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FACULTE DE DROIT
MEMOIRE DE MASTER DROIT PUBLIC
DIRECTEUR DU MEMOIRE
M. HOUNAKE Kossivi
Maître de conférences agrégé de droit public
i
Dédicace
ii
Remerciements
Merci enfin à Mr Oumarou NAREY et Mr Sékou KONE pour leurs conseils et leurs
orientations.
iii
RESUME ET MOTS-CLES
Titre : La mise en œuvre de la Convention de Kampala dans l’espace CEDEAO
Résumé
Tout premier instrument régional juridiquement contraignant relatif au déplacement
interne ayant été adopté au monde, la Convention de Kampala représente une avancée
historique pour promouvoir la responsabilité de l'État dans la protection et l'assistance aux
personnes en situation de déplacement interne. Chaque année, les conflits, la violence, les
catastrophes et les projets de développement contraignent des millions d’Africains à laisser
leur foyer, leur communauté et leurs moyens de subsistance derrière eux. La Convention
de Kampala met en place un cadre juridique africain pour prévenir les déplacements
internes, pour protéger et aider les personnes pendant le déplacement, et pour fournir des
solutions durables aux personnes déplacées. Cette étude se base sur les tendances actuelles
du déplacement interne en Afrique de l’Ouest et met la lumière sur le contenu des
obligations qui incombent aux Etats parties à la Convention vis-à-vis de leurs déplacés
internes. Elle réaffirme également que la prise en compte des déplacements internes dans le
cadre d'initiatives communautaires plus larges représente une opportunité pour les Etats
membres de l’espace CEDEAO.
Mots-clés
Convention de Kampala – Personnes déplacées internes – Protection – Assistance –
Responsabilité de l’Etat – CEDEAO.
iv
SOMMAIRE
Résumé et mots-clés .................................................................................................................... iv
Sommaire ...................................................................................................................................... v
Liste des abréviations................................................................................................................... vi
INTRODUCTION .................................................................................................................................. 1
PARTIE I. LES OBLIGATIONS NORMATIVES DE MISE EN ŒUVRE DE LA
CONVENTION DE KAMPALA ............................................................................................. 10
Chapitre I. LA PREVENTION DU DEPLACEMENT INTERNE ...................................... 12
Section I. La responsabilité de prévenir le déplacement interne ................................................ 12
Section II. La responsabilité de prévenir les causes multiples du déplacement interne ............. 22
Chapitre II. LA PROTECTION DES PERSONNES DEPLACEES INTERNES .............. 32
Section I. Le régime juridique de protection des personnes déplacées internes ......................... 32
Section II. Le devoir d’assistance aux personnes déplacées internes ......................................... 42
PARTIE II. LES OBLIGATIONS OPERATIONNELLES DE MISE EN ŒUVRE DE
LA CONVENTION DE KAMPALA ....................................................................................... 51
Chapitre I. LA CREATION D’UN CADRE JURIDIQUE DE PROTECTION ................. 53
Section I. L’incorporation effective de la Convention dans le droit interne des Etats ............... 53
Section II. La mise en œuvre de solutions durables au déplacement interne ............................. 62
Chapitre II. L’ETABLISSEMENT D’UN CADRE INSTITUTIONNEL DE
PROTECTION ..................................................................................................................... 71
Section I. L’adoption d’une stratégie nationale de protection des personnes déplacées ............ 71
Section II. L’harmonisation de la protection des personnes déplacées au niveau sous
régional ................................................................................................................................. 80
CONCLUSION .................................................................................................................................... 90
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................... 93
TABLE DES MATIERES.................................................................................................................... 105
v
LISTE DES ABREVIATIONS
CADHP Charte Africaine des Droits de l’Homme et des peuples
CAmDH Convention américaine relative aux droits de l’Homme
CarDH Charte arabe des droits de l’Homme
CDE Convention relative aux droits de l’enfant
CEDEAO Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest
CEDEF Convention sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination à l’égard des femmes
CEDH Convention européenne des droits de l’Homme
CEDR Convention internationale sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination raciale
CG IV Convention de Genève relative à la protection des personnes
civiles en temps de guerre
CIJ Cour internationale de justice
CPI Cour pénale internationale
CSE Charte sociale européenne
CTM Convention internationale sur la protection des droits de
tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille
DADDH Déclaration américaine des droits et devoirs de l’Homme
DIH Droit international humanitaire
DIHC Droit international humanitaire coutumier
DUDH Déclaration universelle des droits de l’Homme
HCR/UNHCR Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés
IDMC Observatoire des situations de déplacement interne
INDH Institution nationale des droits de l’Homme
NRC Conseil norvégien pour les réfugiés
OCHA Bureau de coordination des affaires humanitaires
OIT Organisation internationale du travail
ONU Organisation des Nations Unies
OUA Organisation de l’Unité africaine (devenue Union africaine)
PDI Personnes déplacées internes
PIDCP Pacte international relatif aux droits civils et politiques
PIDESC Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux
et culturels
Protocole I Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12
août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits
armés internationaux
Protocole II Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12
août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits
armés non internationaux
Statut de Rome: Statut de la Cour pénale internationale, adopté le 17 juillet
1998
vi
Introduction
INTRODUCTION
1
Introduction
1 Union africaine, Convention de l’Union Africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en
Afrique (Convention de Kampala), UA, 2009, disponible sur http://www.au.int/fr/treaties [Convention de
Kampala].
2 BRONI Axel, « La protection des personnes déplacées en Afrique : nouvelle dimension de sécurité humaine »
[En ligne] URL : http://fondation.unilim.fr/chaire-gcac/2015/10/21/axel-broni-la-protection-des-personnes-
deplacees-en-afrique-nouvelle-dimension-de-securite-humaine/#_ftn29.
3 Observatoire des situations de déplacement interne (IDMC), Rapport sur le déplacement interne en
Afrique, 2019, disponible sur http://www.internal-displacement.org/africa-report [consulté le 9 mars 2020].
4 Union africaine, Convention de l’Union Africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en
Afrique (Convention de Kampala) - Liste des pays qui ont signé, ratifié/adhéré, Addis Abéba, 18 juin 2020,
sur http://www.au.int/en/sites/default/files/treaties/7796-sl/ [consulté le 17 octobre 2020].
5 Ibidem.
6 République du Niger, Loi n° 2018-74 relative à la protection et à l'assistance aux personnes déplacées
internes, 10 décembre 2018.
2
Introduction
lieux habituels de résidence, en particulier après, ou afin d’éviter les effets des conflits armés,
des situations de violence généralisée, des violations des droits de l’homme et/ou des
catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme, et qui n’ont pas traversé une frontière
d’État internationalement reconnue »7. Le caractère « involontaire » ou « forcé » du
déplacement et le fait que les personnes concernées restent dans leur propre pays sont les deux
principaux critères déterminants pour définir les personnes déplacées internes. Ces déplacés à
l’intérieur de leur propre pays ne sont pas appelés « réfugiés », car en droit international, ce
terme est réservé à ceux qui ont franchi une frontière internationale et qui se sont vus
reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention relative au statut des réfugiés 8.
3
Introduction
En établissant ainsi un cadre normatif spécifique, ces principes directeurs ont tenté
d’ordonner dans un même document les droits des personnes déplacées internes et les
obligations des États. Mais surtout, ils ont défini internationalement les PDI en clarifiant les
ambiguïtés existantes et en dépassant les lacunes des textes internationaux sur la question de
la migration interne forcée14. Cependant, si ces principes sont affirmés et reconnus, ils n’ont
pas le caractère de hard law15 et ne sont pas juridiquement contraignants pour les États. Ces
derniers n’étant pas prêts, à l’époque, à aller au-delà de la consécration d’un cadre
12 E/CN.4/1996/52/Add. 2. Parmi ces experts, on retrouve : Walter Kälin de la Faculté de droit de l’Université
de Berne (Suisse), Manfred Nowak du Ludwig Boltzmann Institute of Human Rights (Vienne, Autriche) et
Robert Goldman du Washington College of Law de l’American University (Washington DC, États-Unis).
Voir dans ce sens, COURNIL Christel « L’émergence d’un droit pour les personnes déplacées
internes ».Revue québécoise de droit international.2009. p. 6.
13 Principes directeurs relatifs au déplacement des personnes à l’intérieur de leur propre pays (1998),
Doc. off. CES NU, 54e sess., Doc NU E/CN.4/1998/53/add.2 [Principes directeurs]. Pour comprendre
l’historique et les dix ans d’application de cet instrument juridique non contraignant, voir généralement
Déplacement interne : dix ans de Principes directeurs (2008) Hors-série Revue des migrations forcées.
14 Voir LAVOYER Jean-Philippe, « Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de
leur propre pays : Quelques observations sur la contribution du droit international humanitaire », 878
R.I.C.R. 503, 1998.
15 Le but essentiel du droit dur « hard law » est d’exprimer un commandement, une habilitation ou une
interdiction pour son destinataire. Le hard-law émane de l’État, dans des codes criminels ou pénaux, dans
les lois dont des dispositions prévoient des sanctions comminatoires et impératives. C’est le droit
classique, le droit fondé sur les interdictions, les prohibitions, les peines et les contraintes.
4
Introduction
international normatif de soft law16. Ces principes souffrent par conséquent d’un manque
d’effectivité. Leur volet opérationnel a été, en ce sens, critiqué et particulièrement celui de
l’organisation des opérations humanitaires17.
L’adoption d’un texte régional sur les PDI a été principalement motivée par la volonté de
« durcir le droit souple », soit en intégrant les Principes directeurs dans les législations
nationales, soit en consacrant des textes contraignants. Le processus d’adoption d’un texte
régional contraignant a été lancé par les Ministres de l’Union africaine. Comme résultat, la
Convention de Kampala a été définitivement adoptée au terme du Sommet spécial des chefs
d’Etat de l’Union africaine réuni à Kampala en Ouganda.
16 On qualifie de droit mou « soft law », l’ensemble des normes juridiques dépourvues de tout effet obligatoire,
règles, par conséquent, non contraignantes. Un texte crée du droit mou quand il se contente de conseiller,
sans poser d’obligation juridiquement sanctionnée. Voir dans ce sens, Dupuy (P.-M.), Droit international
public, Dalloz, 9e édition, Paris, 2008, p. 413-415, 879 p.
17 DUBERNET Cécile, « Du terrain au droit, du droit sur le terrain ?: Origines et trajectoires du label “déplacé
interne” » Esquisses n°11 (septembre 2007) en ligne : Terra <http://terra.rezo.net/article644.html>
18 Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la région des Grands Lacs, (14-15 décembre
2006), en ligne : ID <http://www.internal-displacement.org>.
19 Protocole sur la protection et l’assistance à apporter aux personnes déplacées à l’intérieur de leur pays,
(30 novembre 2006), en ligne : ID <http://www.internal-displacement.org>.
20 Protocole sur les droits de propriétés des personnes de retour, (30 novembre 2006), en ligne : ID
<http://www.internal-displacement.org>.
21 Les États signataires sont l’Angola, le Burundi, la République centrafricaine, le Tchad, la République
Démocratique du Congo, la République du Congo, le Rwanda, le Soudan, la Tanzanie, l’Ouganda, la
Zambie.
22 Les objectifs du Protocole sur la protection et l’assistance à apporter aux personnes déplacées à l’intérieur de
leur pays sont de mettre en place un cadre légal propice à l’adoption des Principes directeurs sur le
déplacement interne ainsi qu’une base légale à leur incorporation en droit interne; assurer la protection
légale des besoins matériels et physiques des personnes déplacées internes; etc. Voir l’article 2 dudit
Protocole.
5
Introduction
Comme le rappelle Christel Cournil, « La protection des déplacés internes est aux confins
de plusieurs droits : du droit national, du droit international public, du droit international
humanitaire, du droit international des droits de l’homme, du « droit d’intervention en cas de
catastrophe » »26. Cette thématique nécessite en effet d’adopter une approche holistique du
droit pour offrir une protection et une assistance convenables aux personnes déplacées. La
Convention de Kampala se fonde principalement sur des normes juridiques existantes des
droits de l’Homme et du droit international humanitaire. Elle est conforme à des règles déjà
établies et met en évidence la manière dont elles s’appliquent aux situations de déplacement
interne.
23 Union africaine, Convention de l’Union Africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées
en Afrique (Convention de Kampala) - Liste des pays qui ont signé, ratifié/adhéré, Addis Abéba, 18 juin
2020, sur http://www.au.int/en/sites/default/files/treaties/7796-sl/ [consulté le 17 octobre 2020].
24 IDMC, GRID 2020 : Rapport mondial sur le déplacement interne, IDMC, Genève, 2020, disponible sur
http://www.internal-displacement.org/assets/publications/2020/2020-global-report-internal-displacement-
IDMC.pdf [consulté le 2 mai 2020].
25 CEDEAO, Expériences comparatives en matière de mise en œuvre de la Convention de Kampala en Afrique
de l’Ouest, Série d’échanges régionaux, Dakar-Sénégal, 21-22 mars 2019.
26 COURNIL Christel « L’émergence d’un droit pour les personnes déplacées internes ».Revue québécoise de
droit international, 2009, p. 24
27 Voir à ce propos, ZANI Mamoud, « Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et la qualification des
conflits armés », Cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux [En ligne], 16 | 2018, mis en ligne le
16 novembre 2019, consulté le 19 novembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/crdf/329 ; DOI :
10.4000/crdf.329
6
Introduction
de troubles intérieurs 28 et de tensions internes 29, ou toute autre situation similaire, qui
n’atteignent pas le seuil de gravité d’un conflit armé. Les conventions internationales relatives
aux droits de l’Homme autorisent quant à elles les États parties à déroger à certaines normes,
dès lors qu’« un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation »30. Certes, les
droits dits « non dérogeables » ou encore « noyau dur » des droits de l’Homme31 ne sont pas
concernés par cette exception. Mais le flou juridique ainsi créé n’aide pas à un meilleur
respect des droits fondamentaux des personnes déplacées en pareilles situations de troubles ou
de tensions. A cela s’ajoute le fait que les normes internationales en vigueur ne prennent pas
nécessairement en considération la situation spécifique des personnes déplacées. Même s’il
existe des normes pertinentes que l’on peut invoquer en leur faveur, ces dernières demeurent
souvent dispersées dans les différents instruments juridiques et n’offrent qu’une utilité
relative32.
28 Les situations de troubles intérieurs sont celles où, sans qu’il y ait à proprement parler de conflit armé non
international, il existe cependant sur le plan interne, un affrontement qui présente un certain caractère de
gravité ou de durée et comporte des actes de violence. Dans ces situations, qui ne dégénèrent pas
nécessairement en lutte ouverte, les autorités au pouvoir font appel à de vastes forces de police, voire aux
forces armées, pour rétablir l’ordre intérieur Voir EIDE A., « Troubles et tensions intérieures », in
Dimensions internationales du Droit humanitaire, Paris, UNESCO, 1986, pp. 279-295.
29 Quant aux tensions internes, il peut s’agir, soit de situations de tensions graves sur le plan politique, religieux,
social ou économique, soit de séquelles d’un conflit armé ou de troubles intérieurs. Ces situations
présentent les caractéristiques suivantes : arrestations massives, nombre élevé de détenus de sécurité,
torture et mauvais traitements, suspension de garanties judiciaires fondamentales, disparitions, actes de
violence, mesures restrictives de liberté à grande échelle, « … ». Voir dans ce sens HARROF-TAVEL
M., « L’action du CICR face aux situations de violence interne », RICR, n° 801, mai-juin 1993, p. 211-
237 ; BALGUY-GALLOIS A., Droit international et protection de l’individu dans les situations de
troubles intérieurs et de tensions internes, Thèse, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2003, p. 165-198.
30 Tel est le cas de l’art. 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966.
31 Voir art. 15 de la CEDH, art. 4 du Pacte de 1966, art. 27 de la CADH. Cf., Meyer-Bisch (P.) (éd.), Le noyau
intangible des droits de l’Homme, actes du VIIe Colloque interdisciplinaire sur les droits de l’homme,
Fribourg, Éditions Universitaires, 1991, 272 p ; PREMONT D., STENERSEN C., OSEREDCZUK I.
(éd.), Droits intangibles et États d’exception, Bruylant, Bruxelles, 1996, xxvii-644 p. Ce noyau dur est fort
limité puisqu’il est constitué seulement de quatre droits : le droit à la vie, l’interdiction de la torture et des
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, l’interdiction de l’esclavage et de la servitude et du
travail forcé ou obligatoire, ainsi que le principe de la légalité des délits et des peines. Le noyau dur se situe
au rang des « considérations élémentaires d’humanité », selon l’expression utilisée par la CIJ dans son
arrêt du Détroit de Corfou et dans son avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes
nucléaires, voir respectivement, Rec. CIJ 1949, p. 22 et Rec. CIJ 1996-I, p. 257, par. 79.
32 HAKATA K., « Vers une protection plus effective des « personnes déplacées à l’intérieur de leur propre
pays » », RGDIP, n°3, 2002, p. 624.
7
Introduction
migrations internes forcées par « l’éradication de ses causes premières (…), qui ont un impact
dévastateur sur la vie humaine, la paix, la stabilité, la sécurité et le développement »33.
Quelles sont donc les obligations qui découlent, pour les Etats membres de la CEDEAO,
de la mise en œuvre de la Convention de Kampala ?
A la lecture, il ressort de la Convention qu’elle impose des obligations juridiques aux Etats
parties ainsi que des mesures indispensables à leur intégration. La Convention de Kampala
prévoit en effet, d’une part, des garanties contre le déplacement forcé ainsi que des normes
relatives à la protection et l’assistance en faveur des personnes déplacées internes, tout en
remédiant aux principales causes du déplacement. D’autre part, la Convention préconise la
recherche de solutions durables en engageant les Etats à se doter de lois nationales et
d’institutions adéquates, ainsi qu’à adopter des mesures concrètes qui leur permettront de
protéger et d’assister les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays.
Le choix de ce thème n’est pas anodin car il présente un intérêt pratique. Il s’inscrit dans
l’objectif d'identifier un certain nombre d'actions clés que les Etats membres de la CEDEAO
peuvent entreprendre pour faire face au problème de déplacements de personnes. Cette
thématique examine comment la prise en compte des déplacements internes dans le cadre
d'initiatives communautaires plus larges représente une opportunité pour les pays de la sous-
région. Il réaffirme qu'une volonté politique accrue et des investissements sociaux et
économiques à long terme seront nécessaires, et que la Convention de Kampala devrait être le
catalyseur de ce changement.
8
Introduction
Rappelons que la Convention impose des obligations juridiques aux Etats parties ainsi que
des mesures indispensables à leur mise en œuvre. Cette étude sera axée en effet sur deux
principales catégories d’obligations. En premier lieu, il s’agit des obligations normatives de
mise en œuvre de la Convention de Kampala (Partie I), et en second lieu, des obligations
opérationnelles de mise en œuvre de la Convention de Kampala (Partie II).
9
PARTIE I.
10
La Convention de Kampala met en place un cadre juridique africain pour prévenir les
déplacements internes ainsi que pour protéger et aider les personnes pendant le déplacement.
Elle engage les Etats parties à observer un certain nombre d’obligations, faute de quoi, elle
serait privée de toute sa substance. Ces obligations normatives concernent les principales
actions à mener pour mettre en œuvre de la Convention de manière conforme à ses objectifs.
Concrètement, les Etats parties doivent dans un premier temps, mettre tous les moyens à leur
disposition pour prévenir le déplacement interne (Chapitre I). Dans un second temps, et
lorsque le déplacement est inévitable, les Etats s’engagent à offrir une protection adéquate aux
personnes déplacées internes (Chapitre II).
11
Chapitre I : La prévention du déplacement interne
CHAPITRE I.
L’une des actions fondamentales que peuvent entreprendre les Etats pour s’acquitter de
leurs obligations face au déplacement interne est la mise en place de mesures pour l’éviter. A
ce titre, Il conviendrait de se focaliser à la fois sur les mesures permettant d’éviter les
déplacements inutiles et, quand le déplacement est inévitable, sur les mesures à prendre pour
en limiter les effets négatifs.
Tel que décrit dans la Convention de Kampala, le facteur le plus important dont il faut tenir
compte pour éviter un déplacement est le plein respect du droit international, notamment les
droits de l’Homme et le droit humanitaire36. En effet, lorsque des gouvernements et d’autres
entités respectent les droits de l’Homme et le droit humanitaire, la probabilité des
déplacements internes s’en trouve fortement réduite.
Pour remplir les obligations définies dans la Convention de Kampala, et afin de lever toute
équivoque sur le devoir de protection contre le déplacement, la Convention répond à la
nécessité de clarifier la question de la responsabilité en matière de prévention (§1). Elle
détermine par ailleurs les bases de cette responsabilité en mettant un accent particulier sur la
36 « Les États parties respectent et veillent au respect de leurs obligations en vertu du droit international,
notamment les droits de l’homme et le droit humanitaire, afin de prévenir et d’éviter les situations pouvant
conduire au déplacement arbitraire de personnes. », Convention de Kampala, article 4.1.
12
Chapitre I : La prévention du déplacement interne
13
Chapitre I : La prévention du déplacement interne
souveraineté tournée de plus en plus vers l’individu fournit des arguments de justification
pour l’extension d’une couverture normative aux personnes déplacées40.
Tout État qui se déclare légitime ne peut se soustraire à l’engagement de protéger tous ses
citoyens contre les violations des droits de l’Homme. La souveraineté authentique suppose en
effet un appareil de maintien de l’ordre, qui soit en mesure de répondre aux besoins de la
population41. La responsabilité nationale est le concept clé de toute réponse au déplacement
interne. C’est un principe fondamental de la communauté internationale, qui est régulièrement
souligné par les gouvernements eux-mêmes comme une fonction de leur souveraineté. La
Convention prévoit en effet que « les États parties assument leur devoir et leur responsabilité
première, d’apporter protection et assistance humanitaire aux personnes déplacées, au sein
de leur territoire ou de leur juridiction 42 ». Ce devoir s’étend à tous les agents de l’État, dont
l’armée et la police, et à tous les pouvoirs publics, au niveau local, régional ou national 43.
Même en cas d’absence de la part des Etats, le rôle des acteurs internationaux est de renforcer,
et non de s’approprier, la compétence nationale.
Cependant, dans les situations de conflit armé le droit international humanitaire (DIH)
prend effet et s’applique en même temps que le droit des droits de l’Homme. Dans une
résolution de principe adoptée en avril 2000, le Conseil de sécurité a, pour la première fois,
considéré que des violations du DIH constituaient une menace à la paix. Il a réaffirmé sa
grave préoccupation concernant l’impact préjudiciable et répandu des conflits armés sur les
40 Cela est d’autant plus vrai pour la Convention de Kampala. En effet, comme nous le verrons un peu plus loin
dans nos développements, celle-ci bat en brèche la chape de la sacrosainte souveraineté des États en
reconnaissant explicitement le rôle fondamental que doivent jouer les acteurs humanitaires en matière de
protection sur le terrain, mais également en instituant des obligations spécifiques à la charge des États et
des acteurs armés non étatiques. Ce que réitère à juste titre, Antonio Guterres, alors Haut-commissaire des
Nations unies pour les réfugiés, lorsqu’il affirmait que : « cette Convention représente le concept de la
responsabilité de protection en action. Elle démontre que la souveraineté nationale est pleinement
compatible avec la responsabilité de protection ». Sur ce dernier point, voir Conférence de clôture du
Haut-commissaire à propos de la Convention de Kampala : http://www.unhcr.fr. Site web du HCR consulté
le 20 juin 2020.
41 IDMC, Workshop Report – The National Responsibility to Protect Internally Displaced Persons : The
Kampala Convention, IDMC, Genève, mai 2015, disponible en anglais sur http://www.internal-
displacement.org/publications/2015/the-national-responsibility-to-protect-internally-displaced-people-the-
kampala-convention [consulté le 25 juillet 2020].
42 Convention de Kampala, Article 5.1.
43 Institut Brookings-Université de Berne : projet sur les déplacements internes, Faire face au problème du
déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays : Cadre normatif précisant les responsabilités
des Etats, Brookings, avril 2005. Pour une discussion plus détaillée des obligations des États découlant du
droit international des droits de l’Homme, voir p. ex. Observation générale n° 31(1980) du Comité des
droits de l’Homme sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, doc.
ONU CCPR/C/21/Rev.1/Add.13.
14
Chapitre I : La prévention du déplacement interne
civils dont la majorité sont des déplacés internes 44. Tous les États, qu’ils soient ou non parties
à un conflit donné, sont tenus de poursuivre et de punir devant leurs propres tribunaux, ou
d’extrader les auteurs de violations graves du DIH comme les crimes de guerre et/ou les
infractions graves au droit, quel que soit le lieu où le crime a été commis ou la nationalité de
l’auteur45.
Par ailleurs, la responsabilité nationale, telle que prévue par la Convention, est étendue aux
acteurs dont les activités peuvent entrainer le déplacement interne. Ce qui justifie le rôle
notoire attribué aux acteurs non étatiques.
Les Etats parties sont en effet tenus de « s’assurer de la responsabilité des acteurs non
étatiques concernés, y compris les entreprises multinationales et entreprises militaires ou de
sécurité privées, pour les actes de déplacement arbitraire ou de complicité dans de tels
actes 46 ». Ils sont également tenus de « d’assurer la responsabilité des acteurs non étatiques
44 Le Conseil de sécurité fait spécifiquement référence aux déplacés internes à plusieurs reprises, en notant que
la majorité écrasante des déplacés internes sont des civils dans les conflits armés. Voir la Résolution 1296
du Conseil de sécurité sur la protection des civils dans les conflits armés, 19 avril 2000,
http://www.un.org/french/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/1296(2000).
45 Les violations graves sont définies dans chacune des quatre Conventions de Genève, respectivement aux
articles 50, 51, 130 et 147 et aux articles 11 et 85 du Protocole additionnel I. Elles comprennent l’homicide
intentionnel, la torture ou les traitements inhumains, le fait de causer intentionnellement de grandes
souffrances ou de porter des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé, la déportation ou le
transfert illégal de populations.
46 Convention de Kampala, article 3 (h).
15
Chapitre I : La prévention du déplacement interne
Dans les situations de conflits armés, force est d’assister à la démultiplication d’États en
déliquescence due au fait que ceux-ci ne disposent plus du contrôle de facto sur une partie de
leur territoire et sur la population qui y vit 48. C’est dans cette logique que la Convention de
Kampala impose des obligations à la charge des groupes armés non-étatiques. Ces derniers
peuvent être parties au conflit et être les auteurs de violations à l’encontre des civils,
notamment forcer les personnes à fuir leur foyer. D’après la définition de la Convention, ce
sont des « forces armées dissidentes ou autres groupes armés organisés distincts des forces
armées de l’État ».49 Les membres des groupes armés peuvent être individuellement tenus
pour responsables de violations du DIH, quel que soit leur rang et qu’ils aient ou non agi sous
des ordres. Les commandants peuvent aussi être considérés comme responsables d’avoir
ordonné ces violations ou de ne pas avoir pris des mesures pour les éviter.
Cette responsabilité a été davantage précisée par le droit pénal international. En effet le
Statut de la Cour pénale internationale (CPI)50 définit un certain nombre de crimes considérés
comme touchant l’ensemble de la communauté internationale, sur lesquels elle peut enquêter
et engager des poursuites, à condition qu’elle soit compétente. Cette compétence s’exerce en
matière de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide. A ce titre, La
déportation ou le transfert forcé de population est considéré comme un crime contre
l’humanité. Il s’agit du fait de « déplacer de force des personnes, en les expulsant ou par
d’autres moyens coercitifs, de la région où elles se trouvent légalement, sans motifs admis en
droit international51 ». De même, le fait « d’ordonner le déplacement de la population civile
pour des raisons ayant trait au conflit, sauf dans les cas où la sécurité des civils ou des
impératifs militaires l’exigent52 » est considéré comme un crime de guerre. Outre les mesures
16
Chapitre I : La prévention du déplacement interne
générales applicables aux civils, le CICR a répertorié les règles du droit international
coutumier qui s’appliquent spécialement aux populations déplacées.53
53 CICR, Droit international humanitaire coutumier, vol. 1, règles 129-133, Bruylant, 2006.
54 Convention de Kampala, article 7.4.
55 Ibidem, article 7.5.
56 Ibidem, article 3 (g).
57 Ibidem, article 15.2.
17
Chapitre I : La prévention du déplacement interne
discrimination à l’égard des personnes déplacées en raison de leur déplacement est donc
interdite.
En effet les personnes déplacées ont le droit de jouir, d’une part, des mêmes droits et
libertés que tous les autres citoyens (A). D’autre part, au sein même des populations affectées,
la non-discrimination implique également la nécessité d’accorder une attention particulière
aux groupes les plus vulnérables (B).
La discrimination envers les personnes déplacées est évidente dans les cas où les lois, les
politiques ou les pratiques officielles établissent une distinction claire entre les personnes
déplacées et les autres citoyens en leur accordant un traitement moins favorable. Dans certains
cas la discrimination est basée sur des suppositions selon lesquelles les déplacés sympathisent
avec un groupe armé en particulier. Dans d’autres cas elle reflète des idées préconçues sur
l’issue du déplacement interne. Les personnes déplacées peuvent par exemple ne pas être
autorisées à entreprendre des démarches qui pourraient les mener à s’intégrer sur le plan local
ou à faciliter le retour dans leurs foyers.
Cependant, la discrimination peut également résulter de situations dans lesquelles les lois
ou les politiques ne posent pas de problèmes dans des conditions normales, mais font porter
un fardeau excessif aux personnes déplacées et limitent l’exercice de leurs droits. De tels
problèmes peuvent surgir par exemple lorsque le plein exercice de certains droits – comme le
droit de vote et l’inscription à l’école – est conditionné par l’enregistrement d’une résidence
dans un lieu précis. De telles règles, bien que souvent d’ordre administratif et pratique,
peuvent accentuer la vulnérabilité des PDI quand elles n’incluent pas les situations de
déplacement, en prévoyant des exceptions ou des mesures spéciales qui permettent aux
personnes déplacées d’enregistrer facilement leur lieu de résidence ou d’être exemptés de ce
type de conditions.
18
Chapitre I : La prévention du déplacement interne
Elle engage de même les États parties à protéger « les droits des personnes déplacées,
quelle que soit la cause de déplacement, en s’abstenant de pratiquer, et en prévenant(…)la
discrimination dans la jouissance de tout droit et ou toute liberté, du fait de leur condition de
personnes déplacées 61 ». Elle poursuit en soulignant l’engagement des États parties à
« prendre les mesures nécessaires pour assurer aux personnes déplacées un accueil sans
discrimination aucune, et qu’ils vivent dans des conditions satisfaisantes de sûreté, de dignité
et de sécurité62 ».
58 Voir aussi l'article 26 du PIDCP, l'article 3 de la CADHP, ainsi que l'article 24 de la CAmDH. Des
dispositions similaires relatives à l’égalité de traitement figurent dans le droit humanitaire, à l’instar de
l’article 3 commun aux quatre conventions de Genève, l'article 27(3) de la quatrième Convention de
Genève, l’article 75 du Protocole I, et les articles 2(1) et 4(1) du Protocole II.
59 Convention de Kampala, article 5.1.
60 Ibidem, article 3.1 d).
61 Ibidem, art 9.1 a).
62 Ibidem, article 9.2 a).
19
Chapitre I : La prévention du déplacement interne
personnes déplacées dans le cadre du droit pénal national ou international et de leurs devoirs
selon la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples 63 ».
Il faut rappeler qu’au sein des populations déplacées, les conditions de vie de certains
groupes peuvent être plus délicates que d’autres. D’où la nécessité d’identifier et offrir une
protection spécifique aux groupes vulnérables.
Parfois, accorder un traitement différent aux personnes déplacées est inévitable, voire
justifié, afin de répondre à leurs besoins spécifiques. L'interdiction de la discrimination est
violée si les personnes déplacées sont désavantagées au seul motif qu'elles sont déplacées,
mais elle n’interdit pas les distinctions qui sont fondées sur des raisons objectives et sérieuses.
En particulier, le principe de non-discrimination ne s'oppose pas à des mesures spéciales
répondant, par exemple, aux besoins spécifiques des femmes et des enfants déplacés. Il peut
même, comme le reconnaît le Conseil de l'Europe, « entraîner l'obligation d'envisager des
traitements particuliers adaptés aux besoins des personnes déplacées à l’intérieur de leur
propre pays64 ».
20
Chapitre I : La prévention du déplacement interne
pas être traitées de façon identique et les vulnérabilités spécifiques doivent être prises en
compte. La Convention précise à ce titre l’engagement des Etats parties à « apporter une
protection spéciale et une assistance aux personnes déplacées ayant des besoins spéciaux,
notamment les enfants séparés et non accompagnés, les femmes chefs de ménage, les femmes
enceintes, les mères accompagnées de jeunes enfants, les personnes âgées et les personnes
handicapées ou souffrant de maladies transmissibles 65 ».
L’attention aux besoins particuliers des groupes qui sont par nature vulnérables doit ainsi
être une priorité dans n’importe quelle situation de déplacement. C’est pourquoi les normes
relatives aux droits de l'Homme couvrent les besoins particuliers des catégories de personnes
vulnérables dans des instruments spécifiques tels que la Convention relative aux droits de
l’enfant (1989), la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à
l'égard des femmes (1979) et la Convention relative aux droits des personnes
handicapées (2006). Plusieurs dispositions du droit humanitaire prévoient expressément que
des mesures spéciales doivent être prises par les parties à un conflit pour la protection des
enfants et des femmes. A ce titre, la Convention de Kampala interdit aux membres des
groupes armés de « recruter, en quelque circonstance que ce soit, des enfants, de leur
demander ou de leur permettre de participer aux hostilités 66 », ainsi que de « recruter par la
force des individus, de se livrer à des actes d’enlèvement, de rapt ou de prise d’otages,
d’esclavage sexuel et de trafic d’êtres humains, notamment des femmes et des enfants 67 ».
En ce qui concerne les enfants, la conclusion du Comité exécutif du HCR sur les enfants
dans les situations à risque 68 est applicable aux enfants déplacés internes et expose en détail
les éléments pertinents de la protection de l'enfance. Au niveau régional, la Charte africaine
des droits et du bien-être de l'enfant de 1990 revêt une importance particulière. Elle oblige,
notamment, les États parties à prendre toutes les mesures appropriées pour veiller à ce qu’un
enfant déplacé « reçoive […] la protection et l'assistance humanitaire à laquelle il peut
prétendre dans l’exercice des droits qui lui sont reconnus par la présente Charte 69 ».
21
Chapitre I : La prévention du déplacement interne
Prendre en considération les causes multiples du déplacement interne, ainsi que les
mesures nécessaires pour y répondre est une condition préalable à la mise en œuvre de la
responsabilité de prévenir le déplacement interne. A cet effet, la définition du déplacement
arbitraire prévue par la Convention de Kampala70 constitue un progrès dans l’appréhension
plus large des hypothèses de migrations internes forcées71.
Lors de la dernière décennie, l'Afrique de l’Ouest, déjà durement touchée par les
déplacements liés aux conflits et à la violence, a également été victime de graves inondations.
Cela nous rappelle que de nombreux pays connus pour leurs déplacements liés aux conflits et
à la violence peuvent également subir des catastrophes y compris les effets du changement
climatique. Dans certains cas, ces derniers peuvent même être responsables de la grande
majorité des nouveaux déplacements (§1). A cela s’ajoute des défis contemporains justifiés
par les phénomènes socio-économiques, notamment liés aux enjeux du développement (§2).
Kofi Annan, Secrétaire Général des Nations-Unies de 1997 à 2006, déclarait que « les
risques et le potentiel de catastrophe liés aux dangers naturels sont fortement influencés par
22
Chapitre I : La prévention du déplacement interne
l’efficacité des mesures entreprises pour prévenir, atténuer et préparer à ces catastrophes 73 ».
Aux termes de la Convention de Kampala, il incombe aux autorités compétentes de fournir
une protection adéquate contre les risques de déplacement liés aux catastrophes naturelles ou
provoquées par l’homme (A), et d’en atténuer les effets sur les personnes affectées (B).
Alors que le climat mondial change, les déplacements massifs provoqués par des
phénomènes météorologiques extrêmes deviennent la norme75. C'est dans ce contexte que les
Etats parties à la Convention de Kampala affirment leur détermination à « adopter les
mesures destinées à prévenir et mettre fin au phénomène de déplacement interne, par
l’éradication de ses causes premières, particulièrement (…) le déplacement causé par les
catastrophes naturelles, qui ont un impact dévastateur sur la vie humaine, la paix, la stabilité,
la sécurité et le développement 76 ». Le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de
catastrophe (2015-2030) des Nations Unies77 constitue également un instrument pertinent en
matière de prévention.
Au Sahel, les oscillations climatiques sont une constante de l’histoire des précipitations.
C’est une région durement touchée par la sécheresse, et ce phénomène constitue « l’un des
changements climatiques à long terme les plus spectaculaires jamais observés au monde 78 ».
Paradoxalement, la majeure partie des déplacements enregistrés liés à des catastrophes en
23
Chapitre I : La prévention du déplacement interne
Afrique ont été provoqués par des inondations. Au Niger par exemple, les inondations ont
affectés plus de 80.000 personnes et provoqué l’effondrement de plus de 9.000 maisons en
août 202079. Le même phénomène touche l’ensemble de la sous-région sahélienne où plus de
200.000 personnes avaient été impactées par les pluies abondantes en 201980.
Le littoral de l'Afrique de l'Ouest est tout autant affecté par des aléas climatiques soudains
tels que des tempêtes, des raz-de-marée, des inondations et des glissements de terrain, ainsi
que des phénomènes lents comme l'élévation du niveau de la mer et l'érosion côtière 81. Des
déplacements associés à ces derniers ont été enregistrés notamment au Ghana, au Nigeria, au
Sénégal et au Togo, s’ajoutant ainsi aux déplacements causés par les inondations dans les
terres.
Sur le plan administratif et technique, les autorités compétentes devraient passer en revue
et, quand cela est nécessaire, modifier les règles sur l’aménagement du territoire, la propriété
foncière, l’utilisation des terres, la protection de l’environnement, le zonage et la construction
de bâtiments. Une telle réforme doit se faire à partir d’une évaluation des dangers
environnementaux et des risques de catastrophe existants et par la recommandation de
mesures concrètes 83.
Une fois que des personnes sont affectées par une catastrophe, elles rencontrent d’autres
défis venant à l’encontre de l’entière réalisation de leurs droits. Ces effets préjudiciables
pourraient être atténués si les garanties appropriées des droits de l’Homme étaient prises en
compte, dès le début, par les acteurs nationaux et internationaux.
79 OCHA, cité par Actuniger « Inondations : plus de 88.000 personnes affectées et 33 morts enregistrés depuis
juin selon les Nations unies », www.actuniger.com/societe/16510, 14 août 2020.
80 Ibidem.
81 IPCC, Climate Change 2014: Synthesis Report. Contribution of Working Groups I, II and III to the Fifth
Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, 2014, 151p.
82 Convention de Kampala, art 4.2.
83 Brookings-Institution-Université de Berne, La protection des personnes déplacées à l’intérieur de leur
pays : Manuel a l’intention des législateurs et des responsables politiques, Brookings, 2008, 282 p.
24
Chapitre I : La prévention du déplacement interne
D’abord, les évacuations forcées devraient reposer sur une base légale. Dans des situations
d’urgence et en l’absence d’un acte législatif, une telle base légale peut prendre la forme d’un
décret publié par le pouvoir exécutif. Ensuite, elles doivent servir un but légitime. C’est à dire
qu’il y a une menace sérieuse et imminente contre la vie ou l’intégrité physique et la santé des
personnes concernées, ce qui justifie leur évacuation forcée. Elles doivent aussi être
proportionnelles. Ce qui signifie que l’évacuation forcée doit être considérée en dernier
recours, étant donné qu’elle constitue une infraction sérieuse et directe au droit à la liberté de
mouvement. L’argument selon lequel d’autres options seraient plus chères ne peut justifier
l’évacuation.
Enfin, le processus d’évacuation doit être conforme aux droits de l’Homme, de telle
manière que les droits à la vie, à la dignité, à la liberté et à la sécurité, les droits sociaux,
économiques et culturels ainsi que les droits civils et politiques des personnes affectées, soient
pleinement respectés. Des mesures devraient également être prises pour sauvegarder les
84 Comité Permanent Inter-Agences (IASC), « La protection des personnes affectées par des catastrophes
naturelles : directives opérationnelles sur les droits de l’homme et les catastrophes naturelles », op cit.
85 Convention de Kampala, art 5.4.
86 Ibidem, art 4.4 f).
25
Chapitre I : La prévention du déplacement interne
habitations et les biens communs laissés sur place. Les personnes évacuées seront
enregistrées, leur évacuation sera surveillée, et seront protégées contre d’autres risques de
catastrophes et éventuellement un second déplacement. Si elle est entreprise dans ces
conditions, une évacuation forcée peut être acceptable ou même exigée, conformément aux
droits de l’Homme.
Les Etats doivent par ailleurs s’assurer que le droit de la population d’avoir accès à toutes
les informations est garanti. Cela concerne notamment sur la nature et le niveau de la
catastrophe à laquelle elles sont confrontées ainsi que les mesures éventuelles d’atténuation
des risques qui peuvent être entreprises. Ce devoir peut être inscrit dans la législation générale
sur l’accès aux informations gouvernementales ou en adoptant une législation sur le partage
des informations concernant les dangers environnementaux.
En cas de déplacement ayant entrainé des pertes humaines et matérielles, les victimes
devraient avoir le droit de recourir à la justice. Le déplacement peut survenir, non pas en tant
que conséquence inévitable d’une catastrophe, mais parce que les autorités ont manqué à leur
devoir en ne prenant pas des mesures préventives et protectrices contre des dangers naturels
imminents qui étaient clairement identifiables. Des enquêtes et poursuites pénales devraient
ainsi être entreprises et une compensation doit être offerte aux victimes 87.
De tels recours devraient impliquer d’une part, la divulgation des actes ou des omissions
qui sont à l’origine des dommages qu’ont subis les personnes déplacées et les membres de
leurs familles encore en vie, ainsi que la poursuite pénale de toutes les parties responsables.
D’autre part, les victimes ont droit à une compensation pour la perte de parents proches, pour
la destruction de leur propriété et pour la perte de revenus au cours de leur déplacement. Afin
d’éviter aux victimes et à l’Etat les coûts associés à une plainte collective, les autorités
pourraient prévoir un droit statutaire permettant d’accélérer les procédures administratives, et
qu’ainsi un grand nombre de cas soient traités sans devoir passer par le système judiciaire
habituel.
87 Convention de Kampala, article 12.3 ; Voir également Cour européenne des droits de l’Homme,
Budaïeva et autres v. Russie, Demandes nos. 15339/02, 21166/02, 20058/02, 11673/02, et 15343/02,
jugement du 20 mars 2008, paragraphes 138–143.
26
Chapitre I : La prévention du déplacement interne
Ainsi se justifie la nécessité d’encadrer les déplacements causés par les projets de
développement. Cela consiste préalablement à rendre légitimes les évictions forcées de
populations (A) et ensuite, à effectuer les évictions inévitables de manière conforme aux
normes internationales (B).
La Convention de Kampala engage les autorités compétentes à prévenir autant que possible
« les déplacements causés par des projets réalisés par des acteurs publics ou privés 91 ». Les
pouvoirs publics et les acteurs non étatiques, notamment les entreprises impliquées dans les
27
Chapitre I : La prévention du déplacement interne
projets, doivent prévenir les risques déplacement. Elle détermine les obligations des Etats
envers les personnes déplacées par les projets de développement, en prévoyant notamment les
circonstances dans lesquelles un tel déplacement peut être juridiquement autorisé92.
Afin d’éviter de se lancer dans un déplacement arbitraire, les autorités compétentes doivent
réglementer tous les cas de relocalisation réalisés dans les projets de développement à grande
échelle entrepris par des acteurs publics ou privés. Seront clairement exposés, les intérêts
publics justifiant un déplacement et une réinstallation, les procédures selon lesquelles le
déplacement doit être effectué, la portée des compensations et le droit à un examen
administratif ou judiciaire.
En effet, les déplacements provoqués par des projets de développement doivent être
justifiés par des considérations impérieuses liées à l’intérêt supérieur du développement
national et ne doivent être entrepris qu’après que les autorités compétentes se soient assurées
que les acteurs concernés explorent « toutes les alternatives réalisables », en ayant toutes les
informations et en consultation avec les personnes susceptibles d'être déplacées par ces
projets 93. Les gouvernements sont également tenus de garantir les droits des communautés
concernées pour que leur droit à un logement convenable soit protégé sans discrimination 94.
Les personnes susceptibles d’être déplacées ont le droit à la réinstallation, notamment, le droit
à l'alternative de fourniture de terrains ou de logements de qualité égale ou comparable 95. Les
pouvoirs publics doivent aussi tenir compte des obligations particulières de protection des
groupes ayant un lien particulier avec la terre en raison de leur culture et de leurs valeurs
spirituelles particulières96. Il s’agit par exemple des minorités et des groupes indigènes ou
encore les efforts visant à préserver les ressources pastorales.
Avant le début de tout projet qui pourrait entraîner des déplacements internes, les autorités
compétentes doivent exiger des évaluations socio-économiques environnementales complètes
et holistiques de son impact97. Ces évaluations devraient inclure l'exploration des alternatives
et des stratégies pour réduire les dommages et prendre en compte les impacts différentiels des
92 Union africaine, Loi-type pour la mise en œuvre de la Convention de l'Union africaine sur la protection et
l'assistance aux personnes déplacées en Afrique, article 15.2, Avril 2018 disponible sur
https://www.refworld.org/docid/5aeb39434.html
93 Convention de Kampala, article 10.2.
94, Loi-type de l’Union africaine, op cit., article 15.5.
95 Ibidem, article 15.6.
96 Convention de Kampala, article 4.5.
97 Ibidem, article 10.3.
28
Chapitre I : La prévention du déplacement interne
expulsions forcées sur les groupes vulnérables. Toutes ces évaluations devraient être basées
sur la collecte de données ventilées.
Les expulsions ne sont pas illégales par définition, mais on craint que bon nombre le soient
en réalité parce qu’elles violent les droits des personnes, notamment en matière de
réinstallation et d’indemnisation. Une fois le processus de relocalisation entamé, les Etats
s’assurent que les personnes concernées sont réinstallées conformément aux normes relatives
à la protection des droits de l’Homme. Les procédures de réinstallation doivent refléter par
exemple les Principes de base et Directives concernant les expulsions et les déplacements de
200699. Ces principes donnent de plus amples explications sur les mesures à prendre par les
autorités étatiques pour éviter les déplacements arbitraires au cours de projets de
développement.
Concrètement, les Etats doivent s’assurer au préalable que la mesure est prise par les
autorités compétentes pleinement habilitées par la loi. De même, fournir des efforts
prioritaires visant à obtenir un consentement libre et éclairé ou la coopération des
communautés susceptibles d’être déplacées. Tout en se réservant le droit de prendre des
mesures légitimes d'exécution en dernier recours, les Etats veillent à ce que les déplacements
ou les réinstallations résultant de projets ne soient pas effectués d'une manière qui porte
29
Chapitre I : La prévention du déplacement interne
atteinte à la dignité et aux droits des personnes touchées 100. Les mesures répressives, le cas
échéant, doivent être effectuées par les autorités compétentes conformément aux normes des
droits de l'Homme applicables.
Ainsi, les populations concernées ne peuvent être victimes d'attaques directes ou aveugles
ou d'autres actes de violence, notamment, contre les femmes et les enfants. Elles ne peuvent
non plus être arbitrairement privées de leurs propriétés ou leurs possessions, suite à la
démolition, l’incendie criminel et d'autres formes de destruction délibérée, de négligence ou
de toute forme de punition collective. Il est aussi indispensable de garantir une protection
juridique ainsi que la possibilité pour les opposants à la mesure de relocalisation de contester
la décision et demander la révision devant un organisme constitué à cet effet ou devant les
juridictions ordinaires.
Quant aux sites de réinstallation, ils doivent, une fois identifiés, remplir les critères d’un
logement adéquat selon les normes des droits de l'Homme applicables 101. Les acteurs
concernés doivent en effet fournir toutes les commodités nécessaires ainsi que les services et
les possibilités économiques sur le site proposé. Les sites de réinstallation choisis doivent
prévoir des opportunités économiques assurant des moyens de subsistance au moins égales à
celles avant la réinstallation. Les Principes de base et Directives définissent également des
critères permettant de garantir que les sites de réinstallation soient convenables. Ils soulignent
le fait que le retour volontaire aux sites de développement devrait être facilité dans des cas
exceptionnels dans lesquels les conditions le permettent.
Les autorités compétentes doivent enfin veiller à ce qu’une réparation juste et équitable
soit faite pour toute perte de vie, biens immobiliers ou autres. La réparation doit être prévue
pour tout dommage économique quantifiable. Le cas échéant, elle doit être proportionnelle à
la gravité de la violation et aux circonstances de chaque cas, tels que le préjudice physique ou
mental, les occasions perdues102, les dommages matériels et les pertes de revenus 103. Le
quantum de réparation pour la perte de la propriété doit être sur la base de la juste valeur du
marché en vigueur à payer avant le déplacement interne ou la réinstallation.
Ainsi, il faut retenir que la mise œuvre de la Convention de Kampala et, plus généralement,
la réponse aux situations de déplacement interne, passe avant tout par la prévention. La
30
Chapitre I : La prévention du déplacement interne
prévention du déplacement interne ainsi que celle de ses multiples causes doit être la priorité
des Etats membres de la CEDEAO. Cependant, lorsque le déplacement n’a pas pu être évité,
il est tout aussi important d’entreprendre des actions adéquates et indispensables à la
protection des personnes déplacées internes.
31
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes
CHAPITRE II.
La Convention de Kampala, telle que nous l’avons étudiée jusqu’ici, insiste sur le fait que
c’est aux gouvernements nationaux qu’incombent en premier lieu le devoir et la responsabilité
de fournir une protection et une assistance aux déplacés internes. A ce titre, il est important de
comprendre comment cette responsabilité s’applique pour pouvoir veiller à ce que les
personnes déplacées puissent bénéficier d’une protection efficace, appropriée et durable.
La protection consiste à faire en sorte que tous, les femmes, les filles, les hommes et les
garçons puissent jouir de leurs droits dans des conditions d’égalité, dans la sécurité et la
dignité, y compris en période de déplacement interne. Il est donc essentiel de comprendre les
droits des déplacés internes ainsi que les obligations juridiques des États et des autres
autorités en vertu de la Convention de Kampala et du droit international en général. Ce
chapitre fournit une présentation générale du régime juridique en matière de protection des
personnes déplacées (Section I) et donne des orientations sur la manière dont les Etats parties
doivent mobiliser ce cadre pour s’acquitter de leur devoir d’assistance aux personnes
déplacées (Section II).
En raison du caractère involontaire des déplacements, tous les efforts devraient être fournis
pour limiter leur étendue et faire en sorte qu’ils se déroulent dans les meilleures conditions.
Les personnes déplacées sont en effet particulièrement vulnérables durant la période de
déplacement et doivent être protégés contre les violations de leurs droits. Les stratégies
efficaces de protection sont construites autour de plusieurs approches courantes et
interdépendantes.
Parce que la protection porte sur le respect des droits, elle nécessite tout d’abord une
approche fondée et axée sur la jouissance intégrale des droits fondamentaux (§1). Toutefois,
elle ne se limite pas aux droits « non dérogeables » comme la survie et à la sécurité physique,
mais couvre un éventail complet de droits et services sociaux de base (§2).
32
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes
En ce sens, les États parties à la Convention de Kampala sont tenus de protéger les droits
des personnes déplacées en s’abstenant de pratiquer, et en prévenant, « la discrimination, le
génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et autres violations du droit
international humanitaire, le meurtre arbitraire, les exécutions sommaires, la détention
arbitraire, l’enlèvement, la disparition forcée, la torture et toute autre forme de traitements
cruels, inhumains et dégradants, la violence sexuelle et fondée sur le genre (notamment le
viol, la prostitution forcée, l’exploitation sexuelle) et la famine 104 ».
La Convention fournit ainsi des orientations sur la manière de répondre à trois menaces
distinctes mais interdépendantes à la vie, la sûreté et la sécurité. D’abord les menaces
résultant d’un effondrement de l’ordre public dont les crimes et violences. Les menaces
apparaissant dans le contexte d’un conflit armé, c’est-à-dire aux mains des forces et des
groupes armés parties au conflit ou du fait de leurs activités. Et les menaces dues à des
tensions communautaires ou internes à des groupes, soit au sein de la population déplacée,
soit entre les déplacés et la population d’accueil, par exemple en raison d’une compétition
104 Convention de Kampala, article 9.1 a)-e). Voir aussi CG IV, art. 27, 32, 34, 146 & 147 ; Protocole I, art.
51, 75, 76, 77 & 85 ; Protocole II, art. 4 & 13 ; DIHC, règles 1, 7, 89, 90-94, 96, 98-99 & 1569.
33
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes
pour des ressources limitées 105. L’objectif de l'interdiction des traitements cruels, inhumains
ou dégradants est, selon les termes de la Convention, de « prendre les mesures nécessaires
pour assurer aux personnes déplacées un accueil sans discrimination aucune, et qu’ils vivent
dans des conditions satisfaisantes de sûreté, de dignité et de sécurité 106 ».
Par ailleurs, la possibilité de se déplacer librement et en sécurité dans son pays est un droit
fondamental et une condition préalable à la jouissance de nombreux autres droits. Les
restrictions à la libre circulation peuvent avoir des conséquences graves pour la vie, la santé et
le bien-être des personnes et des communautés. Assurer la libre circulation constitue donc une
partie importante de toute stratégie de protection. La libre circulation est particulièrement
importante pour les déplacés internes qui vivent dans ou à proximité des zones de conflit. Elle
l’est aussi pour ceux qui résident dans des camps et des zones d’installation. Cela est dû au
fait que l’accès à des moyens de subsistance viables et à l’assistance humanitaire y est limité
et les menaces à la vie, à la sûreté et à la sécurité sont fréquentes. La Convention, afin d’offrir
une protection adéquate, interdit aux membres des groupes armés de « restreindre la liberté
de mouvement des personnes déplacées à l’intérieur et à l’extérieur de leurs zones de
résidence107 ».
105 La liste n’est pas exhaustive et il faudrait identifier diverses autres menaces et y répondre. Par exemple,
celles liées à des catastrophes naturelles ou environnementales telles que les incendies, les sécheresses, les
inondations, les tremblements de terre, les glissements de terrain et la pollution.
106 Convention de Kampala, article 9.2 a). Voir aussi CG I-IV, art. 3 commun ; CG IV, art. 27 ; Protocole I,
art. 75 ; Protocole II, art. 2.1 & 4.1 ; DIHC, règles 87 & 88.
107 Convention de Kampala, article 7.5 d).
108 Ibidem, article 9.2 e); Voir aussi, CG IV, art. 49 & 147; Protocole I, art. 51.7, 78.1 & 85.4 a) ; Protocole
II, art. 4.3 e), & 17; DIHC, règles 129 & 132.
34
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes
justifiées, et proportionnées pour des raisons de sécurité, ou pour des raisons d’ordre et de
santé publique109 ».
Afin de jouir pleinement de leur liberté de mouvement en toute sécurité, les personnes
déplacées ont nécessairement besoin d’un accès sans entrave aux documents leur conférant
une personnalité juridique. La fourniture de ces documents contribuerait en effet à renforcer la
liberté de choisir leurs lieux de résidence et limiterait considérablement les risques de
séparations familiales auxquels les communautés déplacées sont fréquemment exposées.
Le droit international et régional des droits de l’Homme demande aux États de prendre
toutes les mesures nécessaires pour assurer la jouissance pleine, égale et effective de tous les
droits et libertés, y compris du droit à une reconnaissance et une protection égales devant la
loi110. Les autorités doivent pour cela veiller à ce que toute personne, y compris les PDI, aient
une identité juridique, ainsi que les moyens de prouver si besoin leur identité, pour exercer
leurs droits, par exemple par leurs documents d’état civil.
Cette obligation est énoncée dans la Convention de Kampala, qui demande aux États
parties de garantir « que soient délivrés aux personnes déplacées internes les documents
d’identité nécessaires » et de s’assurer que « les femmes et les hommes ainsi que les enfants
non accompagnés ont également le droit d’obtenir les documents d’identité nécessaires, et à
109 Convention de Kampala, article 9.2 f) ; Voir aussi CG IV, art. 42-43 & 78 ; Protocole I, art. 75 ;
Protocole II, art. 5.1 ; DIHC, règle 99.
110 Voir DUDH, art. 6 et 7 ; PIDCP, art. 16 et 26 ; CEDEF, art. 15 ; CEDR, art. 5(a) ; CTM, art. 18 et 24 ;
CADHP, art. 3 et 5 ; Art. 3 et 8 de son Protocole sur les droits des femmes en Afrique, CAmDH, art. 3 et
24 ; et CArDH, art. 18. Voir également Principe 20 des Principes directeurs sur le déplacement interne.
Nul ne peut déroger à ce droit. Voir p. ex. PIDCP, art. 4(2) du et CAmDH, art. 27(2).
35
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes
les détenir en leur nom propre111 ». Même lorsque les déplacés internes sont arbitrairement
privés de documents par des acteurs non étatiques ou privés, c’est à l’État qu’il incombe de
leur fournir une protection efficace ou de garantir leurs droits.
Les documents personnels et les registres civils établissent et prouvent l’état civil et le
statut juridique des individus, notamment en matière de naissance, de filiation, et de tutelle.
Dans les situations de déplacement forcé, les documents personnels sont souvent perdus,
endommagés ou détruits, et les systèmes tant officiels que traditionnels d’état civil,
sérieusement altérés. De même, les déplacés internes ne doivent en aucun cas être privés de
leur nationalité, ou empêchés d’en acquérir une ou de la transmettre à leurs enfants parce
qu’ils sont déplacés. La nationalité est généralement associée à l’état civil. Le droit à une
nationalité est souvent qualifié de « droit d’avoir des droits » en raison de son importance
comme base de revendication d’autres droits, allant de la reconnaissance devant la loi à
l’accès aux services élémentaires.
Quant aux familles et les communautés, elles sont fréquemment déchirées par le
déplacement forcé. Cette séparation peut être délibérée comme lorsque les parents confient
leurs enfants à d’autres, souvent parce qu’ils pensent que c’est là leur intérêt supérieur. La
séparation peut aussi intervenir accidentellement comme pendant la fuite ou en cherchant un
abri et une assistance dans d’immenses camps, zones d’installation ou zones urbaines
surpeuplés.
La séparation peut aussi se produire à la suite d’interventions humanitaires faites dans une
bonne intention mais mal conçues, voire illégales. Par exemple, le fait d’évacuer des enfants
ou de faciliter leur adoption peut conduire à la séparation forcée et permanente d’enfants de
leurs parents. De même, les enfants peuvent être séparés de leurs familles en étant enrôlés de
force dans l’armée ou des groupes armés. Le droit international garantit le droit au respect de
la famille, notamment le droit de ne pas être l’objet d’ingérences arbitraires ou illégales. En
tant qu’élément fondamental de la société, la famille a aussi droit à une protection et une
assistance spéciales 112. Aux termes de la Convention de Kampala, les Etats parties se sont
engagés à « prendre les mesures nécessaires, y compris la mise en place de mécanismes
111 Convention de Kampala, article 13.2 et 13.4 ; Voir aussi CG IV, art. 50 & 97.6.
112 Voir, au niveau international, DUDH, art. 16 ; PIDESC, art. 10 ; PIDCP, art. 17 et 23 ; CDE, art. 16 et 18
et, au niveau régional, CADHP, art. 18 ; CAmDH, art. 17 ; CArDH, art. 38 ; Déclaration du Caire sur
les droits de l’Homme en Islam, art. 5 ; CEDH, art. 8 et 12 ; et CSE révisée, art. 16.
36
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes
spécialisés, pour retrouver et réunifier les familles séparées durant le déplacement, en vue du
rétablissement des liens familiaux113 ».
Des efforts visant à préserver l’unité de la famille doivent être déployés à tous les stades du
déplacement. Ils doivent éviter la séparation des familles et si celles-ci se produisent, faciliter
des recherches et un regroupement rapides. Il est important de veiller à ce que les membres de
familles séparés, notamment les enfants séparés ou non accompagnés, soient identifiés,
enregistrés et pourvus de documents le plus tôt possible. Ces mesures augmenteront les
chances de réussite des recherches et du regroupement, et faciliteront l’apport rapide de soins,
de soutien et de protection adéquats à ceux qui en ont besoin.
Indépendamment de la manière dont elles vivent, que ce soit dans des camps ou qu’elles
soient dispersées dans des villes et des zones rurales, les personnes déplacées doivent en effet
pouvoir bénéficier des droits indispensables au maintien de la vie (A). Les populations
affectées par le déplacement sont également vulnérables face à la perte de leurs terres et leurs
biens matériels, d’où l’importance de garantir leur préservation (B).
113 Convention de Kampala, art. 9.2 h); Voir aussi CG IV, art. 25, 26, 27, 49 & 82.2-82.3; Protocole I, art. 74
& 75.5; Protocole II, art. 4.3; DIHC, règles 105 & 117.
37
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes
Au minimum, quelles que soient les circonstances et sans discrimination, les autorités
compétentes doivent fournir aux personnes déplacées, dans la plus large mesure possible et
dans les plus brefs délais, l’assistance humanitaire adéquate. Notamment « l’alimentation,
l’eau, l’abri, les soins médicaux et autres services de santé, l’assainissement, l’éducation, et
tous autres services sociaux nécessaires 114 ». Cette assistance peut être étendue, en cas de
besoin, aux communautés locales et d’accueil.
L’accès à une nourriture suffisante est à la fois un droit individuel et une responsabilité
collective. Le droit d’être à l’abri de la faim est intrinsèquement lié au droit à la vie. Les États
doivent, dans la mesure du possible, veiller à ce que les populations se trouvant sur leur
territoire soient à l’abri de la faim en utilisant au maximum leurs ressources disponibles 115.
L’utilisation de la famine comme arme de guerre constitue un crime de guerre en vertu du
Statut de la Cour pénale internationale116.
Le droit international et régional des droits de l’Homme garantit le droit à l’eau à la fois
par le droit à un niveau de vie suffisant 117 et par le droit au meilleur état de santé susceptible
d’être atteint118. Il est également interdit, pendant un conflit, de porter atteinte aux biens
indispensables à la survie de la population civile, dont les installations et réserves d’eau. Il
convient aussi de veiller à protéger l’environnement naturel, y compris les sources d’eau,
114 Convention de Kampala, art. 9.2 b). Voir aussi CG I-IV, art. 3 commun ; CG IV, art. 16, 23, 24.1 27,
49.3, 50, 55, 56 & 59 ; Protocole I, art. 10, 54, 70 & 75.1 ; Protocole II, art. 4.1, 4.3 a), 7.2, 8, 14, 17.1 &
18.2 ; DIHC, règles 53-55, 109-110 & 131.
115 Voir DUDH, art. 25 ; PIDESC, art. 11.1 et 2 ; CDE, art. 4.
116 Statut de la Cour pénale internationale, art. 8(2) (b) (xxiv).
117 Voir p. ex., au niveau international, DUDH, art. 25(1) ; PIDESC, art. 11 ; CEDEF, art. 14(2) (h) et CDE,
art. 24.2 c). Au niveau régional, voir aussi CADHP, art. 14 ; et Protocole de la CADHP sur les droits des
femmes en Afrique, art. 15.
118 Observation générale n° 14 (2000) du Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU sur le
droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint, doc. ONU E/C/12/2000/4.
38
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes
contre les dommages étendus, graves et à long terme pouvant compromettre la santé et la
survie de la population119.
De même, en tant que composant du droit à un niveau de vie suffisant, le droit des déplacés
internes à un logement convenable 120 sous-tend celui de chaque personne à obtenir et à
entretenir un foyer et une communauté qui soient salubres et sûrs et dans lesquels elle peut
vivre en toute sécurité, dans la paix et la dignité. En temps de guerre, le droit à l’hébergement
est protégé par des mesures préventives tels que l’interdiction d’attaquer les habitations des
civils y compris celles des déplacés internes, ou d’utiliser les habitations des civils pour des
opérations ou des objectifs militaires 121.
Sur le plan sanitaire, toute personne a le droit de jouir du meilleur état physique et mental
possible. La prise en charge des besoins de santé d’une population déplacée nécessite une
réponse multisectorielle tenant dûment compte des interactions entre santé et protection 122. La
pandémie de la Covid-19 a particulièrement démontré l’importance de ce point, compte tenu
de la détresse ressentie dans les camps de déplacés internes au cours de cette période 123. Le
droit international humanitaire fournit une protection étendue aux malades et aux blessés,
ainsi qu’au personnel de santé et autre personnel humanitaire, aux hôpitaux, à l’équipement
médical, aux unités et aux transports médicaux 124.
Ainsi donc, il est essentiel de garantir aux personnes déplacées internes, la jouissance de
leurs besoins essentiels. Du droit à l’éducation 125 en passant par la participation aux affaires
publiques et le droit de vote 126, la Convention de Kampala fournit un cadre adéquat de
119 Voir p. ex. Protocole I, art. 54 ; Protocole II, art. 14 ; et Principe directeur 10(2) (b). Voir également,
Statut de Rome, art. 8(2) (b) (ii), (iv) et (xxv).
120 DUDH, article 25 ; PIDESC, article 11 ; UN-Habitat, The Habitat Agenda Goals and Principles,
Commitments and Global Plan of Action, (1996), paragraphes. 60 et 61.
121 DIHC, Règles 7 à 23 ; Voir aussi CG IV, art. 33 et 53 ; Protocole I, art. 51 et 52 ; Protocole II, art. 4(2)
(g) ; Règlement de La Haye, art. 28. Voir aussi, Statut de Rome, art. 2(b) (xvi).
122 Voir p. ex. DUDH, art. 25(1) ; PIDESC, art. 10(2), 11 et 12 ; CDE, art. 23 (3), 24, 39 ; CEDR, art. 5 (e)
(iv) ; et CEDEF, art. 10(h), 11 (1) (f) et 12, 14(2) (b) et 16(e) ; Observation générale n° 14 (2000) du
Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU, op cit.
123 ONU-Info, « Coronavirus : des millions de migrants et de déplacés internes pris au piège » 10 nov 2020,
disponible au https://news.un.org/fr/story/2020/11/10811942, consulté le 09/01/2021.
124 Il s’agit d’un principe coutumier du droit international humanitaire. Voir aussi Art. 3 commun des CG; CG
IV, art. 16 à 23 ; Protocole I, art. 10 à 18 et 75(2) (a) ; et Protocole II, art. 4(2) (a), 5(1) (a), 5(2) (d) et (e),
et 7 à 12.
125 Voir DIHC, Règle 135. Voir aussi CG IV, art. 23 et 24, 38, 50, 76 et 89 ; Protocole I, art. 70(1), 77(1) et
78(2) ; et Protocole II, art. 4(3).
126 Convention de Kampala, article 9.2 l); DUDH, art. 21; PIDCP, art. 25; CEDR, art. 5(c); CEDEF, art. 7 et
8; CTM, art. 41 et 42. Au niveau régional, voir aussi CADHP, art. 13 et divers articles de son Protocole
sur les droits des femmes en Afrique.
39
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes
protection et interdit toute forme de discrimination à cet égard. Elle accorde également une
attention particulière à la vulnérabilité des personnes déplacées face à la perte de leurs terres
et de leurs biens en général, en tant que conséquence directe, ou même en tant que cause
principale de leur déplacement.
Les différends relatifs aux terres et autres biens figurent souvent parmi les causes
profondes du conflit et du déplacement, et peuvent constituer un obstacle au retour, à la
réintégration et à la réconciliation. Il est important que les actions visant à résoudre les
problèmes liés à la perte de terres et de biens fassent partie de la réponse en matière de
protection pendant toutes les étapes du déplacement et du relèvement postérieur. C’est dans ce
contexte que s’inscrit l’engagement des États parties à la Convention de Kampala de
« prendre les mesures nécessaires pour protéger les biens individuels, collectifs et culturels
abandonnés par les personnes déplacées127 ». A ce titre, les Principes concernant la
restitution des logements et des biens dans le cas des réfugiés et des personnes déplacées
(« Principes Pinheiro ») de l’ONU128, fournissent des orientations pratiques importantes sur
ces questions.
127 Convention de Kampala, article 9.2 i) ; Voir aussi CG IV, art. 33.2 & 147 ; Protocole I, art. 51, 52, 75.2
d) & 85 ; DIHC, Règles 7, 11, 51-52 & 133.
128 Principes de l’ONU sur la restitution des logements et des biens dans le cas des réfugiés et autres
personnes déplacées (« Principes Pinheiro »), Sous-commission de la promotion et de la protection des
droits de l’Homme des Nations Unies, doc. ONU E/CN.4/Sub.2/2005/17, 28 juin 2005.
129 Voir p. ex. DUDH, art. 17; CEDEF, art 16(2) (h) et 15(2) ; Convention de l’OIT n° 169, art. 13 à 19 ;
CADHP, art. 14 et Art. 6(j), 7(d) et 21 de son Protocole sur les droits des femmes en Afrique ; DADDH,
40
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes
priver arbitrairement des personnes de leurs biens, protéger ces biens contre une immixtion
illégale par des tiers. Suite d’une période de dépossession illicite, la restitution des biens et/ou
une indemnisation sera assurée aux propriétaires légaux.
Le droit à la restitution et/ou à une indemnisation pour des biens perdus est encore renforcé
par le droit à un recours effectif pour des actes injustifiés et des violations des droits de
l’Homme130. Le respect d’un certain nombre de droits est également important dans ce
contexte. Il s’agit principalement du droit au retour131, qui inclut non seulement le droit de
rentrer dans sa région d’origine mais aussi le droit de retourner dans son foyer ou son lieu de
résidence habituelle, le droit de circuler librement et de choisir sa résidence, le droit au respect
de son foyer, et le droit à un niveau de vie suffisant, notamment pour le logement et la
nourriture.
Le droit international humanitaire exige que toutes les parties à un conflit, que ce soit des
acteurs étatiques ou non étatiques, fassent en tout temps la distinction entre objectifs civils et
objectifs militaires. Plus précisément, il interdit les attaques directes et indiscriminées et
autres actes de violence contre des objectifs civils, l’utilisation de biens civils pour protéger
des opérations ou des objectifs militaires, le pillage et/ou la destruction de biens privés et
publics, les représailles ou les punitions collectives contre des biens privés 132.
L’utilisation de ces approches, à savoir celle fondée sur la protection des droits
fondamentaux ainsi que la garantie des droits et services sociaux de base, est essentielle pour
assurer la protection des PDI dans les différents secteurs de la réponse humanitaire. Les règles
relatives à cette réponse sont consacrées de façon plus générale par la Convention de Kampala
à travers le devoir de porter assistance aux personnes déplacées.
art XXIII ; CAmDH, art. 21 ; CArDH, art. 25 ; et Protocole I de la CEDH, art. 1. Ce droit est également
affirmé dans diverses résolutions de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité et du Conseil
(anciennement Commission) des droits de l’Homme, ainsi que dans sa Sous-commission, et dans la
jurisprudence des cours régionales des droits de l’Homme. Voir aussi Principes Pinheiro, principes 3 à 7 ;
et Principes directeurs sur le déplacement interne, principe 21.
130 Voir DUDH, art. 8; PIDCP, art. 2(3); CEDR, art. 6; CDE, art. 30; Statut de la CPI, art. 75(1); et, au
niveau régional, CAmDH, art. 10 et 25; CADHP, art. 7 et Art. 25 de son Protocole sur les droits des
femmes en Afrique; et CEDH, art. 13. Voir aussi Art. 35 et 26 des Articles sur la responsabilité de l’État,
et les résolutions du Conseil (anciennement Commission) des droits de l’Homme, dont la résolution
2005/35. Voir aussi Principes Pinheiro, principe 2.
131 Voir DUDH, art. 13(2); PIDCP, art. 12(4); Convention de l’OIT n° 169, art. 16(3); et, au niveau régional,
CADHP, art. 12(2); CAmDH, art. 22(5); Protocole IV de la CEDH, art. 3(2). Voir aussi Principe 10 des
Principes Pinheiro et Principe 28 des Principes directeurs sur le déplacement interne. Ce droit a aussi été
affirmé dans des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, de l’Assemblée générale et du Conseil
(anciennement Commission) des droits de l’Homme et sa Sous-commission, ainsi que dans la
jurisprudence des cours régionales des droits de l’Homme.
132 Voir DIHC, Règles 7 à 23. Voir aussi CG IV, Art. 33 et 53; Protocole I, Art. 51 et 52; Protocole II, Art.
4(2) (g); Règles de La Haye, Art. 28; et Statut de Rome, Art. 2(b) (xvi).
41
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes
La Convention de Kampala précise les rôles et les responsabilités des dirigeants nationaux
et des autres acteurs dans l’apport de l’aide humanitaire aux personnes déplacées internes. Ces
principes admettent la responsabilité, désormais évidente, qui incombe aux autorités
nationales d’aider leurs concitoyens (§1). Ils affirment également le rôle important des
organisations humanitaires internationales et les autres acteurs compétents (§2).
133 D’après SLIM H. et BONWICK A., A Guide for Humanitarian Agencies, Overseas Development Institute,
Londres, 2005.
134 Voir en particulier, PIDESC, articles 11 et 12.
135 Convention de Genève (IV), articles 49(3) et 55; Protocole I, articles 54(2) et 69 ; Protocole II, articles 14
et (17) (1).
42
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes
Le droit international ne prévoit pas explicitement de droit à l’aide humanitaire pour les
personnes déplacées, sauf dans les situations de conflit armé international. En effet, lors d’un
conflit armé, les organisations humanitaires ont un droit expressément reconnu d’offrir leur
aide136. C’est dans ce sens que la Convention de Kampala énonce clairement l’engagement
des Etats et des autres acteurs à « porter assistance aux personnes déplacées en assurant la
satisfaction de leurs besoins fondamentaux, en autorisant et facilitant un accès rapide et libre
aux organisations et au personnel humanitaires 137 ».
En fournissant une assistance aux PDI, l’Etat assume le premier devoir et la responsabilité
de subvenir aux besoins des personnes déplacées dans son territoire ou sa juridiction sans
aucune sorte de discrimination. Les autorités compétentes peuvent prévoir des dispositions
techniques dans lesquelles l'accès humanitaire sera autorisé, mais doivent garantir « le
passage rapide et libre de toutes les opérations, tous les équipements et de tout le personnel
de secours au bénéfice des personnes déplacées138 ». Dans les situations de conflit armé, les
parties au conflit doivent permettre et faciliter le passage rapide et sans entraves des secours
humanitaires pour les civils qui sont dans le besoin. Les secours doivent être distribués de
manière impartiale et sans aucune distinction de caractère défavorable139.
136 Conventions de Genève, Article commun 3(2) ; Protocole II, article 18(1).
137 Convention de Kampala, article 3.1 j).
138 Ibidem, article 5.7.
139 Convention de Genève (IV), articles 23, 55 et 59; Protocole I, article 70.2 & 70.5; Protocole II, article
18.2 ; DIHC, Règle 55.
139 Convention de Kampala, article 5.7.
140 DIHC, Règle 56.
141 Protocole I, articles 70 article et 71; DIHC Règles 31 et 32.
142 Statut de Rome, article 8(b) (xxv).
43
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes
personnes déplacées 143 ». Enfin, les belligérants doivent garantir que les éventuels attaquants
du personnel humanitaire, de leurs biens et de leurs équipements sont punis144.
Dans les situations de catastrophe, les Etats portent la responsabilité première du soin des
victimes 145. Le travail des agences d’aide humanitaire internationalement reconnues dans le
domaine de l’assistance en cas de catastrophe devrait être simplifié. Par exemple par la levée
des exigences concernant les visas de transit, d’entrée et de sortie pour le personnel de secours
agissant à titre officiel, ou par l’exemption des frais de douane pour les biens et équipements
de secours146.
44
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes
sécurité, de violence sexuelle et d'exploitation, ainsi que de santé reproductive, qui seraient
négligées si seuls les hommes parlaient au nom du groupe. Les États parties, selon les termes
de la Convention, sont en effet tenus de « consulter les personnes déplacées et leur permettre
de participer aux prises de décisions relatives à la protection et à l’assistance qui leur sont
apportées148 ».
Le fait de consulter les personnes déplacées sur toutes les décisions qui les touchent et de
faciliter leur participation dans les affaires de la communauté n’est pas simplement une
question de courtoisie. C’est une question de nécessité fondée sur trois considérations-clés.
D’abord, les déplacés internes possèdent un droit de participation. Les droits à la liberté
d’expression et de participation politique garantis sur le plan international incluent le droit de
rechercher, de recevoir et de transmettre des informations, ainsi que de prendre part à la
direction des affaires publiques 149. Le fait de s’assurer que les personnes déplacées internes
reçoivent toutes les informations nécessaires et que leur opinion est prise en compte est donc
une question de droits de l’Homme.
Ensuite, La participation des PDI contribue à une action plus efficace. La seule façon de
comprendre réellement les risques et les menaces auxquels les déplacés internes sont
confrontés, leurs capacités et leurs mécanismes d’adaptation, ainsi que les aspirations
concernant leur avenir, est de les interroger directement. Ce faisant, il faut prendre soin de
s’assurer que les sous-groupes vulnérables ou marginalisés au sein des populations déplacées
ont la possibilité de parler en toute sécurité et/ou sous le couvert de la confidentialité.
Enfin, la participation des personnes déplacées réduit leur dépendance et facilite leur
réintégration. Encourager leur participation aux prises de décision peut les préparer à adopter
leurs propres mesures pour atténuer le déplacement et y mettre un terme. En identifiant
clairement les problèmes auxquels elles font face, les personnes déplacées peuvent être
encouragées non seulement à suggérer les actions les plus adéquates, mais également à
développer leurs propres actions complémentaires. Dans de nombreux cas, cela implique la
mise en place d’un système d’organisation représentant un début de réponse aux besoins les
plus élémentaires, mais qui peut également fournir une plateforme pour endosser des rôles
plus importants au bout d’un certain temps.
45
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes
Comme nous l’avons démontré, les gouvernements nationaux ont la charge principale de
garantir une assistance humanitaire adéquate aux déplacés internes. Cette responsabilité se
traduit par un accès sans entrave à l’aide et avec la pleine participation des communautés
concernées. Toutefois, les Etats ont la possibilité de coopérer avec une multitude d’acteurs
potentiels afin de fournir non seulement une meilleure assistance mais surtout, en cas de
nécessité, d’aider les Etats à s’acquitter de leurs responsabilités.
Ainsi, lorsque les gouvernements n'ont pas la capacité d'assurer la sécurité et le bien-être
de leurs populations déplacées, ils doivent, en exerçant leur souveraineté de manière
responsable, inviter ou accepter une assistance internationale et coopérer avec les
150 L’article 1.3 dispose que les buts des Nations Unies sont de (…) « Réaliser la coopération internationale en
résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en
développant et en encourageant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous,
sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion ».
151 Convention de Kampala, article 5.6; CG IV, art. 59; Protocole I, art. 70-71; Protocole II, art. 18; DIHC,
Règle 55.
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Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes
152 Commission des Nations Unies sur les Droits de l’Homme, Résolution 2003/51 (23 avril 2003),
paragraphes 18 et 21, et Résolution 2004/55 (20 avril 2004), paragraphes. 18 et 21.
153 Convention de Kampala, Préambule.
154 Ibidem. Voir aussi Union africaine, Décision EX/CL.413 (XIII), Sharm El-Sheikh (Égypte), juillet 2008.
155 Cf., par exemple, GOMEZ Mario, « National Human Rights Institutions and Internally Displaced Persons:
Illustrated by the Sri Lankan Experience », Brookings Institution-SAIS Project on Internal Displacement,
Juillet 2002.
47
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes
48
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes
de l’Assemblée générale des Nations unies dispose à ce propos que « l’aide humanitaire doit
être fournie conformément aux principes d’humanité, de neutralité et d’impartialité 160 ».
En d’autres termes, cela signifie que l’assistance humanitaire doit, en premier lieu, être
fournie pour prévenir et soulager les souffrances humaines, protéger la vie et la santé et
assurer le respect de la personne 161. Les critères de distribution de l’assistance humanitaire ne
doivent pas être fondés sur la nationalité, la race, la religion ou une opinion politique. Ils
doivent être fondés uniquement sur les besoins. La neutralité consiste à ne pas prendre parti
directement ou indirectement et distribuer l’aide humanitaire de manière impartiale162. Les
organisations humanitaires doivent formuler et mettre en œuvre leurs propres politiques,
indépendamment des politiques ou des actions gouvernementales, ou de celles des acteurs non
étatiques. Enfin, l’assistance humanitaire ne doit pas être détournée, en particulier pour des
raisons politiques ou militaires.
Une mention spéciale doit être faite du principe d’humanité, qui est la clef de voûte de la
protection des personnes en droit international. Élément commun au droit international
humanitaire et au droit international des droits de l’Homme, il oriente le développement du
droit relatif à la protection des personnes déplacées. Comme la Cour internationale de Justice
l’a exprimé dans l’affaire du Détroit de Corfou, il existe « certains principes généraux et bien
reconnus, tels que des considérations élémentaires d’humanité, plus absolues encore en temps
de paix qu’en temps de guerre 163 ». Dans le contexte particulier des secours en cas de
catastrophe, les Directives d’Oslo164 et les Critères de Mohonk165 posent que le principe
d’humanité exige que l’on soulage « les souffrances des êtres humains, quel que soit le
contexte ».
160 Assemblée générale, Résolution 46/182, Renforcement de la coordination de l’aide humanitaire d’urgence
de l’Organisation des Nations Unies, 19 décembre 1991.
161 PICTET J., « Les Principes fondamentaux de la Croix-Rouge proclamés par la vingtième Conférence
internationale de la Croix-Rouge, Vienne, 1965 : Commentaire », Institut Henry Dunant, 1979, p. 21 à 27;
disponible sur www.icrc.org.
162 PLATTNER D.., « La neutralité du CICR et la neutralité de l’assistance humanitaire », Revue
internationale de la Croix-Rouge, n° 818.
163 C.I.J., Affaire du Détroit de Corfou, Arrêt du 9 avril 1949 : C.I.J. Recueil 1949, p. 4, à la page 22.
164 OCHA, Directives sur l’utilisation des ressources militaires et de la protection civile étrangères dans le
cadre des opérations de secours en cas de catastrophe (« Directives d’Oslo ») de 2006, telles que révisées
le 1er novembre 2007.
165 EBERSOLE J. M., « The Mohonk Criteria for Humanitarian Assistance in Complex Emergencies: Task
Force on Ethical and Legal Issues in Humanitarian Assistance » (« Critères de Mohonk »), Human Rights
Quaterly, vol. 17, no 1 (février 1995), p. 192-208, p. 196 (« The dignity and rights of all victims must be
respected and protected » [« La dignité et les droits de toutes les victimes doivent être respectés et
protégés. »]).
49
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes
Prévenir et alléger la souffrance des personnes déplacées internes. Telle est en effet le but
de la Convention de Kampala, à travers ses normes contraignantes en matière de prévention,
de protection et d’assistance aux personnes déplacées. Toutefois, la Convention va au-delà de
l’énumération des droits relatifs au déplacement interne. Elle prévoit des dispositions qui
déterminent les obligations qui incombent aux Etats parties afin d’opérationnaliser cet
instrument.
50
PARTIE II.
51
La Convention de Kampala ne peut créer des changements significatifs pour les personnes
déplacées que si ses dispositions sont effectivement appliquées dans les États membres qui
l’ont ratifiée. Ceci permettra d’en faire une réalité juridique locale. Pour y parvenir, les Etats
sont d’abord tenus de transposer le texte dans le droit national et élaborer des politiques à
l’égard des personnes déplacées internes à tous les niveaux de gouvernement. Il est aussi
essentiel de renforcer les capacités des institutions locales, nationales et régionales en charge
de ces questions. En effet, l’opérationnalisation de la Convention de Kampala implique dans
un premier temps pour les Etats parties, l’obligation de créer un cadre juridique de protection
des personnes déplacées (Chapitre I). Dans un second temps, les Etats ont l’obligation de
mettre en place un cadre institutionnel de protection des personnes déplacées (Chapitre II).
52
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO
CHAPITRE I.
Avant 2009, la réponse des États africains face au déplacement forcé était ad hoc et
inefficace, car non contraignante. Depuis l’adoption de la Convention de Kampala, une
avancée majeure a été réalisée par rapport à la loi émergente sur le déplacement interne. Il est
en effet indéniable que la ratification de cet instrument ainsi que sa mise en œuvre et son
opérationnalisation par les Etats membres de la CEDEAO peut constituer une réussite
substantielle.
A cette fin, il est impératif que les Etats parties incorporent les dispositions de la
Convention dans leur droit interne (Section I). L’intégration de la Convention s’avèrera, par
la suite, être une condition indispensable à la réalisation de son principal objectif à savoir la
mise en œuvre de solutions durables au déplacement interne (Section II).
Afin de s’acquitter de leurs obligations, les Etats doivent ainsi envisager prioritairement
l’intégration de la Convention dans l’ordre juridique interne. Celle-ci doit nécessairement
passer par une procédure législative (§1). Pour autant, l’effectivité de la procédure législative
ne pourrait être totale que si elle est renforcée par un lobbying (§2).
53
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO
Ainsi, une réponse effective à une situation de déplacement requiert nécessairement une
action législative169. La raison en est que les lois actuelles peuvent créer des obstacles
involontaires à la capacité des personnes déplacées à réaliser leurs droits, rendant ainsi
indispensable une procédure de révision (A). Le plus souvent, elles ne proposent pas, en tant
que telles, une base suffisante pour répondre aux besoins des déplacés internes (B).
Des problèmes ont plus de chances de surgir au niveau des lois ordinaires. Tandis que
certaines lois sont problématiques de manière évidente, d’autres peuvent paraître non-
169 L’article 3.2 (a) stipule en effet que les États parties « incorporent les obligations de la présente Convention
dans leur droit interne, par la promulgation ou l’amendement de la législation pertinente relative à la
protection et à l’assistance aux personnes déplacées, en conformité avec leurs obligations en vertu du droit
international ».
54
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO
discriminatoires, mais posent des problèmes dans la pratique. Par exemple, le fait d’exiger
que les individus produisent des documents détaillés pour être en mesure d’exercer certains
droits peut s’avérer impossible pour les personnes déplacées. Généralement, De nombreux
PDI n’ont plus accès à leurs documents personnels. Des amendements à de telles lois
devraient inclure des exceptions ou des procédures alternatives pour les PDI. Les
amendements devraient être suivis au plus vite d’une réglementation de mise en œuvre pour
s’assurer que les autorités locales chargées d’appliquer ces changements de procédure
reçoivent des instructions claires sur la manière d’agir.
Ainsi, les Etats parties pourraient notamment adopter des amendements aux textes
législatifs et réglementaires régissant les procédures de reconnaissance, d’obtention et de
remplacement des documents d’identification afin de les rendre plus adaptés et accessibles
aux personnes déplacées. Au Mali, le Code des personnes et de la famille, qui définit les
éléments d’identification fondamentaux des personnes, dispose dans son article 49 que « le
domicile de toute personne quant à l’exercice de ses droits civils est au lieu où il a son
principal établissement » (Burkina Faso, article 48 ; Sénégal, article 12 ; Togo, article 15).
Cette définition semble problématique au regard du lieu de l’exercice des droits civils des
PDI, puisque le lieu d’établissement principal de ces personnes est souvent incertain. Des
ajustements au texte légal pourraient donc être envisagés.
Les articles 135 et 136 du même Code décrivent la procédure de reconstitution d’un
registre ou d’un acte détruit. En application de ce texte 170, lorsqu’une personne déplacée
souhaite reconstituer un acte détruit ou perdu, celle-ci se voit contrainte de retourner sur son
lieu de domicile d’origine ou habituel, de présenter des pièces justificatives et de se faire
accompagner de témoins pour que la procédure de reconstitution de l’acte puisse aboutir. De
même, les PDI sont susceptibles de rencontrer des difficultés lors de la procédure d’obtention
de cartes d’électeur et voir leur droit de vote considérablement limité. En leur absence, les
cartes d’électeur sont souvent déposées dans leurs communes d’origine171.
55
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO
Force est de constater que la révision des règlementations sectorielles déjà existantes est
d’une grande utilité. Par ailleurs, l’adoption d’une loi spécifique sur les personnes déplacées
représente également un moyen effectif d’incorporer la Convention de Kampala dans le droit
interne des Etats parties.
En 2018, le Niger a fait preuve de leadership en devenant le premier pays et, à l’heure
actuelle, le seul membre de la CEDEAO, à adopter une loi sur la protection et l'assistance
aux personnes déplacées internes172. Celle-ci couvre les déplacements liés aux conflits, aux
violations des droits de l'Homme (article 6), aux catastrophes (article 7) et aux projets de
développement (article 8). Elle reconnaît les droits des personnes déplacées internes et prévoit
leur protection (articles 10 à 16) et l’assistance qui leur est due (articles 17 à 22). Elle
soutient également les solutions durables (articles 23 à 25) et vise à promouvoir des mesures
régionales et nationales afin de prévenir, atténuer et éliminer les déclencheurs et les facteurs
du déplacement.
172 République du Niger, Loi n° 018-74 relative à la protection et à l'assistance aux personnes déplacées
internes, 10 décembre 2018 ; HCR, « le Niger devient le premier pays africain à adopter une loi nationale
pour la protection et l'assistance des personnes déplacées internes » 7 décembre 2018.
56
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO
d’application de la loi. La définition adoptée doit être compatible (et, a minima, pas plus
restrictive) avec celle figurant dans la Convention de Kampala. Elle devrait également
identifier les circonstances de fait qui déclenchent l’application des lois relatives aux PDI à
savoir : être forcé ou contraint à fuir ou à quitter son foyer ou son lieu de résidence habituel,
et ne pas franchir les frontières de l’État de résidence.
La définition adoptée doit également prendre en compte toutes les causes de déplacement
identifiées. La loi doit couvrir les « projets de développement de vaste envergure173 » ou
« projets de développement174 » qui seraient susceptibles d’avoir un effet significatif sur la vie
des populations. Cette extension pourrait englober d’autres causes, telles que le changement
climatique et/ou les catastrophes naturelles (la sécheresse par exemple).
De même, les lois sur les personnes déplacées doivent nécessairement leur reconnaître le
droit d’être protégé contre les discriminations. Celles fondées sur la situation de déplacement
et les discriminations vis-à-vis des autres PDI ainsi que des personnes ou communautés non
déplacées. Les constitutions garantissent clairement le principe de non-discrimination, en
réaffirmant l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans aucune distinction 175. Ainsi,
conformément à la loi fondamentale en vigueur dans chaque Etat, il existe de manière
implicite une protection contre les discriminations fondées sur le fait d’être une personne
déplacée. Il serait cependant utile de rendre plus explicite la protection des PDI contre de
telles discriminations.
Rappelons que l’adoption d’un instrument spécifique au déplacement interne n’exclut pas
la nécessité d’introduire un certain nombre d’amendements législatifs supplémentaires
destinés à assurer sa mise en cohérence avec le droit interne actuel. En effet, une combinaison
des deux approches est nécessaire car elles se renforcent mutuellement et cela permet d’éviter
les contradictions entre différents instruments juridiques.
57
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO
Dans les situations de déplacement interne, le plaidoyer est un outil vital pour amener les
décideurs et les intervenants à adopter des pratiques et des politiques qui assurent la
protection des PDI. Afin de justifier son importance dans l’opérationnalisation de la
Convention de Kampala, il sied dans un premier temps d’exposer les raisons qui rendent
nécessaire la mise en œuvre d’une stratégie de plaidoyer (A). Dans un second temps, l’accent
sera mis en particulier sur la fonction prééminente du parlementaire dans la stratégie de
plaidoyer (B).
Il est important de sensibiliser les groupes concernés aux aspects essentiels du problème et
leur permettre de déterminer dans quelles conditions la Convention de Kampala et d’autres
normes internationales sont applicables au contexte national. Cela inclut les PDI elles-mêmes,
les communautés qui les accueillent, la société civile et les autorités publiques aux niveaux
central, régional et local. Les efforts visant à promouvoir l’éducation du public et à le
176 FISHER D., Guide to International Human Rights Mechanisms for Internally Displaced Persons and their
Advocates, The Brookings Institution-University of Bern Project on Internal Displacement, juin 2006. Voir
aussi Simon Bagshaw, Diane Paul, Protect or Neglect? Toward a More Effective United Nations
Approach to the Protection of Internally Displaced Persons, Brookings Institution-SAIS Project on
Internal Displacement and the United Nations, OCHA-IDD, novembre 2004, p.40.
58
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO
La stratégie de plaidoyer peut revêtir plusieurs formes. Elle peut consister à des activités de
plaidoyer « informelles » ou « officielles ». Les plaidoyers informels se déroulent en
permanence dans les crises humanitaires sous forme de conversations et de discussions entre
les principaux intervenants. Les activités de plaidoyer officielles quant à elles peuvent être
menées par les organisations humanitaires et les chefs de communauté à l’égard des autorités,
ou en déposant des recours devant la justice.
Les Etats doivent rechercher des occasions de mobiliser l’ensemble des parties prenantes
dans l’élaboration de la loi et sa mise en œuvre sur le terrain 177. La capacité d’informer les
citoyens et de communiquer correctement avec tous les acteurs concernés est un aspect
déterminant pour la réussite de la gestion des déplacements de population. La presse, la radio
et la télévision peuvent contribuer efficacement à brosser un tableau détaillé précisant
l’ampleur du problème. Il faut veiller en particulier à ce que les lois et les politiques (en projet
ou déjà adoptées) soient disponibles dans toutes les langues officielles du pays, ainsi que dans
les langues des parties prenantes les plus affectés 178.
177 MAHONEY L., « Proactive Presence: Field Strategies for Civilian Protection », Centre pour le dialogue
humanitaire, Genève, 2006.
178 Voir SPRECHMANN S. et PELTON E, Advocacy Tools and Guidelines, Promoting Policy Change,
CARE, janvier 2001, disponible sur www.care.org/getinvolved/advocacy/tools.asp. [Consulté le
15/11/2020]
59
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO
Le plaidoyer est ainsi un élément essentiel pour assurer un processus inclusif, allant de la
ratification de la Convention à sa mise en œuvre dans la pratique, en passant par sa
transcription dans le droit interne. Pour y parvenir avec succès, une mention spéciale doit être
faite de la fonction du parlementaire dans la stratégie de plaidoyer.
179 Sur la participation des parlementaires à des activités de plaidoyer et de sensibilisation visant à encourager
l’adoption d’instruments juridiques nationaux relatifs aux PDI, voir Haut-Commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés et Union interparlementaire, Personnes déplacées à l’intérieur de leur propre
pays : responsabilité et action – Guide à l’usage des parlementaires, HCR & UIP, Genève, 2013, sur
http://www.ipu.org/PDF/publications/displacement-f.pdf [consulté le 25 novembre 2020].
60
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO
l’échec. Le parlementaire devra donc déterminer comment orienter les fonds vers l’aide et la
protection des personnes déplacées. Il est impératif de prendre en compte l’ensemble des
besoins et vulnérabilités identifiés ainsi que les opinions des responsables opérationnels. Par
ailleurs, les fonds doivent être alloués de manière adéquate, prévisible et non discriminatoire.
Le Parlement a aussi une importante fonction de contrôle à exercer puisqu’il lui incombe
de s’assurer que l’exécutif assume les responsabilités qui lui sont assignées et applique
fidèlement les lois de la nation. En effet les lois ne sont efficaces que si elles sont appliquées.
Les parlementaires assument souvent ce rôle dans le cadre des commissions parlementaires.
Par ce biais ils ont la possibilité d’influer sur la législation et d’obliger le gouvernement à
rendre compte sur la manière dont il honore ses obligations nationales et internationales. Des
rapports et des informations seront en particulier demandés aux ministères responsables de
l’application de la loi sur les personnes déplacées et à l’ensemble des acteurs qui travaillent
localement et connaissent bien la question du déplacement.
Tel que mentionné précédemment, le suivi de la législation sur les personnes déplacées
incombe principalement aux acteurs nationaux responsables de la mise en œuvre des lois. Aux
parlementaires, il appartient de bien connaître les fonctions et les actions de suivi de ces
acteurs, de manière à appuyer efficacement leur travail. Ce qui implique de s’assurer qu’ils
disposent de la compétence légale nécessaire pour assumer leurs fonctions. Celles-ci doivent
être clairement définies par la loi. L’instauration d’un comité de pilotage est un moyen
efficace de superviser les aspects pratiques de l’application de la loi. Il peut prendre la forme
d’un comité consultatif et jouer un rôle essentiel pour la coordination. Les comités de pilotage
réunissent les différentes parties concernées afin d’élaborer les méthodes communes à mettre
en œuvre.
Force est de constater que dans la plupart des Etats d’Afrique de l’Ouest, le plaidoyer pour
la protection est un aspect souvent négligé de l’aide et de l’appui. Toutes les parties prenantes
ont pour autant l’obligation de permettre aux déplacés, notamment les membres de groupes
vulnérables, de connaître leurs droits et de les faire valoir. C’est seulement une fois cette étape
franchie que les Etats seront en mesure de réaliser l’objectif fondamental de la Convention à
savoir la mise en œuvre de solutions durables au phénomène du déplacement interne.
61
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO
Il incombe alors aux Etats d’orienter l’ensemble de leurs actions conformément à cet
objectif. La Convention de Kampala prévoit en ce sens un certain nombre de règles relatives à
l’issue du déplacement interne (§1). Cette règlementation doit ensuite être renforcée par un
accès facilité des déplacés internes aux mécanismes judiciaires (§2).
A ce titre, les Etats doivent mettre à la disposition des personnes déplacées internes un
processus par lequel elles peuvent faire un choix libre et en toute connaissance de cause sur
l’issue de leur déplacement (A). Ils doivent ensuite créer les conditions qui permettent aux
PDI de reconstruire leur vie de manière durable, par un encadrement efficace de la solution
adoptée (B).
62
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO
Ils les consultent sur toutes les options possibles, et s’assurent de leur participation à la
180
recherche de solutions durables ».
63
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO
64
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO
189
des conditions de sécurité et de dignité ». Les solutions ne peuvent donc être considérées
190
comme « durables » que si un certain nombre d’exigences sont remplies .
Les autorités compétentes doivent en effet créer des conditions propices à mettre un terme
au déplacement interne ou fournir aux déplacés internes les moyens nécessaires à cet effet. Il
existe quelques éléments-clés en matière de solutions durables et viables qui permettent aux
anciennes PDI de rester dans le lieu de leur choix et de s’y intégrer pleinement. Parmi elles,
figurent le rétablissement de la sureté et de la sécurité à long terme, l’accès au développement
économique et aux services de base, la restitution de la propriété, ainsi que la non-
discrimination. Les autorités doivent s’assurer que les personnes anciennement déplacées ne
subissent pas d’attaques, d’harcèlement, d’intimidation, de persécution ou toute autre forme
d'actions punitives à leur retour dans leur région d'origine ou leur installation dans d'autres
lieux.
Des facteurs politiques et liés à la sécurité, comme un conflit armé en cours, peuvent
entraver les solutions durables et même conduire à un déplacement prolongé ou un nouveau
déplacement. Il est important de rappeler à cet effet que les PDI ne devraient en aucune
circonstance subir des pressions ou être contraintes de rester, de se rendre ou de retourner
dans des lieux où leur vie, leur liberté, leur sécurité ou leur santé, seraient en danger.
Conformément à ce principe, des programmes de retour organisé soutenus par les autorités ne
devraient démarrer que lorsqu’il est clair que les garanties minimales sont remplies pour que
les PDI rentrent en toute sécurité. Dans les situations de déplacement pour cause de conflits,
de telles garanties ne sont présentes qu’après la signature d’un accord de cessez-le-feu ou
d’un règlement officiel du conflit. Les Etats doivent assurer, lors des pourparlers sur des
accords de paix, que toutes les parties s’engagent au travers d’obligations spécifiques à créer
les conditions pour le retour volontaire, l’intégration locale ou la réinstallation dans une autre
partie du pays et l’intégration socio-économique des PDI.
Au Mali par exemple, l’Accord de 2015 pour la paix et la réconciliation issu du processus
d’Alger contient un chapitre consacré aux questions humanitaires. Les parties s’y engagent à
créer les conditions nécessaires pour faciliter le retour rapide, le rapatriement et la
65
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO
191
réintégration des déplacés internes et des réfugiés . De même, au Libéria, un atelier organisé
en 2014 a réuni les principales parties prenantes afin d’examiner comment la Convention de
Kampala pourrait être mieux mise en œuvre dans le Libéria d’après le conflit. Les participants
ont identifié une série d’actions de suivi dont une démarche auprès du gouvernement, lui
demandant de renforcer ses capacités et d’engager davantage de ressources dans les
programmes de réintégration et de réconciliation pour les personnes déplacées pendant de
192
longues périodes .
Il est également indispensable, comme nous l’avons souligné, que les personnes
anciennement déplacées aient accès aux dispositifs de restitution ou d'indemnisation. Ce
critère primordial de la mise en œuvre de solutions durables nécessite une étude plus
approfondie, dans le contexte plus général de l’accès aux mécanismes judiciaires.
Afin de garantir un accès sans entrave aux mécanismes judiciaires dans la mise en œuvre
de la Convention de Kampala, les autorités compétentes doivent d’abord s’assurer de la
définition expresse des infractions liées au déplacement interne (A). Ils doivent ensuite veiller
à la réparation des dommages subis par les personnes affectées tout au long de leur
déplacement (B).
191 Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, Chapitre 15, articles 47 et 48, p. 13, sur
https://bamada.net/document-delaccord-pour-la-paix-et-la-reconciliation-au-mali-issu-du-processus-dalger
[consulté le 20 octobre 2020].
192 IDMC, Workshop Report - Domesticating the Kampala Convention : Law and Policy Making, IDMC,
Genève, 2014 (à propos du soutien apporté au processus national engagé au Liberia en vue de la
ratification et de la mise en œuvre de la Convention de Kampala), disponible en anglais sur
http://www.internal-displacement.org/assets/publications/2014/201407-af-kampala-convention-law-
policyworkshop-report-en.pdf [consulté le 15 août 2020].
193 Notre étude met l’accent sur l’État de droit et l’accès à la justice et ne traite pas d’autres formes de justice,
comme la justice sociale ou distributive.
66
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO
La pénalisation du déplacement arbitraire constitue une obligation légale pour tous les
États parties à la Convention de Kampala. Le fait de renforcer le cadre juridique interne en la
matière permettra aux États parties de s’assurer de la responsabilité pénale individuelle des
auteurs devant les tribunaux nationaux. Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale,
qui identifie principalement les délits internationaux, prévoit que les actes de déplacement
arbitraire peuvent être assimilés à un génocide, à des crimes de guerre ou à des crimes contre
197 198
l’humanité . Ces infractions sont déclarées, par la Convention, punissables par la loi .
Dans la plupart des États membres de la CEDEAO, la législation en vigueur prévoit déjà la
pénalisation d’actes de déplacement arbitraire ou forcé. Dans leur législation de mise en
œuvre des Conventions de Genève et/ou du Statut de la Cour pénale internationale, les Etats
ont assimilé les actes de déplacement forcé à des crimes, tant dans les conflits armés
199
internationaux que non internationaux . Les États de tradition juridique moniste s’appuient
également sur la Constitution, qui transpose automatiquement les traités internationaux dans
200
le droit interne . Mais de manière générale, cela ne permet pas de mener à bien le processus
67
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO
de mise en œuvre nationale. Par exemple, les dispositions de la Convention de Kampala ayant
trait à la responsabilité pénale seront probablement inapplicables ou contraires au principe de
légalité si des sanctions ne sont pas spécifiquement prévues à cet effet par la loi.
Dans la pratique, les infractions visées dans la Convention ne donnent lieu aujourd’hui
qu’à peu (ou pas) de poursuites devant les tribunaux nationaux. L’absence de dispositions
pénales spécifiques dans les divers ordres juridiques nationaux constitue assurément l’une des
principales causes sous-jacentes de l’insuffisance de la mise en œuvre des obligations issues
de la Convention. Ces dernières pourraient en effet être plus explicites dans la législation
nationale pertinente. Ainsi, le Niger a défini un certain nombre d’infractions à l’encontre des
201 202
personnes déplacées d’une part, et relatives à l’aide et au personnel humanitaire d’autre
part. Ces différentes infractions sont assorties de peines conséquentes, garantissant ainsi la
légalité des délits et de la réponse en matière de protection des déplacés internes.
Les voies de recours impliquent un accès égal et efficace à la justice et une réparation
adéquate, effective et rapide du préjudice subi. Ainsi, les victimes ont le droit à une
réparation, y compris une compensation pour la perte de parents proches, pour la destruction
68
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO
204
de leur propriété et pour la perte de revenus pendant leur déplacement . Selon les termes de
la Convention de Kampala, « les États parties mettent en place un cadre juridique adéquat
aux fins d’apporter une compensation juste et équitable, et de fournir d’autres formes de
réparation, le cas échéant, aux personnes déplacées pour les dommages résultant du
205
déplacement ».
La réparation peut prendre plusieurs formes, notamment la restitution qui vise à restaurer
la situation antérieure au déplacement arbitraire et l’indemnisation de dommages
économiquement évaluables. La restitution est généralement la solution préférée car elle
répare à la fois le tort causé et facilite le retour et la réintégration dans la région d’origine. Elle
implique le retour des biens perdus à leur propriétaire légal. Une indemnisation, en numéraire
ou en nature, peut être donnée au lieu d’une restitution dans les cas où celle-ci est impossible
ou irréalisable. Par exemple pour des raisons de sécurité ou d’intérêt public et/ou quand les
déplacés internes optent de façon consciente et volontaire pour des solutions durables fondées
sur une indemnisation. Les déplacés internes reconnaissent en conséquence que le choix d’une
204 Assemblée générale des Nations Unies, Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un
recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme
et de violations graves du droit international humanitaire, Doc. A/RES/60/147 (2006), par. 12.
205 Convention de Kampala, article 12.2 ; DIHC, règles 150 & 133 ; En vertu du droit international
humanitaire (DIH), les États responsables de violations du DIH sont tenus de réparer intégralement les
pertes ou blessures causées (Protocole I, art. 91 ; DIHC, règle 150).
206 Sous-Commission des droits de l’Homme des Nations Unies, Principes concernant la restitution des
logements et des biens dans le cas des réfugiés et des personnes déplacées, U.N. Doc. E/CN.4/
Sub.2/2005/17, 2005.
207 PIDCP, article 2 (3); CAmDH, article 25; CEDH, article 13 ; Voir également, Sous-Commission des
droits de l’Homme, « Restitution des logements et des biens dans le cas des réfugiés et des personnes
déplacées ».
69
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO
En cas de catastrophes naturelles, les autorités peuvent toujours être tenues responsables
d’avoir été incapables d’assurer une protection adéquate. Si cette inaction a pour conséquence
un déplacement aggravé et des pertes humaines et matérielles, les victimes ont le droit de
recourir à la justice. Les autorités doivent donc prendre toutes les mesures possibles, dans le
respect des garanties découlant du principe de la sécurité juridique et des autres obligations
imposées par les droits de l’Homme, pour que les différentes responsabilités soient engagées
et que le préjudice causé soit réparé.
La réparation n’est possible que par l’existence d’un cadre normatif efficace de protection
des PDI sur le plan national. D’où l’importance pour les Etats membres de la CEDEAO,
parties à la Convention, de s’acquitter de cette responsabilité. Par ailleurs, la mise en œuvre
des normes relatives au déplacement interne nécessite, pour être effective, l’existence d’un
cadre institutionnel bien organisé.
208 Comité Inter-organisations, Manuel sur la restitution des logements et des biens des réfugiés et personnes
déplacées. Pour la mise en œuvre des « Principes Pinheiro », mars 2007, 107 p.
70
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO
CHAPITRE II.
Désormais en vigueur, les normes élaborées par la Convention de Kampala doivent être
respectées et appliquées sans discrimination par tous les acteurs qui ont la charge des PDI. La
nécessité d’une réponse globale à la question du déplacement interne exige des États qu’ils
mettent en place un ensemble de structures de gouvernance nationales et locales qui
contribuent à la prévention du déplacement, la protection et l’assistance des PDI, et à la mise
en œuvre de solutions durables.
L’adoption d'une stratégie nationale concernant les déplacements internes est une mesure
distincte, mais complémentaire, de celle d'une législation nationale. En effet, l’article 3 de la
Convention stipule aussi que les États parties adoptent « toutes autres mesures » permettant
71
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO
211
d’incorporer les obligations énoncées dans leur droit interne . Cette disposition fait
référence aux politiques et stratégies nationales ou régionales concernant les personnes
déplacées.
Pour parvenir à ces objectifs, il est indispensable que les institutions responsables
disposent de données fiables et allouent les ressources suffisantes. Les autorités exécutives
sont en effet responsables de la collecte de données concernant le nombre de déplacés
72
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO
internes, leur localisation et leurs conditions de vie. Ces informations constituent une base
essentielle permettant de mettre en place des politiques et des programmes efficaces et
d’alerter l’opinion publique, les autorités pertinentes et la communauté internationale sur
l’étendue du problème. La Convention de Kampala stipule à cet effet que « les États parties
peuvent créer et maintenir un registre à jour de toutes les personnes déplacées dans leur
juridiction ou sous leur contrôle effectif. Ce faisant, les États parties peuvent travailler en
collaboration avec les organisations internationales, les agences humanitaires ou les
212
organisations de la société civile ». Dans certains cas, les gouvernements nationaux
peuvent toutefois être réticents à reconnaitre la présence de déplacés internes sur leur territoire
et les données les concernant peuvent être contestées.
Il est également important de souligner qu’il incombe aux autorités exécutives nationales
de mobiliser et d’allouer des ressources suffisantes pour répondre aux besoins des déplacés
73
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO
Les autorités nationales doivent à ce titre, procurer « autant que possible, les fonds
nécessaires pour la protection et l’assistance aux personnes déplacées, sans préjudice de la
215
réception de l’aide internationale ». Ils doivent ainsi s’assurer, en rédigeant les lois et les
politiques, d’avoir une compréhension réaliste des fonds budgétaires, des ressources humaines
et des biens humanitaires disponibles. Ils pourront ensuite allouer la juste quantité de
ressources pour répondre à des besoins clairement compris et établis par ordre de priorité. A
titre d’exemple, la loi adoptée par le Niger prévoit la création d’un fonds de protection et
216
d’assistance aux personnes déplacées et prévoit que les ressources de ce fonds proviennent
217
de l’Etat, des collectivités territoriales et des partenaires techniques et financiers .
Les autorités exécutives doivent aussi s’assurer de la participation de tous les acteurs
déterminants pour l’efficacité de la stratégie nationale. Parmi ces acteurs, les autorités
décentralisées occupent une place non négligeable qui mérite d’être relevée.
Bien que les décisions de politique nationale soient prises au niveau central, l’implication
des autorités gouvernementales locales est essentielle pour la mise en œuvre et la coordination
des activités de protection et d’assistance sur le terrain. Les autorités décentralisées jouent
également un rôle crucial pour permettre l’accès aux déplacés internes et aux autres
populations vulnérables. En outre, lorsque les autorités nationales n’ont pas les capacités
74
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO
suffisantes, il arrive que les autorités provinciales, régionales ou locales soient les principaux
interlocuteurs des organisations humanitaires.
Dans certains pays, où les structures de direction traditionnelles détiennent le pouvoir (le
Burkina Faso par exemple), il peut aussi être nécessaire d’être en contact avec leurs dirigeants
et les fonctionnaires du gouvernement local. Au Mali, le Ministère de la Solidarité et de
l’Action Humanitaire (qui est chargé des questions relatives aux PDI) compte des
représentants non seulement dans la capitale, mais aussi aux niveaux régional et local. Ce
dispositif assure une bonne coordination et une bonne coopération entre les différents
niveaux. Il reflète l’importance du rôle que les administrations locales peuvent jouer en
218
facilitant les interventions en faveur des PDI .
En situation de crise, les autorités locales ont souvent du mal à répondre aux besoins des
219
personnes touchées, notamment les personnes déplacées . Généralement à court de
ressources humaines et financières, elles dépendent des ressources fournies par les autorités
nationales et, dans certains cas, par la communauté humanitaire internationale. La capacité de
réponse varie également entre les petites et les grandes villes, un problème qui doit être pris
en compte dans les interventions et investissements futurs visant à faire face aux défis
220
associés aux déplacements internes .
Ainsi, il est important d’impliquer l’ensemble des ministères pertinents et des autres
organes gouvernementaux tant au niveau national que local. Dans les cas où le déplacement
75
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO
touche une zone particulière d’un pays, la participation des autorités locales est indispensable.
L’élaboration d’un instrument national devrait être un processus ascendant (de la base vers le
sommet), initié à partir d’une consultation dans les zones touchées afin de refléter pleinement
la réalité vécue sur place. En matière de règlement des différends, les autorités locales
concernées ont la responsabilité d'aider les personnes déplacées internes revenues ou
réinstallées à récupérer dans la mesure du possible leurs biens et possessions qu'ils ont laissés
derrière ou dont elles ont été dépossédées lors de leur déplacement.
A cet égard, les Etats doivent veiller à ce que les lois et les politiques désignent une
institution en charge de la coordination nationale (A). Ils sont également tenus de garantir la
mise en place d’un mécanisme national de suivi en matière de déplacement interne (B).
Aux termes de la Convention, les États parties doivent désigner « une Autorité ou un
Organe, si nécessaire, qui serait, chargé de la coordination des activités visant à assurer
l’assistance aux personnes déplacées et à assigner des responsabilités aux organisations
pertinentes en termes de protection et d’assistance et de coopération avec les organisations
76
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO
222
ou agences internationales compétentes et avec les organisations de la société civile ». Le
point focal national prend un certain nombre de formes dans la pratique dont notamment des
agences gouvernementales existantes avec des mandats spécifiques et qui sont aussi chargées
de la coordination pour les questions relatives aux PDI.
Cependant, par souci d’efficacité, il est préférable de prévoir une instance unique
responsable de la coordination de l’aide et de la protection des personnes déplacées. Les
attributions de l’instance de coordination seront inscrites dans la politique nationale ou la
législation, de manière à établir une certaine permanence institutionnelle et à manifester
l’engagement du gouvernement vis-à-vis des personnes déplacées. Pour inscrire cette autorité
nationale dans la loi sur les personnes déplacées, différentes méthodes sont possibles en
fonction de la spécificité du contexte politique national. La première consiste à la création
d’un service gouvernemental ou d’un portefeuille ministériel chargé de la question des
personnes déplacées.
Ensuite, il est également possible de mettre en place, en marge des services existants, une
autorité, une commission, un groupe d’orientation ou un groupe de travail chargé de la mise
en œuvre du cadre national relatif aux personnes déplacées. L’instance de coordination peut,
dans une autre optique, être située dans un ministère ou au sein d’une commission (il peut
éventuellement s’agir d’une unité ou d’une sous-commission dédiée aux personnes
déplacées). L’instance sera par exemple établie au sein du cabinet du Premier ministre ou du
Président, dans le ministère des Affaires sociales, du Développement ou de la Gestion des
catastrophes, ou encore au sein d’un service chargé des questions de migration ou des
réfugiés. Cette dernière approche a, par exemple, été retenue par l’Ouganda qui a attribué les
responsabilités de coordinateur national au département de la préparation aux catastrophes et
223
des réfugiés, au sein du cabinet du Premier ministre .
77
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO
224
Kampala . Au Niger, la loi sur les personnes déplacées prévoit la création d’un Comité de
225
coordination nationale de protection et d’assistance aux personnes déplacées internes . Au
Burkina Faso, le Conseil national de secours d'urgence et de réhabilitation (CONASUR), un
organisme du gouvernement ayant la responsabilité des interventions en cas de catastrophe a
été en mesure de répondre de manière rapide aux crises à court terme.
Il ressort ainsi de ce qui précède qu’il est important de mettre en place une institution de
coordination de la réponse aux situations de déplacement interne. Afin de contrôler
l’effectivité du cadre de protection, il est aussi nécessaire de compléter cette démarche par
l’institution un mécanisme de suivi à l’échelle nationale.
Dans la plupart des cas, l’organe idéal pour surveiller la mise en œuvre de lois et politiques
relatives au déplacement interne est l’institution nationale des droits de l’Homme établie
226
conformément aux Principes de Paris ou l’Ombudsman. Le Ministère de la Justice et le
Procureur général peuvent également jouer un rôle de surveillance important. La définition du
rôle de surveillance doit dans tous les cas être suffisamment large pour garantir la cohérence
227
et l’efficacité des réponses nationales au déplacement . Les institutions nationales des droits
224 République du Mali, Décision No. 2016/0109 du Ministre de la Solidarité, de l’Action Humanitaire et de la
Reconstruction du Nord, 28 April 2016, en dossier au CICR.
225 République du Niger, Loi n° 018-74, op cit., article 26 1).
226 Assemblée générale de l’ONU, Principes concernant le statut et le fonctionnement des institutions
nationales pour la protection et la promotion des droits de l’homme (Principes de Paris), UN Doc.
A/Res/48/134 (20 décembre 1993). L’importance des INDH dans la protection des déplacés internes a
également été soulignée dans les résolutions de la Commission des Nations Unies sur les Droits de
l’Homme. Voir notamment la Résolution 2004/55 (20 avril 2004), paragraphes. 18 et 21 ; et la Résolution
2003/51 (23 avril 2003), paragraphes 18 et 21.
227 Pour plus d’informations sur les mesures spécifiques que peuvent prendre les INDH pour surveiller
efficacement les actions menées pour répondre au problème de déplacement, voir Institut Brookings-
Université de Berne : projet sur les déplacements internes, Faire face au problème du déplacement de
78
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO
Le positionnement unique des INDH leur donne une crédibilité et un accès à des
informations dont disposent rarement les fonctionnaires gouvernementaux ou les ONG. Tout
en appartenant aux institutions de l’État, elles peuvent néanmoins émettre des critiques
objectives relatives au gouvernement et à d’autres acteurs étatiques. En qualité d’institutions
nationales, elles ont une bonne compréhension du pays, de l’environnement social et politique
228
dans lequel elles opèrent et des acteurs nationaux clés .
229
Au Mali, par exemple, La Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH)
pourrait jouer un rôle significatif dans ce domaine à condition de se voir octroyer un mandat
explicite et des moyens adéquats pour y parvenir. Elle a pour mission de contribuer à la
promotion et au respect des droits de l’Homme par des conseils, des propositions et des
230
évaluations dans le domaine des droits de l’Homme et des libertés fondamentales . Bien que
la protection des personnes déplacées internes n’entre pas explicitement dans son mandat, son
action au service de la promotion du respect des droits de l’Homme est directement applicable
à la question des PDI. À ce jour, le rôle joué par la CNDH dans le sort des PDI reste modeste,
même si le sujet constitue une de ses préoccupations constantes comme cela est reflété dans
231
ses rapports annuels .
L’efficacité des institutions nationales des droits de l’Homme dépend en grande partie de
leur mandat spécifique, de leur degré d’indépendance par rapport au gouvernement et de la
disponibilité adéquate de personnel et de ressources. Le principal défi, dans les Etats membres
de la CEDEAO, est d’éviter que les INDH soient trop étroitement associées aux
gouvernements et manquent d’indépendance et de crédibilité. Si les INDH s’impliquent
personnes à l’intérieur de leur propre pays : Cadre normatif précisant les responsabilités des Etats, 2005,
pp.19-21 ; IASC, La protection des personnes affectées par des catastrophes naturelles : Les directives
opérationnelles sur les droits de l’homme et les catastrophes naturelles, section 1.4 (2007).
228 GOMEZ Mario, « National Human Rights Commissions and Internally Displaced Persons, An Occasional
Paper », Brookings–SAIS Project on Internal Displacement, juillet 2002,
http://www.brookings.edu/fp/projects/idp/articles/gomez2002.pdf.
229 Après plusieurs tentatives infructueuses de mise en place d’une telle institution, la Commission est
finalement créée par la loi n°09-042 du 19 novembre 2009.
230 Loi relative à la CNDH, article 2.
231 Rapport CNDH 2012, §.1.1.8, pp.24-26 ; Rapport CNDH 2013, §.C.3., pp.47-48 ; Rapport CNDH 2014,
§.C3.3, pp.22-23.
79
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO
activement dans la surveillance et la critique des gouvernements, cela peut en effet créer un
ressentiment et des représailles de la part des gouvernements à leur encontre. C’est pourquoi il
est préférable que les lois et les politiques nationales mettent en place des institutions
spécifiques chargées de la question du déplacement interne. Le cas du Niger est illustratif en
ce sens que la loi sur les personnes déplacées prévoit la création d’un Observatoire national de
232
prévention et de coordination .
Cependant, il faut noter le manque de ressources auquel les Etats de la sous-région peuvent
faire face ainsi que la complexité et la sensibilité de la question du déplacement interne. Il est
préférable que les Etats membres de la CEDEAO unissent leurs ressources et leurs expertises
afin de créer un cadre unique et harmonisé de protection des personnes déplacées. Cette
question semble être, à l’heure actuelle, d’une importance considérable en raison notamment
de la préoccupation commune des Etats face aux catastrophes naturelles et leur volonté
manifeste de prévenir les conflits et ses effets.
La CEDEAO est l’une des principales organisations sous régionales de l’Afrique. Son
Parlement, sa Cour de Justice et sa Commission s’engagent de plus en plus dans les questions
humanitaires, notamment le déplacement interne. Elle a ainsi un rôle non négligeable à jouer
dans le renforcement des efforts visant à appliquer pleinement la Convention de Kampala.
Il faut rappeler qu’un travail important a été effectué et est en cours pour répondre aux
besoins de protection et d’assistance des personnes déplacées dans la sous-région. Cependant,
il est davantage souhaitable de promouvoir la mise en œuvre de la Convention de Kampala et
renforcer plus largement la capacité des États à prévenir les déplacements et à y répondre. A
ce titre, les Etats pourraient appeler à la ratification et l’intégration de la Convention à
l’échelle régionale. Ils peuvent aussi encourager l’échange d’expériences dans l’élaboration et
l’application des lois et des politiques sur les déplacements internes,
80
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO
renforcement des instruments sous régionaux de protection (§1), et d’autre part, par une mise
en œuvre renforcée de la coopération multilatérale (§2).
Dès son origine, la CEDEAO a inscrit la liberté de mouvement des personnes au cœur de
son projet politique et s’est intéressée aux flux migratoires de la région. Le traité fondateur de
la CEDEAO, qui consacre un seul article sur cette question que le chapitre IV a libellé
« Liberté de mouvement et de résidence », s’est révélé insuffisant. Cette lacune est corrigée
par des dispositions additionnelles qui traitent des aspects spécifiques liés à cette liberté. Dans
cette optique, les Etats de l’Afrique de l’Ouest ont adopté le Protocole sur la libre circulation
233
des personnes, le droit de résidence et d'établissement en 1979. Ce texte ainsi que les
quatre protocoles additionnels adoptés par la suite constituent une avancée majeure en matière
de liberté de mouvement. Il en est ainsi par exemple de la notion de « migrants » qui, au-delà
233 Protocole A/P1/5/79 relatif à la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d’établissement,
Dakar, 29 Mai 1979, consultable au http://www.comm.ecowas.int/sec/index.php?id=ap010579&lang=fr.
81
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO
234
de la perception péjorative qui caractérise le phénomène migratoire en Afrique , est codifiée
235
à travers les actes juridiques de la CEDEAO . Cette catégorie de personnes est ainsi soumise
236
à un régime de droits et d’obligations défini par les textes communautaires .
234 Dans le contexte de crise sociale que connaissent de nombreux pays africains du fait de la récession
économique ou des conflits politiques, les phénomènes migratoires se sont intensifiés depuis deux
décennies, non seulement sur le plan interne, mais aussi au-delà des frontières nationales.
235 Voir le Protocole additionnel au Traité CEDEAO portant code de conduite pour l’application du
protocole sur la libre circulation des personnes. Le Protocole additionnel définit le migrant comme étant
« le ressortissant d’un État membre de la Communauté, qui s’est déplacé de son pays d’origine pour se
rendre sur le territoire d’un autre État membre de la Communauté ».
236 La notion de « migrant irrégulier » s’applique aux termes du Protocole ci-dessus à « tout migrant, citoyen de
la Communauté, qui ne remplit pas les conditions prévues par les dispositions des différents Protocoles
relatifs à la libre circulation des personnes, de droit de résidence et d’établissement ».
237 CEDEAO-Secrétariat Exécutif, Protocole A/P1/12/99 relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de
Règlement des Conflits, de Maintien de la Paix et de la Sécurité, Lomé, 10 décembre 1999.
238 CEDEAO-Secrétariat Exécutif, Protocole A/SP1/12/01 sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance
additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de Gestion, de règlement des conflits, de
maintien de la Paix et de la Sécurité, Dakar, 21 décembre 2001
239 Commission de la CEDEAO, Rapport annuel 2015, La CEDEAO après 40 années : réalisations, défis et
perspectives, Abuja, novembre 2015.
82
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO
(ECOWARN), tel que suggéré dans l’article 58 du Traité révisé de la CEDEAO, a été établi
et comprend notamment des indicateurs sur le déplacement interne. L’Unité de protection des
enfants a également intégré la question du déplacement interne à son travail et à ses missions
dans la région.
Toutefois, il faut rappeler que l’efficacité de ces instruments a été relativisée par
l’insuffisance de leur mise en œuvre par les Etats membres. Quoi qu’il en soit, la complexité
des situations de déplacement interne, ainsi que la nécessité d’harmoniser la protection au
niveau sous régional, rend indispensable l’adaptation du cadre de protection des personnes
déplacées. C’est ce qui nous amènera à poser l’éventualité d’une intégration de la Convention
de Kampala dans le droit communautaire.
240 CEDEAO, Expériences comparatives en matière de mise en œuvre de la Convention de Kampala en Afrique
de l’Ouest, Série d’échanges régionaux, Dakar-Sénégal, 21-22 mars 2019.
83
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO
Les orientations, communément appelées « directives » sont des textes cadres obligeant ses
destinataires, c’est à dire les Etats membres, quant à l’objectif à atteindre, tout en leur laissant
une totale liberté d’appréciation quant au choix des moyens à utiliser à cette fin. C’est dire
que les modalités pratiques d’insertion des directives communautaires en droit interne sont
241
laissées à l’entière discrétion des Etats membres . Quant aux règlements, ils représentent un
moyen par lequel la Convention de Kampala peut faire l’objet d’une introduction directe dans
l’ordre juridique interne, indépendamment de toute ratification et de toute mesure nationale de
publication. C’est-à-dire que l’intervention du pouvoir législatif national ou du pouvoir
réglementaire n’est pas nécessaire dans ce contexte. Dans le cadre de l’Union Européenne, par
exemple, les Etats membres de l’Union ont admis l’effet direct des règlements
242
communautaires dès lors qu’ils sont publiés au Journal officiel de l’Union Européenne .
Dans l’espace CEDEAO, l’intégration de la Convention serait plus effective si elle était
effectuée par l’intermédiaire d’une décision de la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement ou par l’adoption d’un acte additionnel. Les décisions de la Conférence ont en
243
effet force obligatoire à l'égard des Etats Membres et des Institutions de la Communauté .
Les actes additionnels sont quant à eux, annexés au Traité de la CEDEAO dont ils font partie
intégrante. Le Conseil des Ministres peut également adopter une directive sur délégation de la
Conférence, ou un règlement visant à introduire la Convention dans le système normatif de la
Communauté. Les règlements du Conseil ont de plein droit, force obligatoire à l'égard des
244
Etats Membres après leur approbation par la Conférence et ont d'office force obligatoire en
cas de délégation de pouvoirs de la Conférence.
241 Pour le droit communautaire européen, Cf., entre autres, l’article 189 du traité du 25 mars 1957 instituant la
Communauté économique européenne (CEE), l’article 191 du traité de Maastricht du 7 février 1992
instituant l’Union Européenne, et l’article 249 du traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997; pour le droit
communautaire ouest africain, Cf. l’article 43 du traité de Dakar du 10 janvier 1994 instituant l’Union
économique et monétaire ouest africaine (UEMOA).
242 En application de l’article 189 du Traité de Rome de 1957 instituant la Communauté économique
européenne (article 191 du Traité de Maastricht du 7 février 1992 et article 249 du Traité d’Amsterdam du
2 octobre 1997). A cet égard, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a soutenu que le
droit communautaire dérivé directement applicable pénètre « dans l’ordre juridique interne sans le secours
d’aucune mesure nationale »; Cf. en ce sens, affaire 28/67, 19 décembre 1968, Firma Molkerei, in
Recueil, 1968, P. 228; affaire 106/77, 9 mars 1978, Simmenthal, in Recueil, 1978, P. 629). Il a également
été jugé que « le droit communautaire, indépendant de la législation des Etats membres, de même qu’il
crée des charges dans le chef des particuliers, est aussi destiné à engendrer des droits qui entrent dans
leur patrimoine juridique », Cf. CJCE, affaire 26/62, 5 février 1963, Van Gend en Loos, in Recueil, 1963,
P. 3.
243 Traité révisé de la CEDEAO, article 9.4.
244 Ibidem, Article 12.3.
84
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO
Cette nécessité d’harmoniser le droit relatif à la protection des personnes déplacées sera à
présent analysée sous un autre aspect. Il s’agit d’actions plus concrètes à mener sur le terrain,
qui démontrent l’importance de renforcer la coopération entre les Etats membres de la
CEDEAO.
Au nombre des obstacles à l’atteinte des objectifs de la CEDEAO figurent les conflits et
l’incidence des catastrophes naturelles et anthropiques qui se traduisent, entre autres, par le
déplacement forcé de populations. Cela justifie l’intérêt des Etats membres de s’engager
d’une part, à consolider la réponse multilatérale au déplacement forcé (A). D’autre part, les
Etats doivent adapter cette réponse aux problématiques nouvelles, au premier rang desquelles
se trouvent celles liées à la question environnementale (B).
245 Le Plan d’action de la CEDEAO sur le DIH (2019-2023) se trouve aux pages 60 à 71 de la publication
CEDEAO-CICR, Mise en œuvre du DIH en Afrique de l’Ouest, participation des pays de l’Afrique de
l’Ouest aux traités de droit international humanitaire (DIH) et leur mise en œuvre au niveau national,
rapport 2018, Août 2019. Disponible sur le lien suivant : https://www.icrc.org/fr/document/mise-en-
oeuvre-du-dih-en-afrique-de-louest-renouvellement.
85
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO
doivent s’appuyer sur une approche multiple, renforcée par un suivi rigoureux prenant en
compte les risques et les menaces à la vulnérabilité.
246
Particulièrement pertinente en Afrique de l’Ouest , une approche sous régionale
contribuerait à relever les défis liés à la prévention et la gestion des déplacements. Les articles
22 et 29 du Traité Révisé de la CEDEAO prévoient la coopération entre les Etats membres
afin de renforcer les institutions existantes et leur permettre d’assurer la gestion des crises.
Quant au Protocole relatif au Mécanisme de prévention, de Gestion et de Règlement des
Conflits, de Maintien de la paix et de la Sécurité, il prévoit l’élaboration de politiques
efficaces afin d’atténuer la souffrance des populations et de rétablir les conditions d’une vie
normale après des crises humanitaires complexes et de grande envergure247.
Au sein de la CEDEAO, la gestion des risques de catastrophes est assurée par la Direction
248
des affaires humanitaires et sociales (DAHS). De même, la Politique humanitaire de 2012
vise à standardiser la pratique humanitaire dans les États membres. Elle favorise un lien
équilibré entre l’action humanitaire, la sécurité humaine et le développement humain dans
tout l’espace de la CEDEAO sur la base du principe de la solidarité régionale. Elle reconnaît
plusieurs causes de déplacement, y compris les catastrophes, ainsi que le rôle du
249
réchauffement climatique dans l'aggravation de ces facteurs à risque . Cet intérêt croissant
manifesté par la CEDEAO pour la prévention des crises se justifie par sa volonté de remplir
sa mission en matière de paix et de sécurité notamment la gestion du volet humanitaire des
conflits. C’est ce qui a notamment conduit à ériger la prévention des catastrophes au rang de
250
thème opérationnel .
Dans le cadre d'un dialogue régional sur la protection et les solutions pour les déplacés
internes dans la région du Sahel, les Etats de la sous-région ont réaffirmé la nécessité d'une
meilleure coopération transnationale pour faire face aux déplacements et en améliorer le
246 HARILD N., VINCK P., VEDSTED S. et de BERRY P., Forced Displacement of and Potential Solutions
for IDPs and refugees in the Sahel –Burkina Faso, Chad, Mali, Mauritania & Niger,: World Bank,
Washington DC, 2013.
247 Préambule.
86
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO
251
suivi . Concernant les catastrophes et les conflits, une équipe d'intervention d'urgence de la
CEDEAO (EIUC/EERT) a été conçue pour venir en complément aux opérations de paix et
aux mécanismes d’interventions dans les situations d'urgence en Afrique de l'Ouest. Par
exemple, une telle équipe a été déployée au Mali en 2013. Au plan régional, la Commission
africaine des droits de l’Homme et des peuples, ainsi que son Rapporteur spécial sur les
réfugiés, les requérants d’asile et les personnes déplacées en Afrique sont expressément
mentionnés dans la Convention de Kampala. Des rôles spécifiques leur sont attribués en
252
termes de soutien et de surveillance de la mise en œuvre de la Convention . L’Union
Africaine en collaboration avec le Secrétariat du NEPAD, a également élaboré une stratégie
régionale Africaine de réduction des risques de catastrophes.
La question des catastrophes et, plus généralement, celle liée à l’environnement nécessite
une analyse plus approfondie. Les instruments de protection des personnes déplacées doivent
être améliorés de sorte à les adapter aux dispositions de la Convention de Kampala relatives
aux catastrophes naturelles. Le fait que l’espace CEDEAO soit, politiquement, un territoire
bien moins fragmenté que beaucoup d’autres régions du monde, nous semble être un atout
déterminant pour y parvenir.
87
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO
transfrontaliers. L’Afrique de l'Ouest se trouve donc face à une situation de déplacement très
complexe, à la fois en interne et au-delà des frontières nationales.
253 BLACK R., ADGER N., ARNELL N.W., DERCON S., GEDDES A. et THOMAS D., « The effect of
environmental change on human migration », Global Environmental Change 21, 2011, pp. 3-11 ; Building
Nigeria's Response To Climate Change - BNRCC, National Adaptation Strategy and Plan of Action on
Climate Change for Nigeria (NASPA-CCN), 2011. Disponible à l’adresse: www.nigeriaclimatechange.org,
consulté le 18/05/2020.
254 Les Droits de l’Homme affirment un droit « indirect » à entrer et à séjourner dans un pays d’accueil si le
retour vers le pays d'origine constitue un « traitement inhumain ». Toutefois, cela ne concerne pas toutes
les situations de déplacement. La Convention internationale sur la protection des droits de tous les
travailleurs migrants et des membres de leur famille (AG/ONU Res. 45/158), ratifiée par une majorité de
pays d’Afrique de l’Ouest, offre quant à elle une certaine protection pour les travailleurs étrangers ayant
migré pour des raisons climatiques, mais elle ne leur garantit pas un droit d'admission ou de séjour
permanent dans le pays d’accueil.
255 Organisation de l’Unité Africaine, Convention de l’OUA régissant les aspects propres aux problèmes des
réfugiés en Afrique, OUA, 1969, disponible sur http://www.au.int/fr/treaties/
256 La définition du terme « réfugié » posée par l’article I.2 fait référence aux « événements troublant
gravement l'ordre public » parmi les cause d’établissement dans un autre Etat, et pourrait, selon les
interprétations, référer ou non aux catastrophes. Dans tous les cas, les expériences passées relatives aux
conflits armés suggèrent que les Etats ont une approche relativement restrictive de la définition. Aucun
traité, et ni la Convention de 1969 de l’OUA, ne protège les personnes partant de chez elles en raison ou en
anticipation d’une catastrophe à évolution lente telle que la hausse du niveau des mers ou la désertification.
257 La décision A/DEC.5/10/98 résume ainsi la transhumance entre les différents pays de la CEDEAO.
88
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO
résider dans tous les pays de la communauté. Mais il ne contient pas de dispositions
spécifiques à l'aide humanitaire aux migrants ou à d'autres personnes résidant temporairement
sur le territoire d'un Etat258. Il subsiste aussi, pour les personnes déplacées, des barrières au
plein exercice de leurs droits. Par exemple, les démarches nécessaires pour obtenir des
documents légaux peuvent être extrêmement longues et complexes. Les personnes déplacées
risquent alors de tomber dans l’irrégularité de séjour si aucune prolongation ne leur est
accordée au-delà des trois mois initialement garantis par le Protocole.
Par ailleurs, une compréhension plus large des droits humains des personnes déplacées est
primordiale. C’est précisément ce qui permettra aux Etats membres de la CEDEAO
d’explorer une variété de perspectives afin de se conformer aux dispositions de la Convention
de Kampala. Du moins c’est ce qu’il faut déduire lorsqu’elle engage les Etats parties à
prendre « les mesures nécessaires » pour assurer protection et assistance aux personnes
victimes de déplacement interne en raison de catastrophes naturelles ou humaines y compris
261
du changement climatique .
258 Article 59 du Traité révisé de la CEDEAO (1993) : « Les citoyens de la Communauté ont le droit d’entrée,
de résidence et d’établissement, et les Etats Membres s’engagent à reconnaître ces droits aux citoyens de
la communauté sur leur territoire respectif, conformément aux dispositions des Protocoles y afférents ».
259 POWRIE E., Workshop Report: International Disaster Law Workshop For West African Stakeholders,
Genève : Fédération Internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 2012.
Disponible à l’adresse : http://www.ifrc.org/PageFiles/132696/, consulté le 17/05/2020.
260 L’Initiative Nansen se fonde sur le paragraphe 14(f) des accords de Cancún de 2010, de la Convention-
cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), qui appellent à des « mesures
propres à favoriser la compréhension, la coordination et la coopération concernant les déplacements, les
migrations et la réinstallation planifiée par suite des changements climatiques », ainsi que des principes de
Nansen, qui synthétisent les conclusions de la conférence de Nansen de 2011 sur les changements
climatiques et le déplacement. Voir Norwegian Refugee Council (NRC), The Nansen Conference:
Climate Change and Displacement in the 21st Century, The Nansen Conference, Oslo, 5-7 juin 2011.
Disponible à l’adresse: http://www.unhcr.org/4ea969729.html, consulté le 20/05/2020.
261 Convention de Kampala, article 5.4.
89
Conclusion
CONCLUSION
90
Conclusion
La Convention de Kampala se base sur les normes consacrées par le droit relatif aux droits
de l’Homme et par le droit international humanitaire. Elle définit les responsabilités qui
incombent aux dirigeants nationaux, aux organisations internationales, et à tous les autres
groupes et individus y compris les groupes armés dans leurs relations avec les PDI. Face au
nombre toujours croissant des personnes déplacées en Afrique de l’Ouest, l’élaboration et la
mise en œuvre de législations et de politiques relatives au déplacement interne tant au plan
national que sous régional est d’une grande importance. La complexité du phénomène exige
un engagement politique résolu qui doit se manifester sans équivoque par le démarrage d’un
processus normatif destiné à reconnaître l’existence du déplacement ainsi que les droits des
PDI. Le cadre juridique complet que constitue la Convention de Kampala offre aux États
membres de la CEDEAO l’occasion d’offrir une assistance aux PDI et garantir le respect de
leur dignité humaine et de leurs droits.
Les instruments sous régionaux fournissent aux législateurs et aux décideurs politiques une
opportunité d’atteindre un consensus sur les normes et les principes communs qui doivent être
respectés. Ils permettent aux États qui vivent une situation de déplacement d’apprendre les
uns des autres sur la façon d’affronter ce phénomène. Ces instruments offrent une plateforme
permettant une action concertée sur une question qui, bien souvent, a des conséquences
transfrontalières. Promouvoir des réponses adéquates au déplacement nécessite ainsi
l’engagement des gouvernements pour soutenir les personnes déplacées provenant des pays
voisins. Cela peut être le plus efficacement accompli en s'appuyant sur une institution de
coopération régionale telle que la CEDEAO, qui établit la liberté de circulation et le droit de
résidence et d'établissement pour tous les ressortissants de ses Etats membres.
91
Conclusion
262 CHARRIÈRE F. et FRESIA M., « West Africa as a Migration and Protection area », UNHCR, Genève,
2008. Disponible à l’adresse: http://www.refworld.org/docid/4a277db82.html, consulté le 11/05/2020.
92
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▪ Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 1998.
103
VII. JURISPRUDENCE
VIII. WEBOGRAPHIE
104
TABLE DES MATIERES
105
Résumé et mots-clés.......................................................................................................................... iv
Sommaire ........................................................................................................................................... v
Liste des abréviations ........................................................................................................................ vi
INTRODUCTION ....................................................................................................................................... 1
PARTIE I. LES OBLIGATIONS NORMATIVES DE MISE EN ŒUVRE DE LA
CONVENTION DE KAMPALA .................................................................................................. 10
Chapitre I. LA PREVENTION DU DEPLACEMENT INTERNE............................................ 12
Section I. La responsabilité de prévenir le déplacement interne...................................................... 12
§ 1. Une responsabilité clarifiée..................................................................................................... 13
A. La compétence souveraine de l’Etat ....................................................................................... 13
B. Le rôle notoire des acteurs non étatiques ................................................................................ 15
§ 2. Une responsabilité fondée sur la non-discrimination.............................................................. 17
A. L’égalité vis-à-vis des citoyens non déplacés ......................................................................... 18
B. La protection spécifique des groupes vulnérables................................................................... 20
Section II. La responsabilité de prévenir les causes multiples du déplacement interne .................. 22
§ 1. Une réponse adaptée aux catastrophes et au défi climatique .................................................. 22
A. La réduction des risques éventuels.......................................................................................... 23
B. L’atténuation des effets préjudiciables .................................................................................... 25
§ 2. Une réaction nécessaire aux effets du développement ........................................................... 27
A. La légitimité souhaitée des évictions forcées .......................................................................... 27
B. Les garanties consacrées à la procédure d’éviction ................................................................ 29
Chapitre II. LA PROTECTION DES PERSONNES DEPLACEES INTERNES .................... 32
Section I. Le régime juridique de protection des personnes déplacées internes .............................. 32
§ 1. Une protection axée sur les droits fondamentaux ................................................................... 33
A. Les droits relatifs à la sécurité et à la liberté de mouvement .................................................. 33
B. Les droits relatifs à la personnalité juridique et à la vie familiale ........................................... 35
§2. Une protection étendue aux droits et services sociaux de base ............................................... 37
A. Les droits liés aux besoins essentiels de la vie........................................................................ 38
B. Les droits patrimoniaux........................................................................................................... 40
Section II. Le devoir d’assistance aux personnes déplacées internes .............................................. 42
§ 1. Un devoir assigné aux autorités nationales ............................................................................. 42
A. L’accès facilité à l’aide humanitaire ....................................................................................... 42
B. La planification inclusive de l’assistance humanitaire ............................................................ 44
§2. Une coopération internationale encouragée ............................................................................. 46
A. L’admission d’une gamme variée d’intervenants ................................................................... 46
B. Les obligations relatives aux interventions humanitaires ....................................................... 48
PARTIE II. LES OBLIGATIONS OPERATIONNELLES DE MISE EN ŒUVRE DE
LA CONVENTION DE KAMPALA ............................................................................................ 51
Chapitre I. LA CREATION D’UN CADRE JURIDIQUE DE PROTECTION ....................... 53
Section I. L’incorporation effective de la Convention dans le droit interne des Etats .................... 53
§ 1. Une procédure législative d’incorporation.............................................................................. 54
A. La révision de la législation interne existante ......................................................................... 54
B. L’adoption d’une loi spécifique au déplacement interne ........................................................ 56
§ 2. Une procédure renforcée par un lobbying .............................................................................. 58
A. La nécessité d’entreprendre une stratégie de plaidoyer .......................................................... 58
B. La fonction prééminente du parlementaire dans la stratégie de plaidoyer .............................. 60
Section II. La mise en œuvre de solutions durables au déplacement interne................................... 62
§ 1. Une réglementation de l’issue du déplacement interne .......................................................... 62
106
A. La liberté de choisir l’issue du déplacement ........................................................................... 62
B. L’encadrement de l’issue adoptée ........................................................................................... 64
§ 2. Un accès facilité aux mécanismes judiciaires ......................................................................... 66
A. La définition explicite des infractions ..................................................................................... 67
B. La réparation des dommages liés au déplacement .................................................................. 68
Chapitre II. L’ETABLISSEMENT D’UN CADRE INSTITUTIONNEL DE
PROTECTION ........................................................................................................................... 71
Section I. L’adoption d’une stratégie nationale de protection des personnes déplacées ................. 71
§ 1. Une répartition des responsabilités institutionnelles............................................................... 72
A. Le rôle principal des autorités exécutives ............................................................................... 72
B. La participation des autorités décentralisées ........................................................................... 74
§ 2. Un impératif de coordination nationale .................................................................................. 76
A. La désignation d’une institution de coordination nationale .................................................... 76
B. La mise en place d’un mécanisme national de suivi ............................................................... 78
Section II. L’harmonisation de la protection des personnes déplacées au niveau sous
régional ...................................................................................................................................... 80
§ 1. Un renforcement indispensable des instruments sous régionaux ........................................... 81
A. Les instruments communautaires pertinents face au déplacement interne ............................. 81
B. L’intégration éventuelle de la Convention dans le droit communautaire ............................... 83
§ 2. Une mise en œuvre renforcée de la coopération multilatérale ................................................ 85
A. La consolidation de l’intervention multilatérale ..................................................................... 85
B. Sur la question environnementale : Vers une reconnaissance du déplacement
transfrontalier ? ...................................................................................................................... 87
CONCLUSION ......................................................................................................................................... 90
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................................... 93
I. OUVRAGES .................................................................................................................................... 94
II. MEMOIRES ET THESES.................................................................................................................. 95
III. ARTICLES ...................................................................................................................................... 95
IV. DICTIONNAIRE .............................................................................................................................. 96
V. MANUELS ET RAPPORTS .............................................................................................................. 96
VI. INSTRUMENTS JURIDIQUES .......................................................................................................... 99
VII. JURISPRUDENCE ................................................................................................................... 104
VIII. WEBOGRAPHIE ................................................................................................................... 104
TABLE DES MATIERES ......................................................................................................................... 105
107