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UNIVERSITE DE LOME

FACULTE DE DROIT
MEMOIRE DE MASTER DROIT PUBLIC

LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION DE KAMPALA DANS


L’ESPACE CEDEAO

ALKASSOUM ZAKARI Aboubacar

DIRECTEUR DU MEMOIRE
M. HOUNAKE Kossivi
Maître de conférences agrégé de droit public

ANNEE UNIVERSITAIRE 2019-2020


L'université de Lomé n'entend donner aucune approbation ni improbation
aux opinions émises dans ce document ; ces opinions doivent être considérées
comme propres à leur auteur.

i
Dédicace

À mes parents, pour tous leurs sacrifices.

ii
Remerciements

Je tiens à remercier Mr Kossivi HOUNAKE qui, par son dévouement, sa disponibilité et


son soutien, a accompagné notre promotion le long de cette aventure riche en
apprentissages et en échanges. Ma fierté est particulièrement grande, de pouvoir me
réclamer de «l’école de Lomé », et disciple de ses dignes représentants.

Merci à Mr Adam ABDOU pour son aide et sa disponibilité, pendant l’élaboration de ce


mémoire.

Toute ma gratitude va également à l’endroit de Mr Efoé KINI, Mr Essohana TONTASSE


et Mr Junior KODJO, pour l’intérêt qu’ils ont bien voulu porter à ce travail en acceptant de
faire partie du jury.

Merci enfin à Mr Oumarou NAREY et Mr Sékou KONE pour leurs conseils et leurs
orientations.

iii
RESUME ET MOTS-CLES
Titre : La mise en œuvre de la Convention de Kampala dans l’espace CEDEAO
Résumé
Tout premier instrument régional juridiquement contraignant relatif au déplacement
interne ayant été adopté au monde, la Convention de Kampala représente une avancée
historique pour promouvoir la responsabilité de l'État dans la protection et l'assistance aux
personnes en situation de déplacement interne. Chaque année, les conflits, la violence, les
catastrophes et les projets de développement contraignent des millions d’Africains à laisser
leur foyer, leur communauté et leurs moyens de subsistance derrière eux. La Convention
de Kampala met en place un cadre juridique africain pour prévenir les déplacements
internes, pour protéger et aider les personnes pendant le déplacement, et pour fournir des
solutions durables aux personnes déplacées. Cette étude se base sur les tendances actuelles
du déplacement interne en Afrique de l’Ouest et met la lumière sur le contenu des
obligations qui incombent aux Etats parties à la Convention vis-à-vis de leurs déplacés
internes. Elle réaffirme également que la prise en compte des déplacements internes dans le
cadre d'initiatives communautaires plus larges représente une opportunité pour les Etats
membres de l’espace CEDEAO.
Mots-clés
Convention de Kampala – Personnes déplacées internes – Protection – Assistance –
Responsabilité de l’Etat – CEDEAO.

SUMMARY AND KEYWORDS


Title : The implementation of the Kampala Convention in ECOWAS region
Abstract
As the first legally binding regional instrument on internal displacement to be adopted
in the world, the Kampala Convention represents a great step forward in promoting the
national responsibility in the protection and assistance of internal displaced persons
(IDP’s). Every year, conflict, violence, disasters and development projects force millions
of Africans to leave their homes, communities and livelihoods behind. The Kampala
Convention establishes an African legal framework to prevent internal displacement, to
protect and assist people during displacement, and to provide durable solutions to
displaced people. This study is based on current trends in internal displacement in West
Africa and sheds light on the content of the obligations incumbent on States Parties to the
Convention vis-à-vis their IDP’s. It also reaffirms that taking internal displacement into
account within the framework of broader community initiatives represents an opportunity
for the Member States of the ECOWAS region.
Keywords
Kampala Convention – Internal displaced persons – Protection – Assistance – National
responsibility – ECOWAS.

iv
SOMMAIRE
Résumé et mots-clés .................................................................................................................... iv
Sommaire ...................................................................................................................................... v
Liste des abréviations................................................................................................................... vi
INTRODUCTION .................................................................................................................................. 1
PARTIE I. LES OBLIGATIONS NORMATIVES DE MISE EN ŒUVRE DE LA
CONVENTION DE KAMPALA ............................................................................................. 10
Chapitre I. LA PREVENTION DU DEPLACEMENT INTERNE ...................................... 12
Section I. La responsabilité de prévenir le déplacement interne ................................................ 12
Section II. La responsabilité de prévenir les causes multiples du déplacement interne ............. 22
Chapitre II. LA PROTECTION DES PERSONNES DEPLACEES INTERNES .............. 32
Section I. Le régime juridique de protection des personnes déplacées internes ......................... 32
Section II. Le devoir d’assistance aux personnes déplacées internes ......................................... 42
PARTIE II. LES OBLIGATIONS OPERATIONNELLES DE MISE EN ŒUVRE DE
LA CONVENTION DE KAMPALA ....................................................................................... 51
Chapitre I. LA CREATION D’UN CADRE JURIDIQUE DE PROTECTION ................. 53
Section I. L’incorporation effective de la Convention dans le droit interne des Etats ............... 53
Section II. La mise en œuvre de solutions durables au déplacement interne ............................. 62
Chapitre II. L’ETABLISSEMENT D’UN CADRE INSTITUTIONNEL DE
PROTECTION ..................................................................................................................... 71
Section I. L’adoption d’une stratégie nationale de protection des personnes déplacées ............ 71
Section II. L’harmonisation de la protection des personnes déplacées au niveau sous
régional ................................................................................................................................. 80
CONCLUSION .................................................................................................................................... 90
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................... 93
TABLE DES MATIERES.................................................................................................................... 105

v
LISTE DES ABREVIATIONS
CADHP Charte Africaine des Droits de l’Homme et des peuples
CAmDH Convention américaine relative aux droits de l’Homme
CarDH Charte arabe des droits de l’Homme
CDE Convention relative aux droits de l’enfant
CEDEAO Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest
CEDEF Convention sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination à l’égard des femmes
CEDH Convention européenne des droits de l’Homme
CEDR Convention internationale sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination raciale
CG IV Convention de Genève relative à la protection des personnes
civiles en temps de guerre
CIJ Cour internationale de justice
CPI Cour pénale internationale
CSE Charte sociale européenne
CTM Convention internationale sur la protection des droits de
tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille
DADDH Déclaration américaine des droits et devoirs de l’Homme
DIH Droit international humanitaire
DIHC Droit international humanitaire coutumier
DUDH Déclaration universelle des droits de l’Homme
HCR/UNHCR Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés
IDMC Observatoire des situations de déplacement interne
INDH Institution nationale des droits de l’Homme
NRC Conseil norvégien pour les réfugiés
OCHA Bureau de coordination des affaires humanitaires
OIT Organisation internationale du travail
ONU Organisation des Nations Unies
OUA Organisation de l’Unité africaine (devenue Union africaine)
PDI Personnes déplacées internes
PIDCP Pacte international relatif aux droits civils et politiques
PIDESC Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux
et culturels
Protocole I Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12
août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits
armés internationaux
Protocole II Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12
août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits
armés non internationaux
Statut de Rome: Statut de la Cour pénale internationale, adopté le 17 juillet
1998

vi
Introduction

INTRODUCTION

1
Introduction

En adoptant la Convention sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en


Afrique (Convention de Kampala) 1, l’Union africaine a franchi une étape essentielle pour
renforcer la protection des droits de certaines des personnes les plus vulnérables 2. Quelles que
soient les causes du déplacement - conflits armés, catastrophes naturelles ou projets de
développement - son impact est particulièrement grave sur le continent. Le déplacement
affecte tous les aspects de la vie des personnes, de l’accès aux droits fondamentaux, à l’accès
aux services essentiels de la vie, en passant par les droits patrimoniaux. Il provoque sur les
familles et les sociétés des effets dévastateurs qui s’étendent même parfois aux pays voisins.
C’est ce constat, d’ailleurs vérifiable en Afrique de l’Ouest, qui justifie l’objet de cette étude à
savoir « la mise en œuvre de la Convention de Kampala dans l’espace CEDEAO ».

Adopté le 23 octobre 2009, la Convention de Kampala est entrée en vigueur le 6 décembre


2012, suite à l'adhésion du Swaziland qui devient le 15ème Etat ratifiant. C’est le tout premier
instrument régional juridiquement contraignant relatif au déplacement interne ayant été
adopté au monde3. La Convention de Kampala représente ainsi une avancée historique pour
promouvoir la responsabilité de l'État dans la protection et l'assistance des personnes en
situation de déplacement. Onze ans après son adoption, 31 Etats parmi les 55 membres de
l'Union Africaine l'ont ratifiée 4. Au sein de la Communauté économique des Etats de
l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), 11 États sur les 15 membres que compte son espace sont
aujourd’hui parties à la Convention et 4 autres doivent encore la ratifier5. Un seul membre, le
Niger, l'a incorporé en 2018, en adoptant une loi nationale se fondant sur les dispositions
pertinentes de la Convention 6.

Au sens de la Convention, on entend par « personnes déplacées », « les personnes ou


groupes de personnes ayant été forcées ou obligées de fuir ou de quitter leurs habitations ou

1 Union africaine, Convention de l’Union Africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en
Afrique (Convention de Kampala), UA, 2009, disponible sur http://www.au.int/fr/treaties [Convention de
Kampala].
2 BRONI Axel, « La protection des personnes déplacées en Afrique : nouvelle dimension de sécurité humaine »
[En ligne] URL : http://fondation.unilim.fr/chaire-gcac/2015/10/21/axel-broni-la-protection-des-personnes-
deplacees-en-afrique-nouvelle-dimension-de-securite-humaine/#_ftn29.
3 Observatoire des situations de déplacement interne (IDMC), Rapport sur le déplacement interne en
Afrique, 2019, disponible sur http://www.internal-displacement.org/africa-report [consulté le 9 mars 2020].
4 Union africaine, Convention de l’Union Africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en
Afrique (Convention de Kampala) - Liste des pays qui ont signé, ratifié/adhéré, Addis Abéba, 18 juin 2020,
sur http://www.au.int/en/sites/default/files/treaties/7796-sl/ [consulté le 17 octobre 2020].
5 Ibidem.
6 République du Niger, Loi n° 2018-74 relative à la protection et à l'assistance aux personnes déplacées
internes, 10 décembre 2018.

2
Introduction

lieux habituels de résidence, en particulier après, ou afin d’éviter les effets des conflits armés,
des situations de violence généralisée, des violations des droits de l’homme et/ou des
catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme, et qui n’ont pas traversé une frontière
d’État internationalement reconnue »7. Le caractère « involontaire » ou « forcé » du
déplacement et le fait que les personnes concernées restent dans leur propre pays sont les deux
principaux critères déterminants pour définir les personnes déplacées internes. Ces déplacés à
l’intérieur de leur propre pays ne sont pas appelés « réfugiés », car en droit international, ce
terme est réservé à ceux qui ont franchi une frontière internationale et qui se sont vus
reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention relative au statut des réfugiés 8.

La notion de « personne déplacée » ne s’accompagne pas d’un statut juridique particulier


comme celui des « réfugiés ». L’expression qui désigne ces personnes ne fait que décrire leur
situation. Elle s’applique à toute personne forcée de quitter son foyer, quelle qu’en soit la
raison, mais qui relève toujours de la compétence de l’État. Cette définition englobe donc les
ressortissants du pays déplacés sur le territoire national, ainsi que les non-ressortissants, ou
apatrides9, ayant leur résidence habituelle dans le pays et déplacés sur le territoire (« résidents
habituels »). Cette notion s’étend aussi aux personnes déplacées pour des raisons relatives à la
mise en œuvre d’un projet de développement de grande envergure ou pour en éviter les
effets 10. Il faudrait ajouter à cette définition celle du déplacement interne qui est « le
mouvement, l’évacuation ou la réinstallation involontaires ou forcés des personnes ou
groupes de personnes à l’intérieur des frontières internationalement reconnues d’un État »11.

Nous entendons par « espace CEDEAO », l’espace juridique de la Communauté


Économique des États de l'Afrique de l'Ouest créé par le Traité de Lagos du 28 mai 1975 et
réaffirmé par l'article 2 du Traité Révisé signé à Cotonou le 24 juillet 1993. C’est la principale
structure destinée à coordonner les actions des pays de l’Afrique de l’Ouest. Son but principal
est de promouvoir la coopération, l’intégration, et la création d’une union économique et
monétaire ouest-africaine. En 1990, son pouvoir est étendu au maintien de la stabilité

7 Convention de Kampala, article premier(k).


8 Convention relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, 189 R.T.N.U. 137 (entrée en vigueur : 22 avril
1954).
9 Un apatride est un individu qui n’a aucune nationalité. On emploie aussi le terme allemand Heimatlos. Cette
situation résulte généralement de la perte de la nationalité d’origine (par ex. : par suite d’une déchéance),
sans acquisition d’une nationalité nouvelle. Cf. Lexique des termes juridiques 2014, 21e éd., Dalloz, Paris,
2014.
10 Convention de Kampala, article 10.
11 Ibidem, article premier (l).

3
Introduction

régionale avec la création de l’Economic Community of West African States Cease-fire


Monitoring Group (ECOMOG), (ou Brigade de surveillance du cessez-le-feu de la
CEDEAO), qui devient permanent en 1999. La CEDEAO compte aujourd’hui 15 États
membres.

La Convention de Kampala sur le déplacement interne en Afrique n’est pas apparue ex


nihilo. Elle est le fruit de développements progressifs ayant abouti à son adoption. Le
phénomène du déplacement interne a été considérablement intensifié par le contexte
géopolitique des années 1970-1990 avec notamment les crises humanitaires des Grands Lacs.
Afin de traiter ce problème, M. Boutros Boutros-Ghali, alors Secrétaire général de l’ONU a
nommé en 1992, Francis Deng en tant que Représentant chargé de la question des personnes
déplacées. Ce dernier, avec l’appui d’un groupe d’experts, a développé une activité normative
qui a abouti à la compilation des règles de droit international existantes applicables aux
personnes déplacées 12. Ce travail préliminaire a servi de base à l’identification des Principes
directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays13 en 1998.

En établissant ainsi un cadre normatif spécifique, ces principes directeurs ont tenté
d’ordonner dans un même document les droits des personnes déplacées internes et les
obligations des États. Mais surtout, ils ont défini internationalement les PDI en clarifiant les
ambiguïtés existantes et en dépassant les lacunes des textes internationaux sur la question de
la migration interne forcée14. Cependant, si ces principes sont affirmés et reconnus, ils n’ont
pas le caractère de hard law15 et ne sont pas juridiquement contraignants pour les États. Ces
derniers n’étant pas prêts, à l’époque, à aller au-delà de la consécration d’un cadre

12 E/CN.4/1996/52/Add. 2. Parmi ces experts, on retrouve : Walter Kälin de la Faculté de droit de l’Université
de Berne (Suisse), Manfred Nowak du Ludwig Boltzmann Institute of Human Rights (Vienne, Autriche) et
Robert Goldman du Washington College of Law de l’American University (Washington DC, États-Unis).
Voir dans ce sens, COURNIL Christel « L’émergence d’un droit pour les personnes déplacées
internes ».Revue québécoise de droit international.2009. p. 6.
13 Principes directeurs relatifs au déplacement des personnes à l’intérieur de leur propre pays (1998),
Doc. off. CES NU, 54e sess., Doc NU E/CN.4/1998/53/add.2 [Principes directeurs]. Pour comprendre
l’historique et les dix ans d’application de cet instrument juridique non contraignant, voir généralement
Déplacement interne : dix ans de Principes directeurs (2008) Hors-série Revue des migrations forcées.
14 Voir LAVOYER Jean-Philippe, « Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de
leur propre pays : Quelques observations sur la contribution du droit international humanitaire », 878
R.I.C.R. 503, 1998.
15 Le but essentiel du droit dur « hard law » est d’exprimer un commandement, une habilitation ou une
interdiction pour son destinataire. Le hard-law émane de l’État, dans des codes criminels ou pénaux, dans
les lois dont des dispositions prévoient des sanctions comminatoires et impératives. C’est le droit
classique, le droit fondé sur les interdictions, les prohibitions, les peines et les contraintes.

4
Introduction

international normatif de soft law16. Ces principes souffrent par conséquent d’un manque
d’effectivité. Leur volet opérationnel a été, en ce sens, critiqué et particulièrement celui de
l’organisation des opérations humanitaires17.

Une réaction similaire s’est présentée au sein de l’Union africaine. En 2004, la


Commission africaine des droits de Homme et des peuples a créé le poste de Rapporteur
spécial pour les réfugiés et les personnes déplacées avec de vastes responsabilités de
promotion et de protection des droits des réfugiés, des demandeurs d'asile et des personnes
déplacées internes. C’est dans ce contexte que le Pacte sur la sécurité, la stabilité, et le
développement dans la région des Grands Lacs (CIRGL)18 a été adopté. Ce pacte a été suivi
par le Protocole sur la protection et l’assistance apportée aux personnes déplacées à
l’intérieur de leur propre pays 19, et le Protocole sur les droits de propriétés des personnes de
retour dans leur lieu d’origine20. Ces instruments engagent les États signataires 21 à adopter et
à mettre en pratique les Principes directeurs de 199822.

L’adoption d’un texte régional sur les PDI a été principalement motivée par la volonté de
« durcir le droit souple », soit en intégrant les Principes directeurs dans les législations
nationales, soit en consacrant des textes contraignants. Le processus d’adoption d’un texte
régional contraignant a été lancé par les Ministres de l’Union africaine. Comme résultat, la
Convention de Kampala a été définitivement adoptée au terme du Sommet spécial des chefs
d’Etat de l’Union africaine réuni à Kampala en Ouganda.

16 On qualifie de droit mou « soft law », l’ensemble des normes juridiques dépourvues de tout effet obligatoire,
règles, par conséquent, non contraignantes. Un texte crée du droit mou quand il se contente de conseiller,
sans poser d’obligation juridiquement sanctionnée. Voir dans ce sens, Dupuy (P.-M.), Droit international
public, Dalloz, 9e édition, Paris, 2008, p. 413-415, 879 p.
17 DUBERNET Cécile, « Du terrain au droit, du droit sur le terrain ?: Origines et trajectoires du label “déplacé
interne” » Esquisses n°11 (septembre 2007) en ligne : Terra <http://terra.rezo.net/article644.html>
18 Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la région des Grands Lacs, (14-15 décembre
2006), en ligne : ID <http://www.internal-displacement.org>.
19 Protocole sur la protection et l’assistance à apporter aux personnes déplacées à l’intérieur de leur pays,
(30 novembre 2006), en ligne : ID <http://www.internal-displacement.org>.
20 Protocole sur les droits de propriétés des personnes de retour, (30 novembre 2006), en ligne : ID
<http://www.internal-displacement.org>.
21 Les États signataires sont l’Angola, le Burundi, la République centrafricaine, le Tchad, la République
Démocratique du Congo, la République du Congo, le Rwanda, le Soudan, la Tanzanie, l’Ouganda, la
Zambie.
22 Les objectifs du Protocole sur la protection et l’assistance à apporter aux personnes déplacées à l’intérieur de
leur pays sont de mettre en place un cadre légal propice à l’adoption des Principes directeurs sur le
déplacement interne ainsi qu’une base légale à leur incorporation en droit interne; assurer la protection
légale des besoins matériels et physiques des personnes déplacées internes; etc. Voir l’article 2 dudit
Protocole.

5
Introduction

Aujourd’hui, l’Afrique de l’Ouest constitue l’espace africain ayant le pourcentage le plus


élevé de signatures et de ratifications de la Convention. Le Togo a procédé à sa signature le
24 décembre 2009 et l’a ratifié le 08 juillet 2011. La Guinée, le Ghana et le Sénégal sont
signataires mais ne l’ont pas encore ratifiée, et le Cap-Vert est le seul Etat non signataire
parmi membres de la CEDEAO 23. La communauté sous régionale peut ainsi jouer un rôle
crucial dans l’aboutissement des efforts visant à appliquer pleinement la Convention de
Kampala. À la fin de 2018, on estimait à 2.870.500 le nombre de personnes déplacées dans les
États membres de la CEDEAO 24, dont 786.900 déplacements causés par des catastrophes. De
grands projets d’infrastructures déplacent également des personnes, comme l’exemple d’un
projet de développement décrit par un député qui affectera 45.000 personnes dans sa
circonscription25.

Comme le rappelle Christel Cournil, « La protection des déplacés internes est aux confins
de plusieurs droits : du droit national, du droit international public, du droit international
humanitaire, du droit international des droits de l’homme, du « droit d’intervention en cas de
catastrophe » »26. Cette thématique nécessite en effet d’adopter une approche holistique du
droit pour offrir une protection et une assistance convenables aux personnes déplacées. La
Convention de Kampala se fonde principalement sur des normes juridiques existantes des
droits de l’Homme et du droit international humanitaire. Elle est conforme à des règles déjà
établies et met en évidence la manière dont elles s’appliquent aux situations de déplacement
interne.

Toutefois, il convient de souligner la limite du champ d’application de ces normes


juridiques. En effet, l’application du droit international humanitaire suppose l’existence d’un
conflit armé27, ce qui signifie que cet ensemble de règles reste inapplicable dans des situations

23 Union africaine, Convention de l’Union Africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées
en Afrique (Convention de Kampala) - Liste des pays qui ont signé, ratifié/adhéré, Addis Abéba, 18 juin
2020, sur http://www.au.int/en/sites/default/files/treaties/7796-sl/ [consulté le 17 octobre 2020].
24 IDMC, GRID 2020 : Rapport mondial sur le déplacement interne, IDMC, Genève, 2020, disponible sur
http://www.internal-displacement.org/assets/publications/2020/2020-global-report-internal-displacement-
IDMC.pdf [consulté le 2 mai 2020].
25 CEDEAO, Expériences comparatives en matière de mise en œuvre de la Convention de Kampala en Afrique
de l’Ouest, Série d’échanges régionaux, Dakar-Sénégal, 21-22 mars 2019.
26 COURNIL Christel « L’émergence d’un droit pour les personnes déplacées internes ».Revue québécoise de
droit international, 2009, p. 24
27 Voir à ce propos, ZANI Mamoud, « Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et la qualification des
conflits armés », Cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux [En ligne], 16 | 2018, mis en ligne le
16 novembre 2019, consulté le 19 novembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/crdf/329 ; DOI :
10.4000/crdf.329

6
Introduction

de troubles intérieurs 28 et de tensions internes 29, ou toute autre situation similaire, qui
n’atteignent pas le seuil de gravité d’un conflit armé. Les conventions internationales relatives
aux droits de l’Homme autorisent quant à elles les États parties à déroger à certaines normes,
dès lors qu’« un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation »30. Certes, les
droits dits « non dérogeables » ou encore « noyau dur » des droits de l’Homme31 ne sont pas
concernés par cette exception. Mais le flou juridique ainsi créé n’aide pas à un meilleur
respect des droits fondamentaux des personnes déplacées en pareilles situations de troubles ou
de tensions. A cela s’ajoute le fait que les normes internationales en vigueur ne prennent pas
nécessairement en considération la situation spécifique des personnes déplacées. Même s’il
existe des normes pertinentes que l’on peut invoquer en leur faveur, ces dernières demeurent
souvent dispersées dans les différents instruments juridiques et n’offrent qu’une utilité
relative32.

La Convention de Kampala présente d’importantes nouveautés en la matière. Elle met en


place un cadre juridique approprié et contraignant pour protéger les personnes déplacées
internes en Afrique. Elle s’inscrit aussi dans l’objectif de prévenir les phénomènes de

28 Les situations de troubles intérieurs sont celles où, sans qu’il y ait à proprement parler de conflit armé non
international, il existe cependant sur le plan interne, un affrontement qui présente un certain caractère de
gravité ou de durée et comporte des actes de violence. Dans ces situations, qui ne dégénèrent pas
nécessairement en lutte ouverte, les autorités au pouvoir font appel à de vastes forces de police, voire aux
forces armées, pour rétablir l’ordre intérieur Voir EIDE A., « Troubles et tensions intérieures », in
Dimensions internationales du Droit humanitaire, Paris, UNESCO, 1986, pp. 279-295.
29 Quant aux tensions internes, il peut s’agir, soit de situations de tensions graves sur le plan politique, religieux,
social ou économique, soit de séquelles d’un conflit armé ou de troubles intérieurs. Ces situations
présentent les caractéristiques suivantes : arrestations massives, nombre élevé de détenus de sécurité,
torture et mauvais traitements, suspension de garanties judiciaires fondamentales, disparitions, actes de
violence, mesures restrictives de liberté à grande échelle, « … ». Voir dans ce sens HARROF-TAVEL
M., « L’action du CICR face aux situations de violence interne », RICR, n° 801, mai-juin 1993, p. 211-
237 ; BALGUY-GALLOIS A., Droit international et protection de l’individu dans les situations de
troubles intérieurs et de tensions internes, Thèse, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2003, p. 165-198.
30 Tel est le cas de l’art. 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966.
31 Voir art. 15 de la CEDH, art. 4 du Pacte de 1966, art. 27 de la CADH. Cf., Meyer-Bisch (P.) (éd.), Le noyau
intangible des droits de l’Homme, actes du VIIe Colloque interdisciplinaire sur les droits de l’homme,
Fribourg, Éditions Universitaires, 1991, 272 p ; PREMONT D., STENERSEN C., OSEREDCZUK I.
(éd.), Droits intangibles et États d’exception, Bruylant, Bruxelles, 1996, xxvii-644 p. Ce noyau dur est fort
limité puisqu’il est constitué seulement de quatre droits : le droit à la vie, l’interdiction de la torture et des
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, l’interdiction de l’esclavage et de la servitude et du
travail forcé ou obligatoire, ainsi que le principe de la légalité des délits et des peines. Le noyau dur se situe
au rang des « considérations élémentaires d’humanité », selon l’expression utilisée par la CIJ dans son
arrêt du Détroit de Corfou et dans son avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes
nucléaires, voir respectivement, Rec. CIJ 1949, p. 22 et Rec. CIJ 1996-I, p. 257, par. 79.
32 HAKATA K., « Vers une protection plus effective des « personnes déplacées à l’intérieur de leur propre
pays » », RGDIP, n°3, 2002, p. 624.

7
Introduction

migrations internes forcées par « l’éradication de ses causes premières (…), qui ont un impact
dévastateur sur la vie humaine, la paix, la stabilité, la sécurité et le développement »33.

Les principales institutions de la CEDEAO manifestent de plus en plus leur engagement


dans les questions humanitaires telles que le déplacement interne. A travers des échanges
régionaux, des déclarations officielles et des rapports, les États membres appellent à procéder
à la ratification et la mise en œuvre de la Convention de Kampala34. Apparait ainsi la
nécessité de déterminer les obligations que la Convention de Kampala assigne aux États
d’Afrique de l’Ouest vis-à-vis de leurs déplacés internes. Nous avons besoin de points de
référence ou d'indicateurs quantifiables pour aider les gouvernements à s'acquitter de leurs
responsabilités et pour servir de base à l'évaluation de leurs actions à cet égard.

Quelles sont donc les obligations qui découlent, pour les Etats membres de la CEDEAO,
de la mise en œuvre de la Convention de Kampala ?

A la lecture, il ressort de la Convention qu’elle impose des obligations juridiques aux Etats
parties ainsi que des mesures indispensables à leur intégration. La Convention de Kampala
prévoit en effet, d’une part, des garanties contre le déplacement forcé ainsi que des normes
relatives à la protection et l’assistance en faveur des personnes déplacées internes, tout en
remédiant aux principales causes du déplacement. D’autre part, la Convention préconise la
recherche de solutions durables en engageant les Etats à se doter de lois nationales et
d’institutions adéquates, ainsi qu’à adopter des mesures concrètes qui leur permettront de
protéger et d’assister les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays.

Le choix de ce thème n’est pas anodin car il présente un intérêt pratique. Il s’inscrit dans
l’objectif d'identifier un certain nombre d'actions clés que les Etats membres de la CEDEAO
peuvent entreprendre pour faire face au problème de déplacements de personnes. Cette
thématique examine comment la prise en compte des déplacements internes dans le cadre
d'initiatives communautaires plus larges représente une opportunité pour les pays de la sous-
région. Il réaffirme qu'une volonté politique accrue et des investissements sociaux et
économiques à long terme seront nécessaires, et que la Convention de Kampala devrait être le
catalyseur de ce changement.

33 Convention de Kampala, supra note 1, Préambule.


34 CEDEAO, Série d’échanges régionaux, op cit. Voir aussi https://www.ecowas.int/les-parties-prenantes-
promettent-leur-soutien-pour-la-mise-en-oeuvre-de-la-convention-de-kampala/?lang=fr (consulté le
17/08/2020)

8
Introduction

L’ampleur persistante des déplacements en Afrique de l’Ouest souligne combien il est


nécessaire que ce texte soit appliqué de façon plus systématique pour prévenir ce phénomène,
y faire face et y remédier durablement. A travers l'élaboration de cette étude, nous avons tenté
d'être fidèles à l'esprit et à la lettre de la Convention de Kampala. Toutefois, lorsque la
Convention ne fournit que des obligations générales, les sources classiques du droit
international ont été utilisées pour clarifier davantage les responsabilités et faire des analyses
plus approfondies. Ce travail fait également référence aux informations et données fournies
par les délégations d’experts portant sur la loi internationale émergente sur les déplacements
internes. Cela inclut les mesures prises le plus récemment par les États pour devenir partie à la
Convention de Kampala, mettre en œuvre et opérationnaliser ce traité au niveau national35.

Rappelons que la Convention impose des obligations juridiques aux Etats parties ainsi que
des mesures indispensables à leur mise en œuvre. Cette étude sera axée en effet sur deux
principales catégories d’obligations. En premier lieu, il s’agit des obligations normatives de
mise en œuvre de la Convention de Kampala (Partie I), et en second lieu, des obligations
opérationnelles de mise en œuvre de la Convention de Kampala (Partie II).

35 Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Traduire la convention de Kampala dans la pratique,


exercice de bilan, CICR, janvier 2017 ; voir aussi IDMC - NRC, Rendre la Convention de Kampala
opérationnelle, disponible sur https://www.internal-displacement.org.

9
PARTIE I.

LES OBLIGATIONS NORMATIVES DE MISE EN


ŒUVRE DE LA CONVENTION DE KAMPALA

10
La Convention de Kampala met en place un cadre juridique africain pour prévenir les
déplacements internes ainsi que pour protéger et aider les personnes pendant le déplacement.
Elle engage les Etats parties à observer un certain nombre d’obligations, faute de quoi, elle
serait privée de toute sa substance. Ces obligations normatives concernent les principales
actions à mener pour mettre en œuvre de la Convention de manière conforme à ses objectifs.
Concrètement, les Etats parties doivent dans un premier temps, mettre tous les moyens à leur
disposition pour prévenir le déplacement interne (Chapitre I). Dans un second temps, et
lorsque le déplacement est inévitable, les Etats s’engagent à offrir une protection adéquate aux
personnes déplacées internes (Chapitre II).

11
Chapitre I : La prévention du déplacement interne

CHAPITRE I.

LA PREVENTION DU DEPLACEMENT INTERNE

L’une des actions fondamentales que peuvent entreprendre les Etats pour s’acquitter de
leurs obligations face au déplacement interne est la mise en place de mesures pour l’éviter. A
ce titre, Il conviendrait de se focaliser à la fois sur les mesures permettant d’éviter les
déplacements inutiles et, quand le déplacement est inévitable, sur les mesures à prendre pour
en limiter les effets négatifs.

Tel que décrit dans la Convention de Kampala, le facteur le plus important dont il faut tenir
compte pour éviter un déplacement est le plein respect du droit international, notamment les
droits de l’Homme et le droit humanitaire36. En effet, lorsque des gouvernements et d’autres
entités respectent les droits de l’Homme et le droit humanitaire, la probabilité des
déplacements internes s’en trouve fortement réduite.

L’obligation de prévention du déplacement se traduit ainsi à travers la Convention, par


l’affirmation d’une responsabilité de prévenir le déplacement interne afin de protéger les
populations contre ce phénomène (Section I). La prévention implique également de
reconnaitre que ces déplacements n’ont pas une cause unique. Cette responsabilité consiste
donc à prendre également en considération les circonstances multiples du déplacement
(Section II).

SECTION I. LA RESPONSABILITE DE PREVENIR LE DEPLACEMENT INTERNE


La définition de cette responsabilité a pour objectif de faire en sorte que les individus et les
groupes d’individus ne fassent pas l’objet de déplacements involontaires, sauf en cas
d’absolue nécessité. Si tel est le cas, le déplacement ne doit pas être effectué de manière
arbitraire en violation du droit international.

Pour remplir les obligations définies dans la Convention de Kampala, et afin de lever toute
équivoque sur le devoir de protection contre le déplacement, la Convention répond à la
nécessité de clarifier la question de la responsabilité en matière de prévention (§1). Elle
détermine par ailleurs les bases de cette responsabilité en mettant un accent particulier sur la

36 « Les États parties respectent et veillent au respect de leurs obligations en vertu du droit international,
notamment les droits de l’homme et le droit humanitaire, afin de prévenir et d’éviter les situations pouvant
conduire au déplacement arbitraire de personnes. », Convention de Kampala, article 4.1.

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Chapitre I : La prévention du déplacement interne

prohibition des politiques discriminatoires, reconnaissant ainsi la non-discrimination comme


un principe fondamental en matière de protection des personnes déplacées internes (§2).

§ 1. UNE RESPONSABILITE CLARIFIEE


La prévention du déplacement interne passe avant tout par la définition explicite des
responsabilités. Tel que décrit dans la Convention, c’est en effet aux autorités nationales
qu’incombe avant tout l’obligation de respecter, protéger et mettre en application les droits
des personnes déplacées37.

En ratifiant la Convention, les Etats reconnaissent ainsi leur responsabilité première


conformément au principe de souveraineté et s’engagent à protéger les populations contre le
déplacement interne (A). La Convention de Kampala attribue également un rôle à d’autres
intervenants. Les principales obligations s’étendent aux acteurs non étatiques dont les actions
peuvent avoir pour conséquence des déplacements de population (B).

A. La compétence souveraine de l’Etat


La notion de sécurité humaine tend à renverser la conception communément admise des
rapports existants entre le citoyen et l’État. Cette notion se présente comme étant un cadre
conceptuel de réévaluation du sens et de la signification de la souveraineté 38. En tant que telle,
la souveraineté est désormais associée à une responsabilité, voire à l’obligation pour un État
de protéger lui-même son propre peuple39. Une telle conception passablement révisée de la

37 Convention de Kampala, Préambule.


38 Si, dans la conception classique de la sécurité, la légitimité et la souveraineté de l’État procèdent davantage du
système international, à travers sa reconnaissance par les États tiers ; l’approche fondée sur la sécurité
humaine renverse la logique de la souveraineté, en la fondant exclusivement sur la finalité ultime de la
véritable « puissance de l’État » selon la théorie politique. Aux termes de celle-ci, les gouvernements sont
les instruments des citoyens pour améliorer le bien-être de la population, et aucun gouvernement ne peut
faire valoir sa légitimité, et partant, son droit à la souveraineté si ses activités portent atteinte à la dignité
humaine. Voir dans ce sens, GYANDOH S. O., « Human Rights and the Acquisition of National
Sovereignty », dans Jan BERTING et al. (dir.), Human Rights in a Pluralist World, Westport
(Connecticut), Greenwood, 1990, notamment p. 172.
39 Le concept hier absolu de souveraineté est rivalisé par celui de responsabilité. La souveraineté ne signifie plus
seulement l’imposition du pouvoir, mais s’entend par la responsabilité de protéger un peuple sur son
territoire, voir Organisation internationale de la francophonie, Délégation aux Droits de l’Homme et à
la Démocratie, Sécurité humaine : clarifications du concept et approches par les organisations
internationales. Quelques repères, Document d’information, janvier 2006, p. 11. Voir également
CIISE, La responsabilité de protéger, CRDI, 2001, p. 14 (120 p).

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Chapitre I : La prévention du déplacement interne

souveraineté tournée de plus en plus vers l’individu fournit des arguments de justification
pour l’extension d’une couverture normative aux personnes déplacées40.

Tout État qui se déclare légitime ne peut se soustraire à l’engagement de protéger tous ses
citoyens contre les violations des droits de l’Homme. La souveraineté authentique suppose en
effet un appareil de maintien de l’ordre, qui soit en mesure de répondre aux besoins de la
population41. La responsabilité nationale est le concept clé de toute réponse au déplacement
interne. C’est un principe fondamental de la communauté internationale, qui est régulièrement
souligné par les gouvernements eux-mêmes comme une fonction de leur souveraineté. La
Convention prévoit en effet que « les États parties assument leur devoir et leur responsabilité
première, d’apporter protection et assistance humanitaire aux personnes déplacées, au sein
de leur territoire ou de leur juridiction 42 ». Ce devoir s’étend à tous les agents de l’État, dont
l’armée et la police, et à tous les pouvoirs publics, au niveau local, régional ou national 43.
Même en cas d’absence de la part des Etats, le rôle des acteurs internationaux est de renforcer,
et non de s’approprier, la compétence nationale.

Cependant, dans les situations de conflit armé le droit international humanitaire (DIH)
prend effet et s’applique en même temps que le droit des droits de l’Homme. Dans une
résolution de principe adoptée en avril 2000, le Conseil de sécurité a, pour la première fois,
considéré que des violations du DIH constituaient une menace à la paix. Il a réaffirmé sa
grave préoccupation concernant l’impact préjudiciable et répandu des conflits armés sur les

40 Cela est d’autant plus vrai pour la Convention de Kampala. En effet, comme nous le verrons un peu plus loin
dans nos développements, celle-ci bat en brèche la chape de la sacrosainte souveraineté des États en
reconnaissant explicitement le rôle fondamental que doivent jouer les acteurs humanitaires en matière de
protection sur le terrain, mais également en instituant des obligations spécifiques à la charge des États et
des acteurs armés non étatiques. Ce que réitère à juste titre, Antonio Guterres, alors Haut-commissaire des
Nations unies pour les réfugiés, lorsqu’il affirmait que : « cette Convention représente le concept de la
responsabilité de protection en action. Elle démontre que la souveraineté nationale est pleinement
compatible avec la responsabilité de protection ». Sur ce dernier point, voir Conférence de clôture du
Haut-commissaire à propos de la Convention de Kampala : http://www.unhcr.fr. Site web du HCR consulté
le 20 juin 2020.
41 IDMC, Workshop Report – The National Responsibility to Protect Internally Displaced Persons : The
Kampala Convention, IDMC, Genève, mai 2015, disponible en anglais sur http://www.internal-
displacement.org/publications/2015/the-national-responsibility-to-protect-internally-displaced-people-the-
kampala-convention [consulté le 25 juillet 2020].
42 Convention de Kampala, Article 5.1.
43 Institut Brookings-Université de Berne : projet sur les déplacements internes, Faire face au problème du
déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays : Cadre normatif précisant les responsabilités
des Etats, Brookings, avril 2005. Pour une discussion plus détaillée des obligations des États découlant du
droit international des droits de l’Homme, voir p. ex. Observation générale n° 31(1980) du Comité des
droits de l’Homme sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, doc.
ONU CCPR/C/21/Rev.1/Add.13.

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Chapitre I : La prévention du déplacement interne

civils dont la majorité sont des déplacés internes 44. Tous les États, qu’ils soient ou non parties
à un conflit donné, sont tenus de poursuivre et de punir devant leurs propres tribunaux, ou
d’extrader les auteurs de violations graves du DIH comme les crimes de guerre et/ou les
infractions graves au droit, quel que soit le lieu où le crime a été commis ou la nationalité de
l’auteur45.

Plutôt que d’affaiblir la souveraineté, comme certains peuvent le craindre, la Convention


de Kampala renforce les obligations et la responsabilité qu’ont les dirigeants d’un pays donné,
de protéger et d’aider la population de ce pays. Les gouvernements ne peuvent décliner cette
responsabilité sous le simple prétexte que leur population est déplacée. Les personnes
déplacées à l’intérieur du territoire national ont le droit de demander protection et assistance
aux dirigeants de leur pays, et de recevoir cette assistance.

Par ailleurs, la responsabilité nationale, telle que prévue par la Convention, est étendue aux
acteurs dont les activités peuvent entrainer le déplacement interne. Ce qui justifie le rôle
notoire attribué aux acteurs non étatiques.

B. Le rôle notoire des acteurs non étatiques


La Convention de Kampala élargit la responsabilité de protection des personnes déplacées
à l’ensemble des « acteurs non étatiques » désignés comme les acteurs privés qui ne sont pas
des responsables officiels de l’État et dont les actes ne peuvent être imputés officiellement à
l’État. Au premier rang de ceux-ci figurent les groupes armés.

Les Etats parties sont en effet tenus de « s’assurer de la responsabilité des acteurs non
étatiques concernés, y compris les entreprises multinationales et entreprises militaires ou de
sécurité privées, pour les actes de déplacement arbitraire ou de complicité dans de tels
actes 46 ». Ils sont également tenus de « d’assurer la responsabilité des acteurs non étatiques

44 Le Conseil de sécurité fait spécifiquement référence aux déplacés internes à plusieurs reprises, en notant que
la majorité écrasante des déplacés internes sont des civils dans les conflits armés. Voir la Résolution 1296
du Conseil de sécurité sur la protection des civils dans les conflits armés, 19 avril 2000,
http://www.un.org/french/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/1296(2000).
45 Les violations graves sont définies dans chacune des quatre Conventions de Genève, respectivement aux
articles 50, 51, 130 et 147 et aux articles 11 et 85 du Protocole additionnel I. Elles comprennent l’homicide
intentionnel, la torture ou les traitements inhumains, le fait de causer intentionnellement de grandes
souffrances ou de porter des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé, la déportation ou le
transfert illégal de populations.
46 Convention de Kampala, article 3 (h).

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Chapitre I : La prévention du déplacement interne

impliqués dans l’exploration et l’exploitation des ressources économiques et naturelles, ayant


pour conséquence des déplacements de population 47 ».

Dans les situations de conflits armés, force est d’assister à la démultiplication d’États en
déliquescence due au fait que ceux-ci ne disposent plus du contrôle de facto sur une partie de
leur territoire et sur la population qui y vit 48. C’est dans cette logique que la Convention de
Kampala impose des obligations à la charge des groupes armés non-étatiques. Ces derniers
peuvent être parties au conflit et être les auteurs de violations à l’encontre des civils,
notamment forcer les personnes à fuir leur foyer. D’après la définition de la Convention, ce
sont des « forces armées dissidentes ou autres groupes armés organisés distincts des forces
armées de l’État ».49 Les membres des groupes armés peuvent être individuellement tenus
pour responsables de violations du DIH, quel que soit leur rang et qu’ils aient ou non agi sous
des ordres. Les commandants peuvent aussi être considérés comme responsables d’avoir
ordonné ces violations ou de ne pas avoir pris des mesures pour les éviter.

Cette responsabilité a été davantage précisée par le droit pénal international. En effet le
Statut de la Cour pénale internationale (CPI)50 définit un certain nombre de crimes considérés
comme touchant l’ensemble de la communauté internationale, sur lesquels elle peut enquêter
et engager des poursuites, à condition qu’elle soit compétente. Cette compétence s’exerce en
matière de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide. A ce titre, La
déportation ou le transfert forcé de population est considéré comme un crime contre
l’humanité. Il s’agit du fait de « déplacer de force des personnes, en les expulsant ou par
d’autres moyens coercitifs, de la région où elles se trouvent légalement, sans motifs admis en
droit international51 ». De même, le fait « d’ordonner le déplacement de la population civile
pour des raisons ayant trait au conflit, sauf dans les cas où la sécurité des civils ou des
impératifs militaires l’exigent52 » est considéré comme un crime de guerre. Outre les mesures

47 Convention de Kampala, article 3 (i).


48 Voir www.icrc.org, « L’intervention humanitaire lors de conflits armés et d’autres catastrophes », document
de référence de la XXVIIe conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
du 31 octobre au 6 novembre 1999.
49 Convention de Kampala, article 1(e).
50 Statut de la Cour pénale internationale, 1998, doc. ONU A/CONF.183/9. Pour plus d’informations, dont le
texte du Statut, consultez le site www.icc-cpi.int.
51 Ibidem, article 7.2 d).
52 Ibidem, article 8.2 e)viii).

16
Chapitre I : La prévention du déplacement interne

générales applicables aux civils, le CICR a répertorié les règles du droit international
coutumier qui s’appliquent spécialement aux populations déplacées.53

La Convention de Kampala, en toute conformité avec les normes internationales, dispose


que « les membres des groupes armés sont tenus pénalement responsables de leurs actes qui
violent les droits des personnes déplacées aux termes du droit international et de la
législation nationale »54. Elle énumère également un certain nombre d’actes interdits aux
membres des groupes armés, visant à nier aux personnes déplacées leurs droits en matière de
protection et d’assistance55. Elle rappelle de même aux États parties, leur engagement à
respecter et à assurer le respect de l’ensemble des dispositions, et tout particulièrement, à
s’assurer de la responsabilité individuelle des auteurs d’actes de déplacement arbitraire,
conformément au droit pénal national et international en vigueur56.

Cependant, il est important de souligner que l’affirmation de la responsabilité des groupes


armés ne signifie pas pour autant leur reconnaissance de la part des Etats. Concrètement, « les
États parties conviennent qu’aucun aspect de cette Convention ne saurait être conçu comme
accordant un statut légal ou comme une reconnaissance des groupes armés et que ses
dispositions n’exonèrent pas de leur responsabilité pénale individuelle leurs membres en
vertu du droit pénal national ou international57 ».

La Convention de Kampala désigne ainsi expressément les principaux acteurs responsables


de la protection des populations contre le déplacement. Elle prend également le soin de
préciser les bases sur lesquelles se fonde cette responsabilité. En effet, les populations
déplacées, étant considérées comme des civils, doivent bénéficier d’une protection égale par
rapport à toutes les personnes faisant partie de cette catégorie. La non-discrimination est en
effet un fondement principal de la mise en œuvre de la responsabilité de protection des
personnes déplacées internes.

§ 2. UNE RESPONSABILITE FONDEE SUR LA NON-DISCRIMINATION


La Convention de Kampala matérialise le principe d'égalité et de non-discrimination en
rendant explicite ce qui est implicite dans le droit international en vigueur. Toute

53 CICR, Droit international humanitaire coutumier, vol. 1, règles 129-133, Bruylant, 2006.
54 Convention de Kampala, article 7.4.
55 Ibidem, article 7.5.
56 Ibidem, article 3 (g).
57 Ibidem, article 15.2.

17
Chapitre I : La prévention du déplacement interne

discrimination à l’égard des personnes déplacées en raison de leur déplacement est donc
interdite.

En effet les personnes déplacées ont le droit de jouir, d’une part, des mêmes droits et
libertés que tous les autres citoyens (A). D’autre part, au sein même des populations affectées,
la non-discrimination implique également la nécessité d’accorder une attention particulière
aux groupes les plus vulnérables (B).

A. L’égalité vis-à-vis des citoyens non déplacés


Les personnes déplacées à l’intérieur du territoire national ne diffèrent des autres personnes
que par le caractère forcé de leur déplacement. Elles ont les mêmes droits et les mêmes
responsabilités que tous les autres habitants de leur pays. Le droit national et international
s’applique donc de manière égale aux personnes déplacées internes comme aux autres
citoyens non déplacés.

La discrimination envers les personnes déplacées est évidente dans les cas où les lois, les
politiques ou les pratiques officielles établissent une distinction claire entre les personnes
déplacées et les autres citoyens en leur accordant un traitement moins favorable. Dans certains
cas la discrimination est basée sur des suppositions selon lesquelles les déplacés sympathisent
avec un groupe armé en particulier. Dans d’autres cas elle reflète des idées préconçues sur
l’issue du déplacement interne. Les personnes déplacées peuvent par exemple ne pas être
autorisées à entreprendre des démarches qui pourraient les mener à s’intégrer sur le plan local
ou à faciliter le retour dans leurs foyers.

Cependant, la discrimination peut également résulter de situations dans lesquelles les lois
ou les politiques ne posent pas de problèmes dans des conditions normales, mais font porter
un fardeau excessif aux personnes déplacées et limitent l’exercice de leurs droits. De tels
problèmes peuvent surgir par exemple lorsque le plein exercice de certains droits – comme le
droit de vote et l’inscription à l’école – est conditionné par l’enregistrement d’une résidence
dans un lieu précis. De telles règles, bien que souvent d’ordre administratif et pratique,
peuvent accentuer la vulnérabilité des PDI quand elles n’incluent pas les situations de
déplacement, en prévoyant des exceptions ou des mesures spéciales qui permettent aux
personnes déplacées d’enregistrer facilement leur lieu de résidence ou d’être exemptés de ce
type de conditions.

18
Chapitre I : La prévention du déplacement interne

Les principes d'égalité et de non-discrimination sont profondément ancrés dans le droit


international. L’article 7 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme affirme que
« tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la
loi58 ». Il est donc tout à fait logique que la Convention de Kampala reprenne les principales
obligations découlant du droit international et interdise expressément la discrimination
reposant sur la situation de personne déplacée interne. Elle dispose à ce titre que « les États
parties assument leur devoir et leur responsabilité première, d’apporter protection et
assistance humanitaire aux personnes déplacées, au sein de leur territoire ou de leur
juridiction, sans discrimination aucune 59 ». La Convention rappelle également que « les États
parties s’engagent à respecter et assurer le respect et la protection des droits humains des
personnes déplacées, y compris un traitement empreint d’humanité, de non-discrimination,
d’égalité et de protection égale par le droit 60 ».

Elle engage de même les États parties à protéger « les droits des personnes déplacées,
quelle que soit la cause de déplacement, en s’abstenant de pratiquer, et en prévenant(…)la
discrimination dans la jouissance de tout droit et ou toute liberté, du fait de leur condition de
personnes déplacées 61 ». Elle poursuit en soulignant l’engagement des États parties à
« prendre les mesures nécessaires pour assurer aux personnes déplacées un accueil sans
discrimination aucune, et qu’ils vivent dans des conditions satisfaisantes de sûreté, de dignité
et de sécurité62 ».

Si les gouvernements ne peuvent faire de discrimination fondée sur le déplacement contre


les personnes déplacées internes, celles-ci ne peuvent non plus impunément enfreindre le droit
interne et international. Les personnes soupçonnées d'avoir commis des infractions graves ne
peuvent pas éviter les poursuites et les sanctions, simplement en raison de leur déplacement,
ou par ailleurs, en invoquant la Convention. La Convention précise à ce titre que les
différentes dispositions « sont sans préjudice de la responsabilité pénale individuelle des

58 Voir aussi l'article 26 du PIDCP, l'article 3 de la CADHP, ainsi que l'article 24 de la CAmDH. Des
dispositions similaires relatives à l’égalité de traitement figurent dans le droit humanitaire, à l’instar de
l’article 3 commun aux quatre conventions de Genève, l'article 27(3) de la quatrième Convention de
Genève, l’article 75 du Protocole I, et les articles 2(1) et 4(1) du Protocole II.
59 Convention de Kampala, article 5.1.
60 Ibidem, article 3.1 d).
61 Ibidem, art 9.1 a).
62 Ibidem, article 9.2 a).

19
Chapitre I : La prévention du déplacement interne

personnes déplacées dans le cadre du droit pénal national ou international et de leurs devoirs
selon la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples 63 ».

Il faut rappeler qu’au sein des populations déplacées, les conditions de vie de certains
groupes peuvent être plus délicates que d’autres. D’où la nécessité d’identifier et offrir une
protection spécifique aux groupes vulnérables.

B. La protection spécifique des groupes vulnérables


Les mêmes principes de non-discrimination qui régissent la manière dont l’Etat traite la
situation des PDI par rapport aux populations non déplacées s’appliquent également au sein
des populations déplacées. Les populations déplacées sont le plus souvent d’origines diverses
et il est important de s’assurer qu’aucun groupe ne reçoive arbitrairement un traitement plus
défavorable que les autres. Un traitement différentiel au sein des populations déplacées peut
être essentiellement dû à la vulnérabilité inhérente qui les caractérise. En effet, certains
groupes sont par nature plus vulnérables que d’autres aux risques que constituent les
situations de déplacement.

Parfois, accorder un traitement différent aux personnes déplacées est inévitable, voire
justifié, afin de répondre à leurs besoins spécifiques. L'interdiction de la discrimination est
violée si les personnes déplacées sont désavantagées au seul motif qu'elles sont déplacées,
mais elle n’interdit pas les distinctions qui sont fondées sur des raisons objectives et sérieuses.
En particulier, le principe de non-discrimination ne s'oppose pas à des mesures spéciales
répondant, par exemple, aux besoins spécifiques des femmes et des enfants déplacés. Il peut
même, comme le reconnaît le Conseil de l'Europe, « entraîner l'obligation d'envisager des
traitements particuliers adaptés aux besoins des personnes déplacées à l’intérieur de leur
propre pays64 ».

La Convention de Kampala traite de la situation des groupes particulièrement vulnérables


parmi les personnes déplacées internes comme les mineurs non accompagnés, les femmes
enceintes, les personnes souffrant d’incapacités ou les personnes âgées. Elle souligne qu'ils
ont le droit à la protection et à l’aide que nécessite leur condition et à un traitement qui tienne
compte de leurs besoins particuliers. Accorder un traitement spécial à certains groupes de PDI
ne viole pas le principe d’égalité car certaines situations objectivement différentes ne doivent

63 Convention de Kampala, article 20.4.


64 Conseil de l'Europe - Comité des Ministres, Rec(2006)6, paragraphe 2. De même, Géorgie, Stratégie d’Etat
pour les personnes déplacées internes et persécutées, 2 février 2007, paragraphe 2.2.2.

20
Chapitre I : La prévention du déplacement interne

pas être traitées de façon identique et les vulnérabilités spécifiques doivent être prises en
compte. La Convention précise à ce titre l’engagement des Etats parties à « apporter une
protection spéciale et une assistance aux personnes déplacées ayant des besoins spéciaux,
notamment les enfants séparés et non accompagnés, les femmes chefs de ménage, les femmes
enceintes, les mères accompagnées de jeunes enfants, les personnes âgées et les personnes
handicapées ou souffrant de maladies transmissibles 65 ».

L’attention aux besoins particuliers des groupes qui sont par nature vulnérables doit ainsi
être une priorité dans n’importe quelle situation de déplacement. C’est pourquoi les normes
relatives aux droits de l'Homme couvrent les besoins particuliers des catégories de personnes
vulnérables dans des instruments spécifiques tels que la Convention relative aux droits de
l’enfant (1989), la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à
l'égard des femmes (1979) et la Convention relative aux droits des personnes
handicapées (2006). Plusieurs dispositions du droit humanitaire prévoient expressément que
des mesures spéciales doivent être prises par les parties à un conflit pour la protection des
enfants et des femmes. A ce titre, la Convention de Kampala interdit aux membres des
groupes armés de « recruter, en quelque circonstance que ce soit, des enfants, de leur
demander ou de leur permettre de participer aux hostilités 66 », ainsi que de « recruter par la
force des individus, de se livrer à des actes d’enlèvement, de rapt ou de prise d’otages,
d’esclavage sexuel et de trafic d’êtres humains, notamment des femmes et des enfants 67 ».

En ce qui concerne les enfants, la conclusion du Comité exécutif du HCR sur les enfants
dans les situations à risque 68 est applicable aux enfants déplacés internes et expose en détail
les éléments pertinents de la protection de l'enfance. Au niveau régional, la Charte africaine
des droits et du bien-être de l'enfant de 1990 revêt une importance particulière. Elle oblige,
notamment, les États parties à prendre toutes les mesures appropriées pour veiller à ce qu’un
enfant déplacé « reçoive […] la protection et l'assistance humanitaire à laquelle il peut
prétendre dans l’exercice des droits qui lui sont reconnus par la présente Charte 69 ».

65 Convention de Kampala, article 9.2 c).


66 Convention de Kampala, article 7.5 e).
67 Ibidem, article 7.5 f).
68 UNHCR, Conclusion sur les enfants dans les situations à risque No.107(LVIII), 58e session du Comité
exécutif, Documents officiels de l’Assemblée générale A/AC.96/1035, 5 octobre 2007.
69 Charte africaine sur les droits et le Bien-être de l'Enfant, article 23. Disponible sur http://www.au.int/
Official_documents/ Treaties_Conventions_fr/.

21
Chapitre I : La prévention du déplacement interne

Telle que nous l’avons étudiée jusqu’ici, la responsabilité de prévention du déplacement


passe avant tout par la prise de conscience, justement, de cette responsabilité par les acteurs
concernés, ainsi que l’acceptation des principaux fondements selon lesquels les Etats
remplissent leurs obligations. Mais plus encore, une prévention efficace, au sens de la
Convention, implique nécessairement une prise en considération de la multiplicité des
circonstances pouvant entraîner un déplacement de population.

SECTION II. LA RESPONSABILITE DE PREVENIR LES CAUSES MULTIPLES DU


DEPLACEMENT INTERNE

Prendre en considération les causes multiples du déplacement interne, ainsi que les
mesures nécessaires pour y répondre est une condition préalable à la mise en œuvre de la
responsabilité de prévenir le déplacement interne. A cet effet, la définition du déplacement
arbitraire prévue par la Convention de Kampala70 constitue un progrès dans l’appréhension
plus large des hypothèses de migrations internes forcées71.

Lors de la dernière décennie, l'Afrique de l’Ouest, déjà durement touchée par les
déplacements liés aux conflits et à la violence, a également été victime de graves inondations.
Cela nous rappelle que de nombreux pays connus pour leurs déplacements liés aux conflits et
à la violence peuvent également subir des catastrophes y compris les effets du changement
climatique. Dans certains cas, ces derniers peuvent même être responsables de la grande
majorité des nouveaux déplacements (§1). A cela s’ajoute des défis contemporains justifiés
par les phénomènes socio-économiques, notamment liés aux enjeux du développement (§2).

§ 1. UNE REPONSE ADAPTEE AUX CATASTROPHES ET AU DEFI CLIMATIQUE


Dès 1990, il a été établi que l’impact le plus marqué de l’évolution du climat pourrait être
ressenti au niveau des migrations humaines 72. Les catastrophes naturelles ou provoquées par
l’homme y compris le changement climatique, peuvent en effet être à l’origine de
déplacements massifs de populations.

Kofi Annan, Secrétaire Général des Nations-Unies de 1997 à 2006, déclarait que « les
risques et le potentiel de catastrophe liés aux dangers naturels sont fortement influencés par

70 Convention de Kampala, article 4(4).


71 COURNIL Christel, « L’émergence d’un droit pour les personnes déplacées internes », Revue québécoise de
droit international, 2009. p. 5-6.
72 LONERGAN S., « The role of environmental degradation in population displacement », Environmental
Change and Security Project Report, N° 4, 1998, p. 5.

22
Chapitre I : La prévention du déplacement interne

l’efficacité des mesures entreprises pour prévenir, atténuer et préparer à ces catastrophes 73 ».
Aux termes de la Convention de Kampala, il incombe aux autorités compétentes de fournir
une protection adéquate contre les risques de déplacement liés aux catastrophes naturelles ou
provoquées par l’homme (A), et d’en atténuer les effets sur les personnes affectées (B).

A. La réduction des risques éventuels


Si une catastrophe naturelle imminente crée un grave risque pour la vie, l’intégrité
physique ou la santé des personnes et des communautés, les autorités nationales doivent
prendre les mesures appropriées et nécessaires visant à protéger les personnes en danger, ainsi
qu’à prévenir les déplacements provoqués par les effets du changement climatique, les risques
environnementaux et d’autres catastrophes 74.

Alors que le climat mondial change, les déplacements massifs provoqués par des
phénomènes météorologiques extrêmes deviennent la norme75. C'est dans ce contexte que les
Etats parties à la Convention de Kampala affirment leur détermination à « adopter les
mesures destinées à prévenir et mettre fin au phénomène de déplacement interne, par
l’éradication de ses causes premières, particulièrement (…) le déplacement causé par les
catastrophes naturelles, qui ont un impact dévastateur sur la vie humaine, la paix, la stabilité,
la sécurité et le développement 76 ». Le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de
catastrophe (2015-2030) des Nations Unies77 constitue également un instrument pertinent en
matière de prévention.

Au Sahel, les oscillations climatiques sont une constante de l’histoire des précipitations.
C’est une région durement touchée par la sécheresse, et ce phénomène constitue « l’un des
changements climatiques à long terme les plus spectaculaires jamais observés au monde 78 ».
Paradoxalement, la majeure partie des déplacements enregistrés liés à des catastrophes en

73 Rapport du Secrétaire Général à l’Assemblée Générale sur la coopération internationale en termes


d’assistance humanitaire dans le domaine des catastrophes naturelles, du secours jusqu’au développement,
A/60/227.
74 Comité Permanent Inter-Agences (IASC), La protection des personnes affectées par des catastrophes
naturelles : directives opérationnelles sur les droits de l’homme et les catastrophes naturelles, Juin 2006,
34p.
75 IDMC, « Mid-Year Figures, Internal Displacement from January to June 2019 », 12 septembre 2019.
76 Convention de Kampala, Préambule.
77 UNDRR, « What is the Sendai Framework for Disaster Risk Reduction? », disponible au :
https://www.undrr.org/implementing-sendai-framework/what-sf, consulté le 11 mars 2020
78 BROOKS Nick, « Climate change, drought and pastoralism in the Sahel, Discussion note for the World
Initiative on Sustainable Pastoralism » novembre 2006; IPCC, « Climate Change and Land, Summary for
Policymarkers », 7 août 2019.

23
Chapitre I : La prévention du déplacement interne

Afrique ont été provoqués par des inondations. Au Niger par exemple, les inondations ont
affectés plus de 80.000 personnes et provoqué l’effondrement de plus de 9.000 maisons en
août 202079. Le même phénomène touche l’ensemble de la sous-région sahélienne où plus de
200.000 personnes avaient été impactées par les pluies abondantes en 201980.

Le littoral de l'Afrique de l'Ouest est tout autant affecté par des aléas climatiques soudains
tels que des tempêtes, des raz-de-marée, des inondations et des glissements de terrain, ainsi
que des phénomènes lents comme l'élévation du niveau de la mer et l'érosion côtière 81. Des
déplacements associés à ces derniers ont été enregistrés notamment au Ghana, au Nigeria, au
Sénégal et au Togo, s’ajoutant ainsi aux déplacements causés par les inondations dans les
terres.

L’identification et la surveillance de tels dangers imminents, ainsi que le développement de


systèmes d’alerte rapide82, sont essentiels à la réduction des risques. Prendre des mesures
techniques pour parer à un danger imminent qui est prévisible ou pourrait être connu en
faisant preuve de diligence est, conformément au droit à la vie, l’une des obligations concrètes
auxquelles les principaux acteurs doivent se soumettre. Des systèmes d’alerte efficaces
permettent aux autorités et aux communautés concernées de prendre des mesures préventives
pour atténuer les effets des catastrophes.

Sur le plan administratif et technique, les autorités compétentes devraient passer en revue
et, quand cela est nécessaire, modifier les règles sur l’aménagement du territoire, la propriété
foncière, l’utilisation des terres, la protection de l’environnement, le zonage et la construction
de bâtiments. Une telle réforme doit se faire à partir d’une évaluation des dangers
environnementaux et des risques de catastrophe existants et par la recommandation de
mesures concrètes 83.

Une fois que des personnes sont affectées par une catastrophe, elles rencontrent d’autres
défis venant à l’encontre de l’entière réalisation de leurs droits. Ces effets préjudiciables
pourraient être atténués si les garanties appropriées des droits de l’Homme étaient prises en
compte, dès le début, par les acteurs nationaux et internationaux.

79 OCHA, cité par Actuniger « Inondations : plus de 88.000 personnes affectées et 33 morts enregistrés depuis
juin selon les Nations unies », www.actuniger.com/societe/16510, 14 août 2020.
80 Ibidem.
81 IPCC, Climate Change 2014: Synthesis Report. Contribution of Working Groups I, II and III to the Fifth
Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, 2014, 151p.
82 Convention de Kampala, art 4.2.
83 Brookings-Institution-Université de Berne, La protection des personnes déplacées à l’intérieur de leur
pays : Manuel a l’intention des législateurs et des responsables politiques, Brookings, 2008, 282 p.

24
Chapitre I : La prévention du déplacement interne

B. L’atténuation des effets préjudiciables


En cas d’insuffisance des moyens entrepris en matière de réduction des risques, les
personnes en danger doivent avoir la possibilité de quitter la zone dangereuse et recevront la
protection et l’assistance nécessaires pendant tout le processus du déplacement 84. Les Etats
parties à la Convention de Kampala reconnaissent l’importance de prendre « les mesures
nécessaires pour assurer protection et assistance aux personnes victimes de déplacement
interne en raison de catastrophes naturelles ou humaines y compris du changement
climatique85 ».

La Convention offre une protection contre le déplacement arbitraire, à savoir « les


évacuations forcées dans les cas de catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme ou
par d’autres causes si les évacuations ne sont pas exigées par la sécurité et la santé des
personnes affectées86 ». En effet, tout plan d’évacuation ou de relocalisation ne peut se faire
que s’il est nécessaire pour la sécurité de la population impliquée. Dans un contexte de
catastrophe naturelle, des évacuations peuvent être ordonnées et, si cela s’avère nécessaire,
effectuées de force. Dans cette dernière perspective, un certain nombre de conditions doivent
être observées.

D’abord, les évacuations forcées devraient reposer sur une base légale. Dans des situations
d’urgence et en l’absence d’un acte législatif, une telle base légale peut prendre la forme d’un
décret publié par le pouvoir exécutif. Ensuite, elles doivent servir un but légitime. C’est à dire
qu’il y a une menace sérieuse et imminente contre la vie ou l’intégrité physique et la santé des
personnes concernées, ce qui justifie leur évacuation forcée. Elles doivent aussi être
proportionnelles. Ce qui signifie que l’évacuation forcée doit être considérée en dernier
recours, étant donné qu’elle constitue une infraction sérieuse et directe au droit à la liberté de
mouvement. L’argument selon lequel d’autres options seraient plus chères ne peut justifier
l’évacuation.

Enfin, le processus d’évacuation doit être conforme aux droits de l’Homme, de telle
manière que les droits à la vie, à la dignité, à la liberté et à la sécurité, les droits sociaux,
économiques et culturels ainsi que les droits civils et politiques des personnes affectées, soient
pleinement respectés. Des mesures devraient également être prises pour sauvegarder les

84 Comité Permanent Inter-Agences (IASC), « La protection des personnes affectées par des catastrophes
naturelles : directives opérationnelles sur les droits de l’homme et les catastrophes naturelles », op cit.
85 Convention de Kampala, art 5.4.
86 Ibidem, art 4.4 f).

25
Chapitre I : La prévention du déplacement interne

habitations et les biens communs laissés sur place. Les personnes évacuées seront
enregistrées, leur évacuation sera surveillée, et seront protégées contre d’autres risques de
catastrophes et éventuellement un second déplacement. Si elle est entreprise dans ces
conditions, une évacuation forcée peut être acceptable ou même exigée, conformément aux
droits de l’Homme.

Les Etats doivent par ailleurs s’assurer que le droit de la population d’avoir accès à toutes
les informations est garanti. Cela concerne notamment sur la nature et le niveau de la
catastrophe à laquelle elles sont confrontées ainsi que les mesures éventuelles d’atténuation
des risques qui peuvent être entreprises. Ce devoir peut être inscrit dans la législation générale
sur l’accès aux informations gouvernementales ou en adoptant une législation sur le partage
des informations concernant les dangers environnementaux.

En cas de déplacement ayant entrainé des pertes humaines et matérielles, les victimes
devraient avoir le droit de recourir à la justice. Le déplacement peut survenir, non pas en tant
que conséquence inévitable d’une catastrophe, mais parce que les autorités ont manqué à leur
devoir en ne prenant pas des mesures préventives et protectrices contre des dangers naturels
imminents qui étaient clairement identifiables. Des enquêtes et poursuites pénales devraient
ainsi être entreprises et une compensation doit être offerte aux victimes 87.

De tels recours devraient impliquer d’une part, la divulgation des actes ou des omissions
qui sont à l’origine des dommages qu’ont subis les personnes déplacées et les membres de
leurs familles encore en vie, ainsi que la poursuite pénale de toutes les parties responsables.
D’autre part, les victimes ont droit à une compensation pour la perte de parents proches, pour
la destruction de leur propriété et pour la perte de revenus au cours de leur déplacement. Afin
d’éviter aux victimes et à l’Etat les coûts associés à une plainte collective, les autorités
pourraient prévoir un droit statutaire permettant d’accélérer les procédures administratives, et
qu’ainsi un grand nombre de cas soient traités sans devoir passer par le système judiciaire
habituel.

La mise en œuvre de la responsabilité de prévenir et d’atténuer les éventuels effets des


catastrophes et du changement climatique constitue un important défi à relever par les Etats
membres de la CEDEAO car la région subit de plein fouet les conséquences du dérèglement

87 Convention de Kampala, article 12.3 ; Voir également Cour européenne des droits de l’Homme,
Budaïeva et autres v. Russie, Demandes nos. 15339/02, 21166/02, 20058/02, 11673/02, et 15343/02,
jugement du 20 mars 2008, paragraphes 138–143.

26
Chapitre I : La prévention du déplacement interne

climatique. En outre, les enjeux liés à la croissance et au développement peuvent également


bouleverser la vie des populations et, dans certains cas, entrainer des déplacements.

§ 2. UNE REACTION NECESSAIRE AUX EFFETS DU DEVELOPPEMENT


Des projets d’infrastructure à grande échelle aux initiatives locales de gentrification, le
développement peut entraîner des déplacements considérables de populations 88. De tels
déplacements exigent une planification, comme c’est le cas pour les relocalisations induites
par une catastrophe, sauf qu’ils seront vraisemblablement permanents. Cela représente une
atteinte significative au droit à la liberté de mouvement et au libre choix de résidence, ainsi
que le droit à la propriété des populations concernées.

Ainsi se justifie la nécessité d’encadrer les déplacements causés par les projets de
développement. Cela consiste préalablement à rendre légitimes les évictions forcées de
populations (A) et ensuite, à effectuer les évictions inévitables de manière conforme aux
normes internationales (B).

A. La légitimité souhaitée des évictions forcées


L'Afrique s'urbanise rapidement et cette tendance continuera dans les années à venir 89. Le
continent abrite certaines des villes dont la croissance est la plus rapide au monde, ce qui
devrait modifier considérablement son paysage démographique, social et économique. Le
développement urbain peut provoquer des déplacements lorsque des habitants de quartiers
informels sont expulsés pour faire place aux projets. Toutes les expulsions ne sont pas
illégales, mais il arrive souvent que de nombreuses personnes soient obligées de partir sans
préavis, ce qui suscite des inquiétudes quant aux violations des droits de l’Homme.90

La Convention de Kampala engage les autorités compétentes à prévenir autant que possible
« les déplacements causés par des projets réalisés par des acteurs publics ou privés 91 ». Les
pouvoirs publics et les acteurs non étatiques, notamment les entreprises impliquées dans les

88 CERNEA M. Michael, « Déplacement forcé et réinstallation de population : recherche, politiques


d’intervention et planification » dans CERNEA M. Michael, dir., La dimension humaine dans les projets
de développement – Les variables sociologiques et culturelles, Paris, Karthala, 1999 à la p. 213 (voir
spécialement le tableau récapitulatif du nombre de personnes affectées par des projets de grands barrages).
89 The World Bank, « Urban population », disponible au: https://data.worldbank.org/indicator/SP.URB.TOTL.
IN.ZS?locations=Z7, consulté le : 21 mars 2020.
90 OHCHR, Basic Principles and Guidelines on Development based Evictions and Displacement, 2007; UN
Habitat, UNCHR, « The Right to Adequate Housing » Fact Sheet No. 21/ Rev.1, novembre 2009; IDMC,
« Spotlight Nairobi, GRID2019 », mai 2019.
91 Convention de Kampala, art. 10.1.

27
Chapitre I : La prévention du déplacement interne

projets, doivent prévenir les risques déplacement. Elle détermine les obligations des Etats
envers les personnes déplacées par les projets de développement, en prévoyant notamment les
circonstances dans lesquelles un tel déplacement peut être juridiquement autorisé92.

Afin d’éviter de se lancer dans un déplacement arbitraire, les autorités compétentes doivent
réglementer tous les cas de relocalisation réalisés dans les projets de développement à grande
échelle entrepris par des acteurs publics ou privés. Seront clairement exposés, les intérêts
publics justifiant un déplacement et une réinstallation, les procédures selon lesquelles le
déplacement doit être effectué, la portée des compensations et le droit à un examen
administratif ou judiciaire.

En effet, les déplacements provoqués par des projets de développement doivent être
justifiés par des considérations impérieuses liées à l’intérêt supérieur du développement
national et ne doivent être entrepris qu’après que les autorités compétentes se soient assurées
que les acteurs concernés explorent « toutes les alternatives réalisables », en ayant toutes les
informations et en consultation avec les personnes susceptibles d'être déplacées par ces
projets 93. Les gouvernements sont également tenus de garantir les droits des communautés
concernées pour que leur droit à un logement convenable soit protégé sans discrimination 94.
Les personnes susceptibles d’être déplacées ont le droit à la réinstallation, notamment, le droit
à l'alternative de fourniture de terrains ou de logements de qualité égale ou comparable 95. Les
pouvoirs publics doivent aussi tenir compte des obligations particulières de protection des
groupes ayant un lien particulier avec la terre en raison de leur culture et de leurs valeurs
spirituelles particulières96. Il s’agit par exemple des minorités et des groupes indigènes ou
encore les efforts visant à préserver les ressources pastorales.

Avant le début de tout projet qui pourrait entraîner des déplacements internes, les autorités
compétentes doivent exiger des évaluations socio-économiques environnementales complètes
et holistiques de son impact97. Ces évaluations devraient inclure l'exploration des alternatives
et des stratégies pour réduire les dommages et prendre en compte les impacts différentiels des

92 Union africaine, Loi-type pour la mise en œuvre de la Convention de l'Union africaine sur la protection et
l'assistance aux personnes déplacées en Afrique, article 15.2, Avril 2018 disponible sur
https://www.refworld.org/docid/5aeb39434.html
93 Convention de Kampala, article 10.2.
94, Loi-type de l’Union africaine, op cit., article 15.5.
95 Ibidem, article 15.6.
96 Convention de Kampala, article 4.5.
97 Ibidem, article 10.3.

28
Chapitre I : La prévention du déplacement interne

expulsions forcées sur les groupes vulnérables. Toutes ces évaluations devraient être basées
sur la collecte de données ventilées.

Toutefois, s’il n’existe aucune alternative à la réalisation des projets de développement


dans des zones peuplées, le déplacement ne pourra être évité. Lorsque des projets de
développement à grande échelle impliquent une relocalisation permanente des populations
touchées, ils doivent respecter les normes internationales afin d’éviter les violations des droits
de l’Homme.

B. Les garanties consacrées à la procédure d’éviction


Si, dans des zones habitées, il n’existe aucune alternative à la réalisation des projets de
développement, une relocalisation des communautés concernées peut être ordonnée. Les Etats
doivent dès lors prendre les mesures nécessaires pour garantir que ses effets négatifs soient
minimisés. Les déplacements dus aux projets doivent ainsi être effectués selon des procédures
et des garanties bien déterminées98.

Les expulsions ne sont pas illégales par définition, mais on craint que bon nombre le soient
en réalité parce qu’elles violent les droits des personnes, notamment en matière de
réinstallation et d’indemnisation. Une fois le processus de relocalisation entamé, les Etats
s’assurent que les personnes concernées sont réinstallées conformément aux normes relatives
à la protection des droits de l’Homme. Les procédures de réinstallation doivent refléter par
exemple les Principes de base et Directives concernant les expulsions et les déplacements de
200699. Ces principes donnent de plus amples explications sur les mesures à prendre par les
autorités étatiques pour éviter les déplacements arbitraires au cours de projets de
développement.

Concrètement, les Etats doivent s’assurer au préalable que la mesure est prise par les
autorités compétentes pleinement habilitées par la loi. De même, fournir des efforts
prioritaires visant à obtenir un consentement libre et éclairé ou la coopération des
communautés susceptibles d’être déplacées. Tout en se réservant le droit de prendre des
mesures légitimes d'exécution en dernier recours, les Etats veillent à ce que les déplacements
ou les réinstallations résultant de projets ne soient pas effectués d'une manière qui porte

98 Loi-type de l’Union africaine, op cit., article 17.


99 Commission des droits de l’Homme des Nations Unies, Principes de base et directives concernant les
expulsions et les déplacements liés au développement, UN Doc. A/HRC/4/18 (5 février 2007), disponible
sur http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G07/106/29/PDF/G0710629.pdf?OpenElement)

29
Chapitre I : La prévention du déplacement interne

atteinte à la dignité et aux droits des personnes touchées 100. Les mesures répressives, le cas
échéant, doivent être effectuées par les autorités compétentes conformément aux normes des
droits de l'Homme applicables.

Ainsi, les populations concernées ne peuvent être victimes d'attaques directes ou aveugles
ou d'autres actes de violence, notamment, contre les femmes et les enfants. Elles ne peuvent
non plus être arbitrairement privées de leurs propriétés ou leurs possessions, suite à la
démolition, l’incendie criminel et d'autres formes de destruction délibérée, de négligence ou
de toute forme de punition collective. Il est aussi indispensable de garantir une protection
juridique ainsi que la possibilité pour les opposants à la mesure de relocalisation de contester
la décision et demander la révision devant un organisme constitué à cet effet ou devant les
juridictions ordinaires.

Quant aux sites de réinstallation, ils doivent, une fois identifiés, remplir les critères d’un
logement adéquat selon les normes des droits de l'Homme applicables 101. Les acteurs
concernés doivent en effet fournir toutes les commodités nécessaires ainsi que les services et
les possibilités économiques sur le site proposé. Les sites de réinstallation choisis doivent
prévoir des opportunités économiques assurant des moyens de subsistance au moins égales à
celles avant la réinstallation. Les Principes de base et Directives définissent également des
critères permettant de garantir que les sites de réinstallation soient convenables. Ils soulignent
le fait que le retour volontaire aux sites de développement devrait être facilité dans des cas
exceptionnels dans lesquels les conditions le permettent.

Les autorités compétentes doivent enfin veiller à ce qu’une réparation juste et équitable
soit faite pour toute perte de vie, biens immobiliers ou autres. La réparation doit être prévue
pour tout dommage économique quantifiable. Le cas échéant, elle doit être proportionnelle à
la gravité de la violation et aux circonstances de chaque cas, tels que le préjudice physique ou
mental, les occasions perdues102, les dommages matériels et les pertes de revenus 103. Le
quantum de réparation pour la perte de la propriété doit être sur la base de la juste valeur du
marché en vigueur à payer avant le déplacement interne ou la réinstallation.

Ainsi, il faut retenir que la mise œuvre de la Convention de Kampala et, plus généralement,
la réponse aux situations de déplacement interne, passe avant tout par la prévention. La

100 Loi-type de l’Union africaine, op cit., article 18.


101 Ibidem, article 19.
102 Par ex. Education, emploi et avantages sociaux.
103 Par ex. Perte du potentiel de gains, frais de justice et services médicaux, psychologiques et sociaux.

30
Chapitre I : La prévention du déplacement interne

prévention du déplacement interne ainsi que celle de ses multiples causes doit être la priorité
des Etats membres de la CEDEAO. Cependant, lorsque le déplacement n’a pas pu être évité,
il est tout aussi important d’entreprendre des actions adéquates et indispensables à la
protection des personnes déplacées internes.

31
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes

CHAPITRE II.

LA PROTECTION DES PERSONNES DEPLACEES INTERNES

La Convention de Kampala, telle que nous l’avons étudiée jusqu’ici, insiste sur le fait que
c’est aux gouvernements nationaux qu’incombent en premier lieu le devoir et la responsabilité
de fournir une protection et une assistance aux déplacés internes. A ce titre, il est important de
comprendre comment cette responsabilité s’applique pour pouvoir veiller à ce que les
personnes déplacées puissent bénéficier d’une protection efficace, appropriée et durable.

La protection consiste à faire en sorte que tous, les femmes, les filles, les hommes et les
garçons puissent jouir de leurs droits dans des conditions d’égalité, dans la sécurité et la
dignité, y compris en période de déplacement interne. Il est donc essentiel de comprendre les
droits des déplacés internes ainsi que les obligations juridiques des États et des autres
autorités en vertu de la Convention de Kampala et du droit international en général. Ce
chapitre fournit une présentation générale du régime juridique en matière de protection des
personnes déplacées (Section I) et donne des orientations sur la manière dont les Etats parties
doivent mobiliser ce cadre pour s’acquitter de leur devoir d’assistance aux personnes
déplacées (Section II).

SECTION I. LE REGIME JURIDIQUE DE PROTECTION DES PERSONNES DEPLACEES


INTERNES

En raison du caractère involontaire des déplacements, tous les efforts devraient être fournis
pour limiter leur étendue et faire en sorte qu’ils se déroulent dans les meilleures conditions.
Les personnes déplacées sont en effet particulièrement vulnérables durant la période de
déplacement et doivent être protégés contre les violations de leurs droits. Les stratégies
efficaces de protection sont construites autour de plusieurs approches courantes et
interdépendantes.

Parce que la protection porte sur le respect des droits, elle nécessite tout d’abord une
approche fondée et axée sur la jouissance intégrale des droits fondamentaux (§1). Toutefois,
elle ne se limite pas aux droits « non dérogeables » comme la survie et à la sécurité physique,
mais couvre un éventail complet de droits et services sociaux de base (§2).

32
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes

§ 1. UNE PROTECTION AXEE SUR LES DROITS FONDAMENTAUX


La jouissance intégrale des droits fondamentaux, dans des conditions d’égalité, constitue la
pierre angulaire de toute stratégie de protection des personnes déplacées. Cette approche
requiert une reconnaissance des personnes déplacées comme titulaires de droits pouvant
légalement se prévaloir d’une protection.

La Convention de Kampala reconnait un certain nombre de droits fondamentaux qui sous-


tendent la protection. Parmi ceux-ci, une attention particulière doit être accordée aux droits
relatifs à la sécurité et à la liberté de mouvement (A) d’une part, et les droits relatifs à la
personnalité juridique et à la vie familiale (B) d’autre part.

A. Les droits relatifs à la sécurité et à la liberté de mouvement


Les personnes déplacées et les communautés peuvent être confrontées à toute une série de
menaces graves à leur vie, leur sûreté et leur sécurité à tous les stades du cycle du
déplacement. Elles peuvent également être privés de leur droit de circuler librement et en
toute sécurité. Ce droit va de pair avec celui d’être libre de toute contrainte entravant le
mouvement ou le séjour dans un endroit donné à moins que la loi ne l’y autorise.

En ce sens, les États parties à la Convention de Kampala sont tenus de protéger les droits
des personnes déplacées en s’abstenant de pratiquer, et en prévenant, « la discrimination, le
génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et autres violations du droit
international humanitaire, le meurtre arbitraire, les exécutions sommaires, la détention
arbitraire, l’enlèvement, la disparition forcée, la torture et toute autre forme de traitements
cruels, inhumains et dégradants, la violence sexuelle et fondée sur le genre (notamment le
viol, la prostitution forcée, l’exploitation sexuelle) et la famine 104 ».

La Convention fournit ainsi des orientations sur la manière de répondre à trois menaces
distinctes mais interdépendantes à la vie, la sûreté et la sécurité. D’abord les menaces
résultant d’un effondrement de l’ordre public dont les crimes et violences. Les menaces
apparaissant dans le contexte d’un conflit armé, c’est-à-dire aux mains des forces et des
groupes armés parties au conflit ou du fait de leurs activités. Et les menaces dues à des
tensions communautaires ou internes à des groupes, soit au sein de la population déplacée,
soit entre les déplacés et la population d’accueil, par exemple en raison d’une compétition

104 Convention de Kampala, article 9.1 a)-e). Voir aussi CG IV, art. 27, 32, 34, 146 & 147 ; Protocole I, art.
51, 75, 76, 77 & 85 ; Protocole II, art. 4 & 13 ; DIHC, règles 1, 7, 89, 90-94, 96, 98-99 & 1569.

33
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes

pour des ressources limitées 105. L’objectif de l'interdiction des traitements cruels, inhumains
ou dégradants est, selon les termes de la Convention, de « prendre les mesures nécessaires
pour assurer aux personnes déplacées un accueil sans discrimination aucune, et qu’ils vivent
dans des conditions satisfaisantes de sûreté, de dignité et de sécurité 106 ».

Par ailleurs, la possibilité de se déplacer librement et en sécurité dans son pays est un droit
fondamental et une condition préalable à la jouissance de nombreux autres droits. Les
restrictions à la libre circulation peuvent avoir des conséquences graves pour la vie, la santé et
le bien-être des personnes et des communautés. Assurer la libre circulation constitue donc une
partie importante de toute stratégie de protection. La libre circulation est particulièrement
importante pour les déplacés internes qui vivent dans ou à proximité des zones de conflit. Elle
l’est aussi pour ceux qui résident dans des camps et des zones d’installation. Cela est dû au
fait que l’accès à des moyens de subsistance viables et à l’assistance humanitaire y est limité
et les menaces à la vie, à la sûreté et à la sécurité sont fréquentes. La Convention, afin d’offrir
une protection adéquate, interdit aux membres des groupes armés de « restreindre la liberté
de mouvement des personnes déplacées à l’intérieur et à l’extérieur de leurs zones de
résidence107 ».

Divers obstacles peuvent limiter la liberté de mouvement des personnes déplacées.


Notamment des restrictions juridiques ou administratives, l’enfermement forcé dans un camp,
le déplacement forcé de population ou encore l’arrestation et la détention arbitraires. La
Convention rappelle alors l’engagement pris par les Etats de « respecter et assurer aux
personnes déplacées le droit de rechercher la sécurité dans une autre région de leur État, et
d’être protégées contre le retour forcé ou la réinstallation dans un lieu où leur vie, leur
sécurité, leur liberté et/ou leur santé seraient à risque108 ». Les Etats s’engagent aussi à
« garantir la liberté de mouvement et de choix de résidence des personnes déplacées, excepté
dans les cas où les restrictions sur ces mouvements et ce choix de résidence sont nécessaires,

105 La liste n’est pas exhaustive et il faudrait identifier diverses autres menaces et y répondre. Par exemple,
celles liées à des catastrophes naturelles ou environnementales telles que les incendies, les sécheresses, les
inondations, les tremblements de terre, les glissements de terrain et la pollution.
106 Convention de Kampala, article 9.2 a). Voir aussi CG I-IV, art. 3 commun ; CG IV, art. 27 ; Protocole I,
art. 75 ; Protocole II, art. 2.1 & 4.1 ; DIHC, règles 87 & 88.
107 Convention de Kampala, article 7.5 d).
108 Ibidem, article 9.2 e); Voir aussi, CG IV, art. 49 & 147; Protocole I, art. 51.7, 78.1 & 85.4 a) ; Protocole
II, art. 4.3 e), & 17; DIHC, règles 129 & 132.

34
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes

justifiées, et proportionnées pour des raisons de sécurité, ou pour des raisons d’ordre et de
santé publique109 ».

Afin de jouir pleinement de leur liberté de mouvement en toute sécurité, les personnes
déplacées ont nécessairement besoin d’un accès sans entrave aux documents leur conférant
une personnalité juridique. La fourniture de ces documents contribuerait en effet à renforcer la
liberté de choisir leurs lieux de résidence et limiterait considérablement les risques de
séparations familiales auxquels les communautés déplacées sont fréquemment exposées.

B. Les droits relatifs à la personnalité juridique et à la vie familiale


Le déplacement aboutit souvent à la perte ou à la destruction des documents personnels et
des registres. L’absence de documents et d’autres moyens de prouver son identité peut avoir
des conséquences graves pour les individus et les communautés. Cette situation peut entraîner
notamment une restriction à la liberté de circulation, un accès limité à l’assistance et aux
services vitaux, un risque de harcèlement, d’arrestation et de détention arbitraires. La question
de la nationalité mérite une attention particulière car le déplacement peut aussi déclencher ou
accroître le risque d’apatridie ou placer les apatrides dans une situation juridique encore plus
précaire.

Le droit international et régional des droits de l’Homme demande aux États de prendre
toutes les mesures nécessaires pour assurer la jouissance pleine, égale et effective de tous les
droits et libertés, y compris du droit à une reconnaissance et une protection égales devant la
loi110. Les autorités doivent pour cela veiller à ce que toute personne, y compris les PDI, aient
une identité juridique, ainsi que les moyens de prouver si besoin leur identité, pour exercer
leurs droits, par exemple par leurs documents d’état civil.

Cette obligation est énoncée dans la Convention de Kampala, qui demande aux États
parties de garantir « que soient délivrés aux personnes déplacées internes les documents
d’identité nécessaires » et de s’assurer que « les femmes et les hommes ainsi que les enfants
non accompagnés ont également le droit d’obtenir les documents d’identité nécessaires, et à

109 Convention de Kampala, article 9.2 f) ; Voir aussi CG IV, art. 42-43 & 78 ; Protocole I, art. 75 ;
Protocole II, art. 5.1 ; DIHC, règle 99.
110 Voir DUDH, art. 6 et 7 ; PIDCP, art. 16 et 26 ; CEDEF, art. 15 ; CEDR, art. 5(a) ; CTM, art. 18 et 24 ;
CADHP, art. 3 et 5 ; Art. 3 et 8 de son Protocole sur les droits des femmes en Afrique, CAmDH, art. 3 et
24 ; et CArDH, art. 18. Voir également Principe 20 des Principes directeurs sur le déplacement interne.
Nul ne peut déroger à ce droit. Voir p. ex. PIDCP, art. 4(2) du et CAmDH, art. 27(2).

35
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes

les détenir en leur nom propre111 ». Même lorsque les déplacés internes sont arbitrairement
privés de documents par des acteurs non étatiques ou privés, c’est à l’État qu’il incombe de
leur fournir une protection efficace ou de garantir leurs droits.

Les documents personnels et les registres civils établissent et prouvent l’état civil et le
statut juridique des individus, notamment en matière de naissance, de filiation, et de tutelle.
Dans les situations de déplacement forcé, les documents personnels sont souvent perdus,
endommagés ou détruits, et les systèmes tant officiels que traditionnels d’état civil,
sérieusement altérés. De même, les déplacés internes ne doivent en aucun cas être privés de
leur nationalité, ou empêchés d’en acquérir une ou de la transmettre à leurs enfants parce
qu’ils sont déplacés. La nationalité est généralement associée à l’état civil. Le droit à une
nationalité est souvent qualifié de « droit d’avoir des droits » en raison de son importance
comme base de revendication d’autres droits, allant de la reconnaissance devant la loi à
l’accès aux services élémentaires.

Quant aux familles et les communautés, elles sont fréquemment déchirées par le
déplacement forcé. Cette séparation peut être délibérée comme lorsque les parents confient
leurs enfants à d’autres, souvent parce qu’ils pensent que c’est là leur intérêt supérieur. La
séparation peut aussi intervenir accidentellement comme pendant la fuite ou en cherchant un
abri et une assistance dans d’immenses camps, zones d’installation ou zones urbaines
surpeuplés.

La séparation peut aussi se produire à la suite d’interventions humanitaires faites dans une
bonne intention mais mal conçues, voire illégales. Par exemple, le fait d’évacuer des enfants
ou de faciliter leur adoption peut conduire à la séparation forcée et permanente d’enfants de
leurs parents. De même, les enfants peuvent être séparés de leurs familles en étant enrôlés de
force dans l’armée ou des groupes armés. Le droit international garantit le droit au respect de
la famille, notamment le droit de ne pas être l’objet d’ingérences arbitraires ou illégales. En
tant qu’élément fondamental de la société, la famille a aussi droit à une protection et une
assistance spéciales 112. Aux termes de la Convention de Kampala, les Etats parties se sont
engagés à « prendre les mesures nécessaires, y compris la mise en place de mécanismes

111 Convention de Kampala, article 13.2 et 13.4 ; Voir aussi CG IV, art. 50 & 97.6.
112 Voir, au niveau international, DUDH, art. 16 ; PIDESC, art. 10 ; PIDCP, art. 17 et 23 ; CDE, art. 16 et 18
et, au niveau régional, CADHP, art. 18 ; CAmDH, art. 17 ; CArDH, art. 38 ; Déclaration du Caire sur
les droits de l’Homme en Islam, art. 5 ; CEDH, art. 8 et 12 ; et CSE révisée, art. 16.

36
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes

spécialisés, pour retrouver et réunifier les familles séparées durant le déplacement, en vue du
rétablissement des liens familiaux113 ».

Des efforts visant à préserver l’unité de la famille doivent être déployés à tous les stades du
déplacement. Ils doivent éviter la séparation des familles et si celles-ci se produisent, faciliter
des recherches et un regroupement rapides. Il est important de veiller à ce que les membres de
familles séparés, notamment les enfants séparés ou non accompagnés, soient identifiés,
enregistrés et pourvus de documents le plus tôt possible. Ces mesures augmenteront les
chances de réussite des recherches et du regroupement, et faciliteront l’apport rapide de soins,
de soutien et de protection adéquats à ceux qui en ont besoin.

Parallèlement à la protection de leurs droits fondamentaux, les populations affectées par le


déplacement interne doivent bénéficier de garanties relatives à la satisfaction de leurs besoins
essentiels pour accéder à un niveau de vie décent. Les autorités compétentes doivent ainsi
considérer la fourniture des services sociaux de base aux personnes déplacées comme étant
une responsabilité complémentaire et interdépendante à la satisfaction des droits
fondamentaux des personnes déplacées.

§2. UNE PROTECTION ETENDUE AUX DROITS ET SERVICES SOCIAUX DE BASE


Les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays manquent souvent d’aide ou de
possibilités de subvenir à leurs propres besoins et souffrent parfois de conditions de vie
nettement insuffisantes. S’appuyant sur les droits de l’Homme et sur le droit humanitaire, la
Convention de Kampala affirme la responsabilité des dirigeants d’assurer aux personnes
déplacées une assistance de base, dans des conditions de sécurité.

Indépendamment de la manière dont elles vivent, que ce soit dans des camps ou qu’elles
soient dispersées dans des villes et des zones rurales, les personnes déplacées doivent en effet
pouvoir bénéficier des droits indispensables au maintien de la vie (A). Les populations
affectées par le déplacement sont également vulnérables face à la perte de leurs terres et leurs
biens matériels, d’où l’importance de garantir leur préservation (B).

113 Convention de Kampala, art. 9.2 h); Voir aussi CG IV, art. 25, 26, 27, 49 & 82.2-82.3; Protocole I, art. 74
& 75.5; Protocole II, art. 4.3; DIHC, règles 105 & 117.

37
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes

A. Les droits liés aux besoins essentiels de la vie


Les autorités compétentes doivent respecter et garantir les besoins fondamentaux de toutes
les personnes déplacées internes notamment un niveau de vie adéquat, d'une manière
progressive et selon les ressources disponibles. C’est une exigence reconnue par les
instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’Homme ainsi que les lois
nationales.

Au minimum, quelles que soient les circonstances et sans discrimination, les autorités
compétentes doivent fournir aux personnes déplacées, dans la plus large mesure possible et
dans les plus brefs délais, l’assistance humanitaire adéquate. Notamment « l’alimentation,
l’eau, l’abri, les soins médicaux et autres services de santé, l’assainissement, l’éducation, et
tous autres services sociaux nécessaires 114 ». Cette assistance peut être étendue, en cas de
besoin, aux communautés locales et d’accueil.

L’accès à une nourriture suffisante est à la fois un droit individuel et une responsabilité
collective. Le droit d’être à l’abri de la faim est intrinsèquement lié au droit à la vie. Les États
doivent, dans la mesure du possible, veiller à ce que les populations se trouvant sur leur
territoire soient à l’abri de la faim en utilisant au maximum leurs ressources disponibles 115.
L’utilisation de la famine comme arme de guerre constitue un crime de guerre en vertu du
Statut de la Cour pénale internationale116.

Le droit international et régional des droits de l’Homme garantit le droit à l’eau à la fois
par le droit à un niveau de vie suffisant 117 et par le droit au meilleur état de santé susceptible
d’être atteint118. Il est également interdit, pendant un conflit, de porter atteinte aux biens
indispensables à la survie de la population civile, dont les installations et réserves d’eau. Il
convient aussi de veiller à protéger l’environnement naturel, y compris les sources d’eau,

114 Convention de Kampala, art. 9.2 b). Voir aussi CG I-IV, art. 3 commun ; CG IV, art. 16, 23, 24.1 27,
49.3, 50, 55, 56 & 59 ; Protocole I, art. 10, 54, 70 & 75.1 ; Protocole II, art. 4.1, 4.3 a), 7.2, 8, 14, 17.1 &
18.2 ; DIHC, règles 53-55, 109-110 & 131.
115 Voir DUDH, art. 25 ; PIDESC, art. 11.1 et 2 ; CDE, art. 4.
116 Statut de la Cour pénale internationale, art. 8(2) (b) (xxiv).
117 Voir p. ex., au niveau international, DUDH, art. 25(1) ; PIDESC, art. 11 ; CEDEF, art. 14(2) (h) et CDE,
art. 24.2 c). Au niveau régional, voir aussi CADHP, art. 14 ; et Protocole de la CADHP sur les droits des
femmes en Afrique, art. 15.
118 Observation générale n° 14 (2000) du Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU sur le
droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint, doc. ONU E/C/12/2000/4.

38
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes

contre les dommages étendus, graves et à long terme pouvant compromettre la santé et la
survie de la population119.

De même, en tant que composant du droit à un niveau de vie suffisant, le droit des déplacés
internes à un logement convenable 120 sous-tend celui de chaque personne à obtenir et à
entretenir un foyer et une communauté qui soient salubres et sûrs et dans lesquels elle peut
vivre en toute sécurité, dans la paix et la dignité. En temps de guerre, le droit à l’hébergement
est protégé par des mesures préventives tels que l’interdiction d’attaquer les habitations des
civils y compris celles des déplacés internes, ou d’utiliser les habitations des civils pour des
opérations ou des objectifs militaires 121.

Sur le plan sanitaire, toute personne a le droit de jouir du meilleur état physique et mental
possible. La prise en charge des besoins de santé d’une population déplacée nécessite une
réponse multisectorielle tenant dûment compte des interactions entre santé et protection 122. La
pandémie de la Covid-19 a particulièrement démontré l’importance de ce point, compte tenu
de la détresse ressentie dans les camps de déplacés internes au cours de cette période 123. Le
droit international humanitaire fournit une protection étendue aux malades et aux blessés,
ainsi qu’au personnel de santé et autre personnel humanitaire, aux hôpitaux, à l’équipement
médical, aux unités et aux transports médicaux 124.

Ainsi donc, il est essentiel de garantir aux personnes déplacées internes, la jouissance de
leurs besoins essentiels. Du droit à l’éducation 125 en passant par la participation aux affaires
publiques et le droit de vote 126, la Convention de Kampala fournit un cadre adéquat de

119 Voir p. ex. Protocole I, art. 54 ; Protocole II, art. 14 ; et Principe directeur 10(2) (b). Voir également,
Statut de Rome, art. 8(2) (b) (ii), (iv) et (xxv).
120 DUDH, article 25 ; PIDESC, article 11 ; UN-Habitat, The Habitat Agenda Goals and Principles,
Commitments and Global Plan of Action, (1996), paragraphes. 60 et 61.
121 DIHC, Règles 7 à 23 ; Voir aussi CG IV, art. 33 et 53 ; Protocole I, art. 51 et 52 ; Protocole II, art. 4(2)
(g) ; Règlement de La Haye, art. 28. Voir aussi, Statut de Rome, art. 2(b) (xvi).
122 Voir p. ex. DUDH, art. 25(1) ; PIDESC, art. 10(2), 11 et 12 ; CDE, art. 23 (3), 24, 39 ; CEDR, art. 5 (e)
(iv) ; et CEDEF, art. 10(h), 11 (1) (f) et 12, 14(2) (b) et 16(e) ; Observation générale n° 14 (2000) du
Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU, op cit.
123 ONU-Info, « Coronavirus : des millions de migrants et de déplacés internes pris au piège » 10 nov 2020,
disponible au https://news.un.org/fr/story/2020/11/10811942, consulté le 09/01/2021.
124 Il s’agit d’un principe coutumier du droit international humanitaire. Voir aussi Art. 3 commun des CG; CG
IV, art. 16 à 23 ; Protocole I, art. 10 à 18 et 75(2) (a) ; et Protocole II, art. 4(2) (a), 5(1) (a), 5(2) (d) et (e),
et 7 à 12.
125 Voir DIHC, Règle 135. Voir aussi CG IV, art. 23 et 24, 38, 50, 76 et 89 ; Protocole I, art. 70(1), 77(1) et
78(2) ; et Protocole II, art. 4(3).
126 Convention de Kampala, article 9.2 l); DUDH, art. 21; PIDCP, art. 25; CEDR, art. 5(c); CEDEF, art. 7 et
8; CTM, art. 41 et 42. Au niveau régional, voir aussi CADHP, art. 13 et divers articles de son Protocole
sur les droits des femmes en Afrique.

39
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes

protection et interdit toute forme de discrimination à cet égard. Elle accorde également une
attention particulière à la vulnérabilité des personnes déplacées face à la perte de leurs terres
et de leurs biens en général, en tant que conséquence directe, ou même en tant que cause
principale de leur déplacement.

B. Les droits patrimoniaux


Le déplacement forcé aboutit fréquemment à la perte de terres, de maisons et autres biens
appartenant à des personnes et à des communautés. Elles se trouvent alors privées de leur
principale source de sécurité physique et économique. Le déplacement forcé peut être une
cause comme une conséquence de la privation de terres, de maisons et autres biens. Dans de
nombreux cas, ces biens sont détruits par les combats, ou sont accaparés par les parties à un
conflit ou d’autres personnes, qui peuvent être elles-mêmes déplacées.

Les différends relatifs aux terres et autres biens figurent souvent parmi les causes
profondes du conflit et du déplacement, et peuvent constituer un obstacle au retour, à la
réintégration et à la réconciliation. Il est important que les actions visant à résoudre les
problèmes liés à la perte de terres et de biens fassent partie de la réponse en matière de
protection pendant toutes les étapes du déplacement et du relèvement postérieur. C’est dans ce
contexte que s’inscrit l’engagement des États parties à la Convention de Kampala de
« prendre les mesures nécessaires pour protéger les biens individuels, collectifs et culturels
abandonnés par les personnes déplacées127 ». A ce titre, les Principes concernant la
restitution des logements et des biens dans le cas des réfugiés et des personnes déplacées
(« Principes Pinheiro ») de l’ONU128, fournissent des orientations pratiques importantes sur
ces questions.

Le droit international et régional des droits de l’Homme protège particulièrement les


personnes qui ont été ou risquent d’être privées de leurs terres et de leurs biens. Le droit au
respect de ses biens inclut le droit de posséder, d’acquérir, de gérer des biens et d’en jouir
sans discrimination aucune. Une attention particulière doit être accordée aux femmes dans
toutes les affaires ayant traits aux biens 129. Les autorités nationales doivent s’abstenir de

127 Convention de Kampala, article 9.2 i) ; Voir aussi CG IV, art. 33.2 & 147 ; Protocole I, art. 51, 52, 75.2
d) & 85 ; DIHC, Règles 7, 11, 51-52 & 133.
128 Principes de l’ONU sur la restitution des logements et des biens dans le cas des réfugiés et autres
personnes déplacées (« Principes Pinheiro »), Sous-commission de la promotion et de la protection des
droits de l’Homme des Nations Unies, doc. ONU E/CN.4/Sub.2/2005/17, 28 juin 2005.
129 Voir p. ex. DUDH, art. 17; CEDEF, art 16(2) (h) et 15(2) ; Convention de l’OIT n° 169, art. 13 à 19 ;
CADHP, art. 14 et Art. 6(j), 7(d) et 21 de son Protocole sur les droits des femmes en Afrique ; DADDH,

40
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes

priver arbitrairement des personnes de leurs biens, protéger ces biens contre une immixtion
illégale par des tiers. Suite d’une période de dépossession illicite, la restitution des biens et/ou
une indemnisation sera assurée aux propriétaires légaux.

Le droit à la restitution et/ou à une indemnisation pour des biens perdus est encore renforcé
par le droit à un recours effectif pour des actes injustifiés et des violations des droits de
l’Homme130. Le respect d’un certain nombre de droits est également important dans ce
contexte. Il s’agit principalement du droit au retour131, qui inclut non seulement le droit de
rentrer dans sa région d’origine mais aussi le droit de retourner dans son foyer ou son lieu de
résidence habituelle, le droit de circuler librement et de choisir sa résidence, le droit au respect
de son foyer, et le droit à un niveau de vie suffisant, notamment pour le logement et la
nourriture.

Le droit international humanitaire exige que toutes les parties à un conflit, que ce soit des
acteurs étatiques ou non étatiques, fassent en tout temps la distinction entre objectifs civils et
objectifs militaires. Plus précisément, il interdit les attaques directes et indiscriminées et
autres actes de violence contre des objectifs civils, l’utilisation de biens civils pour protéger
des opérations ou des objectifs militaires, le pillage et/ou la destruction de biens privés et
publics, les représailles ou les punitions collectives contre des biens privés 132.

L’utilisation de ces approches, à savoir celle fondée sur la protection des droits
fondamentaux ainsi que la garantie des droits et services sociaux de base, est essentielle pour
assurer la protection des PDI dans les différents secteurs de la réponse humanitaire. Les règles
relatives à cette réponse sont consacrées de façon plus générale par la Convention de Kampala
à travers le devoir de porter assistance aux personnes déplacées.

art XXIII ; CAmDH, art. 21 ; CArDH, art. 25 ; et Protocole I de la CEDH, art. 1. Ce droit est également
affirmé dans diverses résolutions de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité et du Conseil
(anciennement Commission) des droits de l’Homme, ainsi que dans sa Sous-commission, et dans la
jurisprudence des cours régionales des droits de l’Homme. Voir aussi Principes Pinheiro, principes 3 à 7 ;
et Principes directeurs sur le déplacement interne, principe 21.
130 Voir DUDH, art. 8; PIDCP, art. 2(3); CEDR, art. 6; CDE, art. 30; Statut de la CPI, art. 75(1); et, au
niveau régional, CAmDH, art. 10 et 25; CADHP, art. 7 et Art. 25 de son Protocole sur les droits des
femmes en Afrique; et CEDH, art. 13. Voir aussi Art. 35 et 26 des Articles sur la responsabilité de l’État,
et les résolutions du Conseil (anciennement Commission) des droits de l’Homme, dont la résolution
2005/35. Voir aussi Principes Pinheiro, principe 2.
131 Voir DUDH, art. 13(2); PIDCP, art. 12(4); Convention de l’OIT n° 169, art. 16(3); et, au niveau régional,
CADHP, art. 12(2); CAmDH, art. 22(5); Protocole IV de la CEDH, art. 3(2). Voir aussi Principe 10 des
Principes Pinheiro et Principe 28 des Principes directeurs sur le déplacement interne. Ce droit a aussi été
affirmé dans des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, de l’Assemblée générale et du Conseil
(anciennement Commission) des droits de l’Homme et sa Sous-commission, ainsi que dans la
jurisprudence des cours régionales des droits de l’Homme.
132 Voir DIHC, Règles 7 à 23. Voir aussi CG IV, Art. 33 et 53; Protocole I, Art. 51 et 52; Protocole II, Art.
4(2) (g); Règles de La Haye, Art. 28; et Statut de Rome, Art. 2(b) (xvi).

41
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes

SECTION II. LE DEVOIR D’ASSISTANCE AUX PERSONNES DEPLACEES INTERNES


En règle générale, l’assistance humanitaire consiste à fournir des services ou des produits
de secours, soit directement, soit indirectement en procurant des conseils ou des ressources
par le biais d’une autorité locale ou d’une organisation partenaire 133. L’accès à l’assistance
humanitaire est l’un des problèmes les plus urgents pour les personnes déplacées.

La Convention de Kampala précise les rôles et les responsabilités des dirigeants nationaux
et des autres acteurs dans l’apport de l’aide humanitaire aux personnes déplacées internes. Ces
principes admettent la responsabilité, désormais évidente, qui incombe aux autorités
nationales d’aider leurs concitoyens (§1). Ils affirment également le rôle important des
organisations humanitaires internationales et les autres acteurs compétents (§2).

§ 1. UN DEVOIR ASSIGNE AUX AUTORITES NATIONALES


L’aide humanitaire est souvent nécessaire pour le plein exercice du droit à un niveau de vie
suffisant. Certains droits à l’aide humanitaire, jadis implicites dans les règles du droit
international des droits de l’Homme134 et du droit international humanitaire135, sont explicités
par la Convention de Kampala.

Le devoir d’assistance aux personnes déplacées y reflète le principe de la responsabilité


première des Etats. Il se traduit par l’obligation qui incombe aux Etats de faciliter l’accès à
l’aide humanitaire (A). Les autorités nationales doivent également s’assurer de la participation
de toutes les parties concernées dans la planification de l’assistance humanitaire (B).

A. L’accès facilité à l’aide humanitaire


Il est essentiel d’avoir accès aux personnes déplacées internes pour identifier leurs besoins
de protection et d’assistance et y répondre. Cela constitue généralement une condition
préalable à toute action humanitaire. L’accès humanitaire doit s’entendre à la fois du point de
vue de la population concernée, qui doit avoir accès à la protection et à l’assistance, et de
celui des acteurs humanitaires, qui doivent avoir accès aux personnes ayant besoin de
protection et d’assistance.

133 D’après SLIM H. et BONWICK A., A Guide for Humanitarian Agencies, Overseas Development Institute,
Londres, 2005.
134 Voir en particulier, PIDESC, articles 11 et 12.
135 Convention de Genève (IV), articles 49(3) et 55; Protocole I, articles 54(2) et 69 ; Protocole II, articles 14
et (17) (1).

42
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes

Le droit international ne prévoit pas explicitement de droit à l’aide humanitaire pour les
personnes déplacées, sauf dans les situations de conflit armé international. En effet, lors d’un
conflit armé, les organisations humanitaires ont un droit expressément reconnu d’offrir leur
aide136. C’est dans ce sens que la Convention de Kampala énonce clairement l’engagement
des Etats et des autres acteurs à « porter assistance aux personnes déplacées en assurant la
satisfaction de leurs besoins fondamentaux, en autorisant et facilitant un accès rapide et libre
aux organisations et au personnel humanitaires 137 ».

En fournissant une assistance aux PDI, l’Etat assume le premier devoir et la responsabilité
de subvenir aux besoins des personnes déplacées dans son territoire ou sa juridiction sans
aucune sorte de discrimination. Les autorités compétentes peuvent prévoir des dispositions
techniques dans lesquelles l'accès humanitaire sera autorisé, mais doivent garantir « le
passage rapide et libre de toutes les opérations, tous les équipements et de tout le personnel
de secours au bénéfice des personnes déplacées138 ». Dans les situations de conflit armé, les
parties au conflit doivent permettre et faciliter le passage rapide et sans entraves des secours
humanitaires pour les civils qui sont dans le besoin. Les secours doivent être distribués de
manière impartiale et sans aucune distinction de caractère défavorable139.

Les Etats parties devraient aussi garantir la liberté de mouvement du personnel


humanitaire, essentielle à l’exercice de ses fonctions. Cette liberté peut uniquement être
soumise à des restrictions provisoires en cas de nécessité militaire impérieuse 140. Les parties à
un conflit armé sont tenues de protéger le personnel humanitaire, leurs biens et équipements
contre les attaques et le détournement de l’aide141. Le fait d’entraver délibérément
l’acheminement de l’aide s’apparente d’ailleurs à un crime de guerre puisqu’il est interdit, par
exemple, d’utiliser contre les personnes civiles la famine comme méthode de combat 142. La
Convention affirme à ce propos que les États parties « respectent et protègent et n’attaquent
ni portent préjudice au personnel et au matériel déployés pour l’assistance au profit des

136 Conventions de Genève, Article commun 3(2) ; Protocole II, article 18(1).
137 Convention de Kampala, article 3.1 j).
138 Ibidem, article 5.7.
139 Convention de Genève (IV), articles 23, 55 et 59; Protocole I, article 70.2 & 70.5; Protocole II, article
18.2 ; DIHC, Règle 55.
139 Convention de Kampala, article 5.7.
140 DIHC, Règle 56.
141 Protocole I, articles 70 article et 71; DIHC Règles 31 et 32.
142 Statut de Rome, article 8(b) (xxv).

43
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes

personnes déplacées 143 ». Enfin, les belligérants doivent garantir que les éventuels attaquants
du personnel humanitaire, de leurs biens et de leurs équipements sont punis144.

Dans les situations de catastrophe, les Etats portent la responsabilité première du soin des
victimes 145. Le travail des agences d’aide humanitaire internationalement reconnues dans le
domaine de l’assistance en cas de catastrophe devrait être simplifié. Par exemple par la levée
des exigences concernant les visas de transit, d’entrée et de sortie pour le personnel de secours
agissant à titre officiel, ou par l’exemption des frais de douane pour les biens et équipements
de secours146.

Au-delà de la facilité de l’accès à l’aide humanitaire, l’assistance fournie aux personnes


affectées par le déplacement interne doit être efficace et de la manière la plus appropriée
possible dans l’intérêt des bénéficiaires. Et cela ne peut être réalisé sans la pleine participation
des personnes concernées.

B. La planification inclusive de l’assistance humanitaire


Les individus et les communautés sont des partenaires égaux en matière de protection, d’où
la nécessité d’une approche fondée sur la communauté. La consultation des personnes
déplacées est cruciale pour assurer l'efficacité des activités visant à leur fournir protection et
assistance. Après tout, les PDI sont les mieux placées pour connaître leurs besoins et les
façons de les satisfaire car ils apprennent généralement des « techniques de survie » adaptées
à leur situation147.

Les gouvernements ont la responsabilité d'encourager et de faciliter la participation des


PDI à la planification et à la mise en œuvre des politiques et programmes visant à répondre à
leurs besoins et à protéger leurs droits. Ils doivent également s'assurer que les femmes
déplacées internes participent aux consultations et soient incluses dans toutes les structures
officielles habilitées à prendre des décisions. Les discussions avec les femmes et les filles leur
permettent d'exprimer leurs préoccupations personnelles, tout particulièrement en matière de

143 Convention de Kampala, article 5(10).


144 Statut de Rome, article 8(2) (b) (iii) et 8(2) e) (iii).
145 Voir Assemblée Générale des Nations Unies, Résolutions 46/182 (1991), 45/100 (1990), et 43/131 (1988)
qui affirment la responsabilité de chaque Etat « au premier chef de prendre soin des victimes des
catastrophes naturelles et d’autres situations d’urgences se produisant sur son territoire ».
146 Voir Lignes directrices relatives à la facilitation et à la réglementation nationales des opérations
internationales de secours et d’assistance au relèvement initial en cas de catastrophe adoptées lors de
la 30ème Conférence Internationale de la Croix- Rouge et du Croissant-Rouge (30 novembre 2007).
147 Cf. REFSLUND S. Birgitte et VINCENT Marc, « Caught Within Borders: Coping Strategies of the
Internally Displaced », Conseil norvégien pour les réfugiés, 2001.

44
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes

sécurité, de violence sexuelle et d'exploitation, ainsi que de santé reproductive, qui seraient
négligées si seuls les hommes parlaient au nom du groupe. Les États parties, selon les termes
de la Convention, sont en effet tenus de « consulter les personnes déplacées et leur permettre
de participer aux prises de décisions relatives à la protection et à l’assistance qui leur sont
apportées148 ».

Le fait de consulter les personnes déplacées sur toutes les décisions qui les touchent et de
faciliter leur participation dans les affaires de la communauté n’est pas simplement une
question de courtoisie. C’est une question de nécessité fondée sur trois considérations-clés.
D’abord, les déplacés internes possèdent un droit de participation. Les droits à la liberté
d’expression et de participation politique garantis sur le plan international incluent le droit de
rechercher, de recevoir et de transmettre des informations, ainsi que de prendre part à la
direction des affaires publiques 149. Le fait de s’assurer que les personnes déplacées internes
reçoivent toutes les informations nécessaires et que leur opinion est prise en compte est donc
une question de droits de l’Homme.

Ensuite, La participation des PDI contribue à une action plus efficace. La seule façon de
comprendre réellement les risques et les menaces auxquels les déplacés internes sont
confrontés, leurs capacités et leurs mécanismes d’adaptation, ainsi que les aspirations
concernant leur avenir, est de les interroger directement. Ce faisant, il faut prendre soin de
s’assurer que les sous-groupes vulnérables ou marginalisés au sein des populations déplacées
ont la possibilité de parler en toute sécurité et/ou sous le couvert de la confidentialité.

Enfin, la participation des personnes déplacées réduit leur dépendance et facilite leur
réintégration. Encourager leur participation aux prises de décision peut les préparer à adopter
leurs propres mesures pour atténuer le déplacement et y mettre un terme. En identifiant
clairement les problèmes auxquels elles font face, les personnes déplacées peuvent être
encouragées non seulement à suggérer les actions les plus adéquates, mais également à
développer leurs propres actions complémentaires. Dans de nombreux cas, cela implique la
mise en place d’un système d’organisation représentant un début de réponse aux besoins les
plus élémentaires, mais qui peut également fournir une plateforme pour endosser des rôles
plus importants au bout d’un certain temps.

148 Convention de Kampala, article 9.2 k).


149 Voir par exemple, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Articles 19 et 25.

45
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes

Comme nous l’avons démontré, les gouvernements nationaux ont la charge principale de
garantir une assistance humanitaire adéquate aux déplacés internes. Cette responsabilité se
traduit par un accès sans entrave à l’aide et avec la pleine participation des communautés
concernées. Toutefois, les Etats ont la possibilité de coopérer avec une multitude d’acteurs
potentiels afin de fournir non seulement une meilleure assistance mais surtout, en cas de
nécessité, d’aider les Etats à s’acquitter de leurs responsabilités.

§2. UNE COOPERATION INTERNATIONALE ENCOURAGEE


Une coopération efficace et multilatérale est indispensable pour protéger les personnes
déplacées. L’obligation de coopérer, bien établie en tant que principe du droit international,
est énoncée dans de nombreux instruments internationaux. La Charte des Nations Unies la
consacre, notamment dans le domaine humanitaire dont relève la protection des personnes
déplacées 150.

La Convention de Kampala reconnaît ainsi l’importance centrale de la coopération en


matière d’assistance aux personnes déplacées. Elle reflète une obligation juridique incombant
aux diverses parties concernées d’inclure si nécessaire, une multitude d’acteurs tant
internationaux que nationaux (A). Elle définit également un certain nombre de principes
règlementant l’intervention desdits acteurs (B).

A. L’admission d’une gamme variée d’intervenants


Certes, la Convention stipule que c’est aux États qu’il incombe au premier chef d’assurer
le respect des droits de l’Homme des personnes déplacées internes. Cependant, elle encourage
les États parties, en cas d’insuffisance de ressources, à « coopérer pour solliciter l’assistance
des organisations internationales ou humanitaires, des organisations de la société civile et
des autres acteurs concernés 151 ».

Ainsi, lorsque les gouvernements n'ont pas la capacité d'assurer la sécurité et le bien-être
de leurs populations déplacées, ils doivent, en exerçant leur souveraineté de manière
responsable, inviter ou accepter une assistance internationale et coopérer avec les

150 L’article 1.3 dispose que les buts des Nations Unies sont de (…) « Réaliser la coopération internationale en
résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en
développant et en encourageant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous,
sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion ».
151 Convention de Kampala, article 5.6; CG IV, art. 59; Protocole I, art. 70-71; Protocole II, art. 18; DIHC,
Règle 55.

46
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes

organisations internationales et régionales pour répondre aux besoins de protection et


d'assistance des PDI. Dans les pays confrontés à des problèmes de déplacements internes, les
organismes de défense des droits de l'Homme ont également un rôle utile à jouer pour
protéger et promouvoir les droits humains des personnes déplacées, comme cela a été reconnu
et encouragé par les gouvernements dans le cadre des résolutions des Nations Unies 152.

La Convention de Kampala reconnait clairement le rôle spécifique des organisations et


agences internationales, dans le cadre de l’approche de collaboration inter-agences des
Nations Unies concernant les personnes déplacées. Parmi ces acteurs, elle mentionne
explicitement153 le Comité international de la Croix- Rouge (CICR), qui a des responsabilités
bien définies durant les conflits armés, et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux
réfugiés (HCR), qui est quelquefois appelé à intervenir au nom des personnes déplacées
internes. Une demande faite par le Conseil exécutif de l’Union africaine au HCR, appelle
particulièrement ce dernier à poursuivre et à renforcer son rôle dans la protection et
l’assistance aux personnes déplacées dans le cadre du mécanisme de coordination des Nations
Unies154.

Bien que de nombreuses institutions nationales, en particulier dans les pays en


développement, n'aient pas une capacité suffisante, elles commencent à attirer de plus en plus
l'attention sur la question du déplacement interne 155. La meilleure pratique pour se confronter
au problème des déplacements internes serait que les gouvernements reconnaissent ce
phénomène comme un problème relatif aux droits de l'Homme. Ils doivent reconnaitre qu’il
est couvert par le mandat des organismes nationaux de défense des droits de l'Homme et
octroyer plus de ressources à ces organismes afin de leur permettre de s'occuper de ce
problème.

De même, l'acceptation d'une assistance internationale doit se traduire, comme nous


l’avons étudié précédemment, par la protection du personnel humanitaire qui administre
l'aide. Pour remplir cette obligation, les gouvernements doivent renforcer les mesures de
sécurité et poursuivre en justice les personnes qui commettent des actes de violence contre ce
personnel. Lorsque les gouvernements ne sont pas en mesure de s'acquitter de cette

152 Commission des Nations Unies sur les Droits de l’Homme, Résolution 2003/51 (23 avril 2003),
paragraphes 18 et 21, et Résolution 2004/55 (20 avril 2004), paragraphes. 18 et 21.
153 Convention de Kampala, Préambule.
154 Ibidem. Voir aussi Union africaine, Décision EX/CL.413 (XIII), Sharm El-Sheikh (Égypte), juillet 2008.
155 Cf., par exemple, GOMEZ Mario, « National Human Rights Institutions and Internally Displaced Persons:
Illustrated by the Sri Lankan Experience », Brookings Institution-SAIS Project on Internal Displacement,
Juillet 2002.

47
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes

responsabilité, ils doivent s'efforcer, en collaboration avec la communauté internationale, de


trouver d'autres moyens d'assurer la sécurité du personnel humanitaire. La Convention de
Kampala prévoit aussi une collaboration entre les États parties et l’Union africaine 156. Elle
vise expressément les obligations de l’Union africaine qui, aux termes de son Acte
constitutif157, peut intervenir dans un État partie dans des circonstances graves, notamment en
cas de crimes de guerre, de génocide et de crimes contre l’humanité.

En somme, lorsque la capacité nationale est insuffisante, la coopération avec des


organisations internationales et locales pour faire face au problème du déplacement interne est
une forme de responsabilité nationale. Dans les situations où la volonté politique de résoudre
le problème est inadéquate, l'engagement des différents acteurs précités est nécessaire pour
renforcer la responsabilité des Etats. Il faut rappeler que même dans de tels cas, le but ne doit
pas être de remplacer les efforts nationaux de protection et d'assistance des PDI mais de les
renforcer. Les différents acteurs sont d’ailleurs soumis à des obligations et sont tenus de
respecter certains principes relatifs à l’assistance humanitaire.

B. Les obligations relatives aux interventions humanitaires


De nombreux principes fondamentaux guident toute action humanitaire et doivent être
respectés en tout temps, par tout le personnel et tous les partenaires. Le respect de ces
principes est essentiel pour l’intégrité, la crédibilité et la sécurité des opérations humanitaires.

La Convention développe ce point en énonçant les obligations juridiques des organisations


internationales et des institutions humanitaires158. Elle fait obligation à ces entités d’exercer
leur mission conformément au droit international et aux lois du pays dans lequel elles opèrent.
Les acteurs concernés doivent respecter les droits des personnes déplacées conformément au
droit international. Ils doivent aussi accomplir leur mission dans le respect intégral des
principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance. Ce sont des principes
fondamentaux reconnus comme la base de l’assistance humanitaire 159. La résolution 46/182

156Convention de Kampala, article 8.


157 Union Africaine, Acte Constitutif, article 4, paragraphe h), disponible sur https://www.au.int/
158 Convention de Kampala, article 6.
159 Voir l’étude du Secrétariat des Nations unies (A/CN.4/590), paragraphe 11, disponible sur
https://www.legal.un.org/.

48
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes

de l’Assemblée générale des Nations unies dispose à ce propos que « l’aide humanitaire doit
être fournie conformément aux principes d’humanité, de neutralité et d’impartialité 160 ».

En d’autres termes, cela signifie que l’assistance humanitaire doit, en premier lieu, être
fournie pour prévenir et soulager les souffrances humaines, protéger la vie et la santé et
assurer le respect de la personne 161. Les critères de distribution de l’assistance humanitaire ne
doivent pas être fondés sur la nationalité, la race, la religion ou une opinion politique. Ils
doivent être fondés uniquement sur les besoins. La neutralité consiste à ne pas prendre parti
directement ou indirectement et distribuer l’aide humanitaire de manière impartiale162. Les
organisations humanitaires doivent formuler et mettre en œuvre leurs propres politiques,
indépendamment des politiques ou des actions gouvernementales, ou de celles des acteurs non
étatiques. Enfin, l’assistance humanitaire ne doit pas être détournée, en particulier pour des
raisons politiques ou militaires.

Une mention spéciale doit être faite du principe d’humanité, qui est la clef de voûte de la
protection des personnes en droit international. Élément commun au droit international
humanitaire et au droit international des droits de l’Homme, il oriente le développement du
droit relatif à la protection des personnes déplacées. Comme la Cour internationale de Justice
l’a exprimé dans l’affaire du Détroit de Corfou, il existe « certains principes généraux et bien
reconnus, tels que des considérations élémentaires d’humanité, plus absolues encore en temps
de paix qu’en temps de guerre 163 ». Dans le contexte particulier des secours en cas de
catastrophe, les Directives d’Oslo164 et les Critères de Mohonk165 posent que le principe
d’humanité exige que l’on soulage « les souffrances des êtres humains, quel que soit le
contexte ».

160 Assemblée générale, Résolution 46/182, Renforcement de la coordination de l’aide humanitaire d’urgence
de l’Organisation des Nations Unies, 19 décembre 1991.
161 PICTET J., « Les Principes fondamentaux de la Croix-Rouge proclamés par la vingtième Conférence
internationale de la Croix-Rouge, Vienne, 1965 : Commentaire », Institut Henry Dunant, 1979, p. 21 à 27;
disponible sur www.icrc.org.
162 PLATTNER D.., « La neutralité du CICR et la neutralité de l’assistance humanitaire », Revue
internationale de la Croix-Rouge, n° 818.
163 C.I.J., Affaire du Détroit de Corfou, Arrêt du 9 avril 1949 : C.I.J. Recueil 1949, p. 4, à la page 22.
164 OCHA, Directives sur l’utilisation des ressources militaires et de la protection civile étrangères dans le
cadre des opérations de secours en cas de catastrophe (« Directives d’Oslo ») de 2006, telles que révisées
le 1er novembre 2007.
165 EBERSOLE J. M., « The Mohonk Criteria for Humanitarian Assistance in Complex Emergencies: Task
Force on Ethical and Legal Issues in Humanitarian Assistance » (« Critères de Mohonk »), Human Rights
Quaterly, vol. 17, no 1 (février 1995), p. 192-208, p. 196 (« The dignity and rights of all victims must be
respected and protected » [« La dignité et les droits de toutes les victimes doivent être respectés et
protégés. »]).

49
Chapitre II : La protection des personnes déplacées internes

En droit international humanitaire, le Protocole II additionnel aux Conventions de Genève


prévoit que si pendant un conflit armé interne « la population civile souffre de privations
excessives par manque des approvisionnements essentiels à sa survie, tels que vivres et
ravitaillements sanitaires, des actions de secours en faveur de la population civile, de
caractère exclusivement humanitaire et impartial et conduites sans aucune distinction de
caractère défavorable, seront entreprises avec le consentement de la Haute Partie
contractante concernée166 ». Le Protocole I prévoit une disposition similaire pour les
situations de conflits internationaux167. De même, les articles 23 et 55 de la quatrième
Convention de Genève offrent des garanties pertinentes concernant l'assistance humanitaire.

Dans l’affaire Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique, la Cour internationale de Justice a


établi des conditions pour que l'assistance humanitaire n’ait pas le caractère d’une
intervention condamnable dans les affaires d’un autre Etat. Selon la Cour, l’assistance doit
« se limiter aux fins consacrées par la pratique de la Croix-Rouge, à savoir ‘prévenir et
alléger les souffrances des hommes’ et ‘protéger la vie et la santé [et] faire respecter la
personne humaine’; elle doit aussi, et surtout, être prodiguée sans discrimination à toute
personne dans le besoin [...] 168 ».

Prévenir et alléger la souffrance des personnes déplacées internes. Telle est en effet le but
de la Convention de Kampala, à travers ses normes contraignantes en matière de prévention,
de protection et d’assistance aux personnes déplacées. Toutefois, la Convention va au-delà de
l’énumération des droits relatifs au déplacement interne. Elle prévoit des dispositions qui
déterminent les obligations qui incombent aux Etats parties afin d’opérationnaliser cet
instrument.

166 Protocole II, article 18 (2).


167 Protocole I, article 70 (1).
168 C.I.J, Affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, Arrêt du 27 juin
1986, la CIJ Rapport 1986, p. 125, par. 243.

50
PARTIE II.

LES OBLIGATIONS OPERATIONNELLES DE MISE


EN ŒUVRE DE LA CONVENTION DE KAMPALA

51
La Convention de Kampala ne peut créer des changements significatifs pour les personnes
déplacées que si ses dispositions sont effectivement appliquées dans les États membres qui
l’ont ratifiée. Ceci permettra d’en faire une réalité juridique locale. Pour y parvenir, les Etats
sont d’abord tenus de transposer le texte dans le droit national et élaborer des politiques à
l’égard des personnes déplacées internes à tous les niveaux de gouvernement. Il est aussi
essentiel de renforcer les capacités des institutions locales, nationales et régionales en charge
de ces questions. En effet, l’opérationnalisation de la Convention de Kampala implique dans
un premier temps pour les Etats parties, l’obligation de créer un cadre juridique de protection
des personnes déplacées (Chapitre I). Dans un second temps, les Etats ont l’obligation de
mettre en place un cadre institutionnel de protection des personnes déplacées (Chapitre II).

52
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO

CHAPITRE I.

LA CREATION D’UN CADRE JURIDIQUE DE PROTECTION

Avant 2009, la réponse des États africains face au déplacement forcé était ad hoc et
inefficace, car non contraignante. Depuis l’adoption de la Convention de Kampala, une
avancée majeure a été réalisée par rapport à la loi émergente sur le déplacement interne. Il est
en effet indéniable que la ratification de cet instrument ainsi que sa mise en œuvre et son
opérationnalisation par les Etats membres de la CEDEAO peut constituer une réussite
substantielle.

Etant donné que la protection, fondamentalement, est un concept juridique, la formulation


d'un cadre juridique national protégeant les droits des PDI est une réflexion particulièrement
importante de la responsabilité nationale. C’est également un moyen permettant aux Etats
membres de la CEDEAO, parties à la Convention de Kampala, de s'acquitter de leurs
obligations. L’élaboration d’un cadre juridique relatif au déplacement interne relève en effet,
de la prérogative des gouvernements souverains.

A cette fin, il est impératif que les Etats parties incorporent les dispositions de la
Convention dans leur droit interne (Section I). L’intégration de la Convention s’avèrera, par
la suite, être une condition indispensable à la réalisation de son principal objectif à savoir la
mise en œuvre de solutions durables au déplacement interne (Section II).

SECTION I. L’INCORPORATION EFFECTIVE DE LA CONVENTION DANS LE DROIT


INTERNE DES ETATS

La Convention de Kampala de l’Union africaine souligne l’importance d’intégrer la


protection des personnes déplacées dans le droit national et en fait une obligation pour les
États parties. Tous les États membres de la CEDEAO, parties à la Convention, sont par
conséquent tenus de veiller à ce que leurs législations nationales respectent et incorporent les
obligations qu’elle leur impose. Les États doivent donc agir par tous les moyens appropriés
pour donner effet à leurs obligations juridiques internationales au niveau national.

Afin de s’acquitter de leurs obligations, les Etats doivent ainsi envisager prioritairement
l’intégration de la Convention dans l’ordre juridique interne. Celle-ci doit nécessairement
passer par une procédure législative (§1). Pour autant, l’effectivité de la procédure législative
ne pourrait être totale que si elle est renforcée par un lobbying (§2).

53
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO

§ 1. UNE PROCEDURE LEGISLATIVE D’INCORPORATION


Les personnes déplacées sont des citoyens ou des résidents habituels du pays où ils vivent
et, en tant que tels, ont accès aux mêmes droits et libertés que le reste de la population.
Néanmoins, le déplacement interne peut créer des problèmes spécifiques pour les personnes
affectées. Des mesures doivent ainsi être prises pour garantir l’exercice intégral de leurs droits
sur un pied d’égalité avec le reste de la population.

Ainsi, une réponse effective à une situation de déplacement requiert nécessairement une
action législative169. La raison en est que les lois actuelles peuvent créer des obstacles
involontaires à la capacité des personnes déplacées à réaliser leurs droits, rendant ainsi
indispensable une procédure de révision (A). Le plus souvent, elles ne proposent pas, en tant
que telles, une base suffisante pour répondre aux besoins des déplacés internes (B).

A. La révision de la législation interne existante


L’analyse et la révision de la législation interne a pour but de s’assurer que les lois
existantes prennent suffisamment en compte la situation spécifique des PDI et protègent leurs
droits conformément aux dispositions de la Convention de Kampala. A cet égard, il est
nécessaire de modifier les lois incompatibles afin de combler les lacunes, clarifier des zones
d’ombres et assouplir des règles générales qui créent des obstacles à la protection des droits
des PDI.

Certains textes normatifs nationaux contiennent des dispositions qui comportent, de


manière implicite, des garanties nécessaires dans le contexte de déplacement. Par exemple, les
normes ayant un statut constitutionnel contiennent des dispositions importantes pour la
protection contre le déplacement arbitraire. Les cadres constitutionnels ont généralement une
portée large et tendent à inclure des dispositions qui renforcent les obligations internationales
relatives aux droits de l’Homme au niveau interne. Ce qui protège l’ensemble de la
population, y compris les déplacés internes. Il en résulte que des changements constitutionnels
sont rarement nécessaires pour répondre à la question du déplacement interne.

Des problèmes ont plus de chances de surgir au niveau des lois ordinaires. Tandis que
certaines lois sont problématiques de manière évidente, d’autres peuvent paraître non-

169 L’article 3.2 (a) stipule en effet que les États parties « incorporent les obligations de la présente Convention
dans leur droit interne, par la promulgation ou l’amendement de la législation pertinente relative à la
protection et à l’assistance aux personnes déplacées, en conformité avec leurs obligations en vertu du droit
international ».

54
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO

discriminatoires, mais posent des problèmes dans la pratique. Par exemple, le fait d’exiger
que les individus produisent des documents détaillés pour être en mesure d’exercer certains
droits peut s’avérer impossible pour les personnes déplacées. Généralement, De nombreux
PDI n’ont plus accès à leurs documents personnels. Des amendements à de telles lois
devraient inclure des exceptions ou des procédures alternatives pour les PDI. Les
amendements devraient être suivis au plus vite d’une réglementation de mise en œuvre pour
s’assurer que les autorités locales chargées d’appliquer ces changements de procédure
reçoivent des instructions claires sur la manière d’agir.

Ainsi, les Etats parties pourraient notamment adopter des amendements aux textes
législatifs et réglementaires régissant les procédures de reconnaissance, d’obtention et de
remplacement des documents d’identification afin de les rendre plus adaptés et accessibles
aux personnes déplacées. Au Mali, le Code des personnes et de la famille, qui définit les
éléments d’identification fondamentaux des personnes, dispose dans son article 49 que « le
domicile de toute personne quant à l’exercice de ses droits civils est au lieu où il a son
principal établissement » (Burkina Faso, article 48 ; Sénégal, article 12 ; Togo, article 15).
Cette définition semble problématique au regard du lieu de l’exercice des droits civils des
PDI, puisque le lieu d’établissement principal de ces personnes est souvent incertain. Des
ajustements au texte légal pourraient donc être envisagés.

Les articles 135 et 136 du même Code décrivent la procédure de reconstitution d’un
registre ou d’un acte détruit. En application de ce texte 170, lorsqu’une personne déplacée
souhaite reconstituer un acte détruit ou perdu, celle-ci se voit contrainte de retourner sur son
lieu de domicile d’origine ou habituel, de présenter des pièces justificatives et de se faire
accompagner de témoins pour que la procédure de reconstitution de l’acte puisse aboutir. De
même, les PDI sont susceptibles de rencontrer des difficultés lors de la procédure d’obtention
de cartes d’électeur et voir leur droit de vote considérablement limité. En leur absence, les
cartes d’électeur sont souvent déposées dans leurs communes d’origine171.

En matière de prévention des catastrophes, les autorités compétentes devraient passer en


revue et, quand cela est nécessaire, modifier les règles sur l’aménagement du territoire, les
projets de développement, la propriété foncière et l’utilisation des terres, la protection de
l’environnement et la construction de bâtiments. Une telle révision doit se faire à partir d’une

170 Code des personnes et de la famille du Mali, Article 136, alinéa 7.


171 IDMC, « Question raised around IDP participation in elections in Mali », disponible sur
http://reliefweb.int/report/mali/questions-raisedaround-idp-participation-elections-mali.

55
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO

évaluation des risques de catastrophe existants et des dangers environnementaux et par la


recommandation de mesures concrètes (par exemple, le reboisement dans des zones
d’inondation ou l’amélioration des codes de construction).

Force est de constater que la révision des règlementations sectorielles déjà existantes est
d’une grande utilité. Par ailleurs, l’adoption d’une loi spécifique sur les personnes déplacées
représente également un moyen effectif d’incorporer la Convention de Kampala dans le droit
interne des Etats parties.

B. L’adoption d’une loi spécifique au déplacement interne


L’adoption d’un instrument spécifique au déplacement interne régissant les droits des
personnes déplacées présente l’avantage d’établir un référentiel normatif cohérent et complet
de nature à leur assurer une protection adéquate. En principe, le contenu de ces lois doit être
exhaustif et couvrir toutes les phases du déplacement, ainsi que toutes ses causes. Dans
d’autres cas, l’accent peut être mis sur une phase particulière du déplacement, énonçant par
exemple les normes minimales à respecter pendant le processus d’installation ou de prise en
charge.

En 2018, le Niger a fait preuve de leadership en devenant le premier pays et, à l’heure
actuelle, le seul membre de la CEDEAO, à adopter une loi sur la protection et l'assistance
aux personnes déplacées internes172. Celle-ci couvre les déplacements liés aux conflits, aux
violations des droits de l'Homme (article 6), aux catastrophes (article 7) et aux projets de
développement (article 8). Elle reconnaît les droits des personnes déplacées internes et prévoit
leur protection (articles 10 à 16) et l’assistance qui leur est due (articles 17 à 22). Elle
soutient également les solutions durables (articles 23 à 25) et vise à promouvoir des mesures
régionales et nationales afin de prévenir, atténuer et éliminer les déclencheurs et les facteurs
du déplacement.

A l’instar de cette initiative exemplaire, tout projet de loi spécifique au déplacement


interne dans les Etats de la sous-région doit avoir pour but et pour effet, l’identification des
déplacés internes et la jouissance de leurs droits sur un pied d’égalité avec les autres citoyens
ou résidents habituels du pays. Il est ainsi important de définir clairement le concept de
« personnes déplacées » de manière à ce qu’il n’y ait aucune hésitation quant au champ

172 République du Niger, Loi n° 018-74 relative à la protection et à l'assistance aux personnes déplacées
internes, 10 décembre 2018 ; HCR, « le Niger devient le premier pays africain à adopter une loi nationale
pour la protection et l'assistance des personnes déplacées internes » 7 décembre 2018.

56
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO

d’application de la loi. La définition adoptée doit être compatible (et, a minima, pas plus
restrictive) avec celle figurant dans la Convention de Kampala. Elle devrait également
identifier les circonstances de fait qui déclenchent l’application des lois relatives aux PDI à
savoir : être forcé ou contraint à fuir ou à quitter son foyer ou son lieu de résidence habituel,
et ne pas franchir les frontières de l’État de résidence.

La définition adoptée doit également prendre en compte toutes les causes de déplacement
identifiées. La loi doit couvrir les « projets de développement de vaste envergure173 » ou
« projets de développement174 » qui seraient susceptibles d’avoir un effet significatif sur la vie
des populations. Cette extension pourrait englober d’autres causes, telles que le changement
climatique et/ou les catastrophes naturelles (la sécheresse par exemple).

De même, les lois sur les personnes déplacées doivent nécessairement leur reconnaître le
droit d’être protégé contre les discriminations. Celles fondées sur la situation de déplacement
et les discriminations vis-à-vis des autres PDI ainsi que des personnes ou communautés non
déplacées. Les constitutions garantissent clairement le principe de non-discrimination, en
réaffirmant l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans aucune distinction 175. Ainsi,
conformément à la loi fondamentale en vigueur dans chaque Etat, il existe de manière
implicite une protection contre les discriminations fondées sur le fait d’être une personne
déplacée. Il serait cependant utile de rendre plus explicite la protection des PDI contre de
telles discriminations.

Rappelons que l’adoption d’un instrument spécifique au déplacement interne n’exclut pas
la nécessité d’introduire un certain nombre d’amendements législatifs supplémentaires
destinés à assurer sa mise en cohérence avec le droit interne actuel. En effet, une combinaison
des deux approches est nécessaire car elles se renforcent mutuellement et cela permet d’éviter
les contradictions entre différents instruments juridiques.

Il ressort de ce qui précède que la procédure législative d’incorporation représente une


étape indispensable à la mise en œuvre de la Convention au niveau national. Toutefois,
l’action législative n’est pas suffisante en elle-même. Elle doit impérativement être renforcée
par un lobbying comme il sera démontré au prochain point.

173 Principes Directeurs, Principe 6.


174 Convention de Kampala, article 10.
175 Constitution du Libéria (1986), article 11 ; Nigéria, article 42 ; Niger, article 10 ; Togo, article 11.

57
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO

§ 2. UNE PROCEDURE RENFORCEE PAR UN LOBBYING


La stratégie visant à obtenir la ratification et la mise en œuvre intégrale de la Convention
de Kampala repose également sur les activités de sensibilisation, promotion et diffusion de la
Convention. En effet, le lobbying occupe une place considérable dans la majorité des
stratégies de protection. C’est un ensemble d’activités visant à promouvoir le changement,
afin de mettre la législation, la politique, ou la pratique en conformité avec les normes
existantes.

Dans les situations de déplacement interne, le plaidoyer est un outil vital pour amener les
décideurs et les intervenants à adopter des pratiques et des politiques qui assurent la
protection des PDI. Afin de justifier son importance dans l’opérationnalisation de la
Convention de Kampala, il sied dans un premier temps d’exposer les raisons qui rendent
nécessaire la mise en œuvre d’une stratégie de plaidoyer (A). Dans un second temps, l’accent
sera mis en particulier sur la fonction prééminente du parlementaire dans la stratégie de
plaidoyer (B).

A. La nécessité d’entreprendre une stratégie de plaidoyer


Le potentiel de la Convention de Kampala et l’idéal qu’elle défend ne peuvent être réalisés
que si la Convention est mise entre les mains des personnes déplacées et qu’on les aide ainsi à
faire valoir leurs droits. Souvent, ces personnes ne connaissent pas leurs droits et ignorent que
les autorités compétentes sont tenues de les aider et de les protéger. L’obligation qu’impose le
droit international des droits de l’Homme aux autorités nationales, d’informer les populations
de leurs droits concerne aussi les déplacés. Les États parties et les autres acteurs doivent donc
mener des activités de sensibilisation et des campagnes d’information fondées sur ce texte, au
titre des obligations générales des États en matière de droits de l’Homme176.

Il est important de sensibiliser les groupes concernés aux aspects essentiels du problème et
leur permettre de déterminer dans quelles conditions la Convention de Kampala et d’autres
normes internationales sont applicables au contexte national. Cela inclut les PDI elles-mêmes,
les communautés qui les accueillent, la société civile et les autorités publiques aux niveaux
central, régional et local. Les efforts visant à promouvoir l’éducation du public et à le

176 FISHER D., Guide to International Human Rights Mechanisms for Internally Displaced Persons and their
Advocates, The Brookings Institution-University of Bern Project on Internal Displacement, juin 2006. Voir
aussi Simon Bagshaw, Diane Paul, Protect or Neglect? Toward a More Effective United Nations
Approach to the Protection of Internally Displaced Persons, Brookings Institution-SAIS Project on
Internal Displacement and the United Nations, OCHA-IDD, novembre 2004, p.40.

58
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO

sensibiliser davantage à la Convention de Kampala et au sort des PDI contribuent de manière


importante à la traduction des engagements politiques en mesures concrètes. Le plaidoyer
permet en effet d’assurer l’appropriation et la durabilité de ce processus en renforçant
l’engagement du public, de même que le dialogue avec les autorités sur la question du
déplacement interne.

La stratégie de plaidoyer peut revêtir plusieurs formes. Elle peut consister à des activités de
plaidoyer « informelles » ou « officielles ». Les plaidoyers informels se déroulent en
permanence dans les crises humanitaires sous forme de conversations et de discussions entre
les principaux intervenants. Les activités de plaidoyer officielles quant à elles peuvent être
menées par les organisations humanitaires et les chefs de communauté à l’égard des autorités,
ou en déposant des recours devant la justice.

Les activités de plaidoyer peuvent également revêtir un caractère « doux » ou « dur ». Le


plaidoyer doux concerne les activités de sensibilisation, la formation et la diplomatie discrète.
C’est généralement l’option privilégiée pour persuader les intervenants d’introduire un
changement ou de promouvoir les meilleures pratiques pour la protection des déplacés
internes. Le plaidoyer dur comprend des méthodes de persuasion plus vigoureuses telles que
les rapports publics, les témoignages personnels et les lettres de dénonciation. Il peut être
efficace pour dénoncer la corruption ou le traitement préjudiciable des déplacés internes et des
autres populations touchées. Cependant, le recours au plaidoyer dur peut perturber le dialogue
avec les principaux intervenants ou accroître les risques pour les populations touchées ou le
personnel humanitaire. La décision doit donc être prise au cas par cas.

Les Etats doivent rechercher des occasions de mobiliser l’ensemble des parties prenantes
dans l’élaboration de la loi et sa mise en œuvre sur le terrain 177. La capacité d’informer les
citoyens et de communiquer correctement avec tous les acteurs concernés est un aspect
déterminant pour la réussite de la gestion des déplacements de population. La presse, la radio
et la télévision peuvent contribuer efficacement à brosser un tableau détaillé précisant
l’ampleur du problème. Il faut veiller en particulier à ce que les lois et les politiques (en projet
ou déjà adoptées) soient disponibles dans toutes les langues officielles du pays, ainsi que dans
les langues des parties prenantes les plus affectés 178.

177 MAHONEY L., « Proactive Presence: Field Strategies for Civilian Protection », Centre pour le dialogue
humanitaire, Genève, 2006.
178 Voir SPRECHMANN S. et PELTON E, Advocacy Tools and Guidelines, Promoting Policy Change,
CARE, janvier 2001, disponible sur www.care.org/getinvolved/advocacy/tools.asp. [Consulté le
15/11/2020]

59
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO

Le plaidoyer est ainsi un élément essentiel pour assurer un processus inclusif, allant de la
ratification de la Convention à sa mise en œuvre dans la pratique, en passant par sa
transcription dans le droit interne. Pour y parvenir avec succès, une mention spéciale doit être
faite de la fonction du parlementaire dans la stratégie de plaidoyer.

B. La fonction prééminente du parlementaire dans la stratégie de plaidoyer


Les parlementaires disposent d’une position idéale pour exercer un rôle moteur tandis que
les Etats évoluent vers la mise en place d’un cadre juridique sur les personnes déplacées. En
leur qualité de représentants de la société civile et de serviteurs de l’État, ils sont
particulièrement bien placés pour atteindre les objectifs du plaidoyer pour la protection des
droits des PDI. Ils peuvent ainsi contribuer à faire en sorte que le déplacement interne
demeure une priorité qui bénéficie d’une volonté politique soutenue 179.

Le Parlement contribue généralement aux efforts de sensibilisation en menant des


enquêtes, en organisant des auditions sur les déplacements de population et en publiant des
rapports. À titre individuel, les parlementaires devraient agir pour mieux faire connaître les
travaux d’élaboration de la loi sur les personnes déplacées notamment en rédigeant ou en
participant à la rédaction de déclarations nationales. Les parlementaires doivent
impérativement se saisir de la question pour contribuer efficacement aux campagnes de
sensibilisation, officielles et informelles. En tant que législateurs, ils peuvent favoriser la
participation à l’élaboration de la loi nationale sur les personnes déplacées et fournir une
description de leurs droits spécifiques. Dans cette optique, ils doivent avoir une bonne
connaissance de la législation en vigueur au niveau national ainsi que les normes
internationales et régionales applicables au pays.

Des actions similaires de sensibilisation sont à entreprendre après la promulgation de la loi


mais, à ce stade, elles sont prioritairement du ressort des autorités nationales ou des
ministères. Idéalement, les parlementaires veilleront à ce que ces efforts soient intégrés de
manière explicite à la loi elle-même. La tâche la plus importante des parlementaires est sans
doute liée à la détermination des budgets et à l’allocation des fonds. Cette étape intervient au
moment du vote des crédits par le Parlement. Sans ressources adéquates, la loi est vouée à

179 Sur la participation des parlementaires à des activités de plaidoyer et de sensibilisation visant à encourager
l’adoption d’instruments juridiques nationaux relatifs aux PDI, voir Haut-Commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés et Union interparlementaire, Personnes déplacées à l’intérieur de leur propre
pays : responsabilité et action – Guide à l’usage des parlementaires, HCR & UIP, Genève, 2013, sur
http://www.ipu.org/PDF/publications/displacement-f.pdf [consulté le 25 novembre 2020].

60
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO

l’échec. Le parlementaire devra donc déterminer comment orienter les fonds vers l’aide et la
protection des personnes déplacées. Il est impératif de prendre en compte l’ensemble des
besoins et vulnérabilités identifiés ainsi que les opinions des responsables opérationnels. Par
ailleurs, les fonds doivent être alloués de manière adéquate, prévisible et non discriminatoire.

Le Parlement a aussi une importante fonction de contrôle à exercer puisqu’il lui incombe
de s’assurer que l’exécutif assume les responsabilités qui lui sont assignées et applique
fidèlement les lois de la nation. En effet les lois ne sont efficaces que si elles sont appliquées.
Les parlementaires assument souvent ce rôle dans le cadre des commissions parlementaires.
Par ce biais ils ont la possibilité d’influer sur la législation et d’obliger le gouvernement à
rendre compte sur la manière dont il honore ses obligations nationales et internationales. Des
rapports et des informations seront en particulier demandés aux ministères responsables de
l’application de la loi sur les personnes déplacées et à l’ensemble des acteurs qui travaillent
localement et connaissent bien la question du déplacement.

Tel que mentionné précédemment, le suivi de la législation sur les personnes déplacées
incombe principalement aux acteurs nationaux responsables de la mise en œuvre des lois. Aux
parlementaires, il appartient de bien connaître les fonctions et les actions de suivi de ces
acteurs, de manière à appuyer efficacement leur travail. Ce qui implique de s’assurer qu’ils
disposent de la compétence légale nécessaire pour assumer leurs fonctions. Celles-ci doivent
être clairement définies par la loi. L’instauration d’un comité de pilotage est un moyen
efficace de superviser les aspects pratiques de l’application de la loi. Il peut prendre la forme
d’un comité consultatif et jouer un rôle essentiel pour la coordination. Les comités de pilotage
réunissent les différentes parties concernées afin d’élaborer les méthodes communes à mettre
en œuvre.

Force est de constater que dans la plupart des Etats d’Afrique de l’Ouest, le plaidoyer pour
la protection est un aspect souvent négligé de l’aide et de l’appui. Toutes les parties prenantes
ont pour autant l’obligation de permettre aux déplacés, notamment les membres de groupes
vulnérables, de connaître leurs droits et de les faire valoir. C’est seulement une fois cette étape
franchie que les Etats seront en mesure de réaliser l’objectif fondamental de la Convention à
savoir la mise en œuvre de solutions durables au phénomène du déplacement interne.

61
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO

SECTION II. LA MISE EN ŒUVRE DE SOLUTIONS DURABLES AU DEPLACEMENT


INTERNE

La réponse aux situations de déplacement interne comprend diverses activités de protection


et d’assistance pour lesquelles cette étude a donné des orientations. Ces activités visent à
répondre à des risques spécifiques de protection ou à remplir des objectifs sectoriels
spécifiques. L’objectif ultime doit cependant toujours être de trouver des solutions durables.
Parvenir à une solution durable au déplacement interne signifie que toutes les personnes
déplacées sont en mesure de bénéficier de l’ensemble de leurs droits fondamentaux et ainsi
reconstruire leur vie.

Il incombe alors aux Etats d’orienter l’ensemble de leurs actions conformément à cet
objectif. La Convention de Kampala prévoit en ce sens un certain nombre de règles relatives à
l’issue du déplacement interne (§1). Cette règlementation doit ensuite être renforcée par un
accès facilité des déplacés internes aux mécanismes judiciaires (§2).

§ 1. UNE REGLEMENTATION DE L’ISSUE DU DEPLACEMENT INTERNE


Parvenir à une solution durable implique que les déplacés internes n’ont plus de besoins
spécifiques en termes de protection et d’assistance directement liés à leur déplacement. Selon
la Convention, les Etats ont la responsabilité de veiller à ce que les PDI aient la possibilité de
trouver une solution à leur situation une fois que les facteurs qui en sont la cause ont disparu.

A ce titre, les Etats doivent mettre à la disposition des personnes déplacées internes un
processus par lequel elles peuvent faire un choix libre et en toute connaissance de cause sur
l’issue de leur déplacement (A). Ils doivent ensuite créer les conditions qui permettent aux
PDI de reconstruire leur vie de manière durable, par un encadrement efficace de la solution
adoptée (B).

A. La liberté de choisir l’issue du déplacement


La Convention de Kampala met un accent particulier sur le libre choix des personnes
déplacées internes concernant la solution mettant fin à leur déplacement. En ce sens, elle
affirme que les États parties « permettent aux personnes déplacées de faire un choix libre et
en toute connaissance de cause sur leur retour, leur intégration locale ou leur réinstallation.

62
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO

Ils les consultent sur toutes les options possibles, et s’assurent de leur participation à la
180
recherche de solutions durables ».

La Convention de Kampala est un instrument pertinent dans la mise en œuvre de solutions


au déplacement interne en Afrique de l’Ouest. En effet, les normes relatives aux droits de
l'Homme reconnaissent le droit d'un individu se trouvant en dehors de son territoire national
181
de revenir dans son pays . Toutefois, il n'y a pas de règle générale qui affirme explicitement
le droit des personnes déplacées internes de retourner dans leur lieu de résidence d'origine ou
de se déplacer vers un autre lieu sécurisé de leur choix dans leur propre pays. Un tel droit peut
toutefois découler du droit à la liberté de circulation et du droit de choisir librement sa
résidence consacrés par le PIDCP mais qui, cependant, peuvent être restreints sous certaines
182
conditions .

La Convention n°169 de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux énonce


expressément qu’à « chaque fois que possible, ces peuples doivent avoir le droit de retourner
sur leurs terres traditionnelles, dès que les raisons qui ont motivé leur déplacement et leur
183
réinstallation cessent d'exister ». Si le retour n'est pas possible, « ces peuples doivent
recevoir, dans toute la mesure possible, des terres de qualité et de statut juridique au moins
égaux à ceux des terres qu'ils occupaient antérieurement et leur permettant de subvenir à
184
leurs besoins du moment et d'assurer leur développement futur ». L'option du retour est
également mentionnée, bien que plus faiblement, dans la Déclaration de l'ONU sur les droits
185
des peuples autochtones de 2007 .

En droit international humanitaire, l'article 49, paragraphe 2, de la quatrième Convention


de Genève, applicable en temps de guerre, souligne que les personnes qui ont été évacuées au
cours d'une occupation seront « ramenée[s] dans […] leur foyers aussitôt que les hostilités
dans le secteur auront pris fin ». L’article 85.4 (b) du Protocole I considère comme une
infraction grave, notamment, tout retard injustifié dans le rapatriement des civils, lorsqu'elle

180 Convention de Kampala, article 11.2.


181 L’article 5 de la Convention de l'OUA de 1969 sur les réfugiés souligne l'importance du respect du caractère
essentiellement volontaire du rapatriement ; Voir également DUDH, article 13 (2); PIDCP, article 12 (4);
CAmDH, article 22 (5); CADHP, article 12 (2); et Protocole IV de la CEDH, article 3 (2).
182 Notamment si ces restrictions sont prévues par la loi ou nécessaires pour protéger la sécurité nationale,
l’ordre public ainsi que les droits et libertés d’autrui. Voir PIDCP, article 12 (3).
183 Convention de l’OIT n° 169, article 16 (3).
184 Ibidem, article 16 (4).
185 Adoptée par l’Assemblée générale le 13 septembre 2007 (Rés. 61/295), article 10.

63
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO

est commise intentionnellement et en violation des Conventions de Genève ou dudit


Protocole. Dans les situations de conflit armé interne, ni l'article 3 commun, ni le Protocole II,
ne contiennent de règles régissant le droit des personnes déplacées internes de regagner leurs
résidences. Cependant, le droit des personnes déplacées « de regagner volontairement et dans
la sécurité leur foyer ou leur lieu de résidence habituel dès que les causes de leur
déplacement ont cessé d’exister » est, sans doute, devenu partie intégrante du droit
international humanitaire coutumier applicable dans les conflits armés internationaux et non
186
internationaux .

En accord avec ce principe, le Conseil de sécurité a invité les gouvernements et la


communauté internationale à faciliter le retour des personnes déplacées internes. Il a
également mandaté des opérations de maintien de la paix en vertu du Chapitre VII de la
Charte des Nations Unies pour œuvrer à faciliter le retour volontaire des personnes déplacées
187
internes dans leurs anciens foyers . De même, l'ancienne Sous-Commission sur la
prévention de la discrimination et la protection des minorités a affirmé « le droit des réfugiés
et personnes déplacées de revenir, dans des conditions de sécurité et de dignité, dans leur
pays d’origine et/ou, sur le territoire de ce pays, dans leur lieu d’origine ou celui de leur
188
choix ».

La mise en place des conditions nécessaires au retour, à l’intégration et à la relocalisation


est un aspect fondamental de la recherche de solutions durables au déplacement interne. Les
éventuels issues, une fois choisies par les déplacés internes, doivent être encadrées afin d’être
appliquées de la meilleure façon possible.

B. L’encadrement de l’issue adoptée


En vertu de la Convention de Kampala, les États doivent rechercher des solutions durables
au problème de déplacement, « par la promotion et la création de conditions satisfaisantes
pour le retour volontaire, l’intégration locale ou la réinstallation de manière durable, et dans

186 DIHC, Règle 132.


187 E / RES / S/RES/1778 (2007) paragraphe 1 (Tchad) et S/RES/1756 (2007), paragraphe 3 (b) (République
démocratique du Congo).
188 Résolution 94/24 de la Sous-Commission, ONU Doc. E/CN.4/Sub.2 / 1994 / 56, 28 octobre 1994.

64
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO

189
des conditions de sécurité et de dignité ». Les solutions ne peuvent donc être considérées
190
comme « durables » que si un certain nombre d’exigences sont remplies .

Les autorités compétentes doivent en effet créer des conditions propices à mettre un terme
au déplacement interne ou fournir aux déplacés internes les moyens nécessaires à cet effet. Il
existe quelques éléments-clés en matière de solutions durables et viables qui permettent aux
anciennes PDI de rester dans le lieu de leur choix et de s’y intégrer pleinement. Parmi elles,
figurent le rétablissement de la sureté et de la sécurité à long terme, l’accès au développement
économique et aux services de base, la restitution de la propriété, ainsi que la non-
discrimination. Les autorités doivent s’assurer que les personnes anciennement déplacées ne
subissent pas d’attaques, d’harcèlement, d’intimidation, de persécution ou toute autre forme
d'actions punitives à leur retour dans leur région d'origine ou leur installation dans d'autres
lieux.

Des facteurs politiques et liés à la sécurité, comme un conflit armé en cours, peuvent
entraver les solutions durables et même conduire à un déplacement prolongé ou un nouveau
déplacement. Il est important de rappeler à cet effet que les PDI ne devraient en aucune
circonstance subir des pressions ou être contraintes de rester, de se rendre ou de retourner
dans des lieux où leur vie, leur liberté, leur sécurité ou leur santé, seraient en danger.
Conformément à ce principe, des programmes de retour organisé soutenus par les autorités ne
devraient démarrer que lorsqu’il est clair que les garanties minimales sont remplies pour que
les PDI rentrent en toute sécurité. Dans les situations de déplacement pour cause de conflits,
de telles garanties ne sont présentes qu’après la signature d’un accord de cessez-le-feu ou
d’un règlement officiel du conflit. Les Etats doivent assurer, lors des pourparlers sur des
accords de paix, que toutes les parties s’engagent au travers d’obligations spécifiques à créer
les conditions pour le retour volontaire, l’intégration locale ou la réinstallation dans une autre
partie du pays et l’intégration socio-économique des PDI.

Au Mali par exemple, l’Accord de 2015 pour la paix et la réconciliation issu du processus
d’Alger contient un chapitre consacré aux questions humanitaires. Les parties s’y engagent à
créer les conditions nécessaires pour faciliter le retour rapide, le rapatriement et la

189 Convention de Kampala, article 11.1.


190 Cf. Groupe des Nations Unies pour le développement (GNUD), « Note d’orientation du sur les solutions
durables en faveur des personnes déplacées (réfugiés, personnes déplacées dans leur propre pays et
rapatriés) », Groupe de programme du GNUD, octobre 2004.

65
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO

191
réintégration des déplacés internes et des réfugiés . De même, au Libéria, un atelier organisé
en 2014 a réuni les principales parties prenantes afin d’examiner comment la Convention de
Kampala pourrait être mieux mise en œuvre dans le Libéria d’après le conflit. Les participants
ont identifié une série d’actions de suivi dont une démarche auprès du gouvernement, lui
demandant de renforcer ses capacités et d’engager davantage de ressources dans les
programmes de réintégration et de réconciliation pour les personnes déplacées pendant de
192
longues périodes .

Il est également indispensable, comme nous l’avons souligné, que les personnes
anciennement déplacées aient accès aux dispositifs de restitution ou d'indemnisation. Ce
critère primordial de la mise en œuvre de solutions durables nécessite une étude plus
approfondie, dans le contexte plus général de l’accès aux mécanismes judiciaires.

§ 2. UN ACCES FACILITE AUX MECANISMES JUDICIAIRES


L’accès à la justice est un droit fondamental et un moyen essentiel de défendre les droits de
l’Homme et d’assurer que les auteurs de crimes, violences et abus répondent de leurs actes.
C’est donc la possibilité d’obtenir une réparation adéquate pour tout préjudice subi, que ce
soit de la part d’un individu, d’un groupe ou d’une autre entité. Ces réparations peuvent
prendre différentes formes, allant de la restitution ou l’indemnisation pour le préjudice infligé
193
(justice réparatrice) aux sanctions ou peines pour les responsables (justice punitive) .

Afin de garantir un accès sans entrave aux mécanismes judiciaires dans la mise en œuvre
de la Convention de Kampala, les autorités compétentes doivent d’abord s’assurer de la
définition expresse des infractions liées au déplacement interne (A). Ils doivent ensuite veiller
à la réparation des dommages subis par les personnes affectées tout au long de leur
déplacement (B).

191 Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, Chapitre 15, articles 47 et 48, p. 13, sur
https://bamada.net/document-delaccord-pour-la-paix-et-la-reconciliation-au-mali-issu-du-processus-dalger
[consulté le 20 octobre 2020].
192 IDMC, Workshop Report - Domesticating the Kampala Convention : Law and Policy Making, IDMC,
Genève, 2014 (à propos du soutien apporté au processus national engagé au Liberia en vue de la
ratification et de la mise en œuvre de la Convention de Kampala), disponible en anglais sur
http://www.internal-displacement.org/assets/publications/2014/201407-af-kampala-convention-law-
policyworkshop-report-en.pdf [consulté le 15 août 2020].
193 Notre étude met l’accent sur l’État de droit et l’accès à la justice et ne traite pas d’autres formes de justice,
comme la justice sociale ou distributive.

66
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO

A. La définition explicite des infractions


Les États parties à la Convention s’engagent à respecter et à veiller au respect de leurs
obligations en vertu du droit international afin de prévenir et d’éviter les situations pouvant
194
conduire au déplacement de personnes . La Convention énumère à cet effet les actes
195
pouvant constituer un déplacement arbitraire et réaffirme le droit de toute personne d’en
être protégé. Elle spécifie qu’il est interdit, notamment aux groupes armés, de procéder à de
196
tels actes .

La pénalisation du déplacement arbitraire constitue une obligation légale pour tous les
États parties à la Convention de Kampala. Le fait de renforcer le cadre juridique interne en la
matière permettra aux États parties de s’assurer de la responsabilité pénale individuelle des
auteurs devant les tribunaux nationaux. Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale,
qui identifie principalement les délits internationaux, prévoit que les actes de déplacement
arbitraire peuvent être assimilés à un génocide, à des crimes de guerre ou à des crimes contre
197 198
l’humanité . Ces infractions sont déclarées, par la Convention, punissables par la loi .

Dans la plupart des États membres de la CEDEAO, la législation en vigueur prévoit déjà la
pénalisation d’actes de déplacement arbitraire ou forcé. Dans leur législation de mise en
œuvre des Conventions de Genève et/ou du Statut de la Cour pénale internationale, les Etats
ont assimilé les actes de déplacement forcé à des crimes, tant dans les conflits armés
199
internationaux que non internationaux . Les États de tradition juridique moniste s’appuient
également sur la Constitution, qui transpose automatiquement les traités internationaux dans
200
le droit interne . Mais de manière générale, cela ne permet pas de mener à bien le processus

194 Convention de Kampala, article 4(1).


195 Ibidem, article 4(4).
196 Convention de Kampala, article 7(5) (a).
197 Statut de Rome, article 7 (1) (d) et (2) (d), article 8 (2) (a) (vii) et 8 (2) (e) (viii) ; Voir également CG I-IV,
art. premier commun ; CG I, art. 49 ; CG IV, art. 49 & 147 ; Protocole I, art. 51.7, 85.1 & 85.4 (a) ;
Protocole II, art. 17 ; DIHC, règles 129, 139, 144 & 156.
198 Convention de Kampala, Article 4(6).
199 Pour plus d’informations, voir la base de données du CICR concernant la mise en œuvre nationale du DIH,
disponible en anglais sur https://ihl-databases.icrc.org/applic/ihl/ihl-nat.nsf/vwLawsByCountry.xsp
[consulté le 25 septembre 2020].
200 Dans un système moniste, le droit international et le droit national sont unifiés. Les stipulations d’un traité
deviennent des normes internationales contraignantes pour l’Etat intéressé dès l’instant où celui-ci
manifeste clairement sa volonté d’être lié par ses clauses, à travers la procédure de la ratification. Pour une
analyse de la tradition juridique moniste et de ses implications sur la mise en œuvre des traités de DIH, voir
CICR, La mise en œuvre nationale du droit international humanitaire - Un manuel, CICR, Genève,

67
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO

de mise en œuvre nationale. Par exemple, les dispositions de la Convention de Kampala ayant
trait à la responsabilité pénale seront probablement inapplicables ou contraires au principe de
légalité si des sanctions ne sont pas spécifiquement prévues à cet effet par la loi.

Dans la pratique, les infractions visées dans la Convention ne donnent lieu aujourd’hui
qu’à peu (ou pas) de poursuites devant les tribunaux nationaux. L’absence de dispositions
pénales spécifiques dans les divers ordres juridiques nationaux constitue assurément l’une des
principales causes sous-jacentes de l’insuffisance de la mise en œuvre des obligations issues
de la Convention. Ces dernières pourraient en effet être plus explicites dans la législation
nationale pertinente. Ainsi, le Niger a défini un certain nombre d’infractions à l’encontre des
201 202
personnes déplacées d’une part, et relatives à l’aide et au personnel humanitaire d’autre
part. Ces différentes infractions sont assorties de peines conséquentes, garantissant ainsi la
légalité des délits et de la réponse en matière de protection des déplacés internes.

Parallèlement à la définition expresse des infractions liées au déplacement, la nécessité de


faciliter l’accès aux mécanismes judicaires inclut également celle de rendre les recours
effectifs. Il faut particulièrement veiller à la réparation des dommages liés au déplacement
interne.

B. La réparation des dommages liés au déplacement


Toutes les victimes de violations des droits de l’Homme et de graves atteintes au droit
203
international humanitaire ont droit à une voie de recours effective . Naturellement, les
personnes déplacées ne font pas exception à cet égard.

Les voies de recours impliquent un accès égal et efficace à la justice et une réparation
adéquate, effective et rapide du préjudice subi. Ainsi, les victimes ont le droit à une
réparation, y compris une compensation pour la perte de parents proches, pour la destruction

novembre 2013, 349 p., sur https://www.icrc.org/fr/doc/assets/files/publications/icrc-001-4028.pdf


[consulté le 25 août 2020].
201 Articles 30 à 32.
202 Articles 33 à 36.
203 Voir DUDH, art. 8 ; PIDCP, art. 2(3) ; CEDR, art. 6 ; CDE, art. 30 ; Statut de Rome, art. 75(1) ; et, au
niveau régional, CAmDH, art. 10 et 25 ; CADHP, art. 7 et Art. 25 de son Protocole sur les droits des
femmes en Afrique, et CEDH, art. 13. Voir aussi Art. 35 et 26 des Articles sur la responsabilité de l’État,
et les résolutions du Conseil (anciennement Commission) des droits de l’Homme, dont la résolution
2005/35.

68
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO

204
de leur propriété et pour la perte de revenus pendant leur déplacement . Selon les termes de
la Convention de Kampala, « les États parties mettent en place un cadre juridique adéquat
aux fins d’apporter une compensation juste et équitable, et de fournir d’autres formes de
réparation, le cas échéant, aux personnes déplacées pour les dommages résultant du
205
déplacement ».

Sur le plan pratique, le processus de recherche et de mise en place de solutions durables


nécessite le plus souvent de s’attaquer à des problèmes complexes, tels que celui de
l’indemnisation ou de la restitution des terres et des biens. C’est dans ce contexte que les
Principes sur la Restitution des logements et des biens ont été adoptés par la Sous-
206
Commission des droits de l’Homme le 11 août 2005 . En vertu de ces principes, dans tous
les cas où les obligations de l’Etat liées au respect ou à la protection des droits à un foyer, à la
terre, à la propriété et aux possessions ont été violés, les victimes ont droit à un
dédommagement, y compris des indemnisations proportionnelles au dommage qu’elles ont
207
subi .

La réparation peut prendre plusieurs formes, notamment la restitution qui vise à restaurer
la situation antérieure au déplacement arbitraire et l’indemnisation de dommages
économiquement évaluables. La restitution est généralement la solution préférée car elle
répare à la fois le tort causé et facilite le retour et la réintégration dans la région d’origine. Elle
implique le retour des biens perdus à leur propriétaire légal. Une indemnisation, en numéraire
ou en nature, peut être donnée au lieu d’une restitution dans les cas où celle-ci est impossible
ou irréalisable. Par exemple pour des raisons de sécurité ou d’intérêt public et/ou quand les
déplacés internes optent de façon consciente et volontaire pour des solutions durables fondées
sur une indemnisation. Les déplacés internes reconnaissent en conséquence que le choix d’une

204 Assemblée générale des Nations Unies, Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un
recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme
et de violations graves du droit international humanitaire, Doc. A/RES/60/147 (2006), par. 12.
205 Convention de Kampala, article 12.2 ; DIHC, règles 150 & 133 ; En vertu du droit international
humanitaire (DIH), les États responsables de violations du DIH sont tenus de réparer intégralement les
pertes ou blessures causées (Protocole I, art. 91 ; DIHC, règle 150).
206 Sous-Commission des droits de l’Homme des Nations Unies, Principes concernant la restitution des
logements et des biens dans le cas des réfugiés et des personnes déplacées, U.N. Doc. E/CN.4/
Sub.2/2005/17, 2005.
207 PIDCP, article 2 (3); CAmDH, article 25; CEDH, article 13 ; Voir également, Sous-Commission des
droits de l’Homme, « Restitution des logements et des biens dans le cas des réfugiés et des personnes
déplacées ».

69
Chapitre I : La création d’un cadre normatif de protection dans les Etats membres de la CEDEAO

indemnisation met fin à la procédure de restitution et qu’ils ne pourront plus formuler de


demande de restitution des logements et des biens208.

En cas de catastrophes naturelles, les autorités peuvent toujours être tenues responsables
d’avoir été incapables d’assurer une protection adéquate. Si cette inaction a pour conséquence
un déplacement aggravé et des pertes humaines et matérielles, les victimes ont le droit de
recourir à la justice. Les autorités doivent donc prendre toutes les mesures possibles, dans le
respect des garanties découlant du principe de la sécurité juridique et des autres obligations
imposées par les droits de l’Homme, pour que les différentes responsabilités soient engagées
et que le préjudice causé soit réparé.

De même, en ce qui concerne les grands projets de développement, les plans de


réinstallation devraient fournir une compensation adéquate. Pour cela, il faut prendre en
compte la perte d’une propriété acquise de manière officielle. Et, de manière générale,
reconnaitre les droits en matière de foyer et de logement (que la propriété soit officielle ou
non) et les droits traditionnels et coutumiers de posséder, d’utiliser et d’avoir accès à la terre
et aux ressources naturelles.

La réparation n’est possible que par l’existence d’un cadre normatif efficace de protection
des PDI sur le plan national. D’où l’importance pour les Etats membres de la CEDEAO,
parties à la Convention, de s’acquitter de cette responsabilité. Par ailleurs, la mise en œuvre
des normes relatives au déplacement interne nécessite, pour être effective, l’existence d’un
cadre institutionnel bien organisé.

208 Comité Inter-organisations, Manuel sur la restitution des logements et des biens des réfugiés et personnes
déplacées. Pour la mise en œuvre des « Principes Pinheiro », mars 2007, 107 p.

70
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO

CHAPITRE II.

L’ETABLISSEMENT D’UN CADRE INSTITUTIONNEL DE


PROTECTION

Désormais en vigueur, les normes élaborées par la Convention de Kampala doivent être
respectées et appliquées sans discrimination par tous les acteurs qui ont la charge des PDI. La
nécessité d’une réponse globale à la question du déplacement interne exige des États qu’ils
mettent en place un ensemble de structures de gouvernance nationales et locales qui
contribuent à la prévention du déplacement, la protection et l’assistance des PDI, et à la mise
en œuvre de solutions durables.

Effectivement, c’est à l’État et à ses institutions qu’incombent la responsabilité première


de protéger et d’assister les PDI. Une grande variété d’acteurs étatiques et non étatiques sont
impliqués dans la protection et l’assistance. Ce chapitre présente brièvement leurs rôles, en
insistant sur les opportunités d’interaction et les défis à surmonter. Il propose également
certaines mesures pratiques susceptibles d’être prises.

La Déclaration de Kampala, qui a suivi l’adoption de la Convention, invite les États


signataires à créer ou à renforcer des mécanismes nationaux de haut niveau pour faire face au
209
déplacement . L’établissement d’un cadre institutionnel solide de protection des PDI
implique d’abord, l’adoption d’une stratégie nationale de protection des personnes déplacées
(Section I). Les États sont aussi encouragés à coopérer avec les partenaires bilatéraux et
210
multilatéraux ainsi qu’à renforcer la coordination de leurs programmes humanitaires . D’où
l’importance, ensuite, d’envisager une harmonisation de la protection au niveau sous régional
(Section II).

SECTION I. L’ADOPTION D’UNE STRATEGIE NATIONALE DE PROTECTION DES


PERSONNES DEPLACEES

L’adoption d'une stratégie nationale concernant les déplacements internes est une mesure
distincte, mais complémentaire, de celle d'une législation nationale. En effet, l’article 3 de la
Convention stipule aussi que les États parties adoptent « toutes autres mesures » permettant

209 Déclaration de Kampala, paragraphe 1.


210 Ibidem, paragraphe 27.

71
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO

211
d’incorporer les obligations énoncées dans leur droit interne . Cette disposition fait
référence aux politiques et stratégies nationales ou régionales concernant les personnes
déplacées.

Les stratégies constituent l’ancrage de la réponse du pays au problème du déplacement


interne. Elles sont généralement préparées par l’Exécutif et sont dans certains cas soumises à
l’approbation du Parlement. Une stratégie nationale relative au déplacement interne devrait
indiquer clairement les responsabilités institutionnelles en terme de réponse (§1), et identifier
un mécanisme de coordination entre elles (§2).

§ 1. UNE REPARTITION DES RESPONSABILITES INSTITUTIONNELLES

Les institutions nationales ont une importante responsabilité en matière de protection et


d’assistance aux personnes déplacées internes. C’est à travers elles que l’Etat s’acquitte des
obligations que lui imposent les normes en vigueur. Il est donc important de comprendre
comment cette responsabilité doit être répartie pour pouvoir veiller à ce que les PDI puissent
bénéficier d’une protection et d’une assistance efficaces, appropriées et durables.

A cette fin, la Convention de Kampala précise les attributions des différentes


administrations. Elle accorde un rôle principal aux autorités exécutives dans la réponse aux
situations de déplacement interne (A). La Convention reconnait également une grande
importance à la participation des autorités décentralisées dans la réussite des opérations de
protection (B).

A. Le rôle principal des autorités exécutives


Il appartient en premier lieu aux autorités exécutives de prendre la direction de toutes les
activités en matière de protection et d’assistance aux PDI. Pour rappel, cette responsabilité
consiste principalement à prévenir les conditions qui conduisent à un déplacement interne,
atténuer les effets négatifs du déplacement lorsqu’il survient et veiller à ce que des solutions
durables soient identifiées dès que possible pour les déplacés.

Pour parvenir à ces objectifs, il est indispensable que les institutions responsables
disposent de données fiables et allouent les ressources suffisantes. Les autorités exécutives
sont en effet responsables de la collecte de données concernant le nombre de déplacés

211 Convention de Kampala, article 3 2 c).

72
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO

internes, leur localisation et leurs conditions de vie. Ces informations constituent une base
essentielle permettant de mettre en place des politiques et des programmes efficaces et
d’alerter l’opinion publique, les autorités pertinentes et la communauté internationale sur
l’étendue du problème. La Convention de Kampala stipule à cet effet que « les États parties
peuvent créer et maintenir un registre à jour de toutes les personnes déplacées dans leur
juridiction ou sous leur contrôle effectif. Ce faisant, les États parties peuvent travailler en
collaboration avec les organisations internationales, les agences humanitaires ou les
212
organisations de la société civile ». Dans certains cas, les gouvernements nationaux
peuvent toutefois être réticents à reconnaitre la présence de déplacés internes sur leur territoire
et les données les concernant peuvent être contestées.

La collecte de données pertinentes y compris le nombre et la composition des


communautés déplacées, leur emplacement, leurs besoins spécifiques et leurs vulnérabilités,
doit commencer dès le début du déplacement. Elle doit également se poursuivre - aussi
systématiquement que possible - jusqu’à ce que des solutions durables aient été véritablement
213
trouvées . La détermination du profil des déplacés internes peut en effet révéler certains
individus et groupes vulnérables et permettre de mieux cibler et concevoir des programmes
pour les protéger et les aider. Cela permet aussi d’éviter des détournements possibles de
l’aide.

Les autorités nationales devraient également encourager et faciliter la collecte et la


consolidation de données sur le déplacement effectuées par les acteurs internationaux. Des
méthodes telles que celles présentées dans L’outil de l’UNHCR pour l’évaluation
participative dans les opérations, ou dans le Guide sur le profilage des personnes déplacées
de l’IDMC/OCHA, reflètent les leçons apprises sur le terrain dans de nombreuses situations
214
de déplacement . Quand la communauté internationale peut apporter son aide dans la
collecte de données, l’Etat facilite l’accès aux PDI et fournit un cadre institutionnel
permettant de coordonner la collecte de données et de diffuser les résultats obtenus.

Il est également important de souligner qu’il incombe aux autorités exécutives nationales
de mobiliser et d’allouer des ressources suffisantes pour répondre aux besoins des déplacés

212 Convention de Kampala, article 13.1.


213 Pour plus de détails, voir IDMC/OCHA, Guide sur le profilage des personnes déplacées (avril 2008)
(http://www.unhcr.org/refworld/docid/49882f982.html).
214 UNHCR, L’outil de l’UNHCR pour l’évaluation participative des personnes déplacées (Mai 2006)
http://www.unhcr.org/refworld/docid/46e9231d2.html ; IDMC/OCHA, Guide sur le profilage des
personnes déplacées, op cit.

73
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO

internes. L’application de politiques et de programmes pour les PDI, la fourniture de


l'assistance nécessaire ainsi que leur protection physique, nécessite inévitablement des
ressources humaines et matérielles. Par conséquent, la responsabilité de l'État entraîne
l'obligation pour celui-ci, dans la mesure du possible, d'affecter les ressources nécessaires à la
satisfaction des besoins et à la protection des droits de leurs populations déplacées à l'intérieur
du pays.

Les autorités nationales doivent à ce titre, procurer « autant que possible, les fonds
nécessaires pour la protection et l’assistance aux personnes déplacées, sans préjudice de la
215
réception de l’aide internationale ». Ils doivent ainsi s’assurer, en rédigeant les lois et les
politiques, d’avoir une compréhension réaliste des fonds budgétaires, des ressources humaines
et des biens humanitaires disponibles. Ils pourront ensuite allouer la juste quantité de
ressources pour répondre à des besoins clairement compris et établis par ordre de priorité. A
titre d’exemple, la loi adoptée par le Niger prévoit la création d’un fonds de protection et
216
d’assistance aux personnes déplacées et prévoit que les ressources de ce fonds proviennent
217
de l’Etat, des collectivités territoriales et des partenaires techniques et financiers .

Les autorités exécutives doivent aussi s’assurer de la participation de tous les acteurs
déterminants pour l’efficacité de la stratégie nationale. Parmi ces acteurs, les autorités
décentralisées occupent une place non négligeable qui mérite d’être relevée.

B. La participation des autorités décentralisées


Des responsabilités importantes devraient être conférées aux fonctionnaires provinciaux,
régionaux ou locaux. Il est probable que ces derniers aient des contacts plus étroits avec les
déplacés internes que le gouvernement central. Ils sont en effet plus aptes à mieux
comprendre les problèmes auxquels les personnes déplacées sont confrontées.

Bien que les décisions de politique nationale soient prises au niveau central, l’implication
des autorités gouvernementales locales est essentielle pour la mise en œuvre et la coordination
des activités de protection et d’assistance sur le terrain. Les autorités décentralisées jouent
également un rôle crucial pour permettre l’accès aux déplacés internes et aux autres
populations vulnérables. En outre, lorsque les autorités nationales n’ont pas les capacités

215 Convention de Kampala, article 3.2 d).


216 République du Niger, Loi n° 018-74, op cit., article 27.
217 Ibidem, article 28.

74
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO

suffisantes, il arrive que les autorités provinciales, régionales ou locales soient les principaux
interlocuteurs des organisations humanitaires.

Dans certains pays, où les structures de direction traditionnelles détiennent le pouvoir (le
Burkina Faso par exemple), il peut aussi être nécessaire d’être en contact avec leurs dirigeants
et les fonctionnaires du gouvernement local. Au Mali, le Ministère de la Solidarité et de
l’Action Humanitaire (qui est chargé des questions relatives aux PDI) compte des
représentants non seulement dans la capitale, mais aussi aux niveaux régional et local. Ce
dispositif assure une bonne coordination et une bonne coopération entre les différents
niveaux. Il reflète l’importance du rôle que les administrations locales peuvent jouer en
218
facilitant les interventions en faveur des PDI .

En situation de crise, les autorités locales ont souvent du mal à répondre aux besoins des
219
personnes touchées, notamment les personnes déplacées . Généralement à court de
ressources humaines et financières, elles dépendent des ressources fournies par les autorités
nationales et, dans certains cas, par la communauté humanitaire internationale. La capacité de
réponse varie également entre les petites et les grandes villes, un problème qui doit être pris
en compte dans les interventions et investissements futurs visant à faire face aux défis
220
associés aux déplacements internes .

L’administration municipale de Maiduguri au Nigéria a pris des mesures positives à cette


fin. Les personnes déplacées dans cette ville sont confrontées à des vulnérabilités particulières
liées à leur déplacement, notamment en matière d’accès à l’emploi et aux moyens de
subsistance. Elles sont également exposées au risque d’expulsion forcée. En réponse, le
gouvernement local de Maiduguri a collaboré avec la banque centrale du Nigéria pour mettre
221
en place des centres d’entrepreneuriat pour les jeunes au chômage et les déplacés internes .

Ainsi, il est important d’impliquer l’ensemble des ministères pertinents et des autres
organes gouvernementaux tant au niveau national que local. Dans les cas où le déplacement

218 République du Mali - Ministère de la Solidarité, de l’Action Humanitaire et de la Reconstruction du


Nord, Stratégie Nationale de gestion des personnes déplacées internes et des rapatriés, Bamako, mai
2015. Voir également Conseil Supérieur de la Diaspora Malienne (CSDM), Assistance humanitaire aux
réfugiés et déplacés de la crise malienne, Bamako, 15 août 2016.
219 DE BOER et al., « Conceptualizing City Fragility and Resilience », octobre 2016; LALL et al., « Africa’s
cities: opening doors to the world », 2017.
220 Satterthwaite, « The impact of urban development on risk in sub-Saharan Africa’s cities with a focus on
small and intermediate urban centres », 1er décembre 2017.
221 IDMC, « City of Challenge and opportunity Employment and livelihoods for internally displaced people in
Maiduguri », État de Borno, février 2018; International Rescue Committee, « Urban Refuge: How Cities
Are Building, Inclusive Communities », 31 octobre 2018.

75
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO

touche une zone particulière d’un pays, la participation des autorités locales est indispensable.
L’élaboration d’un instrument national devrait être un processus ascendant (de la base vers le
sommet), initié à partir d’une consultation dans les zones touchées afin de refléter pleinement
la réalité vécue sur place. En matière de règlement des différends, les autorités locales
concernées ont la responsabilité d'aider les personnes déplacées internes revenues ou
réinstallées à récupérer dans la mesure du possible leurs biens et possessions qu'ils ont laissés
derrière ou dont elles ont été dépossédées lors de leur déplacement.

La définition des différentes responsabilités institutionnelles sur le plan national est


indispensable à la mise en œuvre d’une stratégie de protection pendant les situations de
déplacement interne. Il faut quand même noter que la coordination entre les différentes
institutions représente davantage un moyen de rendre les réponses au déplacement interne
effectives mais surtout, durables.

§ 2. UN IMPERATIF DE COORDINATION NATIONALE


Les États membres de la CEDEAO, parties à la Convention, se sont engagés à investir les
moyens nécessaires pour remplir leurs obligations. Il faut ajouter à ce propos que l’efficacité
de la réponse aux situations de déplacement dépend non seulement des moyens entrepris par
les différentes institutions, mais surtout du niveau de coordination entre elles.

A cet égard, les Etats doivent veiller à ce que les lois et les politiques désignent une
institution en charge de la coordination nationale (A). Ils sont également tenus de garantir la
mise en place d’un mécanisme national de suivi en matière de déplacement interne (B).

A. La désignation d’une institution de coordination nationale


L’établissement d’un point focal national est un aspect important de l’exercice de la
responsabilité de l’Etat à l’égard des personnes déplacées. Il permet une attention soutenue
aux problèmes de déplacement interne et facilite la coordination au sein du gouvernement. A
cette fin, les organes responsables devraient être dotés de mandats et de ressources appropriés
et avoir un poids politique suffisant pour accomplir leur tâche.

Aux termes de la Convention, les États parties doivent désigner « une Autorité ou un
Organe, si nécessaire, qui serait, chargé de la coordination des activités visant à assurer
l’assistance aux personnes déplacées et à assigner des responsabilités aux organisations
pertinentes en termes de protection et d’assistance et de coopération avec les organisations

76
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO

222
ou agences internationales compétentes et avec les organisations de la société civile ». Le
point focal national prend un certain nombre de formes dans la pratique dont notamment des
agences gouvernementales existantes avec des mandats spécifiques et qui sont aussi chargées
de la coordination pour les questions relatives aux PDI.

Cependant, par souci d’efficacité, il est préférable de prévoir une instance unique
responsable de la coordination de l’aide et de la protection des personnes déplacées. Les
attributions de l’instance de coordination seront inscrites dans la politique nationale ou la
législation, de manière à établir une certaine permanence institutionnelle et à manifester
l’engagement du gouvernement vis-à-vis des personnes déplacées. Pour inscrire cette autorité
nationale dans la loi sur les personnes déplacées, différentes méthodes sont possibles en
fonction de la spécificité du contexte politique national. La première consiste à la création
d’un service gouvernemental ou d’un portefeuille ministériel chargé de la question des
personnes déplacées.

Ensuite, il est également possible de mettre en place, en marge des services existants, une
autorité, une commission, un groupe d’orientation ou un groupe de travail chargé de la mise
en œuvre du cadre national relatif aux personnes déplacées. L’instance de coordination peut,
dans une autre optique, être située dans un ministère ou au sein d’une commission (il peut
éventuellement s’agir d’une unité ou d’une sous-commission dédiée aux personnes
déplacées). L’instance sera par exemple établie au sein du cabinet du Premier ministre ou du
Président, dans le ministère des Affaires sociales, du Développement ou de la Gestion des
catastrophes, ou encore au sein d’un service chargé des questions de migration ou des
réfugiés. Cette dernière approche a, par exemple, été retenue par l’Ouganda qui a attribué les
responsabilités de coordinateur national au département de la préparation aux catastrophes et
223
des réfugiés, au sein du cabinet du Premier ministre .

Au Mali (État partie à la Convention depuis 2012), un comité interinstitutionnel pour


l’intégration de la Convention de Kampala dans le droit interne a été créé en avril 2016 par le
Ministère de la Solidarité, de l’Action humanitaire et de la Reconstruction dans le Nord.
Chargé de piloter le processus d’élaboration des politiques, le comité a entrepris un audit
normatif du cadre juridique malien à la lumière des exigences de la Convention de

222 Convention de Kampala, article 3.2 b).


223 Republic of Uganda, The National Policy for Internally Displaced Persons, août 2004. Disponible en
anglais sur https://www.brookings.edu/wp-content/uploads/2016/07/Uganda_IDPpolicy_2004.pdf
[consulté le 25 novembre 2020].

77
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO

224
Kampala . Au Niger, la loi sur les personnes déplacées prévoit la création d’un Comité de
225
coordination nationale de protection et d’assistance aux personnes déplacées internes . Au
Burkina Faso, le Conseil national de secours d'urgence et de réhabilitation (CONASUR), un
organisme du gouvernement ayant la responsabilité des interventions en cas de catastrophe a
été en mesure de répondre de manière rapide aux crises à court terme.

Il ressort ainsi de ce qui précède qu’il est important de mettre en place une institution de
coordination de la réponse aux situations de déplacement interne. Afin de contrôler
l’effectivité du cadre de protection, il est aussi nécessaire de compléter cette démarche par
l’institution un mécanisme de suivi à l’échelle nationale.

B. La mise en place d’un mécanisme national de suivi


L’établissement d’un mécanisme de suivi est essentiel pour s’assurer que les clauses
existantes des lois et des politiques relatives aux PDI sont bel et bien appliquées de manière
conforme. Le suivi permet également d’identifier les éventuelles lacunes des textes et dans
d’autres domaines où les activités nationales de protection doivent être organisées et mises en
œuvre. Les lois et les politiques relatives aux PDI devraient ainsi inclure des mécanismes
internes de recours et désigner des groupes externes pour la surveillance, lorsque cela est
opportun.

Dans la plupart des cas, l’organe idéal pour surveiller la mise en œuvre de lois et politiques
relatives au déplacement interne est l’institution nationale des droits de l’Homme établie
226
conformément aux Principes de Paris ou l’Ombudsman. Le Ministère de la Justice et le
Procureur général peuvent également jouer un rôle de surveillance important. La définition du
rôle de surveillance doit dans tous les cas être suffisamment large pour garantir la cohérence
227
et l’efficacité des réponses nationales au déplacement . Les institutions nationales des droits

224 République du Mali, Décision No. 2016/0109 du Ministre de la Solidarité, de l’Action Humanitaire et de la
Reconstruction du Nord, 28 April 2016, en dossier au CICR.
225 République du Niger, Loi n° 018-74, op cit., article 26 1).
226 Assemblée générale de l’ONU, Principes concernant le statut et le fonctionnement des institutions
nationales pour la protection et la promotion des droits de l’homme (Principes de Paris), UN Doc.
A/Res/48/134 (20 décembre 1993). L’importance des INDH dans la protection des déplacés internes a
également été soulignée dans les résolutions de la Commission des Nations Unies sur les Droits de
l’Homme. Voir notamment la Résolution 2004/55 (20 avril 2004), paragraphes. 18 et 21 ; et la Résolution
2003/51 (23 avril 2003), paragraphes 18 et 21.
227 Pour plus d’informations sur les mesures spécifiques que peuvent prendre les INDH pour surveiller
efficacement les actions menées pour répondre au problème de déplacement, voir Institut Brookings-
Université de Berne : projet sur les déplacements internes, Faire face au problème du déplacement de

78
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO

de l’Homme (INDH) peuvent prendre la forme de commissions des droits de l’Homme, de


médiateurs ou d’institutions nationales spécialisées dans la protection de certains groupes
vulnérables. Bien que ces organes tiennent leur mandat et leur autorité des gouvernements
(par une loi, un décret ou la constitution), ils doivent être indépendants.

Le positionnement unique des INDH leur donne une crédibilité et un accès à des
informations dont disposent rarement les fonctionnaires gouvernementaux ou les ONG. Tout
en appartenant aux institutions de l’État, elles peuvent néanmoins émettre des critiques
objectives relatives au gouvernement et à d’autres acteurs étatiques. En qualité d’institutions
nationales, elles ont une bonne compréhension du pays, de l’environnement social et politique
228
dans lequel elles opèrent et des acteurs nationaux clés .
229
Au Mali, par exemple, La Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH)
pourrait jouer un rôle significatif dans ce domaine à condition de se voir octroyer un mandat
explicite et des moyens adéquats pour y parvenir. Elle a pour mission de contribuer à la
promotion et au respect des droits de l’Homme par des conseils, des propositions et des
230
évaluations dans le domaine des droits de l’Homme et des libertés fondamentales . Bien que
la protection des personnes déplacées internes n’entre pas explicitement dans son mandat, son
action au service de la promotion du respect des droits de l’Homme est directement applicable
à la question des PDI. À ce jour, le rôle joué par la CNDH dans le sort des PDI reste modeste,
même si le sujet constitue une de ses préoccupations constantes comme cela est reflété dans
231
ses rapports annuels .

L’efficacité des institutions nationales des droits de l’Homme dépend en grande partie de
leur mandat spécifique, de leur degré d’indépendance par rapport au gouvernement et de la
disponibilité adéquate de personnel et de ressources. Le principal défi, dans les Etats membres
de la CEDEAO, est d’éviter que les INDH soient trop étroitement associées aux
gouvernements et manquent d’indépendance et de crédibilité. Si les INDH s’impliquent

personnes à l’intérieur de leur propre pays : Cadre normatif précisant les responsabilités des Etats, 2005,
pp.19-21 ; IASC, La protection des personnes affectées par des catastrophes naturelles : Les directives
opérationnelles sur les droits de l’homme et les catastrophes naturelles, section 1.4 (2007).
228 GOMEZ Mario, « National Human Rights Commissions and Internally Displaced Persons, An Occasional
Paper », Brookings–SAIS Project on Internal Displacement, juillet 2002,
http://www.brookings.edu/fp/projects/idp/articles/gomez2002.pdf.
229 Après plusieurs tentatives infructueuses de mise en place d’une telle institution, la Commission est
finalement créée par la loi n°09-042 du 19 novembre 2009.
230 Loi relative à la CNDH, article 2.
231 Rapport CNDH 2012, §.1.1.8, pp.24-26 ; Rapport CNDH 2013, §.C.3., pp.47-48 ; Rapport CNDH 2014,
§.C3.3, pp.22-23.

79
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO

activement dans la surveillance et la critique des gouvernements, cela peut en effet créer un
ressentiment et des représailles de la part des gouvernements à leur encontre. C’est pourquoi il
est préférable que les lois et les politiques nationales mettent en place des institutions
spécifiques chargées de la question du déplacement interne. Le cas du Niger est illustratif en
ce sens que la loi sur les personnes déplacées prévoit la création d’un Observatoire national de
232
prévention et de coordination .

Cependant, il faut noter le manque de ressources auquel les Etats de la sous-région peuvent
faire face ainsi que la complexité et la sensibilité de la question du déplacement interne. Il est
préférable que les Etats membres de la CEDEAO unissent leurs ressources et leurs expertises
afin de créer un cadre unique et harmonisé de protection des personnes déplacées. Cette
question semble être, à l’heure actuelle, d’une importance considérable en raison notamment
de la préoccupation commune des Etats face aux catastrophes naturelles et leur volonté
manifeste de prévenir les conflits et ses effets.

SECTION II. L’HARMONISATION DE LA PROTECTION DES PERSONNES


DEPLACEES AU NIVEAU SOUS REGIONAL

La CEDEAO est l’une des principales organisations sous régionales de l’Afrique. Son
Parlement, sa Cour de Justice et sa Commission s’engagent de plus en plus dans les questions
humanitaires, notamment le déplacement interne. Elle a ainsi un rôle non négligeable à jouer
dans le renforcement des efforts visant à appliquer pleinement la Convention de Kampala.

Il faut rappeler qu’un travail important a été effectué et est en cours pour répondre aux
besoins de protection et d’assistance des personnes déplacées dans la sous-région. Cependant,
il est davantage souhaitable de promouvoir la mise en œuvre de la Convention de Kampala et
renforcer plus largement la capacité des États à prévenir les déplacements et à y répondre. A
ce titre, les Etats pourraient appeler à la ratification et l’intégration de la Convention à
l’échelle régionale. Ils peuvent aussi encourager l’échange d’expériences dans l’élaboration et
l’application des lois et des politiques sur les déplacements internes,

Face à la régionalisation des défis sécuritaires en Afrique de l’Ouest, l’harmonisation de la


protection des personnes déplacées devrait nécessairement passer par un renforcement de la
capacité des institutions de la CEDEAO. Cela se traduit concrètement, d’une part, par un

232 République du Niger, Loi n° 018-74, op cit., article 26 2).

80
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO

renforcement des instruments sous régionaux de protection (§1), et d’autre part, par une mise
en œuvre renforcée de la coopération multilatérale (§2).

§ 1. UN RENFORCEMENT INDISPENSABLE DES INSTRUMENTS SOUS REGIONAUX


Du fait des longues années de violence armée en Afrique de l'Ouest, la protection et
l'assistance aux personnes déplacées pendant et après un conflit ont toujours été une
préoccupation de la sous-région. La CEDEAO a en effet utilisé une combinaison d'approches
politiques, diplomatiques et militaires pour répondre aux problèmes du déplacement interne.

Cependant, en raison de la persistance des conflits et des catastrophes, ces problèmes


demeurent sérieux et exigent une attention concertée. C’est pourquoi il est primordial que la
CEDEAO approfondisse son engagement vis-à-vis de cette question. Pour les besoins de cette
étude, il convient de procéder à l’analyse des instruments sous régionaux existants relatifs au
déplacement interne (A). Ensuite, la perspective d’une mise en œuvre effective de la
Convention de Kampala par la CEDEAO sera envisagée à travers son intégration dans le droit
communautaire (B).

A. Les instruments communautaires pertinents face au déplacement interne


Un certain nombre d’instruments en rapport avec le déplacement interne ont été élaborées
par les États membres de la CEDEAO. Ces normes ont donné à la communauté des systèmes,
des capacités et des mécanismes spécialisés pour répondre au problème du déplacement
interne. Mais le principal défi réside dans leur mise en œuvre effective par les États.

Dès son origine, la CEDEAO a inscrit la liberté de mouvement des personnes au cœur de
son projet politique et s’est intéressée aux flux migratoires de la région. Le traité fondateur de
la CEDEAO, qui consacre un seul article sur cette question que le chapitre IV a libellé
« Liberté de mouvement et de résidence », s’est révélé insuffisant. Cette lacune est corrigée
par des dispositions additionnelles qui traitent des aspects spécifiques liés à cette liberté. Dans
cette optique, les Etats de l’Afrique de l’Ouest ont adopté le Protocole sur la libre circulation
233
des personnes, le droit de résidence et d'établissement en 1979. Ce texte ainsi que les
quatre protocoles additionnels adoptés par la suite constituent une avancée majeure en matière
de liberté de mouvement. Il en est ainsi par exemple de la notion de « migrants » qui, au-delà

233 Protocole A/P1/5/79 relatif à la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d’établissement,
Dakar, 29 Mai 1979, consultable au http://www.comm.ecowas.int/sec/index.php?id=ap010579&lang=fr.

81
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO

234
de la perception péjorative qui caractérise le phénomène migratoire en Afrique , est codifiée
235
à travers les actes juridiques de la CEDEAO . Cette catégorie de personnes est ainsi soumise
236
à un régime de droits et d’obligations défini par les textes communautaires .

Au fil des années, la CEDEAO a manifesté un intérêt considérable à la question sécuritaire.


La récurrence des crises et de l’instabilité, qui ont culminé dans des conflits armés au Libéria
et en Sierra Léone dans les années 1980-1990, ont conduit les Hautes Autorités de la
Communauté à adopter, en décembre 1999, le Protocole relatif au mécanisme pour la
237
prévention, la gestion et la résolution des conflits, le maintien de la paix et la sécurité . Cet
instrument et sa focalisation grandissante sur les questions humanitaires est directement lié à
la détresse des déplacés internes. Pour aider les Etats membres qui ont été affectés par les
conflits violents, la CEDEAO s’engage à travers l’article 44 du Protocole, à entreprendre le
rétablissement et la réintégration des réfugiés et des personnes déplacées internes. Ainsi, le
mécanisme de prévention et de gestion des conflits de la CEDEAO a permis de juguler
certaines crises dont plus récemment celle de la Côte d’Ivoire, du Niger, de la Guinée Bissau
et du Mali.

Le défi sécuritaire a été étendu à celui de la démocratie et de la gouvernance, à travers


238
l’adoption du Protocole sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance , complémentaire à
celui susmentionné. Ce mécanisme a donné lieu à diverses actions préventives et de médiation
239
dans le cadre de tensions et de crise ante et post électorales au sein de la région . Depuis
lors, les institutions communautaires ont pris des mesures relatives au déplacement interne
dans la région. Par exemple, le Réseau d’alerte rapide et de réponse de la CEDEAO

234 Dans le contexte de crise sociale que connaissent de nombreux pays africains du fait de la récession
économique ou des conflits politiques, les phénomènes migratoires se sont intensifiés depuis deux
décennies, non seulement sur le plan interne, mais aussi au-delà des frontières nationales.
235 Voir le Protocole additionnel au Traité CEDEAO portant code de conduite pour l’application du
protocole sur la libre circulation des personnes. Le Protocole additionnel définit le migrant comme étant
« le ressortissant d’un État membre de la Communauté, qui s’est déplacé de son pays d’origine pour se
rendre sur le territoire d’un autre État membre de la Communauté ».
236 La notion de « migrant irrégulier » s’applique aux termes du Protocole ci-dessus à « tout migrant, citoyen de
la Communauté, qui ne remplit pas les conditions prévues par les dispositions des différents Protocoles
relatifs à la libre circulation des personnes, de droit de résidence et d’établissement ».
237 CEDEAO-Secrétariat Exécutif, Protocole A/P1/12/99 relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de
Règlement des Conflits, de Maintien de la Paix et de la Sécurité, Lomé, 10 décembre 1999.
238 CEDEAO-Secrétariat Exécutif, Protocole A/SP1/12/01 sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance
additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de Gestion, de règlement des conflits, de
maintien de la Paix et de la Sécurité, Dakar, 21 décembre 2001
239 Commission de la CEDEAO, Rapport annuel 2015, La CEDEAO après 40 années : réalisations, défis et
perspectives, Abuja, novembre 2015.

82
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO

(ECOWARN), tel que suggéré dans l’article 58 du Traité révisé de la CEDEAO, a été établi
et comprend notamment des indicateurs sur le déplacement interne. L’Unité de protection des
enfants a également intégré la question du déplacement interne à son travail et à ses missions
dans la région.

Toutefois, il faut rappeler que l’efficacité de ces instruments a été relativisée par
l’insuffisance de leur mise en œuvre par les Etats membres. Quoi qu’il en soit, la complexité
des situations de déplacement interne, ainsi que la nécessité d’harmoniser la protection au
niveau sous régional, rend indispensable l’adaptation du cadre de protection des personnes
déplacées. C’est ce qui nous amènera à poser l’éventualité d’une intégration de la Convention
de Kampala dans le droit communautaire.

B. L’intégration éventuelle de la Convention dans le droit communautaire


La CEDEAO est un organe d’intégration et toutes les parties ont convenu que son espace
juridique est régi par le monisme. En effet, l’espace juridique de la CEDEAO et l’espace
juridique national constituent un seul et même espace. Le droit communautaire se distingue
par sa primauté sur le droit national et, dans le cas où la Convention de Kampala est intégrée
dans le droit communautaire de la CEDEAO, elle doit être respectée dans le droit interne de
tous les États membres.

L’adoption de la Convention en tant que partie du droit communautaire de la CEDEAO


peut en effet constituer un moyen efficace vers sa mise en œuvre. L’absence d’un mécanisme
national ne peut alors empêcher son applicabilité en tant que norme communautaire de la
240
CEDEAO . C’est pourquoi nous estimons nécessaire d’envisager à travers cette étude, une
intégration de la Convention dans le tissu communautaire. Les instances communautaires
devraient ainsi se saisir de la question, en l’abordant par exemple lors d’une session ordinaire
du Parlement de la CEDEAO. Précisons tout de même qu’à l’heure actuelle, le Parlement ne
peut pas adopter de lois, mais il peut être sollicité pour donner un avis ou faire des
propositions de législation. Seuls la Conférence et le Conseil des ministres peuvent édicter des
actes ayant force exécutoire sur les États membres de la CEDEAO. Cela peut être sous forme
d’orientations ou de décisions. La Conférence peut adopter un acte additionnel et le Conseil
des Ministres, un règlement visant à introduire la Convention de Kampala dans le système
normatif de la Communauté.

240 CEDEAO, Expériences comparatives en matière de mise en œuvre de la Convention de Kampala en Afrique
de l’Ouest, Série d’échanges régionaux, Dakar-Sénégal, 21-22 mars 2019.

83
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO

Les orientations, communément appelées « directives » sont des textes cadres obligeant ses
destinataires, c’est à dire les Etats membres, quant à l’objectif à atteindre, tout en leur laissant
une totale liberté d’appréciation quant au choix des moyens à utiliser à cette fin. C’est dire
que les modalités pratiques d’insertion des directives communautaires en droit interne sont
241
laissées à l’entière discrétion des Etats membres . Quant aux règlements, ils représentent un
moyen par lequel la Convention de Kampala peut faire l’objet d’une introduction directe dans
l’ordre juridique interne, indépendamment de toute ratification et de toute mesure nationale de
publication. C’est-à-dire que l’intervention du pouvoir législatif national ou du pouvoir
réglementaire n’est pas nécessaire dans ce contexte. Dans le cadre de l’Union Européenne, par
exemple, les Etats membres de l’Union ont admis l’effet direct des règlements
242
communautaires dès lors qu’ils sont publiés au Journal officiel de l’Union Européenne .

Dans l’espace CEDEAO, l’intégration de la Convention serait plus effective si elle était
effectuée par l’intermédiaire d’une décision de la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement ou par l’adoption d’un acte additionnel. Les décisions de la Conférence ont en
243
effet force obligatoire à l'égard des Etats Membres et des Institutions de la Communauté .
Les actes additionnels sont quant à eux, annexés au Traité de la CEDEAO dont ils font partie
intégrante. Le Conseil des Ministres peut également adopter une directive sur délégation de la
Conférence, ou un règlement visant à introduire la Convention dans le système normatif de la
Communauté. Les règlements du Conseil ont de plein droit, force obligatoire à l'égard des
244
Etats Membres après leur approbation par la Conférence et ont d'office force obligatoire en
cas de délégation de pouvoirs de la Conférence.

241 Pour le droit communautaire européen, Cf., entre autres, l’article 189 du traité du 25 mars 1957 instituant la
Communauté économique européenne (CEE), l’article 191 du traité de Maastricht du 7 février 1992
instituant l’Union Européenne, et l’article 249 du traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997; pour le droit
communautaire ouest africain, Cf. l’article 43 du traité de Dakar du 10 janvier 1994 instituant l’Union
économique et monétaire ouest africaine (UEMOA).
242 En application de l’article 189 du Traité de Rome de 1957 instituant la Communauté économique
européenne (article 191 du Traité de Maastricht du 7 février 1992 et article 249 du Traité d’Amsterdam du
2 octobre 1997). A cet égard, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a soutenu que le
droit communautaire dérivé directement applicable pénètre « dans l’ordre juridique interne sans le secours
d’aucune mesure nationale »; Cf. en ce sens, affaire 28/67, 19 décembre 1968, Firma Molkerei, in
Recueil, 1968, P. 228; affaire 106/77, 9 mars 1978, Simmenthal, in Recueil, 1978, P. 629). Il a également
été jugé que « le droit communautaire, indépendant de la législation des Etats membres, de même qu’il
crée des charges dans le chef des particuliers, est aussi destiné à engendrer des droits qui entrent dans
leur patrimoine juridique », Cf. CJCE, affaire 26/62, 5 février 1963, Van Gend en Loos, in Recueil, 1963,
P. 3.
243 Traité révisé de la CEDEAO, article 9.4.
244 Ibidem, Article 12.3.

84
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO

Ainsi, pour s’assurer d’une mise en œuvre effective et harmonisée de la Convention de


Kampala, la CEDEAO devrait adopter un acte ou un règlement complémentaire en vue de
l’incorporer dans le droit communautaire. Cela permettra dans le même temps de concrétiser
245
le Plan d’action pour le droit international humanitaire de la CEDEAO (2019-2023) . Ce
plan appelle à l’harmonisation des lois, politiques et procédures relatives à la protection, à la
sécurité et à la dignité des personnes déplacées internes, avec le droit international.

Cette nécessité d’harmoniser le droit relatif à la protection des personnes déplacées sera à
présent analysée sous un autre aspect. Il s’agit d’actions plus concrètes à mener sur le terrain,
qui démontrent l’importance de renforcer la coopération entre les Etats membres de la
CEDEAO.

§ 2. UNE MISE EN ŒUVRE RENFORCEE DE LA COOPERATION MULTILATERALE


Conformément aux aspirations de la vision d’une « CEDEAO des peuples », les États
membres se sont engagés à préserver et à consolider des relations favorables à la préservation
de la paix, de la stabilité et de la sécurité tout en œuvrant à l’intégration et au développement
de la région. La CEDEAO reconnaît qu’on ne saurait réaliser ces objectifs tant que ne
prévaudra pas une atmosphère de paix et de sécurité durables.

Au nombre des obstacles à l’atteinte des objectifs de la CEDEAO figurent les conflits et
l’incidence des catastrophes naturelles et anthropiques qui se traduisent, entre autres, par le
déplacement forcé de populations. Cela justifie l’intérêt des Etats membres de s’engager
d’une part, à consolider la réponse multilatérale au déplacement forcé (A). D’autre part, les
Etats doivent adapter cette réponse aux problématiques nouvelles, au premier rang desquelles
se trouvent celles liées à la question environnementale (B).

A. La consolidation de l’intervention multilatérale


L’Afrique de l’ouest est assaillie par une multitude de risques et de dangers favorisant les
situations de déplacement interne et dont les localisations connaissent des changements
fréquents. Il s’ensuit que pour être efficace, les actions visant répondre au déplacement interne

245 Le Plan d’action de la CEDEAO sur le DIH (2019-2023) se trouve aux pages 60 à 71 de la publication
CEDEAO-CICR, Mise en œuvre du DIH en Afrique de l’Ouest, participation des pays de l’Afrique de
l’Ouest aux traités de droit international humanitaire (DIH) et leur mise en œuvre au niveau national,
rapport 2018, Août 2019. Disponible sur le lien suivant : https://www.icrc.org/fr/document/mise-en-
oeuvre-du-dih-en-afrique-de-louest-renouvellement.

85
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO

doivent s’appuyer sur une approche multiple, renforcée par un suivi rigoureux prenant en
compte les risques et les menaces à la vulnérabilité.
246
Particulièrement pertinente en Afrique de l’Ouest , une approche sous régionale
contribuerait à relever les défis liés à la prévention et la gestion des déplacements. Les articles
22 et 29 du Traité Révisé de la CEDEAO prévoient la coopération entre les Etats membres
afin de renforcer les institutions existantes et leur permettre d’assurer la gestion des crises.
Quant au Protocole relatif au Mécanisme de prévention, de Gestion et de Règlement des
Conflits, de Maintien de la paix et de la Sécurité, il prévoit l’élaboration de politiques
efficaces afin d’atténuer la souffrance des populations et de rétablir les conditions d’une vie
normale après des crises humanitaires complexes et de grande envergure247.

Au sein de la CEDEAO, la gestion des risques de catastrophes est assurée par la Direction
248
des affaires humanitaires et sociales (DAHS). De même, la Politique humanitaire de 2012
vise à standardiser la pratique humanitaire dans les États membres. Elle favorise un lien
équilibré entre l’action humanitaire, la sécurité humaine et le développement humain dans
tout l’espace de la CEDEAO sur la base du principe de la solidarité régionale. Elle reconnaît
plusieurs causes de déplacement, y compris les catastrophes, ainsi que le rôle du
249
réchauffement climatique dans l'aggravation de ces facteurs à risque . Cet intérêt croissant
manifesté par la CEDEAO pour la prévention des crises se justifie par sa volonté de remplir
sa mission en matière de paix et de sécurité notamment la gestion du volet humanitaire des
conflits. C’est ce qui a notamment conduit à ériger la prévention des catastrophes au rang de
250
thème opérationnel .

Dans le cadre d'un dialogue régional sur la protection et les solutions pour les déplacés
internes dans la région du Sahel, les Etats de la sous-région ont réaffirmé la nécessité d'une
meilleure coopération transnationale pour faire face aux déplacements et en améliorer le

246 HARILD N., VINCK P., VEDSTED S. et de BERRY P., Forced Displacement of and Potential Solutions
for IDPs and refugees in the Sahel –Burkina Faso, Chad, Mali, Mauritania & Niger,: World Bank,
Washington DC, 2013.
247 Préambule.

248 Commission de la CEDEAO, Politique humanitaire de la CEDEAO, Abuja, Commission de la


CEDEAO, 2012. Disponible à l’adresse : http://www.portailouestafrique.org/files/, consulté le 15/05/2020.
249 Ibidem, pp. 10-11.
250 Commission de la CEDEAO, Progress on the Implementation of the HFA and ECOWAS DRR Policies »,
Commission de la CEDEAO, Abuja, 2013.

86
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO

251
suivi . Concernant les catastrophes et les conflits, une équipe d'intervention d'urgence de la
CEDEAO (EIUC/EERT) a été conçue pour venir en complément aux opérations de paix et
aux mécanismes d’interventions dans les situations d'urgence en Afrique de l'Ouest. Par
exemple, une telle équipe a été déployée au Mali en 2013. Au plan régional, la Commission
africaine des droits de l’Homme et des peuples, ainsi que son Rapporteur spécial sur les
réfugiés, les requérants d’asile et les personnes déplacées en Afrique sont expressément
mentionnés dans la Convention de Kampala. Des rôles spécifiques leur sont attribués en
252
termes de soutien et de surveillance de la mise en œuvre de la Convention . L’Union
Africaine en collaboration avec le Secrétariat du NEPAD, a également élaboré une stratégie
régionale Africaine de réduction des risques de catastrophes.

La question des catastrophes et, plus généralement, celle liée à l’environnement nécessite
une analyse plus approfondie. Les instruments de protection des personnes déplacées doivent
être améliorés de sorte à les adapter aux dispositions de la Convention de Kampala relatives
aux catastrophes naturelles. Le fait que l’espace CEDEAO soit, politiquement, un territoire
bien moins fragmenté que beaucoup d’autres régions du monde, nous semble être un atout
déterminant pour y parvenir.

B. Sur la question environnementale : Vers une reconnaissance du


déplacement transfrontalier ?
Une des spécificités de l’espace CEDEAO est le niveau exceptionnellement élevé de
migrations intra régionales. Ces migrations sont liées aux troubles politiques, aux inégalités
économiques, mais aussi, comme le démontre l’intérêt pertinent de la Convention de Kampala
sur cette problématique, aux dégradations de l’environnement. De même, l’histoire commune
que partagent les populations de la région ainsi que les frontières poreuses - voire carrément
ouvertes dans certains cas - qui les séparent, facilite de plus en plus les déplacements

251 Gouvernements du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad, « Conclusions de


Bamako, Dialogue Régional de Protection et de Solutions dans le cadre des déplacements forcés au Sahel »
12 /09/2019.
252 L’article 8.3 e) et f) de la Convention de Kampala stipule qu’afin de soutenir les efforts que déploient les
États parties pour protéger et porter assistance aux personnes déplacées conformément à la Convention,
l’UA veillera, en particulier, à partager avec la CADHP (Commission) les informations sur les situations de
déplacement ainsi qu’à coopérer avec le Rapporteur spécial [de la CADHP] pour traiter les problèmes des
personnes déplacées. L’article 14, par. 4 de la Convention fait référence au mécanisme de présentation de
rapports prévu à l’article 62 de la Charte Africaine des droits de l’Homme et des peuples ainsi qu’à la
procédure volontaire du Mécanisme Africain d’évaluation par les pairs. Il établit que, conformément aux
mécanismes convenus, les États parties à la Convention de Kampala fourniront des informations sur les
mesures législatives et autres qu’ils ont prises pour donner effet à la Convention.

87
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO

transfrontaliers. L’Afrique de l'Ouest se trouve donc face à une situation de déplacement très
complexe, à la fois en interne et au-delà des frontières nationales.

Les déplacements transfrontaliers posent une série de défis supplémentaires en termes de


besoins des populations déplacées et de mécanismes de protection à mettre en œuvre. Bien
qu’au niveau juridique, et pour des motifs de protection, il est important de distinguer
« déplacement » et « migration », il demeure difficile de faire cette distinction, surtout dans le
cas des dégradations lentes de l’environnement. Cela est dû à la difficulté d’isoler les facteurs
environnementaux d’autres facteurs économiques, politiques, sociaux et démographiques qui
253
interviennent dans les décisions migratoires . A cela s’ajoute le fait qu’il n'y ait aucune
assurance en vertu du droit international qu’une personne puisse, suite à une catastrophe
254
naturelle, être admise dans un autre pays et y bénéficier d'une protection . A l’heure
actuelle, les principes généraux définis par la Convention de OUA régissant les aspects
propres aux problèmes des réfugiés en Afrique 255 constituent de rares instruments pouvant
256
référer aux déplacements transfrontaliers induits par des catastrophes .

La politique la plus pertinente de la CEDEAO en ce qui concerne les déplacements liés à


l’environnement reste néanmoins son programme pour la gestion durable des ressources
pastorales et l’observation de la transhumance 257. Ce mécanisme de facilitation de la
transhumance pastorale pourrait être développé à plus grande échelle, et est évidemment
amené à jouer un rôle de plus en plus important dans le contexte du changement climatique.
Quant au Protocole de la CEDEAO sur la libre circulation, il accorde aux citoyens le droit de

253 BLACK R., ADGER N., ARNELL N.W., DERCON S., GEDDES A. et THOMAS D., « The effect of
environmental change on human migration », Global Environmental Change 21, 2011, pp. 3-11 ; Building
Nigeria's Response To Climate Change - BNRCC, National Adaptation Strategy and Plan of Action on
Climate Change for Nigeria (NASPA-CCN), 2011. Disponible à l’adresse: www.nigeriaclimatechange.org,
consulté le 18/05/2020.
254 Les Droits de l’Homme affirment un droit « indirect » à entrer et à séjourner dans un pays d’accueil si le
retour vers le pays d'origine constitue un « traitement inhumain ». Toutefois, cela ne concerne pas toutes
les situations de déplacement. La Convention internationale sur la protection des droits de tous les
travailleurs migrants et des membres de leur famille (AG/ONU Res. 45/158), ratifiée par une majorité de
pays d’Afrique de l’Ouest, offre quant à elle une certaine protection pour les travailleurs étrangers ayant
migré pour des raisons climatiques, mais elle ne leur garantit pas un droit d'admission ou de séjour
permanent dans le pays d’accueil.
255 Organisation de l’Unité Africaine, Convention de l’OUA régissant les aspects propres aux problèmes des
réfugiés en Afrique, OUA, 1969, disponible sur http://www.au.int/fr/treaties/
256 La définition du terme « réfugié » posée par l’article I.2 fait référence aux « événements troublant
gravement l'ordre public » parmi les cause d’établissement dans un autre Etat, et pourrait, selon les
interprétations, référer ou non aux catastrophes. Dans tous les cas, les expériences passées relatives aux
conflits armés suggèrent que les Etats ont une approche relativement restrictive de la définition. Aucun
traité, et ni la Convention de 1969 de l’OUA, ne protège les personnes partant de chez elles en raison ou en
anticipation d’une catastrophe à évolution lente telle que la hausse du niveau des mers ou la désertification.
257 La décision A/DEC.5/10/98 résume ainsi la transhumance entre les différents pays de la CEDEAO.

88
Chapitre II : L’établissement d’un cadre institutionnel de protection dans l’espace CEDEAO

résider dans tous les pays de la communauté. Mais il ne contient pas de dispositions
spécifiques à l'aide humanitaire aux migrants ou à d'autres personnes résidant temporairement
sur le territoire d'un Etat258. Il subsiste aussi, pour les personnes déplacées, des barrières au
plein exercice de leurs droits. Par exemple, les démarches nécessaires pour obtenir des
documents légaux peuvent être extrêmement longues et complexes. Les personnes déplacées
risquent alors de tomber dans l’irrégularité de séjour si aucune prolongation ne leur est
accordée au-delà des trois mois initialement garantis par le Protocole.

L'élaboration d'un régime de déplacement transfrontalier en Afrique de l'Ouest est un défi


que les Etats membres de la CEDEAO doivent prendre en compte. Cela passera
nécessairement par la mise en œuvre effective des instruments liés à la circulation
internationale à l'intérieur de la région (en particulier le Protocole sur la libre circulation de la
259
CEDEAO) . Les dispositions internationales de protection des migrants doivent également
être efficacement appliquées. Sur ce plan, une avancée significative s’est manifestée à travers
260
l’Initiative Nansen .

Par ailleurs, une compréhension plus large des droits humains des personnes déplacées est
primordiale. C’est précisément ce qui permettra aux Etats membres de la CEDEAO
d’explorer une variété de perspectives afin de se conformer aux dispositions de la Convention
de Kampala. Du moins c’est ce qu’il faut déduire lorsqu’elle engage les Etats parties à
prendre « les mesures nécessaires » pour assurer protection et assistance aux personnes
victimes de déplacement interne en raison de catastrophes naturelles ou humaines y compris
261
du changement climatique .

258 Article 59 du Traité révisé de la CEDEAO (1993) : « Les citoyens de la Communauté ont le droit d’entrée,
de résidence et d’établissement, et les Etats Membres s’engagent à reconnaître ces droits aux citoyens de
la communauté sur leur territoire respectif, conformément aux dispositions des Protocoles y afférents ».
259 POWRIE E., Workshop Report: International Disaster Law Workshop For West African Stakeholders,
Genève : Fédération Internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 2012.
Disponible à l’adresse : http://www.ifrc.org/PageFiles/132696/, consulté le 17/05/2020.
260 L’Initiative Nansen se fonde sur le paragraphe 14(f) des accords de Cancún de 2010, de la Convention-
cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), qui appellent à des « mesures
propres à favoriser la compréhension, la coordination et la coopération concernant les déplacements, les
migrations et la réinstallation planifiée par suite des changements climatiques », ainsi que des principes de
Nansen, qui synthétisent les conclusions de la conférence de Nansen de 2011 sur les changements
climatiques et le déplacement. Voir Norwegian Refugee Council (NRC), The Nansen Conference:
Climate Change and Displacement in the 21st Century, The Nansen Conference, Oslo, 5-7 juin 2011.
Disponible à l’adresse: http://www.unhcr.org/4ea969729.html, consulté le 20/05/2020.
261 Convention de Kampala, article 5.4.

89
Conclusion

CONCLUSION

90
Conclusion

La crise des déplacements internes en Afrique présente un défi qui, en raison de


l'importance et de la complexité du problème, peut sembler difficile à relever. Toutefois, le
point de départ est clair : la protection et l'assistance aux personnes déplacées internes est
principalement la responsabilité de l’Etat. Les droits des PDI ainsi que les responsabilités des
autorités nationales et autres acteurs vis-à-vis d'elles sont désormais bien connus à travers la
Convention de Kampala. Celle-ci est devenue la norme africaine de référence pour répondre
aux situations de déplacement interne. Les analyses présentées dans cette étude mettent en
évidence les actions que les Etats doivent entreprendre mettre en œuvre ce traité. Cela
consiste à prévenir les conditions qui entraînent les déplacements forcés, assurer une
protection nationale et internationale lorsque les personnes sont déplacées, et promouvoir des
solutions durables.

La Convention de Kampala se base sur les normes consacrées par le droit relatif aux droits
de l’Homme et par le droit international humanitaire. Elle définit les responsabilités qui
incombent aux dirigeants nationaux, aux organisations internationales, et à tous les autres
groupes et individus y compris les groupes armés dans leurs relations avec les PDI. Face au
nombre toujours croissant des personnes déplacées en Afrique de l’Ouest, l’élaboration et la
mise en œuvre de législations et de politiques relatives au déplacement interne tant au plan
national que sous régional est d’une grande importance. La complexité du phénomène exige
un engagement politique résolu qui doit se manifester sans équivoque par le démarrage d’un
processus normatif destiné à reconnaître l’existence du déplacement ainsi que les droits des
PDI. Le cadre juridique complet que constitue la Convention de Kampala offre aux États
membres de la CEDEAO l’occasion d’offrir une assistance aux PDI et garantir le respect de
leur dignité humaine et de leurs droits.

Les instruments sous régionaux fournissent aux législateurs et aux décideurs politiques une
opportunité d’atteindre un consensus sur les normes et les principes communs qui doivent être
respectés. Ils permettent aux États qui vivent une situation de déplacement d’apprendre les
uns des autres sur la façon d’affronter ce phénomène. Ces instruments offrent une plateforme
permettant une action concertée sur une question qui, bien souvent, a des conséquences
transfrontalières. Promouvoir des réponses adéquates au déplacement nécessite ainsi
l’engagement des gouvernements pour soutenir les personnes déplacées provenant des pays
voisins. Cela peut être le plus efficacement accompli en s'appuyant sur une institution de
coopération régionale telle que la CEDEAO, qui établit la liberté de circulation et le droit de
résidence et d'établissement pour tous les ressortissants de ses Etats membres.

91
Conclusion

En pratique, beaucoup reste à faire concernant le mouvement transfrontalier262. Les Etats


d’Afrique de l'Ouest ont cependant une expérience commune sur la mobilité humaine. Une
approche communautaire peut permettre de gérer efficacement les déplacements
transfrontaliers induits par les catastrophes et mettre en œuvre de façon coordonnée des
solutions durables. Les capacités sous régionales doivent donc être améliorées et cela repose
essentiellement sur la capacité nationale (l’aptitude) des États membres eux-mêmes. Pour que
la Convention de Kampala réalise son plein potentiel, L’ensemble des Etats membres de
l’espace CEDEAO doivent donc adhérer à ce traité et prendre des mesures pour le mettre
pleinement en application. Il faut espérer que cette étude viendra appuyer – et aidera à
accélérer – ce processus dans lequel les États se sont engagés.

262 CHARRIÈRE F. et FRESIA M., « West Africa as a Migration and Protection area », UNHCR, Genève,
2008. Disponible à l’adresse: http://www.refworld.org/docid/4a277db82.html, consulté le 11/05/2020.

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▪ WILLMS J., « Without order anything goes? The prohibition of forced displacement in non-
international armed conflict », International Review of the Red Cross, Vol 91, number
875. September 2009, pp. 547-565.
▪ ZANI Mamoud, « Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et la qualification des
conflits armés », Cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux [En ligne], 16 | 2018.

IV. DICTIONNAIRE

▪ GUINCHARD Serge, DEBARD Thierry (Sous la direction de), Lexique des termes
juridiques 2014, 21e éd., Dalloz, Paris, 2014, 993 p.

V. MANUELS ET RAPPORTS

▪ BAGSHAW S., PAUL D., Protect or Neglect? Toward a More Effective United Nations
Approach to the Protection of Internally Displaced Persons, Brookings Institution-SAIS
Project on Internal Displacement and the United Nations, OCHA-IDD, 2004, 114 p.
▪ Brookings-Institution-Université de Berne, La protection des personnes déplacées à
l’intérieur de leur pays : Manuel a l’intention des législateurs et des responsables
politiques, 2008, 282 p.

96
▪ CEDEAO-CICR, Mise en œuvre du DIH en Afrique de l’Ouest, participation des pays de
l’Afrique de l’Ouest aux traités de droit international humanitaire (DIH) et leur mise en
œuvre au niveau national, rapport 2018, Août 2019, 87 p.
▪ CICR, La mise en œuvre nationale du droit international humanitaire - Un manuel, CICR,
Genève, 2013, 349 p.
▪ Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Traduire la convention de Kampala dans
la pratique, exercice de bilan, CICR, 2016, 103 p.
▪ Comité Inter-organisations, Manuel sur la restitution des logements et des biens des réfugiés
et personnes déplacées : Pour la mise en œuvre des « Principes Pinheiro », mars 2007,
107p.
▪ Comité Permanent Inter-Agences (IASC), La protection des personnes affectées par des
catastrophes naturelles : directives opérationnelles sur les droits de l’Homme et les
catastrophes naturelles, 2006, 34 p.
▪ Commission de la CEDEAO, Mémorandum sur l’Egalité de traitement entre les réfugiés
ressortissants d’un Etat membre de la CEDEAO et les autres citoyens de la CEDEAO en
ce qui concerne la libre circulation des personnes et les droits de résidence et
d’établissement, 2007, 7 p.
▪ Commission de la CEDEAO, Politique humanitaire de la CEDEAO, Abuja, 2012, 38 p.
▪ Commission de la CEDEAO, Progress on the Implementation of the HFA and ECOWAS
DRR Policies, Abuja, Commission de la CEDEAO, 2013, 5 p.
▪ Commission de la CEDEAO, Rapport annuel 2015, La CEDEAO après 40 années :
réalisations, défis et perspectives, Abuja, 2015, 180 p.
▪ CUADI, Rapport sur le projet de loi-type pour la mise en œuvre de la Convention de
l’Union Africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées internes en
Afrique, par Minelik Alemu Getahun, Addis-Abeba, 2014.
▪ FISHER D., Guide to International Human Rights Mechanisms for Internally Displaced
Persons and their Advocates, The Brookings Institution-University of Bern Project on
Internal Displacement, 2006, 240 p.
▪ Groupe de travail sectoriel global sur la protection, Manuel pour la protection des déplacés
internes, 2010, 557 p.

97
▪ HARILD, N., VINCK, P., VEDSTED, S. et de BERRY, P., Forced Displacement of and
Potential Solutions for IDPs and refugees in the Sahel –Burkina Faso, Chad, Mali,
Mauritania & Niger, Washington, DC: World Bank, 2013, 43 p.
▪ Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et Union interparlementaire,
Personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays : responsabilité et action – Guide à
l’usage des parlementaires, HCR & UIP, Genève, 2013, 146 p.
▪ IDMC (Observatoire des situations de déplacement interne), GRID 2020 : Rapport mondial
sur le déplacement interne, IDMC, Genève, 2020, 126 p.
▪ IDMC, Rapport sur le déplacement interne en Afrique, IDMC, Genève, 2019, 65p.
▪ IDMC, Workshop Report - Domesticating the Kampala Convention: Law and Policy
Making, IDMC, Genève, 2014, 14 p.
▪ IDMC, Workshop Report – The National Responsibility to Protect Internally Displaced
Persons: The Kampala Convention, IDMC, Genève, 2015, 15 p.
▪ IDMC/OCHA, Guide sur le profilage des personnes déplacées, 2008, 81 p.
▪ IDMC-NRC, Rendre la convention de Kampala opérationnelle pour les personnes
déplacées ; Guide pour la société civile : Appui à la ratification et à la mise en œuvre de
la Convention sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique, 2010,
36 p.
▪ IDMC-NRC/Brookings-LES, Instruments nationaux relatifs au déplacement de personnes à
l’intérieur de leur propre pays. Guide pour en faciliter l’élaboration, 2013, 96 p.
▪ Institut Brookings-Université de Berne : projet sur les déplacements internes, Faire face au
problème du déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays : Cadre normatif
précisant les responsabilités des Etats, 2005, 41 p.
▪ Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC), Climate Change 2014: Synthesis
Report. Contribution of Working Groups I, II and III to the Fifth Assessment Report of the
Intergovernmental Panel on Climate Change, 2014, 151 p.
▪ Norwegian Refugee Council (NRC), « The Nansen Conference: Climate Change and
Displacement in the 21st Century », The Nansen Conference, Oslo, 5-7 juin 2011, 19 p.
▪ NRC, La Convention de Kampala: Comment la rendre opérationnelle pour les femmes,
2015, 16 p.
▪ SPRECHMANN S., PELTON E., Advocacy Tools and Guidelines, Promoting Policy
Change, CARE, 2001, 129 p.

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▪ UN Habitat, UNCHR, The Right to Adequate Housing: Fact Sheet No. 21/ Rev.1, 2009,
51 p.
▪ UN-Habitat, The Habitat Agenda Goals and Principles, Commitments and Global Plan of
Action, 1996, 109 p.
▪ UNHCR-IDMC-NRC, Examen du cadre normatif et institutionnel malien relatif à la
protection des personnes déplacées à l’intérieur du Mali, 2017, 65 p.

VI. INSTRUMENTS JURIDIQUES

A- Nationaux
▪ Constitutions du Sénégal, du Burkina Faso, du Libéria, du Niger, du Nigéria, du Bénin, de
Guinée, de la Côte d’Ivoire, et du Togo.
Côte d’Ivoire

▪ République de Côte d’ivoire, Accord Politique de Ouagadougou, March 2007.


Libéria

▪ Republic of Liberia, Government National Community Resettlement and Reintegration


Strategy, 2 June 2004.
▪ Republic of Liberia, National Disaster Management Policy (2012), October 2012.
▪ Peace Agreement between the Government of Liberia, the Liberians United for
Reconciliation and Democracy, the Movement for Democracy in Liberia and the political
parties (Accra Comprehensive Peace Agreement), 2003.
▪ Republic of Liberia, Declaration of the Rights and Protections of Liberian Internally
Displaced Persons (IDPs), 26 September 2002.
Mali

▪ République du Mali, Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du Processus


d'Alger (2015), 1 Mars 2015.
▪ République du Mali, Ministère de la Solidarité, de l’Action Humanitaire et de la
Reconstruction du Nord, Stratégie Nationale de gestion des personnes déplacées internes
et des rapatriés, Bamako, mai 2015.
▪ République du Mali, Programme d'Actions du Gouvernement 2013-2018, novembre 2013.
▪ Conseil Supérieur de la Diaspora Malienne (CSDM), Assistance humanitaire aux réfugiés et
déplacés de la crise malienne, Bamako, 15 août 2016.
▪ République du Mali, Code des personnes et de la famille.

99
Niger

▪ République du Niger, Arrêté No.0001 MAGC/SG portant création, attributions et


composition du Comité Directeur Chargé de l'élaboration du projet de loi sur les personnes
déplacées interne au Niger, 2 février 2018
▪ République du Niger, Projet de loi relative à la protection et à l'assistance aux personnes
déplacées internes au Niger, 2 décembre 2018,
▪ République du Niger, Loi n° 2018-74 relative à la protection et à l'assistance aux personnes
déplacées internes, 10 décembre 2018.
Nigéria

▪ Federal Republic of Nigeria, National Policy on Internally Displaced Persons (IDPs), 2012.
▪ Federal Republic of Nigeria, Rights of Internally Displaced Persons (IDPs) Bill, May 2016.
▪ Federal Republic of Nigeria, National Disaster Response Plan (National Emergency
Management Agency), 2002
▪ .Federal Republic of Nigeria, National Disaster Framework, 2010.
Sierra Leone

▪ Republic of Sierra Leone, The Lomé Agreement between the Government of Sierra Lone
and the Revolutionary United Front of Sierra Leone, 7 July 1999.
▪ Republic of Sierra Leone, Resettlement Strategy, 2001.
▪ Republic of Sierra Leone, National Recovery Strategy (2002-2003), October 2002.
▪ Republic of Sierra Leone, Disaster Management Policy, June 2006.
Togo
▪ République Togolaise, Décret no 2017-022/PR portant approbation de la politique nationale
de la protection civile, 25 février 2017.
▪ République Togolaise, Décret 2017-011 /PR portant création, attributions, organisation et
fonctionnement de l'Agence Nationale de Protection Civile (ANPC), 31 janvier 2017.
▪ Agence Nationale de Protection Civile (ANPC), Plan d’organisation de la réponse de la
sécurité civile en cas de catastrophes au Togo, mars 2020

B- Régionaux
▪ Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, 1979.
▪ Charte africaine des droits et du Bien-être de l'Enfant, 1990.

100
▪ Convention de l’OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique,
1969.
▪ Convention de l’Union Africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées
en Afrique (Convention de Kampala), 2009.
▪ Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la région des Grands Lacs, 2006.
▪ Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits de la
femme en Afrique, 2003.
▪ Protocole additionnel de la CEDEAO relatif à l’exécution de la deuxième étape (droit de
résidence) du Protocole sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et
d’établissement, 1986.
▪ Protocole additionnel de la CEDEAO relatif à l’exécution de la troisième étape (droit
d’établissement) du Protocole sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et
d’établissement, 1990.
▪ Protocole de la CEDEAO sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et
d’établissement, 1979.
▪ Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des Conflits, de
Maintien de la Paix et de la Sécurité, 1999.
▪ Protocole sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance additionnel au protocole relatif au
mécanisme de prévention, de Gestion, de règlement des conflits, de maintien de la Paix et
de la Sécurité, 2001.
▪ Protocole sur la protection et l’assistance à apporter aux personnes déplacées à l’intérieur de
leur pays, 2006.
▪ Protocole sur les droits de propriétés des personnes de retour, 2006.
▪ Union africaine, Loi-type pour la mise en œuvre de la Convention de l'Union africaine sur
la protection et l'assistance aux personnes déplacées en Afrique, avril 2018.

C- Internationaux
▪ Assemblée Générale des Nations Unies, Résolution 45/100 (1990).
▪ Assemblée Générale des Nations Unies, Résolution 46/182 (1991).
▪ Assemblée Générale des Nations Unies, Résolution 46/182 du 19 décembre 1991,
Renforcement de la coordination de l’aide humanitaire d’urgence de l’Organisation des
Nations Unies.
▪ Assemblée Générale des Nations Unies, Résolution43/131 (1988).

101
▪ Cadre conceptuel sur les solutions durables pour les personnes déplacées, 2010.
▪ Charte arabe des droits de l'Homme, 2004.
▪ Commission des droits de l’Homme des Nations Unies, Principes de base et directives
concernant les expulsions et les déplacements liés au développement, UN Doc.
A/HRC/4/18 (5 février 2007).
▪ Commission des Nations Unies sur les Droits de l’Homme, Résolution 2003/51 (23 avril
2003).
▪ Commission des Nations Unies sur les Droits de l’Homme, Résolution 2004/55 (20 avril
2004).
▪ Convention américaine relative aux droits de l'Homme, 1969.
▪ Convention concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action
immédiate en vue de leur élimination (Convention n° 182 de l’OIT), 1999.
▪ Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
(CCT), 1984.
▪ Convention de Genève (IV) relative à la protection des personnes civiles en temps de
guerre, 1949.
▪ Convention de Vienne sur le droit des traités, 1969.
▪ Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions
forcées (CDF), 2006.
▪ Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(CIEDR), 1965.
▪ Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des
membres de leur famille (CTM), 1990.
▪ Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, 1948.
▪ Convention relative au statut des réfugiés, 1951.
▪ Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), 1989.
▪ Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), 2006.
▪ Convention relative aux peuples indigènes et tribaux (Convention de l’OIT n° 169), 1989.
▪ Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes
(CEDEF), 1979.
▪ Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH), 1948.

102
▪ Directives opérationnelles de l’IASC sur la protection des personnes affectées par des
catastrophes naturelles, 2011.
▪ Observation générale n° 14 (2000) du Comité des droits économiques, sociaux et culturels
de l’ONU sur le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint, doc. ONU
E/C/12/2000/4.
▪ Observation générale n° 31(1980) du Comité des droits de l’Homme sur la nature de
l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, doc. ONU
CCPR/C/21/Rev.1/Add.13.
▪ OCHA, Directives sur l’utilisation des ressources militaires et de la protection civile
étrangères dans le cadre des opérations de secours en cas de catastrophe (« Directives
d’Oslo ») 2006, révisées le 1er novembre 2007.
▪ Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), 1966.
▪ Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), 1966.
▪ PINHEIRO Paulo Sergio, Principes concernant la restitution des logements et des biens
dans le cas des réfugiés et des personnes déplacées, 2005.
▪ Principes directeurs relatifs au déplacement des personnes à l’intérieur de leur propre pays,
2e ed., 2008.
▪ Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 aout 1949 relatif à la protection des
victimes des conflits armes non internationaux (Protocole II), 1977.
▪ Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des
victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), 1977.
▪ Rapport du Secrétaire Général à l’Assemblée Générale sur la coopération internationale en
termes d’assistance humanitaire dans le domaine des catastrophes naturelles, du secours
jusqu’au développement, A/60/227.
▪ Résolution 1296 du Conseil de sécurité sur la protection des civils dans les conflits armés,
19 avril 2000.
▪ Résolution 94/24 de la Sous-Commission, ONU Doc. E/CN.4/Sub.2 / 1994 / 56, 28 octobre
1994.
▪ Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 1998.

103
VII. JURISPRUDENCE

▪ Affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, Arrêt du 27


juin 1986, la CIJ Rapport 1986.
▪ Affaire du Détroit de Corfou, Arrêt du 9 avril 1949 : C.I.J. Recueil 194.
▪ CJCE, affaire 106/77, 9 mars 1978, Simmenthal, in Recueil, 1978.
▪ CJCE, affaire 26/62, 5 février 1963, Van Gend en Loos, in Recueil, 1963.
▪ CJCE, affaire 28/67, 19 décembre 1968, Firma Molkerei, in Recueil, 1968.
▪ Cour européenne des droits de l’Homme, Budaïeva et autres v. Russie, Demandes nos.
15339/02, 21166/02, 20058/02, 11673/02, et 15343/02, jugement du 20 mars 2008.

VIII. WEBOGRAPHIE

▪ Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) :www.unocha.org/


▪ CEDEAO : www.ecowas.int/
▪ Comité international de la Croix-Rouge (CICR) : www.icrc.org/
▪ Cour pénale internationale : www.icc-cpi.int/
▪ Encyclopédie en ligne : www.wikipédia.org/
▪ Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) : www.unhcr.fr/
▪ Nations Unies : www.un.org/
▪ Observatoire des situations de déplacement interne : www.internal-displacement.org/
▪ Projet Brookings sur le déplacement interne : www.brookings.edu/about/projects/idp/
▪ Union africaine : www.au.int/

104
TABLE DES MATIERES

105
Résumé et mots-clés.......................................................................................................................... iv
Sommaire ........................................................................................................................................... v
Liste des abréviations ........................................................................................................................ vi
INTRODUCTION ....................................................................................................................................... 1
PARTIE I. LES OBLIGATIONS NORMATIVES DE MISE EN ŒUVRE DE LA
CONVENTION DE KAMPALA .................................................................................................. 10
Chapitre I. LA PREVENTION DU DEPLACEMENT INTERNE............................................ 12
Section I. La responsabilité de prévenir le déplacement interne...................................................... 12
§ 1. Une responsabilité clarifiée..................................................................................................... 13
A. La compétence souveraine de l’Etat ....................................................................................... 13
B. Le rôle notoire des acteurs non étatiques ................................................................................ 15
§ 2. Une responsabilité fondée sur la non-discrimination.............................................................. 17
A. L’égalité vis-à-vis des citoyens non déplacés ......................................................................... 18
B. La protection spécifique des groupes vulnérables................................................................... 20
Section II. La responsabilité de prévenir les causes multiples du déplacement interne .................. 22
§ 1. Une réponse adaptée aux catastrophes et au défi climatique .................................................. 22
A. La réduction des risques éventuels.......................................................................................... 23
B. L’atténuation des effets préjudiciables .................................................................................... 25
§ 2. Une réaction nécessaire aux effets du développement ........................................................... 27
A. La légitimité souhaitée des évictions forcées .......................................................................... 27
B. Les garanties consacrées à la procédure d’éviction ................................................................ 29
Chapitre II. LA PROTECTION DES PERSONNES DEPLACEES INTERNES .................... 32
Section I. Le régime juridique de protection des personnes déplacées internes .............................. 32
§ 1. Une protection axée sur les droits fondamentaux ................................................................... 33
A. Les droits relatifs à la sécurité et à la liberté de mouvement .................................................. 33
B. Les droits relatifs à la personnalité juridique et à la vie familiale ........................................... 35
§2. Une protection étendue aux droits et services sociaux de base ............................................... 37
A. Les droits liés aux besoins essentiels de la vie........................................................................ 38
B. Les droits patrimoniaux........................................................................................................... 40
Section II. Le devoir d’assistance aux personnes déplacées internes .............................................. 42
§ 1. Un devoir assigné aux autorités nationales ............................................................................. 42
A. L’accès facilité à l’aide humanitaire ....................................................................................... 42
B. La planification inclusive de l’assistance humanitaire ............................................................ 44
§2. Une coopération internationale encouragée ............................................................................. 46
A. L’admission d’une gamme variée d’intervenants ................................................................... 46
B. Les obligations relatives aux interventions humanitaires ....................................................... 48
PARTIE II. LES OBLIGATIONS OPERATIONNELLES DE MISE EN ŒUVRE DE
LA CONVENTION DE KAMPALA ............................................................................................ 51
Chapitre I. LA CREATION D’UN CADRE JURIDIQUE DE PROTECTION ....................... 53
Section I. L’incorporation effective de la Convention dans le droit interne des Etats .................... 53
§ 1. Une procédure législative d’incorporation.............................................................................. 54
A. La révision de la législation interne existante ......................................................................... 54
B. L’adoption d’une loi spécifique au déplacement interne ........................................................ 56
§ 2. Une procédure renforcée par un lobbying .............................................................................. 58
A. La nécessité d’entreprendre une stratégie de plaidoyer .......................................................... 58
B. La fonction prééminente du parlementaire dans la stratégie de plaidoyer .............................. 60
Section II. La mise en œuvre de solutions durables au déplacement interne................................... 62
§ 1. Une réglementation de l’issue du déplacement interne .......................................................... 62

106
A. La liberté de choisir l’issue du déplacement ........................................................................... 62
B. L’encadrement de l’issue adoptée ........................................................................................... 64
§ 2. Un accès facilité aux mécanismes judiciaires ......................................................................... 66
A. La définition explicite des infractions ..................................................................................... 67
B. La réparation des dommages liés au déplacement .................................................................. 68
Chapitre II. L’ETABLISSEMENT D’UN CADRE INSTITUTIONNEL DE
PROTECTION ........................................................................................................................... 71
Section I. L’adoption d’une stratégie nationale de protection des personnes déplacées ................. 71
§ 1. Une répartition des responsabilités institutionnelles............................................................... 72
A. Le rôle principal des autorités exécutives ............................................................................... 72
B. La participation des autorités décentralisées ........................................................................... 74
§ 2. Un impératif de coordination nationale .................................................................................. 76
A. La désignation d’une institution de coordination nationale .................................................... 76
B. La mise en place d’un mécanisme national de suivi ............................................................... 78
Section II. L’harmonisation de la protection des personnes déplacées au niveau sous
régional ...................................................................................................................................... 80
§ 1. Un renforcement indispensable des instruments sous régionaux ........................................... 81
A. Les instruments communautaires pertinents face au déplacement interne ............................. 81
B. L’intégration éventuelle de la Convention dans le droit communautaire ............................... 83
§ 2. Une mise en œuvre renforcée de la coopération multilatérale ................................................ 85
A. La consolidation de l’intervention multilatérale ..................................................................... 85
B. Sur la question environnementale : Vers une reconnaissance du déplacement
transfrontalier ? ...................................................................................................................... 87
CONCLUSION ......................................................................................................................................... 90
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................................... 93
I. OUVRAGES .................................................................................................................................... 94
II. MEMOIRES ET THESES.................................................................................................................. 95
III. ARTICLES ...................................................................................................................................... 95
IV. DICTIONNAIRE .............................................................................................................................. 96
V. MANUELS ET RAPPORTS .............................................................................................................. 96
VI. INSTRUMENTS JURIDIQUES .......................................................................................................... 99
VII. JURISPRUDENCE ................................................................................................................... 104
VIII. WEBOGRAPHIE ................................................................................................................... 104
TABLE DES MATIERES ......................................................................................................................... 105

107

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