RES/2071 (2012)) du 12 octobre
2012; S/RES/2085 (2012) du 20 décembre 2012. Sur l’historique de la MISMA, voir Thomas POULIN, « Historique

54
moindre ampleur comme l’appui aux élections,182 l’observation et le suivi de la mise en œuvre
d’accords de paix183 ainsi que la mise en place d’opérations ponctuelles pour mettre fin à des
activités de groupes rebelles.184

Au Courant de l’année 2013, des forces (composantes civiles et militaires) totalisant un personnel
d’environ 71.000 (ce chiffre prend en compte l’opération hybride de l’Union africaine et de l’ONU
au Darfour) membres ont servi dans des opérations de paix de l’Union africaine.185 Les acteurs

de l’opération MISMA », Réseau de Recherche sur les Opérations de paix (ROP), 3 avril 2013,
http://www.operationspaix.net/167-historique-misma.html, consulté le 22 février 2016. Au 31 octobre 2013, la
MINUSMA comptait 96% de contingents africains de son effectif qui était 4.400hommes en armes en janvier 2014.
Dans le cas de la Centrafrique, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 2127 autorisant le
déploiement d’une force française en République centrafricaine en appui à la Mission internationale de soutien à la
Centrafrique sous conduite africaine (MISCA) qui a pris le relai de la MICOPAX (qui relevait de la Communauté
économique des États d’Afrique centrale), le 19 décembre 2013. Crée le 10 avril 2014 par la résolution du Conseil de
sécurité S/RES/2149 (2014), la MINUSCA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la
Stabilisation en Centrafrique) remplace la MISCA. Sur la crise centrafricaine, voir principalement, le Rapport de la
présidente de la Commission sur la situation en République Centrafricaine et les activités de la Mission Internationale
de Soutien à la Centrafrique sous conduite africaine, adoptée à la 416e réunion des chefs d’État et de gouvernement,
Addis-Abeba, Éthiopie, 29 janvier 2014, PSC/AHG/4(CDXVI). Voir aussi sur l’historique de la création de la création
de la MINUSCA, Salomé PONSIN, « Historique de l’opération MINUSCA », Réseau de Recherche sur les Opérations
de paix (ROP), 23 février 2015, http://www.operationspaix.net/190-historique-minusca.html, consulté le 22 février
2016.
182
Le Conseil de paix a autorisé en mars 2006, le déploiement de la Mission de l’UA pour le soutien aux élections
aux Comores (AMISEC), voir PSC/PR\Comm.1(XLVII), 47e réunion du Conseil de paix et de sécurité du 21 mars
2006.
183
L’Union africaine a déployé des observateurs militaires au Sud Soudan afin de suivre la mise en œuvre de l’Accord
de cessation des hostilités conclu en août 2006 entre le gouvernement Ougandais et l’Armée de Résistance du Seigneur
(LRA). Déployée courant avril 2007, la mission a pris fin en juin 2009 à la suite du refus de Joseph Koni, chef de la
LRA de signer l’Accord final de paix de Juba, voir El-Ghassim WANE, « L’Union africaine à l’épreuve des opérations
de soutien à la paix : Entre innovations institutionnelles et contraintes opérationnelles », Guide du maintien de la paix,
2011, p. 66.
184
L’Union africaine a pris des dispositions pour le déploiement d’une Force régionale d’intervention (FRI) afin de
mettre fin aux activités de la LRA, voir sur la constitution de cette Force, la Décision adoptée par la 15 e session
ordinaire de la Conférence de l’Union, tenue à Kampala, en Ouganda du 25 au 27 juillet 2010,
Assembly/AU/Dec.249(XV).
185
Voir Walter LOTZE, « Strengthening African Peace Support Operations : Nine Lessons for the Future of African
Standby Force », Policy Briefing, Center for International Peace Operations (ZIF), December 2013, p. 1, disponible
sur http://www.zif-
berlin.org/fileadmin/uploads/analyse/dokumente/veroeffentlichungen/ZIF_Policy_Briefing_Walter_Lotze_Dec_201
3.pdf, consulté le 23 février 2016 ; voir aussi sur les statistiques sur
http://www.providingforpeacekeeping.org/profiles/, consulté le 23 février 2016.

55
régionaux africains à travers ces efforts ont réussi à se positionner comme des acteurs
incontournables et des partenaires clefs en matière de maintien de la paix et de la sécurité en
Afrique.

Sur un autre aspect, il convient de reconnaitre avec certains auteurs que les expériences de l’Union
africaine et des acteurs sous régionaux dans la gestion des conflits en Afrique au cours de la récente
décennie ont permis de noter l’émergence de modèles d’opérations de paix qui ne correspond pas
aux scénarios et hypothèses multidimensionnelles de mission qui soutiennent la force africaine en
attente.186 Le Document-cadre de la Force africaine en attente avait prévu six scénarios de
déploiement, mais ceux-ci ne correspondent pas aux expériences vécues sur le terrain de la pratique
des opérations de paix déployées par les Organisations régionales africaines.187 La pratique a
également révélé des spécificités propres au continent africain dans la conduite des opérations de
paix. La plupart des opérations de paix déployées par l’Union africaine ont consisté
essentiellement en des missions de stabilisation.188 Contrairement aux opérations de paix des

186
Voir sur ce constat Cedric de CONING, Linnéa GELOT et John KARLSRUD, « Options Stratégiques pour
l’Avenir des Opérations de Paix Africaines 2015-2025 », Rapport de Séminaire, publié par l’Institut Norvégien des
Affaires Internationales, numéro 1, 2015, disponible https://www.diva-
portal.org/smash/get/diva2:787584/FULLTEXT01.pdf, consulté le 23 février 2016 ; Walter LOTZE, « The Future of
African Peace Operations : Time to adjust the Operational Design », Policy Briefing, Center for International Peace
Operations (ZIF), May 2015, disponible sur http://www.zif-
berlin.org/fileadmin/uploads/analyse/dokumente/veroeffentlichungen/ZIF_Policy_Briefing_Walter_Lotze_Future_A
frican_Peace_Operations_May_2015.pdf, consulté le 23 févier 2016.
187
Par exemple, les déploiements d’opérations de paix au Mali et en Centrafrique bien que se rapprochant au cadre
initial prévu pour la mise en œuvre de la force africaine en attente (déploiement à partir d’une collaboration entre
l’Union africaine et les Communautés économiques régionales) ne s’y conforment pas strictement pour autant. Les
opérations de paix au Darfour et en Somalie quant à elles se rapprochent plus de l’approche du maintien de la paix des
Nations Unies (mandat de l’Union africaine contribution volontaires des pays), celles du Burundi (2003) et des
Comores (2008) s’inscrivent dans un modèle de nation leader (les Etats ayant des intérêts géostratégiques en jeu
tiennent un rôle de premier plan dans le déploiement), les interventions de la CEDEAO au Libéria et en Sierra Léone
relèvent de ce modèle. Un dernier modèle a consisté à un déploiement d’une mission dans le cadre d’une coalition de
pays touchés par un conflit à dimension régional, c’est le cas du Groupe de Travail régional constitué afin de mettre
fin aux activités de l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA) ou de la Force Opérationnelle Multinationale interarmée
pour lutter contre le groupe terroriste Boko Haram, voir sur ces modèles Walter LOTZE, « The Future of African
Peace Operations : Time to adjust the Operational Design », op. cit., pp. 2-3.
188
Quoique le terme stabilisation soit employé assez souvent par l’Union africaine pour relever le caractère offensif
de ses missions de paix, il n’a pas encore été clairement défini ni conceptualisé par elle. Or le terme fait l’objet de
controverses en doctrine, voir Jan BACHMAN, « Policing Africa: The US Military and visions of crafting ‘good

56
Nations Unies, les missions de l’Union sont offensives et déployées en pleine période d’hostilités
pour enrayer le conflit et stabiliser la situation sécuritaire.189 Cette forme d’intervention s’est
imposée à l’Union au regard des nouvelles formes de conflicts caractérisés le plus souvent par une
violence exacerbée. Il semble être admis de nos jours que les traditionnelles missions
multidimensionnelles de maintien de la paix de l’ONU ne soient plus adaptées aux défis
sécuritaires auxquels sont confrontés les organismes régionaux africains.190 De fait, les opérations
de maintien de la paix des Nations Unies sont habituellement déployées pour la surveillance des
accords de cessez- le- feu et l’appui à la mise en œuvre des accords de paix. Elles n’interviennent
qu’après la signature d’un accord de paix. Ceci oblige l’Union africaine à faire face en premier à
ces violences à travers des missions offensives pour imposer la paix et obtenir si possible un
cessez-le-feu qui pourrait ouvrir la voie à un déploiement des missions des Nations Unies. Les
Organisations régionales africaines jouent dans ce sens un rôle avant-gardiste dans la résolution
des conflits sur le continent dans l’attente d’un déploiement onusien.

Aussi, les opérations de paix africaines sont généralement de courte durée. Les missions de paix
qui ont été conduites jusque-là par l’Union ont toutes pratiquement connu une durée de six à dix-
huit mois, mis à part l’AMISOM.191 Elles ont pour la plupart servi à assurer une stabilisation

order’ », in Jan BACHMAN, Colleen BELL, Caroline HOLMQVIST, War, Police and Assemblages of intervention,
Routledge, 13 novembre 2014, 258 p.
189
Voir notamment, la Note sur le rapport du Groupe d’Experts Union africaine-Nations Unies sur les modalités
d’appui aux opérations de maintien de la paix de l’Union africaine, Addis-Abeba, Ethiopie, 13 mars 2009, p.7, par.
21(i) ; voir aussi Cedric de CONING, Linnéa GELOT et John KARLSRUD, « Options Stratégiques pour l’Avenir des
Opérations de Paix Africaines 2015-2025 », op. cit., pp. 11-12 ; Jakkie CILLIERS, « Force Africaine en Attente : État
des progrès accomplis dans sa mise en place », op.cit., pp. 8-9.
190
Voir le Rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix des Nations Unies
intitulé « Unissons nos forces pour la paix : privilégions la politique, les partenariats et l’action en faveur des
populations », adressé au Secrétaire général par lettre datée du 16 juin 2015, A/70/95 – S/2015/446, p.9, le Groupe
note que les opérations de paix des Nations Unies ont du mal à atteindre leurs objectifs au regard des changements
intervenus en matière de conflits, voir également Medard KIENOU qui soutient l’échec de l’ONU à prendre en compte
la spécificité des conflits africains, Medard KIENOU, « Le règlement pacifique des différends entre États africains »,
op. cit., pp. 324-332.
191
Les conditions semblent ne pas encore être réunies dans le cas de la Somalie pour permettre un passage à main à
une mission des Nations Unies.

57
minimale pour permettre à l’ONU de prendre le relai.

La prise en compte de ces réalités a servi à revisiter le cadre théorique de la Force africaine en
attente pour intégrer les enseignements tirés des expériences acquises dans la conduite des
opérations de paix. C’est dans ce sens que le groupe indépendant d’experts chargé par l’Union
africaine de faire une revue de la force africaine en attente a recommandé la révision du concept
de la Force ainsi que l’établissement d’une vision des opérations de maintien de la paix en Afrique.
Cette recommandation a été approuvée par l’Assemblée de l’Union africaine, même si sa mise en
œuvre reste encore incertaine.192

Section II : Les Communautés économiques régionales, acteurs clés du maintien de la paix


en Afrique

A côté de l’Union africaine, plusieurs autres Organisations régionales interviennent dans le


maintien de la paix et de la sécurité dans leurs aires respectives. Parmi les plus actives, l’on note
la CEDEAO en Afrique de l’Ouest, la SADC pour l’Afrique australe, la CEEAC en Afrique
centrale, l’IGAD en Afrique de l’Est et la Communauté des Etats Sahélo-sahariens (CEN-SAD)
pour les Etats sahélo-sahariens. Initialement destinées à favoriser l’intégration économique,
sociale et culturelle du continent, les Communautés économiques régionales s’engagent en matière
de paix et sécurité dans les années 1990 à la suite de la nouvelle conjoncture mondiale qui placent
les acteurs régionaux au cœur des conflits qui éclataient sur le continent.193 Certaines Organisations
régionales vont mener des interventions avant d’avoir mis en place des mécanismes institutionnels
dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité. Ainsi, soucieuses de doter leur engagement
d’une base juridique et d’une légitimité, les Communautés économiques régionales développent
des cadres institutionnels de gestion des conflits pour prendre en main le maintien de la paix dans
leurs zones respectives. L’Union africaine dès sa création leur accorde une place particulière à

192
Cité par Walter LOTZE, « The Future of African Peace Operations: Time to adjust the Operational Design », op.
cit., pp. 3-4.
Abou ABASS, « La CEDEAO et le maintien de la paix et de la sécurité internationales », L’observateur des Nations
193

Unies, n°14, 2003, pp. 3-4.

58
travers leur intégration dans l’architecture africaine de paix et de sécurité194. Selon le Protocole
relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité, les mécanismes régionaux font « partie
intégrante de l’architecture de sécurité de l’Union ».195 Partant, des règles ont été établies pour
harmoniser et coordonner les activités de ces Communautés avec celles de l’Union. Cependant, la
pluralité des Organisations qui interviennent suscite des réflexions sur les règles censées gouverner
les relations entre ces multiples acteurs.

Paragraphe I : L’extension des compétences des Communautés économiques régionales : de


l’intégration économique au maintien de la paix

Les Communautés économiques régionales sont des structures d’Organisation et d’harmonisation


en Afrique. Elles sont les piliers de la Communauté Économique Africaine.196 Certaines d’entre
elles préexistent à l’OUA qui, à sa création reconnaît leur importance et tente d’instituer une
coopération avec celles-ci.197 Cette acceptation favorise une exacerbation des regroupements sous
régionaux au point de créer une multitude d’Organisations intergouvernementales dans une même
aire géographique.198 Dans la perspective d’une coordination de ces regroupements, l’OUA avait
identifié et attribué le statut de Communautés économiques régionales à quatorze Organisations :
huit Communautés économiques régionales et six Communautés économiques sous-régionales.199

194
Dès la Déclaration de Syrte qui consacre la mutation de l’OUA, les États décident de « renforcer et de consolider
les Communautés économiques régionales qui constituent les piliers de la réalisation des objectifs de la Communauté
Économique Africaine et de l’Union envisagée. Voir la Déclaration de Syrte, adoptée le 9 septembre 1999, en Lybie,
para.8, (ii, c).
195
Article 16.1 du Protocole relatif à la création du CPS.
196
Voir sur la Communauté économique africaine Ahmed MAHIOU, « La Communauté économique africaine »,
Annuaire français de droit international, vol.39, 1993, pp. 798-819.
197
Des regroupements régionaux existaient dans la plupart des régions africaines dans les années 60, avant la création
de l’OUA (qui a vu le jour en mai 1963) notamment l’Organisation des services communs de l’Afrique de l’Est (crée
en 1917 et regroupait le Kenya et l’Ouganda) ou l’Union douanière de l’Afrique australe (SACU), initialement crée
en 1910 sous le nom de Customs Union Agreement entre l’Union Sud-africaine et la Haute Commission des territoires
du Bechuanaland (actuel Botswana), du Basutoland ( actuel Lesotho) et du Swaziland, elle a été rebaptisée en 1969,
http://www.afdb.org/fr/news-and-events/article/the-oldest-customs-union-in-the-world-hails-from-africa-12515/,
consulté le 24 février 2016.
198
Voir François GONIDEC, Les organisations internationales africaines : Etude comparative, Paris, l’Harmattan,
1987, pp. 23-24.
199
Dans le cadre d’une telle reconnaissance, la définition de la région est fondée sur des critères géographiques et se
réfère à la décision de l’OUA de faire un découpage de l’Afrique en cinq régions : Afrique du Nord, Afrique de

59
Ces Organisations régionales reposent sur divers fondements, d’ordre historique, culturel,
géographique, politique mais le fondement économique est le plus prégnant.200 Tandis que l’OUA
se donnait pour ambition principale la libération politique du continent, les Communautés
économiques régionales s’attachaient aux problématiques d’intégration et de développement
économique. Elles envisageaient le progrès économique à partir d’une intégration progressive en
passant par une union douanière pour aboutir à un marché commun.201 L’objectif économique est
clairement exprimé dans les actes constitutifs de ces Organisations. L’article 2 du Traité d’Abuja
de 1975 instituant la CEDEAO précise que celle-ci a pour but de « promouvoir la coopération et
le développement dans tous les domaines de l’activité économique ».202 Selon l’article 4 du traité
de la CEEAC, l’objectif de la Communauté est de « promouvoir et de renforcer une coopération
harmonieuse et un développement équilibré et auto-entretenu dans tous les domaines de l’activité
économique et sociale ». La SADCC qui a été remplacé par la SADC avait comme principal
objectif la réduction de la dépendance économique de ses membres à l’égard de l’Afrique du Sud
alors sous régime d’apartheid ainsi que le développement d’une coopération interétatique dans le
but d’une libération économique.203 La transformation de l’Organisation avait pour but principal

l’Ouest, Afrique centrale, Afrique de l’Est, et Afrique australe, voir la Résolution du Conseil des ministres
CM/Res.464 (XXVI) de 1976, portant création des régions de l’OUA/UA.
200
Voir M. GLELE-AHANHANZO, Introduction à l’Organisation de l’Unité Africaine et aux Organisations
régionales africaines, Paris, LGDJ, 1986, p. 47. Sur les fondements historique et culturel François GONIDEC, Les
organisations internationales africaines : Etude comparative, op. cit., p. 20, Edmond K. KOUASSI, Organisations
internationales africaines, Paris, Berger-Levrault, 1987, pp. 61-72 ; sur le fondement politique Maurice GLELE-
AHANHANZO, Introduction à l’Organisation de l’Unité Africaine et aux Organisations régionales africaines, op.
cit., p. 57 ; sur le fondement géographique Ousséini ILLY, L’OMC et le régionalisme : le régionalisme africain,
Bruxelles, Larcier, 2012, pp. 138-139.
201
Voir Ibou DIAÏTÉ, « L’intégration régionale : réponse aux problèmes de l’État et de la nation dans l’Afrique
d’aujourd’hui : aspects juridiques », Présence africaine, 1983, n. 127-128, p. 377.
202
Ce but est confirmé par le Traité révisé de la CEDEAO de 1993, son article 3 al.1 confirme que « La Communauté
vise à promouvoir la coopération et l’intégration dans la perspective d’une Union économique de l’Afrique de l’Ouest
en vue d’élever le niveau de vie de ses peuples, de maintenir et d’accroitre la stabilité économique, de renforcer les
relations entre les États membres et de contribuer au progrès et au développement du continent africain ».
203
La Conférence de coordination pour le développement de l’Afrique australe (SADCC) a vu le jour en 1980 à Lusaka
en Zambie. En 1991, les responsables de la région décident de sa mutation en la Communauté de développement
d’Afrique Australe SADC (en anglais Southern African Development Community). L’article 5 qui énonce les objectifs
de la nouvelle organisation fait mention de la réalisation du développement et de la croissance économique. La SADC
regroupe une quinzaine de pays dont : l’Angola, le Botswana, la République Démocratique du Congo, le Lesotho,
Madagascar, le Malawi, l’Île Maurice, le Mozambique, la Namibie, les Seychelles, l’Afrique du Sud, le Swaziland, la

60
de mettre l’accent sur l’intégration du développement économique. L’Autorité
intergouvernementale contre la sécheresse et pour le développement (IGADD en anglais The
Intergovernmental Authority on Drought and Developpement) affichait pour sa part des objectifs
purement économiques. Son article 7 relève par exemple le fait de « coordonner et compléter les
efforts entrepris par les Etats membres pour combattre les effets de la sécheresse et des
catastrophes naturelles connexes, soutenir leurs efforts de développement et les aider à traiter le
problème du redressement et de la réhabilitation à moyen et long terme ».204 L’Union du Maghreb
Arabe (UMA) qui fait partie des cinq régions issues du découpage du continent par l’OUA a
également été créée sur une base économique.205 Ses objectifs consistent entre autres à la :

« réalisation progressive de la libre circulation des personnes, des marchandises et des capitaux entre les Etats
membres, l’adoption d’une politique commune dans tous les domaines, surtout en matière économique dans
une perspective d’instituer à terme une union maghrébine ».206

Cependant ces buts économiques vont évoluer sous diverses contraintes pour inclure des
compétences en matière de paix et de sécurité.207 Dans les années 1990, les Communautés

Tanzanie, la Zambie et le Zimbabwe. Voir Southern Africa: Toward Economic Liberation. A Declaration by
Government of Independent States of Southern Africa made at Lusaka on 1 April 1980;
http://www.uneca.org/fr/oria/pages/sadc-communauté-de-développement-dafrique-australe, consulté le 11 novembre
2015; http://www.operationspaix.net/14-fiche-d-information-de-l-organisation-sadc.html, consulté le 11 novembre
2015.
204 Créée en 1986 sur initiative de l’Assemblée générale des Nations Unies à la suite de la famine qui a frappé
l’Ethiopie, l’IGADD avait pour mandat la lutte contre la famine et la sécheresse dans la corne de l’Afrique, voir la
résolution de l’Assemblée générale du 5 décembre 1980, Assistance aux régions victimes de la sécheresse à Djibouti,
en Ouganda, en Somalie et au Soudan, A/RES/35/90, par. 6. L’organisation a été par la suite rebaptisée IGAD
(Autorité Intergouvernementale pour le Développement en anglais The Intergovernmental Authority on Development)
en mars 1996 pour élargir sa mission à des questions politiques, commerciales et de développement économique.
L’IGAD regroupe de nos jours huit pays d’Afrique orientale : Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Kenya, Ouganda, Somalie,
Soudan et le Soudan du Sud. Le siège de l'Autorité est établi à Djibouti. Voir la fiche d’information de l’organisation
sur http://www.operationspaix.net/8-fiche-d-information-de-l-organisation-igad.html, consulté le 11 novembre 2015.
205
L’UMA est la Communauté économique régionale qui a été désigné par l’UA pour constituer une brigade dans le
cadre de la mise en œuvre de la force africaine en attente au compte de l’Afrique du Nord.
206
Voir http://www.maghrebarabe.org/fr/obj.cfm, consulté le 12 novembre 2015. L’UMA regroupe cinq pays :
l’Algérie, la Lybie, le Maroc, la Tunisie ainsi que la Mauritanie. Le siège de l’organisation se trouve à Rabat au Maroc.
207
Au niveau international, la fin de la guerre froide s’accompagne de l’éclatement d’une multitude de conflits, d’un
retrait des puissances extérieures ainsi que de l’impuissance des Nations Unies à prendre en charge toutes ces crises.
Sur le continent africain, l’OUA affiche une impuissance à gérer les conflits qui ne cessent de se proliférer. Les

61
économiques régionales se retrouvent dans l’obligation de réagir face à des conflits qui
présentaient des risques de déstabilisation politique et économique pour les pays voisins.208 La
CEDEAO a été la première communauté à s’être engagée dans la résolution des conflits de sa sous-
région après le constat de l’échec des mécanismes de l’OUA. Elle mène des interventions au
Libéria (août 1990 à octobre 1999), puis en Sierra Léone (février 1998 à mars 2000), en Guinée
Bissau (décembre 1998 à juin 1999).209 La SADC lui emboite le pas par son engagement dans les
conflits en RDC (1998) et au Lesotho (1994 et 1998). On assiste ainsi à l’extension progressive
des compétences de ces Organisations qui embrassent désormais le champ du maintien de la paix
au travers de leurs pratiques, de reformes normatives de leurs actes constitutifs ainsi que par la
mise en place de nouveaux mécanismes juridiques.

La CEDEAO a été la première Organisation à se doter de compétences institutionnelles et


normatives en matière de maintien de la paix et de la sécurité. L’élargissement de ses compétences
au maintien de la paix et de la sécurité a été le résultat d’un processus qui a vu la pratique précéder
les fondements juridiques. Il est cependant vrai qu’avant ses interventions au Libéria, en Sierra
Léone et en Guinée Bissau, la CEDEAO avait entrepris la création d’un régime de sécurité

communautés économiques régionales se voient contraintes de faire face aux conflits qui comportaient des risques de
déstabilisation économique et politique des pays voisins.
Amandine GNANGUENON, « La mise en œuvre de la force africaine en attente, à l’épreuve de la relation UA/CER
208

», in Matthieu FAU-NOUGARET, Luc M. IBRIGA, l’architecture de paix et de sécurité en Afrique, Bilan et


perspectives, Paris, l’Harmattan, 2014, p.184.
209
La légalité de ces interventions a été considérée comme douteuse, voir sur cette question Abou ABASS, « La
CEDEAO et le maintien de la paix et de la sécurité internationales », op. cit., pp.22-24 ; Georg NOLTE, « Combined
Peacekeeping : ECOMOG and UNOMIL in Liberia », International Peacekeeping, March-May, 1994, p. 43 ;
MELDJE DJEDJRO, « La Guerre civile du Libéria et la question de l’ingérence dans les affaires intérieures des Etats
», Revue Belge de Droit International, vol. 26, 1993, p. 413 ; Ademola ABASS, « Conflict Resolution in Africa : the
Implementation of ECOWAS New Protocol and Security Council Resolution 1270 in Sierra-Léone : New
Developments in Regional Intervention », University of Miami International and Comparative Law Review, vol. 10,
no1, 2002, p. 204 ; Karsten NOWROT and Emily W. SCHABACKER, « The Use of Force to Restore Democracy :
International Legal Implications of the ECOWAS Intervention in Sierra Leone », American University International
Law Review, vol. 14, n. 2, 1998, pp. 334-404 ; Georg NOLTE, « Restoring Peace by Regional Action : International
Legal Action. International Legal Aspects of the Liberian Conflict », zeitschrift fur auslndisches offentliches recht und
volkerrecht, vol. 53, no3, 1993, p.213; Kofi O. KUFUOR, « The Legality of the Intervention in the Liberian Civil War
by the Economic Community of West African States », African Journal of International and Comparative Law, vol.
5, no3, 1993, p. 538; Funmi OLONISAKIN, Reinventing Peacekeeping in Africa: Conceptual and Legal Issues in
ECOMOG Operations , The Hague, Kluwer Law International, 2000, p. 615.

62
régionale qui s’est traduit par l’adoption de deux importants traités. Il s’agit de l’Accord‐cadre de
Non‐agression et d’Assistance en matière de Défense (ANAD), aussi dénommé Protocole de non-
agression ou Protocole de Lagos signé le 9 juin 1977 dans le cadre de la Communauté des Etats
de l’Afrique de l’Ouest, étendu à la CEDEAO 22 avril 1978,210 suivi du Protocole d’Assistance
Mutuelle en matière de Défense (PAMD) adopté le 29 mai 1981 à Freetown et entré en vigueur en
1986. Le Protocole de Lagos est le premier instrument juridique marquant l’intérêt de la CEDEAO
pour les questions de paix et de sécurité.211 Après la révision du Traité de 1975, les Etats membres
de la CEDEAO ont procédé à l’adoption du Protocole relatif au Mécanisme de prévention, de
gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité.212 Ce nouveau Protocole
demeure sans doute l’instrument le plus décisif qui a permis à l’Organisation de structurer ses
nouvelles compétences de maintien de la paix et de la sécurité. Le système de sécurité régional de
la CEDEAO repose désormais donc sur ce nouvel instrument juridique, complété par un Protocole
relatif à la démocratie et la gouvernance adopté en 2001.213 Dans le cadre de ce nouveau
Mécanisme, les compétences de la CEDEAO en matière de maintien de la paix et de la sécurité
couvrent aussi bien la prévention et la gestion des conflits, l’assistance humanitaire, la
consolidation de la paix, la lutte contre la criminalité transfrontalière, la corruption, le blanchiment
d’argent, et la prolifération des armes légères. Le Conseil de médiation et de sécurité (CMS) est la
principale innovation du nouveau mécanisme. C’est un organe interétatique à composition
restreinte qui agit au nom de la Conférence, la plus haute instance de décision du dispositif

210
Aussi dénommé Protocole de non-agression ou Protocole de Lagos, voir pour le texte du Protocole Anatole
AYESSI (ed.), Coopération pour la paix en Afrique de l’Ouest : Agenda pour le XXe siècle, UNIDIR, Genève, 2001,
pp. 35-39.
211
Son préambule postule que la CEDEAO « ne peut atteindre ses objectifs sans l’instauration d’un climat de paix et
d’entente harmonieuse ». A travers cet instrument, les États membres de la CEDEAO expriment clairement l’existence
d’un lien entre le développement économique qui demeure l’objectif conventionnel de l’organisation et les questions
de paix et de sécurité.
212
Le Protocole a été signé à Lomé (Togo), le 10 décembre 1999.
213
Voir le Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au Protocole relatif au
Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité, Dakar,
Sénégal, 21 décembre 2001.

63
institutionnel.214 Outre le CMS, trois autres organes d’appui aux institutions du Mécanisme ont été
prévus : la Commission de défense et de sécurité (CDS),215 le Conseil des Sages216 et le groupe de
contrôle du cessez-le feu, (ECOWAS Ceasefire Monitoring Group- ECOMOG). Cette structure
composée de modules polyvalents (civils et militaires) en attente dans leurs pays a été remplacée
de facto par la Force en Attente de la Communauté, (la FAC).217 Le Protocole a également prévu
un système d’alerte précoce et de réponse de la CEDEAO, l’ECOWARN, inspiré du Système
d’alerte continental dont il est la représentation régionale.

Tout ce dispositif institutionnel et normatif fait de la CEDEAO une des Organisations régionales
la mieux élaborée en matière de maintien de la paix et de la sécurité en Afrique de l’Ouest.218 Déjà
active sur le terrain avant l’adoption de ses instruments normatifs, la CEDEAO poursuit ses actions
après l’entrée en vigueur de son nouveau Mécanisme. Elle a contribué activement à la résolution
du conflit en Côte d’Ivoire déclenché en septembre 2002.219 Elle a mené une seconde intervention

214
Voir l’article 7 du Protocole qui dispose « sans préjudice des pouvoirs étendus que lui confèrent l’Article 9 du
Traité et l’Article 6 ci-dessus, la Conférence délègue au Conseil de Médiation et de Sécurité le pouvoir de prendre en
son nom des décisions pour la mise en œuvre appropriée des dispositions du Mécanisme ». L’article 10 du Protocole
précise les fonctions que le CMS aura à assumer au nom de la Conférence.
215
Voir CEDEAO, Protocole relatif au Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien
de la paix et de la sécurité, articles 17, 18 et 19.
216
A l’image du Conseil des Sages de l’Union africaine, il est composé d’imminentes personnalités sollicitées chaque
fois que de besoin par le Conseil de Médiation et de Sécurité pour traiter d’une situation conflictuelle donnée, voir
article 20 du Mécanisme.
217
Dans le cadre de la constitution de la FAA, la Commission de défense et de sécurité de la CEDEAO a approuvé en
juin 2004, la création de la Force en attente de la CEDEAO en substitution de l’ECOMOG. Voir sur la FAC, Jean-
Jacques KONADJÉ, « quel rôle la Force en attente de la CEDEAO peut-elle jouer au Mali ?», ROP, 23 janvier 2013,
disponible sur http://www.operationspaix.net/83-dossier-du-rop-quel-role-la-force-en-attente-de-la-cedeao-peut-elle-
jouer-au-mali-.html, consulté le 18 novembre 2015 ; David N. ADDY and Samuel ATUOBI, « Towards the
Operationnalisation of the Civilian Component of the ECOWAS Standby Force », KAIPTC Policy Brief , no2, 2009,
disponible sur http://www.kaiptc.org/Publications/Policy-Briefs/Policy-Briefs/Civilian-Component.aspx, consulté le
18 novembre 2015.
218
Moussa OUOBA, « La CEDEAO et le chapitre VIII de la Charte des Nations Unies. Aspects récents du maintien
de la paix et de la sécurité en Afrique de l’Ouest ». Mémoire de master 2 recherche Droit international public / sous
la direction du Professeur Stéphane DOUMBÉ‐BILLÉ. – Lyon: Équipe de Droit International, Européen et Comparé,
2013, 113 p. – (Les Mémoires de l’Équipe de Droit International, Européen et Comparé : n° 5), p. 24, document
disponible sur le site web de l’Équipe de Droit International, Européen et Comparé, à l’adresse : http://ediec.univ‐
lyon3.fr/publications, consulté le 17 novembre 2015.
219
La CEDEAO a été le premier organisme régional à déployer une force en Côte d’Ivoire en soutien aux autorités
légales du pays en vue de mettre fin à la guerre civile qui a éclaté en 2002 (voir Communiqué final du sommet

64
au Libéria en coopération avec l’ONU entre 2001 et 2003. La CEDEAO s’est également investie
dans la gestion des crises en Guinée (2007-2010) et en Guinée-Bissau (2005-2009).220 Elle s’est
également illustrée dans la gestion de la crise malienne (2012 -2013).221

Dès sa création, l’IGADD (actuel IGAD) s’implique dans la gestion du différend qui opposa
l’Éthiopie à la Somalie. La mutation de l’Organisation dans les années‘90 a donné lieu à une
évolution de son mandat initial qui met désormais l’accent sur la nécessité de la paix et de la
sécurité comme condition indispensable au développement.222L’article 18 A de l’Accord instituant
l’IGAD portant sur la résolution des conflits prévoit une réaction collective des Etats membres en
vue de garantir la paix, la sécurité et la stabilité.223 Elle intègre parmi ses objectifs le règlement des
différends dans le but de pouvoir assurer un plus grand rôle en matière de maintien de la paix.224
La Stratégie de paix et de sécurité de l’Organisation lancée en octobre 2005 par la Conférence des
chefs d’Etat et de gouvernement de l’IGAD a permis de construire une architecture de paix qui se

extraordinaire des chefs d’État de la CEDEAO, Accra, Ghana, 29 septembre 2002). La force dénommée Mission de
la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest en Côte d’Ivoire (MICECI) était chargée de garantir le respect du
cessez-le-feu avec la Force française Licorne et devait bénéficier d’une aide logistique de quelques pays européens
ainsi que de la participation des troupes du Togo, du Bénin, du Niger, du Ghana et du Sénégal. Elle ouvrira la voie à
un déploiement d’une mission des Nations Unies, la Mission des Nations Unies en Côte d’Ivoire (MINUCI), voir la
résolution 1479 du Conseil de sécurité du 13 mai 2003. Toutes ces deux missions sont remplacées en février 2004
par l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire, l’ONUCI. Pour plus de détails sur la gestion de la CEDEAO de
la crise ivoirienne, voir Hugo SADA, « Le conflit ivoirien : enjeux régionaux et maintien de la paix en Afrique », in
Politique étrangère, no2, 2003, 68e année, pp. 321-334.
220
Voir sur ces interventions Gilles O. YABI, « Le Rôle de la CEDEAO dans la Gestion des Crises Politiques et des
Conflits », Abuja, Friedrich-Ebert-Stiftung, 2010, pp. 15-59.
221
Voir sur la gestion de la crise malienne par la CEDEAO, Lori-Anne THEROUX-BENONI « De la MICEMA à la
MINUSMA, l’architecture sécuritaire internationale à l’épreuve de la crise malienne », dans David MORIN, Michel
LIEGEOIS, et Marie-Joëlle ZAHAR, Guide du maintien de la paix 2013, Montréal, Éditions Athéna, 2014, pp. 51-
73.
222
Madeleine O. MODO, « Fiche d’information de l’Organisation : IGAD », ROP, mars 2010, disponible sur
http://www.operationspaix.net/8-fiche-d-information-de-l-organisation-igad.html, consulté le 13 novembre 2015.
223
Voir l’Accord portant création de l’Autorité Intergouvernementale pour le Développement (IGAD), Nairobi
(Kenya), le 21 mars 1996, IGAD/SUM-96/AGRE-Doc, disponible sur
https://www.issafrica.org/uploads/IGADTREATYFR.PDF, consulté le 13 novembre 2015.
224
Mohamed O. YOUSSOUF ALI, « L’Architecture Africaine de Paix et de Sécurité en Afrique de l’Est : Dix années
d’une édification laborieuse », in Matthieu FAU-NOUGARET, Luc M. IBRIGA, l’architecture de paix et de sécurité
en Afrique, Bilan et perspectives, Paris, l’Harmattan, 2014, p. 203.

65
compose d’un mécanisme d’alerte précoce et de réaction aux conflits (CEWARN) et d’une force
en attente, la brigade d’intervention de l’Afrique de l’Est (EASBRIG) qui est censée intervenir
dans le cadre de la force africaine en attente. Sur le terrain l’Organisation a pris activement part
aux négociations de l’Accord de paix entre les deux Soudan. Elle a également contribué à la
création de l’AMISOM, la Mission de l’UA en Somalie.225

En Afrique centrale, La CEEAC s’inscrit dans cette nouvelle dynamique en élargissant sa vision
de l’intégration pour y inclure la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité de la sous-
région. Contrainte à l’inaction entre 1992 et 1997 du fait que la majorité de ses Etats membres était
confrontée à des crises internes, la CEEAC reprend du service grâce au Sommet de Libreville de
1998.226 Le Sommet de Malabo de 1999 identifie comme domaine prioritaire la nécessité de
développer des capacités de maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité comme des
préalables au développement économique et social de la sous-région. Cette nouvelle vision de
l’Organisation est matérialisée par la mise en place d’un Conseil de paix et de Sécurité de l’Afrique
centrale dénommé le COPAX.227 A l’image du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine,
le COPAX est l’organe de concertation politique et militaire des Etats membres de la CEEAC en
matière de promotion, de maintien et de consolidation de la paix et de la sécurité. Dans le cadre de
la réalisation de ses objectifs, le conseil s’appuie sur des organes techniques : la Commission de
défense et de sécurité228, le Mécanisme d’alerte rapide (MARAC)229, et la Force multinationale de
l’Afrique Centrale (FOMAC).230 Le Protocole relatif au COPAX, instrument additionnel au traité

225
Ibid.
226
Voir le site officiel de la CEEAC sur http://www.ceeac-eccas.org/index.php/fr/a-propos-de-la-ceeac/presentation,
consulté le 24 février 2016.
227
Le COPAX a été créé par décision n.001/Y/Fev du 25 février 1999 prise à Yaoundé, voir l’article 2 du Protocole
relatif au Conseil de paix et de Sécurité de l’Afrique centrale.
228
Voir sur les attributions de cet organe les articles 13 à 18 du Protocole relatif au COPAX.
229
Le MARAC est un système intégré d’alerte rapide chargé de l’observation, de la surveillance, de la prévention des
crises et conflits. Il fait partie intégrante du système d’alerte précoce de l’Union africaine, voir les articles 21 et 22 du
Protocole relatif au COPAX.
230
La FOMAC est une Force multinationale non permanente constituée par des contingents nationaux interarmées,
des polices et des modules civils des États membres de la Communauté, en vue d’accomplir des missions de paix, de

66
instituant la CEEAC a été adopté dans le même temps que le Pacte d’assistance mutuelle entre les
Etats membres de la CEEAC avec lequel il forme un instrument unique.231 Ce Pacte d’assistance
mutuelle vient en complément du Pacte de non-agression adopté le 8 juillet à Yaoundé entre les
Etats membres du Comité consultatif permanent des Nations Unies sur les questions de sécurité
en Afrique centrale.232 Le mécanisme de la CEEAC a connu de récents développements qui
tranchent avec l’inaction qui le caractérisait. Le COPAX connaît désormais un fonctionnement
régulier, le MARAC a aussi connu un début de fonctionnalité à la suite de recrutements soutenus
en partie par l’Union Européenne en 2007. La FOMAC, quant à elle, a franchi toutes les étapes de
son opérationnalisation en 2010. Toutes ces avancées se sont traduites en pratique par une mission
de consolidation de la paix en République centrafricaine, la MICOPAX.233 La CEEAC a également
mené des actions diplomatiques et militaires à Sao Tomé et Principe en 2006 ainsi que des missions
humanitaires au profit des populations de l’Est de la RDC.234

La SADC a, pour sa part, élargi ses compétences aux questions de paix et de sécurité lors de sa
mutation. La coopération en matière de sécurité intégrée au traité fondateur est considérée comme
un des piliers de la coopération régionale. S’en est suivie l’institution par la Communauté d’un
Organe pour la politique, la défense et la coopération en matière de sécurité (ci-après désigné
Organe) destiné à favoriser aussi bien la médiation dans les conflits que la coopération militaire.235

sécurité et d’assistance humanitaire, article 23 du Protocole relatif au COPAX. Voir sur les missions et la mise en
œuvre de la force, les articles 23 à 26 du Protocole relatif au COPAX.
231
Mutoy MUBIALA, Coopérer pour la paix en Afrique centrale, Institut des Nations Unies pour la Recherche sur le
Désarmement, UNIDIR, numéro 35, 2003, Genève, Suisse, p.10.
232
Le Pacte d’assistance mutuelle a été adopté le 24 février 2000. Aux termes de l’article 12 du Pacte, tout État qui
aurait signé et ratifié le Pacte est également partie au Pacte de non-agression.
233
La MICOPAX a pris le relai de la Force multinationale en Centrafrique (FOMUC) le 12 juillet 2008. La FOMUC
avait été mis en place par la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et était financé
en grande partie par la Facilité de paix en Afrique.
234
Voir Madeleine O. MODO, « Fiche d’information de l’Organisation : SADC », ROP, 11 août 2010, disponible sur
http://www.operationspaix.net/8-fiche-d-information-de-l-organisation-igad.html, consulté le 16 novembre 2015.
235
L’Organe a vu le jour le 28 juin 1996. Le projet avait été finalisé en août 2000 par l’adoption du Protocole sur la
coopération en matière de politique, de défense et de sécurité entériné en août 2001 par le Sommet des chefs d’Etat
et de gouvernement à Blantyre (Malawi). Le Protocole est entré en vigueur le 03 mars 2004.

67
En août 2004, la SADC adopte un plan de long terme consacré aux questions de politique, de
défense et de sécurité, le Strategic Indicative Plan of the Organ (SIPO). Celui-ci identifie les défis
sécuritaires et propose aussi des lignes directrices pour la mise en œuvre du Protocole sur la
coopération en matière de politique, de défense et de sécurité.236 Par ailleurs, un Pacte de défense
mutuelle dont l’objectif à terme est la mise en place d’une force régionale a été adopté en 2003.
La SADC dispose d’organes techniques pour la mise en œuvre de ses objectifs. Il s’agit entre autres
de l’Organe politique de défense et de sécurité,237 du Système d’alerte précoce (Regional Early
Warning System - REWS),238 ainsi que de La Southern African Development Community Standby
Brigade – SADCBRIG, la brigade en attente de l’Afrique australe.239 La SADC est sortie de sa
léthargie à travers des actions de maintien de la paix dans certains de ses Etats membres. Elle a
endossé une intervention militaire en août 1998 de certains de ses Etats membres dont l’Angola,
la Namibie, et le Zimbabwe en République démocratique du Congo à la demande du président
Laurent-Désiré Kabila.240 La SADC a également mené une intervention au Lesotho de septembre
1998 à mai 1999 pour prévenir un coup d’Etat en procédant à un désarmement des putschistes afin
de restaurer la loi et l’ordre intérieur et de favoriser un dialogue entre les partis politiques.241 Au

236
Madeleine O. MODO, « Fiche d’information de l’Organisation : SADC », op. cit.,
237
C’est l’organe principal du système de sécurité mis en place par la SADC. Il est prévu par les articles 9 et 10 A du
Traité instituant la SADC. Voir sur les objectifs et structures de l’Organe les articles 2 et 3 du Protocole sur la
Coopération en matière de Politique, de Défense et de Sécurité. L’article 11 décrit les obligations et les compétences
de l’Organe.
238
Déclinaison du Système d’alerte précoce de l’Union africaine, le REWS est le Système d’alerte précoce régional
de la SADC. Il est appelé à prévenir le déclenchement ou l’aggravation des conflits. Le REWS est constitué des centres
nationaux et un centre régional d’alerte précoce en abrégé REWC.
Voir sur la Southern African Development Community Standby Brigade – SADCBRIG, Deane-Peter BAKER and
239

Sadiki MAERESERA, « SADCBRIG intervention in SADC member states: Reasons to doubt », African Security
Review, vol.18, no1 2009, pp. 106-110.
240
Cette intervention n’a pas fait l’unanimité des États membres de la SADC. Sa légitimité a été remise en question.
Les États intervenants ont invoqué la légitime défense collective au soutien de leur action. Voir principalement sur
cette intervention Nina WILÉN, Justifying Interventions in Africa: (De)Stabilizing Sovereignty in Liberia, Burundi
and the Congo, Palgrave Macmillan, 2012, pp. 92-115 ; Naison NGOMA, «Hawks, Doves or Penguins ? A critical
review of the SADC military intervention in the DRC », ISS Occasional Paper 88, April 2004, disponible sur
https://www.issafrica.org/publications/papers/hawks-doves-or-penguins-a-critical-review-of-the-sadc-military-
intervention-in-the-drc, consulté le 24 février 2016.
241
Cette intervention dénommée opération Boléas conduite par des troupes Sud-africaines et Botswanaises a
également fait l’objet de controverses du fait qu’elle ait été entreprise sans mandat à priori de la Communauté, sans

68
détour de sa ferme volonté de promouvoir des valeurs démocratiques, la Communauté a déployé
plusieurs missions d’observation des élections notamment au Lesotho, au Botswana, en Zambie,
en Afrique du Sud et au Zimbabwe.

De toutes les Organisations régionales désignées par l’Union africaine pour la mise en œuvre de
son système de sécurité collective, l’UMA est celle qui a le moins développé ses compétences en
matière de maintien de la paix. Elle ne dispose en effet pas de mécanisme de gestion des conflits.
Tout au plus, on peut noter à la lecture du Traité constitutif de l’Organisation, quelques références
éparses à l’objectif de préservation de la paix fondée sur la justice et l’équité ainsi que la volonté
de réalisation de la concorde entre les Etats membres.242 Le Traité fait également état d’un système
de solidarité contre toute agression extérieure.243

La diversité des Organisations qui ont investi le champ du maintien de la paix par l’extension de
leurs compétences est en soi louable, mais ce phénomène laisse transparaître des problématiques
sur les règles qui sont censées s’appliquer à leurs relations.

Les difficultés à régir les relations entre les acteurs dans le domaine du maintien de la paix en
Afrique tiennent d’abord à la multitude des intervenants ainsi qu’au caractère diffus des textes
relatifs à la coopération entre Organisations internationales, mais aussi aux logiques d’intérêts qui
caractérisent parfois les relations entre Etats.

autorisation de l’Union africaine, non plus du Conseil de sécurité des Nations Unies, voir sur la question l’analyse de
Théo NEETHLING, « Military Intervention in Lesotho : Perspectives On Operation Boleas and Beyond », The Online
Journal of Peace and Conflict Resolution, vol. 2. Numéro 2, mai 1999, disponible sur
http://www.operationspaix.net/DATA/DOCUMENT/6107~v~Military_Intervention_in_Lesotho__Perspectives_on_
Operation_Boleas_and_Beyond.pdf, consulté le 17 novembre 2015, voir aussi Siyabonga HADEBE « South African
military intervention in Lesotho - A critical overview », Alliant International University Mexico City Campus,
disponible sur http://www.academia.edu/1330315/South_African_military_intervention_in_Lesotho_-
_A_critical_overview, consulté le 17 novembre 2015 ; Fako J. LIKOTI, « The 1998 Military Intervention in Lesotho:
SADC Peace Mission or Resource War? » , International Peacekeeping, vol.14, n.2, 2007, pp. 251-263.
242
Voir les articles 2 et 3 du Traité instituant l’Union du Maghreb arabe (avec déclaration), conclu à Marrakech le 17
février 1989.
243
Voir les articles 14 et 15 du Traité instituant l’Union du Maghreb Arabe.

69
Par. II : La problématique de la diversité des Organisations sous-régionales et les tentatives de
rationalisation des relations entre les Communautés Économiques régionales

Le régionalisme africain se caractérise par une prolifération de communautés économiques


régionales qui sont en constante interaction. On en dénombre quatorze dont la majorité a développé
des compétences en matière de maintien de la paix et de la sécurité. Cette situation est constitutive
de confusion grandissante et de multiples problèmes quant aux relations que ces Organisations
entretiennent. L’Union africaine elle-même qualifie la multiplication des Organisations sous-
régionales de « cacophonie ».244

Une première conséquence de la diversité des Organisations régionales réside dans le fait d’une
appartenance multiple des Etats à plusieurs Communautés en même temps.245. Ces adhésions
croisées ont un impact certain sur l’engagement politique des Etats au sein de ces Communautés,
elles réduisent considérablement leur efficacité.246 Selon certains auteurs, la multiplicité de CER
freine l’émergence d’une conscience et d’une identité régionales.247 L’adhésion de certains Etats à
des Communautés répondant souvent beaucoup plus à des logiques d’intérêts géopolitiques qu’à
une appartenance géographique. C’est le cas par exemple du Rwanda qui s’est retiré de la CEEAC
en juin 2007, invoquant des coûts financiers liés à son appartenance à plusieurs CER, mais finit
pas adhérer à la Communauté de l’Afrique de l’Est un mois plus tard.248 La diversité des CER a

244
Voir Union africaine, la Rationalisation des CER après le Sommet de Banjul : la feuille de route, 20-21 novembre
2006, AU/CAMEF/Rat RECs/II.
245
A titre illustratif, le Burundi par exemple appartient à quatre CER et à trois Initiatives Régionales de Coopération
(IRC), le Bénin, le Burkina Faso, la cote d’ivoire, la Gambie, le Mali, le Niger, le Nigéria, le Sénégal et le Togo
appartiennent à la CEDEAO ainsi qu’à la CEN-SAD.
246
Voir Medard KIENOU, « Le règlement pacifique des différends entre États africains », op. cit., p.422.
247
Jean KENFACK et Apollin K. ZOUAPET, « La CEEAC et les opérations de paix : Évolution et bilan une décennie
après la création du COPAX », in David Morin, L-A. THÉROUX-BÉNONI, Guide du maintien de la paix : L’Afrique
et les opérations de paix, Outremont, Athéna Éditions, 2011, pp.119-120. Les auteurs relèvent par exemple l’existence
de plusieurs dynamiques dans la seule région d’Afrique centrale : celle de la CEMAC, une dynamique interne à la
Communauté économique des pays des Grands Lacs (CPGL). Celles-ci s’ajoutent à celle de la CEEAC. Inutile de
préciser que ce déficit de cohésion est nuisible à tout projet de construction de la paix.
248
Mettre en œuvre l’architecture de paix et de sécurité (I) : l’Afrique centrale, Rapport Afrique de Crisis Group,
n.181, 7 novembre 2011, p.19, le chevauchement géographique et matériel entre la CEEAC et la CEMAC a également
été mis en exergue pour ce qui concerne l’Afrique centrale par James MOUANGUE KOBILA, « La concurrence des
droits communautaires dans l’espace C.E.M.A.C./C.E.E.A.C », Communication lors du Colloque sur « De la

70
également pour conséquence un chevauchement géographique de compétences territoriales ainsi
qu’un chevauchement de compétences matérielles.249 Une multitude de compétences sur les
mêmes aires géographiques provoque inévitablement une concurrence acharnée entre les CER.250
Or une compétition entre des Organisations qui ont la même finalité et les mêmes buts est de nature
à amoindrir leur efficacité et engendre aussi des problèmes de coordination. Les Etats n’hésitent
pas dans un tel contexte de concurrence acerbe entre les Organisations régionales à les utiliser au
gré de leurs intérêts. Le chevauchement matériel qui naît de la prolifération de structures
juridictionnelles dont les compétences se chevauchent également, fait peser des risques de
fragmentation et d’incohérence du droit.251 De plus, les interactions institutionnelles entre les
Organisations régionales africaines se caractérisent par une absence de cadres juridiques
particuliers régissant la coopération de leurs activités en matière de maintien de la paix et de la
sécurité.252

Tous ces défis de coordination entre les Organisations régionales sont exacerbés par l’absence en
droit international d’une obligation de coordination qui pourrait s’imposer aux Organisations

concurrence à la cohabitation des droits communautaires », 24-26 janvier 2011, Cotonou, cité par Kiara NERI, «La
sous-régionalisation», in La régionalisation du droit international, Bruylant, Bruxelles, 2012, p. 231.
249
Voir Kiara NERI, « La sous-régionalisation », op. cit., p. 231.
250
Par exemple, l’UEMOA qui a succédé à la CEAO et regroupant les États francophones de l’Afrique de l’Ouest en
plus de la Guinée-Bissau est en situation de concurrence avec la CEDEAO sur le maintien de la paix et de la sécurité
dans la sous –région ouest-africaine, la CEN-SAD a aussi déployé une force de maintien de la paix en Centrafrique
de mai 2001 à octobre 2002, alors même que ce pays est membre de la CEMAC et de la CEEAC, voir Angela MEYER,
« Regional Conflict Management in Central Africa : From FOMUC to MICOPAX », in F. SÖDERBAUM, R.
TAVARES, Regional Organizations in African Security, Routledge Taylor & Francis Group, London, New York,
2011, p. 92.
251
Ceci est d’autant plus vrai en Afrique où le fait que plusieurs Communautés économiques régionales se soient
dotées de structures juridictionnelles et soutiennent avec force des principes de primauté et d’autonomie de l’ordre
juridique communautaire est de nature à constituer des menaces à l’unité du droit tant au niveau national, sous régional,
régional que global, voir Kiara NERI, op. cit., pp.231-237. Voir aussi sur cette question de chevauchement matériel
de compétences, Maurice KAMTO, « Les cours de Justice des Communautés et des organisations d’intégration
économiques africaines », Annuaire africain de droit international, vol.6, 1998, p.147; Laurence BURGORGUE-
LARSEN, « Le fait régional dans la juridictionnalisation du droit international », in La juridictionnalisation du droit
international, Paris, Pedone, 2003, pp. 203-264.
252
Makane M. MBENGUE et Ousseni Illy, « Les interactions institutionnelles dans le régionalisme africain », in La
régionalisation du droit international, op. cit., p. 326. Pour ces auteurs, une telle absence pourrait se justifier par la
prépondérance de l’ONU et de l’Union africaine.

71
internationales. Il n’existe pas de fondement juridique en droit international qui obligerait les
Organisations internationales à une forme de coopération. Cela est certainement dû au caractère
paritaire de la société internationale.253 Tout au plus, la Charte des Nations Unies règlemente la
participation des Organisations régionales dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité
internationales. Ce qui implique que seuls les auteurs d’une Organisation internationale peuvent
lui imposer une obligation de coopération avec d’autres sujets du droit international. En pratique
cependant, cette liberté de principe se trouve limitée par un monde de plus en plus globalisé qui
implique une interdépendance accrue des acteurs internationaux.254 Les Organisations
internationales (et les Etats en premier) sont donc astreintes à la coopération dans le but d’atteindre
leurs objectifs. Les Organisations internationales prévoient dans ce sens dans leurs actes
constitutifs les formes de coopération qu’elles entendent entretenir avec les autres acteurs de la
scène internationale.255 La coopération entre Organisations internationales peut se faire également
à travers la conclusion d’accord de coopération qui précise l’étendue et la portée des obligations
des Organisations qui entrent en relation. Une forme de coopération informelle peut également
s’installer entre des Organisations dans leur pratique sans que les contours de leurs obligations
soient véritablement définis. Ces difficultés juridiques au plan universel connaissent un début de
solutions au niveau régional africain à travers des tentatives d’institutionnalisation des rapports de
coopération interinstitutionnelle entre les Communautés économiques régionales dans le but d’une
rationalisation de leurs rapports.

253
L’une des caractéristiques fondamentales de la société internationale est le défaut d’une autorité supérieure
reconnue par tous les membres disposant d’une suprématie effective capable de s’imposer à eux, voir Francesco
CAPOTORTI, « Cours général de droit international public », Recueil des cours de l’Académie de droit international
de la Haye, 1994, p. 27; Gaetano MORELLI, Notions de droit international public, présenté et traduit de l’Italien par
Robert KOLB, Pedone, Paris, 2013, p. 16; René-Jean DUPUY, « Le droit des relations entre les organisations
internationales », Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye, 1960, pp. 528-529.
254
Voir sur le principe de l’interdépendance des États africains, Medard KIENOU, « Le règlement pacifique des
différends entre États africains », op.cit., pp.155-172.
255
Le principe est que c’est dans les actes constitutifs des organisations internationales que l’on retrouve les
dispositions relatives à la coopération interinstitutionnelle, sa nature et sa portée, voir Wilfred C. JENKS, « Co-
ordination : a new problem of international organisation. A preliminary Survey of the Law and Practice of Inter-
organizational relationships », Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye, Vol. 77, 1950, p.
253.

72
Ainsi, l’on note l’émergence d’initiatives politiques et juridiques ayant pour but la rationalisation
et la coordination du paysage institutionnel régional et sous-régional.256 L’idée d’une
rationalisation des Communautés économiques régionales n’est cependant pas nouvelle. Dans les
années 1986- 1987, l’OUA examinait les possibilités d’une harmonisation et d’une coordination
de ces Organisations.257 Elle leur recommande alors de « prendre les initiatives nécessaires pour
assurer une coordination, une harmonisation et une rationalisation des activités, projets et
programmes de toutes les Organisations africaines intergouvernementales de coopération et
d’intégration de leur région respective afin d’éviter des doubles emplois, conflits de compétence
et gaspillage d’efforts et de ressources ».258 A la suite de cette initiative de l’OUA, le processus de
rationalisation connaîtra une évolution marquée par diverses approches, et grandes rencontres qui
aboutissent toutes cependant sur un statu quo.259 Ceci oblige les Organisations régionales elles-
mêmes à développer des initiatives pour encadrer les relations entre elles, conscientes des défis
que cause leur diversité.

Au titre des solutions envisagées pour les Communautés régionales économiques pour résoudre
les problématiques liées à leur diversité, figure une première plus politique que juridique qui
consiste pour celles-ci à ne pas limiter leurs compétences en matière de maintien de la paix et de

256
Selon le Rapport de Réunion d’Experts sur la Rationalisation des CER, «la rationalisation signifie s’attaquer aux
contraintes considérables affectant la capacité des CER à générer et à canaliser un effort collectif durable dans le sens
de l’intégration de l’Afrique, à cause de l’existence parallèle du grand nombre de CER et de CESR dans chacun des
espaces régionaux, avec des mandats et des programmes similaires», Rapport de Réunion d’Experts sur la
Rationalisation des CER, Ghana, Accra du 27-28 Octobre 2005 pour les régions d’Afrique du Centre, du Nord et de
l’Ouest, p. 3.
257
Le Conseil avait chargé le Secrétaire général de l’organisation d’« étudier les modalités pratiques et opérationnelles
pour assurer la coordination et l’harmonisation des activités et programmes des groupements économiques sous-
régionaux existants», voir Résolution CM/Res.1043 (XLIV) de la quarante –quatrième session ordinaire du Conseil
1986, par.7.
258
Voir Résolution AHG : Res 161 (XXIII) adoptée lors de leur vingt-troisième session ordinaire en 1987, par. 7.
259
Il est important de relever par ailleurs que bien avant les initiatives régionales, un processus de rationalisation avait
été envisagé par les États pour faire face à leur multi-appartenance aux organisations régionales sur le plan de
l’intégration régionale en matière économique. Cinq scénarios avaient été envisagés dans le cadre de ce processus par
les instances africaines et reprises par la Commission économique pour l’Afrique. Malgré l’originalité des différents
scénarios, aucune n’a encore connu d’application. De récentes réunions ont tenté de relancer le processus par de
nouvelles propositions, mais aucune décision n’a encore été entérinée par les instances africaines. Une solution de
rationalisation sur le plan économique aurait été profitable au domaine du maintien de la paix.

73
la sécurité à leur seule région d’appartenance.260 Cette idée se fonde sur la dimension transnationale
et transrégionale des conflits. L’extension des compétences au-delà de la région d’appartenance
permet de donner une base légale et légitime à la coopération de fait qui naîtrait entre les CER
concernées pour la résolution du conflit. Cette solution a l’avantage de permettre une coordination
qui éviterait aux Etats d’avoir à intégrer plusieurs CER en fonction des enjeux sécuritaires
auxquels ils auront à faire face. Par exemple, la lutte contre un mouvement rebelle comme la Lord’s
Resistance Army concerne aussi bien les Etats membres de la CEEAC, de l’IGAD et de la SADC.
Ces Organisations pourraient sur la base de leurs compétences respectives envisager une forme de
coopération pour faire face au mouvement rebelle.

Une autre possibilité développée consiste pour les CER à institutionnaliser des formes de
coopération interafricaines. Ces dispositions sont postulées soit dans les actes constitutifs de ces
Organisations ou dans d’autres instruments juridiques adoptés ultérieurement par elles. Ces
dispositions normatives sont tantôt spéciales, tantôt générales, eu égard au contexte et aux besoins.
Cette solution est par exemple matérialisée par l’article 28 du Traité relatif au COPAX qui stipule
que : « dans la poursuite des objectifs du COPAX, la CEEAC coopère avec toutes les
Organisations interafricaines ». Dans la même logique, l’article 18 du Traité de l’IGAD dispose «
in pursuit of its aims and objectives under this Agreement, the Authority may enter into agreements
with other regional organizations…» Le Protocole de la CEDEAO relatif au Mécanisme de
prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité prévoit
pour sa part une coopération avec « toute Organisation internationale pertinente », ce qui laisse
supposer qu’il s’agirait aussi bien des autres Organisations régionales africaines que d’autres
Organisations internationales comme l’Union Européenne et bien d’autres.261 La SADC quant à

260
Sanwé Medard KIENOU, « Le règlement pacifique des différends entre États africains », op. cit., p. 428.
261
CEDEAO, Protocole de la CEDEAO relatif au Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de
maintien de la paix et de la sécurité, article 52 (1).

74
elle, prévoit une clause générale autorisant la signature d’accords de coopération avec d’autres
Organisations dans le respect des conditions de compatibilité.262

Entre Organisations du même espace régional, des dispositions sont prévues par les Organisations
régionales, têtes de liste des régions dans le but de rationnaliser et de coordonner les activités de
celles-ci. C’est ainsi que le Protocole de la CEDEAO relatif au Mécanisme de prévention, de
gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité affiche clairement une
volonté de « rationalisation de tous les Mécanismes, Institutions et organes de la sous – région
ayant des objectifs similaires ».263 Elle propose d’office la transformation de l’ANAD en Institution
spécialisée de la CEDEAO.264 La volonté de rationalisation est également exprimée par la CEEAC
à travers l’article 29 du traité relatif au COPAX.265 Cette disposition connaît un premier cas de
mise en œuvre à travers le transfert du mandat de la paix et de la sécurité en Afrique centrale à la
CEEAC au détriment de la CEMAC.266 A la suite de ce transfert, la Force de maintien de la paix
déployée par la CEMAC en Centrafrique est remplacée par la MICOPAX (la Force de
consolidation de la paix de la CEEAC). Les deux Organisations ont d’ailleurs constitué un comité
de rationalisation.267 Une dernière solution qui ne relève pas du domaine de la coopération
interinstitutionnelle a été envisagée par les Organisations régionales pour relever les défis de leur
diversité. Elle consiste au fait pour l’une d’entre elles à s’octroyer un monopole dans sa zone
d’appartenance en affirmant sa priorité sur le règlement des différends entre ses Etats membres.
L’IGAD a prévu cette possibilité en postulant une priorité à l’égard de ses mécanismes de gestion
des conflits. L’article 18 A (c) de l’Agreement establishing the Inter-Gouvernmental Authority on

262
SADC, Protocole sur la Coopération en matière de Politique, de Défense et Sécurité, article 10 (2).
263
CEDEAO, Protocole de la CEDEAO relatif au Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de
maintien de la paix et de la sécurité, Article 54 (1).
264
Ibid., article 54 (2)
265
L’article dispose que « la CEEAC prend toutes les mesures nécessaires pour rationaliser tous les mécanismes,
institutions et organes de la sous-région ayant des buts et objectifs semblables à ceux du COPAX ».
266
Mettre en œuvre l’architecture de paix et de sécurité (I) : l’Afrique centrale, Rapport Afrique de Crisis Group, op.
cit., p. 23.
267
Ibid.

75
Development mentionne que « Member States shall : … accept to deal with disputes between
Member States within this sub-regional mechanism before they are referred to other regional or
international organizations ». La CEDEAO a également vocation à s’affirmer comme la principale
Organisation chargée des questions de paix et de sécurité en Afrique de l’Ouest.268

Une autre solution de rationalisation des relations entre les Organisations régionales peut être
déduite des textes de l’Union africaine. La reconnaissance de huit Organisations régionales par
l’Union dans le cadre de l’architecture africaine de paix et de sécurité contribue à une
rationalisation vers le haut. Une telle reconnaissance n’empêche pas certes l’existence des autres
Communautés non reconnues, mais elle a l’avantage d’accroître la visibilité de celles reconnues et
d’amoindrir les velléités de concurrence. Aussi, en matière de maintien de la paix et de la sécurité
en Afrique, le Protocole met à la charge du Conseil de paix et de sécurité ainsi que du président de
la Commission de l’Union africaine, l’obligation de veiller à l’harmonisation, et à la coordination
des activités des Mécanismes régionaux afin que celles-ci soient conformes aux objectifs et aux
principes de l’Union.269 Le rôle de rationalisation de l’Union africaine des Organisations sous-
régionales provient de sa responsabilité principale en matière de maintien de la paix et de la
sécurité en Afrique que lui attribue le Protocole relatif au CPS.270 Ce pouvoir de rationalisation de
l’Union se matérialise par le droit dont elle dispose de mettre les capacités et ressources d’une
CER à la disposition des autres ou de déployer une brigade régionale en dehors de sa zone
d’appartenance.271

268
La proposition de la CEDEAO de transformer l’ANAD en une Institution spécialisée de l’Organisation est
interprété comme traduisant une volonté de la CEDEAO de garantir son monopole en matière de maintien de la paix
et de la sécurité en Afrique, voir Sanwé Medard KIENOU, « le règlement pacifique des différends entre États africains
», op. cit., p.431.
269
Article 16 (1) (a) du Protocole relatif à la création du CPS.
270
Ibid.
271
Voir l’article 20 (3) et (4) du Protocole d’Accord de coopération dans le domaine de la paix et de la sécurité entre
l’Union africaine, les Communautés économiques régionales et les mécanismes de coordination des brigades
régionales en attente de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique du Nord.

76
Par. III : Les relations entre l’Union africaine et les Communautés économiques régionales

Malgré une reconnaissance de l’existence des Communautés économiques régionales lors de sa


création, l’OUA ne prévoit pas pour autant un cadre juridique destiné à régir ses relations avec les
Organisations régionales.272 Sa Charte constitutive passe sous silence la place à accorder à celles-
ci. Il a fallu attendre l’adoption du Mécanisme de prévention, de gestion et résolution des conflits
en Afrique par l’OUA pour voir le rôle des Organisations régionales en matière de maintien de la
paix et de la sécurité consacré de façon explicite.273 La naissance de l’Union africaine marque une
volonté ferme d’encadrer les actions des Organisations régionales. L’Acte constitutif de l’UA
énonce en son article 3 (1) déjà la nécessité de « coordonner et harmoniser les politiques entre les
Communautés économiques régionales existantes et futures en vue de la réalisation graduelle des
objectifs de l’Union ».274 Ensuite, le Protocole relatif à la création du CPS leur accorde une place
de choix en matière de maintien de la paix et de la sécurité. Les mécanismes régionaux sont

272
Lors de la création de l’OUA, le débat s’était posé sur la nécessité du maintien des organisations régionales et sous
régionales ainsi que sur la place à leur accorder au sein de la nouvelle organisation. Le Conseil des ministres du 10
août 1963 tranche la question en consacrant leur maintien aux cotés de l’organisation continentale. Le Conseil des
ministres reconnaît que « les groupements régionaux ont favorisé la réalisation de l’Unité africaine et le
développement de la coopération entre les États membres ». L’OUA pose néanmoins trois conditions pour s’assurer
de leur compatibilité avec ses principes et buts : les Communautés économiques régionales doivent correspondre aux
« réalités géographiques et aux données économiques, sociales et culturelles communes aux États », elles doivent se
déclarer formellement compatibles avec la Charte de l’OUA, les futurs groupements devront faire dépôt de leurs
statuts au siège de l’OUA, voir CM/5/1, du 10 août 1963. Voir sur les points de discussion la Conférence au Sommet
des pays indépendants africains, Addis-Abéba, Mai 1963, disponible sur www.archive.au.int ; Maurice GLELE-
AHANHANZO, Introduction à l’Organisation de l’Unité Africaine et aux organisations régionales africaines, op.
cit., pp.15 et ss. ; Boutros BOUTROS-GHALI, « Le système régional africain », in Societé françcaise de droit
international, Actes du Colloque de Bordeaux, Paris, Pedone, 1977, p. 64.
273
Les États membres de l’OUA dans le cadre de la Déclaration portant Mécanisme de prévention, de gestion et
résolution des conflits invitent l’Organisation à coordonner dorénavant « étroitement » ses activités de prévention et
de gestion des conflits avec les organisations régionales et sous régionales. Voir OUA, Déclaration portant
Mécanisme de prévention, de gestion et résolution des conflits, le Caire, 28-30 juin 1993, par. 24.
274
La charge d’une telle coordination est confiée à la fois au Président de la Commission et au Conseil de paix et de
sécurité. Le président de la Commission a la responsabilité d’assurer la coopération des organisations régionales en
ce qui concerne les changements anticonstitutionnels dans un État membre (article 37, par. 6 (d) du Règlement
intérieur de la Conférence de l’Union africaine. Il peut également faire appel aux Mécanismes régionaux pour des
missions de bons offices, pour la prévention des conflits, pour la gestion des conflits en cours ainsi que dans le cadre
de la promotion d’initiatives de consolidation de la paix et de reconstruction post-conflit (article 10, par. 2 (c) du
Protocole du CPS. Le CPS quant à lui a reçu mandat « d’assurer une harmonisation, une coordination et une
coopération étroites entre les Mécanismes régionaux et l’Union dans la promotion et le maintien de la paix, de la
sécurité et de la stabilité en Afrique », article 7, par. 1 (j) du Protocole du CPS.

77
considérés par le Protocole comme faisant partie intégrante de l’architecture de sécurité de
l’Union.275 En effet, dans le cadre de l’Union africaine, la nécessité de coopération est non
seulement affirmée avec force, mais les modalités des rapports entre l’Union et les mécanismes
régionaux sont définies par divers instruments juridiques. Les relations entre l’Union africaine et
les Organisations régionales sont organisées sur le fondement d’une responsabilité principale de
l’Organisation continentale pour la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité en
Afrique.276 Ce principe n’est pas sans rappeler l’article 24 de la Charte des Nations Unies qui
implique un monopole de qualification et d’action en vertu du chapitre VII de la Charte. Les
rédacteurs du Protocole relatif à la création du CPS ont - ils entendu conférer les mêmes
prérogatives à l’Union Africaine ?

Au niveau africain, la responsabilité principale semble impliquer deux conséquences principales :


une primauté normative au profit de l’Union africaine et une subordination relative des
Organisations régionales au niveau institutionnel. Selon certains auteurs, la responsabilité
principale de l’Union africaine traduit une primauté normative du droit de l’Union africaine sur
les Communautés économiques régionales.277 Celle-ci se déduit en premier lieu des instruments
normatifs des communautés économiques qui proclament la conformité de ceux-ci au droit
continental.278 C’est ainsi que la CEDEAO déclare qu’elle « tire son mandat et sa légitimité en
matière d’élaboration de politiques et de pratique en matière de prévention de conflits en Afrique
de l’Ouest de plusieurs documents cadres normatifs régionaux et internationaux », dont les textes

275
UA, Protocole relatif à la création du CPS, article 16.1.
276
Ibid.
277
Voir Sanwé Medard KIENOU, « Le règlement pacifique des différends entre États africains », op. cit., pp. 437-
439 ; Abdoulaye T. SOMA, « Les relations entre l’Union africaine et la CEDEAO en matière de maintien de la paix
», African Yearbook of International Law, 2013, pp. 356-363.
278
Une primauté normative implique nécessairement une conformité des instruments juridiques normatifs des
organisations régionales au droit de l’Union africaine, voir Abdoulaye T. SOMA, « Les relations entre l’Union
africaine et la CEDEAO en matière de maintien de la paix », African Yearbook of International Law, 2013, pp. 363-
370.

78
de l’Union africaine.279 Le Document cadre dispose encore que « les principaux critères normatifs
de la CEDEAO relatifs à la prévention, au règlement et à la consolidation de la paix découlent
dans une large mesure de l’Acte constitutif de l’UA et de la Charte des Nations unies ».280 Ces
dispositions traduisent incontestablement, une déclaration de conformité à l’égard des textes de
l’Union africaine dans la mesure où dans les faits l’Organisation tire sa légitimité plutôt de son
acte constitutif et de ses instruments juridiques. Les autres instruments juridiques de la CEDEAO
ne comportent pas de telles dispositions certainement au regard du fait qu’ils ont été adoptés avant
la naissance de l’Union africaine.281 Dans le même ordre d’idées, le Protocole relatif à la
coopération en matière de Politique, de Défense et de Sécurité de la SADC déclare qu’il ne porte
en aucun cas préjudice aux droits et obligations des Etats parties découlant de la Charte de
l’OUA.282 D’ailleurs, l’exigence de conformité normative des instruments juridiques des
Organisations régionales au droit continental avait été prévue dès la création de l’OUA. Celle-ci
imposait aux Communautés économiques régionales en contrepartie de leur existence une
déclaration de compatibilité avec sa Charte.283 Une telle déclaration conforte la primauté du droit
conventionnel continental au regard de l’article 30 (2) de la Convention de Vienne sur le droit des
traités.284 La primauté normative de l’UA sur les CER découle d’un autre instrument juridique
pertinent, le Protocole d’accord de coopération dans le domaine de la paix et de la sécurité, destiné
à régir les relations entre l’Union, les CER, et les Mécanismes de coordination sur les questions
liées à la promotion et au maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité (ci - après Protocole

279
Commission de la CEDEAO, Cadre de prévention des conflits de la CEDEAO (CPCC), janvier 2008, Nigéria,
Abuja, Règlement MSG/REG.1/01/08, par. 30.
280
Ibid, par.40.
281
Aussi bien le Protocole de Lomé que le Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance ne visent que les
dispositions pertinentes de l’OUA.
282
SADC, Protocole relatif à la coopération en matière de Politique, de Défense et Sécurité, Article 15 (1).
283
Voir la première Session du Conseil des ministres de l’OUA, CM/5/1, 10 août 1963.
284
Selon l’article 30 (2) de cette convention : lorsqu’un traité précise qu’il est subordonné à un traité antérieur ou
postérieur ou qu’il ne doit pas être considéré comme incompatible avec cet autre traité, les dispositions de celui-ci
l’emportent ». Voir sur la primauté conférée par la déclaration de conformité Felipe PAOLILLO, « Convention de
Vienne de 1969 : Article 30 : Application des traités successifs portant sur la même matière », in Olivier CORTEN,
Pierre KLEIN (dir.), Les conventions de Vienne sur le droit des traités : commentaire article par article, Bruxelles,
Bruylant, (2006), p. 1269.

79
d’Accord de coopération).285 L’exigence de conformité et de respect strict des principes et
dispositions de l’Acte constitutif et du Protocole relatif au CPS postulé par l’Accord de coopération
suppose logiquement une compatibilité normative des instruments juridiques des CER au droit de
l’Union africaine.286 Le souci de conformité implique une volonté implicite de conférer la primauté
au droit continental. L’argument d’une primauté normative de l’Union africaine sur les organismes
régionaux africains peut ainsi être défendu au regard des arguments ci-dessus mentionnés, mais
aussi parce qu’il est difficile d’envisager les Organisations régionales et sous-régionales adopter
des textes en violation du droit de l’Union africaine.

Sur le plan institutionnel, les relations entre l’UA et les CER se révèlent beaucoup plus complexes
et font l’objet de divergences de points de vue. D’aucuns résument ces relations en une
subordination institutionnelle formelle des CER à l’égard de l’Union.287 D’autres y voient des liens
de subsidiarité et de coopération.288 L’hypothèse d’une subordination institutionnelle pourrait
prospérer dans le cadre strict des rapports entre l’Union et les CER pour la mise en œuvre de
l’architecture africaine de paix et de sécurité. Et même dans ce cadre d’interaction
interinstitutionnelle, la subordination des mécanismes régionaux est à nuancer. Kienou Medard
soutient l’idée d’une subordination limitée ratione materiae au domaine de l’architecture africaine
de paix et de sécurité (FAA, Système continental d’alerte rapide). Pour soutenir une telle idée, il

285
UA, Protocole d’accord de coopération dans le domaine de la paix et de la sécurité entre l’Union africaine, les
Communautés économiques régionales et les Mécanismes de coordination des brigades régionales en attente de
l’Afrique de l’Est et de l’Afrique du Nord, juin 2008. A noter que le Protocole s’applique à toutes les Communautés
économiques régionales ainsi qu’au Mécanisme de coordination de la Brigade régionale en attente de l’Afrique de
l’Est (EASBRICOM) et la Capacité régionale pour l’Afrique du Nord (NARC) qui ne sont pas gérés par des
Communautés économiques régionales, voir article 1, Vii. Le Protocole est également contraignant, voir l’article II.
286
Selon le Protocole d’Accord, l’un des principes fondamentaux applicable aux relations entre l’UA et les CER est
« le respect scrupuleux des principes et dispositions de l’Acte constitutif et du Protocole relatif au CPS, ainsi que des
autres instruments pertinents convenus au niveau international ». Voir également l’article III. 2 (V) du Protocole
d’Accord.
Abdoulaye T. SOMA, « Les relations entre l’UA et la CEDEAO en matière de maintien de la paix », op. cit., pp.
287

363-370.
Voir Issaka K. SOUARÉ, « Le système d’alerte précoce de l’Union africaine : Un mécanisme en évolution », in
288

David Morin, L-A THÉROUX-BÉNONI, Guide du maintien de la paix : L’Afrique et les opérations de paix,
Outremont, Athéna Éditions, 2011, p.153 ; Amandine GNANGUÊNON, « De la relation entre l’Union africaine et les
Communautés économiques régionales au sein de l’Architecture africaine de paix et de sécurité », op. cit. p. 97.

80
invoque l’argument selon lequel une Organisation régionale n’aurait pas besoin de l’autorisation
de l’Union pour mettre en branle son mécanisme de prévention, de gestion et de règlement des
conflits. Ce qui en soi peut être défendu, à condition que l’on pense à faire une distinction selon
que l’on se trouve en matière de règlement pacifique des différends ou en matière coercitive. Si
l’on se réfère aux dispositions de la Charte des Nations Unies régissant les rapports entre l’ONU
et les Organisations régionales, une certaine autonomie des Organisations régionales en matière
de règlement pacifique des différends peut aisément être soutenue.289 La charte ne postule pas de
relation de subordination à l’égard des Organisations régionales en ce qui concerne le règlement
pacifique des différends. Au niveau africain également, la compétence des Communautés
économiques régionales en matière de maintien de la paix est expressément reconnue par l’Union
africaine. Leur rôle est reconnu par l’Union aussi bien dans la mise en œuvre opérationnelle et le
fonctionnement de l’architecture continentale de paix et de sécurité que dans d’autres domaines
variés portant sur la paix et la sécurité comme la prévention, la gestion et le règlement des conflits,
le contrôle des armements et le désarmement, etc.290 Le préambule du Protocole relatif au CPS
reconnaît « la contribution des mécanismes régionaux africains pour la prévention, la gestion et le
règlement des conflits dans le maintien et la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité
sur le continent ainsi que la nécessité de mettre en place et de renforcer les mécanismes formels
de coordination et de coopération entre ces Mécanismes régionaux et l’Union africaine ».291

289
L’article 52 de la Charte attribue une compétence aux organismes régionaux en matière de maintien de la paix. Le
paragraphe 2 de l’article fait obligation aux États membres de l’ONU de régler de façon pacifique au niveau régional
leurs différends d’ordre local avant de les soumettre au Conseil de sécurité. Le Conseil de sécurité est également invité
à encourager le règlement pacifique régional des différends (paras 3 et 4) sans préjudice cependant des articles 34 et
35 de la Charte impliquant le droit du Conseil d’enquêter et le droit des États de saisir le Conseil sur ces questions.
L’interprétation de l’article fait l’objet de divergences dans la doctrine sur la répartition des compétences qu’il est
censé avoir établi entre l’ONU et les organisations régionales : s’agit –il de compétences concurrentes ou
complémentaires? Peut-on déduire de l’article 52 une priorité du règlement régional ? D’aucuns ont soutenu un rôle
subsidiaire du Conseil de sécurité, la priorité étant accordée aux organismes régionaux, d’autres défendent une
approche de coopération fondée sur l’aide mutuelle et la complémentarité dans un souci d’efficacité. La pratique du
Conseil de sécurité et des organisations régionales n’a pas non plus apportée de réponse aux différents
questionnements. Voir Laurence BOISSON DE CHARZOURNES, « Les relations entre organisations régionales et
organisations universelles » op. cit., pp. 259-264. On peut cependant retenir simplement qu’il n’est nullement question
de relations de subordination en ce qui concerne le règlement pacifique des différends par les organisations régionales.
290
Protocole d’Accord, article V.
291
Ibid. par .6.

81
L’article 16 du Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité affirme dans ce sens
que les Mécanismes régionaux font partie intégrante de l’architecture de paix et de sécurité de
l’Union africaine. L’article IV du Protocole d’Accord quant à lui mentionne comme un des
principes devant guider la mise en œuvre du Protocole,

« la reconnaissance du rôle des CER et, le cas échéant, de celui des Mécanismes de coordination dans la
prévention, la gestion et le règlement des conflits dans leurs zones de juridiction, ainsi que de la contribution
qu’ils peuvent apporter à la promotion et au maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité dans d’autres
régions du continent »292.

Les fondements des actions des Communautés économiques régionales découlent également de
l’extension de leurs compétences qui étaient limitées à l’intégration économique au maintien de la
paix et de la sécurité. Leur action en matière de prévention, de rétablissement et de consolidation
de la paix est clairement encouragée.293 Elles participent donc au même titre que l’Union africaine
au maintien de la paix et de la sécurité en Afrique au plan continental et régional. Les instruments
juridiques de l’Union africaine ne font aucune mention de relation de subordination à l’égard des
Communautés économiques régionales. Bien au contraire, elle reconnaît leur place et leur
importance dans la gestion des conflits en les intégrant dans l’architecture africaine de paix et de
sécurité. Elles peuvent se saisir d’une crise dans leur zone de compétence et mettre en branle
effectivement leur mécanisme de gestion de conflit sans avoir besoin de requérir l’accord de
l’Union africaine. Il semble donc difficile en l’espèce de soutenir une subordination institutionnelle
dans les relations entre l’Union africaine et les Communautés économiques en matière de
prévention ou de règlement pacifique des différends. L’affirmation de la responsabilité principale
de l’Union africaine pour la promotion de la paix rappelle certes celle que détient le Conseil de
sécurité à l’égard des Organisations régionales, à la différence que le Protocole relatif à la création

292
Ibid., Article IV (iii).
293
Voir l’article 20 du Protocole d’Accord qui dispose que « sans préjudice de la responsabilité principale de l’Union
dans la promotion et le maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Afrique, les CER et, le cas échéant, les
Mécanismes de coordination sont encouragés à prévoir et à prévenir les conflits à l’intérieur et entre leurs États
membres et, lorsqu’un conflit se produit, à entreprendre des efforts en vue du rétablissement et de la consolidation de
la paix, y compris à travers le déploiement de missions de soutien à la paix.

82
du CPS introduit une notion de réciprocité dans le partage d’information qui n’existe pas dans la
Charte de l’ONU et qui relativise fortement toute idée de subordination.294 Le fait aussi que le
système continental d’alerte rapide détienne le rôle principal de centralisation de données émanant
d’instances sous-régionales ne peut être considéré comme de la subordination comme l’ont
soutenu certains auteurs.295 L’on pourrait plutôt y voir un modèle de coopération dans la collecte
de données, surtout lorsqu’il est prévu que les Mécanismes régionaux « collectent et traitent les
données recueillies à leur niveau » avant de les faire parvenir à la Salle de veille de l’Union
africaine. Une autonomie des Organisations régionales peut, du reste être déduite du fait que le
traitement des données implique leur analyse et la formulation d’options par elles296.

La situation semble un peu plus complexe pour ce qui concerne le recours à la force. La question
des relations entre les Communautés économiques régionales et l’Union africaine en matière de
recours à la force n’a pas été expressément traitée par les instruments juridiques de ces
Organisations. Pour des esquisses de réponse, on pourrait éventuellement par analogie faire
application des principes gouvernant les relations entre le Conseil de sécurité et les Organisations
régionales en matière de recours à la force. En commençant par faire une distinction entre les
actions coercitives non armées et celles non armées, on relèvera que les rapports entre l’ONU et
les Organisations régionales en matière d’actions coercitives non armées ne répondent pas non
plus au modèle de relation de subordination. La règle instaurée par l’article 53 selon laquelle les
mesures coercitives adoptées par une Organisation régionale devraient être soumises à
l’autorisation du Conseil de sécurité ne s’applique pas aux mesures coercitives non armées. Par
conséquent, les actions non armées entreprises unilatéralement par des Organisations régionales
ne sont pas subordonnées à une autorisation du Conseil de sécurité dès lors qu’elles respectent les
conditions de licéité en droit international.297 On peut ainsi déduire des relations entre l’Union

294
Voir Union africaine, Protocole relatif à la création du CPS, article 16, al. 3 à 9.
295
Voir par exemple Abdoulaye T. SOMA, « Les relations entre l’UA et la CEDEAO en matière de maintien de la
paix », op. cit., pp. 367-368.
296
Issaka SOUARÉ, « Le système d’alerte précoce de l’Union africaine : Un mécanisme en évolution », op. cit., p.153.
297
Les organisations régionales sont cependant soumises au respect des normes impératives du droit international et
celles codifiées à l’article 50 du projet d’articles de la CDI sur les contremesures que les États peuvent adopter, Ana

83
africaine et les Organisations régionales, une absence de subordination en ce qui concerne les
actions n’impliquant pas l’usage de la force armée. En effet, l’article 20 (1) du Protocole d’Accord
qui règle les modalités d’interaction entre les parties, dispose que les CER sont encouragées à
prévoir et à prévenir les conflits au sein et entre leurs Etats membres, à entreprendre des efforts en
vue du rétablissement et de la consolidation de la paix en cas de conflit, y compris à travers « le
déploiement de missions de soutien à la paix ».298 Au regard de cette disposition, une Organisation
régionale africaine peut donc dans le cadre de sa mission de prévention, de gestion, et de règlement
des conflits décider du déploiement d’une opération de paix sur la base de ses instruments
juridiques pertinents tant que celle-ci n’implique pas un recours à la force armée. Les seules limites
envisageables dans cette hypothèse seraient le respect des principes et des instruments pertinents
de l’Union africaine ainsi que l’obligation d’information. Mais une obligation d’information
n’implique pas une relation de subordination surtout lorsque celle-ci est assortie d’une réciprocité
de partage d’informations en faveur des Organisations régionales.

C’est en cela qu’il faut comprendre le fait que les Organisations régionales ne demandent jamais
l’autorisation ni de l’Union africaine, ni de l’ONU pour des actions coercitives non armées. En
pratique cependant, elles s’adressent au Conseil de sécurité pour conférer à leurs actions
coercitives une portée universelle ou lorsque l’exécution de celles-ci nécessitent la contribution ou
l’autorisation du Conseil de sécurité.

Pour ce qui concerne le recours à la force armée, il est connu que l’action des Organisations
régionales est soumise à la condition d’une autorisation préalable du Conseil de sécurité. En
l’espèce, la question se pose de savoir si les Organisations sous-régionales sont liées par une
obligation de requérir une autorisation de l’Union africaine pour une opération de paix non
consensuelle ou à caractère offensif comme une opération d’imposition de la paix. La
responsabilité principale de l’Union africaine à l’égard des Organisations régionales implique t-

P. LLOPIS, Force, ONU et organisations régionales : répartition des responsabilités en matière coercitive, Bruxelles,
Bruylant, 2012, p. 82.
298
Nos italiques.

84
elle également un monopole de l’Union en matière de recours à la force armée assujettissant celles-
ci à une obligation d’autorisation ? En principe, en vertu du droit de la Charte, toutes les
Organisations régionales et sous-régionales sont soumises à une obligation d’autorisation du
Conseil de sécurité avant l’entreprise de toute action coercitive armée en matière de maintien de
la paix.299 C’est sur la base de ce principe que certains auteurs estiment que si un mécanisme sous
régional est appelé à effectuer une opération de paix nécessitant un recours à la force non-
consensuel, l’autorisation du Conseil de sécurité et du Conseil de paix et de sécurité de l’Union
africaine est requise.300 L’Organisation sous-régionale est dans ce cas soumise à une double
obligation de requérir une autorisation aussi bien de l’Union africaine que de l’ONU. Pourtant les
instruments juridiques de l’Union africaine ne prévoient pas une telle obligation. Le Conseil de
paix et de sécurité détient le pouvoir d’autoriser l’organisation et le déploiement de missions
d’appui, mais il n’est pas précisé que ce pouvoir s’exerce uniquement à celles déployées par
l’Union africaine ou si ce pouvoir s’étendait également aux Organisations sous-régionales. Les
mécanismes juridiques de ces dernières n’indiquent pas non plus la nature de leurs relations avec
l’Union en matière de recours à la force armée. La CEDEAO ne fait pas référence à l’Union
africaine ni même à l’OUA qui était encore en fonction en 1999 sur ses dispositions relatives à
l’intervention armée. Le Mécanisme donne compétence au Conseil de médiation et de sécurité de
l’Organisation pour autoriser toutes les formes d’intervention et de décider notamment du
déploiement des missions militaires.301 Aucune référence n’est faite sur une obligation de requérir
une autorisation de l’ONU comme exigé par la Charte, encore moins celle de l’OUA/UA. La
CEDEAO prévoit d’informer simplement les Nations Unies, de toute intervention militaire

299
Même s’il faut préciser que l’Acte constitutif de l’Union africaine et le Protocole relatif à la création du CPS ne
mentionnent pas expressément l’exigence d’une autorisation préalable du Conseil de sécurité pour la mise en œuvre
de l’article 4 (h) conformément à l’article 53 de la Charte. Ces observations feront l’objet d’analyse détaillée dans le
cadre d’un autre chapitre, pour l’heure, nous examinons la validité d’une hypothèse de relation de subordination
institutionnelle des organisations régionales à l’Union africaine en matière d’intervention armée.
300
Cedric de CONING, Linnéa GELOT et John KARLSRUD, « Options Stratégiques pour l’Avenir des Opérations
de Paix Africaines 2015-2025 », op. cit., pp. 17-18.
301
CEDEAO, Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la
paix et de la sécurité, Article 10 (c).

85
effectuée dans le cadre du Mécanisme conformément aux chapitres VII et VIII de la Charte.302 Aux
termes de l’article 5 (b) du Protocole relatif au COPAX, celui-ci peut engager toute action civile
et militaire de prévention, de gestion et de règlement des conflits. La FOMAC qui est la force
d’exécution des missions militaires est en principe déployée sur décision uniquement de la
Conférence, instance suprême du COPAX. Cette CER non plus ne fait pas mention d’une volonté
de requérir une autorisation de l’Union africaine pour ses actions coercitives armées dans la sous-
région. Seule la SADC se réfère au rôle du Conseil de sécurité en rapport avec les mesures
coercitives qu’elle sera amenée à prendre dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité
de la sous-région.303 Cette absence de référence des Organisations sous-régionales à une éventuelle
autorisation de l’Union africaine laisse supposer deux hypothèses. Premièrement, on pourrait y
voir le fait que leurs mécanismes de gestion des conflits aient pratiquement tous été adoptés avant
la création de l’Union africaine. Nous avons vu que les relations entre l’OUA et les CER
demeuraient suffisamment floues, au point où les Communautés économiques régionales
disposaient d’une autonomie absolue et ne semblaient pas rechercher une articulation de leurs
mécanismes avec l’OUA. Deuxièmement, ce silence peut être interprété comme la manifestation
d’une volonté de ne pas se lier par une condition d’autorisation, confirmant ainsi l’absence de toute
idée de subordination.

Un autre argument a été avancé pour justifier la subordination des CER. Il se fonde sur le pouvoir
de l’Union africaine à décider du déploiement des brigades régionales dans le cadre de
l’architecture africaine de paix. Un tel droit d’initiative implique-t-il nécessairement un rapport de
subordination ? Au niveau universel, le monopole du Conseil de sécurité en matière de recours à
la force armée implique une relation de subordination avec les Organisations régionales à travers
l’exigence d’une autorisation préalable. Mais il ne s’agit pas d’une subordination absolue dans la
mesure où l’Organisation régionale peut ne pas donner suite à la demande du Conseil de sécurité.
Dans le contexte africain, l’Union africaine peut décider de la mise à disposition d’une brigade

302
Ibid., Article 52 (3).
303 SADC, Protocole sur la Coopération en matière de Politique, de Défense et Sécurité, article 11, para. 3, al. d.

86
régionale, comme elle peut également être mise en branle par l’instance sous-régionale dans le
cadre de sa propre mission de prévention, de gestion et de règlement des conflits. De plus, l’Union
africaine ne peut exercer une telle prérogative que si l’organisme régional la lui reconnaît
expressément. C’est le cas d’une CER comme la CEDEAO, mais toutes n’en font pas cas.304
Encore que les Organisations régionales conservent une liberté d’action qui leur permet d’accepter
ou de refuser le déploiement requis par l’Union africaine.305 L’on devrait même plutôt voir dans la
configuration de la force africaine en attente, une dépendance de l’Union à l’égard des
Communautés régionales. De plus, nous venons de montrer qu’il n’est pas établi en théorie à
l’égard des Organisations régionales une obligation de demander l’autorisation de l’Union
africaine avant tout recours à la force.

En définitive, l’analyse des textes de l’Union africaine ainsi que de ceux des CER ne permet pas
de déduire une relation de subordination entre celle-ci et les Organisations sous-régionales en
matière coercitive. En pratique cependant, il sera difficile qu’elles mènent des actions coercitives
armées ou non sans une implication de l’Union africaine, ceci au regard du pouvoir de coordination
et d’harmonisation dont dispose l’Union.306 Il reste à préciser le type d’implication dont il est
question. Celle-ci pourrait probablement consister à un rôle d’endossement ou de légitimation de
ces actions, sans oublier que le Protocole relatif à la création du CPS exige des Organisations
régionales de tenir le Conseil de paix et de sécurité pleinement et régulièrement informé de leurs
activités. La responsabilité principale du maintien de la paix accordée à l’Union lui confère le rôle
d’acteur incontournable et de tremplin de légitimation des actions entreprises sur le continent. De

304 CEDEAO, Protocole de la CEDEAO relatif au mécanisme de prévention, de gestion et de règlement des conflits,
de maintien de la paix et de la sécurité, article 26 (e) qui indique que le Mécanisme de l’organisation sous régional
peut être mis en œuvre à la demande de l’Union africaine. L’UMA par exemple n’a pas prévu une disposition
semblable.
305 Voir sur la liberté d’action de l’organisme régional à l’égard du Conseil de sécurité, Robert KOLB, « article 53
», dans COT J-P., PELLET A., et M. FORTEAU (dir. publ.), La Charte des Nations Unies : commentaire article par
article, Paris, Economica, 2005, pp. 1433-1434. Le Protocole d’Accord demande certes aux CER qui gèrent les
brigades régionales dans le cadre de la Force africaine en Attente mettent à la disposition de l’Union africaine en cas
de décision du Conseil de paix et de sécurité, leurs matériels et capacités mais l’article n’énonce pas une obligation.
306
UA, Protocole relatif au Conseil de paix et de sécurité, article 16, alinéa 1, lettre a, et l’article 21 du Protocole
d’Accord.

87
sorte qu’il serait inconcevable que les Organisations régionales puissent mener des actions sans
une autorisation ou une légitimation de l’Union africaine.

Aussi, les rapports qu’entretiennent les Nations Unies avec l’Union africaine et les Organisations
régionales africaines finissent de convaincre sur l’inexistence d’une relation de subordination entre
celles-ci. Le modèle de relation tripartite qui est en voie d’institutionnalisation est la preuve que
l’ONU ne considère pas les Communautés régionales économiques comme subordonnées à
l’Union africaine.307 L’Organisation universelle considère tout autant l’Union africaine que les
Organisations sous-régionales comme des Organisations régionales au sens du chapitre VIII de la
Charte au même titre. Sous l’OUA, elle entretenait des relations de coopération bilatérale avec
chacune d’elles. Après la mutation, l’ONU tout en reconnaissant l’Union africaine comme
l’interlocutrice privilégiée en matière de maintien de la paix et de la sécurité sur le continent, prend
acte d’une coordination interafricaine préalable. Ce qui présente l’avantage d’installer une relation
trilatérale dans laquelle aussi bien l’Organisation sous-régionale chargée de la gestion du conflit
en cours que l’Union africaine sont considérées comme des partenaires appelées à coordonner
leurs actions avec l’ONU pour la résolution du conflit.

Tout bien considéré, nous estimons qu’en théorie, aucune relation de subordination ne saurait être
perçue dans les relations entre l’Union et les Communautés économiques régionales. Nous ne
soutenons même pas une subordination limitée dans le cadre de l’architecture africaine de paix et
de sécurité. Les instruments juridiques de l’Union africaine ainsi que le Protocole d’accord
organisent plutôt des relations fondées sur des principes de subsidiarité, de complémentarité et
d’avantages comparatifs respectifs.308 L’Union africaine et les Communautés économiques
régionales sont invitées à une action conjointe pour la mise en œuvre et le fonctionnement de

307
Voir sur la relation tripartite en voie d’institutionnalisation Medard KIENOU, « le règlement pacifique des
différends entre États africains », op. cit., pp. 451-457.
Article IV (iv) du Protocole d’Accord. La subsidiarité postulée ici n’implique pas une priorité au profit des
308

Communautés économiques régionales. L’article XX qui précise les modalités d’interaction entre les organisations
régionales africaines précise en son alinéa 5 que « rien dans le présent Protocole ne doit être compris comme pouvant
empêcher l’Union de prendre les mesures nécessaires en vue de maintenir ou de rétablir la paix et la sécurité partout
sur le continent ».

88
l’architecture continentale de paix et de sécurité.309 La coopération guide leurs relations en matière
de prévention des conflits, du rétablissement et de la consolidation de la paix.310 Elles doivent
également faire preuve d’action conjointe et d’appui mutuel pour la promotion et le maintien de la
paix, ainsi que pour la sécurité et la stabilité du continent.311 Elles sont soumises à une obligation
de coopération et d’aide mutuelle pour les cas d’action humanitaire ou d’intervention en cas de
catastrophe naturelle majeure.312

En dehors du cadre de l’architecture africaine de paix, la responsabilité principale de l’Union


africaine semble lui conférer un pouvoir de coordination et de rationalisation des Communautés
économiques régionales et sous-régionales. Ce pouvoir de coordination et d’harmonisation est
conforté par d’autres dispositions du Protocole relatif à la création du CPS ainsi que du Protocole
d’Accord de coopération. Au président de la Commission de l’Union africaine et au Conseil de
paix et de sécurité, il est confié le mandat « d’assurer une harmonisation, une coordination et une
coopération étroites entre les Mécanismes régionaux et l’Union dans la promotion et le maintien
de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Afrique ».313 L’article 16 (3) du Protocole du CPS
demande aux Mécanismes régionaux de tenir le Conseil de paix et de sécurité pleinement et
régulièrement informé de leurs activités et de s’assurer que ces activités soient étroitement
coordonnées et harmonisées avec celui-ci. Le pouvoir de coordination et d’harmonisation se
traduit également par le fait que le CPS ait été désigné comme l’organe de règlement de différends
sur l’interprétation ou l’application du Protocole d’accord de coopération entre l’Union africaine
et les CER.314 L’effectivité de la coopération passe par des arrangements comprenant l’échange
d’informations, la tenue de réunions, la présence institutionnelle ainsi que des activités conjointes

309
Protocole d’Accord de coopération, Article V, par.1 ; article VI, par. 1.
310
Ibid., Articles V ; VII, par. 3 et 4.
311
Ibid., Articles VII, par. 2.
312
Ibid., Article VIII.
313
Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité, Article 16. 1. A.
314
Ibid., Article 24, par. 2.

89
et de coordination sur le terrain.315 L’échange d’informations inclut une transmission mutuelle de
rapports d’activités entre les CER et l’UA, au moins tous les six mois ou chaque fois que le besoin
se fait sentir.316 Dans le but du renforcement de leur coopération, les CER sont invitées à participer
à l’examen de toute question soumise au Conseil de paix et de sécurité et qui est également
examinée par elles ou présente un intérêt particulier pour elles.317 En contrepartie, le président de
la Commission devrait être invité à participer aux réunions et aux délibérations des CER sur une
situation donnée.318 Il est prévu dans le cadre de la présence institutionnelle la mise en place de
bureaux de liaison aux sièges des secrétariats respectifs des CER et de la Commission de l’UA.319
Le pouvoir de rationalisation de l’Union africaine s’est matérialisé par une décision de suspension
de la reconnaissance de nouvelles Communautés économiques.320

Le pouvoir de coordination de l’Union s’exprime aussi à travers le mandat qui lui est conféré de
coordonner les Organisations régionales africaines dans leurs relations avec l’ONU. Le Protocole
d’Accord de coopération dispose à cet effet que « les parties coordonnent étroitement leurs efforts
dans les forums internationaux pertinents, y compris les Nations Unies. L’Union coordonne de tels
efforts en vue d’assurer que les intérêts et positions de l’Afrique tels que convenus au niveau
continental sont effectivement défendus ».321 Ce rôle de coordination de l’Union des relations avec

315
Ibid., Article 15. L’article 5 du même Protocole énonce que les parties coopèrent dans tous les domaines concernant
la promotion et le maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Afrique. Une liste non exhaustive des domaines
de coopération est précisée par la disposition.
316
Protocole d’Accord, Article 16.
317
Protocole d’Accord, Article 17 (2) et article 16 (6) du Protocole relatif à la création du CPS.
318
Protocole d’Accord, Article 17 (3) et article 16 (7) du Protocole relatif à la création du CPS.
319
Il est également prévu en plus des bureaux de liaison des « réunions périodiques, au moins une fois par an, avec
les premiers responsables et/ou les autorités chargées des questions de paix et de sécurité au niveau des Mécanismes
régionaux », article 16 par. 4 du Protocole relatif à la création du CPS. Voir aussi l’article 16, par. 8 du Protocole
relatif à la création du CPS et l’article 18 du Protocole d’Accord.
320
Cette décision adoptée lors d’une réunion de la Conférence à Banjul en Gambie (tenue du 1 er au 2 juillet 2006) fait
suite aux recommandations faite à la Conférence de l’Union par la Conférence des ministres africains de l’intégration
tenue les 30 et 31 mars 2006 à Ouagadougou au Burkina Faso, voir Assembly/AU/Dec. 112 (VII), Décision relatif au
moratoire sur la reconnaissance des Communautés économiques régionales (CER) – Doc. EX. CL/278 (IX), 1-2-
juillet 2006, Banjul, Gambie.
321
Protocole d’Accord, Article 21 (1).

90
l’ONU est également entériné par l’obligation faite à sa Commission de s’assurer que l’obligation
d’information du Conseil de sécurité prescrite par l’article 54 de la Charte à l’égard des
Organisations régionales est respectée aussi bien par l’Union que par les CER.322

La pratique semble relever plutôt du tâtonnement. Sur le terrain, les relations entre l’Union
africaine et les Communautés économiques régionales et sous-régionales oscillent entre
chevauchements, rivalités institutionnelles, et efforts de coopération et de collaboration. On a ainsi
pu noter des frictions institutionnelles entre la CEDEAO et l’Union africaine aux premières heures
de la gestion de la crise malienne. Dans un premier temps, le Conseil de paix publie un
Communiqué autorisant la CEDEAO à activer sa Force en attente, après que celle-ci ait envisagé
le déploiement de cette Force sous le nom de MICEMA323. Ce Communiqué est considéré comme
une tentative de l’Union de recadrer la CEDEAO en lui rappelant le cadre de l’Architecture de
paix et de sécurité.324 Le passage de la MICEMA à la MISMA a tout autant été marqué par un
manque de coordination et parfois de tensions entre les deux Organisations.325 L’absence de
coordination des Organisations intervenant dans cette crise, y compris avec les Nations Unies a
contribué à retarder l’obtention d’un consensus sur les modalités de règlement de la crise.326
L’antagonisme observé dans les relations entre l’UA et la CEDEAO dans la gestion de la crise
malienne avant l’intervention française se fondait beaucoup plus sur une rivalité institutionnelle

322
Protocole d’Accord, Article 21 (3).
323
Voir le Communiqué PSC/PR/COMM. (CCCXXIII), 323e réunion tenue à New York le 12 juin 2012, le para.14
précise « …Le Conseil, dans ce cadre et rappelant son appui antérieur à l’activation de la Force en attente de la
CEDEAO, autorise la CEDEAO, en collaboration le cas échéant avec les pays du champ… ». Voir l’article 6 de la
Décision MSC/AHSG/DEC.2/04/12 qui donne mandat à la Force en attente de la CEDEAO de rétablir l’intégrité
territoriale et l’ordre constitutionnel en République du Mali.
324
Le Communiqué fait un rappel des dispositions de l’article 16 du Protocole relatif à la création du CPS sur les
relations entre l’UA et les Mécanismes régionaux ainsi que le Protocole d’accord de janvier 2008 entre l’UA et les
Mécanismes régionaux dans le domaine de la paix et de la sécurité, conclu conformément à l’article 16 du Protocole
relatif à la création du CPS.
325
Lori-Anne THÉROUX-BÉNONI, « De la MICEMA à la MINUSMA : L’architecture sécuritaire internationale à
l’épreuve de la crise malienne », op. cit., p. 60 ; voir aussi, le Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité, Institut
d’Études de Sécurité, no 37, août 2012, p. 5 ; Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité, Institut d’Études de
Sécurité, numéro 40, avril 2012, p. 9.
Voir, le Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité, Institut d’Études de Sécurité, numéro 37, août 2012, p.5 ;
326

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité, Institut d’Études de Sécurité, numéro 40, avril 2012, p. 9.

91
que sur des questions profondes liées à la gestion de la crise. Fort heureusement, les divergences
ont été aplanies au profit d’une coopération fondée sur des avantages comparatifs des différentes
Organisations intervenantes. La compétition a été atténuée par la mise en place d’un Groupe de
travail intégré sur le Mali (GTIM).327 La crise de succession intervenue au Togo en 2005 a
également fait l’objet de décalage de prises de position entre la CEDEAO et le Conseil de paix et
de sécurité de l’Union. La gestion de la crise a révélé des notes discordantes entre le président de
la Commission de l’Union africaine et l’Organisation sous-régionale.328

L’Union africaine a par ailleurs fait une application stricte du principe de la subsidiarité en confiant
d’office à la SADC la gestion de la crise politique intervenue au Zimbabwe à l’issue des élections
de mars 2008.329

Le processus d’appropriation des problématiques de la paix et de la sécurité en Afrique a


incontestablement pris de l’ampleur depuis la naissance de l’Union africaine. A l’issue d’une
dizaine d’années d’expérience, les innovations institutionnelles et normatives ont permis de
renforcer la capacité d’action de l’Union ainsi qu’une participation croissante des Communautés
économiques régionales dans le cadre de l’architecture africaine de paix et de sécurité. Cependant,
l’ambition affirmée des acteurs africains de jouer un rôle central dans le maintien de la paix et de
la sécurité sur le continent est confrontée à diverses réalités dont la plus importante reste
l’insuffisance des ressources financières. En effet, L’implication croissante des Organisations
régionales africaines dans la gestion des crises a paradoxalement révélé leur extrême dépendance
aux soutiens extérieurs. Les difficultés budgétaires ont considérablement limité leur action
notamment sur les capacités de déploiement des opérations de paix.330 Comme le relevait le Conseil

327
Le groupe a vu le jour au cours d’une réunion ayant regroupé l’Union africaine, la CEDEAO et les Nations Unies
328
Voir sur le décalage entre le CPS et la CEDEAO ainsi que les prises de position discordantes, Emad AWWAD, «
Le conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine », op. cit., pp.167-169.
329
Voir Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité, Institut d’Études de Sécurité, numéro 46, mai 2013, pp. 4-5.
330
Voir le Rapport de la Présidente de la Commission sur des mesures de suivi de la position africaine commune sur
la revue des opérations de paix des Nations Unies, 547e réunion des Chefs d’Etat et de gouvernement, New York,
Etats-Unis d’Amérique, 26 septembre 2015, PSC/AHG/3.(DXLVII), para.11.

92
de sécurité dans sa résolution 1809 (2008), la pénurie de ressources prévisibles et durables limite
la capacité d’action de l’Union africaine, malgré la volonté manifeste de celle-ci de s’acquitter de
ses engagements en matière de maintien de la paix et de la sécurité en Afrique.331 L’absence de
financement prévisible et durable est associée à diverses contraintes opérationnelles dont
l’incapacité d’obtenir les effectifs militaires prescrits, une efficacité des opérations limitée du fait
que l’accent est mis sur les préoccupations financières de court terme au détriment d’une vision
stratégique à long terme.332 Contrairement à l’ONU, les missions de paix des Organisations
régionales africaines sont financées à partir de leurs budgets, par des Etats participants à
l’opération, et grâce à des contributions volontaires publiques ou privées. Des Etats fournisseurs
de contingents concèdent souvent des contributions en ressources humaines non négligeables.333
Un Fonds pour la paix a également été créé pour permettre le financement des missions d’appui à
la paix ainsi que de toutes les activités opérationnelles de l’Union africaine. Cependant ces sources
de financement internes restent encore insuffisantes et inadaptées aux besoins des missions de
maintien de la paix qui nécessitent des financements prévisibles et pérennes. Ceci justifie que
l’essentiel du financement des Organisations régionales africaines soit assuré par les contributions
extérieures.

331
Voir la résolution 1809 (2008) du 16 avril 2008 du Conseil de sécurité, S/RES/1809 (2008), p. 2, par. 7.
Voir le Rapport du secrétaire général, Appui aux opérations de maintien de la paix de l’Union africaine autorisées
332

par l’Organisation des Nations Unies, p. 6, par. 20


333
L’Afrique du Sud a considérablement contribué à la mission de l’Union africaine au Burundi , voir « South Africa’s
Peacekeeping Role in Burundi : Challenges and Opportunities for Future Peace Missions », The African Center for
the Constructive Resolution of Disputes, Occasional Paper Series, vol. 2, no2, 2007, pp. 40-41 ; le Nigéria et plusieurs
autres pays fournisseurs de contingents de l’Afrique de l’Ouest ont aussi apporté une importante contribution aux
missions de paix en Sierra Léone et au Libéria sous la conduite de la CEDEAO. Voir le Rapport du Secrétaire général
sur l’appui aux opérations de maintien de la paix de l’Union africaine autorisées par l’Organisation des Nations
Unies, S/2009/470, p. 8, par. 27.

93
CHAPITRE I : LA PREHISTOIRE DE L’ARTICLE 4 (H) : LES VELLEITES SOUS-
REGIONALES DE RECOURS A LA FORCE ARMEE SANS AUTORISATION PREALABLE DU
CONSEIL DE SECURITE
Bien avant la création de l’Union africaine, les Organisations sous-régionales qui étaient pour la
plupart prédestinées à l’intégration économique du continent africain font preuve d’innovations en
matière de paix et de sécurité. Dans le cadre de résolutions de multiples conflits qui ont éclatés sur
le continent après la guerre froide, les Organisations sous-régionales africaines ont pris des
intiatives en menant des interventions militaires dans certains de leurs Etats membres. La licéité
de ces actions coercitives armées a longtemps suscité des débats dans la mesure où elles ont été
pratiquées sans une autorisation préalable du Conseil de sécurité et ne semblent pas pouvoir se
fonder sur les autres exceptions de l’interdiction du recours à la force armée. Ces pratiques
renouvelées d’interventions à légalité discutable ont été cristallisées par une pratique
conventionnelle qui consacre une approche tout à fait inaccoutumée sur la question du recours à
la force armée.
Les cadres normatifs de gestion des conflits institués par ces Organisations sous- régionales
consacrent des dispositions juridiques qui leur accordent des pouvoirs étendus en matière de
recours à la force armée, donnant à constater un changement de paradigme en matière de recours
à la force armée.
Nous analyserons dans une première section, la tendance à l’affirmation d’un droit autonome
d’intervention par la CEDEAO, première Organisation sous-régionale africaine à afficher des
velléités d’émancipation du monopole du Conseil de sécurité en matière de recours à la force armée
(section I). Les tendances des autres Organisations sous-régionales seront abordées dans une
seconde section, celles-ci n’étant pas restées indifférentes à la brèche ouverte par la CEDEAO
(section II).

Section I : La tendance à l’affirmation d’un droit d’intervention par la CEDEAO

La CEDEAO reste l’Organisation sous-régionale ouest-africaine la plus active en matière de


gestion des conflits et la première à afficher de sérieuses velleités d’émancipation en matière de
recours à la force armée. En témoigne une pratique renouvelée d’interventions armées sans
autorisation préalable du Conseil de sécurité au Libéria et en Sierra Léone (Paragraphe I). Le

94
dispositif juridique institutionnel destiné à fournir une base juridique à son action en matière de
maintien de la paix et de la sécurité dont elle s’est par la suite dotée, est le premier mécanisme de
gestion des conflits qui institutionnalise un droit autonome d’intervention sans une autorisation
préalable du Conseil de sécurité (Paragraphe II).

Paragraphe I : Une pratique brute renouvelée d’interventions armées sans autorisation


préalable du Conseil de sécurité

La pratique interventionniste de la CEDEAO s’est illustrée par deux interventions militaires


unilatérales au Libéria et en Sierra Léone. L’Organisation sous-régionale a également mené des
opérations militaires en Guinée-Bissau et en Côte d’Ivoire. Ces dernières étant cependant
reconnues comme des opérations de paix consensuelles, elles ne présentent pas une pertinence
pour notre étude et par conséquent ne feront pas l’objet de notre analyse.

A- L’intervention militaire de la CEDEAO au Libéria (1990-1997)

La CEDEAO a mené une intervention militaire au Libéria à la suite du conflit meurtrier qui a
éclaté dans ce pays en 1989.334 Cette première action coercitive était une tentative de
l’Organisation sous-régionale de pallier le blocage des mécanismes de gestion de conflits de
l’OUA ainsi que la réticence de l’ONU à s’y engager.335 Elle marque ainsi l'engagement de
l'Organisation sous-régionale dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité. Pour faire
face à la situation de guerre civile qui prévalait au Libéria,336 les membres du Comité Permanent

334
Jeremy I. LEVITT, « Humanitarian Intervention by Regional Actors in Internal Conflicts: The Cases of ECOWAS
in Liberia and Sierra Leone », Temple International and Comparative Law Journal, vol.12, n.2, pp. 342-344.
335
Il est avancé que bien que le conflit du Libéria ait été porté à l’attention du Conseil de sécurité en juin 1990, celui-
ci a été incapable de s’y pencher avant janvier 1991, cinq mois après l’intervention militaire de la CEDEAO. Voir à
ce sujet Jean ALLAIN, « The True Challenge to the United Nations System of the Use of Force: The Failures of
Kosovo and Iraq and the Emergence of the African Union », Max Planck Yearbook of United Nations Law, vol. 8, no
1, 2004, p. 260 ; Herbert HOWE, Ambiguous Order: Military Forces in African States, London and Boulder, Lynne
Rienner Publishers, 2001, p. 36; David AMBROSETTI, Normes et rivalités diplomatiques à l’ONU : le Conseil de
sécurité en audience, Peter Lang, 2009, p.174; David WIPPMAN, « Enforcing the peace : ECOWAS and the Liberian
Civil War », in Lori Fisler DAMROSCH, Enforcing Restraint : Collective Intervention in Internal conflicts, New-
York, Council on Foreign Relations, 1993, p. 165.
336
Voir sur la qualification du conflit au Liberia Georg NOLTE, « combined peacekeeping: ECOMOG and UNOMIL
in Liberia », International Peace-keeping, March-May 1994, p. 42.

95
de Médiation (C.P.M.)337 réunis à Banjul le 07 août 1990, décidèrent de la création d’une force
militaire dénommée ECOMOG (ECOWAS Cease-Fire Monotoring Group ou Groupe de contrôle
de cessez-le-feu de la CEDEAO) sous l’égide de la CEDEAO. L’ECOMOG recevait alors pour
mandat de conduire des opérations militaires pour imposer le respect du cessez-le-feu, rétablir la
loi et l’ordre et créer les conditions favorables à la tenue d’élections libres.338 Six à sept ans ont
été nécessaires pour obtenir une stabilisation de la situation qui va se solder par la tenue d’élections
portant Charles Taylor au pouvoir en 1997.339

La légalité de l’intervention militaire de la CEDEAO au Libéria a donné lieu à de multiples


controverses. La conformité au droit international de l’action a été contestée au regard non
seulement des dispositions de la Charte des Nations Unies qui encadrent le recours à la force par
les Organisations régionales,340 mais aussi sur la base des règles bien établies de l’interdiction du

337
Le Comité Permanent de Médiation est un organe subsidiaire composé de cinq Etats membres renouvelés tous les
trois ans. Il a vu le jour lors du sommet de la CEDEAO du 30 mai 1990 à Banjul en Gambie. Voir CEDEAO, Décision
A/DEC. 9/5/90 relative à la création d’un Comité permanent de médiation, Journal officiel, vol. 17, juin 1990, p. 24.
338
Trois mille cinq cents (3500) hommes constituant la force militaire de l’ECOMOG furent déployés à Monrovia
pour assurer ce mandat. Voir Funmi OLONISAKIN, Reinventing Peacekeeping in Africa: Conceptual and Legal
issues in ECOMOG operations, The Hague / London/ Boston: Kluwer Law Iinternational, 2000, p. 104.
339
Pour plus de détails sur l’historique de cette intervention de la CEDEAO au Libéria, voir principalement Abou
ABASS, « La CEDEAO et le maintien de la paix et de la sécurité internationales », L’observateur des Nations Unies,
n°14, 2003, pp.12-15 ; Jeremy I. LEVITT, « Pro-Democratic intervention in Africa », Wisconsin International Law
Journal, vol.24, no.3, 2006-2007, pp. 795-799 ; Suyash PALIWAL « The Primacy of Regional Organizations in
International Peacekeeping : The African Example », Virginia Journal of International Law, vol. 51, no1, pp. 209-
210 ; Kofi K. KUFUOR, « The Legality of Intervention in the Liberian Civil War by the Economic Community of
West African States », African Journal of International and Comparative Law, vol. 5, 1993, pp. 525-560; Tatiana de
Almeida Freitas R. CARDOSO and Rafaela Steffen G. da ROSA, « ECOWAS’Operations under International Law:
a Matter of Common Goals to Bring about Peace or a Shield for States’Self-Interests? », Journal of Global Peace and
Conflict, December 2014, vol. 2, n.2, pp. 24-28; Max A SESAY, « Civil war and collective intervention in Liberia »,
Review of African Political Economy, 1996, no.67, pp. 34-52; John M. KABIA, Humanitarian Intervention and
Conflict Resolution in West Africa. From ECOMOG to ECOMIL, Farnham, Ashgate, 2009, pp. 71 et ss; Nadia
TABIOU « L’intervention de l’ECOMOG au Libéria et en Sierra Leone », in M. Benchikh (dir.), Les Organisations
Internationales et les conflits armés, Paris, l’Harmattan, 2001, pp. 265 et ss.; Georg NOLTE, « Restoring Peace by
Regional Action: Internal Legal Aspects of the Liberian Conflict », Max-Planck-Institut für ausländisches öffentliches
Recht und Völkerrecht, vol.23, 1993, pp. 605-612; David WIPPMAN, « Enforcing the peace : ECOWAS and the
Liberian Civil War », in Lori Fisler DAMROSCH, Enforcing Restraint : Collective Intervention in Internal conflicts,
New-York, Council on Foreign Relations, 1993, pp. 160-165.
340
Voir l’article 53 (1) de la Charte des Nations Unies qui interdit aux accords régionaux de prendre des mesures
coercitives sans l’autorisation du Conseil de sécurité. Les deux seules exceptions au recours à la force prévues par la
Charte sont la légitime défense prévue à l’article 51 ainsi que la délégation de l’exécution de mesures coercitives

96
recours à la force et de la non-intervention dans les affaires internes des Etats.341 Il se dégage, de
prime abord, une unanimité sur le fait qu’elle a été menée sans une autorisation préalable du
Conseil de sécurité, aucune résolution n’ayant été adoptée par celui-ci avant le déclenchement
de l’opération militaire.342 Elle a été entreprise sur la base d’une simple décision du C.P.M. qui
adopta à l’occasion une résolution sur la situation au Libéria.343
Plusieurs fondements ont été avancés par l’Organisation sous-régionale elle-même et par ses Etats
membres pour justifier le recours à la force dans ce pays, faute d’une autorisation préalable du
Conseil de sécurité. Parmi les multiples arguments invoqués tant par les dirigeants de
l’Organisation que par les Etats membres, on peut retenir essentiellement quatre principaux
fondements. Une première justification a consisté à dire que l’intervention serait fondée sur le
Protocole d’assistance mutuelle en matière de défense adopté par la CEDEAO, le 29 mai 1981.344
Il s’agit d’un instrument juridique qui institue un système régional de sécurité destiné à la
protection des Etats membres de la CEDEAO contre les agressions ou menaces d’agressions
extérieures et qui prévoit l’implication de la Communauté en cas de conflits entre les Etats
membres ainsi qu’en cas de conflit armé au sein d’un Etat membre.345 La validité de cette première

décidées par le Conseil de sécurité dans le cadre du chapitre VII ou l’autorisation accordée par celui-ci en vertu de
l’article 53.
341
Voir l’article 2, par. 4 de la Charte des Nations Unies. Voir aussi dans le préambule du Protocole d’assistance
mutuelle en matière de défense de la CEDEAO, le seul instrument juridique qui instituait un système de sécurité
collective de l’Organisation, les Etats membres rappellent l’article 2 de la Charte des Nations Unies impliquant qu’ils
renonçaient à la menace ou à l’emploi de la force et à l’ingérence dans les affaires intérieures des Etats. Le préambule
fait également référence à l’article 3 de la Charte de l’OUA qui impose le respect de la souveraineté et de l’intégrité
territoriale des Etats.
342
Voir Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, 2e éd., Pedone, Paris, 2014, p. 611.
343
Voir le Final Communique of the First session of the Community Standing Mediation Comitee, ECOWAS, Banjul,
Republic of Gambia, August 6-7, 1990.
344
Le Président Gambien Sir Dauda Jawara déclarait dans une interview accordée à Africa Magazine que l’ECOMOG
a été déployé au Libéria principalement pour protéger l’intégrité souveraine du pays qui se trouvait menacé et que la
base légale de cette intervention dérivait du Protocole d’assistance mutuelle en matière de défense, voir Towards
Peace in Liberia, West Africa Magazine, 26 November-2 December 1990, p. 2895, cité par Kofi K. KUFUOR, « The
Legality of Intervention in the Liberian Civil War by the Economic Community of West African States », op. cit., p.
528.
345
L’implication de la Communauté en cas de conflit entre deux Etats membres est conditionnée par l’impossibilité à
régler le conflit de facon pacifique conformément à l’article 5 du Protocole de non-agression. Dans le cas d’un conflit
armé au sein d’un Etat membre, il doit être soutenu et activement entretenu de l’extérieur et susceptible de mettre en

97
justification a cependant été contestée. En effet, ni le Protocole de non-agression, ni celui
d’assistance mutuelle en matière de défense n’habilitent la CEDEAO à entreprendre des actions
coercitives armées dans des conflits purement internes sans que ceux-ci soient activement soutenus
de l’extérieur.346
L’action de la CEDEAO ne pouvait pas non plus se fonder sur ses instruments juridiques relatifs
à la gestion des conflits au moment de l’intervention. Le système de sécurité de la CEDEAO au
moment de son action au Libéria était essentiellement constitué de l’Accord-cadre de Non-
agression et d’assistance en matière de Défense (ANAD) signé le 22 avril 1978 à Lagos (Nigéria)
ainsi que du Protocole d’assistance mutuelle en matière de Défense, adopté le 29 mai 1981 à
Freetown (Sierra Leone), entré en vigueur en 1986.347 Il a d’ailleurs été relevé une méconnaissance
des textes régissant la procédure à suivre dans les cas de conflits internes susceptibles d’entrainer
une intervention de la Communauté.348

danger la paix dans l’ensemble de la Communauté, article 4, points a et b du Protocole d’assistance mutuelle en
matière de défense.
346
La décision créant l’ECOMOG fait référence au Protocole d’assistance mutuelle en matière de défense, or
l’assistance militaire collective prévue par celui-ci ne s’applique qu’aux cas d’agression ou de menace d’agression
émanant de l’extérieur ou de conflit interne mais activement soutenu de l’extérieur. De plus, le Protocole d’assistance
mutuelle en matière de défense indique que les cas de conflits internes soutenus par des forces étrangères, susceptibles
de mettre en danger la paix et la sécurité de la Communauté seront traités sous l’autorité de l’Etat membre concerné.
Ce qui suppose que l’implication de la CEDEAO ne peut avoir de caractère autoritaire dans la résolution des conflits
surtout dans un cas de conflit interne. Voir l’article 1er, et l’article 4 (b) du Protocole d’assistance mutuelle en matière
de défense.
347
Voir Davis BROWN, « The role of Regional Organizations in Stopping Civil Wars », Air Force Law Review,
vol.41, 1997, p. 257 ; Abou ABASS, « La CEDEAO et le maintien de la paix et de la sécurité internationales », op.
cit., p.8 ; Kofi K. KUFUOR, « The Legality of Intervention in the Liberian Civil War by the Economic Community
of West African States », op. cit., pp. 535-539; Jeremy I. LEVITT, « Humanitarian Intervention by Regional Actors
in Internal Conflicts : The Cases of ECOWAS in Liberia and Sierra Leone », op. cit., pp. 346-347 ; Georg NOLTE, «
Combined peacekeeping : ECOMOG and UNOMIL in Liberia », International Peace-keeping, March-May, 1994,
p.43 ; Antoine-Didier MINDUA, « Intervention armée de la CEDEAO au Libéria : illégalité ou avancée juridique ?»,
African Journal of International and Comparative Law, vol.7, no2, 1995, pp. 263-269 ; Georg NOLTE, « Combined
peacekeeping : ECOMOG and UNOMIL in Liberia », op. cit., pp. 612-617 ;
348
Les articles 6, 9, 16 et 18 du Protocole d’assistance mutuelle en matière de défense de la CEDEAO donnent des
indications sur les procédures à suivre dans des cas d’intervention dans les conflits d’ordre interne. Voir également
les développements de Antoine-Didier MINDUA, « Intervention armée de la CEDEAO au Libéria : illégalité ou
avancée juridique ?», op. cit., pp. 263-269 ; Meledje DJEDJRO, « La guerre civile du Libéria et la question de

98
L’intervention humanitaire a été invoquée pour soutenir la légalité de l’intervention militaire de la
CEDEAO au Libéria.349 Mais cet argument non plus n’a pas emporté conviction, dans la mesure
où l’intervention pour des motifs humanitaires sans l’autorisation du Conseil de sécurité n’était
pas établie en droit international. Elle ne fait pas non plus partie des exceptions à l’interdiction du
recours à la force, prévues par la Charte. D’ailleurs, sa reconnaissance en droit international est
encore très discutée en doctrine.350 Les instruments juridiques de la CEDEAO au moment de
l’intervention ne prévoyaient pas non plus de dispositions sur un tel droit.351 Cette justification a

l’ingérence dans les affaires intérieures des Etats », Revue Belge de Droit international, Bruxelles, Editions Bruylant,
vol. 2, 1993, pp. 410-415.
349
La CEDEAO déclarait en premier lieu que « it must emphasize that the ECOWAS Monitoring Group (ECOMOG)
is going to Liberia first and foremost to stop the senseless killing of innocent civilian nationals and foreigners, and to
help the Liberian people to restore their democratic institutions », Letter from Ibrahim A. Gambari, Permanent
Representative of Nigeria, to Javier Pérez de Cuéllar, Secretary general of United Nations (Aug. 10, 1990), reprinted
in UN Doc. S/21485. L’argument d’intervention humanitaire sera également avancé aussi bien par le Président du
Nigeria que par celui de la Gambie. Le Président du Nigeria déclarait à propos de l’intervention: « we are in Liberia
because events in that country have led to massive destruction of property, the massacre by all parties of thousands of
innocent civilians including foreign nationals, women and children… contrary to all standards of civilised behaviour
and international ethics and decorum…», voir Matchet’s DIARY, Bundu on new ECOWAS Treaty, West Africa
Magazine, 1-7 Febrary, 1993, p.146, cité par K. KUFUOR, « The Legality of Intervention in the Liberian Civil War
by the Economic Community of West African States », op. cit., p. 529. Le Président de la Gambie pour sa part affirmait
que la CEDEAO n’envoyait pas une force d’invasion au Libéria, la mission de l’ECOMOG était strictement
humanitaire et consistait à aider les personnes pris dans les feux en approvisionnements alimentaires et médicaux, voir
Peter DA COSTA, Intervention Time : ECOWAS Imposes Peace, West Africa Magazine, 13-19 August, 1990, p. 2280,
et p. 2289. Pour la Côte d’Ivoire, il était question d’« éviter la boucherie qui se déroule à ses portes »,voir Fraternité
Matin, 9 août 1990. Voir aussi le Monde diplomatique, septembre 1990, p. 24. La Guinée était également « sensible
aux souffrances du peuple libérien dont elle accueillait des centaines de milliers des réfugiés, en partageant avec eux
ses maigres ressources », Horoya, Conackry, 4 août 1990, cité par Antoine-Didier MINDUA, « Intervention armée de
la CEDEAO au Libéria : illégalité ou avancée juridique ?», op. cit., p. 259.
350
Voir de façon sélective les discussions sur la notion de droit d’« intervention humanitaire », David J. SCHEFFER,
« Toward a Modern Doctrine of Humanitarian Intervention », University of Toledo Law Review, vol. 23, 1991-1992,
pp. 253-293 ; Mario BETTATI & Bernard KOUCHNER, Le devoir d’ingérence : peut-on les laisser mourir ?, Paris,
Denoël, 1987 ; Mario BETTATI, « un droit d’ingérence ? », op. cit., pp. 639-670 ; Olivier CORTEN, le droit contre
la guerre, op. cit., p.737 et ss. ; Olivier CORTEN et Pierre KLEIN, Droit d'ingérence ou obligation de réaction ?,
Bruxelles, Bruylant, 1992, pp.110-164 ; Robert KOLB, « Note on humanitarian intervention », Revue Internationale
de la Croix-Rouge, vol. 85 n°849, 2003 ; Robert KOLB, « article 53 », dans J. P. Cot et A. Pellet (dir.), La Charte des
Nations Unies. Commentaire article par article, 3e éd., Paris, Economica, 2005, pp. 1419-1423.
Au moment de l’intervention au Libéria, les seuls mécanismes juridiques susceptibles de fonder l’action de la
351

CEDEAO dans le domaine de la paix et de la sécurité étaient le Protocole de non-agression signé le 22 avril 1978 à

99
également été réfutée par plusieurs auteurs qui ont soutenu le fait que des motifs humanitaires ne
sauraient fonder l’action de l’Organisation sous-régionale au Libéria.352 Le troisième argument
invoqué par la CEDEAO pour justifier son action est celui de la nécessité de restaurer l’ordre et la
loi dans un Etat membre sur le territoire duquel se déroule un conflit susceptible d’avoir des effets
déstabilisateurs dans la sous-région. Il est ainsi fait référence aux conditions chaotiques qui
prévalaient au Liberia et qui présentaient des risques pour les autres Etats membres.353 Mais ce
motif n’a pas plus de fondement en droit international. La Charte n’a en effet pas prévu une
exception de l’interdiction du recours à la force fondé sur l’intervention d’un Etat ou d’une
Organisation internationale dans un autre Etat pour mettre fin à une instabilité.354 Il y’a eu certes
des précédents historiques d’intervention au soutien desquels un tel argument a été avancé, mais
leur légalité n’a pas pour autant été reconnue en droit international355.

Lagos (Nigeria) et le Protocole d’assistance mutuelle en matière de défense, signé le 29 mai 1981 à Freetown (Sierra
Leone). Or ces deux instruments ne prévoyaient pas de dispositions sur un quelconque droit d’intervention.
352
Voir Abou ABASS, « La CEDEAO et le maintien de la paix et de la sécurité internationales », op. cit., p.24 ; Kofi
K. KUFUOR, « The Legality of Intervention in the Liberian Civil War by the Economic Community of West African
States », op. cit., pp. 539-543 ; contra Jeremy I. LEVITT, « Humanitarian Intervention by Regional Actors in Internal
Conflicts : The Cases of ECOWAS in Liberia and Sierra Leone », op. cit., pp. 347-351 ; Meledje DJEDJRO, « La
guerre civile du Libéria et la question de l’ingérence dans les affaires intérieures des Etats », op. cit., pp. 401-404.
353
Voir la déclaration du président du Nigeria Ibrahim Babangida qui fonde l’intervention de la CEDEAO sur le fait
que le conflit présentait des menaces sur la sous-région, voir Dateline : Liberia : Taylor Rejects Bamako Initiative,
West Africa Magazine, 12-18, november, 1990, p. 2836 ; voir également la déclaration du représentant du Nigéria au
Conseil de sécurité qui estime que sans intervention, la situation au Liberia pourrait évoluer en une menace à la paix
et à la sécurité internationale, voir UN Doc. S/PV.2974, 22 January 1991, p. 8. Le Bénin invoqua la sécurité de la
sous-région, estimant que le coup de force de Taylor présentait des risques de toucher tous les pays voisins, comme
c’était le cas, selon le président du pays, en Sierra Léone, position reprise par le « Comité des neuf sur la crise au
Libéria », à l’occasion de sa première session tenue à Abuja au Nigéria le 07 novembre 1992, voir Gilbert DA COSTA,
Fresh Impetus for Peace, West Africa Magazine, 16-22 November 1992.
354
Voir sur ce point les développements de Kofi K. KUFUOR, « The Legality of Intervention in the Liberian Civil
War by the Economic Community of West African States », op. cit., pp. 543-545. Voir d’un autre coté l’argumentation
de Jeremy Levitt qui soutient qu’une intervention sans autorisation du Conseil de sécurité dans le but de maintenir
l’ordre et la loi et de protéger les droits humains pourrait être légal, Jeremy I. LEVITT, « Pro-Democratic intervention
in Africa », Wisconsin International Law Journal, vol. 24, n.3, 2006-2007, pp. 797-798.
355
Voir par exemple les motifs avancés par les Etats-Unis lors de l’invasion de la Grenade, S/PV. 2487, 25 octobre
1983, pp. 21-22, par. 189-195.

100
La légitime défense est également mentionnée par le secrétaire général de la CEDEAO dans une
interview accordée à Africa Magazine356 ainsi que par les présidents du Benin et du Nigéria, lors
de la première réunion du Comité des neuf sur la crise libérienne tenue à Abuja au Nigeria en
novembre 1992.357 La rébellion déclenchée par Charles Taylor était considerée comme présentant
des menaces de déstabilisation de toute la sous-région. L’intervention au Libéria sérait donc une
forme de légitime défense préventive. Les Présidents du Benin et du Nigeria l’exprimaient ainsi à
la première rencontre du Comité des neuf « Today it is Liberia, tomorrow it could be any one of
the countries represented here. Indeed the canker we are fighting against is already showing itself
in Sierra Leone and in other parts of the subregion ».358
Or il est bien connu que la doctrine de la légitime défense préventive fait l’objet de diverses
controverses juridiques.359 La question principale de débats est celle de la condition d’existence
d’une agression armée. Les partisans du droit de légitime défense préventive estiment que la
légitime défense peut être invoquée aussi bien en cas d’agression armée, qu’en cas de menace
d’agression.360 Ce que les détracteurs de la doctrine contestent, estimant que la légitime défense
préventive est difficilement compatible avec l’article 51 de la Charte.361 Au-delà de ces
controverses sur la condition de l’existence d’une agression armée permettant de fonder l’exercice
de la légitime défense individuelle ou collective, il convient de relever que la légitime défense
préventive n’a pas encore été consacrée de façon unanime en droit international362. De plus, Il n’y

356
Le secrétaire général déclare que la légitime défense est une des raisons pour lesquelles la CEDEAO a décidé
d’empêcher le NPFL de s’emparer du pouvoir au Libéria, voir Matchet’s DIARY, Bundu on new ECOWAS Treaty,
op.cit, p .146.
357
Rapporté dans Gilbert DA COSTA, Fresh Impetus for Peace, op. cit., p.1968.
358
Ibid.
359
Voir pour une analyse détaillée sur les controverses, voir Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., pp.
653-793.
360
Voir par exemple Thomas FRANCK, Recourse to Force. State Action Against Threats and Armed Attacks,
Cambridge, Cambridge University Press, 2002, pp. 97-107.
361
Voir Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., p. 663.
362
Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., p. 663. Voir également Raphaël VAN STEENBERGHE, La
légitime défense en droit international public, Larcier, Bruxelles, 2012, pp. 358 -443.

101
a pas eu en l’espèce d’attaques ni de menaces de la rébellion à l’égard des autres Etats membres
de la Communauté363.
En dehors de ces justifications officielles invoquées par la CEDEAO elle-même pour fonder son
action au Libéria, d’autres motifs ont été avancés par la doctrine pour justifier l’absence de
l’autorisation préalable du Conseil de sécurité. L’intervention consentie figure parmi les moyens
invoqués par certains auteurs.364 Le consentement serait fondé, selon eux, sur l’invitation du
président du Libéria adressée à la CEDEAO.365 Mais s’il reste vrai que le président libérien a
sollicité le soutien de l’assistance militaire pour faire face à la guerre civile dans son pays, la
CEDEAO n’a pas justifié son action par cette demande d’aide. Elle a plutôt revendiqué la neutralité
de l’ECOMOG lors de son intervention au Libéria.366 De plus, même s’il est admis en droit
international que le consentement est une circonstance excluant l’illicéité d’une action militaire,
l’intervention sollicitée soulève néanmoins diverses incertitudes.367 D’abord, les contours de
l’intervention consentie dans une situation de guerre civile suscitent encore des doutes à l’effet
qu’elle porterait atteinte au droit des peuples à disposer d’eux368. Les difficultés à établir la validité

363
Charles Taylor étendra certes sa rébellion à la Sierra Leone en représailles à la participation de ce pays à
l’intervention de la CEDEAO, mais au moment où celle-ci menait son action, aucune attaque imminente n’était
envisagée par Taylor contre les pays de la sous-région. Voir Kofi K. KUFUOR, « The Legality of Intervention in the
Liberian Civil War by the Economic Community of West African States », op. cit., pp. 545-550.
364
Georg NOLTE, « Combined peacekeeping : ECOMOG and UNOMIL in Liberia », op. cit., pp. 621-626 ;
365
Voir Letter addressed by President Samuel K. Doe to the Chairman and Members of the Ministerial Meeting of
ECOWAS Standing Mediation Committee, 14 July 1990, voir pour le texte Official Journal of the Economic
Community of West African States, special supplement (version anglaise), vol. 21, 1992, p. 6.
L’Organisation déclarait à propos de son action au Libéria, « ECOWAS intervention is in no way designed to save
366

one part or punish another part », S/21485, 10 août 1990.


367
Voir l’article 20 du projet d’articles de la CDI sur la responsabilité des Etats qui dispose que « [l]e consentement
valide de l’Etat à la commission par un autre Etat d’un fait donné exclut l’illicéité de ce fait à l’égard du premier Etat
pour autant que le fait reste dans les limites de ce consentement », A/56/10, Rapport de la CDI sur les travaux de sa
cinquante-troisième session, 23 avril au 1er juin, 2 juillet au 10 août 2001, chapitre IV, Responsabilité des Etats, article
20. Voir aussi Louise DOSWALD-BECK, « The Legal Validity of Military Intervention by Invitation of the
Government », British Yearbook of International Law, vol. 56, no1, 1985, p.189; Olivier CORTEN, Le droit contre
la guerre, op. cit., p. 409.
368
Voir la Résolution 2625 (XXV), lors des débats ayant précédés l’adoption de la résolution, les Etats ont insisté sur
l’illicéité d’une intervention visant à soutenir un gouvernement à l’encontre de forces rebelles, voir Olivier CORTEN,
le droit contre la guerre, op. cit., pp. 474-475, même si certains auteurs sont favorables à une aide en faveur des
autorités gouvernementales, voir Robert KOLB, Ius contra bellum. Le droit international relatif au maintien de la
paix, Précis, 2e éd., Helbing Lichtenhahn, Bruylant, 2009, pp. 326-327 ; Leslie C. GREEN, « Le statut des forces

102
d’un consentement émis dans une situation de guerre civile ou de crise généralisée sont également
connues.369 En effet, dans un cas de guerre civile comme cela a été le cas au Libéria, la question
se pose de savoir qui peut solliciter l’intervention. Il n’est pas contesté que dans le cas d’une
opération militaire, seules les plus hautes autorités de l’Etat sont habilitées à émettre un
consentement valable.370 Dans le cas du Libéria, il ressort que le gouvernement en place de Samuel
Do, considéré par la CEDEAO comme le gouvernement légitime, ainsi qu’un des groupes armés,
celui du Prince Johnson ont sollicité une intervention étrangère. Mais au moment de la prise de la
décision de l’intervention par la CEDEAO en date du 6 et 7 août 1990, il régnait un vide
institutionnel au Libéria, de sorte qu’aucune autorité n’avait ni la compétence, ni le pouvoir
d’émettre un consentement valide au compte du gouvernement libérien.371 Qui plus est, le Front
National Patriotique de Charles Taylor était non seulement opposé à l’idée d’une intervention mais
contrôlait la quasi totalité du territoire du Libéria.372 Samuel Do n’avait plus la légitimité du
peuple, son pouvoir ayant été considéré comme effondré, il ne pouvait donc pas émettre un

rebelles en droit international », Revue générale de droit international public, vol. 66, 1962, p.17. La position de
l’Institut de Droit international (IDI) est celle d’une abstention dans l’hypothèse d’une guerre civile, voir la résolution
sur « Le principe de non-intervention dans les guerres civiles », adoptée le 15 août 1975, session de Wiesbaden,
Annuaire de l’Institut de droit internationnal (Ann. I. D. I.), vol. 56, 1975, p.1975, dont l’article 2 para. 1 dispose que
« Les Etats tiers s’abstiendront d’assister les parties à une guerre civile sévissant sur le territoire d’un autre Etat ».
369
Voir Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., pp. 407-514 ; Ana PEYRO LLOPIS, « Le système de
sécurité collective entre anarchie et fiction. Observations sur la pratique récente », in Droit du pouvoir, pouvoir du
droit. Mélanges offerts à Jean Salmon, Bruxelles, Bruylant, 2007, pp. 1398-1405 ; CHRISTAKIS T. & MOLLARD-
BANNELIER K., « Volenti non fit injuria ? Les effets du consentement à l'intervention militaire », Annuaire français
de droit international, volume 50, 2004, pp. 102-137.
370
Voir Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., p. 422.
371
Voir la déclaration du Comité permanent de médiation lors de sa première conférence au sommet en ces termes «
il résulte une situation d’anarchie et d’effondrement total de l’ordre public au Libéria. Le gouvernement actuellement
en place au Libéria ne peut pas gouverner, et les factions au conflit tiennent la population entière en otage, la privant
de nourriture, de soins de santé et d’autres nécessités vitales », CEDEAO, première session du Comité permanent de
médiation de la communauté, Banjul, 6-7 août, 1990, Communiqué final, ECW/HSG/SMC/1/5/rev.1. Voir également
Kofi K. KUFUOR, « The Legality of Intervention in the Liberian Civil War by the Economic Community of West
African States », op. cit., p. 549.
372
Il est rapporté qu’à l’exception de Monrovia, le NPLF de Taylor contrôlait presque tout le reste du Libéria, voir
Marc WELLER, Regional peace-keeping and international enforcement : The Liberian crisis, op. cit., p. 47 ; Meledje
DJEDJRO, « La guerre civile du Libéria et la question de l’ingérence dans les affaires intérieures des Etats », op. cit.,
p. 416 ; Selon Antoine-Didier Mindua, Taylor avait l’effectivité sur plus du trois quart (3/4) du territoire libérien,
Antoine-Didier MINDUA, « Intervention armée de la CEDEAO au Libéria : illégalité ou avancée juridique ?», op.
cit., p. 274 et p. 277.

103
consentement valide à l’intervention de la CEDEAO.373 Par conséquent, l’argument de
l’intervention consentie ne peut être considéré comme un fondement légal à l’action de la
CEDEAO au Libéria.
D’autres auteurs ont justifié l’absence d’une autorisation préalable du Conseil de sécurité à
l’intervention de la CEDEAO au Libéria par le fait que cette action n’était pas coercitive mais
serait plutôt une opération classique de maintien de la paix qui n’exige en principe pas une telle
autorisation.374 Cet argumentaire n’emporte pas plus conviction. Si l’action de la CEDEAO au
Libéria ne peut être qualifiée d’intervention militaire, elle ne répondait pas non plus aux conditions
d’une simple force de maintien de la paix.
En effet, bien que l’on note une évolution dans la pratique du maintien de la paix des Nations
Unies depuis les années 1990,375 trois principes de base continuent d’inspirer les opérations de
maintien de la paix traditionnelles aussi bien de l’ONU que des Organisations régionales, il s’agit
du consentement des parties, de l’impartialité et du non recours à la force sauf en cas de légitime
défense ou de défense du mandat.376 Il est également connu que le maintien de la paix dans sa
version moderne consistant le plus souvent à une imposition de la paix, nécessite une autorisation
du Conseil de sécurité.377 Or, à l’analyse, la qualification de l’ECOMOG en une opération de
maintien de la paix pose problème au regard des trois critères mentionnés. D’abord, le
consentement de toutes les parties n’a pas été obtenu avant le déploiement de l’ECOMOG. Les
faits sont constants et les auteurs unanimes pour reconnaître l’opposition farouche de Charles

373
Voir BBC Monitoring Report: 26 June 1990, Liberian Demonstrators and Opposition parties Say Doe Must Go,
reprinted in Marc WELLER, Regional peace-keeping and international enforcement : The Liberian crisis, op. cit., p.
57 ; Jeremy I. LEVITT, « Humanitarian Intervention by Regional Actors in Internal Conflicts : The Cases of
ECOWAS in Liberia and Sierra Leone », op. cit., pp. 348-350. Selon Louise DOSWALD-BECK, le contrôle de facto
est le critère le plus important pour déterminer la representativité d’un gouvernement à agir au compte de l’Etat, Louise
DOSWALD-BECK, « The Legal Validity of Military Intervention by Invitation of the Government », op. cit.,p. 194.
374
Voir Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., pp. 610-621.
375
Voir sur les évolutions récentes du maintien de la paix, Robert KOLB, ius contra bellum. Le droit international
relatif au maintien de la paix, op. cit., pp. 218-220.
376
Voir Opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Principes et orientations, Nations Unies, Département
des opérations de maintien de la paix, Secrétariat des Nations Unies, New York, janvier 2010, pp. 34-39. Voir
également Daniel COLARD, Les relations internationales, Paris, Masson, 1981, p. 114.
377
Ibid, p. 19.

104
Taylor au débarquement de l’ECOMOG qu’il a d’ailleurs vivement combattu.378 Il est important
de relever qu’outre l’opposition de Taylor à l’ECOMOG, la création et le déploiement de celle-
ci379 ont eu lieu avant même la signature d’un premier accord de cessez-le feu intervenu le 24
octobre 1990 et accepté par seulement deux des parties au conflit.380 Aussi le Président guinéen
déclarait t- il à propos du déploiement de l’ECOMOG « we do not need the permission of any
party involved in the conflict to implement the decisions reached in Banjul. So, with or without the
agreement of any of the parties, ECOWAS troops will be in Libéria ».381
Sur l’impartialité, le discours officiel de la CEDEAO tendait certes à défendre la neutralité de
l’ECOMOG mais il ressort du déroulement des faits que cette position d’impartialité n’avait pas
perduré. Après les attaques du Front National Patriotique du Libéria (N.P.F.L.) dirigé par Charles
Taylor, l’ECOMOG prend part activement au conflit en tant que partie belligérante aux côtés des
deux autres parties en conflit, l’Armed Forces of Liberia (A.F.L.) et l’United Liberation Movement
of Liberia for Democracy (ULIMO) pour chasser les forces de celui-ci hors de la capitale
Monrovia. La force de la CEDEAO a également défendu le gouvernement d’intérim des attaques
de la milice de Charles Taylor.382 Considérer l’ECOMOG comme une opération de paix

378
Voir sur les faits Keesing’s Record of World Events, 1990, p. 37644. Taylor déclare d’ailleurs par avance qu’il
traitera l’ECOMOG comme une force d’invasion, voir David WIPPMAN, « Enforcing the peace : ECOWAS and the
Liberian Civil War », op. cit., pp. 177-178; Meledje DJEDJRO, « La guerre civile du Libéria et la question de
l’ingérence dans les affaires intérieures des Etats », op. cit., pp. 422-423 ;.
379
L’ECOMOG a été créé lors de la première conférence du Comité permanent de médiation à Banjul les 6 et 7 août
1990, voir Communiqué final, op. cit. Elle a été déployé le 24 août 1990 au Libéria, voir The Economist, 18 August
1990 ; West Africa Magazine 19 August 1990, cité par Max A. SESAY, « Civil war collective intervention in Liberia
», Review of African Political Economy, 1996, p.42.
380
Voir Lettre datée du 14 décembre 1990 adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de la Gambie
auprès de l’Organisation des Nations Unies pour le compte de la CEDEAO, A/45/894, S/22025, 20 décembre 1990,
annexe, p. 4, par. 8. D’autres accords acceptés par toutes les parties sont intervenus plus tard après plusieurs mois de
combats avec les forces de la CEDEAO, il s’agit des Accords de Yamoussoukro du 30 octobre 1991, complétés à
Genève le 07 avril 1992, voir Keesing’s, 1991, p. 38518.
381
Africa Research Bulletin, 15 september 1990, p. 9802.
382
Voir Antoine-Didier MINDUA, « Intervention armée de la CEDEAO au Libéria: illégalité ou avancée juridique?
», op. cit., pp. 277-278; David WIPPMAN, « Enforcing the peace : ECOWAS and the Liberian Civil War », op. cit.,
p.178; Kofi K. KUFUOR, « The Legality of Intervention in the Liberian Civil War by the Economic Community of
West African States », op. cit., p. 550.

105
reviendrait à ignorer le rôle actif qu’a joué la Force pour parvenir à mettre fin au conflit au
Libéria.383
En ce qui concerne le recours à la force, il convient de reconnaitre qu’il y’a eu recours à la force
au-delà de la légitime défense permise dans le cadre d’une opération de maintien de la paix. Il est
vrai, comme l’ont relevé certains auteurs que l’ECOMOG avait été envisagé comme une force
d’interposition,384 mais son mandat a très vite changé de nature pour devenir une véritable
opération d’imposition de la paix.385 L’ECOMOG a non seulement utilisé la force pour se défendre
contre les attaques des fractions rebelles, mais elle a aussi menée des offensives contre elles au-
delà du seuil permis de recours à la force dans le cadre de son mandat.386 A la suite des difficultés

383
David WIPPMAN, « Enforcing the peace: ECOWAS and the Liberian Civil War », op. cit., p. 178.
384
La mission de l’ECOMOG telle qu’envisagée par le Comité permanent de médiation consistait au « maintien de la
paix, la restauration de l’ordre et de la loi ainsi que s’assurer du respect du cessez le feu », Communiqué de la première
session du Comité permanent de médiation de la Communauté, op. cit., David Wippman rapporte également la
déclaration du secrétaire exécutif de la CEDEAO Abass Bundu selon laquelle la CEDEAO n’entrera sur le territoire
libérien qu’après qu’elle soit parvenu à un cessez-le feu, mais que des discussions se sont faits jour sur la possibilité
d’une intervention par la force lorsque l’impossibilité d’obtenir un cessez-le feu des parties est devenue évidente,
David WIPPMAN, « Enforcing the peace : ECOWAS and the Liberian Civil War », op. cit., p. 177.
385
Le Conseil de sécurité lui-même reconnaît qu’il s’agissait d’une opération d’imposition de la paix, voir Conseil de
sécurité, résolution 866 (1993), 22 septembre 1993, par. 3, al. h), dans la même résolution, le Conseil de sécurité
précise que « c’est à l’ECOMOG qu’il incombe au premier chef de superviser l’application des dispositions militaires
de l’Accord, le rôle de l’Organisation des Nations Unies étant de contrôler et vérifier ce processus », alinéa 4. Dans la
résolution 813 du 25 mars 1993, le Conseil de sécurité « félicite la CEDEAO des efforts qu’elle a fait pour rétablir la
paix (italique est de nous), la sécurité et la stabilité au Libéria », or comme le note Ana Peyro Llopis, le rétablissement
de la paix dans le langage du Conseil de sécurité implique le recours à la force pour imposer le mandat de la mission,
Ana P. LLOPIS, « Le système de sécurité collective entre anarchie et fiction. Observations sur la pratique récente »,
in Droit du pouvoir, pouvoir du droit. Mélanges offerts à Jean Salmon, Bruxelles, Bruylant, 2007, p. 1409. De même,
l’article 8, par. 3 de l’Accord de Cotonou conclu le 25 juillet 1993 dispose que l’ECOMOG « usera de ses pouvoirs
d’imposition de la paix à l’encontre du violateur », voir Doc. NU S/26272, du 9 août 1993, annexe, p.7. Voir aussi sur
la doctrine Christine GRAY, International Law and the Use of Force, 3rd ed., Oxford, Oxford University Press, 2008,
p. 295; Christian WALTER, « Security Council Control over Regional Action », Max Planck yearbook of United
Nations law, vol. 1, 1997, pp.185-186.
386
Il est rapporté que le 17 septembre 1990, une semaine après l’assassinat de Samuel Do, de violents combats ont
éclaté entre les fractions rebelles et l’ECOMOG (BBC Monoring Report, 18 September 1990, Report : ECOMOG on
Offensive Against Taylor reprinted in Marc WELLER, Regional peace-keeping and international enforcement : The
Liberian crisis, op. cit., p. 99 et «Violent Fighting» in Monrovia, 16 September 1990, reprinted in Marc WELLER,
Regional peace-keeping and international enforcement : The Liberian crisis, op. cit., p. 99. Aussi Pour empêcher la
prise de Monrovia par Taylor, l’ECOMOG a lancé des missiles offensifs par terre et par air contre le NPLF de Taylor.
Voir également Laurence BOISSON DE CHAZOURNES, « les relations entre organisations régionales et
organisations universelles », « Les relations entre organisations régionales et organisations universelles », RCADI, t.
237, 2010 p. 286 ; Georg NOLTE, « Combined peacekeeping : ECOMOG and UNOMIL in Liberia », op. cit., pp.
626-628 ; David WIPPMAN, « Enforcing the peace : ECOWAS and the Liberian Civil War », in Lori Fisler

106
rencontrées dans l’application des Accords de Yamoussokro, la CEDEAO décide de recourir à des
mesures coercitives pour permettre un règlement militaire du conflit. Elle adopte dans ce sens des
mesures coercitives non armées consistant à assurer le blocus de tous les points d’entrée terrestres,
aériens et maritimes au Libéria.387 Ces mesures seront suivies quelques semaines plus tard d’une
autorisation de recours à la force armée par l’ECOMOG, afin de contrôler l’embargo et pour
imposer la paix.388 Ce recours à la force au-delà du seuil de la légitime défense n’a pas fait l’objet
d’une autorisation du Conseil de sécurité.
Les références répétées de la CEDEAO à l’ECOMOG comme étant une force de maintien de la
paix relevait plutôt de l’image de neutralité que l’Organisation entendait afficher pour ainsi
contourner le principe de non-ingérence sacralisé à l’époque par elle et par l’OUA. De plus, le fait
que le Conseil de sécurité décide d’ignorer l’utilisation de la force armée par la CEDEAO au
Libéria au-delà de la légitime défense permise dans les cas d’opérations classiques de maintien de
la paix, n’apporte pas plus de crédibilité à une qualification de l’action d’opération de maintien de
la paix non coercitive.389
Certains auteurs ont également déduit de la position ambiguë du Conseil de sécurité dans les
résolutions qu’elle a adoptées sur la gestion du conflit par la CEDEAO, un acquiescement implicite
à posteriori de l’action de la CEDEAO justifiant l’absence d’une autorisation préalable du Conseil
de sécurité et offrant par la même occasion une base légale à l’action de la CEDEAO.390 Une telle

DAMROSCH, Enforcing Restraint : Collective Intervention in Internal conflicts, New-York, Council on Foreign
Relations, 1993, pp. 171-175; Abou ABASS, « La CEDEAO et le maintien de la paix et de la sécurité internationales »,
L’observateur des Nations Unies, n°14, 2003, p 14.
387
Adoptées le 20 octobre 1992 au sommet extraordinaire de Cotonou, voir Doc. NU S/26272, du 9 août 1993, annexe,
disponible également sur http://www.refworld.org/docid/3ae6b5796.html, consulté le 10 mars 2016.
388
Voir Ana P. LLOPIS, « Le système de sécurité collective entre anarchie et fiction. Observations sur la pratique
récente », op. cit., p. 1409 qui indique que : « La CEDEAO avait en effet adopté auparavant deux séries de mesures
autorisant le recours à la force armée par l’ECOMOG pour contrôler l’embargo, d’une part, et pour imposer la paix
d’autre part » ; F. Meledje DJEDJRO, « La guerre civile du Libéria et la question de l’ingérence dans les affaires
intérieures des Etats », op. cit., pp. 423-424.
389
Voir Anthony C. OFODILE, « The Legality of ECOWAS Intervention in Libéria », Colombia Journal of
Transnational Law, vol. 32, 1994, p. 414 qui relève le souci de neutralité du Conseil de sécurité par le choix des mots
pour ne pas expressément approuvé ni condamné l’action de la CEDEAO.
390
Voir Christian WALTER, « Security Council Control over Action », op. cit., p. 18; David WIPPMAN, « Enforcing
the peace : ECOWAS and the Liberian Civil War », op. cit., p. 187 ; Robert KOLB, « Article 53», op. cit., p. 1429.

107
déduction n’a cependant pas fait l’unanimité en doctrine au regard de vives controverses qui
entourent l’autorisation implicite du Conseil de sécurité à une action coercitive armée. En faisant
l’économie de ces controverses, on retiendra simplement de tout ce qui précède que l’action de la
CEDEAO au Libéria constitue non seulement une intervention militaire menée sans une
autorisation préalable du Conseil de sécurité mais qu’elle ne trouve pas non plus de fondement
parmi les autres exceptions prévues par la Charte. Il s’agissait par conséquent d’un recours à la
force en dehors du cadre de la Charte des Nations Unies.
Par ailleurs, si les résolutions du Conseil de sécurité sur l’intervention de la CEDEAO au Libéria
ne peuvent pas être interprétées comme une approbation post facto, elles traduisent néanmoins un
total soutien à l’action de la Communauté.391 Mieux, l’Organisation universelle s’en est félicitée
et a remercié la CEDEAO de « ses efforts visant à rétablir la paix et la sécurité au Libéria ».392
L’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), loin de condamner l’action de la CEDEAO, soutient
que celle-ci ne constitue en aucun cas une violation de la Charte de l’OUA qui avait érigé le
principe de non-ingérence au rang des principes sacrés.393
La CEDEAO créait ainsi à travers l’intervention militaire au Libéria un précédent en Afrique de
l’utilisation de la force par une Organisation régionale sans l’autorisation préalable du Conseil de

391
Jeremy Levitt note à ce propos: « there was no legal basis for the ECOWAS intervention under the UN Charter, it
was supported by the United Nations and the whole of international community », Jeremy LEVITT, « Humanitarian
Intervention by Regional Actors in Internal Conflicts: The Cases of ECOWAS in Liberia and Sierra Leone », Temple
International and Comparative Law Journal, vol. 12, 1998, pp. 333 et ss.
392
Voir les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité dès 1992, résolution 856 (1993) du 9 août 1993 ; 866 (1993)
du 21 septembre 1993 par laquelle le Conseil de sécurité décide de la Mission d’observation des Nations Unies au
Libéria (MONUL) en précisant en signe de soutien total aux actions de la CEDEAO que « la MONUL serait la
première mission de maintien de la paix que l’organisation entreprendrait en coopération avec une mission de maintien
de la paix déjà mise sur pied par une autre organisation en l’espèce la CEDEAO», par. 5 ; 950 (1994) du 21 octobre
1994 ; 1001 (1995) du 30 juin 1995 ; 1014 (1995) du 15 septembre 1995 ; 1020 (1995) du 10 novembre 1995 ; 1041
(1996) du 29 janvier 1996 ; 1059 (1996) du 30 mai 1996 ; 1071 (1996) du 30 août 1996 ;
393
Le Secrétaire général de l’OUA en fonction Salim A. Salim déclarait à propos de cette intervention de la CEDEAO
au Libéria que la non-ingérence ne signifie pas la non indifférence, voir « OAU’s Salim Interviewed on Liberian Crisis
», Dar-es-Salaam Domestic Service, FBIS-AFR-90-151 (August, 6, 1990), p. 2, et « Africa Destiny », West Africa,
October, 22-28, 1990, p. 2690, cité par David WIPPMAN, « Enforcing the peace : ECOWAS and the Liberian Civil
War », op. cit., p. 187. Voir également Max A. SESAY, « Civil war collective intervention in Liberia », Review of
African Political Economy, 1996, p. 44.

108
sécurité. Forte de cette première expérience, elle s’engageait à nouveau dans une autre action
coercitive armée en Sierra Léone en 1998.

B- L’action coercitive armée de la CEDEAO en Sierra Leone (1997-1999)

La Sierra Léone à l’instar du Libéria connaît une situation de guerre civile dès l’année 1991,
lorsque le RUF (Front Révolutionnaire Uni) soutenu par le National Patriotic Front of Liberia
(N.P.L.F.) de Charles Taylor déclenche une rébellion contre le régime de Joseph Momoh.
Cependant la CEDEAO ne décidera d’une intervention dans ce pays qu’après le renversement du
président démocratiquement élu, Ahmed Tejan Kabbah, par un coup d’Etat, le 25 mai 1997. Une
réunion consacrée à la situation en Sierra Léone est tenue par l’Organisation sous-régionale le 26
juin 1997 à Conakry en Guinée. Les Ministres des affaires étrangères décident au cours de cette
rencontre de la mise en œuvre d’un certain nombre de mesures pour rétablir le gouvernement
légitime. Ces mesures impliquaient la concertation, l’imposition de sanctions et l’application d’un
embargo ainsi que l’utilisation de la force.394 Mais le recours à la force fut retenu par les ministres
comme le seul moyen approprié à la situation395 et désignèrent ainsi les forces stationnées en
Sierra Léone comme le personnel de l’ECOMOG.396 Dans le même temps, le Conseil de sécurité,
sans donner un mandat exprès à la CEDEAO pour l’intervention envisagée, adopte à l’unanimité
un embargo sur le pétrole et les armes à destination de la Sierra Léone.397 L’ECOMOG interviendra
en Sierra Léone avant l’arrivée à échéance d’un accord de paix qui avait pu être signé en octobre

394
Voir le Communiqué annexé à la Lettre datée du 27 juin 1997, adressée au Président du Conseil de sécurité par le
représentant permanent du Nigéria auprès de l’ONU, S/1997/499, 27 juin 1997, par. 9.
395
LA CEDEAO soutenait: « it was recognized that the other two options, including negociation and sanctions cum
blockade, could not be achieved without the use of some military force », voir S/PV 3797, 11 july 1997, p. 4, par. 3.
396
Voir Decision A Dec 7/8/97 Extending the Scope of Activity and Mandate of ECOMOG to cover Sierra Leone, cité
par Ademola ABASS, Regional Organisations and the Development of Collective Security: Beyond Chapter VIII of
the UN Charter, Hart Publishing, Oxford and Portland, Oregon, 2004, p. 158. Voir aussi Abou ABASS, « La
CEDEAO et le maintien de la paix et de la sécurité internationales », op. cit., p. 16.
397
Voir la Résolution 1132 du 08 octobre 1997 du Conseil de sécurité, S/RES/1132 (1997). Le paragraphe 8 de la
résolution autorise cependant la CEDEAO à veiller à la stricte application des dispositions de la résolution. Cette
résolution sera interprétée par certains auteurs comme une autorisation du Conseil de sécurité à l’intervention militaire
de la CEDEAO en Sierra Léone. Une interprétation qui reste cependant discutable.

109
1997 pour une période de six mois.398 Il réussit à chasser la junte de la capitale, ce qui permit la
réinstallation du régime Kabbah en février 1998.399 Le rétablissement du gouvernement considéré
comme légitime n’avait cependant pas pu mettre fin à la guerre, un accord sera plus tard conclu à
Lomé en 1999 entre le gouvernement et les forces rebelles sous l’égide de l’ONU et de la
CEDEAO. La mise en œuvre de cet accord sera à la charge de la Mission des Nations Unies en
Sierra Léone (MINUSIL) qui intégra les contingents de l’ECOMOG.400
Tout comme au Libéria, l’intervention de la CEDEAO en Sierra Léone a donné lieu à de multiples
divergences. La légalité de son action a été remise en cause au regard du droit de la Charte et du
droit international, particulièrement les principes de non intervention et d’interdiction du recours
à la force en droit international qui en plus d’être consacrée par la Charte, est largement considérée
comme ayant une valeur coutumière.401 En effet, l’action coercitive de la CEDEAO en Sierra
Leone ne trouve pas de fondement dans la Charte des Nations, elle a été menée sans une
autorisation préalable et expresse du Conseil de sécurité. Plusieurs arguments ont été avancés pour
tenter de justifier la licéité de cette intervention militaire. Parmi les justifications présentées en

398
Abou ABASS, « La CEDEAO et le maintien de la paix et de la sécurité internationales », op. cit., p. 17; Eric G.
BERMAN and Katie E. SAMS, Peacekeeping in Africa : Capabilities and Culpabilities, UNIDIR, Geneva/ISS,
Pretoria, 2000, p. 119.
399
Ademola ABASS, « The Implementation of ECOWAS’New Protocol and Security Council Resolution 1270 in
Sierra Leone: New Developments in Regional Intervention », University of Miami International and Comparative
Law Review, vol. 10, 2001, p.181.
400
La MINUSIL a été créé par la résolution 1270 (1999) du 22 octobre 1999. Pour plus de détails sur le deroulement
des evennements en Sierra Leone, voir principalement Matthias GOLDMANN, « Sierra Leone : African Solutions to
African Problems », Max Planck Yearbook of United Nations Law, vol. 9, 2005, pp. 460-465 ; Ademola ABASS, «
The Implementation of ECOWAS’New Protocol and Security Council Resolution 1270 in Sierra Leone : New
Developments in Regional Intervention », op. cit., pp. 180-182 ; Nowrot KARSTE and Emily W. SCHABACKER, «
The Use of Force to Restore Democracy : International Legal Implications of the ECOWAS Intervention in Sierra
Leone », American University International Law Review, vol. 14, no. 2, 1998, pp. 325-332 ; Jeremy I. LEVITT, «
Pro-Democratic intervention in Africa », op. cit., pp. 799-803.
401
L’interdiction du recours à la force est considérée par la Cour internationale de justice comme une règle coutumière,
voir l’Affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unies
d’Amérique), Réc. CIJ, 1986, par. 187-192 ; la Commission de droit international la considère comme une norme
impérative de jus cogens, voir Annuaire de la CDI (Ann. CDI), 1966-II, p. 270. Voir en doctrine Joe VERHOEVEN,
Droit international public, Bruxelles, Larcier, 2000, p. 671; Olivier CORTEN, le droit contre la guerre, 2e éd., Paris,
Pedone, 2014, p. 9.

110
appui de cette action coercitive armée, on peut retenir principalement : la légitime défense,402
l’appel à l’assistance du président déchu Kabbah,403 l’intervention fondée sur des motifs
humanitaires au regard des violations graves des droits humains commises par la junte contre des
populations civiles,404 le motif fondé sur la sécurité régionale405 ainsi que la prévention de
l’exécution d’« un plan de génocide » par la junte.406 Mais on constatera que toutes ces
justifications ne relèvent pas des exceptions à l’interdiction du recours à la force armée prévues
par la Charte, ni par le droit international.
Dans un premier temps, l’argument de la sécurité et de la stabilité régionale n’est pas un motif
valable pouvant fonder une intervention militaire en droit international. Selon certains auteurs, la
pratique récente du Conseil de sécurité semble suggérer qu’un flux massif de réfugiés à travers les

402
James Jonah le représentant permanent de la Sierra Leone invoque l’article 51 de la Charte qui garantit la légitime
défense et la sécurité collective, voir Press Conference by Permanent Representatives of Sierra Leone, Feb. 18, 1998,
disponible sur http://www.un.org/press/en/1998/19980218.jonah.html, consulté le 15 mars 2016. Dans une autre
conférence de presse, le représentant soutient que la CEDEAO n’a pas besoin d’une autorisation du Conseil de sécurité
dans la mesure où il s’agit d’un cas de légitime défense couvert par l’article 51 de la Charte, voir Press Conference by
Permanent Representatives of Sierra Leone, June 9, 1997,
http://www.un.org/press/en/1997/19970609.jonah9.jun.html, consulté le 15 mars 2016. Voir également la justification
de la CEDEAO lors du renversement par la force de la junte, le recours à la force armée est présentée comme de la
légitime défense dans le cadre d’une opération classique de maintien de la paix, 9 e réunion ministérielle du Comité
des Cinq de la CEDEAO sur la Sierra Leone, Communiqué final (Addis Abeba, 25-27 février 1998), D. A. I., no 8,
1998, p. 279, ainsi que le paragraphe 14 du Communiqué final du 19 décembre 1997, reproduit dans D.A.I., 1998,
p.187, dans lequel « les ministres ont déploré les attaques non provoquées dont les forces de paix de l’ECOMOG sont
continuellement la cible et ils ont réaffirmé le droit de ces forces à la légitime défense ».
403
Voir James Jonah, Press Conference by Permanent Representatives of Sierra Leone, May 27, 1997, qui confirme
que le président déchu Kabbah a fait appel à l’assistance immediate de la CEDEAO en vue de rétablir les règles civiles
en Sierra Léone. Voir également Africa Research Bulletin, Political, Social, and Cultural Series, vol. 34, issue 5, May
1st – 31st, 1997, p. 12695, disponible en ligne sur http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/1467-
825X.00034/abstract, consulté le 15 mars 2016.
404
Voir Final Communique of the Meeting of the Foreign Ministers of ECOWAS in Conacky, 26 juin 1997, dans lequel
les ministres des affaires étrangères déplorent l’effusion de sang et les autres pertes de vies humaines qui ont suivi le
coup d’Etat, U.N. Doc. S/1997/499.
405
Le flux des réfugiés Sierra Léonais vers les pays membres est considéré comme une menace contre la paix et la
sécurité de la région, voir Final Communique of the ECOWAS Summit in Abuja, U.N. Doc. S/1997/695// Annex II, p.
19, les Etats membres y réaffirment leur engagement à rétablir l’ordre en Sierra Leone,
406
Voir James Jonah, Press Conference by Permanent Representatives of Sierra Leone, June 9, 1997, op. cit., note 64
et Press Conference by Permanent Representatives of Sierra Leone, Sept. 11, 1997, le representant permanent y
déclare que la junte avait prévu un plan de génocide contre les populations civiles du Sierra Léone, consulté le 15
mars 2016.

111
frontières pouvait constituer des menaces à la paix et à la sécurité internationales et donner droit à
l’activation des pouvoirs du Conseil sous le chapitre VII de la Charte.407 Mais ce motif ne peut
fonder en aucun cas une intervention unilatérale sans autorisation du Conseil de sécurité.
Quant aux accusations faisant état de ce que la junte préparerait un plan d’exécution d’un génocide,
celles-ci n’ont pas été soutenues par des preuves suffisantes et objectives.408
La CEDEAO a également motivé l’utilisation de la force armée par l’ECOMOG dans son attaque
qui a conduit au renversement de la junte par l’exercice du droit de la légitime défense.409 Le droit
de la légitime défense est certes prévu par l’article 51 de la Charte et reconnu en droit international
coutumier, mais la question se pose de savoir si l’action armée de l’ECOMOG peut être fondée
sur cette exception de l’interdiction du recours à la force.410 La condition de l’agression armée
semble avoir été remplie par l’attaque de la junte contre le camp militaire de l’ECOMOG à
Lungi.411 Mais la riposte de l’ECOMOG à l’attaque de la junte qui a déclenché la légitime défense
ne semble pas en adéquation avec le principe de proportionnalité requis comme condition
d’application de la légitime défense. En effet, pour être conforme en droit international, la légitime
défense doit répondre à des critères de nécessité et de proportionnalité.412 La nécessité repose sur

407
Voir la résolution 688 (1991) du Conseil de sécurité du 05 avril 1991 dans laquelle le Conseil de sécurité déclare
qu’ « un flux massif de réfugiés vers des frontières internationales et à travers celles-ci et à des violations de frontière,
qui menacent la paix et la sécurité internationales dans la région ». Voir sur la pratique du Conseil de sécurité, Nowrot
KARSTE and Emily W. SCHABACKER, « The Use of Force to Restore Democracy: International Legal Implications
of the ECOWAS Intervention in Sierra Leone », op. cit., pp. 350-351; Georg NOLTE, « Restoring Peace by Regional
Action : Internal Legal Aspects of the Liberian Conflict », op. cit., p.19.
408
Nowrot KARSTE and Emily W. SCHABACKER, « The Use of Force to Restore Democracy: International Legal
Implications of the ECOWAS Intervention in Sierra Leone », op. cit., p. 351.
409
Voir la déclaration des ministres lors de la 9e réunion ministérielle du Comité des Cinq de la CEDEAO sur la Sierra
Léone : « [L]es ministres ont noté que les récentes opérations militaires à Freetown avaient été déclenchées par les
attaques non provoquées contre les positions de l’ECOMOG (…). Vu les circonstances, l’ECOMOG n’avait eu
d’autres choix que de se défendre conformément aux règles internationales d’engagement applicables aux opérations
de maintien de la paix », Communiqué final (Addis Abeba, 25-27 février 1998), op. cit., p. 279.
410
Sur les conditions d’application du droit de légitime défense individuelle ou collective en droit international, voir
principalement Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., pp. 657-793. Voir également nos précédents
développements sur l’intervention au Libéria.
411
Voir Fourth Report of the Secretary General on the situation in Sierra Leone of March 18, 1998, U.N. Doc.
S/1998/249, par. 6.
412
Voir sur les conditions de nécessité et de proportionnalité, Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., pp.
759-793.

112
un critère d’exclusivité du but, il n’est pas permis la poursuite d’autres objectifs qui dépasse la
simple riposte à l’agression armée. Le but ultime de l’action en légitime défense doit par
conséquent être de « repousser une agression et d’empêcher sa réussite, et rien d’autre ».413 La
nécessité doit être considérée en relation avec le principe de proportionnalité qui selon le
rapporteur Ago constitue l’autre face d’une même médaille.414 La proportionnalité implique
également qu’une action entreprise dans le cadre de la légitime défense n’aille pas au-delà de ce
que son but requiert. Une riposte militaire qui produit des effets disproportionnés comme le
renversement d’un gouvernement jugé illégitime peut-elle être considérée comme nécessaire ?
Même si la réponse à cette question semble discutée,415 il peut être admis qu’une telle riposte n’est
pas proportionnée dans la mesure où elle implique la poursuite d’un autre but que la riposte à une
agression. En l’espèce, l’action militaire de l’ECOMOG n’avait pas pour seul but de riposter aux
attaques de la junte, elle poursuivait également l’objectif de renverser la junte du pouvoir.416 Elle
ne peut donc pas se fonder sur l’argument de l’exercice du droit de légitime défense.

413
Rapport AGO, Additif au huitième rapport sur la responsabilité des Etats, A/CN.4/318/Add.5 à 7, Ann C.D.I.,
1980, II, Iere partie, p. 67, par. 119.
414
Ibid, par. 121.
415
Selon le professeur Ago, dans certaines circonstances particulières, si la seule manière de mettre fin à une agression
est de renverser le gouvernement qui en est le déclencheur, le but du changement peut être admissible à la condition
qu’il reste subordonné exclusivement au but ultime de la légitime défense, voir Olivier CORTEN, Le droit contre la
guerre, op. cit., p. 779, le juge Schwebel est pourtant contre cette opinion, voir C.I.J., Affaire des Activités militaires,
Recueil 1986, p. 270, par. 9.
416
La CEDEAO avait déjà clairement exprimé son objectif de rétablir le gouvernement de Kabbah qu’elle considérait
légitime à travers la déclaration des ministres lors de la réunion du 26 juin au cours de laquelle ceux-ci affirmaient
qu’il convenait d’œuvrer« en faveur du rétablissement du gouvernement légitime en utilisant simultanément trois
moyens, à savoir la concertation, l’imposition de sanctions et l’application d’un embargo, et l’utilisation de la force »,
voir Communiqué annexé à la Lettre datée du 27 juin 1997, adressée au Président du Conseil de sécurité par le
représentant permanent du Nigéria auprès de l’ONU, S/1997/499, 27 juin 1997, par. 9. Voir également David
WIPPMAN, « Pro-democratic intervention by invitation », in Gregory H. FOX and Brad R. ROTH (éd), Democratic
Governance and International Law, Cambridge University Press, 2000, pp. 307-308; Nowrot KARSTE and Emily W.
SCHABACKER, « The Use of Force to Restore Democracy : International Legal Implications of the ECOWAS
Intervention in Sierra Leone », op. cit., p. 367, les auteurs rapportent qu’après quatre jours de contre-attaques
continues, le chef d’équipe de l’ECOMOG a précisé que les troupes étaient en quête d’une victoire majeure pour
affaiblir ou renverser la junte ainsi qu’assainir le système du pays.

113
L’appel à l’assistance adressé à la CEDEAO par le président Kabbah immédiatement après le coup
d’Etat, a été évoqué pour fonder la base légale de l’intervention de la CEDEAO en Sierra Léone.417
Mais avant de procéder à l’analyse de la validité du consentement à l’intervention censé avoir été
émis par le président déchu, il convient de relever que bien qu’il soit avéré que celui-ci ait adressé
un appel à l’aide pour rétablir son pouvoir, la CEDEAO ne fait aucunement mention de cette
invitation dans les actes qu’elle a adopté dans le cadre de la gestion du conflit.418 Par ailleurs,
comme nous l’avons déjà souligné dans l’analyse de l’action de la CEDEAO au Libéria,
l’intervention sollicitée est bien reconnue en droit international même si elle n’est pas
expressément prévue par la Charte comme une exception à l’interdiction du recours à la force. La
question se pose cependant de savoir si le président déchu était fondé à émettre un consentement
valide à une intervention étrangère. Le cas de la Sierra Léone est différent de celui du Libéria dans
la mesure où l’on s’est trouvé dans une hypothèse d’un renversement du gouvernement légal à
l’issue d’un coup d’Etat par un autre gouvernement qui n’a cependant pas été reconnu par aucun
Etat tiers. Le président déchu Kabbah qui était en exil en Guinée au moment de sa requête à la
CEDEAO pouvait – il encore se prévaloir d’une légitimité pour requérir une assistance militaire
419
extérieure ? On peut répondre à cette question par la négative dans la mesure où il est admis
tant en doctrine que dans la pratique, l’impossibilité pour un gouvernement privé complètement

417
Voir Matthias GOLDMANN, « Sierra Leone : African Solutions to African Problems », op. cit., p. 472, l’auteur y
soutient que « …Therefore the only legal basis for ECOMOG’s operations remains Kabbah’s invitation ….». Voir
aussi David WIPPMAN, « Pro-democratic intervention by invitation », op. cit., pp. 308-311, pour qui l’invitation de
Kabbah est valide dans la mesure où il est resté le représentant du gouvernement légitime à cause du défaut de
reconnaissance de la junte par les États tiers ; dans le même sens Nowrot KARSTE and Emily W. SCHABACKER
soutiennt la validité de l’invitation du président déchu, « The Use of Force to Restore Democracy : International Legal
Implications of the ECOWAS Intervention in Sierra Leone », op. cit., p. 396.
418
Voir Ademola ABASS, « The Implementation of ECOWAS’New Protocol and Security Council Resolution 1270
in Sierra Leone : New Developments in Regional Intervention », op. cit., p.181, l’auteur soutient que la CEDEAO
avait planifié d’intervenir dans la crise avant l’invitation du président déchu. L’invitation ne serait pas parvenue à la
CEDEAO avant la réunion du 27 juin au cours de laquelle les ministres ont appelé au rétablissement du gouvernement
légitime.
419
Voir sur la preuve de l’exil du président Kabbah en Guinée S/PV 3797, 11 July, 1997, p. 4, par. 7.

114
d’effectivité, de pouvoir valablement demander l’assistance militaire de la part d’Etats tiers ou
d’une Organisation internationale dans le but de l’aider à rétablir son pouvoir.420
L’action de la CEDEAO en Sierra Léone a également été justifiée par l’argument de l’intervention
humanitaire,421 plus particulièrement pour des fins de rétablissement d’un pouvoir
démocratique.422 Cet argument a été avancé par l’Organisation sous-régionale elle-même et par
plusieurs auteurs.423 Or, malgré le fait que plusieurs auteurs soutiennent de nos jours l’émergence
d’un principe de légitimité démocratique, l’intervention fondée sur des motifs démocratiques ne
fait pas encore l’unanimité en droit international. 424 D’abord parce qu’une majorité doctrinale

420
Voir Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., pp. 466-471; Christine GRAY, International Law and
the Use of Force, op.cit., p. 99; Lee F. BERGER, « State Practice Evidence of the Humanitarian Intervention Doctrine:
the ECOWAS Intervention in Sierra Leone », Indiana International & Comparative Law Review, vol.11, n. 3, 2001,
pp. 623-624.
421
Voir Lee F. BERGER, « State Practice Evidence of the Humanitarian Intervention Doctrine: the ECOWAS
Intervention in Sierra Leone », op. cit., pp. 605-632.
422
En général, l’intervention pour des motifs démocratiques consiste en un recours à la force pour assister des
populations opprimées dans la réalisation de leurs droits démocratiques, voir Lori F. DAMROSCH, « Changing
Conceptions of Intervention in International Law », op. cit., qui fait aussi la distinction entre l’intervention humanitaire
et l’intervention pour des motifs démocratiques. En particulier, le droit d’intervention démocratique comprend les
interventions armées pour rétablir un gouvernement démocratique renversé par un coup d’Etat, voir Jeffrey C.
TUOMALA, « Just Cause : The Tread that Runs so True », Dickinson Journal of International Law, vol. 13, 1994, pp.
26-27. Voir également sur l’intervention démocratique, Jeremy I. LEVITT, « Pro-Democratic intervention in Africa
», op. cit., pp. 792-794 ; Lois E. FIELDING, « Taking the Next Step in the Development of New Human Rights : The
Emerging Right of Humanitarian Assistance to Restore Democracy », Duke Journal of Comparative & International
Law, vol. 5, 1995, p. 329.
423
Voir Jeremy I. LEVITT, « Pro-Democratic intervention in Africa », op cit., pp. 799-803.
424
Voir sur cette question fort discutée Slim Laghmani, « Vers une légitimité démocratique? », in Rafâa Ben
ACHOUR et Slim LAGHMANI (dir.), Les nouveaux aspects du droit international : colloque des 14, 15, 16 avril
1994 (Tunis), Paris, Pedone, 1994, pp. 249-276; Jeremy I. LEVITT, « Pro-Democratic Intervention in Africa », op.cit.,
pp. 824-825; Jean SALMON, « vers l’adoption d’un principe de légitimité démocratique? », in A la recherche du
nouvel ordre mondial, Tome I : Le droit international en question, Paris, éd. Complexe, 1993, pp. 59-89 ; Joe
VERHOEVEN, « La reconnaissance internationale : déclin ou rénouveau? », Annuaire Français de Droit
International, 1993, pp. 22-28; Tiyanjana MALUWA, « The Constitutive Act of the African Union and Postcolonial
Institution- building in Africa », Leiden Journal of International Law, vol. 16, no1, 2003, pp. 164-165; Olivier
CORTEN, « La résolution 940 du Conseil de sécurité autorisant une intervention militaire en Haiti: l’émergence d’un
principe de légitimité démocratique en droit international? », Journal européen de droit international, vol. 6, n° 1,
1995, pp. 116-133; Thomas M. FRANCK, « The Emerging Right to Democratic Governance », The American Journal
of International Law, vol. 86, n° 1, 1992, pp. 46-91; Dodzi KOKOROKO, « Souveraineté étatique et principe de
légitimité démocratique », Revue québécoise de droit international, vol. 16, n° 1, 2003, pp. 37-59; Sayeman BULA-
BULA, « Mise hors-la-loi ou mise en quarantaine des gouvernements anticonstitutionnels par l’Union africaine? »,
African yearbook of International Law, vol. 11, 2003, pp. 29-34.

115
considère l’intervention pour des raisons démocratiques incompatible avec l’interdiction du
recours à la force de l’article 2(4) de la Charte des Nations Unies.425 Ensuite, les réactions des
Etats aux précédents d’intervention ayant été justifiées par des raisons démocratiques, ont été pour
la plupart négatives.426 La pratique des Etats de ce type d’intervention n’est pas non plus d’un
grand apport pour soutenir l’existence d’un droit d’intervention démocratique, la communauté
internationale ayant réagi négativement à toutes les interventions unilatérales sous des motifs
démocratiques.427 Les multiples condamnations du coup d’Etat de mai 1997 contre le
gouvernement de Kabbah tant par l’ONU que par l’OUA, ne suffisent pas à conférer une licéité à

425
Louis HENKI, « Use of Force : Law and U.S Policy », in Right V. MIGHT, International Law and The Use of
Force, pp. 37-44 ; Oscar SCHACHTER, « The Legality of Pro-Democratic Intervention », American Journal of
International Law, vol. 78, 1984, pp. 645-649 ; Thomas M. FRANCK, « The Emerging Right to Democratic
governance », American Journal of International Law, vol. 86, no1, 1992, p. 85 ; Ved P. NANDA, « The Validity of
United States Intervention in Panama Under International Law », American Journal of International Law, vol. 84,
no2, 1990, pp. 494-498 ; Pierre KLEIN, Olivier CORTEN, « Devoir d’ingérence ou droit de réaction armée collective
», Revue Belge de Droit international, vol. 24, 1991, pp. 46-131; Slim LAGHMANI soutient en effet qu’ : « il est
clair que si le droit international ne consacre pas une obligation démocratique, il ne consacre pas à fortiori un droit
d’ingérence démocratique », voir Slim LAGHMANI, « La volonté des Etats est – elle encore au fondement du droit
international ?», dans Cours méditerranéens Bancaja de droit international, vol. XI/XII, 2007-2008, p. 264.
426
Plusieurs interventions militaires unilatérales ont été menées par les Etats-Unis et justifiés par le motif de
restauration de la démocratie avant l’action de la CEDEAO en Sierra Léone. Il s’agit des interventions en République
Dominicaine, en Grenade ainsi qu’au Panama. Toutes ces trois interventions ont été négativement perçus par les autres
Etats. Voir sur l’intervention en République Dominicaine, Louise DOSWALD-BECK, « The Legal Validity of
Military Intervention by Invitation of the Governement », op. cit., p. 228 ; Ved. P. NANDA, « The United States
Action in the 1965 Dominican Crisis : Impact in World Order », Denver Law Journal, vol. 44, 1967, pp. 225-273.
Voir sur les réactions négatives de la communauté internationale sur l’intervention américaine en Grenade, Scott
DAVIDSON, Grenada – A study in Politics and The Limits of International Law, Gower Publisihing Company,
Aldershot, 1987 ; Laura WHEELER, « The Grenada Invasion : Expanding the Scope of Humanitarian Intervention »,
Boston Collège Internationale and Comparative Law Review, vol. 8, no2, 1985, pp. 413-430. L’Assemblée générale
de l’ONU a également condamné cette intervention, la qualifiant de « violation flagrante du droit international de
l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale », voir G.A. Res. 38/7, U. N. GAOR, 38th Sess., Supp.
no. 47, p. 19, U.N. Doc. A/38/47 (1985). L’invasion du Panama par les Etats Unis sous le motif de restauration de la
démocratie a été condamné par une écrasante majorité de la communauté internationale, voir David W. ALBERTS, «
The United States Invasion of Panama : Unilateral Military Intervention to Effectuate a Change in Government – A
Continuum of Lawfulness », Transnational Law & Contemprory Problems, vol. 1, 1991, pp. 261-286. Elle a
également été critiqué par une majorité doctrinale, voir Louis HENKIN, « The Invasion of Panama Under International
Law : A gross Violation », Columbia Journal of Transnational Law, vol. 29, 1991, p. 263 ; Oscar SCHACHTER, «
Is There a Right to Overthrow an Illegitimate Regime ? », in Le droit international au service de la paix, de la justice
et du developpement, Mélanges Michel Virally, Paris, Pedone, p. 428.
427
Les fermes condamnations des trois interventions américaines par la communauté internationale ont eu pour effet
de limiter leur valeur jurisprudentielle, voir Nowrot KARSTE and Emily W. SCHABACKER, « The Use of Force to
Restore Democracy : International Legal Implications of the ECOWAS Intervention in Sierra Leone », op. cit., p. 384.

116
l’action de la CEDEAO en Sierra Léone pour défendre la démocratie sans une autorisation du
Conseil de sécurité.428
L’action de la CEDEAO en Sierra Léone a également été présentée comme une opération de paix
non coercitive afin de couvrir l’absence de l’autorisation préalable du Conseil de sécurité.429 Cet
argument non plus n’emporte pas conviction. En effet, comme nous l’avons déjà relevé à l’analyse
de la situation du Libéria, cette opération de la CEDEAO en Sierra Léone est difficile à qualifier
de simple mission de maintien de la paix. Elle ne répond pas aux critères essentiels d’une mission
de maintien de la paix que sont le consentement des parties, l’impartialité et la non utilisation de
la force sauf en cas de légitime défense. Encore une fois en Sierra Léone, le déploiement de
l’ECOMOG n’a pas rencontré le consentement de toutes les parties concernées. Bien au contraire,
ce n’est qu’après l’intervention de la CEDEAO, qui a réussi à rétablir le gouvernement légal qu’un
accord a pu être trouvé avec toutes les parties au conflit autorisant l’interposition de
l’ECOMOG.430 De plus, au-delà de l’appel à l’assistance du président déchu Kabbah, la CEDEAO
avait déjà pris la décision à l’issue de la rencontre du 26 juin de rétablir le gouvernement

428
Par exemple l’intervention en Haïti pour rétablir le gouvernement démocratiquement élu de Jean-Bertrand Aristide
a été autorisé par le Conseil de sécurité qui a qualifié la situation en Haïti de menace contre la paix et la sécurité
internationales et a agi en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par le chapitre VII de la Charte. Le recours à la
force en l’espèce est fondé sur la qualification de la situation de menace contre la paix et la sécurité internationales
par le Conseil de sécurité, même si certains soutiennent que le fondement réel de l’intervention est la légitimité
démocratique, et la qualification de menace contre la paix et la sécurité internationales n’était qu’un artifice destiné à
s’assurer que le Conseil de sécurité ne dépasse pas ses compétences.
429
Une mission de maintien de la paix classique non coercitive ne requiert pas une autorisation préalable du Conseil
de sécurité parce qu’elle ne relève pas de l’article 53 de la Charte mais plutôt de l’article 52. La seule obligation est
celle d’informer le Conseil de sécurité « de toute action entreprise ou envisagée », comme indiqué par l’article 54 de
la Charte.Voir Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., pp.621-623 ; Le Conseil de sécurité a lui aussi
éviter la question du recours à la force par la CEDEAO en s’évertuant à présenter l’opération de l’ECOMOG en Sierra
Léone comme une mission de maintien de la paix. Le président du Conseil de sécurité a adopté une déclaration,
quelques jours après le renversement de la junte par laquelle, il « félicite la CEDEAO pour le rôle important qu’elle a
continué de jouer en vue du règlement pacifique de la crise », S/PRST/1998/5, 26 février 1998. Dans une autre
déclaration le président du Conseil de sécurité fait référence à l’action de la CEDEAO en la désignant comme « une
mission de maintien de la paix », S/PRST/1998/13, 20 mai 1998. Voir également la résolution du Conseil 1181 (1998)
du 13 juillet 1998 du Conseil de sécurité dans laquelle le Conseil de sécurité mentionne qu’il « … sait gré à la
CEDEAO et à l’ECOMOG des efforts qu’ils déploient en vue d’aider à rétablir la paix, la sécurité et la stabilité dans
tout le pays, à la demande du gouvernement sierra –léonais… ».
430
Les forces de l’ECOMOG ont été engagé dans des combats depuis début juin 1997 dans l’objectif de reprendre la
capitale Freetown et de réinstaller le président déchu Kabbah. Et ce n’est qu’en juin 1997 que la junte a accepté le
déploiement de l’ECOMOG dans le cadre d’une proposition de paix, voir Keesing’s, 1997, p. 41672.

117
démocratiquement élu par tous les moyens, y compris par le recours à la force, ce qui laissait
présager qu’il ne s’agirait pas de déploiement d’une simple mission de paix consensuelle.431 Enfin,
lors de la réunion du Conseil de sécurité du 11 juillet 1997 consacrée à la situation en Sierra Léone,
il a clairement été évoqué la nécessité pour la CEDEAO de faire recours à la force armée pour la
résolution du conflit.432
En affichant également son objectif de rétablir le gouvernement de Kabbah qu’elle considère
légitime, l’intervention de l’ECOMOG fait entorse au principe d’impartialité exigé dans le cas
d’une mission de maintien de la paix. Une opération de paix ne doit pas influer sur l’issue d’un
conflit. A propos du recours à la force, il ressort clairement des faits que l’ECOMOG a bien fait
usage de la force armée pour renverser la junte afin de rétablir le pouvoir de Kabbah.433 L’option
de l’utilisation de la force avait d’ailleurs été évoquée par les ministres à la rencontre du 26 juin,
bien avant le déploiement de l’ECOMOG. Cette éventualité d’un recours à la coercition armée a
finalement été mise en œuvre sans que la CEDEAO ne pense à requérir l’autorisation du Conseil
de sécurité.
Certains auteurs ont, en outre, tenté de couvrir l’absence d’autorisation du Conseil de sécurité par
l’argument d’une autorisation rétroactive.434 Mais même en admettant l’hypothèse d’une
autorisation ex post facto, elle ne répond pas à l’exigence de la Charte d’une autorisation préalable
du Conseil de sécurité prescrit par l’article 53.

431
Voir Communiqué annexé à la Lettre datée du 27 juin 1997 adressée au Président du Conseil de sécurité par le
représentant permanent du Nigéria auprès de l’ONU, op. cit., par. 9.
432
Voir déclaration du ministre des affaires étrangères du Nigéria à la réunion: « However, it was recognized that the
other two options, including negociations and sanctions cum blockade, could not be achieved without the use of some
military force », S/PV. 3797, 11 July 1997, p. 4, par. 3.
433
En plus de mener des combats dès début juin 1997 contre les forces rebelles, l’ECOMOG lance une offensive
contre celles –ci en début février 1998 qui aboutit à la prise de Freetown et à l’expulsion de la junte du pouvoir,
Keesing’s, 1997, p. 41672 et Keesing’s, 1998, p. 42048. Voir également le Third Report of the ECOWAS Committee
of Five on Sierra Leone to the United Nations Pursuant to Resolution S/RES/ 1132 (1997) of 8 October 1997, dans
lequel la CEDEAO rapporte la destruction d’aérodromes de la junte.
434
Brian D. LEPARD, Rethinking Humanitarian Intervention, Pennsylvania Univ. Press, 2002, p. 337; Ugo
VILLANI, « Les rapports entre l’ONU et les organisations régionales dans le domaine du maintien de la paix »,
Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye, t. 290, 2001, pp. 386-387.

118
A l’instar du précédent du Libéria, l’intervention de la CEDEAO en Sierra Léone sans autorisation
préalable du Conseil de sécurité ne sera pas condamnée par celui-ci.435 Bien au contraire, le Conseil
de sécurité salue le « rôle important joué par la Communauté Economique des Etats de l'Afrique
de l'Ouest (CEDEAO) et les forces de son Groupe de contrôle (ECOMOG) déployées en Sierra
Leone à l'appui du rétablissement de la paix et de la sécurité ».436 C’est dans les mêmes termes
qu’il remercie l’ECOMOG de « l’action remarquable qu’il a menée en vue de rétablir la sécurité
et la stabilité en Sierra Leone, de protéger la population civile et de promouvoir un règlement
pacifique du conflit »437. Il est important de relever par ailleurs que le Conseil de sécurité a
condamné le renversement du président Kabbah438 et a entièrement approuvé l’objectif principal
de la CEDEAO d’œuvrer au rétablissement du gouvernement légitime par l’utilisation de tous les
moyens, y compris le recours à la force.439 Il a par la suite salué le retour du gouvernement Kabbah,
nonobstant le fait que cette réhabilitation a été possible grâce à une utilisation de la force armée

435
Le Conseil de sécurité à sa réunion du 16 mars 1998 par laquelle il prenait acte de la dépossession de la junte du
pouvoir n’a pas condamné l’utilisation de la force armée par la CEDEAO, voir S/PV 3861, 16 mars 1998. Voir aussi
la Lettre datée du 9 mars 1998, adressée au président du Conseil de sécurité par le chargé d’affaires par intérim de
la mission permanente de la Sierra Léone auprès de l’Organisation des Nations Unies S/ 1998/215 du 09 mars 1998.
436
Voir résolution 1162, S/RES/1162 du 17 avril 1998 ; voir également S/PV 3857, 26 Feb 1998, p. 2 ; S/PV 4035,
20 August 1999, p. 4.
437
Voir résolution 1260 (1999) du Conseil de sécurité du 20 août 1999, par. 3
438
Voir la Déclaration du président du Conseil de sécurité du 11 juillet 1997 par laquelle, le Conseil soutient
pleinement la décision du trente-troisième sommet de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), tenu à Harare du 2
au 4 juin 1997, au cours de laquelle un appel a été lancé aux dirigeants de la CEDEAO d’« aider le peuple sierra
léonais à rétablir l’ordre constitutionnel, S/PRST/1997/36, voir également les autres résolutions de condamnation,
Déclaration présidentielle du 27 mai 1997, S/PRST/1997/29 et S/PRST/42 du 6 août 1997.
439
Dans la résolution 1132 (1997) adoptée en vertu du chapitre VII de la Charte, le Conseil de sécurité, sans évoquer
de façon expresse le recours à la force pour restaurer le gouvernement de Kabbah exige le rétablissement de l’ordre
constitutionnel et « exprime son soutien sans réserve aux efforts menés par la CEDEAO pour régler la crise en Sierra
Leone », S/RES/1997 du 8 octobre 1997. La résolution prend également acte des décisions de la CEDEAO dont celle
mandatant l’ECOMOG à rétablir le gouvernement déchu, voir la Décision A/DEC. 7/8/97, ou UN Doc. S/1997/695,
annexe II, cité également dans Eric. G. BERMAN and Katie E. SAMS, Peackeeping in Africa: Capabilities and
Culpabilities, UNIDIR, Geneva/ISS, Pretoria, 2000, p.115.

119
contre la junte sans autorisation du Conseil de sécurité.440 Les membres individuels ont aussi
unanimement apporté leur soutien à l’action de la CEDEAO en Sierra Léone.441
En réalité, le Conseil de sécurité ne s’est jamais plaint de ces précédents de recours à la force en
dehors du cadre de la Charte. L’usage de la force armée par l’ECOMOG aussi bien au Libéria
qu’en Sierra Léone n’a en aucun cas été soulevé des inquiétudes du Conseil de sécurité. Celui-ci a
préféré ignorer les phases coercitives armées de l’ECOMOG en présentant les deux opérations
comme de simples missions de maintien de la paix n’exigeant pas son autorisation préalable.
Comme le relève justement Ben Kioko:
« [it] would appear that the UN Security Council has never complained about its powers being usurped
because the interventions were in support of popular causes and were carried out partly because the UN
Security Council had not taken action or was unlikely to do so at the time ».442
Il n’était par conséquent pas étonnant qu’après ces interventions, la CEDEAO se soit octroyé un
droit d’intervention lorsqu’il s’est agi pour elle de réajuster ses compétences normatives et
institutionnelles au fondement de sa pratique en matière de maintien de la paix et de la sécurité. 443

440
Voir la résolution 1156 (1998) du 16 mars 1998 dans laquelle, le Conseil de sécurité « se félicite du retour en Sierra
Léone, le 10 mars 1998, du président démocratiquement élu par le pays » ainsi que la déclaration du président du
Conseil de sécurité adoptée quelques jours après le renversement de la junte, par laquelle, le Conseil « se félicite que
la junte ait été dessaisie du pouvoir », S/PRST/1998/5, 26 février 1998. Le Conseil de sécurité à sa réunion du 16 mars
1998 par laquelle il prenait acte de la dépossession de la junte du pouvoir n’a pas condamné l’utilisation de la force
armée par la CEDEAO, voir S/PV 3861, 16 mars 1998 ainsi que la Lettre datée du 9 mars 1998, adressée au président
du Conseil de sécurité par le chargé d’affaires par intérim de la mission permanente de la Sierra Léone auprès de
l’Organisation des Nations Unies S/ 1998/215 du 09 mars 1998.
441
L’Autriche qui s’exprimait au nom de l’Union européenne saluait le rôle important de la CEDEAO dans la
résolution de la crise, voir S/ PV 3902, 13 July 1998. Voir également lors de la même séance de discussion au Conseil
de sécurité, les déclarations du Royaume-Uni, du Kenya, de la Gambie, des Etats-Unis, du Japon, du Costa Rica, de
la Chine, de la Suède. La résolution 1181 (1998) a été adopté à l’unanimité sans aucune condamnation de l’action de
la CEDEAO par aucun membre du Conseil de sécurité.
442
Voir Ben KIOKO, « the Right of Intervention under the African Union’s Constitutive Act: From Non-Interference
to Non-Intervention », International Review of the Red Cross, vol.85, 2003, p. 821.
443
Jean Allain note à ce propos que: « with tacit consent having been given to the ECOWAS interventions in both
Liberia and Sierra Leone, it should not come as a surprise that this West African organization moved to institutionalize
the power it had appropriated from the UN Security Council in the domain of peace and Security », Jean ALLAIN,
« The True Challenge to the United Nations System of the Use of Force: The Failures of Kosovo and Iraq and the
Emergence of the African Union », op. cit., p. 262.

120
Paragraphe II : L’institutionnalisation d’un droit d’intervention dans les conflits internes et
sans autorisation préalable du Conseil de sécurité

Forte de ces premières expériences qui n’ont pas été sérieusement dénoncées quand elles n’ont pas
reçu l’assentiment général de la communauté internationale, l’Organisation sous-régionale
entreprend de consolider sur le plan normatif cette nouvelle pratique.

Les premières interventions de la CEDEAO sans autorisation préalable du Conseil de sécurité


révèlent à n’en point douter un changement de paradigme opéré par les Etats membres de la
CEDEAO consistant à relativiser l’interprétation stricte des principes de non-ingérence et de
souveraineté absolue et d’autonomie constitutionnelle au profit d’une action collective en faveur
des droits de l’homme et de la démocratie. Les acteurs africains ont pris conscience que le principe
de non intervention dans son sens strict constituait une limite à la gestion des conflits internes qui
ont remplacé les conflits interétatiques classiques. L’impuissance de l’OUA à faire face à ces
conflits à cause de l’application stricte du principe en était une preuve convaincante. Ils ont ainsi
tranché le dilemme qui se posait à la communauté internationale dans les années 1980 portant sur
la confrontation entre deux valeurs fondamentales, la protection des droits de la personne et les
principes de non intervention et de non recours à la force, en faveur de la première.

Ainsi, le changement de paradigme amorcé par la pratique et le « droit mou » se matérialisent


davantage par l’institutionnalisation de nouvelles exceptions à la règle de l’interdiction du recours
à la force, autres que celles prévues par la Charte.

En effet, à la suite de son action au Libéria sans une véritable base légale, l’Organisation sous-
régionale avait entrepris de développer un cadre normatif afin de se doter de compétences dans le
domaine du maintien de la paix et de la sécurité.444 L’évolution des instruments juridiques de
l’Organisation en matière de paix et de sécurité aboutit à la révision du Traité du 29 mai 1975,
portant création de la CEDEAO ainsi qu’à l’adoption d’un certain nombre de textes dont le plus

Voir Décision A/DEC. 10/5/90 relative à la mise sur pied d’un comité chargé de la révision du Traité de la
444

CEDEAO du 30 mai 1990, Banjul, Gambie, CEDEAO, Journal Officiel, vol. 17, juin 1990, p. 25.

121
important est le Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des
conflits, de maintien de la paix et de la sécurité (ci-après Protocole de Lomé). 445 Tout en instituant
un mécanisme de sécurité collectif ouest-africain, le Protocole de Lomé introduit des innovations
majeures qui cristallisent les leçons tirées des expériences de la CEDEAO dans la gestion des
conflits. Il confère non seulement à l’Organisation régionale la compétence d’intervenir dans les
conflits internes des Etats membres sans leur consentement (A), mais aussi il codifie de nouvelles
exceptions à la règle de l’interdiction du recours à la force non prévues par la Charte (B).

A- Le droit d’intervenir dans les conflits internes des Etats membres sans leur consentement

Contrairement à l’ancien système de sécurité de la CEDEAO, le nouveau mécanisme institué par


le Protocole de Lomé s’inscrit dans une logique très interventionniste. En effet, avant l’adoption
du Protocole de Lomé, les instruments juridiques existants de la CEDEAO n’avaient pas été conçus
pour faire face à des conflits internes, encore moins sans le consentement des Etats membres. L’on
se souviendra que le principe de non-intervention dominait les relations entre les Etats africains
après leur accession aux indépendances à partir des années 1960. La non-intervention a ainsi été
sacralisée par l’OUA dès sa création en 1963.446 L’ancien système de sécurité de la CEDEAO
faisait la part belle à ce sacro-saint principe de la non-ingérence dans les affaires des Etats
membres. C’est ainsi que le préambule du Protocole de non-agression, le premier instrument
normatif marquant l’intérêt de la CEDEAO pour les questions de paix et de sécurité, se réfère aux
principes d’interdiction de recours à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité
territoriale et l’indépendance de tout Etat.447 Les Etats signataires s’engagent au respect de la
souveraineté et de l’intégrité territoriale de chaque Etat ainsi que la reconnaissance de son droit
inaliénable à une existence indépendante.448 En clair, les Etats membres sont tenus de ne pas faire

445
CEDEAO, Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des Conflits, de Maintien de
la Paix et de la Sécurité, adopté à Lomé (Togo) le 10 décembre 1999.
446
OUA, Charte de l’OUA, article 3 (3).
447
CEDEAO, Protocole de non-agression ou de Lagos signé le 22 avril 1978 à Lagos (Nigéria), voir le préambule et
les articles 1 à 5.
448
Ibid., articles 1 à 5.

122
recours à la force pour régler les différends qui les opposent. Le Protocole de non-agression
défendait aux Etats membres de s’ingérer dans les affaires de sécurité interne d’un autre Etat
membre. Le Protocole d’assistance mutuelle en matière de défense, second instrument juridique
de l’ancien système de gestion des conflits ne permettait pas non plus une intervention de
l’Organisation sous-régionale dans les conflits internes d’Etats membres. Ce dernier instrument
prévoyait la possibilité d’une implication de la CEDEAO dans des conflits internes à la condition
toutefois que ceux-ci soient activement entretenus et soutenus de l’extérieur.449 Mais même dans
cette hypothèse, l’Organisation ne peut prendre de décisions sans une collaboration des Etats
membres impliqués dans le conflit.450
Il ressort de toutes ces dispositions que le système de sécurité de la CEDEAO étaient respectueux
des principes classiques du droit international. On comprendra aisément les abondantes
controverses sur la légalité des deux interventions qu’elle a tenté de fonder sur les deux protocoles
suscités.
Le nouveau Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la
paix et de la sécurité (ci-après Mécanisme) institué par le Protocole de Lomé fait une rupture totale
avec l’ancien système de sécurité en prévoyant une implication de la CEDEAO dans les conflits
internes des Etats membres. L’article 3 (a) du Protocole de Lomé mentionne ainsi au titre des
objectifs visés par le Mécanisme, la prévention, la gestion et le règlement des conflits internes. Il
est également prévu la mise en œuvre du Mécanisme, en cas de conflits internes qui menacent de
déclencher un désastre humanitaire ou qui constituent une menace à la paix et à la sécurité dans la
sous-région.451 Il pourrait également être considéré, par déduction, que les autres cas de mise en
œuvre du Mécanisme notamment les violations graves et massives des droits de l’Homme, de
remise en cause de l’Etat de droit, de renversement ou de tentative de renversement d’un

449
CEDEAO, Protocole d’assistance mutuelle en matière de défense, voir l’article 4, points a et b ainsi que l’article
18.
450
Ibid.
451
CEDEAO, Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des conflits, de Maintien de
la Paix et de la Sécurité, voir l’article 25, lettre c.

123
gouvernement démocratiquement élu sont des situations qui se déroulent à l’intérieur des frontières
des Etats membres.452
Le nouveau Mécanisme de la CEDEAO permet non seulement l’intervention dans les affaires
internes des Etats membres, mais en plus, sans le consentement des Etats concernés. L’article 27
du Protocole de Lomé dispose sur la procédure de la mise en œuvre du Mécanisme que « le
Secrétaire Exécutif informe les Etats membres du Conseil de Médiation et de Sécurité et en
concertation avec le Président en exercice, prend toutes mesures d’urgence ».453 Il s’en suit
également que le Conseil de Médiation et de Sécurité
« envisage plusieurs options, et décide de celle la plus appropriée en matière d’intervention. Ces options
peuvent porter sur le recours au Conseil des Sages, sur l’envoi de mission d’enquête, de missions politiques
et de médiation ou sur l’intervention de l’ECOMOG ».454
Ces dispositions ont été interprétées comme conférant un pouvoir discrétionnaire à l’Organisation
sous-régionale sur le choix des moyens qui pourraient impliquer un recours à la force sans le
consentement de l’Etat concerné.455 L’article ne fait aucune référence à un quelconque
consentement de l’Etat concerné ou des parties au conflit. La CEDEAO dispose ainsi non
seulement de la compétence d’intervenir dans les affaires internes des Etats membres sans leur
consentement mais elle acquiert aussi une totale liberté sur l’opportunité, les modalités et options
à privilégier dans la résolution des crises. De ce fait, le Protocole de Lomé contraste avec celui de
Freetown qui conditionnait toute intervention militaire de la CEDEAO à une demande de l’Etat
concerné.456
En résumé, le nouveau Mécanisme permet à l’Organisation sous-régionale de se saisir de toute
situation de crise interne ou de différend entre des Etats membres sans le consentement de l’Etat
sur le territoire duquel se déroule la crise ou des Etats concernés. Il convient par ailleurs de préciser

452
Ibid., article 25, lettres d et e.
453
Ibid., Article 27, lettre a.
454
Ibid., Article 27, lettre b.
455
Ademola ABASS, « The Implementation of ECOWAS’New Protocol and Security Council Resolution 1270 in
Sierra Leone: New Developments in Regional Intervention », op. cit., pp. 206-207 ; Abou ABASS, « La CEDEAO et
le maintien de la paix et de la sécurité internationales », op. cit., pp. 28-29.
456
CEDEAO, Protocole d’assistance mutuelle en matière de défense, article 16.

124
que le Protocole a également prévu la possibilité d’une intervention à la demande de l’Etat
membre.457 Mais, il s’agit en l’espèce d’une option, qui ne préjudicie pas sur le principe qui est
que le consentement de l’Etat concerné n’est pas nécessaire.

B- Le droit d’intervenir sans l’autorisation du Conseil de sécurité

La logique interventionniste de la CEDEAO se traduit également par l’envergure des pouvoirs que
le Mécanisme lui octroie dans le cadre de sa mission de maintien de la paix et de la sécurité. En
effet, le Protocole ne se limite pas à une rupture avec l’ancien système de sécurité classique de
l’Organisation sous-régionale, il remet également en cause les règles classiques qui gouvernent les
rapports entre l’Organisation des Nations Unies et les Organisations régionales en matière de
recours à la force armée.
Il est bien admis qu’une des caractéristiques essentielles de la Charte est le monopole accordé au
Conseil de sécurité en matière de recours à la force. Le Conseil de sécurité peut néanmoins faire
recours aux Organisations régionales dans l’application des mesures coercitives armées qu’il aura
décidées. Cependant, il leur est interdit de prendre des mesures coercitives de leur propre initiative
sans l’autorisation du Conseil de sécurité comme le prescrit l’article 53 (1). Par conséquent, l’usage
de la force par une Organisation régionale sur la base de ses propres statuts sans l’autorisation du
Conseil de sécurité et en dehors du cadre de la légitime défense est en principe incompatible avec
l’article 53, de même qu’avec la Charte.458 De plus, le principe de non intervention, corollaire de
l’interdiction du recours à la force proscrit à son tour, toute forme d’ingérence dans les affaires
intérieures d’un Etat tant par l’ONU que par les autres Etats membres.459 Il s’en suit que tout usage
de la force en dehors des exceptions prévues par la Charte, est illégal parce que dépourvu de base

457
CEDEAO, Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des conflits, de Maintien de
la Paix et de la Sécurité, article 26, lettre c.
458
Voir Christian WALTER, « Security Council Control over Regional Action », op. cit., p. 141 ; Robert KOLB, Ius
contra bellum, le droit international relatif au maintien de la paix, op. cit., p. 109 ; Natalino RONZITTI, Rescuing
Nationals Abroad Through Military Coercion and Intervention on Grounds of Humanity, Martinus Nijhoff Publ.,
Dordrecht, 1985, p.130.
459
ONU, Charte des Nations Unies, article 2 par 7. Voir également Guillaume ETIENNE, « L’article 2, paragraphe 7,
de la Charte des Nations Unies : Une lecture à la lumière de la pratique récente de l’Assemblée générale et du Conseil
de sécurité des Nations Unies », African Yearbook of International Law, vol. 11, 2003, pp. 219-225.

125
légale. Or, certaines dispositions du Protocole de Lomé fournissent une base juridique de
l’utilisation de la force armée par la CEDEAO en dehors des exceptions mentionnées.
Ainsi, dans un premier temps, le Protocole procède à une codification de nouvelles exceptions à
la règle de l’interdiction du recours à la force, autres que celles prévues par la Charte. Le nouveau
Mécanisme prévoit ainsi un droit d’intervention pour des motifs humanitaires, de menace grave à
la paix et à la sécurité de la sous-région ainsi qu’en cas de renversement ou de tentative de
renversement d’un gouvernement démocratique.460
Dans la même logique, la CEDEAO se dispense de l’exigence de requérir l’autorisation du Conseil
de sécurité pour la mise en œuvre de ces droits d’intervention tel que prescrit par l’article 53 de la
Charte. Plusieurs éléments permettent de soutenir une lecture autonomiste des dispositions.
Rappelons en premier lieu que les interventions précédemment analysées ont été menées sans
autorisation préalable du Conseil de sécurité. Dans la même logique, le Protocole ne fait aucune
mention de l’obligation d’une autorisation préalable du Conseil de sécurité. Au contraire, il confère
au Conseil de médiation et de sécurité la compétence pour « autorise[r] toutes les formes
d’intervention et décide[r] notamment du déploiement des missions politiques et militaires ».461
Il se pourrait que l’on rétorque d’office à cette hypothèse d’interprétation que l’absence d’une
mention expresse au monopole du Conseil de sécurité n’implique pas que la CEDEAO entende se
soustraire à l’obligation de l’article 53 de la Charte. Or, si l’on s’en tient aux dispositions
pertinentes consacrées à l’interprétation des traités de la Convention de Vienne sur le droit des
traités de 1969,462 le sens ordinaire à attribuer à cette disposition est qu’elle ne soumet pas
l’exercice des compétences du Conseil de Médiation et de sécurité à aucune autorisation préalable
du Conseil de sécurité des Nations Unies. Une volonté de respecter l’article 53 aurait été traduite

460
CEDEAO, Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des conflits, de Maintien de
la Paix et de la Sécurité, Article 25, lettres b, c, d, et e et l’article 40 alinéas 1, 2 et 3.
461
Ibid., Article 10, alinéa 2, lettre c.
462
Sans rentrer dans les détails sur les grands courants doctrinaux sur l’interprétation, nous nous en tenons aux articles
31 à 33 de la Convention de vienne sur le droit des traités de 1969.

126
par une mention expresse à une autorisation du Conseil de sécurité comme c’est le cas de certaines
Organisations régionales telles que la SADC.463
D’autres dispositions du Protocole permettent de soutenir une telle conclusion. Par exemple, dans
ses relations avec les Nations Unies dans le cadre de la mise en œuvre du Mécanisme, la CEDEAO
n’indique pas expressément son intention de requérir l’autorisation du Conseil de sécurité, elle
s’engage plutôt à tenir l’ONU informée de toute intervention militaire effectuée dans le cadre des
objectifs du Mécanisme conformément aux chapitres VII et VIII de la Charte.464 L’on perçoit bien
que l’Organisation sous-régionale laisse volontairement dans un flou juridique la question de
l’autorisation. Tout en rappelant le cadre du chapitre VIII qui fonde l’action des Organisations
régionales en matière de recours à la force, elle s’abstient cependant de mentionner la condition
primordiale qui encadre cette utilisation de la force armée.
De plus, le Protocole donne compétence au Conseil de Médiation et de Sécurité pour non
seulement autoriser toutes les formes d’intervention et décider du déploiement des missions
militaires mais aussi le pouvoir d’approuver les mandats et les termes de référence de ces
missions.465
Les dispositions portant sur la procédure de mise en œuvre du Mécanisme donnent encore une fois
la preuve d’une tendance à l’affirmation d’un droit autonome d’intervention par la CEDEAO.
L’article 27 mentionne deux possibilités de mise en œuvre du Mécanisme. La première alternative
consiste à ce que le Secrétaire Exécutif saisisse le Conseil de Médiation et de Sécurité de la
situation qui, en concertation avec le président en exercice prend toutes mesures d’urgence. Dans
une seconde possibilité, le Conseil de Médiation et de Sécurité lorsqu’il est saisi d’une situation
de crise envisage plusieurs options et décide de celle la plus appropriée en matière d’intervention.
Il est bien précisé que ces options peuvent porter sur le recours au Conseil des Sages, sur l’envoi
de mission d’enquête, de missions politiques et de médiation ou sur l’intervention de l’ECOMOG.

463
SADC, Protocole sur la Coopération en matière de Politique, de défense et de Sécurité, article 11, alinéa 3, lettre
d.
464
CEDEAO, Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des conflits, de Maintien de
la Paix et de la Sécurité, article 52, alinéa 3.
465
Ibid., article 10 (d).

127
Après la décision sur l’option, le Conseil de Médiation et de Sécurité délivre un mandat autorisant
le Secrétaire Exécutif à mettre sur pied la mission et définit les termes de référence de celle-ci.
Pour clore la procédure, il est indiqué que le président du Conseil de Médiation et de Sécurité
adresse à l’OUA et aux Nations Unies un rapport sur la situation. Ce dernier point combiné avec
l’article 52 (3) évoqué plus haut conforte l’idée que la CEDEAO se sent plutôt liée par une
obligation d’information à l’égard de l’ONU, plus qu’une obligation de requérir une autorisation
du Conseil de sécurité.
De plus, le contexte d’adoption du Protocole permet de soutenir l’idée d’une volonté de se départir
de l’interprétation stricte de l’article 53 de la Charte. Il est pris en compte en l’espèce comme
contexte, les travaux préparatoires qui ont précédé l’adoption du Protocole relatif au Mécanisme.
En effet, le processus d’adoption du Protocole relatif au Mécanisme de prévention, de gestion, de
règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité de la CEDEAO débutait par une
approbation par le quatrième Sommet extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement tenue à
Lomé le 17 décembre 1997 d’un projet de mise en place d’un mécanisme de sécurité sous-
régionale. Par la suite, s’est tenue une rencontre des ministres des Affaires étrangères, de la
Défense, des Affaires intérieures et de la sécurité à Yamoussokro (Côte d’Ivoire) les 11 et 12 mars
1998, qui se sont penchés sur les problématiques de prévention, de gestion et de règlement des
conflits, de maintien de la paix et de sécurité régionale.466 Le Communiqué issu de la rencontre de
Yamoussokro indique des lignes directrices sur la base desquelles les experts issus des pays
membres étaient chargés d’ébaucher le draft du mécanisme de sécurité.467 Il a également été
rapporté qu’en mai 1998, des responsables militaires de la CEDEAO faisaient des propositions sur
la base des expériences des interventions de l’Organisation sous-régionale au Libéria et en Sierra
Léone dans le cadre de la mise sur pied du mécanisme en projet.468 Toutes ces propositions ont été
approfondies par une rencontre d’experts tenue à Banjul du 13 au 20 juillet 1998, dans le but de

466
Voir ECOWAS Draft Mechanism for Conflict Prevention, Management, Resolution, Peacekeeping and Security,
op. cit., p. 1, par. 1.
467
Ibid, par. 2.
468
Voir Adekeye ADEBAJO, Ismail O. D. RASHID, West Africa’s Security Challenges: Building Peaace in a
Troubled Region, Lynne Rienner Publishers, 2004, p. 302.

128
proposer un draft à l’intention des ministres de la défense, des affaires internes et de la sécurité de
la CEDEAO.469 Ceux –ci se retrouvèrent à nouveau à Banjul les 23 et 24 juillet 1998 pour analyser
le projet formulé par les experts. Cette rencontre a été l’occasion de faire le point des actions de la
CEDEAO au Libéria et en Sierra Léone et de mettre les conclusions en perspective avec le texte
en projet.470 L’une des problématiques fondamentales sur lesquelles ont porté les discussions de
cette rencontre avait trait à la question de savoir si l’autorisation préalable du Conseil de sécurité
était requise avant les déploiements futurs de l’ECOMOG. Mais finalement, les responsables de
la CEDEAO ont convenu qu’il serait judicieux que l’Organisation sous-régionale conserve une
autonomie sur la décision d’intervention afin de ne pas être en attente des décisions du Conseil de
sécurité pour prendre des mesures urgentes pour la stabilité de la sous-région. Cette conclusion se
justifierait par les réticences du Conseil de sécurité à se saisir de la crise au Libéria 471. Ademola
Abass qui avait réussi à avoir des échanges informels sur cette question avec des fonctionnaires
du département juridique de la CEDEAO, l’organe en charge de la rédaction du Mécanisme,
rapporte les mêmes conclusions. L’auteur avait aussi eu des échanges avec Madame Margaret
Vogt, experte et personne ressource des Nations Unies qui, par anticipation, avait exprimé des
inquiétudes sur les conséquences de l’application du Mécanisme au regard du droit de la Charte.
Madame Vogt faisait remarquer que le Mécanisme dérogeait à l’article 53 de la Charte
réglementant le recours à la force armée par les Organisations régionales.472 En réponse aux
préoccupations relevées, le directeur des affaires juridiques en poste à cette période, qui
s’exprimait au nom de la CEDEAO, soutenait que :

469
Voir ECOWAS Draft Mechanism for Conflict Prevention, Management, Resolution, Peacekeeping and Security,
op. cit., p. 1, par. 3.
470
Ibid, par. 1.
471
Discussions entre les auteurs Adekeye ADEBAJO, Ismail O. D. RASHID et Madame Magaret Vogt, personne
ressource des Nations Unies qui a dirigé l’équipe des experts lors de la rencontre tenue à Banjul du 13 au 22 juillet,
voir Adekeye ADEBAJO, Ismail O. D. RASHID, West Africa’s Security Challenges : Building Peaace in a Troubled
Region, op. cit., note de bas de page 25. Madame Vogt était directrice adjointe de la division Afrique I au Département
des affaires politiques au Secrétariat des Nations Unies.
472
Voir Ademola ABASS, « The New Collective Security Mecanism of ECOWAS : Innovations and Problems »,
Journal of Conflict and Security Law, vol. 5, n.2, 2000, p. 223, et p. 212 (note de bas de page 4).

129
« [….] The meeting (of experts) considered these observations made by Prof. (Mrs) Vogt and was of the view
that whilst the subregion appreciates the importance of its obligation under the United Nations Charter, its
recent experience has shown that the cost of waiting for the United Nations authorization could be very high
in terms of life and resources ».473

De plus, dans le projet du Mécanisme, il est clairement indiqué au titre des fonctions du Conseil
de Médiation et de sécurité, après la fonction d’autoriser toutes les formes d’intervention, celle
d’informer l’ONU et l’OUA de ses décisions, conformément à la Charte des Nations Unies.474
Bien que la doctrine ne présente pas fondamentalement une portée juridique de taille en matière
d’interprétation, elle n’est non plus dénuée de toute valeur juridique. Nous avons estimé qu’il serait
pertinent de relever en dernière analyse qu’une majorité doctrinale a retenu une lecture
autonomiste des dispositions analysées. Ademola Abass fait par exemple valoir que si le
Mécanisme est considéré dans ses conclusions logiques, il implique un fonctionnement sans la
supervision et le contrôle du Conseil de sécurité des Nations Unies.475 Jeremy Levitt note qu’à
l’image de l’Union africaine, le Mécanisme de sécurité de la CEDEAO établit un cadre normatif
consacrant un droit d’intervention militaire unilatéral.476 John-Mark Iyi, soutient de son côté qu’il
serait difficile de parvenir à une compatibilité du Mécanisme de la CEDEAO avec le droit de la
Charte sans vider les dispositions de leur réel objectif qui est celui de mettre en place un cadre

473
Ademola ABASS, « The New Collective Security Mecanism of ECOWAS: Innovations and Problems », op. cit.,
pp. 223-224; Ademola ABASS, « The Implementation of ECOWAS’New Protocol and Security Council Resolution
1270 in Sierra Leone: New Developments in Regional Intervention », op. cit., p. 194. L’auteur rapporte qu’il a
également eu une conversation privée avec le même directeur des affaires juridiques de la CEDEAO en avril 2000,
Monsiur Roger Laloupo qui a soutenu à nouveau que la véritable motivation qui se dégageait lors du processus
d’adoption du Mécanisme était la volonté de délier la CEDEAO des restrictions de la Charte des Nations Unies,
Ademola ABASS, « The Implementation of ECOWAS’New Protocol and Security Council Resolution 1270 in Sierra
Leone : New Developments in Regional Intervention », op. cit., p. 196, note de bas de page 102.
474
ECOWAS Draft Mechanism for Conflict Prevention, Management, Resolution, Peacekeeping and Security,
Meeting of the Ministers of Defense, Internal Affairs and Security, Banjul, 23-24 July, 1998, p. 5, par. 18, ii.
475
Ademola ABASS, « The New Collective Security Mecanism of ECOWAS : Innovations and Problems », op. cit.,
p. 212, voir l’analyse de l’auteur sur les conséquences juridiques de la lecture autonomiste aux pp. 220-226. Voir
également Ademola ABASS, « The Implementation of ECOWAS’New Protocol and Security Council Resolution
1270 in Sierra Leone : New Developments in Regional Intervention », op. cit., p. 178 et pp. 193 -194.
476
Jeremy I. LEVITT, « Pro-Democratic intervention in Africa », op. cit., p. 804.

130
juridique institutionnel accordant à l’Organisation un droit d’action unilatéral prééminent sur le
rôle principal de l’ONU.477 L’auteur relève que :
« With an unassailable precedent in unilateral action in regional humanitarian intervention, ECOWAS has
located the right to authorise the use of force in West Africa in its Mediation and Security Council by virtue
of article 10(c) of ECOWAS MCPMRPS. The provision does not require the Mediation and Security Council
to obtain UNSC authorisation »478.
David Wippman souligne que la CEDEAO s’est octroyée un micro Conseil de sécurité dont il a
investi du pouvoir de décider et d’autoriser unilatéralement une intervention militaire sur le
territoire de ses Etats membres.479 Il soutient également que : « The AU and ECOWAS laws
suggest a paradigm shift in regional practice by asserting a right to unilateral enforcement action
without the prior authorisation of the UNSC ».480 Selon Kwesi Aning, la règle que l’on peut déduire
des dispositions de la CEDEAO est que, celle-ci est disposée à obtenir l’autorisation du Conseil
de sécurité dans le cadre d’une intervention militaire lorsque cela reste possible, mais serait en
mesure également d’agir sans une telle autorisation si nécessaire, l’objectif étant à terme de
consacrer le droit à une intervention unilatérale.481 Pour Jean Allain :
« [….] With tacit consent having been given to the ECOWAS interventions in both Liberia and Sierra Leone,
it should not come as a surprise that this West African organization moved to institutionnalize the power it
had appropriated from the UN Security Council in the domain of peace and security. By its 1999 Protocol
relating to the Mechanism for Conflict Prevention, Management, Resolution, Peace-keeping and Security,
ECOWAS decided that its newly established Mediation and Security Council could « authorise all forms of
intervention and decide particularly on the deployment of political and military missions ».482

477
John-Mark IYI, « The AU/ECOWAS Unilateral Humanitarian Intervention Legal Regimes and The UN Charter »,
African Journal of International and Comparative Law, vol. 21, 2013, no.3, p. 504.
478
Ibid, p. 509. Voir également l’ensemble de l’analyse de l’auteur aux pages 489-519.
479
David WIPPMAN, « The Nine Lives of Article 2 (4) », Minnesota Journal of International Law, vol. 16, 2007, p.
405.
480
David WIPPMAN, « Enforcing the peace: ECOWAS and the Liberian Civil War », op. cit., p. 150.
481
Kwesi ANING, « The UN and the African Union’s Security Architecture: Defining an Emerging Partnership? »,
Critical Currents, vol. 5, 2008, p. 17.
482
Jean ALLAIN, « The True Challenge to the United Nations System of the Use of Force: The Failures of Kosovo
and Iraq and the Emergence of the African Union », op. cit., p. 262.

131
Section II : Les tendances autonomistes des autres Organisations sous-régionales africaines

La CEDEAO est l’Organisation sous-régionale qui s’est le plus distinguée en matière de maintien
de la paix et de la sécurité. Elle est la première à avoir materialisé sur le plan institutionnel le
changement de paradigme en matière de recours à la force armée. Néanmoins, les autres
Organisations régionales africaines n’ont pas été en reste. Après une longue période de léthargie,
la CEEAC reprend de l’activité en matière de gestion des conflits en Afrique centrale. Elle
s’inspirera de la tendance confortée d’autonomisation institutionnelle de la CEDEAO en
consacrant à son tour des dispositions novatrices en matière de recours à la force. La SADC pour
sa part s’inscrit à un respect strict du droit de la Charte des Nations Unies dans la mise en place de
son mécanisme de gestion des conflits, après avoir paradoxalement endossée deux interventions
unilatérales au Congo et au Lesotho. Un premier paragraphe est consacré à l’analyse des
mécanismes institutionnels de sécurité de ces deux Organisations sous-régionales (Paragraphe I),
le second paragraphe nous permettra de nous pencher sur la licéité des deux actions armées
conduites par la SADC.

Paragraphe I : Les dispositions normatives de la SADC et de la CEEAC en matière de recours


à la force

A l’instar de la CEDEAO, l’engagement de la SADC en matière de maintien de paix et de sécurité


s’est en premier lieu matérialisé par une pratique renouvelée d’interventions armées sans
autorisation préalable du Conseil de sécurité. Paradoxalement, ses instruments juridiques destinés
aux questions de paix et de sécurité s’inscrivent en totale conformité avec les dispositions de la
Charte reglementant le recours à la force par les Organisations régionales. La CEEAC ne dispose
pas de pratique en matière d’intervention au vu de la longue période d’inactivité qu’elle a connue.
Le dispositif juridique qu’elle mettra en place après sa période de léthargie lui octroie cependant
des pouvoirs étendus d’intervention allant dans le sens de la tendance initiée par la CEDEAO.

A- La SADC : Des dispositions normatives en phase avec le droit de la Charte en matière


de recours à la force

Parmi les instruments juridiques adoptés par la SADC dans le cadre de l’extension de ses
compétences aux questions de maintien de la paix et de la sécurité internationales, le Protocole sur

132
la coopération en matière de Politique, de défense et de Sécurité est celui destiné à assurer la paix
et la sécurité collective dans la Communauté.483
Contrairement au Protocole de Lomé de la CEDEAO, le Protocole sur la coopération en matière
de Politique, de défense et de Sécurité de la SADC réaffirme d’office dans son préambule la
responsabilité principale du Conseil de sécurité dans le maintien de la paix et de la sécurité
internationales.484 Dans le même préambule, il est précisé que l’Organisation sous-régionale
favorise en toutes circonstances le règlement pacifique des conflits par la négociation, la
conciliation, la médiation ou l’arbitrage.485 Dans la même logique, il est indiqué que dans la
poursuite de ses objectifs, la SADC pourrait certes prendre des mesures coercitives, mais
seulement à la condition que celles-ci soient conformes au droit international, et qu’il n’y sera fait
recours qu’en dernière instance lorsque les moyens pacifiques auront échoué.486
De plus, sur la prévention, gestion et la résolution des conflits, bien avant de définir les
compétences de l’Organe de la SADC, le Protocole fait encore une mention spéciale au règlement
pacifique des différends.487 Pour marquer l’importance que l’Organisation sous-régionale accorde
au respect scrupuleux des dispositions de la Charte sur le recours à la force, le premier alinéa de
l’article 11 est intitulé « Obligations de l’Organe en vertu du droit international ». Ces obligations
consistent pour les Etats membres de la Communauté à s’abstenir de menaces ou de l’utilisation
de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un Etat quelconque sauf aux
fins légitimes d’autodéfense individuelle ou collective contre une attaque armée.488 Les Etats
parties ainsi que l’Organe s’efforcent de régler les différends par les moyens pacifiques.489 La

483
SADC, Protocole sur la coopération en matière de Politique, de défense et de Sécurité a été signé le 14 août 2001
à Blantyre (au Malawi) et fait suite à la décision prise par la SADC de créer l’Organe de politique, de défense et de
sécurité lors du Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement tenu le 28 juin 1996 à Gaborone (Botswana). Il est entré
en vigueur en 2004.
484
SADC, Protocole sur la coopération en matière de Politique, de Défense et de Sécurité, préambule, par. 6.
485
Ibid., préambule, par. 10.
486
Ibid., article 2, alinéa 2, lettre f.
487
Ibid., article 11.
488
Ibid., préambule, par. article 11, alinéa 1, lettre a.
489
Ibid., préambule, par. article 11, alinéa 1, lettres c et d.

133
SADC s’engage expressément par cette disposition à appliquer et à s’assurer également du respect
par ses Etats membres des sanctions et embargos contre les armes imposées par le Conseil de
sécurité.490 Le Protocole confère des compétences à l’Organisation sous-régionale pour se saisir
des conflits aussi bien interEtatiques qu’internes.491 Cependant les termes utilisés dans l’attribution
de ces compétences laissent croire qu’il ne s’agit pas d’un droit d’ingérence de la SADC dans les
affaires intérieures des Etats membres.
Le Protocole ne confère pas non plus à la SADC un droit d’intervention dans les conflits de ses
Etats membres sans leur consentement comme c’est le cas de la CEDEAO.
Il est ainsi stipulé dans le cas des conflits interEtatiques, que « l’Organe peut chercher à résoudre
tout conflit interEtatique important entre les Etats parties ou entre un Etat partie et un Etat non
partie ».492 Pour les cas de conflits internes, l’Organe « peut s’efforcer de résoudre tout conflit
intra-Etatique important se déroulant dans les limites du territoire d’un Etat partie ».493 Il est
évident qu’il ne s’agit pas d’une implication de la SADC dans la gestion de conflits sans le
consentement des parties concernées. Mieux, il est expressément précisé à l’alinéa 4 qui énonce
les procédures utilisées par l’Organe dans la résolution des conflits que « l’Organe s’efforce
d’obtenir le consentement des parties au conflit à ses efforts de paix qu’il s’agisse de conflits inter
ou intra Etatiques ».494
De plus, sur la saisine de l’Organe, le droit d’initiative revient à la fois au président et à tout Etat
partie de la Communauté. Il est indiqué par ailleurs qu’en cas de conflit interne, et lorsqu’aucune
demande n’a été formulée par l’Etat concerné, l’Organe s’efforce, en empruntant des moyens

490
Ibid., article 11, alinéa 1, lettre d.
491
Ibid., article 11, alinéa 2.
492
Ibid., article 11, alinéa 2, lettre a. Voir également la définition d’un conflit interétatique important selon les termes
de la SADC, aux lettres i à iii.
493
SADC, Protocole sur la coopération en matière de Politique, de Défense et de Sécurité, article 11, alinéa 2, lettre
b. Voir également la définition de la SADC d’un conflit intra étatique important, aux lettres i à iv.
494
Ibid., article 11, par.4, lettre a du Protocole. Nos italiques.

134
diplomatiques, d’obtenir une telle demande.495 C’est dire jusqu’à quel point la SADC aménage le
principe de non-intervention dans les affaires intérieures de ses Etats membres.
Il ressort clairement de ces dispositions que l’Organisation sous-régionale privilégie amplement
les moyens pacifiques comme méthodes de résolution des conflits. Cependant, il est prévu que
lorsque les moyens pacifiques ont échoué, le président peut recommander au Sommet la prise de
mesures coercitives à l’encontre d’une ou de plusieurs parties au conflit.496 Cette possibilité n’est
envisagée qu’en dernier ressort et est assortie de la condition que ces mesures coercitives soient
prises conformément à l’article 53 de la Charte, uniquement avec l’autorisation du Conseil de
sécurité.497 On note clairement que la SADC ne laisse aucune ambiguïté quant à ses rapports avec
l’ONU en ce qui concerne le recours à la force. Pour marquer son ultime respect de la règle de
l’interdiction du recours à la force, elle se donne même pour obligation de porter immédiatement
à la connaissance du Conseil de sécurité l’exercice du droit de légitime défense individuelle ou
collective comme le stipule l’article 51 de la Charte des Nations Unies.498 Dans ses relations avec
d’autres accords internationaux régis par l’article 15, l’Organisation sous-régionale réaffirme que
le Protocole ne porte en aucun cas préjudice à la responsabilité du Conseil de sécurité des Nations
Unies de maintenir la paix et la sécurité internationales.499 Il n’entend pas non plus porter préjudice
aux droits et obligations des Etats parties découlant de la Charte.500 Des déclarations
supplémentaires qui confortent l’argument d’une conformité au droit de la Charte. De telles
dispositions sont inexistantes dans le Mécanisme de sécurité de la CEDEAO et de la CEEAC.501

495
Ibid., article 11, par. 4, lettres b, c et d. Nos italiques.
496
Ibid., article 11, par. 3, lettre c.
497
Ibid., article 11, alinéa 3, lettre d.
498
Ibid., article 11, alinéa 4, lettre e.
499
Ibid., article 15, alinéa 2.
500
Ibid., article 15, alinéa 1.
501
La CEDEAO indique tout simplement sur ses relations avec les Nations Unies qu’elle informera l’organisation
universelle de toute action militaire effectuée dans le cadre des objectifs de son Mécanisme, voir l’article 52, alinéa 3
du Protocole de la CEDEAO relatif au Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien
de la paix et de la sécurité.

135
B- La CEEAC : un dispositif institutionnel de sécurité en marge du droit de la Charte

Le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Afrique Centrale dénommé (COPAX) est l’organe de


promotion, de maintien et de consolidation de la paix des Etats d’Afrique centrale.502 La lecture
de certaines dispositions du Protocole relatif au COPAX permet de soutenir un certain mimétisme
institutionnel du Mécanisme de sécurité de la CEEAC avec celui de la CEDEAO. Le système de
sécurité établi par le Protocole relatif au COPAX se veut tout aussi interventionniste que celui de
la CEDEAO. En effet, pratiquement dans les mêmes termes que l’Organisation sous-régionale
ouest-africaine, le Protocole relatif au COPAX fait une simple référence à la Charte notamment en
ses chapitres VI, VII et VIII.503 Contrairement au Protocole de la SADC, il ne fait pas de mention
expresse à la responsabilité principale du Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix et
de la sécurité internationales. Le Protocole octroie au surplus, d’importants pouvoirs au COPAX
qui posent des défis au droit de la Charte des Nations Unies.
Dans un premier temps, de même que la CEDEAO, la CEEAC consacre un droit d’ingérence dans
les affaires intérieures de ses Etats membres avec ou sans leur consentement. Plusieurs dispositions
du Protocole permettent de soutenir cette affirmation. Aux termes de l’article 5 du Protocole, le
COPAX peut constituer et déployer des missions civiles et militaires pour maintenir et rétablir la
paix dans la sous-région chaque fois que le besoin se fait sentir.504 Il peut également engager toute
action civile et militaire de prévention, de gestion et de règlement des conflits.505 Il est en outre
énoncé que la Conférence détient la plénitude des compétences en matière de maintien de la paix
et de la sécurité en Afrique Centrale. Elle juge de ce fait de l’opportunité de décider et de conduire
toute initiative contribuant à sa mission avec ou sans le consentement de l’Etat ou des Etats
concernés.506 De plus, la Force multinationale de l’Afrique centrale dénommée FOMAC peut être

502
Le COPAX a été créé par décision no 001/Y/Fev du 25 février 1999, prise par les chefs d’Etat et de Gouvernement
à Yaoundé au Cameroun. Le Protocole relatif au COPAX a lui été adopté à la Conférence des chefs d’Etat de la
CEEAC tenue en février 2000 à Malabo en Guinée équatoriale.
503
CEEAC, Protocole relatif au COPAX, préambule, lettre a.
504
Ibid., article 5, alinéa a.
505
Ibid., article 5, alinéa b.
506
Ibid., article 8.

136
déployée dans des cas de conflits internes.507 Il n’est pas expressément précisé non plus comme
c’est le cas du Protocole de la SADC que l’Organisation sous-régionale envisage de requérir le
consentement des Etats parties au conflit ou de l’Etat sur le territoire duquel le déploiement de la
force est envisagé. Il est certes prévu une mise en œuvre de la FOMAC à la demande d’un Etat
membre,508 mais cette possibilité reste une option au regard de la plénitude de compétences dont
dispose la Conférence pour décider et conduire toute initiative dans le cadre du maintien de la paix
et de la sécurité de la sous-région.
Le second défi que posent les dispositions du Protocole relatif au COPAX à la Charte des Nations
Unies se rapporte à la question du monopole du Conseil de sécurité en matière de recours à la
force. Il est en effet bien connu que la responsabilité principale au Conseil de sécurité en matière
de maintien de la paix et de la sécurité internationales implique un double pouvoir exclusif, celui
de la qualification de la situation selon l’article 39 et celui de décider des actions appropriées. De
ce fait, le Conseil de sécurité ne peut déléguer son pouvoir de qualification à lui conférer par
l’article 39 de la Charte.509 Ce pouvoir exclusif de qualification est cependant remis en cause par
certaines dispositions du Protocole relatif au COPAX. En premier lieu, l’article 8 dispose que la
Conférence « a la plénitude des compétences en matière de maintien, de consolidation, de
promotion et de rétablissement de la paix et de la sécurité en Afrique centrale ».510 Ainsi, à ce titre,
la Conférence « décide des mesures appropriées de prévention, de gestion et de règlement des
conflits, et notamment de l’opportunité d’une action militaire ».511 Elle décide également de la «

507
Ibid., article 25, alinéas a, c et d.
508
Ibid., article 26.
509
La professeure Boisson de Chazournes note à ce propos que « la primauté du Conseil sur ce point ne saurait être
érodée », Laurence BOISSON DE CHAZOURNES, « Les relations organisations régionales et universelles », op. cit.,
p. 276, même si Ademola ABASS pense le contraire, voir Ademola ABASS, Regional Organisations and the
Development of Collective Security : Beyond Chapter VIII of the UN Charter, Hart Publishing, Oxford and Portland,
Oregon, 2004, pp. 57-59. Voir de façon générale sur la question Linos-Alexandre SICILIANOS, « l’autorisation par
le Conseil de sécurité de recourir à la force : Une tentative d’évaluation », Revue générale de droit international
public, 2002, pp. 7- 10 ; Danesh SAROOSHI, The United Nations and the Development of Collective Security. The
Delegation by the UN Security Council of its Chapter VII Powers, Oxford, Clarendon Press, 1999, pp. 33 et s.
510
CEEAC, Protocole relatif au COPAX, article 8, alinéa b. Nos italiques.
511
CEEAC, Protocole relatif au COPAX, article 8, alinéa b, lettre i. Nos italiques.

137
constitution d’une force sous-régionale de maintien de la paix dénommée Force multinationale
d’Afrique Centrale (FOMAC) composée d’unités civiles et d’unités militaires et/ou des polices
issues des armées nationales et mobilisables en tant que besoin ».512 De plus, l’article 9 énonce
que la Conférence juge de l’opportunité de décider et de conduire toute initiative contribuant à la
consolidation ou au rétablissement de la paix et de la sécurité à l’intérieur de la Communauté ou à
ses frontières.
Ces dispositions semblent conférer un large pouvoir d’initiative à la CEEAC dans l’adoption de
mesures coercitives dans le cadre de sa mission de maintien de la paix et de la sécurité. Cette liberté
d’action porte préjudice à la responsabilité principale du Conseil de sécurité notamment sur son
pouvoir exclusif de qualification d’une situation surtout qu’il n’est pas indiqué à la suite des
dispositions l’obligation de se référer au Conseil de sécurité. L’exigence de l’autorisation imposée
aux Organisations régionales par l’article 53 lorsqu’elles exercent leur droit d’initiative de prendre
des mesures coercitives est censée justement permettre au Conseil de sécurité d’exercer un contrôle
sur l’opportunité de ces mesures coercitives, en application de son pouvoir exclusif de qualification
en vertu de l’article 39. L’autorisation du Conseil de sécurité étant toujours précédée de la
qualification de la situation selon les termes de l’article 39.
En plus de cette atteinte à la responsabilité principale du Conseil de sécurité, les dispositions du
Protocole relatif à la COPAX contournent par ailleurs la question de l’autorisation du Conseil de
sécurité. Comme déjà relevé dans le cas de la CEDEAO, en matière de recours à la force armée,
la Charte consacre une subordination des accords ou organismes régionaux au Conseil de sécurité.
L’autorisation de recourir à la force accordée par le Conseil de sécurité aux accords ou organismes
régionaux est assortie de la condition que ces actions coercitives se déroulent sous son autorité.
L’article 54 fait obligation dans ce sens aux accords régionaux de tenir le Conseil de sécurité
pleinement informé des actions entreprises ou envisagées par ceux-ci. Cet article permet au
Conseil de sécurité de garder un contrôle sur les actions de contrainte armée entreprises par les
Organisations régionales. Il se trouve cependant qu’en dépit de ces dispositions de la Charte, le
Protocole relatif au COPAX octroie à la CEEAC non seulement le droit d’initiative pour adopter

512
Ibid., Article 8, alinéa b, lettre ii. Nos italiques.

138
des mesures coercitives à l’égard des membres de la sous-région, sans aucune référence expresse
à une autorisation préalable du Conseil de sécurité. En plus, le pouvoir de décider du déploiement
de ces actions coercitives est confié à la Conférence. C’est ainsi que l’article 5 du Protocole dispose
que le COPAX peut constituer et déployer des missions civiles et militaires d’observation et de
vérification de taille et de durée appropriées, pour maintenir ou rétablir la paix dans la sous-région,
chaque fois que le besoin se fait sentir.513 Le COPAX peut également engager toute action civile
et militaire de prévention, de gestion et de règlement des conflits.514 La Conférence qui détient la
plénitude de compétences en matière de maintien, de consolidation, de promotion et de
rétablissement de la paix et de la sécurité en Afrique centrale décide des mesures appropriées
notamment d’une action militaire.515 Elle décide par conséquent de la constitution de la
FOMAC.516
L’article 8 indique aussi que la Conférence prend toutes les initiatives conformes aux missions du
COPAX. Or, les missions de la FOMAC incluent dans certains cas un recours à la force armée
comme le maintien et le rétablissement de la paix, l’intervention humanitaire en appui à une
catastrophe humanitaire, l’application de sanctions, le développement de la paix, le désarmement
et la démobilisation ainsi que toutes autres opérations pouvant faire l’objet d’un mandat de la
Conférence.517 De plus, l’article 9 précise que la Conférence juge de l’opportunité de décider et de
conduire toute initiative contribuant à la consolidation ou au rétablissement de la paix et de la
sécurité à l’intérieur de la Communauté ou à ses frontières. Contrairement à la CEDEAO qui se
soumet au moins à l’obligation d’informer le Conseil de sécurité de toute intervention militaire
qu’elle aura effectuée dans le cadre des objectifs de son Mécanisme, le Protocole relatif au COPAX
ne fait aucune mention à l’obligation d’information énoncée par l’article 54 de la Charte des
Nations Unies.

513
CEEAC, Protocole relatif au COPAX article 5, alinéa a.
514
Ibid., article 5, alinéa b. Nos italiques.
515
Ibid., article 8, alinéas a et b, lettre i. Nos italiques.
516
Ibid., lettre ii.
517
Ibid., article 24.

139
Paragraphe II : les interventions à licéité douteuse de la SADC au Congo et au Lesotho

En dépit de dispositions clairement respectueuses du droit de la Charte en matière de recours à la


force, la SADC avait pourtant à l’instar de la CEDEAO mené des interventions militaires dont la
licéité a fait débats. Ces interventions ont essentiellement consisté en des initiatives ad hoc de
coalitions d’Etats membres de l’Organisation sous-régionale qui ont par la suite été endossées par
la SADC.

A- L’intervention militaire de la SADC au Lesotho

Courant septembre 1998, l’Afrique du Sud et le Botswana conduisaient une intervention militaire
au Lesotho pour contenir une escalade de troubles et de violences qui ont éclaté après des élections
législatives tenues en mai 1998. Il est soutenu que cette action militaire a été menée sous la
bannière de la SADC.518 Baptisée « operation Bolease », l’opération militaire initialement conduite
par essentiellement deux Etats membres de la SADC, avait pour but de prévenir un coup d’Etat
militaire au Lesotho.519 Les résultats des élections de mai 1998 qui avaient été jugés par la
communauté internationale de paisibles et transparentes ont donné lieu à des protestations
quelques mois après leur proclamation par les partis d’opposition qui estimaient que celles-ci
avaient été truquées.520 Les contestations ont surgi sur un arrière fond de tensions entre les deux

518
Il n’existe pas d’acte juridique formel et officiel d’endossement de cette action armée par la SADC, néanmoins, il
a été avancé que lors de la réunion des ministres du 21 septembre 1998, le ministre de la sureté et de la sécurité de
l’Afrique du Sud ainsi que les représentants du Botswana, du Mozambique auraient confirmé que la SADC autorisait
une probable action armée au Lesotho en cas de changement anticonstitutionnel du gouvernement, Marc MALAN, «
Regional Power Politics Under Cover of SADC – Running Amok with a Mythical Organ », op. cit.,p. 6. Cette
affirmation n’emporte cependant pas conviction, dans le sens où la SADC privilégiait plutôt une voie pacifique de
gestion de la crise. Lors de son Sommet du 19 septembre 1998, elle exprimait sa préoccupation sur les troubles qui
ont entrainé des pertes de vie humaine et apporter son soutien à l’initiative de médiation sud-africaine, voir Final
Communiqué of the 1998 SADC Summit of Heads of State and Government, Grand Baie, Republic of Mauritius, 19
September 1998. Par ailleurs, il est rapporté par Rodriguo Tavares que la SADC a procedé à l’endossement de
l’intervention, il écrit que « SADC itself stands by the idea that the incursion ‘ by South African and Botswanan
military forces’ was made ‘under the aegis of the Southern African Development Community », voir Rodriguo
TAVARES, « The participation of SADC and ECOWAS in Military Operations : The Weight of National Interest in
Decision-Making », African Studies Review, vol. 54, no 2, septembre 2011, p. 159.
519
Voir Keesing’s, september 1998, p. 42476.
520
Denis Kadima était l’un des observateurs internationaux à ces élections. Il soutient que celles-ci ont été
transparentes, libres et équitables, voir Denis KADIMA, « The DRC and Lesotho Crises : Some Lessons for the SADC
», Lesotho Social Science Review, vol. 5, No. 1, p. 75. Voir également Siyabonga P. HADEBE, « South Africa’s

140
grands partis politiques du pays, le Lesotho Congress Democracy (L.C.D.) et le Basutoland
Congress Party (B.C.P.).521 Le L.C.D. qui était issu d’une scission du B.C.P. remportait les
élections quelques mois plus tôt avant le début des contestations.522 Les partis d’opposition et le
gouvernement s’accordaient à saisir l’Afrique du Sud pour le règlement du différend électoral.
Celui-ci assisté par le Botswana et le Zimbabwe décida de la mise en place d’une Commission de
médiation. La Commission placée sous la direction du juge de la Haute Cour de Justice Sud-
africaine, Pius Langa fut chargé de mener des investigations sur les allégations de fraudes
électorales.523 Entre temps, la situation politique du pays a continué à s’aggraver. Les militants des
partis d’opposition campaient à la porte du palais royal, demandant au roi la dissolution du
gouvernement du L.C.D. qui avait remporté les élections.524 Ces mouvements avaient commencé
déjà à empêcher le bon fonctionnement de l’administration du pays.525 Les conclusions de la
Commission provoqueront plus de confusions et de rumeurs à cause des propos ambiguës par
lesquels les résultats des investigations ont été formulés. Les conclusions étaient résumées comme
suit:
« We are unable to state that the invalidity of the elections has been conclusively established. We point out,
however, that some of the apparent irregularities and discrepancies are of sufficiently serious concern. We
cannot, however, postulate that the result does not reflect the will of Lesotho electorate »526.

Military intervention in Lesotho in 1998 – A critical overview », Alliant International University, p. 21, disponible
sur https://www.academia.edu/1330315/South_African_military_intervention_in_Lesotho_-_A_critical_overview,
consulté le 27 avril 2016.
521
Voir sur l’historique détaillée de ces tensions qui ont débutés des années plutôt, Mpho G. MOLOMO, « External
Military Intervention in Lesotho’s Recent Political Crisis », Lesotho Social Science Review, Vol. 5, no1, 1999, pp.
133-142; Eric G. BERMAN and Katie E. SAMS, Peacekeeping in Africa : Capabilities and Culpabilities, UNIDIR,
vol. 3, 2000, pp. 173-175.
522
Keesing’s, september 1998, p. 42476; Jeremy LEVITT, « African Interventionnist States », in Olivier FURLEY
and Roy MAY (eds.), African Interventionist States, Aldershot, Ashgate Publishing, 2001, pp. 35-36.
523
Keesing’s, August 1998, p. 42428.
524
Ibid.
525
Ibid.
526
The Langa Commission Report (1998). The Commission of Enquiry into the Conduct and Results of the Lesotho
General Elections held in May 1998, disponible sur
http://www.icla.up.ac.za/images/un/commissionsofinquiries/files/Lesotho%201998%20commission%20Final%20re
port.pdf, consulté le 17 juillet 2018.

141
Le rapport a finalement produit le contraire de l’effet escompté par sa mise en œuvre, elle attisa
les tensions en laissant libre cours à toutes les interprétations possibles. Des rumeurs faisaient Etat
de ce qu’il aurait été lui aussi truqué et les conclusions manipulées au profit du parti au pouvoir.
Les partis de l’opposition alléguaient même que le rapport initial contenait des preuves accablantes
de fraudes électorales.527. Toute cette situation de confusion favorisa l’éclosion d’une mutinerie
au sein de la Force de Défense du Lesotho principalement dans les casernes de Maseru, la capitale
du Lesotho autour du 10 au 16 septembre 1998.528 Les forces de sécurité étaient suffisamment
divisées sur leur soutien au gouvernement contesté, ce qui laissait présager de sérieuses menaces
d’affrontement entre les différentes factions de l’armée.529 La situation échappa au contrôle du
gouvernement lorsque les partisans de l’opposition créèrent le désordre dans les rues de la capitale
en brandissant des armes à feu, en détournant les véhicules et en empêchant les fonctionnaires de
se rendre au travail, procédant également à la fermeture de la radio du pays.530 Les officiers
dissidents prenaient à leur tour des hauts responsables militaires en otage causant plusieurs
affrontements violents entre les forces loyalistes et les mutins.531 Craignant un éminent coup d’Etat
au regard des divisions dans l’armée et de la situation qui n’était plus sous le contrôle de l’Etat, le
premier ministre Mosisili adressa des appels à certains Etats membres de la SADC pour une
intervention militaire au Lesotho.532 Il demandait leur assistance pour rétablir l’ordre et la sécurité

527
Matlosa KHABELE, « Conflict and Conflict Management: Lesotho’s Political Crisis After the 1998 Election »,
Lesotho Social Science Review, vol. 5, no1. 1999, pp. 163-196.
528
Mpho G. MOLOMO, « External Military Intervention in Lesotho’s Recent Political Crisis », op. cit., p. 141; Roger
SOUTHALL & Roddy FOX, « Lesotho’s General Election of 1998: Rigged or de rigeur? », Journal of Modern African
Studies, vol. 37, no 4, 1999, p. 680.
529
Roger SOUTHALL & Roddy FOX, « Lesotho’s General Election of 1998: Rigged or de rigeur? » op. cit., p. 681.
530
Ibid.
531
Keesing’s, september 1998, p. 42476 ; Militants and Monarchs, AFR. CONFIDENTIAL, Sept. 25, 1998, p. 6, cité
par Jeremy LEVITT, « Pro-Democratic Intervention in Africa », op. cit., p. 820
532
Keesing’s, september 1998, p. 42476. En plus des gouvernements de l’Afrique du Sud et du Botswana, le premier
ministre avait également adressé une invitation d’intervention au Zimbabwe qui ne donnera pas de suite à la demande,
voir Matlosa KHABELE, « Conflict and Conflict Management: Lesotho’s Political Crisis After the 1998 Election »,
op. cit., pp. 163-196. Voir également Puleng THETELA, « Critique Discourse and Ideology in Newspaper reports: A
Discourse Analysis of the the South African Press Reports on the 1998 SADC’s Military Intervention in Lesotho »,
Discourse & Society, Vol. 12, no3, pp. 347-370; Francis K. MAKOA, « The Challenges of the South African Military
intervention in Lesotho After the 1998 Election », Lesotho Social Science Review, vol. 5, no1, 1999, pp. 83-109; Marc

142
dans le pays. En réponse à cette invitation, l’Afrique du Sud expédia au Lesotho une troupe
militaire de 600 soldats qui entama une intervention dès le 22 septembre 1998.533 Elle sera rejointe
dans la même nuit par une troupe de deux cents (200) hommes du Botswana.534 Les troupes de ces
deux pays agissant comme une Force militaire combinée d’intervention dénommée Combined
Task Force (C.F.T.) avait pour mission de prévenir toute nouvelle anarchie et de créer un
environnement stable pour la restauration de l’ordre et de la loi.535 Cette intervention militaire
qualifiée par bon nombre d’auteurs et d’analystes comme une invasion, a été sujette à de multiples
controverses.536 Sa licéité a été sévèrement remise en cause au regard non seulement des
instruments juridiques de la SADC relatifs au maintien de la paix et de la sécurité mais aussi au
regard du droit de la Charte.
Sur le plan de la légalité interne, les critiques ont porté sur deux éléments essentiels. Relevons en
premier lieu, l’ambiguïté qui a entouré la prise de la décision d’intervention. En effet, il est à noter
une absence de transparence dans la procédure qui a abouti à la prise de la décision de
l’intervention. On ne sait par exemple pas quand, ni où cette décision a été prise, encore moins son
contenu. Il n’y a non plus aucune certitude sur l’existence d’une décision formelle autorisant
l’intervention au Lesotho. A supposer qu’une telle décision eut existé, quel aurait été le mandat

MALAN, « Regional Power Politics Under Cover of SADC – Running Amok with a Mythical Organ », Institute for
Security Studies, Occasional Paper, no 35, October 1998, p. 7.
533
Keesing’s, september 1998, p. 42476.
534
Keesing’s, september 1998, p. 42476. Voir également Theo NEETHLING, « Military Intervention in Lesotho :
Perspectives on Operation Boleas and Beyond », The Online Journal of Peace and Conflict Resolution, vol. 2, no2,
May 1999, p.1 ; Jeremy LEVITT, « Pro-Democratic Intervention in Africa », op. cit., p. 821.
535
Elle a été mise en place le 16 septembre, 1998, voir Bulletin No. 96/98, South African Department of Defense, 4
December 1998, cité par Eric G. BERMAN and Katie E. SAMS, Peacekeeping in Africa : Capabilities and
Culpabilities, op. cit., p. 185.
536
Le terme invasion a été utilisé aussi bien par les médias nationaux et internationaux, les partis d’opposition pour
qualifier l’intervention, Cedric de CONING, « Lesotho Intervention : Implications for SADC. Military interventions,
peacekeeping and the African Renaissance », in Hussein SOLOMON and Marie MULLER, Contributions Towards
an African Renaissance, Africa Dialogue Monograph, Series 1, Durban, ACCORD, 2000, p. 42 et p. 45 ; Marc
MALAN, « Regional Power Politics Under Cover of SADC – Running Amok with a Mythical Organ », op. cit, p. 6 ;
Fako J. LIKOTI, « The 1998 Military Intervention in Lesotho : SADC Peace Mission or Resource War ?»,
International Peacekeeping, vol. 14, no2, 2007, pp. 257- 260.

143
537
assigné par la SADC à la mission ? Certains commentateurs politiques ont soutenu que la
décision d’autoriser l’intervention aurait été prise lors du Sommet de la SADC en Mauritanie.538
Cet argument est difficile à soutenir dans la mesure où il n’existe aucune trace d’une telle décision
dans le procès-verbal du Sommet. Il a également été avancé que la décision a été prise lors d’une
réunion des ministres de la défense tenue à Gaborone (Botswana) le 15 septembre 1998 à laquelle
n’étaient présents que l’Afrique du Sud et le Botswana, les deux pays intervenants.539 Une telle
hypothèse soulève encore plus de doutes sur la légitimité de la décision dans le sens où pour être
conforme aux textes de l’Organisation sous-régionale en vigueur à cette période, la décision
devrait être prise par le Sommet dans le respect du quorum imposé par les textes de la SADC.540
En second lieu, il a été relevé que l’intervention ne trouvait pas de fondement juridique dans les
instruments juridiques de la SADC.541 Il faut souligner qu’au moment de l’intervention, les
compétences de l’Organisation sous-régionale en matière de paix et de sécurité reposaient
essentiellement sur l’article 10A du Traité révisé de la SADC. Dans le cadre du développement de

537
Voir Cedric de CONING, « Lesotho Intervention: Implications for SADC. Military interventions, peacekeeping
and the African Renaissance », op. cit., p. 42; Cedric de CONING, « Conditions for intervention: DRC & Lesotho »,
Conflict Trends, no.1, 1998, 2003, disponible sur https://www.files.ethz.ch/isn/139559/ct_1998_1.pdf, consulté le 22
avril 2016.
538
Voir Fako J. LIKOTI, « The 1998 Military Intervention in Lesotho: SADC Peace Mission or Resource War? »,
International Peacekeeping, vol. 14, no2, 2007, pp. 255-257; Cedric de CONING, « Lesotho Intervention :
Implications for SADC. Military interventions, peacekeeping and the African Renaissance », op. cit., pp. 42-43.
539
Cedric de CONING, « Lesotho Intervention: Implications for SADC. Military interventions, peacekeeping and the
African Renaissance », op. cit., p. 43; Cedric de CONING, « Conditions for intervention: DRC & Lesotho », op. cit,
pp. 20-23.
540
Dans le Communiqué du Sommet de Gaborone contenant des dispositions minimales sur l’Organe, il est indiqué
que lorsque les moyens pacifiques de règlement des differends echouent, l’Organe peut recommander des mesures
punitives au Sommet, voir para. 6 (g) du Extraordinary SADC Heads of State and Government Summit Communique,
Botswana-Gaborone, 28th june, 1996, disponible sur
http://www.sadc.int/files/3913/5292/8384/SADC_SUMMIT_COMMUNIQUES_1980-2006.pdf, consulté le 25 avril
2016. Aucune précision n’a été faite sur la nature des mesures punitives en question. Mais si l’on considère que celles-
ci peuvent impliquer des mesures coercitives armées, elles devraient néanmoins être prises par le Sommet. L’Afrique
du Sud semble avoir été en accord avec cette interprétation des textes dans la mesure où elle a émis des critiques sur
l’intervention au Congo, soutenant que la décision d’intervention devait être prise au niveau du Sommet de la SADC,
et non lors d’une réunion des ministres de la défense des pays membres de la SADC. La décision devait donc être
prise par le Sommet de l’organisation régionale. Voir sur ce point Cedric de CONING, « Lesotho Intervention :
Implications for SADC. Military interventions, peacekeeping and the African Renaissance », op. cit., pp. 44-45.
541
Voir pour plus de détails, Fako J. LIKOTI, « The 1998 Military Intervention in Lesotho : SADC Peace Mission or
Resource War ?», op. cit., p. 3.

144
ses compétences en matière de paix et de sécurité, les chefs d’Etat et de gouvernement ont décidé
de la création d’un Organe de Coopération en Matière de Politique, Défense et de sécurité lors du
Sommet de la SADC tenu le 28 juin à Gaborone (Botswana). Mais cet Organe n’était pas encore
un instrument institutionnel abouti en matière de paix et de sécurité.542 Ce n’est que le 14 août
2001 que fut signé le Protocole sur la coopération en matière de Politique, de défense et de sécurité
instituant un cadre normatif et institutionnel pour la coordination des politiques et activités des
Etats membres en matière de politique, de la défense et de la sécurité. Seul le Communiqué du
Sommet de Gaborone contenait des dispositions pertinentes sur l’Organe qui a été créé par les
chefs d’Etat et de gouvernement.543 Dans ce document, il est indiqué que l’Organe sera guidé par
les principes directeurs énoncés dans le Traité révisé de la SADC.544 Ces principes évoquent
clairement le respect de l’égalité souveraine de tous les Etats membres, ainsi que le respect de
l’intégrité et de la souveraineté territoriale de chaque Etat et de son droit inaliénable à une existence
indépendante.545 Il est également mentionné comme principe de gestion des conflits, le règlement
pacifique des différends par la négociation, la médiation et l’arbitrage.546 L’intervention militaire
n’est envisagée qu’après l’épuisement de tous les recours politiques possibles. Elle devra
cependant être prise en conformité avec la Charte de l’OUA et de l’Organisation des Nations
Unies.547 Au titre des objectifs assignés à l’Organe par le Communiqué, il est indiqué que celui-ci
doit chercher à mettre rapidement fin à un conflit qui éclate par des moyens diplomatiques. C’est
seulement lorsque ces moyens échouent que l’Organe pourrait recommander des mesures punitives
au Sommet. Les modalités de telles mesures ont été laissées à la charge d’un futur protocole sur la

542
Voir pour une analyse sur l’Organe, Laurie NATHAN « Organ Failure : A Review of the SADC Organ on Politics,
Defence and Security », in Liisa LAAKSO (ed.), Regional Integration for Conflict Prevention and Peace Building in
Africa, Europe, SADC and ECOWAS, Helsinki : Department of Political Science, University of Helsinki, 2002, pp.
62-102.
543
Voir Extraordinary SADC Heads of State and Government Summit Communique, Botswana-Gaborone, 28th june,
1996.
544
SADC, Traité révisé, article 4 et par. 5 (g) du Extraordinary SADC Heads of State and Government Summit
Communique, Botswana-Gaborone, 28th june, 1996.
545
Extraordinary SADC Heads of State and Government Summit Communique, op. cit., par. 5, (a) et (b).
546
Ibid, (f)
547
Ibid, (g)

145
paix, la sécurité et la résolution des conflits.548 Il ressort par conséquent de ces dispositions que
l’action armée menée par l’Afrique du Sud et le Botswana sous les auspices de la SADC ne trouve
pas de fondement légal dans le corpus juridique de la SADC destiné au maintien de la paix et de
la sécurité.
Au regard du droit de la Charte, il a été clairement relevé le caractère unilatéral de l’intervention
militaire analysée. En effet, la conformité de l’action à la Charte a été contestée dans le sens où
elle ne s’inscrit pas dans les exceptions à l’interdiction du recours à la force prévues par celle-ci.
Comme déjà relevé, ces deux exceptions consistent en l’exercice du droit de légitime défense
individuelle et/ou collective et des actions entreprises ou autorisées par le Conseil de sécurité en
vertu des pouvoirs qui lui sont accordés dans le cadre de l’accomplissement de sa mission de
maintien de la paix et de la sécurité internationales. L’intervention militaire au Lesotho ne relevant
pas d’une situation de légitime défense, elle devrait être menée sous l’autorisation préalable du
Conseil de sécurité conformément à l’article 53 de la Charte. Elle n’a pourtant pas été portée à la
connaissance du Conseil de sécurité, son autorisation n’a pas non plus été sollicitée. Après avoir
pris la décision d’intervenir à la réunion des ministres de la défense du 15 septembre 1998,
l’Afrique du Sud et le Botswana ont informé les autres membres de la Communauté, leur
demandant de contribuer à la mission par l’apport de troupes. L’intervention qui avait été lancé le
22 septembre fut donc menée sans l’autorisation préalable du Conseil de sécurité.549 Les
intervenants ont tenté de fonder leur action sur la demande d’assistance militaire du premier
ministre du Lesotho adressée à certains chefs d’Etat de la Communauté ainsi qu’à la SADC elle-

548
Extraordinary SADC Heads of State and Government Summit Communique, op. cit., par.6 (g), il est visé le
Protocole sur la coopération en matière de Politique, de défense et de sécurité qui était en projet.
549
Voir sur le caractère unilatéral de l’intervention, principalement David SHREAR, « Africa’s Great war », Survival,
vol. 41, no2, 1999, p. 100; Ian TAYLOR and Paul WILLIAM, « South African Policy and the Great Lakes Crisis :
African Renaissance Meets Vaga Bondage Politique ?», African Affairs, vol. 100, no 399, 2001, pp. 265- 286. Fako
Likoti parle d’un choix de violation de la Charte pour sécuriser des intérêts économiques et politiques, voir Fako J.
LIKOTI, « The 1998 Military Intervention in Lesotho : SADC Peace Mission or Resource War ?», op. cit., pp. 258-
259. Des auteurs soutiennent également qu’elle fut menée sans avoir été porté à la connaissance de l’OUA, Fako J.
LIKOTI, « The 1998 Military Intervention in Lesotho : SADC Peace Mission or Resource War ?», op.cit., p. 260 ;
Cedric de CONING, « Lesotho Intervention : Implications for SADC. Military interventions, peacekeeping and the
African Renaissance », op. cit., pp. 43-44.

146
même.550 Comme déjà discuté plus haut, si le consentement peut être admis dans certains cas bien
limités comme un élément excluant l’illicéité d’une intervention militaire, il semble cependant
inconcevable d’admettre la licéité d’un recours à la force armée dans le but d’aider un
gouvernement central à réprimer un soulèvement populaire ou à influencer les résultats
d’élections.551 Dans le cas d’espèce, la situation insurrectionnelle qui a donné lieu à l’intervention
militaire faisait suite à des contestations électorales, les partis d’opposition alléguaient des fraudes
aux élections. Il s’agissait ici manifestement d’une lutte de pouvoir et non d’une simple mutinerie
de soldats. La prise d’otages d’officiers supérieurs par certains soldats était consécutive aux
divisions au sein de l’armée sur le soutien à apporter au gouvernement élu mais contesté. Du reste,
la compétence du premier ministre à émettre un consentement valide à l’intervention reste
contestable. La constitution du Lesotho lui faisant obligation de consulter le Roi sur un acte d’une
telle importance.552 Le défaut d’une telle consultation a forcément un impact sur la validité du
consentement émis par le premier ministre, surtout lorsqu’il est rapporté que le Roi était opposé à
l’intervention militaire.553
L’action armée au Lesotho ne peut non plus être qualifiée d’opération de paix.554 L’intervention a
non seulement été menée sans le consentement de tous les acteurs de la crise, mais elle ne
remplissait pas non plus le critère d’impartialité exigé dans le cadre d’une opération de maintien

550
Voir Keesing’s, september 1998, p. 42476; Fako J. LIKOTI, « The 1998 Military Intervention in Lesotho: SADC
Peace Mission or Resource War ?», op.cit., p. 253 ; Cedric de CONING, « Lesotho Intervention : Implications for
SADC. Military interventions, peacekeeping and the African Renaissance », op. cit., p. 46; Dominic MILAZI, « South
Africa’s Military Intervention in Lesotho : The Nature of Inter-state Conflict, Opposition Struggles and Implications
for Regional Stability », Journal of Social Sciences, vol. 3, No. 4, October 1999, p. 275.
551
Voir Théodore CHRISTAKIS, Karine MOLLARD-BANNELIER, « Volenti non fit injuria ? Les effets du
consentement à l’intervention militaire », Annuaire français de droit international, vol. 50, 2004, pp. 130-131.
552
Voir les articles 91 à 94 de la Constitution du Lesotho, voir principalement l’article 92, disponible sur
http://www.unesco.org/education/edurights/media/docs/5f117d45be0d3d8ed8e573ee1db7db551ad68565.pdf,
consulté le 25 avril 2016.
Voir Keesing’s, september 1998, p. 42476 ; Eric G. BERMAN and Katie E. SAMS, Peacekeeping in Africa :
553

Capabilities and Culpabilities, op. cit., p. 186.


Voir sur l’application de ces critères à l’intervention discutée, Laurie NATHAN « Organ Failure : A Review of the
554

SADC Organ on Politics, Defence and Security », op. cit., p. 40.

147
de la paix.555 L’intensité de la force utilisée dans le cadre de cette action était suffisamment élevée
au point où il était difficile de la présenter comme une opération de paix.556

B- L’action armée de l’Angola, de la Namibie et du Zimbabwe sous l’égide de la SADC en


République démocratique du Congo

Ces trois pays membres de la SADC ont mené une action militaire en République démocratique
du Congo à la suite du conflit qui a éclaté dans ce pays en août 1998.557 Laurent Kabila avait
accédé au pouvoir en République Démocratique du Congo (RDC) en 1996, grâce à une rébellion
qu’il avait lancée contre le président Mobuto Sese Seko qui lui avait permis de conquérir le pouvoir
grâce au soutien de pays alliés dont le Rwanda et l’Ouganda. Mais quinze mois à peine après sa
prise du pouvoir, Laurent Kabila se retrouve à son tour confronté à des mouvements rebelles
soutenus par ses alliés d’hier.558 Ainsi, face à une fulgurante avancée de ces armées rebelles qui
avaient remporté certaines villes559, Kabila sollicita l’assistance de la SADC pour l’aider à les

555
Il s’avère difficile de parler d’impartialité lorsqu’une intervention vise à aider un gouvernement à mater un
soulèvement populaire. Sans compter que dans le cas d’espèce, l’Afrique du Sud était soupçonné d’être intervenue
pour préserver ses propres intérêts constitués d’un immense projet hydraulique dénommée Lesotho Highlands Water
Project, voir Rodriguo TAVARES, « The participation of SADC and ECOWAS in Military Operations : The Weight
of National Interest in Decision-Making », African Studies Review, vol. 54, no2, 2011, pp. 159-160 ; Fako J. LIKOTI,
« The 1998 Military Intervention in Lesotho : SADC Peace Mission or Resource War ?», op.cit., pp. 257-260 ;
Siyabonga P. HADEBE, « South Africa’s Military intervention in Lesotho in 1998 – A critical overview », op. cit.,
pp. 24-25.
556
L’intervention au Lesotho est décrite comme un usage sévère de la force ayant causé la mort de plusieurs personnes
(66 selon le chiffre rapporté par la presse) accompagnés d’incendies et de pillages incontrôlés, voir Keesing’s,
september 1998, p. 42476. Voir également Theo NEETHLING, « Military Intervention in Lesotho: Perspectives on
Operation Boleas and Beyond », op. cit., pp. 2-4; Fako J. LIKOTI, « The 1998 Military Intervention in Lesotho :
SADC Peace Mission or Resource War ?», op.cit., p. 257.
557
Ce conflit fut l’un des plus devastateurs en Afrique au point d’être qualifié de « première guerre mondiale africaine
», voir Naison NGOMA, « Hawks, Doves or Penguins ? A critical review of the SADC military intervention in the
DRC », Institute for Security Studies, Pretoria, ISS Paper 88, April 2004, p. 3. Voir sur le déclenchement du conflit,
Keesing’s, August 1998, p. 42426.
558
Le principal mouvement rebelle qui a déclenché les hostilités contre le pouvoir de Laurent Kabila dès le 2 août est
le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) soutenu par le Rwanda et l’Ouganda. D’autres factions
rebelles se sont joints au mouvement, voir Keesing’s, August 1998, p. 42426.
559
En quelques jours, le RCD avait réussi à prendre Goma, la ville la plus peuplée, et en deux semaines, il parvient à
se saisir du barrage hydro-électrique Inga à partir duquel est produit l’électricité de la capitale et s’avançait
dangereusement à la périphérie de Kinshasa, voir Keesing’s, August 1998, p. 42426.

148
contrer.560 Quelques jours après le déclenchement de la rébellion, le président du Zimbabwe,
Robert Mugabe en sa qualité de président de l’Organe de la SADC entreprit de convoquer un
Sommet pour discuter de la crise en R.D.C. Cette première rencontre régionale des chefs d’Etat et
de gouvernement tenue les 7 et 8 août 1998 à Victoria Falls au Zimbabwe a vu la participation de
six Etats membres de la SADC en plus du Rwanda et de l’Ouganda.561 Un comité spécial fut mis
en place par le Sommet pour déterminer la nature du conflit se déroulant en R.D.C. afin de
recommander la voie à suivre en fonction des conclusions. Le Comité spécial concluait à une
invasion du pays par les forces étrangères du Rwanda et de l’Ouganda et l’analyse de ses
recommandations fera l’objet d’une réunion du Comité interétatique de Défense et de Sécurité
tenue le 18 août 1998 à Harare au Zimbabwe.562 A l’issue de cette rencontre, Mugabe déclarait
que la SADC avait décidé à l’unanimité de répondre à l’appel d’assistance de Laurent Kabila. Mais
cette unanimité a diversement été appréciée par certains Etats membres de l’Organisation
régionale.563 En réalité, seulement trois pays membres dont le Zimbabwe, l’Angola et la Namibie
ont engagé leurs troupes en RDC en exécution de la décision d’intervention prise à la réunion du
Comité interétatique de Défense et de Sécurité du 18 août 1998. L’Afrique du Sud ralliés par le
Mozambique, la Tanzanie et le Botswana optaient pour la poursuite des solutions diplomatiques
dans le cadre du règlement de la crise. Le président Mandela convoquait à son tour un sommet de

560
Il ressort de la lettre adressée au président du Conseil de sécurité par le représentant du Zimbabwe à l’ONU à
propos de la crise en RDC que la requête du président Laurent Kabila a été faite à la SADC lors de la réunion du
Comité Interétatique de Défense et de Sécurité tenue à Harare au Zimbabwe le 18 août 1998, voir UN Document
S/1998/891, Annex, Letter from the Permanent Representative of the Republic of Zimbabwe to the United Nations
addressed to the President of the Security Council regarding the crisis in the Democratic Republic of Congo, 25
september 1998, par. 7. Voir également Keesing’s, August 1998, p. 42426 ; Keesing’s, September 1998, p. 42479.
561
La rencontre a connu la participation de sept pays de la SADC dont l’Angola, la République démocratique du
Congo, la Namibie, la Zambie, la Tanzanie, ainsi que le Zimbabwe, voir UN Document S/1998/891, Annex, op. cit.,
par. 3. L’Afrique du Sud qui assurait la présidence de l’organisation régionale n’a cependant pas été invité au Sommet
du fait des tensions qui prévalaient entre Robert Mugabe et Nelson Mandela, voir Laurie NATHAN, Community of
insecurity : SADC’s struggle for peace and security in southern Africa, Ashgate Publishing Limited, Farnham, Surrey,
2012, p. 86.
562
Voir UN Document S/1998/891, Annex, op. cit., par. 5, 6 et 7.
563
Mandela qui assurait la présidence de la SADC n’a pas manqué de relever la prétention du président Mugabe d’agir
au compte de la SADC, voir « The last days of Laurent Kabila ?», Electronic Mail & Guardian, 21 August 1998,
disponible sur http://mg.co.za/article/1998-08-21-the-last-days-of-laurent-kabila, consulté le 29 avril 2016.

149
la SADC qui s’est tenu le 23 août 1998 à Pretoria en Afrique du Sud afin d’échanger sur les actions
prises par l’Organe sous la direction de Mugabe. Cette rencontre qui marquait les divergences au
sein de l’Organisation sous-régionale, a été l’occasion pour les chefs d’Etat présents de lancer un
appel au cessez-le-feu et de réaffirmer leur attachement à l’option du règlement pacifique et au
dialogue politique pour le règlement de la crise en RDC.564 Mais à la fin, les Etats membres
parviennent à atténuer leurs contradictions en apportant une caution à l’intervention des trois pays
membres en R.D.C. Ils procèdent ainsi à son endossement au 18e Sommet de l’Organisation tenu
les 13 et 14 septembre 1998 en Mauritanie.565
Outre les divergences sur la prise de décision sus exposées, la légalité de l’intervention n’a pas
non plus fait l’unanimité. En effet, au moment de l’intervention, la SADC ne disposait pas de
compétences internes en matière de maintien de la paix et de la sécurité lui permettant de fonder
un recours à la force armée. Les pays intervenants alléguaient que leur action a été autorisée par
l’Organe ainsi que par le Comité inter-Etatique de Défense et de Sécurité. Pourtant, bien que
l’Organe fût créé depuis juin 1998, il n’était pas encore opérant. Mugabe avait été désigné lors du
Sommet qui avait décidé de la création de l’Organe comme son président, mais sans plus. Les
attributions et compétences de l’Organe n’avaient pas encore été définies.
En ce qui concerne le recours à la force, le Communiqué indique clairement que l’Organe peut
recommander des mesures punitives au Sommet des chefs d’Etat, ce qui implique que la décision
d’entreprendre des mesures coercitives armées doit être prise par le Sommet des chefs d’Etat et de

564
SADC, Communiqué of the Summit Meeting of the SADC on the Democratic Republic of the Congo, Pretoria, 23
August 1998.
565
Il est rapporté que le président Mandela a admis lors d’une réunion imprévue des chefs d’Etat des pays membres
de la SADC tenue le 2 septembre à Durban en marge du Sommet du Mouvement des Non-alignés que l’organisation
régionale apportait un soutien unanime à l’action militaire des trois pays membres, G. BERMAN and Katie E. SAMS,
Peacekeeping in Africa : Capabilities and Culpabilities, op. cit., pp. 178- 179. Voir sur l’endossement la déclaration
selon laquelle le Sommet « welcomed initiatives by SADC and its Member States intended to assist in restoration of
peace, security and stability in DRC, in particular the Victoria Falls and Pretoria initiatives ». Les dirigeants de la
SADC ont également félicité les gouvernements de l’Angola, de la Namibie et du Zimbabwe pour avoir fourni en
temps utile des troupes pour assister le peuple Congolais, voir SADC, Final Communiqué of the 1998 SADC Summit
of Heads of State and Government, Mauritius, 15 septembre 1998, par. 20. Voir également UN Document S/1998/915,
Annex I, Final Communiqué of the 1998 Summit of the Heads of State or Government of the Southern African
Development Community, 5 October 1998, par. 21.

150
gouvernement et non par l’Organe.566 La décision d’intervenir ne peut encore moins être prise au
niveau du Comité Inter-Etatique qui a été finalement intégré comme un organe de l’Organe par le
Sommet.567
L’action des trois pays membres de la SADC n’a pas non plus été autorisée par le Conseil de
sécurité. Néanmoins, il faut le rappeler, l’action coercitive menée par une Organisation sous-
régionale sans une telle autorisation n’est pas systématiquement une action unilatérale. A défaut
d’être autorisée par le Conseil de sécurité, elle pourrait se fonder sur l’exception de légitime
défense, la seconde exception à l’interdiction du recours à la force prévue par la Charte. Il s’agit
en l’espèce de vérifier si l’assistance militaire apportée par ces pays membres à la R.D.C.
correspondait à l’exercice d’un droit de légitime défense collective. Les pays intervenants ont
invoqué deux principaux arguments au soutien de leur action.
Premièrement, il a été soutenu que l’intervention était conforme à une résolution de l’OUA
approuvée lors de son Sommet à Harare en 1997 qui condamnait les changements
anticonstitutionnels de gouvernements, notamment par des moyens militaires.568 Ce principe de
condamnation de changements anticonstitutionnels qui était en émergence au niveau de l’OUA
avait été précédé par une résolution de la SADC, adoptée en 1995 lors d’une réunion du Comité
interétatique de Défense et de Sécurité tenue à Cape Town en Afrique du Sud. Cependant, comme
nous l’avions déjà mentionné dans notre analyse de l’action armée de la CEDEAO en Sierra Leone,
l’intervention militaire fondée sur des motifs démocratiques n’est pas une exception à
l’interdiction du recours à la force prévue par la Charte. A l’instar de l’intervention humanitaire,
l’action militaire armée pour défendre des valeurs démocratiques reste encore très controversée en
droit international. Elle ne saurait donc en l’espèce être retenue comme un fondement valable à
l’utilisation de la force armée par les trois pays membres de la SADC.

566
Voir Extraordinary SADC Heads of State and Government Summit Communique, op. cit., par. 6 (g).
567
Ibid, par. 9.
568
Voir UN Document S/1998/891, Annex, op. cit., par. 8.

151
Le second moyen invoqué par ces trois pays membres de la SADC pour fonder leur action en
R.D.C. est la légitime défense collective.569 En effet, comme le mentionne expressément l’article
51 de la Charte, la légitime défense peut être aussi bien individuelle que collective. L’Etat qui fait
l’objet d’une agression peut demander l’aide d’Etats tiers afin de riposter contre l’Etat ou les Etats
agresseurs.570 L’invocation du droit de la légitime défense, qu’elle soit individuelle ou collective
implique toutefois la réunion de plusieurs conditions d’application. Comme l’a relevé la CIJ dans
au moins deux de ses arrêts, c’est à l’Etat qui se prévaut du droit de légitime défense d’en établir
l’existence, en fonction des circonstances en ce cas.571 Ainsi, dans le cas de la légitime défense
collective, en plus de faire la preuve de l’existence d’une agression armée préalable contre l’Etat
requérant, les Etats intervenants doivent justifier d’une demande expresse formulée par l’Etat
agressé.572
En l’espèce, les conditions de l’exercice du droit de légitime défense collective semblaient bien
réunies. D’abord, sur la condition de l’existence d’une agression armée préalable, les Etats
intervenants ont soutenu dans la lettre adressée au Conseil de sécurité que leur action était destinée
à aider le gouvernement congolais à riposter contre l’invasion étrangère. Le Rwanda et l’Ouganda
sont nommément cités dans la lettre comme les deux pays qui soutenaient activement les
mouvements rebelles opérant en RDC.573 Mais comme le note la CIJ dans son arrêt sur les activités
militaires,

569
Voir UN Doc. S/1998/891, Annex, op. cit., par. 8.
570
Voir C.I.J., Affaire des activités armées sur le territoire du Congo, Recueil 2005, par.128. La Cour déclare
également dans l’Affaire des activités militaires au Nicaragua que : « la Charte elle-même atteste l’existence du droit
de légitime défense collective en droit international coutumier », C.I.J., Affaire des activités militaires et paramilitaires
au Nicaragua et contre celui-ci, Recueil 1986, par. 193.
571
Voir C.I.J., Affaire des Plates-formes pétrolières, Recueil 2003, par. 57 et 61. Voir également Affaire des activités
armées sur le territoire du Congo, Recueil 2005, par. 106-147.
572
Voir C.I.J., Affaire des activités militaires, op. cit., pp. 104-105, par. 196-199 ; C.I.J., Affaire des Plates-formes
pétrolières, Recueil 2003, p. 27, par. 51. Voir également Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., p. 659.
573
UN Doc. S/1998/891, Annex, op. cit., par. 12.

152
« [il] est clair que c’est l’Etat victime d’une agression armée qui doit en faire la constatation. Il n’existe, en
droit international coutumier aucune règle qui permettrait à un autre Etat d’user du droit de légitime défense
collective contre le prétendu agresseur en s’en remettant à sa propre appréciation de la situation »574.
La question se pose donc de savoir si la RDC avait été victime d’une agression armée préalable de
ces deux pays de sorte à justifier la mise en œuvre du droit de légitime défense individuelle. En
principe, en matière de légitime défense, l’Etat victime dispose d’un pouvoir d’auto qualification
de la situation qui fonde sa réaction.575 Il reste pertinent qu’une telle qualification soit
accompagnée d’une déclaration d’agression. La CIJ déclare à ce propos dans son arrêt sur les
activités militaires qu’« en cas d’invocation de la légitime défense collective, il faut s’attendre à
ce que l’Etat au profit duquel ce droit va jouer se déclare victime d’une agression armée ».576 C’est
la nécessité de s’assurer de la conformité au droit international des mesures prises par l’Etat qui se
prévaut de la légitime défense énoncée par l’article 51 de la Charte qui fait obligation à celui-ci de
les porter immédiatement à la connaissance du Conseil de sécurité. Pour satisfaire cette condition
de déclaration d’agression, la RDC a expressément accusé l’Ouganda et le Rwanda d’avoir envahi
son territoire lors du Sommet de la SADC tenue les 7 et 8 août à Victoria Falls au Zimbabwe. Les
pays membres ont ainsi « condamné sans équivoque l’agression dont elle (la République
Démocratique du Congo) était victime et l’occupation de certaines parties de son territoire ».577
Mieux, la RDC introduisait le 23 juin 1999, des instances auprès de la CIJ contre l’Ouganda, le
Rwanda et le Burundi pour des actes d’agression armée.578 Dans son arrêt relatif à l’Affaire des
activités armées en RDC, la Cour conclut que :
« l’Ouganda a violé la souveraineté ainsi que l’intégrité territoriale de la R.D.C. Les actes de l’Ouganda ont
également constitué une ingérence dans les affaires intérieures de la R.D.C. et dans la guerre civile qui y

574
Voir C.I.J., Affaire des activités militaires, op. cit., pp. 103-104, par. 195.
575
Linos-Alexandre SICILIANOS, « Le contrôle par le Conseil de sécurité des actes de légitime défense », dans
Societé française de droit international, Le chapitre VII de la Charte des Nations Unies – 50e anniversaire des Nations
Unies. Colloque de Rennes, Paris, A. Pedone, 1995, p. 62.
576
Voir C.I.J., Affaire des activités militaires, op.cit., pp. 103-104, par. 195.
577
Voir C.I.J., Affaire des activités armées en RDC, op. cit., p. 193, par. 33. Nos italiques.
578
Seule l’instance contre l’Ouganda a abouti à une décision de la Cour, les deux autres affaires ont été rayé du rôle
de la Cour en date du 01 février 2001 à la demande de la République démocratique du Congo, voir http://www.icj-
cij.org/docket/index.php?p1=3&p2=3&k=85&case=117&code=cr&p3=6, consulté le 10 mai 2016.

153
faisait rage. L’intervention militaire illicite de l’Ouganda a été d’une ampleur et d’une durée telles que la
Cour la considère comme une violation grave de l’interdiction de l’emploi de la force énoncée au paragraphe
4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies ».579
L’on aurait noté que la Cour ne fait pas mention dans sa conclusion de la notion d’agression.
Cependant, la lecture des dispositions de la résolution 3314 des Nations Unies sur la définition de
l’agression donne à convaincre qu’il s’agit d’actes d’agression. Ainsi, aux termes de l’article
premier de la résolution, « l’agression est l’emploi de la force armée par un Etat contre la
souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre Etat ou de toute autre
manière incompatible avec la Charte des Nations Unies… ».580 L’article 3 précise en plus, au titre
des actes susceptibles de revêtir la qualification d’actes d’agression :
« l’invasion ou l’attaque du territoire d’un Etat par les forces armées d’un autre Etat, ou toute occupation
militaire, même temporaire résultant d’une telle invasion ou d’une telle attaque ou toute annexion par
l’emploi de la force du territoire ou d’une partie du territoire d’un autre Etat ; …».581
Or, c’est exactement l’invasion d’une partie du territoire de la RDC par des forces armées qui est
reprochée à l’Ouganda et au Rwanda. La Cour a également reconnu que l’Ouganda a fait un usage
de la force armée contre la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC en violation de l’article
2, par. 4 de la Charte des Nations Unies.
Qui plus est, la situation en RDC a fait l’objet d’une série de résolutions des Nations unies.582 Dans
sa résolution du 09 avril 1999, le Conseil de sécurité qualifiait le conflit en République
démocratique du Congo de menace pour la paix, la sécurité et la stabilité de la région. Il est vrai
que dans ses différentes résolutions, le Conseil de sécurité n’emploie pas la notion d’agression,

579
C.I.J., Affaire des activités armées en RDC, op. cit., par. 165.
580
Résolution 3314 des Nations Unies sur la définition de l’agression, Assemblée générale, A/RES/29/3314, vingt-
neuvième session, 14 décembre 1974, Annexe, définition de l’agression, article 1.
581
Ibid, article 3, a).
582
Voir S/PRST/1998/26 (1998); S/PRST/1998/36 (1998); S/RES/1234 (1999); S/RES/1258(1999) ;
S/RES/1273 (1999); S/RES/1279(1999) ; S/RES/1291(2000) ; S/RES/1304(2000) ; S/RES/1316( 2000);
S/RES/1323 (2000); S/RES/1332(2000) ; S/RES/1341(2001) ; S/RES/1355(2001) ; S/RES/1376 (2001);
S/RES/1399(2002) ; S/RES/1417(2002) ; S/RES/1445 (2002); S/RES/1457(2003) ; S/RES/1468 (2003);
S/RES/1484 (2003); S/RES/1489(2003) ; S/RES/1493(2003) ; S/RES/1499(2003) ; S/RES/1501 (2003);
S/RES/1522(2004) ; S/RES/1533(2004) ; S/RES/1552 (2004); S/RES/1555 (2004); S/RES/1565(2004) ;
S/RES/1592(2005) ; S/RES/1596 (2005); S/RES/1616(2005) ; S/RES/1621(2005).

154
mais il n’en demeure pas moins qu’il reconnaît que « des forces d’Etats étrangers demeurent en
République Démocratique du Congo dans des conditions incompatibles avec les principes de la
Charte ».583 Encore, dans sa résolution du 16 juin 2000, le Conseil de sécurité se déclarait
« indigné par la reprise des combats entre les forces ougandaises et les forces rwandaises à Kisangani
(République démocratique du Congo) le 5 juin 2000, ainsi que par le manquement de l’Ouganda et du Rwanda
à l’engagement de mettre fin aux hostilités et de se retirer de Kisangani.…».584
Il a également « condamné ces combats en tant que violation de la souveraineté et de l’intégrité
territoriale de la République démocratique du Congo ».585
De tout ce qui precède, l’agression armée contre la RDC est constituée en l’espèce. De plus, la
Cour ayant conclu dans cette Affaire des activités armées en RDC que l’Ouganda avait menée une
opération militaire illicite contre la RDC à partir du 7 août 1998, estime que celle-ci avait le droit
d’employer la force pour repousser les attaques de l’Ouganda. Elle soutient par conséquent
qu’aucune action militaire entreprise par la RDC contre l’Ouganda au cours de la période indiquée
ne pourrait être considérée comme illicite dès lors qu’elle serait justifiée au titre de la légitime
défense en vertu de l’article 51 de la Charte des Nations Unies.586 Il appert que les pays membres
de la SADC ont prêté une assistance militaire à la SADC autour du 18 août 1998, à la période au
cours de laquelle la Cour reconnassait le droit de légitime défense de la RDC à l’encontre de
l’Ouganda.587 Par analogie, ce raisonnement pourrait s’appliquer au Rwanda même si la Cour n’a
pas eu l’occasion de se prononcer sur la requête de la RDC contre le Rwanda.
La preuve de l’agression armée préalable contre la République Démocratique du Congo établie, il
convient de se pencher sur les conditions essentielles dans l’appréciation de la licéité d’une action
armée menée en légitime défense, la proportionnalité et la nécessité.

583
Voir Résolution 1234(1999), du 9 avril 1999, S/RES/1234, préambule, par. 10
584
Voir résolution 1304 (2000) du 16 juin 2000, S/RES/1304 (2000), préambule par. 8.
585
Ibid, par. 2.
586
Voir C.I.J., Affaire des activités armées en RDC, op.cit., par. 304.
587
Dans la lettre du représentant permanent de la République du Zimbabwe adressée au président du Conseil de
sécurité, il est indiqué que l’intervention des trois pays en RDC a eu lieu le 18 août 1998, voir UN Document
S/1998/891, Annex, op. cit., par. 12 ; Il a été rapporté qu’un premier contingent de 600 troupes du Zimbabwe arrive à
Kinshasa le 20 août, il est rejoint par des milliers de troupes angolais le 21 août, Keesing’s, August 1998, p. 42426, le
début de l’assistance militaire tourne donc autour du 20 août 1998.

155
Dans l’Affaire des activités armées en RDC, tout en soutenant le droit de la RDC d’employer la
force pour riposter aux attaques ougandaises, la Cour relève également qu’il n’a jamais été allégué
que cet emploi de la force n’était pas proportionné.588 De plus, les pays intervenants ont soutenu
dans la lettre adressée au Conseil de sécurité que l’objectif limité de leur intervention était
d’empêcher la prise de Kinshasa (capitale de la RDC). Ils estimaient, et très logiquement d’ailleurs
que si la capitale tombait aux mains des forces rebelles, les négociations pour la résolution du
conflit seraient compromises. On ne peut donc pas parler ici d’un usage disproportionné et non
nécessaire de la force armée tant par la RDC que par les pays membres de la SADC qui lui ont
porté assistance.589
Outre ces premières conditions analysées, la question s’est également posée en doctrine de savoir
si la mise en œuvre de la légitime défense collective était subordonnée à l’existence d’un traité
d’assistance mutuelle entre les Etats qui invoquent ce droit. Mais il a été reconnu qu’il n’était pas
nécessaire que l’Etat attaqué soit lié par une obligation d’assistance mutuelle aux Etats qui lui
viennent en aide.590 Il est néanmoins exigé la requête ou le consentement préalable de l’Etat
victime de l’agression. Comme l’a déclaré la Cour dans l’affaire des Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (fond) : « en droit international coutumier, (….)
aucune règle ne permet la mise en jeu de la légitime défense collective sans la demande de l’Etat
se jugeant victime d’une agression armée….. ».591 Il n’est pas non plus exigé que la requête de
l’Etat agressé soit formelle et expresse, il suffit qu’il soit clair et vérifiable.592

588
Voir C.I.J., Affaire des activités armées en RDC, op. cit., par. 304.
589
Voir UN Document S/1998/891, Annex, op. cit., par. 10.
590
Voir Jaroslav ZOUREK, « La notion de légitime défense en droit international », Rapport à l’Institut de droit
international, in : Ann. IDI, 1975, session de Wiesbaden, p. 48, voir aussi les pp. 70-71 du questionnaire et les pp. 72-
79 portant sur les réponses. Bruno SIMMA, Daniel-Erasmus KHAN, Georg NOLTE, Andreas PAULUS, The Charter
of the United Nations, A Commentary, 3rd ed., vol. II, Oxford University Press, 2012, p. 1421.
591
Voir C.I.J., Affaire des activités militaires, op. cit., p. 105, par. 199. Cette déclaration a été réaffirmée par la Cour
dans l’Affaire des Plates-formes pétrolières, CIJ, Affaire des Plates-formes pétrolières, op. cit., p. 27, par. 51.
592
Voir C.I.J., Affaire des activités militaires, op. cit., par. 232. Voir aussi Bruno SIMMA, Daniel-Erasmus KHAN,
Georg NOLTE, Andreas PAULUS, The Charter of the United Nations, A Commentary, op. cit., p. 1421.

156
La SADC ne disposait pas encore de traité d’assistance mutuelle en vigueur au moment des faits.593
Il a cependant été rapporté de façon inconstestée, que le président Kabila a adressé une requête
pour une assistance militaire aux pays membres de la SADC.594
Il ressort de tout ce qui precède que l’intervention en RDC semble relever d’un cas de légitime
défense collective qui dispensent les pays intervenants de l’exigence de l’autorisation du Conseil
de sécurité.
Il convient cependant de relever un autre élement de la mise en œuvre du droit de légitime défense
collective qui mérite une attention. Il s’agit de la suite donnée par l’Organisation sous-régionale à
l’obligation faite par l’article 51 aux membres de porter immédiatement à la connaissance du
Conseil de sécurité les mesures prises dans l’exercice du droit de légitime défense. Certes, les pays
intervenants ont fini par adresser une lettre au président du Conseil de sécurité par l’intermédiaire
du Représentant permanent du Zimbabwe auprès des Nations Unies pour l’informer de l’assistance
militaire qu’ils ont apporté à la RDC.595 Mais, il faut relever que cette missive date du 23 septembre
1998, plus d’un mois après le début de leur intervention. Même si le retard observé dans
l’exécution de l’obligation d’informer immédiatement le Conseil de sécurité n’entache pas
systématiquement la licéité de l’action, il témoigne néanmoins de cette tendance relevée plus haut
des Organisations régionales africaines de se soustraire des exigences de la Charte des Nations
Unies, notamment les dispositions qui confèrent un pouvoir de contrôle au Conseil de sécurité en
matière de recours à la force.
Outre cela, il ressort des termes de l’article 51 que les mesures prises par les Etats membres dans
l’exercice du droit de légitime défense « n’affectent en rien le pouvoir et le devoir qu’à le Conseil
de sécurité en vertu de la présente Charte d’agir à tout moment de la manière qu’il juge nécessaire

593
Il convient de relever par ailleurs que les Etats intervenants ont néanmoins conclu un Pacte de défense mutuelle
avec la RDC avant leur intervention, voir Agostinho ZACARIAS, « SADC : From a system to community of
security ?», African Security Review, vol. 7, no 6, 1998, pp. 44-61. Il n’existe cependant pas de trace officielle d’un
tel pacte.
594
Voir UN Document S/1998/891, Annex, op. cit., par. 6 et 7; Keesing’s, August 1998, p. 42426. Voir également
Naison NGOMA, « Hawks, Doves or Penguins? : A critical review of the SADC military intervention in the DRC »,
op. cit., p. 4.
595
Voir UN Document S/1998/891, Annex, op. cit.,

157
pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ». Cette indication de l’article 51 a
fait l’objet de multiples interprétations, mais il reste qu’elle implique l’obligation pour les Etats de
cesser leur action en légitime défense lorsque le Conseil de sécurité a pris les mesures nécessaires
au maintien de la paix et de la sécurité.596 Le droit de légitime défense individuelle ou collective
étant considéré en général par la doctrine comme un droit provisoire et subsidiaire qui cesse
d’exister dès lors que le Conseil de sécurité met en branle sa responsabilité principale en matière
de maintien de la paix et de la sécurité internationales.597 Même si en réalité, la détermination des
« mesures nécessaires au maintien de paix et de la sécurité internationales » censées se substituer
à l’exercice du droit de légitime défense n’est pas aisée, une majorité doctrinale admet que les
mesures adoptées par le Conseil de sécurité sont susceptibles de mettre fin au droit de légitime
défense lorsqu’elles parviennent à un maintien effectif de la paix et de la sécurité internationales.598
Dans le cas de la crise en RDC, le conflit a éclaté à partir du 2 août 1998, les Etats membres de la
SADC sont intervenus autour du 18 août 1998, le Conseil de sécurité s’en saisissait activement à
travers la première déclaration de son Président en date du 31 août 1998.599 La saisine du Conseil
de sécurité aurait-elle eu pour conséquence de faire cesser l’action militaire des trois pays membres
de la SADC en RDC ?
En principe, cette saisine n’aurait pas pu mettre fin aux actions de légitime défense collective des
Etats membres intervenants de la SADC dans la mesure où le Conseil de sécurité n’a pris aucune
mesure effective dans ces premiers moments pour garantir le maintien effectif de la paix et de la
sécurité en RDC. Ses premières déclarations appellent à un cessez-le-feu immédiat, le retrait de

596
Raphaël VAN STEENBERGHE, La légitime défense en droit international public, op. cit., p. 484.
597
Voir Nguyen QUOC DINH, « La légitime défense d’après la Charte des Nations Unies », Revue générale de droit
international public, Troisième Série, Tome XIX, Paris, Pedone,1948, pp. 232-233; Bruno SIMMA, Daniel-Erasmus
KHAN, Georg NOLTE, Andreas PAULUS, The Charter of the United Nations, A Commentary, op. cit., p. 1424 ; Jean
DELIVANIS, La légitime défense en droit international moderne, Paris, Librairie générale de droit et de
jurisprudence, 1971, pp. 55-56 ; Stanimir A. Alexandrov, Self-Defense Against the Use of Force in International Law,
The Hague Kluwer, 1996, pp. 104-105.
598
Voir Raphaël VAN STEENBERGHE, La légitime défense en droit international public, op. cit., p. 492 ; Linos-
Alexandre SICILIANOS, « Le contrôle par le Conseil de sécurité des actes de légitime défense », Le chapitre VII de
la Charte des Nations Unies, Paris, Pedone, 1995, p. 73 ; Eugene V. ROSTOW, « Until What ? Enforcement Action
or Collective Self-Defense », American Journal of International Law, 1991, p. 511.
599
Voir Déclaration du Président du Conseil de sécurité du 31 août 1998, S/PRST/1998/26.

158
toutes les forces étrangères et l’incitation à un règlement pacifique de la crise.600 Le Conseil de
sécurité s’est ainsi limité à exprimer son soutien aux initiatives diplomatiques de règlement de la
crise, au moment où il est rapporté une avancée notoire des mouvements rebelles qui envisageaient
de prendre Kinshasa la capitale de la RDC.601 Ce n’est que dans la seconde déclaration du Président
en date du 11 décembre que le Conseil de sécurité se dit prêt à envisager la participation active des
Nations Unies en coordination avec l’OUA par l’adoption de mesures concrètes, viables et
efficaces.602
Fort curieusement d’ailleurs, à l’image du précédent de la CEDEAO, le Conseil de sécurité ne fait
aucune référence au recours à la force armée par les pays membres de la SADC. Dans les multiples
résolutions qu’il a adoptées sur cette crise de la RDC, il relève tantôt le rôle de l’OUA, et lorsqu’il
fait mention de la SADC, il se contente de louer les efforts de résolution pacifique menés par le
groupe de pays membres de la SADC ayant opté pour la voie pacifique de résolution du conflit.603
Le Conseil de sécurité n’a en aucune façon fait mention de ce droit de légitime défense collective
exercé par l’autre groupe des pays membres de la SADC au profit de la RDC, pourtant porté à sa
connaissance dès le 25 septembre 1998. Il n’a pas non plus reconnu et réaffirmé le droit de légitime
défense à la RDC comme cela avait été observé dans sa pratique dans certaines précédentes
crises.604 En plus de cette attitude ambiguë du Conseil de sécurité que l’on pourrait considérer
comme une décision d’ignorer une utilisation de la force armée qu’il n’a pas autorisée, il n’a pas
cessé d’exiger le retrait de toutes les troupes étrangères de la RDC. Ainsi, la question pourrait se
poser de savoir si cette insistante demande dans ses résolutions, parfois sans une identification

600
Voir Ibid, par. 3 ; S/PRST/1998/36, par. 4 ; Résolution 1234 (1999) du Conseil de sécurité du 9 avril 1999,
S/RES/1234 (1999), par. 2, 3 et 3.
601
Keesing’s, August 1998, p. 42426.
602
S/PRST/1998/36, par. 8.
603
Voir par exemple, S/PRST/1998/36, par. 5 ; S/RES/1234 (1999), par. 11.
604
Voir par exemple les résolutions 546 (1984) et 574 (1985) par lesquelles le Conseil de sécurité demande aux Etats
l’application intégrale de l’embargo sur les armes imposé à l’Afrique du Sud sans oublier de rappeler le droit à
l’Angola à la légitime défense contre les actes d’agression de l’Afrique du Sud. Rappelons également la résolution
661(1990) du Conseil de sécurité qui imposait un embargo militaire à l’Irak, tout en rappelant « le droit naturel de
légitime défense individuelle et collective face à l’attaque armée dirigée par l’Iraq contre le Koweït, consacré par
l’article 51 de la Charte ».

159
exacte, concernait aussi bien les troupes des deux pays envahisseurs que celles des pays membres
de la SADC qui se prévalaient de la légitime défense collective.605 Dans l’affirmative, ces pays
étaient liés au respect des résolutions du Conseil de sécurité au regard de leur caractère obligatoire
et devaient alors cesser leur action armée en RDC. 606
De ce tout qui précède, il semble raisonable de conclure à la licéité de l’action militaire en RDC
sur le fondement d’une légitime défense collective même si le Conseil de sécurité, organe habilité
à procéder au contrôle des actions entreprises dans le cadre de la légitime défense collective, n’en
a pas fait une reconnaissance.

Tout bien considéré, les interventions analysées, à l’exception de celle en RDC, manquaient de
base légale sûre. Elles ont été menées sans une autorisation préalable expresse du Conseil de
sécurité et n’ont pas non plus pu se fonder sur les autres exceptions à la règle de l’interdiction du
recours à la force. Ces premières expériences qui n’ont pas été dénoncées quand elles n’ont pas
reçu un assentiment général de la communauté internationale ont été consolidées sur le plan
normatif par l’institutionnalisation de nouvelles exceptions à la règle de l’interdiction du recours
à la force, autres que celles prévues par la Charte. Cette pratique et développement institutionnel
nouveaux de certaines Organisations sous-régionales africaines dénotent clairement d’un
changement de paradigme en matière de recours à la force armée marqué notamment par
l’affirmation d’un droit autonome d’intervention sans autorisation préalable du Conseil de sécurité.
On peut sans aucun doute considérer ces précédents comme les prémices des velléités des
Organisations régionales africaines de s’émanciper de l’autorité du Conseil de sécurité en matière
de recours à la force armée.

605
A noter que dans toute la panoplie de résolutions adoptées par le Conseil de sécurité à partir des premières
déclarations de son président en 2000, le Conseil de sécurité insiste constamment sur l’obligation de respecter
l’’integrité territoriale, l’indépendance politique, et la souveraineté nationale de la République démocratique du Congo
et demande le retrait de toutes les forces étrangères, voir de facon sélective la résolution du Conseil de sécurité du 9
avril 1999, S/RES/1234 (1999) ; celle du 06 août 1999, S/RES/1258 (1999).
606
Sur le caractère contraignant des décisions du Conseil de sécurité, voir les articles 25, 48 et 49 de la Charte des
Nations Unies.

160
CHAPITRE II : L’HISTOIRE DE L’ADOPTION DE L’ARTICLE 4 (H) A LA LUMIERE DES
TRAVAUX PREPARATOIRES

La majorité des auteurs qui ont proposé des analyses sur l’article 4 (h) ne s’est pas penchée de
façon approfondie sur les origines de la disposition. Toutefois, plusieurs facteurs ont été avancés
pour expliquer l’insertion de l’article 4 (h) dans l’Acte constitutif.607 On a avancé en premier lieu
des motivations économiques, l’article 4 (h) serait un moyen pour les Etats africains de renforcer
leur réputation dans le respect des valeurs démocratiques et de droits de l’homme afin de bénéficier
de l’aide étrangère et d’attirer des investisseurs.608 La disposition a également été présentée comme
le résultat de pressions de certaines hégémonies régionales comme le Nigéria et l’Afrique du
Sud.609 Certains auteurs ont par ailleurs soutenu l’argument d’une réponse institutionnelle aux
nouveaux défis de sécurité collective.610 D’autres encore évoquent le souci de rendre l’OUA plus
pertinente.611 Une majorité doctrinale (principalement anglophone) considère l’article 4 (h) comme
la matérialisation normative d’une conviction collective africaine favorable à une intervention
militaire en cas de situations humanitaires graves qui aurait émergée à la fin de la guerre froide et
se serait surtout renforcée après le génocide rwandais.612 Si certains de ces facteurs explicatifs ont

Voir pour une étude détaillée des raisons de l’institutionnalisation de l’article 4 (h) avancées par la doctrine, Carolyn
607

HAGGIS, The African Union and Intervention : The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive
Act, unpublished D.Phil thesis, University of Oxford, 2009, pp. 87 – 108.
608
Voir principalement sur cette vision Nsongurua J. UDOMBANA, « Can the Leopard Change Its Spots? The African
Union Treaty and Human Rights », American University International Law Review, vol. 17, no. 6, 2002, pp. 1177-
1261.
609
Voir de façon sélective, Peter KAGWANJA, « Power and Peace: South Africa and Refurbishing of Africa’s
Multilateral capacity for Peacemaking », Journal of Contemporary African Studies, vol. 24, no2, 2006, pp. 159-184;
Francis A. KORNEGAY, « Nigeria, Egypt and South Africa: A Stable Balance of Power », in South African Yearbook
of International Affairs, 1999/2000, pp. 61-70.
610
Voir Adebayo ADEDEJI and Christopher LANDSBERG, « South Africa and Nigeria as Regional Hegemons », in
Mwesiga Laurent Baregu, et al, eds., From Cape to Congo: Southern Africa’s Evolving Security Challenges, Lynne
Rienner, Boulder, 2003, pp. 171-203; Francis M. Deng et al. Sovereignty As Responsibility: Conflict Management in
Africa, Brookings Institution, 1996, pp. 145-160.
611
Voir Abass ADEMOLA and Mashood A. BADERIN, «Towards Effective Collective Security and Human Right
Protection in Africa: An Assessment of the Constitutive Act of the African Union », Netherlands International Law
Review, 2002, pp. 1-38.
612
Voir principalement, Tiyanjana MALUWA, « Reimagining African Unity: Some Preliminary Reflections on The
Constitutive Act of The African Union», African Yearbook of International Law, vol. 9, 2001, pp. 3-38; Ben KIOKO,

161
été avancés à tort notamment les motivations économiques, les autres ont certainement contribué
d’une façon ou d’une autre à favoriser l’émergence d’un contexte favorable à l’adoption de l’article
4 (h).

A notre avis, pour bien saisir les raisons de l’institutionnalisation d’un droit d’intervention dans
l’Acte constitutif de l’Union africaine, il faut remonter dans l’histoire pour suivre la chronologie
des faits marquants ayant abouti à un tel développement normatif. Pour cela, il est indispensable
d’interroger dans un premier temps les travaux préparatoires qui nous permettront de saisir les
étapes clés de l’ensemble des négociations qui ont précédé l’adoption de la disposition. Bien que
tous dans la doctrine n’accordent pas la même importance aux travaux préparatoires dans le cadre
de l’interprétation d’un traité ou d’une disposition conventionnelle, il reste qu’ils constituent un
moyen dont il est nécessairement fait usage pour interpréter un traité.613 La Convention de Vienne
sur le droit des traités leur accorde une place en les considérant comme un moyen complémentaire
d’interprétation.614 Le recours aux travaux préparatoires s’avère toutefois très souvent insuffisant
pour expliquer tous les tenants et aboutissants d’un texte à interpréter, on se tourne alors vers les
circonstances dans lesquelles le traité a été conclu. Ce procédé d’examen des circonstances de
conclusion du traité est également prévu par l’article 32 de la Convention précitée, utilisé par la
jurisprudence et suggéré par la doctrine.615 Il consiste à prendre en considération des faits et actes

« The Right of Intervention under the African Union’s Constitutive Act : From Non-interference to Non-intervention
», International Review of Red Cross, vol. 83, 2003, pp. 807-824; Jeremy LEVITT, « The Law on Intervention :
Africa’s Pathbreaking Model » , Global Dialogue, vol. 7, no 1, pp. 50-58; Adekeye ADEBAJO and Christopher
LANDSBERG, « The Heirs of Nkrumah: Africa's New Interventionists », Pugwash Occasional Paper, vol. 2, no.1,
January 2001.
613
Sur l’importance des travaux préparatoires, contrairement au rôle secondaire qu’on a souvent voulu leur attribuer,
Voir Denis ALLAND, « L’interprétation du droit international public », RCADI, t. 362, 2012, p. 162 et ss; Mustafa
K. YASSEEN, « L’interprétation des traités d’après la Convention de Vienne sur le droit des traités », Recueil des
cours de l’Académie de droit international de la Haye,1978, p. 85.
614
Voir l’article 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités qui dispose qu’: « il peut être fait appel à des
moyens complémentaires d’interprétation et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles
le traité a été conclu », Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, Nations Unies, Recueil des traités, vol.
1155, p. 331.
615
Mustafa K. YASSEEN, « L’interprétation des traités d’après la Convention de Vienne sur le droit des traités », op.
cit., pp. 91-92.

162
que les travaux préparatoires ne mentionnent pas ou pas assez comme le cadre historique de
conclusion du traité, les conditions idéologiques, politiques et économiques qui ont pu avoir une
influence sur l’attitude des parties ainsi que la réalité de la situation que les parties entendaient
régler.616 L’examen de ces circonstances aura pour objectif de mettre en lumière le contexte
historique, juridique et politique prévalant avant et au moment de l’adoption de l’Acte constitutif
et de l’institutionnalisation de l’article 4 (h).

Pour une meilleure organisation de notre analyse, nous examinerons dans un premier temps le
processus d’institutionnalisation de l’article 4 (h) tel qu’il ressort des travaux préparatoires de la
constitution de l’Union africaine (Section I) avant de revenir dans un second temps sur les
circonstances d’adoption de la disposition (section II).

Section I: Le processus d’adoption de l’article 4 (h) à la lumière des travaux préparatoires


de l’Acte constitutif de l’Union africaine

Le processus d’adoption de l’article 4 (h) se confond avec celui de la création de l’Union africaine.
Nous ne nous attarderons cependant pas sur le processus de création de l’Union, c’est un sujet qui
a bénéficié d’un intérêt considérable et qui a fait l’objet d’une abondante littérature. Nous nous
focaliserons en premier lieu sur la genèse et les étapes de façonnement de la disposition
(Paragraphe I). Nous nous intéresserons en second lieu aux négociations, débats et concessions qui
ont permis d’aboutir à la formulation dans sa version finale (Paragraphe II).

Paragraphe I : genèse et étapes d’institutionnalisation de l’article 4 (h)

L’idée de doter la nouvelle Organisation d’un droit d’intervention dans les affaires intérieures des
Etats membres apparaît pour la première fois dans un projet de document de travail distribué dans
les coulisses du 35e Sommet de l’OUA tenu à Alger en prélude du Sommet de Syrte. Par la suite,
cette initiative libyenne connaitra divers amendements au cours des différentes rencontres
préparatoires de l’Acte constitutif de l’Union africaine pour finir par réunir un consensus sur la

616
Ibid., p. 90 et p. 92.

163
formulation définitive qui figurait sur l’Acte constitutif adopté à la Conférence ordinaire des chefs
d’Etat et de gouvernement du 10-12 juillet 2000 tenue à Lomé au Togo.

A- La version originelle de l’article 4 (h)

Les origines de l’article 4 (h) remontent donc au 35e Sommet de l’OUA qui s’est tenu à Alger du
06 au 14 juillet au cours de laquelle la décision a été prise par les chefs d’Etat et de gouvernement
sous l’impulsion du leader lybien Mouammar Kadhafi de réviser la Charte de l’OUA afin de
l’adapter aux exigences du Nouveau Millénaire.617 Il a été convenu de la tenue d’un Sommet
extraordinaire à Syrte à cet effet. Deux projets de documents préparés par le leader libyen ont par
ailleurs curieusement circulé au cours de ce sommet ordinaire.618 Le premier intitulé « Draft of
Establishment of a State of The United States of Africa » faisait une proposition radicale de la
création des Etats-Unis d’Afrique, qui prendrait la forme d’un seul Etat souverain. Cet Etat
souverain serait gouverné par un seul président, aurait une armée et une monnaie unique. Il
disposerait également d’une Cour suprême et d’un congrès africain.619 Le second projet titré «
Draft of Establishment of the Union of African States » quant à lui, recommandait la mise en place
d’une Union des Etats africains sous la forme d’une Organisation fédérale dirigée par un conseil
des présidents (composé par des chefs d’Etats des différents pays africains). Cette fédération était
censée aussi disposer d’une armée africaine, d’une monnaie unique, d’une cour suprême et d’un
congrès africain.620 Il est important de noter que bien qu’il ait été prévu dans ces deux documents

617
La Lybie avait proposé l’organisation d’un Sommet extraordinaire « pour discuter des voies et moyens permettant
de rendre l’OUA plus efficace afin qu’elle puisse se mettre au diapason des mutations politiques et économiques dans
le monde et de préparer l’Afrique à s’insérer dans le mouvement de la mondialisation de manière à préserver son
potentiel social, économique et politique », OUA, Conférence des Chefs d’État et de gouvernement, 35 e Session
ordinaire, OUA, Doc. AHG/Dec. 140 (XXXV).
618
Il semble que la Lybie n’ait jamais officiellement admis l’existence de ces projets, voir Carolyn HAGGIS, The
African Union and Intervention : The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act ,
unpublished D.Phil thesis, University of Oxford, 2009, pp. 160-161, mais ils figurent désormais dans les archives du
département l’Union africaine où nous avons pu nous procurer des copies. Ces documents sont traduits en plusieurs
langues. Nous avons exploité la version anglaise.
619
Voir Draft of Establishment of a State of The United States of Africa, 9 septembre 1999, disponible aux archives
du département juridique de l’Union africaine, copie en notre possession.
620
Voir Draft of Establishment of the Union of African States, 9 septembre 1999, disponible aux archives du
département juridique de l’Union africaine, copie en notre possession.

164
que certaines prérogatives Etatiques comme la défense ou la politique monétaire soient transférées
à l’Organisation supranationale, les deux textes réaffirment les principes de souveraineté et de non
intervention.621 A la suite de ces projets, un autre document fut préparé par la Lybie dans la
perspective du Sommet de Syrte.622 A l’image des deux précédents projets, le troisième document
proposait la mise en place d’une nouvelle Organisation continentale en remplacement de
l’Organisation de l’Unité africaine. Tout en suggérant que la nouvelle Organisation soit
surnommée « Union africaine »,623 le projet libyen reprenait certaines propositions tirées des deux
projets mentionnées,624 tout en y introduisant de toutes nouvelles et radicales dispositions. Il
intégrait par exemple une disposition sur la défense collective qui disposait que : « L’Union
s’engage à défendre le continent sur terre, mer et dans les airs ».625 Le document opérait également
une relecture de certains principes antérieurement consacrés par l’OUA et même par les deux
premiers projets. Le principe du règlement pacifique auquel se referaient la Charte de l’OUA et
les deux projets de Alger626 renvoyait désormais au « règlement des différends surgissant entre les
Etats membres par les moyens appropriés en accord avec les décisions du Congrès ».627 Le
principe de l’interdiction du recours à la force ou de la menace de recourir à la force est reformulé
en une « interdiction d’user ou de menacer d’user de la force entre les Etats membres ou/et de
manière à mettre en péril la paix et la sécurité africaines ». Une telle formulation implique que
l’interdiction du recours à la force s’appliquait dorénavant aux relations d’un Etat membre à un
autre, mais pas à l’Organisation continentale.628 Le principe de non-intervention renvoyait

621
Voir l’article 5 du Draft of Establishment of the Union of African States et les articles 10 et 11 du Draft of
Establishment of a State of The United States of Africa.
622
Voir le document intitulé Déclaration de Syrtes 9. 9. 99. A noter que le document était initialement en arabe et a
été traduit; il est disponible au département juridique de l’Union africaine, copie en notre possession.
623
Voir Déclaration de Syrtes 9. 9. 99, par. 2.
624
Comme la création d’un congrès et d’une cour suprême africaine.
625
Déclaration de Syrtes 9. 9. 99, par. 2, al. 4.
Voir Charte de l’OUA de 1963, article 3, al. 4; Draft of Establishment of the Union of African States, article 5;
626

Draft of Establishment of a State of The United States of Africa, article 2.


627
Déclaration de Syrtes 9. 9. 99, par. 2, al. 4, al. 5.
628
Ibid., par. 2, al. 6

165
pareillement à « l’interdiction de l’intervention de tout Etat membre contre un autre des pays
membres »629. La disposition la plus radicale qui ne figurait pas dans les deux projets de Alger
reste celle qui conférait à la fois le droit à tout Etat membre de demander le secours de l’Union
africaine et le droit de celle-ci d’intervenir. Elle est intitulée comme suit :

« le droit de tout Etat membre de demander le secours de l’Union africaine et le droit de


celle-ci à intervenir sur la demande du Congrès dans le but de restaurer la paix et la
sécurité dans tout Etat membre incapable de demander secours à l’Union ».630

C’est la formulation originelle de l’article 4 (h). Ces propositions hautement novatrices n’ont pas
manqué de susciter de violentes réticences et discussions au Sommet de Syrte qui s’est tenu les 8
et 9 septembre 1999.

A l’opposé des grandes ambitions de Mouammar Kadhafi, le secrétariat de l’OUA présentait deux
documents631 qui préconisaient tous deux une réforme progressive de la Charte de l’OUA et non
un changement radical de l’Organisation.632 C’est donc de toute évidence que le projet libyen de
Déclaration de Syrte a suscité de vives réactions lorsqu’il a été présenté au Sommet. C’est la
proposition de la création d’une nouvelle Organisation régionale ainsi que le fait qu’elle ait été
présentée au dernier moment qui a en premier lieu cristallisé les tensions.633 Le Sommet va donner
ainsi lieu à des confrontations qui ne sont pas sans rappeler la création de l’OUA entre les Etats

629
Ibid., par. 2, al. 7
630
Déclaration de Syrtes 9. 9. 99, par. 2, al. 8. Nos italiques.
631
Le premier faisait le point sur les avancées déplorables de la Commission d’examen de la Charte de l’OUA (cette
commission a été institué en 1979 pour examiner les possibilités de modification de la Charte de 1963 afin d’améliorer
l’efficacité des mécanismes et institutions) et suggérait une révision de la Charte en prévoyant l’adoption de la nouvelle
Charte en juin 2001, voir Background Information on the Work of the OAU Charter Review Committee, OAU doc.
EAGH/3 (IV), 6-9 September 1999, par. 1-3, et par. 49. Le second document était un projet de déclaration collective
qui devait être adopté à la conclusion du Sommet, intitulé « Déclaration de Syrte ».
632
Voir Tiyanjana MALUWA, « Reimagining African Unity: Some Preliminary Reflections on The Constitutive Act
of The African Union », op. cit., p. 17, Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and
Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act, op. cit., p. 164.
633
Ibid.

166
dits « radicaux »634 qui soutenaient le projet libyen, et les Etats « modérés »635 qui soutenaient les
recommandations de réformes progressives du secrétariat de l’OUA.636 Pour parvenir à un
consensus, il a été décidé la mise en place d’un groupe ministériel composé de cinq pays pour
diriger les négociations et discussions.637 A l’issue de ces discussions ministérielles, il est
manifestement apparu que la création d’une nouvelle Organisation régionale avait bénéficié d’un
soutien général.638 Le secrétariat de l’OUA fut donc chargé par le comité ministériel de rédiger
une nouvelle déclaration reflétant le consensus acquis en synthétisant le projet libyen avec son
propre projet de déclaration de Syrte.639 La nouvelle version fut ainsi adoptée à l’unanimité le 9
septembre 1999.640 La nouvelle déclaration de Syrte annonçait officiellement la décision de la
création de l’Union africaine et proposait une adoption solennelle de l’Acte constitutif de la
nouvelle Organisation en 2001.641 Bien que ce nouveau texte semble avoir fait une part belle au
projet libyen tel que l’acceptation de la mise en place d’une nouvelle Organisation en
remplacement de l’OUA, les propositions radicales sont toutefois restées sans suite. La vision de
Mouammar Kadhafi d’une Organisation supranationale a clairement été rejetée. On peut noter dans

634
Selon Gharbi, cette tendance était composée du Soudan, du Togo, de la Namibie, du Tchad, de la République
démocratique du Congo, du Burkina Faso, du Mali, du Niger, de l’Ouganda, du Mozambique, du Zimbabwe, du
Libéria et de la Gambie. Voir Samir GHARBI, « États-Unis d’Afrique : Faut-il y croire ? », in Jeune Afrique, numéro
2035, du 21 au 27 décembre 1999, p. 16.
Il s’agissait essentiellement du Sénégal, de la Cote d’Ivoire et du Ghana, Samir GHARBI, « États-Unis d’Afrique :
635

Faut-il y croire ? », op. cit., p. 16.


636
Ibid.
637
Le Comité ministériel était composé de l’Égypte, du Mali, du Nigéria, de l’Afrique du Sud et de la Lybie, voir
Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention : The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001
Constitutive Act, op. cit., p. 164.
Samir GHARBI et Ridha KÉFI, « Salim Ahmed Salim : l’Union africaine ? Tout est possible », Jeune Afrique,
638

numéro 2020, 28 septembre- 4octobre 1999, p. 32


639
Tiyanjana MALUWA, « Reimagining African Unity: Some Preliminary Reflections on The Constitutive Act of
The African Union », op. cit. p. 18.
640
Voir Déclaration de Syrte, quatrième session extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement de l’OUA,
EAHG/DECL. (IV)REV.1, 8-9 septembre 1999, Syrte, Libye, disponible sur
http://heinonline.org/HOL/Page?handle=hein.journals/afjincol11&div=59&g_sent=1&casa_token=&collection=jour
nals.
641
Voir Déclaration de Syrte, quatrième session extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement de l’OUA, op.
cit., par.8.

167
ce sens que la déclaration de Syrte ne fait aucune précision sur la forme, la nature et les pouvoirs
de la nouvelle structure en formation.642 Le droit d’intervention proposé par le projet libyen n’a
pas non plus été adopté. Il ne figure aucune mention d’un droit d’intervention dans la déclaration
officielle de Syrte. Il a même été rapporté qu’il n’y a pas eu de discussions au cours des
négociations sur la façon dont la nouvelle Organisation aura à faire face aux situations de génocide,
de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.643 Le leader libyen ne renonce pas pour autant
à son projet de conférer à l’Union africaine un droit d’intervention. C’est ainsi que la proposition
refait à nouveau surface dans les actes préparatoires d’élaboration du projet de l’Acte constitutif.

B- L’évolution de l’article 4 (h) dans les actes préparatoires d’élaboration du projet d’Acte
constitutif

La Déclaration officielle de Syrte ayant chargé expressément le secrétaire général de l’OUA de la


mise en œuvre des décisions prises, celui-ci entreprit très vite les actions pour l’élaboration du
projet de l’Acte constitutif. Le processus de préparation du projet a nécessité une multitude de
consultations et de réunions. Nous nous en tiendrons cependant à l’examen des principales
rencontres dans le but de mieux explorer l’évolution de la question du droit d’intervention.

1- La réunion des experts juridiques et parlementaires du 17-20 avril 2000


En prélude à cette première réunion, le secrétariat de l’OUA avait entrepris d’élaborer un premier
texte juridique qui devait servir de base aux futures rencontres et négociations. Il a procédé à cet
effet au recrutement de consultants, d’experts juristes, politistes et économistes pour travailler avec
le Secrétaire général à la rédaction de ce premier document.644 Un texte proposé par les consultants

642
Voir également Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4
(h) of the 2001 Constitutive Act, op. cit., pp. 165-166.
643
Voir l’interview de Carolyn Haggis avec Tiyanjana Maluwa, Gharbi et Kéfi, Haggis, Carolyn HAGGIS, The
African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act, op. cit.,
pp. 165-166.
644
OUA, Rapport intérimaire du Secrétaire général sur la mise en œuvre de la Déclaration de Syrte présenté au
Conseil des ministres, soixante onzième session/Sixième Session Ordinaire de l’AEC, 6-10 mars 2000, Addis-Abeba,
Éthiopie, CM/2146 (LXXI), ressource disponible au département juridique de l’Union africaine, copie en notre
possession.

168
en février 2000 est revu et amendé par un groupe de travail institué par le secrétariat.645 Cette
première version du projet ne prévoyait pas en tant que telle une grande rupture avec l’ancienne
Organisation continentale. Le texte observe un total silence sur les propositions novatrices du draft
libyen. Aucune disposition ne traitait particulièrement d’une défense collective.646 Le projet ne fait
aucune référence à un quelconque droit d’intervention. Sur la sécurité collective, il a certes été
prévu la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité sur le continent ainsi que l’élimination
du fléau des conflits et ses conséquences dévastatrices mais par l’intermédiaire du Mécanisme de
l’OUA pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits.647 En résumé, aucune trace de
l’article 4 (h), ni de la façon dont l’Organisation régionale entend répondre aux crimes de guerre,
crimes contre l’humanité et génocide. Ce projet est soumis à l’appréciation des experts juridiques
et des parlementaires qui se sont réunis à Addis-Abeba (Éthiopie) les 17-21 avril 2000. Cette
première rencontre qui a réuni des représentants de quarante-trois pays dont des parlementaires,
des ambassadeurs, des juristes et autres aboutit très vite à une impasse.648 Plusieurs obstacles ont
émaillé le travail des experts,649 mais le plus important reste les vives critiques émises par la
délégation libyenne au projet d’Acte constitutif proposé par le secrétariat de l’OUA, estimant qu’il
ne reflétait pas les ambitions exprimées par le projet libyen de septembre 1999.650 On peut bien
imaginer qu’il était fait allusion aux propositions radicales du projet libyen notamment celles
portant sur la défense collective et le droit d’intervention conféré à l’Union. Bien que le secrétaire
général avait suggéré aux experts de se référer au projet libyen dans leurs travaux, des copies de

645
OUA, The Draft Treaty Establishing the African Union by OAU Consultants on Sirte Declaration, Addis-Ababa,
Febrary 2000, document disponible au département juridique de l’Union africaine, copie en notre possession.
646
OUA, Draft Treaty Establishing the African Union, 27 mars 2000, CAB/LEG/23.15/66/Vol.III, copie en notre
possession.
647
OUA, Draft Treaty Establishing the African Union, 27 mars 2000, CAB/LEG/23.15/66/Vol.III, article 4 (e).
648
OUA, Rapport de la réunion des experts juridiques et des parlementaires sur la création de l’Union africaine et
du Parlement africain du 17-21 Avril 2000, Addis-Abeba (Éthiopie), CAB/LEG/23.15/6/Vol.IV, copie en notre
possession. Voir aussi OUA, liste des participants à la réunion des experts sur la création de l’Union africaine et du
Parlement Panafricain, 17-21 avril 2000, Addis-Abeba, Ethiopie, copie en notre possession.
649
OUA, Rapport de la réunion des experts juridiques et des parlementaires sur la création de l’Union africaine et
du Parlement africain du 17-21 Avril 2000, par. 10.
650
Ibid., par. 11.

169
celui-ci n’avaientt pas été mises à leur disposition.651 La délégation lybienne a tiré motif de cette
omission pour qualifier les travaux des experts de nul et non avenu, ce à quoi le secrétariat a opposé
l’argument selon lequel la déclaration de Syrte était le seul document officiellement adopté lors du
Sommet extraordinaire de septembre 1999.652 Face à une crise évidente, il fut convenu d’ajourner
la réunion et de reporter les controverses à une date ultérieure. Sur invitation de l’ambassadeur
libyen, il a été convenu que la prochaine réunion des experts se tienne à Tripoli (Lybie) du 27 au
29 mai 2000.653 Ce premier draft a néanmoins été amendé par la réunion.

2- La deuxième réunion des experts juridiques et parlementaires du 27-29 mai 2000


Cette seconde rencontre qui s’est tenue comme convenu à Tripoli (Lybie), à laquelle ont pris part
des représentants de quarante-sept Etats membres de l’OUA a vu resurgir les controverses qui
avaient opposées la délégation libyenne aux autres délégations lors de la première réunion.654 Dans
son discours d’ouverture de la réunion, le ministre libyen des affaires étrangères Abdelrahmen
Mohamed Chalgram insistait sur la nécessité d’examiner le projet libyen en parallèle avec les
documents proposés par l’OUA en raison du fait qu’il n’avait pas pu être considéré au Sommet
extraordinaire de Syrte par les chefs d’Etat et de gouvernement par manque de temps.655
L’argument est repris par le Président Kadhafi lors de son discours du 28 mai adressé aux chefs
des délégations essentiellement. Il a estimé que la première réunion des experts juridiques et
parlementaires du 17-20 avril tenue à Addis-Abeba ne s’était pas acquittée de sa tâche
conformément à la Déclaration de Syrte et qu’elle s’était écartée de son mandat. Pour lui, le

651
Ibid., par. 5.
652
Samir GHARBI, « L’OUA est morte. Vive l’Union africaine ! », Jeune Afrique, numéro 2057, 13-19 juin 2000, p.
68.
653
Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001
Constitutive Act, op. cit., p. 168.
OUA, Deuxième réunion des experts juridiques et des parlementaires sur la création de l’Union africaine et du
654

Parlement panafricain, 27-29 mai 2000, Tripoli (Lybie), SIRTE/Exp/Rpt (II), copie en notre possession. Voir sur le
nombre de participants, par. 2.
655
OUA, Deuxième réunion des experts juridiques et des parlementaires sur la création de l’Union africaine et du
Parlement panafricain, 27-29 mai 2000, par. 33 ; Samir GHARBI, « L’OUA est morte. Vivre l’Union africaine ! »,
op. cit., p. 69.

170
document de travail de la réunion devait être celui soumis par la Lybie au Sommet extraordinaire
de Syrte.656 Se fondant sur ces deux discours, le président de la session (de nationalité libyenne) a
incité les délégués à poursuivre les discussions sur la base du projet libyen « conformément aux
directives du Guide de la Révolution ».657 Cette position libyenne va encore une fois susciter de
vifs débats entre une minorité qui était d’accord pour utiliser le projet libyen comme document
principal de discussion et une majorité qui estimait qu’il fallait se référer aux projets proposés par
le secrétariat de l’OUA.658 Une proposition de compromis a été faite au cours des débats consistant
à travailler sur la base des documents élaborés par la première réunion des experts juridiques et
parlementaires tout en se référant au projet libyen chaque fois que de besoin en vue d’enrichir les
documents.659 Cette suggestion fut contestée par la délégation libyenne qui estimait que les
documents en question avaient littéralement vidé la Déclaration de Syrte de son sens.660 Certaines
délégations opposées à celle libyenne ont fait observer qu’elles avaient reçu mandat de discuter
les documents élaborés par la première réunion et qu’elles ne pouvaient pas outrepasser ce mandat.
Selon ces dernières, la mise à l’écart des documents de la première réunion remettrait en cause les
efforts déjà déployés par les Etats membres.661 Aucun compromis n’ayant été trouvé entre ces deux
tendances, il fut décidé une suspension des travaux afin de permettre des consultations avec le
Bureau de la Conférence élargi aux présidents des communautés économiques.662 Des
représentants de dix pays furent désignés pour mener les consultations.663 Il est ressorti de ces
consultations une tendance générale allant dans le sens de la poursuite des débats sur la base des

OUA, Deuxième réunion des experts juridiques et des parlementaires sur la création de l’Union africaine et du
656

Parlement panafricain, 27-29 mai 2000, par. 29.


657
Ibid., par. 31.
658
Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001
Constitutive Act, op. cit., p. 169
OUA, Deuxième réunion des experts juridiques et des parlementaires sur la création de l’Union africaine et du
659

Parlement panafricain, 27-29 mai 2000, par. 38-39.


660
Ibid., par. 40.
661
Ibid., par. 41
662
Ibid., par. 42
663
Ibid., par. 42, il s’agissait des représentants de la Lybie, Algérie, Gabon, Lesotho, Éthiopie, Mali, Djibouti, Guinée
équatoriale, Mozambique, Kenya.

171
projets du secrétariat de l’OUA et du projet issu de la première réunion d’Addis-Abeba avec des
possibilités de se référer au document lybien.664 Mais le président de session opposait de nouveau
son intransigeance en estimant que les discussions devraient se poursuivre sur la base du projet
libyen, faute de quoi les trois documents devraient être renvoyés à la réunion ministérielle pour
examen.665 C’est ainsi qu’il fut de nouveau convenu de porter les controverses à la session
ministérielle pour examen et directives.666

3- Réunion ministérielle sur la création de l’Union africaine et du parlement


panafricain du 31 mai – 2 juin 2000
Le conseil des ministres de l’OUA s’est réuni du 31 mai au 2 juin à Tripoli (Lybie) à la suite de la
seconde réunion des experts juridiques et des parlementaires qui s’est achevée sur une
impossibilité de parvenir à un consensus.667 A l’instar des experts juridiques et parlementaires, les
ministres se retrouvent confrontés à leur tour aux pressions libyennes.668 Dans son discours du 31
mai, M. Kadhafi attirait l’attention des participants sur le projet élaboré par la Lybie et qui n’avait
pas pu être examiné par les chefs d’Etat au Sommet extraordinaire de Syrte de septembre 1999.669
Ce projet définissait selon lui les institutions de l’Union africaine et estimait ainsi que la première
réunion des experts juridiques et des parlementaires s’était écartée des directives des chefs d’Etat
et de gouvernement.670 Il invitait par conséquent les ministres à ramener le processus sur la voie
tracée à Syrte. Ce qui impliquait que le projet libyen devait servir de base de rédaction du projet

OUA, Deuxième réunion des experts juridiques et des parlementaires sur la création de l’Union africaine et du
664

Parlement panafricain, 27-29 mai 2000, par. 43.


665
Ibid., par. 44.
666
Ibid., par. 45.
667
Cinquante un États membres étaient représentés à cette réunion, six pays notamment le Ghana, le Libéria, le
Malawi, le Mali, le Soudan et le Tchad étaient représentés au niveau des chefs d’État. Voir OUA, Projet de rapport
du rapporteur, Réunion ministérielle sur la création de l’Union africaine et du Parlement panafricain, 31 mai – 2 juin
2000, Tripoli (Libye), SIRTE/MIN/DRAFT/RAPT/RPT (I), par. 11. Copie en notre possession, p. 69.
668
Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001
Constitutive Act, op. cit., p. 171.
OUA, Projet de rapport du rapporteur, Réunion ministérielle sur la création de l’Union africaine et du Parlement
669

panafricain, op. cit., par. 11.


670
Ibid., par. 12

172
d’Acte constitutif.671 M. Kadhafi soutenait également que l’Etat-nation était entré dans une phase
de déclin et qu’il ne répondait plus aux aspirations des peuples à plus de liberté, de solidarité et
d’unité dans de grands ensembles pour relever les nombreux défis.672 Il estime en conséquence
que les Etats africains devraient passer à une nouvelle Organisation supranationale avec une seule
armée, un haut commandement africain, la responsabilité de la défense collective, et le droit
d’intervenir dans les affaires des Etats membres.673 A la suite du leader libyen, sont intervenus
d’autres chefs d’Etats qui ont dans leur allocution soutenu le projet libyen, faisant référence au
rêve d’unité africaine que nourrissait les pères fondateurs674 et insistant sur la nécessité pour
l’Afrique de parler d’une seule voix et de faire bloc au reste du monde.675

En dépit de ces pressions diplomatiques de Mouammar Kadhafi et de ses soutiens, la majorité des
Etats membres sont restés réticents à adopter le projet libyen. Face aux risques que cette rencontre
n’aboutisse une nouvelle fois à une autre impasse, la décision fut prise de mettre de côté les projets
du secrétariat ainsi que celui de la Libye afin d’élaborer un nouveau document.676 La réunion
décida ainsi de créer un groupe de travail placé sous la présidence du Mali pour élaborer un
nouveau projet en tenant compte des propositions faites.677 Le nouveau projet officieusement

671
Ibid., 12. Voir aussi Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of
Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act, op. cit., p. 170.
OUA, Projet de rapport du rapporteur, Réunion ministérielle sur la création de l’Union africaine et du Parlement
672

panafricain, 31 mai – 2 juin 2000, op. cit.,par. 8.


673
Voir l’interview de Carolyn HAGGIS avec Tiyanjana Maluwa, Carolyn HAGGIS, The African Union and
Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act, op. cit., p. 170.
674
Voir l’Allocution du Président Bashir du Soudan, Projet de rapport du rapporteur, Réunion ministérielle sur la
création de l’Union africaine et du Parlement panafricain, 31 mai – 2 juin 2000, op. cit., par. 17.
675
Le président du Libéria Charles Taylor ainsi que celui du Mali Alpha Omar Konaré se sont également prononcés
en faveur du projet libyen, même si Alpha Konaré était réservé quant à la création immédiate d’une fédération qui
impliquait un transfert de souveraineté, voir Samir GHARBI, « L’OUA est morte. Vivre l’Union africaine! », op. cit.,
p. 70.
676
Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001
Constitutive Act, op. cit., p. 171.
OUA, Projet de rapport du rapporteur, Réunion ministérielle sur la création de l’Union africaine et du Parlement
677

panafricain, op. cit., par. 64.

173
désigné comme le « compromis de Mali »678, est présenté aux ministres par le président A. Omar
Konaré le 1er juin 2000.679 A l’image du projet du secrétariat, il préconisait l’usage du Mécanisme
de l’OUA pour la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité.680 Il ne prévoyait pas non
plus de droit d’intervention dans les affaires intérieures des Etats membres, ni comment la nouvelle
Organisation entendait prendre en charge les questions humanitaires ou les violations flagrantes
des droits de l’homme comme le génocide.681 Comme on aurait pu s’y attendre, le « compromis
de Mali » n’a pas été très bien accueilli par la Lybie et ses partisans qui reprochaient au document
de n’avoir pris en compte aucune proposition du projet libyen.682 De l’autre côté, certains Etats
influents tels que le Kenya, l’Égypte, le Nigéria et l’Afrique du Sud s’opposaient à leur tour à la
vision de la Lybie surtout sur la proposition de conférer un droit d’intervention à l’Union
africaine.683 Selon ces pays, les propositions libyennes étaient très ambitieuses et préjudiciaient
considérablement les souverainetés Etatiques.684 Il est de plus rapporté que certaines délégations
entretenaient des suspicions sur les intentions réelles de la Lybie quant à la proposition de doter
l’Union africaine d’un droit d’ingérence dans les Etats membres.685 Sentant que cette réunion
s’acheminait à nouveau vers une nouvelle crise, le président sénégalais Abdoulaye Wade entreprit
de s’adresser aux ministres encore une fois dans la soirée du 2 juin.686 Son discours invitait ceux-
ci à prendre leurs responsabilités pour éviter l’échec du projet de l’Union africaine. N’étant pas

678
Samir GHARBI, « L’OUA est morte. Vivre l’Union africaine! », op. cit. p.69.
679
Samir GHARBI, « L’Union africaine selon Konaré », Jeune Afrique, numéro 2060, 4-10 juillet 2000, p. 26
680
OUA, Avant-Projet de traité instituant l’Union africaine, CAB/LEG/23.15/1/Vol. IV/Rev.2, document non daté,
copie en notre possession, voir article 3 (d).
681
Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001
Constitutive Act, op. cit., p.171.
682
Samir GHARBI, « En Dix Questions », Jeune Afrique, numéro 2060, 4-10juillet 2000, p. 26.
683
Tiyanjana MALUWA, « Reimagining African Unity: Some Preliminary Reflections on The Constitutive Act of
The African Union », op. cit., p. 200, note de bas de page 15; « Samir GHARBI, En dix Questions », op. cit., p. 22.
684
Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001
Constitutive Act, op. cit., p. 172.
685
Ces suspicions étaient alimentées par les soutiens de la Lybie à certains mouvements rebelles, voir Tiyanjana
MALUWA, « Reimagining African Unity: Some Preliminary Reflections on The Constitutive Act of The African
Union », op. cit., p. 215, note de bas de page 49.
686
Samir GHARBI, « L’OUA est morte », op. cit.,p. 71.

174
favorable à un abandon de la souveraineté687, il suggéra aux ministres de réserver la « grande vision
de KADHAFI », soutenant plutôt l’idée de la mise en place d’une nouvelle Organisation régionale
mais avec des compétences limitées.688 Les pouvoirs qu’il fallait conférer à la nouvelle
Organisation selon le président sénégalais, n’impliquait pas de compétences en matière de paix et
de sécurité, à fortiori un droit d’ingérence dans les Etats membres.689 Ce dernier discours couplé
au délai imposé par la Déclaration de Syrte pour l’adoption de l’Acte constitutif fini de mettre les
ministres dans une pression telle qu’ils n’auront d’autres choix que de trouver un compromis.690
La réunion qui était initialement prévu pour prendre fin le 2 juin à 18h se prolongera jusqu’au
lendemain 3 juin à 5h du matin.691 Aucun compte rendu n’est disponible sur ces longues
discussions nocturnes du 2 juin. On peut juste bien imaginer que les ministres ont eu du mal à
s’entendre sur un projet commun. Néanmoins, un consensus a été trouvé au matin du 3 juin et un
autre nouveau projet d’Acte constitutif devait être produit par le secrétariat de l’OUA sur les bases
des concessions verbales des ministres.692 Le nouveau projet issu de la réunion ministérielle
montre clairement cependant que la délégation libyenne a réussi à obtenir des acquis considérables
au cours de cette rencontre. Premièrement, le nouveau texte prévoit une défense commune en
conférant à l’Union africaine le pouvoir de « défendre le continent sur terre, sur mer, dans les airs
et dans les cas d’agression extérieure ».693 Cette disposition ressemble fort curieusement à une
proposition similaire défendue par le projet libyen de Syrte.694 Plus important, ce nouveau projet
adopte pour la première fois l’idée de conférer un droit d’intervention à la nouvelle Organisation

687
OUA, Report of the Ministerial Conference on the Establishment of the African Union and the Pan-African
Parliament, OAU doc. CM/2162 (LXXII), 4-8 July 2000, par. 61.
688
Samir GHARBI, « En Dix Questions », op. cit., p. 23
689
« ….Et selon Wade », Jeune Afrique, no 2060, 4-10 juillet 2000, p. 27.
690
La Déclaration de Syrte avait prévu que l’Acte constitutif de l’Union africaine soit adopté au 36e Sommet de l’OUA
qui devait se tenir en juillet, voir Déclaration de Syrte, quatrième session extraordinaire des chefs d’État et de
gouvernement de l’OUA, op. cit., par. 8, (iii).
691
Samir GHARBI, « L’OUA est morte », op. cit., p. 71.
692
Ibid., p. 71.
693
OUA, Projet d’Acte Constitutif de l’Union, Rev. I, document non daté, en notre possession, Article 4 (e), voir aussi
« Le projet d’Acte constitutif », Jeune Afrique, numéro 2060, 4-10 juillet 2000, p. 24. Nos italiques.
694
Voir Déclaration de Syrtes 9. 9. 99, op. cit., par. 2, al. 4.

175
en création. Le document énonce le « droit de chaque Etat membre de l’Union de demander
l’assistance de l’Union. Et le droit de l’Union d’intervenir pour rétablir la paix et la sécurité ».695
Cette dernière disposition présente encore une fois une similarité manifeste avec la proposition
libyenne du droit d’intervention contenu dans le projet de Syrte. En rappel, la disposition contenue
dans le projet libyen était libellée comme suit : « le droit de tout Etat membre de demander le
secours de l’Union africaine et le droit de celle-ci à intervenir sur la demande du Congrès dans
le but de restaurer la paix et la sécurité dans tout Etat membre incapable de demander secours à
l’Union ». 696 Deuxièmement, en plus du compromis sur un droit d’intervention, le nouveau projet
a également consacré l’infléchissement du principe de non-intervention qui était absolu dans les
précédents projets. Il reformule le principe de non-intervention en ces termes : « Non-ingérence
dans les affaires intérieures des Etats, sauf dans des situations susceptibles de compromettre la
paix sur le continent. Et dans le cas du génocide ».697 Le projet ministériel est ainsi le premier
document officiel des travaux préparatoires à affirmer un droit d’intervention de façon expresse
en l’énonçant dans une disposition du projet et de façon implicite par une relecture du principe de
non-intervention. De plus, ce dernier projet est le premier document à faire référence au terme
génocide comme un motif suffisant pour déclencher l’exercice du droit d’intervention. On ne sait
par contre pas comment le terme a fait son apparition dans le projet, ni quelle délégation a pu
suggérer son insertion, vu que la réunion n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit. On sait juste
que le Groupe International d’Éminentes Personnalités en abrégé (GIEP) mis en place par l’OUA
pour enquêter sur le génocide intervenu au Rwanda en 1994 venait de rendre son rapport quelques
jours avant la réunion ministérielle, précisément le 29 mai 2000.698 Ce rapport a – t- il influencé la

« Le projet d’Acte constitutif », op. cit. p. 24. Voir aussi, Projet d’Acte Constitutif de l’Union, Rev. I, Article 4 (i).
695

Nos italiques.
696
Voir Déclaration de Syrtes 9. 9. 99, op. cit., par. 2, al. 8. Nos italiques.
697
« Le projet d’Acte constitutif », op. cit., p. 24. Nos italiques.

698
Voir Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the
2001 Constitutive Act, op. cit., p. 175. Voir sur le rapport du Groupe International d’Eminentes Personnalités (GIEP),
OUA, Rwanda, le génocide qu’on aurait pu stopper. Rapport des experts sur le génocide au Rwanda, Addis-Abéba,
7 juillet 2000 (AUO, Rwanda : The Preventable Genocide, Addis-Ababa, mai 2000), lettre de transmission para. 5,
p.7 disponible sur http://www.africa-union.org/official documents/reports/OUA-

176
rencontre ministérielle ? L’absence de documentation sur la réunion ne permet pas de répondre à
un tel questionnement. Il reste important de retenir en résumé que la délégation libyenne a obtenu
de considérables acquis au sortir de cette étape des travaux au regard des rapprochements évidents
entre le projet issu de la rencontre ministérielle et le projet libyen de déclaration de Syrte. Les
tableaux suivants inspirés de ceux réalisés par Carolyn Haggis permettent de voir l’évolution de
l’article 4 (h) depuis sa formulation originelle dans le projet libyen de déclaration de Syrte à sa
réapparition dans le projet ministériel de juin 2000.

Rapport%20sur%20le%20genocide%20au%20Rwanda.pdf. À noter que la lettre de transmission date du 29 mai


2000.

177
Tableau 1 : Comparaison entre le projet proposé par la Lybie à celui proposé par le
secrétariat de l’OUA

Déclaration de Syrtes, 9 Septembre 1999, projet Projet de Traité instituant l’Union africaine
proposé par la Lybie proposé par le secrétariat de l’OUA

1. L’égalité entre Etats membres de l’Union. 1. LES HAUTES PARTIES


2. L’autorité entre les mains des peuples. CONTRACTANTES, conformément aux
3. L’engagement à mettre en œuvre les objectifs énoncés à l’article 4 du présent
politiques de l’Union en bonne ; tout Etat Traité, réaffirment solennellement leur
contrevenant se plie aux sanctions décidées adhésion aux principes énoncés à l’article 3
par le Congrès. de la Charte de l’OUA et à l’article 3 du
4. L’Union s’engage à défendre le continent Traité instituant l’AEC.
sur terre, mer et airs. 2. En outre, elles affirment et déclarent
5. Le règlement de différends surgissant entre solennellement leur adhésion aux principes
les Etats membres par les moyens suivants :
appropriés en accord avec les décisions du a) respect des frontières existant à
Congrès. l’accession de l’indépendance
6. L’interdiction d’user ou de menacer d’user nationale;
de la force entre les Etats membres ou/et de b) principes démocratiques, notamment le
manière à mettre en péril la paix et la respect des libertés individuelles et
sécurité africaines. collectives, et la tenue d’élections libres
7. L’interdiction de l’intervention de tout Etat et transparentes;
contre un autre des pays membres. c) condamnation et rejet des changements
8. Le droit de tout Etat membre de anticonstitutionnels de gouvernement;
demander le secours de l’Union africaine d) tolérance, compréhension mutuelle et
et le droit de celle-ci à intervenir sur la respect des droits des personnes
demande du Congrès dans le but de appartenant à des groupes minoritaires;
restaurer la paix et la sécurité dans tout e) prévention et règlement pacifique des
Etat membre incapable de demander conflits;
secours à l’Union. f) respect des droits de l’Homme et des
9. Auto dépendance collective dans le cadre Peuples, conformément aux
de l’Union en matière de politique de dispositions de la Charte africaine des
défense, de sécurité, d’économie et de droits de l’Homme et des Peuples et
culture. d’autres instruments pertinents relatifs
10. Le respect des libertés civiles et politiques et aux droits de de l’Homme;
les droits de l’Homme notamment les droits g) promotion de la justice, de l’équité et de
d’auto disposition et de la jouissance des la solidarité dans les relations
fruits de son effort. internationales;
11. La justice sociale, le développement h) respect du droit international;
équilibré, le socialisme populaire, la levée i) bonne gouvernance et lutte contre la
des barrières qui empêchent la libre corruption;
circulation des personnes, des biens, des j) l’égalité entre les hommes et les
flux financiers, du commerce et des femmes.
ressources animales au sein du continent.
12. La condamnation des actes subversifs et
terroristes dans toutes leurs formes.

178
Tableau 2 : Comparaison entre le projet proposé par la Lybie et le projet issu de la réunion
ministérielle de l’OUA du 31 mai – 2 juin 2000
Déclaration de Syrte, 9 Septembre 1999, projet Projet d’Acte constitutif de l’Union issu de la
proposé par la Lybie réunion ministérielle du 31 mai – 2 juin

1. L’égalité entre Etats membres de l’Union. (a) Égalité souveraine et indépendance de tous
2. L’autorité entre les mains des peuples. les Etats membres de l’Union ;
3. L’engagement à mettre en œuvre les (b) Respect des frontières reconnues au moment
politiques de l’Union en bonne ; tout Etat de l’accession à l’indépendance ;
contrevenant se plie aux sanctions décidées (c) Participation des peuples africains aux
par le Congrès. activités de l’Union ;
4. L’Union s’engage à défendre le continent (d) Engagement à mettre en œuvre les décisions
sur terre, mer et airs. et les politiques de l’Union ;
5. Le règlement de différends surgissant entre (e) Engagement de l’Union à défendre le
les Etats membres par les moyens continent africain sur terre, sur mer et
appropriés en accord avec les décisions du dans les airs en cas d’agression extérieure
Congrès. ;
6. L’interdiction d’user ou de menacer d’user (f) Règlement pacifique des conflits entre les
de la force entre les Etats membres ou/et de Etats membres de l’Union par les moyens
manière à mettre en péril la paix et la appropriés qui peuvent être décidés par la
sécurité africaines. Conférence de l’Union ;
7. L’interdiction de l’intervention de tout Etat (g) Interdiction d’user ou de menacer d’user de
contre un autre des pays membres. la force entre les Etats membres de l’Union
8. Le droit de tout Etat membre de d’une manière susceptible de compromettre
demander le secours de l’Union africaine la paix et la sécurité en Afrique ;
et le droit de celle-ci à intervenir sur la (h) Non-ingérence dans les affaires intérieures
demande du Congrès dans le but de des Etats, sauf dans des situations
restaurer la paix et la sécurité dans tout susceptibles de compromettre la paix sur le
Etat membre incapable de demander continent. Et dans le cas du génocide ;
secours à l’Union. (i) Droit de tout Etat membre de l’Union de
9. Auto dépendance collective dans le cadre vivre dans la paix et la sécurité et de
de l’Union en matière de politique de solliciter l’aide de l’Union, par
défense, de sécurité, d’économie et de l’intermédiaire de la Conférence de
culture. l’Union, et droit de l’Union d’intervenir
10. Le respect des libertés civiles et politiques et pour restaurer la paix et la sécurité ;
les droits de l’Homme notamment les droits (j) Auto dépendance collective, dans le cadre
d’auto disposition et de la jouissance des de l’Union,
fruits de son effort. (k) Promotion de l’égalité entre les hommes et
11. La justice sociale, le développement les femmes ;
équilibré, le socialisme populaire, la levée (l) Respect des principes démocratiques, des
des barrières qui empêchent la libre droits de l’Homme, de l’Etat de droit et de la
circulation des personnes, des biens, des bonne gouvernance ;
flux financiers, du commerce et des (m) Justice sociale pour assurer le
ressources animales au sein du continent. développement économique équilibré ;
12. La condamnation des actes subversifs et (n) Respect du caractère sacro-saint de la vie
terroristes dans toutes leurs formes. humaine et condamnation et rejet de
l’impunité, des assassinats politiques, des
actes de terrorisme et des activités
subversives ;
(o) Condamnation et rejet des changements
anticonstitutionnels de régime.

179
Cette seconde session ministérielle n’avait pas réussi à totalement évacuer les réticences des
délégations sur les propositions radicales qui semblaient pourtant avoir fait l’objet de consensus.
Il était prévu que le projet d’Acte constitutif ainsi adopté après la session ministérielle soit soumis
au Conseil de ministres pour examen et adoption éventuelle avant son adoption par la trente
sixième (36e) session ordinaire des chefs d’Etats et de gouvernement prévu pour se tenir en début
juillet à Lomé au Togo.699

4- Le Conseil des ministres de l’OUA du 4 au 8 juillet 2000


Cette dernière rencontre ministérielle devait permettre aux ministres de réexaminer à nouveau le
projet issu de la réunion ministérielle de juin 2000, avant sa soumission pour adoption à la
Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, prévue pour se tenir à Lomé (Togo) du 10 au 12
juillet. L’échéance très rapprochée de la Conférence s’est avérée être une pression supplémentaire
pour les ministres, mais cela n’a pas suffi à aplanir les tensions au cours de cette nouvelle session.
Craignant une nouvelle impasse, certains ministres auraient même proposé d’ajourner le projet
d’Acte constitutif afin d’avoir plus de temps d’en discuter.700 La séance ayant été maintenu, les
ministres ont dû se pencher à nouveau sur le document issu du consensus de juin 2000.
Curieusement cependant, il s’est avéré que le document soumis à l’examen des ministres n’était
pas celui adopté à la réunion ministérielle de juin 2000.701 On ignore si les changements opérés
sur le projet de juin 2000 sont l’œuvre du secrétariat de l’OUA, ou du Comité des ambassadeurs
qui s’était réuni avant le conseil des ministres ou même des deux.702 Toujours est- il que des
changements importants ont été apportés au projet de juin 2000. Un premier portait sur le droit de

699
Tiyanjana MALUWA, « La transition : De l’Organisation de l’Unité Africaine à L’Union africaine », dans Fatsah
OUGERGOUZ, Abdulquawi a. YUSUF, L’Union africaine : Cadre juridique et institutionnel : Manuel sur
l’Organisation panafricaine, Editions A. Pedone, 2013, p. 46.
700
Le ministre Kenyan des affaires étrangères Bonaya Godana aurait par exemple proposé que le projet soit mis en
suspens et examiné à une date ultérieure, voir Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins
and Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act, op. cit., p. 178 ; Samir GHARBI, « Faire l’histoire pour
ne plus la subir » , Jeune Afrique, numéro 2062, 18-24 juillet 2000, p. 11.
701
Draft Constitutive Act of African Union, OAU doc. CM/2162 (LXXII), document non daté, copie en notre
possession.
702
Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001
Constitutive Act, op. cit., p. 178.

180
l’Union africaine d’intervenir dans les affaires intérieures des Etats membres. Concrètement, la
disposition conférant le droit à l’Union africaine d’intervenir pour rétablir la paix et la sécurité
dans un Etat membre a été purement et simplement supprimée.703 D’autres modifications ont été
apportées à la disposition qui portait sur la non-intervention. La nouvelle mouture se lisait ainsi :
« Non-ingérence d’un Etat membre dans les affaires intérieures d’un autre Etat, sauf dans des
circonstances graves telles que le génocide et lorsque l’Assemblée de l’Union en décide ainsi ».704
Le génocide a été maintenu comme un motif suffisamment important pour justifier une
intervention dans les affaires intérieures des Etats membres, cependant le motif de rétablissement
de la paix et de la sécurité avait été supprimé. La formulation de la disposition pourrait néanmoins
donner à penser que ce dernier motif serait inclus dans le bout de phrase « et lorsque l’Assemblée
de l’Union en décide ainsi ». L’expression « circonstances graves telles que le génocide » semble
avoir attirée plus de consensus par rapport à celle de « paix et de sécurité ».705

Ce nouveau document qui a été soumis à l’examen du Conseil des ministres déchaina de nouveau
de grandes tensions. Le Conseiller juridique de l’OUA de cette époque, Tiyanjana Maluwa
rapporte que la question du droit d’intervention de l’Union africaine dans les affaires intérieures
de ses Etats membres a suscité un « débat animé » lors de ce Conseil des ministres.706 Selon
l’auteur, les débats ont porté sur une autre formulation de l’article 4 (h) qui proposait de conférer
un droit d’intervention à l’Union pour faire face à des situations de « menace sérieuse à un ordre
légitime » pour « rétablir la paix et la stabilité dans les Etats membres » ainsi que des situations

703
Il est seulement prévu le droit des États membres de l’Union africaine de demander une intervention dans le but de
rétablir la paix et la sécurité, voir Draft Constitutive Act of African Union, op. cit., Article 4 (i).
704
Draft Constitutive Act of African Union, op. cit., Article 4 (g).
705
Ibid., Article 4 (i).
706
Tiyanjana MALUWA, « Reimagining African Unity: Some Preliminary Reflections on The Constitutive Act of
The African Union », op. cit., p. 28; voir également Musifiky MWANASALI, « Africa’s Responsability to Protect »,
in Adekeye ADEBAJO And Helen SCALON, (eds)., A Dialogue of the Deaf: Essays on Africa and the United Nations,
Auckland Park : Jacana Media, 2006, p. 92 ; Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and
Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act, op. cit., p. 179.

181
résultant « d’agressions extérieures » et de « troubles ».707 Certains autres auteurs se souviennent
également que les discussions ont porté sur des motifs d’intervention tels que l’« agression
extérieure », des « troubles » et la « préservation de la stabilité politique ».708 Il reste impossible
de savoir si c’est de nouveau la délégation libyenne ou d’autres délégués qui ont suggéré ces motifs
d’intervention au cours de cette session ministérielle. On peut cependant relever que les
discussions ont cette fois débordé le cadre des propositions initiales du projet libyen pour
embrasser une diversité de motifs. La teneur des discussions animées auxquelles ont donné lieu
ces nouveaux motifs seront abordés en détail dans le paragraphe suivant. Il convient juste de noter
qu’à l’issue des débats qui se sont étalés sur six jours, la session qui était initialement prévue pour
prendre fin le 8 juillet s’est prolongé jusqu’au 10 juillet, d’autres modifications ont été apportées
au projet d’Acte constitutif, particulièrement sur les dispositions portant sur le droit d’intervention.
Ainsi, le premier changement opéré par le Conseil des ministres sur le document modifié soumis
à leur examen a été de réinsérer de nouveau une disposition conférant un droit d’intervention à
l’Union africaine et de l’énoncer séparément du principe de non-intervention. Le nouveau projet
adopté par les ministres disposait comme suit :

Article 4 : Principes

g) La non-ingérence d’un Etat membre dans les affaires intérieures d’un autre Etat membre ;

h) Le droit de l’Union d’intervenir dans un Etat membre en application d’une décision de


l’Assemblée relative à des circonstances graves, tel que le génocide ; 709

Ces dispositions suggèrent une lecture de la non intervention se rapprochant du projet initial libyen
de déclaration de Syrte qui consiste à considérer que la non intervention s’appliquait désormais
uniquement qu’aux relations entre les Etats membres. L’Union en tant qu’organe collectif en était

707
Tiyanjana MALUWA, « The OUA/ African Union and International Law: Mapping New Boundaries or Revisiting
Old Terrain », American Society of International Law Proceedings, vol. 98, 2004, p. 235.
Ben KIOKO, « The Right of Intervention under the African Union’s Constitutive Act: From Non-interference to
708

Non-intervention », International Review of Red Cross, vol. 85, 2003, p. 811; Musifiky MWANASALI, « Africa’s
Responsibility to Protect », op. cit., p. 92.
709
OUA, Projet d’Acte constitutif de l’Union africaine, OUA Doc. CM/2162 (LXXII) Rev. 1, Annex I, 4-8 juillet
2000, copie en notre possession.

182
dispensée, surtout lorsqu’elle doit faire face à la survenance des situations de circonstances graves
dans un Etat membre.

La seconde modification importante apportée par les ministres a été le fait de subordonner
l’exercice du droit d’intervention à deux conditions fondamentales : l’existence de circonstances
graves et une décision de l’Assemblée de l’Union.710 Ces conditions n’étaient pas cumulatives
dans les autres projets, l’une ou l’autre pouvait justifier la mise en œuvre du droit d’intervention.711
Le dernier changement majeur effectué par les ministres sur le document portait sur la légitime
défense collective. L’engagement ferme de « défendre le continent sur terre, sur mer, dans les airs
et dans les cas d’agression extérieure »712 affirmé à la fois dans le projet ministériel de Tripoli de
2000 que dans le projet révisé de début juillet 2000 a été assoupli. Le nouveau projet énonce plutôt
un engagement à mettre en place une politique commune de défense.713 Ce dernier amendement
serait attribuable aux pressions du ministre de l’Afrique du Sud.714

Les travaux du Conseil des ministres ont pris fin à sept heures du matin du 10 juillet 2000715, et ce
dernier projet a été adopté par tous les ministres sauf celui du Botswana.716 C’est ce projet adopté
qui devrait en principe être soumis à la trente sixième (36e) Conférence ordinaire des chefs d’Etat
et de gouvernement qui se tenait du 10 au 12 juillet pour examen et adoption.

710
Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001
Constitutive Act, op. cit., p. 182.
711
Le projet ministériel de juin 2000 énonçait le droit d’intervention comme suit : « le droit de chaque État membre
de demander l’assistance de l’Union. Et le droit de l’Union d’intervenir pour rétablir la paix et la sécurité », il n’était
assorti d’aucune autorisation de l’Assemblée de l’Union. Dans le projet modifié de début juillet soumis au Conseil
des ministres, il était mentionné la « Non-ingérence d’un État membre dans les affaires intérieures d’un autre État,
sauf dans des circonstances graves telles que le génocide et lorsque l’Assemblée de l’Union en décide ainsi ».
712
Voir Projet d’Acte Constitutif de l’Union, Rev. I, op. cit., Article 4 (e).
713
OUA, Projet d’Acte constitutif de l’Union africaine, op. cit., Article 4 (d).
714
Samir GHARBI, « Ce qui changera avec l’Union africaine », Jeune Afrique, numéro 2063, 25-31 juillet 2000, p.
32.
715
Samir GHARBI, « Faire l’histoire pour ne plus la subir », op. cit., p. 11.
716
Samir GHARBI, « Ce qui changera avec l’Union africaine », op. cit., p. 32.

183
5- La 36e Conférence ordinaire des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’OUA du 10-
12 juillet 2000
Cette conférence a connu une participation des plus importantes de quarante-sept chefs d’Etat et
de gouvernement ou de leurs représentants désignés. C’est la dernière instance qui avait été prévue
par la Déclaration de Syrte pour procéder à l’examen et à l’adoption définitive de l’Acte constitutif
de l’Union africaine. Au regard des tensions qui ont émaillé les travaux préparatoires, on se serait
logiquement attendu à de nouveaux débats à cette rencontre. Mais curieusement, le projet d’Acte
constitutif fut porté au vote sans aucune forme de discussions.

L’ancien conseiller juridique Tiyanjana Maluwa note à ce propos que l’Acte constitutif a été adopté
sans surprise le 11 juillet 2000 par l’Assemblée plus rapidement que ne l’aurait anticipé les
partisans les plus optimistes du projet de l’Union africaine.717 Selon l’auteur, cette prompte
adoption se justifiait par le fait que la plupart des questions critiques avaient été réglées lors des
délibérations ministérielles de Tripoli et de Lomé.718 Toujours selon le même auteur, l’hésitation
et le scepticisme qui avaient été exprimés par certains dirigeants au Sommet de Syrte avaient
complétement disparu à Lomé.719 Certains participants à la Conférence ont cependant soutenu la
persistance de considérables tensions entre les Etats dits « modérés » et ceux qualifiés de « radicaux
» au point où une impasse était pressentie.720 Il est également rapporté que certains chefs d’Etat
planifiaient de présenter des amendements de dernière minute au projet d’Acte constitutif au cours
de la Conférence.721 Le président du Nigéria Olusegun Obasanjo aurait sauvé la conférence d’une

717
Tiyanjana MALUWA, « Reimagining African Unity: Some Preliminary Reflections on The Constitutive Act of
The African Union », op. cit., p. 21.
718
Ibid.
719
Ibid.
720
Voir Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the
2001 Constitutive Act, op. cit., p. 183, l’auteur a recueilli ces informations au travers d’une interview du ministre
plénipotentiaire du gouvernement du Nigéria en Ethiopie, Monsieur Layi-Kayode Iyanda, réalisée à Addis-Abeba le
11 février 2005.
721
Ibid., voir note de bas de page 111. Les Présidents ougandais Yoweri Museveni et sénégalais Abdoulaye Wade
étaient de ceux qui prévoyaient rouvrir les débats sur certaines dispositions du projet. Propos rapportés à l’auteur par
un diplomate ayant participé au processus d’adoption de l’Acte constitutif. Le leader lybien projetait également de

184
crise certaine en proposant d’entrée de jeu que celui-ci ne soit pas de nouveau rouvert aux
discussions mais adopté tel quel par acclamation. Il estimait que le projet d’Acte constitutif
présenté aux chefs d’Etat et de gouvernement était globalement acceptable et qu’il était prêt à
signer le document dans sa forme actuelle.722 Pour le chef d’Etat Nigérian, il était « préférable
d’avoir quelque chose et de commencer quelque part », que de n’avoir aucun traité, tout en
suggérant que les dirigeants africains puissent à l’avenir « construire » sur ce qui a été adopté à
Lomé.723 La proposition du président Nigérian avait mis les chefs d’Etat et de gouvernement
devant un délicat dilemme, accepter l’Acte constitutif tel qu’il était ou prendre le risque de voir
tout le projet s’effondrer faute de consensus. Cette proposition du Nigéria impliquait également
que les pays dits « modérés » (dont les chefs de file sont l’Afrique du Sud et le Nigéria) n’étaient
plus disposés à faire d’autres concessions. Le leader libyen qui a été pris de court par cette
proposition de vote sans possibilités de nouveaux débats n’a pas manqué d’exposer sa déception.
Dans son discours prononcé le 10 juillet 2001 au Sommet de Lusaka, Kadhafi déclarait que :

« The Constitutive Act was supposed to be discussed in Lomé, but it was not, because some of my colleagues,
Heads of State preferred not to present it for debate so that there will be no divergence of views on it, so that
this legal document will not be stalled. Instead, they proposed that we approve it as it was... out of our decision
to have a common position, we agreed to approve the Constitutive Act as it was...».724

faire de nouvelles propositions et de relancer de nouveau les débats, voir African Geopolitics, no 3-4, Summer-Fall,
2001.
722
Propos recueillis par Carolyn Haggis avec le ministre plénipotentiaire du Nigéria Iyanda ainsi qu’avec un diplomate
anonyme ayant participé au processus d’adoption de l’Acte constitutif, Carolyn HAGGIS, The African Union and
Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act, op. cit., p. 184, notes de bas
de page 112 et 113.
723
Propos recueillis par Carolyn Haggis avec le ministre plénipotentiaire du Nigéria Iyanda, voir Carolyn HAGGIS,
The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act, op.
cit., p. 184, note de bas de page 114.
724
« Speech by Moammar Al Gadhafi, Leader of the Lybian Revolution, at the African Summit in Lusaka » , African
Geopolitics, no 3-4, Summer-Fall, 2001. Le discours a été prononcé au Sommet de Lusaka le 10 juillet 2001.

185
La recommandation du président nigérian avait cependant eu momentanément raison des
réticences, le projet d’Acte constitutif fut mis au vote et adopté à l’unanimité sans aucune
réserve.725 La version finale de l’article 4 (h) dans l’Acte constitutif se lisait comme suit :

Article 4
Principes
h) Le droit de l’Union d’intervenir dans un Etat membre sur décision de la Conférence, dans
certaines circonstances graves à savoir : les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre
l’humanité.726

On notera que cette version finale n’est pas la même que celle adoptée par le Conseil des ministres
au matin du 10 juillet 2000. Les deux exemples de circonstances graves qui pourraient justifier la
mise en œuvre de l’article 4 (h) que sont les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité ne
figuraient pas dans la version finale du projet adopté par le Conseil des ministres le matin du 10
juillet 2000. On ne sait pas exactement qui a procédé à ces ajouts.727 Après la séance de vote,
vingt-sept (27) des quarante-sept (47) chefs d’Etat et de gouvernement présents à la Conférence
procédèrent à la signature de l’Acte constitutif de l’Union africaine, signe que le projet avait obtenu
une satisfaction générale. Seul le gouvernement libyen était manifestement insatisfait de l’Acte
constitutif.728 La déception libyenne était prévisible dans le sens où la majorité de ses propositions

725
« L’Union au forceps », Jeune Afrique, numéro 2062, 18-24 juillet 2000, p. 8.
726
Voir Projet d’Acte constitutif de l’Union africaine, Conférence des chefs d’État et de gouvernement, trente sixième
session ordinaire/quatrième session ordinaire de l’AEC, Lomé, Togo, 10-12 juillet 2000, AHG/219 (XXXVI), copie
en notre possession.
727
Nous avons interrogé des fonctionnaires travaillant aux archives de l’Union africaine et qui ont participé aux
travaux préparatoires de l’Acte constitutif mais n’avons obtenu aucune réponse sur les auteurs de ces ajouts. Carolyn
Haggis pense que ce sont les ministres qui auraient convenu de cette dernière formulation lors du Conseil de ministres
sans cependant le transcrire dans le projet final qu’ils ont adopté. Une autre hypothèse serait que ce sont les chefs
d’État et de gouvernement qui auraient procédé aux modifications avant l’adoption du texte final, cette hypothèse
reste peu probable. Voir Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of
Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act, op. cit., p. 185, note de bas de page 119.
728
Le porte-parole du gouvernement libyen déclarait à propos de l’Acte constitutif : « Le projet est en déça de nos
ambitions, mais tout le monde a fait des concessions, cela pourrait bien être un début », voir « OAU leaders agree to
boost ties by setting up regional parliament », Agence France Press, 12 juillet 2000.

186
radicales n’avait pas prospéré. Ce qui explique le fait qu’immédiatement après avoir apposé sa
signature à l’Acte constitutif, la Lybie a entrepris de proposer des amendements au document.

Paragraphe II : la teneur des débats et concessions sur l’article 4 (h)

Nous avons vu dans ce premier paragraphe l’évolution textuelle de l’article 4 (h) au travers du
processus d’adoption de l’Acte constitutif de l’Union africaine. Dans ce second paragraphe, nous
revenons en détails sur la teneur des discussions et négociations qui ont permis la consécration de
l’article 4 (h) dans sa version finale.

En rappel, nous avons vu qu’un droit d’intervention avait été formulé pour la première fois au
cours des travaux préparatoires par le projet libyen de Déclaration de Syrte. Par la suite, nous avons
vu que cette proposition jugée suffisamment radicale a rencontré des réticences des délégations
des autres Etats. Mais ces résistances originelles ont fini par s’estomper pour donner lieu à un
consensus sur le principe même de l’institutionnalisation d’un droit d’intervention. Nous
aborderons donc dans un premier point les raisons qui ont milité en faveur de l’acceptation d’un
droit d’intervention dans l’Acte constitutif de l’Union africaine (A).

Il ressort également de l’analyse du premier paragraphe que la formulation originelle de l’article 4


(h) en faisait un droit d’intervention de l’Union pour restaurer la paix et la sécurité. Mais cette
première formulation a évolué au gré des discussions et négociations des travaux préparatoires
pour donner au final un droit d’intervention pour des motifs humanitaires dans la version finale
adoptée à la Conférence ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement le 11 juillet 2000.729 Les

729
Cette première version finale sera à son tour amendé juste trois ans après son adoption en 2003. L’amendement qui
a consisté en l’ajout d’un nouveau motif d’intervention, la menace grave de l’ordre légitime d’un État afin d’y restaurer
la paix et la sécurité en rajoute encore une fois des controverses sur la nature du droit d’intervention qui a été
institutionnalisé, voir sur ce point, principalement, Evarist BAIMU and Kathryn STURMAN, « Amendment to the
African union’s right to intervene a shift from human security to regime security? », African Security Review, vol. 12,
2003, pp.37-45 ; Hajer GUELDICH, Droit d’ingérence et interventions humanitaires : état du droit et de la pratique
internationale, thèse soutenue à l’Université de Tunis, 2008, pp. 474-475; Sabelo GUMEDZE, «The African Union
and the Responsability to protect», African Human Rights Law Journal, vol. 10, no1, 2010, p. 149; Alimata DIALLO,
« Le droit d’intervention de l’Union africaine au motif de « menace grave à l’ordre légitime : état des lieux et
perspectives de mise en œuvre », Revue juridique et politique des États francophones, 70e année, no1, janvier-mars,
2016, pp. 154-181.

187
raisons qui ont motivé le changement de la nature du droit d’intervention sont abordées dans un
second point (B).

A- L’institutionnalisation d’un droit d’intervention : D’une réticence initiale à la


concession

On se souviendra que l’idée de conférer un droit d’intervention à l’Union africaine en création a


été pour la première fois formulée par le projet libyen de déclaration de Syrte. Mais que la
disposition a fait l’objet de vives tensions et n’a pas été retenue dans la Déclaration de Syrte
adoptée le 9 septembre 1999. On se rappellera également que les premiers projets d’Acte
constitutif proposé par le secrétariat de l’OUA ainsi que le « compromis de Mali » en passant par
les projets issus des amendements des deux rencontres des experts juridiques et parlementaires ne
faisaient aucune référence à la possibilité de conférer un droit d’intervention dans les affaires
internes des Etats membres. Bien au contraire, tous ces textes réaffirmaient avec force le principe
de non-intervention. Il a fallu attendre la session ministérielle de Tripoli pour voir inclure pour la
première fois dans le projet d’Acte constitutif un droit d’intervention. Le droit d’intervention était
ainsi libellé dans le projet d’Acte constitutif issu de la réunion ministérielle de Tripoli : « le droit
de chaque Etat membre de demander l’assistance de l’Union. Et le droit de l’Union d’intervenir
pour rétablir la paix et la sécurité ».730 On ne peut dire avec exactitude ce qui a provoqué cette
soudaine concession. Cette réunion ministérielle n’ayant pas fait l’objet d’un compte rendu écrit.
Elle peut être attribuée à deux facteurs immédiats qui ont pu influencer la décision des ministres à
cette rencontre. Il s’agit en premier lieu de la force diplomatique du gouvernement libyen et de ses
partisans, relevée avec insistance par Carolyn Haggis. On peut relever dans ce sens le fait que
toutes les premières rencontres aient abouti à des impasses à cause de l’insistance de la délégation
libyenne et de ses partisans à faire adopter les propositions contenues dans le projet libyen de
déclaration de Syrte, dont notamment l’attribution d’un droit d’intervention à l’Union africaine.
Les pressions diplomatiques ont été particulièrement plus importantes sur les ministres lors de
cette réunion. Le leader libyen était personnellement présent ainsi que certains chefs d’Etat

730
« Le projet d’Acte constitutif », op. cit., p. 24. Nos italiques.

188
partisans de sa vision. Leurs discours ont contribué à accentuer la pression en plus de l’échéance
prévue pour l’adoption de l’Acte constitutif qui se rapprochait. Les ministres ont certainement pris
conscience du fait que l’absence de concession conduirait à une nouvelle impasse qui aurait pu
conduire à un échec définitif des travaux. Le second facteur immédiat suffisamment crucial qui a
bien pu influencer l’attitude des ministres est le rapport du Groupe International d’Émminentes
Personnalités ci-après (GIEP). Comme il a déjà été mentionné, ce groupe qui a été chargé par
l’OUA d’enquêter sur le génocide du Rwanda et ses conséquences procédait au dépôt de son
rapport le 29 mai 2000, exactement deux jours avant la réunion ministérielle qui s’est tenue du 31
au 2 juin. Le rapport intitulé « Rwanda, le génocide qu’on aurait pu stopper. Rapport des experts
sur le génocide au Rwanda » faisait clairement ressortir la faillite de la communauté internationale
et principalement le manque de volonté politique du Conseil de sécurité de faire davantage pour
arrêter les massacres au Rwanda.731 Le document ne préconisait pas en soi la consécration d’un
droit d’intervention mais recommandait plutôt à l’OUA de repenser son approche de la gestion des
conflits. L’une des conclusions du rapport soutenait que :

« Puisque l’Afrique reconnait que la responsabilité de la protection de la vie de ses citoyens lui incombe en
premier lieu, nous demandons : a) à l’OUA de créer les structures appropriées qui lui permettent d’imposer
efficacement la paix en situation de conflit…».732

Il est rapporté que bien que le rapport lui-même n’ait pas circulé à la réunion ni fait l’objet de
discussions, sa publication aurait créé un environnement émotionnel qui aurait rendu les ministres
beaucoup plus réceptifs à l’idée de conférer un droit d’intervention à la nouvelle Organisation.733
L’ancien conseiller juridique de l’OUA, Tiyanjana Maluwa soutient qu’en rappelant les horreurs
du génocide qui s’est déroulé au Rwanda, le rapport a eu pour effet de convaincre les détracteurs

731
Le rapport indiquait par exemple que : « le génocide qui advint au Rwanda aurait pu être évité par ceux de la
communauté internationale qui étaient en position et avaient les moyens de le faire. Mais à ceux-là, la volonté a fait
défaut et non pas les moyens. Le monde a abandonné le Rwanda », voir OUA, Rwanda, le génocide qu’on aurait pu
stopper. Rapport des experts sur le génocide au Rwanda, op. cit., p. 7, par. 5. Nos italiques.
732
OUA, Rwanda, le génocide qu’on aurait pu stopper. Rapport des experts sur le génocide au Rwanda, op. cit.,
recommandations, par. 22, p. 262.
733
Interview de Tijanyana MALUWA par Carolyn Haggis, voir Carolyn HAGGIS, The African Union and
Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act, op. cit., p. 218.

189
du droit d’intervention.734 Les modifications apportées par les ministres au projet d’Acte constitutif
au cours de cette session ministérielle confirment les déclarations de l’ancien conseiller selon
lesquelles le rapport aurait eu un impact considérable sur les concessions opérées à cette rencontre.
C’est ainsi que pour la première fois, le principe de non intervention avait été reformulé comme
suit : « Non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats, sauf dans des situations susceptibles
de compromettre la paix sur le continent. Et dans le cas du génocide ».735 On note de plus
l’apparition du terme génocide pour la première fois dans les travaux préparatoires. Il est
intéressant de relever qu’en plus de préconiser une nouvelle approche de la gestion des conflits, le
rapport du GIEP était également très critique sur le rôle des acteurs étrangers dans le déroulement
du génocide. Il dénonce l’inertie, la démission et même la complicité de certains acteurs comme
l’ONU, la France, la Belgique, les Etats-Unis et l’Église Catholique et mettra en doute la volonté
réelle de la communauté internationale au-delà du cas rwandais à résoudre sérieusement les
conflits en Afrique.736 Plus encore, le rapport soutient un discours anti-occidental et prône
ouvertement une plus grande autonomie militaire de l’Afrique.737 Il en arrive même à des
accusations de racisme implicite738 et parvient à la conclusion selon laquelle « l’Afrique ne peut
pas compter sur le reste du monde pour résoudre ses crises, elle est en grande partie livrée à elle-
même ».739 Et qu’ « à peine est - il besoin de dire que l’Afrique devrait disposer de forces de
maintien de la paix pouvant être mobilisés rapidement s’il le faut. L’Afrique devra dépendre des
Africains ».740 Les recommandations d’autonomisation africaine du rapport ne sont pas sans
rappeler les ambitions autonomistes du projet libyen.

734
Ibid.
735
« Le projet d’Acte constitutif », op. cit., p. 24. Nos italiques.
736
OUA, Rwanda, le génocide qu’on aurait pu stopper. Rapport des experts sur le génocide au Rwanda, op. cit.,p.
218, par. 20.63.
737
Ibid., p. 230, par. 21.14.
738
Ibid., p. 230, par. 21.15.
739
Ibid., p. 229, par. 21.12. Nos italiques.
740
Ibid., p. 230, par. 21.16. Nos italiques.

190
En définitive, la publication de ce rapport couplé à l’influence diplomatique de la Lybie auront
permis d’aboutir à des avancées considérables sur le principe de l’insertion d’un droit
d’intervention dans l’Acte constitutif de l’Union africaine. Le Conseil des ministres de juillet 2000
qui s’est tenu après cette session a été l’occasion d’ouvrir des débats sur la portée et la nature du
droit d’intervention, le principe de son institutionnalisation ayant été acquis à la première session
ministérielle. Comme nous l’avions mentionné plus haut, ce n’est qu’au Conseil des ministres
tenue les 6-10 juillet 2000 que le droit d’intervention a fait l’objet de « débats animés ».741 Selon
l’ancien conseiller juridique Maluwa, les discussions ont porté sur une diversité de motifs,
notamment des situations « d’agressions extérieures », de « troubles » ou de « menace grave à
l’ordre légitime d’un Etat membre ». On ignore les auteurs exacts de ces nouveaux motifs
d’intervention, ils figuraient dans une proposition originale de l’article 4 (h) présentée au
Conseil.742 L’ancien conseiller se souvient que ces nouveaux motifs ont été clairement jugés
comme « prématurés et dangereux » du fait de l’inexistence d’un mécanisme permettant de
déterminer les situations constitutives par exemple de « menace à l’ordre légitime » ou de
« rétablissement de la paix et de la sécurité ».743 Le ministre égyptien Moussa Amre a pour sa part,
insisté sur la nécessité de limiter la portée du droit d’intervention proposé, relevant au passage que
le droit d’intervention n’était pas encore établi au plan international. Il a cependant reconnu que
certains motifs d’intervention tels que le génocide ou les crimes internationaux rencontraient plus
de consensus que d’autres.744 Les arguments du ministre égyptien furent favorablement accueillis
par certains autres ministres. Le ministre des affaires étrangères du Nigeria soutenait ainsi la
nécessité de définir de façon claire et limitée le droit d’intervention au cas où le principe de son

741
Tiyanjana MALUWA, « Reimagining African Unity: Some Preliminary Reflections on The Constitutive Act of
The African Union », op. cit., p. 28; voir également Musifiky MWANASALI, « Africa’s Responsability to Protect »,
op. cit., p. 92; Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h)
of the 2001 Constitutive Act, op. cit., p. 179.
742
Tiyanjana MALUWA, « The OUA/ African Union and International Law: Mapping New Boundaries or Revisiting
Old Terrain », op. cit., p. 235.
743
Ibid. Nos italiques.
744
Tiyanjana MALUWA, « Reimagining African Unity: Some Preliminary Reflections on The Constitutive Act of
The African Union », op. cit., op. cit., p. 215; Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins
and Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act, op. cit., p. 180.

191
institutionnalisation est adopté.745 Le ministre sud-Africain a à son tour rejoint ces deux positions
en suggérant de se référer au Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale, estimant que
ce document international était l’instrument juridique le moins controversé permettant de
déterminer les situations constitutives de « situations graves ».746 Le projet d’Acte adopté à l’issue
de ce Conseil ministériel cristallise les concessions obtenues sur le principe même de conférer un
droit d’intervention à l’Union. Les discussions ont également permis de définir et clarifier la portée
du droit d’intervention. En rappel, les dispositions issues de ce Conseil des ministres sont ainsi
formulées :

Article 4 : Principes

g) La non-ingérence d’un Etat membre dans les affaires intérieures d’un autre Etat membre ;

h) Le droit de l’Union d’intervenir dans un Etat membre en application d’une décision de l’Assemblée
relative à des circonstances graves, tel que le génocide. 747

On notera que le droit d’intervention qui avait été supprimé après la session ministérielle du 31
mai au 2 juin a été réintroduit et formulé séparément du principe de non intervention. On notera
également sur la portée du droit d’intervention que son déclenchement a été subordonné à deux
conditions cumulatives (elles n’étaient pas cumulatives dans les précédents projets) : l’existence
de circonstances graves et une décision de l’Assemblée de l’Union. La condition d’autorisation de
l’Assemblée de l’Union semble avoir été considérée par les ministres comme une caution contre
une action unilatérale d’un Etat membre sous le couvert de l’Union.748

745
Voir Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the
2001 Constitutive Act, op. cit., p. 181.
746
Ibid. L’article 5 (1) du Statut de Rome mentionne en effet le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre
l’humanité ainsi que l’agression comme les crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale dans
son ensemble.
Projet d’Acte constitutif de l’Union africaine, OUA, Doc. CM/2162 (LXXII) Rev. 1, Annex I, 4-8 juillet 2000.
747

Nos italiques.
748
Voir l’interview de Carolyn Haggis avec l’ambassadeur malien Keita réalisé en 2005, Carolyn HAGGIS, The
African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act, op. cit., p.
182.

192
Le rapport sur le génocide n’a pas seulement eu pour effet de convaincre les délégations
jusqu’alors réticentes sur le principe de doter l’Organisation régionale en création d’un droit
d’intervenir dans les affaires étrangères des Etats membres, il a également influencé la nature du
droit d’intervention que les acteurs africains entendaient consacrés.

B- L’article 4 (h) : d’un droit d’intervention pour restaurer la paix et la sécurité à un droit
d’intervention pour motifs humanitaires

On se souvient que dans sa formulation originelle issue du projet libyen de déclaration de Syrte,
le droit d’intervention était ainsi formulé « le droit de tout Etat membre de demander le secours de
l’Union africaine et le droit de celle-ci à intervenir sur la demande du Congrès dans le but de
restaurer la paix et la sécurité dans tout Etat membre incapable de demander secours à l’Union
».749 On perçoit aisément à travers cette première énonciation que le droit d’intervention n’était
pas destiné à réaliser des desseins humanitaires. Lorsque les ministres ont consenti à la session
ministérielle de Tripoli d’insérer un droit d’intervention dans le projet d’Acte constitutif, il était
énoncé comme le « droit de l’Union d’intervenir pour rétablir la paix et la sécurité ».750 Mais
cette orientation va connaître une évolution au cours des séances suivantes de négociations. Déjà
dans le document modifié de juillet 2000, l’expression « paix et sécurité » avait été supprimée et
remplacée par le terme « circonstances graves ». On ne dispose pas d’informations sur les auteurs
de ces changements comme déjèà mentionné, il reste donc difficile de savoir ce qui les avaient
motivés. On peut néanmoins attribuer cette évolution à l’impact du Rapport sur le génocide
rwandais.751 Cette déduction peut être soutenue par le fait que le projet d’Acte constitutif issu de
la session ministérielle qui s’est tenue quelques jours après la publication du Rapport sur le
génocide est le premier document à faire usage du terme génocide. Le changement de la nature du
droit d’intervention se concrétise au Conseil des ministres de Lomé du 4 au 8 juillet 2000, au cours
de laquelle l’intervention fondée sur des motifs humanitaires a remporté plus de consensus que

749
Déclaration de Syrtes 9. 9. 99, op. cit., par. 2, al. 8. Nos italiques.
750
« Le Projet d’Acte constitutif », Jeune Afrique, numéro 2060, 4-10 juillet 2000, p. 24. Nos italiques.
751
Carolyn Haggis soutient aussi cette idée, voir Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins
and Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act, op. cit., pp. 218-220.

193
celle fondée sur d’autres motifs comme le rétablissement de la paix et de la sécurité. Les ministres
ayant admis le principe de l’institutionnalisation du droit d’intervention, les discussions ont par la
suite porté beaucoup plus sur la portée et la nature du droit d’intervention à consacrer. Pour régler
ces problèmes de définition et de délimitation, les ministres auraient par exemple pu s’inspirer des
protocoles des Organisations sous-régionales comme la CEDEAO ou la CEEAC qui avaient déjà
institué des droits d’intervention dans des cas de violations graves et massives des droits de
l’homme ou de l’Etat de droit.752 Loin de là, ils ont fait le choix de se référer au Statut de Rome
pour procéder à la délimitation du droit d’intervention en projet. Comme indiqué plus haut, trois
pays sont à l’origine de cette idée de se référer au Statut de Rome pour la délimitation des situations
ouvrant le droit d’intervention. Il s’agit des ministres de l’Égypte, de l’Afrique du Sud et du Nigéria
qui ont suggéré que le Conseil se réfère au Statut de Rome pour déterminer les situations
constitutives de « circonstances graves » censées justifier la mise en œuvre du droit d’intervention
de l’Union.753 Le projet d’Acte constitutif issu de ce dernier conseil des ministres confirme que
leur suggestion a été prise en considération. Il reste que la décision de se référer au Statut de Rome,
un document international qui porte plutôt sur la justice pénale internationale était digne d’une
curiosité.754 Mais à tout bien considéré, on peut comprendre pourquoi le choix des ministres s’est
porté sur ce document précis. Premièrement, le rapport sur le génocide du Rwanda avait réussi à
convaincre les détracteurs du droit d’intervention et à faire émerger une conviction sur la nécessité
de se prémunir contre certains crimes graves comme le génocide. Les délégations étaient
désormais favorables à l’insertion d’un droit d’intervention dans l’Acte constitutif mais un droit
d’intervention limitée à des motifs humanitaires. C’est ce qui explique l’évolution du droit
d’intervention aux fins de rétablissement de la paix et de la sécurité à un droit d’intervention en

752
Voir notre analyse détaillée de ces dispositions supra, chap II.
753
Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001
Constitutive Act, op. cit., p. 222.
754
Le préambule du Statut de Rome prohibe d’ailleurs le recours à la force armée ainsi que l’intervention dans les
affaires intérieures des États.

194
cas de circonstances graves comme le génocide.755 Il semble logique dans cette situation que les
acteurs se soient référés au Statut de Rome qui fournit une définition précise des quatre crimes
internationaux les plus graves qui touchent la communauté internationale756. En élevant les motifs
d’intervention au niveau des crimes internationaux, les ministres étaient également animés par le
souci de limiter la portée du droit d’intervention à des crimes les plus graves, excluant ainsi du
champ d’application de l’article 4 (h) des crimes moins graves ou des motifs très imprécis et moins
consensuels comme le rétablissement de la paix et la sécurité ou la menace grave à l’ordre légitime
d’un Etat. Au regard de l’absence de définition consensuelle de ces motifs d’intervention, ceux-ci
seraient sujets à une large interprétation ou une manipulation par les Etats. Selon les interviews
réalisées par Carolyn Haggis auprès d’officiels de l’Union ayant participé au processus d’adoption
de l’Acte constitutif, le souci de bien délimiter le droit d’intervention n’était pas une simple
initiative des trois seuls pays représentants les puissances régionales, mais une préoccupation
générale partagée par toutes les délégations participantes.757 Il s’avérait impératif pour tous que le
droit d’intervention soit suffisamment encadré par une définition aussi précise que possible afin
d’éviter un détournement de la disposition. Aussi, en assortissant la disposition d’une double
condition cumulative de l’existence de circonstances graves tel que le génocide et de l’autorisation
de l’Assemblée de l’Union, les délégations ont voulu protéger la disposition contre d’éventuelles
manipulations.758

Le rapport sur le génocide au Rwanda ainsi que les pressions diplomatiques de M. Kadhafi sont
des facteurs importants qui ont influencé l’insertion de l’article 4 (h) dans l’Acte constitutif au
cours des travaux préparatoires. Mais bien avant les travaux préparatoires, plusieurs autres facteurs

755
Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001
Constitutive Act, op. cit.,, p. 224.
756
Voir article 5 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
757
Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001
Constitutive Act, op. cit., p. 223
758
Ibid, p. 224.

195
lointains ont contribué à l’émergence d’un contexte favorable à l’adoption d’un droit
d’intervention.

Section II: les circonstances de l’institutionnalisation d’un droit d’intervention

Il ressort de l’analyse de la première section que deux facteurs immédiats ont fortement influencés
l’insertion de l’article 4 (h) dans l’Acte constitutif, une forte pression diplomatique libyenne et de
ses partisans et la publication du rapport sur le génocide du Rwanda au cours des travaux
préparatoires. Mais bien avant le Sommet extraordinaire de Syrte au cours de laquelle les chefs
d’Etat ont pris la décision de la création d’une nouvelle Organisation régionale, d’autres facteurs
ont contribué à créer un contexte favorable à l’adoption d’un droit d’intervention. Ces facteurs
sont plus ou moins lointains aux travaux préparatoires et leur influence étaient plutôt indirects,
mais il reste qu’ils ont inspirés l’insertion d’un droit d’intervention ainsi que l’acceptation générale
dont la disposition a finalement fait l’objet. On note dans ce sens en premier lieu que la décision
de création de l’Union africaine a été prise dans un contexte de renaissance d’ambitions
d’autonomisation favorisée par les grands bouleversements de l’après-guerre froide (Paragraphe.
I). La récurrence et le changement de la nature des conflits à cette même période ont également
suscité une prise de conscience sur la nécessité de reconsidérer certains principes qui occupaient
une place de choix dans l’environnement normatif africain sous l’OUA, notamment les principes
de souveraineté et de non-intervention (paragraphe II).

Paragraphe I : la résurgence des ambitions autonomistes des acteurs africains

On se souviendra que les Etats africains ont commencé à nourrir des aspirations d’unité et
d’autonomie dès leurs accessions aux indépendances. Mais si le projet d’un ensemble africain
unifié en une seule entité politique, économique et militaire porté par les tenants du panafricanisme
progressiste n’a pas été adopté lors de la création de l’OUA, la nécessité d’une union africaine plus
poussée refait à nouveau surface quelques décennies plus tard, au regard du bilan de l’OUA et des

196
grands bouleversements occasionnés par la fin de la guerre froide.759 Le projet de création d’une
union africaine doté d’un droit d’intervention dans les affaires intérieures des Etats membres
traduit une nouvelle tentative de concrétisation de l’idéal panafricaniste porté cette fois par le
leader libyen.

A- Les prémices des velléités d’autonomisation des acteurs africains

Il est bien connu que les Etats africains qui étaient pour la plupart encore sous domination coloniale
en 1945 n’ont pas pu participer à la Conférence de San Francisco.760 A leur accession aux
indépendances, ils adhèrent tous au système des Nations Unies institué par la Charte, tout en
affichant cependant une attitude très critique, sinon réservée à l’égard du droit international
classique.761 Cette position se fonde notamment sur la contestation du fait d’être lié par un droit à
l’élaboration duquel ils n’ont pas participé.762 Il se dégageait ainsi au lendemain des
indépendances, une tendance des Etats africains à définir eux-mêmes un régime juridique nouveau
pour solutionner leurs problèmes.763 Par ailleurs, à l’aube de ces indépendances déjà, avait
commencé à émerger le débat sur l’existence d’un droit international africain qui est lui-même le

759
Mohammed BEDJAOUI, « Bref survol historique des accomplissements vers l’Unité Africaine », dans Fatsah
OUGERGOUZ, Abdulquawi a. YUSUF, L’Union africaine : Cadre juridique et institutionnel : Manuel sur
l’Organisation panafricaine, Editions A. Pedone, 1er avril 2013, p. 28
760
A l’exception de deux pays l’Éthiopie et le Libéria qui n’ont pas été colonisés, de l’Égypte qui était devenu
formellement indépendant et de l’Afrique du Sud qui était considéré comme dominion autonome de l’empire colonial,
voir Tiyanjana MALUWA, « La transition : De l’Organisation de l’Unité Africaine à L’Union africaine », op. cit., p.
35.
761
Joseph-Marie BIPOUN- WOUM, Le droit international africain, problèmes généraux, règlement des conflits,
Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1970, p. 73.
762
Edward Mc WHINNEY, « The ‘New’ Countries and the ‘New’ international Law: The United Nations Special
Conference on Friendly Relations and Co-operation among States », American Journal of International Law, vol. 60,
1966, no1, pp. 1-33.
763
C’est par exemple le cas des principes élaborés lors de la Conférence de Berlin de 1885 portant sur la liberté de
navigation sur les fleuves africains et l’égalité de traitement qui seront remplacés par la convention du 26 octobre
1963 issue des conférences de Niamey (Niger) relative à la navigation et à la coopération économique entre les Etats
du bassin du Niger. Les anciennes conventions considérées comme des traités néocoloniaux (Acte général de Berlin
de 1885, Acte général et Déclaration de Bruxelles de 1890 et convention de Saint-Germain de 1919) sont abrogées
par la nouvelle, voir François BORELLA, « Le régionalisme africain et l’Organisation de l’Unité africaine », Annuaire
Français de Droit International, 1963, p. 853 ; Pierre-François GONIDEC, « Note sur le droit des conventions
internationales en Afrique », Annuaire Français de Droit International, vol. 11, 1965, p. 879 ; Joseph-Marie BIPOUN-
WOUM, Le droit international africain, problèmes généraux, règlement des conflits, op. cit., 1970, pp. 158-160.

197
prolongement d’un autre débat portant sur l’existence d’un droit régional applicable à un groupe
d’Etats partageant les mêmes réalités.764 Sans entrer dans les grandes controverses qui ont émaillé
la question, il faut bien reconnaître que les Etats africains avaient clairement affirmé le fait régional
africain en soutenant officiellement que l’Afrique constitue une entité distincte au sein de l’ordre
international.765 Mais avant de procéder à une élaboration institutionnelle et normative propres au
continent, les Etats africains avaient entrepris de solliciter une nouvelle lecture du droit
international. Ils exigèrent par exemple la réadaptation d’un certain nombre de postulats pour faire
avancer les causes de la décolonisation et la lutte contre l’apartheid. De ce fait, le soutien actif à la
lutte armée contre les puissances coloniales est par exemple « considéré comme relevant de la
morale et du bon droit, et selon certains, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes n’est pas
subordonné à l’interdiction du recours à la force, il l’implique ».766 Cette considération implique
que les Etats africains accordent autant de valeur au principe de l’autodétermination des peuples
qu’au principe de l’interdiction du recours à la force. Les nouveaux Etats ont également obtenu
l’élargissement de la notion de conflit armé international pour y inclure « les luttes des peuples
contre la domination coloniale, l’occupation étrangère et contre les régimes racistes dans l’exercice
du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».767 Ils ont en outre réussi à faire admettre en ce qui

764
Sur l’existence d’un droit international régional, il convient de noter que l’on a en effet assisté à une remise en
cause de l’universalisme du droit des gens dans la doctrine au début du 20 e siècle après que Grotius ait admis que le
droit d’une des parties du monde n’est pas celui des autres, il écrivit en effet que : « Saepe in una parte orbis terrarum
est jus gentium quod alibi non est », voir De Jure belli ac pacis, I, c, I, par. 14, cité par Gérard COHEN-JONATHAN,
« La coutume locale », op. cit., p. 1. Dans cette tendance, voir également Georges SCELLE qui note qu’il : « existe
un droit international universel, mais qu’il existe également, à l’intérieur des familles d’États ou de peuples, des règles
juridiques plus étroites, spéciales, traduisant des phénomènes de solidarité particuliers en règles de droit
conventionnelles ou coutumières, Georges SCELLE, Une crise de la Société des Nations, Paris, Presses Universitaires,
1927, p. 224. Contrairement à ces auteurs, VELLAS qui s’inquiète de l’existence d’ordres régionaux, voir la préface
de Joseph-Marie BIPOUN- WOUM, Le droit international africain, problèmes généraux, règlement des conflits, op.
cit., p. 8. Rousseau pour sa part réfutait totalement l’idée de l’existence d’un droit international africain, voir Charles
ROUSSEAU, Droit international public, Tome II-les sujets, Sirey, 1974, p. 654.
765
Voir BIPOUN- WOUM, Le droit international africain, problèmes généraux, règlement des conflits, op. cit., pp.
47- 55.
766
Voir Romain YAKEMTCHOUK, L’Afrique en droit international, Paris, Librairie générale de droit et de
jurisprudence, 1971, p. 13.
767
Voir Protocole I du 10 juin 1977 additionnel aux conventions de Genève de 1949 sur la protection des victimes
des conflits armés internationaux, art. 1er par. 4.

198
concerne le statut des combattants et des prisonniers de guerre, une dérogation au principe
fondamental du droit de la guerre sur la distinction entre les combattants et les civils tenant compte
du fait qu’« il y’a des situations dans les conflits armés où en raison de la nature des hostilités, un
combattant armé ne peut se distinguer de la population civile ».768 La finalité étant de légitimer à
posteriori les guerres de libération nationale.769

Le régionalisme africain a ainsi été marqué par la défense de certains principes fondamentaux
portés par l’OUA, crée en 1963 dans le but de répondre au besoin de regroupement des Etats
africains nouvellement indépendants. Il s’agit de la lutte contre le colonialisme, la discrimination
raciale, le respect des frontières et le règlement des différends dans un cadre africain. Sous la
bannière de l’Organisation continentale, les Etats africains ont activement participé à l’élaboration
et à l’affirmation de nouveaux principes de droit international. Ils ont de concert avec les pays du
Tiers Monde tenté d’utiliser l’ONU pour transformer le contenu du droit international afin qu’il
prenne en compte les besoins et aspirations des nouveaux Etats. Comme le relève Mohammed
Bedjaoui, « [i]ls refusent d’admettre l’intangibilité d’un monde « organisé » hors d’eux et
demandent à inscrire les rapports internationaux dans un cadre juridique en devenir, subissant ses
actions mais lui imprimant aussi leurs propres réactions ».770 Pour atteindre cet objectif, ils essaient
d’énoncer une nouvelle approche de la doctrine des sources en accordant par exemple aux
résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptées par de larges majorités, valeur de
droit positif771. L’ambition de ces nouveaux Etats était de parvenir à influencer le système
international pour le rendre plus juste et participatif.

Sur le plan de la paix et de la sécurité, les Etats africains reconnaissent que le maintien de la paix
et de la sécurité internationales incombe en premier lieu à l’ONU qui dispose de plus d’expérience

768
Ibid., article 3.
769
Philippe BRETTON, Relations internationales contemporaines, Litec, 1993, p. 123.
770
Voir Mohammed BEDJAOUI, « Non-alignement et droit international », Recueil des cours de l’Académie de droit
international de la Haye, 1976, III, t. 151, pp. 385-386.
771
Ibid.

199
mais aussi de ressources matérielles et financières.772 Cependant, l’OUA conserve une
prééminence en ce qui concerne le règlement des différends entre Etats africains. Cet avantage se
justifie en premier lieu par la proximité et une meilleure connaissance du contexte conflictuel, des
réalités historiques et culturelles communes entre les Etats membres ainsi que la ferme volonté de
s’engager dans la résolution de leurs propres conflits. Il dérive également d’une doctrine soutenue
par l’OUA dénommée la doctrine du recours préalable à l’OUA (encore désignée en anglais Try
Africa First), qui exprimait la volonté de l’Organisation continentale d’avoir la priorité dans le
règlement des différends interafricains.773 La doctrine du recours préalable à l’OUA s’inscrit dans
la grande tradition panafricaniste, une idéologie qui a inspiré la création de l’OUA et a été à
l’origine de l’émergence de trois facteurs qui vont contribuer à soutenir l’idée d’une appropriation
africaine des problématiques africaines.774 Il s’agit du sentiment d’appartenance à une
communauté continentale africaine, du désir d’affirmation des acteurs du continent et le refus des

772
Voir par exemple la résolution adoptée par la Conférence des chefs d’État et de gouvernement des pays
indépendants africains tenue à Addis-Abeba, Éthiopie tenue du 22 au 25 mai 1963, CIAS/PLEN. 2/REV.2, dont le
point III porte sur ‘L’Afrique et les Nations Unies’. Ce point postule l’attachement des États africains au droit des
Nations Unies et souligne ainsi l’importance de l’ONU comme instrument de maintien de la paix et de la sécurité entre
les nations. La conférence exhorte de ce fait les États membres à établir et renforcer des rapports de coopération et de
coordination. La résolution ne manque pas cependant de relever l’inéquitable représentativité des États africains.
773
Voir pour des développements sur cette doctrine Medard KIENOU, Le règlement pacifique des différends entre
États africains , thèse de doctorat présentée à l’Institut de Hautes Études Internationales et du Développement, Genève,
2013, pp. 354-361 ; Berhanykun ANDEMICAEL, The OAU and the UN : Relations between the Organization of
African Unity and the United Nations, New York, London, Africana Publishing Company, 1976 ; Ian JOHNSTONE,
Tandeka NKIWANE, « The Organization of African Unity and Conflict management in Africa, New York », in
International Peace Academy Report,1994.
774
Nous ne reviendrons pas sur l’histoire du panafricanisme qui a déjà fait l’objet de plusieurs études, voir par exemple
de façon sélective, Mohammed BEDJAOUI, « Bref survol historique des accomplissements vers l’Unité Africaine »,
dans Fatsah OUGERGOUZ, Abdulquawi A. YUSUF, L’Union africaine : Cadre juridique et institutionnel : Manuel
sur l’Organisation panafricaine, op. cit., pp. 13-33 ; Colin LEGUM, Le panafricanisme à l’épreuve de
l’indépendance, Paris, Éditions Saint-Paul, 1965, pp. 12-29 ; du même auteur, en anglais, Pan-Africanism, New-York,
FREDERICK A. PRAEGER, Publisher, 1962, pp. 13-23 ; Doumbi FAKOLY, Le Guide du Panafricaniste, Dakar,
Nouvelles du Sud, 1997, pp. 13-17 ; Edmond JOUVE, L’organisation de l’Unité Africaine, Paris, Presses
Universitaires de France, 1984, pp. 19-36 ; Fulbert S. ATTISSO, De l’unité africaine de Nkrumah à l’Union africaine
de Kadhafi, Paris, l’Harmattan, 2008, pp. 57-94 ; Stéphanie DUJARDIN, Le panafricanisme continental en action:
état des savoirs de l’OUA à l’Union Africaine, 1ère rencontre du réseau des études africaines en France, Paris, 29-30
novembre et 1er décembre 2006, disponible sur http://www.etudes-africaines.cnrs.fr/communications/dujardin.pdf,
consulté ce jour 17/03/2013.

200
ingérences extérieures.775 Cette régionalisation des conflits voulue par l’OUA a pu être vérifiée
dès les premières crises. En effet, la première guerre qui éclata entre l’Algérie et le Maroc en
octobre 1963, donne l’occasion à l’OUA d’affirmer clairement son ambition. L’Algérie avait saisi
l’OUA tandis que le Maroc faisait recours aux Nations Unies. L’Organisation régionale adopte
alors une résolution qui insiste sur « l’impérieuse nécessité de régler par les voies pacifiques et
dans un cadre strictement africain tous les différends entre Etats africains ».776 En outre, dans le
conflit qui a opposé l’Éthiopie à la Somalie au sujet de prétentions territoriales de l’Ogaden et de
Hand, le conseil des ministres de l’OUA s’estimait « convaincu que l’unité de l’Afrique exige que
le règlement de tous les conflits qui peuvent survenir entre Etats membres soit recherché dans le
cadre de l’Organisation de l’Unité Africaine ».777 Dans le conflit congolais, ex-Zaïre, les ministres
déclaraient également que « le problème du Congo trouverait sa meilleure solution dans le cadre
de l’OUA et demandait au Conseil de recommander une solution africaine au conflit congolais
».778

Cette ambition d’appropriation par l’OUA de la gestion des conflits africains se trouve très vite
confronté à plusieurs réalités au point où elle finit par tomber en désuétude. Aux difficultés
institutionnelles de l’Organisation, se rajoute la persistance des ingérences étrangères favorisées
par les influences de la guerre froide. Ainsi, malgré sa volonté politique, l’OUA se trouve
marginalisée dans la gestion de certains grands conflits, voire complètement éclipsée au profit de
l’ONU ou de puissances extérieures.779 L’Organisation régionale finit par s’engager résolument

775
Romain ESMENJAUD et Benedikt FRANKE, « Qui s’est approprié la gestion de la paix et de la sécurité en
Afrique ? », Revue internationale et stratégique, vol. 3, numéro 75, 2009, p. 38
776
Doc. OUA, Res/ECM/Res.1 (I) du 18 novembre 1963.
777
Doc. OUA, Res/ECM/Res.3 (II). Nos italiques.
778
Doc OUA, Res. ECM/Res. 7 (IV). Nos italiques.
779
Bien que les chefs d’États et de gouvernement de l’OUA aient proclamé leur volonté à s’opposer collectivement et
avec fermeté à toute forme de subversion conçue, organisée ou financée par des puissances étrangères soit contre
l’Afrique, l’OUA ou l’un quelconque des États membres, il n’en demeure pas moins que certaines des guerres aient
été entretenues par les principaux acteurs de la guerre froide qui ont très souvent soutenu chacun de son coté des
mouvements de libération. Par exemple dans la crise en Angola, les États-Unis soutenaient le FLNA et l’UNITA alors
que L’URSS et Cuba apportaient leur concours au MPLA au pouvoir.

201
dans la réalisation de ses objectifs de lutte contre le colonialisme et l’apartheid. Il a fallu attendre
jusqu’en 1981 pour voir l’OUA, dans un sursaut d’orgueil et en réaction au néocolonialisme,
déployer sa première opération de maintien de la paix au Tchad.780 Cette première force censée
être une démonstration de force de l’Organisation de sa capacité à gérer les problèmes africains
finira par être déployée grâce au soutien financier et matériel de l’ONU et de la France.781

On assiste cependant à la réapparition de théories et propositions panafricanistes dans les années


quatre-vingt-dix au regard du bilan suffisamment controversé de l’OUA ainsi qu’à la faveur des
grands bouleversements intervenus au cours de cette décennie.

B- La résurgence du panafricanisme dans la décennie 1990

La fin de la rivalité est-ouest s’est caractérisé par l’éclatement de conflits locaux ou régionaux
d’intensité variable dans plusieurs grandes régions du monde.782 Le continent africain fait face à
la fois à une poussée de demande de démocratisation, et à une recrudescence de conflits
destructeurs. Ces conflits dont les causes profondes sont multiples n’opposent plus les Etats entre
eux, mais se déroulent pour la plupart à l’intérieur des Etats ; les affrontements opposants des
armées régulières et des milices ou des groupes armés, prenant pour cibles principalement les

L’intervention de l’armée française dans le conflit du Katanga en République démocratique du Congo, ex-Zaïre en
780

1978 a été très mal acceptée par l’OUA. C’est ainsi qu’elle déclarait au cours de son sommet de Khartoum de 1978,
que la « défense, la sécurité et la paix sont la responsabilité des seuls africains », voir le Monde, 21 juillet 1978, p. 15.
Pour éviter une ingérence étrangère dans le conflit tchadien, l’organisation régionale va décider du déploiement d’une
opération de paix dans ce pays.
781
Initialement, l’organisation et le déploiement de la force revenaient à la Commission de défense prévue à l’article
XX de la Charte de l’OUA. Mais cette commission étant en veille depuis les années 1970, le Conseil des ministres
réuni à Monrovia (Libéria) va décider de la mise en place d’une force interafricaine (FIA), voir CM/769 (XXXIV).
Elle était censée être formée de contingents provenant du Benin, du Congo, et de la Guinée et devait être
essentiellement financée par l’OUA. Une contribution de 50 000 dollars américains avait ainsi été demandée aux États
membres. Mais seule la RDC a pu déployer 550 hommes de janvier à mars 1980, à ses propres frais, les autres États
n’ayant pas donné suite à la demande de l’organisation régionale. Pour finir, l’OUA consent lors de son sommet, tenue
à Nairobi (Kenya) en 1981 à solliciter l’assistance de l’ONU pour la formation et le déploiement de la force, voir
AHR/Res. 102 (XVIII) Rev.1. Elle sera déployée grâce au soutien de la France qui a assuré le soutien logistique et le
transport du contingent sénégalais, et des États-Unis qui ont équipé et financé les contingents de la RDC ex-Zaïre et
du Nigéria.
782
Maurice KAMTO, « le rôle des « accords et organismes régionaux » en matière de maintien de la paix et de la
sécurité internationale à la lumière de la Charte des Nations Unies et de la pratique internationale », op. cit., pp. 771-
772.

202
populations civiles.783 La logique de coopération qui avait prévalu lors de la création de l’OUA ne
tarda pas à montrer ses insuffisances. En effet, le principe de non-ingérence dans les affaires
intérieures d’un Etat membre, dont le but était de garantir la souveraineté nationale aura pour
conséquence de priver l’OUA d’un droit de regard sur les conflits internes et les massives
violations des droits de l’homme au sein des Etats. Ainsi, sous le couvert d’un principe
inébranlable de non-ingérence dans les affaires internes, l’OUA s’est trouvée impuissante à
répondre aux crises humanitaires qui ont éclaté sur le continent.784

D’un autre côté, la fin de la guerre froide était censée permettre la réactivation du système de
sécurité collective et l’intensification des activités du Conseil de sécurité dans le domaine du
maintien de la paix et de la sécurité internationales. Celui-ci reste cependant réticent à intervenir
dans les conflits africains. Il est avancé que les membres permanents étaient peu enclins à
s’engager dans des conflits qui ne présentaient pas de réelles menaces pour leurs intérêts.785

783
Gérard CAHIN, « Les Nations Unies et la construction de la paix en Afrique : entre désengagement et
expérimentation », Revue générale de droit international public, 2000, p. 76.
784
On pense à l’assassinat de entre dix mille (10 000) et vingt mille (20 000) Tutsis au Rwanda dans les années 1963
et 1964, voir Mahmood MAMDANI, When Victims Become Killers,Oxford, James Currey, 2001, p. 130; cinq mille
(5 000) à cinquante mille (50 000) Ibos tués dans les pogroms au Nord du Nigéria en 1966, voir John STREMLAU,
The International Politics of the Nigerian Civil War, 1967-1970 Princeton, Princeton University Press, 1977, p. 38;
cinquante mille (50 000) à deux cent mille (200 000) personnes tuées au Burundi en 1972, voir Klaas WALRAVEN,
Dreams of Power : The Role of the Organization of African Unity in the Politics of Africa, 1963-1993, Ashgate, 1999,
p. 317 ; ainsi que les crimes de Jean Bedel Bokassa, Macias Nguema, et de Idi Amin, voir Gino J. NALDI, The
Organization of African Unity : An Analysisof its Role, New-York, Mansell, 1989, p. 108; la guerre civile du Libéria
de 1989-1997, voir notre analyse detaillée, supra chap I ; la crise en Somalie de 1991-1992, le génocide du Rwanda
de 1994 ; les affrontements ethniques du Burundi de 1996. Voir sur ces trois dernières crises l’analyse de Haggis,
Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001
Constitutive Act, op. cit., pp. 116-131.
785
Abou ABASS, « La CEDEAO et le maintien de la paix et de la sécurité internationales », L’observateur des Nations
Unies, n°14, 2003, pp. 3-4 ; Jean ALLAIN, « The True Challenge to the United Nations System of the Use of Force :
The Failures of Kosovo and Iraq and the Emergence of the African Union », op. cit., p. 260 ; HOWE H., Ambiguous
Order: Military Forces in African States, London and Boulder, Lynne Rienner Publishers, 2001, p. 36; David
AMBROSETTI, Normes et rivalités diplomatiques à l’ONU : le Conseil de sécurité en audience, Peter Lang, 2009,
349 p, p.174; David WIPPMAN, « Enforcing the peace : ECOWAS and the Liberian Civil War », in Lori Fisler
DAMROSCH, Enforcing Restraint : Collective Intervention in Internal conflicts, Council on Foreign Relations, 1993,
p. 165 ; Jean-Marc CHÂTAIGNER, « Le “ modèle ” de l’ effondrement libérien ou la tentation de la déconstruction
en Afrique de l’Ouest », Afrique Contemporaine, 2003, vol. 2, no 206, p. 209 ; voir de façon générale sur les difficultés
du Conseil de sécurité à s’occuper des conflits internes en Afrique, l’analyse de Virgil HAWKINS., « Measuring UN
Security Council Action and Inaction in the 1990s. Lessons for Africa », African Security Review, vol. 12, n°2, 2003.

203
L’Organisation internationale se trouvait également submergée par l’accroissement des demandes
avec la multiplication de crises dans le monde. Ce qui l’incita d’ailleurs à marquer un nouvel intérêt
pour les Organisations régionales. Le recours aux Organisations régionales qui devient un
impératif aura des conséquences sur l’interprétation du chapitre VIII de la Charte. On a ainsi noté
une certaine souplesse d’interprétation de la notion d’« accords et organismes régionaux », aussi
bien dans la doctrine que dans la pratique de l’ONU.786 Le chapitre VIII est désormais applicable
à tout accord ou organisme quels que soient sa composition, son mandat ou son champ
d’application à partir du moment où il exerce des fonctions de maintien de la paix dans les affaires
qui se prêtent à une action de caractère régional.787 Cette lecture élargie de l’article 52 est mise à
profit par les Organisations sous-régionales africaines qui s’impliquent dans le maintien de la paix
et de la sécurité afin de pallier le blocage de l’OUA et l’inaction de l’ONU.788 La CEDEAO est la
première à prendre des responsabilités dans ce sens par son intervention au Libéria. Le conflit
libérien était particulièrement meurtrier et présentait des risques immédiats pour la sécurité des
Etats membres de la sous-région. Il remettait également en cause toute la politique d’intégration

786
Voir Laurence BOISSON DE CHAZOURNES, « Les relations entre organisations régionales et organisations
universelles », Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye, t.237, 2010, pp. 254-257.
787
Voir Jorge CADONA LLORENS, « La coopération entre les Nations Unies et les accords et organismes régionaux
pour le règlement pacifique des affaires relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales », dans Boutros
Boutros-Ghali, Paix, développement, démocratie, Bruxelles, éditions Bruylant, vol. I, 1998, p. 264 et pp. 274-275.
Dans le même sens, voir également Danesh Sarooshi, The United Nations and The Development of Collective Security:
The Delegation by the UN Security Council of its Chapter VII Powers, 1999, Oxford, Clarendon Press, pp. 251-253.
788
Il faut noter que bien que le conflit du Libéria ait été porté à l’attention du Conseil de sécurité en juin 1990, celui-
ci ne s’y est penché qu’en janvier 1991. Après la première session du Comité permanent de médiation, le Nigéria a
adressé au nom de la CEDEAO une déclaration au Conseil de sécurité sur la situation au Libéria, voir Déclaration du
9 août 1990, annexée à Lettre datée du 9 août 1990, adressée au Secrétaire général par le représentant permanent du
Nigéria auprès de l’ONU, S/21485, 10 août 1990. La première réaction du Conseil de sécurité sur la situation au
Libéria date du 22 janvier 1991, cinq mois après le déploiement de l’ECOMOG, voir S/22133 du 22 janvier 1991. La
passivité de l’ONU dans la gestion de la crise au Libéria a clairement été relevée par le ministre des affaires étrangères
du gouvernement provisoire du Libéria au cours d’une séance du Conseil de sécurité consacré au projet de résolution
portant sur les sanctions imposées par la CEDEAO contre toutes les factions belligérantes du conflit. Monsieur Gabriel
Baccus Matthews déclarait que : « Au nom du peuple du Libéria, il est de mon devoir de faire observer avec tristesse
que ces deux déclarations se sont avérées représenter le maximum que le Libéria, Membre fondateur de l’Organisation
des Nations Unies et nation qui a toujours répondu à l’appel du devoir international, ait pu obtenir du Conseil de
sécurité à l’heure la plus critique de son histoire. Bien entendu, l’assistance humanitaire fournie pour répondre à la
situation d’urgence est le trait rédempteur de l’Organisation des Nations Unies, et nous ne pouvons que persister dans
nos éloges à son égard. », Voir S/PV. 3138 du 19 novembre 1992, p. 13.

204
économique qui reste l’objectif principal de la CEDEAO. Les membres de l’Organisation
régionale décident alors de prendre leur responsabilité et de tenter une résolution de la crise. Cette
première intervention de la CEDEAO favorise la résurrection du principe d’appropriation africaine
du maintien de la paix et de la sécurité en Afrique. L’activisme de l’Organisation régionale ainsi
que l’accueil favorable dont a fait l’objet son action au Libéria a été perçue comme une preuve de
la possibilité d’une appropriation par les Organisations régionales africaines de la gestion des
conflits sur le continent. Le précédent créé par la CEDEAO va ainsi participer à une résurgence de
l’idéal panafricaniste.789

La prise de conscience de la nécessité d’une responsabilisation des acteurs régionaux africains


dans la gestion des conflits qui avait émergé de cette première action de la CEDEAO s’amplifie
considérablement après le génocide rwandais. L’incapacité des acteurs internationaux, notamment
l’ONU à apporter des réponses aux crises humanitaires mentionnées et par après à la tragédie
rwandaise avait participé à délégitimer sérieusement le système de sécurité collective auprès des
acteurs africains ainsi qu’à renforcer le sentiment de marginalisation du continent.790 On assiste
ainsi à un retour en force de l’idéologie panafricaniste qui se traduit de nouveau par l’émergence
d’une volonté de développer des solutions régionales pour pallier les insuffisances du système de
sécurité collective. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le sursaut de l’OUA, qui tente à la

789
Voir par exemple la Déclaration de l’OUA sur la situation politique et socio-économique en Afrique et les
changements fondamentaux qui se produisent actuellement dans le monde, dans laquelle les chefs d’État et de
gouvernement déclarent que « […] nous réaffirmons notre engagement à raviver l’idéal du panafricanisme et nous
nous engageons individuellement et collectivement au nom de nos gouvernements et de nos peuples, à maintenir et à
renforcer notre unité et à mettre en commun nos ressources et notre sagesse en vue de faire face aux défis des années
1990 et au-delà….», par. 12.
790
Il est apparu dans les années 90 un sentiment amplement répandu que l’Afrique n’était pas équitablement traitée
par rapport aux autres régions du monde dans les réponses de la communauté internationale aux crises humanitaires.
Les crises de la fin de la guerre froide ont clairement révélé le statut inégal des États africains dans l’ordre international,
Hurrell ANDREW and Ngaire WOODS, « Introduction », in Andrew Hurrell and Ngaire Woods, eds., Inequality,
Globalization and World Politics, Oxford University Press, Oxford, 1999, pp.1-7. Ce sentiment ressort dans la
Déclaration de Lomé adoptée à la 36e session ordinaire de l’OUA dans laquelle les chefs d’État et de gouvernement
déplorent que « la communauté internationale n’ait pas toujours accordé l’attention requise à la gestion des conflits
en Afrique comme elle l’a constamment fait dans d’autres régions du monde et que les efforts engagés par les africains
eux-mêmes dans le domaine du maintien de la paix, au titre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies ne sont
pas suffisamment soutenus au plans financier et logistique », voir Déclaration de Lomé, AHG/Decl. 2 (XXXVI), 5e
considérant du préambule.

205
suite de l’action de la CEDEAO, d’apporter un nouveau souffle et un dynamisme institutionnel à
son mécanisme de gestion des conflits par l’adoption en juin 1993 du Mécanisme pour la
prévention, la gestion et le règlement des conflits en Afrique. La création de ce Mécanisme
répondait à une ambition de reprendre la main sur la gestion des conflits dans un contexte
international de risques de marginalisation et de désengagement des acteurs internationaux.791
Mais ce mécanisme de gestion des conflits de l’OUA s’étant à nouveau révélé défaillant, les
initiatives sont restées aux mains des Organisations sous-régionales. La CEDEAO s’engage ainsi
à nouveau en Sierra Leone et la SADC s’implique au Lesotho et en République démocratique du
Congo. L’idéal panafricaniste qui avait refait surface est porté par l’affirmation d’un principe de «
solutions africaines aux problèmes africains » qui évoque des aspirations d’autonomie et de
responsabilisation des acteurs africains en matière de gestion des conflits en Afrique.792 Le
principe traduit en outre une reconnaissance des spécificités des sociétés africaines et la prise en
compte de ces réalités dans l’approche des problèmes du continent.793 Il est avancé que les acteurs
régionaux et sous régionaux disposent très souvent d’une meilleure compréhension de la

791
Voir OUA, Déclaration de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement sur la création au sein de l’OUA
d’un Mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits, 29e session ordinaire, 28-30 juin 1993,
AHG/Decl. 3 (XXIX), par. 11, 15 et 16.
792
Il est par ailleurs souvent assimilé au processus d’africanisation ou d’appropriation du maintien de la paix et de la
sécurité sur le continent, mais en réalité, il en est le corolaire dans le sens où il constitue un des fondements théoriques
du processus d’appropriation. Voir également que les concepts d’africanisation et d’appropriation ne renvoient pas
aux mêmes réalités. Selon les auteurs Romain ESMENJAUD et Benedikt FRANKE, le concept d’africanisation se
rapporte à l’accroissement de la participation des acteurs africains aux questions de sécurité du continent à travers une
implication croissante des institutions régionales et le déploiement d’opérations de paix dans les zones de conflits.
L’appropriation, elle, implique une prise de contrôle politique effective des acteurs régionaux, c’est à dire, la maitrise
des processus de décision relatifs aux questions de paix et de sécurité sur le continent, voir Romain ESMENJAUD et
Benedikt FRANKE, « Qui s’est approprié la gestion de la paix et de la sécurité en Afrique ? », op. cit., p. 37. Voir
également Paul CHICHLO et Laure HENICZ, « La FAA dans l’architecture de paix et de sécurité en Afrique », dans
La Force africaine en attente : un outil adapté aux enjeux sécuritaires africains ? Paris, École militaire, 26 et 27 avril
2012, p. 4. Dans le cadre de cette étude, nous adopterons la notion d’appropriation, l’africanisation étant une étape du
processus d’appropriation.
793
Bien qu’utilisé très souvent en matière de maintien de la paix et de la sécurité, le principe s’applique cependant à
une large gamme de problématiques africaines. Il renvoie à quelque chose de multidisciplinaire et transversale,
combinant diverses thématiques comme le développement, les relations internationales, l’histoire, l’éducation, la santé
et bien d’autres domaines, Voir Medard KIENOU, Le règlement pacifique des différends entre Etats africains, op.
cit., p. 362 ; Laurie NATHAN, « African Solutions to African Problems : South Africa’s Foreign Policy », WeltTrends
Zeitschrift für internationale Politik , no 92, September/Oktober 2013, 21. Jahrgang, pp. 48-55.

206
dynamique des conflits de leurs régions, étant plus familiers aux acteurs, aux cultures établies, aux
peuples ainsi qu’aux différentes particularités.794 Concrètement cependant, le principe de solutions
africaines aux problèmes africains n’a pas été consacré par un instrument juridique contraignant.
Il tire son fondement de la soft law, notamment de la Déclaration solennelle de la Conférence sur
la sécurité, la stabilité, le développement et la coopération en Afrique795 ainsi que des mécanismes
institutionnels et normatifs qui seront mis en place au niveau continental et régional pour prendre
en charge les questions de paix et de sécurité sur le continent. Le rebondissement de l’idéal
panafricain s’est également manifesté dans plusieurs textes adoptés pendant le Sommet
extraordinaire de Syrte, notamment la Déclaration de Syrte et la Déclaration du secrétaire général
de l’OUA à ce Sommet. Ces deux documents font mention des idéaux des pères fondateurs de
l’OUA et de générations de panafricanistes.796 Notons également qu’avant le Sommet de Syrte, les
Etats africains organisaient une révolte collective contre des résolutions contraignantes du Conseil
de sécurité dans l’affaire de Lockerbie. C’est au cours de la trente quatrième (34e ) session ordinaire
de l’OUA tenue à Ouagadougou (Burkina Faso) du 8 au 10 juin 1998 que la Conférence des Chefs
d’Etat et de gouvernement a pris la décision797 de ne plus respecter les sanctions imposées à la
Lybie par le Conseil de sécurité conformément à ses résolutions 748 (1992) et 883 (1993). 798

794
Funmi OLONISAKIN, « Conflict Management in Africa: The Role of the OAU and Sub-Regional Organizations
», in Building Stability in Africa: Challenge for the New Millennium, Inst. For Security Studies, ISS Monograph 46
Feb. 2000, pp. 50-57.
795
Il est inscrit dans cette Déclaration au titre des principes généraux de l’OUA : « le règlement pacifique des
différends en privilégiant la recherche de solutions africaines aux problèmes africains », Déclaration solennelle sur la
Conférence sur la sécurité, la stabilité, le développement et la coopération en Afrique, Lomé, Togo, 10-12 juillet
2000, AHG/Dec.4 (XXXVI), par. D, p. 3. Le principe est certes évoqué dans ce document dans le cadre du règlement
pacifique des différends, mais il sera étendu sur tous les autres aspects de la gestion des conflits en Afrique.
796
Voir Déclaration de Syrte, quatrième session extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement de l’OUA, op.
cit., par. 3-4; OUA, Statement by Dr. Salim Ahmed Salim, secretary general of the OAU, Fourth Extra-Ordinary
Session Assembly of Heads of State and Government, Sirte-Libya, 8-9 september, pp. 9-11.
797
OUA, Doc. AHG/Dec. (XXXIV) du 10 juin 1998.
798
Voir S/RES/748, par. 4, 5 et 6 du 31 mars 1992 et S/RES/883, par. 3, 5, 6, 7 et 8 du 11 novembre 1993.

207
C’était une première qu’une Organisation régionale affiche clairement une forme de désobéissance
à l’égard des résolutions du Conseil de sécurité.799

C’est dans ce contexte d’un retour idéologique ambiant et d’adoption du Protocole de la CEDEAO
qui institutionnalise un droit d’intervention que les acteurs africains prennent l’initiative d’une
redynamisation de l’OUA.

C- L’article 4 (h) : expression de velléités d’autonomie des acteurs africains

Comme l’ont relevé la plupart des auteurs qui se sont penchés sur la création de l’Union africaine,
il se dégageait vers la fin des années 90 un consensus sur la nécessité de revoir le mode de
fonctionnement de l’OUA afin de donner un nouveau souffle au projet d’intégration africaine. Les
réflexions entreprises dans le sens d’une révision des fondements politiques, juridiques et
institutionnelles vont remettre à jour la quête d’une Afrique unifiée dont les origines remontent au
mouvement panafricaniste d’avant les indépendances portées par les pionniers comme Kwame
Krumah, Julius Nyerere et bien d’autres.

En effet, l’échec de l’OUA qui représentait la vision des Etats dits modérés lors de la Conférence
de Addis-Abeba conforte la position des pays progressistes qui défendait le supranationalisme (qui
renvoyait à un gouvernement fédéral continental doté de pouvoirs supranationaux). C’est le leader
libyen qui prend cette fois, l’initiative de la revitalisation de ce courant panafricaniste en reprenant
à son compte le discours d’une unité africaine. Il incitera ainsi les chefs d’Etat africains lors du
Sommet extraordinaire de Syrte tenue en septembre 1999 à renouer avec l’idéal panafricain prôné
par Kwame Nkrumah.800 Il défendra le projet de création d’une Organisation supranationale en
présentant à ce même Sommet, deux documents, l’un portant création des Etats-Unis d’Afrique et
l’autre recommandant la mise en place d’une union des Etats Africains sous la forme d’une

799
Voir pour une analyse détaillée sur la question l’article de Tshibangu KALALA, « La décision de l’O.U. A de ne
plus respecter les sanctions décrétées par l’O.N. U contre la Libye : Désobéissance civile des États africains à l’égard
de l’O.N.U. », Revue Belge de droit international, Bruxelles, Bruylant, 1999, pp. 545-576.
800
Mohammed BEDJAOUI, « Bref survol historique des accomplissements vers l’Unité Africaine », dans Fatsah
OUGERGOUZ, Abdulquawi a. YUSUF, L’Union africaine : Cadre juridique et institutionnel : Manuel sur
l’Organisation panafricaine, op. cit., pp. 28-29.

208
Organisation fédérale. Il présentera également à la suite de ces deux textes un projet de mise en
place d’une Union africaine reprenant toutefois des propositions nouvelles et radicales tirées des
deux autres projets. Nous avons vu que c’est dans ce dernier projet que l’article 4 (h) est formulé
pour la première fois. La proposition libyenne traduisait manifestement l’idée d’une appropriation
africaine des questions de paix et de sécurité du continent afin d’éviter les ingérences extérieures.
La disposition était ainsi libellée :

« le droit de tout Etat membre de demander le secours de l’Union africaine et le droit de celle-ci à intervenir
sur la demande du Congrès dans le but de restaurer la paix et la sécurité dans tout Etat membre incapable de
demander secours à l’Union ».801

De toute évidence, cette disposition poursuivait un objectif d’unité et de défense commune contre
les défis tant internes qu’externes. Elle revenait à demander aux Etats africains de mettre en
commun leurs forces pour former une armée africaine capable de prendre en charge les conflits
africains sans l’intervention étrangère, comme le suggérait les précurseurs du panafricanisme
supranationaliste. Une autre disposition contenue dans le projet libyen de déclaration confirme
cette vision des choses. Elle dispose en effet que : « L’Union s’engage à défendre le continent sur
terre, mer et dans les airs ».802 L’insistance de M. Kadhafi pour voir amender l’Acte constitutif
après son adoption afin d’y inclure les motifs d’intervention pour d’« agression externe » ou pour
« menace grave à l’ordre légitime » prouve le fait qu’il n’était pas particulièrement soucieux des
questions humanitaires.

D’autres éléments permettent également de soutenir que l’article 4 (h) révèle des aspirations
d’appropriation et d’autonomie. Premièrement, malgré l’évolution de la disposition de sa
formulation originelle au cours des travaux préparatoires vers des motifs humanitaires, l’article 4
(h) est perçu par les acteurs africains comme un droit d’intervention africain et non un droit

801
Déclaration de Syrtes 9. 9. 99, par. 2, al. 8. Souligné par nous.
802
Ibid., par. 2, al. 4.

209
d’intervention humanitaire tel que conçu en droit international.803 L’institutionnalisation d’un droit
d’intervention africain visait dans un premier temps à affirmer qu’ils entendent désormais prendre
leurs responsabilités pour prévenir un autre génocide au regard de la défaillance de la communauté
internationale à prévenir celui du Rwanda. Dans cette perspective, l’article 4 (h) permettait de
fournir une base légale à une intervention africaine en cas de survenance de circonstances graves
et dans le cas d’une inaction de l’ONU. Par l’institution d’un droit d’intervention, les acteurs
africains aspiraient dans un second temps, à limiter les interventions étrangères unilatérales
contraires à la Charte sous le couvert de motifs humanitaires à l’image de celles menées au Kosovo
et en Iraq.804. Tout en étant hostile à l’intervention humanitaire au plan international, les acteurs
africains considèrent cependant une intervention africaine beaucoup plus légitime qu’une
intervention étrangère sous quelque motif que ce soit.805 C’est ce qui justifie en effet qu’ils aient
signé dans le cadre du mouvement des non-alignés un communiqué en 1999 dénonçant le droit
d’intervention alors qu’ils adoptaient quelques mois plus tard l’article 4 (h).806 En se dotant d’un
droit d’intervention propre, les acteurs tentent de garder le contrôle des interventions sur le
continent.

803
On peut noter dans ce sens que les acteurs africains font rarement référence à l’article 4 (h) comme un droit
d’intervention humanitaire, voir les interviews réalisées par Carolyn Haggis, Carolyn HAGGIS, The African Union
and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act, op. cit., pp. 226-229.
804
Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001
Constitutive Act, op. cit., p. 229.
805
Les États africains soupçonnaient les États puissants de défendre des intérêts impérialistes sous le couvert de
l’argument d’intervention pour des motifs humanitaires, voir Martin KUNSCHAK, « The African Union and the Right
to Intervention: Is there a Need for UN Security Council Authorisation? », South African Yearbook of International
Law, vol. 31, 2006, pp. 195-196; Abdulqawi A. YUSUF, « The Right of Intervention by the African Union: A New
Paradigm in Regional Enforcement Action? », African Yearbook of International Law, vol. 11, 2003, pp.16-17;
Edward KWAKWA, « Internal Conflicts in Africa: Is there a Right of Humanitarian Action? », African Yearbook of
International Law, vol. 2, 1994, p. 30.
806
Voir le Communiqué final de la réunion des ministres des affaires étrangères et de chefs de délégation du
Mouvement des pays non alignés tenue à New-York, le 23 septembre 1999, annexé à la Lettre datée du 15 octobre
1999 adressée au Secrétaire général des Nations Unies par le Représentant permanent de l’Afrique du Sud auprès de
l’Organisation des Nations Unies, transmettant le communiqué de la réunion des ministres des affaires étrangères et
de chefs de délégation du Mouvement des pays non alignés tenue à New-York, le 23 septembre 1999, A/54/469-
S/1999/1063.

210
Deuxièmement, l’article 4 (h) exprime également une forme de résistance normative à l’égard du
droit d’intervention humanitaire sur le plan international perçue comme l’expression d’une
hégémonie occidentale. Comme le relève Andrew Hurrell, le régionalisme peut souvent traduire
une « tentative consciente de réaffirmer le contrôle politique » et servir aussi de « de forme de
résistance ( ….) et de plate-forme pour développer d’autres normes et pratiques ».807 Ce constat
déduit à partir d’une analyse des origines et de l’évolution d’accords régionaux s’applique par
ailleurs aux développements institutionnels subséquents de l’organisme régional.808 A ce sujet,
nous avons déjà relevé le caractère militant du régionalisme africain au sortir des indépendances.
Les tentatives des Etats africains nouvellement indépendants à réinterpréter ou à redéfinir les règles
du droit international dans le but d’une part d’apporter des solutions aux problèmes spécifiques du
continent, d’autre part de protester contre l’ordre mondial établi qu’ils considéraient comme
dominé par des Etats occidentaux puissants.809 Ce que certains ont qualifié de « révolte contre
l’occident ».810 Pour Hedley Bull, l’institutionnalisation était une stratégie clé de ces Etats pour
atteindre leur objectif.811 L’article 4 (h) traduit dans ce sens une nouvelle révolte contre l’occident.
Cette nouvelle contestation s’exprime dans un premier temps par une opposition à la norme
émergente d’intervention humanitaire en droit international, surtout porté par des Etats puissants
perçus par les Etats africains comme poursuivant des visées impérialistes sous le couvert de motifs
humanitaires. On se souviendra que la doctrine de l’intervention humanitaire était à son âge d’or
dans les années 1999 au moment où se déroulait le processus d’adoption de l’Acte constitutif de
l’Union africaine. Dans ce contexte, l’article 4 (h) peut être perçu comme une stratégie de

807
Andrew HURRELL, « One World? Many World? The Place of Regions in the Study of International Society »,
International Affairs, vol. 83, no 1, 2007, pp. 130-131, notre traduction.
808
Ibid.
809
Voir supra. Voir également sur ce point, Ramesh THAKUR, The United Nations, Peace and Security, Cambridge,
Cambridge University Press, 2006, p. 281.
810
Hedley BULL, «The Revolt against The West », in Hedley BULL and Adam WATSON, ed., The Expansion of
International Society, Oxford, Clarendon Press, 1985, p. 226-227.
811
Ibid.

211
résistance à une prétention normative venant de certains Etats puissants.812 L’institution d’un droit
d’intervention africain était une forme de défiance anticipée à l’égard d’une norme de droit
international en formation à laquelle les Etats africains estiment n’avoir pas suffisamment été
associés.813 Le représentant algérien déclarait à ce propos à l’Assemblée générale des Nations
Unies en octobre 1999 : « Nous devons tous participer à la codification du droit international. En
effet, il est inacceptable que des normes juridiques soient créées sans notre implication et sans que
nous ayons participé à leur formation ».814
Cette analyse est largement partagée par l’ancien conseiller juridique Tiyanjana Maluwa qui écrit
à ce sujet:
« In a sense, the preoccupation of African states with the need to regulate the right of intervention within the
Constitutive Act, and on their own terms, signifies not only a desire to map new boundaries of international
law but also to wrest the use of the right of intervention from the conventional “civilising mission” within
which it is framed under current international law ».815
La nouvelle révolte s’exprime dans un second temps dans la volonté des acteurs africains d’exercer
un meilleur contrôle sur l’intervention en Afrique en réponse à la perception établie de traitements
inéquitables et de doubles standards par la communauté internationale principalement par l’ONU.
Un droit d’intervention propre au continent permet ainsi d’avoir à la fois une emprise sur les
interventions étrangères pour éviter une ingérence étrangère dans leurs affaires étrangères, mais
aussi la possibilité de mener des interventions sur le territoire de leurs Etats membres sans avoir à
attendre une autorisation préalable du Conseil de sécurité. Cette dernière hypothèse n’est pas
clairement exprimée dans les travaux préparatoires qui ont volontairement laissé en suspens la

812
Voir également sur ce point, Rodger A. PAYNE « Persuasion, Frames and Norm Contestation », European Journal
of International Relations, March 1, 2001, p. 42; Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins
and Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act, op. cit., p. 273.
813
Argument similaire développé par Carolyn Haggis qui soutient que l’institution d’un droit d’intervention avait pour
objectif d’améliorer la force de négociation des acteurs africains face aux acteurs internationaux ou même de les mettre
dans une position de décideurs et non receveurs, voir Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The
Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act, op. cit., p. 272.
814
Voir UN Doc. A/54/PV. 23, du 8 octobre 1999.
815
Tiyanjana MALUWA, « The OUA/ African Union and International Law: Mapping New Boundaries or Revisiting
Old Terrain », op. cit., p. 238.

212
question de l’autorisation préalable du Conseil de sécurité jusqu’à ce qu’un accord ultérieur
interprétatif notamment le consensus d’Ezulwini vienne préciser cette vision.

Paragraphe II : l’émergence d’une conscience collective africaine favorable à un


assouplissement des principes de souveraineté et de non-intervention

Comme il a suffisamment été relevé en doctrine, l’environnement normatif africain était dominé
au lendemain des indépendances par certains grands principes du droit international, dont la non-
intervention, la souveraineté absolue et le non recours à la force. Aucun fait marquant ne laissait
entrevoir une quelconque sympathie pour un potentiel droit d’intervention. Ces principes étaient
non seulement abondamment consacrés dans la Charte de l’OUA, mais en plus, ils étaient
interprétés de façon très restrictive par les dirigeants africains.816 Il y’a certes eu quelques
violations du fait d’interventions de certains pays africains sur le territoire de pays voisins, mais
celles-ci ont été justifiées par des arguments d’accords de défense ou de légitime défense. Un seul
cas isolé d’intervention qui semblait être fondé sur des motifs humanitaires fut celle menée par la
Tanzanie en Ouganda en 1979.817

Conscients de leur faiblesse sur le plan international, les Etats africains nouvellement indépendants
comptaient parmi les fervents défenseurs des principes de non-intervention et de non recours à la
force. Ils sont restés fermement attachés à ces principes en dépit de la survenance de plusieurs
crises humanitaires et de violations massives des droits de l’homme.818 Même l’intervention de la

816
Voir par exemple R. J. VINCENT, Nonintervention and International Order, Princeton University Press, 2015, pp.
234-236; Abass ADEMOLA and Mashood A. BADERIN, « Towards Effective Collective Security and Human Right
Protection in Africa: An Assessment of the Constitutive Act of the African Union », op. cit., pp. 10-11; Taslim O.
ELIAS, Richard AKINJIDE, Africa and the Development of International Law, Martinus Nijhoff Publishers, 1988,
pp. 126- 127.
817
Idi Amin est parvenu au pouvoir en Ouganda en 1971 par un sanglant coup d’État et impose un régime sanguinaire
et de terreur entre 1971 et 1979. On estime qu’il est responsable de l’assassinat de cent mille à trois cent mille morts.
Mais bien que ces pratiques étaient à la connaissance de tous, elles n’ont fait l’objet d’aucune condamnation, ni de
l’OUA, ni des autres chefs d’État, au nom du principe de non-ingérence. Le gouvernement de Idi Amin sera renversé
en 1979 par les troupes tanzaniennes. L’intervention de la Tanzanie qui aurait pu être fondée sur des motifs
humanitaires fut cependant officiellement justifiée par la légitime défense, Carolyn HAGGIS, The African Union and
Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act, op. cit., p. 77.
818
Voir supra.

213
Tanzanie en Ouganda qui était manifestement une intervention humanitaire a été justifiée par un
argument de légitime défense. Il n’y avait donc aucun consensus sur la légitimité d’un recours à la
force pour faire cesser des violations massives des droits de l’homme. Les seules exceptions de
recours à la force qui étaient admises étaient celles en faveur des mouvements de libération dans
le cadre de l’exercice du droit à l’autodétermination.819 Il était également considéré que les moyens
d’accession au pouvoir ainsi que la pratique des Etats en matière des droits de l’homme relevaient
des affaires internes des Etats membres et non du ressort de l’OUA.820

On notera cependant une évolution de cette tendance au début des années 1980 qui s’est manifesté
par l’adoption de la Charte africaine des droits de l’homme en 1981. Bien que cette charte fasse
de nouveau une part belle aux principes de non-intervention et de souveraineté nationale, son
adoption marque une prise de conscience des dirigeants africains de la nécessité de protéger les
droits et libertés de citoyens africains.821 L’adoption d’une Charte des droits de l’homme
impliquait également une reconnaissance officielle par les acteurs africains que leurs pratiques
nationales en matière des droits de l’homme « étaient une préoccupation ».822 Les raisons de cette
soudaine évolution sont peu connues. Certaines considérations ont néanmoins été avancées par la
doctrine. L’intervention de la Tanzanie en Ouganda en 1979 est considérée par certains comme un
déclencheur essentiel de cette prise de conscience.823 Les massacres commis par certains chefs

819
Voir sur ce point Klaas WALRAVEN, Dreams of Power: The Role of the Organization of African Unity in the
Politics of Africa, op. cit., p. 213; Christopher. J. R. DUGARD, « The Organization of African Unity and Colonialism:
An Inquiry into the Plea of Self-Defense as a Justification for the use of Force in the Eradication of Colonialism »,
International and Comparative Law Quarterly, vol. 16, no1, 1967, pp. 157-190.
820
Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001
Constitutive Act, op. cit., p. 69.
821
Voir de façon générale sur la Charte, Maurice Glélé AHANHANZO, « Introduction à la Charte africaine des droits
de l’homme et des peuples », dans Études offertes à Claude-Albert Colliard, Paris, 1984; Fatsah OUGUERGOUZ, La
Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, Presses Universitaires Françaises, 1993.
822
Christopher CLAPHAM, Africa and the International System: The Politics of States Survival, Cambridge
University Press, 1996, p. 191.
823
Edward KANNYO, « The OAU and Human Rights », in Yassin El-Ayouty and I. William Zartman, eds., The OAU
After Twenty Years, New York, Praeger, 1984, p. 166; Claude WELCH, « The O.A.U and Human Rights: Towards a
New Definition », The Journal of Modern African Studies, vol. 19 no3, p. 415. Il est à noter également dans le même
sens que c’est lors du Sommet de l’OUA de 1979 tenue à Monrovia (Libéria) au cours de laquelle l’intervention de la
Tanzanie en Ouganda a été discuté que les chefs d’État et de gouvernement ont adopté une décision qui chargeait le

214
d’Etat dans les années 1970, notamment ceux de Idi Amin (Ouganda), de Macias Nguema (Guinée
équatoriale), de Jean-Bedel Bokassa (République de la Centrafrique) sont régulièrement désignés
comme ayant contribué à ce modeste revirement. Il semblerait même que ces tragédies aient
fortement incommodés certains chefs d’Etat et émoussés leur faculté à condamner d’autres
violations des droits humains sur le continent commis par des régimes minoritaires blancs tel que
le régime d’apartheid en Afrique du Sud. Le président Museveni déclarait dans ce sens à la session
ordinaire de l’OUA de juillet 1986 :

« [the] principle of non-intervention should not be used as a cloak to shield genocide from just censure...
Africa ‘s silence in the face of such abuses tends to undermine our moral authority to condemn the excesses
of others, especially South Africa ‘s racist regime » 824.

D’autres auteurs ont avancé les pressions internationales comme principal fondement de l’adoption
de la Charte africaine des droits de l’homme.825 Cette dernière considération paraît cependant très
incertaine.826 Une autre hypothèse plausible évoquée serait que les dirigeants africains aient
possiblement voulu anticiper l’imposition d’un concept occidental en prenant l’initiative d’adopter
leurs propres instruments et visions des droits de l’homme.827

Cette timide évolution des mentalités connaît une accélération à partir des années 1990 au point
de susciter un appel à une réévaluation des principes fermement ancrés. On sait en effet que, la fin

Secrétaire général de prendre les mesures nécessaires pour mettre en place un Comité d’experts chargé de l’élaboration
d’un projet de Charte régionale des droits de l’homme, voir Décision 115 (XVI), Assemblée des chefs d'État et de
gouvernement de l'OUA, 1979.
824
Cité dans Herbert EKWE-EKWE, Conflict and Intervention in Africa: Nigeria, Angola, Zaire, Basingstoke,
Macmillan, 1990, p. 151.
825
Voir par exemple Edward KANNYO, « The OAU and Human Rights », in Yassin El-Ayouty and I. William
Zartman, eds., The OAU After Twenty Years, Praeger, New York, 1984, pp. 164-165.
826
Voir Christopher CLAPHAM, Africa and the International System: The Politics of States Survival, op. cit., 189-
192.
827
Voir Nathaniel RUBNER, An Historical Investigation of the Origins of the African Charter on Human and People’s
Rights, thèse non publiée, Université de Cambridge, juin 2008, p. 63 et p. 104, disponible sur
http://archive.au.int/collect/oauauche/import/English/An%20historical%20investigation%20of%20the%20origins%
20of%20the%20African%20Charter%20on%20Human%20and%20people%20Rights_E.pdf, consulté le 1er février
2018.

215
de la guerre froide et la bipolarisation du monde avaient engendré des changements politiques
majeurs en Afrique. La plupart des Etats africains qui avaient sombré dans la dictature des partis
uniques après les indépendances se trouvent confrontés à des demandes de plus en plus croissantes
des peuples africains de plus de liberté, de justice, de démocratie et de participation à la gestion
des affaires nationales.

Le nouveau secrétaire général de l’OUA Salim Ahmed Salim qui avait pris la mesure des choses
en appel à une réévaluation des principes de souveraineté et de non-intervention.828 En réponse
aux revendications populaires et grâce au plaidoyer du secrétaire général et d’autres acteurs de la
société civile829, l’OUA adopte lors de sa 26e session ordinaire tenue à Addis-Abeba en Ethiopie
du 9 au 11 juillet 1990, deux importants documents. Le premier document est la Charte africaine
pour la participation populaire au développement.830 Le texte traduit une reconnaissance par les
responsables africains de l’importance d’une prise en compte d’une plus grande participation des
peuples africains à la gestion des affaires dans un cadre de bonne gouvernance. Le document
recommande aux gouvernements africains la prise en compte de la participation populaire dans la
gestion des affaires publiques. Il exprime également le souhait d’un développement de l’Afrique
à travers la consécration de valeurs démocratiques telles que la justice sociale, le respect des droits
des citoyens par l’Etat ainsi qu’une représentation populaire dans les structures publiques.831 Le
deuxième document est la Déclaration sur la situation politique et socio-économique de l’Afrique
et les changements fondamentaux en cours dans le monde qui témoigne de la prise de conscience
des dirigeants africains de la nécessité d’opérer un changement radical dans leur approche des

828
Francis M. DENG et al., Sovereignty As Responsibility: Conflict Management in Africa, op. cit, p. 15.
829
Certains acteurs de la société civile comme l’Académie internationale de la Paix (qui est devenue l’International
Peace Institute et l’Africa Leadership Forum plaidaient également à cette époque pour une approche plus souple des
normes de souveraineté et de non intervention, voir Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The
Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act, op. cit., pp. 137-138.
830
Cette Charte avait été adoptée au préalable à la conférence internationale sur la participation populaire dans le
processus de redressement et de développement de l’Afrique tenue à Arusha, en Tanzanie du 12 au 16 février 1990.
831
Voir Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, La Charte africaine de la participation populaire
au développement et à la transformation, Addis-Abeba, UNECA, pp. 15 et ss.

216
conflits africains.832 Après avoir procédé à un examen critique de la situation politique, sociale et
économique du continent à la lumière des changements intervenus dans le monde, la déclaration
mentionne un ensemble de mesures fondamentales destinées à préserver le continent de la
paupérisation et de la marginalisation. Parmi ces mesures figure l’engagement à « œuvrer
conjointement en vue du règlement rapide de tous les conflits que connaît le continent » en
octroyant à l’OUA les moyens nécessaires pour réduire les tensions et régler les conflits en Afrique
dans le but ultime de créer les conditions de paix, de stabilité et de justice sociale qui seules peuvent
garantir le développement économique et social des peuples africains.833

D’une autre façon, la Déclaration sur la situation politique et socio-économique de l’Afrique et


les changements fondamentaux en cours dans le monde traduit la volonté des Etats africains à
s’engager dans un processus de démocratisation des sociétés africaines, au respect des droits
humains et de la bonne gouvernance. Dans ce document qui procède à un examen critique de la
situation politique, sociale et économique à la lumière des changements intervenus dans le monde,
les chefs d’Etat relèvent les menaces de marginalisation du continent et les défis à relever pour les
années à venir. Ils soulignent par la même occasion le lien entre la démocratie et le développement
qui « doivent aller de pair et se renforcer mutuellement »834 et s’engagent à démocratiser davantage
les sociétés africaines et à consolider les institutions démocratiques.835 Ils se disent conscients que
les possibilités de réaliser les objectifs qu’ils se sont fixés seront compromises tant qu’un climat
de paix et de stabilité n’aura pas été instauré en Afrique.836 Tous ces engagements se fondaient sur
la naissance d’une conviction qu’une intégration ne peut se construire avec des Etats où règnent la

832
Michel C. D. WEMBOU, « Le mécanisme de L’OUA pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits »,
African Yearbook of International Law, vol. 2, 1994, p. 72.
833
Voir OUA, Déclaration sur la situation politique et socio-économique de l’Afrique, AHG/Decl. 1 (XXVI) du 11
juillet 1990, par. 8, 11 et 12.
834
Voir OUA, Déclaration de la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement de l’Organisation de l’Unité
africaine sur la situation politique et socio-économique en Afrique et les changements fondamentaux qui se produisent
actuellement dans le monde, op. cit., p. 4, par. 10. Nos italiques.
835
Ibid.
836
Ibid, p. 5, par. 11.

217
dictature et l’arbitraire. L’absence de culture démocratique et d’Etat de droit érode la stabilité et la
légitimité politiques des Etats nécessaires à la construction de l’intégration.837 Les acteurs africains
ont également certainement été influencés par la conviction qui se répandait sur le plan universel
depuis la chute du mur de Berlin que la démocratie est le meilleur système de gouvernance capable
d’assurer la stabilité sociale, par opposition aux dictatures qui sont sources de conflits et de
violence.838

Bien que la Déclaration ne fasse pas expressément référence aux conflits internes, elle a été
interprétée par le secrétaire général comme conférant mandat au secrétariat de l’OUA de se saisir
des conflits internes.839 De plus, dans une interview accordée à la revue West Africa, le secrétaire
général de l’OUA Salim Ahmed Salim admettait que la Déclaration sur la situation politique et
socio-économique de l’Afrique reflétait le développement d’un consensus élargi parmi les Etats
pour l’assouplissement de la définition du principe de non-ingérence.840 Cet assouplissement
devrait permettre à l’OUA de s’intéresser « non seulement aux différends interétatiques mais aux
conflits internes également ».841 Le même secrétaire général soutenait dans les colonnes du journal
Jeune Afrique qu’:

« Il faut absolument respecter le principe de non-ingérence : Les pays africains sont déjà suffisamment faibles
pour ne pas leur infliger d’autres menaces. Le détournement de ce principe n’est pas accepté, ni par l’OUA,
ni par les chefs d’Etat. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à des situations qui, il y’a deux ans à peine,
étaient considérés comme ne relevant pas de notre compétence. L’Afrique change. Le simple fait que je sois

Voir Bintou SANANKOUA, les Etats-nations face à l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest : le cas du Mali,
837

vol. 2, Karthala, 2007, pp. 24-25.


838
Voir Dodzi KOKOROKO, « Souveraineté étatique et principe de légitimité démocratique », Revue québécoise de
droit international, vol. 16, no 1, 2003, p. 51.
839
Salim Ahmed Salim, « PanAfrica: The Architecture for Peace and Security in Africa », Presentation to the Third
African Development, Africa News, 7 mars 2002.
840
Cette Déclaration AHG/Decl.1 (XXVI) adoptée le 11 juillet 1990 à Addis-Abeba lors de la 26e session ordinaire des
chefs d’États et de gouvernement tenue du 9 au 11 juillet à Addis-Abeba en Éthiopie fait suite à un Rapport du
Secrétaire général sur « les changements fondamentaux qui se produisent dans le monde et leurs conséquences pour
l’Afrique : propositions pour une position africaine ».
841
West Africa, 1992, p. 1524, cité par Réal P. LAVERGNE, Intégration et coopération régionales en Afrique de
l’Ouest, Karthala – CRDI, 1996, p. 316.

218
allé au Zaïre et que je rencontre l’opposition sans aucune objection du gouvernement en est la preuve. C’est
une révolution dans les mentalités. Nous avons compris que nous ne serons plus crédibles si nous tolérons
l’anarchie ou les violations massives des droits de l’homme chez nous. On assiste aussi à un retour à nos
traditions, qui nous commandent de nous occuper de ce qui se passe chez le voisin, de s’intéresser aux affaires
des autres ».842

Les Organisations sous-régionales ont certainement mis en application cette nouvelle conscience
qui était en gestation au niveau de l’OUA. La première intervention de la CEDEAO au Libéria a
impliqué à la fois une remise en cause de certaines règles de droit international ou leur
remplacement par de nouvelles règles. L’Organisation régionale a agi au Libéria en violation du
principe de non intervention consacré par ses propres instruments juridiques au moment de son
action. Les deux instruments juridiques sur lesquels était basé le système de sécurité de la
CEDEAO avant l’intervention au Libéria ne prévoyaient pas la possibilité d’intervenir dans des
conflits internes des Etats membres, encore moins sans leur consentement expresse.843 Ils étaient
respectueux des principes classiques du droit international, notamment la non –ingérence dans les
affaires intérieures des Etats membres, l’interdiction de recours à la menace ou à l’emploi de la
force contre l’intégrité territoriale et l’indépendance de tout Etat, le respect de la souveraineté et
de l’intégrité territoriale de chaque Etat ainsi que la reconnaissance de son droit inaliénable à une
existence indépendante.844 Ce premier précédent de la CEDEAO traduit manifestement une
évolution de conscience de lege ferenda des Etats africains sur les principes de souveraineté, de
non intervention et de l’interdiction du recours à la force.

Dans l’intervalle de l’intervention de la CEDEAO au Libéria, le secrétaire général entreprenait un


plaidoyer pour l’adoption de mesures concrètes en faveur de l’assouplissement des principes
mentionnés. Il déclarait dans un rapport adressé à l’OUA en 1992 :

842
Jeune Afrique, no 1694 du 24 juin 1993.
843
La seule possibilité pour la CEDEAO de se saisir d’un conflit interne était assortie de la condition que celui-ci soit
activement entretenu et soutenu de l’extérieur, voir CEDEAO, Protocole d’assistance mutuelle en matière de défense,
article 4, points a et b ainsi que l’article 18. Pour plus de détails, voir supra chapitre I.
844
Voir CEDEAO, Protocole de non-agression de la CEDEAO, préambule et articles 1 à 5.

219
« Dans le contexte du droit international en général aussi bien que celui du droit humanitaire, l’Afrique
devrait prendre les devants en développant la notion de transcendance légale de la souveraineté par «
l’intervention » de « forces extérieures », déterminées à faciliter la prévention et/ou le règlement des conflits
sur des bases humanitaires en particulier. En d’autres termes, étant donné que chaque africain est le gardien
de son frère, et que nos frontières sont dans les meilleurs des cas, artificielles, nous avons besoin en Afrique
d’utiliser nos propres relations culturelles et sociales pour interpréter le principe de la non-ingérence de
manière à pouvoir l’appliquer dans notre intérêt à la prévention et au règlement des conflits ».845

En clair, le secrétaire général soutenait que l’intervention dans les conflits internes des Etats
membres permettrait d’accomplir des objectifs humanitaires, de promouvoir la sécurité régionale
et d’isoler l’Afrique des ingérences étrangères.846 Il recommandait également dans le même
rapport la mise en place d’un organe permanent pour prévenir et gérer les conflits du continent.847
Le secrétaire général plaide par ailleurs pour la création d’une force africaine de maintien de la
paix en attente.848 Il proposait de plus aux Etats membres d’instituer une Division de la gestion des
conflits au sein du secrétariat de l’OUA et de confier au secrétaire général de l’OUA certains
pouvoirs et prérogatives similaires à ceux du secrétaire général des Nations Unies.849

Le rapport du secrétaire général connaîtra une suite mitigée en 1993. Les chefs d’Etat et de
gouvernement consentent à la mise en place d’un organe permanent de résolution des conflits, le
Mécanisme de l’OUA pour la prévention, la gestion, et le règlement des conflits, dénommé «
Mécanisme de l’OUA ».850 La création d’un tel mécanisme de gestion de conflits au sein de l’OUA

845
OAU, « Conflicts in Africa: Proposal for a Mechanism on Conflict Prevention and Resolution », Resolving
Conflicts in Africa: Proposal for Action (Addis-Ababa: OAU Press and Information), Series (1), 1992, pp.17-18. Nos
italiques.
846
Ibid.
847
Ibid., p. 8.
848
Everest EKONG, « Which way out? », West Africa, 22-28 June 1992, p. 1043.
849
OAU, « Conflicts in Africa: Proposal for a Mechanism on Conflict Prevention and Resolution », op. cit., pp. 7, 10,
18, 22.
850
Le secrétaire général qui avait été chargé de la mise en œuvre de la Déclaration présenta un rapport à la 28e session
ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement, tenue à Dakar au Sénégal du 29 juin au 1 er juillet
1992 intitulé « Rapport du Secrétaire General sur les conflits en Afrique : Proposition d’un Mécanisme de l’OUA pour
la prévention, la gestion et le règlement des conflits, voir CM/1710 (LVI). Le rapport qui contenait les propositions
du Secrétaire général sur la nature du nouveau Mécanisme, les modalités de financement et la place du Mécanisme

220
procède d’un véritable changement de position des Etats africains sur le principe de non-
ingérence.851 Pour une première, ils acceptent de concéder une part de leur souveraineté à l’OUA
chargé de « jouer un rôle de premier plan dans toutes les actions visant à instaurer la paix et la
stabilité sur le continent, ainsi que d’entreprendre une action rapide pour prévenir, gérer et régler
les conflits lorsqu’ils surviennent ».852 Ce nouveau Mécanisme confère par conséquent à l’OUA
la possibilité d’intervenir dans des conflits internes, surtout dans des cas de graves violations de
droits de l’homme.853 Grâce à son adoption, l’Organisation régionale a pu entreprendre diverses
missions de gestion de conflits, notamment un déploiement d’un « Groupe d’observateurs
militaires neutres » au Rwanda du 1er août au 31 octobre 1993854, une Mission d’observation au
Burundi (MIOB), le 17 décembre 1993855, ainsi qu’une participation active à la résolution de crises
dans plusieurs autres pays comme la Guinée-Bissau, le Libéria, la Sierra Léone, la République
Centrafricaine, la République démocratique du Congo, les Comores, la Somalie, le Soudan et le
conflit Ethiopie Erythrée.856 Cependant, la nouvelle vision qui était en émergence n’impliquait
véritablement pas encore un droit d’intervention de l’OUA. Le Mécanisme n’avait pas opéré de
révolution comme on pouvait s’y attendre. Les ambitieuses réformes proposées par le Secrétaire
général et les autres acteurs n’ont pas connu le succès attendu. La Déclaration établissant le
Mécanisme de l’OUA stipulait clairement que le consentement de l’Etat était nécessaire pour toute

dans le système global de l’OUA a été également présenté à la 56e session ordinaire du Conseil des Ministres. A l’issue
de débats animés, la décision de principe de création du Mécanisme fut adoptée par la session, voir AHG/Decl.1.
(XXVIII), p. 2, par. 1.
851
Michel C. D. WEMBOU, « Le Mécanisme de l’OUA pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits »,
op. cit., p. 74.
852
OUA, Déclaration sur la création au sein de l’OUA d’un Mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement
des conflits, AHG/Decl.1. (XXVIII), p. 3, par. 11&12.
853
OUA, Déclaration sur la création au sein de l’OUA d’un Mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement
des conflits, AHG/Decl.1. (XXVIII), p. 3, par. 15&16.
854
50 observateurs neutres ont été déployés avec la mission d’aider à bâtir la confiance et à surveiller la mise en œuvre
des accords d’Arusha signés le 4 août 1993.
855
La mission composée de 47 officiers militaires et de 5 civils était chargée de faciliter les efforts de mise en œuvre
des Accords d’Arusha.
856
L’OUA a joué un rôle significatif dans les conflits qui se sont déroulés dans ces pays à travers la médiation et des
négociations diplomatiques.

221
action entreprise.857 En ce qui concerne la proposition du secrétaire général de créer une force
africaine de maintien de la paix en attente, les chefs d’Etat et de gouvernement décidaient que
l’OUA devait uniquement se limiter à la diplomatie préventive et n’avait pas à s’occuper du
maintien ou de l’imposition de la paix. Si la nécessité de telles actions se présentait, l’OUA ferait
recours aux Nations Unies.858 Les actions de l’OUA resteront par conséquent toujours soumises
aux vicissitudes du consentement des Etats qui rechignaient encore à soumettre et à accepter le
règlement de leurs conflits par l’Organisation régionale. Elle restera ainsi paralysée face à de
nouveaux massacres et violations graves des droits humains comme le génocide rwandais. Le
drame rwandais va profondément marquer les esprits et renforcer définitivement le plaidoyer porté
par le secrétaire général sur la nécessité de dépasser la philosophie attentiste de la non-ingérence
et de son sacro-saint corollaire, le principe de la souveraineté. Il tente de convaincre les Etats
membres sur l’urgence de développer la capacité de l’OUA à répondre aux conflits sur le
continent.859 Le secrétaire général recommandait ainsi lors du Sommet de l’OUA de juin 1994 qui
s’est tenu au moment où se déroulait le génocide du Rwanda qu’il serait « prudent » que l’Afrique
développe sa propre capacité de maintien de la paix.860 La question s’est par ailleurs posée de
savoir si M. Ahmed Salim défendait le développement de capacités de maintien de la paix ou s’il
se referait plutôt à une force d’imposition de la paix.861 De toute évidence, seulement l’imposition
de la paix impliquerait une remise en question des principes de souveraineté, de non intervention
et de non recours à la force. Mais bien que le secrétaire général ait fait couramment usage du terme

857
OUA, Déclaration sur la création au sein de l’OUA d’un Mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement
des conflits, op. cit., par. 14 et 15.
858
Ibid., par. 16.
859
Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001
Constitutive Act, op. cit., p. 140.
860
Cité dans « Report on the OAU’s Position Towards the Various Initiatives on Conflict Management: Enhancing
OAU’s Capacity in Preventive Diplomacy, Conflict Resolution and Peace-keeping », OAU, doc. Central
Organ/Mec/Min/3 (IV), Addis-Abeba, July 1995, par. 30, annexé à OAU Secretariat, « Report of Secretary-General
on the Various Initiatives on Conflict Management », OAU doc. CM/1883 (LXII), 21-23 June 1993.
861
Adekeye ADEBAJO, Building Peace in West Africa, Liberia, Sierra Leone and Guinea-Bissau, Boulder, Lynne
Rienner Publishers, 2002, p. 155, Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and
Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act, op. cit., p. 140.

222
maintien de la paix, il ressort des documents de l’OUA que la question de l’imposition de la paix
avait fait l’objet de débats internes, donnant ainsi la confirmation que le secrétaire général
défendait l’intervention militaire non consentie, et certainement pour des motifs humanitaires.862

L’après génocide rwandais va définitivement ouvrir la voie à un engagement franc des chefs d’Etat
et de gouvernement de l’OUA. Quelques années après le génocide en 1998, à la suite de la
suggestion du premier ministre éthiopien, le Conseil des ministres de l’OUA décidait de la création
d’un groupe indépendant chargé de mener des recherches sur le génocide et de recommander des
mesures permettant de prévenir de futurs génocides.863 La même année fut adoptée la décision de
la mise en place d’une Cour Africaine des droits de l’Homme et des Peuples.864 Une autre
déclaration fut adoptée par l’Assemblée de l’OUA lors de son Sommet de juin 1998 tenue à
Ouagadougou affirmant l’engagement des dirigeants africains à travailler au renforcement du
Mécanisme de l’OUA.865 Au cours de ce même Sommet, le président de l’Afrique du Sud, Nelson
Mandela déclarait:

« Africa has a right and a duty to intervene to root out tyranny... we must all accept that we cannot abuse the
concept of national sovereignty to deny the rest of the continent the right and duty to intervene when behind
those sovereign boundaries, people are being slaughtered to protect tyranny »866.

La prise de conscience des acteurs africains sur les questions des droits de l’homme s’accentue
davantage à partir des années 1990. Elle se matérialise par une adhésion ferme aux valeurs de

862
OUA, Report of the Meeting of the Working Group of OAU Military Experts, Harare, Zimbabwe, OAU doc.
OAU/MRT/Exp/Rpt. (II) Rev. 1, 20-23 October 1997, par. 21.
863
Voir OUA, Rapport du Secrétaire général sur la création d’un Groupe International d’Imminentes Personnalités
pour enquêter sur le génocide de 1994 au Rwanda et ses conséquences, Doc. CM/2048 (LXVII), disponible sur
http://cec.rwanda.free.fr/documents/doc/Rapport_OUA/Rwanda-f/FR-ANN-A.htm, consulté le 25 juillet 2018.
864
Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création d'une Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples, adopté en juin 1998 à Ouagadougou. Le protocole n'est cependant entré en vigueur
que le 25 janvier 2005, après le dépôt des instruments du quinzième de ratification, voir l’état de ratification
http://www.achpr.org/fr/instruments/court-establishment/ratification/. Voir sur la doctrine, Samuel M. MAKINDA
and F. Wafula OKUMU, The African Union: Challenges of Globalization, Security, and Governance London:
Routledge, 2008, p. 47.
865
Voir la Déclaration de Ouagadougou, OUA, doc. AHG/Decl. I (XXXIV), 8-10 juin 1998.
866
‘Pull Together, Africa : Mandela’s Valediction’, Agence France Presse, 8 June 1998.

223
démocratie, des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de la bonne gouvernance. La Déclaration
et Plan d’Action de Grande Baie (Maurice) adoptée par la première conférence ministérielle de
l’OUA sur les droits de l’homme en Afrique, réunie du 12 au 16 avril 1999 est suffisamment
évocatrice de l’engagement des dirigeants africains en faveur de la protection et de la promotion
de ces valeurs. Dans le document, les responsables africains reconnaissent en premier lieu que le
respect des droits de l’homme est crucial à la promotion de la sécurité collective, d’une paix
durable ainsi qu’un développement durable.867 Ils affirment également être « hautement
préoccupés par les actes de génocide et les autres crimes contre l’humanité commis dans certaines
parties de l’Afrique ».868 La Déclaration souligne en outre que le respect des droits de l’homme est
indispensable au maintien de la paix et de la sécurité régionales et internationales, ainsi qu’à
l’élimination des conflits.869 Elle réaffirme la détermination des dirigeants africains à consolider
les acquis obtenus en Afrique dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de
l’homme et des peuples.870

La nouvelle conscience émergente sur les questions de démocratie et des droits de l’homme se
matérialise également par l’affirmation d’un principe de légitimité démocratique et le rejet ferme
des changements anticonstitutionnels et antidémocratiques.871 Il devenait en effet évident que les

867
Déclaration et Plan d’Action de Grande Baie, OUA, doc. CONF/HRA/DECL (I), 16 avril 1999, par. 3.
868
Ibid., par. 6.
869
Ibid., par. 7.
870
Ibid., par. 15.
871
La notion renvoie à « l’idée ou la doctrine selon laquelle le régime démocratique est le seul dont la domination et
la capacité à dicter des ordres auxquels on doit obéir sont acceptées et reconnues », voir André-Jean ARNAUD,
Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie de droit, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1988,
p. 225. Selon Slim Laghmani, le principe de légitimité démocratique implique que « seul un gouvernement
démocratique est bon, ou encore, que la seule valeur politique est la démocratie », voir Slim LAGHMANI, « Vers une
légitimité démocratique ? », in R. Ben ACHOUR et Slim LAGHMANI (dir.), Les nouveaux aspects du droit
international : colloque des 14, 15, 16 avril 1994 (Tunis), Paris, Pedone, 1994, p. 249. La démocratie quant à elle
désigne en l’espèce « un régime fondé sur le pluralisme politique, des élections périodiques, libres, le respect des
droits de l’homme et l’institution d’un État de droit », voir Slim LAGHMANI, « La volonté des États est – elle encore
au fondement du droit international ? », in Cours méditerranéens Bancaja de droit international, vol. XI/XII, 2007-
2008, p. 239. Rappelons également que contrairement à cette nouvelle approche développée par les États africains sur
le principe de légitimité démocratique et des changements anticonstitutionnels de gouvernement, le principe de
légitimité démocratique est encore très discuté en droit international. Malgré les bonnes valeurs universellement
reconnues que véhiculent la démocratie, l’Etat de droit et la bonne gouvernance, le principe peine à trouver

224
aspirations au respect et à la protection des droits de l’Homme ainsi qu’aux valeurs démocratiques
proclamés désormais par les instances africaines ne sauraient s’accommoder avec une vision de la
souveraineté impliquant un pouvoir absolu de l’Etat. Ainsi, comme le relève si bien le professeur
Jean Salmon,

« si un système juridique comprend un principe de légitimité ayant un caractère obligatoire, il n’y a pas place
pour un principe de non-intervention. A l’inverse, là où le système juridique comprend un principe de non-

reconnaissance sur le plan universel. Il n’est pas encore unanimement admis l’existence d’une règle de droit
international positif sur le plan universel, prescrivant une obligation aux Etats membres d’adopter des régimes
démocratiques, Voir de façon sélective sur la question, Slim LAGHMANI, « Vers une légitimité démocratique ? »,
op. cit., pp. 249-276; Sadok BELAID, « Rapport de synthèse », in Rafaa Ben ACHOUR et Slim LAGHMANI (sous
dir.), Les nouveaux aspects du droit international, Paris, Pedone, 1994, p. 303 qui soutient que : « le principe de
démocratie, en dépit de proclamations politiques émanant de toutes parts, ne s’est pas traduit par une règle de droit
international positif » ; Jeremy I. LEVITT, « Pro-Democratic Intervention in Africa », op.cit., pp. 824-825; Jean
SALMON, « vers l’adoption d’un principe de légitimité démocratique? », in Association Droit des gens, A la
recherche du nouvel ordre mondial, Tome I : Le droit international en question, Paris, éd. Complexe, 1993, pp. 59-
89 ; Joe VERHOEVEN, « La reconnaissance internationale : déclin ou rénouveau? », AFDI, 1993, pp. 22-28;
Tiyanjana MALUWA, « The Constitutive Act of the African Union and Postcolonial Institution- building in Africa »,
op. cit., pp. 164-165; Olivier CORTEN, « La résolution 940 du Conseil de sécurité autorisant une intervention militaire
en Haiti: l’émergence d’un principe de légitimité démocratique en droit international? », Journal européen de droit
international, vol. 6, n° 1, 1995, pp. 116-133; Thomas M. FRANCK, « The Emerging Right to Democratic
Governance », The American Journal of International Law, vol. 86, n° 1, 1992, pp. 46-91; Dodzi KOKOROKO,
« Souveraineté étatique et principe de légitimité démocratique », Revue québécoise de droit international, vol. 16, n°
1, 2003, pp. 37-59; Sayeman BULA-BULA, « Mise hors-la-loi ou mise en quarantaine des gouvernements
anticonstitutionnels par l’Union africaine? », op.cit., pp. 29-34 ; Rafâa B. ACHOUR, « Egalité souveraine des États,
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et liberté de choix du système politique, économique et social », in
Solidarité, égalité, liberté, Federico Mayor Amicorum Liber, Bruxelles, Bruylant, 1995, pp. 789-799 ; du même auteur
« La contribution de Boutros Boutros-Ghali à l’émergence d’un droit international positif de la démocratie », in
Boutros BOUTROS-GHALI, Paix, développement et démocratie, Bruylant, Bruxelles, 1998, pp. 909 -923 ; « Le droit
international et la démocratie », Cours euro-méditerranéen Bancaja de Droit international, Bruylant, Bruxelles, 2000,
vol. 4, pp. 327 -362 ; « État de droit, Démocratie et droit international», ISSN, 2014, pp. 181- 221 ; Boutros
BOUTROS-GHALI, « L’ONU et l’impératif de démocratisation », in Hector Espiell Amicorum Liber, vol. 1,
Bruylant, Bruxelles, 1997, pp. 117-122 ; René J. DUPUY, « Concept de démocratie et action des Nations Unies.
Rapport introductif », Colloque de l’A.F.N.U., 23 octobre 1993, Bulletin du Centre d’information des Nations Unies,
Paris, décembre 1993, nO 7 et 8, pp. 59-62 ; François RIGAUX, « Impératif démocratique et droit international », in
Le trimestre du monde, 1992 ; Hajer GUELDICH, « L’ingérence démocratique : Peut-on imposer la légitimité
démocratique par la force armée ? », in Les changements anticonstitutionnels de gouvernement : approches de droit
constitutionnel et de droit international, Colloque international organisé les 4 et 5 avril 2013 à Tunis sous la direction
de Rafâa Ben ACHOUR, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2014, pp. 115 – 124.

225
intervention, il n’y a pas place pour un principe de légitimité ayant un caractère juridiquement obligatoire
».872

Il devait par conséquent s’opérer une rupture avec la pratique de l’OUA qui était très permissive
sur les formes de gouvernance et les modalités d’exercice du pouvoir politique de ses Etats
membres. La CEDEAO est la première Organisation régionale à révéler ce changement de
paradigme sur le continent africain à travers son intervention au Libéria et qui s’est confirmé tout
au long de sa pratique. En effet, dans le cadre de cette intervention, la CEDEAO a marqué une
rupture avec une pratique très répandue et ancrée en droit international et en Afrique sur la
reconnaissance de gouvernements en droit international en faisant primer le principe de légitimité
sur le principe de l’effectivité.873 Ce premier précédent libérien montre bien que l’action de
l’Organisation sous-régionale était guidée par des préoccupations de légitimité au détriment du
principe d’effectivité. Elle avait dénié l’effectivité au NPFL de Charles Taylor qui avait pourtant
le contrôle des deux tiers du territoire au moment de son intervention.874 Au demeurant,
l’Organisation régionale ne s’en est pas simplement tenue à une non reconnaissance du
gouvernement de facto du NPFL, elle va même s’impliquer activement dans la mise en place d’un

872
Jean SALMON, « Idéologies et non-intervention », in Réalités du droit international contemporain 5, Le discours
sur la non-intervention et la pratique internationale : Actes de la septième rencontre de Reims, Presses Universitaires
de Reims, 1988, p. 263.
873
La reconnaissance de gouvernement à l’issue d’un changement d’ordre interne qui permet d’apprécier de l’extérieur
la légitimité de nouveaux régimes ainsi que les conditions de prise de pouvoir est en principe discrétionnaire et relève
très souvent de considérations politiques. Comme l’indique la résolution de l’Institut de Droit international à la session
de Bruxelles, en 1936 : « … la reconnaissance du gouvernement nouveau d’un État déjà reconnu est l’acte libre par
lequel un ou plusieurs États constatent qu’une personne ou un groupe de personnes sont en mesure d’engager l’État
qu’elles prétendent représenter, et témoignent de leur volonté d’entretenir avec elles des relations ». Cependant, le
principe ou critère de l’effectivité a longtemps dominé l’attitude des sujets de droit international sur la reconnaissance
de gouvernement, voir par exemple sur la question Joe VERHOEVEN, La reconnaissance internationale dans la
pratique contemporaine, Paris, Pedone, 1975, p. 607 ; Jean SALMON, « Idéologies et non-intervention », in Réalités
du droit international contemporain 5, Le discours sur la non-intervention et la pratique internationale : Actes de la
septième rencontre de Reims, Presses Universitaires de Reims, 1988, pp. 276-281.
874
Voir Abou ABASS, « La CEDEAO et le maintien de la paix et de la sécurité internationales », op. cit., p. 21 ;
Jeremy I. LEVITT, « Humanitarian Intervention by Regional Actors in Internal Conflicts : The Cases of ECOWAS
in Liberia and Sierra Leone », Temple International and Comparative Law Journal, vol. 12, 1998, p. 349 ; MELDJE
DJEDJRO, « La Guerre civile du Libéria et la question de l’ingérence dans les affaires intérieures des Etats », Revue
Belge de Droit International , éditions Bruylant, Bruxelles, 1993/3, , p. 429.

226
gouvernement transitoire d’union nationale, ainsi que la tenue d’élections au Libéria.875 Il
s’agissait clairement en l’espèce d’une ingérence contraire à l’autonomie constitutionnelle d’un
Etat membre au profit d’une logique de légitimité censée empêcher une conquête du pouvoir par
des moyens illicites.876 Cette pratique de la CEDEAO marque une rupture avec la tradition
observée à cette période dans les relations entre les Etats africains qui est celle du respect de la
souveraineté constitutionnelle.877 A la suite de son action au Libéria, la CEDEAO procède à la
concrétisation normative de ce nouvel Etat d’esprit par l’adoption d’une Déclaration de principes

875
Dès la première session du Comité permanent de médiation, il est décidé le principe de la création d’un
gouvernement de transition ainsi que les modalités de mise en place et les finalités de celui-ci. Le Communiqué final
de la session indique qu’aux fins de la formation du gouvernement de transition, le Comité lance « un appel pour la
tenue dès que possible d’une conférence nationale de tous les partis politiques et autres groupes d’intérêt libériens ».
Le gouvernement de transition sera mis en place donc à l’issue d’une conférence nationale. Le Communiqué indique
également sa composition ainsi que ses pouvoirs qui se résumaient principalement à la création de conditions
favorables à l’organisation et à la supervision des élections, voir le Communiqué final de la première session du
Comité permanent de médiation, tenue en Gambie les 6-7 août 1990. La conférence se tiendra effectivement du 27
août au 2 septembre 1990 à Banjul en Gambie, sous l’égide de la CEDEAO et à la convocation du président en exercice
de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement, Sir Dawda Jawara. Il a en résulté un gouvernement de transition
dirigé par M. Amos Sawyer qui a eu de la peine à imposer son autorité, voir Meledje DJEDJRO, « La guerre civile du
Libéria et la question de l’ingérence dans les affaires intérieures des États », op. cit., p. 431.
876
L’autonomie constitutionnelle est définie comme « une norme de droit international public qui énonce que chaque
peuple a le libre choix des règles fondamentales de son organisation politique », voir Maurice KAMTO, « Constitution
et principe de l’autonomie », in Académie internationale de droit constitutionnel. Constitution et droit international,
Recueil des cours 8, Centre de Publications universitaires, Tunis, 2000, p. 127-178. Le concept désigne en droit
international pour chaque État le « droit inaliénable de choisir son système politique, économique, culturel et social
», voir par exemple l’Article 1er commun aux deux Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme de 1966 ; la
Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux, résolution no 1514 (XV) adoptée par
l’Assemblée générale le 14 décembre 1960 ; la Déclaration sur l’inadmissibilité de l’intervention dans les affaires
intérieures des États et la protection de leur indépendance et de leur souveraineté, résolution no 2131 (XX) datée du
21 décembre 1965 ; la Déclaration sur l’inadmissibilité de l’intervention dans les affaires intérieures des États,
résolution no 2225 (XXI) du 19 décembre 1966 ; la Déclaration relative aux principes du droit international
concernant les relations amicales et la coopération entre États, résolution no 2625 du 24 octobre 1970 ; et la
Déclaration sur l’inadmissibilité de l’intervention et de l’ingérence dans les affaires intérieures, résolution no 36/103
du 9 décembre 1981.
877
Dans les relations interafricaines, il se dégageait une tendance pas totalement uniforme mais générale de ne pas
s’immiscer dans les affaires intérieures des États membres et de ne porter par conséquent aucun jugement sur les
changements constitutionnels ou politiques qui y sont survenus. Par opposition à la doctrine Tobar qui préconisait la
non-reconnaissance des gouvernements établis par la force, l’Afrique a plutôt opté pour la doctrine Estrada selon
laquelle les relations diplomatiques doivent continuer sans tenir compte des changements survenus dans l’ordre interne
des États, voir Romain YAKEMTCHOUK, « A propos de quelques cas de reconnaissance d’État et de gouvernement
en Afrique », R.B.D.I., vol. VI, 1970, no2, pp. 521-524 ; Jean-Claude GAUTRON, « Le régionalisme africain et le
modèle interaméricain », Annales Africaines, 1966, pp. 60-62 ; voir aussi sur la doctrine Estrada, John Fischer
WILLIAMS, « La doctrine de la reconnaissance en droit international et ses développements récents », R.C.A.D.I.,
1933, II, pp. 244- et ss.

227
politiques qui met l’accent sur la détermination des responsables africains à respecter les droits de
l’homme et la démocratie.878 Cette déclaration est une preuve de la conviction que l’intégration et
la coopération régionale ne se résument pas à la coordination de stratégies politiques et
économiques. Elles sont également fondées sur des convictions politiques communes, gages de
paix et de stabilité.879 Le document est un vibrant appel aux Etats membres en faveur d’une
démocratie pluraliste et pour le respect des droits de l’homme.880 Il est important de noter que les
principes énoncés dans la Déclaration ont été par la suite incorporés au Traité révisé de la
CEDEAO, adopté par les chefs d’Etat en juillet 1993 en son article 4 (j) qui invite les Etats
membres à la promotion et consolidation d’un système démocratique de gouvernement tel que
prévu par la Déclaration de Principes Politiques.881 C’est également en vertu de cette Déclaration
de principes politiques que les chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO ont procédé à une
condamnation ferme du coup d’Etat intervenu en Sierra Leone et ont procédé à l’imposition de

878
CEDEAO, Déclaration de principes politiques, adoptée le 6 juin 1991 à Abuja par la Conférence des chefs d’État
et de gouvernement de la CEDEAO.
879
Voir Réal P. LAVERGNE, Intégration et coopération régionales en Afrique de l’Ouest, Karthala – CRDI, 1996,
p. 302.
880
A titre illustratif, certains extraits tirés du préambule et des articles 4-6 sont suffisamment éloquents, les
responsables de la CEDEAO postulent en effet que :
« Déterminés à conjuguer nos efforts en vue de promouvoir la démocratie dans la sous-région sur la base du pluralisme
politique et du respect des droits fondamentaux de l’homme tels que contenus dans les instruments internationaux
relatifs aux droits de l’homme universellement reconnus et dans la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples.
Nous [nous] engageons à respecter pleinement, les droits de l’homme et les libertés fondamentales, y compris
notamment la liberté de pensée, de conscience, d’association, de religion et de croyance de toutes nos populations
sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion.
Nous [nous] engageons à promouvoir et à encourager la jouissance pleine et entière par toutes nos populations, de
leurs droits fondamentaux, notamment leurs droits politiques, économiques, sociaux, culturels et autres, inhérents à la
dignité de la personne humaine et essentiels à son développement libre et progressif.
[Nous] croyons en la liberté de l’individu et en son droit inaliénable à participer, grâce au processus libre et
démocratique, à l’édification de la société dans laquelle il vit. Nous nous efforcerons par conséquent d’encourager et
de promouvoir dans chacun de nos pays, le pluralisme politique et les institutions représentatives et garantes de la
sécurité et de la liberté individuelle dans le respect de la loi, notre patrimoine commun ».
881
CEDEAO, Traité révisé, Article 4 (j).

228
sanctions et par la suite à une intervention militaire afin de pouvoir rétablir le gouvernement
déchu.882

La détermination des acteurs africains à promouvoir la démocratie, les droits de l’homme et la


bonne gouvernance en Afrique s’est également manifestée par une volonté ferme de tourner le dos
aux changements anticonstitutionnels et antidémocratiques des régimes politiques. Considérant
que les changements anticonstitutionnels étaient les plus importants obstacles à l’érection de
sociétés démocratiques883, ils prennent l’engagement de proscrire les coups d’Etat et les accessions
au pouvoir de façon antidémocratique en Afrique. Un tel engagement s’est traduit par le
développement d’une pratique de condamnation et de rejet des changements anticonstitutionnels
de gouvernement. Cette pratique s’est forgée à partir de la deuxième moitié des années 1990 à
partir à la fois de droit déclaratoire que du droit conventionnel et dérivé. En effet, ayant clairement
relevé un rapprochement entre les changements anticonstitutionnels et les conflits qu’ils
occasionnent, l’OUA avait institué dans son Mécanisme pour la prévention, la gestion et le
règlement des conflits, un organe chargé de faire face à la problématique.884 C’est par l’entremise
de cet organe que l’Organisation régionale procéda à sa première condamnation de coup d’Etat
orchestré au Burundi dans la nuit du 21 au 22 octobre 1993.885

A la suite de cette première décision symbolique et « sans précédent », interviennent deux


principales résolutions de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples contre les

882
Voir notre analyse détaillée de l’intervention militaire de la CEDEAO en Sierra Leone chapitre I.
883
Voir Rafâa Ben ACHOUR, « Rapport introductif », in Les changements anticonstitutionnels de gouvernement :
approches de droit constitutionnel et de droit international, Colloque international organisé les 4 et 5 avril 2013 à
Tunis sous la direction de Rafâa Ben ACHOUR, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2014, p. 12.
884
L’organe central du Mécanisme avait établi un sous-comité sur les changements anticonstitutionnels qui resté
cependant non opérationnel, voir Joseph K. MPIANA, « L’Union africaine face à la gestion des changements
anticonstitutionnels de gouvernement », Revue québécoise de droit international, 2012, p. 105.
885
L’Organe central avait « condamné vigoureusement ce coup d’État militaire contre un Président démocratiquement
élu » et avait exigé de l’acte «… de mettre fin immédiatement à leur acte illégal et de permettre un retour à la normale,
à la démocratie et à un État de droit au Burundi », voir Michel C. D. WEMBON, « Le Mécanisme de l’OUA pour la
prévention, la gestion et le règlement des conflits », op. cit., pp. 83-84.

229
coups d’Etat militaires sur le continent.886 Une première résolution dénommée Résolution sur les
régimes militaires adoptée en 1994 par la Commission africaine servira de référence aux décisions
ultérieures de condamnation des coups d’Etat par l’Organisation.887 Dans cette résolution, la
Commission relève dans un premier temps la récurrence de l’intervention de l’armée dans les Etats
africains au cours des trois dernières décennies à laquelle peu d’Etats ont échappé alors même que
les dépôts d’armes lui « sont confiés dans l’unique but d’assurer la défense nationale et le maintien
de l’ordre interne sous la direction des autorités légitimes ».888 Sur ce, elle exhorte les « régimes
militaires africains à respecter les droits de l’homme », ainsi qu’« à reléguer l’ère des interventions
militaires au passé afin de préserver l’image de l’Afrique, d’assumer le progrès et le
développement et de favoriser l’instauration d’un climat propice à l’épanouissement des valeurs
des droits de l’homme ».889 La Commission présente dans un second temps plusieurs facteurs qui
justifient le bannissement des coups d’Etat. Elle relève en premier lieu le constat d’une tendance
à travers le monde et particulièrement en Afrique d’un bannissement des coups d’Etat militaires et
de l’intervention de l’armée dans la vie politique, sachant que de telles interventions limitent
clairement le développement politique et provoquent des antagonismes entre les groupes
nationaux.890 La Commission soutient ensuite que le meilleur gouvernement est celui qui est élu
par et responsable devant le peuple. Par conséquent, « la prise de pouvoir par la force par tout
groupe de civils ou militaires est contraire aux prescriptions des articles 13 (1) et 20 (1) de la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ».891 Cette résolution a servi de référence à

886
Ces condamnations par la Commission africaine se justifient par la contrariété des changements anticonstitutionnels
avec les obligations des États membres contenus dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, voir
principalement l’article 13 (1) de la Charte qui dispose que : « [t]ous les citoyens ont le droit de participer librement
à la direction des affaires publiques de leur pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement
choisis ».
887
CADHP, Résolution sur les régimes militaires, 16e session ordinaire, Banjul (Gambie), 25 octobre – 3 novembre
1994.
888
Ibid., par. 1 et 7.
889
Ibid., par. 6 et 8.
890
Ibid., 3 et 5
891
Ibid., par. 2 et 4. Voir également l’art. 13 (1) de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui dispose
que : « Tous les citoyens ont le droit de participer librement à la direction des affaires publiques de leur pays, soit
directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis, ce, conformément aux règles édictées par la

230
la Commission dans ses résolutions de condamnation de coups d’Etat en Gambie 892, aux
Comores893 et au Niger.894

La deuxième résolution de la Commission africaine sur les changements anticonstitutionnels est


la Résolution sur la situation des droits de l’homme en Afrique, adoptée au cours de sa session de
Banjul (Gambie) en 1994.895 Elle procède à un Etat des lieux de violations de droits de l’homme
et invite les Etats membres à veiller à « ce que les élections et les processus électoraux soient
transparents et justes » pour éviter les changements anticonstitutionnels. Dans cette résolution, la
Commission africaine étend la condamnation de changements anticonstitutionnels de
gouvernement à « la planification ou l’exécution de coup d’Etat et toute tentative d’accéder au
pouvoir par des moyens non démocratiques ».896

Cette position de la Commission sera endossée par l’OUA qui n’a pas hésité à condamner
solennellement le renversement du gouvernement de Ahmed Tajan Kabbah en Sierra Leone le 25

loi ». L’art. 20 quant à lui postule que : « Tout peuple a droit à l’existence. Tout peuple a un droit imprescriptible et
inaliénable à l’autodétermination. Il détermine librement son statut politique et assure son développement économique
et social selon la voie qu’il a librement choisie ».
892
Dans sa Résolution sur la Gambie, la Commission indique que « le coup d’État militaire en Gambie constitue une
violation flagrante et grave du droit du peuple gambien de choisir librement son gouvernement ». Elle rajoute que «
l’accession d’un régime militaire au pouvoir constitue une atteinte sérieuse à la démocratie en Gambie et en Afrique
en général », voir CADHP, Résolution sur la Gambie, 16e session ordinaire, Banjul Gambie, 25 octobre au 3 novembre
1994.
893
Tout en rappelant sa Résolution sur les régimes militaires, la Commission a qualifié le coup d’État survenu aux
Comores de « violation grave et intolérable des droits du peuple comorien de choisir librement son gouvernement ».
Elle reconnaît également que la prise du pouvoir par la force est contraire aux dispositions des articles 13 (1) et 20 (1)
de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et que l’accession au pouvoir de régimes militaires par
voie de coups d’État constitue une atteinte intolérable aux principes démocratiques de l’État de Droit, voir Résolution
sur la situation aux Comores, 25e session ordinaire tenue à Bujumbura (Burundi) du 26 avril au 5 mai 1999.
894
Dans cette dernière résolution, la Commission ne manque pas de rappeler sa Résolution sur les régimes militaires
en Afrique et qualifie ensuite de « violation grave et intolérable des droits du peuple nigérien ». Elle note également
que la Déclaration et le Plan d’Action de Grand Baie (Maurice) adoptés par la Première Conférence Ministérielle sur
les Droits de l’Homme en Afrique (12 -16 avril 1999) reconnaissent que parmi les causes des violations des droits de
l’homme en Afrique figurent les changements anticonstitutionnels, voir Résolution sur la situation au Niger 25 e session
ordinaire tenue à Bujumbura (Burundi) du 26 avril au 5 mai 1999.
CADHP, Résolution sur la situation des Droits de l’Homme en Afrique, 16e session ordinaire tenue à Banjul,
895

Gambie, 25 octobre au 3 novembre 1994.


896
Ibid. Nos italiques.

231
mai 1997 par une junte sous la conduite du major Paul Koroma. Réunie dans le cadre de la 33e
session ordinaire de l’OUA tenue à Harare, au Zimbabwe du 2 au 4 juin, la Conférence des chefs
d’Etat et de gouvernement a fermement condamné le coup d’Etat, estimant que l’époque des coups
d’Etat était révolue.897 Les chefs d’Etat ont ainsi lancé un appel à la CEDEAO et à la communauté
internationale pour œuvrer au rétablissement de l’ordre constitutionnel en Sierra Leone. L’appel
est entériné par la CEDEAO qui réaffirme la Décision de Harare de l’OUA et soutient qu’« aucun
pays ne devrait reconnaître le régime qui est apparu à la suite du coup d’Etat du 25 mai 1997 ».898
Comme il a déjà été relevé en détails dans les précédents développements, la CEDEAO procèdera
à l’imposition de sanctions et par la suite à une intervention militaire afin de pouvoir rétablir le
gouvernement déchu.

On peut considérer que la Déclaration de Harare et la position unanime des Etats africains de
condamnation des coups d’Etat au travers de l’exemple de la Sierra Leone marque l’émergence
d’une position nouvelle des Etats africains sur les changements anticonstitutionnels de
gouvernement. Le changement de paradigme des Etats africains sur les moyens d’accession au
pouvoir est relevé par le représentant de l’Egypte à l’ONU M. Elaraby à la session du Conseil de
sécurité consacrée à la Sierra Leone en ces termes :

« Cette position unanime des pays africains représente sans aucun doute un tournant dans l’histoire moderne
de l’Afrique … Cela indique bien qu’il existe une position africaine unanime nouvelle, qui s’est concrétisée,
face au coup d’Etat militaire sur le continent ».899

897
Voir la Déclaration du président du Conseil de sécurité du 11 juillet 1997, S/PRST/1997/36, par. 4. Voir également
la Déclaration du représentant de la Guinée-Bissau M. Lopes CABRAL lors de la session du Conseil de sécurité
consacrée à la Sierra Leone : « l’heure des coups d’État était tout à fait révolue, et qu’il était tout à fait inadmissible
que des militaires puissent considérer et décider de perpétrer des coups d’État pour s’arroger le droit de diriger leur
pays en contradiction avec la libre expression par leur peuple de leur choix, par la voie des urnes », voir S/PV. 3822,
8 octobre 1997, p. 15.
898
Voir Communiqué final annexé à la Lettre datée du 27 juin 1997, adressée au Président du Conseil de sécurité par
le représentant permanent du Nigéria auprès de l’ONU, S/1997/499, 27 juin 1997, par. 9.
899
S/PV. 3822, 8 octobre 1997, p. 13.

232
Dans le même sens, la prise de position du Conseil de sécurité à la suite du coup d’Etat survenu
en Sierra Leone révèle un changement dans la pratique de l’ONU sur les changements
anticonstitutionnels de gouvernement. A la différence de l’exemple haïtien qui a donné l’occasion
au Conseil de sécurité de réagir au renversement d’un gouvernement élu mais dans des termes très
réservés, il n’a pas pris de précaution dans sa condamnation du coup d’Etat en Sierra Leone.900

Le Conseil de sécurité a condamné le coup d’Etat de façon ferme et sans réserve901, entérinant les
sanctions décidées par la CEDEAO en plus de restrictions commerciales générales à destination
et en provenance de la Sierra Leone.902 Il a aussi fondé ses décisions sur les condamnations du
coup d’Etat faites par les chefs d’Etat et de gouvernement de l’OUA et de la CEDEAO et
conditionné la levée des sanctions au rétablissement du gouvernement légitime et le retour à l’ordre
constitutionnel.903

A la suite de la Déclaration des principes politiques de la CEDEAO, la SADC à son tour adoptée
une Résolution par son Comité inter-Etats de défense et de sécurité au cours d’une réunion au Cap
en Afrique du Sud en 1995, par laquelle les pays membres de l’Organisation sous-régionale sont
convenus de prendre des mesures collectives en cas de tentative de coup d’Etat pour renverser des
gouvernements par des moyens militaires. C’est sur la base de cette résolution renforcée par la
Déclaration de Harare de l’OUA que la SADC va à son tour mener deux interventions au Lesotho

900
Le Conseil de sécurité qualifiait la situation en Haïti d’« unique » pour justifier une réaction « exceptionnelle », en
tenant compte du fait que « le régime de facto illégal … n’a pas appliqué l’accord de Governors Island et manque aux
obligations qui lui incombent en vertu des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité », voir résolution 940 adoptée
par le Conseil de sécurité en sa 3413e séance, le 31 juillet 1994, S/RES/940 (1994).
901
Voir les Déclarations du Président du Conseil de sécurité S/1997/29, S/1997/36 et S/RES/1132 (1997).
902
Voir résolution S/RES/1132 (1997), voir également Djacoba L. TEHINDRAZANARIVELO, « Les sanctions de
l’Union africaine contre les coups d’État et autres changements de gouvernement : potentialités et mesures de
renforcement », op. cit., p. 263.
903
Résolution 1132 (1997), op. cit., par. 19, p. 4. Voir sur ce changement de pratique de l’ONU, Linos-Alexandre
SICILIANOS, L’ONU et la démocratisation de l’État. Systèmes régionaux et ordre juridique universel, Paris, Pedone,
2000, pp. 208-209.

233
et en République démocratique du Congo dans les années 1998, une année après l’intervention de
la CEDEAO en Sierra Leone.904

La position africaine naissante qui était basée sur de simples condamnations se consolide avec
l’adoption de textes formels prohibant définitivement les changements anticonstitutionnels de
gouvernement et définissant le cadre de référence et de réaction à ces changements
anticonstitutionnels. Ces textes constitués essentiellement de deux décisions et de deux
déclarations sont considérés comme les fondements des dispositions actuelles de l’Union africaine
de rejet et de sanction contre les coups d’Etat et autres changements anticonstitutionnels de
gouvernement.

Les deux premières décisions sur le rejet des changements anticonstitutionnels ont été adoptées à
Alger en 1999 dans un contexte de résurgence de coups d’Etat comme mode d’accession au
pouvoir.905 Les chefs d’Etat et de gouvernement vont par conséquent prendre deux décisions lors
de la 35e session ordinaire de l’OUA tenue à Alger du 12 au 14 juillet 1999. La première présente
les fondements de la condamnation des changements anticonstitutionnels de gouvernement et
confirme le respect du droit des peuples de choisir leur gouvernement et de participer à la gestion
de leur pays énoncé par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples dans ses
résolutions de 1994.906 La deuxième décision d’Alger adoptée à la même session ordinaire

904
Dans la lettre adressée au président du Conseil de sécurité par le représentant permanent de la république du
Zimbabwe auprès de l’Organisation des Nations Unies au sujet de la crise en République démocratique du Congo, les
pays membres de la SADC avancent comme fondements à leur action, en plus de la légitime défense la Résolution
que l’OUA a adoptée pour condamner le renversement de gouvernements légitimes par des moyens militaires ainsi
que la résolution que le Comité inter-États de défense et de sécurité, voir Lettre datée du 23 septembre 1998, adressée
au président du Conseil de sécurité par le représentant permanent du Zimbabwe auprès de l’Organisation des Nations
Unies, S/1998/891 du 25 septembre 1998, Annexe, pp. 3-4, par. 7.
905
A titre illustratif, quatre coups d’État ont été perpétrés dans cette seule année, au Niger, Ibrahim Baré Maïnissara
est déposé par Daouda Malam Wanké ; en Guinée-Bissau Joao Bernado Vieiro renverse le gouvernement de
Assumane Mané ; aux Comores Tadjidine Ben Said Massound fait un coup d’État contre le gouvernement Azali
Assoumani ; En côte d’Ivoire, Henri Konan Bédié est renversé par Robert Guéï.
906
Elle réaffirme dans ce sens la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, particulièrement l’article 13,
rappelle la Déclaration universelle sur la démocratie adoptée par le Conseil interparlementaire ainsi que l’esprit de la
décision de Harare sur les changements anticonstitutionnels de régime. Elle reconnaît que « les principes de la bonne
gouvernance, de la transparence et des droits de l’homme sont essentiels pour garantir des gouvernements
représentatifs et stables et pour contribuer à la prévention des conflits », voir OUA, Décision de la 35e session

234
couramment dénommée « décision d’Alger » témoigne de la ferme détermination des chefs d’Etat
et de gouvernement africains de ne plus tolérer les changements anticonstitutionnels de
gouvernement en Afrique.907 Il est évoqué pour la première fois dans cette déclaration l’idée de
sanctions à l’encontre de gouvernements issus de coups d’Etat ou d’autres changements
anticonstitutionnels.908 Ces décisions seront par la suite renforcées par deux autres déclarations
adoptées à la session ordinaire ayant procédé à l’adoption de l’Acte constitutif de l’Union africaine,
la 36e session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement tenue à Lomé au
Togo les 10-12 juillet 2000.909 Tout ce foisonnant droit déclaratoire sur le rejet et la sanction des
changements anticonstitutionnels et antidémocratiques qui n’était pas fondé sur une base juridique
solide sera finalement incorporé dans le droit primaire de l’Union africaine et de certaines
Organisations sous-régionales et complété par des instruments conventionnels.910

ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement, tenue à Alger en Algérie du 12 au 14 juillet 1999,
Doc. AHG/Déc. 141 (XXXV). Il a été relevé que cette Déclaration ne contenait pas de disposition relative à la
condamnation de coups d’État et autres changements anticonstitutionnels, mais présente plutôt les principes de la
démocratie, les éléments et l’exercice d’un gouvernement démocratique, et la dimension internationale de la
démocratie, voir Djacoba L. TEHINDRAZANARIVELO, « Les sanctions de l’Union africaine contre les coups d’État
et autres changements de gouvernement : potentialités et mesures de renforcement », op. cit., p. 2.
907
Les chefs d’État et de gouvernement se sont déclarés résolus à « promouvoir des institutions démocratiques pour
assurer la sauvegarde des principes de la bonne gouvernance, de la transparence et des droits de l’homme », voir
Décision de la 35e session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement, tenue à Alger en Algérie
du 12 au 14 juillet 1999, Doc. AHG/Déc. 142 (XXXV), préambule, 1er considérant.
908
Il est indiqué que « Les États membres dont les gouvernements ont accédé au pouvoir par des moyens
anticonstitutionnels après le Sommet de Harare devraient restaurer la légalité constitutionnelle avant le prochain
Sommet, faute de quoi l’OUA prendra des sanctions à l’encontre de ces gouvernements jusqu’à ce que la démocratie
soit rétablie », Doc. AHG/Déc. 142 (XXXV), par. 1.
909
Il s’agit de la Déclaration relative à la Conférence sur la sécurité, la stabilité, le développement et la coopération
en Afrique (CSSDCA), et la Déclaration sur le cadre des réponses de l’OUA aux changements anticonstitutionnels
de gouvernement. Ces deux déclarations viennent en complément des deux précédentes décisions mentionnées en
apportant des précisions claires sur les contours du rejet et des actions possibles à entreprendre pour faire face aux
changements anticonstitutionnels de gouvernement.
910
Voir le Protocole A/PS1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance signé à Dakar le 21 décembre 2001 et
entré en vigueur le 20 février 2008 ; La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, adoptée
au cours de la huitième session ordinaire de la conférence tenue le 30 janvier 2007 à Addis-Abeba, en Éthiopie et
entrée en vigueur le 15 février 2012.

235
Notons par ailleurs que c’est à cette trente cinquième (35) session ordinaire d’Alger que les chefs
d’Etat et de gouvernement ont convenu de la tenue du Sommet extraordinaire de Syrte au cours de
laquelle la décision de la création d’une union africaine a été adoptée.

Il ressort de tout ce qui précède que divers facteurs ont participé à l’insertion d’un droit
d’intervention dans l’Acte constitutif de l’Union africaine. Certains ont eu une influence directe
sur le processus d’adoption au cours des travaux préparatoires, comme les pressions diplomatiques
libyennes et la publication du rapport sur le génocide du Rwanda, d’autres étaient plus ou moins
lointains et beaucoup plus subtils tel que l’infléchissement des principes de souveraineté, de non-
intervention et de non recours à la force ou l’adhésion aux valeurs de démocratie, des droits de
l’homme. Contrairement à Carolyn HAGGIS qui justifie l’insertion de l’article 4(h) dans l’Acte
constitutif par essentiellement les deux facteurs immédiats, on notera que les éléments distants ne
sont pas moins importants. Bien avant les travaux préparatoires, ces derniers ont contribué à faire
émerger une conscience collective qui a facilité l’acceptation d’un droit d’intervention dans l’Acte
constitutif. Certes, l’initiative de l’institution d’un droit d’intervention est venue de la Lybie, mais
comme il a déjà été relevé, les travaux préparatoires ont été précédés par un contexte de
résurrection de l’idéal panafricaniste qui a été porté par Mouammar Kadhafi. Le leader libyen peut
être considéré comme un précurseur d’une conscience émergente mais qui était encore tapie. Ce
n’est pas parce que l’initiative est venue du leader libyen qu’il en est l’auteur principal. S’il n’avait
pas existé une conscience collective favorable avant les travaux préparatoires, celle-ci aurait été
simplement rejetée comme son projet supranationaliste. On pourrait même croire que les
résistances initiales de certaines délégations dont font Etat les travaux préparatoires
s’expliqueraient beaucoup plus par le rejet de la proposition de création d’une Organisation
supranationale qu’une opposition à l’idée de conférer un droit d’intervention à l’union africaine en
tant que tel. Comme mentionné plus haut, certaines puissances sous-régionales comme le Nigéria,
l’Afrique du Sud et l’Egypte consentaient à l’institutionnalisation d’un droit d’intervention pour
des motifs humanitaires mais étaient complètement opposées à l’idée de la mise en place d’une
Organisation supranationale. Et comme l’a également si bien relevé un autre ancien conseiller de

236
l’OUA, Ben Kioko, il aurait fallu qu’une telle initiative révolutionnaire vienne des Etats membres
et non du secrétariat de l’OUA.911

Il convient par ailleurs de préciser que nous ne soutenons pas que l’évolution de la position des
Etats africains du lendemain des indépendances au moment de l’adoption de l’Acte constitutif ait
abouti à une remise en cause des principes de la souveraineté, de non-intervention et de recours à
la force. Nous affirmons simplement que plusieurs facteurs ont participé à provoquer un
questionnement de ces principes. Leur réévaluation a cependant débouché sur un simple
infléchissement, mais pas à un total abandon.912 Les preuves de la survivance de ces principes
peuvent être trouvées dans deux éléments. En premier, la nature intergouvernementale de l’Union
africaine et le rejet du projet fédéraliste libyen témoigne d’un perpétuel attachement des Etats
africains à leur souveraineté. Deuxièmement, la nature limitée du droit d’intervention montre
également le dilemme des Etats africains entre la volonté de trouver des mécanismes efficaces
pour faire face à des crimes et le souci de sauvegarder néanmoins encore les souverainetés
Etatiques.

L’histoire de l’article 4 (h) montre enfin que la disposition traduit bien plus qu’une réponse aux
nouveaux défis de gestion des conflits en Afrique, elle incarne des velléités d’autonomisation des
acteurs africains en contestation du système de sécurité collective qui n’a pas selon eux porté
suffisamment d’attention aux conflits sur le continent et aussi contre l’ordre juridique international
qui semble toujours se construire sans leur réelle participation.

911
Voir interview de Carolyn Haggis avec Ben KIOKO, Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The
Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act, op. cit., p. 206.
912
Carolyn Haggis parvient également à cette conclusion, Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention:
The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act., pp. 207-214.

237
CHAPITRE III : ACCORD ULTERIEUR SUR L’INTERPRETATION DE L’ARTICLE 4 (H)
ET PRATIQUE SUBSEQUENTE

Introduction

L’une des fonctions principales de la pratique en droit international est la qualification ou


l’interprétation de la règle juridique.913 Elle permet, en effet de clarifier le contenu juridique ou de
déterminer les contours réels des dispositions d’un traité (ou certaines d’entre elles) qui semblent
ambiguës ou portent à diverses interprétations. C’est ainsi que l’article 31, paragraphe 3 de la
Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 dispose qu’il sera tenu compte en même
temps que du contexte : « a) de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de
l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions ; b) de toute pratique ultérieurement
suivie dans l’application du traité ou de l’application de ses dispositions ». Ces règles
d’interprétation sont non seulement reconnues comme des moyens authentiques d’interprétation
des traités ou de certaines de leurs dispositions,914 mais elles reflètent également le droit

913
Laurence BOISSON de CHAZOURNES, « Qu’est -ce que la pratique en droit international ? », La pratique et le
droit international, Société Française pour le Droit international, Colloque de Genève, Paris, Pedone, 2004, p. 25.
914
Il s’avère important de préciser que certains auteurs marquent une nuance d’expression à propos des formes
d’interprétation. Ils utilisent le terme « quasi-authentique » pour désigner l’interprétation authentique par la pratique
subséquente par opposition à la notion d’interprétation authentique expresse qui renvoie à un accord ultérieur
interprétatif. Voir Ioan VOÏCU, De l’interprétation authentique des traités internationaux, Paris, éditions Pedone,
1968, p. 87 ; Serges SUR, L’interprétation en droit international public, Paris, Librairie générale de droit et de
jurisprudence, 1974, pp. 386-387 ; Athina CHANAKI, L’adaptation des traités dans le temps, Bruylant, Bruxelles,
2013, p. 309 ; Giovanni DISTEFANO, « La pratique subséquente des États parties à un traité », Annuaire français de
droit international, 1994, p. 46 ; Ludwik EHRLICH, « L’interprétation des traités », Recueil des cours de l’Académie
de droit international de la Haye, vol. 24, (1928-IV), p. 48. Par ailleurs, d’autres auteurs désignent l’interprétation par
voie de pratique subséquente par des termes comme « practical » ou « conventional interpretation », voir Myres S.
DOUGALL, Harold LASSWELL and James C. MILLER, The Interpretation of International Agreements and World
Public Order, New Haven Press, 1994, p. 132. Il est également crucial de noter que pour être considérée comme moyen
d’interprétation au même titre qu’un accord interprétatif ultérieur, la pratique subséquente doit répondre à certaines
conditions comme nous le verrons dans le développement de la seconde section. Si elle ne satisfait pas à ces conditions,
elle sera considérée comme un élément complémentaire d’interprétation dans le sens de l’article 32 de la Convention
de Vienne sur le droit des traités de 1969, voir Jean Pierre COT, « La conduite subséquente des parties à un traité »,
Revue générale de droit international public, 1966, pp. 636-638. Voir aussi Mustafa Kamil YASSEEN, «
L’interprétation des traités d’après la Convention de Vienne sur le droit des traités », Recueil des cours de l’Académie
de droit international de la Haye, 1976, III, vol. 151, p. 48.

238
international coutumier.915 Par conséquent, les articles 31 et 32 s’appliquent à la fois aux Etats
parties à la Convention de Vienne pour les traités relevant du champ d’application de la
Convention et aux Etats non parties en vertu du droit international coutumier. De plus, ces articles
s’appliquent aux actes constitutifs des Organisations internationales ainsi qu’aux traités adoptés
au sein de telles Organisations internationales sous réserve des règles pertinentes de celles-ci.916

Il s’agira pour nous dans le cadre de ce chapitre d’éclairer les termes de l’article 4 (h) à travers ces
dispositions pertinentes de la Convention de Vienne. L’analyse des travaux préparatoires et du

915
Voir Documents officiels de l’Assemblée générale, Soixante-huitième session, Supplément no 10 (A/68/10), p. 14,
par. 4; C.I.J, Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua), arrêt, 2009,
Recueil 2009, p. 213, par. 47; C.I.J., Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, 2007, Recueil 2007, p. 43, par. 160 ; Jean
COMBACAU et Serges SUR, Droit international public, 6e éd, Paris, Montchrestien, 2004, p. 172 ; Yves LE
BOUTHILLIER, « Convention de Vienne de 1969, article 32, moyens complémentaires d’interprétation », dans
Olivier CORTEN et P. KLEIN (dir. Publ.), Les Conventions de Vienne sur le droit des traités, commentaire article
par article, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 1346 ; Richard K. Gardiner, Treaty interpretation, Oxford, Oxford
University Press, 2015, p. 13. Il est cependant important de préciser que ces dispositions ne bénéficiant pas de statut
de jus cogens, les parties peuvent y déroger au profit d’autres règles d’interprétation, voir Roberto AGO, Ann. C.D.I.,
1964, vol. 1, p. 293, par. 78.
916
Voir l’article 5 de la Convention de Vienne qui dispose : « la présente convention s’applique à tout traité qui est
l’acte constitutif d’une organisation internationale et à tout traité adopté au sein d’une organisation internationale, sous
réserve de toute règle pertinente de l’organisation ». L’acte constitutif d’une organisation au sens de l’article 5 est
comme tout traité, un accord international, « qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs
instruments connexes » (article 2, al. 1, a). Voir également le projet de conclusion 11 de la Commission du droit
international adopté à sa soixante-septième session et consacré exclusivement au rôle des accords et de la pratique
ultérieurs dans le contexte des traités qui sont des actes constitutifs d’organisations internationales (Documents
officiels de l’Assemblée générale, Soixante-dixième session, Supplément no 11 (A/70/10) ainsi que l’abondante
jurisprudence de la Cour internationale de justice confirmant l’applicabilité des articles 31 et 32 de la Convention de
Vienne aux actes constitutifs d’organisations internationales. Voir par exemple l’avis consultatif de la Cour sur la
licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé dans lequel elle déclare : « D’un point de
vue formel, les actes constitutifs d’organisations internationales sont des traités multilatéraux, auxquels s’appliquent
les règles bien établies d’interprétation des traités », C.I.J, Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État
dans un conflit armé, avis consultatif, Recueil 1996, p. 74, par. 19 ; La Cour déclarait également à propos de la Charte
des Nations Unies : « Dans les affaires précédentes où la Cour a dû interpréter la Charte des Nations Unies, elle a suivi
les principes et les règles applicables en général à l’interprétation des traités, étant donné qu’elle a reconnu que la
Charte est un traité multilatéral, bien qu’elle présente certaines caractéristiques spéciales », C.I.J, Certaines dépenses
des Nations Unies (Art. 17, par. 2, de la Charte), avis consultatif, Recueil 1962, p. 157. La Cour a par ailleurs reconnu
que comme le laisse paraître l’article 5 de la Convention de Vienne, que les actes constitutifs des organisations
internationales sont des traités d’un type particulier dont l’interprétation peut être soumise à des exigences propres,
voir à cet sujet Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé, op. cit., p. 75, par. 19.
Voir également C.I.J, Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria, exceptions préliminaires, arrêt,
Recueil 1998, p. 305, par. 65 et C.I.J, Chasse à la baleine dans l’Antarctique [Australie c. Japon : Nouvelle-Zélande
(intervenant)], arrêt du 31 mars 2014, par. 46.

239
contexte d’adoption de la disposition nous a permis de dégager une hypothèse d’interprétation de
la disposition que nous tentons de confirmer ou d’infirmer par l’analyse de la pratique ultérieure.

Notre propos s’articulera autour de deux sections. Nous procèderons dans un premier temps à
l’examen de la portée juridique du Consensus d’Elzwini sur lequel nous portons des soupçons de
traduire un accord ultérieur interprétatif de l’article 4 (h) (Section I). Nous reviendrons dans un
second temps sur la pratique subséquente de la disposition (Section II).

Section I: le Consensus d’Ezulwini, un accord ultérieur interprétatif de l’article 4(h) ?

Le « Consensus d’Ezulwini » est la position commune africaine sur la réforme des Nations Unies.
Il a été publié en mars 2005 en marge des préparatifs du Sommet mondial des Nations Unies. Ce
document qui résume les réactions de l’Union africaine sur le Rapport du Groupe de haut niveau
sur les menaces, les défis et le changement aborde également la question de la légalité du recours
à la force par les Organisations régionales et par conséquent l’interprétation que l’Union fait de
l’article 4 (h). Cette référence peut-elle cependant être considérée comme un accord ultérieur
interprétatif de l’article 4 (h) ? Si oui, quelle hypothèse d’interprétation peut-on en tirer ? C’est à
ces interrogations que nous tenterons de répondre dans cette première section en commençant par
préciser dans un premier paragraphe la portée juridique de cette position commune africaine
(paragraphe I). Le deuxième paragraphe traitera de la tendance interprétative qui découle du
Consensus (paragraphe II).

Paragraphe I : la portée juridique du Consensus d’Ezulwini

La convention de Vienne ne prévoit aucune forme particulière que doit revêtir les accords et la
pratique visés par l’article 31, paragraphe 3, a) et b). Elle se contente tout simplement d’une
distinction entre un « accord ultérieur » en vertu de l’article 31 paragraphe 3) a), et « toute pratique
ultérieurement suivie (…) par laquelle est établi l’accord des parties à l’égard de l’interprétation
du traité » en vertu de l’article 31, paragraphe 3) b). La différence tient, selon la CDI au fait qu’un
« accord ultérieur entre les parties » aurait pour effet ipso facto de constituer un moyen
d’interprétation authentique du traité, alors qu’une « pratique ultérieurement suivie » n’a cet effet
que si ses différents éléments, pris ensemble, traduisent « les vues communes aux parties sur le

240
sens des termes ».917 Une lecture attentive de l’article 31, paragraphe 3, a) permet néanmoins de
dégager trois caractéristiques fondamentales qu’un accord doit réunir pour être considéré comme
accord interprétatif au sens de l’article (B). Mais avant de passer en revue ces trois éléments, se
pose la question de la forme qu’est censé revêtir un tel accord (A)

A- La forme de l’accord ultérieur interprétatif du traité ou de ses dispositions

L’article 31, paragraphe 3, a) de la Convention de Vienne fait référence au terme « accord » et non
à la notion de « traité ». Le choix du terme n’est pas anodin. Pour la CDI, un accord ultérieur n’est
pas moins solennel qu’un traité, surtout que le terme accord ne suppose aucun degré de solennité
ni dans la Convention de Vienne, ni en droit international coutumier.918 Cette souplesse opérée par
la Commission a été également confirmée par la doctrine.919 L’accord ultérieur interprétatif n’est
par conséquent soumis à aucune condition de forme particulière. Il n’est pas nécessairement
contraignant,920 contrairement à ce que soutiennent certains auteurs qui estiment qu’il doit avoir
au moins un caractère obligatoire.921 L’exemple d’accord ultérieur d’interprétation type
communément cité est l’accord relatif à l’interprétation et à l’application des articles VI, XVI et

917
Voir Documents officiels de l’Assemblée générale, Soixante-huitième session, Supplément no 10 (A/68/10), p. 34,
par. 9.
918
Voir les articles de la Convention de Vienne relatifs au terme « accord », article 2, par. 1) a), art. 3, art. 24, par. 2,
art. 39 à 41, art. 58 et art. 60. Aussi l’article 39 de la Convention de Vienne qui dispose qu’« un traité peut être amendé
par accord entre les parties » a été interprété par la CDI et la doctrine comme impliquant qu’« un accord portant
amendement peut prendre toute forme que choisiront de lui donner les parties au premier traité », voir Annu.CDI,
1966, Vol. II, p. 253. Voir également Philippe SANDS, « Convention de Vienne sur le droit des Traités de 1969 –
Article 39 », dans Olivier CORTEN et Pierre KLEIN (dir. Publ.), les conventions de Vienne sur le droit des traités,
Commentaire article par article, vol. II , Bruylant, Bruxelles, 2006, p. 1536.
919
Voir Hazel FOX, « Article 31 (3) (a) and (b) of the Vienna Convention and the Kasikili/Sedudu Island Case », in
Malgosia FITZMAURICE, Olufemi ELIAS, Panos MERCOURIS (eds.), Treaty Interpretation and the Vienna
Convention on the Law of Treaties: 30 Years on, Martinus Nijhoff Publishers, Leiden, Boston, 2010, p. 63.
920
La CDI soutient dans ses commentaires sur le projet de conclusion 4, qu’un « accord ultérieur » dans le sens de
l’article 31, paragraphe 3, a) est un accord pas nécessairement contraignant dans la mesure où il s’agit d’« un élément
dont il «sera» uniquement «tenu compte» aux fins de l’interprétation d’un traité », voir Documents officiels de
l’Assemblée générale, Soixante-huitième session, Supplément no 10 (A/68/10), p. 33, par. 6. Voir également Jean
COMBACAU, Serge SUR, Droit international public, 11e éd., Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence.,
2014, p. 176.
921
Voir Ulf LINDERFALK, On the Interpretation of Treaties: The Modern International Law as Expressed in the
1969 Vienna Convention on the Law of Treaties, Dordrecht, Springer, 2007, p. 162; Athina CHANAKI, L’adaptation
des traités dans le temps, op. cit., p. 276

241
XXIII de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce.922 Ainsi, il n’est pas exigé que
l’accord ultérieur interprétatif présente la même forme que le traité ou la disposition qu’il vise.923
Il peut se présenter sous une forme simplifiée924 ou consister en un échange de notes ou de
déclarations orales concordantes.925 Les problèmes d’application que pourrait poser un accord du
fait de sa forme ne portent pas atteinte à sa validité.926 Il est d’ailleurs prôné la conclusion de
l’accord ultérieur sous la forme simplifiée qui présente l’avantage de la simplicité et de la rapidité
d’application.927

Sur ce point, il est à noter que le Consensus d’Ezulwini adopte une forme écrite mais simplifiée.
Il s’agit d’une décision du Conseil exécutif, un des principaux organes de l’Union africaine. La
force juridique de ce document ne présente pas de pertinence en l’espèce, dans le sens où, comme
nous l’avons relevé plus haut, l’accord interprétatif n’est pas nécessairement contraignant.

B- Eléments constitutifs d’un accord ultérieur interprétatif

Il doit s’agir dans un premier temps d’un accord intervenu après la conclusion du traité à
interpréter. L’accord doit ensuite concerner toutes les parties au traité. Il doit en dernier lieu avoir
été conclu « au sujet de » l’interprétation du traité ou de ses dispositions.

1- Un accord postérieur à la conclusion du traité

922
Cité par Richard K. GARDINER, Treaty Interprétation, op. cit., p. 219, note 47 et par Athina CHANAKI,
L’adaptation des traités dans le temps, op. cit., p. 276. L’accord a été conclu à Genève le 12 avril 1979.
923
Mustafa Kamil YASSEEN, « L’interprétation des traités d’après la Convention de Vienne sur le droit des traités »,
op. cit., p. 45 ; Anthony AUST, Modern Treaty Law and Practice, 3e éd., Cambridge, Cambridge University Press,
2013, p. 213 ; Athina CHANAKI, L’adaptation des traités dans le temps, op. cit., p. 277
924
Voir C.I.J., Avis consultatif concernant le statut international du Sud-Ouest africain, Recueil, 1950, pp. 136-137.
925
Charles ROUSSEAU, Droit international public, t. 1, 1971, no 247, p. 272 ; Charles DE VISSCHER, Problèmes
d’interprétation judiciaire en droit international, Paris, Pedone, p. 64 ; Richard K. GARDINER, « Treaties and Treaty
Materials : Role, Relevance and Accessibility », International and Comparative Law Quarterly, vol. 40, no 3, 1997,
p. 643, et pp. 658-659.
926
Mustafa Kamil YASSEEN, « L’interprétation des traités d’après la Convention de Vienne sur le droit des traités »,
op. cit., p. 45.
927
La forme simplifiée semble aider à faire l’économie des lourdeurs administratives internes des États permettant la
ratification des traités, voir Athina CHANAKI, L’adaptation des traités dans le temps, op. cit., p. 278.

242
Dans le projet de conclusion 4, la CDI définit l’« accord ultérieur » en tant que moyen
d’interprétation authentique en vertu de l’article 31, paragraphe 3) a) comme un accord au sujet de
l’interprétation du traité ou de l’application des dispositions de celui-ci, auquel sont parvenues les
parties après la conclusion du traité.928 Il ressort en premier lieu de cette définition, que le terme
ultérieur renvoie bien à des actes intervenus après la conclusion du traité. Cet élément temporel
est également pris en compte par la jurisprudence internationale. L’Organe d’appel de l’OMC
concluait dans ce sens dans une affaire impliquant les Etats-Unis qu’:

« En nous fondant sur le texte de l’article 31, paragraphe 3, a) de la Convention de Vienne, nous estimons
qu’une décision adoptée par les Membres peut être considérée comme un « accord ultérieur intervenu entre
les parties » au sujet de l’interprétation d’un accord visé ou de l’application de ses dispositions si : i) la
décision est, au sens temporel, adoptée ultérieurement par rapport à l’accord visé pertinent … ».929

L’article 31 établit en effet une distinction claire entre les accords intervenus « à l’occasion de la
conclusion du traité » (paragraphe 2, a) et ceux qui sont conclus ultérieurement, paragraphe 3, a).
Mais la notion de « conclusion » du traité ne fait pas entièrement unanimité en droit
international.930 La question se pose surtout en ce qui concerne la détermination du contenu de la
notion de « conclusion d’un traité » sur le fait de savoir s’il faut prendre en compte le texte définitif
ou l’entrée en vigueur. Mais d’après la CDI, la « conclusion » aux fins de l’interprétation en vertu
de l’article 31 de la convention de vienne intervient après que le texte définitif a été établi.931En

928
Voir Soixante-huitième session, Supplément no 10 (A/68/10), op. cit., p. 31.
929
OMC, rapport de l’Organe d’appel, Etats-Unis – Mesures affectant la production et la vente des cigarettes aux
clous de girofle, AB-2012-1, WT/DS406/AB/R, 4 avril 2012, par. 262. Italiques de nous.
930
Voir E. W. VIERDAG, « The Time of the Conclusion of a Multilateral Treaty : Article 30 of the Vienna Convention
on the Law of Treaties and Related Provisions », British Yearbook of International Law, vol. 59, 1989, p. 84. Voir
également par exemple Paul Reuter qui définit la notion de « conclusion » de traité comme « l’ensemble des
procédures mettant en jeu des « instruments variés » par lesquelles sont appelés à l’existence des traités », Paul
REUTER, Introduction au droit des traités, 3ed., revue et augmentée par Philippe CAHIER, Presses Universitaires
de France, 1995, pp. 51-52. Sir Humphrey WALDOCK, pour sa part considère la conclusion des traités internationaux
comme « une opération aux aspects multiples » qui peut s’étendre jusqu’au stade ultime de l’entrée en vigueur du
traité, conformément à ses dispositions, à l’égard des États qui ont exprimé leur consentement, voir Patrick
DAILLIER, Alain PELLET, Mathias FORTEAU, Droit international public, 8e édition, Paris, Librairie générale de
droit et de jurisprudence, 2009, p. 139.
931
Voir Soixante-huitième session, Supplément no 10 (A/68/10), op. cit., pp. 31-32, par. 1-3.

243
d’autres termes, la conclusion du traité est établie à partir de sa signature et non après son entrée
en vigueur. C’est cette vision de la conclusion d’un traité qui a été privilégiée par Sir Gerald
Fitzmaurice dans son rapport de 1956 lorsqu’il proposait un article 26 qui disposait comme suit :

« 1. La conclusion d’un traité, qui ne se confond pas avec sa mise en vigueur, bien que l’une et l’autre
puissent résulter du même acte, est l’opération qui consiste à approuver expressément le texte du traité comme
base d’accord sans nécessairement consentir immédiatement à contracter les obligations qu’il comporte.
2. La conclusion résulte ordinairement de la signature (à condition qu’il s’agisse d’une signature définitive)
…».932
En résumé, sur ce premier critère, on peut retenir que le terme accord ultérieur renvoie à un accord
conclu après l’adoption et l’authentification du texte conventionnel qu’il est censé interpréter et
non après son entrée en vigueur.933 Appliqué au Consensus d’Ezulwini, ce premier élément ne
semble pas porter à débats. Le document a été adopté à la septième session extraordinaire du
Conseil exécutif de l’Union africaine les 7 et 8 mars 2005 à Addis-Abeba (Ethiopie).934 Il est
indiscutable que cette adoption est ultérieure à celle de l’Acte constitutif de l’UA qui institue
l’article 4 (h), intervenue en juillet 2002.935
2- Un accord commun et unique survenu entre toutes les parties
Une lecture linéaire de l’article 31, paragraphe 3, a) pourrait conduire à la conclusion selon laquelle
des accords distincts, intervenus entre différentes parties au traité, pris ensemble pourrait constituer
un accord ultérieur interprétatif. Ceci est d’autant plus convaincant que contrairement aux accords
envisagés par le paragraphe 2 du même article 31, où il est clairement indiqué qu’il s’agit d’un
accord intervenu entre « toutes les parties », le paragraphe 3, a) mentionne simplement « un accord
ultérieur intervenu entre les parties ». La question se pose donc de savoir si l’accord dont il est

932
Voir Rapport de Gerald G. FITZMAURICE, Rapporteur spécial, Ann. CDI, 1956, vol. II, A/CN.4/101, p.115. Nos
italiques.
Voir l’article 2, paragraphe 1, a) de la Convention de Vienne qui dispose de la définition d’un traité. Voir également
933

Athina CHANAKI, L’adaptation des traités dans le temps, op. cit., p. 287-289.
934
Voir Position commune africaine sur la réforme des Nations Unies, ‘Le Consensus d’Ezulwini’, septième Session
extraordinaire du Conseil exécutif, 7-8 mars 2005, Addis-Abeba, Ethiopie, Ext. /EX. CL. /2(VII).
935
Pour rappel, l’Acte constitutif de l’UA a été signé dans un premier temps le 11 juillet 2000 à Lomé au Togo, il est
entré en vigueur 2 ans après sa signature, soit le 9 juillet 2002.

244
question à l’article 31, paragraphe 3, a) doit être un accord intervenu entre toutes les parties au
traité ou s’il suffisait qu’il émane de certaines parties seulement. La question a été tranchée à la
fois par la CDI et par la doctrine. En effet, la doctrine considère en règle générale qu’une
interprétation authentique est une interprétation conjointe de toutes les parties produisant des effets
erga omnes partes.936

La Commission de droit international considère également que le terme « accord ultérieur » au


sens de l’article 31, paragraphe 3) a), devrait être réservé à un accord unique intervenu entre toutes
les parties.937 Cette position vient confirmer celle du Sir Humphrey Waldock, qui dans son
troisième rapport sur le droit des traités faisait expressément référence aux accords ultérieurs
intervenus « entre toutes les parties au traité ».938 Pour la Commission, différents accords ultérieurs
entre un nombre limité de parties, pris ensemble, qui établissent un accord entre toutes les parties
au sujet de l’interprétation d’un traité constituent une pratique ultérieurement suivie au sens de
l’article 31, paragraphe 3 b). Lorsque ces accords ultérieurs entre un nombre limité de parties
n’établissent pas un accord entre toutes les parties au sujet de l’interprétation d’un traité, ils

936
Voir Ioan VOÏCU, De l’interprétation authentique des traités internationaux, op. cit., pp. 83 et 85 ; Ulf
LINDERFALK, On the Interpretation of Treaties : The Modern International Law as Expressed in the 1969 Vienna
Convention on the Law of Treaties, op. cit., pp. 162-163 ; Sir Robert JENNINGS, Sir Arthur WATTS, Oppenheim’s
International Law, 9th ed., vol. I, Parts 2-4, Harlow, Longman, 1992, pp. 1268-1269. Selon Athina Chanaki, il résulte
des travaux préparatoires de la Convention de Vienne que l’omission du terme « toutes » au paragraphe 3, a) de
l’article 31 n’avait pas pour objectif de prêter aux accords ultérieurs inter se, les mêmes effets qu’une interprétation
authentique du traité, Athina CHANAKI, L’adaptation des traités dans le temps, op. cit., p. 285. Plusieurs autres
auteurs adhèrent au fait que le paragraphe 3 a) de l’article 31 renvoie à un accord entre toutes les parties, Voir James
Crawford, « A Consensualist Interpretation of Article 31(3) of the Vienna Convention on the Law of Treaties », in
Georg NOLTE, dir. publ., Treaties and Subsequent Practice, Oxford, Oxford University Press, 2013, p. 30.
937
Voir Soixante-huitième session, Supplément no 10 (A/68/10), op. cit., p. 35, par. 12. Nos italiques.
938
Sir Humphrey avait proposé dans son troisième rapport sur le droit des traités, un article 73 portant sur l’effet d’une
règle coutumière ou d’un accord postérieur sur l’interprétation du traité. L’article était intitulé comme suit : « Pour
l’interprétation, à un moment déterminé des termes d’un traité […], il doit être tenu compte : a) De l’apparition de
toute règle de droit international coutumier postérieure au traité, intéressant la matière sur laquelle porte le traité et
obligeant toutes les parties ; b) De tout accord ultérieur entre toutes les parties au traité ayant trait à la matière qui fait
l’objet du traité…», souligné par nous, voir Troisième rapport sur le droit des traités par Sir Humphrey Waldock,
Rapporteur spécial, Ann. C.D.I., 1964, vol. II, A/CN.4/167 et Add.1-3, p. 54. Cet article a cependant été abandonné
au profit d’un article 69 dont le paragraphe 3 a) omettait la référence à « toutes les parties au traité », voir Rapport de
la CDI sur les travaux de sa seizième session, Ann C.D.I., 1964, vol. II, A/5809, p. 210.

245
peuvent être utilisés comme moyens complémentaires d’interprétation au sens de l’article 32 de la
Convention de Vienne.939

En l’espèce, la question se pose de savoir comment l’on envisage ce critère d’accord unique
intervenu entre toutes les parties au traité dans le cas d’une Organisation internationale. S’agit-il
d’un accord commun intervenu entre tous les Etats membres de l’Organisation internationale ou
d’un acte adopté par un organe plénier de l’Organisation internationale. Le mode d’adoption de
l’acte susceptible de qualification d’accord ultérieur interprétatif a- t- il un impact sur sa valeur
juridique ?

Pour répondre à ces questionnements, on peut se référer au projet de conclusion 11 de la CDI


consacré exclusivement à l’interprétation des actes constitutifs d’Organisations internationales.940
En effet, le paragraphe 2 de ce projet de conclusion dispose que : « Les accords et la pratique
ultérieurs au sens du paragraphe 3 de l’article 31 ou toute autre pratique ultérieure au sens de
l’article 32 peuvent résulter de, ou être exprimés par, la pratique d’une Organisation internationale
dans l’application de son acte constitutif »941. Ainsi, il est en principe admis que la pratique au sein
d’une Organisation internationale peut traduire un accord ultérieur ou une pratique ultérieure des
Etats parties à l’acte constitutif de l’Organisation.942 C’est ce qui ressort du troisième rapport de

939
Soixante-huitième session, Supplément no 10 (A/68/10), op. cit., p. 35, par. 12.
940
Ce projet de conclusion 11 fait suite au troisième rapport du Rapporteur spécial Georg Nolte, (A/CN/.4/683) dans
lequel il a procédé à l’examen du rôle des accords et de la pratique ultérieurs dans le contexte des traités qui sont des
actes constitutifs d’organisations internationales et qui proposait un projet de conclusion 11, voir Soixante-dixième
session, Supplément no 11 (A/70/10), op. cit., p. 92, par. 123. Cependant, selon la CDI, le projet de conclusion 11 ne
traite pas de tous les aspects du rôle des accords et de la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des
traités concernant des organisations internationales. Il ne s’applique pas à l’interprétation des traités adoptés au sein
d’une organisation internationale, ni aux traités conclus par des organisations internationales qui ne sont pas eux-
mêmes des actes constitutifs d’organisations internationales. Le projet de conclusion 11 ne s’applique pas non plus à
l’interprétation de décisions émanant d’organes d’organisations internationales (comme l’interprétation de décisions
de juridictions internationales, ou l’effet d’une jurisprudence constante de cours ou de tribunaux). Il ne traite pas non
plus de questions relatives aux décisions d’un organe de surveillance de l’application des traités, ni du poids à accorder
à certaines formes particulières de pratique, ibid, p. 98, par. 5.
941
Soixante-dixième session, Supplément no 11 (A/70/10), op. cit., p. 96, par. 129.
942
Voir Rosalyn HIGGINS, « The development of International Law by the Political Organs of United Nations »,
American Society of International Law Proceedings, 59th Annual Meetings, 1965, p. 119.

246
Georg Nolte, portant sur les « Accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation
des traités ». Le rapporteur spécial note en outre que :

« les décisions et recommandations des organes pléniers d’Organisations internationales ayant trait à
l’interprétation ou à l’application d’une disposition conventionnelle peuvent également, sous certaines
conditions, valoir accord ultérieur entre les parties au sens de l’article 31, paragraphe 3 a), sous réserve
qu’elles représentent bien l’accord des parties à l’acte constitutif elles-mêmes ».943

D’autres auteurs ont de même confirmé le fait que les accords ultérieurs au sens de l’article 31,
paragraphe 3 a), peuvent résulter de ou être exprimés par les actes d’organes pléniers
d’Organisations internationales944. La jurisprudence a, à son tour régulièrement admis le principe
que des actes d’organes pléniers d’Organisations internationales puissent sous certaines conditions
constituer des accords ultérieurs au sens de l’article 31, paragraphe 3 a). C’est ainsi que dans
l’Affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci la CIJ prenait
en considération les résolutions de l’Assemblée générale dans l’interprétation de la Charte des
Nations Unies.945

Selon l’Organe d’appel de l’OMC, une décision d’une Organisation internationale ne saurait être
qualifiée d’« élément authentique d’interprétation » aux fins de l’article 31, paragraphe 3 a) que si

943
Georg NOLTE, Rapporteur spécial, Troisième rapport sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de
l’interprétation des traités, (A/CN.4/683).
944
Voir Henri G. Schermers et Niels M. Blokker, International Institutional Law, 5e éd. Leiden/Boston, Martinus
Nijhoff, 2011, p. 854. Voir également Marc COGEN, « Membership, Associate Membership and Pre-Accession
Arrangements of CERN, ESO, ESA and EUMETSAT », International Organizations Law Review, vol. 9, 2012, pp.
157-158. L’auteur cite comme exemple d’accord ultérieur au sens de l’article 31, paragraphe 3 a), une décision du
Conseil du CERN du 17 juin 2010, adoptée à l’unanimité, qui interprète les conditions d’adhésion prévues par la
Convention du CERN.
945
La CIJ a dans l’Affaire des Activités militaires admis la Déclaration sur les relations amicales en tant
qu’interprétation authentique de la Charte même si elle n’a pas expressément mentionné le paragraphe 3 a) de l’article
31 de la Convention de Vienne de 1969. Elle a particulièrement insisté sur « l’attitude des Parties et des États à l’égard
de certaines résolutions de l’Assemblée générale » et sur leur consentement à ces textes, voir Commentaire du projet
de conclusion 11 de la Commission du droit international, Soixante-dixième session, Supplément no 11 (A/70/10), op.
cit., p. 103, par. 20 ; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis
d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 100, par. 188 ; voir également sur ce point L. B. Sohn « The UN
System as Authoritative Interpreter of its Law », in O. Schachter et C. C. Joyner, dir. publ., United Nations Legal
Order, vol. 1, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, pp. 176-177.

247
les parties à l’acte constitutif de l’Organisation internationale ont agi en qualité de parties et non
en tant que membres de l’organe plénier concerné.946 Mais il reste en l’espèce difficile de savoir
si les « Etats membres réunis au sein » de l’organe plénier d’une Organisation internationale
entendent agir en leur qualité de membres de cet organe, ou en leur qualité indépendante d’Etats
parties à l’acte constitutif de l’Organisation internationale.947 La Cour de justice de l’Union
européenne qui a été amenée par exemple à se prononcer sur le fait de savoir si une décision était
à attribuer à l’organe ou aux Etats membres en tant que parties s’est fondée sur deux éléments : le
libellé de l’acte ainsi que le « contenu et l’ensemble des circonstances dans lesquelles [la décision]
[avait] été adoptée ».948 Elle a par ailleurs accordé une importance capitale à ce dernier élément
dans son analyse.

En prenant en considération ces conditions dégagées par l’Organe d’appel de l’OMC et par la Cour
de justice de l’Union européenne, il peut être admis que le Consensus d’Ezulwini reflète bien une
position commune des Etats africains en tant qu’Etats parties à l’Acte constitutif de l’Union

946
Voir OMC, rapport de l’Organe d’appel, Etats-Unis – Mesures affectant la production et la vente des cigarettes
aux clous de girofle, WT/DS406/AB/R, 4 avril 2012, par. 262. Voir aussi « la décision des États membres réunis au
sein » de l’Union européenne procédant au changement du nom de la monnaie européenne considérée par la doctrine
comme un accord ultérieur au sens de l’article 31, paragraphe 3 a). La décision en question était intitulé comme suit :
« Les gouvernements des quinze Etats Membres sont convenus d’un commun accord que la présente décision
constituait l’interprétation agréée et définitive des dispositions du traité », ce qui impliquait que « [ …] le nom de la
monnaie européenne serait ‘euro’ […]. Le nom spécifique ‘euro’ [serait] utilisé au lieu du terme générique ‘écu’
employé dans le traité pour désigner l’unité monétaire européenne », Conseil européen de Madrid, Conclusions de la
Présidence, Bulletin de l’Union européenne, no 12 (1995), p. 10, I. A. I. Voir sur la doctrine Anthony AUST, Modern
Treaty Law and Practice, 3e éd., Cambridge, Cambridge University Press, 2013, p. 213, Gerhard HAFNER, «
Subsequent Agreements and Practice : Between Interpretation, Informal Modification, and Formal Amendment », in
Georg NOLTE, dir. publ., Treaties and Subsequent Practice, Oxford, Oxford University Press, 2013, pp. 109-110 ;
Yves BONZON, Public Participation and Legitimacy in the WTO, Cambridge, Cambridge University Press, 2014,
pp. 114-115.
947
Voir Paul C.G. KAPTEYN et Pieter V. Van THEMAAT, Introduction to the Law of the European Communities,
3e éd., Londres, Kluwer Law International, 1998, pp. 340 à 343.
948
Sur le libellé, la Cour déclare que : « Du libellé de cette disposition, il ressort clairement que les actes adoptés par
les représentants de leur gouvernement, et exerçant ainsi collectivement les compétences des Etats membres, ne sont
pas soumis au contrôle de légalité exercé par la Cour., Affaires C-181/91 et C-248/91, Parlement c. Conseil et
Commission (1993), ECR I-3713, par. 12. Sur le contenu et les circonstances d’adoption de la décision, la Cour
soutient que : « En conséquence, il ne suffit pas qu’un acte soit qualifié de ‘décision des Etats membres’ pour qu’il
échappe au contrôle institué par l’article 173 du traité. Encore faut-il pour cela vérifier que l’acte en question, eu égard
à son contenu et à l’ensemble des circonstances dans lesquelles il a été adopté, ne constitue pas en réalité une décision
du Conseil », Ibid., par. 14.

248
africaine. Il s’agit certes d’une décision d’un organe plénier de l’Union africaine, le Conseil
exécutif, mais la prise en compte des deux critères dégagés par la Cour de justice de l’Union
européenne permet de soutenir que les Etats membres ont agi en qualité de parties et non en tant
que membres du Conseil exécutif. D’abord, sur le libellé, il est important de souligner que l’intitulé
de l’acte n’est pas anodin. Une position commune africaine implique la position de tous les pays
africains pris individuellement mais faisant l’objet d’un consensus, d’où l’usage du terme «
Consensus ».949 La question pourrait se poser de savoir pourquoi un tel consensus est entériné par
le Conseil exécutif et non par exemple par la Conférence qui est l’organe le plus important de
l’Union? Une réponse à cette interrogation serait que la Conférence reste l’organe suprême de
l’Union, mais le Conseil exécutif est l’organe qui assure la coordination et décide des politiques
dans les domaines d’intérêt communs pour les Etats membres.950 Le Conseil exécutif est par
ailleurs composé des ministres des Affaires étrangères ou de tous autres ministres ou autorités
désignés par les gouvernements des Etats membres.951

Pour ce qui est du contenu et du contexte d’adoption de l’acte, il convient de rappeler que le
Consensus d’Ezulwini (position commune africaine) a été adoptée dans un contexte de débats sur
la réforme des Nations Unies. La question de l’interprétation de l’article 4 (h) s’est trouvée
étroitement liée au renouveau des discussions sur la réforme institutionnelle du Conseil de sécurité.
En effet, la publication du Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau qui était chargé dans
le cadre de ce processus de réforme globale des Nations Unies de produire une étude sur les
nouvelles menaces, les défis et les moyens d’y faire face, a enclenché une kyrielle de réactions de
toutes les régions du monde. Les responsables africains ont fait le choix d’une réaction commune
et concertée au sein de l’Union africaine. Les chefs d’Etat et de gouvernement africains ont ainsi
à l’occasion de la quatrième session ordinaire de la Conférence tenue à Abuja en janvier 2005952

949
Ezulwini est la ville du Swaziland dans laquelle le Consensus a été adopté.
950
Voir l’article 13 de l’Acte constitutif de l’UA.
951
Voir Union africaine, Acte constitutif, article 10, alinéa 1.
Voir UA, quatrième Session ordinaire de la Conférence de l’Union africaine, 30-31 janvier 2005, Abuja, Nigéria,
952

Assembly/AU/Dec. 55-72 (IV) ; Assembly/AU/Decl. 14 – 15 (IV).

249
confié l’examen de l’ensemble de la réforme des Nations Unies ainsi que du Rapport du Groupe
des personnalités de haut niveau à un comité ministériel dit « des Quinze ».953 Les conclusions de
ce comité ont été synthétisées dans un document adopté à Ezulwini au Swaziland et entériné par
l’Organisation continentale lors de la septième session extraordinaire du Conseil exécutif comme
la position commune africaine sur la réforme des Nations Unies.954 A la suite du Conseil exécutif
de l’Union, s’en est suivi la Déclaration de Syrte sur la réforme des Nations Unies par laquelle les
chefs d’Etat et de gouvernement réaffirment leur ferme attachement au Consensus d’Ezulwini.955
Ils s’engagent résolument à

« faire triompher le Consensus d’Ezulwini précisant la position africaine commune sur le développement
durable, la sécurité collective, la prévention des conflits et les conditions d’utilisation de la force, ainsi que
la réforme institutionnelle de l’ONU ».956

De fait, il peut remarquer que bien que la Déclaration de Syrte émane de la Conférence - l’organe
plénier de l’Union- on peut être amené à croire à la lecture du préambule que les chefs d’Etat et de
gouvernement qui ont siégé à cette session ordinaire de la Conférence ont agi en qualité de
représentants de leur gouvernement et non en qualité de membres de l’organe suprême. Il est
clairement indiqué dès le préambule :

953
Voir UA, Décision sur la Convocation d’une session extraordinaire du Conseil exécutif, quatrième Session
ordinaire de la Conférence de l’Union africaine, 30-31 janvier 2005, Abuja, Nigéria, Assembly/AU/Dec. 57 (IV). Le
Comité constitué sur la base d’une répartition géographique équitable comprend : le Ghana, le Niger, le Nigéria, et le
Sénégal (pour la zone Afrique de l’Ouest) ; le Cameroun, le Congo et le Gabon (pour l’Afrique centrale) ; l’Ouganda,
le Rwanda et la Tanzanie (pour l’Afrique de l’Est) ; l’Angola, le Botswana et le Zimbabwe (Afrique australe), enfin
l’Algérie et la Lybie (Afrique du Nord).
954
UA, Position commune africaine sur la réforme des Nations Unies, 7e session extraordinaire du conseil éxecutif,
Addis-Abeba, (Ethiopie), 7-8 mars 2005, Ext./EX.CL./2(VII).
955
UA, Déclaration de Syrte sur la réforme des Nations Unies, 5e session ordinaire de la Conférence, Syrte, Lybie, 5
juillet 2005, Assembly/AU/Decl.2 (V)
956
Ibid, par. 2. Italiques de nous.

250
« Nous, Chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres de l’Union Africaine, réunis en la cinquième
5eme session ordinaire de notre Conférence, les 4 et 5 juillet 2005 à Syrte, en Grande Jamahiriya Arabe
Libyenne Populaire Socialiste ». 957

Mais, une pareille décision des « Etats membres réunis au sein de l’Union européenne » a été
considérée par la doctrine comme un accord ultérieur au sens de l’article 31, paragraphe 3, a).958

Sur la question du mode d’adoption ou de la nature de l’accord commun unique dans le cas d’une
Organisation internationale, il faut noter que la CDI ne traite pas expressément du sujet. Cependant
dans l’affaire relative à la Chasse à la baleine dans l’Antarctique, la CIJ estimait à propos des
recommandations (non contraignantes) de la commission baleinière internationale 959 que
lorsqu’elles sont « adoptées par consensus ou à l’unanimité, (ces recommandations) peuvent être
pertinentes aux fins de l’interprétation de la convention ou du règlement qui lui est annexé ».960
Même si dans cette affaire, la Cour a refusé d’accorder une valeur juridique aux résolutions et
lignes directrices invoquées par les deux parties, au motif que ces actes ont été adoptés sans l’appui
de tous les Etats parties à la Convention.961

Dans notre cas d’analyse, il faut relever que les décisions du Conseil exécutif de l’Union africaine
sont prises sous trois formes. On a en premier lieu des règlements qui sont directement applicables

957
Ibid, par. 1. Italiques de nous
958
Voir supra.
959
La Commission baleinière internationale désigne à la fois l’Organisation internationale établie par la Convention
internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine et un organe de celui-ci, voir Simone SCHIELE,
Evolution of International Environnemental Regimes : The Case of Climate Change, Cambridge, Cambridge
University Press, 2014, pp. 37-38.
Voir Chasse à la baleine dans l’Antarctique [Australie c. Japon : Nouvelle-Zélande (intervenant)], C.I.J, arrêt du
960

31 mars 2014, par. 46.


961
Ibid., par. 83. Il n’empêche que la Cour a dans certains cas considéré qu’une décision adoptée sans l’appui de tous
les États membres puisse exprimer la position ou la pratique de certains États membres dans l’application d’une
disposition ou d’un traité au titre de l’article 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, voir
Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J., recueil
2004, P. 149. Dans cet avis, la Cour cite la résolution 1600 (XV) de l’Assemblée générale en date du 15 avril 1961,
A/RES/1600 (adoptée par 60 voix contre 16, et 23 abstentions) ainsi que la résolution 1913 (XVIII) du 13 décembre
1963, A/RES/1913 (adoptée par 91 voix contre 2).

251
dans les Etats membres. Ceux-ci devront prendre des mesures nécessaires pour leur mise en
œuvre.962 Ensuite, les directives qui s’adressent à un Etat membre ou à tous les Etats membres, ou
à des groupements et individus. Elles sont obligatoires pour les Etats membres qui sont soumis à
une obligation de résultat mais sont libres du choix de la forme et des moyens à utiliser pour
atteindre les objectifs escomptés.963 Le Conseil exécutif peut également procéder par des
recommandations, déclarations, résolutions et opinions mais cette dernière forme d’actes ne
présente pas de caractère obligatoire. Ils sont destinés à orienter et à harmoniser les points de vue
des Etats membres.964 Le Consensus d’Ezulwini appartient manifestement à cette dernière
catégorie. Toutes les décisions du Conseil exécutif sont par ailleurs prises par consensus ou à
défaut à la majorité des deux tiers des Etats membres qui jouissent du droit de vote. Il s’agit, en
l’espèce, d’une décision prise par consensus par les Etats membres représentés par leurs ministres
au Conseil exécutif, d’où certainement l’appellation de Consensus d’Ezulwini.

3- Un accord « au sujet de » l’interprétation du traité ou de l’application de ses


dispositions
Au sens de l’article 31, paragraphe 3 a), un accord ultérieur doit intervenir « au sujet de
l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions ». Ce qui implique qu’il doit viser
entre autres à préciser ou à clarifier le sens du traité ou d’une de ses dispositions ou la façon dont
il ou elle doit être appliqué.965 Contrairement au paragraphe 2 de l’article 31 qui vise tous les
accords « ayant rapport » au traité, le paragraphe 3 a) est plus restrictif et exige que l’accord
ultérieur porte sur l’interprétation du traité ou sur l’application d’une de ses dispositions. La

962
Voir UA, Règlement intérieur du Conseil exécutif de l’Union africaine, article 34, al. 1, lettre a.
963
Ibid., lettre b.
964
Ibid., lettre c.
965
Rapport de l’Organe d’appel de l’OMC, Etats Unis – Mesures concernant l’importation, la commercialisation et
la vente de thon et de produits du thon, WT/DS381/AB/R, 16 mai 2012, par. 366 à 378 ; Mustafa Kamil YASSEEN,
« L’interprétation des traités d’après la Convention de Vienne sur le droit des traités », op. cit., p. 44 ; Ulf
LINDERFALK, On the Interpretation of Treaties, op. cit., pp. 164 et ss.

252
question reste cependant celle de savoir ce que recouvre exactement l’expression « au sujet de
l’interprétation ou de l’application de ses dispositions ».

Premièrement, la relation entre les notions « interprétation » et « application » n’est pas très précise
dans le paragraphe 3 de l’article 31. L’alinéa a) du paragraphe dispose que les accords ultérieurs
doivent être intervenus « au sujet de l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions
». L’alinéa b) évoque plutôt la pratique ultérieurement suivie « dans l’application du traité »,
établissant un accord « à l’égard de l’interprétation du traité ». De prime abord, ces deux notions
semblent distinctes et recouvrent des sens différents. Selon la CDI qui admet cette différenciation,
l’interprétation est le processus qui permet de clarifier le sens d’un traité ou d’une ou de plusieurs
de ses dispositions tandis que l’application « désigne toute conduite par laquelle les droits en vertu
d’un traité sont exercés ou ses obligations sont respectées, en tout ou en partie ».966 Pour elle,
l’interprétation est un processus mental alors que l’application se rapporte à un comportement
effectif (actes et omissions).967 Les deux notions sont tout de même étroitement liées et se
confondent pratiquement. L’application d’un traité comporte presqu’indubitablement une part
d’interprétation même dans le cas où le texte concerné peut sembler claire en apparence.968

Qu’il s’agisse d’une interprétation du traité ou de son application, les parties se voient attribuer
dans tous les cas une position au sujet de l’interprétation du traité. De ce fait, la conjonction « ou

966
Documents officiels de l’Assemblée générale, Soixante-neuvième session, Supplément no 10 (A/69/10),
Commentaire du projet de conclusion 6 adopté à la soixante –sixième session de la Commission, p. 176, par. 3.
967
Ibid.
968
Giovanni DISTEFANO, « La pratique subséquente des Etats parties à un traité », op. cit., p. 44 qui note qu’en droit
des traités, notamment, les confins entre la pratique applicative et la pratique interprétative sont véritablement ténus.
Voir également Richard K. GARDINER, Treaty interpretation, op. cit., pp. 26-29 ; Mustafa Kamil YASSEEN, «
L’interprétation des traités d’après la Convention de Vienne sur le droit des traités », op. cit., p. 47 ; Ulf
LINDERFALK, « Is the hierarchical structure of articles 31 and 32 of the Vienna Convention real or not ? Interpreting
the rules of interpretation », Netherlands International Law Review, vol. 54, no 1, 2007, pp. 141- 144 et p. 147 ; Sir
Ian M. T. SINCLAIR, The Vienna Convention on the Law of Treaties, 2e éd., Manchester University Press, 1984, p.
116. Voir aussi le Rapport du groupe d’étude de la Commission du droit international sur la fragmentation du droit
international (A/CN.4/L.682 et Corr.1, pp. 231-232, par. 423 ; Mark E. VILLIGER, « The rules on interpretation :
misgivings, misunderstandings, miscarriage ? The ‘crucible’ intended by the International Law Commission », in
Enzo CANNIZZARO (dir. publ.), The Law of Treaties beyond the Vienna Convention, Oxford, Oxford University
Press, 2011, p. 111.

253
» à l’alinéa a du paragraphe 3 de l’article 31 n’implique pas une relation réciproquement exclusive
entre l’interprétation et l’application.969 Malgré ce lien étroit entre ces deux notions, il reste
toutefois difficile d’identifier clairement la position des parties dans le cas d’« un accord ultérieur
au sujet de l’application de ses dispositions », contrairement à celui « au sujet de l’interprétation
du traité » dans la mesure où dans ce dernier cas, les parties assument clairement et expressément
leur position.970 Encore que l’application du traité ne traduit pas absolument la position des parties
selon laquelle l’application qu’elles ont fait du traité soit la seule juridiquement possible au regard
du traité et des circonstances.971 De plus, des comportements d’autres acteurs attribuables aux
parties peuvent participer à constituer une pratique établissant l’accord des parties.972 Tout
comportement dans l’application d’un traité ne saurait traduire systématiquement une volonté
d’interprétation des parties en vertu de l’article 31, celui-ci pouvant recouvrir d’autres objectifs
comme l’administration de preuves ou le respect de conditions énoncées dans d’autres règles
juridiques.973 De ce fait, il reste difficile de faire la distinction entre les accords ou la pratique
ultérieurs pertinents à l’égard de l’interprétation ou l’application d’un traité au sens des alinéas a
et b du paragraphe 3 de l’article et d’autres conduites ou d’évolution dans le contexte général du
traité. Une telle distinction est pourtant importante dans le sens où seule la conduite des parties au
sujet de l’interprétation acquiert une valeur spécifique dans le processus d’interprétation. On en

969
Voir Supplément no 10 (A/69/10), op. cit., p. 177, par. 4.
970
Ibid.
971
Voir Réserves à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif, C.I.J.
Recueil, 1951, p. 25 ; Droits des ressortissants des Etats-Unis d’Amérique au Maroc, arrêt du 27 août 1952, C.I.J.,
Recueil 1952, p. 211.
972
Selon la professeure Boisson de Chazournes, des comportements d’acteurs non étatiques peuvent constituer des
formes d’application d’un traité attribuables aux parties, voir Laurence BOISSON DE CHAZOURNES, « Subsequent
Practice, Practices and ‘Family Resemblance’: Towards Embedding Subsequent Practice in its Operative Milieu »,
dans G. Nolte (dir. publ.), Treaties and Subsequent Practice, Oxford University Press, 2013, pp. 54- 60.
973
Par exemple dans l’affaire relative à l’Application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), où il était question de considérer des déclarations
comme des preuves de respect par la Fédération de Russie de ses obligations découlant de la Convention internationale
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale couvrant la période de 1999 à juillet 2008, la Cour
internationale de justice a réfuté ces comportements qu’elle a jugé comme n’ayant pas spécifiquement trait à la
Convention, Affaire relative à l’Application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale, (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J Recueil 2011, p. 117,
par. 105. Voir également l’opinion individuelle de M. le juge Simma, p. 199 à 223, par. 23 à 57.

254
vient à notre deuxième questionnement qui est celui de savoir quand est-ce qu’un accord est censé
représenter une prise de position des parties ou d’une Organisation internationale au « sujet de
l’interprétation ou de l’application de ses dispositions ». Pour la CDI, pour savoir si un accord
porte ou non sur l’interprétation ou l’application d’un traité ou de ses dispositions, il faut vérifier
s’il existe une référence qui « lie l’accord ultérieur au traité en question ». Une telle référence peut
également figurer dans un traité ultérieur. Aussi, la CIJ a semblé admettre dans sa décision sur
l’affaire Jan Mayen la nécessité d’un rapport entre l’accord ultérieur et le traité qu’il est censé
interpréter.974 L’Organe d’appel de l’OMC a, pour sa part considéré qu’une décision d’un organe
plénier d’une Organisation internationale ne constitue un accord ultérieur au sens de l’article 31,
paragraphe 3 a) que si elle « influe spécifiquement sur l’interprétation du traité ».975Pour l’Organe,
« influer spécifiquement sur l’interprétation du traité » implique que l’accord en question ne
remplisse aucune autre fonction que celle d’interpréter le traité ou la disposition concernée.976

Sur ce point en analyse, le Consensus d’Ezulwini est on ne peut très clair et précis. On note en
effet des références à la fois implicites et explicites à l’article 4 (h) de l’Acte constitutif que le
document entend préciser. Dans un premier temps, en visant implicitement l’article 4 (h), le
Consensus énonce que :

« L’Union africaine est d’accord avec le Groupe que l’intervention des Organisations régionales
doit être approuvée par le Conseil de sécurité, bien que dans certaines situations, une telle
approbation puisse se faire « après coup » dans des circonstances nécessitant une action urgente

974
Même si dans cette affaire, la Cour a conclu à l’absence de rapport entre le second accord et le premier qu’il était
censé interpréter, voir Affaire de la délimitation maritime dans la région située entre le Groenland et Jan Mayen
(Danemark c. Norvège), C.I.J, Recueil, arrêt du 14 juin 1993, p. 51, par. 28 et 29.
975
OMC, rapport de l’Organe d’appel, Etats-Unis – Mesures affectant la production et la vente des cigarettes aux
clous de girofle, op. cit., p. 262.
976
L’Organe d’appel soutient à ce propos au paragraphe 5. 2 que : « Compte tenu des termes et de la teneur du
paragraphe 5.2, nous ne pouvons pas discerner de fonction du paragraphe 5. 2 autre que d’interpréter l’expression
‘’délai raisonnable‘’ figurant à l’article 2. 12 de l’Accord OTC. Nous estimons par conséquent que le paragraphe 5.2
influe spécifiquement sur l’interprétation de l’expression ‘’délai raisonnable ‘’ figurant à l’article 2. 12 de l’Accord
OTC », OMC, rapport de l’Organe d’appel, Etats-Unis - Mesures affectant la production et la vente des cigarettes aux
clous de girofle, op. cit., p. 262.

255
».977 Même s’il n’a pas été fait mention en l’espèce de l’article 4 (h), il s’agit bel et bien d’une
interprétation de la disposition.

Dans un second point intitulé « la question de la légalité », le Consensus fait mention de l’article
51 de la Charte des Nations Unies qui autorise le recours à la force dans le cadre de la légitime
défense individuelle et collective et de l’article 4 (h) de l’Acte constitutif de l’UA qui autorise
l’intervention en cas de circonstances graves telles que le génocide, les crimes de guerre et les
crimes contre l’humanité.978 En rappelant ces dispositions, le Consensus en conclu que « tout
recours à la force hors du cadre de l’article 51 de la Charte des Nations Unies et de l’article 4 (h)
de l’Acte constitutif de l’UA doit être prohibé ».979

En conclusion, il peut être soutenu qu’il n’y a donc pas de doute sur le fait que le Consensus
d’Ezulwini soit un accord « au sujet de l’interprétation » de l’article 4 (h). Les développements ci-
dessus traduisent bien une volonté de clarifier le sens et la portée de la disposition.

Paragraphe II : La confirmation d’une lecture autonomiste de l’article 4 (h)

Le premier paragraphe nous a permis d’explorer le régime juridique de l’accord ultérieur


interprétatif et de noter que le Consensus d’Ezulwini réunit clairement les éléments constitutifs
d’un accord ultérieur au sens de l’article 31, paragraphe 3, a). Par ce second paragraphe, nous
examinerons l’hypothèse d’interprétation qui se dégage d’un tel accord ultérieur interprétatif.

Pour certains auteurs, le Consensus d’Ezulwini a participé à entretenir l’ambiguïté tout autant que
l’article 4 (h) sur les conditions d’utilisation de la force armée par l’Union africaine.980 Pourtant,

977
Voir Position commune africaine sur la réforme des Nations Unies, op. cit., p. 7. Nos italiques.
978
Deux ans après l’adoption de l’Acte Constitutif, un motif additionnel d’intervention pour « menace grave à l’ordre
légitime » a été adopté par le Protocole sur les amendements à l’Acte Constitutif. Celui-ci prévoit en effet: « le droit
de l’Union d’intervenir dans un Etat membre sur décision de la Conférence, dans certaines circonstances graves, à
savoir: les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l’Humanité ainsi qu’une menace grave de l’ordre légitime
afin de restaures la paix et la stabilité dans l’Etat membre de l’Union sur recommandation du Conseil de paix et de
sécurité », voir UA, Protocole sur les amendements à l’Acte constitutif de l’Union africaine, 11juillet 2003, article 4.
979
Position commune africaine sur la réforme des Nations Unies, op. cit., p. 7, par. ii.
980
Nabil HAJJAMI, La responsabilité de protéger, Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 461.

256
cette position commune africaine opère une nette clarification sur l’interprétation qu’il faut faire
de la disposition. Elle consacre ouvertement une lecture unilatéraliste circonstanciée de l’article 4
(h). Une telle lecture découle tant des termes du Consensus que des prises de position antérieures
et postérieures à l’adoption du document.

Premièrement, dans un premier grand point intitulé « Sécurité collective et usage de la force », le
Consensus prend le soin de se prononcer à la fois sur le monopole du Conseil de sécurité en matière
de recours à la force armée et sur l’interprétation qu’il faut faire de l’article 4 (h) au regard du droit
de la Charte. Ainsi, le document commence par mettre en avant la nécessité pour les Organisations
régionales qui sont le plus souvent plus proches des zones de conflits que le Conseil de sécurité et
l’Assemblée générale des Nations Unies de disposer du pouvoir d’intervenir. Mais qu’implique ce
pouvoir d’intervention au profit des organismes régionaux revendiqué par le Consensus ? Il est
bien évident qu’il ne s’agit pas du règlement pacifique des différends dans la mesure où l’action
des Organisations régionales dans ce domaine est largement admise et a fait l’objet d’une
abondante littérature.981 Certains auteurs ayant d’ailleurs soutenu sur cette question la priorité des
organismes régionaux sur l’ONU.982 Il s’agit bien en l’espèce d’une revendication d’un pouvoir
autonome d’utilisation de la force armée.

981
Voir l’article 52 de la Charte des Nations Unies qui prévoit l’obligation pour les États membres de régler de manière
pacifique au niveau régional leurs différends d’ordre local « avant de les soumettre au Conseil de sécurité ». Voir
également de façon sélective, Mohammed BEDJAOUI, « Le règlement pacifique des différends africains », Annuaire
Français de Droit International, 1972, pp. 85-99 ; Berhanykun ANDEMICAEL, Le règlement pacifique des
différends survenant entre États africains. Rôles respectifs de l’ONU et de l’OUA, New York, UNITAR, no5 F, 1973,
pp. 3 et ss. ; Jorge Cardona LLORÉNS, « La coopération entre les Nations Unies et les accords et organismes
régionaux pour le règlement pacifique des affaires relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales »,
Boutros Boutros-Ghali Amicorum Discipulorumque Liber, Bruxelles, Bruylant, vol. I, 1998, pp. 251-289 ; Eduardo
JIMENEZ DE ARECHAGA, « La coordination des systèmes de l’ONU et de l’OEA pour le règlement pacifique des
différends et la sécurité collective », Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye , t.111, 1964-
I, pp. 419-526 ; Michel VIRALLY, « Le rôle des organisations internationales dans l’atténuation et le règlement des
crises internationales », Politique Étrangère, 1976, pp. 529-562.
982
Voir Jorge Cardona LLORÉNS, « La coopération entre les Nations Unies et les accords et organismes régionaux
pour le règlement pacifique des affaires relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales », op. cit., p.
276 ; André SALOMON, L’ONU et la paix : Le Conseil de sécurité et le règlement pacifique des différends, Paris,
Editions internationales, 1948, pp. 168 et ss.

257
Ensuite, sur l’exigence de l’autorisation du Conseil de sécurité avant toute utilisation de la force
armée par les Organisations, le Consensus prévoit que :

« l’intervention des Organisations régionales doit être approuvée par le Conseil de sécurité, bien que dans
certaines situations, une telle approbation puisse se faire « après coup » dans des circonstances nécessitant
une action urgente ».983

Cette position suscite deux importantes remarques. En premier lieu, on peut constater que le
document ne fait pas mention d’autorisation, mais plutôt d’approbation. A notre sens, l’usage du
terme approbation en lieu et place d’autorisation n’est pas neutre. La séparation entre ces deux
notions n’est certes toujours pas très nette, mais elles ne sont pas non plus de parfaits synonymes.
Elles sont utilisées dans des situations juridiques différentes. L’autorisation est antérieure à
l’accomplissement d’un acte ou d’une action et désigne selon le dictionnaire de droit international,
« le pouvoir délivré ou accordé par une autorité ou un organe supérieur ou détenteur de ce pouvoir
à une autre personne, représentant ou organe, en vue de l’habiliter à accomplir une action ou un
acte juridique ».984 L’approbation est plutôt postérieure à l’accomplissement de l’acte ou de
l’action et renvoie au consentement ou au soutien donné à l’acte ou l’action déjà accompli.985 De
ces deux expressions, l’autorisation traduit beaucoup plus une relation de subordination des
Organisations régionales au Conseil de sécurité tandis que l’approbation renvoie plutôt à la
légitimité universelle dont il dispose. En second lieu, le Consensus d’Ezulwini prône une
approbation ex post facto, contrairement à l’article 53 de la Charte qui conditionne la légalité de
l’intervention armée d’une Organisation régionale à une autorisation préalable du Conseil de
sécurité.

Deuxièmement, dans un second point intitulé « la question de la légalité », le Consensus dispose


sur l’usage de la force qu’« il est important de respecter scrupuleusement les dispositions de
l’article 51 de la Charte des Nations Unies qui autorisent l’usage de la force seulement dans le

983
Position commune africaine sur la réforme des Nations Unies, op. cit., p. 7. Nos italiques.
984
Jean SALMON, Dictionnaire de droit international public, Bruylant, AUF, Bruxelles, 2001, pp. 113-114.
985
Ibid, pp. 74-75.

258
cas de la légitime défense ».986 En plus de cette première exception à la règle de l’interdiction du
recours à la force consacrée par la Charte, il est fait cas de l’article 4 (h) de l’Acte constitutif de
l’Union africaine qui autorise l’intervention dans des circonstances graves telles que le génocide,
les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. On en conclu par conséquent que « tout
recours à la force hors du cadre de l’article 51 de la Charte des Nations Unies et de l’article 4 (h)
de l’Acte constitutif de l’UA doit être prohibé ».987 Même en étant d’avis avec certains auteurs
qu’il ne faut pas exagérer la portée juridique du Consensus, il reste qu’une telle déclaration ne peut
être dépourvue d’implications juridiques majeures. Il ressort clairement de ces déclarations que
l’Union africaine considère l’article 4 (h) comme une nouvelle exception à l’interdiction du recours
à la force. Elle note pour cela à titre d’exceptions à l’article 2, par. 4, l’article 51 de la Charte relatif
à la légitime défense mais ignore complètement la seconde exception prévue par la Charte, les
actions coercitives autorisées par le Conseil de sécurité. Cette dernière exception est remplacée
dans le Consensus par l’article 4 (h) de l’Acte constitutif suivi de l’affirmation selon laquelle tout
recours à la force en dehors de ces deux exceptions doit être prohibé. L’Union africaine semble
considérer l’article 2, par. 4 comme une interdiction générale de droit commun qui s’applique à
tous les membres de l’ONU, mais affirme une exception formulée par l’article 4 (h) applicable
uniquement à ses propres membres.988

Il convient également de faire remarquer que le document ne fait aucune référence à la


responsabilité principale du Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix et de la sécurité,
on ne peut pas dire que cela soit anodin. Cela témoigne bien d’une intention de l’Union africaine
de ne pas se soumettre totalement au monopole du Conseil de sécurité en matière de recours à la
force armée. Il suggère clairement que l’Organisation régionale pourrait se soustraire dans
certaines circonstances aux exigences du chapitre VIII de la Charte. L’idée étant de pallier le
blocage ou à l’inaction du Conseil de sécurité pour agir dans des cas d’extrême urgence notamment

986
Position commune africaine sur la réforme des Nations Unies, op. cit., p. 7. Nos italiques.
987
Ibid. Nos italiques.
988
John-Mark IYI, « The AU/ECOWAS Unilateral Humanitarian Intervention Legal Regimes and the UN Charter »,
African Journal of International and Comparative Law, vol. 21, no3, 2003, p. 498.

259
dans des cas de crimes internationaux énoncés par l’article 4 (h). Des exemples historiques de
tragédies africaines sont rappelés dans ce sens pour étayer les conséquences de l’inaction du
Conseil de sécurité dans ces cas-là. Il ne s’agit donc pas en l’espèce d’une proclamation
d’émancipation totale en marge du droit de la Charte. Ce régime d’autorisation circonstanciée
véhiculé par le Consensus est un bon compromis entre ceux qui préconisent que seul le Conseil de
sécurité peut mettre en œuvre la responsabilité de protéger et ceux qui ont soutenu au Sommet
mondial la nécessité de permettre des interventions unilatérales dans certaines circonstances.989

Certains auteurs ont dénié tout intérêt juridique au Consensus d’Ezulwini, estimant que le
document présentait beaucoup plus une valeur politique que juridique.990 Ces auteurs tiennent pour
argument le fait que les prises de position des Etats africains aussi bien antérieures que postérieures
à l’adoption du Consensus d’Ezulwini ne semblent pas confirmer une intention de s’émanciper des
termes du chapitre VIII. Ils se fondent à cet effet sur les débats qui ont eu lieu à l’ONU depuis
l’entrée en vigueur de l’Acte constitutif, notamment les discussions qui ont entouré la réforme des
Nations Unies ainsi que sur celles relatives aux relations entre l’ONU et les Organisations
régionales. Le premier argument de ces auteurs consiste à dire qu’aucun pays africain n’a avancé
l’argument d’une intervention unilatérale au profit de l’Union africaine lors des débats à
l’Assemblée générale à l’occasion de l’adoption de la responsabilité de protéger. Que de plus, les
Etats africains n’ont pas prétendu à un droit d’intervention unilatéral à la suite de l’adoption du
Consensus d’Ezulwini, ils ont tout au contraire, été de fervents défenseurs des attributs du Conseil
de sécurité sur la question du droit d’intervention humanitaire. 991 L’on pourrait certainement être

989
Voir Ademola ABASS, « Africa », in Jared GENSER et Irvin COTLER (éd.), The Responsability to protect: The
Promise of Stopping Mass Atrocities in our Time, Oxford, Oxford University Press, 2012, p. 126.
990
Voir Nabil HAJJAMI, La responsabilité de protéger, op. cit., p. 463 ; Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre,
2e éd., Pedone, Paris, 2014, pp. 563- 571 ; Olivier CORTEN, « L’Union africaine, une organisation susceptible de
s’émanciper de l’autorité du Conseil de sécurité ? Opinio Juris et pratique récente des Etats », European Society of
International Law Conference Paper Series, Vol. 2, No. 1, 5th Biennial Conference, Valencia (Spain), 13-15 Sept
2012, pp. 4 – 11.
991
Olivier CORTEN, « L’Union africaine, une organisation susceptible de s’émanciper de l’autorité du Conseil de
sécurité ? Opinio Juris et pratique récente des Etats », op. cit., p. 6.

260
sensible à une telle argumentation mais elle n’emporte pas totalement conviction au regard des
éléments suivants.

Premièrement, il peut être rétorquer à ces auteurs qu’au vu de notre analyse des éléments
constitutifs de l’accord ultérieur interprétatif, nous sommes parvenus à la conclusion que le
Consensus d’Ezulwini répondait clairement aux critères dégagés de l’article 31, paragraphe 3, a)
de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Il acquiert par conséquent tous les effets
juridiques reconnus à un tel acte. En effet, comme le relève la CDI dans son commentaire du projet
de conclusion 9, « même s’ils ne sont pas en eux-mêmes juridiquement contraignants, les accords
ultérieurs et la pratique ultérieure au sens de l’article 31, paragraphe 3 a) et b), peuvent néanmoins,
en tant que moyens d’interprétation, entrainer des conséquences juridiques dans le cadre du
processus d’interprétation en application de l’article 31 ».992 Le document a certes été adopté dans
un contexte hautement politique portant sur la réforme des Nations Unies, mais il présente tout
autant un intérêt politique que juridique.

Deuxièmement, il a été avancé que certains instruments juridiques de l’Union africaine ou des
déclarations de principe sur les rapports entre l’ONU et les Organisations régionales renvoyaient
expressément au chapitre VIII de la Charte ou à la responsabilité principale du Conseil de sécurité.
On peut effectivement relever plusieurs références au chapitre VIII et à la responsabilité principale
du Conseil de sécurité dans quelques textes africains notamment l’article 17 du Protocole relatif à
la création du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine ainsi que l’article 17 (a) du Pacte

992
Voir Supplément no 10 (A/69/10), op. cit.,p. 208 ; voir également Anthony AUST, « The theory and practice of
informal international instruments », International and Comparative Law Quarterly, vol. 35, n. 4, 1986, p. 787 et p.
807 ; Ulf LINDERFALK, On the Interpretation of Treaties : The Modern International Law as Expressed in the 1969
Vienna Convention on the Law of Treaties, Dordrecht, Springer, 2007, p. 173 ; Philipe Gautier, « Non-Binding
Agreements », Max Planck Encyclopedia of Public International Law, p. 434 ; Gerhard HAFNER, « Subsequent
Agreements and Practice : Between Interpretation, Informal Modification, and Formal Amendment », dans G. Nolte
(dir. publ.), Treaties and Subsequent Practice, op. cit., p. 109 -114 ; Arbitrage entre les Etats-Unis et le Royaume Uni
concernant les redevances d’usage à l’aéroport de Heathrow, sentence arbitrale sur la prémière question, Recueil
des sentences arbitrales, 30 novembre 1992, vol. XXIV, p. 131, par. 6-7.

261
de non-agression et de défense commune de l’Union africaine.993 Ces références appellent
cependant deux importantes remarques.

D’abord, le renvoi des dispositions suscitées au chapitre VIII de la Charte n’implique pas
systématiquement une reconnaissance du monopole du Conseil de sécurité en matière de recours
à la force. En premier lieu parce que le chapitre VIII de la Charte ne contient pas que l’article 53
qui réglemente le recours à la force par les Organisations régionales. Il contient un premier article
52 qui fonde l’intervention des Organisations régionales dans le domaine du maintien de la paix
et de la sécurité internationales. D’où le fait que l’article 17 du Protocole relatif au Conseil de paix
et de sécurité de l’Union africaine indique :

« [..]. A chaque fois que nécessaire, recours sera fait aux Nations Unies pour obtenir l’assistance financière,
logistique et militaire nécessaire pour les activités de l’Union dans le domaine de la promotion de la paix, de
la sécurité et de la stabilité en Afrique, conformément aux dispositions du chapitre VIII de la Charte des
Nations Unies relatives au rôle des Organisations régionales dans le maintien de la paix et de la sécurité
internationales ».994

Le chapitre VIII est cité ici comme le fondement juridique de l’action des Organisations régionales
en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il est de plus admis que le

993
L’article 17 du Protocole relatif à la création du CPS de l’UA dispose en son alinéa 1 que : « Dans l’exercice du
mandat qui est le sien dans la promotion et le maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Afrique, le Conseil
de paix et de sécurité coopère et travaille en étroite collaboration avec le Conseil de sécurité des Nations Unies, qui
assume la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales ». L’alinéa 2 : « A chaque
fois que nécessaire, recours sera fait aux Nations Unies pour obtenir l’assistance financière, logistique et recours sera
fait aux Nations Unies pour obtenir l’assistance financière, logistique et militaire nécessaire pour les activités de
l’Union dans le domaine de la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Afrique, conformément aux
dispositions du chapitre VIII de la Charte des Nations Unies relatives au rôle des organisations régionales dans le
maintien de la paix et de la sécurité internationales ». L’article 17 (a) du Pacte de non-agression et de défense commune
de l’UA prévoit quant à lui que : « le Pacte n’affecte et n’est pas interprété comme affectant, en aucune façon, les
obligations découlant de la Charte des Nations Unies et de l’Acte constitutif de l’UA, y compris le Protocole, et la
responsabilité primordiale du Conseil de sécurité des Nations Unies dans le maintien de la paix et de la sécurité
internationales ».
994
UA, Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, Article 17, alinéa 2. Nos
italiques.

262
maintien de la paix ne se résume pas au recours à la force, et que l’article 17 ne traite pas
expressément des conditions de l’utilisation de la force par l’Union africaine.

La seconde remarque concerne les mentions à la responsabilité principale du Conseil de sécurité


en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il convient de préciser en l’espèce
que la responsabilité principale du Conseil de sécurité à laquelle fait référence les dispositions de
l’Union africaine ne renvoie pas à un monopole du Conseil de sécurité en matière de recours à la
force, mais à une responsabilité principale dans le financement des activités de l’Union africaine
dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité en Afrique. En outre, une lecture
autonomiste de l’article 4 (h) ne suppose pas non plus systématiquement que l’Union africaine
dispute la responsabilité principale du Conseil de sécurité. Bien au contraire, elle ne manque pas
l’occasion de rappeler les prérogatives du Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix et
de la sécurité internationales. Seulement, cette responsabilité semble différemment interprétée
selon qu’il s’agisse du niveau universel ou du niveau régional africain. Certaines dispositions
suggèrent l’interprétation selon laquelle l’Union africaine reconnaît clairement la responsabilité
principale du Conseil de sécurité dans le maintien de la paix et de la sécurité au niveau universel,
mais une telle responsabilité lui reviendrait pour ce qui concerne le niveau régional africain.995
Une responsabilité principale de l’Union africaine en matière de maintien de la paix et de la
sécurité en Afrique se justifie par la position unique de l’Organisation régionale ainsi que de
l’avantage d’une réponse rapide aux défis de paix et de sécurité du continent.996 C’est cette idée
d’une priorité de l’Union africaine sur la gestion des conflits en Afrique aussi bien en matière de
règlement pacifique des différends que de l’intervention qui est véhiculée par le Consensus

995
Voir l’article 17 (a) qui reconnaît la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales
au Conseil de sécurité des Nations Unies et l’article 16 (1) qui attribue exactement le même rôle au Conseil de paix et
de sécurité de l’Union africaine. L’article 16 (1) dispose en effet que : « les Mécanismes régionaux font partie
intégrante de l’architecture de sécurité de l’Union, qui assume la responsabilité principale pour la promotion de la
paix, de la sécurité et de la stabilité en Afrique […] ».
996
John-Mark IYI, « The AU/ECOWAS Unilateral Humanitarian Intervention Legal Regimes and the UN Charter »,
op. cit., pp. 505-506.

263
d’Ezulwini.997 On relève dans le même sens que malgré les références à la Charte et à la
responsabilité primordiale du Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix et de la sécurité
internationales, le Pacte de non-agression et de défense commune recèle de dispositions qui
révèlent que sa mise en œuvre qui implique une utilisation de la force armée n’est pas non plus
soumise à une condition d’autorisation du Conseil de sécurité.998

Troisièmement, il n’est pas totalement fondé de soutenir qu’après l’adoption du Consensus, les
Etats africains n’ont pas soutenu une lecture autonomiste de l’article 4 (h) de l’Acte constitutif.
En premier lieu, un examen des débats de la 59e session de l’Assemblée générale des Nations
Unies (2004 – 2005) montre une chronologie intéressante sur la prise de positions des Etats
africains sur la réforme des Nations Unies et partant sur leur interprétation de l’article 4 (h). En
effet, sur la période de l’année 2004 précédant l’adoption du Consensus d’Ezulwini, la plupart des
Etats africains qui s’étaient prononcés lors des débats sur la question de la représentation équitable
au Conseil de sécurité ont soutenu soit la position africaine initiée à l’époque par l’OUA999 ou celle
du mouvement des non-alignés.1000

997
Voir Dan KUWALI, « Protect Responsibly: The African Union’s Implementation of Article 4 (h) Intervention »,
Yearbook of international Humanitarian Law, 2008, pp. 51- 108, p. 55; Alex J. BELLAMY, « Whither the
Responsability to Protect? Humanitarian Intervention and the 2005 World Summit », Ethics & International Affairs,
vol. 20, 2006, pp. 143-169, p. 161.
998
Voir l’article 9 qui confie la mise en œuvre du Pacte de non-agression et de défense commune au Conseil de paix
et de sécurité sous l’autorité de la Conférence de l’Union africaine, le Conseil de paix et de sécurité est aussi chargé
en vertu du Protocole relatif à sa création de diriger la politique de sécurité commune de l’Union, voir les articles 3
(e), 4 (d) et 7 (h) du Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité de l’UA. Voir également l’article
10 (a) qui dispose clairement que : « Les États parties s’engagent à fournir toute l’assistance nécessaire aux opérations
militaires décidées par le Conseil de paix et de sécurité, y compris l’utilisation de la Force africaine en attente ». Pour
une étude approfondie sur le Pacte de non-agression et de défense commune, voir Raphaël van STEENBERGHE, «
Le Pacte de non-agression et de défense commune de l’Union africaine : Entre unilatéralisme et responsabilité
collective », Revue générale de droit international public, 2009, pp. 125-146.
999
OUA, AHG/decl.3 (XXXIII), Déclaration sur la réforme du Conseil de sécurité, 33e session ordinaire de la
Conférence des chefs d’État et de gouvernement, Harare, Zimbabwe, 4 juin 1997.
1000
Voir de façon sélective Déclaration du Sénégal A/59/PV.7, p. 1 ; de la Côte d’Ivoire A/59/PV.12, p. 28; de
l’Algérie A/59/PV.24, p. 11; de la Namibie A/59/PV.24, p. 16 ; de l’Égypte A/59/PV.24, p. 23 ; du Ghana A/59/PV.25,
p.11 ; de la Tunisie A/59/PV.25, p. 17 ; du Sénégal (de nouveau) A/59/PV.26, p. 21 ; du Mali A/59/PV.26, p. 26 ; du
Cameroun A/59/PV.27, p. 24 ; de la Gambie A/59/PV.27, p. 26 ; de la Guinée A/59/PV.27, p. 33 ; du Kenya
A/59/PV.27, p. 35 ; du Bénin A/59/PV.28, p.14 ; de la Zambie A/59/PV.29, p. 10.

264
Ensuite, le Consensus d’Ezulwini qui était censé représenter la position officielle commune
africaine a été adopté en mars 2005. A la suite de cette position commune, les Chefs d’Etats et de
gouvernement des Etats membres de l’Union africaine ont également formulé une déclaration
dénommée Déclaration de Syrte réaffirmant leur ferme attachement au Consensus d’Ezulwini.1001
Par cette déclaration les leaders africains s’engageaient à faire triompher le Consensus d’Ezulwini
« précisant la position africaine commune sur le développement durable, la sécurité collective, la
prévention des conflits et les conditions de l’utilisation de la force ainsi que la réforme
institutionnelle de l’ONU ».1002 Il faut bien noter que les conditions de l’utilisation de la force
indiquées ici sont celles stipulées dans le Consensus. La Déclaration annonce également la
soumission d’un projet de résolution à l’Assemblée générale des Nations Unies reflétant la position
africaine.1003 On a ainsi noté plusieurs références au Consensus d’Ezulwini dans les travaux de la
59e session de l’Assemblée générale mais à partir de l’année 2005.1004

Outre cela, plusieurs pays africains ont fait mention de l’article 4 (h) de l’Union africaine lors des
débats tenus également à l’Assemblée générale en 2009 sur la responsabilité de protéger. Par

1001
Voir UA, Déclaration de Syrte sur la réforme des Nations Unies, Syrte, 5 juillet 2005, Assembly/AU/Decl.2(V).
1002
Ibid, p. 1, par. 2. Nos italiques.
1003
Voir Projet de Résolution sur la Réforme du Conseil de sécurité presenté par certains pays africains à la cinquante
neuvième session de l’Assemblée générale, Doc. NU A/59/L.67.
1004
Voir de façon sélective la déclaration de l’Algérie qui note : « […] Ils (pour désigner les chefs d’Etat et de
gouvernements africains) ont enfin réaffirmé leur détermination à faire triompher le Consensus d’Ezulwini, qui définit,
il faut le rappeler la position de l’Afrique sur le développement, la sécurité collective, la prévention des conflits et les
conditions de l’utilisation de la force, ainsi que la réforme institutionnelle de l’ONU…[…]. S’agissant
particulièrement de la réforme du Conseil de sécurité..[…] les dirigeants africains attachés qu’ils sont au principe de
la répartition géographique équitable et aux vertus de l’alternance, ont choisi de soumettre directement à l’Assemblée
générale leur propre vision d’un Conseil de sécurité élargi, plus représentatif, plus légitime et plus en phase avec les
nouvelles réalités internationales. Cette vision est exprimée dans un projet de résolution unanimement approuvée par
l’Assemblée, la plus haute instance de l’Union africaine, et soumis désormais à l’appréciation de l’Assemblée
générale. Un mécanisme de suivi au niveau ministériel, composé de 15 pays a été mandaté par l’Assemblée de l’Union
africaine pour promouvoir ici, aux Nations Unies, de manière collective et solidaire, la position de l’Afrique et réaliser
ses aspirations telles qu’énoncées dans le Consensus d’Ezulwini et la Déclaration de Syrte », A/59/PV.111, pp. 6-7 ;
voir également la déclaration de Maurice A/59/PV.111, pp. 13-14 ; du Nigéria qui demande que le projet de résolution
adopté à la suite du Consensus d’Ezulwini (voir A/59/L.67) « soit présenté comme cadre de référence pour les
négociations avec les autres États membres et groupes intéressés », A/59/PV.114, p. 2 ; de l’Égypte pour qui « le
Consensus d’Ezulwini était le produit de compromis mutuels consentis par tous les États africains, qu’ils aient soutenu
des modèles A ou B », A/59/PV.114, p. 3 ; de l’Afrique du Sud A/59/PV.114, pp. 5-6 ; du Burkina Faso A/59/PV.114,
p. 6.

265
exemple, la déclaration de l’Égypte au nom du Mouvement des pays non alignés lors de ces débats
est assez édifiante à ce propos :

« Le Secrétaire général a noté à juste titre dans son rapport et dans son exposé que l’Union africaine a été la
première à mettre en œuvre la responsabilité de protéger en raison de son histoire particulière. Les conditions
de mise en œuvre sont clairement énoncées aux alinéas h) et j) de l’article 4 de l’Acte constitutif de l’Union
africaine, notamment dans l’objectif de rétablir la paix et la sécurité à la demande de l’Etat et uniquement sur
décision de la Conférence de l’Union africaine. A ce jour, l’Union africaine a déployé deux opérations, toutes
deux suite à une décision de la Conférence. […]. Il importerait donc d’examiner les enseignements tirés et
d’étudier les mesures possibles pour améliorer la coopération entre l’ONU et les arrangements régionaux
».1005

Mais, bien avant les débats sur la responsabilité de protéger, au cours d’autres échanges lors d’une
séance du Conseil de sécurité portant sur la protection des civils dans les conflits armés, le groupe
africain notait clairement que :

« L’Acte constitutif portant création de l’Union africaine souligne la responsabilité qui incombe aux Etats
membres de protéger leurs citoyens, tout en réservant à l’Union africaine le droit d’intervenir, y compris par
le recours multilatéral à la force, dans des circonstances graves telles que des crimes de guerre, génocide et

1005
A/63/PV.97, p. 7. Nos italiques. Voir également la déclaration de l’Algérie : « Nous serons guidés en tant que
pays africains par les alinéas h) et j) de l’article 4 de l’Acte constitutif de l’Union africaine relatif à la protection des
personnes menacées de génocide et de crimes contre l’humanité…En somme, ma délégation est disposée à contribuer
à cet exercice en s’appuyant sur le principe de la non-indifférence consacré par l’Afrique, tout en ayant à l’esprit les
facteurs politiques entourant le processus de prise de décision au sein du Conseil de sécurité qui, bien qu’étant l’organe
de la Charte auquel est dévolue la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales,
n’est pas encore parvenu à faire la preuve de sa capacité à réagir à temps et avec la détermination requise face à des
situations impliquant les quatre crimes internationaux retenus..[…] », A/63/PV.98, p.7; de l’Afrique du Sud,
A/63/PV.98, pp. 17 -19 ; du Ghana A/63/PV.98, p. 21 ; du Nigéria qui soutient que : « Le concept de responsabilité
de protéger n’est pas nouveau, puisqu’il est fondé sur le droit international humanitaire et le droit des droits de
l’homme. Son essence est inscrite dans l’article 4 (h) de l’Acte constitutif de l’Union africaine », A/63/PV.98, p. 29
; du Rwanda, A/63/PV. 99, p. 22 ; de la Sierra Leone, A/63/PV.100, p. 5 ; du Swaziland, A/63/PV.100, p. 22 ; de la
Gambie, qui estime que : « […] L’Afrique est devenue le point de référence en tant que continent qui a montré la voie
dans la définition du principe de responsabilité de protéger. Ceci est en partie dû à la paralysie de la communauté
internationale et à une méfiance profonde à l’égard du système des Nations Unies, nourries par les preuves historiques
d’inaction fournies depuis des années dans des situations où la responsabilité de protéger entre en ligne de compte en
Afrique. Nous croyons en l’Acte constitutif de l’Union africaine, aux accords régionaux et sous régionaux conclus en
Afrique et à leur efficacité dans la gestion de certaines situations où la responsabilité de protéger entre en jeu, A/63/PV.
101, p. 13.

266
crimes contre l’humanité, ou dans des situations qui représentent une menace sérieuse à l’ordre légitime, pour
restaurer la paix et la sécurité dans un Etat membre »1006.

De plus, il a été clairement indiqué dans un Rapport adressé au Conseil de sécurité par le Groupe
de travail spécial du Conseil de sécurité sur la prévention et le règlement des conflits en Afrique
que :

« Les instruments juridiques portant création de l’architecture africaine de paix et de sécurité et des
mécanismes régionaux ont défini des principes et un nouvel ensemble de règles conçus pour permettre au
continent de faire face à ses problèmes, auxquels l’ONU devrait prêter attention ».1007

Il est affirmé dans ce document à la fois une évolution des normes en Afrique, mais aussi le fait
que ces règles instituées par les Organisations régionales africaines allaient au-delà des
dispositions de la Charte.1008 Le Rapport aborde dans le même sens que le Consensus d’Ezulwini,
il est précisément énoncé que :

« L’architecture africaine de paix et de sécurité apparait de plus en plus comme une structure intégrée conçue
pour être indissociable du système collectif de maintien de la paix et de la sécurité établi par la Charte des
Nations Unies. Les mandats de chacun des nouveaux mécanismes africains doivent être approuvés par le
Conseil de sécurité. Mais l’Union africaine serait prête, dans certaines circonstances, à aller de l’avant sans
l’approbation de la communauté internationale ; elle appliquerait ainsi les nouvelles normes établies dans le
cadre de l’architecture de paix et de sécurité ».1009

Enfin, on pourrait convenir avec les auteurs que les Etats africains ont certainement défendus le
système de la Charte lors de certaines instances des Nations Unies comme au Sommet mondial ou
lors des discussions sur la Responsabilité de protéger. Mais il convient de reconnaître dans un

1006
Voir S/PV.5781 (Resumption 1), 20 novembre 2007, p. 5, par. 5. Nos italiques.
1007
Lettre datée du 30 décembre 2005, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Groupe de
travail spécial du Conseil de sécurité sur la prévention et le règlement des conflits en Afrique, Rapport du Séminaire
sur la « Coopération entre l’Organisation des Nations Unies et les organisations régionales africaines dans le
domaine de la paix et de la sécurité », S/2005/833, p. 16, par. 9.
1008
Ibid., par. 9, 10 et 12.
1009
Ibid., par. 11. Nos italiques.

267
premier temps que les grandes rencontres internationales ne sont pas des enceintes privilégiées
pour faire triompher des spécificités individuelles ou régionales. Les Etats y exposent certes des
positions qui reflètent leurs réalités, mais au final, les positions dominantes l’emportent toujours.
On pourrait dans ce sens très bien comprendre que le Document final traduise la nécessité d’un
maintien du schéma centralisateur du système de sécurité collectif. Mais d’un autre côté, l’Union
africaine n’a pas manqué de multiplier de déclarations sur la nécessité d’une relecture du chapitre
VIII de la Charte des Nations Unies lors des débats sur les relations entre l’ONU et les
Organisations régionales.1010

Au demeurant, les Etats africains restent très attachés au principe de l’interdiction du recours à la
force tant au niveau universel - du fait de la crainte d’ingérences de puissances occidentales sous
le couvert de desseins humanitaires - que dans les relations interEtatiques africaines.1011 C’est
certainement pour cette raison qu’ils n’ont pas soutenu la consécration d’un droit d’intervention
humanitaire au niveau universel. Le recours à la force par l’Union africaine ou par les
Organisations sous-régionales sur la base de leurs dispositions institutionnelles et comme moyen
régional de gestion des conflits étant considéré par eux comme non unilatéral et une exception
justifiée par les spécificités propres au continent africain.

Section II: la pratique subséquente de l’Union africaine dans l’application de l’article 4 (h)

La pratique subséquente est l’élément le plus important dans l’interprétation de tout traité. Aussi
précis que semble être un texte, la façon dont il est appliqué par les parties est en général une bonne
indication de leur compréhension.1012 Comme le note Mustafa Yasseen,

« Appliquer le traité, cela suppose l’avoir compris, donc interprété. La pratique suivie dans l’application du
traité a, par conséquent, pour fondement un certain sens accepté par ceux qui la suivent. Or plus que personne,

1010
Voir infra, section II, par. II.
1011
L’interdiction du recours à la force est un principe cardinal dans les relations entre les États africains et prescrit
dans plusieurs instruments juridiques des organisations régionales africaines, voir par exemple l’article 4 (f) de l’Acte
constitutif de l’UA ; l’article 3 (a) du Pacte de non-agression et de défense commune de l’UA ; l’article 4, d) et e) du
Traité révisé de la CEDEAO ; l’article 3 du Traité instituant la CEEAC, l’article 3 (c) du Protocole relatif au COPAX.
1012
Anthony AUST, « Modern Treaty Law and Practice », op. cit., p. 215.

268
les parties au traité sont à même de comprendre le sens du traité qu’elles ont conclu, ce qu’elles ont vraiment
voulu ».1013

C’est certainement cet éminent rôle que joue la pratique subséquente dans l’interprétation du traité
qui a conduit à sa reconnaissance comme un moyen authentique d’interprétation par la CDI.1014
Mais l’expression « pratique subséquente » en elle-même recouvre diverses acceptions. Selon le
contexte, elle peut servir de moyen d’interprétation d’un traité ou un ferment de sa modification.
La pratique subséquente peut émaner de divers sujets de droit international notamment des parties
à un traité ou d’une Organisation internationale faisant application de son traité constitutif. Ce qui
fait dire au professeur Robert Kolb, qu’il n’existe pas un type de pratique subséquente en droit
international, mais une pluralité « dont la fonction et le régime juridique sont différenciés ».1015
Pour ce qui nous concerne, nous retiendrons dans le cadre de cette analyse, la pratique subséquente
comme moyen d’interprétation de l’article 4 (h) de l’Acte constitutif de l’Union africaine.

Nous avions dans la première section analysé la validité du Consensus d’Ezulwini comme accord
ultérieur interprétatif ainsi que l’interprétation qui s’en dégage. Dans cette seconde section nous
nous intéresserons à la pratique de l’Union africaine dans l’application de la disposition afin de
voir si une telle pratique corrobore l’interprétation qui ressort du Consensus d’Ezulwini
(paragraphe II). Nous procèderons auparavant à des précisions théoriques sur la notion de pratique
subséquente (Paragraphe I).

1013
Mustafa K. YASSEEN, « L’interprétation des traités d’après la Convention de Vienne sur le droit des traités »,
op. cit., p. 47 ; Taslim O. ELIAS, The Modern Law of Treaties, Leiden Sijthoff, 1974, pp. 76-77. Voir également
Distefano qui soutient qu’ « en droit des traités, notamment, les confins entre la pratique applicative et la pratique
interprétative sont véritablement ténus », Giovanni DISTEFANO, « La pratique subséquente des États parties à un
traité », op. cit., p. 44.
1014
Voir infra.
Voir Robert KOLB, Interprétation et création du droit international : esquisses d’une herméneutique juridique
1015

moderne pour le droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2006, pp. 479-480.

269
Paragraphe I : Contours théoriques de la pratique subséquente comme moyen d’interprétation
de l’acte constitutif d’une Organisation internationale ou d’une de ses dispositions

Il convient avant tout de porter un regard sur la notion de « pratique subséquente », ainsi que sur
les caractéristiques qu’elle doit présenter dans le cas de l’interprétation de l’acte constitutif d’une
Organisation internationale ou de l’une de ses dispositions. Pour ce faire, nous aborderons dans ce
premier paragraphe le fondement juridique de l’utilisation de la pratique subséquente comme
moyen authentique d’interprétation des traités (A), ensuite nous nous pencherons dans un second
point sur les éléments de définition de la pratique subséquente (B). Nous nous intéresserons en
troisième lieu à l’applicabilité de cette notion à l’interprétation d’actes constitutifs d’Organisations
internationales (C).

A- La pratique subséquente comme un moyen autonome d’interprétation des traités

Le recours à la pratique ultérieure dans le cadre de l’interprétation d’un traité ou d’une de ses
dispositions est non seulement largement admise en doctrine, mais solidement établie dans la
jurisprudence internationale. En 1963 déjà, Charles De Visscher écrivait sur la pratique
subséquente ceci : « La valeur très généralement reconnue à ce critère, tient à son caractère objectif
».1016 Dans le même esprit, Gerarld Fitzmaurice déclarait que: « The way in which the treaty has
actually been interpreted in practice is evidence (sometimes the best evidence) of what its correct
interprétation is ».1017 De même, le professeur Jean-Pierre Cot soutenait que :

« La conduite subséquente des parties devient un élément de preuve solide. Sa supériorité, notamment sur les
travaux préparatoires, tient à la clarté de l’indication fournie. La pratique ultérieure des contractants est une
manifestation concrète et active de leurs intentions, alors que les travaux préparatoires ne contiennent que
des déclarations d’intention, de bonnes résolutions qui peuvent être abandonnées par la suite ».1018

Charles de VISSCHER, Problèmes d’interprétation judiciaire en droit international public, A. Pedone, Paris,
1016

1963, pp. 121-122.


1017
Gerald FITZMAURICE, « The Law and Procedure of the ICJ », British Yearbook of International Law, 1951, p.
9. Voir également sur ce point Jean-Pierre COT, « La conduite subséquente des parties à un traité », op. cit., p. 633 et
ss.
1018
Jean Pierre COT, « La conduite subséquente des parties à un traité », op. cit., p. 652. Voir également sur d’autres
auteurs qui admettent la pratique subséquente comme moyen authentique d’interprétation, Robert KOLB,

270
La jurisprudence internationale a également fait recours une multitude de fois dans le cadre de
l’interprétation d’un traité à la pratique ultérieure dans l’application du traité.1019

Il convient cependant de préciser que la pratique subséquente a pu être considérée pendant un


certain temps comme un moyen complémentaire pour confirmer un sens déjà dégagé ou dans le
but de clarifier un texte obscur ou ambigu.1020 Elle a même souvent été utilisée comme un «
élément d’interprétation judiciaire », plutôt qu’une source autonome d’interprétation.1021 Mais
cette situation a connu une variation dans le temps de sorte que la pratique subséquente a acquis
de nos jours une fonction autonome en matière d’interprétation des traités.

En effet, en mentionnant la pratique subséquente dans le cadre de l’article 31 qui énonce les
moyens principaux d’interprétation et non dans l’article 32 qui dispose des moyens
complémentaires ou subsidiaires d’interprétation, la Convention de Vienne sur le droit des traités

Interprétation et création du droit international : esquisses d’une herméneutique juridique moderne pour le droit
international public, op. cit., p. 490 ; Athina CHANAKI, L’adaptation des traités dans le temps, op. cit., p. 309.
1019
Dans la sentence relative à l’affaire de l’indemnité russe, le tribunal arbitral déclare que : « l’exécution des
engagements est, entre Etats, comme entre particuliers, le plus sûr commentaire du sens de ces engagements », voir
Affaire de l’indemnité russe, Recueil des sentences arbitrales, vol. XI, p. 453. Dans un avis consultatif de 1922, la
Cour permanente de Justice internationale indiquait que : « Si une équivoque avait existé, la Cour, en vue d’arriver à
établir le sens véritable du texte, aurait pu examiner la manière dont le traité a été appliqué » , voir l’Affaire sur la
Compétence de l’Organisation internationale du travail pour la réglementation internationale des conditions de
travail des personnes employées dans l’agriculture, 12 août 1922, CPJI, série B, no 2 et 3, p. 38. Dans l’affaire du
Détroit de Corfou, la Cour internationale de Justice note qu’« il ressort de l’attitude ultérieure des parties que leur
intention, lorsqu’elles ont conclu le compromis, n’était pas d’empêcher la Cour de fixer le montant de l’indemnité »,
C.I.J., Affaire du Détroit de Corfou ( Royaume-Uni/Albanie), arrêt du 09 avril 1949, Recueil 1949, p. 25 ; voir aussi
CPJI, Avis consultatif concernant l’interprétation du Traité de Lausanne, 1925, série B no 12, p. 24 ; et CPJI, Affaire
relative au paiement des emprunts brésiliens, 1929, série A, no 21, pp. 119-120.
1020
La Cour permanente et la Cour internationale de justice ne faisaient recours à la pratique subséquente que lorsque
les termes du texte à interpréter étaient obscurs ou lorsque l’interprétation du texte conduisait à des résultats
déraisonnables ou absurdes, voir CPJI, Service postal polonais, avis consultatif du 16 mai 1925, Recueil, B.11, p. 39 ;
C.I.J., Affaire des Réserves à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Recueil, 1951,
pp. 25-26 ; C.I.J., Affaire relative au Statut international du Sud-Ouest Africain, Recueil, 1950, pp. 135-136 ; C.I.J.,
Affaire du Temple de Préah-Vihéar, (compétence), Recueil, 1961, pp.33-35.
1021
Voir Athina CHANAKI, L’adaptation des traités dans le temps, op. cit., pp. 313-314.

271
de 1969 renie clairement le caractère subsidiaire que l’on a voulu prêter à la pratique subséquente
comme moyen subsidiaire d’interprétation.1022

Dans ses projets de conclusions sur les accords et pratique ultérieurs dans le contexte de
l’interprétation des traités, adoptés à l’issue du premier rapport du Rapporteur spécial à sa soixante-
cinquième session, la CDI soutient que :

« les accords ultérieurs et la pratique ultérieure en vertu de l’article 31, paragraphe 3) a) et b), en tant qu’ils
constituent une preuve objective du sens attribué à un traité par les parties, sont des moyens authentiques
dans l’application de la règle générale d’interprétation des traités reflétée à l’article 31».1023

La qualification des accords ultérieurs et de la pratique subséquente de « moyens d’interprétation


authentiques » traduit toute l’importance que ces moyens présentent pour l’interprétation des
traités.1024 La Commission réitère ainsi la position qu’elle avait tenue dans son commentaire du
projet d’articles sur le droit des traités de 1966, dans lequel elle qualifiait les accords et pratique
ultérieurs interprétatifs comme étant des « moyens d’interprétation authentiques » en ces termes :
« L’importance, en tant qu’élément d’interprétation, de cette pratique ultérieurement suivie dans
l’application du traité est manifeste car elle constitue une preuve objective de l’accord des parties
sur le sens du traité ».1025

La jurisprudence de la CIJ a également considérablement évolué sur la question. La Cour ayant


progressivement abandonné sa position qui consistait à n’accorder de valeur interprétative à la
pratique que lorsque celle-ci reflétait les intentions originaires des parties. Elle en est arrivée à

Pour la CDI, l’application des moyens d’interprétation prévus dans l’article 31 constitue une seule opération
1022

complexe, voir Ann.C.D.I., 1966, vol. II, p. 289 ; voir également Georg Nolte, « Introductory Report for the ILC Study
Group on Treaties over Time », dans G. Nolte (dir. publ.), Treaties and Subsequent Practice, op. cit., p. 177.
1023
Voir Documents officiels de l’Assemblée générale, Soixante-huitième session, Supplément no 10 (A/68/10), par.
38. La Commission a adopté provisoirement à cette session 5 projets de conclusion, voir par. 33-39.
L’adjectif « authentique » renvoie selon la CDI à diverses formes de « preuve objective » ou de « preuve » de la
1024

conduite des parties témoignant de leurs « vues communes » sur le sens du traité, voir Soixante-huitième session,
Supplément no 10 (A/68/10), op. cit., p. 21.
1025
Voir Ann.C.D.I., 1966, vol. II, p. 241.

272
considérer désormais la pratique ultérieure des parties comme un moyen autonome d’interprétation
des traités.1026

Il convient par ailleurs de relever que la Convention de Vienne ne retient pas la pratique
subséquente en général comme un élément de la règle générale d’interprétation des traités, mais
plutôt une pratique ultérieure bien spécifique.1027 En effet, l’article 31, paragraphe 3) b) désigne
comme pratique subséquente susceptible d’être pris en compte dans l’interprétation des traités «
toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par laquelle est établi l’accord des
parties à l’égard de l’interprétation du traité »1028. La Convention de Vienne exige donc une forme
particulière de pratique ultérieure, à savoir une pratique ultérieure non seulement concordante et
commune à toutes les parties, mais elle doit également être « dans l’application du traité ». La
pratique ultérieure qui ne remplit pas ces critères peut néanmoins être utilisé comme un moyen
complémentaire d’interprétation au titre de l’article 32 de la Convention.1029

La définition de la Convention de Vienne de la pratique subséquente a été jugée beaucoup trop


étroite par le professeur Robert Kolb. L’auteur qui soutient l’existence de plusieurs pratiques

1026
Par exemple, dans la décision rendue par la Commission du tracé de la frontière Erythrée-Ethiopie, la Commission
arbitrale accorde une attention particulière aux comportements postérieurs des parties à la conclusion des traités. Elle
note que: « the role of the subsequent practice or conduct has also played a major part in the arguments of both sides.
The function of such practice is not, it must be emphasised, relevant exclusively to the interpretation of the Treaties.
It is quite possible that practice or conduct may affect the legal relations of the Parties even though it cannot be said
to be practice in the application of the Treaty or to constitue an agreement between them », Eritrea-Ethiopia Boundary
Commission, Decision Regarding Delimitation of the Border between the State of Eritrea and the Federal Democratic
Republic of Ethiopia, décision du 13 avril 2002. Voir également C.I.J, Affaire de la Réparation des dommages subis
au service des Nations Unies, avis consultatif du 11 avril 1949, Recueil, p. 180 et C.I.J., Affaire de la Compétence de
l’Assemblée générale pour l’admission d’un Etat aux Nations Unies, avis consultatif du 3 mars 1950, Recueil 1950,
p. 9.
1027
Voir les commentaires du projet de conclusion 1 sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de
l’interprétation des traités adopté provisoirement par la Commission à sa soixante –cinquième session, Documents
officiels de l’Assemblée générale, Soixante-huitième session, Supplément no 10 (A/68/10), pp. 16-17, par. 9-10.
1028
Nos italiques.
1029
Voir Ann.C.D.I., 1964, Vol. II, p. 215, par. 13 ; Ann.C.D.I., 1966, vol. II, pp. 106-107, par. 18 et pp. 241-242, par.
15. Voir également Mustafa Kamil YASSEEN, « L’interprétation des traités d’après la Convention de Vienne sur le
droit des traités », op. cit.,p. 52 ; Ian M.T SINCLAIR, The Vienna Convention on the Law of Treaties, Manchester
University Press, 1984, p. 138 ; Marc E. VILLIGER, Commentary on the 1969 Vienna Convention on the Law of
Treaties, Martinus Nijhoff Publishers, 2009, pp. 431-432.

273
subséquentes interprétatives estime que l’exigence de la condition d’accord tacite entre toutes les
parties au traité fait « dépendre la prise en compte d’un élément aux fins de l’interprétation d’une
norme des conditions rigoureuses auxquelles est soumise la modification de cette norme ».1030
Ainsi, il convient avec le professeur Jean-Pierre Cot que la pratique subséquente même unilatérale
« peut être retenue même si elle émane d’un seul Etat. Sa valeur probatoire dépend alors des
circonstances de l’espèce ».1031 Pour l’auteur, la règle serait qu’une pratique subséquente
constante, claire et commune soit plutôt exigé dans le cas d’une pratique modificative, tandis
qu’une pratique ultérieure discontinue, incertaine et isolée pourrait servir comme un simple indice
d’interprétation à apprécier en fonction des circonstances de l’espèce.1032 En faisant l’économie
du débat doctrinal sur la question, nous retiendrons dans le cadre de cette analyse que tout autant
qu’une pratique ultérieure modificative, celle interprétative exige un accord tacite des parties. Car
comme le note Distefano,

« ce n’est pas la pratique ultérieure en tant que telle qui fonde l’interprétation donnée par les parties du texte
conventionnel, mais c’est dans l’accord (tacite), entre elles, cristallisé par leur comportement convergent et
assonant, que réside le fondement juridique de cette méthode d’interprétation ».1033

Outre ces positions doctrinales en faveur d’un accord tacite entre les parties qui fonde la pratique
subséquente interprétative, la jurisprudence internationale semble à son tour confirmer la nécessité
de faire une distinction entre la « pratique ultérieure » au sens de l’article 31, paragraphe 3) b) et

Robert KOLB, Interprétation et création du droit international : esquisses d’une herméneutique juridique
1030

moderne pour le droit international public, op. cit., pp. 481-488.


1031
Jean Pierre COT, « La conduite subséquente des parties à un traité », op. cit., p. 645 ; Robert KOLB, Interprétation
et création du droit international : esquisses d’une herméneutique juridique moderne pour le droit international public,
op. cit., p. 488.
1032
Robert KOLB, Interprétation et création du droit international : esquisses d’une herméneutique juridique
moderne pour le droit international public, op. cit., p. 488, voir aussi Jean Pierre COT, « La conduite subséquente des
parties à un traité », op. cit., pp. 634-635.
1033
Giovanni DISTEFANO, « La pratique subséquente des États parties à un traité », op. cit., p. 46. Voir aussi dans
la même vision, Sir Gerald FITZMAURICE, « The Law and Procedure of the ICJ, 1951-1954: General Principles and
Sources of Law », British Yearbook of International Law, vol. 33, 1957, p. 225 ; Richard K. GARDINER, Treaty
interpretation, op. cit., p. 254.

274
les autres formes de pratique ultérieure dont l’importance est néanmoins reconnue aux fins de
l’interprétation du traité.1034

A la suite de ces précisions doctrinales, il serait utile de s’interroger sur le sens de la notion de «
pratique subséquente » ainsi que des éléments requis pour son utilisation en tant que moyen
authentique d’interprétation au sens de l’article 31, paragraphe 3) b) de la Convention de Vienne.

B- Définition et identification de la pratique subséquente interprétative

On commencera par aborder des éléments de définition avant d’en venir aux caractéristiques
d’identification d’une pratique subséquente.
1- Définition
La pratique subséquente encore désignée sous d’autres synonymes de « pratique ultérieure » ou «
conduite subséquente » n’est pas expressément définie par la Convention de Vienne, on y fait juste
référence à « toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité ».1035 Il peut
néanmoins être déduit de cette disposition que la pratique subséquente est la pratique suivie dans
l’application du traité. Mais la question pourrait encore se poser sur le sens à donner à la notion de
pratique. La pratique désigne selon le dictionnaire de droit international public « la manière
habituelle d’agir, de procéder ou de décider d’un Etat ou d’une Organisation internationale ; le
comportement habituel d’un organe ».1036 La professeure Boisson de Chazournes considère que «
la pratique peut prima facie être définie en droit international public comme la conduite des
organes des sujets du droit international ».1037 Pour elle, la pratique ultérieure

1034
Voir entre autres C.I.J., Affaire Île de Kasikili/Sedudu, Recueil 1999, p. 1045 et ss. ; OMC, Rapport du Groupe
spécial, Etats-Unis – Article 110 5), loi sur le droit d’auteur, WT/DS160/R, 15 juin 2000, par. 6.55.
1035
Nos Italiques.
1036
Jean SALMON, Dictionnaire de droit international public, op. cit., p. 860.
1037
Laurence BOISSON de CHAZOURNES, « Qu’est-ce que la pratique en droit international ? », op. cit., p. 14. Pour
la Professeure BOISSON de CHAZOURNES, La pratique doit être interprétée largement (in extenso), aussi bien pour
ce qui concerne les sujets et acteurs que les actions, omission ou abstention, des actes physiques ou des actes juridiques
accomplis par eux, ou même leurs simples déclarations ou revendications. La pratique englobe tout fait et acte qui
exprime un choix de leur auteur de se comporter d’une certaine manière à l’égard d’autres sujets de l’ordre
international, voir ibid, p. 15.

275
« vise donc à priori l’ensemble des actes juridiques ou des comportements de fait imputables aux parties à un
traité qui, après l’entrée en vigueur de ce traité, font application de ses dispositions, et d’où résulte, à condition
qu’ils soient identiques ou convergents, une interprétation collective, évolutive, voire la désuétude des
dispositions originaires ».1038

Pour le professeur Jean-Pierre Cot, on entend par « conduite », les « faits, attitudes ou déclarations
des parties dont on pourra déduire implicitement certaines conséquences juridiques ».1039 Giovanni
Distefano estime pour sa part que l’expression « pratique subséquente » englobe tout
comportement des parties à un traité, à savoir une réalité juridique et factuelle très variée (actes et
faits) engendrée par leur comportement suite à, et à cause de, la conclusion de l’accord.1040 Cet
auteur tient donc la « pratique subséquente » pour « tous les actes et faits concluants des Etats
relatifs à l’exécution du traité, c’est à dire des actes et « faits » qui pourront produire des effets
juridiques ou, du moins, qui seront relevant du point de vue juridique ».1041 Il est à préciser que
cette pratique peut se déployer aussi bien dans la sphère de l’ordre juridique interne dans le but de
l’application et de l’exécution du traité que dans celle de l’ordre juridique international.1042 La CDI
considère, quant à elle, qu’une « pratique ultérieure » en tant que moyen authentique
d’interprétation en vertu de l’article 31, paragraphe 3) b), « est constituée par toute conduite dans
l’application du traité, après la conclusion de celui-ci, par laquelle est établi l’accord des parties à
l’égard de l’interprétation du traité ».1043

1038
Ibid, p. 25.
1039
Jean-Pierre COT, « La conduite subséquente des États parties à un traité », op. cit., p. 634.
1040
Giovanni DISTEFANO, « La pratique subséquente des États parties à un traité », op. cit., p. 42.
1041
Giovanni DISTEFANO, « La pratique subséquente des États parties à un traité », op. cit., p. 42 ; Giovanni
DISTEFANO, « L’interprétation évolutive de la norme internationale », op. cit., p. 377.
1042
Giovanni DISTEFANO, « La pratique subséquente des États parties à un traité », op. cit., p. 42
1043
Voir projet de conclusion 4, Supplément no 10 (A/68/10), op. cit., p. 31.

276
Il ressort de toutes ces définitions que la notion de pratique subséquente se rapporte à la conduite
des sujets du droit international dans l’application du traité. Une telle conduite doit être postérieure
à la conclusion du traité dans la mesure où elle concerne l’application de celui-ci.1044

Aussi, la conduite des parties dans l’application du traité constituée d’une variété d’actes et de faits
juridiques doit par ailleurs présenter un certain nombre de caractéristiques pour être considéré
comme un moyen d’interprétation authentique au sens de l’article 31, paragraphe 3) b) de la
Convention de Vienne.

2- Eléments caractéristiques de la pratique subséquente


La Convention de Vienne ne donne pas d’indication sur la forme que doit revêtir la pratique
subséquente, ni comment l’identifier. Mais à partir des définitions ci- dessus exposées et d’un tour
d’horizon de la doctrine, il peut être soutenu que la pratique subséquente se décline sous diverses
formes variées (a). Elle doit par ailleurs présenter un certain nombre de caractéristiques afin d’être
considéré comme un moyen authentique d’interprétation. La pratique subséquente doit notamment
être commune, constante et uniforme (b).

a- Une pratique revêtant diverses formes


Il est généralement admis que la pratique subséquente interprétative peut se présenter sous diverses
formes et peut consister en une action comme en une inaction.1045 Selon la CDI, la pratique
ultérieure au sens de l’article 31, paragraphe 3) b) peut consister en un « comportement ».1046 Il
importe de préciser que le terme « comportement » est en l’espèce utilisé au sens de l’article 2 des

1044
Mustafa Kamil YASSEEN, « L’interprétation des traités d’après la Convention de Vienne sur le droit des traités
», op. cit., p. 47.
1045
La pratique subséquente comprend non seulement des comportements positifs, mais aussi des comportements
négatifs comme des omissions ou abstentions, voir Georg NOLTE, « Subsequent Agreements and Subsequent Practice
of States Outside of Judicial or Quasi-judicial Proceedings », op. cit., p. 309 ; Laurence BOISSON de
CHAZOURNES, « Qu’est-ce que la pratique en droit international », op. cit, p. 15 et p. 34. Voir également CEDH,
Affaire Bankivic et autres c. Belgique, République tchèque, Danemark, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Islande,
Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Pologne, Portugal, Espagne, Turquie et Royaume-Uni, Décision relative à
la recevabilité de la requête no 52207/99 du 12 décembre 2001 (Grande Chambre), Rec., 2001-XII, par. 62.
1046
Voir projet de conclusion 4, Supplément no 10 (A/68/10), op. cit., p. 36, par. 16.

277
articles de la Commission sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite.1047 Il
peut donc s’agir d’actions mais d’omissions, incluant un silence pertinent,1048 qui contribuent à
établir l’accord tacite entre les parties.1049 La question pourrait tout de suite se poser sur
l’identification de la nature et le contenu des comportements susceptibles d’être pris en
considération. A ce propos, il convient de relever qu’une majorité doctrinale se dégage pour
reconnaître que la conduite relevant de la pratique subséquente renvoie à des actes et faits officiels
accomplis tant au niveau international que national dans le cadre de l’application du traité.1050
Selon le traité pris en considération, il peut s’agir de comportements de visée internationale comme
des actes officiels, des déclarations1051 et des votes à l’échelle internationale, mais aussi d’actes
accomplis au niveau interne de nature législative, exécutive ou judiciaire, y compris des
comportements d’acteurs non Etatiques qui pourraient être attribués à des Etats comme des formes
d’application du traité.1052 La liste n’étant pas exhaustive, divers autres actes et faits pourraient y

1047
Voir l’Ann.C.D.I., 2001, vol. II (2e partie), pp. 35-36, par. 2 à 4.
1048
Le silence peut présenter différentes significations en droit, selon le contexte et les circonstances, il peut traduire
une négation ou une acceptation. La question s’est donc posée en doctrine de savoir si un comportement passif,
notamment une abstention ou une tolérance pouvait être considéré comme un élément de pratique. Mais la réponse
semble assez nuancée, voir sur la question Laurence BOISSON de CHAZOURNES, « Qu’est-ce que la pratique en
droit international », op. cit, p. 35 ainsi que Jacques BENTZ, « Le silence comme manifestation de volonté en droit
public », Revue générale de droit international public, vol. 67, 1963, p. 73.
1049
Voir Waldock, Troisième rapport sur le droit des traités, Ann.C.D.I., 1964, vol. II, pp. 63-64, par. 32 -33. Voir
aussi C.I.J, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis),
compétence et recevabilité, arrêt, Recueil, 1984, p. 410, par. 39 ; C.I.J, Affaire du temple de Préah Vihéar (Cambodge
c. Thaïlande), Fond, arrêt, Recueil, 1962, p. 23.
1050
Voir Laurence BOISSON de CHAZOURNES, « Qu’est-ce que la pratique en droit international ?», op. cit., p.
14 ; Jean-Pierre COT, « La conduite subséquente des États parties à un traité », op. cit., p. 634 ; Giovanni
DISTEFANO, « La pratique subséquente des États parties à un traité », op. cit., p. 42 ; Athina CHANAKI,
L’adaptation des traités dans le temps, op. cit., pp. 316-319 ; projet de conclusion 4, Supplément no 10 (A/68/10), op.
cit., p. 36, par. 16-17 ; Georg NOLTE, « Subsequent Agreements and Subsequent Practice of States Outside of Judicial
or Quasi-judicial Proceedings », op. cit., p. 317.
1051
La question s’est posée de savoir s’il fallait accorder la même valeur juridique aux déclarations écrites qu’aux
déclarations orales aussi bien dans l’identification que dans l’imputation de la pratique à un État, voir Laurence
BOISSON de CHAZOURNES, « Qu’est-ce que la pratique en droit international », op. cit, pp. 33-34. La Cour a
tranché la question en soutenant qu’« une déclaration soit verbale ou écrite, cela n’entraine aucune différence
essentielle, car de tels énoncés faits dans des circonstances particulières peuvent constituer des engagements en droit
international sans avoir nécessairement à être consignés par écrit, la forme n’est pas décisive », C.I.J, Affaire des essais
nucléaires ( Australie c. France), arrêt, Recueil, 1974, pp. 267- 268, par. 45.
1052
Voir Commentaire du projet de conclusion 4, Supplément no 10 (A/68/10), op. cit., p. 36, par. 17 ; Commentaire
du projet de conclusion 6 relatif à l’identification des accords ultérieurs et de la pratique ultérieure, Supplément no 10

278
être mentionnés. Il faudra cependant tenir compte du souci de la doctrine sur l’aptitude des actes
et faits pris en considération de produire des effets juridiques. Sur ce point, la distinction opérée
par le professeur Jean Combacau entre les faits juridiques et les simples faits matériels est
intéressante à explorer. Selon l’auteur, les faits juridiques peuvent se décliner à la fois en de purs
évènements non attribuables à un auteur particulier que de comportements susceptibles d’être
imputés à un sujet.1053

Tout compte fait, la forme de la pratique subséquente interprétative dépend en grande partie de
l’objet du traité ainsi que de l’environnement normatif et institutionnel dans lequel il évolue.1054 Il
semble important, pour finir de faire remarquer que la pratique dont il est question dans le cadre
de l’interprétation du traité n’est pas « une pratique générale, acceptée comme étant le droit »
donnant naissance à la coutume tel que défini par l’article 38 du Statut de la Cour internationale
de justice. Il s’agit ici d’une pratique « spécifique » qui traduit l’accord des parties sur le sens du
traité ou d’une de ses dispositions.1055

b- Une pratique concordante, commune et d’une certaine constance


Si la pratique subséquente n’est pas soumise à des conditions de forme particulière, la question
reste cependant celle de savoir quels caractères elle doit présenter pour permettre la formation d’un
accord tacite interprétatif et être considéré ainsi comme un moyen authentique d’interprétation du
traité. En effet, une majorité doctrinale se dégage pour reconnaître que la pratique ultérieure doit
être concordante, commune et d’une certaine constance.1056 Mais ces conditions sont en général

(A/69/10), op. cit., p. 183. Voir également BOISSON de CHAZOURNES, « Subsequent Practice, Practices, and ‘
Family Resemblance’ : Towards Embedding Subsequent Practice in its Operative Milieu », op. cit., pp. 54 – 60 ;
Richard GARDINER, Treaty Interpretation, op. cit., pp. 257-259 ; Différend maritime ( Pérou c. Chili), C.I.J., arrêt
du 27 janvier 2014, p. 39- 42, par. 103-111 ainsi que les pp. 45 – 46 ; par. 119 – 122, et p. 47, par. 126.
1053
Jean COMBACAU, « L’écoulement du temps », in Société Française pour le Droit international, Colloque de
Paris, Le droit international et le temps, Paris, Pedone, 2001, p. 81.
1054
Georg NOLTE, « Subsequent Agreements and Subsequent Practice of States Outside of Judicial or Quasi-judicial
Proceedings », op. cit., p. 317; Richard K. GARDINER, Treaty interpretation, op. cit., p. 254.
1055
Richard K. GARDINER, Treaty interpretation, op. cit., p. 255.
1056
Pour Mustafa Kamil YASSEEN, « L’interprétation des traités d’après la Convention de Vienne sur le droit des
traités », op. cit., pp. 48 - 49 ; Giovanni DISTEFANO, « La pratique subséquente des Etats parties à un traité », op.
cit., pp. 46-47 ; Jean-Pierre COT, « La conduite subséquente des Etats parties à un traité », op. cit., p. 637 soutient

279
appréhendées avec une certaine souplesse, preuve « du non formalisme ou d’un autre genre de
formalisme propre à l’ordre juridique international ».1057 Ainsi, la constance, une condition qui
est le plus souvent pris en considération dans l’analyse de la formation du droit coutumier fait
l’objet d’une appréciation large dans son application. Le critère renvoie à un élément temporel et
à l’idée de répétition de la pratique. L’Organe d’appel de l’OMC a un certain moment laissé croire
que la constance impliquait des actes assez fréquents et uniformes,1058 mais la CIJ l’a considéré
avec flexibilité.1059 L’Organe d’appel a par la suite finit par nuancer sa position dans une autre
affaire.1060 La CDI soutient sur cette condition qu’« une pratique isolée des parties établissant leur
accord sur l’interprétation doit être prise en considération en application de l’article 31, paragraphe
3) b) ». Pour la Commission, la pratique ultérieure au sens de l’article 31, paragraphe 3) b) ne doit
pas nécessairement être répétée mais seulement attester l’existence d’un accord concernant
l’interprétation.1061

seulement qu’une pratique concordante de toutes les parties au traité peut constituer une interprétation quasi-
authentique du texte ; Gerhard HAFNER, « Subsequent Agreements and Practice : Between Interpretation, Informal
Modification, and Formal Amendment », op. cit., p. 112. Voir également la définition de la pratique subséquente de
l’Organe d’appel de l’OMC selon laquelle : « Une pratique est généralement considérée comme ultérieure aux fins de
l’interprétation d’un traité lorsqu’elle correspond à une suite d’actes ou de déclarations ‘concordants, communs et
d’une certaine constance’ suffisante pour que l’on puisse discerner une attitude qui suppose l’accord des parties à
l’égard de l’interprétation des traités », Rapport de l’Organe d’appel de l’OMC, Japon – Boissons alcooliques II,
WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R, 4 octobre 1996, sect. E, pp. 12-13.
1057
Giovanni DISTEFANO, « La pratique subséquente des États parties à un traité », op. cit., p. 47.
1058
Selon la CDI, la définition que fait l’Organe d’appel de l’OMC de la pratique subséquente dans l’Affaire des
Boissons alcooliques suppose des actes fréquents et répétés pour que l’on puisse conclure à un accord tacite entre les
parties, voir Commentaire du projet de conclusion 8 relatif au poids des accords ultérieurs et de la pratique ultérieure
comme moyens d’interprétation, Supplément no 10 (A/69/10), op. cit., p. 201. Voir également YASSEEN qui estime
que la constance est liée à l’idée même de pratique. L’auteur estime qu’une pratique ne peut « être concrétisée par un
fait isolé, ou même par quelques applications éparses », Mustafa Kamil YASSEEN, « L’interprétation des traités
d’après la Convention de Vienne sur le droit des traités », op. cit., p. 48 ; Ian SINCLAIR, The Vienna Convention on
the Law of Treaties, op. cit., p. 137.
1059
Voir C.I.J., Affaire de l’Île de Kasikili/Sedudu (Botswana c. Namibie), arrêt, Recueil 1999, pp. 1075- 1076, par.
47-50 et p. 1087, par. 63 ; C.I.J., Affaires du Plateau continental de la Mer du Nord (République fédérale d’Allemagne
c. Danemark, République fédérale d’Allemagne c. Pays-Bas), arrêt du 20 février 1969, p. 43 ; C.I.J., Affaire du
Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne c. Tchad), arrêt, Recueil 1994, pp. 34-37, par. 66-71.
OMC, Rapport de l’Organe d’appel CE - Matériels informatiques, WT/DS62/AB/R, WT/DS67/AB/R,
1060

WT/DS68/AB/R, 5 juin 1998, par. 93.


1061
Voir Commentaire du projet de conclusion 8 relatif au poids des accords ultérieurs et de la pratique ultérieure
comme moyens d’interprétation, Supplément no 10 (A/69/10), op. cit., p. 202. Voir également dans cette tendance,

280
Les deux autres conditions de concordance et d’uniformité (pratique commune) ont tout autant fait
l’objet d’une lecture évolutive. En effet, même s’il est exigé que la pratique soit commune, et
concordante, elle ne doit pas non plus nécessairement être constituée de la participation active de
toutes les parties. Il a été considéré que l’accord tacite pouvait se former à partir de comportements
actifs et passifs à la fois et de l’interaction entre eux.1062 C’est ainsi qu’il est admis que le silence
ou l’inaction d’une partie ou de plusieurs parties à l’égard de comportements actifs des autres
parties pouvait néanmoins participer à la formation de l’accord tacite interprétatif.1063 En outre, il
est avancé que l’usage de l’expression « l’accord des parties » à l’article 31, paragraphe 3) b) alors
même que l’article 69, paragraphe 3, alinéa b) du projet d’articles de 19641064 visait expressément
« toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par laquelle est clairement établi
l’accord de toutes les parties à l’égard de son interprétation » relève d’un souci de donner plus de

Robert KOLB, Interprétation et création du droit international : esquisses d’une herméneutique juridique moderne
pour le droit international public, op. cit., pp. 506-507 ; Elihu LAUTERPACHT, « The development of the Law of
International Organization by the Decisions of International Tribunals », Recueil des cours de l’Académie de droit
international de la Haye, vol. 152, 1976, p. 457 ; Ulf LINDERFALK, On the Interpretation of Treaties : The Modern
International Law as Expressed in the 1969 Vienna Convention on the Law of Treaties, op. cit., p. 166 ; Georg
NOLTE, « Subsequent Agreements and Subsequent Practice of States Outside of Judicial or Quasi-judicial
Proceedings », op. cit.,p. 310.
1062
Giovanni DISTEFANO, « La pratique subséquente des Etats parties à un traité », op. cit., p. 48 ; Richard K.
GARDINER, Treaty interpretation, op. cit., pp. 266-267 ; Voir aussi le Sixième Rapport sur le droit des traités, par
Sir Humphrey WALDOCK, op. cit., p. 107.
1063
L’éventualité qu’un accord au sujet de l’interprétation puisse s’exprimer par le silence ou l’inaction a été confirmée
aussi bien par la doctrine que par la jurisprudence internationale. Voir sur la jurisprudence l’Affaire du Temple de
Préah Vihéar (Cambobge c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J., Recueil 1962, p.23 ; Affaire Plates-formes pétrolières
(République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire, arrêt C.I.J., Recueil 1996, p. 815,
par. 30 ; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
compétence et recevabilité de la requête, arrêt, C.I.J., 1984, p. 410 ; OMC, Rapport de l’Organe d’appel, CE –
Morceaux de poulet, WT/DS269/AB/R et WT/DS286/AB/R, 12 septembre 2005, par. 259. Sur la doctrine, voir
Maurice KAMTO, « La volonté de l’État en droit international », Recueil des cours de l’Académie de droit
international de la Haye, vol. 310, 2004, pp. 134-141 ; Mustafa Kamil YASSEEN, « L’interprétation des traités
d’après la Convention de Vienne sur le droit des traités », op. cit., p. 49 ; Richard K. GARDINER, Treaty
interpretation, op. cit., pp. 262-266 ; Marc E. VILLIGER, Commentary on the 1969 Vienna Convention on the Law
of Treaties, op. cit., p. 431, par. 22. Il faut cependant préciser que la pertinence du silence dépend fortement des
circonstances de chaque situation. La Cour a par exemple dans l’Affaire de l’Île de Kasikili/Sedudu, estimé que
l’absence de réaction d’un État aux conclusions d’une commission mixte d’experts chargée par les parties de
déterminer une situation factuelle particulière au sujet d’une question en litige ne permettait pas de conclure qu’un
accord était intervenu à propos du litige, C.I.J., Île de Kasikili/Sedudu (Botswana c. Namibie), arrêt, Recueil 1999, pp.
1089-1091, par. 65-68.
1064
Cette disposition correspond également à l’article 27 du projet d’articles de 1966.

281
souplesse au processus de formation de l’accord.1065 La Commission a soutenu sur la question qu’«
elle a considéré que la formule « l’accord de toutes les parties » désigne nécessairement « les
parties dans leur ensemble ». Elle n’a omis le mot « toutes » que pour éviter une méprise possible,
qui ferait croire que chaque partie doit individuellement avoir suivi cette pratique, alors qu’il suffit
qu’elle l’ait accepté ».1066

Tout bien considéré, d’après les termes de la CDI, la « pratique concordante de toutes les parties
» est celle qui exprime une communauté de vues des parties au sujet de l’interprétation du traité.
La communauté de vues implique que la pratique n’ait pas fait l’objet de divergences 1067 ou de
controverses entre les parties au traité.1068 Il ne suffit pas non plus que les positions des parties au
traité concordent, il faudra qu’elles aient connaissance de la position des autres parties et
l’acceptent. La Commission a ainsi reconnu dans son rapport de 1964 que :

« la pratique d’une seule partie ou de certaines parties seulement se situe, en tant qu’élément d’interprétation, sur
un plan entièrement différent de la pratique concordante de toutes les parties indiquant leurs vues communes sur
le sens d’un traité. La pratique ultérieure concordante de toutes les parties prouve l’accord de celles – ci concernant
l’interprétation du traité et est analogue à un accord interprétatif ».1069

1065
Mustafa Kamil YASSEEN, « L’interprétation des traités d’après la Convention de Vienne sur le droit des traités
», op. cit., p. 48. Italiques de nous.
1066
Ann.C.D.I., 1966, vol. II, pp. 241-242, par. 15.
1067
Le fait cependant que les parties appliquent un traité de façon différente ne signifie pas en soi l’existence de
positions divergentes sur l’interprétation du traité. Il peut s’agir tout simplement d’un désaccord sur la (seule)
interprétation exacte, mais aussi une certaine marge d’appréciation dans l’application du traité, voir Commentaire du
projet de conclusion 9 relatif à l’accord des parties au sujet de l’interprétation d’un traité, Supplément no 10 (A/69/10),
op. cit., p. 205, par. 4.
1068
Andreas LAURSEN, Changing International Law to Meet New Challenges. Interpretation, Modification and the
Use of Force, Copenhagen, Djof Publishing, 2006, p. 38 ; Commentaire du projet de conclusion 9 relatif à l’accord
des parties au sujet de l’interprétation d’un traité, Supplément no 10 (A/69/10), op. cit., p. 205, par. 5.
1069
Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa seizième session, Ann.C.D.I., 1964, vol. II,
p. 215, par. 13.

282
C- La pratique subséquente dans le cas de l’interprétation de l’acte constitutif d’une
Organisation internationale

Bien que l’article 5 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 énonce le principe
de l’applicabilité des articles 31 et 32 de la Convention à l’interprétation des actes constitutifs des
Organisations internationales,1070 leur interprétation n’est pas sans poser des problèmes. Les
modalités de prise en compte de la pratique subséquente des Organisations internationales restent
moins claires que celles des Etats. Il existe d’ailleurs peu d’études dédiées à l’identification de la
pratique ultérieure des Organisations internationales dans le cadre de l’interprétation de leurs actes
constitutifs ou de l’une de ses dispositions. C’est certainement cette rareté qui a motivé la CDI
dans le cadre de ses travaux sur les accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation
des traités, à consacrer un rapport entier au rôle des accords et de la pratique ultérieurs dans le
contexte des traités qui sont des actes constitutifs d’Organisations internationales. Ce troisième
Rapport de Georg Nolte, rapporteur spécial pour le sujet « Accords et pratique ultérieurs dans le
contexte de l’interprétation des traités » a abouti à l’adoption par la Commission d’un projet de
conclusion 11, suivi de commentaires.1071

En effet, comme il ressort des dispositions de l’article 5 de la Convention de Vienne1072 et de la


jurisprudence, les actes constitutifs des Organisations internationales sont des traités d’un type

1070
L’article 5 n’a pas en réalité pour but d’élargir le champ d’application de la Convention de Vienne aux actes
constitutifs des organisations internationales, mais de simplement relever que la règle générale d’interprétation des
traités de la Convention de Vienne applicable aux traités entre États est également applicable aux actes constitutifs
des organisations internationales, voir Kristen SCHMALENBACH, « Art. 5 Treaties Constituting International
Organizations and Treaties adopted within an International Organization », in Olivier DÖRR et Kristen.
SCHMALENBACH (dir.), The Vienna Convention on the Law of Treaties, Berlin/Heidelberg, Springer, 2012, p. 89.
1071
Voir Georg NOLTE, Rapporteur spécial, Troisième rapport sur les accords et la pratique ultérieurs dans le
contexte de l’interprétation des traités, (A/CN.4/683), ainsi que les Documents officiels de l’Assemblée générale,
soixante-dixième session, Supplément no 10 (A/70/10).
1072
L’article 5 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 dispose ainsi que : « La présente Convention
s’applique à tout traité qui est l’acte constitutif d’une organisation internationale et à tout traité adopté au sein d’une
organisation internationale, sous réserve de toute règle pertinente de l’organisation ». Voir également l’article 5 de la
Convention de Vienne sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre organisations
internationales de 1986, non encore en vigueur.

283
particulier dont l’interprétation peut avoir des exigences propres.1073 La question se pose alors de
savoir quelles formes de conduite de l’Organisation internationale sont censées être considérés
comme une pratique ultérieure pertinente aux fins d’une telle interprétation. Mais avant d’aborder
cette problématique de la pratique ultérieure concernant les Organisations internationales, on
pourrait dans un premier temps se questionner sur ce que recouvre la pratique des Organisations
internationales.

La CDI n’a pas pris le soin de définir la pratique des Organisations internationales dans ses travaux
traitant de l’interprétation des actes constitutifs des Organisations internationales. Le Troisième
rapport du rapporteur spécial Georg Nolte n’en donne pas non plus une définition dans son
Commentaire du projet de conclusion 11. La professeure Boisson de Chazournes définit, elle, la
pratique ultérieure d’une Organisation internationale comme : « l’ensemble des actes d’un organe
international faisant application du traité constitutif d’une Organisation internationale ainsi que les
actes de droit dérivé adoptés sur la base de ce traité ».1074 Cette pratique se déploie cependant sous
diverses formes. On distingue ainsi la pratique des Etats membres de l’Organisation, la pratique
propre externe de l’Organisation internationale par le biais de ses organes politiques ou techniques
et la pratique produite par l’Organisation internationale dans le cadre de son fonctionnement
interne.1075 Mais la question se pose de savoir laquelle de ces formes de pratique est censée être la
plus pertinente à prendre en considération aux fins de l’interprétation de l’acte constitutif d’une

1073
La Cour allègue dans l’avis consultatif sur la Licéité de l’utilisation des armes nucléaires que : « ..[…] les actes
constitutifs d’organisations internationales sont aussi des traités d’un type particulier ; ils ont pour objet de créer des
sujets de droits nouveaux, dotés d’une certaine autonomie, auxquels les parties confient pour tâche la réalisation de
buts communs. De tels traités peuvent poser des problèmes d’interprétation spécifiques en raison notamment, de leur
caractère à la fois conventionnel et institutionnel ; la nature même de l’organisation créée, les objectifs qui lui ont été
assignés par ses fondateurs, les impératifs liés à l’exercice effectif de ses fonctions ainsi que sa pratique propre
constituent autant d’éléments qui peuvent mériter, le cas échéant, une attention spéciale au moment d’interpréter ces
traités constitutifs », C.I.J., Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé, avis
consultatif, Recueil 1996, p. 75, par. 19.
1074
Laurence BOISSON de CHAZOURNES, « Qu’est-ce que la pratique en droit international », op. cit., p. 25. Voir
aussi sur la définition de Paul REUTER, « Quelques réflexions sur la notion de ‘ pratique internationale’, spécialement
en matière d’organisations internationales », in : Studi in Onore di Giuseppe Sperduti, Milan, A. Giuffrè Editore, 1984,
p. 200.
1075
Laurence BOISSON de CHAZOURNES, « Qu’est-ce que la pratique en droit international », op. cit., p. 38.

284
Organisation internationale ou de l’une de ses dispositions ? Autrement dit, toutes ces formes de
pratique de l’Organisation internationale présentent-elles le même poids ou la même valeur
interprétative ? Les réponses à ces questionnements ne sont pas si évidentes.

En effet, pour commencer, la jurisprudence internationale a privilégié la pratique ultérieure des


parties à l’acte constitutif d’une Organisation internationale, c’est à dire la pratique des Etats
membres, comme pratique ultérieure pertinente aux fins de l’interprétation de l’acte constitutif de
l’Organisation internationale ou de l’une de ses dispositions.1076 Dans certaines affaires cependant,
la Cour a plutôt pris en considération la pratique des organes sans se préoccuper de celle des Etats
membres de l’Organisation internationale ou de leur consentement.1077 Il a, de ce fait, été admis
que la pratique des organes d’une Organisation internationale, outre l’acceptation des parties à
l’acte constitutif, peut être considérée comme un moyen pertinent d’interprétation. Il existe

1076
C’est ainsi que dans son avis consultatif relatif à la Licéité de l’utilisation des armes nucléaires, la Cour
internationale de justice a favorisé l’accord des parties, c’est à dire la pratique des États membres sur la pratique de
l’OMS elle-même, voir C.I.J., Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé, avis
consultatif, Recueil 1996, p. 75, par. 19 et p. 81, par. 27. La Cour permanente de Justice internationale avait auparavant
embrassé la même approche dans l’affaire sur la Compétence de l’Organisation internationale du travail pour
réglementer accessoirement le travail personnel du patron, voir C.P.J.I., Compétence de l’Organisation internationale
du travail pour réglementer accessoirement le travail personnel du patron, avis consultatif, Recueil, Série B, no13,
pp. 19-20. Voir également en doctrine Salo ENGEL, « Living International Constitutions and the World Court (the
Subsequent Practice of International Organs under their Constituent Instruments) », International and Comparative
Law Quarterly, vol. 16 (1967), p. 871. Dans l’affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le
Nigéria qui concernait l’interprétation de l’acte constitutif d’une organisation internationale, la Cour s’est fondée sur
la pratique ultérieure des parties, voir C.I.J., Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria,
exceptions préliminaires, arrêt, Recueil 1998, pp. 305-307, par. 65-67.
1077
Dans son avis consultatif sur la Compétence de l’Assemblée générale pour l’admission aux Nations Unies, la Cour
déclarait que : « Les organes auxquels l’article 4 a confié le jugement de l’Organisation en matière d’admission ont
constamment interprété ce texte en ce sens que l’Assemblée générale ne peut décider une admission que sur la base
d’une recommandation émanant du Conseil de sécurité », C.I.J., Compétence de l’Assemblée pour l’admission aux
Nations Unies, avis consultatif, Recueil 1950, p. 9. La Cour a également soutenu que la « pratique propre » d’une
organisation internationale méritait « une attention spéciale » dans le processus d’interprétation, C.I.J. Licéité de
l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé, avis consultatif, Recueil 1996, p. 74. Dans son
avis consultatif sur la Composition du Comité de la Sécurité maritime de l’Organisation intergouvernementale
consultative de la Navigation maritime, la Cour a fait recours à la « pratique suivie par l’Organisation elle –même
pour appliquer la Convention », C.I.J., Composition du Comité de la Sécurité maritime de l’Organisation
intergouvernementale consultative de la Navigation maritime, avis consultatif, Recueil 1960, p. 169. La Cour a
également accordé une grande importance à « la pratique constante de l’assemblée générale » dans son avis consultatif
relatif à l’Affaire C.I.J., Certaines dépenses des Nations Unies, Certaines dépenses des Nations Unies, (Article 17,
paragraphe 2, de la Charte), avis consultatif, Recueil 1962, p. 160 et p. 175.

285
cependant des divergences en doctrine sur la pertinence et le poids à accorder à une telle pratique.
Ne permettant pas d’établir un accord des parties, elle peut à la limite être considérée comme un
moyen complémentaire d’interprétation au sens de l’article 32 de la Convention de Vienne.1078

Il existe une troisième possibilité qui consiste à associer la pratique des organes de l’Organisation
et la pratique ultérieure des Etats membres, surtout lorsque ceux-ci acceptent la pratique des
organes de l’Organisation.1079 C’est ainsi que dans plusieurs autres affaires, la Cour s’est fondée à
la fois sur la pratique d’un ou des organes de l’Organisation internationale et sur la pratique
acceptée des Etats membres.1080 L’association de ces éléments de pratique a été qualifiée de
pratique générale de l’Organisation.1081 La doctrine, pour sa part est très partagée sur la question
de la pertinence de la pratique propre de l’Organisation internationale. Richard Gardiner soutient
que la CIJ semble avoir assimilé la pratique propre de l’Organisation internationale à la pratique
ultérieure mentionnée par la Convention de Vienne dans l’avis consultatif sur la Licéité de
l’utilisation des armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé.1082 Pour d’autres auteurs

1078
Troisième rapport du Rapporteur spécial (A/CN.4/683), op. cit., p. 19 ; Supplément no 10 (A/70/10), op. cit., p.
107.
1079
Rosalyn HIGGINS, « The Development of International Law by the Political Organs of the United Nations »,
American Society of International Law Proceedings 59th Annual Meeting, 1965, p. 119.
1080
Dans son avis consultatif sur la Namibie, la Cour internationale de justice interprétait l’expression « y compris les
voix de tous les membres permanents » du paragraphe 3 de l’article 27 de la Charte des Nations Unies comme prenant
en compte les abstentions, y compris le fait que la pratique de l’organe concerné était « généralement acceptée » par
les États membres, C.I.J., Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en
Namibie (sud-ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, Recueil
1971, p. 22. De même, dans son avis consultatif sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le
territoire palestinien occupé, la Cour a considéré la « pratique acceptée de l’Assemblée générale », C.I.J.,
Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, Recueil
2004, p. 149 et ss. Aussi, dans l’affaire relative à la pêche à la baleine dans l’Antarctique, la Cour s’est appuyée sur
les recommandations (non contraignantes) de la Commission baleinière internationale en soutenant que lorsque celles-
ci sont « adoptées par consensus ou à l’unanimité, elles peuvent être pertinentes aux fins de l’interprétation de la
convention ou du règlement qui lui est annexé », C.I.J., Chasse à la baleine dans l’Antarctique [Australie c. Japon :
Nouvelle-Zélande (intervenant)], arrêt du 31 mars 2014, par. 46 et par. 83.
1081
Hugh THIRLWAY, « The Law and Procedure of the International Court of Justice 1960 – 1989, Part Two »,
British Yearbook of International Law, vol. 61, 1990, pp. 76-77. Certains auteurs estiment par ailleurs nécessaire que
soit établi une distinction entre la conduite collective de l’organisation et la conduite des parties, voir Elihu
LAUTERPACHT, « The development of the Law of International Organization by the Decisions of International
Tribunals », op. cit., p. 457.
1082
Voir Richard K. GARDINER, Treaty interpretation, op. cit., p. 282.

286
cependant, l’article 31, paragraphe 3, b) vise la pratique des Etats parties à l’acte constitutif et non
la pratique de l’Organisation elle-même.1083 Jan Klabbers de son côté estime que la pratique propre
d’une Organisation internationale contribue plutôt à préciser l’objet et le but du traité ou les
fonctions de l’Organisation.1084 Le Rapporteur spécial Georg Nolte déduit de tout ceci que la «
pratique propre » d’une Organisation internationale reste toujours pertinente au regard des règles
d’interprétation de la Convention de Vienne. Pour lui, « selon l’acte constitutif en question, la
pratique propre de l’Organisation internationale peut ainsi être considérée comme pertinente en
tant que telle, ou conjointement avec la pratique des parties ou comme une indication de l’objet et
du but du traité ou simplement comme non pertinente ».1085

En définitive, on peut retenir de ce qui précède que les règles d’interprétation de la Convention de
Vienne tiennent compte tout autant de la pratique propre de l’Organisation que de celle de ses Etats
parties. Cependant, il convient de relever que les deux formes de pratique n’ont pas le même poids
lorsqu’elles sont utilisées aux fins de l’interprétation de l’acte constitutif d’une Organisation
internationale ou de l’une de ses dispositions. Même si dans les faits, la jurisprudence
internationale a à plusieurs reprises considéré que la pratique des organes d’une Organisation et
celle de ses Etats membres sont étroitement liées et constituent un tout qualifié de « pratique
générale de l’Organisation ».1086 Une telle pratique n’implique pas systématiquement par contre

1083
Henri G. SCHERMERS et Niels M. BLOKKER, International Institutionnal Law, 5e éd., Leiden/Boston, Martinus
Nijhoff, 2011, p. 844 ; James CRAWFORD, Brownlie’s Principles of Public International Law, 8e éd., Oxford
University Press, 2012, p. 187.
1084
L’auteur s’appuie dans son argumentation sur un avis consultatif rendu par la Cour de justice internationale relatif
à la Composition du Comité de la Sécurité maritime de l’Organisation intergouvernementale consultative de la
Navigation maritime, Jan KLABBERS, An Introduction to International Institutionnal Law, 2e éd., Cambridge,
Cambridge University Press, 2009, pp. 89-90. Voir également dans la même logique l’affaire relative à la Licéité de
la reprise des actions détenues par des personnes privées, Sentence partielle concernant la licéité de la reprise des
actions détenues par des personnes privées décidée le 8 janvier 2001 et les normes applicables pour l’évaluation
desdites actions, 22 novembre 2002, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XXIII, p. 224, par. 145.
1085
Troisième rapport du Rapporteur spécial (A/CN.4/683), op. cit., pp. 28-29, par. 73. Voir aussi C.I.J., Procédure
de vote applicable aux questions touchant les rapports et pétitions relatifs au territoire du Sud-Ouest africain, avis
consultatif, opinion individuelle de M. Lauterpacht, Recueil 1955, p. 106.
1086
Troisième rapport du Rapporteur spécial (A/CN.4/683), op. cit., p. 30, par. 78 ; C.I.J., Conséquences juridiques
pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution
276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, Recueil 1971, p. 22.

287
un accord des parties à l’égard de l’interprétation du traité, d’autres éléments sont à prendre en
compte pour établir l’existence d’un tel accord.1087

Par ailleurs, il faut relever que la CIJ considère les actes d’Organisations internationales adoptés
malgré l’opposition de certains Etats membres comme pouvant constituer une pratique ultérieure
interprétative en général et non une pratique constituant un accord tacite entre les Etats parties et
partant, un moyen d’interprétation authentique.1088 D’un autre côté, la Cour semble accorder plus
de poids à la « pratique générale » de l’Organisation comme moyen d’interprétation,1089 qu’à la «
pratique bien établie » d’un organe de celle-ci.1090 Définie comme une forme caractérisée de
pratique des organes qui a été généralement acceptée par les membres quoi que de façon tacite,1091
la pratique bien établie de l’Organisation est aussi un moyen d’interprétation de l’acte constitutif

1087
Ibid.
1088
La Cour a pris en considération la résolution 1600 (XV) de l’Assemblée générale, adoptée le 15 avril 1961 par 60
voix contre 16 et 23 abstentions, et sa résolution 1913 (XVIII) adoptée le 13 décembre 1963 par 91 voix contre 2, voir
Troisième rapport du Rapporteur spécial (A/CN.4/683), op. cit.,p. 31, par. 79 ; Richard K. GARDINER, Treaty
interpretation, op. cit., pp. 280-285 ;
1089
Selon le Rapporteur spécial Georg Nolte, la pratique générale de l’organisation internationale implique une
interaction entre ses organes et le comportement de ses membres. La Cour a accordé une grande importance à la
pratique générale d’une organisation internationale dans son avis consultatif sur les Conséquences juridiques de
l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé. En prenant en compte la conduite ultérieure de l’Assemblée
générale et du Conseil de sécurité, la Cour a « affirmé implicitement que l’acquiescement donné au nom des Etats
membres concernant la pratique suivie par l’organisation dans l’application du traité était une condition suffisante
pour établir l’accord concernant l’interprétation de la disposition pertinente du traité », Voir Conséquences juridiques
de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J., Recueil 2004, pp. 149-
150 ; Troisième rapport du Rapporteur spécial (A/CN.4/683), op. cit.,p. 31, par. 80 ; Christopher PETERS, «
Subsequent Practice and Established Practice of International Organizations : Two Sides of the Same Coin ? »,
Goettingen Journal of International Law, vol. 3, 2011, pp. 623-624.
1090
« La pratique bien établie de l’organisation » est dans un premier temps considérée comme une « règle de
l’organisation », voir l’article 2 de la Convention de Vienne de 1986 et l’article 2 b) du projet d’articles sur la
responsabilité des organisations internationales [Rapport de la Commission du droit international, soixante-troisième
session (2011), Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-sixième session, Supplément no 10 (A/66/10),
chap. V, p. 52].
1091
Niels M. BLOKKER, « Beyond ‘Dili’: On the Powers and Practice of International Organizations », in Gerard.
KREIJEN (dir.), State, Sovereignty, and International Governance, Oxford, Oxford University Press, 2002, p. 312 ;
Elihu LAUTERPACHT, « The development of the Law of International Organization by the Decisions of International
Tribunals », op. cit., p. 464 ; Rosalyn HIGGINS, « The development of International Law by the Political Organs of
United Nations », op. cit., p. 121 ; Christopher PETERS, « Subsequent Practice and Established Practice of
International Organizations : Two Sides of the Same Coin ? », op. cit., p. 633-641.

288
d’une Organisation internationale.1092 Il s’avère cependant en général difficile de discerner les
deux formes de pratique.1093

Paragraphe II : La pratique subséquente de l’article 4 (h)

Après ces précisions théoriques sur la pratique subséquente, il nous reste à examiner la pratique
de l’Union africaine dans l’application de l’article 4 (h). Pour cela, il convient de noter qu’à l’issue
d’une décennie de fonctionnement, l’article 4 (h) n’a connu que quelques applications (A). Cette
rareté de mise en œuvre est néanmoins compensée par des comportements de l’Union manifestant
clairement des tentatives de remise en cause du cadre du chapitre VIII de la Charte (B). La volonté
initiale des rédacteurs de l’acte constitutif s’est en outre heurtée aux réalités sur le terrain, de sorte
que l’on note une volonté émergente tendant à l’adaptation de la disposition (C).

A- Une mise en œuvre presqu’inexistante de l’article 4 (h)

Les précédents sur l’application de l’article 4 (h) sont rares. Les seules références explicites à
l’article 4 (h) existantes à nos jours se résument aux déclarations de l’Union portant sur l’affaire
Hissène Habré. Il peut être soutenu une mise en œuvre implicite de l’article 4 (h) dans le cas de
l’intervention de l’UA aux îles Comores même si la disposition n’a pas été expressément
mentionnée comme base juridique de l’action coercitive armée. Les missions d’imposition de la
paix de l’UA semblent dans une certaine mesure aussi suggérer une forme déguisée de mise en
œuvre de l’article 4 (h).

1- Une application explicite de l’article 4 (h) : L’Affaire Hissène Habré


Bien que ce précédent ne soit pas suffisamment significatif pour permettre la déduction d’une
consistante tendance interprétative, nous avons jugé nécessaire de le porter à l’analyse en tant
qu’élément complémentaire d’interprétation. Comme mentionné plus haut, la pratique d’un organe
de l’Organisation internationale à défaut d’être pertinente comme moyen d’interprétation au titre
de l’article 31, paragraphe 3 b), peut être considéré comme un moyen complémentaire

1092
Troisième rapport du Rapporteur spécial (A/CN.4/683), op. cit., p. 32, par. 82.
1093
Ibid.

289
d’interprétation au sens de l’article 32 de la Convention. En effet, dans sa demande au Sénégal de
juger Hissène Habré « au nom de l’Afrique », l’Union africaine soutient qu’« aux termes des
articles 3 (h), 4 (h) et 4 (o) de l’Acte constitutif de l’Union africaine, les crimes reprochés à Hissène
Habré sont pleinement de la compétence de l’Union africaine ».1094 Ces références ont été
rappelées à d’autres reprises dans d’autres déclarations de l’Union sur cette affaire.1095 Il est clair
que les crimes reprochés à l’ancien président tchadien relèvent du champ d’application des articles
3 (h) et 4 (o).1096 Comme il a été précisé dans l’introduction de cette étude, l’UA a opté pour une
conception extensive de la notion d’intervention même si la doctrine avait plutôt privilégié une
lecture restrictive de l’article 4 (h).

Ainsi, sur la base d’une acception extensive de la notion d’intervention, le jugement de Hissène
Habré par le Sénégal sous l’instigation de l’Union africaine peut parfaitement être considéré
comme une intervention de l’Organisation régionale dans l’un de ses Etats membres. L’affaire
relève également du champ de compétence matérielle de l’article 4 (h), vu que Hissène Habré était
suspecté de crimes contre l’humanité.

Il est certes en l’espèce question d’une action coercitive non armée, mais il n’en demeure pas
moins que ce précédent n’est pas dénué de toute pertinence. Il dénote d’une concrétisation du
principe d’appropriation des questions de paix et de sécurité par l’Union africaine. Pour reprendre
les termes de la présidente de la Commission de l’Union africaine, « le jugement rendu par les
CAE désignant les (Chambres Africaines Extraordinaires), un mécanisme de l’Union africaine, est

1094
UA, Décision prise par la Conférence à Khartoum (Soudan), janvier 2006, Assembly/AU/Dec.103 (VI).
1095
Voir notamment, UA, Septième session ordinaire de la Conférence, 1-2 juillet 2006, Assembly/AU/Dec.127 (VII),
par. 3.
1096
L’article 3 qui porte sur les objectifs de l’Union africaine dispose en son alinéa (h) : « promouvoir et protéger les
droits de l’homme et des peuples conformément à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et aux
autres instruments pertinents relatifs aux droits de l’homme ». L’article 4(0) quant à lui consacre le principe du «
respect du caractère sacro-saint de la vie humaine et condamnation et rejet de l’impunité, des assassinats politiques,
des actes de terrorisme et des activités subversives », UA, Acte constitutif, article 3 (h).

290
significatif dans la mesure où il renforce le principe prôné par l’Union africaine, qui consiste à
trouver des solutions africaines aux problèmes africains ».1097

2- Une application implicite de l’article 4 (h) : L’intervention aux Comores et les


missions d’imposition de la paix
Même si l’article 4 (h) n’est pas expressément invoqué pour soutenir certaines missions de paix de
l’Union africaine, celles-ci tirent implicitement leur fondement juridique de cette disposition. Il
s’agit notamment de l’intervention militaire aux Comores ainsi que de certaines missions de
soutien à la paix qui s’apparentent plus à des missions d’imposition de la paix qu’à des missions
classiques de maintien de la paix.

2.1- L’intervention militaire de l’Union africaine aux Comores


Mohamed Bacar avait accédé au pouvoir à l'île d’Anjoua à la faveur d’un coup d’Etat en 2001, il
est élu président de l’île en 2002. Après un mandat de cinq ans, il fut prié par la Cour
constitutionnelle de se retirer, mais il ignora cette décision. L’UA et le gouvernement central
comorien avaient également décidé du report du scrutin de sa réélection à cause d’irrégularités et
d’actes d’intimidations qui ont entachés la campagne électorale.1098 Mais Mohamed Bacar défiait
le report, faisait imprimer ses propres bulletins de vote, et remportait les élections, sans surprise
avec quatre vingt pour cent (90%) des voix. Celles –ci sont déclarées caduques par l’Union
Africaine et par le gouvernement central comorien.1099 L’UA usera de voies diplomatiques pour
résoudre la crise, mais face aux refus répétés de Bacar de négocier, elle adopta des sanctions qui,
se révéleront aussi inefficaces.1100 Entretemps, face à la dégradation de la situation sécuritaire dans
le pays, l’UA décidera du déploiement d’une Mission d’assistance électorale et sécuritaire de

1097
Voir UA, Communiqué de presse No210/2016, 31 mai 2016, Addis-Abéba, Ethiopie. Nos parenthèses.
1098
Voir UA, CPS, Communiqué sur la situation aux Comores, soixante-dix-huitième réunion, 9 juin 2007, Addis-
Abeba, Éthiopie, p. 1, par. 1-2.
1099
UA, CPS, Communiqué de presse sur la situation aux Comores, 82e réunion, 23 juillet 2007, Addis-Abeba,
Éthiopie, PSC/PR/PS (LXXXII).
1100
Voir UA, CPS, Communiqué de la 95eréunion, 10 octobre 2007, Addis-Abeba, Éthiopie, PSC/PR/Comm(XCV).

291
l’Union africaine aux Comores (MAES).1101 La mission, dont le déploiement avait été prévu du 13
mai au 31 juillet 2007 comportait à la fois une composante militaire et une police civile.1102 Cette
première mission fut déployée sans un recours au Conseil de sécurité de l’ONU, malgré un mandat
qui ne laissait pas présager de l’accomplissement de simples opérations de maintien de la paix.1103

Après l’échec des tentatives de résolution diplomatique et pacifique de la crise, l’UA et le


gouvernement central comorien procéderont à une intervention militaire pour déloger Mohamed
Bacar et restaurer l’ordre sur l’île d’Anjoua.1104 L’opération baptisée « Démocratie aux Comores
» a été menée le 25 mars 2008 et n’a duré que quelques heures.1105 Cette seconde opération
militaire a également été conduite sur la seule décision de la Conférence de l’Union.1106

Une lecture attentive de tous les textes pertinents adoptés par l’UA dans le cadre de la gestion de
la crise aux Comores permet de faire deux importantes remarques. Premièrement, l’Organisation

1101
UA, CPS, Communiqué de la 77e réunion sur la situation aux Comores, 78e réunion, 9 mai 2007, Durban (Afrique
du Sud), PSC/MIN/Comm.1 (LXXVII) ; voir aussi Communiqué de la 84e réunion, 31 juillet 2007, Addis-Abeba,
Éthiopie.
1102
Ibid.
1103
La mission avait pour mandat : i) d’assister les forces comoriennes de sécurité en vue de créer un environnement
sécurisé et stable permettant la tenue d’élections libres, régulières et transparentes pour les Président des Iles,
(ii) de superviser les forces comoriennes de sécurité et de vérifier qu’elles jouent le rôle qui leur revient dans la
sécurisation des élections, conformément aux normes internationales,
(iii) d’observer le déroulement du processus électoral,
(iv) d’encourager le dialogue entre les parties comoriennes, et
(v) d’apporter une assistance à plus long terme pour renforcer les capacités des forces comoriennes et faciliter le
rétablissement effectif de l’autorité du Gouvernement central à Anjouan, voir UA, CPS, Communiqué de la 77e
réunion sur la situation aux Comores, 9 mai 2007, Durban (Afrique du Sud), PSC/MIN/Comm.1 (LXXVII), par. 6.
1104
Voir entre autres UA, CPS, Communiqué de la 87e réunion, 13 août 2007, Addis-Abeba, Éthiopie, Rév. 1,
PSC/PR/Comm(LXXXVII) ; Communiqué de la 95e réunion du Conseil de paix et de sécurité, 10 octobre 2007,
Addis-Abeba, Éthiopie, PSC/PR/Comm(XCV) ; Communiqué de la 102e réunion, 26 novembre 2007, Addis-Abeba,
Éthiopie, PSC/PR/Comm(CII).
1105
Voir UA, Rapport du président de la Commission sur la situation aux Comores depuis la 10e session ordinaire de
la Conférence de l’Union, tenue à Addis-Abeba du 31 janvier au 2 février 2008, Conseil de paix et de sécurité, 124 e
réunion, 30 avril 2008, Addis-Abeba, Éthiopie, PSC/PR/2(CXXXIV).
1106
UA, Décision sur la situation aux Comores, 10e session ordinaire tenue à Addis-Abeba, 31 janvier au 2 février
2008.

292
régionale ne mentionne aucune base légale expresse de ses actions coercitives (armées et non
armées) menées sur l’île Anjoua. Mais à notre sens, le fondement juridique de ces actions, demeure
implicitement l’article 4 (h). D’aucuns pourraient avancer un autre fondement aux actions de
l’Union, notamment la demande d’assistance du gouvernement central comorien. On peut
cependant répondre à cet argument que l’intervention consentie n’est pas une exception à
l’interdiction du recours à la force prévue par la Charte. Il est admis, comme analysé dans un
chapitre précédent que le consentement de l’Etat à une intervention sur son territoire peut être une
circonstance excluant l’illicéité de l’action. L’intervention dans un pays à la demande du
gouvernement pour faire face à des troubles internes fait encore l’objet de divergences.1107

Deuxièmement, on ne trouve aucune trace de demande d’autorisation adressée au Conseil de


sécurité par l’Union africaine pour ces deux missions. On pourrait bien avancer en l’espèce qu’il
ne s’agissait que de simples opérations de police qui n’exigeaient pas une autorisation
préalable.1108 Mais on est aussi bien fondé à émettre des doutes sur une telle affirmation. Pour
commencer, il faut relever que la Mission d’assistance électorale et sécuritaire de l’Union africaine
aux Comores (MAES) comportait à la fois une composante militaire et une police civile. Ensuite,
le mandat de la mission qui semblait à sa création cantonnée à de l’assistance et de l’observation
évoluera très vite vers un mandat plus coercitif impliquant un recours à la force armée. Le nouveau
mandat chargeait désormais la MAES de tâches plus offensives comme celle d’

« [appuyer] la mise en œuvre des sanctions individuelles et autres imposées…[…] à l’encontre des autorités
illégales d’Anjoua », ou encore de « superviser le cantonnement des éléments de la Gendarmerie anjouanaise,
[…], ainsi que leur désarmement et leur intégration au sein de l’Armée nationale de l’Union des Comores
»1109.

1107
Voir Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., pp. 453-514.
1108
Ibid, p. 495.
1109
UA, CPS, Communiqué de la 95e réunion du Conseil de paix et de sécurité, 10 octobre 2007, Addis-Abeba,
Ethiopie, PSC/PR/Comm(XCV), p. 2, par. 6.

293
Il était également question d’« aider à la mise en place à Anjouan d’une force de sécurité intérieure
conformément à la Constitution de l’Union, et de faciliter la restauration de l’Union à Anjoua »1110.
On ne saurait envisager l’accomplissement de telles missions sans un certain degré de recours à la
force. De plus, même si elle n’a duré que quelques heures, l’opération « Démocratie aux Comores
» menée le 28 mars a consisté en un véritable débarquement de troupes étrangères pour prendre le
contrôle de l’île d’Anjouan. On ne pourrait dès lors nier l’utilisation de la force militaire sans le
consentement du président dissident de l’île sous le prétexte qu’il ne s’agissait pas d’un conflit
interne classique opposant forces gouvernementales et forces rebelles. Même si l’on ne se trouvait
pas dans un cas de conflit ouvert entre forces gouvernementales et forces rebelles, il était tout de
même question d’une forme de dissidence d’une île contre le gouvernement central comorien. A
notre avis, la nature du conflit ne présente pas grand intérêt dans le sens où c’est le respect de la
condition de l’autorisation du Conseil de sécurité qui est ici en cause.

Il ressort de ce précédent de mise en œuvre implicite de l’article 4 (h) que lorsqu’elle dispose des
moyens nécessaires, l’UA affirme un pouvoir autonome d’intervention. Ce qui confirme une
lecture autonomiste de l’article 4 (h).

2.2- Les opérations de soutien à la paix africaines


Les conditions dans lesquelles les opérations de paix des Organisations régionales africaines sont
déployées suscitent des interrogations sur leur véritable nature et le fondement juridique de leur
déploiement. Elles sont pour la plupart appelées à intervenir dans des conflits ouverts sans un
accord de paix préalable. La question s’est souvent posée de savoir si ces opérations dites «
robustes » ont besoin d’une autorisation du Conseil de sécurité. Pour répondre à cette question, il
convient de rappeler qu’en droit international, il existe une distinction classique entre opérations
de maintien de la paix et mesures coercitives.1111 Les premières ne requièrent pas d’autorisation
du Conseil de sécurité contrairement aux mesures coercitives, du moment où leur mandat

1110
Ibid.
1111
Laurence BOISSON DE CHAZOURNES, « Les relations entre organisations régionales et organisations
universelles », op. cit., p. 269.

294
n’implique pas une utilisation de la force armée. Elles sont également fondées pour la plupart sur
le consentement de l’Etat sur le territoire duquel l’opération de paix est déployée.1112 Dès lors que
ces opérations de paix intègrent un recours à la force, elles se transforment en opérations
d’imposition de la paix, et l’autorisation du Conseil de sécurité devient obligatoire. En pratique,
cependant, la distinction entre opérations de paix et opérations d’imposition est difficile à établir.
D’abord, parce que les contours d’un recours à la force dans le cadre des opérations de paix ne
sont pas aisés à cerner. Ensuite, le consentement de l’Etat concerné censé être un élément
permettant d’exclure l’illicéité de l’emploi de la force armée en dehors des exceptions prévues par
la Charte n’a pas toujours fait l’unanimité en doctrine.

De plus, comme le relève la professeure Boisson de Chazournes, le caractère d’une opération de


paix peut être mis en doute au regard de la complexité des conflits, c’est ce qui justifie certainement
l’adoption d’un vocabulaire différent par l’UA qui qualifie ses opérations d’« opérations de soutien
à la paix » . En outre, contrairement aux opérations des Nations Unies qui sont déployées après
l’obtention d’un accord de paix ou de cessez-le-feu, les opérations de paix africaines sont
déployées pour contenir des conflits violents et permettre la stabilisation de la situation sécuritaire.
Dans certains cas, le mandat et la nature des opérations évoluent au cours du conflit, rendant
suffisamment complexe toute tentative de distinction. La Mission de l’Union africaine au Soudan
(MUAS) traduit les difficultés à définir la nature réelle d’une opération de paix africaine. Lors de
son déploiement, la mission avait pour mandat selon le CPS, la protection de la population civile
à la hauteur des capacités de la force.1113 Quelques temps après le déploiement, le président
rwandais Paul Kagamé estimait que les forces ne devraient pas rester inactifs devant le massacre
de civils comme cela a été le cas au Rwanda en 1994, elles doivent utiliser la force pour protéger
les civils.1114 La nature du mandat change lors de la mutation de la MUAS I à la MUAS II, le CPS

1112
Voir sur les opérations de maintien de la paix, classiques et robustes, KOLB R., Ius contra bellum, le droit
international relatif au maintien de la paix, Précis, 2e édition, Helbing & Lichtenhahn, Bâle / Genève/ Munich,
Bruylant, Bruxelles, 2009, pp. 216-222.
1113
Voir UA, Communiqué PSC/PR/Comm. (XIII), 27 juillet 2004, par.8.
Voir Paul D. WILLIAMS, « The African Union’s Peace Operations: A comparative Analysis », in F. Söderbaum,
1114

R. Tavares, Regional Organizations in African Security, Routledge Taylor & Francis Group, London, New York,

295
déclare que la Mission a à assurer la protection de civils confrontés à une menace imminente et
dans le voisinage immédiat, étant entendu que pour lui, la protection de la population civile
incombe au gouvernement soudanais.1115 Une telle formulation ne manque pas d’entretenir des
incertitudes quant au rôle exact de la force déployée comme le relève le président de la
Commission de l’UA en ces termes « AMIS’s current mandate (….) is not clearly understood by
commanders at all levels ».1116

De même, celle déployée en Somalie (l’AMISOM) qui est la seule mission exclusivement africaine
confirme également les difficultés à établir des frontières entre des opérations de paix et
interventions militaires classiques en Afrique. Le mandat de la mission fait d’elle une opération
impossible à classer dans les catégories d’opérations de paix existantes. 1117

Bien que ces missions soient le plus souvent envisagées comme des missions de maintien de la
paix par leurs textes fondateurs, leurs fonctions sur le terrain ont tendance à très vite évoluer.1118

2010, p. 34-35. Selon l’auteur une telle vision n’était pas partagée par des pays comme le Nigéria et le Soudan qui
soutenaient que la Force (MUAS) ne pouvait avoir recours à la force qu’en cas de légitime défense.
1115
Voir UA, Communiqué PSC/PR/Comm. (XVII), 20 octobre 2004, Addis-Abeba, para.6.
1116
Voir UA, Report of the Chairperson of the Commission on the situation in Darfur (The Sudan), 12 january 2006,
Addis-Abeba, PSC/PR/2 (XLV), par. 105 (v).
1117
Comment qualifier une mission qui avait pour but de contrer un mouvement insurrectionnel et/ou terroriste comme
celui du groupe Al-Shabbaad ? Le mandat attribué à L’AMISOM par le CPS de l’UA en date du 19 janvier 2007 (voir
UA, Communiqué du CPS, 19 janvier 2007, PSC/ PR/Comm (LXIX), par. 8) et entériné par le Conseil de sécurité des
Nations Unies en date du 20 février 2007 (voir ONU, résolution 1744 du Conseil de sécurité des Nations Unies, 20
février 2007) consistait à apporter un soutien aux Institutions fédérales de transition (IFT), faciliter l’acheminement
de l’aide humanitaire et créer les conditions favorables à la stabilisation, à la reconstruction et au développement à
long terme de la Somalie. Selon les auteurs Nicolas Bach et Romain Esmenjaud, cette mission ne peut être qualifiée
ni d’opération de paix traditionnelle, ni d’opération de paix élargie, encore moins une opération d’imposition de la
paix, voir pour une analyse de la nature de l’AMISOM Jean-Nicolas BACH, Romain ESMENJAUD, « Innovations
normatives, résilience des pratiques : à quoi et (à qui) sert l’AMISOM ? », Sécurité globale, Hiver 2011-2012, pp. 67-
83. Pour Jeffrey HERBST, la distinction est difficile à établir en Afrique entre opérations de paix et interventions
militaires classiques du fait de l’incompatibilité des motivations économiques et politiques des États intervenants avec
les considérations d’impartialité et d’altruisme exigé dans le cadre des opérations de paix, voir Jeffrey HERBST, «
Western and African Peacekeepers », in John w. HARBESON and Donald ROTSCHILD (ed.), Africa in World
Politics : The African State System in Flux, Westview Press, 2000, pp. 318-319.
1118
Les Missions de l’Union africaine au Soudan (MUAS I et II) ont été déployé sur la base plusieurs accords de paix
intervenus entre le gouvernement et de principales factions rebelles. Voir sur ces accords Ademola ABASS, « The
United Nations, the African Union and the Darfur Crisis : of Apology and Utopia », Netherlands International Law
Review, 2007, pp. 418-420 ; Michael BOTHE, « International Legal Aspects of the Darfur Conflict », dans A. reinisch

296
Le mandat de ces missions a ainsi très souvent oscillé entre le maintien et l’imposition de la paix.
Confrontées aux réalités du terrain, les troupes sont souvent amenées à participer activement aux
combats ou à lancer des offensives contre des groupes armées rebelles. C’est le cas
particulièrement de l’AMISOM qui a mené des combats ouverts et violents contre les « insurgés
» depuis son déploiement sans que son mandat n’ait été fondamentalement modifié.1119 En
principe, dès lors que le recours à la force armée au-delà de la légitime défense permise devient
inévitable au cours d’une opération de maintien de la paix, il doit être fait recours au Conseil de
sécurité afin d’obtenir l’autorisation de passer à l’étape d’imposition de la paix. Ce à quoi, l’Union
africaine ne se conforme pas. Ne peut-on pas en l’espèce considéré ces situations comme des
formes déguisées d’affirmation d’un pouvoir autonome de recours à la force par l’UA?

B- Déclarations suggérant une relecture du chapitre VIII de la Charte

Nous avons vu plus haut que la pratique subséquente renvoyait à la conduite des sujets du droit
international dans l’application d’un traité ou d’une de ses dispositions. Selon le texte soumis à
interprétation, la conduite peut être constituée aussi bien d’actes concrets de mise en œuvre que de
simples déclarations officielles, pourvu que ces déclarations soient en lien avec l’interprétation ou
l’application du texte concerné. En l’espèce, au regard de la faible pratique existante sur la mise
en œuvre de l’article 4 (h), il s’avère utile d’interroger d’autres actes portant sur les relations entre
l’Union africaine et l’Organisation des Nations Unies depuis la création de l’Union africaine et
l’institutionnalisation de l’article 4 (h). L’idée étant de voir si ces relations s’inscrivent toujours
dans la conception stricte du chapitre VIII de la Charte.

Dans un premier temps, on peut relever une multitude de déclarations d’Etats africains ou de
l’Union africaine elle-même exhortant à une « interprétation dynamique et évolutive du chapitre

et u. Kriebaum (dir. publ.), The Law of International Relations — Liber Amicorum Hanspeter Neuhold, La Haye,
Eleven International Publishing, 2007, pp. 6-8.
1119
Jean-Nicolas BACH, Romain ESMENJAUD, « Innovations normatives, résilience des pratiques : à quoi et (à qui)
sert l’AMISOM ? », Sécurité globale, Hiver 2011-2012, p. 74.

297
VIII de la Charte qui tienne compte des nouvelles réalités » 1120, ou encore à une interprétation «
plus ambitieuse du chapitre VIII de la Charte des Nations Unies qui est le fondement juridique des
opérations de maintien de la paix menées par les Organisations régionales ».1121 Il a également été
revendiqué une interprétation « novatrice, originale et prospective du chapitre VIII ».1122 Dans son
rapport d’octobre 2010 portant sur l’appui aux opérations de maintien de la paix de l’Union
africaine autorisées par les Nations Unies, le Secrétaire général des Nations Unies a lui-même
reconnu que « les épreuves complexes qu’impose le monde contemporain appellent une

1120
Voir S/PV.5649 (Resumption 1), 28 mars 2007, p. 20. L’Algérie y déclare notamment que : « C’est notre
conviction, en effet, que le moment est venu de bâtir, avec l’Union africaine en particulier, un nouveau partenariat qui
va au-delà̀ de la simple reconnaissance des sacrifices qu’elle fait au nom de la communauté internationale et en
complément du rôle de ce Conseil, quand elle ne s’y substitue pas, pour le maintien de la paix et la gestion des conflits
sur notre continent. La dynamique qui s’est créée à la faveur, notamment, de la création du Conseil de paix et de
sécurité́ de l’Union africaine et de l’élargissement des responsabilités de sa Commission a rendu quelque peu dépassés
l’approche et le cadre qui continuent à régir la coopération entre les deux organisations ». Voir également la déclaration
du Libéria qui estime que « [ …] Nous sommes en présence d’un impératif philosophique à savoir que les problèmes
africains exigent des solutions africaines », Ibid., p. 19.
1121
Voir la Déclaration de l’Algérie, S/PV.5868 (Resumption 1), 16 avril 2008, p. 3, par. 2. Voir également la
Déclaration du président en exercice de l’Union africaine : « […] Nous, membres de l’Union africaine et de
communautés économiques régionales, sommes intervenus de temps à autre, et notre intervention s’est avérée efficace.
Je suis préoccupé par le risque de conflit entre l’Union africaine et l’ONU, en particulier si l’ONU adoptait une position
différente, lorsque ces décisions et mesures ont été prises… », S/PV.5868, 16 avril 2008, p. 5, par. 3 ou encore la
Déclaration du président de la Commission : « Il est important que nous explorions et que nous exploitions bien tout
ce que nous offre le chapitre VIII de la Charte des Nations Unies. Mais à l’évidence, cela ne paraît pas suffisant…[..].
Il s’agit en réalité de se pencher aujourd’hui sur toute la philosophie, toute la culture de l’ONU, qui a fait ce qu’elle
pouvait. Mais aujourd’hui la nature des conflits a changé… », Ibid., p. 37, par. 3.
1122 Voir La déclaration du Commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine, Ramtane Lamamra : « Il ne
fait aucun doute que ces défis nécessitent des réponses concertées de la part de l’Union africaine et de l’ONU et un
partenariat beaucoup plus étroit, fondé sur une interprétation créative des dispositions du Chapitre VIII de la Charte
des Nations Unies afin de permettre à l’Union africaine et à ses mécanismes régionaux de prévention, gestion et
règlement des conflits de jouer pleinement leur rôle en tant que composantes intégrales de la sécurité́ collective »,
S/PV.6702, 12 janvier 2012, p. 8, il est également fait mention à la page 9, d’une « une lecture stratégique, novatrice
et prospective du chapitre VIII de la Charte des Nations Unies ». Voir également les Communiqués
PSC/PR/Comm.(CCCVII) et PSC/AHG/Comm/1.(CCCXCVII) du CPS adoptées lors de sa 307e et 397e réunions tenues
respectivement le 9 janvier 2012 et le 23 septembre 2013, par lesquels le CPS souligne la nécessité de développer un
partenariat plus étroit entre l’Union africaine et les Nations Unies en matière de paix et de sécurité fondé sur une
lecture créative, stratégique et prospective du chapitre VIII de la Charte des Nations Unies.

298
interprétation nouvelle et évolutive du chapitre VIII de la Charte des Nations Unies ».1123 Le
Conseil de sécurité, pour sa part devrait faire preuve de plus de créativité et de souplesse.1124

En second lieu, on peut noter dans une certaine mesure une défiance de l’autorité du Conseil de
sécurité par l’Union africaine dans le cadre de la prise en charge de certaines crises intervenues en
Afrique, notamment celle au Mali et en Lybie. En effet, la crise malienne a révélé un rapport de
force assez tendu entre l’Union africaine et l’ONU sur leurs rôles respectifs dans la gestion du
conflit. Les tensions qui ont émaillé les relations entre les deux Organisations internationales tout
au long de cette crise traduit une remise en cause implicite du schéma traditionnel de la Charte
caractérisée par le monopole du Conseil de sécurité en matière de recours à la force.

En effet, les déclarations officielles de l’Union africaine sur la crise malienne témoignent d’une
dénonciation de la marginalisation de l’Organisation régionale dans la conception et le
déploiement de la Mission multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation
au Mali (MINUSMA), qui devait prendre le relai de la MISMA (Mission Internationale de Soutien
au Mali sous conduite Africaine). Le CPS de l’UA n’a par exemple pas manqué d’exprimer à
l’occasion, son insatisfaction sur le contenu de la résolution 2100 du Conseil de sécurité du 25
avril 2013 qui décidait du transfert d’autorité entre la MISMA et la MINUSMA. A travers un
communiqué, le CPS

« note avec préoccupation que l’Afrique n’a pas été adéquatement consultée dans la rédaction et le processus
consultatif qui ont conduit à l’adoption de la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, autorisant
le déploiement de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali
(MINUSMA). [ …] . La résolution ne prend pas adéquatement en compte les jalons posés par les acteurs
africains, lesquels ont permis le lancement de la médiation conduite par la CEDEAO ».1125

1123
Rapport du secrétaire général des Nations Unies sur l’appui aux opérations de maintien de la paix de l’Union
africaine autorisées par les Nations Unies, 14 octobre 2010, A/65/510/S2010/514, p.15.
1124
Voir S/PV.6257, du 13 janvier 2010, p. 8 ; S/PV.5776 du 6 novembre 2007, p. 3.
1125
Voir CPS, Communiqué de la 371e réunion tenue le 25 avril 2013 à Addis-Abeba, PSC/PR/COMM. (CCCLXXI),
par. 10.

299
Dans le même communiqué, le CPS relève que « …cette situation n’est pas conforme à l’esprit
du partenariat que l’UA et les Nations Unies se sont employées à bâtir au cours des dernières
années sur la base des dispositions du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies ». Toujours
sur la crise malienne, la présidente de la Commission de l’Union Africaine, Nkosazana Dlamini-
Zuma déclarait au détour d’une rencontre avec le président de la Commission de l’Union
européenne José Manuel Barroso à Addis-Abeba le 26 avril 2012, qu’« une partie de cette
résolution (il s’agit de la résolution 2100 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui a décidé de
la création de la MINUSMA et de son déploiement en remplacement de la MISMA), quelque part,
retire certaines attributions de l’UA et les transfère à l’ONU seule ».1126 Une telle prise de position
cache mal une frustration sur la récupération de la situation par le Conseil de sécurité qui a usé de
son monopole sans se soucier des avis de l’UA et de la CEDEAO qui étaient déjà en charge du
conflit, dans la préparation et l’adoption de la résolution 2100.

En outre, la crise en Lybie est un autre cas illustratif d’une tentative de l’Union africaine de
s’opposer à l’autorité du Conseil de sécurité, celle –ci s’étant soldée par un cuisant échec que
l’Organisation régionale a eu du mal à digérer. Tout en dénonçant vigoureusement son éviction du
dossier libyen par le Conseil de sécurité, l’Union africaine n’a pas manqué de réaffirmer le principe
de « solutions africaines aux problèmes », qui évoque les aspirations d’autonomie et de
responsabilisation des Organisations régionales africaines.1127 Il est très souvent avancé

1126
Voir « Minusma : L’Union africaine s’estime mise à l’écart par les Nations unies », disponible sur
http://www.rfi.fr/afrique/20130427-minusma-union-africaine-mise-ecart-nations-unies-dlamini-zuma, consulté le 28
septembre 2016. Parenthèse de nous.
1127
L’Union africaine regrettait sa marginalisation en ces termes: « Parmi les aspects mis en évidence par la crise en
Lybie, il convient de souligner la réticence de membres de la communauté internationale à reconnaître pleinement le
rôle de l’Union dans la promotion de la paix sur le continent et leur application sélective du principe de l’appropriation.
Si la présente session de la Conférence se doit de réaffirmer l’engagement de l’UA à continuer à travailler étroitement
avec nos partenaires dans la réalisation de nos objectifs, sur la base du principe de l’indivisibilité de la paix et de la
sécurité internationales, il convient, dans le même temps et en conformité avec la Déclaration de Tripoli, de souligner
la détermination de l’Afrique à faire en sorte que ces partenariats soient entièrement fondés sur son leadership, parce
que sans un tel leadership, il n’y aura ni appropriation, ni durabilité ; parce que nous comprenons nos problèmes mieux
que nos partenaires, même les plus proches ; parce que nous savons quelles sont les solutions les plus appropriées, et
comment y parvenir ; et parce que, en dernière instance, ces problèmes sont les nôtres, et ce sont nos peuples qui en
subiront les conséquences », Ext/Assembly/AU/2. (01/2011), Rapport du Président de la Commission sur les défis
actuels à la paix et à la sécurité et les efforts de l’UA : Renforcer le leadership de l’Afrique, Promouvoir des solutions
africaines, Addis Abeba, Ethiopie, 25-26 May 2011, par.48 (les italiques sont du texte original). Voir également la

300
l’argument d’une réaction timide ou tardive des Organisations régionales africaines pour justifier
leur marginalisation dans la gestion des crises en Afrique. Ce qui pourrait en soi être soutenu dans
certains cas, mais pas dans le cas du conflit Libyen.1128

Ces précédents nous éclairent à la fois sur les velléités d’émancipation de l’Union africaine et sur
son incapacité momentanée à concrétiser ses aspirations d’autonomie en matière de recours à la
force armée. Mais elle n’y renonce pas pour autant, elle tente d’adapter ses ambitions à la faiblesse
de ses moyens en accommodant l’Organisation des Nations Unies pour obtenir le financement de
ses missions en contrepartie d’une soumission conditionnée.

C- Une pratique ultérieure traduisant une évolution de la volonté initiale des rédacteurs de
l’Acte constitutif

Il est admis que la pratique subséquente peut tantôt être retenue comme un indice de la volonté
originaire (ou initiale) des parties, et tantôt comme un reflet d’une volonté ultérieure émergente.1129

réaction du président de l’Afrique du Sud, Jacob Zuma qui a fustigé le « monde développé » d’avoir détourner
l’intention de la résolution 1973 du Conseil de sécurité qui autorisait une zone d’excursion aérienne pour protéger les
civils. Il a également accusé l’OTAN et ses alliés de poursuivre un programme de changement de régime et a réitéré
l’appel de l’UA pour des solutions africaines aux problèmes africains », Allocution du Président Jacob Zuma au
Parlement de la République du Burundi à l'occasion de la visite d'État au Burundi, disponible sur
http://www.thepresidency.gov.za/pebble.asp?relid=4642, consulté le 12 février 2016.
1128
L’Union africaine s’est prononcée trois fois en trois semaines : Alors que les manifestations débutent le 15 février
2011, un premier Communiqué est adopté le 23 février 2011 par le Conseil de paix et de sécurité exprime la
préoccupation de l’Union africaine sur la situation en Lybie et décide de dépêcher une mission afin d’évaluer la
situation sur le terrain, voir le Communiqué du CPS sur la situation en Lybie, 261 e réunion du Conseil de paix et de
sécurité, 23 février 2011, Addis-Abeba, Ethiopie, PSC/PR/COMM(CCLXI). Voir aussi le Communiqué de presse du
président de la Commission du même jour, http://www.au.int/fr/content/lua-profond%C3%A9ment-
pr%C3%A9occup%C3%A9e-par-la-situation-en-libye. Le Conseil de paix et de sécurité réagit de nouveau sur la
situation en Lybie le 10 mars, voir le Communiqué du CPS de la 265 e réunion du Conseil de paix et de sécurité, 10
mars 2011, Addis-Abeba, Éthiopie. Entretemps, la résolution 1973 (2011) du Conseil de sécurité est adoptée le 17
mars, autorisant l’adoption de toutes les « mesures nécessaires » pour établir une zone d’exclusion aérienne et protéger
les populations et zones civiles menacées d’attaque » qui servira de fondement à l’intervention militaire armée de
l’OTAN.
1129
Voir Jean-Pierre COT, « La conduite subséquente des parties à un traité », op. cit., p. 639 ; Giovanni DISTEFANO,
« La pratique subséquente des États parties à un traité », op. cit., pp. 52-54 ; Robert KOLB estime pour sa part que la
pratique subséquente peut aussi être retenu en vertu d’une norme du droit international, voir Robert KOLB,
Interprétation et création du droit international, op. cit., pp. 488-492.

301
En effet, la volonté commune initiale des parties peut se transformer et s’adapter à travers
l’application concrète de l’accord. Ainsi que le relève Giovanni Distefano, il s’avère important
pour l’interprète de ne pas s’en tenir qu’à la volonté commune émanant du texte du traité, mais
doit sans désemparer s’interroger sur l’application effective du texte.1130 Par conséquent, pour
éviter que le traité ne tombe en désuétude, les parties songent constamment à son adaptation aux
réalités factuelles sur le terrain. Cette théorie de nouvelle volonté émergente qualifiée par Sir
Gerald Fitzmaurice de « emergent purpose »1131 tend à être rapprochée de l’interprétation
téléologique qui consiste à préciser le sens du traité à la lumière des buts poursuivis par ses
auteurs.1132 Mais la ressemblance conceptuelle ne doit pas conduire à une assimilation de ces deux
méthodes d’interprétation qui demeurent distincts dans leur postulat de base.1133

En l’espèce, il ne s’agit pas concrètement de l’émergence d’une nouvelle volonté, mais de


l’apparition d’une nouvelle forme d’adaptation de l’article 4 (h) aux contraintes de sa mise en
œuvre. En effet, l’ambition d’émancipation de l’Union africaine telle qu’elle découle de la volonté
initiale des rédacteurs de l’Acte constitutif s’est trouvée confronter à la faiblesse de ressources de
l’Organisation régionale. Malgré le dynamisme dont a fait preuve l’Organisation régionale dès sa
création, des insuffisances de ressources ont considérablement limité son action.1134 Le manque
d’autonomie en ressources érode constamment la concrétisation de certaines initiatives entreprises
dans le cadre de la gestion de crises. L’Organisation régionale ne dispose pas non plus d’une
grande autonomie en matière de recours à la force. Elle ne peut encore mener de missions sur la

1130
Giovanni DISTEFANO, « La pratique subséquente des États parties à un traité », op. cit., p. 52.
1131
Sir Gerald FITZMAURICE, « The Law and Procedure of the International Court of Justice: Treaty Interpretation
and Certain Other Treaty Points », British Yearbook of International Law, vol. 28, 1951, p. 8, note 2.
1132
Giovanni DISTEFANO, « La pratique subséquente des États parties à un traité », op. cit., p. 53
1133
Giovanni DISTEFANO, « La pratique subséquente des États parties à un traité », op. cit., pp. 53-54 contra Jean-
Pierre COT, « La conduite subséquente des parties à un traité », op. cit., p. 647-653.
1134
Voir le Rapport de la Présidente de la Commission sur des mesures de suivi de la position africaine commune sur
la revue des opérations de paix des Nations Unies, 547e réunion des Chefs d’État et de gouvernement, New York,
Etats-Unis d’Amérique, 26 septembre 2015, PSC/AHG/3.(DXLVII), par.11 ; la résolution 1809 (2008) du 16 avril
2008 du Conseil de sécurité, S/RES/1809 (2008), p. 2, par. 7 ; le Rapport du secrétaire général, Appui aux opérations
de maintien de la paix de l’Union africaine autorisées par l’Organisation des Nations Unies, p. 6, par. 20.

302
base de ses propres ressources sans avoir recours au financement des Nations Unies ou de
partenaires extérieurs. Le bilan non reluisant de ses premières missions de soutien à la paix est
illustratif de la complexité de ces opérations et des importants moyens qu’elles exigent.1135 Tout
ceci a conduit l’UA à faire profil bas sur ses ambitions initiales. Elle s’est résolue à une soumission
conditionnée à l’autorité du Conseil de sécurité en matière de recours à la force armée. C’est ainsi
qu’elle exige un financement sur le budget de l’ONU des opérations de paix autorisées par le
Conseil de sécurité qu’elle entreprend.1136 Ne peut-on pas par ailleurs en déduire qu’a contrario,
les missions qui seront menées sans le financement des Nations Unies le seront sans autorisation
du Conseil de sécurité? La pratique étant inexistante, il est difficile de se prononcer à l’Etat actuel
des choses. Toutefois, un début de réponse à cette supposition peut être avancé grâce à l’analyse
des deployées exclusivement par l’UA. Il s’agit des grandes crises intervenues au Darfour et en
Somalie qui par ailleurs semblaient réunir les conditions d’application de l’article 4 (h). Rappelons
que l’UA n’a pas fait application de l’article 4 (h) dans ces deux cas de figure comme l’ont déploré
certains auteurs1137. Elle a tout simplement estimé que ces situations ne répondaient pas aux
conditions d’application de la disposition.1138

1135
Voir par exemple sur la Mission de l’Union africaine au Soudan (MUAS), déployée au Darfour entre 2004 et
2007, Maurice KAMTO, « Le rôle des ‘accords et organismes régionaux’ en matière de maintien de la paix et de la
sécurité internationales à la lumière de la Charte des Nations Unies et de la pratique internationale », Revue générale
de droit international public, 2007-4, p. 798 ; Ademola ABASS, « The United Nations, the African Union and the
Darfur Crisis : of Apology and Utopia », op. cit., p. 440.
1136
Voir entre autres la Décision Assembly/AU/Dec.145(VIII) adoptée par la 8 e session ordinaire de la Conférence de
l’UA tenue à Addis-Abeba du 29 au 30 janvier 2007 ; le Communiqué PSC/PR/Comm.(CLXXVIII) adopté lors de la
178e réunion du Conseil de paix et de sécurité tenue le 13 mars 2009 ; le Communiqué de presse PSC/PR/BR.2(CCVII),
adoptée lors de la 206e réunion du CPS tenue le 15 octobre 2009 ; les Communiqués PSC/PR/Comm.(CCCVII) et
PSC/AHG/Comm/1.(CCCXCVII), adoptés lors de la 307e et 397e réunions tenues respectivement le 9 janvier 2012 et
le 23 septembre 2013 ; Common African Position on the UN Review of Peace operations, adoptée lors de la 502e
réunion du Conseil de Paix et de sécurité de l’UA tenue le 29 avril 2015, PSC/PR/2(DII) ; Communiqué
PSC/AHG/Comm/2(CLXXVIII) adopté lors de la 547e réunion du Conseil de paix et de sécurité tenue le 26 septembre
2015.
1137
Voir Nabil HAJJAMI, La responsabilité de protéger, op. cit., pp. 466-472 ; Olivier CORTEN, « L’Union africaine,
une organisation susceptible de s’émanciper de l’autorité du Conseil de sécurité ? Opinio Juris et pratique récente des
Etats », op. cit., p. 12; Ademola ABASS, « The United Nations, the African Union and the Darfur Crisis: of Apology
and Utopia », op. cit., p. 423.
1138
Dans le cas de la crise au Darfour, par exemple, l’organisation régionale a estimé que malgré la gravité de la crise,
la situation ne peut être qualifiée de génocide, voir Communiqué PSC/MIN/Comm.(XII), 12e réunion du Conseil de

303
Ce qu’il convient de retenir en l’espèce est que les communiqués de l’Union africaine autorisant
le déploiement des missions au Soudan et en Somalie ne contiennent pas de référence à une
autorisation du Conseil de sécurité.1139 Le Conseil de sécurité a par la suite adopté une résolution
pour autoriser celle de la Somalie, et procéder au déploiement d’une mission onusienne en soutien
à celle du Darfour.1140 Certains ont estimé qu’il s’agissait d’opérations de maintien de la paix et
qu’une telle autorisation n’était pas exigée.1141 Mais cet argument ne saurait convaincre pour
plusieurs raisons.

Premièrement, comme mentionné dans nos précédentes analyses, les opérations de soutien à la
paix de l’Union africaine ne sont pas des opérations de maintien de la paix classiques. Nous avons
déjà relevé les difficultés à établir des frontières entre les opérations de paix et les interventions
militaires en Afrique. Bien que ces missions aient été déployées avec le consentement préalable

paix et de sécurité, 4 juillet 2004, Addis-Abeba. Voir également la déclaration du directeur de la Division paix et
sécurité de l’Union africaine, Sam Ibok, selon laquelle : « we [The AU ] cannot describe what was happened in Darfur
as genocide, but it has the potential of deteriorating or degenerating into something quite serious », A. MITCHELL,‘
Group to Send Peacekeepers to Sudan Area’, Associated Press stories, 5 july 2004, cité par Jeremy I. LEVITT, « The
Peace and Security Council of the African Union and The Security Council : The Case of Darfur, Sudan », in Niels
Blokker and Nico Schrijver (Eds.), The Security Council and the Use of Force. Theory and Reality – A Need for
Change? Leiden/Boston, Martinus Nijhoff, 2005, p. 242. Pourtant, d’autres acteurs n’ont pas hésité à qualifier la
situation au Darfour de nettoyage ethnique. Le sous-secrétaire général aux affaires humanitaires et secours d’urgence
des Nations Unies Jan Egeland traitait la situation au Darfur en décembre 2003 de « ‘ethnic cleansing’ and a
‘systematic depopulation of areas’ declaring in the world’s worst and most neglected humanitarian crisis », voir Press
Briefing on Humanitarian crisis in Darfur, Soudan, 2 avril 2004 disponible sur
http://www.un.org/press/en/2004/egelandbrf.DOC.htm, consulté le 27 septembre 2016. Le secrétaire d’État adjoint
par intérim américain aux affaires africaines Charles Snyder a lui aussi qualifié la crise du Darfour de « ethnic
cleansing on a large scale » dans son témoignage devant le Congrès americain en mai 2004, voir Acting US Assistant
Secretary of State for African Affairs Charles Snyder, ‘ Ethnic cleansing in Darfur : A new Front Opens in Sudan’s
Bloody War’, Testimony Before the House International Relations Committee, 6 May 2004, Washington DC,
disponible sur https://2001-2009.state.gov/p/af/rls/rm/32316.htm, consulté le 27 septembre 2016.
1139
Voir pour le Soudan, UA, PSC/PR/Comm. (XVII), Communiqué du Conseil de paix et de sécurité, 17e réunion,
20 octobre 2004. Pour la Somalie, voir UA, PSC/PR/Comm. (LXIX), Communiqué du Conseil de paix et de sécurité,
69e réunion, 19 janvier 2007.
1140
Dans le cas de la Somalie, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1744, en vertu du chapitre VII, qui autorise :
« Les Etats membres de l’Union africaine à établir […] une mission en Somalie qui sera habilitée à prendre toutes
mesures nécessaires pour s’acquitter du mandat ci-après …[…] », voir S/RES/1744, 21 février 2007, par. 4. Dans le
cas du Soudan, le Conseil de sécurité a opté pour un déploiement d’une force hybride de l’ONU et de l’Union africaine,
voir S/RES/1769, 31 juillet 2007.
1141
Voir par exemple sur la MUAS, Ademola ABASS, « The United Nations, the African Union and the Darfur Crisis:
of Apology and Utopia », op. cit., p. 427.

304
des Etats concernés, elles n’avaient pas toujours l’assentiment des autres parties au conflit. De
plus, une utilisation de la force était très prévisible vu la nature des conflits en cause. C’est ce qui
transparait clairement dans la résolution du Conseil de sécurité autorisant le déploiement de
l’AMISOM.1142

Deuxièmement, si ces missions relevaient effectivement de simples opérations de paix, le Conseil


de sécurité n’aurait pas adopté des résolutions en vertu du chapitre VII de la Charte pour en
autoriser le déploiement à la suite de l’Union africaine.

Les Etats africains ont exprimé par le Consensus d’Elzulwini une interprétation autonomiste de
l’article 4 (h). La pratique subséquente, quoique très peu étoffée tend néanmoins à confirmer cette
interprétation. Le manque d’autonomie en ressources propres a certainement empêché le
développement d’une pratique consistante qui aurait permis de trancher sur la question. L’heure
est certes à la recherche de solutions pour plus d’autonomie, et la question reste posée sur le fait
de savoir si une liberté financière de l’Organisation régionale impliquerait un retour à la volonté
initiale qui a prévalu au moment de l’adoption de l’article 4 (h), celle de disposer d’un droit
autonome de recours à la force pour faire face aux situations d’urgence et à l’inaction de l’ONU.
Pour l’instant, l’Organisation régionale se contente d’une soumission conditionnée au financement
de ses activités dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité par l’Organisation des
Nations Unies.

1142
Le Conseil de sécurité autorise « les États membres de l’Union africaine à […] prendre toutes les mesures
nécessaires…[…] » dans l’accomplissement du mandat confié à la mission.

305
CHAPITRE IV : LA LEGALITE EN DROIT INTERNATIONAL DE L’ARTICLE 4 (H)
Le présent chapitre est consacré à l’analyse de l’environnement normatif dans lequel est destiné à
s’insérer l’article 4 (h). Comme le mentionne l’article 31, paragraphe 3, alinéa c) de la Convention
de Vienne sur le droit des traités, il doit être tenu compte dans l’interprétation d’un traité en plus
du contexte, « de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les
parties ».1143 Bien que la pertinence de cette disposition de la Convention de Vienne ait fait l’objet
de maintes discussions dans la doctrine ainsi que lors des travaux de la Commission de droit
international, il présente un intérêt certain pour notre analyse.1144 On peut, très aisément
comprendre que les dispositions conventionnelles tirent leur force et leur validité d’autres
dispositions conventionnelles et du droit international coutumier.1145 Il s’avère dès lors nécessaire
de les éclairer à la lumière d’autres règles du droit international général en lien avec leur
environnement juridique.1146

1143
Cet article exprime le principe d’« intégration systémique » qui renvoie à la prise en compte du milieu normatif
du texte dans le cadre de son interprétation, voir sur les détails de ce principe Campbell MCLACHLAN, « The
Principle of Systemic Integration and Article 31 3) c) of the Vienna Convention », International and Comparative
Law Quarterly, vol. 54, 2005, pp. 279-320.
1144
Cet alinéa a fait l’objet de critiques au regard des imprécisions qui entourent sa formulation. Des questionnements
ont porté sur les règles à prendre en considération comme « règle pertinente de droit international applicable dans les
relations entre parties », une autre question se rapporte à l’intertemporalité du droit à prendre en considération lors de
l’interprétation d’un traité, c’est à dire le moment d’appréciation « de la règle pertinente de droit international», s’agit-
il du droit en vigueur au moment de la conclusion du traité ou les règles en vigueur au moment de l’interprétation du
traité, voir ces questions le Rapport du Groupe d’étude de la Commission du droit international sur la fragmentation
du droit international : Difficultés découlant de la diversification et de l’expansion du droit international, établi sous
sa forme définitive par Martti Koskenniemi, Commission du droit international, cinquante-huitième session, Genève,
1er mai- 9 juin et 3 juillet – 11 août 2006, A/CN.4/L.682, pp. 225 à 266. Voir également Richard K. GARDINER,
Treaty Interpretation, Oxford, Oxford University Press, second edition, 2015, pp. 289-343.
1145
Daillier et Pellet déclaraient à ce propos qu’« Un traité ne peut être considéré isolement. Non seulement, il est
ancré dans les réalités sociales, mais encore ses dispositions doivent être confrontées avec d’autres normes juridiques
avec lesquelles elles peuvent entrer en concurrence », Patrick DAILLIER, Alain PELLET, Mathias FORTEAU,
Nguyen QUOC DINH, Droit international public, 8e édition, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence,
2009, p. 291. Sir Fitzmaurice évoquait pour sa part des « chaines » de traités qui s’attaquent au même type de problème
à des niveaux différents ou sous un angle particulier notamment technique ou géographique, Georg G.
FITZMAURICE, Troisième rapport, Ann. C.D.I., 1958, vol. II, p. 45, par.89 b).
1146
C’est dans cette dynamique que la Cour internationale de justice a fait recours au paragraphe 3 c) dans l’Affaire
des Plates-formes pétrolières (Iran c. Etats-Unis d’Amérique). Amenée à se prononcer sur la violation de dispositions
d’un Traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 qui liait les Etats-Unis à l’Iran, la Cour a pris en
compte les règles générales du droit international, notamment la Charte des Nations Unies ainsi que le droit

306
En effet, l’article 4 (h) révèle une aspiration des Organisations régionales africaines à s’approprier
le recours à la force armée en Afrique par l’affirmation d’un droit autonome d’intervention sans
autorisation préalable du Conseil de sécurité. Un tel changement de paradigme semble a priori
poser un défi aux règles pertinentes de droit international qui réglementent l’utilisation de la force
armée en droit international. Il s’agit notamment du droit de la Charte des Nations Unies qui
confère au Conseil de sécurité le monopole du recours à la force armée, impliquant ainsi une
soumission absolue des Organisations régionales à celui-ci pour tout ce qui concerne le recours à
la force armée1147. De plus, la question de la conformité de l’article 4 (h) au droit international
coutumier se pose dans la mesure où la règle de l’interdiction du recours à la force inscrit à l’article
2, par. 4 de la charte est largement considérée de nos jours comme faisant partie des normes
impératives de jus cogens.1148 En conséquence, tous les traités conclus en violation de cette règle
sont invalides selon l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Il est également
bien admis qu’une convention ne peut déroger à une norme impérative de jus cogens, elle ne peut
être abrogée que par une autre norme de jus cogens. C’est au regard de ces règles de droit
international que l’interprétation de l’article 4 (h) a suscité nombre de controverses doctrinales.

C’est ainsi que, pour préserver la disposition d’une nullité du fait d’éventuels conflits avec le droit
de la Charte et du droit international coutumier, certains auteurs ont soutenu une lecture conforme
au droit de la Charte. Une telle interprétation n’est cependant pas partagée par d’autres auteurs qui
défendent clairement une interprétation autonomiste de l’article 4 (h).

international coutumier relatif au recours à la force armée, voir C.I.J., Affaires des Plates-formes pétrolières (Iran c.
Etats-Unis d’Amérique), (fond), Recueil 2003, par. 40.
1147
A l’exception d’un cas d’exercice de la légitime défense prévue par l’article 51 de la Charte.
1148
Voir sur le statut coutumier, C.I.J., Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, Recueil
1986, p. 190. Tout en l’insinuant, la Cour s’était bien gardée d’attribuer une valeur de jus cogens à la règle. Voir
cependant sur la valeur de jus cogens, Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, Paris, Pedone, 2014, p.p. 341 et s.
A noter que d’aucuns ne réservent ce statut de jus cogens qu’à l’interdiction de l’agression qui, comme on le sait, ne
recouvre pas toute la règle de l’interdiction du recours à la force.

307
Mais, tout bien considéré, il résulte de nos précédentes analyses que l’article 4 (h) suggère bien un
droit autonome d’intervention, à travers une relecture particulière du droit de la Charte relatif au
recours à la force par les organisations régionales.

Notre réflexion s’articulera autour de deux sections. Nous procèderons dans une première section
à l’examen des arguments doctrinaux sur la relation entre l’article 4 (h) et le droit de la Charte
(Section I). Dans une seconde section, nous aborderons la question de la compatibilité avec le droit
de la Charte (Section II).

Section I: Les arguments doctrinaux sur la relation entre l’article 4 (h) et le droit de la Charte

La doctrine est très partagée sur l’interprétation de la disposition. On peut regrouper les visions
doctrinales en trois grands courants. Un premier courant qui privilégie une lecture harmonieuse
avec le droit de la Charte et partant le droit international coutumier. Les tenants de ce premier
courant défendent une lecture rigoureuse de l’article 53 qui implique une subordination absolue
des Organisations régionales au Conseil de sécurité en matière d’utilisation de la force armée.
Toujours dans cette tendance de conformité avec le droit de la Charte, un second courant soutient
la possibilité d’une mise en œuvre de l’article 4 (h) sans une autorisation préalable du Conseil de
sécurité, assortie cependant d’une approbation ultérieure du Conseil de sécurité. Un troisième et
dernier courant défend clairement un droit d’intervention autonome. Parmi les tenants de cette
dernière tendance, certains justifient la légalité de l’article 4 (h) par une lecture extensive de
l’article 2, par. 4 de la Charte, d’autres assument l’idée d’une édification d’un droit hors charte par
l’article 4 (h). On présentera dans un premier temps les deux premières tendances qui se
rapprochent par une lecture conforme au droit de la Charte (Paragraphe I), avant d’en venir à la
dernière tendance tenue principalement par des auteurs anglophones (et en grande partie africains)
(Paragraphe II).

Paragraphe I : Les tentatives d’une lecture harmonieuse de l’article 4 (h) avec le droit de la
Charte

Dans cette première vision d’une lecture conforme à la Charte se dégage le premier courant
doctrinal qui soutient une soumission implicite à la Charte (A). Le second se fonde sur une
nouvelle interprétation du modèle d’autorisation du Conseil de sécurité, l’approbation ex post facto
(B)

308
A- L’argument d’une soumission implicite à l’article 53 de la Charte

Pour certains auteurs, l’article 4 (h) ne viserait pas à créer une exception au droit de la Charte.
Même si la disposition en question ne fait pas mention expresse à la condition de l’autorisation du
Conseil de sécurité, elle ne l’exclut pas non plus. Elle doit par conséquent être interprétée comme
se référant implicitement à cette réserve d’autorisation.1149 L’article 4 (h) est ainsi considéré
comme « une clause d’habilitation » censée conférer à l’Union africaine une compétence statutaire
lui permettant d’entreprendre des actions coercitives armées, compétence dont ne bénéficiait pas
l’OUA qu’elle a remplacée.1150 Pour ces auteurs, une Organisation internationale a nécessairement
besoin d’une compétence juridique interne qui l’habiliterait à mener une intervention militaire en
plus de la compétence externe conférée par l’autorisation du Conseil de sécurité. Ce raisonnement
tire son fondement de l’argument selon lequel les Organisations internationales ne possèdent que
les compétences qui leur ont expressément été attribuées par leurs textes constitutifs. Vu sous cet
angle, l’article 4 (h) ne produirait que des incidences juridiques internes. Elle n’aurait pas pour
ambition de modifier le droit international.1151

Bien que ce raisonnement présente l’avantage de préserver l’article 4 (h) d’éventuels conflits avec
les règles régissant le recours à la force armée en droit international permettant par conséquent de
garantir sa légalité en droit international, il n’emporte pas totalement conviction. D’abord, il a été
admis qu’une compétence expresse en matière de recours à la force armée n’était pas un obstacle
à l’action d’une Organisation régionale. La théorie des pouvoirs implicites étant une base juridique
suffisante pour fonder une action coercitive armée de l’Organisation régionale même si aucun texte
ne fait expressément mention d’une telle faculté.1152 De plus, à notre sens, les compétences

1149
Voir Robert KOLB, « Article 53 », in Jean-Pierre COT, Alain PELLET, Mathias FORTEAU (dir.), La Charte des
Nations Unies. Commentaire article par article, 3e éd., Paris, Economica, 2005, p. 1422 ; Olivier CORTEN, Le droit
contre la guerre, op. cit., p. 564 et 566.
1150
Voir Robert KOLB, « Article 53 », op. cit., p. 1422 ; Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., pp. 564-
565.
1151
Ibid.
1152
Patrick DAILLIER, « Les opérations multinationales consécutives à des conflits armés en vue du rétablissement
de la paix », Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye, t. 314, 2005, p. 304.

309
déclarées d’une Organisation régionale en matière de paix et de sécurité devraient suffire à lui
conférer les compétences statutaires pour toutes les actions relatives au maintien de la paix et de
la sécurité, y compris le recours à la force armée, dans le respect évidemment des règles qui
régissent l’utilisation de la force armée. A moins que, l’Organisation régionale elle-même n’exclut
expressément l’utilisation de la force armée dans ses attributions, comme c’est le cas de
l’Organisation des Etats de l’Amérique (l’OEA).1153 Rappelons pour preuve que l’ONU elle-même
a autorisé ou validé diverses interventions militaires menées par des groupes d’Etats ou des
Organisations régionales dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité qui ne disposaient
pas de compétences statutaires à entreprendre des actions coercitives armées.1154 De fait, le Conseil
de sécurité a privilégié à partir des années 1990, l’approche fonctionnelle de la notion
d’Organisation régionale lui permettant d’utiliser nombre d’organismes régionaux sur la base du
seul critère fonctionnel.1155 En réalité, la compétence en matière de maintien de la paix et de la
sécurité devrait suffire à fonder les actions d’une Organisation régionale à la fois en matière

1153
Voir les articles 2 b), 19 et particulièrement l’article 22 de la Charte de l’Organisation des Etats Américains,
disponible sur http://www.oas.org/dil/french/traites_A-41_Charte_de_l_Organisation_des_Etats_Americains.pdf,
consulté le 31 octobre 2016.
1154
On peut citer entre autres l’autorisation donnée par le Conseil de sécurité par sa résolution 794 aux États Unis et
plusieurs autres pays à conduire une opération en Somalie (opération dénommée Restor hope) , le Conseil de sécurité
a également approuvé les opérations militaires menées par des mécanismes régionaux, en Géorgie ( voir la résolution
858 du 24 août 1993 par laquelle le Conseil de sécurité approuve l’opération menée par les troupes russes au sein de
« groupes de contrôle tripartites » (georgiens-abkhazes-russes). Au Libéria (Le Conseil de sécurité s’est félicité des
efforts de la CEDEAO « visant à établir la paix, la sécurité et la stabilité dans ce pays » à travers plusieurs résolutions,
et en Sierra Léone (le Conseil a entériné les actions de la CEDEAO en Sierra Léone à travers des résolutions à
posteriori à partir des années 1990 à 2000. Voir KAMTO M., « Le rôle des « accords et organismes régionaux » en
matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales à la lumière de la charte des nations unies et de la
pratique internationale », op. cit.. pp.783-785. Ces interventions ont été menées au moment où la CEDEAO ne
disposait pas de compétences statutaires lui permettant de mener des actions coercitives armées au sein de ses États
membres.
1155
La pratique de l’Onu à la fin de la guerre froide révèle une certaine souplesse dans la qualification des organisations
régionales habilitées à agir dans le cadre du chapitre VIII de la Charte. La pratique des différents organes est assez
variée, mais la tendance générale est celle de la reconnaissance du statut d’organisation régionale au sens du chapitre
VIII à tout accord ou organisme régional quel que soit sa composition, son mandat ou son champ d’action, à la seule
condition que l’action concernée ait trait à la notion de maintien de la paix et de la sécurité internationales au sens de
l’article 1, paragraphe 1 de la Charte des Nations Unies, voir Laurence BOISSON De CHAZOURNES, « Les relations
entre organisations régionales et organisations universelles », Recueil des cours de l’Académie de droit international
de la Haye, t. 347, 2010, pp. 254-257 ; Dans son Agenda pour la paix, Boutros Boutros-Ghali, l’ancien secrétaire
général de l’ONU, soutenait à propos de la flexibilité de la reconnaissance des organisations régionales que : « celui
qui peut agir est couvert parce qu’il peut agir », doc. A/47/277 et s/24111, du 17 juin 1992, par. 61.

310
coercitive armée et non armée. Le professeur Robert Kolb lui-même admet dans son analyse sur
les « accords ou organismes régionaux » que « la capacité de l’organisme d’exercer des fonctions
propres au chapitre VIII (aspect interne), […] se confond avec celui de la compétence en matière
de paix et de sécurité internationales ».1156 Or, les compétences de l’Union africaine en matière de
maintien de la paix et de la sécurité sont fournies par plusieurs autres dispositions que l’article 4
(h).1157 Cette disposition prétend alors à d’autres implications juridiques qu’une simple clause
attributive de compétence.

Dans la même tendance d’une lecture harmonieuse de l’article 4 (h), il a été mis en avant quelques
références à la responsabilité principale du Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix
et de la sécurité internationales par certaines dispositions des instruments juridiques de l’Union
africaine. Il s’agit principalement de l’article 17 du Protocole relatif à la création du Conseil de
paix et de sécurité de l’Union africaine ainsi que de certains autres textes portant sur les relations
entre l’Onu et les Organisations régionales, en particulier l’Union africaine.1158 Mais comme
analysé dans un précédent chapitre, ces désignations n’emportent pas systématiquement une
volonté de soumission au monopole du Conseil de sécurité en matière de recours à la force
armée.1159 Il pourrait être rajouté aux arguments déjà développés que malgré les rappels de la
responsabilité principale du Conseil de sécurité, rien ne permet de déduire des instruments

1156
Robert KOLB, « Article 53 », op. cit., p. 1408.
1157
Voir par exemple le paragraphe 8 du préambule et l’article 3 (f) de l’Acte constitutif de l’UA, plus important
l’Union s’est doté d’un conseil de paix et de sécurité, un « système de sécurité collective et d’alerte rapide, visant à
permettre une réaction rapide et efficace aux situations de conflit et de crise en Afrique », article 2 alinéa 1 du
Protocole relatif à la création du CPS de l’UA.
1158
Voir notamment Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit.,pp. 566-570 ; Olivier CORTEN, « L’Union
africaine, une organisation susceptible de s’émanciper de l’autorité du Conseil de sécurité ? Opinio Juris et pratique
récente des Etats », European Society of International Law Conference Paper Series, Vol. 2, No. 1, 5th Biennial
Conference, Valencia (Spain), 13-15 Sept 2012, pp. 2-11 ; Nabil HAJJAMI, La responsabilité de protéger, Bruxelles,
Bruylant, 2013, pp. 458- 472.
1159
Voir supra chapitre III.

311
juridiques de l’Union africaine qu’elle entend solliciter l’autorisation du Conseil de sécurité, elle
l’aurait expressément précisé comme c’est le cas de la SADC.1160

De plus, cette approche d’une soumission implicite est certes d’une certaine pertinence, mais elle
reviendrait à ignorer le contexte d’adoption ainsi que l’intention des rédacteurs de la disposition.

B- L’argument de l’autorisation ou de l’approbation ex-post facto

Ce deuxième courant ne défend pas un droit autonome d’intervention, mais admet une possibilité
d’action sans une autorisation préalable du Conseil de sécurité. Selon ce deuxième raisonnement,
l’Organisation régionale a toujours besoin de l’autorisation du Conseil de sécurité pour mener des
actions coercitives armées, mais qu’elle se réserve le droit d’agir dans certains cas sans le
consentement préalable de celui-ci, quitte à ce que l’action fasse l’objet d’une approbation
postérieure. 1161

Selon certains auteurs, cet argument tirerait son fondement en premier lieu du Consensus
d’Ezulwini, qui dispose que : « […] l’intervention des Organisations régionales doit être
approuvée par le Conseil de sécurité, bien que dans certaines situations, une telle approbation

1160
Voir SADC, Protocole sur la coopération en matière de Politique, de défense et de Sécurité, article 11, alinéa 3,
lettre d. qui dispose que : « Le Sommet n’aura recours aux mesures coercitives qu’en derniers recours et ce,
conformément aux dispositions de l’article 53 de la Charte des Nations Unies, et uniquement avec l’autorisation du
Conseil de sécurité des Nations Unies ».
1161
CILLIERS et STURMAN soutiennent que lorsque le Conseil de sécurité refuse ou est incapable d’autoriser des
mesures appropriées en temps opportun comme cela a été le cas au Rwanda, l’Union africaine peut intervenir au regard
de ses textes constitutifs sans l’accord préalable du Conseil de sécurité, Jakkie CILLIERS et Kathryn STURMAN, «
The Right Intervention », African Security Review, vol. 11, no 3, 2002. Voir également, Abdulqawi YUSUF qui écrit
que l’UA n’a pas besoin d’attendre la qualification d’une crise humanitaire en Afrique par le Conseil de sécurité de
l’Onu de menace contre la paix ou de rupture de la paix, elle a juste besoin selon l’auteur d’un « formal endorsement
and support from the Security Council under chapter VIII of the Charter », Abdulqawi A. YUSUF, « The Right of
Intervention by the African Union: A New Paradigm in Regional Enforcement Action? », African Yearbook of
International Law, vol.11, 2003, pp. 12-13 ; Guillaume ETIENNE soutient que l’UA est tenue par l’obligation
d’information prévue à l’article 54 de la Charte dans le but de permettre au Conseil de sécurité de juger de l’action
engagée, en la validant ou en l’invalidant a posteriori, Guillaume ETIENNE, « L’article 2, paragraphe 7, de la Charte
des Nations Unies : Une lecture à la lumière de la pratique récente de l’Assemblée générale et du Conseil de Sécurité
des Nations Unies », African Yearbook of International Law, vol. 11, 2003, pp. 259-260.

312
puisse se faire « après coup » dans des circonstances nécessitant une action urgente. […] ».1162
Mais il faut préciser en l’espèce que le Consensus d’Ezulwini ne fait en aucune façon référence à
une autorisation a posteriori, il est plutôt question d’approbation après coup. Les deux notions
n’ayant pas une même portée juridique comme il en ressort de précédents développements, la
confusion de deux termes est cependant courante en doctrine1163.

L’éventualité d’une autorisation ex post facto avait également été abordé au cours des séries de
débats portant sur les réformes des Nations Unies qui se sont succédé entre 2003 et 2005. Le
Rapport du groupe de personnalités de haut niveau qui a cristallisé l’essentiel des discussions
indiquait que : « l’autorisation de lancer une opération régionale de maintien de la paix devrait être
demandée dans tous les cas, étant entendu que l’urgence de la situation peut conduire à la
demander après le lancement des opérations »1164. Aussi, la Commission internationale de
l’intervention et de la souveraineté des Etats (CIISE) s’est montrée de façon presque déguisée
accommodant des autorisations ex post facto dans son Rapport intitulé la responsabilité de
protéger. Elle soutient qu’: « Il est arrivé dernièrement que cette approbation soit sollicitée ex post
facto, ou après les faits (Libéria et Sierra Leone), et il pourrait y avoir une certaine marge de
manœuvre à cet égard pour les actions futures ».1165

1162
Position commune africaine sur la réforme des Nations Unies, ‘Le Consensus d’Ezulwini’, septième Session
extraordinaire du Conseil exécutif, 7-8 mars 2005, Addis-Abeba, Ethiopie, Ext. /EX. CL. /2(VII). Voir par exemple
Nabil HAJJAMI, La responsabilité de protéger, Bruxelles, Bruylant, 2013, pp. 461-464, Olivier CORTEN, Le droit
contre la guerre, op. cit., p. 565.
1163
Voir supra, p. 258.
1164
Voir Un monde plus sûr : notre affaire à tous, rapport du Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces,
les défis et le changement, Nations Unies, doc. A/59/565, 2 décembre 2004, par. 272, alinéa. A. Voir également, Dans
une liberté plus grande : développement, sécurité et respect des droits de l’homme pour tous, rapport du Secrétaire
général, Nations Unies, doc. A/59/2005, par. 126.
1165
Voir Rapport de la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des Etats (CIISE), La
responsabilité de protéger, op. cit., par. 6. 35. Elle note également qu’« Un point de vue assez répandu veut qu’une
autorisation après les faits, ou ex post facto, du type de celle dont ont bénéficié les instances régionales africaines
mentionnées plus haut, aurait pu être obtenue dans les cas du Kosovo et du Rwanda, et que cette formule pourrait
permettre de sortir du dilemme si le cas se reproduisait à l’avenir », ibid, par. 6.36.

313
Des interventions armées menées par des Organisations régionales dans le cadre de leur mission
de maintien de la paix et de la sécurité sans une autorisation préalable du Conseil de sécurité ont
ainsi été considérées comme des précédents consacrant la possibilité d’autorisation ex post
facto.1166

Il est en outre connu que la doctrine de l’autorisation ex post a donné lieu à de multiples
controverses doctrinales sur lesquelles nous ne comptons pas nous attarder au regard de
l’abondante littérature qui y a été consacrée.1167 Nous retiendrons simplement que cette possibilité

1166
Les réactions du Conseil de sécurité aux actions coercitives armées de la CEDEAO au Libéria et en Sierra Léone
ont diversement été appréciés mais ont très souvent été interprétés comme des approbations rétroactives, voir Christian
WALTER, « Security Control over Regional Action », Max Planck yearbook of United Nations law, vol. 1, 1997, p.
181 ; Djamchid MOMTAZ, « La délégation par le Conseil de sécurité de l’exécution de ses actions coercitives aux
organisations régionales », Annuaire Français de Droit International, vol. 43, 1997, p. 113 ; Djamchid MOMTAZ, «
L’intervention d’humanité de l’OTAN au Kosovo et la règle de non-recours à la force », Revue internationale de la
Croix-Rouge, 2000, p. 95 ; Christian WALTER, « Article 53 », in Bruno SIMMA et al. (eds) The Charter of the United
Nations. A Commentary, 3rd ed., vol. II, Oxford, Oxford University Press, 2012, pp.1501-1502; John M. KABIA,
Humanitarian Intervention and Conflict Resolution in West Africa. From ECOMOG to ECOMIL, Farnham: Ashgate,
2009, p.78; Robert KOLB, « Article 53 », op. cit., p. 1429.
1167
Voir de façon sélective Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., pp. 610-652 ; Laurence BOISSON
DE CHAZOURNES, « Les relations entre organisations régionales et organisations universelles », Recueil des cours
de l’Académie de droit international de la Haye, t. 237, Martinus Nijhoff, 2010, pp. 285-288 ; Linos-Alexandre
SICILIANOS, « Entre multilatéralisme et unilatéralisme : L’autorisation par le Conseil de sécurité de recourir à la
force », Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye, t. 339, 2008, pp. 188-211 ; Linos-
Alexandre SICILIANOS, « L’autorisation par le Conseil de sécurité de recourir à la force : une tentative d’évaluation
», RGDIP, vol. 106, 2002, pp. 39-42 ; Ugo VILLANI, « Les rapports entre l’ONU et les organisations régionales dans
le domaine du maintien de la paix », Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye, t. 290, 2001,
pp. 379-389 ; Ugo VILLANI, « The Security Council’s Authorization of Enforcement Action by Regional
Organizations », Max Planck Yearbook of United Nations Law, vol.6, 2002, 551-557 ; Imène BELAHOUENE et Hajer
GUELDICH, « La violation des droits de l’homme justifie – t – elle le recours à la force ?, in Rafâa BEN ACHOUR
et Slim LAGHMANI (dir.), Les droits de l’homme, une nouvelle cohérence pour le droit international ?, colloque
organisé à la Faculté de droit et de sciences politiques de Tunis les 17, 18, 19 avril 2008, Pedone, Paris, 2008, pp. 324
et ss ; Olivier CORTEN et François DUBUISSON, « L’hypothèse d’une règle émergente fondant une intervention
militaire sur une « autorisation implicite » du Conseil de sécurité », Revue générale de droit international public,
2000-4, pp. 895 et ss. ; Thomas M. FRANCK, « Lessons of Kosovo », American Journal of International Law, vol.
93, 1999, pp. 858-859 ; Maurice KAMTO, « Le rôle des « accords et organismes régionaux » en matière de maintien
de la paix et de la sécurité internationales à la lumière de la Charte des Nations unies et de la pratique internationale
», Revue générale de droit international public, 2007- 4, pp. 784 et ss. ; Djamchid MOMTAZ, « La délégation par le
Conseil de sécurité de l’exécution de ses actions coercitives aux organisations régionales », op. cit., p. 113 ; Alain
PELLET, « Brief Remarks on the Unilatéral Use of Force », European Journal of International Law, 2000, pp. 387-
389 ; Bruno SIMMA, « NATO, the UN and the Use of Force : Legal Aspects », European Journal of International
Law, 1999, pp. 1-2 ; Ruth WEDGWOOD, « Unilateral Action in the UN System », European Journal of International
Law, 1999, p. 358.

314
a été vigoureusement rejetée en doctrine.1168 Il a ainsi été relevé que l’admissibilité d’une
possibilité d’autorisation ex post facto porterait atteinte au monopole du Conseil de sécurité sur
l’utilisation de la force armée et ouvrirait ainsi une brèche substantielle à l’interdiction du recours
à la force de l’article 2, par. 4 de la Charte. Mais bien qu’un tel risque soit réel pour ce qui concerne
les Organisations autonomes comme l’OTAN qui dispose de grands moyens pour mener des
interventions militaires, les menaces sont infimes s’agissant de l’Union africaine dont l’Etat actuel
des ressources ne permet pas d’envisager des interventions sans le financement de l’ONU. Or l’on
voit mal celle-ci apporter un financement à des interventions qu’elle n’aura pas au préalable
autorisé. Ensuite, il faut noter, comme l’a relevé le professeur Robert Kolb, qu’il existe des
situations dans lesquelles l’autorisation ne peut intervenir que postérieurement.1169 C’est l’exemple
des opérations initialement de maintien de la paix qui finissent par évoluer vers des opérations
d’imposition de la paix. Dans ce cas d’espèce, le recours à la force armée n’étant pas initialement
prévu dans le mandat de l’opération de paix, on pourrait néanmoins admettre que les forces armées
puissent utiliser la force armée au-delà du seuil requis pour la légitime défense et à demander
l’approbation du Conseil de sécurité après coup. Cette possibilité d’approbation ultérieure présente
un intérêt certain dans le cas de l’Afrique si l’on prend en considération le fait que la plupart des
cas d’utilisation de la force armée sur le continent l’ont été ou le sont dans le cadre d’opérations
d’imposition de la paix.

Une autre critique émise à l’encontre de la doctrine des autorisations ex post facto concerne sa
légalité en droit international. Il reste évident qu’une action coercitive armée menée sans une
autorisation préalable du Conseil de sécurité - et qui ne trouve pas non plus fondement sur la
seconde exception prévue par la Charte ou le consentement valide donné par l’Etat concernée -
demeure illicite tant qu’elle n’a pas reçu d’approbation de celui-ci. L’aval postérieur est censé
régulariser l’action en lui ôtant son caractère illicite.1170 Mais les auteurs sont partagés sur le

1168
Voir Robert KOLB, « Article 53 », op. cit., p. 1430.
1169
Ibid.
1170
Les avis sont très partagés sur les procédés par lesquels cette approbation ultérieure doit intervenir. Pour certains,
le fait pour le Conseil de sécurité de prendre acte de l’action menée sans son autorisation et même de s’en féliciter est
une forme d’approbation, voir Ana P. LLOPIS, « Le système de sécurité collective entre anarchie et fiction :

315
principe qu’une approbation ultérieure puisse agir comme une circonstance excluant l’illicéité de
l’action régionale.1171

Paragraphe II : Les arguments des tenants d’une interprétation autonomiste de l’article 4 (h)

Deux principales justifications sont avancées par les partisans de la vision autonomiste de l’article
4 (h) pour soutenir la validité de la disposition en droit international. La première se fonde sur une
lecture extensive de la règle de l’interdiction du recours à la force encapsulé à l’article 2, par. 4
(A) et la seconde évoque une nouvelle exception non prévue par le droit de la Charte (B).

A- L’argument fondé sur une lecture extensive de l’article 2 par. 4 de la Charte


Cet argument consiste à considérer que l’article 4 (h) n’est pas concernée par l’interdiction de
l’article 2, par. 4 de la Charte des Nations Unies. Une telle vision se fonde sur deux éléments :
l’intervention consentie par traité et la non-prohibition par l’article 2 par. 4 de la Charte de
l’utilisation de la force armée pour la protection des droits de l’homme.
Certains auteurs estiment, en effet, que l’intervention militaire en vertu de l’article 4 (h) de l’Union
africaine ne serait pas contraire à l’article 2, par. 4 dans la mesure où l’Etat visé aurait donné son
consentement préalable à une telle intervention par la ratification de l’Acte constitutif. Il s’agirait
en l’espèce d’une intervention consentie par traité et le consentement aurait pour effet d’exclure
l’idée d’un usage coercitif de la force interdit par l’article 2 (4) de la Charte.1172 Mais la question

observations sur la pratique récente », op. cit., pp. 1407- 1414 ; pour d’autres par contre, l’autorisation postérieure
doit être exprimée dans des termes explicites, voir Albane GESLIN, « Le pouvoir d’habilitation du Conseil de
sécurité : la délégation des pouvoirs du Conseil aux organisations internationales », Revue Belge de droit international,
Bruylant, Bruxelles, 2004, vol. 2, pp. 492-494 qui évoque la possibilité d’une autorisation postérieure pour une
opération encore en cours et qui ne peut produire que d’effet ex nunc, à condition qu’elle soit donnée dans des termes
bien explicites. Voir également Linos-Alexandre SICILIANOS, « Entre multilatéralisme et unilatéralisme :
L’autorisation par le Conseil de sécurité de recourir à la force », op. cit., pp. 202-203 qui estime que la résolution 1132
(1997) du Conseil de sécurité sur la Sierra Leone remplissait les conditions d’une autorisation ex post facto, expresse
et non équivoque et son but clair et circonscrit.
1171
Voir BOISSON De CHAZOURNES qui estime qu’une approbation ultérieure ne produit pas les mêmes
conséquences juridiques qu’une autorisation, Laurence BOISSON De CHAZOURNES, « Les relations entre
organisations régionales et organisations universelles », op. cit., p. 288 ; voir également Olivier CORTEN, Le droit
contre la guerre, op. cit., pp. 647-652.
1172
Voir Ian Brownlie, International Law and the Use of Force by States, Oxford, Clarendon Press ; Ademola ABASS,
« Consent Precluding State Responsibility : A Critical Analysis », International and Comparative Law Quarterly ,
vol. 53, janvier 2004, pp. 223-225 qui argue que lorsque les Etats, par la pratique ou par des traités donnent leur

316
se pose de savoir si de tels accords sont conformes au droit international général, particulièrement
au droit de la Charte. Pour répondre à cette question, il convient de relever tout d’abord que deux
approches doctrinales se confrontent sur la question de la validité juridique de l’intervention
fondée sur un traité. La première approche repose sur un attribut de la souveraineté de l’Etat, la
liberté contractuelle. Elle soutient que les Etats ont le droit au nom de leur souveraineté de conclure
des traités qui porteraient des restrictions sur leur souveraineté.1173 L’idée étant que si un Etat a la
possibilité d’éteindre sa souveraineté pour fusionner avec un autre par traité, il peut bien restreindre
sa souveraineté par un accord d’intervention.1174 Il s’ensuit également que si un Etat peut
valablement consentir à une intervention ad hoc, il peut régulièrement consentir par traité à une
intervention future. Mais cette approche n’a pas fait l’unanimité. Comme le relève David
Wippman, le droit international consacre certes la liberté des Etats de restreindre leur souveraineté,

consentement aux organisations internationales ou d’autres Etats d’intervenir sur des conflits qui interviendraient sur
leurs territoires, l’intervention en question, même lorsqu’elle fait appel à la force est excusée par l’article 26 du projet
d’articles sur la responsabilité des Etats ; David WIPPMAN, « Treaty-Based Intervention : Who Can Say No ? »,
University of Chicago Law Review, 1995, p. 622 qui estime que l’interdiction de l’emploi de la force figurant à l’article
2 (4) de la Charte doit etre comprise comme une interdiction de l’usage coercitif de la force sans le consentement de
l’Etat affecté ; Martin KUNSCHAK, « The African Union and the right to intervention : Is there a need for UN
Security Council autorisation ? », South African Yearbook of International Law, vol. 31 , 2006, p. 207 ; David
WIPPMAN, « Pro-democratic intervention in Africa », American Society of International Law Proceedings, vol. 96,
2002, pp. 144-145. Voir également les auteurs A. Abass et M. Baderin qui soutiennt que l’article 4 (h) symbolise une
concession à leur souveraineté juridique et politique que les Etats africains ont dû faire au profit de l’Union africaine,
Ademola ABASS and Mashood A. BADERIN, « Towards effective collective security and human rights protection
in Africa : An assessment of the Constitutive Act of the new African Union », Netherlands International Law Review,
vol. 49, 2002, pp. 18-20 ; Dan KUWALI, « Art. 4 (h) + R2P : Towards a doctrine of Persuasive Prevention to end
Mass Atrocity Crimes », Interdisciplinary Journal of Human Rights Law, vol. 3, no1, 2008-2009, p. 68 ; Dan
KUWALI, « Protect Responsibly : The African Union’s Implementation of Article 4 (h) Intervention », Yearbook of
International Humanitarian Law, vol. 11, 2008, pp. 66-67.
1173
Voir Robert JENNINGS and Arthur WATTS, Oppenheim’s International Law, Longman, 9e éd., vol. I, 1992, p.
446, par. 131 (5) ; Ian Brownlie, International Law and the Use of Force by States, Oxford, 1963, p. 321 ; Percy H.
WINFIELD, « The Grounds of Intervention in International Law », British Yearbook of International Law,vol. 5,1924,
pp. 155-159 ; Oscar SCHACHTER, « The Right of States to Use Armed Force », Michigan Law Review, vol. 82,
No.5/6, Mai 1984, p. 1645 ; A Van Wynen Thomas and AJ Thomas, Jr, Non-Intervention: The Law and Its Import in
the Americas, Southern Methodist University Press, 1956, p. 92.
1174
Cette approche tire fondement de l’Affaire Wimbledon dans laquelle la Cour permanente déclarait que : « le droit
de conclure des engagements internationaux est un attribut de la souveraineté », CPJI, Affaire du vapeur Wimbledon,
arrêt du 17 août 1923, Série A no1, p. 25. Voir sur l’analyse de cette approche qualifiée de « freedom to contract
model », David WIPPMAN, « Treaty-Based Intervention: Who Can Say No? », op. cit., pp. 616-618. Voir aussi David
WIPPMAN, « Pro-democratic intervention by invitation » in G. Fox, B. Roth (eds.), Democratic Governance and
International Law, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, pp.312-313.

317
mais cela n’implique pas qu’il n’impose aucune limite à la liberté contractuelle de l’Etat.
L’existence de normes impératives qui sont par définition des normes auxquelles les Etats ne
peuvent déroger, ni modifier d’un commun accord prouve que le droit international impose tout
de même des limites à la liberté de contracter des Etats.1175 La question reste celle de savoir si
l’interdiction de l’emploi de la force armée est une limite à la liberté des Etats de consentir par
accord d’intervention a priori.
La seconde approche en revanche soutient que les traités autorisant une intervention extérieure sur
le territoire d’un autre Etat sont nuls ab initio parce qu’ils entrent en conflit avec les normes
impératives du droit international destinées à protéger la souveraineté, l’intégrité territoriale et
l’indépendance politique des Etats.1176 Les auteurs de cette approche estiment que même si les
Etats disposent d’une liberté contractuelle, ils ne peuvent modifier l’application ou la dérogation
inter se de normes impératives, notamment, celle interdisant le recours à la force armée. Ce qui
implique que le consentement préalable de l’Etat par sa ratification d’un traité qui autorise une
intervention n’est pas valable du fait de la nature impérative de l’article 2 (4) de la Charte.1177 Le
consentement de l’Etat ne saurait être une circonstance excluant l’illicéité en matière de recours à
la force armée par une Organisation régionale sans une autorisation préalable du Conseil de
sécurité.1178

1175
David WIPPMAN, « Treaty-Based Intervention: Who Can Say No? », op. cit., p. 618.
1176
Ibid., p. 611 et p. 615.
1177
Voir sur les auteurs opposés au traité d’intervention, Louise DOSWALD-BECK, « The Legal Validity of Military
Intervention by Invitation of the Government », British Yearbook of International Law, 1985, pp. 244-250 ; Louis
HENKIN, « The invasion of Panama Under International Law : A Gross Violation », Columbia Journal of
Transnational Law, vol. 29, 1991, pp. 293-309 ; Michael W. REISMAN, « Termination of the USSR’s Treaty Right
of Intervention in Iran », American Yearbook of International Law, vol.74, 1980, pp. 150-153 ; Olivier CORTEN, Le
droit contre la guerre, op. cit., p. 565 ; Christine GRAY, International Law and the Use of Force by States, op. cit.,
p. 53.Voir également Mohammed BENNOUNA qui souligne à propos de l’article 2 (4) que : « c’est à cet article qu’on
se réfère le plus souvent, dans la pratique internationale, lorsque la question de l’ingérence consentie est soulevée »,
Mohammed BENNOUNA, Le consentement à l’ingérence militaire dans les conflits internes, Paris, Librairie générale
de droit et de juridprudence, 1974 , p. 75.
1178
Voir l’article 26 du projet d’articles sur la responsabilité des Etats, qui précise qu’aucune circonstance excluant
l’illicéité ne peut être admise pour « tout fait de l’Etat qui n’est pas conforme à une obligation découlant d’une norme
impérative du droit international général », Rapport de la Commission du droit international pour sa cinquante-
troisième session, doc. A/56/10, 1er octobre 2001, p. 221. Voir aussi l’article 25 du projet d’articles sur la responsabilité

318
Une troisième approche qui intègre des éléments des deux approches exposées est proposée par
David Wippman. Elle consiste à prendre en considération la validité du consentement donné par
les Etats. Pour l’auteur, la validité d’un traité autorisant une intervention extérieure dépend de la
validité du consentement de l’Etat et de la possibilité pour celui-ci de le révoquer ultérieurement.
Ainsi, pour que le traité d’intervention soit valide, il faudra que l’Etat ait donné un consentement
valide au moment de la conclusion du traité, et qu’il conserve la faculté de révoquer un tel
consentement à tout moment. Cette approche qui fait une synthèse des deux autres semble
intéressante mais ne parait pas très réaliste à notre sens. D’abord, les traités d’intervention a priori
ne portent pas exclusivement que sur l’intervention, il peut arriver bien souvent que ce soit des
traités constitutifs qui intègrent la possibilité d’intervention par une disposition spécifique comme
c’est le cas de l’article 4(h) de l’Acte constitutif. La question se pose de savoir comment l’Etat
révoque t- il la seule disposition qui porte sur l’intervention tout en restant membre de
l’Organisation régionale, sans avoir à procéder à un retrait total de l’Organisation régionale. Les
Organisations régionales aménagent en général la possibilité de mettre fin à sa qualité de membre,
mais ne permet pas la révocation d’une seule disposition de l’Acte constitutif. De plus, l’article
4(h) sera dénué de tout intérêt si l’Union africaine accordait la faculté aux Etats membres de
révoquer la disposition à tout moment, dans le sens où le gouvernement responsable de la
commission de crimes qui pourraient fondés une intervention aura vite fait de révoquer la
disposition pour empêcher l’Union d’agir sur son territoire.
La seconde branche de la lecture extensive de l’article 2 (4) de la Charte consiste à interpréter la
disposition comme visant le recours à la force armée portant atteinte à l’intégrité territoriale ou à
l’indépendance politique de l’Etat, ou de toute autre façon qui soit incompatible avec les buts des
Nations Unies. L’utilisation de la force armée pour contrer la commission de crimes visés par
l’article 4 (h) ne peut être considérée comme un recours prohibé par l’article 2 (4) de la Charte.1179

des organisations qui mentionne semblable énonciation, Rapport de la Commission du droit international pour sa
soixante et unième session, doc. A/64/10, 25 septembre 2009, p. 108.
1179
Voir Kithure KINDIKI qui soutient que l’intervention au titre de l’article 4 (h) ne porte pas atteinte à l’intégrité
territoriale ni à l’indépendance politique des Etats africains membres de l’Union africaine, Kithure KINDIKI, « The
normative and institutional framework of the African Union relating to the protection of human rights and the
maintenance of international peace and security : A critical appraisal », African Human Rights Law Journal, vol. 3,

319
Cet argument emprunté aux partisans de l’intervention humanitaire renvoie à l’idée qu’un tel usage
de la force n’est dirigé ni contre « l’intégrité territoriale », ni contre « l’indépendance politique »
de l’Etat, les deux éléments spécifiés à l’article 2 (4) de la Charte.1180 Il est mis en concurrence
deux normes impératives dont la violation de l’une servirait à assurer le respect de l’autre.1181 Pour
ces auteurs, une intervention militaire pour prévenir ou mettre fin à des violations massives des
droits de l’homme n’est en aucune manière une utilisation de la force armée de manière
incompatible avec les buts des Nations Unies. La licéité du recours unilatéral de la force armée
pour la protection des droits de l’homme reste pourtant très controversée en droit international.1182
L’interprétation restrictive de l’article 2 (4) défendue par des auteurs majoritaires semble
l’emporter.1183 Il est ainsi avancé qu’une lecture textuelle de la Charte révèle une interdiction de
tout recours unilatéral à la force armée sous réserves exclusivement de la légitime défense et d’une
action autorisée par le Conseil de sécurité. La Charte n’a pas prévu d’exception à l’article 2 (4)

2003, p. 107 ; Pour les auteurs A. Abass et M. Baderin, l’interdiction d’intervention est une restriction que le droit
international impose aux Etats dans le but de protéger l’indépendance des autres membres de la communauté
internationale, de ce fait, l’interdiction du recours à la force ne devrait pas s’appliquer à une action collective entreprise
dans l’intérêt general des Etats ou pour l’application collective du droit international, Ademola ABASS and Mashood
A. BADERIN, « Towards effective collective security and human rights protection in Africa : An assessment of the
Constitutive Act of the new African Union », op. cit., p. 19 ; Dan KUWALI, « Persuasive Prevention : Towards a
principle for Implementing Article 4 (h) and R2P by African Union », Current African Issues, vol. 42, 2009, p. 19 ;
Jeremy I. LEVITT, « The Peace and Security Council of African Union : The known Unknowns », op. cit., p. 130 ;
Dan KUWALI, « Protect Responsibly : The African Union’s Implementation of Article 4 (h) Intervention », op. cit.,
p. 68. Voir également Y. Dinstein qui estime que du fait que l’article 4 (h) traite d’affaires intra-étatiques, il serait
hors du champs d’application de l’article 2 (4) qui reglemente la menace ou l’utilisation de la force dans les relations
interétatiques des Etats membres des Nations Unies, Yoram DINSTEIN, War, Aggression and Self-Defence, 4th ed.,
Cambridge, Cambridge University Press, 2005, p. 80.
1180
Voir entre autres Simon CHESTERMAN, Just war or just peace ? : Humanitarian intervention and international
law, Oxford, Oxford University Press, 2001, pp. 47-53 ; Fernando R. TESON, Humanitarian Intervention : An Inquiry
into Law and Morality, Ardsley N. Y., Transnational Publishers, 3rd ed., 2005, pp. 186-202 ; Oscar SCHACHTER, «
The Legality of Pro-Democratic Invasion », American Journal of International Law, vol.78, 1984, p. 649, Rudolf
BERNHARDT, Encyclopedia of Public International Law, Amsterdam, Elsevier , 1995, vol. 2, p. 927.
1181
Ces deux normes sont généralement acceptées comme des normes impératives de « jus cogens », même s’il
convient selon Robert KOLB, de procéder à une distinction entre le degré d’impérativité à rattacher à chaque notion,
voir Robert KOLB, « Conflits entre normes de jus cogens », in Droit du pouvoir, pouvoir du droit : mélanges offerts
à Jean Salmon, Bruxelles, Bruylant, 2007, pp. 485-492.
1182
Voir Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., p. 798, et p. 799.
1183
Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., pp. 795-872 ; Robert KOLB, « Conflits entre normes de jus
cogens », op. cit., pp. 496-497. Voir également Martin KUNSCHAK, « The African Union and the right to
intervention: Is there a need for UN Security Council autorisation? », op. cit., p. 207.

320
pour prévenir ou mettre fin à des atrocités de masse, bien que la protection des droits de l’homme
soit un des principaux buts des Nations Unies.
B- L’argument d’une institutionnalisation d’un droit d’intervention humanitaire

L’article 4(h) ne fait pas de précisions sur la nature du « droit d’intervention » qu’elle consacre.
Nombre d’auteurs dont certains sont favorables à la doctrine de l’intervention humanitaire
considèrent pourtant la disposition comme entérinant un droit d’intervention humanitaire.1184
D’autres, plus modérés parlent de « responsabilité de protéger ».1185 Mais, s’il est vrai que l’article
4 (h) ne se limite pas à l’intervention humanitaire, il la contient (1). Aussi, l’article présente certes
une proximité conceptuelle avec la notion de responsabilité de protéger, mais il ne saurait
juridiquement y être assimilé (2).

1- L’article 4 (h) : un droit d’intervention au-delà du droit d’intervention humanitaire

Il n’est pas aisé de répondre à la question sur la nature juridique de l’article 4 (h). L’on ne saurait
dire si les rédacteurs de l’Acte constitutif ont délibérément fait le choix de ne pas apporter plus de
précisions. Toujours est-il que la disposition qui présente une grande ressemblance avec le « droit
d’intervention humanitaire », ne se résume cependant pas à ce seul concept.

En effet, il convient de noter qu’il n’existe pas de définition unanimement reconnue de la notion
de droit d’intervention humanitaire qui a donné lieu et continue toujours d’inspirer diverses
interprétations et controverses.1186 Néanmoins, l’usage courant que l’on fait de l’expression de nos

1184
Voir de façon sélective, Robert KOLB qui parle d’« une institutionnalisation du droit d’intervention humanitaire,
auquel la pointe acérée de l’unilatéralisme est enlevée par une prise de décision collective », Robert KOLB, « article
53 », op. cit., p.1421 ; Laurence BOISSON DE CHAZOURNES, « Les relations entre organisations régionales et
organisations universelles », op. cit., p. 290 ; Adulqawi A. YUSUF, « The Right of Intervention by the African Union:
A New Paradigm in Regional Enforcement Action? », op. cit., pp.16-20 ; Guillaume ETIENNE, « L’article 2,
paragraphe 7, de la Charte des Nations Unies : Une lecture à la lumière de la pratique récente de l’Assemblée générale
et du Conseil de Sécurité des Nations Unies », African Yearbook of International Law, vol. 11, 2003, pp. 256-261.
1185
Dan KUWALI, « Protect Responsibly: the African Union’s implementation of article 4 (h) intervention »,
Yearbook of International Humanitarian Law, vol.11, 2008, p. 52; Abass ADEMOLA, « Regional Perspectives:
Africa », in The Responsibility to Protect: The promise of Stopping Mass Atrocies in our Time, Oxford, Oxford
University Press, 2012, pp. 109-135.
1186
Voir de façon selective Vaughan LOWE and Antonios TZANAKOPOULOS, « Humanitarian Intervention », Max
Planck Encyclopedia of Public International Law, Rudiger Wolfrumed, Oxford University Press, 2012, p. 47; David
SCHEFFER, « Toward a Modern Doctrine of Humanitarian Intervention », University of Toledo Law Review, vol. 23,

321
jours permet de lui reconnaître une signification assez largement admise.1187 Ainsi, nous adoptons
dans le cadre de la présente étude l’intervention humanitaire qui renvoie à l’usage de la force armée
dans le but de prévenir ou de mettre fin à des violations flagrantes et massives des droits de
l’homme et du droit international humanitaire.1188 Cette définition qui ne fait pas l’unanimité fait
cependant ressortir les éléments essentiels qui caractérisent la notion.

Il s’agit en premier lieu d’une action essentiellement militaire, et non pas économique,
diplomatique ou judiciaire. Ce choix se justifie par l’idée que les interventions non armées étant
permises en droit international, il peut être fait recours à elles dans les limites permises par le droit
international.1189 A cette considération s’opposent cependant certains auteurs qui estiment qu’ : «
[il] n’y a aucune raison de ne pas retenir une notion d’intervention humanitaire couvrant toute la panoplie des mesures

1991-1992, pp. 253-293; Mario BETTATI & Bernard KOUCHNER, Le devoir d’ingérence: peut-on les laisser
mourir? Paris, Denoël, 1987 ; Mario BETTATI, « un droit d’ingérence ? », op. cit., pp. 639-670; Olivier CORTEN,
le droit contre la guerre, op. cit., p.737 et ss ; Olivier CORTEN et Pierre KLEIN, Droit d'ingérence ou obligation de
réaction ?, Bruxelles, Bruylant, 1992, pp.110-164 ; Robert KOLB, « Note on humanitarian intervention », Revue
Internationale de la Croix-Rouge, vol. 85 n°849, mars 2003, pp.119-134 ; Robert KOLB, « article 53 », op.cit.,
pp.1419-1423 ; Anne RYNIKER, « Position du Comité international de la Croix-Rouge sur l' «intervention
humanitaire », Revue Internationale de la Croix-Rouge, vol. 83, n° 842, Juin 2001, p. 521.
1187
Comme le note Luigi Condorelli, à propos de la notion d’« intervention humanitaire » : « Malheureusement
chacun d’eux a une insigne pluralité de sens dans le langage juridique international. Il est vrai cependant que l’usage
courant qu’on en fait à l’heure actuelle, lorsqu’on les met ensemble, permet de leur reconnaitre une sorte de
signification assez largement admise, quoiqu’aux contours extraordinairement flous : une signification à l’intérieur
de laquelle tout le discours doit (et peut aisément) être maintenu », Luigi CONDORELLI, « intervention humanitaire
et /ou assistance humanitaire ? Quelques certitudes et beaucoup d’interrogations », Conférence donnée à Doha –
Quatar, en mars 1994, Questions juridiques internationales dans le cadre de la décennie des Nations Unies pour le
droit international, in Najeeb M. AL-NAUIMI & Richard MEESE, (ed), International Legal Issues Arising under the
United Nations Decade of International Law, The Hague, London, Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 1995, p.1000.
1188
Définition inspirée de celle du Danish Institute of International Affairs, Humanitarian Intervention, Legal and
Political Aspects qui définit l’intervention humanitaire : « as coercive action by States involving the use of armed
force in another State without the consent of its government, with or without authorization from the United Nations
Security Council, for the purpose of preventing or putting to a halt gross and massive violations of human rights or
international humanitarian law», Danish Institute of International Affairs, Humanitarian Intervention, Legal and
Political Aspects, 1999, p. 11.
1189
Robert KOLB, « Article 53 », op. cit., p.1419 ; Robert KOLB, « Note on humanitarian intervention », op. cit., pp.
119-120 ; Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., p. 738.

322
urgentes susceptibles d’être adoptées au plan international face à des besoins humanitaires graves auxquels l’Etat
territorialement compétent ne répond pas… ».1190

En second lieu, l’action militaire doit être non seulement unilatérale, mais aussi sans le
consentement de l’Etat victime de l’intervention. Elle ne doit pas être menée sur la base d’une
autorisation du Conseil de sécurité, dans le sens où selon le Professeur Robert Kolb, cette
autorisation viderait le contenu de toute la controverse sur le « droit d’intervention
humanitaire ».1191 En ceci qu’il semble être admis de nos jours que le Conseil de sécurité accorde
une autorisation d’intervention à une Organisation régionale sur la base du chapitre VII dans le but
de faire cesser des violations massives des droits de l’Homme.1192 De même, une intervention
menée sur la base d’un consentement donné par l’Etat sur le territoire duquel elle se déroule est
assimilée à une intervention sur invitation ou sollicitée et ne pourrait être qualifié d’intervention
selon certains auteurs.1193

En troisième lieu, l’action coercitive armée doit viser des desseins humanitaires. Il faut toutefois
relever que la détermination du caractère humanitaire d’une intervention militaire n’est pas
toujours aisée. L’on se souviendra que parmi les critiques faites à la doctrine de l’intervention
humanitaire figure en bonne place la poursuite de desseins inavoués sous le couvert de buts
humanitaires.1194 A défaut de moyens de vérification des intentions des acteurs intervenants, la

1190
Voir Luigi CONDORELLI, « intervention humanitaire et /ou assistance humanitaire ? Quelques certitudes et
beaucoup d’interrogations », op. cit., p.1002
1191
Voir Robert KOLB, « Note on humanitarian intervention », op. cit., pp.119-120.
Voir sur cet argument Mirko ZAMBELLI, La constation des situations de l’article 39 de la Charte des Nations
1192

Unies par le Conseil de sécurité, Genève /Bale/, Munich, 2002, pp. 201 et s.
1193
L’argument de ces auteurs consiste à dire que le consentement privait l’intervention de l’un de ses éléments
essentiels, la contrainte. Voir par exemple THOMAS And THOMAS, Non-intervention. The law and its Import in the
America, op. cit., p. 91 « if consent is given freely, there is no imposition of will… This type of interference cannot
be called an intervention”. Sur la question de l’intervention sollicitée voir de façon générale Théodore CHRISTAKIS
& Karine MOLLARD-BANNELIER, « Volenti non fit injuria? Les effets du consentement à l'intervention militaire »,
Annuaire français de droit international, vol. 50, 2004. pp. 102-137, disponible sur
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_2004_num_50_1_3789; Louise
DOSWALD-BECK, « The Legal Validity of Military Intervention by Invitation of the Government », British
Yearbook of International Law, 1985, pp. 189-252.
1194
Voir sur ce point par exemple, Mohamed BENNOUNA, « De l’ingérence humanitaire à la tutelle internationale.
La sécurité collective en question », in Sécurité collective et crises internationales, Actes des Journées d’études de

323
doctrine admet que la seule mention officielle d’objectifs humanitaires suffit pour fonder la
qualification d’une action militaire d’« intervention humanitaire ».1195 Que déduire alors de la
nature de l’article 4 (h), ces trois éléments pris en considération ?

Premièrement, comme déjà relevé dans le propos introductif de l’étude, l’article 4(h) ne renvoie
pas essentiellement à des actions coercitives armées. Dans les premiers moments de l’adoption de
l’Acte constitutif, une majorité doctrinale soutenait une interprétation restrictive de la disposition.
Pour ces auteurs, l’intervention visée par l’article 4 (h) se résume essentiellement à une action
militaire. Abdulqawi YUSUF se fonde par exemple sur un passage de l’article 13 du Protocole
relatif au CPS disposant que : « Pour permettre au Conseil de paix et de sécurité d'assumer ses
responsabilités en ce qui concerne le déploiement de missions d'appui à la paix et l'intervention,
conformément à l'article 4 (h) et (j) de l'Acte constitutif, il est créé une Force africaine
prépositionnée » pour déduire que l’intervention dont il est question doit être considérée comme
une action coercitive impliquant l’usage de la force armée au sein d’un Etat membre sans son
consentement.1196 Pour l’auteur, la lecture cumulée de l’Acte constitutif de l’Union Africaine et
du Protocole relatif au Conseil de paix permet d’exclure les autres formes d’intervention
préconisées par la Commission internationale pour ne retenir que l’intervention militaire armée à
des fins humanitaires.1197 Pour Kithure Kindiki aussi, les modalités d’intervention en vertu de
l’article 4 (h) n’étant pas indiquées, mais étant donné que l’intervention motif de circonstances

Toulon, Paris, La documentation française, pp. 312-313 ; Le droit d’ingérence est-il une nouvelle légalisation du
colonialisme? Actes du Colloque organisé par l’Académie du Royaume du Maroc, Rabat, 14-16 octobre 1991.
1195
Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., p. 797.
1196
L’article 13 postule la création d’une force africaine prépositionnée dans le but de répondre aux besoins de la mise
en œuvre du droit d’intervention tel que postulé par l’article 4 (h) et (j). La force prépositionnée en question est
constituée de contingents multidisciplinaires en attente avec des composantes civiles et militaires, stationnés dans leur
pays d’origine, et prêts à être déployés aussitôt que requis. Le déploiement de ces contingents sur le territoire d’un
État membre est forcément synonyme d’une action militaire, voir Abdulqawi A. YUSUF, « The Right of Intervention
by the African Union : A New Paradigm in Regional Enforcement Action ? », op. cit. pp. 9-10.
1197
La CIISE prévoit plusieurs autres formes d’intervention dans le cadre de la mise en œuvre de la responsabilité de
protéger : il s’agit de mesures d’ordre politique, économique ou judiciaire, l’intervention militaire est prévue
seulement dans les cas extrêmes. Voir le Rapport de la Commission Internationale de l’Intervention et de la
Souveraineté des États, La responsabilité de protéger, publié par le Centre de recherches pour le développement
international, Ottawa (Ontario) Canada, décembre 2001, pp. 33-34, disponible sur http : //www.crdi.ca.

324
graves consiste à mettre fin à de violations flagrantes de droits de l’homme notamment les crimes
de guerre, le génocide et les crimes contre l’humanité, on peut bien en déduire qu’il s’agit sans nul
doute d’une action coercitive armée.1198Dans le même sens, Martin Kunschak note que seule la
force militaire peut contenir raisonnablement ces crimes.1199

Ces arguments emporteraient conviction si une pratique récente de mise en œuvre de l’article 4 (h)
ne venait pas contredire cette vision restrictive de la disposition. En outre, l’Union africaine a fait
récemment plusieurs fois référence à l’article 4 (h) dans ses déclarations relatives au procès
d’Hissène Habré.1200 Ce qui implique que l’intervention au sens de l’article 4 (h) ne se réduit pas
à des actions militaires, mais inclut des actions non coercitives, notamment judiciaires.1201

Deuxièmement, sur le second élément caractéristique de l’intervention humanitaire, il ressort de


nos précédents développements que la volonté initiale des rédacteurs était de mettre en place un
cadre d’intervention sans autorisation préalable du Conseil de sécurité. Cette ambition se trouve
certes momentanément dévoyée, mais il n’en reste pas moins que l’article 4 (h) implique une
intervention sans autorisation préalable du Conseil de sécurité.

Troisièmement, les finalités humanitaires de l’article 4 (h) ne semblaient pas faire l’objet de débats.
Dans sa formulation originelle, il était question d’actions visant à mettre fin à des violations les
plus graves des droits de l’homme. Les motifs humanitaires sont ici évidents s’agissant de faire
face à des violations massives de droits de l’Homme que divers instruments internationaux

1198
Kithure KINDIKI, « The normative and institutional framework of the African Union relating to the protection of
human rights and the maintenance of international peace and security: A critical appraisal », op. cit., p. 107.
1199
Martin KUNSCHAK, « The African union and the right to Intervention: Is There a need for un security council
Authorisation? », South African Yearbook of International Law, vol. 31, 2006, p.198.
1200
Voir UA, Décision sur le procès d’Hissène Habré, Doc. Assembly/AU/3 (VII), 2 juillet 2006, par. 3 ; UA,
Décision sur le procès Hissène Habré, Doc. Assembly/AU/9 (XVI), 31 janvier 2011, par.4 et UA, Décision sur le
procès d’Hissène Habré, Doc. Assembly/AU/8 (XVII), 1 er juillet 2011, par. 2.
Voir dans cette tendance d’interprétation, Abass ADEMOLA, « Regional Perspectives: Africa », op.cit., pp. 117-
1201

122.

325
qualifient de « crimes internationaux ».1202 Mais les évidences s’estompent dès lors qu’il est
question d’action militaire en cas de menace grave de l’ordre légitime afin de restaurer la paix et
la stabilité dans l’Etat membre de l’Union sur la recommandation du Conseil de Paix et de sécurité
tel qu’amendé par le protocole sur les amendements à l’Acte constitutif de l’Union africaine.1203
La question se pose de savoir si l’on doit considérer l’intervention militaire pour des motifs de
menace grave de l’ordre légitime d’un Etat membre afin d’y restaurer la paix et la sécurité comme
ayant des finalités humanitaires. C’est d’ailleurs en toute logique que ce motif additionnel a donné
lieu à de vives critiques au regard de son contenu imprécis flou et sujet à des controverses.1204 En
effet, à la différence des motifs de circonstances graves à savoir les crimes de guerre, le génocide
et les crimes contre l’humanité dont les définitions sont bien établies en droit international, le motif
de menace grave à l’ordre légitime n’est nulle part défini. A quoi peut bien renvoyer l’ordre
légitime d’un Etat ? Que recouvre le terme « menace grave » ? L’on se demande bien sur la base

1202
Voir entre autres, Pour le génocide, voir la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
du 9 décembre 1948, l’article 6 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998, l’article 4 du
Statut du Tribunal pénal international pour l’Ex-Yougoslavie du 25 mai 1993, l’article 2 du Statut du Tribunal pénal
international pour le Rwanda du 08 novembre 1994 ; concernant les crimes contre l’humanité, on peut noter l’article
7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998, l’article 5 du Statut du Tribunal pénal
international pour l’Ex-Yougoslavie du 25 mai 1993, l’article 3 du Statut du Tribunal pénal international pour le
Rwanda du 08 novembre 1994 ainsi que la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes
contre l’humanité du 26 novembre 1968 ; sur les crimes de guerre, on pourrait s’en tenir notamment aux Conventions
de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels de 1977, l’article 8 du Statut de la Cour pénale internationale du
17 juillet 1998, les articles 2 et 3 du Statut du Tribunal pénal international pour l’Ex-Yougoslavie du 25 mai 1993,
l’article 4 du Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda du 08 novembre 1994 et la Convention sur
l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité du 26 novembre 1968 ; sans oublier la
foisonnante jurisprudence des tribunaux ad hoc et celle de la Cour pénale internationale qui a permis d’apporter des
éléments nouveaux dans la définition de ces crimes.
1203
Voir UA, article 4 du Protocole sur les amendements à l’Acte constitutif de l’Union africaine, adopté par la 1ere
session extraordinaire de la Conférence de l’UA, le 3 février 2003, non encore en vigueur. Son entrée en vigueur est
prévue au trentième jour suivant le dépôt des instruments de ratification par les deux tiers des États membres de
l’Union. A la date du 1 avril 2016, seuls vingt-huit (28) États sur les cinquante-quatre (54) États ont ratifiés et procédés
au dépôt des instruments de ratification, voir sur l’état des ratifications
http://www.au.int/en/sites/default/files/treaties/7785-sl-amendments_to_the_constitutive_act_0.pdf, consulté le 19
janvier 2017.
1204
Evarist BAIMU and Kathryn STURMAN, « Amendment to the African union’s right to intervene a shift from
human security to regime security? », African Security Review, vol. 12, 2003, pp.37-45 ; Hajer GUELDICH, Droit
d’ingérence et interventions humanitaires : état du droit et de la pratique internationale, thèse soutenue à l’Université
de Tunis, 2008, pp. 474-475; Sabelo GUMEDZE, «The African Union and the Responsability to protect», African
Human Rights Law Journal, vol. 10, no1, 2010, p. 149.

326
de quels critères l’Union africaine se fondera pour qualifier un régime d’un Etat membre d’ordre
légitime si la notion même de légitimité politique est par essence une notion très relative. 1205 On
pourrait également s’interroger sur le seuil d’intensité de menace susceptible de déclencher la mise
en œuvre de l’article 4 (h). Des révoltes populaires qui mènent à des chutes de régime pourraient-
elles par exemple tomber sous le coup de ce motif d’intervention ?1206 Autant de questionnements
qui laissent présager d’une mise en œuvre incertaine.

Qui plus est, l’entrée en vigueur de ce motif d’intervention risque fortement d’écarter l’article 4
(h) de ses desseins initiaux, ceux de garantir le respect des droits de l’homme et du droit
humanitaire en Afrique.

Il semble dès lors difficile de qualifier une action armée au motif de menace grave de l’ordre
légitime d’un Etat membre d’intervention humanitaire. Le but étant manifestement en l’espèce
d’assurer la stabilité de régimes politiques des Etats membres.

Finalement, les acteurs africains eux-mêmes font rarement référence à l’article 4 (h) comme un
droit d’intervention humanitaire1207. Ils l’interprètent plutôt comme un droit d’intervention
africain.

2- L’article 4 (h) et la responsabilité de protéger

L’article 4 (h) a également été considéré par certains comme une institutionnalisation du principe
de la responsabilité de protéger à l’échelle régionale.1208 Or s’il s’avère que la disposition présente

1205
Voir pour une analyse sur cet amendement, Alimata DIALLO, « Le droit d’intervention de l’Union africaine au
motif de « menace grave à l’ordre légitime : état des lieux et perspectives de mise en œuvre », Revue juridique et
politique des États francophones, 70e année, no1, janvier-mars, 2016, pp. 154-181.
Evarist BAIMU and Kathryn STURMAN, « Amendment to the African union’s right to intervene a shift from
1206

human security to regime security? », op. cit., p. 6


1207
Voir sur ce point les interviews réalisées par Carolyn Haggis, Carolyn HAGGIS, The African Union and
Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001 Constitutive Act, op. cit., pp. 226-229.
1208
Voir dans un premier temps le Rapport annuel du Groupe de travail spécial du Conseil de sécurité sur la
prévention et le règlement des conflits en Afrique de 2005 qui soutient que le concept de « responsabilité de protéger
» a trouvé une expression pratique dans les mécanismes africains de gestion des conflits, Rapport annuel du Groupe
de travail spécial du Conseil de sécurité sur la prévention et le règlement des conflits en Afrique pour 2005,

327
des confins conceptuels avec la responsabilité de protéger, il n’en demeure pas moins qu’il serait
exagéré de la considérer comme son parfait équivalent au niveau régional africain.1209 La
responsabilité de protéger est le fruit d’un long processus de débats et de controverses sur les
actions armées aux fins de protection des droits de l’homme et du droit humanitaire. La notion a
fait son apparition dans la foulée de l’intervention de l’OTAN en République fédérale de
Yougoslavie (RFY) qui avait ravivé les débats sur le droit d’intervention humanitaire. Le concept
sera cependant présenté et développé par la Commission internationale de l’intervention et de la
souveraineté des Etats (CIISE), qui avait reçu la mission d’analyser l’ensemble des questions
juridiques, morales, opérationnelles et politiques qui se posent dans le domaine de l’intervention
et de la souveraineté des Etats.1210 La « responsabilité de protéger » sera le titre donné au rapport
final de la Commission. Les conclusions de la réflexion de la CIISE qui ont contribué à clarifier et
à assainir les controverses et les ambiguïtés sur la problématique de l’intervention humanitaire1211
sont reprises en 2005 par le rapport du Groupe de Haut Niveau sur les menaces, les défis et le
changement.1212 La notion acquiert toutefois une reconnaissance juridique lorsqu’elle est entérinée
par le Document final adopté à l’occasion du Sommet mondial tenu en septembre 2005. Ainsi,

S/2005/833, Annexe 1, Rapport du Séminaire sur la « Coopération entre l’Organisation des Nations Unies et les
organisations régionales africaines dans le domaine de la paix et de la sécurité », New York, 15 décembre 2005, p. 16,
par. 9 et 10. Voir également la déclaration du Nigéria de juillet 2009 selon laquelle : « Le concept de responsabilité
de protéger n’est pas nouveau, puisqu’il est fondé sur le droit international humanitaire et des droits de l’homme. Son
essence est inscrite dans l’article 4 (h) de l’Acte constitutif de l’Union africaine », A/63/PV.98, 24 juillet 2009, p. 29 ;
plusieurs autres pays africains dont l’Afrique du Sud (A/63/PV.98, 24 juillet 2009, p. 17), le Kenya (A/63/PV. 101,
28 juillet 2009, p. 3), le Rwanda (A/63/PV. 99, 24 juillet 2009, p. 22), le Swaziland (A/63/PV.100, 28 juillet 2009, p.
22) ou le Ghana ( S/PV. 6360, 16 juillet 2010, p. 36) ont également soutenu que les paragraphes 138 et 139 de la
résolution pouvaient être considérés comme une transposition à l’échelle mondiale des principes contenus dans
l’article 4 (h) de l’Acte constitutif de l’Union africaine. Sur la doctrine, voir Dan KUWALI, « Protect Responsibly :
the African Union’s implementation of article 4 (h) intervention », Yearbook of International Humanitarian Law,
vol.11, 2008, p. 52.
1209
Nabil HAJJAMI, La responsabilité de protéger, op. cit., p. 459.
1210
Rapport de la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États (CIISE), La
responsabilité de protéger, Centre de recherche pour le développement international, Ottawa, 18 décembre 2001, p.
VIII.
1211
Nabil HAJJAMI, La responsabilité de protéger, op. cit., p. 25.
1212
A/59/565, Un monde plus sûr, notre affaire à tous, Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau sur les
menaces, les défis et le changement, 2 décembre 2004, pp. 61-63, par. 203-209.

328
dans la résolution A/RES/60/1 approuvée par consensus à la 60e session ordinaire de l’assemblée
générale des Nations unies, la responsabilité de protéger est énoncée dans une section du document
intitulée : « Responsabilité de protéger les populations contre le génocide, les crimes de guerre, le
nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité », aux paragraphes 138 et 139.1213 Ce sont ces
deux dispositifs qui ont été considérés comme une reproduction à l’échelle mondiale des principes
renfermés par l’article 4 (h). Le droit d’intervention encapsulé par l’article 4 (h) partage certes une
base conceptuelle avec les deux paragraphes sus cités, mais ces deux textes ne sont pas analogues.

Une première divergence fondamentale entre l’article 4 (h) et les paragraphes 138 et 139 de la
résolution peut être relevée dans la terminologie employée par les deux textes. En effet, l’article 4
(h) énonce un « droit » d’intervention qui implique manifestement une faculté et non une obligation
à la charge de l’Union africaine. La formulation de la disposition suggère un pouvoir
discrétionnaire d’user ou non de l’article 4 (h), sans aucune idée de contrainte à l’action dès lors
que les trois crimes indiqués sont en commission. Le choix du terme « droit » a également pour
conséquence de placer l’article 4 (h) dans une sphère juridique, excluant par conséquent du

1213
Les paragraphes sont ainsi formulés : « 138. C’est à chaque État qu’il incombe de protéger ses populations du
génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité. Cette responsabilité consiste
notamment dans la prévention de ces crimes, y compris l’incitation à les commettre, par les moyens nécessaires et
appropriés. Nous l’acceptons et agirons de manière à nous y conformer. La communauté internationale devrait, si
nécessaire, encourager et aider les Etats à s’acquitter de cette responsabilité et aider l’Organisation des Nations unies
à mettre en place un dispositif d’alerte rapide.
139. Il incombe également à la communauté internationale, dans le cadre de l’Organisation des Nations unies, de
mettre en œuvre les moyens diplomatiques, humanitaires et autres moyens pacifiques appropriés, conformément aux
chapitres VI et VIII de la Charte, afin d’aider à protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du
nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité. Dans ce contexte, nous sommes prêts à mener en temps voulu une
action collective résolue, par l’entremise du Conseil de sécurité, conformément à la Charte, notamment son chapitre
VII, au cas par cas et en coopération, le cas échéant, avec les organisations régionales compétentes, lorsque ces moyens
pacifiques se révèlent inadéquats et que les autorités nationales n’assurent manifestement pas la protection de leurs
populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité. Nous
soulignons que l’Assemblée général doit poursuivre l’examen de la responsabilité de protéger les populations du
génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité et des conséquences qu’elle
emporte, en ayant à l’esprit les principes de la Charte et du droit international. Nous entendons aussi nous engager,
selon qu’il conviendra, à aider les Etats à se doter des moyens de protéger leurs populations du génocide, des crimes
de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité et à apporter une assistance aux pays dans lesquels
existent des tensions avant qu’une crise ou qu’un conflit n’éclate.
140. […]. A/RES/60/1, 24 octobre 2005, p. 33.

329
domaine d’analyse de la disposition le registre moral ou politique.1214 Au contraire de l’article 4
(h), les paragraphes 138 et 139 de la résolution 60/1 renvoient à une obligation d’action et non à
une simple faculté. Dès sa conceptualisation, la responsabilité de protéger a fait l’objet de débats
sur la question de savoir si elle impliquait une nouvelle obligation juridique de réaction à la charge
du Conseil de sécurité en cas de défaillance d’un Etat à protéger ses propres citoyens.1215 Les avis
sont très partagés sur la question, même si plusieurs auteurs (sans doute la majorité) soutiennent
que la responsabilité de protéger serait dépourvue de toute normativité juridique en droit positif.1216
L’expression « responsabilité » renvoie à la différence de l’article 4 (h) à des considérations
d’ordre moral ou politique et non juridique.1217

On peut ensuite faire remarquer que contrairement aux paragraphes 138 et 139 de la résolution
60/1, l’article 4 (h) ne fait aucune précision sur la place et le rôle du Conseil de sécurité dans sa
mise en œuvre. La responsabilité de protéger telle que consignée dans le Document final dénie

1214
Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., p. 796.
1215
Nabil HAJJAMI, La responsabilité de protéger, op. cit., pp. 229-247.
1216
Voir entre autres pour les partisans d’une normativité de la responsabilité de protéger, Rapport de la Commission
internationale de l’intervention et de la souveraineté des Etats (CIISE), La responsabilité de protéger, op. cit., par.
2.24. Voir également Jennifer M. WELSH et Maria BANDA, « International Law and the Responsability to protect :
Clarifying or Expanding States’ Responsabilities ? », in Alex J. BELLAMY Sara E. DAVIES et Luke GLANVILLE
(ed.), The Responsibility to Protect and International Law, Martinus Nijhoff Publishers, Leiden-Boston, 2011, p. 133,
et p. 135 ; Gareth EVANS, « The Responsibility to Protect : Rethinking Humanitarian Intervention », Address to The
American Society of International Law, 98th Annual Meeting, Panel on ‘Rethinking Collective Action’, Washington
D.C., 1er avril 2004 ; Gareth EVANS, « From Humanitarian Intervention to The Responsibility to Protect », Wisconsin
International Law Journal, 2005, vol. 24, no 3, p. 715 ; Thomas G. WEISS, « R2P after 9/11 and the World Summit
», Wisconsin International Law Journal, 2005, vol. 24, n3, p. 742 ; Jun MATSUKUMA, « Emerging Norms of the
Responsability to Protect », The Seinan Law Review, vol. 38, no2, 2005, p. 10 ; contra Carsten STAHN, «
Responsibility to protect : political rhetoric or emerging legal norm ?», American Journal International Law, 2007,
vol. 101, no1, p. 106 ; Rahim KHERAD, « Du droit d’ingérence à la responsabilité de protéger », in Rafâa BEN
ACHOUR (dir.), Responsabilité de protéger et les révoltes populaires, Colloque de Tunis des 12 et 13 avril 2012, p.
304.
1217
Voir par exemple les travaux de l’Institut de droit international sur la responsabilité de protéger issus de la session
de Santiago, au cours des débats, Benedetto Conforti avançait que : « Si les mots ‘devoir’ ou ‘responsabilité’ de
protéger n’ont pas de réelle signification en droit international positif, ils peuvent avoir un sens s’ils sont utilisés d’un
point de vue moral. Il n’y a aucun doute sur le fait que lorsqu’un génocide ou d’autres violations graves des droits de
l’homme ont lieu, il y’a un devoir moral des États et de la communauté internationale dans son ensemble d’agir afin
de mettre un terme à ces exactions. Cependant, les États et la communauté internationale restent libres, d’un point de
vue légal, de réagir ou non », Institut de droit international, « Comments by Professor Benedetto Conforti », Ann.
I.D.I., vol. 72, 2007, p. ; voir également Nabil HAJJAMI, La responsabilité de protéger, op. cit., pp. 246-247.

330
toute possibilité de recours à la force armée sans une autorisation préalable et expresse du Conseil
de sécurité qui reste le détenteur subsidiaire de la responsabilité de protéger, les Etats étant on
imagine bien les détenteurs principaux.1218 Or, c’est justement sur cette question primordiale que
l’article 4 (h) entretient le plus d’ambiguïté, laissant ainsi libre cours aux controverses entre les
partisans et les adversaires d’une lecture unilatéraliste de la disposition.

De plus, la portée juridique des deux textes n’est pas similaire. La responsabilité de protéger ne
constitue pas un fondement juridique susceptible de justifier une action coercitive armée destinée
à la protection de populations civiles, contrairement à l’article 4 (h) qui confère à l’Union africaine
une base juridique autonome d’intervention. Le caractère unilatéral de la disposition est certes
discuté, mais il reste qu’elle octroie une compétence coercitive armée à l’Organisation régionale.
La résolution 60/1 en revanche présente une plus-value limitée dans la mesure où le Conseil de
sécurité ne tire pas sa compétence de ce texte pour autoriser des actions coercitives armées aux
fins de protection de populations civiles mais du chapitre VII de la Charte des Nations Unies1219.
La responsabilité de protéger n’implique aucune modification substantielle du droit existant, elle
se contente de rappeler le cadre normatif de l’action humanitaire du Conseil de sécurité qui dispose

1218
Voir dans un premier temps la précision sur la centralité du Conseil de sécurité dans le paragraphe 139 comme
suit : « [ les États sont prêts à mener en temps voulu une action collective résolue,] par l’entremise du Conseil de
sécurité, conformément à la Charte, notamment son chapitre VII, au cas par cas et en coopération, le cas échéant, avec
les organisations régionales compétentes […]», A/RES/60/1, par. 139, nos italiques. Voir également les paragraphes
77 à 80 de la résolution 60/1 portant sur « L’emploi de la force en vertu de la Charte des Nations unies qui expriment
l’attachement des États membres au multilatéralisme ainsi qu’aux règles et principes de la Charte. Voir sur la doctrine,
Emmanuel DECAUX, « Légalité et légitimité du recours à la force : de la guerre juste à la responsabilité de protéger
», Droits fondamentaux, no5, décembre-janvier 2005, p. 16 ; Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., p.
770 ; Barbara DELCOURT, « The Doctrine of « Responsibility to Protect » and the EU Stance : Critical Appraisal »,
Studia Diplomatica, vol. LIX, 2006, no1, p. 70. Pour Linos-Alexandre Sicilianos : « Il est évident, à travers ce passage,
que pour les chefs d’État et de gouvernement le ‘devoir de protéger’ n’implique pas le recours à la force en dehors des
structures institutionnelles de la Charte, toute action armée est entreprise par l’entremise du Conseil de sécurité dont
la responsabilité principale dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales est réaffirmée par
le document final », Linos-Alexandre SICILIANOS, « Entre multilatéralisme et unilatéralisme : L’autorisation par le
Conseil de sécurité de recourir à la force », Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye, t. 339,
2008, pp. 187-188.
1219
Il est désormais admis que les violations massives des droits de l’homme et du droit humanitaire ainsi que les
urgences humanitaires graves intervenant dans un Etat sont susceptibles d’être qualifiés de menace contre la paix et
de déclencher l’application du chapitre VII de la Charte des Nations unies, voir Luigi CONDORELLI, «
Responsabilité de protéger et recours à la force armée : Par qui et à quelles conditions ?», dans Société française de
droit international, La responsabilité de protéger, Paris, Pedone, 2008, p. 315.

331
déjà de compétences pour autoriser des actions de protection des populations civiles contre les
crimes de génocide, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou de nettoyage ethnique1220.
C’est dans ce sens que l’on pourrait être amené à considérer que la portée juridique de l’article 4
(h) est plus étendue que celle des paragraphes 138 et 139 de la résolution 60/1. L’article 4 (h) ayant
été d’ailleurs largement considéré comme une disposition suffisamment révolutionnaire au regard
de l’attachement de l’OUA, la devancière de l’Union africaine aux principes de souveraineté
Etatique et de non-intervention dans les affaires intérieures de ses Etats membres.1221

Dans une moindre mesure, on peut noter à titre d’élément distinctif que l’article 4 (h) de l’Acte
constitutif n’intègre pas le « nettoyage ethnique » parmi les crimes susceptibles de justifier une
intervention de l’Union africaine dans un de ses Etats membres. Ce qui semble bien logique en
l’espèce, vu que le « nettoyage ethnique » ne constitue pas en soi une infraction de droit
international pénal au même titre que le crime de génocide, le crime de guerre et le crime contre
l’humanité. Il n’a pas d’existence juridique propre, mais est considéré comme élément constitutif
du crime de génocide ou du crime contre l’humanité. On notera également que l’arrêt rendu par la
CIJ dans l’affaire relative à l’application de la Convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide a permis de dépasser les difficultés de qualification du « nettoyage ethnique »
par son insertion dans la catégorie juridique des crimes contre l’humanité ou celle du génocide.1222
La question s’est par ailleurs posée de savoir si la mention du « nettoyage ethnique » comme crime
susceptible de déclencher la mise en œuvre de la responsabilité de protéger au même titre que les

1220
Nabil HAJJAMI, La responsabilité de protéger, op. cit., p. 459 et p. 490 ; Laurence BOISSON de CHAZOURNES
et Luigi CONDORELLI, « Quelques remarques à propos de l’obligation de « respecter et faire respecter » le droit
international humanitaire ‘en toutes circonstances’ », in Christophe SWINARSKI (éd.), Études et essais sur le droit
international humanitaire et sur les principes de la Croix-Rouge en l’honneur de Jean Pictet, Genève, La Haye, CICR,
Nijhoff, 1984, pp. 17-35 ; Olivier CORTEN et Pierre KLEIN, « Action humanitaire et chapitre VII : la redéfinition
du mandat et des moyens d’action des forces des Nations unies », Annuaire français de droit international, 1993, pp.
105-130 ; Barbara DELCOURT, « La responsabilité de protéger et l’interdiction du recours à la force : entre
normativité et opportunité », dans Société française de droit international, La responsabilité de protéger, Paris,
Pedone, 2008, pp. 305-312.
1221
Voir l’article 3, paragraphe 2 et 3 de la Charte de l’OUA, 25 mai 1963.
Voir C.I.J., Affaire relative à l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de
1222

génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt du 26 février 2007, par. 190.

332
crimes de guerre, de génocide et de crimes, la résolution 60/1 entendait l’ériger en crime
international.1223 La réponse à ce questionnement n’est cependant pas aisée tant les débats à
l’Assemblée générale sont restés évasifs sur la définition de ce crime.1224

Section II: La compatibilité avec le droit de la Charte des Nations Unies

De précédents développements, notamment l’analyse des travaux préparatoires, de l’accord


ultérieur interprétatif et de la pratique subséquente ont permis de parvenir à la conclusion selon
laquelle l’article 4 (h) suggère une mise en œuvre sans une autorisation préalable du Conseil de
sécurité. Dans cette seconde section, nous aborderons dans un premier paragraphe, des arguments
doctrinaux qui finissent de convaincre d’une interprétation autonomiste de l’article 4 (h)
(Paragraphe I). Ce changement de paradigme en matière de recours à la force opéré par les
Organisations régionales africaines reste – t-il compatible avec le droit de la Charte? C’est à cette
question que nous tenterons de répondre dans un second paragraphe (II).

Paragraphe I : Des arguments militant en faveur d’une interprétation autonomiste de l’article


4 (h)

En plus du Consensus d’Ezulwini et de la pratique subséquente qui apporte des précisions sur les
conditions de l’utilisation de la force armée par l’Union africaine, plusieurs autres éléments tendent
à confirmer une mise en œuvre de l’article 4 (h) sans une autorisation préalable du Conseil de
sécurité. On note dans ce sens en premier lieu un dessaisissement des pouvoirs du Conseil de
sécurité lui garantissant une primauté sur les Organisations régionales en matière de recours à la
force armée (A). En second lieu, l’histoire de l’institutionnalisation de la disposition révèle qu’elle
ambitionne de pallier l’inaction du Conseil de sécurité en cas de survenance des crimes graves, ce

1223
Nabil HAJJAMI, La responsabilité de protéger, op. cit., pp. 224-229.
1224
La plupart des délégations n’ont pas posé de questions sur la définition de la notion de « nettoyage ethnique » ou
l’ont tout simplement mis au même pied d’égalité que les trois crimes internationaux, le crime de guerre, le génocide
et le crime contre l’humanité, même si certains Etats ont effectivement considéré que la résolution 60/1 confirmait la
classification du nettoyage ethnique comme crime international, voir A/63/PV.97, 23 juillet 2009, p. 12.

333
qui implique logiquement d’agir sans attendre une autorisation du Conseil qui se trouverait bloqué
pour quelque raison que ce soit (B).

A- Le dessaisissement de certains pouvoirs du Conseil de sécurité

Il est bien connu que les Organisations régionales sont assujetties au Conseil de sécurité en matière
de recours à la force. La primauté de celui-ci est garantie par certains pouvoirs que lui confère la
Charte, notamment le pouvoir de qualification en vertu de l’article 39 de la Charte, la responsabilité
principale prévue par l’article 24 ainsi que le contrôle de l’utilisation de la force armée par les
Organisations régionales postulé par l’article 53. Il se trouve cependant que les nouveaux
instruments de gestion des conflits de l’Union africaine lui attribuent des pouvoirs similaires de
sorte qu’il semble difficile de voir encore une relation de subordination entre l’Union africaine et
le Conseil de sécurité dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 4 (h).

1- L’appropriation du pouvoir de qualification des situations

Il est admis que l’article 39 de la Charte qui ouvre le chapitre VII confère au Conseil de sécurité
le pouvoir de qualifier une crise à l’aune des trois catégories de situations énoncées dans l’article.
A la suite d’une qualification, le Conseil de sécurité peut effectuer un choix entre l’ensemble des
mesures prévues au chapitre VII. Cet article a été interprété en doctrine comme conférant une
compétence exclusive en matière de qualification d’une situation ainsi que d’un monopole
concernant la décision de recourir à la force dans le cadre du chapitre VIII. 1225 Le Conseil de
sécurité ne peut en conséquence déléguer son pouvoir de qualification en vertu de l’article 39 de
la Charte.1226 Autrement dit, le Conseil de sécurité détient un pouvoir exclusif pour ce qui concerne
le droit d’initiative en matière de recours à des mesures coercitives armées.1227 Or, la pratique des

1225
Laurence BOISSON De CHAZOURNES, « Les relations entre organisations régionales et organisations
universelles », op. cit., p. 276.
1226
Laurence BOISSON De CHAZOURNES, « Les relations entre organisations régionales et organisations
universelles », op. cit., p. 276; voir également Lino-Alexandre SICILIANOS, « Entre multilatéralisme et
unilatéralisme : L’autorisation par le Conseil de sécurité de recourir à la force », Recueil des cours de l’Académie de
droit international de la Haye, t. 339, 2008, p. 9.
1227
Laurence BOISSON De CHAZOURNES, « Les relations entre organisations régionales et organisations
universelles », op. cit., p. 276.

334
Organisations régionales africaines nous donne à constater qu’elles s’approprient le pouvoir de
qualification des crises en Afrique. La CEDEAO a ainsi procédé à la qualification de la crise du
Libéria de menace pour la paix et la sécurité internationales avant de décider du déploiement de
l’ECOMOG.1228 La qualification de la situation par le Conseil de sécurité n’interviendra qu’en
1992, lorsqu’ il adopta sa première résolution sur la situation au Libéria. 1229 Il en a été de même
dans le cas de la crise en Sierra Leone. Après avoir qualifié la situation en Sierra Leone de menace
à la paix et à la sécurité internationales dans la sous-région, la CEDEAO approuve diverses
sanctions et un blocus comme de nouvelles mesures pour rétablir le gouvernement Ahmed
Kabbah.1230 Il n’existe pas de tels précédents de qualification au niveau de l’Union africaine
simplement parce que l’OUA n’avait pas eu l’occasion de mener des interventions militaires
d’envergure.

Mais de façon implicite, le pouvoir d’autoriser une intervention implique un pouvoir de


qualification. Ainsi, le fait de s’octroyer le pouvoir d’autoriser l’intervention dans le cadre de la
mise en œuvre de l’article 4 (h) implique nécessairement une qualification de la situation au regard
des crimes mentionnées par la disposition. Ce pouvoir de qualification revient au Conseil de paix
et de sécurité qui est chargé de recommander à la Conférence l’intervention au nom de l’Union
dans un Etat membre. Mais avant de procéder à une recommandation d’intervention, le Conseil de
paix et de sécurité devra s’assurer que la situation répond à la qualification d’un des trois crimes
énumérés, notamment les crimes de guerre, le génocide ou les crimes contre l’humanité. Ces trois
crimes sont certes déjà définis dans des conventions et instruments internationaux mais le Conseil

1228
Voir Final Communique of the First session of the Community Standing Mediation Comitee, ECOWAS, Banjul,
Republic of Gambia, August 6-7, 1990, par. 9 (texte original en anglais).
1229
Voir la résolution 788 du 19 novembre 1992, préambule, par. 5, dans laquelle le Conseil de sécurité qualifie la
situation au Libéria « de menace à la paix et à la sécurité internationales, surtout pour la région de l’Afrique de l’Ouest
».
1230
Voir Décision A Dec. 7/8/97 du 29 août 1997 ou le Communiqué final adopté lors de la conférence au sommet de
la CEDEAO tenue à Abuja les 28 et 29 août 1997, annexe I à la Lettre datée du 8 septembre 1997, adressée au
Président du Conseil de sécurité par le représentant permanent du Nigéria auprès de l’ONU, S/1997/695, 8 septembre
1997. Voir sur la qualification de menace contre la paix et la sécurité internationales dans la sous-région et les sanctions
l’annexe II, intitulé Décision relative à l’imposition de sanctions contre la junte en Sierra Leone, Abuja, 28-29 août
1997.

335
de paix et de sécurité devra néanmoins faire un travail de qualification en amont pour établir que
la situation dont elle est saisie répond effectivement au crime visé.

Des auteurs soutiennent également le dessaisissement du pouvoir de qualification du Conseil de


sécurité, A. Yusuf estime que :

« Secondly, to interve in a Member State, the African Union no longer needs a UN Security Council
determination of threat to the peace or a breach of the peace under Chapter VII of the Charter. It is the AU
itself that determines the grounds for intervention and the sole action it requires from the UN is under
Chapter VII of the Charter, besides of course, in view of the economic circumstances currently prevailing in
the African Continent, financial and logistical support for military operations ».1231

Pour les auteurs Ademola Abass et Mashood Baderin, bien qu’il semble empiéter sur l’article 39
de la Charte, le pouvoir de prendre une décision quant à l’existence d’une menace ou d’une
violation de la paix ou d’actes d’agression semble opportun pour la mise en œuvre de l’article 4
(h).1232

2- L’empiètement sur la responsabilité principale du Conseil de sécurité

Certains auteurs se sont à juste titre posé la question de savoir laquelle des Organisations entre
l’Union africaine et l’ONU, notamment le Conseil de sécurité, assure la responsabilité principale
du maintien de la paix et de la sécurité en Afrique.1233 Ce questionnement est suscité par la lecture
de certaines dispositions et déclarations de l’UA qui laissent transparaitre l’idée que l’Organisation
régionale s’attribuait désormais la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité
en Afrique. Pour rappel, selon l’article 24 de la Charte, la responsabilité principale du maintien de
la paix et de la sécurité internationales est confiée au Conseil de sécurité par les membres des
Nations unies afin d’assurer l’action rapide et efficace de l’Organisation. Une disposition du

1231
Abdulqawi A. YUSUF, « The Right of Intervention by the African Union: A New Paradigm in Regional
Enforcement Action? », op. cit., pp. 19-20.
1232
Ademola ABASS and Mashood A. BADERIN, « Towards effective collective security and human rights
protection in Africa: An assessment of the Constitutive Act of the new African Union », op. cit., pp. 21-22.
1233
Voir par exemple John-Mark IYI, « The AU/ECOWAS Unilateral Humanitarian Intervention Legal Regimes and
the UN Charter », op. cit., p. 500.

336
Protocole relatif à la création du CPS semble attribuer une responsabilité similaire à l’Union
africaine. L’article 16 (1) du Protocole dispose en effet que l’Union africaine assume la
responsabilité principale pour la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Afrique.
Cette disposition n’est pas sans rappeler l’article 24 de la Charte qui implique un monopole de
qualification et d’initiative comme déjà relevé. Les rédacteurs du Protocole relatif à la création du
CPS ont- ils encore une fois entendu conférer les mêmes prérogatives à l’Union africaine ?

On pourrait certes admettre qu’on ne peut déduire de cette seule disposition que l’Organisation
régionale se soit arrogé la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité en
Afrique. Premièrement parce que l’article 16 (1) fait partie des dispositions qui réglementent les
relations entre l’Union africaine et les Organisations sous-régionales, on peut donc bien
comprendre qu’à l’égard de celles-ci l’Union assume une responsabilité principale.
Deuxièmement, l’article 16 (1) fait référence à une responsabilité principale pour la promotion de
la paix, de la sécurité et de la stabilité, même si la question pourrait se poser en l’espèce de savoir
si les rédacteurs du Protocole ont entendu assimiler les termes « promotion de la paix et de la
sécurité » et « maintien de la paix et de la sécurité ». De plus, l’article 17 du même Protocole qui
traite des relations avec les Nations Unies et les autres Organisations internationales reconnait la
responsabilité principale du Conseil de sécurité dans le maintien de la paix et de la sécurité
internationales.1234

La prise en compte d’autres éléments conforte l’interprétation selon laquelle l’Union africaine
reconnaît clairement la responsabilité principale du Conseil de sécurité dans le maintien de la paix
et de la sécurité au niveau universel, mais entend assumer une responsabilité similaire sur le
continent africain. En plus des arguments déjà exposés dans un précédent chapitre dans ce sens,

1234
Voir UA, Protocole relatif à la création du CPS, préambule, par. 5, qui précise que l’Union africaine « ayant à
l’esprit les dispositions de la Charte des Nations Unies conférant au Conseil de sécurité la responsabilité principale du
maintien de la paix et de la sécurité internationales, ainsi que celles relatives au rôle des accords et organismes
régionaux dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales… ».

337
on peut noter des déclarations de l’Union africaine allant dans le même sens que l’article 16 (1)
précité.

Il est par exemple mentionné dans la Déclaration solennelle sur la CSSDCA au titre des principes
généraux, que la responsabilité de la sécurité, de la stabilité et du développement socio-
économique du continent incombe au premier chef aux Etats africains.1235 Plus précisément, la
responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité internationales incombe au Conseil
de sécurité des Nations Unies, cependant l’OUA en étroite coopération avec les communautés
économiques régionales demeure l’Organisation à laquelle il incombe au premier chef la
promotion de la sécurité, de la stabilité, du développement et de la coopération en Afrique1236. De
telles déclarations ont souvent été réitérées dans des communiqués du Conseil de paix et de sécurité
à l’image de son communiqué de la 259e réunion portant sur la situation en Côte d’Ivoire. Dans
cette décision, le Conseil :
« [se] félicite également des efforts déployés par les différents partenaires de l’UA et la communauté
internationale dans son ensemble et souligne l’importance que revêt la mobilisation d’un soutien coordonné
aux efforts de l’Afrique à laquelle revient la responsabilité première de la gestion et du règlement de cette
crise, conformément à tous les instruments pertinents de l’UA et de la CEDEAO ».1237
Une tendance doctrinale penche également dans le sens de cette dernière interprétation.1238

3- Le pouvoir d’autoriser des interventions armées

C’est désormais une lapalissade de dire que l’article 53 de la Charte soumet toute action coercitive
des Organisations régionales à une autorisation préalable du Conseil de sécurité. Ce modèle

1235
Voir OUA, Déclaration solennelle sur la Conférence sur la sécurité, la stabilité, le développement et la
coopération en Afrique (CSSDCA), AHG/Decl. 4 (XXXVI), par. 9, al. f.
1236
Ibid., al. g.
1237
UA, Conseil de paix et de sécurité, 259e réunion, 28 janvier 2011, Addis-Abeba, Éthiopie, PSC/AHG/COMM
(CCLIX), par. 3.
1238
Voir par exemple John-Mark IYI, « The AU/ECOWAS Unilateral Humanitarian Intervention Legal Regimes and
the UN Charter », op. cit., pp. 500-506; Jean ALLAIN, « The True Challenge to the United Nations System of the Use
of Force: The Failures of Kosovo and Iraq and the Emergence of the African Union », op. cit., pp. 266-287; Jeremy I.
LEVITT, «The Peace and Security Council of African Union: The Known Unknowns », op. cit., pp. 125-126.

338
d’autorisation ou de délégation établit bien une subordination des Organisations régionales au
Conseil de sécurité pour ce qui concerne le recours à la force,1239 contrairement au règlement
pacifique des différends où il n’existe aucune hiérarchie entre le Conseil de sécurité et les
Organisations régionales. C’est cette subordination qui est remise en question par les nouveaux
développements des mécanismes régionaux africains de gestion des conflits. A l’image de la
CEDEAO, les instruments juridiques de l’Union africaine s’abstiennent de toute précision sur le
respect des exigences de la Charte dans la mise en œuvre de l’article 4 (h) qui prévoit un droit
d’intervention y compris un recours à la force armée dans les Etats membres de l’Union en cas de
survenance de crimes graves comme les crimes de guerre, le génocide ou les crimes contre
l’humanité. En plus d’omettre toute mention au chapitre VIII, la procédure de mise en œuvre de la
disposition ne prévoit pas une obligation d’obtenir une autorisation du Conseil de sécurité de
l’ONU. Du reste, le pouvoir de décision de l’intervention militaire est confié à la Conférence de
l’Union sur recommandation du Conseil de paix et de sécurité.1240 Ces éléments suggèrent une
volonté de l’Union de ne pas se lier par l’exigence d’une autorisation préalable tel que prévue par
l’article 53. Il est également rapporté pour appuyer les velléités d’émancipation de l’Union
africaine qu’au cours des négociations sur le Protocole relatif à la création du Conseil de paix et
de sécurité, l’exigence de l’autorisation préalable prévue par l’article 53 a fait l’objet de débats.
Une majorité s’est cependant dégagée pour dire que l’autorisation préalable du Conseil de sécurité
n’était pas absolument nécessaire. Il est par ailleurs ressorti de ces travaux que l’Union africaine
doit toujours satisfaire à son obligation d’information à l’égard de l’ONU mais qu’elle devra être
en mesure d’agir de sa propre initiative et de solliciter une approbation du Conseil de sécurité par
après.1241 Rappelons en passant, comme il a déjà été mentionné dans un précédent chapitre que
l’approbation ultérieure n’a pas la même portée juridique que l’autorisation préalable. Ce
consensus s’est matérialisé dans le Protocole par une absence de mention à l’exigence de

1239
Voir sur la signification des notions d’autorisation et délégation, Laurence BOISSON De CHAZOURNES, « Les
relations entre organisations régionales et organisations universelles », op. cit., pp. 271-276.
1240
Voir Union africaine, Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité, article 7, par. 1, al. e.
1241
Voir Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the
2001 Constitutive Act, unpublished D.Phil thesis, University of Oxford, 2009, pp. 259-260.

339
l’autorisation préalable du Conseil de sécurité.1242 C’est dans le même sens qu’abonde le
Consensus d’Ezulwini qui ne fait également aucune référence à la condition d’autorisation
préalable du Conseil de sécurité et énonce la possibilité pour l’Organisation régionale d’agir sans
une autorisation préalable en cas d’urgence et de rechercher l’approbation du Conseil de sécurité
« après coup ».1243 Le Groupe de travail spécial du Conseil de sécurité sur la prévention et le
règlement des conflits en Afrique se prononce aussi en faveur d’une approbation après coup. Il est
ainsi indiqué que :

« Les mandats de chacun des nouveaux mécanismes africains doivent être approuvés par le Conseil de
sécurité. Mais l’Union africaine serait prête, dans certaines circonstances à aller de l’avant sans l’approbation
de la communauté internationale ; elle appliquerait ainsi les nouvelles normes établies dans le cadre de
l’architecture de paix et de sécurité »1244.

Notons par ailleurs que les rédacteurs ont à dessein évité de clarifier leur intention de
respecter l’exigence de l’article 53 de la Charte des Nations Unies au cours des travaux
préparatoires dans le but certainement de se ménager une échappatoire commode. On peut bien
imaginer que les rédacteurs étaient bien informés des dispositions de la Charte sur le recours à la
force armée par les Organisations régionales et que c’est à dessein que ceux-ci ont évité de faire
des précisions utiles.

De plus, les interviews que nous avons pu réaliser avec des personnalités de l’Union africaine et
de la CEDEAO font ressortir une unanimité sur l’idée que les Organisations régionales
mentionnées pourraient agir sans une autorisation préalable du Conseil de sécurité. Elles devraient
néanmoins rechercher une approbation ex post facto ce qui confirme notre hypothèse tendant à

Voir sur ce point l’article 17 (1) du Protocole relatif à la création du CPS qui prévoit que dans l’exercice de son
1242

mandat, le Conseil de paix et de sécurité « coopère et travaille en étroite collaboration avec le Conseil de sécurité des
Nations Unies », mais omet de préciser l’exigence de l’autorisation du Conseil de sécurité.
1243
Voir Position commune africaine sur la réforme des Nations Unies, ‘Le Consensus d’Ezulwini’, op. cit., p.7.
1244
Lettre datée du 30 décembre 2005, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Groupe de
travail spécial du Conseil de sécurité sur la prévention et le règlement des conflits en Afrique, Rapport du Séminaire
sur la « Coopération entre l’Organisation des Nations Unies et les organisations régionales africaines dans le domaine
de la paix et de la sécurité », S/2005/833, p. 16, par. 11.

340
dire que l’autonomie ambitionnée ne consiste pas en une remise en cause du droit de la Charte.1245
Enfin, une bonne majorité doctrinale interprète l’absence de référence à la condition d’autorisation
préalable du Conseil de sécurité comme une décision consciente des dirigeants africains de ne pas
se lier par une telle exigence. Selon Jeremy Levitt par exemple, l’omission de précisions à propos
de l’exigence de l’autorisation du Conseil de sécurité :

« was a conscious decision by AU leaders due to the debacles in Somalia and Rwanda so the Assembly
decided not to bind themselves to the rules and systems that have failed Africa, or the policy prescriptions of
certain powers ».1246

Jean Allain soutient pour sa part que:

« the African Union has appropriated for itself a role which the UN Security Council is meant to play on a
universal basis; in essence denying the Council its primary responsibility of peace and security in relation to
the African continent ».1247

Musifiky Mwanasali affirme également que : « the Assembly shall be the only source of authority
with respect to the enforcement of Article 4(h): a posture that actually means no more prior UNSC
authorisation is needed before taking action ».1248 Ben Kioko estime de son côté que les dirigeants
africains se sont montrés disposés à repousser les limites de la stabilité et de la sécurité collectives
au point de ne pas tenir compte des subtilités juridiques telles que l’autorisation du Conseil de

1245
Nous avons eu plusieurs interviews avec diverses personnalités rencontrées à l’occasion de colloques et lors de
notre séjour de recherches au département juridique de l’Union africaine à Addis-Abeba dont entre autres Adewale E.
Iyanda, Senior Legal Officer, département juridique de l’Union africaine, Abdel-Fatau MUSAH (Ph.D), Deputy Head
of Office & Director of Political Affairs at United Nations Office to African Union, Remi Ajibewa (Ph.D), Director,
Political Affairs at ECOWAS Commission.
1246
Voir Déclaration d’un agent du bureau du conseiller juridique de l’Union africaine, obtenue par entretien
téléphone par l’auteur le 4 février 2003, Jeremy I. LEVITT, « The Peace and Security Council of African Union : The
known Unknowns », op. cit., pp. 125-126.
1247
Jean ALLAIN, « The True Challenge to the United Nations System of the Use of Force: The Failures of Kosovo
and Iraq and the Emergence of the African Union », op. cit., p. 275;
1248
Musifiky MWANASALI, « Africa’s Responsability to Protect », in Adekeye ADEBAJO And Helen SCALON,
(eds)., A Dialogue of the Deaf: Essays on Africa and the United Nations, Auckland Park: Jacana Media, 2006, pp. 89-
110.

341
sécurité.1249 John-Mark Iyi se prononce dans le même sens, en faisant remarquer que le silence sur
l’exigence de l’article 53 n’aurait pas pu être une inadvertance dans la mesure où du personnel de
l’ONU aurait servi de personnel de soutien lors de la rédaction de la Charte, celui-ci n’aurait
certainement pas manqué d’attirer l’attention sur cette exigence s’il s’avérait que les rédacteurs
ignoraient l’existence de cette condition.1250 De plus, les rédacteurs auraient rejeté les modèles de
documents constitutifs de l’OTAN et de l’OEA qui mentionnent expressément la soumission de
leurs actions coercitives à l’autorisation préalable du Conseil de sécurité.1251 Les auteurs Ademola
Abass et Mashood Baderin ainsi que Martin Kunschak soutiennent également cette lecture des
choses.1252 Certains auteurs beaucoup plus modérés soutiennent l’idée d’une autorisation ex post
facto.1253

L’historique de l’adoption de l’article 4 (h) corrobore également une volonté des rédacteurs de
conférer à l’Union africaine une liberté d’action, y compris le recours à la force armée sans avoir
à attendre une action ou une décision hypothétique du Conseil de sécurité.

B- Des arguments déduits des raisons de l’institution de l’article 4 (h)


On se rappellera que l’histoire de l’article 4 (h) est liée aux difficultés du système de sécurité
collective à prendre efficacement en charge les conflits en Afrique. Comme nous le relevions dans
le chapitre deux, l’institution de l’article 4 (h) était en partie motivé par le sentiment de

Ben KIOKO, « The Right of Intervention under the African Union’s Constitutive Act: From Non-interference to
1249

Non-intervention », International Review of Red Cross, Vol. 85, 2003, p. 821.


1250
John-Mark IYI, « The AU/ECOWAS Unilateral Humanitarian Intervention Legal Regimes and the UN Charter »,
op. cit., p. 507.
1251
Ibid. Voir également sur ce point Martin KUNSCHAK, « The African union and the right to Intervention: Is There
a need for UN security council Authorisation? », op. cit., pp. 205-206.
1252
Ademola ABASS and Mashood A. BADERIN, « Towards effective collective security and human rights
protection in Africa: An assessment of the Constitutive Act of the new African Union », op. cit., pp. 20-24; Martin
KUNSCHAK, « The African union and the right to Intervention: Is There a need for UN security council
Authorisation? », op. cit., pp. 205-206.
1253
Jakkie CILLIERS et Kathryn STURMAN, « The Right Intervention », op. cit.; Abdulqawi A. YUSUF, « The
Right of Intervention by the African Union: A New Paradigm in Regional Enforcement Action? », op. cit. pp. 12-13.

342
marginalisation et de négligence du continent qui n’a cessé de s’accentuer à partir des années 90.
Comme le souligne l’ancien conseiller juridique Ben Kioko:
« When questions were raised as to whether the Union could possibly have an inherent right to intervene
other than through the Security Council, they were dismissed out of hand. This decision reflected a sense of
frustration with the slow pace of reform of the international order, and with instances in which the
international community tended to focus attention on other parts of the world at the expense of more pressing
problems in Africa ».1254
Selon l’ancien conseiller juridique Tiyanjana Maluwa, l’exacerbation du nombre de conflits
intraEtatiques dans le monde dans l’après-guerre froide exigeait plus d’interventions et une
réponse efficace de la communauté internationale impliquant une Organisation des Nations Unies
restructurée et un changement de paradigme de la gouvernance mondiale.1255 Les échecs de l’ONU
ont érodé sa crédibilité et sa légitimité renforçant ainsi des aspirations à un plus haut degré
d’indépendance et à des rôles positifs des Etats africains dans l’exercice de la souveraineté au
niveau régional.1256 Le nouveau développement normatif traduit selon lui une volonté de ces
acteurs d’apporter des changements dans l’ordre juridique international en prenant l’initiative
d’élargir le discours juridique et de créer de nouvelles normes.1257
Plusieurs autres auteurs soutiennent cette idée que le droit d’intervention de l’Union africaine est
issu du manque d’intérêt dans certains cas ou des échecs dans d’autres du système de sécurité
collective à gérer les conflits en Afrique.1258

Ben KIOKO, « The Right of Intervention under the African Union’s Constitutive Act: From Non-interference to
1254

Non-intervention », op. cit., p. 821.


1255
Tiyanjana MALUWA, « The OUA/ African Union and International Law: Mapping New Boundaries or Revisiting
Old Terrain », American Society of International Law Proceedings, vol. 98, 31 mars – 3 avril, 2004, p. 238.
1256
Ibid., pp. 238-239.
1257
Ibid., p. 238.
1258
Voir de façon sélective John-Mark IYI, « The AU/ECOWAS Unilateral Humanitarian Intervention Legal Regimes
and the UN Charter », op. cit., pp. 515-519; David WIPPMAN, « The Nine Lives of Article 2 (4) », Minnesota Journal
of International Law, vol. 16, 2007, p. 405; Christopher J. BORGEN, « The Theory and Practice of Regional
Organisation Intervention in Civils Wars », New York University Journal of International Law and Policy, vol. 26, no
4, 1993, p. 821 et p. 827; Dan KUWALI, « The End of Humanitarian Intervention : Evaluation of the African Union’s
Right of Intervention », African Journal of Conflict Resolution, vol. 9, no1, 2012, pp. 42-45; Ademola ABASS and
Mashood A. BADERIN, « Towards effective collective security and human rights protection in Africa: An assessment
of the Constitutive Act of the new African Union », op. cit., pp. 23-24.

343
Nous avons également vu combien le rapport sur le génocide du Rwanda avait considérablement
influencé les travaux préparatoires dans le sens de l’institution d’un droit d’intervention. Le rapport
tirait d’ailleurs comme enseignement que :

« L’Afrique ne peut pas compter sur le reste du monde pour résoudre ses crises. Elle est en grande partie
livrée à elle-même. Cette réalité vaut autant pour mettre fin aux atteintes aux droits de l’homme que pour
mettre fin aux conflits ».1259

Dans cette logique, l’article 4 (h) matérialise cette recherche d’autonomisation, y compris en
matière de recours à la force armée dans le but de combler les insuffisances du système de sécurité
collective. Il semble logique dans ce sens de ne pas se lier entièrement à la condition de l’exigence
de l’autorisation préalable afin de se donner les moyens d’une action rapide. Ceci suppose
évidemment que dans un monde idéal l’Union africaine acquiert également une autonomie sur le
plan des ressources qui lui permette de prendre en charge ces actions. L’exemple de l’intervention
de la CEDEAO au Libéria est cité pour illustrer la pertinence d’agir dans l’urgence pour pallier
l’inaction du Conseil de sécurité. La CEDEAO aurait mené l’intervention après avoir tenté en vain
d’obtenir une autorisation du Conseil de sécurité.1260

Par ailleurs, on se souviendra de nouveau que l’Union africaine est née de la volonté des acteurs
africains de trouver une nouvelle approche dans la gestion des conflits qui se sont amplifiés et de
surcroît ont changé de nature à partir de la fin de la guerre froide. Cette nouvelle croissance des
conflits internes exige de nouvelles réponses, notamment une réévaluation des principes classiques
de droit international réglementant le recours à la force. Nous avons vu le processus de réévaluation
des principes de souveraineté et de non-intervention qui s’est progressivement opéré sur le
continent à partir des années 90. La nouvelle approche des acteurs africains pour faire efficacement

1259
OUA, Rwanda, le génocide qu’on aurait pu stopper. Rapport des experts sur le génocide au Rwanda, Addis-
Abéba, 7 juillet 2000 (AUO, Rwanda : The Preventable Genocide, Addis-Ababa, mai 2000chapitre 21, par. 12, p.
229, disponible sur http://www.africa-union.org/official documents/reports/OUA-
Rapport%20sur%20le%20genocide%20au%20Rwanda.pdf.
1260
Voir Christopher J. BORGEN, « The Theory and Practice of Regional Organisation Intervention in Civils Wars
», op. cit., p. 823.

344
face aux conflits a impliqué à la fois une relecture des principes de souveraineté et de non-
intervention, mais aussi les règles gouvernant le recours à la force. Ces nouveaux conflits qui
nécessitent un interventionnisme accru et des opérations de paix beaucoup plus robustes que celles
classiques que proposait l’ONU a relevé les limites d’un système de sécurité collective
fondamentalement axé sur les conflits entre Etats. Ce qui justifie en partie cette volonté
d’appropriation du recours à la force sur le continent afin de contourner dans un premier temps
l’impasse du Conseil de sécurité, mais aussi de s’adapter aux nouvelles formes de conflit.
Rappelons, pour illustrer notre propos sur ce point, les difficultés à définir la véritable nature des
opérations de paix déployées par les Organisations régionales. Comme nous le relevions dans un
précédent chapitre, ces opérations chargées de mission de stabilisation sont déployées dans des
conflits ouverts impliquant de ce fait une utilisation de la force armée sur le terrain. Ces missions
qui ne sont pas toujours précédées par une autorisation préalable du Conseil de sécurité témoignent
d’une nécessité de redéfinir les règles régissant le recours à la force par les Organisations
régionales. Ce que confirme l’ancien conseiller Tiyanjana Maluwa qui souligne que: « Obviously,
African states are trying to chart a new course by creating new norms, or, at best, reinterpreting
existing international law principles ».1261

Paragraphe II : De la compatibilité de l’interprétation autonomiste avec le droit de la Charte

Les nouveaux régimes juridiques interventionnistes sont très largement considérés comme posant
un défi au droit de la Charte, particulièrement lorsqu’on privilégie une interprétation autonomiste
des dispositions instituant des droits d’intervention. Il est avancé que l’article 4 (h) pose un
problème de compatibilité avec le droit de la Charte, notamment les articles 24 et 53 qui consacre
la primauté du Conseil de sécurité sur les Organisations régionales en matière de recours à la force
ainsi qu’à la règle de l’interdiction du recours à la force encapsulée à l’article 2 (4) de la Charte.
Mais ces dispositions portent - elles véritablement atteinte au droit de la Charte ? Nous verrons
dans un premier temps que rien dans les travaux préparatoires ne permet de soutenir une volonté

1261
Tiyanjana MALUWA, « The OUA/ African Union and International Law: Mapping New Boundaries or Revisiting
Old Terrain », op. cit., p. 236.

345
une volonté de remise en cause du droit de la Charte des Nations Unies par les rédacteurs de l’Acte
constitutif (A). Nous aborderons dans un second point l’absence de conflits avec le droit de la
Charte (B).

A- L’absence d’une volonté expresse des rédacteurs de l’Acte constitutif de se défaire


du droit de la Charte

De toute apparence, la lecture autonomiste de l’article 4 (h) semble poser un défi aux dispositions
de la Charte réglementant le recours à la force. Certains auteurs n’hésiteront pas à soutenir une
remise en cause du droit de la Charte.1262 La question se pose par conséquent de savoir si les acteurs
africains avaient évalué les implications de l’article 4 (h) sur le droit international existant.
Autrement, l’article 4 (h) traduit – t- il une intention des dirigeants africains de se distancier du
droit de la Charte règlementant le recours à la force?

Pour répondre à ces questions, il convient de prendre en considération tout autant les travaux
préparatoires de l’Acte constitutif que toute la documentation prise en considération dans le cadre
cette étude.

Dans un premier temps, sur la question de l’interdiction du recours à la force, l’examen des travaux
préparatoires révèle plusieurs éléments permettant de parvenir à la conclusion de l’absence d’une
intention manifeste des rédacteurs de l’Acte constitutif de contester la règle de l’interdiction du
recours à la force postulé à l’article 2 (4) de la Charte.

Premièrement, l’on ne retrouve aucune trace dans les travaux préparatoires, d’études ou d’analyses
ou de notes juridiques sur les potentielles implications d’un droit d’intervention au regard du droit
international sur le recours à la force. Le secrétariat n’a pas mis à la disposition des délégués, ni
avant, ni pendant les négociations de la documentation leur permettant de s’instruire sur une
question aussi sensible et controversée.

1262
Voir par exemple Jean ALLAIN, « The True Challenge to the United Nations System of the Use of Force: The
Failures of Kosovo and Iraq and the Emergence of the African Union », op. cit.pp.259-260;

346
Deuxièmement, au regard du peu de débats que l’adoption de l’article 4 (h) a suscité, il semble
évident que les rédacteurs de l’Acte constitutif n’avaient véritablement pas pris la mesure des
problématiques juridiques que pourrait poser la disposition.

Certains représentants semblaient avoir la conviction qu’un droit d’intervention pour les motifs
énumérés à l’article 4 (h) de l’Acte constitutif était conforme au droit international en vigueur. Les
propos de l’ancien conseiller juridique de l’OUA au moment de l’adoption de l’Acte constitutif
confortent cette analyse. Il soutient par exemple que:

« Amr Mousa… was largely responsible for limiting the scope of Article 4(h) to war crimes, genocide and crimes
against humanity, as it was felt that there was a clear international consensus on the definition of these acts as grave
breaches of international law and on the right to intervene under such circumstances ».1263

L’auteur lui-même semblait partager cet avis.1264

D’autres représentants étaient certes conscients des problématiques juridiques que l’adoption de
l’article 4 (h) aurait suscité sur le plan international, notamment les représentants de l’Afrique du
Sud qui n’ont pas manqué de déclarer leurs préoccupations sur les défis que pourrait causer l’article
4(h) au droit de la Charte1265.

Mais tout compte fait, il reste évident que les rédacteurs n’avaient pas une commune
compréhension des impacts juridiques d’un droit d’intervention sur le droit international du
recours à la force.

1263
Voir Tiyanjana MALUWA, « Fast-Tracking African Unity or Making Haste Slowly? A Note on the Amendments
to the Constitutive Act of the African Union », Netherlands International Law Review, vol. LI, 2004, p. 215, note de
bas de page 50.
1264
Tiyanjana MALUWA, « The OUA/ African Union and International Law: Mapping New Boundaries or Revisiting
Old Terrain », op. cit., pp. 235-236.
1265
Carolyn HAGGIS, The African Union and Intervention: The Origins and Implications of Article 4 (h) of the 2001
Constitutive Act, op. cit., p. 257.

347
Il s’avère par conséquent difficile de déduire de l’adoption de l’article 4 (h) une intention de créer
une nouvelle exception à la règle de l’interdiction du recours à la force.

Dans le même ordre d’idées, on sait, tel qu’il ressort de l’analyse de l’histoire de l’adoption de
l’article 4 (h) que la question de l’autorisation préalable du Conseil de sécurité n’a pas fait de
grands débats au cours des travaux préparatoires.

En effet, aucune trace de discussions sur cette exigence de la Charte n’existe dans les différents
comptes rendus auxquels nous avons eu accès. Les deux anciens conseillers juridiques de l’OUA
qui ont participé au processus d’adoption de l’Acte constitutif soutiennent des affirmations
contradictoires sur la question. Ben Kioko affirme que les Etats membres ont discuté de cette
question de l’autorisation préalable du Conseil de sécurité mais ont finalement décidé de la
réserver.1266 Tiyanjana Maluwa se souvient pour sa part que la question n’a pas explicitement fait
l’objet de débats au cours des travaux préparatoires, il écrit à ce propos :

« Although some delegations implicitly raised the problem of reconciling such a provision with the requirement of
prior authorisation by the United Nations Security Council…the issue was not as such addressed in these debates ».1267

De tout ce qui précède, on peut soutenir que les rédacteurs de l’Acte constitutif ne nourrissaient
aucune intention délibérée de remettre en cause la règle de l’interdiction du recours à la force,
encore moins la hiérarchie institutionnelle entre le Conseil de sécurité et les organisations
régionales en matière de recours à la force.

Si l’on peut conclure à une absence de volonté expresse des rédacteurs de l’Acte constitutif de se
distancier du droit de la Charte, qu’en est-il des supposées défis juridiques que semble poser
l’article 4 (h) aux dispositions réglementant le recours à la force, notamment les articles 2 (4), 24
et 53 de la Charte?

1266
Voir Ben KIOKO, « The Right of Intervention under the African Union’s Constitutive Act: From Non-interference
to Non-intervention », International Review of the Red Cross, vol. 85, 2003, p. 821.
1267
Voir Tiyanjana MALUWA, « Fast-Tracking African Unity or Making Haste Slowly? A Note on the Amendments
to the Constitutive Act of the African Union », op. cit., p. 215.

348
B- L’absence de conflits normatifs avec le droit de la Charte

L’examen des dispositions de la Charte auxquelles l’article 4 (h) semble poser des questions de
compatibilité permettra de conclure à l’absence de véritables conflits normatifs entre les
dispositions de la Charte et celles de l’Acte constitutif. Nous passerons en revue, à cet effet, les
trois domaines d’incompatibilités identifiées par la doctrine à savoir : la règle de l’interdiction du
recours à la force, la responsabilité principale du Conseil de sécurité et la question de l’autorisation
préalable du Conseil de sécurité avant toute intervention coercitive armée par les organisations
régionales.

1- L’article 4 (h) et la règle de l’interdiction du recours à la force (article 2, par. 4 de la


Charte)

Un droit d’intervention sans autorisation préalable du Conseil de sécurité est prima facie en conflit
avec l’interdiction du recours à la force prévue par l’article 2 (4) de la Charte des Nations-Unies.
En effet, il n’est prévu que deux exceptions à la règle de l’interdiction du recours à la force, la
légitime défense et l’action coercitive autorisée par le Conseil de sécurité dans sa mission de
maintien de la paix et de la sécurité internationale. On l’aura compris, la Charte ne reconnait pas
une exception à l’interdiction du recours à la force pour contrer les crimes les plus graves,
notamment les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide. Évidemment, le
principe de l’interdiction du recours à la force ne se limite pas au droit conventionnel inscrit dans
la Charte, il est tenu de nos jours pour une règle de droit coutumier. 1268 Des auteurs ont certes
soutenu la formation d’une règle coutumière d’intervention humanitaire, mais rappelons qu’au
moment de l’adoption de l’Acte constitutif – encore de nos jours - le droit d’intervention
humanitaire faisait l’objet de débats et n’avait pas connu de consécration formelle au niveau
international. Le droit d’intervention de l’Union africaine serait-il, par conséquent en conflit avec
l’article 2 (4) de la Charte ainsi qu’avec la règle de l’interdiction du recours à la force dans son
aspect coutumier? Une réponse affirmative à cette question invaliderait l’article 4 (h) au regard de

1268
Voir CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, op. cit., p. 190

349
l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 qui prévoit qu’: « Est nul
tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit
international général […] ».

On répondra cependant par la négative à cette question au regard d’un certain nombre d’éléments
qui finissent de convaincre du fait que contrairement à une certaine opinion, l’article 4(h) n’entre
pas en conflit avec l’interdiction du recours à la force.

Premièrement, les rédacteurs de l’Acte constitutif n’avaient aucune intention de contester la règle
de l’interdiction du recours à la force par l’institutionnalisation d’un droit d’intervention, comme
le montre l’analyse des travaux préparatoires. D’ailleurs, l’Acte constitutif réaffirme avec force
l’interdiction du recours à la force entre États1269. L’article 4 (h) confère un droit d’intervention à
l’Union en tant que structure supranationale qui agit au nom de la collectivité, mais les États
individuellement restent interdits de recours à la force dans leurs relations. C’est dans ce sens qu’il
faut comprendre le Consensus d’Ezulwini qui réfère à l’article 4 (h) comme une exception à
l’interdiction du recours à la force1270.

Deuxièmement, il convient de rappeler que même si la règle de l’interdiction du recours à la force


est tenue de nos jours pour une règle coutumière et de droit impératif, la portée du statut de jus
cogens de la règle ne fait pas l’unanimité1271. En effet, la doctrine est très partagée sur la nature
impérative de la règle. Pour certains auteurs, la nature de jus cogens de la norme serait de portée
générale, sans qu’il faille distinguer entre l’interdiction de l’agression en tant que forme grave de
recours à la force qui serait impérative et l’interdiction d’autres formes moins graves d’emploi de
la force qui, elle, ne bénéficierait pas du statut de jus cogens.1272 D’autres cependant ne réservent

1269
Voir par exemple l’Acte constitutif de l’Union africaine, article 4 (a, f et g) et le Protocole relatif au Conseil de
paix et de sécurité, article 4 (e, f, g).
1270
Voir Position commune africaine sur la réforme des Nations Unies, ‘Le Consensus d’Ezulwini’, p. 7.
1271
Sur cette affirmation du statut coutumier, voir CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci, op. cit., p. 190. Tout en l’insinuant, la Cour s’est cependant gardée d’attribuer une valeur de jus cogens à la
règle dans cette affaire.
1272
Voir sur cette tendance principalement Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., p. 341 et s.

350
le statut de jus cogens qu’à l’interdiction de l’agression qui, comme on le sait, ne recouvre pas
toute la règle de l’interdiction du recours à la force.1273 La Commission du droit international n’a
pour sa part pas opéré de distinction dans ses travaux de codification du droit des traités, elle
précise que : « le droit de la Charte concernant l’interdiction de l’emploi de la force constitue en
soi un exemple frappant d’une règle de droit international qui relève du jus cogens ».1274 La Cour
a repris cette position de la Commission sans toutefois se prononcer sur la portée générale de
l’interdiction du recours à la force comme règle de jus cogens. Elle procède néanmoins à une
distinction entre les formes les plus graves de l’emploi de la force constitutives d’agression et
celles moins graves1275. De plus, dans son commentaire de l’article 26 du Projet d’articles sur la
responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, Roberto Ago précisait que : « Les
normes impératives qui sont clairement acceptées et reconnues sont les interdictions de l’agression,
du génocide, de l’esclavage, de la discrimination raciale, des crimes contre l’humanité et de la
torture, ainsi que le droit à l’autodétermination »1276.

Partant de ce qui précède, il parait plus logique, à notre avis, de limiter le statut de jus cogens
seulement à l’interdiction de l’agression en tant qu’une des formes les plus graves de l’emploi de
la force. On éviterait ainsi l’application de l’article 53 de la convention de Vienne sur le droit des
traités de 1969, l’article 4 (h) n’étant pas en conflit avec la dimension impérative bénéficiant du
statut de jus cogens de l’interdiction du recours à la force. On admettra très certainement que
l’utilisation de la force armée dans la mise en œuvre de l’article 4 (h) ne peut être assimilé à de
l’agression.

1273
Voir en particulier Théodore CHRISTAKIS, « Unilatéralisme et multilatéralisme dans la lutte contre la terreur :
l’exemple du terrorisme biologique et chimique », in Karine BANNELIER et autres (dir.), Le droit international face
au terrorisme, Paris, Pedone, 2002, p. 173.
Paragraphe 1 du commentaire de la Commission sur l’article 50 de ses Projets d’articles sur le droit des traités,
1274

Annuaire de la CDI, 1966-II, p. 270.


1275
CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, op. cit., p. 101, par. 191.
1276
Commission du droit international, Projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement
illicite, Paragraphe 6 du commentaire de l’article 26.

351
Troisièmement, on peut bien admettre que le recours à la force armée qui s’inscrit dans un contexte
global d’une sécurité collective régionale ne soit pas considéré comme contraire à la norme
impérative d’interdiction du recours à la force. Dans son quatrième rapport sur la responsabilité
des Organisations internationales, le Rapporteur spécial Giorgio Gaja admettait que l’attribution à
une Organisation régionale de pouvoirs en matière d’intervention militaire armée pourrait être
considérée comme ne contrevenant pas à la norme impérative d’interdiction du recours à la force
si ce pouvoir représente un élément d’intégration politique entre ses membres.1277 Bien que le
modèle intergouvernemental ait certes encore triomphé lors de la création de l’Union africaine, il
n’en reste pas moins vrai que l’Acte constitutif recèle de dispositions reflétant la tendance
fédéraliste en projet.1278 L’un des objectifs fondamentaux de l’Union africaine est de favoriser une
accélération de l’intégration politique et socio-économique.1279

En réalité, même si la validité d’une intervention consentie par traité ne fait pas encore de nos jours
l’unanimité, on peut néanmoins admettre comme le relève l’article 26 du projet que :

« […] Pour la mise en œuvre de certaines normes impératives, le consentement d’un État particulier peut être pertinent.
Par exemple, un État peut valablement consentir à une présence militaire étrangère sur son territoire dans un but
licite ».1280

En ce sens que le consentement des Etats membres d’une Organisation régionale comme
fondement d’une intervention armée contribue à l’affirmation d’un système de sécurité régionale

1277
Commission du droit international, Quatrième rapport sur la responsabilité des organisations internationales,
Giorgio Gaja, Rapporteur spécial, 28 février 2006, A/CN.4/564, p. 18.
1278
Voir par exemple la création d’un Parlement africain ainsi que d’une Cour de justice dont les décisions sont
obligatoires pour tous les États membres ou la mission conférée à l’Union de « défendre la souveraineté, l’intégrité
territoriale et l’indépendance de ses États membres ou encore le « droit de l’Union d’intervenir dans un État membre
sur décision de la Conférence, dans certaines circonstances graves à savoir les crimes de guerre, le génocide et les
crimes contre l’humanité », voir supra, chapitre II.
1279
Voir Acte constitutif de l’Union africaine, article 3 (c).
1280
Projet d’articles

352
à côté du système de sécurité collective.1281 Les mécanismes de gestion des conflits des
Organisations régionales africaines sont ainsi considérés comme participant à la consolidation d’un
ordre public régional.1282 L’ordre régional en l’espèce se fonde à la fois sur le consentement qui
est considéré comme un élément formel de la reconnaissance de ces systèmes régionaux, mais
aussi sur la défense d’un certain nombre de principes communs au sein de la région. Ces principes
sont ceux auxquels les Organisations régionales ont conféré une force particulière et dont le respect
s’érige en un objectif substantiel pour lequel elles pourraient faire recours à la force armée.1283 Cet
argumentaire se trouve parfaitement confirmé par les mécanismes régionaux africains. Comme
nous l’avons relevé dans d’autres développements, la création de l’Union africaine procédait dans
un premier temps d’une volonté de promouvoir et de consolider l’unité africaine afin de faire face
efficacement aux nouveaux enjeux du continent. Elle marque également une adhésion et un ferme
engagement des Etats africains en faveur des valeurs des droits de l’homme, de démocratie et
d’Etat de droit. On note ainsi que les principes de respect et de promotion des droits de l’homme
et de démocratie, de rejet et de condamnation des changements anticonstitutionnels occupent une
place prépondérante dans l’Acte constitutif de l’Union africaine. Ces principes font non seulement
désormais partie des principes de l’Union africaine, mais ils ont acquis une force particulière qui
s’impose à tous les membres de sorte que leur inobservance entraine des sanctions de l’Union.
Notons au passage que le changement anticonstitutionnel a été érigé en crime, illustrant ainsi la
force particulière que revêt désormais le rejet et la condamnation des changements
anticonstitutionnels sur le continent.1284

La défense de ces principes pourrait par conséquent impliquer un recours à la force armée. La
CEDEAO a ainsi prévu un droit d’intervention en cas de violations graves et massives des droits

1281
Ana P. LLOPIS, « Réforme des Nations Unies et rôle des organisations régionales dans le maintien de la paix »,
dans CARDONA LLORENS, J. (ed.) La ONU y el Mantenimiento de la Paz en el siglo XXI. Entre la adaptación y la
reforma de la Carta (Tirant lo Blanch: Valencia, 2008), p.452.
1282
Ibid., p. 452.
1283
Ibid.
1284
Voir UA, Protocole portant amendements au protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits
de l’homme, article 28 E.

353
de l’homme ou de remise en cause de l’Etat de droit ou en encore en cas de renversement ou de
tentative de renversement d’un gouvernement démocratiquement élu.1285 C’est dans la même
logique que l’article 4 (h) de l’Acte constitutif confère à l’Union africaine le droit d’intervenir dans
un de ses Etats membres en cas de commission des crimes énoncés par la disposition.1286

C’est dans le même sens que se prononce le rapport du Groupe de travail spécial du Conseil de
sécurité sur la prévention et le règlement des conflits en Afrique. Dans une section intitulée
« Règles pour l’utilisation de la force et pour l’intégration complète de l’architecture africaine de
paix et de sécurité dans le système collectif de maintien de la paix et de la sécurité instauré par la
Charte », il est avancé que :

« […] le Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance de la Communauté économique


des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) édicte quelques principes révolutionnaires, puisqu’il souligne
l’interdépendance entre paix et sécurité, ou encore entre bonne gouvernance et démocratie dans la sous-région
de la CEDEAO. Pour la première fois dans l’histoire des relations internationales, des Etats ont accepté qu’un
ensemble de règles s’applique à l’exercice du pouvoir Etatique et déterminé des sanctions applicables en cas
de violations de ces règles. Des questions considérées comme d’ordre interne et relevant de la juridiction
exclusive de pays souverains sont donc soumises à l’examen de la communauté internationale. En ce sens, et
s’agissant en particulier de l’Union africaine et de la CEDEAO, les deux structures régionales les plus
développées qui aillent au-delà de la Charte des Nations Unies puisqu’elles déclarent que les deux
mécanismes en question seront opérationnels sans le consentement du pays hôte, (…) ».1287

Il est également indiqué que : « les Etats africains iraient jusqu’à accepter d’intervenir en cas de
changement de gouvernement anticonstitutionnel ».1288 Cette dernière affirmation a récemment été

1285
Voir CEDEAO, Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des conflits, de maintien
de la paix et de la sécurité, Abuja (Nigéria), décembre 1999, article 25 (e) et (f).
Voir article 4 (h) tel qu’amendé par le Protocole sur les amendements à l’Acte constitutif de l’UA adopté par la
1286

première session extraordinaire de la Conférence de l’Union, Addis-Abeba (Éthiopie) le 3 février 2003 et par la
deuxième session ordinaire de la Conférence de l’Union à Maputo (Mozambique), le 11 juillet 2003.
1287
Voir Rapport du Séminaire sur la « Coopération entre l’Organisation des Nations Unies et les organisations
régionales africaines dans le domaine de la paix et de la sécurité », S/2005/833, op. cit., p.16, par.10.
1288
Ibid., p. 16, par. 9.

354
mise en application par la CEDEAO qui a procédé à un déploiement de troupes aux frontières de
la Gambie pour mettre fin à une situation de changement anticonstitutionnel.1289

Toujours dans cette logique de mise en place d’un système de sécurité régionale, Patrick Daillier
énonçait dans un article portant sur l’intervention des Organisations internationales dans les
conflits armés, des critères qui selon lui autoriseraient à considérer que se met en place un système
de sécurité « régionale » par opposition à un système de « sécurité collective ». Il s’agit en premier
lieu d’un dessaisissement de l’organe central de la sécurité collective, le Conseil de sécurité des
Nations Unies, en d’autres termes, un refus de reconnaitre sa compétence exclusive.1290 Nous
avons déjà relevé sur ce point l’empiètement que font les mécanismes des Organisations régionales
africaines sur la responsabilité principale du Conseil de sécurité. Le deuxième critère avancé par
l’auteur est celui d’une compétence normative de l’Organisation l’autorisant à qualifier une
situation de « menace pour la paix ».1291 Nous avons également montré plus haut l’appropriation
par l’Union africaine, et par la CEDEAO du pouvoir de qualification des situations de crises sur
le continent. Le dernier critère est celui de la capacité suffisante de l’Organisation régionale pour
mettre en œuvre ses objectifs propres en matière de maintien de la paix.1292 Sur ce point, bien qu’il
faille reconnaitre la faible capacité de l’Union africaine et de la CEDEAO à mener des
interventions autonomes, les mécanismes de gestion des conflits ont été adoptés dans la dynamique
d’une appropriation du maintien de la paix et de la sécurité en Afrique. Il n’est pas besoin de
développement particulier pour se rendre compte que tous les critères sont réunis en l’espèce dans
le sens d’une mise en place d’une sécurité régionale.

1289
Voir pour une analyse de cette intervention Sâ Benjamin TRAORÉ & Alimata DIALLO, « De la légalité de
l’intervention militaire de janvier 2017 en Gambie », Revue belge de droit international, no2, 2017, pp. 666-708.
1290
Patrick DAILLIER, « L’intervention des organisations internationales dans les conflits armés. Sécurité
« collective » et sécurité régionale », dans Madjid BENCHIKH (sous la direction), Les Organisations Internationales
et les conflits armés, L’Harmattan, 2001, p. 75.
1291
Ibid., p. 75.
1292
Ibid.

355
En définitive, dans l’aspect normatif de l’utilisation de la force armée, l’autorisation ou
l’approbation à posteriori du Conseil de sécurité constituerait une circonstance excluant l’illicéité
de l’action qu’aurait entreprise l’Union africaine pour la mise en œuvre de l’article 4 (h).

2- L’article 4 (h) et la primauté du Conseil de sécurité en matière de recours à la force


armée (articles 24 et 53 de la Charte)

La majorité des analystes de l’article 4 (h) estime que la disposition est en contradiction avec les
articles 24 et 53 de la Charte des Nations Unies qui consacrent la primauté et la suprématie du
Conseil de sécurité en matière de recours à la force.

L’article 24 de la Charte confère au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de


la paix et de la sécurité internationales. L’article 53 de la Charte quant à lui institue une hiérarchie
institutionnelle de subordination des organisations régionales au Conseil de sécurité en matière de
recours à la force. Ces deux dispositions qui seront analysées ensemble participent à fonder la
primauté institutionnelle et le monopole du Conseil de sécurité dans l’utilisation de la force armée.

La question se pose alors de savoir si l’article 4 (h) pose réellement des défis normatifs à ces
dispositions de la Charte qui réglementent le recours à la force.

Mais bien que certaines dispositions de l’Acte constitutif de l’Union africaine, plus principalement
l’article 4 (h) semblent entretenir une certaine ambiguïté sur les relations entre le Conseil de
sécurité et les organisations régionales en matière de maintien de la paix et de la sécurité, le conflit
normatif avec le droit de la Charte ne trouve pas de fondement. A notre sens, tout est une question
d’interprétation.

Par exemple, certains auteurs ont déduit à partir des articles 16 (1) et 17 (1) du Protocole relatif
au Conseil de paix et de sécurité que l’Union africaine s’est arrogé la responsabilité principale du
maintien de la paix et de la sécurité en Afrique au détriment du Conseil de sécurité. Or, la
responsabilité principale de l’Union africaine qui est prévu à l’article 16 (1) du Protocole relatif
au Conseil de paix et de sécurité porte sur les relations entre l’Union et les Mécanismes régionaux
qui interviennent dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité et qui font partie
intégrante de l’architecture de sécurité de l’Union africaine.

356
De plus, rappelons que la responsabilité principale du Conseil de sécurité en matière de maintien
de la paix et de la sécurité n’est pas illimitée.1293 En réalité, comme le relève certains auteurs, elle
reste subordonnée à deux conditions qui ont certainement motivé les Etats membres à s’accorder
sur l’article 24 lors de la Conférence de San Francisco. 1294 Il s’agit de la capacité de l’organe
principal à agir au nom des Etats par des actions rapides et efficaces ainsi que le respect des buts
et principes de l’ONU dans l’exercice de ses pouvoirs conformément à l’article 24 (2) de la Charte.
Or il n’est pas très contesté que le Conseil de sécurité n’a pas été très souvent en mesure de
s’acquitter de cette responsabilité. Comme il a déjà été relevé plus haut, il lui est reproché son
incapacité à prendre des actions d’envergure pour mettre fin aux violents conflits. Il est également
accusé de ne pas toujours agir conformément aux buts et principes de la Charte au regard de la
sélectivité de ses actions au gré des intérêts des membres permanents.1295 La composition et le
fonctionnement de l’organe ont constamment été décriés au point de susciter des demandes de
réformes.1296 Ces insuffisances ont fortement nuancé la centralisation des pouvoirs aux mains du

1293
Dans le même sens, notons que la CIJ a dans un de ses avis consultatifs déclaré qu’une responsabilité « principale
» n’impliquait pas une responsabilité « exclusive », voir C.I.J., Certaines dépenses des Nations Unies (article 17, para
2 de la Charte), avis consultatif du 20 juillet 1962, Recueil 1962, p. 163.
1294
Ademola ABASS, « The New Collective Security Mechanism of Ecowas: Innovations and Problems », Journal
of Conflict and Security Law, vol. 5, n.2, 2000, p. 223; Ademola ABASS and Mashood A. BADERIN, « Towards
effective collective security and human rights protection in Africa: An assessment of the Constitutive Act of the new
African Union », op. cit., pp. 23-24.
1295
Jean Salmon relevait à propos du caractère dit « collectif » des décisions du Conseil de sécurité de l’ONU que : «
depuis la disparition de l’URSS, les Etats-Unis ont établi leur domination désormais incontestée sur cet organe. On
fait passer pour une volonté commune ce qui n’est que la politique des Etats-Unis », Jean SALMON, « Le droit
international à l’épreuve au tournant du XXIe siècle », Cours euro-méditerranéens Bancaja du droit international
(C.E.B.D.I.), vol. VI, 2002, p. 330. Voir également Jean SALMON, « Le procédé de la fiction en droit international
», Revue Belge de Droit International, vol. 10, no1, 1974, p. 14; Charles De VISSCHER, Théories et réalités en droit
international public, 4e édition, Paris, Pedone, 1970, p. 148 ; Ana Peyro Llopis qui note dans un premier temps qu’il
est « difficile de décerner un quelconque caractère « collectif » dans la pratique des acteurs qui interviennent dans le
domaine de la sécurité collective depuis la création de l’Organisation mondiale » et que sous la guerre froide, le
Conseil de sécurité a servi de moyen de légitimation de politiques unilatérales, Ana P. LLOPIS, « Le système de
sécurité collective entre anarchie et fiction : observations sur la pratique récente », in Droit du pouvoir, pouvoir du
droit, Mélanges offerts à Jean Salmon, Bruxelles, Bruylant, 2007, p. 1385 et p. 1405.
1296
Voir par exemple plusieurs projets tendant à poser les bases d’une certaine reforme dont le rapport du secrétaire
général de juillet 1997 : Rénover l’Organisation des Nations Unies : un programme de réformes, la Déclaration du
Millénaire proclamée par l’Assemblée générale en septembre 2000, le rapport de Kofi Annan de septembre 2002,
intitulé Renforcer l’ONU : un programme pour aller plus loin dans le changement.

357
Conseil de sécurité sur lequel repose le système de sécurité collective prévu par la Charte.1297 On
peut dès lors admettre dans ce contexte une redistribution des pouvoirs entre le Conseil de sécurité
et les Organisations régionales africaines permettant une marge de manœuvre de l’Union africaine
qui pourrait mener des interventions militaires en cas de blocage ou d’inaction du Conseil de
sécurité, conformément au but et à l’objet de l’article 4 (h).

Sur la question de la hiérarchie institutionnelle prévue par l’article 53 de la Charte, il peut être
avancé dans un premier temps qu’une anticipation sur une éventuelle autorisation du Conseil de
sécurité dans des cas d’urgence et surtout en cas d’inaction de celui-ci ne peut être considéré
comme contraire au droit de la Charte.1298 Le Conseil de sécurité ayant toujours le choix
d’approuver ou d’adopter une décision contraire après le déclenchement de l’action dans la mesure
où l’Organisation régionale reste toujours liée par l’obligation d’information prévue par l’article
54. Cette nouvelle lecture de la règle de l’autorisation se fonde principalement sur la nécessité
d’adapter le système de sécurité collective au changement de la nature des conflits et aux nouvelles
formes de menaces. Du reste, la responsabilité principale du Conseil de sécurité n’est pas
intangible. Il semble que sur le plan du principe, les rédacteurs de la Charte n’avaient pas envisagé
l’autorisation préalable du Conseil de sécurité comme absolue et inflexible.1299 Pour preuve, il
avait été admis une seconde exception à l’article 53 dans le cas d’actions coercitives entreprises
contre tout « Etat ennemi »1300.

1297
Certains ont même conclu à l’échec du système de sécurité collective, d’autres à un mouvement de décentralisation
du recours à la force armée, voir Ana P. LLOPIS, « Le système de sécurité collective entre anarchie et fiction :
observations sur la pratique récente », op. cit., p. 1387 ; la professeure Boisson De Chazournes parle de scénario de
décentralisation partielle du système de recours à la force armée, Laurence BOISSON De CHAZOURNES, « Les
relations entre organisations régionales et organisations universelles », op. cit., p. 305.
1298
Voir également sur ce point Guillaume ETIENNE, « L’article 2, paragraphe 7, de la Charte des Nations Unies :
Une lecture à la lumière de la pratique récente de l’Assemblée générale et du Conseil de Sécurité des Nations Unies »,
op. cit., p. 259.
1299
Ibid., p. 260.
1300
Article 53 (2), l’article est tombé en désuétude.

358
3- Une relecture particulière de la hiérarchie institutionnelle entre le Conseil de
sécurité et les organisations régionales en matière de recours à la force s’inscrivant
dans une tendance évolutive du droit de la Charte

C’est une tautologie de rappeler que le jus ad bellum tel que prévu par la Charte en 1945 a été en
partie un échec, de sorte que le système de sécurité collectif relève de nos jours d’une fiction
juridique.1301 En théorie, le système de sécurité collective prévu par la Charte est centralisé et
repose sur la subordination des Organisations régionales au Conseil de sécurité qui détient le
monopole pour ce qui est de l’emploi de la force armée sous réserve des exceptions prévues par la
Charte. Cependant, la pratique qui a suivi l’adoption de la Charte est loin d’être conforme aux
prescriptions théoriques. C’est cette relation de subordination qui relève de la fiction dans le sens
où à la fois les Organisations régionales que le Conseil de sécurité lui-même tendent à s’écarter du
chapitre VIII de la Charte. On note ainsi que les Organisations régionales font rarement référence
à la condition de l’autorisation du Conseil de sécurité, mais s’assurent que leurs actions s’inscrivent
dans le respect des buts et principes de la Charte. Elles sont disposées à agir en collaboration avec
l’ONU pour la défense d’intérêts communs notamment la préservation de la paix et de la sécurité
internationales, mais sont réticentes à se laisser enfermer dans le cadre strict de l’article 53 de la
Charte1302. Quant au Conseil de sécurité, sa pratique a oscillé depuis la fin de la guerre froide entre
quelques rares évocations à une absence totale de références au chapitre VIII dans ses relations
avec les Organisations régionales.1303 Il a pour la plupart du temps fondé ses résolutions sur le
chapitre VII en lieu et place du chapitre VIII. Lorsqu’il faisait néanmoins mention du chapitre
VIII, il s’abstenait de citer expressément l’article 53.1304 Divers arguments ont été avancés pour

1301
Voir Jean SALMON, « Le procédé de la fiction en droit international », op. cit., pp. 11-35 ; Ana P. LLOPIS, « Le
système de sécurité collective entre anarchie et fiction : observations sur la pratique récente », op. cit., pp. 1383-1421.
1302
Ana P. LLOPIS, « Le système de sécurité collective entre anarchie et fiction : observations sur la pratique récente
», op. cit., pp. 1383-1421.
1303
Laurence BOISSON De CHAZOURNES, « Les relations entre organisations régionales et organisations
universelles », op. cit., pp. 297-298 ; Christine GRAY, International Law and the Use of Force, 3e éd., Oxford, Oxford
University Press, 2008, pp. 423- 426.
1304
Le Conseil de sécurité a par exemple invoqué exclusivement le chapitre VII pour autoriser des actions coercitives
armées d’organisations comme c’était le cas de l’action de l’OTAN en Bosnie-Herzégovine, résolution 770 (1992) du

359
justifier cette pratique du Conseil de sécurité que la professeure Laurence Boisson de Chazournes
a qualifié de migration du régionalisme vers le chapitre VII. 1305 Ces justifications n’emportent
cependant pas conviction, de sorte qu’on en est arrivé à la conclusion que c’est le refus de
soumission des Organisations régionales au chapitre VIII qui implique leur subordination à travers
le modèle d’autorisation qui a motivé une telle migration.1306 Sur ce point, bien que certains
auteurs estiment que l’utilisation récurrente du chapitre VII à la place du chapitre VIII par le
Conseil de sécurité n’a pas d’incidence sur les relations entre l’ONU et les Organisations
régionales, il n’en est pas vraiment le cas.1307 Les tentatives du Conseil de sécurité d’aménager des
velléités émancipatrices des Organisations régionales traduisent suffisamment le fait que les
relations entre l’ONU et les Organisations régionales ne sont plus régies par le modèle
d’autorisation et de subordination des Organisations régionales en ce qui concerne l’emploi de la
force armée.

L’échec du système de sécurité collective et la défaillance de l’ONU face à certaines grandes crises
africaines a favorisé une revivification du phénomène régional en Afrique. Le nouveau
régionalisme africain est né dans un contexte de résurgence du panafricanisme et de velléités
autonomistes à l’encontre du système de sécurité collective qui a montré ses limites dans la gestion
des conflits sur le continent. Dans le même temps, l’appel à une plus implication des organisations

13 août 1992 ainsi que l’opération Artémis de l’Union européenne au Congo, résolution 1484 (2003) du 30 mai 2003.
Il a tantôt cité cumulativement les chapitres VII et VIII, c’était le cas de l’action de l’OEA en Haïti, résolution 875
(1993) du 16 octobre 1993 et de l’action de la CEDEAO en côte d’Ivoire, résolution 1464 (2003), 4 février 2003. Dans
sa résolution concernant l’action de la CEDEAO au Libéria, le Conseil de sécurité se réfère au chapitre VII tout en
mentionnant le chapitre VIII dans le préambule. Plus intéressant est la résolution 1132 (1997), portant sur l’action de
la CEDEAO en Sierra Léone, le Conseil de sécurité se réfère dans un premier temps au chapitre VII, ensuite au chapitre
VIII pour autoriser la CEDEAO à veiller à l’application de la résolution, mais il ne fait en aucun cas mention de
l’article 53. Pour plus de détails sur cette pratique du Conseil de sécurité, voir Christine GRAY, International Law
and the Use of Force, op. cit., pp. 423-426 ; Laurence BOISSON De CHAZOURNES, « Les relations entre
organisations régionales et organisations universelles », op. cit., pp. 297-298.
1305
Laurence BOISSON De CHAZOURNES, « Les relations entre organisations régionales et organisations
universelles », op. cit., pp. 296-298 ; voir sur les justifications les pages. 298-304.
1306
Ibid, p. 304 et p. 305.
1307
Voir entre autres Giorgio Gaja, « Use of Force Made or Authorized by the United Nations », dans Christian
Tomuschat (dir. publ.), The United Nations at Age Fifty. A Legal Perspective, la Haye, Kluwer International, 1995, p.
53; Christine GRAY, International Law and the Use of Force, op. cit., pp. 423-426.

360
régionales dans la résolution des conflits impliquait nécessairement une évolution du cadre
juridique originellement prévu par la Charte des Nations Unies.

Mais les initiatives et projets dans le sens d’une réforme de la Charte n’ayant pas abouti, les
organisations régionales africaines ont entrepris une relecture de certaines dispositions de la Charte
qui ne semblaient plus adaptées aux nouvelles réalités de la conflictualité en Afrique.

Les ambigüités juridiques entretenues par certaines dispositions normatives de l’Acte constitutif
et du Protocole de la CEDEAO s’expliquent ainsi par une institutionnalisation de l’évolution des
relations entre le Conseil de sécurité et les organisations régionales en matière de maintien de la
paix et de la sécurité. Ces relations reposant désormais beaucoup plus sur une certaine flexibilité,
de pragmatisme et de recherche d’efficacité plutôt que sur une relation de suprématie et de
primauté du Conseil de sécurité.

L’article 4 (h) est une réponse juridique à la défaillance du système de sécurité collective à prendre
en charge les conflits en Afrique. La disposition ne traduit pas pour autant une distanciation du
droit de la Charte. Elle semble plutôt exprimer un besoin d’adapter les règles existantes aux réalités
spécifiques d’un continent sujet à des conflits d’une nouvelle nature. C’est ce qu’énonce une des
recommandations du Rapport du Groupe de travail spécial du Conseil de sécurité sur la prévention
et le règlement des conflits en Afrique en ces termes :

« L’ONU devrait accepter l’évolution des normes en Afrique et chercher à intégrer l’architecture africaine
de paix et de sécurité et ses nouvelles normes dans les cadres juridiques internationaux et dans le système
collectif de maintien de la paix et de la sécurité établi par la Charte des Nations Unies ».1308

1308
Rapport du Séminaire sur la « Coopération entre l’Organisation des Nations Unies et les organisations régionales
africaines dans le domaine de la paix et de la sécurité », S/2005/833, op. cit., p. 16, par. 12.

361
CHAPITRE V : L’HYPOTHESE DE LA FORMATION D’UNE NORME COUTUMIERE
REGIONALE

L’argument de la formation d’une norme coutumière régionale sur le continent africain permettant
le recours à la force armée sans autorisation préalable du Conseil de sécurité a été avancé par
certains auteurs pour soutenir l’interprétation autonomiste de l’article 4 (h).1309 L’hypothèse étant
qu’une norme coutumière aurait émergé à la faveur des premières interventions armées sans
autorisation préalable du Conseil de sécurité des Organisations sous-régionales et se serait
cristallisée grâce à une pratique conventionnelle qui a procédé à sa codification. Dans ce chapitre,
nous tenterons de répondre à la question de savoir si les droits d’intervention codifiés par les
Organisations régionales africaines sont de nature coutumière.

L’existence d’une norme coutumière est attestée par la réunion de deux éléments : la pratique
générale et l’opinio juris. Celle-ci exprime la conviction des auteurs de la pratique de se conformer
à une obligation juridique.1310 La combinaison de ces deux éléments qui découle de l’article 38 b)
du Statut de la Cour internationale de justice se révèle en principe à la fois nécessaire et suffisante
pour attester de l’existence d’une coutume.1311 L’établissement de la preuve de l’existence d’une

1309
Voir Jorge C. LLORENS, « Le rôle des organisations internationales », dans Société française pour le droit
international, La responsabilité de protéger, Paris, Pedone, 2008, pp. 323-324 ; Ademola ABASS and Mashood A.
BADERIN, « Towards Effective Collective Security and Human Rights Protection in Africa : An Assessment of the
Constitutive Act of the New African Union », Netherlands International Law Review, vol. 46, 2002, pp. 22-23 ;
Jeremy I. LEVITT, « Pro-democratic Intervention in Africa »,Wisconsin International Law Journal, vol. 24, no3,
2006-2007, pp. 785-833, l’auteur y fait la démonstration de la cristallisation d’une norme coutumière d’intervention
pro-démocratique au niveau régional africain ; Jeremy I. LEVITT, « The Peace and Security Council of the African
Union and the United Nations Security Council : The Case of Darfur, Sudan », dans Niels M. BLOKKER et Nico
SCHRIJVER (dir. publ. ), The Security Council and the Use of force : Theory and Reality, a Need for a Change ?,
Martinus Nijhoff Publishers, 2005, pp. 228-236. Le même auteur soutient également la génération d’une coutume
instantanée au niveau régional africain, voir Jeremy I. LEVITT, « Humanitarian Intervention of Regional Actors in
Internal Conflicts: The Case of ECOWAS in Liberia and Sierra Leone », Temple International and Comparative Law
Journal, vol. 12, no 2, 1998, p. 351; John M. IYI, Humanitarian Intervention and the AU-ECOWAS Intervention
Treaties under International Law : Towards a Theory of Regional Responsibility to Protect, Springer, 2016, pp. 278-
282.
1310
Gérard CAHIN, La coutume internationale et les organisations internationales, Paris, Pedone, 2001, p. 257.
L’article 38, alinéa b du Statut de la Cour qui désigne la coutume internationale comme « preuve d’une pratique
1311

générale, acceptée comme étant le droit » est généralement considéré comme une définition du droit coutumier ainsi

362
coutume peut se révéler néanmoins une tâche plus ou moins ardue selon le domaine concerné. La
recherche s’avère particulièrement délicate s’agissant de faire la preuve d’un droit d’intervention
compte tenu de la sensibilité de la règle de l’interdiction du recours à la force armée qui est
considérée comme une norme coutumière générale. D’ailleurs la détermination de ces deux
éléments n’est pas sans créer quelques incertitudes. L’élément matériel pose moins de problèmes,
le principe de son existence n’étant pas très contesté. On sait qu’il renvoie à des comportements
tant matériels que verbaux de sujets de droit international susceptibles d’être considérés comme
des précédents pertinents pour la matière étudiée.1312 L’opinio juris est au contraire au centre de
multiples discussions jurisprudentielles et doctrinales. Les controverses doctrinales sur l’élément

que la traduction de la doctrine des deux éléments, Peter HAGGENMACHER, « La doctrine des deux éléments du
droit coutumier dans la pratique de la Cour internationale », Revue générale de droit international public, 1986, vol.
90, pp. 6-7. Cette approche binaire dite « des deux éléments » tire également son fondement d’autres sources du droit
international. La jurisprudence de l’ancienne Cour permanente et ensuite celle de la Cour internationale de Justice ont
participé à donner corps à cette théorie de reconnaissance du droit coutumier. Voir de façon sélective C.I.J., Immunités
juridictionnelles de l’État [Allemagne c. Italie, Grèce (intervenant)], arrêt, Recueil 2012, p. 99, et p. 122, par. 55 ;
Plateau continental de la mer du Nord, arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 3, p. 44, par. 77, la cour y soutient que : « […]
deux conditions doivent être remplies. Non seulement les actes considérés doivent représenter une pratique constante,
mais en outre ils doivent témoigner, par leur nature ou la manière dont ils sont accomplis, de la conviction que cette
pratique est rendue obligatoire par l’existence d’une règle de droit » ; Plateau continental (Jamahiriya arabe
libyenne/Malte), arrêt, C.I.J recueil 1985, p. 13, p. 29, par. 27 ; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique, fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 14, p. 97, par. 183. Elle est
également confirmée par la pratique des Etats et bénéficie de l’onction d’une majorité doctrinale. Voir CDI, Deuxième
rapport sur la détermination du droit international coutumier présenté par Michael Wood, rapporteur spécial,
A/CN.4/672, 22 mai 2014, pp. 7- 15.
1312
Voir Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
op. cit., p. 14, p. 108, par. 207 ; Barcelona Traction, Light and Power Company Limited, arrêt, C.I.J. Recueil 1970, p.
3, p. 329 (opinion individuelle du juge Ammoun), Affaire du détroit de Corfou, arrêt du 9 avril 1949, C.I.J. Recueil
1949, p. 4, p. 83 et 99, opinion dissidente du juge Azevedo qui soutient que : « La coutume est faite de précédents
reconnus […] [de] faits significatifs et constants permettant de considérer que les États ont accepté de reconnaître un
droit coutumier » ; Plateau continental de la mer du Nord, arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 3, p. 175, opinion dissidente
du juge Tanaka qui parle d’ « un usage ou […] la répétition persistante d’une même catégorie d’actes […] ; Brigitte
STERN, « Custom at the heart of international law », Duke Journal of Comparative and International Law, vol. 11,
2001, p. 89 et 95, l’auteur écrit sur la pratique : « It is very generally admitted that the material element is constituted
by the repetition of a certain number of facts for a certain length of time, these different variables being modulated
according to different situations ». Plusieurs auteurs ont également dressé des listes de principales formes que peut
revêtir la pratique. Voir de façon sélective James CRAWFORD, Brownlie’s Principles of Public International Law,
Oxford, Oxford University Press, 2012, p. 24 ; Luigi F. BRAVO, « Méthodes de recherche de la coutume
internationale dans la pratique des États », Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye, vol.
192, 1985, pp. 257 – 287 ; Marc E. Villiger, Customary International Law and Treaties : a manual on the Theory and
Practice of the Interrelation of Sources, 2e éd., La Haye, Kluwer Law International, 1997, p, 17 ; Allain PELLET, «
Article 38 », Le statut de la Cour internationale de justice : commentaire, 2e éd. In Andreas ZIMMERMANN et al.,
dir., Oxford, Oxford University Press 2012, pp. 815-816.

363
subjectif permettant l’accession de la pratique à la normativité peuvent se résumer en deux grandes
tendances. Une première conception, suffisamment radicale abonde dans le sens de la négation
même de l’opinio juris comme élément constitutif de la norme coutumière.1313 Les tenants de cette
thèse réduisent tantôt la coutume à son seul élément matériel qu’est la pratique, ou considèrent
tantôt l’élément subjectif comme une construction du juge international qui doit déceler dans un
amalgame de comportements des sujets de droit une prétention normative.1314 La seconde tendance
s’articule autour de divergences provenant de différents courants de pensée, notamment celles
objectiviste et volontariste.1315 Il n’est pas nécessaire de s’attarder sur ces désaccords doctrinaux
qui ont fait l’objet d’une abondante littérature.1316 Il importe tout simplement de retenir que la
doctrine majoritaire tend de nos jours à considérer la distinction des deux éléments comme une
exigence théorique, parce qu’en réalité ils ne sont pas des « entités juxtaposées dans le réel du
processus coutumier, mais comme les deux faces d’une même réalité, les deux aspects objectifs

1313
Voir de façon sélective Lazare KOPELMANAS, « Custom as a Means of the Creation of International Law »,
British Yearbook of International Law, vol. 18, 1937, p151 ; du même auteur « Essai d’une théorie des sources
formelles du droit international », Revue de Droit international, 1938, no1, p. 101 ; Kelsen qualifie par exemple la
doctrine qui considère l’opinio juris comme une conviction de remplir une obligation juridique de « manifestement
fausse », Hans KELSEN, « Théorie du droit international coutumier », Revue internationale de la théorie du droit,
1939, p. 263 et 264. Voir également du même auteur « Théorie générale du droit international public », Recueil des
cours de l’Académie de droit international de la Haye, 1932, IV (42), p. 117 ; Paul GUGGENHEIM, « Les deux
éléments de la coutume en droit international », La technique et les principes du droit public ( Études en l’honneur de
Georges SCELLE), Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1950, p. 275 et ss. ; du même auteur, Traité
de droit international public, Genève, 1953, t. I, p. 46 et ss. et « Principes de droit international public », Recueil des
cours de l’Académie de droit international de la Haye, 1952, I ( 80 ), pp. 70-73. Voir aussi sur un avis plus nuancé
Stelio SEFERIADES, « Aperçus sur la coutume internationale et notamment son fondement », Revue générale de
droit international public, vol. 40, 1936, p. 129 et p. 144, l’auteur soutient que la preuve de l’opinio juris est «
absolument facultatif ».
1314
Voir Peter HAGGENMACHER, « La doctrine des deux éléments du droit coutumier dans la pratique de la Cour
internationale », op. cit., p. 114 et p. 117 ; Hans KELSEN, « Théorie du droit international coutumier », op. cit., 1939,
p. 260.
1315
Les objectivistes se subdivisent à nouveau en différentes écoles en fonction de la nature de la nécessité à laquelle
on fait référence, la différence entre les deux conceptions objectivistes réside dans le fait que dans le premier cas, la
conviction est d’ordre juridique tandis que dans le second, elle est d’ordre métajuridique, l’auteur de la pratique est
animé par des principes d’ordre moral ou de droit naturel. Voir Julio A. BARBERIS, « Réflexions sur la coutume
internationale », op. cit., p. 26 ; Brigitte STERN, « La coutume au cœur du droit international : quelques réflexions »,
Le droit international : unité et diversité, Mélanges offerts à Paul REUTER, Paris, Pedone, 1981, p. 479.
1316
Voir entre autres l’exposé synthétique mais très consistant de Brigitte STERN, « La coutume au cœur du droit
international : quelques réflexions », op. cit., pp. 479 – 499.

364
d’un même phénomène ».1317 Du reste, cette conception dite binaire ou dualiste des deux éléments
bénéficie encore d’un accueil favorable en doctrine comme moyen d’identification de la norme
coutumière.1318

Par ailleurs, il convient de souligner qu’en principe, le processus de formation de la coutume


régionale est le même que celui de la norme coutumière à vocation universelle, c’est à dire qu’elle
fait intervenir de même les deux éléments constitutifs sus mentionnés. Mais la coutume locale se
veut propre à une région géographique ou politique et est destinée à ne lier qu’un nombre restreint
d’Etats.1319 Elle traduit une solidarité sociale des membres de la communauté restreinte concernée
qui, face aux spécificités de leurs problèmes, ont trouvé des solutions coutumières propres à leur
région. Ces coutumes n’ont en principe pas vocation à s’appliquer aux membres extérieurs de la
région. Il arrive toutefois des cas où la norme coutumière régionale prétend à l’institution d’un
ordre public régional qui pourraient s’imposer à des sujets de droit international ne relevant pas de
la région mais qui seraient amenés à y intervenir. Ce type de coutume qualifié de coutume
révolutionnaire par le professeur Dupuy a vocation à s’accomplir par une remise en cause de

1317
Gérard CAHIN, La coutume internationale et les organisations internationales : l’incidence de la dimension
institutionnelle sur le processus coutumier, op. cit., p. 265 ; voir également Serge SUR, pour qui la pratique n’ est pas
« une masse inerte à laquelle l’opinio juris insufflerait un sens juridique », Serges SUR, « La coutume internationale.
Sa vie, son œuvre », Droits, no3, 1986, p. 121 ; Luigi CONDORELLI, « La coutume », in Droit international, Bilan
et perspectives, édité par Mohammed BEDJAOUI, Paris, UNESCO, Pedone, 1991, t. I, pp. 197- 198, l’auteur soutient
que : « La conception binaire […] ne doit toutefois pas amener à croire que la recherche visant à cerner la pratique
des États et celle visant à déterminer leur opino juris peuvent être distinctes, comme s’il s’agissait de deux éléments
vraiment séparés. En effet, ce sont les mêmes actes dont l’ensemble compose la pratique des États qui doivent
témoigner, « par leur nature ou la manière dont ils sont accomplis », de l’existence de l’opinio juris. Cette dernière ne
saurait bien évidemment pas être recherchée de façon autonome au moyen d’une impossible analyse de caractère
psychologique portant sur les mobiles qui ont amené chaque État à adopter certaines conduites et pas d’autres ».
1318
Luigi CONDORELLI, « La coutume », op. cit., p. 198.
1319
Il convient de noter que si le principe d’une coutume régionale semble bien admis de nos jours, son existence
comme source de droit international a dans le passé fait l’objet de grandes controverses dans la doctrine. Fort
heureusement, une jurisprudence bien établie ainsi qu’une majorité doctrinale ont favorisé une reconnaissance
définitive de la coutume régionale comme source de droit international. Voir l’analyse détaillée sur la coutume locale
de Gérard COHEN-JONATHAN, « La coutume locale », Annuaire français de droit international, vol. 7, 1961, 119-
140 ; voir également Jean SALMON, Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 284 ;
Peter HAGGENMACHER, « La doctrine des deux éléments du droit coutumier dans la pratique de la Cour
internationale », op. cit., pp. 32 - 33 ; Pour Serge SUR, la différence entre ces deux types de coutume tient plus à leur
situation relative, qu’à une réelle différence de nature, Serge SUR, La coutume internationale, op. cit., p. 13.

365
l’ordre existant.1320 Elle s’oppose à des normes coutumières générales à vocation universelle, en
revendication d’un particularisme coutumier censé traduire une solidarité sociale entre des Etats
ayant des intérêts spécifiques communs.1321 Cet effet séparateur de la « coutume révolutionnaire »
influe en conséquence sur le processus de formation d’une telle norme coutumière qui ne répond
plus au schéma d’une longue sédimentation. A l’image de la coutume sauvage qui déroge à la
longue pratique établie au fil du temps selon l’image des pas traçant un sentier, la coutume
révolutionnaire est d’une « croissance rapide comme une plante tropicale ».1322

Il semble ainsi que la norme coutumière régionale africaine pressentie que l’on cherche à
démontrer réponde beaucoup plus au processus de formation d’une coutume révolutionnaire que
de celui d’une norme coutumière traditionnelle.

Nous procèderons à l’examen de notre hypothèse en deux sections correspondant aux deux étapes
du processus de formation d’une norme coutumière. Une première partie est consacrée à l’étape
d’émergence de la norme coutumière à travers l’étude de ses premières manifestations (Section I).
La seconde section porte sur la phase de codification qui est censée avoir cristallisé la norme
émergente (Section II).

Section I: les premières manifestations de la supposée norme coutumière

Bien qu’il soit admis que les deux éléments du droit international coutumier soient imbriqués et
indissociables, la détermination de l’existence d’une règle coutumière exige que chaque élément
soit analysé de façon séparée. Le plus important est de démontrer l’existence de ces deux éléments,
mais leur ordre temporel d’apparition importe peu. On procédera en premier lieu à l’examen de la
pratique (Par. I) avant de nous pencher sur la question de l’élément subjectif (Par. II).

1320
René-Jean DUPUY, « Coutume sage et coutume sauvage », La communauté internationale, Mélanges offerts à
Charles ROUSSEAU, Paris, Pedone, 1974, p. 83.
1321
Plusieurs règles coutumières sont nées de contestations du droit existant par les nouveaux Etats issus de la
décolonisation. C’est l’exemple en droit de la mer. Voir René-Jean DUPUY, « Coutume sage et coutume sauvage »,
op. cit., p. 83.
1322
René-Jean DUPUY, « Coutume sage et coutume sauvage », op. cit., p. 84.

366
Paragraphe I : Précédents constitutifs de la pratique pertinente

Précisons pour commencer que la pratique prise en considération est essentiellement celle des
Organisations sous-régionales, l’OUA n’ayant engagé aucune intervention armée jusqu’à son
remplacement. Le but ici n’est pas de revenir à nouveau de façon détaillée sur les interventions
militaires menées par les Organisations sous-régionales en question, elles ont déjà fait l’objet d’un
examen minutieux dans un précédent chapitre.1323 L’objectif sera plutôt de présenter tous les
précédents susceptibles d’avoir contribué à l’émergence ou à la formation de la coutume (A), et
de procéder, par la suite, à l’évaluation de leur pertinence (B).

A- Les actions coercitives armées sans autorisation préalable du Conseil de sécurité des
Organisations sous-régionales africaines

Les premiers précédents d’interventions militaires sans autorisation préalable du Conseil de


sécurité sont issus des interventions militaires de la CEDEAO menées au Libéria et en Sierra
Léone, ainsi que de celles de la SADC au Congo et au Lesotho.
1- Les actions coercitives armées de la CEDEAO au Libéria et en Sierra Leone

La CEDEAO a mené deux interventions militaires au Libéria et en Sierra Leone dont la licéité a
donné lieu à d’abondantes controverses doctrinales. Les justifications avancées au fondement de
ces interventions ont déjà fait l’objet d’analyse détaillée. Nous nous intéresserons dans le cas
présent exclusivement à la vérification du respect de l’article 53 de la Charte des Nations Unies
dans la conduite des interventions armées.

1.1- L’intervention militaire de la CEDEAO au Libéria

L’ECOMOG (ECOWAS Cease-Fire Monotoring Group ou Groupe de contrôle de cessez-le-feu


de la CEDEAO) a été créé lors de la première conférence du Comité permanent de médiation à

1323
Voir supra., chapitre I.

367
Banjul les 6 et 7 août 1990.1324 Il a été déployé le 27 août 1990 sur décision de ce Comité qui a
procédé à la qualification de la situation au Libéria après le constat suivant :

« [l]e refus des parties belligérantes de cesser les hostilités a entrainé une destruction massive de
biens et le massacre par toutes les parties, de milliers de civils innocents y compris des étrangers,
des femmes et des enfants dont certains avaient cherché refuge dans des églises, des hôpitaux, des
missions diplomatiques et sous la protection de la Croix rouge, contrairement à toutes les normes de
comportement civilisé. Pis encore, les rues des villes et des cités sont jonchées de cadavres non
enterrés, ce qui pourrait déclencher une épidémie. La guerre civile tient également prisonniers des
milliers d’étrangers y compris des citoyens de la CEDEAO, qui n’ont aucun moyen ni de s’échapper,
ni de se protéger. De tout ceci, il résulte une situation d’anarchie et d’effondrement total de l’ordre
public au Libéria. Le gouvernement actuellement en place au Libéria ne peut pas gouverner, et les
factions au conflit tiennent la population entière en otage, la privant de nourriture, de soins de santé
et d’autres nécessités vitales ».1325

Partant de ce constat, les membres du Comité permanent de médiation parviennent à la conclusion


que le conflit au Libéria constituait une menace pour la paix et la sécurité internationales et
prennent dès lors la décision « d’assumer leur responsabilité fondamentale de maintien de la paix
et de la stabilité dans la sous-région et sur le continent africain dans son ensemble ».1326

Ces faits imposent dès à présent deux importantes remarques. Premièrement, la qualification de la
situation au Libéria par le Comité permanent de médiation de « menace pour la paix et la sécurité
internationales » en usurpation du pouvoir exclusif du Conseil de sécurité. Une telle qualification

1324
Le Comité permanent de médiation a lui-même été créé au cours de la treizième session de la Conférence des
chefs d’État et de gouvernement, tenue du 28 au 30 mai 1990 à Banjul en Gambie. C’était un organe subsidiaire
composé de cinq membres renouvelables tous les trois ans. Il était composé à sa création et au cours de ses trois
premières années de la Gambie, du Ghana, du Mali du Nigéria et du Togo, voir CEDEAO, Décision A/DEC. 9/5/90
relative à la création d’un Comité permanent de médiation, Journal officiel, vol. 17, juin 1990, p. 24.
1325
Final Communique of the First session of the Community Standing Mediation Comitee, ECOWAS, Banjul,
Republic of Gambia, August 6-7, 1990, par. 6-7 (texte original en anglais).
1326
Ibid, par. 9.

368
par le Conseil de sécurité n’interviendra qu’en 1992, lorsqu’il adopte sa première résolution sur la
situation au Libéria.1327

Deuxièmement, l’Organisation régionale n’a pas expressément requis l’autorisation du Conseil de


sécurité comme l’exige l’article 53 de la Charte avant l’adoption de la décision de déploiement et
son exécution. Il va de soi que nous considérions que le déploiement de cette force nécessitait une
autorisation du Conseil de sécurité. Nous avons clairement démontré dans un précédent chapitre
que cette action de l’ECOMOG au Libéria ne pouvait pas être considérée comme une opération
consensuelle de maintien de la paix.1328 A l’issue de la première session du Comité permanent de
médiation qui a décidé de la création et du déploiement de l’ECOMOG, le Nigéria a adressé au
nom de la CEDEAO une déclaration au Conseil de sécurité sur la situation au Libéria. Cette lettre
informe le Conseil de sécurité des mesures adoptées par l’Organisation régionale dans le cadre de
la résolution du conflit, mais ne fait en aucun cas mention d’une autorisation pour utiliser la force
armée.1329 Il est plutôt fait mention d’un « appui moral à l’initiative de la CEDEAO au Libéria »,
sans oublier la nécessité d’une « contribution matérielle généreuse à la réalisation des objectifs
fixés par la CEDEAO au Libéria ».1330 A noter que le président du Conseil de sécurité fera deux
déclarations à la suite de la lettre, mais sans aucune référence non plus à une quelconque
autorisation.1331

Après ce premier acte de déploiement de l’ECOMOG, la CEDEAO va procéder deux ans plus
tard, à l’adoption de mesures de contrainte à la suite de multiples affrontements entre l’ECOMOG
et le Front national patriotique du Libéria (N.P.F.L.) et le non-respect par les factions rebelles des

1327
Voir la résolution 788 du 19 novembre 1992, préambule, par. 5, dans laquelle le Conseil de sécurité qualifie la
situation au Libéria « de menace à la paix et à la sécurité internationales, surtout pour la région de l’Afrique de l’Ouest
».
1328
Voir supra chapitre I.
1329
Déclaration du 9 août 1990, annexée à Lettre datée du 9 août 1990, adressée au Secrétaire général par le
représentant permanent du Nigéria auprès de l’ONU, S/21485, 10 août 1990, p. 3.
1330
Ibid. Nos italiques.
1331
Voir S/22133 du 22 janvier 1991 et S/23886 du 7 mai 1992.

369
Accords de Yamoussokro.1332 Ces mesures consistaient en l’imposition d’un blocus de tous les
points d’entrée terrestres, aériens et maritimes du Libéria afin d’empêcher les parties au conflit
d’avoir accès au matériel de guerre et d’exporter des produits à partir des zones qu’elles contrôlent
dans le pays.1333 Après l’adoption de ces mesures, l’Organisation sous-régionale s’est adressée au
Conseil de sécurité pour :

« solliciter l’assistance des Nations Unies pour la mise en œuvre, par la communauté internationale,
conformément aux dispositions pertinentes du chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, des
sanctions à prendre à l’encontre des parties au conflit qui ne respecteraient pas les dispositions des
Accords de Yamoussokro IV […] ».1334

Ces dernières sanctions adoptées par la CEDEAO qui ne sont pas à l’origine des actions armées
n’excluent néanmoins pas un recours à la force armée pour en assurer le respect. Ces décisions de
l’Organisation régionale constituent de réelles formes de pression sur les groupes armés impliqués
dans le conflit libérien. Etant donné qu’elles visent la modification du comportement de ces
groupes dont les agissements ont conduit à la qualification de la situation au Libéria de menace

1332
Voir sur les affrontements Keesing’s, 1992, p. 38853 et sur les Accords de Yamoussokro, Lettre datée du 17
novembre 1992 adressée au président du Conseil de sécurité par le representant permanent du Benin auprès de
l’Organisation des Nations Unies, Conseil de sécurité, S/24815 du 17 novembre 1992.
1333
Ces sanctions avaient été décidées au cours d’une première réunion conjointe du Comité permanent de médiation
et du Comité des cinq, réunion tenue à Cotonou au Bénin le 20 octobre 1992 (à ne pas confondre avec les Accords de
Cotonou conclus plus tard le 25 juillet 1993 entre le gouvernement provisoire d’unité nationale du Libéria, le Front
National Patriotique du Libéria (NPFL) et le Mouvement Uni de libération du Libéria (ULIMO). Voir S/26272) et un
délai avait été imparti aux parties au conflit pour l’application des dispositions de l’Accord de Yamoussokro IV. Le
délai ayant expiré et la situation s’étant empiré sur le terrain, le Comité permanent de médiation et le Comité des cinq
de la CEDEAO sur la crise libérienne ont décidé de l’entrée en vigueur des sanctions contre toutes les factions
belligérantes à compter du 5 novembre 1992. Voir Lettre datée du 28 octobre 1992, adressée au président du Conseil
de sécurité par le représentant permanent du Benin auprès de l’Organisation des Nations Unies, S/24735 du 29
octobre 1992. Voir aussi Lettre en date du 13 novembre 1992, adressée au président du Conseil de sécurité par le
représentant permanent du Benin auprès de l’Organisation des Nations Unies, S/24812 du 16 novembre 1992.
1334
Voir S/24735 du 29 octobre 1992, par. 4 ; voir également S/24812 du 16 novembre 1992 où il est indiqué que : «
les chefs d’État et de gouvernement ont réaffirmé le mandat donné aux ministres des affaires étrangères du Comité
des Neuf pour se rendre dès que possible à New York avec le Secrétaire exécutif des Neuf afin d’entreprendre des
démarches pour que le Conseil de sécurité approuve la décision sur les sanctions et la rende obligatoire à l’égard de
toute la communauté internationale, conformément aux dispositions pertinentes de la Charte des Nations Unies », par.
16 ; voir également la déclaration du représentant du Benin au Conseil de sécurité au nom de la CEDEAO au cours
d’une réunion du Conseil de sécurité consacrée à la situation au Libéria, tenue le 19 novembre 1992, S/PV. 3138, p.
11, par. 2.

370
contre la paix et la sécurité internationales, les sanctions imposées par la CEDEAO sont
constitutives de menaces d’emploi de la force armée.1335 Or, à l’intar de celles autorisant un
recours à la force proprement dit, les décisions des Organisations régionales qui constituent une
menace d’utilisation de la force armée doivent faire l’objet d’une autorisation du Conseil de
sécurité.1336 Toutefois, dans son appel à une assistance du Conseil de sécurité, la CEDEAO ne fait
aucune mention d’une demande d’autorisation à ce dernier. On peut noter en l’espèce que
l’Organisation régionale se réfère à ce moment au Conseil de sécurité pour bénéficier à la fois de
la légitimité universelle de l’ONU mais aussi pour rechercher une effectivité à l’echelle des
Nations Unies des sanctions adoptées. En réponse à la sollicitation de la CEDEAO, celui-ci
adoptait la résolution 788 (1992) dans laquelle, agissant en vertu du chapitre VII de la Charte, il
imposait un embargo sur les armes et le matériel militaire du Libéria, excepté ceux destinés à
l’usage des forces de l’ECOMOG.1337 Cette décision du Conseil de sécurité n’aborde pas non plus
l’exigence d’une autorisation préalable aux décisions coercitives de l’Organisation régionale. Pas
plus qu’elle n’approuve l’utilisation de la force armée qui est susceptible d’être fait pour imposer
le respect des sanctions decidées par le Conseil de sécurité. La suite des évènements montrera bien
que le règlement militaire du conflit était inévitable. Il est rapporté que quelques semaines après
l’adoption du blocus et de l’embargo, l’ECOMOG était autorisée à utiliser la force armée afin de
contrôler l’embargo et imposer le cessez-le-feu.1338 La force sous-régionale mène dès lors une
offensive contre le F.N.P.L et va même jusqu’à l’étendre sur le territoire ivoirien, ce pays étant
soupçonné de laisser transiter des armes à destination de cette faction rebelle.1339

1335
Voir Ana Peyro LLOPIS, Force, ONU et organisations régionales : répartition des responsabilités en matière
coercitive, Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 274.
1336
Ibid.
1337
S/RES/788 (1992) du 19 novembre 1992, par. 8-9.
1338
Ana Peyro LLOPIS, « Le système de sécurité collective entre anarchie et fiction. Observations sur la pratique
récente », in Droit du pouvoir, pouvoir du droit. Mélanges offerts à Jean Salmon, Bruxelles, Bruylant, 2007, p.
1409 qui indique que : « La CEDEAO avait en effet adopté auparavant deux séries de mesures autorisant le recours à
la force armée par l’ECOMOG pour contrôler l’embargo, d’une part, et pour imposer la paix d’autre part ».
1339
Meledje DJEDJRO, « La guerre civile du Libéria et la question de l’ingérence dans les affaires intérieures des
Etats », Revue Belge de Droit International, vol. 2, 1993, Editions Bruylant, Bruxelles, p. 424.

371
Tout ceci montre bien que les actions coercitives armées de la CEDEAO au Libéria dans le cadre
de la gestion du conflit meurtrier qui y a éclaté en 1989 s’inscrivaient dans un déni total de l’article
53 de la Charte des Nations Unies. Si la CEDEAO avait le souci du respect du droit de la Charte,
elle aurait pu solliciter une autorisation du Conseil de sécurité au début du déploiement en
prévision de la complexité du conflit, ou, à la limite après l’adoption des sanctions dont
l’application nécessitait inévitablement une utilisation de la force armée. Notons que par le passé,
le Conseil de sécurité avait déjà donné mandat pour une utilisation de la force armée par
anticipation à la Mission de maintien de la paix de l’ONU déployée en République démocratique
du Congo, (la MONUC).1340

1.2- L’opération militaire de la CEDEAO en Sierra Léone

A la suite de son action au Libéria, la CEDEAO conduit une autre opération militaire en février
1998 dans un conflit interne qui se déroulait en Sierra Leone. Tout comme au Libéria,
l’intervention de l’Organisation régionale a été menée sans une autorisation préalable et expresse
du Conseil de sécurité. En effet, le 25 mai 1997, le président démocratiquement élu du Libéria
Ahmed Tejan Kabbah est renversé par un coup d’Etat alors que le pays est déjà en proie à une
guerre civile du fait d’affrontements entre des factions rebelles. 1341 La CEDEAO se saisissait de
la situation et adoptait un certain nombre de mesures destinées à rétablir le gouvernement du
président Ahmed Kabbah qu’elle considèrerait comme légitime.1342 Ces mesures impliquaient la
mise en œuvre simultanée d’actions coercitives non armées et armées à savoir la concertation,
l’imposition de sanctions, l’application d’un embargo et l’utilisation de la force armée.1343 Cette
décision est communiquée par lettre datée du 27 juin au Conseil de sécurité sans mention d’une
quelconque demande d’autorisation. Le 29 août 1997, après avoir qualifié la situation en Sierra

1340
Voir S/RES/1291 (2000) du 24 février 2000, par. 8.
1341
La Sierra Léone à l’instar du Libéria connait une situation de guerre civile dès l’année 1991, le RUF (Front
Révolutionnaire Uni) soutenu par le NPLF de Charles Taylor (Groupe armé du Libéria voisin) déclenche une rébellion
contre le régime de Joseph Momoh.
1342
Voir le Communiqué annexé à la Lettre datée du 27 juin 1997, adressée au Président du Conseil de sécurité par
le représentant permanent du Nigéria auprès de l’ONU, S/1997/499, 27 juin 1997.
1343
Ibid, par. 9.

372
Leone de menace à la paix et à la sécurité internationales dans la sous-région, l’Organisation sous-
régionale approuvait diverses sanctions et un blocus comme de nouvelles mesures pour rétablir le
gouvernement Kabbah.1344 L’ECOMOG est mandaté pour veiller à l’application des sanctions et
de l’embargo.1345 Ces décisions qui impliquaient un recours à la force armée pour en assurer le
respect sont également communiquées au Conseil de sécurité sans une référence à une
autorisation.1346 L’Organisation régionale se contente de requérir « l’assistance du Conseil de
sécurité des Nations Unies en vue de rendre les présentes sanctions ainsi décrétées universelles et
obligatoires, conformément à la Charte des Nations Unies ».1347 En réponse, le Conseil de sécurité
adoptait la résolution 1332 (1997) par laquelle, agissant en vertu du chapitre VII, il entérinait les
mesures de sanctions et d’embargo décidées par la CEDEAO. Par ailleurs, agissant en vertu du
chapitre VIII, il « autorise la CEDEAO, en coopération avec le gouvernement démocratiquement
élu de la Sierra Leone, à veiller à la stricte application des dispositions » de la résolution.1348
L’autorisation du Conseil de sécurité est intervenue après l’adoption des décisions par
l’Organisation régionale, sans que celle-ci ne l’ait auparavant requise.

Entretemps, un accord de paix sera conclu entre la CEDEDAO et le chef des putschistes le major
Johnny Paul Koromah qui prévoyait le retour du président dans un délai de six mois, le processus

1344
Voir Décision A Dec. 7/8/97 du 29 août 1997 ou le Communiqué final adopté lors de la conférence au sommet de
la CEDEAO tenue à Abuja les 28 et 29 août 1997, annexe I à la Lettre datée du 8 septembre 1997, adressée au
Président du Conseil de sécurité par le représentant permanent du Nigéria auprès de l’ONU, S/1997/695, 8 septembre
1997. Voir sur la qualification de menace contre la paix et la sécurité internationales dans la sous-région et les sanctions
l’annexe II, intitulé Décision relative à l’imposition de sanctions contre la junte en Sierra Leone, Abuja, 28-29 août
1997.
1345
Ibid, par. 25.
1346
Voir l’article 7 de l’annexe II à la Lettre datée du 8 septembre 1997, adressée au Président du Conseil de sécurité
par le représentant permanent du Nigéria auprès de l’ONU, S/1997/695, 8 septembre 1997, intitulé Décision relative
à l’imposition de sanctions contre la junte en Sierra Leone, qui indique que : « Les forces sous régionales emploieront
tous les moyens nécessaires pour imposer l’application de la présente décision. Ils surveilleront de près les zones
côtières, les frontières terrestres et l’espace aérien de la République de Sierra Leone et inspecteront, garderont et
saisiront tout navire, véhicule ou aéronef qui violera l’embargo imposé par la présente décision ». Souligné par nous.
1347
Voir article 10 de l’annexe II à la Lettre datée du 8 septembre 1997 adressée au Président du Conseil de sécurité
par le représentant permanent du Nigéria auprès de l’ONU, S/1997/695, 8 septembre 1997, intitulé Décision relative
à l’imposition de sanctions contre la junte en Sierra Leone. Nos italiques.
1348
Voir CS Rés. 1132 (1997), 08 octobre 1997, par. 8. Nos italiques.

373
de mise en œuvre fut confié à l’Organisation sous-régionale.1349 Mais avant l’arrivée à terme de
l’échéance prévue dans l’accord, prétextant d’attaques contre ses forces et d’un changement de la
position de la junte, l’ECOMOG lançait une offensive contre la junte et parvenait à la renverser.1350
Cet usage de la force armée par la CEDEAO n’a pas non plus été précédé par une résolution du
Conseil de sécurité lui autorisant le recours à la force armée. Il est clair que cette opération militaire
ne peut être justifiée par l’exercice du droit de légitime défense, la force armée utilisée par la
CEDEAO était au-delà du seuil légal autorisé en matière de légitime défense.1351 A l’instar du
précédent libérien, le Conseil de sécurité s’est félicité de cette action de la CEDEAO en Sierra
Léone, sans jamais soulever la question de la licéité des actions armées de l’Organisation régionale
à l’encontre de la junte.1352

2. Les interventions militaires de la SADC au Congo et au Lesotho

Inspirée par les initiatives de la CEDEAO, la SADC expérimente à son tour des interventions dans
deux de ses Etats membres sans autorisation préalable du Conseil de sécurité.

2.1- L’action militaire de la SADC au Lesotho

L’Afrique du Sud et le Botswana mènent une opération militaire au Lesotho en septembre 1998
dans le but de prévenir un coup d’Etat militaire imminent.1353 Baptisée « operation Bolease » et

1349
Voir les annexes I et II à la Lettre datée du 28 octobre 1997, adressée au président du Conseil de sécurité par le
représentant permanent du Nigéria auprès de l’ONU, op. cit..
Les combats ont pris fin le 14 février 1998, voir Keesing’s, 1998, p. 41992 et p. 42048 ainsi que Abou ABASS,
1350

« La CEDEAO et le maintien de la paix et de la sécurité internationales », op. cit., p. 17 ; Ademola ABASS, « The
Implementation of ECOWAS’New Protocol and Security Council Resolution 1270 in Sierra Leone : New
Developments in Regional Intervention », University of Miami International & Comparative Law Review, Vol. 10,
2015, p.181.
1351
Voir les précédents développements sur ce point, supra chapitre I.
1352
Voir résolution 1156 (1998) du 16 mars 1998 dans laquelle le Conseil de sécurité prend acte de la dépossession
de la junte du pouvoir, mais n’a toutefois pas condamné l’utilisation de la force armée par la CEDEAO pour atteindre
ce but. Voir S/PV 3861, 16 mars 1998 ainsi que la lettre datée du 9 mars 1998, adressée au président du Conseil de
sécurité par le chargé d’affaires par intérim de la mission permanente de la Sierra Léone auprès de l’Organisation des
Nations Unies S/ 1998/215 du 09 mars 1998. « Agissant en vertu du chapitre VII de la Charte », il se félicite du retour
du président démocratiquement élu et décide de lever l’embargo.
1353
Voir Keesing’s, september 1998, p. 42476

374
initialement conduite par les deux Etats membres de la SADC, elle est endossée par l’Organisation
sous-régionale.1354 En effet, ces deux pays ont déployé des troupes agissant comme une force
militaire combinée d’intervention dénommée Combined Task Force (CFT) à la suite d’appels à
l’aide lancés par le premier ministre du Lesotho aux Etats membres de la SADC.1355 Cette action
militaire a soulevé de nombreuses controverses et a même été considérée comme une invasion par
bon nombre de médias nationaux et internationaux ainsi que par l’opposition politique du
Lesotho.1356 Outre l’ambiguïté qui entoure la prise de la décision d’intervention, elle a également
été menée sans une autorisation préalable du Conseil de sécurité. Il n’existe pas de décision
formelle de la SADC autorisant le déploiement militaire au Lesotho. Il est soutenu que la décision
d’intervention aurait été prise lors d’une réunion des ministres de la défense tenue à Gaborone le
15 septembre 1998 à laquelle n’étaient présents que l’Afrique du Sud et le Botswana, les deux
pays intervenants.1357 Ces deux pays ont par la suite porté l’information aux autres membres de la
communauté en leur demandant une contribution par l’apport de troupes. L’intervention militaire
n’a pas été portée à la connaissance du Conseil de sécurité, son autorisation à fosteriori n’a pas été
sollicité.

2.2- L’intervention militaire de la SADC en République démocratique du Congo (RDC)

Il convient de noter qu’il n’existe cependant d’acte juridique formel et officiel d’endossement de cette action
1354

armée par la SADC, voir nos développements antérieurs sur la question.


1355
L’Afrique du Sud a expédié une troupe militaire de 600 soldats au 22 septembre 1998, celle-ci est rejointe par une
troupe de 200 hommes du Botswana, voir Keesing’s, septembre 1998, p. 42476, voir aussi nos précédents
développements.
1356
Cedric de CONING, « Lesotho Intervention: Implications for SADC. Military interventions, peacekeeping and
the African Renaissance », in Contributions Towards an African Renaissance, Hussein SOLOMON and Marie
MULLER, Africa Dialogue Monograph, Series 1, Durban, ACCORD, 2000, p. 42 et p. 45; Marc MALAN, « Regional
Power Politics Under Cover of SADC – Running Amok with a Mythical Organ », op. cit, p. 6 ; Fako J. LIKOTI, «
The 1998 Military Intervention in Lesotho : SADC Peace Mission or Resource War ?», International Peacekeeping,
vol. 14, no2, 2007, pp. 257- 260.
1357
Cedric de CONING, « Lesotho Intervention: Implications for SADC. Military interventions, peacekeeping and
the African Renaissance », op. cit., p. 43; Cedric de CONING, « Conditions for intervention: DRC & Lesotho », op.
cit..

375
L’Angola, la Namibie et le Zimbabwe sont intervenus en République démocratique du Congo sous
la bannière de la SADC en réponse à une demande d’assistance du président Laurent Désiré
Kabila.1358 Ces trois pays membres ont engagé leurs troupes en RDC à l’issue de la réunion du
Comité interEtatique de Défense et de Sécurité tenue le 18 août 1998 à Harare au Zimbabwe.1359
L’intervention militaire entreprise par ces pays se fonde sur les conclusions émises par le Comité
spécial selon lesquelles la RDC serait victime d’une invasion.1360 L’autorisation du Conseil de
sécurité n’a pas été sollicitée, il sera informé après le fait accompli. Dans la lettre qu’ils adressent
au Conseil, les pays intervenants ont allégué la légitime défense collective qui en principe dispense
celui qui l’invoque de l’exigence de l’autorisation du Conseil de sécurité.1361 Sauf que le Conseil
de sécurité n’a pas admis de façon expresse ce motif d’intervention. Bien au contraire, les multiples
résolutions qu’il a adopté dans le cadre de la crise en RDC ne font aucune référence à ce recours à
la force armée par la SADC. Le Conseil de sécurité s’est limité à relever le rôle de l’OUA dans la
résolution du conflit, lorsqu’il fait mention de la SADC, il se contente de louer les efforts de
résolution pacifique menée par le groupe de pays membres de la SADC ayant opté pour la voie
pacifique de résolution du conflit.1362

B- L’évaluation de la pertinence de ces précédents en tant que pratique constitutive de


norme coutumière

Ces précédents constituent les premiers exemples d’interventions unilatérales qui n’ont pas été
condamnées par la communauté internationale. Peut-on cependant y voir une pratique générale
constitutive d’une norme coutumière?

1358
Pour plus de détails, voir nos précédents développements.
1359
Voir UN Document S/1998/891, Annex, Letter from the Permanent Representative of the Republic of Zimbabwe
to the United Nations addressed to the President of the Security Council regarding the crisis in the Democratic
Republic of Congo, 25 september 1998.
1360
Le comité spécial a été mis en place par le Sommet pour déterminer la nature du conflit se déroulant en RDC afin
de recommander la voie à suivre en fonction des conclusions.
1361
Voir Lettre datée du 23 septembre 1998, adressée au président du Conseil de sécurité par le représentant
permanent du Zimbabwe auprès de l’Organisation des Nations Unies, 25 septembre 1998, S/1998/891
1362
Voir par exemple, S/PRST/1998/36, par. 5 ; S/RES/1234 (1999), par. 11.

376
Comme l’a si bien relevé Gérard Cahin, l’identification d’une conduite comme pratique : « ne
signifie pas qu’elle soit nécessairement concluante pour constater l’existence de la règle alléguée,
mais seulement qu’elle peut être à bon droit prise en considération pour examiner si une telle règle
existe ».1363

La question se pose ici de savoir quelles caractéristiques doit présenter une pratique pour être
considérée comme une pratique générale au sens de l’article 38 du Statut de la CIJ. Face à la
généralité de la formule, la jurisprudence et la doctrine ont réussi à apporter des précisions utiles
sur les conditions que doit réunir une pratique pour être créatrice d’une norme coutumière. Une
première caractéristique porte sur sa généralité. Il a été en effet largement admis que la pratique
dont il est possible de déduire une coutume n’est pas nécessairement une pratique unanime et
universelle mais simplement générale.1364 Il ressort ainsi du projet de conclusion du deuxième
rapport sur la détermination du droit international coutumier de la Commission du droit
international présenté par Michael Wood que : [..]1. Pour concourir à constituer une règle de droit
international, la pratique correspondante doit être générale, c’est à dire suffisamment répandue
et représentative, sans être forcément universelle ».1365 Il ressort également de plusieurs arrêts de
la CIJ qu’il n’est pas exigé l’action de tous les Etats, il suffit d’une participation très large et

1363
Gérard CAHIN, La coutume internationale et les organisations internationales : l’incidence de la dimension
institutionnelle sur le processus coutumier, op.cit., p. 94 ; Maurice H. MENDELSON, « The formation of the
customary international law », Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye, 1998, 272, pp. 155-
293.
1364
Voir C.I.J., Barcelona Traction, Light and Power Company Limited, arrêt, Recueil 1970, p. 330, (opinion
individuelle du juge Ammoun qui soutient que : « Sans doute ressort –il des termes explicites de l’Article 38,
paragraphe 1 b) du Statut de la Cour, que la pratique dont il est possible de dégager la coutume générale est celle de
la généralité et non de l’unanimité des États ») ; C.I.J., Plateau continental de la mer du Nord, arrêt, Recueil 1969,
p.3, p. 104, opinion individuelle du juge Fouad Ammoun et p. 229, opinion dissidente du juge Lachs ; C.I.J., Essais
nucléaires (Australie c France), arrêt, Recueil 1974, p. 253, p. 435 (opinion dissidente du juge Sir Gardfield Barwick
qui note que : « le droit coutumier ne dépend à mon avis pas d’une adhésion universelle ») ; voir également en doctrine
Hugh THIRLWAY, The sources of International Law, Oxford, Oxford University Press, 2014, p. 59 ; Laurence
BOISSON de CHAZOURNES, « Qu’est-ce que la pratique en droit international ? », La pratique et le droit
international, Société Française pour le Droit international, La pratique et le droit international, Colloque de Genève,
Paris, Pedone, 2004, p. 17 ; Gérard CAHIN, La coutume internationale et les organisations internationales :
l’incidence de la dimension institutionnelle sur le processus coutumier, op. cit., pp. 398-408.
1365
Voir CDI, Deuxième rapport sur la détermination du droit international coutumier, présenté par Michael Wood,
Rapporteur spécial, Genève, 5 mai- 6 juin et 7 juillet-8 août 2014, projet de conclusion 9, p. 46, par. 59.

377
représentative.1366 Il reste par ailleurs difficile d’indiquer un nombre d’Etats dont la participation
permettrait la qualification d’une pratique de « générale ».1367 Il est même possible que la pratique
d’un nombre limité d’Etats assortie de l’inaction des autres suffise à provoquer la naissance d’une
règle coutumière internationale.1368

Cette condition n’est cependant appréciée que sur le plan quantitatif, il est exigé sur le plan
qualitatif la participation des Etats particulièrement intéressés, sans que la seule pratique de ces
Etats soit considérée comme suffisante pour créer une règle coutumière.1369 Dans la mesure où
certains Etats pourraient en fonction de la règle prise en considération être touchés ou intéressés
dans une plus grande mesure que d’autres, leur pratique devrait bénéficier d’un intérêt
considérable. Certains Etats pourraient ainsi être « représentatifs » par rapport à d’autres en
fonction du thème ou de l’activité considérée.1370 Il peut toutefois arriver que l’on ne soit pas en
mesure d’identifier les Etats particulièrement intéressés, tous les Etats étant concernés au même

1366
Voir de façon sélective C.I.J., Délimitation maritime et questions territoriales entre Quatar et Bahreïm, fond,
Recueil 2001, p. 40, p. 102, par. 205 où il est évoqué une « pratique étatique uniforme et largement répandue » ;
C.I.J.,Compétence en matière de pêcheries ( Royaume-Uni c. Islande), fond, Recueil 1974, p. 3, p. 45 et 52, opinion
individuelle collective des juges Forster, Bengzon, Jiménez de Aréchaga, Nagendra Singh et Ruda ainsi que p. 161,
opinion dissidente du juge Petrén ; C.I.J., Affaire des pêcheries (Royaume-Uni c. Norwège), arrêt du 18 décembre
1951, Recueil 1951, p. 128 ; C.I.J., Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci,
Recueil 1986, pp. 97-98, par. 184 ; C.I.J., Plateau continental de la mer du Nord, arrêt, Recueil 1969, préc., p. 43, par.
73.
1367
Andrew CLAPHAM, Brierly’s Law of Nations : An Introduction to the Role of Law in International Relations, 7e
éd., Oxford, Oxford University Press, 2012, pp. 59-60 ; Gérard CAHIN, La coutume internationale et les
organisations internationales : l’incidence de la dimension institutionnelle sur le processus coutumier, op. cit., p. 405.
1368
Michael AKEHURST, « Custom as a source of international law », British Yearbook of international Law, vol.
47, no 1, 1977, p. 18 ; Commission du droit international, Deuxième rapport sur la détermination du droit
international coutumier, op. cit., p. 40.
1369
Voir Laurence BOISSON de CHAZOURNES, « Qu’est-ce que la pratique en droit international ? », La pratique
et le droit international, op. cit., p. 17 ;
1370
C.I.J., Plateau continental de la mer du Nord, arrêt, Recueil 1969, op. cit., p. 42.

378
titre1371. On fait intervenir dans ce cas la notion d’Etats « particulièrement touchés ».1372 Il semble
cependant hypothétique de parler de généralité d’une pratique au regard des difficultés d’accès de
la pratique de bon nombre d’Etats ou d’Organisations.1373

De plus, cette condition de généralité ne peut être appréciée de la même façon selon que l’on
cherche à établir l’existence d’une norme coutumière générale ou une coutume de portée régionale.
Les rédacteurs du Statut de la CIJ avaient certes principalement à l’idée les normes coutumières
générales, mais l’existence des coutumes particulières ou régionales a été consacrée par la
jurisprudence de la même Cour. L’appréciation de la généralité de leur pratique qui tend à la
particularisation appelle la prise en compte « de degrés correspondant aussi à leur champ
d’application ».1374

Cette première condition de généralité semble être remplie par la pratique des Organisations sous-
régionales africaines exposée. Il peut être soutenu dans un premier temps qu’il s’agit de la pratique
de deux Organisations sous-régionales suffisamment représentatives. Elles regroupent à elles
seules plus de la moitié des Etats africains.1375 Il peut dans un second temps être considéré en
l’espèce que cette pratique reflète la pratique d’Etats particulièrement intéressés, sinon les Etats «

1371
Voir C.I.J., Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, Avis consultatif, Recueil 1996, opinion
dissidente du juge Shahabuddeen pour qui : « lorsque ce qui est en jeu, c’est la licéité de l’emploi d’une arme
susceptible d’anéantir l’humanité et donc tous les Etats, la question de savoir quels sont les Etats particulièrement
intéressés vise non la propriété de l’arme, mais les conséquences de son utilisation. De ce point de vue, tous les Etats
sont également intéressés, car à l’instar de ceux qui y habitent, ils ont tous le même droit d’exister » ; voir aussi
l’opinion dissidente du juge Weeramantry, aux pages 535-536 du même avis consultatif.
1372
Voir Commission du droit international, Deuxième rapport sur la détermination du droit international coutumier,
op. cit., p. 41.
1373
Julio A. BARBERIS, « Réflexions sur la coutume internationale », op. cit., p. 24.
1374
Gérard CAHIN, La coutume internationale et les organisations internationales : l’incidence de la dimension
institutionnelle sur le processus coutumier, op. cit., p. 389.
1375
La CEDEAO compte quinze (15) États de l’Afrique de l’Ouest, voir la liste des membres sur
http://www.ecowas.int/etats-membres/?lang=fr; la SADC regroupe de nos jours aussi quinze (15) États membres. Voir
http://www.sadc.int/member-states/, (il importe de préciser qu’au moment des interventions au Lesotho et en RDC,
l’Organisation régionale comptait 14 membres, Madagascar ayant adhéré que le 18 août 2005). Ce qui nous mène à
un total de 29 pays africains sur un total de 53 pays (le Soudan du Sud n’avait pas encore acquis sa souveraineté).

379
particulièrement touchés » selon l’expression du rapporteur spécial Michael Wood.1376 Les conflits
ayant motivé les interventions de ces Organisations sous-régionales se déroulaient au sein de leurs
Etats membres. Les Etats voisins du pays en conflit sont particulièrement intéressés et touchés
dans le sens où ils subissent les conséquences directes des hostilités. Bien qu’étant interne, le
conflit au Libéria n’a pas manqué de perturber les relations et les économies des Etats voisins. En
1990, le bilan était déjà à quinze mille (15.000) morts et sept cent mille (700. 000) réfugiés.1377 Le
Comité permanent de médiation de la CEDEAO relevait ainsi que les évènements au Libéria «
sont également la cause du déplacement de centaines de milliers de libériens réfugiés dans les
pays voisins et du débordement des hostilités vers les pays voisins ».1378 La Guinée a par exemple
fait cas d’accueil de centaines de milliers de réfugiés libériens avec lesquels elle partageait ses
ressources.1379 La situation au Libéria avait été qualifiée à la fois par l’Organisation sous-régionale
et par l’ONU de « menace à la paix et à la sécurité internationales, surtout pour la région de
l’Afrique de l’Ouest ».1380 Les Présidents du Benin et du Nigéria relevaient de leur coté: « Today
it is Liberia, tomorrow it could be any one of the countries represented here. Indeed, the canker we
are fighting against is already showing itself in Sierra Leone and in other parts of the subregion
».1381

1376
Voir CDI, Deuxième rapport sur la détermination du droit international coutumier, op. cit., p. 41.
1377
Voir Le Matin, Quotidien romand du 6 septembre 1992, p.15.
1378
Final Communique of the First session of the Community Standing Mediation Comitee, ECOWAS, Banjul,
Republic of Gambia, August 6-7, 1990 ; Meledje DJEDJRO, « La guerre civile du Libéria et la question de l’ingérence
dans les affaires intérieures des Etats », op. cit., p. 412. Nos italiques.
1379
Horoya, Conackry, 4 août 1990, cité par Antoine-Didier MINDUA, « Intervention armée de la CEDEAO au
Libéria : illégalité ou avancée juridique ?», op. cit., p. 259.
1380
Final Communique of the First session of the Community Standing Mediation Comitee, ECOWAS, op. cit.,; Voir
la résolution 788 du 19 novembre 1992, préambule, par. 5.
1381
Voir Peter DA COSTA, Intervention Time: ECOWAS Imposes Peace, West Africa Magazine, 13-19 August 1990,
p.1968.

380
On a également noté, dans le cas de la Sierra Leone, que : « […] le maintien de la situation en
Sierra Leone risque d’accroître le nombre de réfugiés sierra-léoniens dans les Etats membres
voisins, menaçant la paix et la sécurité internationales dans la sous-région ».1382

Dans le cas du Lesotho, l’éclatement de troubles et violences à l’issue de consultations électorales


menaçaient de provoquer un coup d’Etat militaire et de plonger le pays dans un chaos généralisé
avec des conséquences directes sur les pays de la sous-région.1383 Dans la lettre adressée au
président du Conseil de sécurité par le représentant permanent de la république du Zimbabwe
auprès de l’Organisation des Nations unies, il est déclaré au sujet de la crise en RDC :

« D’ordre de mon gouvernement, j’ai l’honneur de vous informer que le 2 août 1998 a éclaté en République
démocratique du Congo un affrontement armé qui porte atteinte à la paix et la sécurité non seulement de ce
pays, mais encore de toute la région et, inévitablement, du monde en général ».1384

Le conflit en RDC reste l’un des plus désastreux, au point de mériter le qualificatif de « première
guerre mondiale africaine ».1385

Ces actions coercitives armées n’ont de surcroit pas suscité de réactions particulières des autres
Etats membres. Il est vrai que certains pays membres de la CEDEAO ont marqué leurs oppositions
à la première intervention de l’Organisation sous-régionale au Libéria, mais celles-ci restent
marginales par rapport à la dynamique générale de consensus qui sous tendait cette intervention.
Il s’agit du Burkina Faso et du Sénégal qui contestaient plutôt la régularité de l’acte juridique de
création de l’ECOMOG qui selon eux devrait provenir d’une décision de la Conférence des chefs
d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO et non du Comité permanent de médiation qui était tout

1382
Final Communique of the ECOWAS Summit in Abuja, U. N. Doc. S/1997/695/ Annex II, Décision relative à
l’imposition de sanctions contre la junte en Sierra Léone, p. 13.
1383
Voir Keesing’s, september 1998, p. 42476.
1384
Voir lettre datée du 23 septembre 1998, adressée au président du Conseil de sécurité par le représentant
permanent du Zimbabwe auprès de l’Organisation des Nations Unies, 25 septembre 1998, S/1998/891.
1385
Naison NGOMA, « Hawks, Doves or Penguins? A critical review of the SADC military intervention in the DRC
», Institute for Security Studies, Pretoria, ISS Paper 88, April 2004, p. 3.

381
de même composé de chefs d’Etat.1386 Le Sénégal a fini par être favorable à l’idée de
l’intervention.1387 L’action militaire de la SADC en RDC avait autant donné lieu à des désaccords
de la part de certains Etats dont l’Afrique du Sud, le Mozambique, la Tanzanie et le Botswana qui
optaient pour le règlement pacifique de la crise.1388 Ces divergences ont cependant été surmontées,
l’intervention des trois pays (le Zimbabwe, l’Angola et la Namibie) est cautionnée et endossée par
tous les pays membres de l’Organisation sous-régionale, y compris ceux qui étaient hostiles au
départ à l’utilisation de la force armée.1389

La seconde caractéristique exigée à la pratique est celle de la constance.1390 Cette condition est
intimement liée à deux autres conditions qui sont celles de la répétition de la pratique pendant une

1386
Jeune Afrique, no1550 du 12 au 18 septembre 1990, no1562 du 5 au 11 décembre 1990. Voir aussi la
désapprobation du Burkina Faso du mini-sommet de Banjul du Comité permanent de médiation estimant que celui-ci
« n’a nullement compétence pour connaître des conflits internes aux Etats mais entre Etats », voir Sidwaya, quotidien
burkinabè du 14 août 1990. Il s’est avéré que le Burkina Faso était opposé à l’intervention de la CEDEAO du fait de
son soutien à Charles Taylor.
1387
Voir la déclaration du ministre des affaires étrangères du Sénégal Seydina au quotidien le Soleil le 24 août 1990 :
« une décision aussi grave ne devait être prise que par l’ensemble des chefs d’Etat. Le principe de non-ingérence dans
les affaires intérieures a été battu en brèche au nom de la paix sous régionale et de la nécessité d’arrêter les tueries »,
cité par Antoine-Didier MINDUA, « Intervention armée de la CEDEAO au Libéria : illégalité ou avancée juridique ?»,
op. cit., p. 260.
1388
SADC, Communiqué of the Summit Meeting of the SADC on the Democratic Republic of the Congo, Pretoria, 23
August 1998.
1389
Il est rapporté que le président Mandela a admis lors d’une réunion imprévue des chefs d’Etat des pays membres
de la SADC tenue le 2 septembre à Durban en marge du Sommet du Mouvement des Non-alignés que l’organisation
régionale apportait un soutien unanime à l’action militaire des trois pays membres, G. BERMAN and Katie E. SAMS,
Peacekeeping in Africa : Capabilities and Culpabilities, op. cit., pp. 178- 179. Voir sur l’endossement la déclaration
selon laquelle le Sommet « welcomed initiatives by SADC and its Member States intended to assist in restoration of
peace, security and stability in DRC, in particular the Victoria Falls and Pretoria initiatives », les dirigeants de la
SADC ont également félicités les gouvernements de l’Angola, de la Namibie et du Zimbabwe pour avoir fourni en
temps utile des troupes pour assister le peuple Congolais, voir SADC, Final Communiqué of the 1998 SADC Summit
of Heads of State and Government, Mauritius, 15 septembre 1998, par. 20. Voir également UN Document S/1998/915,
Annex I, Final Communiqué of the 1998 Summit of the Heads of State or Government of the Southern African
Development Community, 5 October 1998, para. 21.
1390
Voir de façon sélective C.I.J., Affaire du droit d’asile (Colombie c. Pérou), arrêt du 20 novembre 1950, Recueil
1950, p. 276 (il est fait référence à un usage constant et uniforme) ; C.I.J., Affaire du droit de passage sur le territoire
indien (fond), arrêt du 12 avril 1960, Recueil 1960, p. 40 (il est question de « pratique constante et uniforme ») ; C.I.J.,
Affaire Nottebohm (deuxième phase), arrêt du 6 avril 1955, Recueil 1955, p. 4, p. 30 (voir opinion dissidente du juge
Klaestad) ; C.I.J., Plateau continental de la mer du Nord, arrêt, Recueil 1969, p. 43, par. 74 (la Cour soutient qu’il
est indispensable que la pratique ait été « pratiquement uniforme ») ; C.I.J., Compétence en matière de pêcheries
(Royaume-Uni c. Islande), fond, arrêt, Recueil 1974, p. 90, le juge De Castro dans son opinion individuelle soutient
que : « Pour la formation d’une règle nouvelle de droit international, il faut que la pratique des Etats, y compris ceux

382
certaine durée.1391 La constance implique une régularité des conduites constituant la pratique. Il
est admis une certaine variété des circonstances qui entourent la réalisation des actes, toutefois, il
faut que ceux-ci aient en commun une « explication de base qui ne varie pas ».1392 Si par contre
les faits indiquent

« tant d’incertitude et de contradictions, tant de fluctuations et de discordances, […], il n’est pas possible de
dégager de tout cela une coutume constante et uniforme acceptée comme étant le droit en ce qui concerne la
prétendue règle ».1393

Pour que la pratique parvienne à accomplir sa vocation coutumière, il est indispensable que

« la série des actes qui comme des anneaux d’une chaîne, constituent cette pratique, ne soit pas rompue par
d’autres actes qui en détruisent l’unité, il importe surtout qu’elle ne se trouve pas contredite par des actes
contraires, témoignant une volonté de protestation chez les gouvernements dont ils émanent ».1394

Il n’est pas non plus exigé une parfaite uniformité de la pratique. La constance n’est pas
systématiquement remise en cause par quelques dérogations, incertitudes ou contradictions surtout
lorsque la pratique est en train de prendre forme, donc à un stade moins avancé de maturation.1395

qui sont particulièrement intéressés, ait été en substance ou pratiquement uniforme », dans leur opinion individuelle
collective, les juges Forster, Bengzon, Jiménez de Aréchaga, Nagendra Singh et Ruda écrivent que : « Une autre
condition fondamentale qui doit être remplie pour que la pratique des Etats devienne une règle coutumière de droit
coutumier est que cette pratique soit commune, uniforme et concordante », p. 50.
Laurence BOISSON de CHAZOURNES, « Qu’est-ce que la pratique en droit international ? », La pratique et le
1391

droit international, op. cit., p. 16.


1392
Voir CDI, Deuxième rapport sur la détermination du droit international coutumier, op. cit., p. 42.
1393
Affaire du droit d’asile (Colombie c. Pérou), arrêt du 20 novembre 1950, C.I.J. Recueil 1950, p. 277 ; voir
également C.I.J., Affaire du Détroit de Corfou, arrêt du 9 avril 1949, Recueil 1949, p. 128, opinion dissidente du juge
M. Ecer pour qui : « La pratique des Etats était tellement variée que l’on ne pouvait y voir la preuve de l’existence
d’une telle norme [de droit international coutumier]» ; C.I.J., Compétence en matière de pêcheries (République
fédérale d’Allemagne c. Islande), fond, arrêt, Recueil 1974, p. 175, p. 212, le juge Nagendra Singh note que : « des
pratiques étatiques largement divergentes et fortement discordantes [font que des règles ] ne se sont pas cristallisées
».
1394
Charles DE VISSCHER, « La codification du droit international public », Recueil des cours de l’Académie de
droit international de la Haye, vol. 6, t. I, 1925, p. 352.
1395
Voir de façon sélective, C.I.J., Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c.
Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, Recueil 1986, p. 4, p. 98, par. 186, la Cour y déclare : « […]. La Cour ne pense
pas que, pour qu’une règle soit coutumièrement établie, la pratique correspondante doive être rigoureusement
conforme à cette règle [..] » ; C.I.J., Affaires des pêcheries, arrêt du 18 décembre 1951, Recueil 1951, p. 116, p. 138,

383
Cette souplesse dans l’appréciation de la constance de la pratique se trouve encore plus justifiée
pour ce qui concerne les Organisations internationales dont la pratique se forme selon les termes
de certains auteurs « par une approximation »,1396 « une série de tâtonnements par où elle trouve
sa physionomie achevée ».1397 La répétition est une condition étroitement liée à celle de la
constance. Elle participe à l’affermissement de la pratique.1398 Bien qu’elle s’apprécie « en termes
de quantité »,1399 la répétition est une notion relative dont l’évaluation reste très délicate.

En effet, la répétition qui permet la fréquence de la pratique dépend finalement aussi des occasions
qui permettent à cette pratique d’avoir à se renouveler.1400 L’exigence d’une pratique « fréquente
et suffisamment uniforme » entretenue par la jurisprudence est par conséquent difficile à satisfaire
en tous les cas.1401 Encore que dans certains cas, la qualité des précédents tend à l’emporter sur la
quantité. C’est ainsi qu’il a été admis que la pratique des organes politiques en matière de maintien
de la paix s’accommoderait d’un nombre très restreint de précédents, à partir du moment où la
pertinence qualitative compense la limite quantitative.1402 L’appréciation de la répétition est

il est indiqué que : « [l]a Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’attacher trop d’importance aux quelques incertitudes ou
contradictions, apparentes ou réelles, que le Gouvernement du Royaume-Uni a cru pouvoir relever dans la pratique
norvégienne. […] » .
1396
Suzanne BASTID, « Observations », dans l’élaboration du droit international public, Société Française de Droit
International, Colloque de Toulouse, Paris, Éditions Pedone, 1974, p. 179. Nos italiques.
1397
Gérard CAHIN, La coutume internationale et les organisations internationales : l’incidence de la dimension
institutionnelle sur le processus coutumier, op. cit., p. 432. Nos italiques.
1398
Patrick DAILLIER, Alain PELLET, Mathias FORTEAU, Droit international public, 8e édition, Paris, Librairie
générale de droit et de jurisprudence, 2009, p. 358.
L’expression est empruntée au juge Tanaka, voir opinion dissidente du juge TANAKA, Plateau continental de la
1399

mer du Nord, arrêt, C.I.J. Recueil 1969, op. cit., p. 176. Nos italiques.
1400
Gérard CAHIN, La coutume internationale et les organisations internationales : l’incidence de la dimension
institutionnelle sur le processus coutumier, op. cit., p. 445.
1401
Voir de façon sélective, Plateau continental de la mer du Nord, op. cit., p. 44, par. 74 (la cour y fait mention d’une
pratique « fréquente et suffisamment uniforme » ; C.P.J.I Wimbledon, série A no1, p. 25 (il y est fait référence à une
« pratique internationale constante » ; C.I.J., Droit d’asile et droit de passage en territoire indien, Recueil, 1950, p.
277 et Recueil 1960, p. 40 ( on parle de pratique constante et uniforme).
1402
Gérard CAHIN, La coutume internationale et les organisations internationales : l’incidence de la dimension
institutionnelle sur le processus coutumier, op. cit., p. 449.

384
également incertaine dans le sens où elle interfère avec la condition de la durée.1403 Celle-ci a
cependant connu une mutation considérable. La vision classique selon laquelle la formation d’une
règle coutumière nécessite l’écoulement d’un long temps semble de nos jours, révolue. Il est
généralement admis qu’aucune durée précise n’est prescrite pour qu’une pratique engendre une
norme coutumière.1404 La CIJ a confirmé ce phénomène de rétrécissement du temps requis pour la
formation d’une règle coutumière dans les affaires du Plateau continental de la mer du Nord. Elle
y admettait que :

« Bien que le fait qu’il ne se soit écoulé qu’un bref laps de temps ne constitue pas nécessairement en soi un
empêchement à la formation d’une règle nouvelle de droit international coutumier […], il demeure
indispensable que dans ce laps de temps, aussi bref qu’il ait été, la pratique des Etats, y compris ceux qui sont
particulièrement intéressés, ait été fréquente et pratiquement uniforme […] et se soit manifestée de manière
à établir une reconnaissance générale du fait qu’une règle de droit ou une obligation juridique est en jeu ».1405

Cette relativisation du facteur temps dans la formation du droit coutumier est en partie due aux
mutations structurelles de la société internationale. Mais elle est aussi fondée sur la diversité de
perception de la dimension temps. Le temps est, avant tout « une valeur culturelle, donc relative
» que « chaque groupe social va conceptualiser et quantifier de façon différente »1406. C’est sur la
base de cette disparité de vision du temps que les Etats dits nouveaux (issus de la décolonisation)
ont remis en cause la conception dominante qui conditionnait la formation du droit coutumier par
l’écoulement d’un long temps. Pour ces Etats, « une norme n’est pas nécessairement meilleure

1403
Voir Ngyuen Q. DINH qui pose avec justesse la question de savoir : « Combien de fois et pendant combien de
temps un précédent doit-il être répété pour qu’il donne naissance à une règle coutumière ? », Patrick DAILLIER, Alain
PELLET, Mathias FORTEAU, Droit international public, op. cit., p. 359.
1404
Voir entre autres Olivier CORTEN, Méthodologie du droit international public ; pp. 150-151 ; Gérard CAHIN,
La coutume internationale et les organisations internationales : l’incidence de la dimension institutionnelle sur le
processus coutumier, op. cit., pp. 459-460 ; Josef L. KUNZ, « The nature of customary law », American Journal of
International Law, vol. 47, no4, 1953, p. 666 ; Laurence BOISSON de CHAZOURNES, « Qu’est-ce que la pratique
en droit international ? », op. cit., p. 16.
1405
C.I.J., Plateau continental de la mer du Nord, arrêt, Recueil 1969, p. 43, par. 74 ; voir également l’opinion
individuelle du juge Fouad Ammoun, p. 124 ; l’opinion dissidente du juge Lachs, p. 230 ainsi que l’opinion dissidente
du juge Sørensen, p. 244.
1406
Monique CHEMILLIER-GENDREAU, Le rôle du temps dans la formation du droit international, Paris, Pedone,
1987, p. 3 et p. 18.

385
parce qu’elle a reçu la consécration de nombre de générations et triomphé de l’épreuve du temps
».1407 On peut bien comprendre que les Etats nouveaux militent pour une rapidité d’établissement
des normes coutumières qui « s’adapte mal à l’attente d’une consécration par des actes répétés
».1408 En définitive, l’écoulement du temps n’est donc plus une condition inhérente à l’existence
d’une norme coutumière.

Que peut- on déduire des précédents des Organisations régionales africaines à partir de ces
considérations sur les conditions de constance, de répétition et de durée ? A notre avis, on peut
valablement soutenir une constance dans la pratique examinée. Premièrement, on note une
uniformité dans les quatre cas d’interventions mentionnées. Les circonstances et les motivations
de ces interventions ne sont certes pas les mêmes, mais il reste qu’elles traduisent une certaine
régularité dans la conduite de ces Organisations régionales. Elles ont, de façon continue et répétée,
décidé et exécuté des actions coercitives armées pour mettre fin à des conflits ou violences internes
intervenus sur le territoire de leurs Etats membres. Ces interventions ont toutes été menées en
violation des règles gouvernant le recours à la force armée par les Organisations régionales.

La constance n’est pas absolue en l’espèce, mais comme il a déjà été relevé, son appréciation se
trouve largement assouplie dans le cas des Organisations internationales dont la pratique se
construit par « approximation » et par « série de tâtonnements ». Ce qui est compréhensible quand
on sait que les précédents mentionnés représentent les premières implications matérielles de ces
Organisations régionales dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité. On parle même
d’improvisation d’acteurs sous régionaux face à l’urgence de conflits armés internes dont les effets
présentaient le risque de se répandre dans toute la sous-région.

De plus, comme le souligne le professeur René-Jean Dupuy,

1407
Mohammed BEDJAOUI, Pour un nouvel ordre économique international, Paris, UNESCO, 1979, p. 136.
1408
Ibid, p. 139.

386
« […] La prise de conscience de ces pays de leur condition rend inutile la répétition diluée sur une longue
histoire ; elle se trouve remplacée par une fréquence concomitante, du fait des Etats intéressés adoptant un
comportement conjoint dans une période relativement ramassée ».1409

Les Etats nouveaux accorderaient plus de poids et de valeur à un temps psychologique au détriment
d’un temps historique au regard de l’existence récente de la plupart d’entre eux.1410

Plus fondamentalement, il semble en l’espèce difficile de s’attendre à une pratique par trop
répétitive au regard de la nature même de la règle en cause. Le recours à la force n’est pas une
pratique quotidienne dans la vie des Etats et il n’intervient en général que de façon exceptionnelle.

La pratique analysée témoigne t- elle cependant d’une conviction de se conformer à une obligation
juridique ? L’analyse de ce questionnement fait l’objet du deuxième paragraphe.

Parapraghe II : Une opinio juris sauvage à l’image de la pratique ?

La pratique est la donnée première et essentielle prise en considération dans la détermination et


l’identification d’une norme coutumière. Mais la formation de la norme coutumière ne repose pas
seulement que sur cet élément matériel. Il faut, en plus d’une pratique constante, faire la preuve de
la conviction qu’une telle pratique est rendue obligatoire par l’existence d’une règle de droit.1411
La pratique est certes l’élément de base sur lequel il faut se fonder en premier, mais tous les
comportements ou conduites ne sont pas créateurs de norme coutumière. C’est l’élément subjectif
qui permet de faire la distinction entre la pratique susceptible d’engendrer une nouvelle norme de
celle qui relèverait d’autres raisons d’agir, comme des considérations de courtoisie, de bon
voisinage, de tradition ou d’opportunité politique. Ainsi, l’élément subjectif est la raison ou le

1409
René-Jean DUPUY, « Coutume sage et coutume sauvage », op. cit., p. 84.
1410
Ibid., p. 85.
1411
La Cour ne manque pas de le rappeler avec force dans son arrêt relatif à l’Affaire du Plateau continental de la mer
du Nord en ces termes : « Non seulement les actes considérés doivent représenter une pratique constante, mais en
outre ils doivent témoigner, par leur nature ou la manière dont ils sont accomplis, de la conviction que cette pratique
est rendue obligatoire par l’existence d’une règle de droit […] Les États intéressés doivent avoir le sentiment de se
conformer à ce qui équivaut à une obligation juridique. Ni la fréquence, ni même le caractère habituel des actes ne
suffisent », Affaire du Plateau continental de la mer du Nord, op. cit., p. 43, par. 74 ; voir également Affaire du Droit
d’asile, op. cit., p. 277.

387
motif qui sous-tend la pratique et qui peut être implicitement présent dans les comportements à
proprement dit ou être exprimé par d’autres types d’actes. La première question qui pourrait tout
de suite s’inviter est celle de savoir comment faire la preuve de cet élément subjectif. Dans le
Deuxième Rapport sur la détermination du droit international coutumier, Michael Wood indique
que pour faire la preuve de l’opinio juris, il faut prendre en compte les raisons qui ont inspiré la
pratique.1412 De même, pour établir l’existence de l’élément subjectif, la CIJ prend en
considération la motivation de la conduite de l’Etat. Dans l’Affaire du Lotus par exemple, la CPIJ
a rejeté un précédent au motif qu’il n’était pas motivé par la conscience d’un devoir de
s’abstenir.1413 Aussi, pour vérifier l’opinio juris sur l’existence d’un droit d’intervention pour
appuyer l’opposition interne d’un Etat, la Cour a déclaré dans son arrêt sur les Activités militaires
au Nicaragua que : « la signification pour la Cour de comportements Etatiques à première vue
inconciliables avec le principe de non-intervention réside dans la nature du motif invoqué comme
justification ».1414 Dans le même arrêt, la Cour admet que « l’invocation par un Etat d’un droit
nouveau ou d’une exception sans précédent au principe pourrait, si elle était partagée par d’autres
tendre à modifier le droit international coutumier ».1415 Mais elle constate que les Etats n’ont pas
justifié leur conduite par l’existence d’un droit nouveau ni par une nouvelle exception au principe.
Si l’on prend en considération ces éléments de détermination de l’opinio juris, la question se pose
de savoir si les Organisations régionales africaines ont avancé au soutien de leurs interventions,
l’argument de droits nouveaux ou d’exceptions nouvelles au principe de non - intervention et à
l’article 53 de la Charte des Nations Unies.

Pour répondre à cette question, il peut être relevé que la plupart des motifs avancés pour justifier
les différentes interventions sus exposées restent des déductions doctrinales, les Organisations

1412
CDI, Deuxième rapport sur la détermination du droit international coutumier, op. cit., p. 58.
La Cour soutient que : « c’est seulement si l’abstention était motivée par la conscience d’un devoir de s’abstenir
1413

que l’on pourrait parler de coutume internationale », C.P.I.J., Affaire du « Lotus », (Sér. A.), no 10, 1927, p. 28.
1414
Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis
d’Amérique), op. cit., p. 98 -99, par. 207.
1415
Ibid.

388
sous-régionales elles-mêmes ayant principalement invoqué des considérations humanitaires, et de
gouvernance démocratique au soutien de leurs actions.

Ainsi, dans le cas de la crise au Libéria, on relève dans le Communiqué final de la première session
du Comité permanent de médiation, un appel des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO
à la communauté internationale entière et particulièrement aux membres permanents du Conseil
de sécurité « to support this humanitarian and political action by ECOWAS ».1416 La CEDEAO
déclarait également dans sa lettre adressée au Conseil de sécurité :

« que le groupe CEDEAO de contrôle du cessez-le-feu (ECOMOG) se rendra au Libéria d’abord et avant
tout pour faire cesser le massacre insensé d’innocents civils libériens et étrangers et pour aider le peuple
libérien à rétablir ses institutions démocratiques. […] ».1417

L’argument d’intervention humanitaire sera également avancé à la fois par le Président du Nigeria
et par celui de la Gambie. Le premier déclarant à propos de l’intervention:

« we are in Liberia because events in that country have led to massive destruction of property, the massacre
by all parties of thousands of innocent civilians including foreign nationals, women and children… contrary
to all standards of civilised behaviour and international ethics and decorum…».1418

Le Président de la Gambie pour sa part affirmait que la CEDEAO n’envoyait pas une force
d’invasion au Libéria, la mission de l’ECOMOG était strictement humanitaire et consistait à aider
les personnes prises dans les feux en approvisionnements alimentaires et médicaux.1419 Pour la
Côte d’Ivoire, il était question d’« éviter la boucherie qui se déroule à ses portes ».1420 La Guinée

1416
Voir le Final Communique of the First session of the Community Standing Mediation Comitee, ECOWAS, Banjul,
Republic of Gambia, August 6-7, 1990, par. 13.
1417
Déclaration du 9 août 1990, annexée à Lettre datée du 9 août 1990, adressée au Secrétaire général par le
représentant permanent du Nigéria auprès de l’ONU, S/21485, 10 août 1990, p. 3.
1418
Voir Matchet’s DIARY, Bundu on new ECOWAS Treaty, West Africa Magazine, 1-7 Febrary, 1993, p.146, cité
par K. KUFUOR, « The Legality of Intervention in the Liberian Civil War by the Economic Community of West
African States », op. cit., p. 529.
1419
Voir Peter DA COSTA, Intervention Time : ECOWAS Imposes Peace, West Africa Magazine, 13-19 August, 1990,
p. 2280, et p. 2289.
1420
Voir Fraternité Matin, 9 août 1990. Voir aussi le Monde diplomatique, septembre 1990, p. 24

389
était également « sensible aux souffrances du peuple libérien dont elle accueillait des centaines de
milliers des réfugiés, en partageant avec eux ses maigres ressources ».1421

Dans le Communiqué final d’une réunion consacrée à la situation en Sierra Leone, les ministres
des affaires étrangères de la CEDEAO ont déploré l’effusion de sang et d’autres pertes de vies
humaines qui ont suivi le coup d’Etat. Ils ont appelé à ne pas reconnaître le régime apparu à la
suite du coup d’Etat et se sont engagés à œuvrer au rétablissement du gouvernement légitime. 1422
Les interventions de la SADC en République démocratique du Congo et au Lesotho étaient
principalement justifiées par des motifs de gouvernance démocratique, même si le conflit qui s’est
déroulé en RDC fut l’un des plus désastreux en Afrique. Dans la lettre datée du 23 septembre 1998,
adressée au président du Conseil de sécurité par le représentant permanent du Zimbabwe auprès
de l’Organisation des Nations Unies au sujet de la crise en République démocratique du Congo,
les pays intervenants au nom de la SADC soutiennent que :

« […]. Par ailleurs, en accédant à cette demande, le Zimbabwe, l’Angola et la Namibie agissent
conformément à la résolution que le Sommet de l’OUA tenu à Harare en 1997 a adoptée pour condamner le
renversement de gouvernements légitimes par des moyens militaires. En outre, la décision cadre également
avec une résolution que le Comité inter- Etats de défense et de sécurité a prise à une réunion au Cap (Afrique
du Sud) en 1995, au cours de laquelle les pays membres de la SADC sont convenus de prendre des mesures
collectives en cas de tentative de coup d’Etat pour renverser des gouvernements par des moyens militaires.
C’est dans cet esprit que les troupes de l’Afrique du Sud et du Botswana sont intervenues au Royaume du
Lesotho pour réprimer une révolte de l’armée contre le gouvernement ». 1423

1421
Horoya, Conackry, 4 août 1990, cité par Antoine-Didier MINDUA, « Intervention armée de la CEDEAO au
Libéria : illégalité ou avancée juridique ?», op. cit., p. 259.
1422
Voir Final Communique of the Meeting of the Foreign Ministers of ECOWAS in Conacky, 26 juin 1997, dans
lequel les ministres des affaires étrangères déplorent l’effusion de sang, U. N. Doc. S/1997/499. Voir aussi James
Jonah, Press Conference by Permanent Representatives of Sierra Leone, June 9, 1997, disponible sur
http://www.un.org/press/en/1997/19970609.jonah9.jun.html et Press Conference by Permanent Representatives of
Sierra Leone, Sept. 11, 1997, disponible sur https://reliefweb.int/report/sierra-leone/press-conference-sierra-leone, le
représentant permanent y déclare que la junte avait prévu un plan de génocide contre les populations civiles du Sierra
Léone, consulté le 15 mars 2016.
1423
Lettre adressée au président du Conseil de sécurité par le représentant permanent de la République du Zimbabwe
auprès de l’Organisation des Nations Unies au sujet de la crise en République démocratique du Congo, annexée à la

390
Il convient néanmoins de relever que d’autres arguments secondaires - dont la validité porte à
débats comme il a été discuté dans un précédent chapitre - ont été mentionnés de façon incidente
par les Organisations sous-régionales africaines. Il s’agit notamment de l’argument du
consentement de l’Etat sur le territoire duquel l’action a été menée1424 ainsi que de la légitime
défense.1425

Peut-on par conséquent déduire de cette pratique la manifestation d’une conviction juridique
établie tendant à une réinterprétation des règles régissant le recours à la force par les Organisations
régionales ? Il est difficile de répondre par l’affirmative à cette question si l’on suit la logique
d’analyse de la CIJ. En effet, il ne semble pas que les Organisations sous-régionales aient
expressément fondé leur abstention à requérir l’autorisation préalable et expresse du Conseil de
sécurité sur une nouvelle exception à l’article 53 de la Charte des Nations Unies. Les motifs
humanitaires ont été invoqués pour justifier leurs actions mais la question de l’autorisation
préalable et expresse du Conseil de sécurité a été passé sous silence aussi bien par les Organisations
sous-régionales que par le Conseil de sécurité lui-même. On n’a même pas tenté de justifier
l’abstention de demander une autorisation du Conseil de sécurité.

On pourrait d’un autre côté envisager un autre raisonnement. Le silence sur la question de
l’autorisation ainsi que l’invocation de motivations secondaires conformes au droit international
pour fonder leurs actions pourraient bien se justifier par le souci d’aménager la communauté des

lettre datée du 23 septembre 1998, adressée au président du Conseil de sécurité par le représentant permanent du
Zimbabwe auprès de l’Organisation des Nations Unies, S/1998/891 du 25 septembre 1998.
1424
Les pays intervenants au nom de la SADC en république démocratique du Congo ont par exemple relevé dans leur
lettre adressée au Conseil de sécurité une demande d’aide du président Kabila en ces termes : « Après avoir compris
qu’il ne pourrait contenir seul les envahisseurs étrangers, le Président Kabila a demandé l’aide des pays membres de
la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). La demande a été faite à la réunion du Comité inter-
États de défense et de sécurité tenue à Harare (Zimbabwe) le 18 août 1998, pour examiner la situation en République
démocratique du Congo. Le Zimbabwe, l’Angola et la Namibie sont intervenus à la suite de cet appel lancé par un
gouvernement internationalement reconnu de la République démocratique du Congo, État membre de la SADC »,
S/1998/891 du 25 septembre 1998, annexe, par. 7.
1425
L’intervention en RDC a également été justifiée par la légitime défense collective, les pays membres de la SADC
estime que : « En outre, la demande adressée par la République démocratique du Congo à la SADC est conforme à
l’article 51 de la Charte des Nations Unies, en vertu duquel un État a le droit de demander une aide militaire lorsque
sa sécurité, sa souveraineté et son intégrité territoriale sont menacées », S/1998/891 du 25 septembre, annexe, par. 8.

391
Etats qui reste toujours la principale pourvoyeuse de ressources aux Organisations régionales
africaines. Cette attitude est après tout compréhensible si l’on prend en considération le fait que le
recours à la force relève d’une matière suffisamment sensible en droit international. On sait en
outre que très souvent les Etats (possiblement aussi les Organisations internationales) s’abstiennent
d’exprimer leur conviction de se conformer à une obligation juridique afin de se ménager : « un
moyen commode d’éluder une règle de droit qui se révèlerait ultérieurement défavorable à leurs
intérêts ».1426 Au surplus, on note également une différence en général entre ce que les sujets de
droit international disent et ce qu’ils posent comme actes. Ces attitudes sont très souvent du fait
d’Etats moins puissants qui ne disposent pas de moyens pour afficher et soutenir leurs positions
du fait de leur dépendance.1427 Leurs actions qui sont en contradiction avec ce qu’ils expriment
dans les traités ou les instances internationales ne doivent cependant pas être considérées comme
de simples violations du droit international, mais comme des tentatives de modification du droit
existant.
Une telle argumentation pourrait à son tour paraître pas totalement convaincante pour certains qui
ne se priveraient pas de rappeler l’argument de la Cour dans la même Affaire des activités
militaires selon lequel :
« si un Etat agit d’une manière apparemment inconciliable avec une règle reconnue, mais défend sa conduite
en invoquant des exceptions ou des justifications contenues dans la règle elle – même, il en résulte une
confirmation plutôt qu’un affaiblissement de la règle, et cela que l’attitude de cet Etat puisse ou non se
justifier en fait sur cette base ».1428
Dans le cas d’espèce, les Organisations régionales africaines n’ont pas justifié leurs transgressions
principalement par les exceptions contenues dans les règles transgressées. Elles les ont invoquées
en complément des motifs humanitaires et de gouvernance démocratique. Il semble donc clair que

1426
Voir André REYNAUD, Les différends du plateau continental de la mer du Nord devant la Cour Internationale
de Justice, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1975, p. 104 ; Guillaume LE FLOCH « La coutume
dans la jurisprudence de la Cour Internationale de justice en Droit de la Mer », in Revue juridique de l’Ouest, 2001-4,
p. 547.
1427
Ademola ABASS and Mashood A. Baderin, « Towards Effective Collective Security and Human Rights Protection
in Africa: An Assessment of the Constitutive Act of the New African Union », Netherlands International Law Review,
2002, pp. 22-23.
1428
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, op. cit., p. 108, par. 186.

392
les motifs invoqués ressortent davantage de justifications nouvelles que d’une invocation
d’exceptions à la règle d’interdiction du recours à la force sans autorisation du Conseil de sécurité.
Les exceptions invoquées n’avaient ici qu’un caractère secondaire.
Il est de surcroît admis que la transgression d’une règle de droit peut être à l’origine d’un processus
de transformation de la règle elle-même dès l’instant où elle rencontre l’assentiment d’autres Etats.
Comme l’a si bien formulé le professeur Salmon :
« Un fait tenu pour illicite, peut devenir un précédent créateur d’une règle nouvelle [...]. Il est fréquent qu’une
règle soit enfantée dans l’illicite. Si l’opinio juris se prononce en faveur de la nouvelle solution, la licéité
bascule. Encore faut-il que le facteur de trouble soit suivi. A défaut, il restera - quelle que soit sa puissance -
un vulgaire contrevenant. Le sort de la règle va donc dépendre des réactions des autres sujets de droit et de
la communauté internationale des juristes face à la violation ».1429
Or, c’est sur les réactions des autres sujets de droit que le droit d’intervention sans autorisation
préalable affirmé par les Organisations régionales africaines diffère de la doctrine de la désuétude
de la règle de l’interdiction du recours à la force formulée par certains.1430 En effet, contrairement
à la prétention de cette doctrine, les Etats africains n’ont pas déclaré la mort de la règle de
l’interdiction du recours à la force ni des autres règles de la Charte règlementant le recours à la
force. Bien au contraire, ils réaffirment le non-recours à la force et la non-intervention dans les
relations internationales même après l’institutionnalisation d’un droit d’intervention. Cependant,
le non-recours à la force et la non-intervention doivent désormais être interpreté sur le continent
africain comme la prohibition du recours à la force ou de l’ingérence d’un Etat membre dans les
affaires internes d’un autre Etat membre. Evidemment, la prohibition reste également applicable
au recours à la force et à l’ingérence d’Etats étrangers dans les affaires d’un Etat africain ou dans
les relations internationales de façon générale. Il n’est pas question de revendication d’un droit

1429
Jean SALMON, « Réflexions introductives sur le fait et le droit », in Karine BANNELIER, Théodore
CHRISTAKIS, Olivier CORTEN, Pierre KLEIN (dir.), L’intervention en Irak et le droit international, Paris, Pedone,
2004, p. 3.
1430
Voir principalement Thomas FRANCK, « Who Killed Art. 2 (4)? or: Changing Norms Governing the Use of
Forces by States », American Journal of International Law, 1970, vol. 64/4, pp. 809-837; Eugene V. ROSTOW, «
The Legality of the International Use of Force by and from States », American Journal of International Law, 1985,
vol. 10, pp. 286-290; Michael J. GLENNON, « How International Rules Die », Georgetown Law Journal, vol. 93,
2005, pp. 939-991.

393
unilatéral d’intervention comme le suggère les tenants de la désuétude de la charte, mais de la
reconnaissance d’exceptions au profit d’actions collectives conduites par des Organisations
régionales dans le cadre de leurs missions de résolutions des conflits en Afrique.
A la différence des protestations de la part d’un grand nombre d’Etats dont ont fait l’objet les
interventions unilatérales menées par l’OTAN au Kosovo, en Irak et en Afghanistan, les
interventions à la légalité discutable des Organisations sous-régionales africaines ont fait à la fois
l’unanimité des Etats africains, et ont reçu le soutien du Conseil de sécurité et des autres Etats
membres des Nations Unies. Certainement parce que ces actions bénéficiaient d’une grande
légitimité et ont été menées dans le but de pallier l’inaction du Conseil de sécurité dans ces conflits.
L’OUA a clairement accompagné, sinon même exhorté les actions coercitives armées de la
CEDEAO.1431 Le Conseil de sécurité non plus, n’a pas condamné les actions des Organisations
régionales, il a plutôt eu une attitude contrastée et complaisante.1432 Sans aller jusqu’à interpréter
l’attitude indécise du Conseil de sécurité comme un acquiescement implicite a posteriori comme
l’ont fait certains auteurs, les résolutions du Conseil de sécurité traduisent incontestablement une
totale tolérance et approbation des actions des Organisations régionales africaines.1433 Les actions

1431
Voir par exemple l’appel qu’elle a lancé aux dirigeants de la CEDEAO lors de son trente troisième sommet
ordinaire pour qu’ils aident la Sierra Leone à rétablir l’ordre constitutionnel, Déclaration du président du Conseil de
sécurité du 11 juillet 1997, S/PRST/1997/36, par. 4.
1432
L’ambiguïté de la position du Conseil de sécurité sur cette intervention vient du fait que d’une part, tout en
acquiesçant aux actions de la CEDEAO, il décide d’ignorer l’emploi de la force faite par l’Organisation régionale en
présentant l’intervention comme une opération de maintien de la paix classique et d’autre part, il acquiesce néanmoins
aux efforts de la CEDEAO « pour rétablir la paix et la sécurité et la stabilité au Libéria ». Voir S/RES/788, du 19
novembre 1992, par. 1. Au demeurant, ses dernières résolutions semblent semer encore plus de trouble. Dans une
première résolution, le Conseil de sécurité « félicite la CEDEAO des efforts qu’elle a fait pour rétablir la paix, la
sécurité et la stabilité au Libéria ». Voir S/RES/813, du 25 mars 1993, par. 2. Dans une autre résolution, il indique que
« c’est à l’ECOMOG qu’il incombe au premier chef de superviser l’application des dispositions militaires de l’Accord,
le rôle de l’Organisation des Nations Unies étant de contrôler et vérifier ce processus ». Voir S/RES/866 du 22
septembre 1993. Or, l’Accord de Cotonou précise clairement à son article 8, par. 3 que l’ECOMOG « usera de ses
pouvoirs d’imposition de la paix à l’encontre du violateur du cessez-le-feu », L’accord de Cotonou a été conclu le 25
juillet 1993. Voir Doc. NU S/26272, du 9 août 1993, annexe, p. 7.
1433
Il a, dans différentes résolutions, exprimé son approbation des actions de la CEDEAO au Libéria. Il a à plusieurs
reprises « félicit[é] la CEDEAO de ses efforts visant à établir la paix, la sécurité et la stabilité au Libéria », résolutions
856 (1993) du 9 août 1993 ; 866 (1993) du 21 septembre 1993 ; 950 (1994) du 21 octobre 1994 ; 1001 (1995) du 30
juin 1995, 1014 (1995) du 15 septembre 1995 ; 1020 (1995) du 10 novembre 1995 ; 1041 (1996) du 29 janvier 1996 ;
1059 (1996) du 30 mai 1996 ; 1071 (1996) du 30 août 1996. Il a prié « tous les Etats membres de fournir une assistance
financière, logistique et autre à l’ECOMOG afin de permettre à celui-ci de s’acquitter de son mandat », résolutions
1014 (1995) du 15 septembre 1995 ; 1059 (1996) du 30 mai 1996 ; 1071 (1996) du 30 août 1996. Le Conseil remerciera

394
de la CEDEAO au Libéria et en Sierra Leone ont également été bien appréciées par d’autres Etats
membres non permanents du Conseil de sécurité et par d’autres acteurs internationaux comme
l’Union européenne.1434 En aucun moment, une condamnation n’est intervenue pour leur rappeler
le respect du cadre de la Charte, notamment ses articles 39 et 53. Le fait que le Conseil de sécurité
ainsi que certains Etats aient tenu à présenter l’intervention de la CEDEAO au Libéria comme non
coercitive dans le but de privilégier une version des faits conforme au droit existant n’aura pas
d’impact sur la réalité des faits et ne change en rien la valeur des précédents créés par la pratique
des Organisations sous-régionales africaines.

« les Etats d’Afrique qui ont fourni des troupes au Groupe de contrôle de la CEDEAO (ECOMOG) et qui continuent
de la faire », résolutions 950 (1994) du 21 octobre 1994 ; 1014 (1995) du 15 septembre 1995 ; 1041 (1996) du 29
janvier 1996. Il condamnera « les attaques armées que l’une des parties au conflit continue de lancer contre les forces
de maintien de la paix », résolutions 788 (1992) du 19 novembre 1992 ; 1041 (1996) du 29 janvier 1996 ; 1071 (1996)
du 30 août 1996. Il collaborera par ailleurs avec la CEDEAO dans le cadre du déploiement de sa propre force de
maintien de la paix, la MONUL, résolution 866 (1993) du 22 septembre 1993. Le Conseil de sécurité salue également
le « rôle important joué par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et les forces de
son Groupe de contrôle (ECOMOG) déployées en Sierra Leone à l'appui du rétablissement de la paix et de la sécurité »,
voir résolution 1162, S/RES/1162 du 17 avril 1998 ; voir également S/PV 3857, 26 fevier 1998, p. 2 ; S/PV 4035, 20
août 1999, p. 4. Il remercie également l’ECOMOG de « l’action remarquable qu’il a mené en vue de rétablir la sécurité
et la stabilité en Sierra Leone, de protéger la population civile et de promouvoir un règlement pacifique du conflit »,
voir résolution 1260 (1999) du Conseil de sécurité du 20 août 1999, par. 3. Sans oublier qu’il avait condamné le
renversement du Président Kabbah. Voir la Déclaration du président du Conseil de sécurité du 11 juillet 1997 par
laquelle, le Conseil soutient pleinement la décision du trente-troisième sommet de l’Organisation de l’Unité africaine
(OUA), tenu à Harare du 2 au 4 juin 1997, au cours de laquelle un appel a été lancé aux dirigeants de la CEDEAO d’«
aider le peuple sierra léonais à rétablir l’ordre constitutionnel, S/PRST/1997/36. Voir également les autres résolutions
de condamnation, Déclaration présidentielle du 27 mai 1997, S/PRST/1997/29 et S/PRST/42 du 6 août 1997 ; et avait
entièrement approuvé l’objectif principal de la CEDEAO d’œuvrer au rétablissement du gouvernement légitime par
l’utilisation de tous les moyens, y compris le recours à la force. Dans la résolution 1132 (1997) adoptée en vertu du
chapitre VII de la Charte, le Conseil de sécurité, sans évoquer de façon expresse le recours à la force pour restaurer le
gouvernement de Kabbah exige le rétablissement de l’ordre constitutionnel et « exprime son soutien sans réserve aux
efforts menés par la CEDEAO pour régler la crise en Sierra Leone », S/RES/1997 du 8 octobre 1997. La résolution
prend également acte des décisions de la CEDEAO dont celle mandatant l’ECOMOG à rétablir le gouvernement
déchu, voir la Décision A/DEC. 7/8/97, UN Doc. S/1997/695, annexe II, cité également dans Eric. G. BERMAN and
Katie E. SAMS, Peackeeping in Africa : Capabilities and Culpabilities, UNIDIR, Geneva/ISS, Pretoria, 2000, p.115 ;
Il applaudira après coup le rétablissement du gouvernement Kabbah, malgré le fait que cette réhabilitation ait été
possible au moyen d’une utilisation de la force armée contre la junte putschiste.
1434
L’Autriche qui s’exprimait au nom de l’Union européenne saluait le rôle important de la CEDEAO dans la
résolution de la crise. Voir S/ PV 3902, 13 July 1998. Voir également lors de la même séance de discussion au Conseil
de sécurité, les déclarations du Royaume-Uni, du Kenya, de la Gambie, des Etats-Unis, du Japon, du Costa Rica, de
la Chine, de la Suède. La résolution 1181 (1998) a été adopté à l’unanimité sans aucune condamnation de la CEDEAO
d’aucun membre du Conseil de sécurité.

395
Au surplus, le processus de formation de l’élément subjectif dans le cas de la coutume régionale
et de surcroit sauvage, ne correspond pas à celui de la norme coutumière classique impliquant une
répétition prolongée qui finit par créer la conviction d’une obligation juridique. Premièrement,
comme le relève fort justement René-Jean Dupuy, dans le cas de la coutume sauvage et
révolutionnaire, « l’idée précède le fait ; on assiste à une projection factuelle de l’idée politico-
juridique ».1435 Ce qui implique que les comportements des sujets de droit international soient
considérés dans la formation de la coutume sauvage, en tant qu’opinio juris avant de l’être comme
précédents constitutifs. Pour l’auteur, la pratique ne précède le droit que dans les sociétés
primitives.1436 Dans le même sens, dans son troisième rapport sur la détermination du droit
international coutumier, le rapporteur spécial Michael Wood soutient qu’il est de plus en plus
admis qu’une opinio juris naissante peut se développer en premier et donner lieu à une pratique
qui incarne cette acceptation, de façon à produire une règle de droit international coutumier.1437
Deuxièmement, au-delà des controverses sur la coutume tendant à la représenter soit comme un
accord tacite, soit comme la manifestation de la volonté sociale, ou encore comme la conscience
juridique collective, il faut reconnaître que la formation de la « coutume régionale sauvage »
appelle nécessairement une certaine dose de volonté des acteurs en présence. René-Jean Dupuy
écrit dans ce sens que : « les rapports internes à la structure de la coutume se trouvent altérés au
profit de l’élément volontaire ».1438 Mais, le volontarisme dont il est ici question ne renvoie pas à
l’accord tacite, mais à une prise de conscience soudaine de la nécessité d’agir face à des situations
d’urgence. La conscience du péril participe ainsi à l’accélération du processus coutumier. L’auteur
précité ne définit-il pas l’opinio juris comme : « une excroissance soudaine [puisant] sa racine
plus dans les volontés alertées » ?

1435
René-Jean DUPUY, « Coutume sage et coutume sauvage », op. cit., p. 84.
1436
Ibid., p. 77.
1437
A/CN.4/682, op. cit., p. 7, par. 16.
1438
René-Jean DUPUY, « Coutume sage et coutume sauvage », op. cit., p. 84.

396
Ainsi, ne peut-on pas considérer que la conscience du péril de la conflictualité du continent a pu
favoriser l’émergence d’une opinio juris sauvage sur la nécessité d’agir sans attendre l’autorisation
préalable du Conseil de sécurité ?
L’intervention de la CEDEAO au Libéria avait pour objectif de pallier l’impuissance de l’OUA et
l’inaction de l’ONU. L’action de l’Organisation n’a pas seulement impliqué une remise en
question de certains principes de droit international comme déjà analysé, elle a également remis
en question la règle de l’autorisation du Conseil de sécurité.
On peut donc considérer que l’action de la CEDEAO a été précédée d’une prise de conscience de
la nécessité d’agir en cas de situation d’urgence sans une autorisation du Conseil de sécurité,
surtout en cas d’inaction de celui-ci.
Tout bien considéré, il ne serait pas exagéré de soutenir l’existence d’une « opinio juris sauvage »
qui s’est matérialisée par la pratique d’interventions sans autorisation préalable du Conseil de
sécurité des Organisation sous-régionales.

Section II: L’hypothèse d’une codification ou d’une cristallisation par la pratique


conventionnelle

L’hypothèse consiste en l’espèce à se demander si les dispositions normatives adoptées par la


CEDEAO et l’Union africaine instituant des droits d’intervention ont eu pour effet de codifier ou
de cristalliser une norme coutumière en formation ou même de permettre la formation d’une telle
norme par les effets ultérieurs de ces consécrations normatives. Pour rappel, telle avait été la thèse
du Pays-Bas et du Danemark dans l’affaire du Plateau continental.
Rappelons encore qu’à la suite de ses interventions au Libéria et en Sierra Leone, la CEDEAO a
dans un premier temps procédé à la révision de son traité constitutif pour se doter de compétences
en matière de maintien de la paix et de la sécurité.1439 Elle a par la suite adopté un protocole
instituant un mécanisme de sécurité collective ouest-africain qui institutionnalise pour la première
fois de l’histoire des Organisations internationales un droit d’intervention en cas de violations
graves et massives des droits de l’Homme et de remise en cause de l’Etat de droit ainsi que le droit

1439
Voir CEDEAO, Traité révisé, signé à Cotonou (Benin) le 24 juillet 1993, article 58.

397
d’utiliser la force armée pour rétablir ou prévenir le renversement d’un gouvernement
démocratiquement élu.1440 L’Union africaine a également consacré dans son Acte constitutif le
droit d’intervenir dans tout Etat membre en cas de commission de crimes internationaux comme
les crimes de guerre, le génocide, les crimes contre l’humanité et en cas de menace grave à l’ordre
légitime.1441

Nous étions précédemment parvenus à la conclusion sur la pratique analysée qu’elle pourrait
exprimée une opinio juris qui s’est materialisée en premier par les actions de la CEDEAO et de la
SADC. Mais la SADC n’ayant pas procedé à une consécration normative de sa pratique
interventionniste, nous examinerons uniquement l’hypothèse de codification pour ce qui concerne
la CEDEAO (Paragraphe I).

L’hypothèse de codification étant inapplicable à l’échelle continentale, nous examinerons à ce


niveau l’hypothèse d’une cristallisation ou de la formation de la règle coutumière à partir de
l’adoption de l’article 4(h) (Paragraphe II).

Paragraphe I : L’hypothèse d’une codification coutumière d’un droit d’intervention sans


autorisation préalable du Conseil de sécurité par la CEDEAO

Reprenant une distinction déjà établie par la CIJ dans l’affaire du Plateau continental, Michael
Wood identifie trois moyens par lesquels une disposition conventionnelle peut refléter ou être
amenée à refléter une règle de droit international coutumier. Elle peut soit codifier une règle qui
existe à la date de la conclusion du traité, soit aboutir à la cristallisation d’une règle en voie de
formation ou encore donner naissance à une pratique générale acceptée comme étant le droit de
sorte à permettre l’apparition d’une nouvelle règle de droit international coutumier.1442 Il est bien

1440
Voir CEDEAO, Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien
de la paix et de la sécurité, articles 10, al. 2, let (c), 22 (b) et 25.
1441
Voir l’article 4 (h) de l’Acte constitutif de l’Union africaine tel qu’amendé par le Protocole sur les amendements
à l’Acte constitutif de l’Union africaine adoptée par la 1ere session extraordinaire de la Conférence de l’Union à
Addis-Abeba (Ethiopie), le 3 février 2003 et par la 2e session ordinaire de la Conférence de l’Union à Maputo
(Mozambique), le 11 juillet 2003.
1442
Voir CDI, Soixante-septième session, 27 mars 2015, Troisième rapport sur la détermination du droit international
coutumier, présenté par Michael WOOD, Rapporteur spécial, A/CN.4/682, 2015, p. 20.

398
admis en droit international qu’un traité ou une disposition conventionnelle peut codifier une règle
coutumière préexistante.1443 Peut-on soutenir pour ce qui concerne la CEDEAO que le droit
d’intervention institué par le Protocole de Lomé a eu pour effet de codifier une règle coutumière
préexistante d’intervention autonome ? Etant donné que le traité ou la disposition qui a pour
vocation de codifier une règle coutumière « ne se vérifie pas par lui ou elle-même »,1444 il faudra
procéder à la vérification d’un certain nombre d’éléments avant de parvenir à une telle conclusion.
Selon la Cour, il faut vérifier que « l’existence de la règle dans l’opinio juris des Etats est
confirmée par la pratique ».1445 La doctrine suggère de tenir compte des déclarations et du
comportement des Etats.1446. Il est également indiqué de se référer aux travaux préparatoires liés à
la disposition ainsi qu’à des déclarations ultérieures si nécessaire.1447 Que peut-on déduire de
l’application de ces éléments à notre hypothèse ?

Premièrement, contrairement à l’argument avancé par la Cour dans l’affaire du Plateau continental
sur l’article 6 de la convention de Genève, le droit d’intervention institué par le Protocole de Lomé
n’a pas été proposé de façon hasardeuse ni à titre expérimental.1448 Il ressort clairement des
précédents développements que la codification conventionnelle de la CEDEAO a été précédée
d’une pratique et d’une prise de conscience qui pourrait être considérée comme une opinio juris.

Deuxièmement, à propos des comportements et déclarations des Etats, il convient de relever en


premier lieu que bien avant sa première intervention au Libéria, la CEDEAO avait entrepris de
procéder à une révision de son Traité constitutif. Une décision est adoptée dans ce sens par

1443
Voir également pour la coexistence entre règles conventionnelles et règles coutumières les articles 4, 38 et 43 de
la Convention de Vienne sur le droit des traités et Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-
ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), op. cit., pp. 94 à 96, p. 207 et p. 302.
1444
CDI, Troisième rapport sur la détermination du droit international coutumier, op. cit., p. 22.
1445
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), op.
cit., p. 98, par. 184.
1446
CDI, Troisième rapport sur la détermination du droit international coutumier, op. cit., p. 23.
1447
Ibid.
1448
C.I.J., Plateau continental de la Mer du Nord (République fédérale d’Allemagne c. Danemark, République
fédérale d’Allemagne c. Pays-Bas), arrêt, Recueil 1969, p. 38.

399
l’Organisation sous-régionale en date du 30 mai 1990 portant sur la mise sur pied d’un Comité
d’Eminentes Personnalités chargé de soumettre des propositions en vue de la révision du Traité.
Cette décision qui a été adoptée en mai 1990, avant l’intervention de la CEDEAO au Libéria traduit
bien que la prise de conscience a précédé l’action de l’Organisation sous-régionale.1449

L’Organisation sous-régionale a ensuite entrepris de matérialiser sur le plan institutionnel et


normatif les changements de paradigme qui se sont manifestés par son premier précédent
d’intervention armée. C’est ainsi qu’à la suite de son action militaire au Libéria, la CEDEAO
finalise la révision de son traité constitutif pour se doter de compétences en matière de maintien
de la paix et de la sécurité.1450 Le préambule du Traité révisé de juillet 1993 est suffisamment
expressif sur la prise de conscience qui s’est opérée dans la sous-région. Les chefs d’Etat et de
gouvernement de la CEDEAO y déclarent être convaincus que :

« […] l’intégration des Etats membres en une Communauté régionale viable peut requérir la mise en commun
partielle et progressive de leur souveraineté nationale au profit de la Communauté dans le cadre d’une volonté
politique collective ».1451

Ils reconnaissent de ce fait la nécessité de créer des institutions communautaires auxquelles


seraient conférés des pouvoirs conséquents.1452 Les dirigeants de la CEDEAO soutiennent
également qu’ils sont conscients du fait que : « la révision du Traité répond entre autres objectifs
à la nécessité de s’adapter aux changements qui s’opèrent sur la scène internationale afin d’en
tirer un meilleur profit ».1453 L’article 58 du Traité introduit à la faveur de la révision et portant
sur la sécurité régionale mentionne l’engagement des Etats membres à coopérer avec la
Communauté en vue de créer et de renforcer les mécanismes appropriés pour assurer la prévention

1449
Voir CEDEAO, Décision A/DEC. 10/5/90 du 30 mai 1990 relative à la mise sur pied d’un comité chargé de la
révision du traité de la CEDEAO, Journal officiel, vol. 17, juin 1990, p. 25, disponible sur http://www.idc-
afrique.org/sites/default/files/journaux_officiels/Vol.%2017.pdf, consulté le 25 octobre 2017.
1450
CEDEAO, Traité révisé, op. cit., article 58.
1451
Ibid, préambule, considérant 6.
1452
Ibid., considérant 7.
1453
Ibid., considérant 14.

400
et la résolution à temps des conflits inter et intra-Etatiques. Dans les principes, sont rappelés en
prélude, les engagements en faveur des droits de l’homme et de valeurs démocratiques auxquels
les Etats membres déclarent leur adhésion solennelle.1454

L’engagement de l’Organisation régionale pour le respect de valeurs démocratiques et des droits


de l’homme est réaffirmé par l’adoption à la suite de l’intervention au Libéria d’une Déclaration
de principes politiques qui met l’accent sur la détermination des responsables africains à respecter
les droits de l’homme et la démocratie. Le document est un véritable appel aux Etats membres en
faveur d’une démocratie pluraliste et pour le respect des droits de l’homme1455. Il s’agissait certes
à cette étape d’un simple droit déclaratoire mais qui attestait déjà d’une volonté des acteurs
africains d’ériger les valeurs démocratiques et des droits de l’homme en principes fondamentaux
dont l’imposition et la protection justifieraient une base légale autonome d’intervention armée.
C’est en vertu de cette Déclaration de principes politiques que les chefs d’Etat et de gouvernement
de la CEDEAO ont procédé à une condamnation ferme du coup d’Etat intervenu en Sierra Leone
et ont procédé à l’imposition de sanctions et par la suite à une intervention militaire afin de pouvoir
rétablir le gouvernement déchu.

1454
Voir CEDEAO, Traité révisé, op. cit., article 4, alinéas g et j.
1455
A titre illustratif, certains extraits tirés du préambule et des articles 4-6 sont suffisamment éloquents, les
responsables de la CEDEAO postulent en effet que : « Déterminés à conjuguer nos efforts en vue de promouvoir la
démocratie dans la sous-région sur la base du pluralisme politique et du respect des droits fondamentaux de l’homme
tels que contenus dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme universellement reconnus et dans
la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
Nous [nous] engageons à respecter pleinement, les droits de l’homme et les libertés fondamentales, y compris
notamment la liberté de pensée, de conscience, d’association, de religion et de croyance de toutes nos populations
sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion.
Nous [nous] engageons à promouvoir et à encourager la jouissance pleine et entière par toutes nos populations, de
leurs droits fondamentaux, notamment leurs droits politiques, économiques, sociaux, culturels et autres, inhérents à la
dignité de la personne humaine et essentiels à son développement libre et progressif. », Déclaration adoptée en juillet
1991. A noter que Les principes énoncés dans la Déclaration de principes politiques ont été par la suite incorporés au
traité révisé de la CEDEAO, adopté par les chefs d’Etat en juillet 1993 en son article 4 (j) qui invite les Etats membres
à la promotion et consolidation d’un système démocratique de gouvernement tel que prévu par la Déclaration de
Principes Politiques, voir Article 4 (j) du traité révisé de la CEDEAO.

401
A la suite de ces premières initiatives conventionnelles, est adopté le Protocole relatif au
Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des Conflits, de Maintien de la Paix et de la
Sécurité à Lomé le 10 décembre 1999. Destiné à assurer la paix et la sécurité collective au sein de
l’espace CEDEAO, le Mécanisme va procéder à la codification des principes émergents. On note
ainsi dès le préambule du document, la réaffirmation par les Etats membres de leur attachement à
la Déclaration des Principes politiques de la CEDEAO déjà mentionnés qui se disent conscients
du fait que la bonne gestion des affaires publiques, le respect de l’Etat de droit et le développement
durable sont indispensables pour la paix et la prévention des conflits.1456 Les chefs d’Etat exposent
également leur préoccupation sur la multiplication des conflits considérée comme une menace à
la paix et à la sécurité du continent africain et exprime leur conviction de la nécessité de développer
des actions efficaces visant à alléger les souffrances des populations civiles et à restaurer le cours
normal de la vie en cas de conflits ou de catastrophes naturelles. Ils se disent désireux de consolider
leurs acquis dans le domaine du règlement des conflits à travers le Groupe de Contrôle du Cessez-
le-feu de la CEDEAO (ECOMOG). Il est en outre réaffirmé au titre des principes, la promotion et
la consolidation d’un gouvernement et d’institutions démocratiques dans chaque Etat membre,
ainsi que la protection des droits humains fondamentaux, des libertés et des règles du droit
international humanitaire. Aussi, le processus de remise en cause du principe de non-intervention
et l’engagement en faveur des droits de l’homme, des valeurs démocratiques et de la bonne
gouvernance a abouti à l’institutionnalisation d’un droit d’intervention dans les conflits internes
de ses Etats membres sans leur consentement, pour des motifs d’ordre humanitaire et
démocratique.1457

Troisièmement, le peu d’informations dont nous disposons sur le processus d’élaboration du


Protocole de Lomé faisant office de travaux préparatoires révèle que le principe de
l’institutionnalisation d’un droit d’intervention n’a pas suscité de discussions particulières au cours
des rencontres d’experts chargés de proposer le projet du Protocole. Ce qui est une indication allant

1456
Voir CEDEAO, Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des Conflits, de Maintien
de la Paix et de la Sécurité, préambule, par. 9.
1457
L’analyse détaillée de ce point, supra chapitre I.

402
dans le sens de la codification d’une norme coutumière existant à l’image de la déduction de la
Cour dans son avis consultatif à la Namibie. En effet, la Cour déclarait que :

« Les règles de la Convention de Vienne sur le droit des traités concernant la cessation d’un traité violé (qui
ont été adoptées sans opposition), peuvent, à bien des égards, être considérées comme une codification du
droit coutumier existant dans ce domaine ».1458

Les débats ont plutôt porté sur la question de l’autorisation préalable du Conseil de sécurité avant
le déploiement de l’ECOMOG. Mais un consensus s’est dégagé sur la nécessité d’accorder une
autonomie de décision à l’Organisation régionale afin de lui permettre de prendre des mesures
urgentes sans avoir à être en attente des décisions du Conseil de sécurité.1459 Il n’est par conséquent
pas surprenant qu’un tel consensus se soit traduit dans le Protocole par une absence totale de
référence au monopole du Conseil de sécurité en matière de recours à la force armée. Nous avons
déjà examiné dans un précédent chapitre des éléments qui militaient en faveur d’une interprétation
autonomiste du droit d’intervention institué par le protocole de Lomé.1460

Au surplus, La CEDEAO a adopté un autre Protocole A/PS1/12/01 sur la démocratie et la bonne


gouvernance additionnel au Protocole relatif au Mécanisme de prévention, de gestion, de

1458
Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p.47, par.
94.
1459
Voir Discussions entre les auteurs Adekeye ADEBAJO, Ismail O. D. RASHID et Madame Magaret Vogt,
personne ressource des Nations Unies qui a dirigé l’équipe des experts lors de la rencontre tenue à Banjul du 13 au 22
juillet. Voir Adekeye ADEBAJO, Ismail O. D. RASHID, West Africa’s Security Challenges: Building Peaace in a
Troubled Region, op. cit., note de bas de page 25. Madame Vogt était directrice adjointe de la division Afrique I au
Département des affaires politiques au Secrétariat des Nations Unies, elle a également directrice du Programme
Afrique de l’Institut international pour la paix. Voir également Ademola ABASS, « The New Collective Security
Mecanism of ECOWAS: Innovations and Problems », op. cit., pp. 223-224; Ademola ABASS, « The Implementation
of ECOWAS’New Protocol and Security Council Resolution 1270 in Sierra Leone: New Developments in Regional
Intervention », op. cit., p. 194. L’auteur rapporte qu’il a également eu une conversation privée avec le même directeur
des affaires juridiques de la CEDEAO en avril 2000, Monsieur Roger Laloupo qui a soutenu à nouveau que la véritable
motivation qui se dégageait lors du processus d’adoption du Mécanisme était de délier la CEDEAO des restrictions
de la Charte des Nations Unies, Ademola ABASS, « The Implementation of ECOWAS’New Protocol and Security
Council Resolution 1270 in Sierra Leone : New Developments in Regional Intervention », op. cit., p. 196, note de bas
de page 102.
1460
Voir supra chapitre I.

403
règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité.1461 Considéré comme une des
premières tentatives de légiférer sur la démocratie par un acte contraignant, ce nouveau Protocole
de la CEDEAO s’inscrit dans une dynamique de renforcement du processus normatif déjà engagé
dans le sens de la promotion de la démocratie, du respect des droits de l’homme et de la bonne
gouvernance. Ainsi, ce dernier instrument censé apporter des améliorations nécessaires au
Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits de maintien de la paix et de la
sécurité fait preuve d’une innovation ambitieuse, au point où certains auteurs lui attribuent valeur
constitutionnelle.1462 En effet, le chapitre I du Protocole qui traitent des principes consacre à la
section I des principes dits de « convergence constitutionnelle ». L’article 1er de cette première
section prévoit des principes qui sont déclarés principes constitutionnels communs à tous les Etats
membres de la CEDEAO. Il s’agit entre autres de principes démocratiques comme la séparation
des pouvoirs, l’indépendance de la justice et la liberté de presse, de principes politiques et plusieurs
autres portant sur les droits de l’homme, l’Etat de droit et la bonne gouvernance. Les autres sections
du Protocole portent sur des aspects plus spécifiques des principes exposés.

Enfin, la pratique subséquente de l’Organisation sous-régionale confirme l’hypothèse d’une mise


en œuvre du droit d’intervention sans une autorisation préalable du Conseil de sécurité. La
CEDEAO a à plusieurs reprises adopté des décisions de déploiement de forces avant que des
résolutions du Conseil de sécurité interviennent pour autoriser ces déploiements. L’autorisation du
Conseil de sécurité qui intervient bien plus tard, est certainement plus justifiée par le fait de la
participation de troupes de pays étrangers dans les forces déployées. Les crises intervenues en Côte
d’Ivoire et au Mali peuvent être citées pour étayer notre propos. Le Conseil de sécurité a autorisé
dans sa résolution 1464 (2003) portant sur la situation en Côte d’Ivoire, les Etats membres de la
CEDEAO participant à la force de la CEDEAO et les forces françaises à intervenir en Côte d’Ivoire

1461
CEDEAO, Protocole A/PS1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance a été signé à Dakar le 21 décembre
2001. Il est entré en vigueur le 20 février 2008.
1462
Voir notamment Ismaila Madior FALL et Alioune SALL, « Une constitution régionale pour l’espace CEDEAO :
Le Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO », disponible sur http://jaga.afrique-
gouvernance.net/_docs/pr_sentation_et_analyse_du_protocole_sur_la_d_mocration_de_la_cedeao.pdf, consulté le 28
septembre 2017.

404
alors même que l’Organisation sous-régionale avait déjà pris la décision de déployer des forces en
Côte d’Ivoire.1463 Pareillement, dans le cadre de la résolution de la crise survenue au Mali en 2012,
la CEDEAO avait pris la décision du déploiement d’une mission au Mali dénommée MICEMA,1464
bien avant que l’Union africaine et le Conseil de sécurité n’interviennent dans le conflit et
autorisent le déploiement de la MISMA sous conduite africaine.1465 Un autre exemple très récent
est l’intervention en Gambie. L’Organisation sous-régionale a fait un recours à la force armée pour
rétablir le gouvernement démocratiquement élu malgré les réticences du Conseil de sécurité sur
un éventuel recours à la force.1466

De tout ce qui précède, il semble donc possible d’affirmer que la pratique antérieure à
l’institutionnalisation du droit d’intervention dans le cadre sous régional CEDEAO avait atteint un
degré suffisant de maturité pour qu’on puisse parler de codification.

Paragraphe II : l’hypothèse d’une cristallisation ou de la formation d’une norme coutumière


régionale à partir de l’adoption de l’article 4 (h) de l’Acte constitutif de l’Union africaine

Au regard de l’absence d’une pratique pertinente à l’image de celle de la CEDEAO par l’OUA au
niveau continental, il semble évident d’exclure d’office l’hypothèse d’une codification d’une
norme coutumière par l’article 4 (h). Les hypothèses à émettre en l’espèce sont celles d’une

1463
Décision prise par les chefs d’État de la CEDEAO lors du Sommet d’Accra du 29 septembre 2002, rappelée par
le Conseil de sécurité dans sa résolution 1464 du 4 février 2003, S/RES/1464(2003).
1464
Lors du Sommet extraordinaire tenue à Abidjan, les chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO ont autorisé
« La montée en puissance de la Force en attente de la CEDEAO pour parer à toute éventualité ». Voir CEDEAO,
Communiqué final, Sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement, Abidjan, Cote d’Ivoire, 27 mars 2012,
par. 16. Voir les recommandations faites par le Conseil de médiation et de sécurité de la CEDEAO au Comité d’État-
major sur le mandat de la Force, CEDEAO, Session extraordinaire du Conseil de médiation et de sécurité de la
CEDEAO, Recommandation MSC/RES.1/04/12 relative au mandat de la Force en attente de la CEDEAO de rétablir
l’intégrité territoriale et l’ordre constitutionnel dans la République du Mali, Abidjan, 12 avril 2012.
1465
La MISMA sera remplacée par la MINUSMA déployée par l’ONU. Voir sur la gestion de la crise par les trois
acteurs, Lori-Anne THÉROUX-BÉNONI., « De la MICEMA a la MINUSMA : L’architecture sécuritaire
internationale à l’épreuve de la crise malienne », dans David MORIN, Michel LIÉGEOIS & Marie-Joëlle ZAHAR
(dir.), Guide du maintien de la paix 2013, Montréal, éditions Athéna, 2014, pp. 51-73.
1466
Voir pour une analyse détaillée sur cette intervention, Sâ Benjamin TRAORÉ & Alimata DIALLO, « De la légalité
de l’intervention militaire de janvier 2017 en Gambie », Revue belge de droit international, no2, 2017, pp. 666-708.

405
cristallisation de la norme coutumière qui s’est développé dans l’espace CEDEAO ou celle de sa
formation à l’échelle continentale à partir de l’adoption de l’article 4 (h).

A- L’hypothèse d’une cristallisation coutumière par l’article 4 (h)

Avant de procéder à l’examen de cette première hypothèse, il convient dans un premier temps de
questionner la notion de « cristallisation » coutumière.

Un tour d’horizon permet de constater l’absence de définition juridique de la notion. Elle a été
introduite en droit international par la CIJ qui en a posé les conditions dans son arrêt relatif à
l’Affaire du Plateau continental de la mer du Nord du 20 février 1969. Pris dans son sens strict, la
cristallisation désigne le fait pour quelque chose de prendre corps, de se concrétiser.1467
L’expression renvoie ainsi au fait de rassembler en un tout cohérent, fixe et stable quelque chose
qui était inorganisé, diffus et imprécis.1468 Ainsi, la cristallisation dans un processus de formation
coutumière désigne « l’accomplissement et la définition d’un processus de formation qui ne s’était
pas encore pleinement réalisé auparavant ».1469 Cette mise en forme procède en général par une
pratique conventionnelle qui permet de consolider l’existence d’une coutume en formation.
Dans l’Affaire du Plateau continental de la mer du Nord, la Cour a reconnu que le processus
d’élaboration d’une règle conventionnelle pouvait à certains égards aboutir à la cristallisation
d’une règle coutumière en voie de formation. La cristallisation qui parachève le processus de
maturation de la règle en formation est menée à terme grâce au travail d’élaboration, de négociation
et d’adoption du traité de codification, « de sorte que la règle coutumière et son reflet codifié
achèvent leur parcours en même temps, l’un portant l’autre dans sa lancée au point
d’aboutissement ».1470 La cristallisation peut donc résulter aussi bien des travaux préparatoires,

1467
Le petit Larousse illustré, édition 2018, p. 325
1468
Voir la définition de cristalliser dans Le petit Robert, édition 2017, p. 589
1469
Luigi CONDORELLI, « La coutume », op. cit., p. 209
1470
Georges ABI-SAAB, « La coutume dans tous ses états ou le dilemme du développement du droit international
général dans un monde éclaté », op. cit., p. 55.

406
des réactions des gouvernements au cours de ces travaux et du fait de l’adoption même de la règle
conventionnelle.1471

Dans la même Affaire du Plateau continental de la mer du Nord, la Cour a eu à examiner de façon
concrète deux principales hypothèses d’interaction entre une règle conventionnelle et une norme
coutumière. La première renvoyait à l’une des thèses soutenues par le Danemark et les Pays-Bas
selon laquelle le droit du plateau qui était embryonnaire et en voie de formation avant la conférence
de Genève de 1958 sur le droit de la mer s’était cristallisé à la suite des travaux de la Commission
du droit international ainsi que par l’adoption de la convention sur le Plateau continental par la
Conférence.1472 Pour ces pays, l’article 6 de la Convention de Genève de 1958 sur le plateau
continental aurait cristallisé le principe de l’équidistance, une règle coutumière qui serait en
formation avant la conférence. La seconde hypothèse portait sur une autre thèse avancée par les
deux pays consistant à dire que c’est à la suite de l’adoption de la Convention de Genève que la
règle se serait formée.1473

Pour l’examen de la première hypothèse, la Cour commence par prendre en considération le


contexte d’adoption de la Convention de Genève de 1958 sur le droit de la mer. Elle soutient que
la valeur d’une règle dans une convention doit surtout être jugée en prenant en compte les
conditions dans lesquelles elle a été amenée à être proposée.1474 La Cour aborde également dans
son analyse un autre argument portant sur la faculté de faire des réserves à une disposition censée
être déclaratoire de droit international coutumier. Elle estime qu’une règle de droit international
coutumier étant appelée à s’appliquer à tous les membres de la communauté concernée, elle devrait
exclure toute possibilité de formuler des réserves unilatérales.1475

1471
Plateau continental de la mer du Nord, op. cit., p. 38.
1472
Plateau continental de la mer du Nord, op. cit., p. 38, par. 61.
1473
Ibid., par. 70.
1474
Ibid., par. 62
1475
Ibid., p. 38, par. 63-68.

407
Il convient cependant de préciser que la coutume embryonnaire ne se cristallise pas par le seul fait
de l’élaboration du traité, mais surtout grâce aux réactions des gouvernements aux négociations et
aux consultations menées pendant le travail d’élaboration.1476

A la suite de ces précisions, peut-on soutenir que l’article 4 (h) a eu pour effet de cristalliser au
niveau régional la règle coutumière sous-régionale codifiée par la CEDEAO ?

Pour répondre à cette question, il convient de prendre en considération tant les travaux
préparatoires que le contexte d’adoption de l’article 4 (h).

Les travaux préparatoires laissent transparaitre le fait qu’il n’existait pas encore d’opinio juris
établie à l’échelle continentale permettant de soutenir la cristallisation de la norme coutumière déjà
bien établie dans l’espace CEDEAO au moment de l’adoption de l’Acte constitutif de l’UA.
Comme mentionné dans un précédent chapitre, l’insertion de l’article 4 (h) avait suscité de fortes
réticentes et des compromis importants au cours des travaux préparatoires de l’Acte constitutif. La
position des Etats africains sur les principes de souveraineté et de non-intervention a certes
considérablement évolué à partir des années 90, mais elle n’avait pas abouti à la naissance d’une
opinio juris générale favorable à un droit d’intervention. Comme il a été relevé dans un précedent
chapitre, la question de l’autorisation préalable n’a pas fait l’objet de débats au cours des travaux
préparatoires, alors même que les acteurs africains étaient censés connaitre les exigences de la
Charte, notamment celle de l’autorisation préalable du Conseil de sécurité.1477

1476
Voir par exemple Yoram DINSTEIN, « The Interaction Between Customary International Law and Treaties »,
Recueil des cours de l’Académie de droit international, vol. 322, 2006, p. 358. Voir également le Troisième rapport
de la CDI, dans lequel il est reconnu que le texte du traité à lui seul ne suffise pas à faire la preuve de l’existence ou
du contenu d’une règle de droit international, il faut également que celle-ci « trouve appui dans des manifestations
extérieures de la pratique associées à l’acceptation comme étant le droit ». CDI, Troisième rapport sur la détermination
du droit international coutumier, op.cit., p. 20, par. 34. Ce point est confirmé par la Cour dans l’affaire du Plateau
continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte) dans laquelle la Cour déclare qu’ « il est bien évident que la substance
du droit international coutumier doit être recherché en premier lieu dans la pratique effective et l’opinio juris des Etats,
même si les conventions multilatérales peuvent avoir un rôle important à jouer en enregistrant et définissant les règles
dérivées de la coutume en les développant », C.I.J., Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt,
Recueil 1985, p. 29 et 30, par. 27.
1477
Voir supra, p. 348.

408
De plus, contrairement à la CEDEAO, l’OUA se caractérisait par une absence de pratique. Il
semble donc difficile d’invoquer une cristallisation sans aucune forme de pratique dans le laps de
temps entre le moment où la norme a émergé au niveau sous régional et celle de l’adoption de
l’Acte constitutif de l’UA.

Deuxièmement, des propositions d’amendement de l’Acte constitutif, notamment de l’article 4 (h)


présentées peu de temps après son adoption témoignent de l’absence d’une opinio juris suffisante
pouvant permettre une cristallisation de la norme coutumière au niveau régional.1478 Elles dénotent
de la fragilité du consensus qui avait été obtenu au cours des travaux préparatoires. Dans son
troisième rapport sur la détermination du droit international coutumier, Michael Wood soutenait
justement que le fait qu’une disposition a suscité une forte opposition ou exigé des compromis
importants lors des travaux préparatoires peut donner à penser qu’elle ne reflétait pas une norme
coutumière.1479

Enfin, le contraste entre les formulations des dispositions conventionnelles permet de se rendre
compte que l’article 4 (h) n’est pas déclaratoire de la norme coutumière qui avait émergé dans
l’espace CEDEAO. Primo, le Protocole de Lomé a institué un droit d’intervention en cas de
violations graves et massives des droits de l’homme ou de remise en cause de l’Etat de droit, tandis
que l’exercice du droit d’intervention de l’Union africaine est subordonné à la commission des
crimes internationaux les plus graves. Le degré de violation est plus élevé en l’espèce. Secundo,
le Protocole de Lomé prévoit également la mise en œuvre du Mécanisme en cas de renversement
ou de tentative de renversement d’un gouvernement démocratiquement élu, alors que l’article 4
(h) n’inclut pas de motif d’intervention pour rétablir un gouvernement démocratique.

1478
En effet, quelques deux années après l’adoption de l’Acte constitutif, la Lybie présentait une proposition
d’amendements lors de la session inaugurale de l’Union africaine à Durban (Afrique du Sud) en juillet 2002, voir nos
précédents développements sur ces amendements.
1479
CDI, Troisième rapport sur la détermination du droit international coutumier, op.cit., op. cit., p. 23, par. 38, note
de bas de page 81.

409
Au regard de tous ces éléments, il parait difficile de soutenir une cristallisation coutumière par
l’article 4 (h).

A défaut d’avoir cristallisé une norme coutumière, l’article 4 (h) serait-il le point de départ de la
formation de la norme coutumière permettant une intervention armée pour des motifs humanitaires
sans autorisation préalable du Conseil de sécurité au niveau continental ?

B- L’hypothèse de la formation de la norme coutumière au niveau continental du fait de


l’adoption de l’article 4 (h)

L’hypothèse de la formation d’une norme coutumière à partir d’une disposition conventionnelle a


été admis par la CIJ dans le même arrêt du Plateau continental, qui précise néanmoins qu’« on ne
considère pas facilement ce résultat comme atteint ».1480 La Cour a également identifié deux
modalités par lesquelles une norme coutumière peut naitre à partir d’une norme conventionnelle.
Ce processus peut résulter soit de l’influence exercée par la convention, soit de la pratique
ultérieure.1481 La Cour pose par ailleurs des conditions pour ce qui concerne la génération de la
norme coutumière du fait de l’influence de la convention elle-même. La convention en question
doit en premier lieu présenter « en tout cas virtuellement, un caractère fondamentalement
normatif », de sorte à pouvoir « constituer la base d’une règle générale de droit ».1482 Dans un
second temps la participation à la convention doit avoir été « très large et représentative »1483.
Enfin, il n’est pas exigé l’écoulement d’une longue période, mais il faut que

« dans ce laps de temps, aussi bref qu’il ait été, la pratique des Etats, y compris ceux qui sont particulièrement
intéressés, ait été fréquente et pratiquement uniforme dans le sens de la disposition invoquée et se soit
manifestée de manière à établir une reconnaissance générale du fait qu’une règle de droit ou une obligation
juridique est en jeu ».1484

1480
Plateau continental de la mer du Nord, op. cit., par. 71, p. 41. Nos italiques.
1481
Ibid., pp. 41-45, par. 70-81.
1482
Ibid., pp. 41-42, par. 72. Nos italiques.
1483
Ibid., p. 42, par. 73. Nos italiques.
1484
Ibid., p. 43, par. 74.

410
Il semble dès lors évident que l’article 4 (h) remplit difficilement ces trois conditions. La seule
condition qui ne porte pas à débats est celle d’une participation large et représentative. Sur ce point,
tant les travaux préparatoires que la trente sixième (36e) session au cours de laquelle l’Acte
constitutif a été adopté ont connu une massive participation. Il ressort des documents portant sur
les travaux préparatoires que les différentes rencontres qui ont préparé les projets d’Acte constitutif
ont connu une forte participation d’experts juridiques, de parlementaires et de ministres de presque
tous les pays d’Afrique.1485 La première rencontre d’experts juridiques et de parlementaires tenue
du 17 au 20 avril 2000 a connu la participation de représentants de quarante-trois pays.1486 La
deuxième réunion du même genre tenue les 27-29 mai 2000 a réuni quarante-sept représentants.1487
Cinquante et un Etats membres étaient représentés à la rencontre ministérielle qui s’est tenue du
31 mai au 2 juin 2000.1488 La trente sixième conférence ordinaire des chefs d’Etat et de
gouvernement qui a procédé à l’adoption de l’Acte constitutif avait connu une participation des
plus importantes de quarante-sept chefs d’Etat ou de leurs représentants désignés.

Sur l’exigence de normativité, bien que l’Acte constitutif n’ait pas aménagé de faculté de faire des
réserves sur l’article 4 (h), on peut émettre des doutes sur la valeur normative de la disposition.

En premier lieu, la formulation de la disposition avait fait l’objet de longues négociations au cours
des travaux préparatoires avant de recueillir un fragile consensus. C’est sans grand étonnement
donc que des projets d’amendements ont surgi peu de temps après l’adoption de l’Acte constitutif.

1485
Voir nos développements du chapitre sur l’histoire de l’article 4 (h).
1486
Voir OUA, Rapport de la réunion des experts juridiques et des parlementaires sur la création de l’Union africaine
et du Parlement africain du 17-21 Avril 2000, Addis Abeba (Éthiopie), CAB/LEG/23.15/6/Vol. IV, copie en notre
possession. Voir aussi OUA, Liste des participants à la réunion des experts sur la création de l’Union africaine et du
Parlement Panafricain, 17-21 avril 2000, Addis Abeba, Éthiopie, copie en notre possession
1487
Voir OUA, Deuxième réunion des experts juridiques et des parlementaires sur la création de l’Union africaine et
du Parlement panafricain, 27-29 mai 2000, Tripoli (Lybie), SIRTE/Exp/Rpt (II), copie en notre possession. Voir sur
le nombre de participants, par. 2.
OUA, Deuxième réunion des experts juridiques et des parlementaires sur la création de l’Union africaine et du
1488

Parlement panafricain, 27-29 mai 2000, par. 69.

411
En second lieu, les amendements opérés sur la disposition ont eu pour conséquence de la rendre
encore plus controversée. En rappel, l’article 4 (h) dans sa version non encore amendée était
énoncé comme suit : « Le droit de l’Union d’intervenir dans un Etat membre sur décision de la
Conférence, dans certaines circonstances graves à savoir : les crimes de guerre, le génocide et les
crimes contre l’humanité ». On présumait que cette formulation renvoyait à des finalités
humanitaires. La disposition est cependant amendée deux ans après son adoption pour rajouter un
motif additionnel d’intervention pour « menace grave de l’ordre légitime afin de restaurer la paix
et la stabilité dans l’Etat membre de l’Union sur recommandation du Conseil de paix et de
sécurité ».1489 Ce motif additionnel pose clairement problème et entache le peu de normativité
qu’aurait pu revêtir l’article 4 (h) au regard des incertitudes et les controverses liées à
l’interprétation des notions de « menace grave » et de « l’ordre légitime ». Ces notions ne
disposent non seulement de définition en droit international mais non pas encore été suffisamment
conceptualisées. De plus, ce nouveau motif a peu en commun avec les autres motifs d’intervention
prévus par l’article 4 (h). Du reste, on pourrait noter une forme de contradiction entre ce dernier
motif et les premiers dans le sens où il semble difficile de protéger l’ordre légitime d’un Etat
membre dans une situation où les violations massives des droits de l’homme sont commises dans
le cadre de contestations de l’ordre légitime de l’Etat en question.1490

Enfin, pour ce qui concerne la condition portant sur la fréquence et l’uniformité de la pratique
subséquente, l’Etat actuel de la mise en œuvre de l’article 4 (h) ne permet pas de parvenir à la
conclusion d’une pratique fréquente et uniforme.

Il peut être soutenu à la suite de cette analyse la formation d’une norme coutumière sous-régionale
dans l’espace CEDEAO consacrant un droit d’intervention pour la protection des droits de
l’homme et pour des motifs de gouvernance démocratique. Elle peine cependant à prendre forme

1489
Article 4 du Protocole sur les amendements à l’Acte constitutif de l’Union africaine, adopté par la 1ere session
extraordinaire de la Conférence de l’UA, le 3 février 2003. Nos italiques.
1490
Voir sur une analyse de ce motif d’intervention, Alimata DIALLO, « Le droit d’intervention de l’Union africaine
au motif de ‘ menace grave à l’ordre légitime’ : état des lieux et perspectives de mise en œuvre », Revue Juridique et
politique des États francophones, no 1, numéro spécial, Janvier-mars 2016, pp. 154-181.

412
au niveau régional. L’institution de l’article 4 (h) est un premier pas important. La disposition
pourrait éventuellement générer une norme coutumière par le biais de la seconde modalité
identifiée par la Cour, si sa pratique ultérieure prend un nouveau tournant.

413
CONCLUSION GÉNÉRALE
Aux termes de cette étude, il peut être soutenu que notre hypothèse de départ se trouve confirmée.
L’article 4 (h) de l’Acte constitutif révèle une volonté de relecture des règles gouvernant le recours
à la force par les Organisations régionales, notamment l’article 53 de la Charte qui soumet toute
initiative de celles-ci en cette matière, à une autorisation préalable du Conseil de sécurité.
L’affirmation d’une tentative d’émancipation de l’autorité du Conseil de sécurité en matière
coercitive armée découle de plusieurs considérations.

Premièrement, l’histoire de l’article 4 (h) montre en effet que la disposition traduit bien plus qu’une
réponse aux nouveaux défis de gestion des conflits en Afrique. En effet, le contexte d’adoption
révèle clairement un renouveau de l’idéologie panafricaniste favorisée par un certain nombre de
facteurs que nous avons déjà énumérés. Il s’agit en premier lieu des échecs du système de sécurité
collective à résoudre les conflits en Afrique suggérant une réappropriation des problématiques
africaines, et plus particulièrement la gestion des conflits. Les travaux préparatoires indiquent
également qu’à l’origine de l’insertion de l’article 4 (h) se trouve un ambitieux projet de création
d’une Organisation supranationale dotée d’une armée africaine capable de prendre en charge les
conflits survenant sur le continent sans intervention étrangère, comme le suggérait les précurseurs
du panafricanisme supranationaliste. Même si ce projet fédéraliste n’a pas abouti, l’article 4 (h)
représente une concession importante en faveur des tenants d’une Afrique unie et autonome. Nous
avons également vu à quel point le rapport sur le génocide au Rwanda rendu au cours des travaux
préparatoires de l’Acte constitutif de l’Union africaine a participé à légitimer l’idée d’une
autonomisation africaine en matière de gestion des conflits africains, favorisant ainsi des
concessions des fervents souverainistes sur l’insertion d’un droit d’intervention dans l’Acte
constitutif.

Deuxièmement, le Consensus d’Ezulwini qui réunit les éléments constitutifs d’un accord
interprétatif au sens de l’article 31, paragraphe 3, a) de la Convention de Vienne sur le droit des
traités de 1969 prône clairement une intervention sans une autorisation préalable du Conseil de
sécurité. Le document défend expressément une approbation ex post facto qui est bien différente
d’une autorisation préalable prescrit par l’article 53 de la Charte.

414
La pratique subséquente qui, certes, n’est pour le moment pas encore très étoffée et constante pour
permettre de parvenir à une conclusion radicale indique néanmoins une tendance à l’affirmation
d’une base autonome d’intervention. La pratique subséquente de la CEDEAO est par ailleurs plus
éloquente dans ce sens avec sa récente intervention en Gambie. Ce premier constat ne va toutefois
pas sans quelques nuances.

En premier lieu, il faut insister sur le caractère très limité du droit d’intervention prévu par l’article
4 (h). Il s’agit en réalité d’un droit limité ratione materiae à une catégorie de crimes, et ratione
loci au continent africain. Il n’est par conséquent pas question d’une codification d’un droit
d’intervention général, ni même d’un soutien des Etats africains à une norme de droit
d’intervention général sur le plan international. On peut donc dans ce sens comprendre cette
attitude qui semble paradoxale consistant pour les acteurs africains à rejeter au niveau international
la doctrine du droit d’intervention humanitaire et à revendiquer à la fois un assouplissement des
termes de l’article 53 de la Charte.

Dans un second temps, la revendication d’un assouplissement de l’article 53 par les Etats africains
n’implique pas comme l’ont soutenu certains auteurs une remise en cause du droit de la Charte,
pas plus qu’une remise en question radicale de l’autorité du Conseil de sécurité sur laquelle repose
le système de sécurité collective. L’article 4 (h) représente certes un changement de paradigme des
règles régissant les relations entre l’Union africaine et l’ONU dans le sens où celle-ci se dispense
d’une autorisation préalable du Conseil de sécurité avant d’entreprendre une action coercitive
armée. L’Union n’a plus besoin d’attendre la qualification de la situation par le Conseil de sécurité.
Il reste cependant que l’article 4 (h) ne traduit pas une volonté de distanciation du droit de la
Charte. Il semble exprimer un besoin d’adapter les règles classiques aux réalités d’un continent
sujet à des conflits et menaces d’une nouvelle nature. Pour reprendre les termes de la professeure
Boisson de Chazournes, le droit d’intervention consacré par l’Acte constitutif de l’Union africaine
n’est pas en soi une revendication d’un exceptionnalisme régional, mais plutôt la manifestation
d’un exceptionnalisme dans le cadre du continent africain.

Aussi, dans une certaine mesure, la tentative d’autonomisation de l’Union africaine à l’égard du
Conseil de sécurité des Nations Unies se trouve relativement dévoyée au regard de l’intention
initiale des rédacteurs du fait de la faiblesse des ressources permettant d’assumer une telle

415
ambition. La dépendance financière de l’Organisation régionale au système des Nations Unies lui
impose malgré tout un certain degré de subordination. On note dans ce sens une forme de
subordination conditionnée consistant à revendiquer le financement sur le budget des Nations
Unies des opérations de paix autorisées par le Conseil de sécurité. La tendance montre à contrario
que celles qui n’ont pas eu besoin de financement ont été menées sans une autorisation préalable
du Conseil de sécurité comme ce fut le cas de l’intervention au Libéria, en Sierra Leone, aux
Comores et récemment en Gambie.

Il s’avère également important de nuancer l’argument qui considère l’article 4 (h) comme la
codification d’une norme coutumière régionale. La disposition n’a ni codifié, ni permis la
cristallisation d’une norme coutumière en émergence au niveau régional africain. On pourrait bien
admettre une telle conclusion pour ce qui concerne l’espace sous régional de la CEDEAO comme
nous l’avons montré dans un précédent chapitre, mais l’opinio juris est encore très incertaine et
fluctuante pour permettre de soutenir la codification d’une norme coutumière régionale.
L’institutionnalisation reste une étape importante qui pourrait éventuellement permettre la
régionalisation de la norme coutumière à la faveur d’une pratique constante et uniforme de l’Union
africaine.

Dans un contexte beaucoup plus large, il faut reconnaitre avec un auteur ayant conclu dans son
étude consacrée à la répartition des responsabilités entre l’ONU et les Organisations régionales en
matière coercitive, que les relations qu’elles entretiennent dans le domaine de la coercition armée
sont très rarement de subordination comme le prescrit l’article 53, par. 1 de la Charte.1491 Ceux-ci
sont bien plus complexes que ne le laissent transparaitre les règles censées les encadrer. De tout
temps d’ailleurs, les relations entre les Organisations régionales et les Nations Unies ont été
empreintes de défiance et de rivalités, de sorte que les défaillances du système de sécurité ont
irrémédiablement pour conséquence d’attiser les relents autonomistes au plan régional. En
l’espèce, l’échec du système de sécurité collective à prendre efficacement en charge les conflits et

1491
Ana P. LLOPIS, « Le système de sécurité collective entre anarchie et fiction : observations sur la pratique récente
», in Droit du pouvoir, pouvoir du droit, Mélanges offerts à Jean Salmon, Bruxelles, Bruylant, 2007, p. 455.

416
atrocités sur le continent africain a certainement justifié une volonté de créer ou de réinterpréter
les règles existantes dans le but de contourner les impasses du Conseil de sécurité. Même si l’idée
n’a pas été clairement exprimé, le contexte d’adoption et les travaux préparatoires du protocole de
la CEDEAO et de l’Acte constitutif de l’Union africaine laissent entrevoir le fait que les
Organisations régionales africaines semblent avoir déduit de l’inaction du Conseil de sécurité à
plusieurs crises internes et violations massives des droits de l’homme qu’il n’est plus nécessaire
de continuer à se lier à l’obligation de l’autorisation préalable du Conseil dans la mesure où celui-
ci n’a pas été toujours en mesure de remplir ses obligations dans le cadre de sa responsabilité
principale en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. La contrepartie du
consensus qui s’est dégagé à San Francisco pour permettre de confier la responsabilité principale
en matière de maintien de la paix et de la sécurité au Conseil de sécurité était assurément une
efficacité ne serait-ce que globale du Conseil de sécurité. Il a par conséquent été considéré que
l’inaction du Conseil dans une crise conférait à l’Organisation régionale concernée la latitude
d’entreprendre toutes les actions appropriées en fonction des circonstances de celle-ci.1492 De plus,
on ne peut pas dire que ces tentatives de réinterprétation de l’article 53 soient assez surprenantes
dans la mesure où malgré l’opinion hostile de la majorité des Etats à toute modification ou
assouplissement de l’article 53, par. 1, le Conseil de sécurité a paradoxalement semblé être
favorable à une certaine souplesse dans l’interprétation de l’article 53. On a ainsi noté que les
difficultés d’application stricte des termes du chapitre VIII régissant ses relations avec les
Organisations régionales dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales,
ont conduit le Conseil de sécurité à procéder par sa pratique à un assouplissement de l’article 53.
Cette attitude s’est dans un premier temps traduit par une certaine réticence de l’organe restreint à
inscrire ses relations avec les Organisations régionales dans le cadre du chapitre VIII de la Charte.
Même dans les cas où il a donné une autorisation à recourir à la force en vertu du chapitre VIII, le

1492
Voir sur cette argumentation Ademola ABASS and Mashood A. BADERIN, « Towards effective collective
security and human rights protection in Africa: An assessment of the Constitutive Act of the new African Union »,
Netherlands International Law Review, vol. 49, 2002, pp. 23-24.

417
Conseil de sécurité n’a pas expressément visé l’article 53 par. 1 de la Charte.1493 Il a également été
observé dans la pratique du Conseil de sécurité une migration du chapitre VIII vers le chapitre VII
de la Charte.1494 Ces tendances ont été interprétées comme la traduction d’une souplesse dans la
pratique d’autorisation de recourir à la force donnée par le Conseil de sécurité aux Organisations
régionales. Le Conseil de sécurité ayant fait preuve d’un pragmatisme afin d’éviter l’émergence
de tensions entre l’ONU et les Organisations régionales.1495

Pour l’heure, le changement de paradigme en matière coercitive armée initiée par les Organisations
régionales africaines ne semble pas susciter de véritables inquiétudes au regard de l’absence de
conflits normatifs entre les dispositions de l’Acte constitutif et le droit de la Charte en matière de
recours à la force.

D’abord, du point de vue de la légalité, l’article 4 (h) n’entre pas en conflit avec l’interdiction du
recours à la force formulée à l’article 2, par. 4 de la Charte comme il a déjà été démontré. L’article

1493
Un seul exemple fait état d’une référence expresse du Conseil de sécurité au chapitre VIII, il s’agit de l’intervention
de la CEDEAOen Sierra Leone en 1997, voir résolution 1132 (1997) du 8 octobre 1997, par. 8. Il est arrivé qu’il fasse
mention à la fois au chapitre VII et au chapitre VIII pour autoriser une action coercitive armée, sans que le renvoi au
chapitre VIII ne s’adresse directement à l’organisation régionale participante à l’action mais plutôt à ses Etats
membres, voir résolution 1464 (2003) du 4 février portant sur la situation en Côte d’ivoire. Dans d’ autres cas, le
Conseil de sécurité a cité de façon générale le chapitre VIII sans désigner une organisation régionale en particulier,
voir par exemple la résolution 787 (1992) du 16 novembre 1992 sur la Bosnie-Herzégovine ou il a simplement visé le
chapitre VIII dans les considérants, voir par exemple la résolution 788 (1992) du 19 novembre 1992 sur la situation
au Libéria, voir Albane GESLIN, « Le pouvoir d’habilitation du Conseil de sécurité : la délégation des pouvoirs du
Conseil aux organisations internationales », Revue Belge de Droit International, vol. 2, 2004, pp. 485-486 ; Laurence
BOISSON DE CHAZOURNES, « Les relations entre organisations régionales et organisations universelles », Recueil
des cours de l’Académie de droit international de la Haye, t. 347, 2010, pp. 297-298.
1494
Laurence BOISSON DE CHAZOURNES, « Les relations entre organisations régionales et organisations
universelles », op. cit., p. 296 ; Louis BALMOND, « La sécurité collective », dans Stéphane DOUMBÉ-BILLÉ (sous
la coordination), La Régionalisation du droit international, Bruylant, Bruxelles, 2012, p. 37 ; Patrick DAILLIER, «
L’intervention des organisations internationales dans les conflits armés. Sécurité « collective » et sécurité régionale »,
in Madjid Benchikh (éd.), Les organisations internationales et les conflits armés, Paris, l’Harmattan, 2002, p. 63 ;
Jorge CARDONA LLORENS, « La coopération entre les Nations Unies et les Accords et organismes régionaux pour
le règlement pacifique des affaires relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales », dans Boutros
BOUTROS-GHALI Amicorum Discipulorumque Liber, Paix, Développement, Démocratie, Peace, Development,
Democracy, Bruylant, Bruxelles, 1998, pp. 267-268.
1495
La professeure BOISSON DE CHAZOURNES estime que cette migration du régionalisme vers le chapitre VII
pourrait être la conséquence de pressions venant des organisations régionales envers le Conseil de sécurité, Laurence
BOISSON DE CHAZOURNES, « Les relations entre organisations régionales et organisations universelles », op. cit.
p. 305.

418
53 par. 1 de la Charte n’étant pas une norme de jus cogens, contrairement à ce que prétend certains
auteurs, sa réinterprétation n’est pas censée impliquer une violation du droit international
coutumier.1496 L’argument d’une atteinte au monopole du Conseil de sécurité par la relecture du
modèle d’autorisation reste une question de tendance doctrinale, les débats n’étant pas encore
épuisés sur la lecture de la forme d’autorisation à déduire de l’article 53, par. 1 de la Charte.

Ensuite, du point de vue de la légitimité, le risque d’une atteinte au monopole du Conseil de


sécurité est une question de conjoncture politique. Une action collective d’une Organisation
régionale à laquelle ont consenti les Etats membres dans le but de faire face à des violations
massives des droits de l’homme ou à une situation d’instabilité politique présentant des risques de
dégénérescence qui supplée l’inaction du Conseil de sécurité ne peut être considéré comme portant
atteinte à l’autorité du Conseil de sécurité. Il subsiste en effet moins de risques avec l’obligation
d’information qui subsiste que l’Union africaine engage des actions coercitives armées contraires
aux buts et principes de l’ONU.

1496
Selon certains, l’article 53 pourrait etre considé comme exprimant une règle de jus cogens dans la mesure oû il
précise les contours de l’interdiction du recours à la force, règle largement considérée comme ayant un caractère
impératif, voir Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre – L’interdiction du recours à la force en droit international
contemporain, Paris, Pedone, 2014, p. 565.

419
TABLE DES MATIÈRES
Sigles et abréviationS .......................................................................................................................a

Sommaire .........................................................................................................................................c

Introduction générale ...................................................................................................................... 1

Chapitre Préliminaire : L’architecture africaine de paix et de sécurité .................................... 26

Section I : Les organes de mise en œuvre de la sécurité collective de l’Union africaine ..... 27

Paragraphe I : Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) .................................................... 28

Paragraphe II : Les structures d’appui du Conseil de paix et de sécurité ......................... 40

A- Les instruments de prévention des conflits : le Système continental d’alerte rapide


et le Groupe des sages ................................................................................................... 40

B- Le président de la Commission de l’Union africaine .......................................... 43

C- Le dispositif d’intervention : La Force africaine en attente ................................ 44

Section II : Les Communautés économiques régionales, acteurs clés du maintien de la paix


en Afrique ............................................................................................................................. 58

Paragraphe I : L’extension des compétences des Communautés économiques régionales :


de l’intégration économique au maintien de la paix ......................................................... 59

Par. II : La problématique de la diversité des Organisations sous-régionales et les tentatives


de rationalisation des relations entre les Communautés Économiques régionales ........... 70

Par. III : Les relations entre l’Union africaine et les Communautés économiques régionales
........................................................................................................................................... 77

Chapitre I : La préhistoire de l’article 4 (h) : les velléités sous-régionales de recours à la force


armée sans autorisation préalable du Conseil de sécurité ......................................................... 94

Section I : La tendance à l’affirmation d’un droit d’intervention par la CEDEAO .............. 94

Paragraphe I : Une pratique brute renouvelée d’interventions armées sans autorisation


préalable du Conseil de sécurité ....................................................................................... 95

i
A- L’intervention militaire de la CEDEAO au Libéria (1990-1997) ........................... 95

B- L’action coercitive armée de la CEDEAO en Sierra Leone (1997-1999) ............. 109

Paragraphe II : L’institutionnalisation d’un droit d’intervention dans les conflits internes et


sans autorisation préalable du Conseil de sécurité .......................................................... 121

A- Le droit d’intervenir dans les conflits internes des Etats membres sans leur
consentement............................................................................................................... 122

B- Le droit d’intervenir sans l’autorisation du Conseil de sécurité........................ 125

Section II : Les tendances autonomistes des autres Organisations sous-régionales africaines


............................................................................................................................................. 132

Paragraphe I : Les dispositions normatives de la SADC et de la CEEAC en matière de


recours à la force ............................................................................................................. 132

A- La SADC : Des dispositions normatives en phase avec le droit de la Charte en


matière de recours à la force ....................................................................................... 132

B- La CEEAC : un dispositif institutionnel de sécurité en marge du droit de la Charte


..................................................................................................................................... 136

Paragraphe II : les interventions à licéité douteuse de la SADC au Congo et au Lesotho


......................................................................................................................................... 140

A- L’intervention militaire de la SADC au Lesotho .............................................. 140

B- L’action armée de l’Angola, de la Namibie et du Zimbabwe sous l’égide de la


SADC en République démocratique du Congo .......................................................... 148

Chapitre II : L’histoire de l’adoption de l’article 4 (h) à la lumière des travaux préparatoires


................................................................................................................................................. 161

Section I: Le processus d’adoption de l’article 4 (h) à la lumière des travaux préparatoires de


l’Acte constitutif de l’Union africaine ................................................................................ 163

Paragraphe I : genèse et étapes d’institutionnalisation de l’article 4 (h) ........................ 163

A- La version originelle de l’article 4 (h) ............................................................... 164

ii
B- L’évolution de l’article 4 (h) dans les actes préparatoires d’élaboration du projet
d’Acte constitutif ........................................................................................................ 168

Paragraphe II : la teneur des débats et concessions sur l’article 4 (h) ............................ 187

A- L’institutionnalisation d’un droit d’intervention : D’une réticence initiale à la


concession ................................................................................................................... 188

B- L’article 4 (h) : d’un droit d’intervention pour restaurer la paix et la sécurité à un


droit d’intervention pour motifs humanitaires ............................................................ 193

Section II: les circonstances de l’institutionnalisation d’un droit d’intervention ............... 196

Paragraphe I : la résurgence des ambitions autonomistes des acteurs africains ............. 196

A- Les prémices des velléités d’autonomisation des acteurs africains................... 197

B- La résurgence du panafricanisme dans la décennie 1990 ................................. 202

C- L’article 4 (h) : expression de velléités d’autonomie des acteurs africains ...... 208

Paragraphe II : l’émergence d’une conscience collective africaine favorable à un


assouplissement des principes de souveraineté et de non intervention........................... 213

Chapitre III : Accord ultérieur sur l’interprétation de l’article 4 (h) et pratique subséquente 238

Section I: le Consensus d’Ezulwini, un accord ultérieur interprétatif de l’article 4(h) ?.... 240

Paragraphe I : la portée juridique du Consensus d’Ezulwini .......................................... 240

A- La forme de l’accord ultérieur interprétatif du traité ou de ses dispositions ..... 241

B- Eléments constitutifs d’un accord ultérieur interprétatif ................................... 242

Paragraphe II : La confirmation d’une lecture autonomiste de l’article 4 (h) ................ 256

Section II: la pratique subséquente de l’Union africaine dans l’application de l’article 4 (h)
............................................................................................................................................. 268

Paragraphe I : Contours théoriques de la pratique subséquente comme moyen


d’interprétation de l’acte constitutif d’une Organisation internationale ou d’une de ses
dispositions ..................................................................................................................... 270

iii
A- La pratique subséquente comme un moyen autonome d’interprétation des traités
270

B- Définition et identification de la pratique subséquente interprétative............... 275

C- La pratique subséquente dans le cas de l’interprétation de l’acte constitutif d’une


Organisation internationale ......................................................................................... 283

Paragraphe II : La pratique subséquente de l’article 4 (h) .............................................. 289

A- Une mise en œuvre presqu’inexistante de l’article 4 (h) ................................... 289

B- Déclarations suggérant une relecture du chapitre VIII de la Charte ................. 297

C- Une pratique ultérieure traduisant une évolution de la volonté initiale des


rédacteurs de l’Acte constitutif ................................................................................... 301

CHAPITRE IV : LA LEGALITE EN DROIT INTERNATIONAL DE L’ARTICLE 4 (H) ........................... 306

Section I: Les arguments doctrinaux sur la relation entre l’article 4 (h) et le droit de la Charte
............................................................................................................................................. 308

Paragraphe I : Les tentatives d’une lecture harmonieuse de l’article 4 (h) avec le droit de
la Charte ......................................................................................................................... 308

A- L’argument d’une soumission implicite à l’article 53 de la Charte ................. 309

B- L’argument de l’autorisation ou de l’approbation ex-post facto ...................... 312

Paragraphe II : Les arguments des tenants d’une interprétation autonomiste de l’article 4


(h) .................................................................................................................................... 316

A- L’argument fondé sur une lecture extensive de l’article 2 par. 4 de la Charte 316

B- L’argument d’une institutionnalisation d’un droit d’intervention humanitaire 321

Section II: La compatibilité avec le droit de la Charte des Nations Unies ......................... 333

Paragraphe I : Des arguments militant en faveur d’une interprétation autonomiste de


l’article 4 (h) ................................................................................................................... 333

A- Le dessaisissement de certains pouvoirs du Conseil de sécurité ...................... 334

B- Des arguments déduits des raisons de l’institution de l’article 4 (h) ............... 342

iv
Paragraphe II : De la compatibilité de l’interprétation autonomiste avec le droit de la
Charte ............................................................................................................................. 345

Chapitre V : L’hypothèse de la formation d’une norme coutumière régionale ...................... 362

Section I: les premières manifestations de la supposée norme coutumière ........................ 366

Parapgraphe I : Précédents constitutifs de la pratique pertinente ................................... 367

A- Les actions coercitives armées sans autorisation préalable du Conseil de sécurité


des Organisations sous-régionales africaines.............................................................. 367

B- L’évaluation de la pertinence de ces précédents en tant que pratique constitutive


de norme coutumière................................................................................................... 376

Parapraghe II : Une opinio juris sauvage à l’image de la pratique ? .............................. 387

Section II: L’hypothèse d’une codification ou d’une cristallisation par la pratique


conventionnelle ................................................................................................................... 397

Paragraphe I : L’hypothèse d’une codification coutumière d’un droit d’intervention sans


autorisation préalable du Conseil de sécurité par la CEDEAO ...................................... 398

Paragraphe II : l’hypothèse d’une cristallisation ou de la formation d’une norme


coutumière régionale à partir de l’adoption de l’article 4 (h) de l’Acte constitutif de l’Union
africaine........................................................................................................................... 405

A- L’hypothèse d’une cristallisation coutumière par l’article 4 (h) ....................... 406

B- L’hypothèse de la formation de la norme coutumière au niveau continental du fait


de l’adoption de l’article 4 (h) .................................................................................... 410

Conclusion générale .................................................................................................................... 414

Table des matières............................................................................................................................ i

Bibliographie.................................................................................................................................. vi

v
BIBLIOGRAPHIE
SOMMAIRE DE LA BIBLIOGRAPHIE

I. Dictionnaires
II. Manuels
III. Ouvrages individuels et collectifs
IV. Mémoires et thèses
V. Colloques et Mélanges
VI. Articles de périodiques
VII. Contributions à des Mélanges, colloques et ouvrages collectifs
VIII. Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye
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X- Discours, déclarations et allocutions

Communiqué final de la réunion des ministres des affaires étrangères et de chefs de délégation du
Mouvement des pays non alignés tenue à New-York, le 23 septembre 1999, annexé à la lettre datée
du 15 octobre 1999, adressée au Secrétaire général des Nations Unies par le Représentant
permanent de l’Afrique du Sud auprès de l’Organisation des Nations Unies, transmettant le
communiqué de la réunion des ministres des affaires étrangères et de chefs de délégation du
Mouvement des pays non alignés tenue à New-York, le 23 septembre 1999, A/54/469-
S/1999/1063, 18 octobre 1999.

Déclaration du Sommet du Sud, adoptée par les chefs d’État et de gouvernement des pays membres
du Groupe des 77 réunis à La Havane, 14 avril 2000, annexée à la lettre datée du 5 mai 2000,
adressée au président de l’Assemblée générale par le Représentant permanent du Nigéria auprès
de l’ONU, A/55/74, 12 mai 2000.

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Speech by Moammar Al Gadhafi, Leader of the Lybian Revolution, at the African Summit in
Lusaka, African Geopolitics, no 3-4, Summer-Fall, 2001.

Statement by Dr. Salim Ahmed Salim, secretary general of the OAU, Fourth Extra-Ordinary
Session Assembly of Heads of State and Government, Sirte-Libya, 8-9 september 1999.

XI- Conventions et instruments internationaux


Charte des Nations Unies (San Francisco, le 26 juin 1945), entrée en vigueur le 24 octobre 1945.
Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, approuvée par l'Assemblée
générale dans sa résolution 260 A (III) du 9 décembre 1948, entrée en vigueur : le 12 janvier 1951,
Nations Unies, in Recueil des Traités, vol. 78.

lviii
Convention de Vienne sur le droit des traités, Nations Unies, Recueil des traités, vol. 1155, p. 331,
Vienne, mai 1969.

Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, A.G. Res. 2200 A (XXI), U.N. Doc. A/6316, 1966.

Protocole du protocole I du 10 juin 1977 additionnel aux conventions de Genève de 1949 sur la
protection des victimes des conflits armés internationaux.

XII- Documents des organisations internationales


A- Documents de l’Organisation des Nations Unies (ONU)

Assemblée générale, Rapport de la Commission du droit international, Soixante-cinquième


session, 6 mai-7juin et 8 juillet-9 août 2013, Supplément no 10 (A/68/10).

Assemblée générale, Rapport de la Commission du droit international, Soixante-septième session,


4 mai-5 juin et 6 juillet-7 août 2015, Supplément no 10, (A/70/10).

Commission du droit international, Rapport sur le droit des traités de G. G. FITZMAURICE,


Rapporteur spécial, Annuaire de la Commission du Droit International, 1956, vol. II, A/CN.4/101.

Commission du droit international, Troisième rapport sur le droit des traités de G. G.


FITZMAURICE, Rapporteur spécial, Annuaire de la Commission du droit international, 1958,
vol. II, A/CN.4/115.

Commission du droit international, Troisième rapport sur le droit des traités par Sir Humphrey
WALDOCK, Rapporteur spécial, Annuaire de la Commission du Droit International, 1964, vol.
II, A/CN.4/167 et Add.1-3.

Commission du droit international, Comptes rendus analytiques de la sixième session de la


Commission du droit international, Annuaire de la Commission du Droit International, vol. 1, 11-
24 juillet 1964.

Commission du droit international, Rapport de la Commission du droit international sur les travaux
de sa seizième session, 11mai-24 juillet 1964, Annuaire de la Commission du Droit International,

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1964, vol. II, A/5809, paru initialement comme Documents officiels de l’Assemblée générale,
seizième session session, Supplément no 9.

Commission du droit international, Additif au huitième rapport sur la responsabilité des Etats,
présenté par Roberto AGO, Le fait internationalement illicite de l’Etat, source de responsabilité
internationale, Annuaire de la Commission du Droit International, 1980, II (1), A/CN.4/318/Add.5
à 7.

Commission du droit international, Rapport sur les travaux de sa cinquante-troisième session, 23


avril au 1er juin, 2 juillet au 10 août 2001, Annuaire de la Commission du Droit International,
A/56/10, 1er octobre 2001, paru initialement comme Documents officiels de l’Assemblée générale,
cinquante-sixième session, Supplément no 10.

Commission du droit international, Quatrième rapport sur la responsabilité des organisations


internationales, présenté par Giorgio GAJA, Rapporteur spécial, Cinquante-huitième session, 28
février 2006, A/CN.4/564.

Commission du droit international, Rapport de la Commission du droit international sur les travaux
de sa soixante et unième session, 4 mai-5 juin et 6 juillet-7 août 2009, Annuaire de la Commission
du Droit International, A/64/10, 25 septembre 2009, paru initialement comme Documents officiels
de l’Assemblée générale, soixante et unième session, Supplément no 10.

Commission du droit international, Deuxième rapport sur la détermination du droit international


coutumier, présenté par Michael WOOD, Rapporteur spécial, Soixante-sixième session, 22 mai
2014, A/CN.4/672.

Commission du droit international, Troisième rapport sur la détermination du droit international


coutumier, présenté par Michael WOOD, Rapporteur spécial, Soixante-septième session, 27 mars
2015, A/CN.4/682.

Commission du droit international, Troisième rapport sur les accords et la pratique ultérieurs dans
le contexte de l’interprétation des traités, présenté par Georg NOLTE, Rapporteur spécial,
Soixante-septième session, 7 avril 2015, A/CN.4/683.

lx
Commission du droit international, Rapport du groupe d’étude de la Commission du droit
international sur la fragmentation du droit international : difficultés découlant de la diversification
et de l’expansion du droit international, établi sous sa forme définitive par Martti Koskenniemi,
Cinquante-huitième session, 13 avril 2006, A/CN.4/L.682 et Corr.1.

Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux, résolution no 1514 (XV)
adoptée par l’Assemblée générale le 14 décembre 1960.

Déclaration sur l’inadmissibilité de l’intervention dans les affaires domestiques des Etats et sur la
protection de leur indépendance et de leur souveraineté, A. G. Rés. 2131 (XX), 21 décembre 1965.

Déclaration sur l’inadmissibilité de l’intervention dans les affaires intérieures des États et la
protection de leur indépendance et de leur souveraineté, résolution no 2131 (XX) datée du 21
décembre 1965.

Déclaration sur l’inadmissibilité de l’intervention dans les affaires intérieures des Etats, résolution
no 2225 (XXI) du 19 décembre 1966.

Déclaration relative aux principes du droit international concernant les relations amicales et la
coopération entre États, résolution no 2625 du 24 octobre 1970.

Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la
coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies, A. G. Rés. 2526 (XXV),
24 octobre 1970.

Déclaration sur l’inadmissibilité de l’intervention et de l’ingérence dans les affaires intérieures des
Etats, A.G. Rés. 36/103, 9 décembre 1981.

Déclaration du Millénaire de l’Organisation des Nations Unies, A/RES/55/2 du 8 septembre 2000.

La résolution sur « Le principe de non-intervention dans les guerres civiles », adoptée le 15 août
1975, session de Wiesbaden, Annuaire de l’Institut du Droit International, vol. 56, 1975.

lxi
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Département des opérations de maintien de la paix, Secrétariat des Nations Unies, New York,
janvier 2010.

Rapport de la Commission indépendante d’enquête sur les actions de l’organisation des Nations
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Rapport de la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des Etats, La


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18 décembre 2001.

Rapport de Kofi Annan de septembre 2002, intitulé Renforcer l’ONU : un programme pour aller
plus loin dans le changement, A/57/387.

Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement Un
monde plus sûr : notre affaire à tous, Nations Unies, doc. A/59/565, 2 décembre 2004.

Rapport du Secrétaire général, Dans une liberté plus grande : développement, sécurité et respect
des droits de l’homme pour tous, Nations Unies, doc. A/59/2005.

Rapport annuel du Groupe de travail spécial du Conseil de sécurité sur la prévention et le règlement
des conflits en Afrique pour 2005, S/2005/833, Annexe 1, Rapport du Séminaire sur la «
Coopération entre l’Organisation des Nations Unies et les organisations régionales africaines dans
le domaine de la paix et de la sécurité », New York, 15 décembre 2005.

Rapport du Secrétaire général, Mise en œuvre de la responsabilité de protéger, 12 janvier 2009,


UN Doc. A/63/677.

Rapport du secrétaire général des Nations Unies sur l’appui aux opérations de maintien de la paix
de l’Union africaine autorisées par les Nations Unies, 14 octobre 2010, A/65/510/S2010/514.

lxii
Résolution 1600 (XV) de l’Assemblée générale en date du 15 avril 1961, A/RES/1600.

Résolution 3314 des Nations Unies sur la définition de l’agression, Assemblée générale,
A/RES/29/3314, vingt-neuvième session, 14 décembre 1974.

B- Documents des organisations régionales


1- Organisation de l’Unité africaine (OUA)

Avant-Projet de traité instituant l’Union africaine, CAB/LEG/23.15/1/Vol. IV/Rev.2, document


non daté, copie en notre possession, voir l’article 3 (d).

Background Information on the Work of the OAU Charter Review Committee, OAU doc. EAGH/3
(IV), 6-9 September 1999.

CADHP, Résolution sur la situation des Droits de l’Homme en Afrique, 16e session ordinaire tenue
à Banjul, Gambie, 25 octobre au 3 novembre 1994.

CADHP, Résolution sur les régimes militaires, 16e session ordinaire, Banjul (Gambie), 25 octobre
– 3 novembre 1994.

Charte d'Addis- Abebas, adoptée à Addis-Abeba, le 25 mai 1963.

Communiqué de la 90eme session ordinaire de l’Organe central du mécanisme pour la prévention,


la gestion et le règlement des conflits au niveau des ambassadeurs du 17 mars 2003, Central
Organ/MEC/AMB/Comm(XC).

Communiqué de la quatre-vingt treizième session au niveau des ambassadeurs de l’Organe central


du mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits du 24 juillet 2003, Central
Organ/AMB/COMM. (XCIII) ;

Déclaration de la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Organisation de l’Unité


africaine sur la situation politique et socio-économique en Afrique et les changements
fondamentaux qui se produisent actuellement dans le monde, AHG/Decl. 1 (XXVI) du 11 juillet
1990.

lxiii
Déclaration sur la création au sein de l’OUA d’un Mécanisme pour la prévention, la gestion et le
règlement des conflits, AHG/Decl.1. (XXVIII).

Déclaration de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement sur la création au sein de l’OUA
d’un Mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits, 29e session ordinaire,
28-30 juin 1993, AHG/Decl. 3 (XXIX).

Déclaration d’Harare, Déclaration sur la réforme du Conseil de Sécurité, 33e session de la


conférence des chefs d’État et de gouvernement, Harare du 2 au 4 juin 1997, Zimbabwe,
AHG/Decl.3 (XXXIII).

Déclaration sur la réforme du Conseil de sécurité, 33e session ordinaire de la Conférence des chefs
d’Etat et de gouvernement, Harare, Zimbabwe, 4 juin 1997, AHG/decl.3 (XXXIII).

Déclaration de Ouagadougou, OUA, doc. AHG/Decl. I (XXXIV), 8-10 juin 1998.

Déclaration et Plan d’Action de Grande Baie, OUA, doc. CONF/HRA/DECL (I), 16 avril 1999.

Déclaration sur le cadre des réponses de l’OUA aux changements anticonstitutionnels de


gouvernement.

Déclaration de Syrtes 9. 9. 99

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l’OUA, EAHG/DECL. (IV)REV.1, 8-9 septembre 1999, Syrte, Libye, disponible sur
http://heinonline.org/HOL/Page?handle=hein.journals/afjincol11&div=59&g_sent=1&casa_toke
n=&collection=journals.

Déclaration de Lomé sur le cadre pour une réaction de l’OUA face aux changements
anticonstitutionnels de gouvernement, 36e session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etats et
de gouvernement de l’OUA à Lomé (Togo), 10 – 12 juillet 2000, AHG/Decl. 5 (XXXVI).

Déclaration de Lomé, adoptée à la 36e session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de
gouvernement de l’OUA, tenue du 10 au 12 juillet 2000 à Lomé au Togo, AHG/Decl. 2 (XXXVI).

lxiv
Déclaration solennelle sur la Conférence sur la sécurité, la stabilité, le développement et la
coopération en Afrique (CSSDCA), AHG/Decl. 4 (XXXVI), Lomé, Togo, 10-12 juillet 2000.

Déclaration sur le cadre pour une réaction de l’OUA face aux changements anticonstitutionnels de
gouvernement, adoptée à la 36e session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de
gouvernement de l’OUA, tenue du 10 au 12 juillet 2000 à Lomé au Togo, AHG/Decl. 5 (XXXVI).

Déclaration de Durban sur les principes régissant les élections démocratiques en Afrique, 38e
session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etats et de gouvernement de l’OUA, à Durban
(Afrique du Sud), AHG/Decl. 1 (XXXVIII).

Déclaration de Bamako sur la Position africaine commune sur la prolifération, la circulation et le


trafic illicites des armes légères et de petit calibre, adoptée à la Conférence ministérielle sur la
prolifération, la circulation et le trafic illicites des armes légères et de petit calibre, 30 novembre-
1er décembre 2000, Bamako, Mali, SALW/Decl. (I);

Déclaration de Syrte sur la réforme des Nations Unies, 5e session ordinaire de la Conférence, Syrte,
Lybie, 5 juillet 2005, Assembly/AU/Decl.2 (V).

Deuxième réunion des experts juridiques et des parlementaires sur la création de l’Union africaine
et du Parlement panafricain, 27-29 mai 2000, Tripoli (Lybie), SIRTE/Exp/Rpt (II), copie en notre
possession.

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et du Parlement panafricain, 27-29 mai 2000, Tripoli (Lybie), SIRTE/Exp/Rpt (II), copie en notre
possession.

Draft of Establishment of a State of The United States of Africa, 9 septembre 1999, disponible aux
archives du département légal de l’Union africaine, copie en notre possession.

Draft Treaty Establishing the African Union, 27 mars 2000, CAB/LEG/23.15/66/Vol.III, copie en
notre possession.

lxv
Draft Treaty Establishing the African Union by OAU Consultants on Sirte Declaration, Addis-
Ababa, Febrary 2000, document disponible au département juridique de l’Union africaine, copie
en notre possession.

La Charte africaine de la participation populaire au développement et à la transformation,


Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, Addis-Abeba, Ethiopie.

Liste des participants à la réunion des experts sur la création de l’Union africaine et du Parlement
Panafricain, 17-21 avril 2000, Addis Ababa, Ethiopie, copie en notre possession.

Projet de rapport du rapporteur, Réunion ministérielle sur la création de l’Union africaine et du


Parlement panafricain, 31 mai – 2 juin 2000, Tripoli (Libye), SIRTE/MIN/DRAFT/RAPT/RPT
(I), copie en notre possession.

Projet d’Acte constitutif de l’Union africaine, Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement,
trente sixième session ordinaire/quatrième session ordinaire de l’AEC, Lomé, Togo, 10-12 juillet
2000, AHG/219 (XXXVI), copie en notre possession.

Rapport du Secrétaire General sur les conflits en Afrique : Proposition d’un Mécanisme de l’OUA
pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits, CM/1710 (LVI).

Rapport du Secrétaire général sur la création d’un Groupe International d’Imminentes


Personnalités pour enquêter sur le génocide de 1994 au Rwanda et ses conséquences, Doc.
CM/2048 (LXVII).

Rapport du Secrétaire général sur le renforcement du rôle de l'OUA / UA dans l’observation et le


suivi des élections, et dans la promotion du processus de démocratisation en Afrique, Doc. CM/
2257 (LXXVI).

Rapport intérimaire du Secrétaire général sur la mise en œuvre de la Déclaration de Syrte présenté
au Conseil des ministres, soixante onzième session/Sixième Session Ordinaire de l’AEC, 6-10
mars 2000, Addis-Abeba, Éthiopie, CM/2146 (LXXI), ressource disponible au département
juridique de l’Union africaine, copie en notre possession.

lxvi
Rapport de la réunion des experts juridiques et des parlementaires sur la création de l’Union
africaine et du Parlement africain du 17-21 Avril 2000, Addis Ababa (Ethiopie),
CAB/LEG/23.15/6/Vol.IV, copie en notre possession ;

Rapport de la réunion des experts juridiques et des parlementaires sur la création de l’Union
africaine et du Parlement africain du 17-21 Avril 2000, Addis Ababa (Ethiopie),
CAB/LEG/23.15/6/Vol.IV, copie en notre possession.

Rapport du Groupe International d’Eminentes Personnalités (GIEP), OUA, Rwanda, le génocide


qu’on aurait pu stopper. Rapport des experts sur le génocide au Rwanda, Addis-Abéba, 7 juillet
2000 (AUO, Rwanda : The Preventable Genocide, Addis-Ababa, mai 2000), lettre de transmission
para. 5, p.7 disponible sur
http://www.africaunion.org/officialdocuments/reports/OUARapport%20sur%20le%20genocide
%20au%20Rwanda.pdf.

Report of Secretary-General, Council of Ministers, 74th Ordinary Session, 9th Ordinary Session
of the African Economic Community (AEC), 2-7 July 2001, CM/2210 (LXXIV).

Report of the Ministerial Conference on the Establishment of the African Union and the Pan-
African Parliament, OAU doc. CM/2162 (LXXII), 4-8 July 2000.

Report on the OAU’s Position Towards the Various Initiatives on Conflict Management:
Enhancing OAU’s Capacity in Preventive Diplomacy, Conflict Resolution and Peace-keeping,
OAU, doc. Central Organ/Mec/Min/3 (IV), Addis-Abeba, July 1995, annexé à OAU Secretariat,
« Report of Secretary-General on the Various Initiatives on Conflict Management », OAU doc.
CM/1883 (LXII), 21-23 June 1993.

Report of the Meeting of the Working Group of OAU Military Experts, Harare, Zimbabwe, OAU
doc. OAU/MRT/Exp/Rpt. (II) Rev. 1, 20-23 October 1997.

Résolution adoptée par la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement des pays indépendants
africains tenue à Addis-Abeba, Ethiopie tenue du 22 au 25 mai 1963, CIAS/PLEN. 2/REV.2.

lxvii
Rwanda, le génocide qu’on aurait pu stopper. Rapport des experts sur le génocide au Rwanda,
Addis-Abéba, 7 juillet 2000 (AUO, Rwanda : The Preventable Genocide, Addis-Ababa, mai 2000).

Southern Africa: Toward Economic Liberation. A Declaration by Government of Independent


States of Southern Africa made at Lusaka on 1 April 1980;
http://www.uneca.org/fr/oria/pages/sadc-communauté-de-développement-dafrique-australe,
consulté le 11 novembre 2015;

2- Union africaine (UA)

Acte constitutif de l’Union Africaine, adopté le 11 juillet 2000, à Lomé au Togo, entré en vigueur
le 26 mai 2001.

Cadre stratégique pour la création d’une Force africaine en attente et du Comité d’état- major
(Partie 1) : adopté par la Troisième réunion des Chefs d’état-major africains de la Défense, 15–16
mai 2003, Addis-Abeba.

Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance signée en 2007 et en vigueur


depuis le 15 février 2012.

Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, adoptée au cours de la


huitième session ordinaire de la conférence tenue le 30 janvier 2007 à Addis-Abeba, en Ethiopie
et entrée en vigueur le 15 février 2012.

Common African Position on the UN Review of Peace operations, adoptée lors de la 502e réunion
du Conseil de Paix et de sécurité de l’Union africaine tenue le 29 avril 2015, PSC/PR/2(DII).

Common African Position on the UN Review of Peace operations, adoptée lors de la 502e réunion
du Conseil de Paix et de sécurité de l’Union africaine tenue le 29 avril 2015, PSC/PR/2(DII).

Conceptualisation du maintien de la paix en Afrique (un guide complet du développement de la


Force Africaine en Attente).

Décision sur la Position africaine commune sur les changements climatiques (Assembly/AU/Déc.
236 (XII) ;

lxviii
Décision relative au moratoire sur la reconnaissance des Communautés économiques régionales
(CER) – Doc. EX. CL/278 (IX), 1-2- juillet 2006, Banjul, Gambie.

Décision adoptée par la 15e session ordinaire de la Conférence de l’Union, tenue à Kampala, en
Ouganda du 25 au 27 juillet 2010, Assembly/AU/Dec.249(XV).

Décision sur la création du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, Doc. AHG/1234
(XXXVIII).

Déclaration solennelle sur la politique africaine commune de Défense et de Sécurité de l’Union


Africaine.

Déclaration de Syrte du 9 septembre 1999, doc. EAHG/Decl. (IV) Rev.1, adoptée lors de la
Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernement, quatrième session extraordinaire du 8-9
septembre 1999, Syrte (Lybie).

Document-cadre sur la mise en place de la FAA et du CEM, 3 Réunion des Chefs d’Etat-major
africain (CEMA) réunie à Addis-Abeba, Ethiopie,15 mai au 16 Mai 2003.

Eritrea-Ethiopia Boundary Commission, Decision Regarding Delimitation of the Border between


the State of Eritrea and the Federal Democratic Republic of Ethiopia, décision du 13 avril 2002.

Feuille de route pour la mise en place de la Force africaine en attente, Réunion d’experts sur les
relations entre l’UA et les Mécanismes Régionaux pour la Prévention, la gestion et le règlement
des conflits, Addis-Abeba, 22-23 mars 2005, EXP/AURECS/ASF/4(I), disponible sur
http://www.peaceau.org/uploads/asf-roadmap-fr.pdf.

La feuille de route III de la FAA adoptée lors de la 5e réunion ordinaire du Comité Technique
spécialisé sur la défense, la sureté et la sécurité(CTSDSS) tenue à Addis-Abeba le 26 octobre 2011
et approuvée par la 20e session ordinaire du Conseil exécutif, tenue à Addis-Abeba du 23 au 27
janvier 2012, EX.CL/Dec.681(XX).

Pacte de non-agression et de défense commune de l'Union africaine, adopté à Abuja, le 31 janvier


2005 (non encore en vigueur).

lxix
Position commune de Windhoek, adoptée en décembre 2005 (disponible en anglais sur
http://www.poaiss.org/RegionalOrganizations/AU/Windhoek%20Common%20Position.pdf.

Position Commune Africaine sur la Réforme des Nations Unies dénommée « Le consensus
d’Ezulwini », Union africaine, Ext. /EX. CL. / 2 (VII), Conseil Exécutif, 7eme Session
extraordinaire, 7-8 mars 2005, Addis-Abeba (Éthiopie).

Position commune africaine sur la réforme des Nations Unies, ‘Le Consensus d’Ezulwini’,
septième Session extraordinaire du Conseil exécutif, 7-8 mars 2005, Addis-Abeba, Ethiopie, Ext.
/EX. CL. /2(VII).

Position commune africaine sur la réforme des Nations Unies, 7e session extraordinaire du conseil
exécutif, Addis-Abeba, (Ethiopie), 7-8 mars 2005, Ext./EX.CL. /2(VII).

Position africaine commune sur la migration et le développement (adoptée au cours de la Réunion


des experts sur la migration et le développement les 03-05 avril 2006, à Alger, en Algérie),
EX.CL/277(IX).

Projet de Position africaine commune sur un traité sur le commerce des armes, disponible sur
http://www.peaceau.org/fr/article/position-africaine-commune-sur-un-traite-sur-le-commerce-
des-armes, consulté le 19 février 2016.

Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine adopté le 09


juillet 2002 à Durban, entré en vigueur le 26 décembre 2003.

Protocole sur les amendements à l'acte constitutif de l'Union africaine, adopté à Maputo, le 11
juillet 2003 (non encore en vigueur).

Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création d'une Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples, adopté à Ouagadougou (Burkina Faso) à la 34 e
session ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de l’OUA le 10 juin 1998, entré en vigueur
le 25 janvier 2004.

lxx
Protocole portant amendements au protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des
droits de l’homme, adopté à la 23e session ordinaire de la Conférence de l’UA, tenue à Malabo en
Guinée Equatoriale, le 27 juin 2014.

Rapport de Réunion d’Experts sur la Rationalisation des CER, Ghana, Accra du 27-28 Octobre
2005 pour les régions d’Afrique du Centre, du Nord et de l’Ouest.

Rapport du président de la Commission sur la situation aux Comores depuis la 10e session
ordinaire de la Conférence de l’Union, tenue à Addis-Abeba du 31 janvier au 2 février 2008,
Conseil de paix et de sécurité, 124e réunion, 30 avril 2008, Addis-Abeba, Ethiopie,
PSC/PR/2(CXXXIV).

Rapport du président de la commission sur la situation aux Comores depuis la 10eme session
ordinaire de la conférence de l’union, tenue à Addis Abeba du 31 janvier au 2 février 2008,
présenté au Conseil de Paix et de Sécurité, à la 124e réunion, le 30 avril 2008, Addis Abeba,
Ethiopie, PSC/PR/2(CXXIV).

Rapport sur l’état d’avancement de la mise en place de la force africaine en attente, réunion des
experts et des chefs d’état-major et des services de police africains & réunion des ministres
africains de la défense et de la sécurité, 24-28 mars 2008 Addis-Abeba (Éthiopie), EX.CL/427
(XIII).

Rapport du Président de la Commission de l’UA lors de la session spéciale de la Conférence de


l’UA sur l’examen et le règlement des conflits en Afrique, tenue à Tripoli les 30 et 31 Août 2009,
SP/ ASSEMBLY/PS/RPT (I).

Rapport du Groupe des sages sur la consolidation du rôle de l’union africaine dans la prévention,
la gestion et le règlement des tensions et des conflits violents lies aux élections en Afrique,
treizième session ordinaire de la Conférence de l’Union, 1er – 3 juillet 2009, Addis-Abeba,
Éthiopie, Assembly/AU/6(XIII) ANNEXE II.

Rapport du Président de la Commission sur la situation à Madagascar (PSC/PR/2 (CCXVI)),


216eme réunion du Conseil de Paix et de sécurité, Addis-Abeba, 19 février 2010.

lxxi
Rapport du Président de la Commission sur les défis actuels à la paix et à la sécurité sur le continent
et les efforts de l’UA : Renforcer le leadership de l’Afrique, promouvoir des solutions africaines,
mai 2011, Doc off UAEXT/Assembly/AU/2 (01.2011).

Rapport du président de la Commission sur les défis actuels à la paix et à la sécurité sur le continent
et les efforts de l’UA, session extraordinaire de la conférence de l’Union sur l’état de paix et de
sécurité en Afrique, Addis-Abeba en Éthiopie, 25-26 Mai 2011, EXT/ASSEMBLY/AU/2
(01.2011).

Rapport de la présidente de la Commission sur des mesures de suivi de la position africaine


commune sur la revue des opérations de paix des Nations Unies, PSC/AHG/3. (DXLVII).

Rapport de la présidente de la commission sur l’opérationnalisation de la capacité de déploiement


rapide de la force africaine en attente et la mise en place d’une « capacité africaine de réponse
immédiate aux crises », 6e réunion ordinaire du comité technique spécialisé sur la défense, la sûreté
et la sécurité, Réunion préparatoire des chefs d’état-major, Addis-Abeba, Ethiopie, 29 – 30 avril
2013, RPT/Exp/VI/STCDSS/(i‐a)2013.

Rapport de la présidente de la Commission sur la situation en République Centrafricaine et les


activités de la Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique sous conduite africaine, adoptée
à la 416e réunion des chefs d’État et de gouvernement, Addis-Abeba, Éthiopie, 29 janvier 2014,
PSC/AHG/4(CDXVI).

Rapport du Conseil de paix et de sécurité sur ses activités et l’état de la paix et de la sécurité en
Afrique du 31 janvier 2015.

Règlement intérieur de la Conférence de l’Union Africaine adopté à la première session ordinaire


du 9-10 juillet 2002 à Durban (Afrique du Sud), doc. Assembly/AU/2 (I) a.

Règlement intérieur du Conseil exécutif de l’Union africaine.

Report of the Chairperson of the Commission on the situation in Darfur (The Sudan), 12 january
2006, Addis-Abeba, PSC/PR/2 (XLV).

lxxii
3- Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO)

Cadre de prévention des conflits, Commission de la CEDEAO (CPCC) janvier 2008, Abuja,
Nigéria.

Cadre de prévention des conflits de la CEDEAO (CPCC), Règlement MSG/REG.1/01/08,


Commission de la CEDEAO, Abuja, Nigéria, janvier 2008.

Communiqué final, première session du Comité permanent de médiation de la communauté,


Banjul, ECW/HSG/SMC/1/5/rev.1, 6-7 août 1990.

Communiqué final, Sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement, Abidjan, Côte
d’Ivoire, 27 mars 2012.

Décision A/DEC. 9/5/90 relative à la création d’un Comité permanent de médiation, Journal
officiel, vol. 17, juin 1990.

Decision A Dec 7/8/97 Extending the Scope of Activity and Mandate of ECOMOG to cover Sierra
Leone.

Décision A/DEC. 10/5/90 du 30 mai 1990 relative à la mise sur pied d’un comité chargé de la
révision du traité de la CEDEAO, Journal officiel, vol. 17, juin 1990, p.25, disponible sur
http://www.idc-afrique.org/sites/default/files/journaux_officiels/Vol.%2017.pdf, consulté le 25
octobre 2017.

Déclaration de principes politiques, adoptée le 6 juin 1991 à Abuja par la Conférence des chefs
d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO.

ECOWAS Draft Mechanism for Conflict Prevention, Management, Resolution, Peacekeeping and
Security, Meeting of the Ministers of Defense, Internal Affairs and Security, Banjul, 23-24 July
1998.

Final Communique of the First session of the Community Standing Mediation Comitee,
ECOWAS, Banjul, Republic of Gambia, August 6-7, 1990, par. 9 (texte original en anglais).

lxxiii
Final Communique of the Meeting of the Foreign Ministers of ECOWAS in Conacky, 26 juin
1997.

Final Communique of the ECOWAS Summit in Abuja, U. N. Doc. S/1997/695// Annex II.

Final Communique of the Meeting of the Foreign Ministers of ECOWAS in Conacky, 26 juin
1997.

Letter addressed by President Samuel K. Doe to the Chairman and Members of the Ministerial
Meeting of ECOWAS Standing Mediation Committee, 14 July 1990, voir pour le texte Official
Journal of the Economic Community of West African States, special supplement (version
anglaise), vol. 21, 1992.

Protocole de non-agression de la CEDEAO ou Protocole de Lagos signé le 22 avril 1978 à Lagos


(Nigéria).

Protocole d’assistance mutuelle en matière de défense, signé le 29 mai 1981 à Freetown (Sierra
Leone), entré en vigueur en 1986.

Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des Conflits, de Maintien


de la Paix et de la Sécurité, adopté à Abuja (Nigéria) en décembre 1999.

Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au Protocole relatif


au Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la
sécurité, Dakar, Sénégal, 21 décembre 2001.

Rapport sur la paix et la sécurité dans l’espace CEDEAO, Institut d’Études de Sécurité, numéro
45, avril 2013.

Rapport sur la paix et la sécurité dans l’espace CEDEAO, Institut d’Etudes de Sécurité, numéro 8,
avril 2014.

Third Report of the ECOWAS Committee of Five on Sierra Leone to the United Nations Pursuant
to Resolution S/RES/ 1132 (1997) of 8 October 1997.

lxxiv
Traité révisé de la Communauté Économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), adopté
à Cotonou (Benin) le 24 juillet 1993, publié par le secrétariat exécutif de la CEDEAO, Abuja,
Nigeria.

4- Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC)

Acte constitutif de la SADC, adopté à Windhoek, le 17 juillet 1992.

Communique of the Summit Meeting of the SADC on the Democratic Republic of the Congo,
Pretoria, 23 August 1998.

Extraordinary SADC Heads of State and Government Summit Communique, Botswana-


Gaborone, 28th june, 1996, disponible sur
http://www.sadc.int/files/3913/5292/8384/SADC_SUMMIT_COMMUNIQUES_1980-2006.pdf.

Extraordinary SADC Heads of State and Government Summit Communique, Botswana-


Gaborone, 28th june, 1996.

Final Communiqué of the Summit Meeting of the SADC on the Democratic Republic of the
Congo, Pretoria, 23 August 1998.

Final Communiqué of the 1998 SADC Summit of Heads of State and Government, Mauritius, 15
September 1998.

Final Communiqué of the 1998 SADC Summit of Heads of State and Government, Mauritius, 15
September 1998.

Final Communiqué of the 1998 SADC Summit of Heads of State and Government, Grand Baie,
Republic of Mauritius, 19 September 1998.

Final Communique of the 1998 Summit of the Heads of State or Government of the Southern
African Development Community, UN Document S/1998/915, Annex I, 5 October 1998.

Langa Commission Report (1998). The Commission of Enquiry into the Conduct and Results of
the Lesotho General Elections held in May 1998.

lxxv
Pacte de défense mutuelle de la SADC, adopté à Dar-es-Salaam, le 26 août 2003.

Protocole sur la coopération politique, de défense et de sécurité de l’Afrique australe, adopté à


Blantyre le 14 aout 2001.

5- Communauté économique des États d'Afrique centrale (CEEAC)

Pacte d'assistance mutuelle entre les États membres de la CEEAC, adopté à Yaoundé, le 24 février
2000.

Protocole relatif au Conseil de paix et de la sécurité de l’Afrique centrale (COPAX) du 24 février


2000 adopté à Malabo, en Guinée équatoriale.

Traité établissant la Communauté économique des États d'Afrique centrale, adopté à Libreville, le
18 octobre 1983.

6- Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD)

Accord portant création de l’Autorité Intergouvernementale pour le Développement (IGAD),


Nairobi (Kenya), le 21 mars 1996, IGAD/SUM-96/AGRE-Doc, disponible sur
https://www.issafrica.org/uploads/IGADTREATYFR.PDF,

7- Communauté économique et monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC)

Traité instituant la Communauté économique et monétaire de l'Afrique Centrale, adopté à


Ndjamena, le 16 mars 1994.

XIII- Jurisprudence

A- Cour Internationale de Justice

Affaire Nottebhom, (deuxième phase), arrêt du 6 avril 1955, C.I.J. Recueil 1955, p. 4.

Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis


d'Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 14.

lxxvi
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda),
arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 168.

Plates-formes pétrolières (République islamique d'Iran c. États- Unis d'Amérique), arrêt, C. I. J.


Recueil 2003, p. 161.

Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua), arrêt,
C.I.J. Recueil 2009, p. 213.

Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-


Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p. 43.

Affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria, exceptions


préliminaires, arrêt, C.I.J., Recueil 1998, p. 275.

Affaire de chasse à la baleine dans l’Antarctique [Australie c. Japon : Nouvelle-Zélande


(intervenant)], C.I.J, arrêt du 31 mars 2014, p. 226.

Statut international du Sud-Ouest africain, Avis consultatif : C. I. J. Recueil, 1950, p. 128.

Réserves à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis


consultatif, C.I.J. Recueil, 1951, p. 15.

Droits des ressortissants des Etats-Unis d’Amérique au Maroc, arrêt du 27 août 1952, C.I.J.,
Recueil 1952, p. 176.

Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de


discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.
Recueil 2011, p. 70.

Délimitation maritime dans la région située entre le Groenland et Jan Mayen, arrêt, C.I.J. Recueil
1993, p. 38.

Affaire du Détroit de Corfou (Royaume-Uni/Albanie), arrêt du 09 avril 1949, C.I.J. Recueil 1949,
p. 4.

lxxvii
Affaire du Temple de Préah Vihéar, exceptions préliminaires, (Cambodge c. Thaïlande),
Exceptions préliminaires, Arrêt du 26 mai 1961 : C. I. J. Recueil 1961, p. 17.

Île de Kasikili/Sedudu, (Bostwana/Namibie), arrêt, C.I.J., Recueil 1999, p.1045.

Affaire du temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), Fond, arrêt, C.I.J., Recueil, 1962, p.
6.

Affaire des essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J Recueil, 1974, p. 253.

Différend maritime (Pérou c. Chili), arrêt, C.I.J. Recueil 2014, p. 3.

Plateau continental de la Mer du Nord (République fédérale d’Allemagne c. Danemark,


République fédérale d’Allemagne c. Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 3.

Différend territorial (Jamahiriya Arabe Libyenne v. Tchad), arrêt, C.I. J. Recueil 1994, p. 6.

Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1996, p. 66.

Certaines dépenses des Nations Unies, (Article 17, paragraphe 2, de la Charte), avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1962, p. 151.

Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 2004, p. 136.

Sud-Ouest africain, Procédure de vote, Avis consultatif du 7 juin 1955 : C. I. J. Recueil 1955, p.
67.

Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie
(Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif,
C.I.J., Recueil 1971, p. 16.

Admission d'un État aux Nations unies (Charte, art. 4), Avis consultatif : C. I. J. Recueil 1948, p.
57.

lxxviii
Immunités juridictionnelles de l’Etat [Allemagne c. Italie, Grèce (intervenant)], arrêt, C.I.J.
Recueil 2012, p. 99.

Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J recueil 1985, p. 13.

Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, arrêt, C.I.J. Recueil 1970, p. 3.

Délimitation maritime et questions territoriales entre Quatar et Bahreïm, fond, arret, C.I.J. Recueil
2001, p. 40.

Compétence en matière de pêcheries (Royaume-Uni c. Islande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1974,
p. 3.

Affaire des pêcheries (Royaume-Uni c. Norvège), arrêt du 18 décembre 1951, C.I.J Recueil 1951,
p. 116.

Affaire colombo-péruvienne relative au droit d’asile (Colombie c. Pérou), arrêt du 20 novembre


1950, C.I.J. Recueil 1950, p. 266.

Affaire du droit de passage sur territoire indien (fond), arrêt, du 12 avril 1960, C.I.J. Recueil 1960,
p. 6.

B- Cour Permanente de Justice Internationale

CPJI, Affaire du Lotus, arrêt, 7 septembre 1927, Série A, n°10

CPJI, Avis consultatif concernant l’interprétation du Traité de Lausanne, 1925, série B no 12.

CPJI, Arrêt sur l’affaire relative au paiement des emprunts brésiliens, 1929, série A, no 21.

CPJI, Affaire sur la Compétence de l’Organisation internationale du travail pour la


réglementation internationale des conditions de travail des personnes employées dans
l’agriculture, 12 août 1922, CPJI, série B, no 2 et 3.

CPJI, Affaire du vapeur Wimbledon, arrêt du 17 août 1923, CPJI, Série A no1.

C- Jurisprudence de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC)

lxxix
OMC, rapport de l’Organe d’appel, Etats-Unis – Mesures affectant la production et la vente des
cigarettes aux clous de girofle, AB-2012-1, WT/DS406/AB/R, 4 avril 2012.

OMC, rapport de l’Organe d’appel, Etats-Unis – Mesures affectant la production et la vente des
cigarettes aux clous de girofle, WT/DS406/AB/R, 4 avril 2012.

OMC, Rapport du Groupe spécial, Etats-Unis – Article 110 5), loi sur le droit d’auteur,
WT/DS160/R, 15 juin 2000.

OMC, Rapport de l’Organe d’appel, Japon – Boissons alcooliques II, WT/DS8/AB/R,


WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R, 4 octobre 1996.

OMC, Rapport de l’Organe d’appel CE – Matériels informatiques, WT/DS62/AB/R,


WT/DS67/AB/R, WT/DS68/AB/R, 5 juin 1998.

OMC, Rapport de l’Organe d’appel, CE – Morceaux de poulet, WT/DS269/AB/R et


WT/DS286/AB/R, 12 septembre 2005.

D- Sentences arbitrales

Arbitrage entre les Etats-Unis et le Royaume Uni concernant les redevances d’usage à l’aéroport
de Heathrow, sentence arbitrale sur la première question, Recueil des sentences arbitrales,
Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, 30 novembre 1992 – 2 mai 1994, vol. XXIV, pp.
1-359.

Affaire de l’indemnité russe (Russie, Turquie), Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, 11
novembre 1912, vol. XI, pp. 421-447.

E- Cour Européenne des Droits de l’Homme

CEDH, Affaire Bankivic et autres c. Belgique, République tchèque, Danemark, France,


Allemagne, Grèce, Hongrie, Islande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Pologne, Portugal,
Espagne, Turquie et Royaume-Uni, Décision relative à la recevabilité de la requête no 52207/99
du 12 décembre 2001 (Grande Chambre), Rec., 2001-XII, par. 62.

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F- Cour de justice des Communautés européennes

Affaires C-181/91 et C-248/91, Parlement c. Conseil et Commission (1993), ECR I-3713.

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