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MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES BURKINA FASO

ET DE LA COOPERATION REGIONALE UNITE - PROGRES - JUSTICE


--------------------
SECRETARIAT GENERAL
--------------------
INSTITUT DES HAUTES ETUDES
INTERNATIONALES

LA PROTECTION
DIPLOMATIQUE DE L’INDIVIDU
EN DROIT INTERNATIONAL
PUBLIC
MEMOIRE PRESENTE ET SOUTENU POUR L’OBTENTION DU DIPLÔME
D’ETUDE SUPERIEUR EN DIPLOMATIE ET RELATIONS
INTERNATIONALES (DESDRI)
OPTION DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

Présenté par : Directeur de mémoire :


OUOBA AHMED REMI PR. SOMA ABDOULAYE
Agrégé de droit public

ANNEE ACADEMIQUE 2014-2015

1
AVERTISSEMENT
«L’Institut des Hautes Etudes Internationales (INHEI)
n’entend donner aucune approbation ni improbation aux
opinions émises dans les mémoires qui doivent être considérées comme
propres à leur auteur ».

i
REMERCIEMENTS
Ce travail est l’aboutissement de deux années d’études à l’Institut des Hautes Etudes Internationales
(INHEI).

Nous tenons à remercier sincèrement le professeur Abdoulaye SOMA, qui, en tant que
Directeur de mémoire, s'est toujours montré à l'écoute et très disponible tout au long de la
réalisation de ce mémoire malgré ses plurielles occupations.

Nous remercions aussi l'ensemble du corps administratif et professoral de l'INHEI.

Nous remercions spécialement nos parents et nos frères pour leur soutien affectif et
financier malgré la difficulté, vos privations ne seront pas oubliées.

A mes camarades de promotion de DESDRI pour les échanges enrichissants.

Que tous ceux qui ont soutenu, de quelle que manière que ce soit, la réalisation de ce
travail trouvent ici le ton de notre gratitude.

ii
SIGLES ET ABREVIATIONS

 § : Paragraphe.
 AADI : Annuaire Africain de Droit International
 AFDI : Annuaire Français de Droit International.
 Aff. : Affaire.
 AGNU : Assemblée Générale des Nations Unies.
 AIDI : Annuaire de l’Institut de Droit International.
 AMGI : Agence Multilatérale de Garantie des Investissements.
 Art. : Article.
 c. : Contre, Opposé à.
 CDI : Commission du Droit International.
 CEDH : Cour Européenne des droits de l'Homme.
 Cf. : Confère.
 CIJ : Cour Internationale de Justice.
 CIRDI : Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements.
 CNRS : Centre National de la Recherche Scientifique.
 CPJI : Cour Permanente de Justice Internationale.
 CSNU : Conseil de Sécurité des Nations Unies.
 Doc : Document.
 DUDH : Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.
 IDRI : Institut Diplomatique et des Relations Internationales.
 JCL : Juris-classeur.
 JDI : Journal du Droit International.
 LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence.
 OC : Opinion Consultative.
 PUF : Presse Universitaire de France.
 RBDI : Revue Belge de Droit International.
 RCADI : Recueil des Cours de l'Académie de Droit International.
 RDC : République Démocratique du Congo.
 Rec. : Recueil.
 RGDIP : Revue Générale de Droit International Public.
 RIT : Revue International du Travail.
 RSA : Recueil des Sentences Arbitrales.
iii
 TBI : Traités Bilatéraux d'Investissement.
 TMI : Traités Multilatéraux d’Investissement.
 UE : Union européenne.
 USA : United State of America, Etats-Unis d'Amérique.
 Vol. : Volume.
 YJIL : Yale Journal International Law.

iv
SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE
TITRE 1 : LE FONCTIONNEMENT DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE
CHAPITRE 1 : L’ENCADREMENT JURIDIQUE DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE
SECTION 1 : LE DROIT D’ACTION DE L’ETAT A LA PROTECTION DIPLOMATIQUE
SECTION 2 : L’EXERCICE DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE
CHAPITRE 2 : LA MISE EN ŒUVRE DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE
SECTION 1 : LES CONDITIONS SUBJECTIVES DE MISE EN ŒUVRE
SECTION 2 : LES CONDITIONS OBJECTIVES DE MISE EN ŒUVRE
CONCLUSION DU TITRE 1
TITRE 2 : L’EFFRITEMENT DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE
CHAPITRE 1 : L’EFFRITEMENT NATIONAL
SECTION 1 : LE ROLE MINORE DES ETATS
SECTION 2 : D’UN DROIT ETATIQUE A UN DROIT INDIVIDUEL
CHAPITRE 2 : L’EFFRITEMENT INTERNATIONAL
SECTION 1 : L’EVOLUTION DES DROITS DE L’INDIVIDU EN DROIT INTERNATIONAL
SECTION 2 : L’EVOLUTION DU DROIT INTERNATIONAL DES INVESTISSEMENT
CONCLUSION DU TITRE 2
CONCLUSION GENERALE

v
INTRODUCTION GENERALE
Il est habituel de présenter le droit comme un art d’organiser la société. Toute société a besoin du droit
et tout droit est un produit social d’où l’adage « ubi societas, ibi jus » qui est vérifié dans le temps et dans
l’espace. En effet, le droit international1 peut être vu comme l’ensemble des normes de conduite socialement
édictées et sanctionnées, qui régissent les relations internationales. La formule (à quelque différence près) à
laquelle se retrouvent tous les auteurs est que le droit international se définit comme le droit applicable à la
société internationale2.
Traditionnellement, les seuls sujets du droit international ont été les Etats. Par la suite ces derniers
commencèrent à ressentir la nécessité de se regrouper en organisations internationales qui, peu à peu, vont
atteindre le statut de sujet en droit international3. Avec l’arrivée sur la scène internationale des organisations
internationales, les Etats ne sont plus les seuls sujets du droit international4.
La communauté internationale peu à peu évolua. Dans cette nouvelle société, le droit international
public a ménagé une place importante pour l'individu. Il s’intéresse de plus en plus à la protection et à la
responsabilité de ce dernier, comme le démontre notamment l’évolution dans les domaines des droits de
l’homme, du droit humanitaire et du droit pénal international5. Lorsque l’individu à l’étranger se sent lésé du
fait de l’Etat où il se trouve, il peut demander l’aide de son Etat dont il est ressortissant. Si cet appel au
secours ne reste pas sans suite, alors on dit que l’Etat dont il a la nationalité prend fait et cause pour son
ressortissant. Ainsi en 1924, la Cour Permanente de Justice Internationale6 dans l’affaire Mavrommatis
affirma que: "c’est un principe élémentaire du droit international que celui qui autorise l’Etat à protéger ses
nationaux lésés par des actes contraires au droit international commis par un autre Etat, dont ils n’ont pu
obtenir satisfaction par les voies ordinaires. En prenant fait et cause pour l’un des siens, en mettant en
mouvement, en sa faveur, l’action diplomatique ou l’action judiciaire internationale, cet Etat fait, à vrai dire,
valoir son droit propre, le droit qu’il a de faire respecter en la personne de ses ressortissants, le droit
international.7"

1
De la comparaison entre les traits essentiels du droit interne et du droit international public, il ressort que le droit national est
un droit de subordination ; les normes sont créées par les organes de l'Etat et s'imposent aux personnes physiques et morales qui
en sont les destinataires, tandis que le droit international public est, essentiellement un droit de coordination. Les normes de
droit international sont le plus souvent créées avec le consentement des Etats qui en sont les destinataires.
2
P. DAILLIER, M. FORTEAU, A. PELLET, Droit International Public, Paris, LGDJ, 8 ème éd, 2009, p.43.
3
CIJ, avis consultatif sur les Réparations des dommages subis aux services des Nations Unies, Rec. CIJ, 1949, p.179 et s.
4
L’Etat est un sujet de droit incontestable, c’est le sujet originaire, c’est à dire qu’il ne doit pas sa naissance comme sujet à la
volonté d’autres sujets. Par opposition aux Etats, on a les organismes internationaux qui sont des sujets dérivés, c'est-à-dire nés
de la volonté d’autres sujets à savoir les Etats.
5
V. SOMA, « L’évolution du statut de l’individu en droit international », in publication le Cames, 1er semestre, 2015, p.32 et s.
6
Elle est la première juridiction internationale ayant pour compétence générale le règlement des litiges entre Etats.
7
CPJI, arrêt du 30 août 1924, Concessions Mavrommatis en Palestine, Grèce c. Royaume uni, série A, n° 2, p. 12. Dans
l'affaire Mavrommatis, la Grèce prétendait obtenir réparation de la Grande-Bretagne pour violation des droits d'un de ses
nationaux en Palestine, à l'époque sous mandat anglais. La Cour admit, contre la thèse anglaise, la prétention grecque dans les
1
La protection diplomatique trouve donc son origine dans l’idée d’une fusion de l’intérêt privé dans
l’intérêt étatique. Ce mécanisme se justifie par le lien de souveraineté que chaque Etat exerce sur ses
ressortissants. Il existe donc à la charge de l’Etat un devoir de protéger ses nationaux où qu’ils se trouvent.
L’institution de la protection diplomatique trouve son origine dans la nationalisation de la pratique des
représailles et de la pacification des relations inter étatiques du fait de l’interdiction du recours à la force
armée pour le recouvrement des dettes contractuelles8. En effet, au Moyen Age, un individu qui se trouvait en
pays étranger et lésé dans ses droits pouvait se dédommager en nature sur les biens des étrangers établis dans
son pays si justice ne lui avait pas été rendue dans l’Etat concerné9. Le droit de l’individu lésé de se
dédommager n’était absolu que si son Etat lui délivrait des lettres de représailles l’autorisant à agir.
Cependant c’est en 1758 que l’idée maîtresse de la protection diplomatique fut énoncée par le juriste suisse
Emmerich de Vattel qui affirma que : « quiconque maltraite un citoyen offense indirectement l’Etat qui doit
protéger ce citoyen »10.
Fin XIXème et début XXème siècle, le principe selon lequel l’Etat a le droit de protéger ses ressortissants
lésés à l’étranger s’impose dans les relations entre, d’une part, les Etats d’Europe occidentale et les Etats-Unis
et, d’autre part, les Etats d’Amérique latine.
La protection diplomatique a longtemps été perçue comme l'expression de la supériorité des Etats les
plus puissants sur des nations faibles, tant politiquement qu'économiquement, et de ce fait a souvent été l'objet
de vives critiques11.
Nous convenons tous que la protection diplomatique est une protection étatique des citoyens à
l’étranger contre l’injustice et l’offense12. Comment peut-on alors définir véritablement la protection
diplomatique ?

termes suivants : « Un différend international est un désaccord sur un point de fait ou de droit, une opposition de thèses
juridiques ou d' intérêts entre deux personnes ; tel est certainement le caractère du litige qui sépare actuellement la Grande-
Bretagne et la Grèce ; cette dernière fait valoir son droit propre à ce que son ressortissant, M. Mavrommatis, qui aurait été
traité par les autorités palestiniennes ou britanniques d'une manière contraire à certaines obligations internationales dont le
respect s'imposait, obtienne de ce fait une indemnité de Sa Majesté britannique ».
8
P. De VISSCHER, « Cours général de Droit International Public », in RCADI, Vol. 136, 1972, p.154. Sur la question voir
également M. VIRALLY, « Panorama du droit international contemporain », in RCADI, Tome 183, 1983, p.116.
9
M. VIRALLY, « Panorama du droit international contemporain », op cit, p.119.
10
E. Vattel, Le Droit des gens ou Principes de la loi naturelle appliqués à la conduite et aux affaires des nations et des
souverains, Institution Carnegie, Washington, 1916, p.309.
11
Il s’agit du recours à la force employé par les puissances occidentales pour défendre les intérêts de leurs nationaux en
Amérique latine qui fait que les pays en développement voient la protection diplomatique d’un mauvais œil. De plus, il pourrait
permettre à un Etat de s’immiscer dans les affaires intérieures de l’Etat défendeur. C’est ainsi que la guerre des Boers (1899-
1902) a été justifiée par le Royaume-Uni en tant qu’intervention qui visait à protéger ses nationaux propriétaires des mines d’or
du Witwatersrand ; les campagnes militaires américaines entreprises sous le prétexte de défendre des américains en Amérique
latine se sont poursuivies jusqu’ à une époque récente, comme le montrent les interventions à la Grenade en 1983 et au Panama
en 1989.
12
Dans l’affaire David Pacifico, Lord Palmerston, Premier Ministre britannique, demanda à la chambre des communes le 25
juin 1850 de décider que : « comme le romain dans les temps antique se considérait libre d’indignité quand il pouvait dire cives
2
Le président Jules Basdevant la définit comme : « l’action d’un gouvernement qui, par ses agents
diplomatiques ou éventuellement par voie judiciaire internationale, s’efforce d’obtenir, à l’égard de ses
ressortissants, le respect du droit international par un autre Etat, la réparation des dommages causés en
violation de ce droit, ou, éventuellement certains avantages à leur profit »13. Suzanne Bastid fait, quant à elle,
de la protection diplomatique une des manifestations essentielle de la compétence personnelle de l’Etat à
l’égard de ses ressortissants et définit le système comme « le fait pour un Etat de prendre fait et cause pour
son ressortissant, en raison d’un dommage par lui subi, et pouvant de ce fait entrainer la responsabilité
internationale de l’Etat auteur14 ».
Pour Jean Chappez, la protection diplomatique est susceptible d’une double définition. Dans une
conception large et dans une optique de protection gracieuse, la protection diplomatique est définie comme un
« ensemble de démarches par lesquelles un Etat intervient auprès d’un autre Etat, sur le territoire duquel se
trouvent ses nationaux pour faire respecter à leur égard leur traitement dû par le droit international ». D’un
autre côté, dans une conception restrictive et cette fois contentieuse, le professeur Chappez fait de la
protection diplomatique une : « action par laquelle un Etat décide de prendre à son compte la réclamation
d’un de ses nationaux contre un autre Etat et de porter le différend sur le plan international et plus
spécialement devant une juridiction internationale »15.
Selon la Commission de Droit International (CDI), « la protection diplomatique consiste en l’invocation par
un Etat, par une action diplomatique ou d’autres moyens de règlement pacifique, de la responsabilité d’un
autre Etat pour un préjudice causé par un fait internationalement illicite dudit Etat à une personne physique
ou morale ayant la nationalité du premier Etat en vue de la mise en œuvre de cette responsabilité16 ».
Au sujet de la définition de la protection diplomatique, la doctrine semble être divisée. En effet
d’aucuns retiennent l’aspect procédural et d’autres privilégient l’aspect contentieux, mais tous unanimement
reconnaissent le caractère coutumier de l’institution17.
Après la Seconde Guerre mondiale, le droit de la protection diplomatique connaîtra des faits
nouveaux. Il s’agit d’abord de la convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements

Romanus sum, un sujet britannique également quel que soit le pays où il se trouve, doit être sure que l’œil vigilant et le bras
puissant de l’Angleterre le protégeront contre l’injustice et l’offense ». En effet David Pacifico, citoyen britannique, de
confession judaïque, né à Gibraltar et résidant à Athènes, avait vu ses biens détruits par la foule lors d’une cérémonie religieuse
orthodoxe grecque en 1847. Il avait alors fait appel à la Grande Bretagne pour réparer le préjudice par lui subi. Cf. M. Diez De
Velasco, « La protection diplomatique des sociétés et des actionnaires », in RCADI, Vol. 141, 1974, p. 91 et s.
13
J. BASDEVANT, Dictionnaire de terminologie du droit international public, Paris, Sirey, 1960, p.484.
14
S. BASTID, Cours de droit international public, tome I, 1976-1977, les Cours de droit.
15
J. CHAPPEZ, Protection diplomatique, JCL, droit international Vol.4, édition du juris classeur, 1999, fascicule, p.250.
16
Art. 1er du projet de la CDI à sa cinquante-huitième session sur la protection diplomatique, Nation Unies, 2006.
17
C’est ainsi que pour Paul De VISSCHER « la protection diplomatique est une institution coutumière en vertu de laquelle tout
Etat souverain est habilité à réclamer réparation des violations de droit international commises par un Etat étranger au
préjudice de ses ressortissants ». P. De VISSCHER, « Cours général de droit international public », op cit, p.154.
3
entre Etats et ressortissants d’autres Etats, et d’un grand nombre de traités d’investissements bilatéraux qui
contribuent à renforcer la protection des investissements étrangers. Venus assouplir les règles relatives à la
nationalité des réclamations et à l’épuisement des voies de recours internes, ces traités modifient en
profondeur le cadre juridique des investissements étrangers et permettent de réduire le nombre de demandes
de protection diplomatique à l’occasion de contestations relatives à des droits patrimoniaux18.
Ensuite, avec l’avènement du droit international des droits de l’homme, l’individu se voit reconnaître
des droits opposables non seulement à l’Etat dont il est le ressortissant mais aussi aux Etats tiers, et ce, sans
que son Etat de nationalité n’ait à intervenir. Pour beaucoup, cette évolution rend marginale la protection
diplomatique19. Serait-elle donc périmée ? Certains ont estimé que la protection diplomatique reste un thème
d’une grande importance pratique qui n’est pas dépassé du fait de la multiplication d’autres instruments de
règlement pacifique des différends auxquels les individus peuvent avoir accès. Un représentant de la Chine
aux Nations Unies a même estimé qu’il resterait le recours le plus important pour assurer la protection des
étrangers tant que l’Etat restera le principal acteur des relations interétatiques20.
De ces avis divergents l’on ne peut que se poser les questions suivantes :
- De prime abord, les conditions d’exercice de la protection diplomatique ont-elles évolué depuis la
jurisprudence Mavrommatis ?
- Les droits présentés comme inhérents à la nature humaine peuvent-ils s’appliquer indépendamment de
la nationalité aux étrangers ?
- Le système international des droits de l’homme a-t-il révolutionné la protection diplomatique si bien
qu’elle est devenue un droit de l’homme ? Ou alors les droits de l’homme supplantent-ils la protection
diplomatique ?
Compte tenu des critiques sévères et passionnées sur la protection diplomatique, l’intérêt de cette étude
est de connaître l’évolution des règles de droit dans le domaine de la protection diplomatique et de discuter de
cette récente évolution par rapport à son admissibilité en droit international.

18
Nous ne pouvons passer sous silence la clause Calvo, qui est une clause de renonciation à la protection diplomatique du nom
d'un professeur de droit et ministre des Affaires Etrangères argentin. Pour justifier cette clause de renonciation insérée dans les
contrats passés entre les étrangers et les pays latino-américains, Calvo s'appuyait sur deux considérations. D'une part, les Etats
étant libres, indépendants et souverains, ne doivent souffrir aucune ingérence de la part des Etats tiers : autrement dit, pour lui,
tout exercice de la protection diplomatique constitue une modalité d'interférence dans les affaires intérieures d'un Etat par un
pays tiers. D'autre part, pour Calvo, les étrangers ne sauraient bénéficier sur le territoire du pays où ils résident que des droits et
privilèges qui sont accordés aux nationaux.
19
L’argumentation des doctrinaires convaincus que la protection diplomatique est périmée peut se résumer ainsi : le principe de
l’égalité de traitement entre nationaux et étrangers et la norme internationale minimale relative au traitement des étrangers ont
été remplacés par une norme internationale tirée des droits de l’homme, qui reconnaît aux nationaux et aux étrangers l’égalité
de traitement, selon les dispositions essentielles de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Cf. A. GARCIA, V.
FRANCISCO, « State responsibility: some new problems », RCADI, 1958–II, Vol. 94, p.421.
20
Avis des représentants des Etats lors de l'examen du rapport de la CDI, le 30 octobre 2000. Disponible sur
http://www.un.org/press/fr/2000/20001030.agj329.doc
4
De nos jours nous constatons un fort courant migratoire auxquels des Etats font face souvent par des
mesures arbitraires d’internement, de reconduction à la frontière ou d’expulsion, comme ce fut le cas des 200
Burkinabè expulsés du Gabon en début juillet de cette année. Certains étrangers sont victimes de xénophobie
comme ce fut le cas cet avril dernier en Afrique du Sud, en juillet au Maroc. Ajouté à cela, les récents travaux
de la CDI sur la protection diplomatique témoignent de l’actualité de la question.
Cette étude a pour objectif d'éclairer, sur un sujet pluridisciplinaire touchant à l'histoire, la diplomatie,
les relations internationales, et à la notion de responsabilité internationale. Un sujet qui n'est sans susciter des
réelles controverses voire de véritables antagonismes au sein de la communauté internationale à un moment
où nous devons prêter assistance à certains individus en péril.
Dans notre réflexion, nous nous emploierons à mettre en exergue dans une construction binaire d'une
part, le fonctionnement de la protection diplomatique (titre 1) et d’autre part, l’effritement de la protection
diplomatique (titre2).

5
TITRE 1 : LE FONCTIONNEMENT DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE

La banalisation des mouvements de population et l’augmentation constante des ressortissants


voyageant ou résidant à l’étranger ont accru inévitablement les besoins tout à la fois de protection et de
coopération. En principe, une fois installé, un national à l’étranger dépend de la compétence territoriale de
l'Etat dans lequel il réside mais, à certaines conditions, un national peut dépendre de la compétence
personnelle de son propre Etat.
La protection diplomatique est avant tout une voie de droit et se comprend comme l’exercice d’une
fonction internationale orientée vers la garantie des droits de ses ressortissants, destinée à obtenir réparation
d’un préjudice21. Cette action est justifiée et fondée par un droit de l’Etat qui lui appartient en propre.
Notons toutefois que la CIJ a dégagé la notion de protection fonctionnelle dans son avis du 11 avril 1949
relatif aux dommages subis aux services des Nations Unies. Il s’agit ici dans le cadre des organisations
internationales, d’une procédure de protection des fonctionnaires internationaux lors de leurs missions sans
tenir compte du lien de nationalité22.
L’Etat est au centre de la mise en œuvre de la protection diplomatique (chapitre 2) et agit selon des
règles préétablies en la matière (chapitre 1).

21
O. De FROUVILLE, « Affaire Ahmadou Diallo (République de Guinée c. République Démocratique du Congo). Exceptions
préliminaires : le roman inachevé de la protection diplomatique », AFDI, LIII, CNRS, Paris, 2007, p. 298.
22
Dans cette affaire, il s'agissait principalement de savoir si l'ONU avait qualité pour présenter une réclamation internationale
contre un gouvernement responsable du préjudice causé à un agent au service d'une Organisation. La Cour s'est déclarée d'avis
que cinquante Etats, (à l'époque qui représentaient une majorité des membres de la communauté internationale) avaient le
pouvoir, conformément au droit international, de créer une entité possédant une personnalité internationale objective. Cette
affaire est arrivée à la suite de l'assassinat du comte Bernadotte envoyé en mission par l'ONU comme médiateur dans des
troubles en Palestine.
6
CHAPITRE 1 : L’ENCADREMENT JURIDIQUE DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE
Deux questions intéressent plus particulièrement la protection diplomatique: le droit d’un Etat
d’exercer la protection diplomatique (section 1) et les possibilités pour un Etat d’assurer la sécurité de ses
ressortissants dont les droits sont entravés par un Etat. Une fois cette inquiétude réglée, l’Etat dispose de
moyens pour réparer le préjudice (section 2).

SECTION 1 : LE DROIT D’ACTION DE L’ETAT A LA PROTECTION DIPLOMATIQUE


Le droit d’action de l’Etat se justifie par certains principes (§1) et par l’apport de la jurisprudence en la
matière (§2).
§ 1 : LA JUSTIFICATION DU DROIT D’ACTION DE L’ETAT
Il est établi en droit international que les étrangers doivent être traités selon un standard minimum (A)
qui respecte ainsi les droits de ces derniers. Même hors de leur territoire la compétence de l’Etat sur ses
nationaux demeure quand il est question de leur protection (B).
A : LE STANDARD MINIMUM
Chaque Etat est souverain sur son territoire. Il organise la vie juridique, économique et sociale au
bénéfice de ses nationaux, titulaires de droits mais aussi assujettis à certaines obligations. Les nationaux sont
totalement soumis à la compétence territoriale de leur Etat, et en principe la société internationale n’est pas
concernée par celle-ci, si ce n’est lorsque l’Etat est lié par des obligations internationales.
L’Etat détermine ainsi les conditions d’accès à son territoire, de même qu’il réglemente les conditions
de séjour, de travail et d’expulsion des étrangers dans le respect de ses engagements internationaux. En effet
l’exclusivité de la compétence territoriale résulte aussi de l’égalité souveraine des Etats23.
L’organisation du statut des étrangers doit respecter les règles internationales qui assurent aux étrangers
un minimum de protection, c’est-à-dire le respect d’un standard minimum applicable à tous les étrangers24.
Cette obligation comprend le respect des libertés essentielles telles que la liberté de la personne, le droit de
propriété, le respect des droits régulièrement acquis et la sécurité des personnes et des biens. Cette
règlementation doit se conformer aux analyses de la doctrine dominante qui détermine trois (3) raisons pour
lesquelles l’Etat devrait agir dans ce sens25. Il s’agit :
- d’abord, d’un droit pour tout Etat de recevoir sur son territoire les ressortissants des autres Etats ;

23
P. DAILLIER, M. FORTEAU, A. PELLET, Droit International Public, op. cit., p.532. Cf. aussi la sentence de Max HUBER
de 1928 sur l’affaire de l’ile des Palmes ou Palmas, dans le pacifique, CPA, 4 avril 1928, RSA, Vol. II, p.838 et ss.
24
M. VIRALLY, « Panorama du droit international contemporain », op cit, p.116.
25
Cf. L. D. SOKENG, « La liberté d’aller et venir dans la sous-région du golfe de Guinée », in AADI, Vol. 10, 2002, p.352 et
s.
7
- ensuite, d’un devoir de recevoir sur son territoire des personnes désireuses d’y séjourner dans le
respect des conventions internationales et des lois en vigueur ;
- enfin, pour l’Etat d’un principe auquel il ne peut se soustraire que si son droit de conservation l’exige.
L’Etat a donc une obligation vis-à-vis des étrangers se trouvant sur son territoire selon une norme
coutumière ancienne. Cette norme était fondamentale, et un Etat qui ne la respectait pas pouvait se voir ne
pas être reconnu par la communauté internationale comme nation civilisée26.
Les étrangers établis dans un Etat bénéficient du principe général d’égal traitement entre nationaux et
étrangers régulièrement établis27. Cela proscrit les mesures arbitraires d’internement, de reconduction à la
frontière ou d’expulsion. Exception faite aux étrangers en situation irrégulière.
La position de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples28 sur la question est sans
ambiguïté. En effet pour elle, « chaque individu doit avoir le droit à la jouissance des droits et libertés
reconnus et garantis dans la présente Charte29 sans distinction aucune, notamment de race, d'ethnie, de sexe,
de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de
fortune, de naissance ou de toute autre situation 30». Le bénéfice des droits fondamentaux proclamés par la
charte africaine31 des droits de l’homme et des peuples s’étend alors aussi bien aux nationaux qu’aux non
nationaux puisqu’elle « impose une obligation sur l’Etat pour garantir les droits protégés par la charte à
toutes les personnes relevant de leur juridiction, les ressortissants nationaux ou non32 ».
Si un Etat ne garantit pas le standard minimum de traitement aux étrangers, alors un Etat est en droit de
prendre fait et cause pour son national dans ledit Etat.
26
J. A. BARBERIS, «Les règles spécifiques du droit international en Amérique latine», in RCADI, Vol. 235, 1992, p.192.
27
Ibid.
28
La Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples est un organe de contrôle d’application de la Charte par les
Etats parties. Elle a un double mandat de promotion et de protection des droits de l’Homme sur le continent africain (art. 45 de
la Charte). La Commission africaine a également la compétence d’interpréter les dispositions de la Charte africaine à la
demande d’un Etat partie, d’une institution de l’UA ou d’une ONG africaine reconnue par l’UA (art. 45 de la Charte).
29
La Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples a été adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi, lors de la 18ème Conférence
de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA). Elle est entrée en vigueur le 21 octobre 1986.
30
Cf. Aff. Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDHO) c. Zambie. Décision prise à la 20 ème
Session de la commission, Grand Baie, Ile Maurice, octobre 1996, §20.
31
La charte à son préambule reconnait que « les droits fondamentaux de l'être humain sont fondés sur les attributs de la
personne humaine, ce qui justifie leur protection internationale et que d'autre part, la réalité et le respect des droits du peuple
doivent nécessairement garantir les droits de l'homme », et son article 12 dispose que : « 1. Toute personne a le droit de
circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat, sous réserve de se conformer aux règles édictées par la loi.
2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. Ce droit ne peut faire l'objet de
restrictions que si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l'ordre public, la santé ou
la moralité publique.
3. Toute personne a le droit, en cas de persécution, de rechercher et de recevoir asile en territoire étranger, conformément à la
loi de chaque pays et aux conventions internationales.
4. L'étranger légalement admis sur le territoire d'un Etat partie à la présente Charte ne pourra en être expulsé qu'en vertu
d'une décision conforme à la loi.
5. L'expulsion collective d'étrangers est interdite. L'expulsion collective est celle qui vise globalement des groupes nationaux,
raciaux, ethniques ou religieux. »
32
Cf. Aff. RADDHO C. Zambie.
8
B : LE DROIT DE L’ETAT D’ASSURER LA PROTECTION DE SES NATIONAUX
Le droit propre de l’Etat est le fondement substantiel et classique de la protection diplomatique retenu
par plusieurs pratiques étatiques. C’est cela la fiction de la protection diplomatique : lorsqu'il l'exerce, l'Etat
est censé faire valoir non pas le droit de son national mais son propre droit.
Le préjudice dont serait victime l’individu entraîne alors un dommage pour l’Etat de sa nationalité et
fonde le droit propre de l’Etat d’endosser le dommage pour en obtenir réparation. Le droit que l’Etat fait
valoir en engageant la responsabilité d’un autre Etat à raison de préjudice causé à ses nationaux a pour
fondement la violation du droit de l’Etat sur ceux-ci et non sur le dommage éprouvé par les dits nationaux.
D’un préjudice personnel l’on passe à un préjudice étatique.
Dans la protection diplomatique, c’est l’Etat qui est le titulaire du droit violé. L’individu en cause ne
pouvant en être le titulaire ne peut donc agir. L’Etat demeure maître de décider d’intervenir ou pas en faveur
de ses ressortissants. C’est ce qui fait que l’Etat joue un grand rôle en la matière. Pour cette même raison
l’individu ne peut attendre de l’Etat une obligation d’agir en sa faveur en déclenchant le mécanisme. Pour
Paul REUTER, « la protection diplomatique reste sur le plan international un droit de l’Etat ; ni dans son
déclenchement, ni dans ces conditions, elle n’apparaît comme un droit individuel 33».
Le caractère discrétionnaire d’accorder ou de refuser la protection diplomatique signifie qu’aux
conditions posées par le droit international, l’Etat peut être guidé par des considérations politiques et partant
ne pas déclencher le mécanisme. «La vérité profonde est l’idée que l’Etat agit pour ses propres intérêts et non
pas pour l’intérêt d’individus34 ». C’est ainsi que Luigi Ferrari Bravo cite un cas en Lybie où la protection
diplomatique contre l’expropriation d’Italiens qui aurait pu être mise en œuvre a été rangée au second plan
vis-à-vis de l’intérêt de l’Etat (italien) à garder certaines concessions pétrolières35.
La conception vattelienne de la protection diplomatique fait de la mise en œuvre de ce mécanisme un
acte de souveraineté étatique, une compétence purement souveraine. Le Conseil d’Etat français à ce sujet
considère que tout acte qui touche de près ou de loin à la protection diplomatique et à l’endossement du fait
de leur caractère discrétionnaire constitue un acte de gouvernement36 (donc) insusceptible de tout contrôle
juridictionnel. Le juge administratif refuse ainsi de connaître des cas de contestation de refus de la protection
diplomatique de la part du gouvernement.

33
P. REUTER, Droit International Public, Paris, PUF, 7ème éd, 1993, p. 272.
34
L. FERRARI BRAVO, « la pratique italienne de la protection diplomatique », in La protection diplomatique : mutations
contemporaines et pratiques nationales, Bruxelles, Bruylant, 2003, p.87.
35
Ibid.
36
Il s’agit d’actes émanant du gouvernement pris dans le cadre de ses relations entre l’exécutif et le législatif d’une part et dans
le cadre des relations internationales d’autre part. L’acte de gouvernement échappe à tous contrôle d’où l’expression
d’immunité totale de juridiction ou immunité juridictionnelle absolue.
9
Comme nous l’avons vu, les principes du droit international reconnaissent un droit d’action à l’Etat en faveur
de ses nationaux à l’étranger. La jurisprudence a aussi contribué à cela.

§ 2 : LA NATURE JURISPRUDENTIELLE DU DROIT D’ACTION DE L’ETAT


Le principe judiciaire de résolution de la protection diplomatique est apparu à la fin du XIXème siècle.
Avant cela, les litiges étaient résolus au travers de moyens diplomatiques ou par le recours à la force.
N'existant pas de traités ou d'actes écrits qui réglementaient la protection diplomatique, la CPJI et par la suite
la CIJ ont eu à consacrer une coutume internationale (A) qui a évolué depuis lors (B).
A : LA CONSECRATION D’UNE NORME COUTUMIERE
L'arrêt Mavrommatis constitue la pierre angulaire de la jurisprudence des cours internationales sur la
protection diplomatique.
La Cour a établi les fondements de la protection diplomatique qui ont fait de la nationalité l'élément
central de cette notion lorsqu'elle s'exécute sous l'empire juridictionnel. La CPJI a rappelé dans cette affaire
que l'Etat fait valoir son propre droit, le droit qu'il a de faire respecter en la personne de ses ressortissants le
droit international. La protection diplomatique n'existe que pour autant que l'Etat invoque une violation du
droit international qui cause un préjudice à une personne privée, ressortissante de cet Etat.
La protection diplomatique est indubitablement une institution d’origine coutumière ancienne mais qui
demeure aujourd’hui pertinente. Pour preuve, dans l’arrêt rendu sur les exceptions préliminaires dans l’affaire
Diallo en 2007, la CIJ s’est expressément fondée sur le droit coutumier de la protection diplomatique pour
accueillir la demande guinéenne tendant à la protection des droits de M. Diallo37. Le caractère coutumier de
cette institution a également été affirmé par la CIJ dans la fameuse affaire de la Barcelona Traction, laquelle a
fixé de manière restrictive les conditions dans lesquelles l’exercice de la protection au profit d’une personne
morale est possible38.
La requête pour être recevable, au sens de la règle coutumière relevée par la Cour, a toujours été que
l'Etat demandeur doit établir un intérêt pour agir lorsqu'il reprend la réclamation en son nom. L'intérêt pour
agir se matérialise en l'espèce pour la présumée victime qui doit être un national de l’Etat demandeur lorsque
la protection est exercée dans le cadre juridictionnel. La CIJ a estimé qu'un principe de droit coutumier ne
doit pas et n'a pas à être explicitement inscrit dans le traité pour trouver reconnaissance et application au
niveau international39. Il s’agissait de l’affaire Elettronica Sicula (ELSI) sur la question de l’épuisement des

37
Aff. Ahmadou Sadio Diallo, République de Guinée c. République démocratique du Congo, arrêt du 24 mai 2007, C.I.J., § 39.
38
Aff. Barcelona Traction, Light and Power Company Limited, Belgique c. Espagne, arrêt du 5 février 1970, C.I.J. Rec. 1970,
p.47-48.
39
Aff. Elettronica Sicula Spa (ELSI), USA c. Italie, arrêt du 20 juillet 1989, C.I.J. Rec. 1989, §48 et ss.
10
voies de recours interne40. Les Etats parties, s’ils avaient entendu déroger à ce principe, auraient dû le
mentionner de manière explicite dans le corps du traité, faute de quoi les principes généraux du droit sont
présumés s'appliquer.
Le droit de l’Etat en matière de protection diplomatique est reconnu non seulement par la doctrine
classique du droit international, mais aussi et surtout par la jurisprudence internationale.

B : L’INTERPRETATION EVOLUTIVE DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE


On a vu que dans le cadre de la protection diplomatique, c’est l’Etat qui subit un préjudice par le biais
de son national. L’obtention de la réparation du préjudice ainsi causé se fait par la protection diplomatique.
Ce principe directeur a mainte fois été repris par la jurisprudence internationale. Nous pouvons citer les
affaires que sont : l’affaire Mavrommatis41, l’affaire du chemin de fer Panevezys-Saldutiskis42, l’affaire
Nottebohm43, l’affaire Barcelona Traction44, l’affaire Diallo45.
De plus, lorsque des Etats sont parties à la Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24
avril 1963, leurs autorités compétentes doivent avertir sans retard l’autre Etat partie de l’arrestation et/ou de la
détention d’un de ses ressortissants afin que celui-ci bénéficie de son droit à l'assistance consulaire que
garantit l'article 36. Cela a été constaté par la CIJ dans les affaires Breard46 et Lagrand47.
Il arrive aussi que le juge interne reconnaisse que la protection diplomatique est un droit de l’Etat et
donc applique ce principe lorsqu’il se trouve confronté à un cas ayant trait à la protection diplomatique. Au
Royaume-Uni par exemple, des décisions de justice, tout en confirmant le caractère discrétionnaire de l’action
en protection diplomatique, considèrent cependant qu’un tel pouvoir discrétionnaire pouvait être limité par le
gouvernement lui-même par la voie de déclarations de politique étrangère, et par la suite créer des attentes
légitimes des citoyens pouvant être jugées par les tribunaux. Ces déclarations bien que de nature politique, la
Court of Appeal considère qu’elles peuvent créer des « attentes légitimes» envers les citoyens puisqu’elles
constituent une acceptation, par le gouvernement britannique, de son rôle dans la protection de ses nationaux
à l’étranger48.
Va-t-on vers une obligation d’exercer la protection diplomatique en faveur d’un britannique lésé ?

40
Ibid.
41
Aff. Concessions Mavrommatis en Palestine, op cit, p. 12.
42
CPJI, Aff. des chemins de fer de Panevezys-Saldutiskis, Estonie c. Lituanie, 28 février 1939, série A/B, n°74, p.28.
43
Aff. Nottebohm, (2ème phase), Liechtenstein c. Guatemala, 6 avril 1955, Rec. 1955. C.I.J., p.18 et ss.
44
Aff. Barcelona Traction, op cit, §70, p.43.
45
Aff. Ahmadou Sadio Diallo, op cit, § 39.
46
Aff. relative à la convention de Vienne sur les relations consulaires, Paraguay c. USA, 1998, CIJ, Rec. 1998, p.259.
47
CIJ, 27 Juin 2001, Aff. Lagrand, Allemagne c. USA, Rec. 2001. §128.
48
Cf. L. LAHSSAINI, « Quelle protection des double-nationaux en Belgique ? Réflexions sur l’affaire Ali Aarrass », in RBDI,
Bruxelles, Bruylant, 2012, p.655.
11
On est en droit de se poser cette question étant donné que cette « attente légitime pourrait permettre à
une juridiction d’opérer un certain contrôle juridictionnel sur les actions du gouvernement et ainsi de réduire
en partie l’étendue du pouvoir discrétionnaire dont dispose un Etat sur l’exercice d’une action en protection
diplomatique. Tout en reconnaissant le large pouvoir discrétionnaire de l’Etat en matière de protection
diplomatique, la Court of Appeal ne voit donc pas sur quelle base elle ne pourrait pas vérifier si ces décisions
ne sont pas irrationnelles ou contraires aux attentes légitimes »49.
Le Canada emboîta le pas. En effet la Cour d’appel fédérale canadienne a considéré que « le Canada
devait réclamer la libération de son national et que, dans le cas contraire, il y aurait violation de la Charte
canadienne des droits et libertés, Charte qui fait partie de la Loi constitutionnelle »50.
S’il s’agit d’un droit de l’Etat alors son exercice concerne de près l’Etat.
SECTION 2 : L’EXERCICE DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE
Ici nous allons tenter de répondre à la question de savoir comment l’Etat peut obtenir réparation du
préjudice subi par lui du fait de l’autre Etat auteur de la violation du droit international. Cela passe par
l’examen des moyens d’action de l’Etat (A) dont il dispose. Cet aspect abordé, nous verrons quelles
conséquences peuvent en résulter (B).
§ 1 : LES MOYENS D’ACTION DE L’ETAT
La CDI définit la protection diplomatique de façon plus récente dans son article 1er du projet de 2004.
Celle-ci consiste dans le recours à une action diplomatique ou à d’autres moyens de règlement autre que la
force (A) et/ou par l’option juridictionnelle (B).
A : L’INTERDICTION DU RECOURS A LA FORCE
Le droit international classique était caractérisé par le libre choix de faire la guerre. Cette liberté
relevait de la souveraineté des Etats et on parlait de jus ad bellum. De nos jours la communauté internationale
est animée d’une dynamique de paix. Il est donc question de jus contra bellum. Ce jus contra bellum
connaîtra quelques balbutiements compte tenu de sa faiblesse d’application. C’est le pacte Briand-Kellog de
1928, pacte franco- américain adopté par 15 Etats, qui a mis la guerre hors la loi, c’est-à-dire la guerre en tant
qu’instrument de politique nationale51. Bien avant, des tentatives de limiter le recours à la force furent
entreprises. Il en est ainsi de la convention Drago-Porter basée sur la doctrine Drago52. Les Etats membres

49
L. LAHSSAINI, « Quelle protection des double-nationaux en Belgique ? Réflexions sur l’affaire Ali Aarrass », op cit, p.656.
50
Ibid.
51
Selon l’art. 1er de cet accord : « les hautes parties contractantes déclarent solennellement qu’elles condamnent le recours à la
guerre pour le règlement des différends internationaux, et y renoncent en tant qu’instrument de politique nationale, dans leurs
relations mutuelles ».
52
En 1902, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie envoyèrent des navires de guerre pour établir le blocus de plusieurs ports
du Venezuela, par mesure de représailles contre le gouvernement vénézuélien, lequel refusait de payer les échéances de ses
emprunts internationaux. Dans un message adressé au ministère des Affaires étrangères des Etats-Unis, Luis Drago, juriste et
ministre des Affaires étrangères argentin, énonça un principe selon lequel toute dette publique présentée sous forme de titres et
12
signèrent un accord interdisant à un Etat d’utiliser son armée pour recouvrer des dettes dues par une autre
nation, tant que l’affaire n’avait pas été soumise à la cour d’arbitrage internationale et tant que l’Etat endetté
n’avait pas refusé d’établir un compromis ou d’exécuter une décision défavorable. Le concept auquel nous
nous intéressons n’en est pas en reste dans ce cadre puisque la convention Drago-Porter interdit le recours à la
force contre les créanciers nationaux d’un Etat étranger. L’article 1 de la convention dispose que : « les
puissances contractantes sont convenues de ne pas avoir recours à la force armée pour le recouvrement de
dettes contractuelles réclamées au gouvernement d’un pays par le gouvernement d’un autre pays comme dues
à ses nationaux ». Bien qu’elle soit limitée aux dettes contractuelles, la convention Drago-Porter a le mérite
d’avoir remis en cause la libre pratique de la guerre.
Aujourd’hui, la Charte de l’ONU prohibe le recours à la force en son article 2 § 453 contre l’intégrité
territoriale des Etats. Cette interdiction de la Charte est d’une grande importance en ce qu’elle dépasse les
positions adoptées antérieurement. La protection diplomatique, qui est un mécanisme qui trouve son origine
dans les relations interétatiques, est donc soumise au principe énoncé par la charte.
Le recours à la force étant prohibé, les agents diplomatiques et consulaires et des juges ou arbitres
entreront en scène.

B : DE L’ACTION DIPLOMATIQUE A L’OPTION JURIDICTIONNELLE


La protection diplomatique est exercée essentiellement par les agents diplomatiques, mais également
par les agents consulaires à l’égard des nationaux dont l’Etat estime qu’ils n’ont pas bénéficié des garanties
auxquelles ils pouvaient prétendre de la part des organes de l’Etat de séjour en vertu du droit international.
Cette protection peut également être exercée dans des cas graves ou difficiles par des rapports directs entre les
autorités gouvernementales des deux Etats.
Les étrangers en principe peuvent compter sur l’appui et le soutien des représentations diplomatiques
et consulaires de leur Etat puisqu’ils ont pour mission entre autres de protéger les intérêts des nationaux à
l’étranger54.
Les représentations sont amenées à porter secours à leurs nationaux à l’étranger qui sont tombés dans
le besoin. La forme la plus fréquente de cette protection est l’aide que la représentation peut apporter en

contractée par un Etat souverain du continent américain ne pouvait être la cause d’une intervention militaire européenne en
territoire américain. La convention a été conclue à la deuxième convention de La Haye du 18 Octobre 1907 portant
renonciation au recours à la force armée pour le recouvrement des dettes contractuelles. Elle est dite convention Drago-Porter
du nom de Luis Drago auteur de la doctrine Drago et du General Porter, délégué des USA à la conférence.
53
« Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de
la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible
avec les buts des Nations Unies. » : art.2 §4 de la charte de l’ONU.
54
Art. 3-b de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques diplomatique et art. 5-a de la convention de Vienne de
1963 sur les relations consulaires.
13
recommandant un avocat à son ressortissant ou faire des démarches pour un de ses ressortissants lésés dans
ses droits en s’adressant aux autorités locales.
La Convention de Vienne de 1963 dispose que les autorités de l’Etat de résidence doivent informer
sans délai, le poste consulaire compétent lorsqu’elles arrêtent un ressortissant étranger55. Ces autorités doivent
également permettre à un fonctionnaire du poste de rendre visite aux détenus et de pourvoir à leur défense au
cas où ils seraient incapables de se défendre. Il y a cependant des limites à ce droit d’information et de visite.
Si le détenu lui-même s’oppose pour un motif quelconque, à ce que le poste soit informé, ou à ce qu’un
fonctionnaire lui rende visite, les autorités de l’Etat de résidence doivent respecter cette décision.
L’assistance par l’action diplomatique en l’encontre de son national est gracieuse. En cas d’échec, elle
peut prendre une forme contentieuse.
D’un autre côté alors, il est fréquent que dans le cadre de la protection diplomatique l’Etat recourt à un
règlement juridictionnel, c’est-à-dire soit l’arbitrage qui a pour objet le règlement des litiges entre les Etats
par des juges de leur choix et sur la base du respect du droit ; ou au juge international qui est le règlement par
une juridiction permanente en l’occurrence la CIJ. Ce procédé serait le plus évolué dans le cadre de la
protection diplomatique56. Cependant la limite que l’on peut relever dans ce cas est que la protection
diplomatique, qui est un moyen de mise en œuvre de la responsabilité d’un Etat, l’individu ne peut saisir la
CIJ57.
Après que l’Etat a pris fait et cause pour son national, quelles conséquences peuvent en résulter ?
§ 2 : LES CONSEQUENCES DE L’INTERVENTION ETATIQUE
Si la protection diplomatique est accordée, il est possible qu'un arbitrage ou un accord conventionnel
intervienne à l'issue duquel l'Etat tiers sera condamné à verser une indemnité (B) ou aura spontanément
reconnu la devoir. De prime abord, la protection diplomatique ne remet-elle pas en cause la souveraineté des
Etats (A) ?
A : LA PROTECTION DIPLOMATIQUE, UNE INGERENCE ?
Le principe de la non-ingérence ou de non-intervention vise à protéger les Etats contre les pressions et
interventions d’autres pays ou d’organisations internationales. Il est le corollaire du principe de la
souveraineté de l'Etat. Cela signifie le droit de chaque Etat souverain de jouir de l'exclusivité de sa
compétence dans les domaines relevant de sa compétence nationale.
Dans le cadre de la protection diplomatique, c’est à travers la forme d’intervention gracieuse que l’on
peut soupçonner une ingérence dans les affaires intérieures de l’Etat hôte du national.

55
CIJ, 27 Juin 2001, Aff. Lagrand, Allemagne c. USA, Rec. 2001.
56
S. Bastid, Cours de Droit International Public, op cit, p.575.
57
« Seuls les Etats ont qualité pour se présenter devant la Cour. » : art.34-1 du statut de la CIJ.
14
Dans l’affaire du détroit de Corfou, la CIJ a qualifié l’ingérence d’une politique de force 58. « Aucun
Etat n’a le droit d’intervenir, directement ou indirectement pour quelque raison que ce soit dans les affaires
intérieures ou extérieures d’un autre Etat 59».
On peut affirmer que d’antan, à travers la protection diplomatique un Etat va s’ingérer dans les affaires
d’un autre Etat du « simple fait 60» de rechercher à mettre en œuvre la responsabilité internationale d’un Etat.
En effet, la protection diplomatique se caractérisait par une intervention militaire, donc par l’usage de la
force. Cette mise en œuvre est la conséquence d’un droit de son national bafoué par un acte61 ou un
comportement de la part d’un Etat.
Cependant avec le développement du droit international par l’entremise de l’interdiction du recours à
la force, il peut en être autrement. Primo, étant d’origine coutumière, elle est une pratique licite
puisqu’autorisée. Son caractère coutumier en fait « une preuve d’une pratique générale acceptée comme étant
le droit 62». On ne peut parler dès lors d’ingérence si les conditions de mise en œuvre de la protection
diplomatique sont remplies. Secundo, le droit international est source d’obligations juridiques à l’égard de ses
sujets. Pour un Etat, exiger réparation d’un préjudice par lui subit du fait d’un autre Etat ne saurait porter
atteinte à la souveraineté de l’Etat fautif. Cela se comprend puisque par fiction, il est la victime du dommage.
Lorsqu’un dommage est causé, la réparation de ce dommage s’impose. Ainsi la victime peut se voir attribuer
des indemnités.
B : LA QUESTION DU REVERSEMENT DES INDEMNITES
On sait que dans la protection diplomatique, le litige au départ est intra étatique donc entre un individu
et un Etat et par la suite s’inter étatise avec l’intervention de l’Etat dont l’individu lésé est le ressortissant. Ce
dernier laisse sa place à l’Etat. L’impossibilité ou la difficulté dans ce cas de procéder à une remise des
choses en l’état amène à envisager la réparation sous forme d’indemnité allouée à l’Etat protecteur. Ce dernier
ayant défendu un droit qui lui est propre demeure le bénéficiaire éventuel de la réparation. Etant donné que
l’Etat est la victime et demande réparation du préjudice par lui subit, il serait logique que l’indemnité lui
revienne uniquement. C’est cette logique qu’a appliquée la CPJI dans l’affaire de l’usine Chorzow en
énonçant que « le dommage subi par les particuliers ne peut que fournir une mesure convenable de la
réparation due à l’Etat »63. L’Etat a plusieurs options :

58
Aff. du Detroit de Corfou, Royaume Unie c. Albanie, CIJ 9 Avril 1949, Rec. CIJ 1949, p.35.
59
Résolution 2625, AGNU du 24 Octobre 1970.
60
Souligner par nous.
61
Par acte ici il faut entendre un acte législatif ou une décision judiciaire ou administrative.
62
Art. 38 du statut de la CIJ.
63
Aff. usine de Chorzow, Allemagne c. Pologne, CPJI, 13 Septembre 1928, série A, n°17.
15
- d’abord de conserver l’intégralité de l’indemnité. Dans ce cas l'Etat qui conserverait par devers lui
l'indemnité versée réaliserait un véritable enrichissement sans cause selon Georges Berlia64;
- ensuite de reverser l’intégralité de l’indemnité ;
- enfin de reverser une partie à l’individu et d’en conserver l’autre partie.
En revanche, la tendance actuelle est au reversement de cette indemnité à l’individu victime même si la
difficulté dans le reversement de l’indemnité est une question dépendant des législations et pratiques internes.
On tend même à la « juridictionnalisation de la procédure relative à la distribution des indemnités dont
disposaient les Etats réclamants 65».
Cela se comprend, puisque le montant de toute indemnité fournie dans une affaire de protection
diplomatique est calculé d’après le dommage causé non pas à l’Etat protecteur, mais au particulier protégé.
Cet aspect de la protection diplomatique paraît difficilement conciliable avec la formule de l’arrêt
Mavrommatis, car ce serait affirmer que c’est le droit de l’individu lésé qui est en cause et non celui de son
Etat. La CDI dans son projet de codification propose que soit « transférer à la personne lésée toute
indemnisation pour le préjudice obtenue de l’Etat responsable, sous réserve de déductions raisonnables 66».
Dorénavant, la plupart des droits internes autorisent le recours devant les tribunaux internes pour
garantir le reversement de l’indemnité reçue par le gouvernement et pour en contrôler la répartition.
Après avoir parcouru le fondement de la protection diplomatique, voyons maintenant comment
s’effectue sa mise en œuvre.

64
Pour lui l’Etat bénéficie d’indemnité résultant d’un dommage causé à un particulier qui n’agit pas pour son compte. C’est là
toute l’ambiguïté de la protection diplomatique de savoir qui est le bénéficiaire de l’indemnité. Voir G. BERLIA,
« Contribution à l'étude de la nature de la protection diplomatique », in AFDI, 1957, p.65.
65
G. BERLIA, « Contribution à l'étude de la nature de la protection diplomatique », op cit, p.66.
66
Art. 19-c du Projet d’articles sur la protection diplomatique, 2006. Disponible sur www.un.org .
16
CHAPITRE 2 : LA MISE EN ŒUVRE DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE
En tant qu’institution coutumière, les règles de mise en œuvre de la protection diplomatique ont été
progressivement précisées par la pratique ou la jurisprudence internationale et font aujourd’hui l’objet d’une
codification par la CDI67.
L'intérêt de ce mécanisme est de protéger les droits de la personne privée sur le plan international par
le biais de son Etat national qui est compétent à agir en droit international. En effet, les personnes privées en
droit international, que sont les individus, ne bénéficient pas de la personnalité juridique. Puisqu'ils sont
incapables d'obtenir réparation dans la sphère du droit international, c'est leur Etat national, en tant que sujet
de droit et représentant de la personne privée, qui va endosser ce rôle. La protection diplomatique est une
prérogative souveraine de l’Etat dont la mise en œuvre est soumise à certaines conditions restrictives. Ces
conditions peuvent être soit subjectives (section 1) ; soit objectives (section 2).
SECTION 1 : LES CONDITIONS SUBJECTIVES DE MISE EN ŒUVRE
L’Etat ne peut prendre fait et cause qu’au profit de ses nationaux qui sont rattachés à lui par le lien de
nationalité (§1), puisque l’exercice de la protection diplomatique est lié aux compétences personnelles de
l’Etat68. A cette condition, s’ajoute la nécessité que l’individu soit exempt de reproche, c’est-à-dire avoir les
mains propres (§2).
§ 1 : LA CONDITION DE NATIONALITE
Le concept de nationalité a permis aux différents Etats d'asseoir leur pouvoir sur leurs nationaux, mais
aussi d'augmenter leur pression sur d'autres Etats par le biais de la protection diplomatique.
La nationalité est l'expression juridique du fait qu'un individu fait partie de la population d'un Etat
déterminé. C’est un élément fondamental69 dans le cadre de la protection diplomatique, et la jurisprudence
internationale est catégorique sur ce point. C’est ainsi qu’ « en l’absence d’accords particuliers, c’est le lien
de nationalité entre l’Etat et l’individu qui seul donne à l’Etat le droit de la protection diplomatique 70». Le
statut de national concerne tous les sujets de droit (interne) tant les personnes physiques (A) que les personnes
morales (B).
A : LA NATIONALITE DES PERSONNES PHYSIQUES
L’article 15 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) de 1948 dispose que tout
individu a droit à une nationalité, mais il ne donne aucune indication quant aux modalités d’acquisition de
cette nationalité. Pour cela les Etats sont les seuls à pouvoir conférer leur nationalité, ainsi que les critères

67
Voir les différents rapports sur la protection diplomatique disponible sur www.un.org .
68
P. DAILLIER, M. FORTEAU, A. PELLET, Droit International Public, op. cit., p.546 et ss.
69
Selon Georges BERLIA, elle est la règle la plus connue et la plus élémentaire en droit des gens qui fonde l’intervention d’un
Etat en faveur d’un individu. Voir G. BERLIA, « Contribution à l'étude de la nature de la protection diplomatique », op cit,
p.63.
70
Aff. des chemins de fer de Panevezys-Saldutiskis, op cit, p.28.
17
d'attribution71. C’est dans ce sens que « la nationalité burkinabè s’acquiert ou se perd après la naissance, par
l’effet de la loi ou par la décision de l’autorité publique prise dans les conditions fixées par la loi72 ».
Les Etats établissent la nationalité suivant deux (2) critères déterminants : le lien du sang ou jus
sanguinis73 et le lien du sol ou jus solis74. Certains Etats les cumulent75, d’autres n’en choisissent qu’un.
Il y a à côté de l’attribution de la nationalité, la possibilité pour un étranger d’acquérir la nationalité
d’un autre pays. Au Burkina Faso la nationalité peut s’acquérir : par le mariage76, en raison de la naissance et
de la résidence au Burkina77, en raison de la filiation78, par déclaration de nationalité79 et par décision de
l’autorité publique80.
Historiquement liée à une notion plus ou moins forte d’allégeance, la nationalité, occupe en tant que
notion juridique, le champ du droit international public et privé.
La primauté de l’Etat sur l’octroi de la nationalité n’est pas absolue. Cette limitation se traduit par le
principe du droit international selon lequel chaque Etat se doit de reconnaître les législations internes d’un
autre Etat, au nom de l’égalité souveraine. Pour que l’octroi de la nationalité produise les effets en ce qui
concerne la protection diplomatique, elle devra répondre à ces restrictions. Ils sont alors soumis au contrôle
du juge international ou d’un arbitre. Ce dernier vient vérifier si la nationalité ainsi octroyée est ou non
opposable à un Etat tiers.
En cas de nationalité unique la démarche est aisée.
Dans les cas de double nationalité, il se pose toujours un conflit de loi et il sera difficile qu’un individu
soit protégé aussi bien par l’Etat requérant que par l’Etat défendeur s’il est national de chacun de ces Etats.
Sur la question, selon la convention de La Haye du 12 avril 193081, deux solutions peuvent être envisagées.

71
Aff. Nottebohm, op cit, p.20. Dans cette affaire, il s’agissait de Friedrich Nottebohm, né en Allemagne à Hambourg, et qui
s’établit au Guatemala en 1905 pour affaire. A la veille de la Deuxième guerre mondiale, il obtient en moins de trois mois, la
nationalité du Liechtenstein. Durant la guerre, il fut considéré du fait de son origine allemande, comme ressortissant ennemi par
le Guatemala et lui vaut d’être interné et de faire l’objet de mesures contre ses biens. Celui-ci demande alors la protection du
Liechtenstein. Le gouvernement du Liechtenstein dépose une requête devant la CIJ tendant à obtenir redressement et réparation pour des
mesures contraires au droit international que le Guatemala aurait prises contre M. Nottebohm, ressortissant du Liechtenstein. Le Guatemala
conteste la recevabilité de cette requête en raison de l’absence d’effectivité de cette nationalité, qui ne reposait pas sur un
rattachement de fait suffisamment étroit entre l’intéressé et le Liechtenstein.
72
Art. 134 al.2 du code des personnes et de la famille (CPF).
73
Art. 140 CPF.
74
Art. 141 et ss. CPF.
75
Tel est le cas du Burkina Faso. Sur la question Cf. P. MEYER, Droit international privé burkinabè, Ouagadougou, collection
précis de droit burkinabè, 2006, p.54 et ss.
76
Art. 151 et ss.
77
Art. 155 et ss.
78
Art. 183 et ss.
79
Art. 159 et ss.
80
Art. 162 et ss.
81
Convention concernant certaines questions relatives aux conflits de lois sur la nationalité, signée à La Haye le 12 Avril 1930.
18
Premièrement un Etat ne peut prendre fait et cause au profit d’un de ses nationaux à l’encontre d’un
Etat dont celui-ci est aussi le ressortissant82.
Deuxièmement, l’on applique la théorie de l’effectivité qui s’oppose à une simple nationalité. Cette
théorie voudrait que la personne lésée se retourne vers l’Etat avec lequel elle entretient le plus de liens, auquel
elle est la plus rattachée. En ce moment, la nationalité réelle l’emporte. C’est cette théorie qui a été retenue
dans l’affaire Nottebohm83.
Le lien effectif à lui seul n’est pas déterminant. Il faut ensuite apprécier le moment de la possession de
la nationalité.
Pour que l’Etat intervienne en faveur de son national, la personne victime doit posséder la nationalité
au moment de la survenance du préjudice. Cela est conforme à l’adage « a claim must be national in origin »
que la doctrine et la jurisprudence s’accordent à reconnaître84.
Ici, la date critique est donc le jour de la survenance du fait illicite. La règle de la nationalité à
l’origine obéit à la théorie vattelienne de la protection diplomatique. Cette théorie perçoit la nationalité
d’origine comme le pont entre le préjudice privé (au départ) et le préjudice devenu étatique. Cette idée selon
Eric Wyler « accrédite la dualité des victimes, l’individu et l’Etat étant frappé simultanément par l’acte
dommageable 85». Dès 1932, une théorie similaire était proposée par le Pr Borchard alors rapporteur spécial
de l’Institut de Droit International (ILI). Pour lui « la protection diplomatique peut être exercée en vue de
présenter une réclamation pour un préjudice subi par une personne à condition que : a) au moment où le
dommage a été causé, la personne qui a subi, ait été un national de l’Etat requérant et n’ait pas été un
national de l’Etat contre lequel la demande est introduite.
b) lorsque la demande est présentée, la personne intéressée soit un national de l’Etat requérant et que
l’intérêt dans la demande n’ait à aucun moment entre la date à laquelle le dommage a été subi et la date de
la présentation de la demande appartenu à une personne qui n’était pas nationale de l’Etat requis »86. Même
si à l’époque cette proposition fut rejetée, elle traduit néanmoins l’état du droit international coutumier.
La victime doit posséder la nationalité de son Etat depuis la commission de l’acte illicite jusqu’à ce
que son pays ne se décide à accorder ou pas la protection diplomatique. C’est un principe bien établi de la

82
Art. 4 de la Convention du 12 Avril 1930. Cf. par exemple la sentence rendue par la Cour permanente d’arbitrage en l’affaire
Canevaro, Italie c. Pérou, Nations Unies, RSA, 03 mai 1912, p.405.
83
Au terme de l’arrêt Nottebohm, la nationalité pour être opposable à un Etat doit revêtir une effectivité minimum. Des
sentences arbitrales emboiteront la jurisprudence Nottebohm et élargiront sa portée. Voir les affaires Mergé et Saghli. Dans ces
deux affaires les USA étaient demandeur et il s’agissait d’assurer une indemnité à des individus qui avaient trouvé une nouvelle
patrie aux USA.
84
C. ROUSSEAU, Droit International Public, Paris, Sirey, Tome 3, 1983, p.117.
85
E. WYLER, La règle dite de la continuité de la nationalité dans le contentieux international, Paris, PUF, 1990.
86
AIDI, Vol. 37, 1932, p.278.
19
jurisprudence internationale qu’ « une réclamation doit être nationale du point de vue de l’Etat demandeur
dès l’origine à sa présentation comme réclamation de droit international87 ».
On constate que dans les propos de Borchard, il est question de changement de nationalité. En effet,
on est tenté de se demander dans ce cas quel Etat va protéger la victime ?
La CDI dans son premier rapport sur la protection diplomatique prévoit à son article 9 que « si une
personne lésée a changé de nationalité de bonne foi après avoir subi un dommage, le nouvel Etat de
nationalité peut exercer la protection diplomatique à l’égard de cette personne pour ce dommage, à condition
que l’Etat de nationalité d’origine n’ait pas exercé ou ne soit pas en train d’exercer la protection
diplomatique à l’égard de cette personne à la date du changement de nationalité »88. La règle de la continuité
de la nationalité est reliée aux règles du changement de nationalité. Il n’y a pas de difficulté majeure.
Toutefois en cas de changement involontaire c’est-à-dire dans le cas de succession de souveraineté étatique,
l’endossement revient-il à l’Etat ancien de la nationalité ou au nouvel Etat successeur ?
Si l’on se réfère à la CDI pour qui : « toute personne physique qui à la date de la succession d’Etat
possédait la nationalité de l’Etat prédécesseur, quel qu’ait été le mode d’acquisition de cette nationalité, a
droit à la nationalité d’au moins un des Etats concernés, conformément aux présents articles». Cette
disposition ne met pas en évidence la protection diplomatique, cependant la succession entraîne un nouveau
lien d’allégeance et de rattachement entre un individu et un Etat. Il s’ensuit que l’Etat successeur sera
compétent à la date de succession d’actionner la protection pour ces nouveaux nationaux. On est dans ce cas
en présence d’une présomption de nationalité fonction du lieu de résidence au bénéfice des individus
concernés par la succession.
Comme pour les personnes physiques, les personnes morales ont une nationalité.

B : LA NATIONALITE DES PERSONNES MORALES


La nationalité des personnes morales recouvre principalement celle des sociétés de droit privé 89 et
celle des associations.
La personnalité morale se définit comme étant le groupement de personnes ou de biens ayant, comme
une personne physique, la personnalité juridique90. N’étant pas une personne physique, la personnalité morale

87
Aff. Benchiton SA de Max Huber, 1 Mai 1925, RSA, Vol. 11, p.706.
88
Art. 9 du 1er rapport sur la protection diplomatique, document A/CN.4/506, juillet-aout 2000.
89
C’est de ces sociétés dont nous nous intéresserons. Elles sont soumises au droit privé. Néanmoins il important de souligner
que les sociétés ayant la personnalité morale de droit public sont soumises au droit public et spécialement au droit administratif.
Cependant elles peuvent toutefois être régies par le droit privé pour certaines compte tenu de leurs activités (c’est la catégorie
des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC)), dont les activités sont de nature industrielle et
commerciale et la gestion comparable à celles des entreprises privées. Leur fonctionnement et leurs contentieux empruntent à la
fois au droit public et au droit privé.
Le terme de sociétés serait plus propre au système français, le terme de compagnie à celui des systèmes de Common Law
britannique, enfin la corporation se rattacherait au système nord-américain.
20
s’acquiert après un certain nombre de formalités.
Si la personnalité juridique est naturelle pour les personnes physiques, elle ne l’est pas pour les
personnes morales, surtout lorsque cette personnalité est attribuée à une masse de personnes91.
Le choix du critère de détermination de cette nationalité dépend des options retenues par les Etats.
Ceux-ci peuvent choisir entre trois systèmes majoritaires.
Primo la société peut avoir la nationalité du pays où elle a son siège social92, secundo la nationalité du pays
d’enregistrement93, et tertio (mais c’est plus rare94), la nationalité du pays du contrôle, pays des actionnaires
majoritaires.
Sur le plan international, on ne reconnaîtra que le rattachement strictement juridique, le contrôle est
donc exclu. Cela entraîne que la protection diplomatique sera seulement acceptée de la part de l’Etat auquel
cette société est affiliée. En effet, l’arrêt dans l’affaire Barcelona Traction, rendu par la CIJ en 1970 a mis cela
en exergue.
« Société de fourniture d’énergie électrique en Espagne, implantée au Canada, mais composée à
majorité d’actionnaires belges. Le Canada commence à exercer sa protection car la société est
nationalisée. Très vite, le Canada s’aperçoit que ladite société n’a en réalité d’intérêts qu’en Belgique.
La Belgique porte alors l’affaire devant la CIJ, qui rejette la demande car seul l’Etat de la nationalité
de la société peut exercer sa protection diplomatique ».
Traditionnellement, « (…) chaque fois que les intérêts d’un actionnaire sont lésés par un acte visant
la société, c’est vers la société qu’il doit se tourner pour qu’elle intente les recours voulus car, si bien que
deux entités distinctes puissent souffrir d’un même préjudice, il n’est qu’une dont les droits soient violés »95.
Dans ce cas, l’actionnaire lésé doit composer avec la société. Pourtant en tant que membre de la société,
l’actionnaire subit indirectement mais nécessairement un préjudice lorsque la société fait l’objet d’une atteinte
à ses droits propres96. C’est ainsi que dans l’affaire de la Barcelona traction, la Belgique a fait remarquer que
« les ressortissants belges, personnes physiques et morales, actionnaires de la Barcelona traction, (…) ont
subi de ce fait une atteinte directe et immédiate à leurs intérêts et à leurs droits qui se sont trouvés ainsi vidés

90
Lexique des termes juridiques 2011, Paris, Dalloz, 2010, p.596.
91
De cette observation, est née une controverse. En effet la notion de nationalité des sociétés a suscité les critiques d’une partie
de la doctrine. Sur la question Cf. P. MEYER, Droit International Privé burkinabè, op cit, p.66-68.
92
Souvent pour les pays de droit civil.
93
Cas des pays de la Common Law.
94
En raison de la mondialisation des activités industrielles et commerciales et des formes multiples que peut revêtir le contrôle,
ce critère est difficile à appliquer.
95
Aff. Barcelona Traction, op cit, p.36.
96
Dans ce cas selon Diez de Velasco on parle de « double répercussion de l’acte préjudiciable », V. Diez de Velasco, « la
protection diplomatique des sociétés et des actionnaires », op cit, p.146.
21
de toute valeur et de toute efficacité97 ». Cela s’explique puisque selon le Pr Virally entre la société et les
actionnaires, on parle de « communauté de destins et d’intérêts »98. Cette situation est si analogue à celle qui
prévaut en droit interne des sociétés où le droit d’action en réparation appartient aux représentants légaux de
la société. Pour cela il est appliqué la théorie de la réalité juridique selon laquelle, « la société n’est rien
d’autre qu’un simple procédé technique d’organisation économique permettant à des personnes physiques de
réunir des capitaux, de créer des entreprises et de réaliser des bénéfices99 ».
Par la suite, la jurisprudence reconnaîtra ce droit dont seraient titulaires les actionnaires à être
diplomatiquement protégés. D’abord dans l’affaire elettronica sicula100 (ELSI), il fut admis que les
actionnaires américains d’une société italienne puissent faire valoir des droits sur le plan international, via le
mécanisme de la protection diplomatique exercée en leur faveur par les Etats-Unis, à la suite d’une atteinte à
la société.
En ce qui concerne les sociétés de personnes, un droit d’action au profit de l’Etat de nationalité des
associés existe si la société a subi un préjudice, et ceci quel que soit la nationalité de la société. Il est ainsi fait
abstraction de la personnalité juridique de la société.
Cependant force est de constater que la conception classique soit retenue101. Dans un arrêt, la Cour
juge recevable la requête de la Guinée en ce qu’elle a trait à la protection des droits de M. Diallo en tant
qu’individu (à l’unanimité), recevable également en ce qu’elle touche à ses droits « propres » en tant
qu’associé des sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre (par quatorze voix contre une). En revanche,
elle déclare irrecevable la partie de la requête consacrée à la protection de M. Diallo pour les atteintes
alléguées aux droits des deux sociétés (par quatorze voix contre une)102.
Une fois le lien de nationalité établi, il faut analyser le comportement de l’individu à travers la théorie
des mains propres.

§ 2 : LA THEORIE DES MAINS PROPRES


La théorie des mains propres ou « Clean hands » exige que l’individu ait eu un comportement
irréprochable. Dans le cas contraire sa conduite atténue la responsabilité éventuelle de l'Etat à qui une
violation du droit international est reprochée, ou peut même l'exonérer complètement en rendant la protection
diplomatique non fondée. L’individu peut avoir eu une conduite blâmable du fait de la violation du droit

97
Aff. Barcelona Traction, op cit, p.23.
98
Cité in Diez de Velasco, « la protection diplomatique des sociétés et des actionnaires », op cit, p.152-153.
99
C. Rousseau, Droit International Public, op cit, pp. 97 et s.
100
Elettronica Sicula Spa (ELSI), op cit, p. 15.
101
Dans l’arrêt rendu le 24 mai 2007 en l’affaire Diallo, la CIJ reprendra son dictum de 1970.
102
Aff. Ahmadou Sadio Diallo, op cit, § 61.
22
interne (A) de l’Etat d’accueil ou du fait de la violation du droit international sur le territoire de l’Etat
d’accueil (B).
A : LA VIOLATION DU DROIT INTERNE
L’individu, une fois à l’étranger, doit se conformer à une certaine attitude faite de discrétion, de
loyauté envers l’Etat sur le territoire duquel il se trouve. Il doit avoir un comportement correct, licite et
observer une neutralité dans l’ordre juridique de l’Etat, s’il veut voir sa cause défendue par son Etat national
en cas de préjudice subi par lui dans l’Etat sur lequel il se trouve.
Ce que l’on peut reprocher à l’étranger dans ce cas sont entre autres l’ingérence dans les affaires
politiques internes, la participation à des mouvements insurrectionnels ou révolutionnaires 103. « Bien des fois,
la jurisprudence internationale s'est prononcée en ce sens, soit que l'étranger eût commis un délit, soit qu'il
eût voulu jouer dans la vie politique du pays un rôle incompatible avec sa qualité d'étranger ou, à plus forte
raison, y prendre part à des mouvements révolutionnaires. En ce cas, l'étranger s'expose à toutes mesures par
lesquelles l'Etat entend maintenir l'ordre, telles que l'incarcération des coupables ou même des suspects, les
condamnations répressives, l'expulsion104 ».
La violation du droit interne d'un pays étranger par un citoyen peut alors obliger son Etat protecteur à
ne pas lui accorder sa protection. Un officier du navire américain SS Mohican, qui se trouvait dans un port
brésilien, déchargea son pistolet sur un matelot qui tentait de déserter le navire. L'officier fut arrêté par les
autorités brésiliennes, puis relâché après réprimande. Le capitaine du navire prétendit que cette arrestation
était une injure à la dignité de l'officier et au drapeau des USA. Le Secrétaire d'Etat, M. Seward, refusa de le
suivre dans cette interprétation en répondant que l'acte de l'officier était une atteinte à la paix, offensante pour
la dignité du Brésil, que le gouvernement brésilien pouvait légitimement espérer, voire désavouer par les
USA.
On remarque alors qu’« un Etat ne peut pas présenter une réclamation en faveur d'une personne
physique ou juridique qu'il a le droit de protéger diplomatiquement face à un autre Etat si cette personne n'a
pas observé une conduite correcte envers cet autre Etat105 ».

103
C’est ces raisons que les autorités du Congo Démocratique ont avancées en ce qui concerne Oscibi Johann du « Balai
Citoyen » (Burkina Faso) et Fadel Barro de « Y en a Marre » (Sénégal) arrêtés, à l’issue d’une conférence de presse tenue au
siège d’une ONG dénommée Ba jeune Maboko Na Maboko Pona Congo (Main dans la main pour le Congo) le 15 Mars 2015 à
Kinshasa avec plusieurs autres jeunes congolais de la société civile.
Suite à l’arrestation, les autorités sénégalaises et burkinabè avaient manifesté leur grand intérêt à l’évolution de la situation, en
demandant, la libération de leurs compatriotes. Il en est de même du français Serge Atlaoui condamné à mort pour trafic de
drogue en Indonésie.
104
J. C. WITENBERG, « La recevabilité des réclamations devant les juridictions internationales», RCADI, 1932, III, Vol. 41,
p.64.
105
L. GARCIA ARIAS, « La doctrine des clean hands » en droit international public », in Annuaire des anciens Auditeurs de
l'Académie de droit international, Vol.30, 1960, p.17.
23
Dans l'affaire Ben Tilett qui opposa la Grande-Bretagne à la Belgique, il s'agissait d'un syndicaliste
anglais, Ben Tilett, qui se rendit en Belgique, à Anvers, prendre la parole lors d'une réunion syndicale
interdite, et cela malgré les mises en demeure des autorités belges. Ben Tilett passa outre. Il fut arrêté et
renvoyé en Grande-Bretagne. La Grande-Bretagne prit fait et cause pour Ben Tilett, et demanda réparation à
la Belgique pour ce qu'elle pensait être une violation du droit international ; l'arbitre débouta la Grande-
Bretagne en raison de la violation par Ben Tilett du droit belge citer la SA. En bref, il n'avait pas les mains
propres.
Il convient de remarquer que la conduite blâmable du ressortissant n'empêche jamais un Etat de
présenter la réclamation quand il la juge opportune pour une raison quelconque. Dans ce cas la réclamation a
pour but de s’assurer que le national fautif est correctement traité et régulièrement soumis à la loi du pays
étranger.
Néanmoins il est établi que si le droit interne violé est contraire au droit international, il ne saurait être
question de sanctionner sa violation. La réclamation ici serait irrecevable. En outre lorsque dans une période
de guerre civil, des étrangers s’arment uniquement pour le maintien de l’ordre public sans intervenir dans les
évènements politiques, on ne saurait leur en faire grief106.
Au-delà du droit interne, le droit international peut être violé par l’individu.

B : LA VIOLATION DU DROIT INTERNATIONAL


En 1793, George Washington proclamait que « (...) celui des citoyens des Etats-Unis qui se rendra
punissable de châtiment ou de confiscation en vertu du droit des gens en commettant, aidant ou encourageant
des hostilités contre une des dites puissances (que sont l'Autriche, la Prusse, la Sardaigne, la Grande-
Bretagne, les Pays-Bas, d'une part, et de la France de l'autre) ou en lui transportant un des articles
considérés comme contrebande par l'usage actuel des nations, ne recevra pas la protection des Etats-Unis
contre cette punition ou confiscation107». Par violation du droit international, il s’agit de la commission d’acte
contraire au droit international. C’est par exemple, l’atteinte à la souveraineté ou à la neutralité d’un Etat, de
la violation des droits de l’homme, d’acte de piraterie ou de terrorisme, des crimes de droit international
humanitaire. L’Etat ne peut accorder sa protection diplomatique à son national lorsque la réclamation est la
conséquence dommageable d’une activité de ce dernier, contraire au droit international. Dans ce cas on peut
comprendre que si l’Etat endosse la réclamation au profit de son national, il se serait rendu complice des
agissements de son national.

106
A. C. KISS, Répertoire de la pratique française en matière de droit international public, Tome 4, CNRS, Paris, 1962, p.327.
107
Proclamation de George Washington du 22 avril 1793 portant déclaration de neutralité des Etats-Unis dans la guerre de
coalition contre la France.
24
Le droit international exige donc à tout Etat l’obligation que ses ressortissants ne violent pas les règles
établies. C'est ainsi que, dans l'affaire du Virginius qui opposa l'Espagne aux Etats-Unis, le navire (du nom de
l’affaire) avait obtenu par fraude la nationalité américaine et se livrait à la contrebande d'armes au profit
d'insurgés cubains. Il fut saisi en haute mer par un navire de guerre espagnol, et conduit à Cuba, où tous les
passagers furent jugés pour piraterie et exécutés. Dans l'absolu, l'Espagne était en droit d'agir comme elle le
fit. Toutefois, si une indemnité, en l'espèce, fut accordée à la Grande-Bretagne et aux USA à raison de
l'exécution des marins anglais et américains, ce fut parce que l'administration de la justice ait été défectueuse
de la part des autorités espagnoles locales. Cependant, la responsabilité de l'Espagne se trouva atténuée dans
la mesure où les individus en cause se livraient à un trafic international illicite.
Ici, dans ce paragraphe sur la théorie des mains propres, il faut comprendre que l'effet de la conduite
blâmable est d'interdire à l'Etat protecteur l'exercice de sa protection diplomatique. La conduite correcte d'un
ressortissant lésé est une condition de recevabilité d'une réclamation émanant de l'Etat protecteur.
Les conditions subjectives abordées, il faut que les conditions objectives soient également visitées.

SECTION 2 : LES CONDITIONS OBJECTIVES DE MISE EN ŒUVRE


La personne privée ne peut chercher à obtenir la protection de son Etat que si elle a au préalable épuisé
les voies de recours interne (§1) qui lui sont offertes par le droit de l’Etat dont elle demande réparation du fait
d’un acte illicite de la part de ce dernier (§2).

§ 1 : L’EPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNE


L’épuisement des voies de recours internes est nécessaire à toute action internationale en générale, et à
la protection diplomatique en particulier. La règle local remedies prescrit à l’individu qu’en cas de litige, il se
doit de trouver d’abord une solution à celui-ci dans l’ordre juridique de l’Etat où il se trouve, avant d’avoir
recours à son Etat national.
Dans cette partie, il sera question de l’analyse du fondement de la règle de l’épuisement des voies de
recours internes (A) et de celle du contenu de la dite règle (B).

A : LE FONDEMENT DE LA REGLE
La règle de l’épuisement des voies de recours internes est intimement liée à la souveraineté étatique.
En effet, si cette règle existe, c’est essentiellement pour permettre à l’Etat auteur du préjudice de le réparer
selon ses propres règles juridictionnelles internes. L'Etat défendeur doit avoir la possibilité de rétablir par ses
propres moyens, et dans le cadre de son système juridique, le préjudice qu'il a occasionné. Ce principe a été

25
rappelé dans l'affaire Interhandel108. S’il advenait que l’Etat intervienne en faveur de son national sans que ce
dernier ait épuisé toutes les voies de recours internes prévues et mises à sa disposition par l’ordre juridique de
l’Etat dont la responsabilité est recherchée109 ; cette intervention constituerait de manière évidente, une
violation « d’un grand principe du droit international coutumier110 » et une ingérence dans les affaires
intérieures d’un Etat.
Comment admettre qu’un individu fasse appel à son Etat alors qu’il existe des moyens de droit interne
à sa disposition pour régler le litige.
En effet il s'agit là d'une règle coutumière du droit international qui a été reconnue par la jurisprudence
internationale. C'est dans l'affaire chemins de fer de Panevezys-Saldustikis111 puis surtout dans l'affaire
Interhandel, la cour reconnut que : « la règle selon laquelle les recours internes doivent être épuisés avant
qu'une procédure internationale puisse être engagée est une règle bien établie du droit international
coutumier. Elle a été généralement observée dans des cas où un Etat prend fait et cause pour son
ressortissant dont les droits auraient été lésés dans un autre Etat, en violation du droit international. Avant
de recourir à la juridiction internationale, il a été considéré, en pareil cas, nécessaire que l'Etat où la lésion
a été commise puisse y remédier par ses propres moyens, dans le cadre de son ordre juridique »112.
On justifie cette obligation par deux présomptions. D’abord, il faut comprendre que lorsque l’individu
se rend à l’étranger ou y investit, il accepte par avance le droit positif de l’Etat. Il est censé faire confiance
aux recours que lui offre la loi nationale à l’égard de tous qu’ils soient nationaux ou étrangers.
Ensuite, du fait de la souveraineté étatique, les Etats reconnaissent l’équivalence des ordres juridiques
nationaux. De cela, on peut comprendre que les Etats accepteront sous réserve de réciprocité de n’agir en
faveur de leurs nationaux qu’une fois établie la défaillance ou l’insuffisance de la justice locale113.
La doctrine est divisée sur la portée de cette règle. Pour certains, il s’agit d’une simple règle de
procédure qui conditionne l’action internationale des Etats. Pour Jean Chappez c’est « une exigence de
procédure qui tend à maintenir la balance égale entre la souveraineté de l’Etat présumé responsable et la
sauvegarde du droit international114 » ; et d’après Charles Rousseau elle est « la traduction technique de
l’idée que la protection diplomatique est une voie exceptionnelle ou subsidiaire par rapport aux recours de

108
Aff. Interhandel, Suisse c. USA, 26 mai 1959, C.I.J. Rec., 1959.
109
P. DAILLIER, M. FORTEAU, A. PELLET, Droit International Public, op. cit., p.906.
110
Aff. ELSI, op cit, p.42.
111
Aff. Chemins de fer de Panevezys-Saldustikis, Estonie c. Lituanie, C.PJ.I, 28 février 1939, série A/B, n° 76.
112
Aff. Interhandel, op cit, p.27. Voir également aff. Ziat, Ben Kiram, Grande Bretagne c. Espagne, sentence arbitrale Max
Huber, 24 décembre 1924, in sentence arbitrale relatives aux réclamations britanniques dans la zone espagnole du Maroc, RSA,
Vol. II, pp.729-732.
113
Cf. P. DAILLIER, M. FORTEAU, A. PELLET, Droit International Public, op. cit., p.907 et s.
114
J. CHAPPEZ, Protection diplomatique, JCL, Vol. 4, fasc. 250, 1999, p.22.
26
droit commun115 ». Cependant d’autres estiment qu’il s’agit d’une règle de fond qui conditionne une fois
épuisé la responsabilité internationale de l’Etat. « La règle n’est pas une simple règle de procédure (…), elle
vise à protéger les Etats contre des réclamations mal fondées ou prématurées 116».
En somme, il faut admettre que la règle est une suite logique et procédurale du dommage. Que
renferme-t-elle alors ?

B : LE CONTENU DE LA REGLE
« La règle de l’épuisement des voies de recours interne implique l’épuisement de tous recours y
compris ceux devant la cour de cassation, laquelle seule peut, soit en cassant l’arrêt de la cour d’appel
renvoyer l’affaire pour un nouvel examen, soit en rejetant le pourvoi, rendre la décision définitive »117. Sur
cette affirmation, on perçoit que si le différend relève de la compétence des tribunaux nationaux, il ne doit
être soumis au niveau international qu’après un jugement passé en force de chose jugée et rendu dans des
délais raisonnables par l’autorité judiciaire nationale compétente.
Les voies de recours doivent être accessibles à la personne et être efficaces. Il s’agit d’épuiser tous les
recours juridictionnels, judiciaires ou administratifs de droit commun ou extraordinaire, successifs qui aboutit
à une décision définitive. « Si les recours internes qui doivent être épuisés comprennent tous les recours de
nature juridique, aussi bien les recours judiciaires que les recours devant les instances administratives, les
recours administratifs ne peuvent être pris en considération aux fins de la règle de l’épuisement des voies de
recours internes que dans la mesure où ils visent à faire valoir un droit et non à obtenir une faveur, à moins
qu’ils ne soient une condition préalable essentielle à la recevabilité de la procédure contentieuse ultérieure
118
».
Dans l’affaire Diallo, la CIJ indique que le fait qu’il existe des voies de recours ne suffit pas. Encore
faut-il que celles-ci soient effectives est que les délais soient raisonnables. « C’est au demandeur qu’il
incombe de prouver que les voies de recours internes ont bien été épuisées ou d’établir que des circonstances
exceptionnelles dispensaient la personne prétendument lésée et dont il entend assurer la protection d’épuiser

115
C. ROUSSEAU, Droit International Public, op cit, p.158.
116
L. CAVARE, le Droit International Public Positif, 3 ème éd., Pedone, 1967, Vol. 1, p.433.
117
Aff. compagnie d’électricité de Sofia et de Bulgarie, Belgique c. Bulgarie, CPJI, 14 Avril 1939, série A/B, n°77.
118
Aff. Ahmadou Sadio Diallo, op cit, § 47. En l’espèce, un homme d’affaires guinéen, M. Diallo, s’installe au Congo et crée
une première société en 1974, « Africom-Zaïre » dont il est le gérant, puis une autre société en 1979 « Africontainers-Zaïre »
avec d’autres partenaires qui par la suite quittent la société. Il devient donc le gérant de ces deux sociétés. En 1986, Africom-
Zaire reçoit de l’Etat une commande de fourniture de papier listing… dont l’Etat ne paiera jamais la facture. En 1987, le
paiement est décidé, puis bloqué par le premier ministre de l’époque qui accuse publiquement M. Diallo de vouloir escroquer
l’Etat et le fait emprisonner pendant un an sans jugement. Mais suite aux actions répétées de M. Diallo pour récupérer, au nom
des sociétés, un certain nombre de ses créances, le Premier ministre ordonne l’expulsion de M. Diallo du pays sur base du
procès-verbal de refoulement signé à l’aéroport, malgré la détention par ce dernier d’un titre de séjour à durée indéterminée
régulièrement délivré par les autorités zaïroises. Le 31 octobre 1995, le premier ministre zaïrois prit un décret d’expulsion à
l’encontre de M. Diallo .Le 31 janvier 1996, M. Diallo, fut renvoyé du territoire zaïrois pour être conduit en Guinée par la voie
aérienne, dans des conditions entravant sa dignité sans même avoir eu l’opportunité de faire valoir ses droits au niveau interne.
27
les recours internes disponibles […]. Quant au défendeur, il lui appartient de convaincre la Cour qu’il
existait dans son ordre juridique interne des recours efficaces qui n’ont pas été épuisés 119».
L’article 10 du projet de codification prévoit que « 1. Un Etat ne peut formuler une réclamation
internationale découlant d’un préjudice causé à un de ses nationaux, personne physique ou morale, avant que
le national lésé ait, sous réserve de l’article 14, épuisé tous les recours juridiques internes disponibles dans
l’État dont il est allégué qu’il est responsable du préjudice.
2. Par «recours juridiques internes» on entend les recours ouverts de droit aux personnes physiques ou
morales devant les tribunaux ou autorités judiciaires ou administratifs ordinaires ou spéciaux ».
La CDI confirme que la règle est une condition de recevabilité de la réclamation internationale et un préalable
à la mise en jeu de la responsabilité internationale d’un Etat.
Toutefois, il existe des atténuations à cette règle, lorsque l’acte dommageable a atteint une personne
jouissant d’une protection internationale spéciale d'une part. Ainsi dans l’affaire des activités armées sur le
territoire du Congo (RDC c. Ouganda), la RDC opposait à l’Ouganda la règle de l’épuisement quant à sa
deuxième demande reconventionnelle qui concernait le traitement infligé par les autorités du Congo à des
personnes de nationalité ougandaise, dont des diplomates. La CIJ a constaté que la règle ne pouvait pas
s’appliquer s’agissant du traitement infligé à ces derniers. Pour la cour, les mauvais traitements qui auraient
été infligés à des diplomates ougandais se trouvant dans les locaux de l’ambassade ou ailleurs, la Cour
observe que la deuxième demande reconventionnelle de l’Ouganda vise à obtenir réparation des dommages
que celui-ci aurait lui-même subis du fait des prétendues violations par la RDC de l’article 29 de la
convention de Vienne sur les relations diplomatiques. Dès lors, l’Ouganda n’exerce pas sa protection
diplomatique au nom des victimes, mais fait valoir des droits propres que lui confère la convention de Vienne.
La Cour conclut en conséquence que le non épuisement des voies de recours internes ne fait pas obstacle à la
demande reconventionnelle que l’Ouganda a présenté au titre de l’article 29 de la Convention de Vienne et
que, par suite, ladite demande est recevable 120».
C’est le même argument que la cour avait utilisé trois ans plus tôt à l’action directe exercée par la
RDC à l’encontre du mandat d’arrêt délivré par la Belgique contre son ex-ministre des affaires étrangères,
dans l’affaire du Mandat d’arrêt121.
Il peut être décidé d'y déroger par convention expresse contraire d'autre part.
La règle de l’épuisement des voies de recours interne s’applique en cas de fait internationalement illicite dont
serait victime un individu. Qu’en est-il alors de ce fait internationalement illicite ?

119
Aff. Ahmadou Sadio Diallo, op cit, § 44. Cf. également le projet d’article 15 dans le Troisième rapport sur la protection
diplomatique, A/CN.4/523, disponible sur www.un.org .
120
Aff. Affaire des activités armées sur le territoire du Congo, R.D.C. c. Ouganda, arrêt du 19 décembre 2005, p. 97, § 330.
121
Aff. relative au mandat d’arrêt du 11 avril 2000, RDC c. Belgique, arrêt du 14 février 2002.
28
§ 2 : L’EXIGENCE D’UN ACTE INTERNATIONALEMENT ILLICITE DE L’ETAT
Tout ordre juridique, quel qu’il soit, suppose que les sujets de droit engagent leur responsabilité
lorsque leurs comportements portent atteinte aux droits et intérêts des autres sujets de droit. Les Etats ne sont
pas en reste puisqu’ils sont sujets de droit (international). La notion de responsabilité (A) n’est pas en reste
dans l’ordre juridique international. Et cette responsabilité ne peut être engagée que par un fait générateur (B).

A : LA NOTION DE RESPONSABILITE INTERNATIONALE


Dans l’affaire Barcelona Traction, la CIJ a reconnu la responsabilité internationale des Etats comme
étant « le corollaire du droit international ». Le droit de la responsabilité internationale des Etats s’est
considérablement formé au XXème siècle. En effet, les premières règles relatives à la responsabilité
internationale de l’Etat qui se sont dégagées à cette période sont coutumières.
Le droit international oblige les Etats malgré l’institution des règles internationales au profit des sujets
internes. Ainsi il ne peut, sauf exception, exister de responsabilité internationale des sujets de droit interne
notamment les agents de l’Etat. Le principe général est l’attribution à l’Etat, sujet de droit international des
faits de ses organes propres. Le droit international n’attache pas d’importance à l’origine de l’obligation
violée, qui peut être conventionnelle ou tenir du droit international coutumier. Comme l’a stipulé la CDI, le
fait illicite peut prendre la forme d’une omission ou d’un agissement, selon qu’il consiste dans la violation
d’une obligation de faire ou d’une obligation d’abstention122.
Lorsqu’il s’agit d’une règle de droit international non respectée qui consiste en une obligation de
résultat, de comportement ou de moyen, la détermination du caractère illicite d’un fait est sans difficulté
apparente. Dans le cas d’une obligation de comportement, il suffit de constater que son destinataire n’a pas
adopté l’attitude attendue de lui pour en déduire la violation d’une obligation internationale. C’est ainsi que
dans l’affaire Lagrand, la CIJ a estimé que les USA en « s’étant borné à transmettre le texte de l’ordonnance
au gouverneur de l’Arizona sans l’accompagner d’aucun commentaire, ni d’une demande de sursis à
l’exécution, ne s’étaient pas acquittés de l’obligation de comportement (et non de résultat) leur
incombant 123». Dans cette affaire il s’agissait des frères Karl et Walter Lagrand, nationaux allemands, armés
d'un pistolet en plastique le 7 janvier 1982 tentèrent de braquer une banque; rencontrant la résistance d'un
employé, ils le tuent avec un coupe-papier. Ils furent condamnés à la peine capitale. La convention de Vienne
de 1963 sur les relations consulaires imposait aux autorités américaines compétentes de les informer sans
délai de leur droit de communiquer avec le consulat d'Allemagne. Or, en fait, le consulat n'a été informé de

122
L’art.2 du projet d’article de la CDI sur la responsabilité des Etats dispose qu’ « il y a fait internationalement illicite de
l’Etat lorsqu’un comportement consistant en une action ou une omission :
a) Est attribuable à l’Etat en vertu du droit international; et
b) Constitue une violation d’une obligation internationale de l’Etat ».
123
Aff. Lagrand, op cit, p.506-508, §. 111-115.
29
l'affaire qu'en 1992 par les détenus eux-mêmes, qui ont eu connaissance de leurs droits par d'autres sources. A
ce stade, ils ont été empêchés, en raison de la doctrine de droit américain dite de la «carence procédurale», de
remettre en cause leurs condamnations en se prévalant de la méconnaissance de leurs droits en vertu de la
convention de Vienne. Karl Lagrand a été exécuté le 24 février 1999. Le 2 mars 1999, un jour avant la date
prévue pour l'exécution de Walter Lagrand, l'Allemagne a porté l'affaire devant la CIJ. Cette dernière a rendu
le 3 mars 1999 une ordonnance en indication de mesures conservatoires qui précisait notamment que les USA
devaient prendre toutes les mesures dont ils disposaient pour que Walter Lagrand ne soit pas exécuté dans
l'attente d'une décision définitive de la Cour. Le même jour, Walter Lagrand a été exécuté. Pour l’Allemagne
en n’informant pas sans retard Karl et Walter Lagrand après leur arrestation de leurs droits en vertu de
l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 36 de la convention de Vienne sur les relations consulaires, et en
privant l’Allemagne de la possibilité de fournir son assistance consulaire, ce qui a finalement conduit à
l’exécution de Karl et Walter Lagrand, les Etats-Unis ont manqué à leurs obligations juridiques
internationales vis-à-vis de l’Allemagne au titre de l’article 5 et du paragraphe 1 de l’article 36 de ladite
convention124, tant en ce qui concerne les droits propres de l’Allemagne que le droit de cette dernière
d’exercer sa protection diplomatique à l’égard de ses ressortissants. L’Etat ne peut opposer son système de
droit interne pour s'exonérer de sa responsabilité internationale.
La responsabilité internationale n’a de sens que si intervient un évènement déclencheur.

B : LE FAIT GENERATEUR
Pour beaucoup d’auteurs, il faut qu’un dommage ait résulté d’un fait pour que la responsabilité d’un
Etat soit engagée à l’encontre d’un autre Etat. L’exigence de l’existence d’un dommage conditionne la mise
en œuvre de la responsabilité sur le plan diplomatique et sur le plan judiciaire. Elle est l’expression du
principe en droit selon lequel nul ne peut intenter une action en justice s’il ne possède pas d’intérêt pour agir.
Par conséquent tous les Etats peuvent être considérés comme ayant un intérêt juridique à ce que ces droits
soient protégés lorsque survient un fait dommageable.
Pour la CDI le fait générateur désigne l’origine de la responsabilité. Ce n’est pas le dommage mais ce
qui l’a causé125. Selon Denis Alland, le fait générateur peut être un fait susceptible d’engager la responsabilité
internationale et imputable à un Etat126.

124
« Si l’intéressé en fait la demande, les autorités compétentes de l’Etat de résidence doivent avertir sans retard le poste
consulaire de l’Etat d’envoi lorsque, dans sa circonscription consulaire, un ressortissant de cet Etat est arrêté, incarcéré ou
mis en état de détention préventive ou toute autre forme de détention. Toute communication adressée au poste consulaire par la
personne arrêtée, incarcérée ou mise en état de détention préventive ou toute autre forme de détention doit également être
transmise sans retard par lesdites autorités. Celles-ci doivent sans retard informer l’intéressé de ses droits aux termes du
présent alinéa; », art. 36-1-b de la convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires.
125
J. COMBACAU, S. SUR, Droit International Public, Paris, Montchrestien, 1993, p.535.
126
D. ALLAND, Droit International Public, Paris, PUF, 2000, p.401.
30
Pour mettre en jeu la responsabilité, le fait générateur doit réunir deux caractères : il doit d’abord être
imputable à un Etat, c’est-à-dire être de son fait. C’est l’élément subjectif du fait générateur. Ensuite il doit
être illicite donc contraire au droit international d’où l’expression « fait internationalement illicite ». C’est
l’élément objectif du fait générateur.
En ce qui concerne l’élément subjectif, il s’agit de rendre possible le rattachement de la conduite d'un
sujet interne à un sujet international, aux fins de détermination de la responsabilité. Ainsi, aucune distinction
n'est à établir entre les autorités centralisées et décentralisées, entre celles qui sont spécialement en charge des
relations extérieures de l'Etat et les autres, non plus qu'en fonction du caractère législatif, exécutif,
administratif ou juridictionnel des activités d’un agent. L'Etat peut voir sa responsabilité engagée alors que le
fait est imputable à son agent même s'il s'agit d'un agent subalterne et quel que soit l'organe qui a agi.
L’élément objectif quant à lui signifie que la non-conformité du fait générateur du dommage avec une
règle internationale suffit à ouvrir le droit à une action en responsabilité internationale. Il faut de façon
cumulative que la violation soit grave, qu'elle viole une règle erga omnes, essentielle pour la protection des
intérêts fondamentaux de la communauté internationale dans son ensemble.
Le fait générateur peut se réaliser spontanément ou se poursuivre dans le temps. Il est donc possible
que n’apparaisse pas avec évidence le moment de la naissance du fait illicite. Sur cela un étranger lésé dans
un pays et qui a épuisé toutes les voies de recours, l’on se demande si la naissance du litige est à posteriori ou
si c’est au moment où il y a épuisement des voies de recours. La question de la date à laquelle le fait illicite
s’est produit présente une importance pratique, surtout lorsqu’il faut établir la date de la survenance d’un
différend aux fins de son règlement (juridictionnel).

31
CONCLUSION DU TITRE 1
La protection diplomatique, telle qu'elle a été forgée par la pratique à la fin du siècle dernier et au
début de celui-ci et formulée par la C.P.J.I en 1924, demeure aujourd'hui une institution juridique vivace
malgré les incohérences logiques de son régime, par exemple au niveau de la victime réelle du dommage, de
la question de l’indemnité. Elle porte témoignage de la volonté tenace des Etats de ne pas reconnaître aux
particuliers, qu'il s'agisse de personnes morales ou d'individus, une personnalité juridique internationale
majeure qui entrerait en concurrence avec la leur.
La responsabilité est une institution importante du droit international. Les Etats qui détiennent le
monopole de sa mise en œuvre conservent un instrument de contrôle juridique particulièrement efficace,
d'autant plus que l'exercice de la protection diplomatique relève sans aucun doute du pouvoir discrétionnaire
de l'Etat.
Les évolutions récentes du droit international ont fortement impacté l’institution de la protection
diplomatique.

32
TITRE 2 : L’EFFRITEMENT DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE

Le droit international, jadis droit des relations interétatiques, a connu une remarquable évolution dans
le cadre de la protection des individus, notamment avec le régime conventionnel des droits de l'Homme qui a
affirmé celui-ci au titre de sujet actif de ce droit. Les évolutions récentes de la protection diplomatique
témoignent d’un assouplissement des conditions de mise en œuvre de cette règle et d’une meilleure protection
des droits de l’Homme. L’Etat voit ainsi sa prérogative en matière de protection diplomatique se briser
(chapitre 1). L’individu quant à lui, est reconnu comme le premier bénéficiaire des droits fondamentaux.
La multiplication des normes relatives à la protection dans le domaine des droits de l’homme, les diverses
organisations au sein desquelles elles sont consacrées laissent craindre un risque de fractionnement de la
protection diplomatique au niveau international (chapitre 2).

33
CHAPITRE 1 : L’EFFRITEMENT NATIONAL

Le droit international connaît depuis longtemps des procédures qui permettent aux sujets internes
d’agir directement devant les juridictions internationales. Point besoin pour les particuliers de passer par leurs
autorités nationales afin de voir leur cause résolue sur le plan international.
L’individu ayant vu son statut s’améliorer, cela a du même coup contribué à réduire le rôle de l’Etat
dans la fiction de l’endossement (section 1) et par la même occasion, a permis de passer, d’un droit de l’Etat à
un droit de l’individu (section 2).

SECTION 1 : LE ROLE MINORE DES ETATS


De nos jours dans le contentieux de la protection diplomatique, le rôle de l’Etat jadis premier et
discrétionnaire tend à disparaitre progressivement. C’est ainsi que la nationalité qui était la condition sine qua
non dans le cadre de la protection diplomatique ne s’impose plus comme étant une exigence préalable à la
protection des individus (§1). De plus certaines autres conditions sont en voie de disparition (§2).

§ 1 : L’ABANDON DE LA CONDITION DE NATIONALITE


L’avènement d’un nouvel ordre mondial qui vise à mieux garantir le respect des droits de l’Homme
voit l’apparition de nouveaux concepts (A). Dans la conception traditionnelle, les réfugiés et les apatrides
constituaient une catégorie d’étrangers insusceptibles de demander la protection diplomatique. La conception
évolutive leur confère désormais une possibilité de bénéficier de la protection diplomatique d’un pays dont ils
n’ont pas la nationalité (B).

A : DE L’INTERVENTION D’HUMANITE A LA RESPONSABILITE DE PROTEGER


L’intervention d’humanité est « l’action qui met en jeu la force armée ou la diplomatie afin de faire
cesser, par la pression, des manquements graves aux droits de l’homme mettant en péril la vie de nombreux
individus127». Cette action peut être unilatérale comme multilatérale, ou être menée par une organisation
internationale.
La théorie de l'intervention d'humanité considère que « le gouvernement qui manque à sa fonction en
méconnaissant les intérêts humains de ses ressortissants commet ce que l'on pourrait appeler un
détournement de souveraineté : sa décision ne s'impose plus souverainement au respect des tiers, car les
128
actes arbitraires ne sont pas des actes de souveraineté ». « La condition essentielle que doit remplir

127
M. BETTATI, « Un droit d’ingérence ? », in RGDIP, Vol. II, 1991, p.651.
128
A. ROUGIER, « La théorie de l'intervention d'humanité en droit international », in R.G.D.I.P, 1910, p.495 et s.
34
l’intervention d’humanité quant au fond est la poursuite exclusive de l’intérêt humanitaire par l’Etat qui
s’érige en protecteur129 ».
La protection diplomatique et l’intervention d’humanité ont en commun d’être des mécanismes
discrétionnaires d’intervention étatique, mais une différence fondamentale est que l’intervention d’humanité
n’a jamais été consacrée en droit international public. La condition de nationalité fait défaut comme nous
pouvons le remarquer. En outre, la doctrine traditionnelle préconise d’étendre cette mesure de protection à la
défense des ressortissants d’Etat en guerre130. L’intervention vise à protéger des individus dont les droits
protégés sont violés. Contrairement à la protection diplomatique, l’intervention d’humanité est désintéressée
puisque les Etats n’interviennent pas pour obtenir réparation d’un droit propre dont ils seraient lésés. Ils
interviennent même souvent de manière collective pour l’intérêt d’une population donc pour l’intérêt de
l’humanité131.
La principale controverse sur la question est relative à sa licéité, car comme nous l’avons dit, elle n’a
pas été consacrée par le droit international public. De l’avis de Georges Scelle, la légitimité (et non légalité)
de l’intervention d’humanité s’explique par la nécessité de maintenir l’ordre public international 132. Pour lui,
les interventions sont légales car les gouvernements qui interviennent agissent pour assurer le respect d’un
certain nombre de règles fondamentales du droit international commun. Il s’agit d’assurer le respect de la
personne humaine, de sa vie, de ses libertés, de sa propriété 133. Quant aux adversaires de toute intervention,
ils motivent l’illégalité de ces interventions selon l’article 2 §4 de la charte de l’ONU 134 qui interdit aux Etats
le recours à la force armée dans leurs relations réciproques d’une part; ainsi que sur la Résolution 2625 du 24
octobre 1970 de l’AGNU d’autre part135.

129
E. PEREZ-VERA, « La Protection d’humanité en droit international », in RBDI, 1969, p.417.
130
C. ZORGBIBE, Le droit d’ingérence, Paris, PUF, 1994, p.9.
131
Ces justifications ont légitimé les interventions d'humanité entreprises par les Etats européens dans l'empire ottoman pour
secourir les chrétiens persécutés par les musulmans turcs. Plus récent et plus proche de nous, on note les interventions
suivantes : Israël en 1976 en Ouganda dans l'affaire d'Entebbe, la France en 1978 au Zaïre à Kolwezi, la Belgique, la France et
l'Italie en 1994 au Rwanda.
132
G. SCELLE, Précis de droit des gens, Paris, Sirey, Vol.2, 1934, p.50.
133
G. SCELLE, Droit International Public, Paris, Montchrestien, 1944, p.622. La raison principale qui a motivé la majorité des
interventions ont été dans le cadre de la protection du droit à la vie de l’homme ou des populations.
134
« Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi
de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible
avec les buts des Nations Unies. », art. 2 §4 de la charte de l’ONU.
135
Selon cette Résolution, « aucun Etat, ni groupes d’Etats n’a le droit d’intervenir directement ou indirectement pour quelque
raison que ce soit dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre Etat. En conséquence, non seulement l’intervention
armée, mais aussi toute autre forme d’ingérence ou toute menace dirigées contre la personnalité d’un Etat ou contre ses
éléments politiques, économiques et culturels sont contraires au droit international ». Les adversaires de cette thèse pensent
que : « l’intervention d’humanité n’est pas dirigée contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un Etat.
L’intervention d’humanité répondrait à un impératif moral ». Sur la question voir M. BETTATI, « un droit d’ingérence ? », op
cit, p.649.
35
Toutes ces critiques sur la licéité de l'intervention d'humanité ont fragilisé la notion. « Elle est parfois
accusée de justifier une nouvelle modalité de colonialisme136». C'est ainsi qu'elle va s'effacer pour laisser la
place à la responsabilité de protéger.
L’expression « responsabilité de protéger » a été énoncée pour la première fois dans le rapport de la
Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté (ICISS), instituée par le gouvernement
canadien en décembre 2001. La Commission avait été formée en réponse à la question posée par Kofi Annan
alors Secrétaire Général de l’ONU, de savoir quand la communauté internationale doit intervenir à des fins
humanitaires. Le rapport de la Commission, a conclu que la souveraineté non seulement donnait à un Etat le
droit de “contrôler” ses propres affaires, mais aussi lui conférait la “responsabilité” première de protéger les
personnes vivant à l’intérieur de ses frontières.
C’est en avril 2006 que le CSNU a fait officiellement référence pour la première fois à la
responsabilité de protéger, dans sa résolution 1674 sur la protection des civils en période de conflit armé137.
Quant à l'AGNU, elle a adopté la résolution 63/308 intitulée « la responsabilité de protéger », en plus du
document final du sommet mondial de 2005 comme résolution138.
Toutes ces reconnaissances et invocations traduisent l'acceptation du principe de la responsabilité de
protéger et cristallise son caractère coutumier. Les gouvernements ont ainsi manifesté leur volonté de réagir
contre des menaces dont les autorités nationales n’assurent pas la protection de leurs propres populations. Il
s’agit donc pour des Etats d’un devoir de protéger contrairement à la protection diplomatique dont la mise en
œuvre était laissée à la discrétion des Etats. Cette obligation de protéger repose sur la souveraineté des Etats.
Selon la commission être souverain veut dire être responsable de la vie et de la sécurité des citoyens, et
répondre des actes que l'on pose en tant qu'autorité étatique vis-à-vis non seulement des citoyens mais aussi
de la communauté internationale. Comme le disait Boutros Boutros Ghali : « il n’y a pas lieu de s’enferrer
dans le dilemme respect de la souveraineté-protection des droits de l’homme. (…) Ce qui est en jeu ce n’est
pas le droit d’intervention, mais bien l’obligation collective qu’ont les Etats de porter secours et réparation
dans les situations d’urgence où les droits de l’homme sont en péril 139».

136
B. E. OUBDA, La protection des étrangers en droit international, mémoire, IDRI, 2007, p.33.
137
Il s’agissait d’impliquer les casques bleus dans la sécurisation de l’aide humanitaire et s’il le faut avec recours à la force
pour permettre l’arrivée effective des organismes de secours auprès des populations civiles. La situation du Darfour a participé
à cette prise de conscience au niveau onusien.
138
La résolution est disponible sous forme du Document A/RES/63/308 sur www.un.org. Le sommet de 2005 a consacré la
reconnaissance du principe de la responsabilité de protéger par les Etats. Ce sommet s'est tenu du 14 au 16 septembre 2005 à
New York, au siège de l'ONU. Au Sommet, les dirigeants mondiaux ont convenu que, lorsqu’un Etat ne satisfait pas à cette
responsabilité, tous les autres Etats sont responsables d’aider à protéger les personnes menacées par ces crimes. Ce processus
commence par les moyens pacifiques notamment diplomatiques, humanitaires et autres. S’ils s’avèrent insuffisants ou si les
autorités nationales échouaient à protéger leur population, la communauté internationale doit agir collectivement en temps utile
et de manière résolue par l’entremise du CSNU en conformité avec la Charte des Nations Unies. Le rapport du Document final
du sommet mondial de 2005, A/60/L.1, est disponible sur www.un.org.
139
Boutros Boutros GHALI cité in P. DAILLIER, M. FORTEAU, A. PELLET, Droit International Public, op. cit., p.494.
36
Récemment, la responsabilité de protéger a fait l’objet d’un certain nombre de résolutions adoptées par
le CSNU en Libye140, en Côte d’Ivoire141, au Yémen142, au Soudan du Sud 143, en Syrie144.
La situation des réfugiés et apatrides a connu une évolution en matière de protection diplomatique.

B : LE CAS DES REFUGIES ET DES APATRIDES


Le terme « réfugié », s'entend de « toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait
de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses
opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte,
ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays
dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite
crainte, ne veut y retourner 145».
Quant à l’apatride, c’est « une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par
application de sa législation146».
Dans ce cas, on a d’une part le refugié qui possède une nationalité mais ne peut l’invoquer et d’autre
part l’apatride qui n’a pas de nationalité. La mise en œuvre de la protection diplomatique s’avère en principe
difficile voire impossible, puisque comme nous l’avons vu la nationalité en est une condition essentielle. On
est donc amené à penser que ces personnes sont laissées à elles-mêmes et seront constamment des victimes
sans pouvoir exiger réparation.
La commission des réclamations USA-Mexique dans l’affaire de la Dickson Car Wheel Company a
estimé qu’un Etat ne peut être responsable d’un dommage qu’il causerait à un apatride147.
Il serait inconcevable qu’un individu n’ait pas droit à une protection et/ou à une réparation face à un
dommage dont il serait la victime. De même comment comprendre qu’un réfugié qui fuit son Etat craignant
pour sa vie se voit dépourvu de protection. Ce qui vaut pour le refugié vaut pour l’apatride.
L’évolution du droit international tend à remédier à cela. En effet des conventions dont l’objectif premier est
d’améliorer le sort des réfugiés148 et des apatrides149, ont été adoptées.

140
Résolution 1970, du 26 février 2011 adopté par le CSNU.
141
Résolution 1975, du 30 mars 2011 adopté par le CSNU.
142
Résolution2014, du 21 octobre 2011 adopté par le CSNU.
143
Résolution 1996, du 08 juillet 2011 adopté par le CSNU.
144
Dans le cas de la Syrie, le CSNU a voté le 4 février 2012 un projet de résolution mais la Chine et la Russie ont exercé leur
droit de veto et, en conséquence, bloqué l’adoption de la résolution.
145
Art. 1-A-2, de la Convention relative au statut des réfugiés adoptée le 28 juillet 1951 à Genève.
146
Art. 1er de la convention de New York relative au statut des apatrides du 28 septembre 1954.
147
Aff. Dickson Car Wheel Company, USA c. Mexique, RSA, décision juillet 1931, Vol. IV, p.678.
148
Il s’agit de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ; du Protocole relatif au statut des réfugiés
du 31 janvier 1967 ; en Afrique de la convention de l'OUA régissant les aspects propres au problème des réfugiés en Afrique du
10 septembre 1969.
37
En 1999 l’International Law Association150 envisageait la possibilité pour un Etat de présenter des
réclamations au profit de personnes non ressortissantes de cet Etat pour des cas de situations humanitaires151.
Le premier rapport de 2000 sur la protection diplomatique préconisait qu’ « un Etat peut exercer la protection
diplomatique à l’égard d’un apatride ou d’un réfugié si l’intéressé réside habituellement et légalement sur le
territoire de l’Etat requérant et a un lien effectif avec cet Etat; à condition que le dommage ait eu lieu après
que l’intéressé est devenu résident légal de l’Etat requérant152 ».
Pour Grahl-Madsen Atle, une fois qu’un individu acquiert le statut de réfugié, son Etat perd son droit
de protection diplomatique à l’égard de ce réfugié. Pour lui l’obtention de ce statut est comparable à
l’acquisition d’une nouvelle nationalité153.
La demande d’asile ou du statut de réfugié n’est pas seulement l’expression d’un désir, mais aussi une
démarche juridique précise qui montre la volonté du refugié de bénéficier de la protection de l’Etat d’accueil.
L’Etat d’accueil, en accordant l’asile au réfugié et en lui délivrant des documents d’identité et des titres de
voyage, montre sa volonté de l’accepter et de le protéger154. La CDI dans son projet de 2006 retient la même
solution155. Si la solution envisagée par la CDI est retenue, « il s’agirait d’une résurrection du projet de
convention dit de Harvard sur la responsabilité internationale des Etats sur les dommages causés aux
étrangers puisque ce dernier assimilait au national l’apatride ayant sa résidence habituelle dans l’Etat156».
La Convention européenne sur les fonctions consulaires qui, il faut le souligner, n’est pas encore
entrée en vigueur, établit un système similaire de protection des apatrides, qui prend en compte la résidence
habituelle plutôt que la nationalité157.

149
On a la convention de New York sur le statut des apatrides du 28 Septembre 1954, la convention sur la réduction des cas
d’apatridie du 30 aout 1961.
150
L’Association a pour objet social d’étudier, de clarifier et de développer le droit international, public et privé et de renforcer
la compréhension entre les Nations et le respect du droit international. En outre elle est chargée de promouvoir, mener ou
contribuer à promouvoir et à mener des recherches, études et enquêtes et publier tous résultats utiles de telles recherches, études
et enquêtes.
151
Voir commentaire de l’article 8 du 1er rapport sur la protection diplomatique, document A/CN.4/506, juillet-aout 2000.
152
ibid.
153
A. GRAHL-MADSEN, « Protection of refugees by their country of origin », YJIL, Vol. 11, nº 2, 1986, p.389-394.
154
L. T. LEE, Consular Law and Practice, 2e éd., Oxford, Clarendon Press, 1991, p.358.
155
« 1. Un Etat peut exercer la protection diplomatique à l’égard d’une personne apatride si celle-ci, à la date du préjudice et
à la date de la présentation officielle de la réclamation, a sa résidence légale et habituelle sur son territoire.
2. Un Etat peut exercer la protection diplomatique à l’égard d’une personne à laquelle il reconnaît la qualité de réfugié,
conformément aux critères internationalement acceptés, si cette personne, à la date du préjudice et à la date de la présentation
officielle de la réclamation, a sa résidence légale et habituelle sur son territoire.
3. Le paragraphe 2 ne s’applique pas dans le cas d’un préjudice dû à un fait internationalement illicite commis par l’État de
nationalité du réfugié. » : Art. 8 du projet de la CDI.
156
J. F. FLAUSS (dir.), La protection diplomatique. Mutations contemporaines et pratiques nationales, op cit, p.47.
157
« Le fonctionnaire consulaire de l’État où réside habituellement un apatride peut protéger celui-ci d’après les dispositions
du paragraphe 1er de l’article 2 de la présente Convention, à moins que cet apatride ne soit un ancien ressortissant de l’État
de résidence » : art.46§1.
38
Notons néanmoins qu’il existe des cas de protection des ressortissants d'un Etat par un autre Etat par la
substitution de la représentation diplomatique. Ainsi, la Suisse protège les ressortissants du Liechtenstein, à
l'étranger. Il s’agit du mécanisme de la protection d’intérêts qui « est une atténuation de l’exigence du lien de
nationalité puisque l’Etat B va assurer la protection des intérêts des ressortissants de l’Etat A alors que ces
derniers ne sont pas ses nationaux158».
La Suisse protège également les réfugiés qui ne sont plus attachés de facto à leur Etat d’origine, avec
l’assentiment de l’Etat contre lequel la réclamation est présentée159. La Belgique quant à elle, fournit une
protection administrative et consulaire à l’étranger à ceux qui ont le statut de réfugié en Belgique160.
Au-delà de la nationalité d’autres conditions se sont effacées.

§ 2 : L’ABANDON DE CERTAINES CONDITIONS


En soumettant une demande en son nom propre, un Etat invite la Cour à statuer sur la violation des
droits dont il soutient avoir été victime à la fois directement et à travers la violation des droits individuels
conférés à ses ressortissants. Toutefois, dans la nouvelle philosophie de la protection des individus, l’Etat n’a
plus une compétence discrétionnaire dans le litige (A), et le comportement de l’individu n’est plus un critère
déterminant pour l’appréciation du litige (B).

A : LA CONDITION DE DISCRETION
Comme nous l’avons vu, l’individu en droit international classique ne peut invoquer les dispositions
du droit international. La qualité de sujet de droit international étant conféré aux Etats, ceux-ci apparaissent
comme un écran entre l’individu et le droit international161. Cette théorie de l’écran étatique fait de l’individu
une entité isolée. La notion de droit propre empêche à l’individu la mise en œuvre immédiate de la protection
diplomatique.
L’évolution de la protection des droits de l’homme a permis à l’individu de se voir reconnaître un droit
d’action international quand sont en jeu ses droits fondamentaux, et balaie ainsi la théorie de l’écran étatique.
Cette théorie n’est pas opaque et toute « technique juridique permettant de la percer octroie à la personne
privée une certaine capacité juridique internationale162».
La saisine d’une juridiction internationale de droit de l’homme ne nécessite en principe aucun
endossement de la part d’un Etat. L’individu victime est à même de donner suite au dommage qui lui a été

158
D. L. KASSABO, « Les nouvelles tendances de la protection diplomatique de l’individu en droit international » in
publication le Cames, 1er semestre, 2015, p.57.
159
L. CAFLISCH, « Pratique suisse en matière de droit international public 1977 », Annuaire suisse de droit international, Vol.
XXXIV, Zurich, 1978, p.113.
160
L. T. LEE, Consular Law and Practice, op cit, p358.
161
D. L. KASSABO, « Les nouvelles tendances de la protection diplomatique de l’individu en droit international », op cit, p.39.
162
P. DAILLIER, M. FORTEAU, A. PELLET, Droit International Public, op. cit., p.717.
39
causé sans passer par l’intermédiaire de son Etat. Contrairement à l’Etat qui est libre d’accepter ou de rejeter
la protection diplomatique, les juridictions internationales ont une obligation de recevabilité de la requête
introduite tant que cette requête respecte les conditions juridiques de recevabilité. Leurs droits sont plus
respectés et mieux défendus dans ce cas.
Si la protection diplomatique est un droit propre de l'Etat, lui consacre des pouvoirs importants,
soumet la mise en œuvre à sa volonté discrétionnaire et impose à l'individu des conditions procédurales
lourdes, il en est autrement en cas de compétence universelle par exemple. La compétence universelle est le
mécanisme permettant la poursuite et la répression des infractions indépendamment du tout rattachement des
auteurs du crime. Il s’agit notamment d’une loi belge de 1993 par la suite modifiée en 1999, qui retient la
compétence des Cours et Tribunaux belges pour les crimes de droit international, quels que soient les lieux du
crime, la nationalité ou le lieu de résidence des suspects ou des victimes, cela au mépris de toute immunité.
L'individu est donc responsable à titre de personne privée ou agent public. La volonté de ne pas laisser
impunis certains crimes conduit ainsi la communauté internationale à écorner la souveraineté de l'Etat. Dans
ce cas un Etat ne peut invoquer le fait qu’il est victime d’un dommage à travers son national puisque cet Etat
ne pourra se prévaloir d'un intérêt juridique direct. C’est ce qui a été affirmé par la CIJ dans l’affaire sur le
mandat d’arrêt pour refuser l’action en protection diplomatique du Congo en faveur de Yérodia163.
Les pouvoirs de l'Etat se sont vus donc limités et l'individu s'est vu déchargé du poids de ces
conditions. On lui reconnaît de plus en plus des droits dont la protection est exigée, à travers plusieurs
instruments internationaux, soutenue par la compétence universelle, renforçant ainsi son statut sur la scène
internationale. Ainsi même si l’individu a un comportement blâmable, il bénéficie tout de même de droits.

B : LA CONDITION DES MAINS PROPRES


« L’universalité qui caractérise la notion même de droits de l’homme et par conséquent de leur
protection internationale mondialise en quelque sorte la protection diplomatique prévue dans le droit
international classique ; tout en la modifiant à certains égards, le lien de nationalité est déplacé par le
respect de la légalité objective, la doctrine des mains propres n’a plus de relevance164».
Dans cette conception, il ne s’agit plus d’un comportement répréhensible de l’individu mais d’une
violation de ses droits fondamentaux dont il est question. C’est ainsi que selon la CEDH dans l’affaire Van
Der Tang, même si la victime a eu un comportement blâmable et répréhensible, « le requérant était fondé à

163
Voir C. SANTULLI, « Observations sur les exceptions de recevabilité dans l'affaire du Mandat d'arrêt du 11 avril 2000
(République démocratique du Congo c. Belgique) », in AFDI, 2002. P263. Cf. aussi Aff. Barcelona Traction, op cit, p.3 et ss.
164
M. PINTO, « De la protection diplomatique à la protection des droits de l’homme », in RGDIP, 2002, p.513.
40
s’attendre à ce que lui soient garantis (…) les droits et les libertés inscrits dans la convention. Son acte
ultérieur ne réduit en rien son intérêt légitime à voir la cour constater une violation en son encontre 165».
Plusieurs auteurs remettent en cause le bien-fondé de cette règle dans le cadre de la protection diplomatique et
milite pour son abandon. C’est ainsi que Paul Reuter estime que :
1- « si par théorie des mains propres on entend qu'un gouvernement a le droit de refuser sa protection
diplomatique à un citoyen indigne, cette théorie est inutile. Cet aspect n'est, en effet, qu'un cas
d'application du caractère discrétionnaire de la protection diplomatique ;
2- si cette théorie tend à prouver que l'indignité ou la conduite blâmable du requérant peut conduire le
tribunal international à repousser sa demande au fond ou à ne lui accorder qu'une indemnité réduite,
elle est encore inutile car ce n'est, à nouveau, qu'un cas d'application des principes généraux relatifs
à la condition d'illicite ou au calcul des dommages et intérêts ;
3- dans la mesure enfin où cette théorie a pour but de conclure à l'irrecevabilité des demandes émanant
de requérants dont la conduite a été blâmable, elle repose sur de fausses prémisses. En effet, la
pratique arbitrale que l'on invoque à l'appui de cette conclusion est inexistante s'agissant de
violations du droit interne, ancienne et très limitée s'agissant de violations du droit international166».
De plus les différents projets de codification de la protection diplomatique, n’ont pas vraiment accordés
un grand intérêt à cette théorie.
En effet l'Institut de Droit International dans son projet du 1er septembre 1927 relatif à la responsabilité
internationale des Etats à raison des dommages causés sur leur territoire à la personne ou aux biens des
étrangers n'avait fait aucune allusion à l'existence d'une règle de cette nature.
Dans le projet de 2006, il en est de même. Le Rapporteur spécial John Dugard a noté que si
« l’importance de la théorie des mains propres en droit international ne pouvait être niée, la question dont la
Commission était saisie était celle de savoir si elle entretenait des liens suffisamment étroits avec le sujet de
la protection diplomatique pour que son inclusion dans le projet d’articles se justifie ». Il a conclu qu’ « il
n’était pas évident qu’elle appartienne au domaine de la protection diplomatique et qu’elle ne devait donc
pas être incluse dans le projet d’articles 167».
Vu que l’individu occupe une place non négligeable en droit international, il est désormais question de la
protection d’un droit individuel plutôt qu'un droit étatique.

165
Aff. Van der Tang c. Espagne, CEDH, 13 juillet 1995, A, n°321, §53.
166
Cité par J. A. SALMON in « Des mains propres comme conditions de recevabilité des réclamations internationales », in
AFDI, Vol. 10, 1964, p.265.
167
Rapport de la Commission du droit international à sa Cinquante-septième session, 2 mai-3 juin et 11 juillet-5 août 2005, doc.
A/60/10, §226, p.108.
41
SECTION 2 : D’UN DROIT ETATIQUE A UN DROIT INDIVIDUEL
La protection diplomatique est en cours de codification au niveau de la CDI (§1), une telle
cristallisation de la coutume serait-elle l’occasion de reconnaître à l’individu des droits subjectifs ? En
attendant, on note au niveau européen une avancée remarquable sur la question (§2).

§ 1 : LA CRISTALLISATION NORMATIVE
La convention réalise une « cristallisation » de la coutume, c’est-à-dire une consolidation de
l’existence d’une règle coutumière en un corps de règles écrites. Cette cristallisation s’opère par la méthode
de la codification, réalisée le plus souvent par la CDI (A). Nous verrons si la cristallisation de la coutume
conduit à reconnaître l’existence d’un droit de l’homme dans le cadre de la protection diplomatique (B).

A : LA TACHE DE CODIFICATION DE LA COMMISSION DE DROIT INTERNATIONAL


La CDI, créée le 21 novembre 1947 par l'AGNU, a pour mission de favoriser le développement
progressif et la codification du droit international168. Les travaux de la Commission du droit international
consistent essentiellement à rédiger des projets d'articles sur des questions de droit international.
La coutume on le sait est la source la plus ancienne. Elle exige deux (2) éléments pour sa formation :
la répétition d’un comportement et la conviction de l’existence d’une obligation juridique.
La codification de la coutume consiste en la formulation écrite de la règle coutumière, la conversion
des règles coutumières en un corps de règles écrites169.
C’est donc le traitement de la protection diplomatique dans le droit coutumier qui devrait servir de
base au travail de la Commission sur ce sujet. Il a été soutenu, en effet, que face au développement des droits
de la personne humaine en droit international, à laquelle on reconnaît de plus en plus la qualité de sujet de ce
droit, le droit classique en la matière tel qu’affirmé avec force dans l’affaire des Concessions Mavrommatis
devrait être reconsidérer.
En 1996, à sa quarante-huitième session, la CDI a défini la « protection diplomatique» comme l’un
des trois sujets jugés à se prêter à la codification et au développement progressif 170. Le 16 décembre 1996
dans sa résolution 51/160, l’AGNU a invité la Commission à examiner le sujet et à en indiquer la portée et le
contenu en se fondant sur les commentaires et observations qui auraient été faits au cours du débat qui a eu
lieu à la Sixième Commission ainsi que sur les commentaires que les gouvernements pourraient avoir soumis
par écrit.

168
Art.1 du statut de la CDI.
169
La codification peut également consister en la révision de conventions existantes. C’est le cas des conventions de Genève de
1958 sur le droit de la mer qui ont été révisées par la convention de Montégo Bay de 1982.
170
Annuaire de la Commission de Droit International, 1996, Vol. II (2e partie), p.105.
42
Lorsque la CDI doit se pencher sur un sujet à étudier, elle désigne en son sein un rapporteur qui prépare
un projet sous forme d’articles accompagnés de commentaires. La CDI examine le projet, et l’envoie à tous
les Etats membres de l’ONU pour qu’ils formulent leurs observations qui seront transmises à la CDI afin
d’être remanié. Puis il revient devant l’AGNU qui se prononce définitivement par le vote d’une résolution171.
La CIJ a exploité les potentialités des projets d’articles, comme le témoigne l’affaire des activités
armées sur le territoire du Congo et l’affaire Diallo, dès lors qu’ « ils reflètent véritablement le droit
international coutumier172».
L’inconvénient majeur est que la règle écrite prend le pas sur la règle coutumière, et que l’on perd
ainsi la souplesse de la coutume. Tout dépendra de la force juridique de l’instrument de ratification.

B : L’EXISTENCE D’UN DROIT DE L’HOMME A LA PROTECTION DIPLOMATIQUE


Dans l’affaire Lagrand, l’Allemagne allègue que la violation de l’article 36 de la convention de
Vienne sur les relations consulaires par les USA ne porte pas seulement atteinte à ses propres droits mais
constitue aussi une violation des droits individuels des frères Lagrand. La CIJ a analysé la situation et a
constaté que l’article 36-1-b de la convention énonce des obligations envers l’Etat d’envoi qui leur octroie
des obligations individuelles et conclut à l’existence d’un droit individuel173 sans expliciter ce qu’elle entend
par droit individuel. Cette affaire est pourtant née d’une plainte de l’Allemagne en terme de protection
diplomatique, donc en théorie d’un droit de l’Etat qui serait en cause, alors que pour la cour il est question de
droit individuel. Selon Monica Pinto, il s’agit donc d’ « un droit individuel appartenant au domaine des
droits de l’homme174 ». En réalité, si on invoque la violation des droits de l'homme au titre de la protection
diplomatique, c'est qu'on considère que ces règles concernent aussi le traitement des étrangers ayant la
nationalité de l'Etat qui agit. Dans ce cas les droits de l’homme constituent une alternative à la discrétion de
l’Etat.
La CIJ estime qu’un Etat dont le national est détenu peut invoquer les droits individuels devant la
cour. Pour la cour, la protection diplomatique est une notion de droit coutumier. Cela ne fait pas obstacle à ce
qu’ « un Etat partie à une convention qui crée des droits pour les individus puisse prendre fait et cause pour
l’un de ses ressortissants et mette en mouvement l’action judiciaire internationale en faveur de son
ressortissant sur la base d’une clause attributive de compétence figurant dans un tel traité »175. On voit que la
cour affirme sa compétence sur les droits individuels et la violation de ceux-ci qui aboutissent à la protection
diplomatique de la part de l’Allemagne.
171
P. DAILLIER, M. FORTEAU, A. PELLET, Droit International Public, op. cit., p.369.
172
P. DAILLIER, M. FORTEAU, A. PELLET, Droit International Public, op. cit., p.371.
173
M. PINTO, « De la protection diplomatique à la protection des droits de l’homme », op cit, p.528 et ss.
174
M. PINTO, « De la protection diplomatique à la protection des droits de l’homme », op cit, p.532.
175
Cf. Aff. Lagrand, op cit, §42.
43
Lorsqu’un droit de l’Homme protégé par un instrument international est violé, cette violation est faite
en l’encontre d’une personne et non d’un Etat. Cela conduit Monica Pinto à dédire John Dugard pour qui la
protection diplomatique est un droit de l’Etat qui fait partie des droits de l’homme mais n’est pas un droit
individuel ; alors que l’Etat n’est pas titulaire des droits de l’homme. Pour le juge Raymond Ranjeva, l’arrêt
Avena est important pour la théorie de la protection diplomatique en ce sens que « la référence à la notion de
la protection diplomatique est une erreur de droit. Il ressort selon lui d’une nette évolution de la protection
diplomatique vers une protection des droits individuel, davantage tributaires de la volonté du ressortissant
que du caractère discrétionnaire de l’Etat de nationalité. La protection mise en œuvre est à mi-chemin entre
protection diplomatique classique et système de protection des droits de l’homme176».
Le développement du droit contemporain en matière de droits de l’homme a indubitablement un effet
sur la notion traditionnelle de protection diplomatique. « La protection des ressortissants à l’étranger est l’un
des antécédents de la protection des droits de l’homme (…) Le langage employé par la cour de La Haye
n’autorise pas à parler des droits de l’homme, mais les blancs laissés dans son jugement invitent à la
faire177 ».

§ 2 : LES EVOLUTIONS EN DROIT DE L’UNION EUROPEENNE


L’ordre juridique de l’Union Européenne (UE) fait partie intégrante de la réalité politique,
économique et sociale européenne. Les Européens ne sont plus seulement citoyens de leur ville, de leur
commune ou de leur Etat, mais ils sont aussi citoyens de l’Union. Les Européens bénéficient d’une
particularité en ce qui concerne la protection diplomatique et consulaire (A). De plus, il existe une interaction
entre les relations extérieures de l’UE et celles de ses Etats membres à tel point que l’on assiste à l’émergence
d’une nationalité européenne (B).

A : LES SPECIFICITES PAR RAPPORT AU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC


Comme nous l’avons vu, les récentes évolutions du droit de la protection diplomatique ont abouti à un
relâchement des conditions de mise en œuvre de cette règle et d’une meilleure protection des droits de
l’Homme. Au niveau européen, on remarque l’instauration d’une union politique communautaire. Cela se
comprend compte tenu du caractère supranational des règles communautaires. En effet le fait d’être dans un
cadre communautaire constitue déjà une spécificité par rapport au droit international. L'autonomie de l'ordre
juridique communautaire par rapport aux droits nationaux est moins théorique que celle du droit international,
sans pour autant, être absolue, puisqu’à « la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la

176
S. AKTYPIS, M. BOUMGHAR, « Chronique des activités de la cour internationale de justice », in AADI, 2006, p.488.
177
M. PINTO, « De la protection diplomatique à la protection des droits de l’homme », op cit, p.547.
44
CEE a institué un ordre juridique propre intégré au système juridique des Etats membres [...] et qui s’impose
à leur juridiction 178».
La consolidation du droit de l’UE doit reposer non pas sur la seule intégration des Etats, mais aussi sur
l’intégration des peuples179. A ce titre l’UE est regardante sur la protection des droits fondamentaux des
citoyens européens180. C’est ainsi qu’aux termes de l’article 20 du traité instituant la communauté
européenne, « tout citoyen de l’Union bénéficie, sur le territoire d’un pays tiers où l’Etat membre dont il est
ressortissant n’est pas représenté, de la protection de la part des autorités diplomatiques et consulaires de
tout Etat membre, dans les mêmes conditions que les nationaux de cet Etat. Les Etats membres établissent
entre eux les règles nécessaires et engagent les négociations requises en vue d’assurer cette protection ».
Le 19 décembre 1995 des représentants des gouvernements des Etats membres, réunis au sein du
Conseil, adoptent une décision concernant la protection des citoyens de l’UE par les représentations
diplomatiques et consulaires qui mettent en œuvre l’article 20 du traité181.
Sans en rester là, un troisième texte vient consolider le libellé de l’article 20. Il s’agit de la Charte des droits
fondamentaux dont l’article 46 est identique à l’article 20 du traité. Elle s’applique dans toutes les actions des
institutions de l’UE et des Etats membres182.
La protection comprend l’assistance en cas de décès, d’accident ou de maladie grave, en cas
d’arrestation ou de détention, l’assistance aux victimes de violences, l’aide et le rapatriement des citoyens en
difficulté. Il est prévu en outre que les représentations diplomatiques ou les agents consulaires peuvent
intervenir pour d’autres cas au citoyen de l’Union européenne qui en fait la demande 183. Cependant
conformément à l’article 46 de la convention de Vienne de 1961, le consentement préalable de l’Etat
accréditaire est requis.
Tout citoyen européen peut être donc protégé par n’importe quel Etat membre à partir du moment où
son Etat n’est pas représenté dans l’Etat tiers où il se trouve. Il y a là une rupture radicale avec le droit
international traditionnel où l’Etat agit sur la base de la protection diplomatique. Dans ce cadre, on peut

178
CJCE, 15 juillet 1964, Costa c/ E.N.E.L., aff. 6/64, Rec. p. 1149. Egalement Cf. A. R. OUOBA, La primauté du droit
communautaire de l’UEMOA sur le droit des Etats membre, mémoire de maitrise, USTA, 2012, p.8 et ss.
179
Pour rendre effectif ce droit, le particulier doit connaître le droit communautaire et en cas de violation ou d’inapplication du
droit communautaire, saisir les autorités juridictionnelles compétentes.
180
Art. 17 du traité instituant la Communauté. « Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un Etat
membre ».
181
Décision des représentants des gouvernements des Etats membres, réunis au sein du Conseil, du 19 décembre 1995,
concernant la protection des citoyens de l’Union européenne par les représentations diplomatiques et consulaires, 95/553/CE,
JO n°L314 du 28/12/1995, pp. 0073-0076. Voir également D. L. KASSABO, « Les nouvelles tendances de la protection
diplomatique de l’individu en droit international », op cit, p.58.
182
Exception faite de la Pologne et du Royaume Uni.
183
cf. Article 5 de la décision du 19 décembre 1995.
45
affirmer que l’Etat qui intervient en faveur d’un citoyen le fait pour le respect de l’ordre public de l’Europe et
non pour le respect son propre droit.
La Commission européenne entend aller plus loin avec le "Livre Vert184" et jeter les bases d'un
véritable droit fondamental harmonisé à la protection diplomatique et consulaire pour chacun des citoyens
européens. A la conclusion du livre vert, il est mentionné que « par le présent Livre vert, la Commission
soumet des pistes de réflexion visant au renforcement du droit à la protection diplomatique et consulaire
communautaire ». Les normes du droit communautaire dont le fondement repose sur le droit international,
sont d’effet direct et d’applicabilité immédiate. On est en présence d’une obligation pour n’importe quel Etat
membre d’accorder la protection à un n’importe quel citoyen. Les citoyens européens sont alors les titulaires
et les bénéficiaires de ce droit.

B : L’EMERGENCE D’UNE NATIONALITE EUROPEENNE


Au sein de l'UE, la protection diplomatique et consulaire fait partie des droits découlant de la
citoyenneté de l’Union d’une part et comme droit fondamentaux d’autre part. Dès le début, le traité de Rome
de 1957 affirmait dans son préambule l’objectif d’établir les fondements d'une union sans cesse plus étroite
entre les peuples européens. Trente-cinq (35) ans plus tard, le traité de Maastricht de 1992, consacre la notion
de citoyenneté européenne.
En droit constitutionnel, le citoyen est forcément un national, les deux notions étant difficilement
détachables.
On sait que la nationalité est une compétence exclusive de l’Etat. Selon Philippe MANIN, le droit
communautaire peut quand même limiter ce pouvoir discrétionnaire dans la mesure où est en cause un droit
découlant du traité185. C’est ainsi que dans l’affaire Micheleti, la Cour de Justice des Communautés
Européennes (CJCE) a été amenée à dire que lorsqu’une personne possède une double nationalité, celle d’un
Etat membre et celle d’un Etat tiers, elle doit être considérée comme ressortissant d’un Etat membre aux fins
de l’application du traité sans que l’Etat membre concerné puisse opposer que ladite personne ne réponde pas
à certaines conditions et que pour lui, la nationalité tierce l’emporte sur sa propre nationalité186.

184
Livre vert : La protection diplomatique et consulaire du citoyen de l'Union dans les pays tiers, adopté à Bruxelles le 28
novembre 2006.
185
P. MANIN, Droit Constitutionnel de l’Union Européenne, Paris, Pedone, 2004, p.96.
186
Aff. Micheleti, C.J.C.E., 7 juillet 1992, affaire C-369/90, Rec.1992, p.4238. Dans cette affaire, Mario Vicente Micheletti
s'est vu accorder, par le ministère de l'Education et des Sciences espagnol, le 13 janvier 1989, et conformément à un accord de
coopération culturelle hispano-argentin, l'homologation de son titre universitaire d'odontologiste obtenu en Argentine. Le 3
mars, il demande à l'administration espagnole l'octroi d'une carte provisoire de résident communautaire en présentant un
passeport italien en cours de validité, délivré par le consulat d'Italie à Rosario (Argentine). Le 23 du même mois,
l'administration espagnole lui a délivré la carte demandée pour une période de validité de six mois. Bien avant l'expiration de
ladite période, Micheletti demanda l'octroi d'une carte de séjour définitive de ressortissant communautaire afin de s'établir en
Espagne comme odontologiste. Cette demande ainsi que le recours administratif formés postérieurement ont été rejetés. Le
46
Dans le cadre européen, le citoyen peut exercer le droit de vote et d’éligibilité aux élections
européennes et municipales dans les Etats membres de l’Union sans avoir la nationalité du dit Etat187. Le
Parlement Européen, est donc une institution indépendante des ordres juridiques des Etats membres qui ne
relève pas de l’exercice des souverainetés nationales. Il serait l’émanation de la souveraineté démocratique
européenne puisque les députés européens sont élus au suffrage universel direct. Ce sont ainsi des droits
politiques qui sont reconnus aux citoyens européens.
Le traité de Lisbonne innove en consacrant le droit d’initiative citoyenne en faveur des Européens.
L’article 17-2-b dudit traité reconnaît « le droit d'adresser des pétitions au Parlement Européen, de recourir
au Médiateur Européen, ainsi que le droit de s'adresser aux institutions et aux organes consultatifs de
l'Union dans l'une des langues des traités et de recevoir une réponse dans la même langue ». Le traité de
Lisbonne les rapproche ainsi de la prise de décision.
La citoyenneté européenne a créé un lien social entre les ressortissants des Etats membres. Ces
derniers possèdent désormais un drapeau commun, un hymne, un permis de conduire européen, et un
passeport. En ce qui concerne le passeport par exemple, Le Rapport Barnier188 a suggéré que tous les
passeports contiennent la reproduction de l'article 20 du traité instituant la communauté européenne. De
même, la Présidence du Conseil de l'Union en a fait autant en invitant les Etats membres à reproduire l'article
20 dans les passeports189. La Commission estime que ceci servirait de manière efficace à rappeler leurs droits
aux citoyens.
On sait que l’UE est attachée à la démocratie. Reconnaître aux Européens le droit d’être électeurs et
éligibles dans un Etat pour les élections européennes et municipales, vise à faire des Européens un peuple au
sens politique du terme. Cela peut inciter les citoyens européens entre eux à se considérer comme un peuple et
à agir comme tels. En outre, la Convention du Conseil de l’Europe du 6 novembre 1997 sur la nationalité
marque un tournant vers une harmonisation européenne des politiques d’acquisition de la nationalité. Peut-
être est-ce la marche vers la construction d’une nation européenne ?
Il serait réaliste de reconnaître que sur le terrain les droits liés à la citoyenneté européenne se heurtent
à certains principes constitutionnels chers aux Etats. Montesquieu ne disait-il pas que « les mœurs font de
meilleurs citoyens que les lois » ?

refus était fondé sur l'article 9 du code civil espagnol, selon lequel, en cas de double nationalité, et lorsqu'aucune d'elles n'est la
nationalité espagnole, doit prévaloir celle correspondant à la résidence habituelle précédant l'arrivée de l'intéressé en Espagne.
187
Art. 17-2-b du traité de Lisbonne.
188
Rapport de Michel Barnier au Président du Conseil de l'Union et au Président de la commission européenne : "Pour une
force européenne de protection civile : europe aid."
189
Cf. Rapport du 15 juin 2006, Doc. 10551/06 du 15 juin 2006 : Renforcement des capacités de réaction de l'UE en cas
d'urgence ou de crise.
47
Si la protection diplomatique a connu un effritement au niveau interne, il en est aussi au niveau
international.

48
CHAPITRE 2 : L’EFFRITEMENT INTERNATIONAL

Le développement des branches du droit international garantit les droits de la personne par le droit
international humanitaire, les droits de l’homme. En ce qui nous concerne nous nous intéresserons au droit de
l’homme parce que le droit international humanitaire peut se définir comme l’ensemble des « règles
internationales, d'origine conventionnelle ou coutumière, qui sont spécifiquement destinées à régler les
problèmes humanitaires découlant directement des conflits armés, internationaux ou non internationaux, et
qui restreignent pour des raisons humanitaires, le droit des parties au conflit d'utiliser les méthodes et les
moyens de guerre de leur choix ou protègent les personnes et les biens affectés ou pouvant être affectés par le
conflit 190».
Quant aux droits de l’homme, définis comme « l’ensemble des principes et des normes fondés sur la
reconnaissance de la dignité inhérente à tous les êtres humains et qui visent à en assurer le respect universel
et effectif 191», ils sont classés en trois générations suivant une approche chronologique et matérielle192.
La première génération concerne les droits civils et politiques, premiers à être proclamés présentés
comme des droits-liberté. La deuxième génération des droits de l’homme concerne les droits économiques,
sociaux et culturels. Ils datent essentiellement du 20ème siècle. Ici on attend de l’Etat non pas une abstention
comme pour les droits civils et politiques mais une intervention active en matière économique et sociale afin
de réaliser le bien-être de tous. La troisième génération, plus récente repose sur le principe de l’égalité et le
principe de solidarité.
L’individu en droit international s’est donc vu améliorer sa situation (section 1). Puisque nous nous
intéressons à la protection diplomatique, il en est de même en matière d’investissement (section 2).

SECTION 1 : L’EVOLUTION DES DROITS DE L’INDIVIDU EN DROIT INTERNATIONAL


L'expression « individu » renvoie à l'idée de l'être humain, personne privée, personne humaine,
particulier ; qui sont des termes synonymes193. Il est indéniable que l'individu est sujet de l'ordre interne.
Traditionnellement il occupait une place subalterne en droit international et ne pouvait agir par lui-
même au sein de l'ordre juridique international hors de la tutelle étatique, comme c’est le cas de la protection
diplomatique. Il était donc frappé d'une incapacité juridique internationale, laquelle incapacité est remise en
cause dans le contexte particulier des droits de l'homme (§1) qui ne cesse d’évoluer (§2).

190
H. P. GASSER, Droit International Humanitaire : Introduction, Genève, Institut Henry Dunant, 1993, p.509.
191
J. B. MARIE, Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, André-Jean Arnaud (dir.), Paris, L.G.D.J.,
2ème éd, 1993, p. 208.
192
Sur cette question voir K. VASAK, « Le droit international des droits de l’homme », in RCADI, 1974, T.140, pp. 343-346.
Egalement voir A. SOMA, Les grands textes des droits de l’homme en Afrique, Ouagadougou, Maison du droit, 2014.
193
J. SALMON, Dictionnaire du Droit International Public, Bruxelles, Bruylant/AUF, 2001, p.573.
49
§ 1 : LA CONSECRATION DES DROITS DE L’HOMME
Le droit international des droits de l’Homme est une branche particulière du droit international, en ce
que les individus sont des sujets de cette branche. L’individu se voit ainsi attribuer un nouveau statut (A) dont
la protection est garantie par divers instruments juridiques (B).

A : LE NOUVEAU STATUT DE L’INDIVIDU EN DROIT


INTERNATIONAL DES DROITS DE L’HOMME
Longtemps tenue pour exclusivement interétatique, la scène internationale a cessé de l'être. Aussi bien
sur le plan théorique que sur le plan pratique, l'Etat n'est plus désormais le seul acteur de ce champ.
D'innombrables intervenants transnationaux échappent à présent largement à son contrôle souverain et
peuvent même parfois le mettre en échec dans l'accomplissement de ses principales fonctions régulatrices.
Ainsi, en va-t-il du droit international classique qui connaît aujourd'hui de profonds bouleversements.
Le statut de l’individu en tant que sujet de droit international divise la doctrine internationale194.
Certains auteurs refusent de reconnaître à l’individu la qualité de sujet dans l'ordre juridique international.
Pour les adeptes de cette théorie, selon l'orthodoxie juridique internationale, seuls les sujets du droit
international (que sont les Etats et les Organisations Internationales), peuvent créer, appliquer ou veiller à
l'application des règles de droit international et porter la responsabilité de sa violation. Pour les autres par
contre, ils affirment que ce ne sont pas les sujets abstraits qui doivent être poursuivis en cas de commission
d'un fait infractionnel, mais bien plus, les sujets exacts que sont les particuliers.
Au-delà de son attribut de participant à un processus, l'individu se rapproche du statut de sujet de droit
international. Cela se caractérise par l'acceptation de la règle que les individus peuvent avoir des droits contre
leur propre Etat, par la protection généralisée des droits de l'homme après 1945.
Des droits sont accordés ainsi en tant que personnes humaines et non en tant que national d’un Etat.
Ce qui signifie, pour García Amador, que « l’étranger est internationalement reconnu comme ayant la
personnalité juridique, indépendamment de son Etat et qu’il est un véritable sujet doté de droits
internationaux 195». L’étranger n’a donc pas besoin de faire appel à son Etat pour obtenir réparation d’un
dommage dont il serait victime.
Ainsi l’individu a la capacité d’être titulaire de droits et de devoirs internationaux. L’individu s’est vu
attribuer par l’Etat une compétence d’attribution qui lui permet d’obtenir le respect des droits fondamentaux
qui lui sont reconnus ou la sanction de leurs violations par un organe international.
De même, cette personnalité juridique lui confère également des devoirs. Il doit respecter les principes
fondamentaux du droit international sous peine de sanctions par les juridictions nationales ou internationales.
194
Sur ce débat voir V. SOMA, « L’évolution du statut de l’individu en droit international », op cit, p.17 et s.
195
G. AMADOR, V. FRANCISCO, « State responsibility: some new problems », op cit, p.472.
50
L’individu peut donc être tenu pour responsable des violations graves de normes consacrant des droits
essentiels de la personne humaine alors que l’on sait que seul les sujets dotés de personnalité sont
responsables196.

Si l’individu peut se sentir protéger, c’est parce qu’il existe des normes en matière de droit de
l’homme.

B : LES NORMES JURIDIQUES EN MATIERE DES DROITS DE L'HOMME


La protection internationale de certains droits des individus n'est apparue que progressivement et
récemment. C’est avec l’avènement de l'ONU que le respect des droits de l’homme et des libertés
fondamentales a été reconnu comme but de l’action internationale au même titre que le maintien de la paix et
de la sécurité. Cette protection va se faire par une série de texte dont la valeur juridique sera variable.
Par « normes », il s’agit des conventions internationales en vigueur, des règles coutumières en cours de
formation ou encore des simples règlements techniques de références.
La charte de l'ONU pose le principe du respect des droits de l'homme dans son préambule. Les articles
1 et 55 de la charte reflètent cet objectif ; il y a une connexion entre le respect des droits de l'homme
(condition d'un nouvel ordre pacifique) et le maintien de la paix.
La charte est l'acte solennel des droits de l'homme dans le système international. En obligeant les Etats
à coopérer afin de trouver des solutions aux problèmes internationaux d’ordre économique, sociale,
humanitaire, etc., la charte crée les conditions à des actions favorables aux droits de l’homme.
La DUDH de 1948 est un document essentiel pour déterminer ces droits de l'homme, bien qu’elle soit
une simple recommandation. Elle l'identifie mieux, elle parle de «but idéal», de «s'efforcer»197.
Elle protège les individus en général et par la même occasion s’adresse aux étrangers. La DUDH en
principe ne fait pas de distinction entre nationaux et étrangers. Cependant certains droits protégés par la
DUDH s’appliquent différemment aux nationaux. Il en est ainsi de l’article 13 qui est relatif à la liberté de
circuler et de résider dans un Etat198, et des articles 22, 23 et 28 qui garantissent une protection sociale aux
étrangers à travers respectivement le droit à la sécurité sociale199, le droit à un travail et à une vie décente200 et
le droit au maintien d'un certain ordre, au niveau national et international201.

196
Cf. R. HIGGINS, «The European Convention on Human Rights», in Human Rights in International Law (Theodor Meron,
dir., 1984), p. 537.
197
Cette déclaration a été suivie de déclarations particulières : Déclaration des droits de l'enfant, Déclaration sur l'élimination
de toutes les formes de discrimination raciale, Déclaration sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes,
Déclaration sur la protection contre la torture, etc.
198
Au terme de l’article 13 : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un État.
Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ».
199
Art 22 : «Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale (…), compte tenu de l'organisation
et des ressources de chaque pays. »
51
En droit positif, les Pactes internationaux des droits de l'homme adoptés par l'AGNU en 1966 et entrés en
vigueur en 1976 sont les instruments normatifs. Ils comprennent :
- le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), dont les articles 12 et 13 traitent
de l’émigration, de la libre circulation et de résidence pour les étrangers en situation régulière202 et de
l’interdiction d’expulsion forcée ou arbitraire203. L’article 26 s’adresse également aux étrangers en
posant le principe d’égalité de traitement et interdit les discriminations204.
- le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), qui pose
également le principe de non-discrimination205 à son article 2 alinéa 2.
La proclamation des droits de l’homme connaîtra également des retentissements au niveau régional.
En Afrique, il y a la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui garantit la libre circulation
et le droit de résidence dans n’importe quel Etat, et interdit l’expulsion forcé et collective d’étrangers 206. Sur
le continent américain et en Europe, il existe respectivement la Convention américaine des droits et devoir de
l’homme de 1969, et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales (également appelée Convention européenne des droits de l’homme (CEDH)), qui réaffirment
aussi le droit à la libre circulation des personnes et confère des garanties aux étrangers se trouvant dans ces
espaces.
On remarque qu’il existe une panoplie de conventions sur la question des droits de l’homme. Ces
conventions établissent des normes relatives à la conduite des Etats et leur imposent certaines obligations à

200
Art. 23 : « Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de
travail et à la protection contre le chômage. Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.
(…). Toute personne a le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses
intérêts. »
201
Art. 28 : « Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et
libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet. »
202
Art. 12 du PIDCP : « 1. Quiconque se trouve légalement sur le territoire d'un Etat a le droit d'y circuler librement et d'y
choisir librement sa résidence.
2. Toute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien.
3. Les droits mentionnés ci-dessus ne peuvent être l'objet de restrictions que si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires
pour protéger la sécurité nationale, l'ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d'autrui, et
compatibles avec les autres droits reconnus par le présent Pacte.
4. Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d'entrer dans son propre pays. »
203
Art. 13 du PIDCP : «Un étranger qui se trouve légalement sur le territoire d'un Etat partie au présent Pacte ne peut en être
expulsé qu'en exécution d'une décision prise conformément à la loi et, à moins que des raisons impérieuses de sécurité
nationale ne s'y opposent, il doit avoir la possibilité de faire valoir les raisons qui militent contre son expulsion et de faire
examiner son cas par l'autorité compétente, ou par une ou plusieurs personnes spécialement désignées par ladite autorité, en
se faisant représenter à cette fin ».
204
Art. 26 du PIDCP.
205
Au terme de l’art. 2 alinéa 2 du PIDESC, « les Etats parties au présent Pacte s'engagent à garantir que les droits qui y sont
énoncés seront exercés sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion
politique ou toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
206
Cf. Art. 12 de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
52
l’égard des individus en général et des étrangers en particulier. Ces normes peuvent avoir force obligatoire ou
pas.

§ 2 : UNE EVOLUTION SPECTACULAIRE


La protection internationale de l’individu a connu une certaine évolution. Cela renforce la protection
des droits fondamentaux des individus et partant des droits subjectifs de ces derniers (A). Dans cette partie
nous verrons également si le projet de codification de la CDI (B) s’est laissé pousser par cette évolution du
droit international.

A : LA THESE MODERNE DE LA PROTECTION DES DROITS SUBJECTIFS


Depuis la seconde guerre mondiale, une place croissante est dévolue à l'individu en droit international.
Ce dernier, autant qu’il peut se prévaloir sous certaines hypothèses de normes de droit auprès d'organes
internationaux, il peut se voir aussi sanctionner pour infraction à des instruments internationaux sans
intermédiation de l'Etat impliqué. L’individu devient ainsi en droit international un sujet actif. Ce statut de
sujet actif se confirme par la possibilité de prendre des sanctions à l’égard des individus.
La Charte de San Francisco a joué un rôle majeur dans cette évolution, puisqu’elle a permis à
l’individu de faire valoir ses droits dans l’ordre international, et, par là même occasion, de s’émanciper de la
tutelle étatique à laquelle il était soumis.
De nos jours, la situation de l’individu évolue toujours puisque « les droits de l’homme devraient
progresser (…) comme ils ont progressé de l’abolition de l’esclavage à la promulgation de la DUDH 207».
La reconnaissance dont jouit la DUDH est aujourd’hui à ce point généralisée qu’elle est considérée
comme obligatoire en vertu du droit coutumier international, alors qu’elle ne l’etait pas à l’origine. En effet,
la majorité des Etats adhère à la DUDH.
L’individu peut ainsi entrer dans des relations juridiques internationales avec les autres sujets du droit
international. Cette faculté lui offre la possibilité de s’opposer et/ou de réclamer des Etats des droits et des
obligations internationales. N’est-ce pas là les caractéristiques d'un sujet de droit (international) ?
Les possibilités offertes à l’individu ne concernent pas uniquement les droits de l'homme. Il en est de
même en droit international humanitaire, en droit international commercial, en droit international pénal, etc.
Si nous analysons les dires de John Dugard, le second rapporteur spécial de la CDI sur le sujet de la
protection diplomatique, pour qui, « la règle de l’épuisement des recours internes et celle de la continuité de
la nationalité, et le fait que les tribunaux, en évaluant les dommages subis par l’Etat, tiennent compte en

207
R. GOY, la Cour International de Justice et les droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 2002, p.7.
53
général des dommages subis par le particulier208 », les droits protégés par le mécanisme de la protection
diplomatique seraient, « à vrai dire, les droits subjectifs de l’individu209 ».
Un des adeptes de cette thèse est le Pr. Mohamed Bennouna, premier Rapporteur spécial de la CDI sur
la protection diplomatique qui avait proposé d'abandonner la fiction traditionnelle de la jurisprudence
mavrommatis au bénéfice d'une approche plus réaliste. Pour lui, le droit international contemporain reconnaît
directement des droits à l'individu dans certains domaines où le cadre étatique s'est révélé inadéquat dans la
mesure où il ne correspondait plus aux besoins des sociétés humaines.
Les changements produits dans la perception de l’individu en droit international exercent
nécessairement une influence sur les idées traditionnelles relatives au sujet actif et au sujet passif de la
responsabilité. On reconnaît ainsi de nouveaux sujets de droit capables d'avoir ou de contracter des
obligations internationales et d'avoir ou d'acquérir des droits internationaux.
Certains auteurs sur la question de l’individu ne tergiversent pas comme Jean-Maurice Arbour qui
affirme que « l'individu est, au même titre que les organisations internationales ou les peuples sous
domination coloniale, un sujet dérivé (ou secondaire) du droit international public210 », qui peut donc avoir
des capacités internationales spécifiques adaptées à ses besoins.

B : ANALYSE DU PROJET DE 2006 SUR LA QUESTION


La CDI a commencé l’examen de la question de la protection diplomatique, à sa 47 ème session, en
1995. À sa 58ème session, en 2006, elle a adopté le projet d’articles sur la protection diplomatique. Le projet
fut conduit d’abord par Mohamed Bennouna jusqu’ en 1999, date à laquelle il démissionne. A la 51 ème
session, en 1999, la Commission a nommé John Dugard Rapporteur spécial pour le sujet en remplacement de
Mohamed Bennouna.
On remarque dans le projet le maintien de la version traditionnelle la protection diplomatique. Il s’agit
du postulat selon lequel le droit international est le droit de la société des Etats. Doit-on comprendre que pour
la CDI l'individu ne bénéficie d'aucune reconnaissance dans la sphère juridique internationale ? Et que la
fiction de la protection diplomatique est toujours de rigueur de nos jours ?
Là-dessus, nous pensons avec Alain Pellet que « cette fiction n'a plus lieu d'être au début du XXIème
siècle : malgré les réticences de la doctrine dominante, il est tout à fait évident que la société à laquelle
s'applique le droit international n'est plus limitée aux seuls Etats et que les personnes privées (parmi d'autres
: les organisations internationales, les peuples) y ont acquis une personnalité juridique internationale,
différente, certes, de celle des Etats, mais dont l'existence et les conséquences s'imposent à ceux-ci, souvent

208
Annuaire de la Commission du droit international 2000, Vol. I, p.40.
209
S. GARIBIAN, « Vers l’émergence d’un droit individuel à la protection diplomatique ? », in AFDI, 2008, p.125.
210
J. M. ARBOUR, Droit International Public, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 4e éd., 2002, p. 2.
54
parce qu'ils ont eux-mêmes reconnu des droits et imposé des obligations aux particuliers dans la sphère
internationale, et parfois même sans ou contre leur volonté211 ».
La première partie du projet intitulée « Dispositions Générales », est relative à la Définition et champ
d’application212 et au Droit d’exercer la protection diplomatique213. La CDI est restée dans l’esprit de la
définition traditionnelle de la protection diplomatique. Le développement de la personne humaine à laquelle
on reconnaît de plus en plus la qualité de sujet de droit international devrait amener la commission à
reconsidérer le droit classique en la matière tel que affirmé avec force dans l’affaire Mavrommatis. La CDI
n’a donc pas saisi l’occasion de mettre un terme à un long débat sur le titulaire du droit qui serait protégé dans
la cadre de la protection diplomatique, puisque la codification peut conduire en une modification même
substantielle de la coutume.
En ce qui concerne la nationalité, la CDI a maintenu la règle traditionnelle de continuité de la
nationalité, tout en ajoutant la possibilité pour l’Etat de présenter une réclamation en faveur d’une personne
qui a sa nationalité au moment de la réclamation mais qui ne l’avait pas au moment du préjudice, ou qui est
dirigée contre l’Etat dont l’individu avait la nationalité. Cette nouvelle nationalité acquise ne devrait pas être
en rapport avec la réclamation214. Cependant l’innovation dans cette partie figure à l'article 8 du projet qui
admet la possibilité pour l'Etat de résidence d'exercer sa protection en faveur d'un apatride ou d'un réfugié à
condition que ceux-ci aient leur résidence légale et habituelle dans ledit Etat. La CDI rompt ainsi avec la
pratique traditionnelle qui laissait cette catégorie de personne sans réelle protection. Dans ce cas, en exerçant
la protection diplomatique, on ne perçoit pas le propre droit qu’un Etat exercerait. S’agissant des personnes
morales, la formulation des articles y afférant ont été inspiré de la jurisprudence en la matière.
La troisième partie fait cas de l’épuisement des voies de recours internes. La disposition majeure est
l’alinéa c de l’article 15 qui fait référence à l’absence « de lien pertinent entre la personne lésée et l’Etat
prétendument responsable à la date du préjudice », comme exception à l’épuisement des voies de recours
interne. C’est le cas où l’étranger réside dans le territoire de l’Etat défendeur, y exerce une activité
commerciale, y possède un bien ou a souscrit des liens contractuels avec le gouvernement de cet Etat.

211
A. PELLET, « Le projet d'articles de la CDI sur la protection diplomatique, une codification pour (presque) rien », in
Marcelo KOHEN dir., La promotion de la justice, des droits de l 'homme et du règlement des conflits par le droit international,
Liber Amicorum Lucius Caflisch, Leiden, Koninklijke Brill NV, 2006, p.1136.
212
Art. 1 du projet de codification de 2006.
213
Art. 2 du projet de codification de 2006. En ce qui concerne cet article qui illustre le caractère fictif de la protection
diplomatique, la principale question est de savoir si l’Etat qui exerce la protection diplomatique exerce-t-il son propre droit ou
le droit de son national. La CIJ n’a pas manqué de mettre cela en avant dans l’affaire Barcelona Traction, en ces termes : « en
l'espèce il est donc capital de rechercher si les pertes qu'auraient subi des actionnaires belges de la Barcelona Traction ont eu
pour cause la violation d'obligations dont ils étaient bénéficiaires. Autrement dit, un droit de la Belgique a-t-il été violé du fait
que des droits appartenant à des ressortissants belges, actionnaires d'une société n'ayant pas la nationalité belge, auraient été
enfreints" ; Aff. Barcelona Traction, op cit, p.32.
214
Art.5-2 du projet de codification de 2006.
55
On remarque que le projet ne fait pas cas de la théorie des mains propres que la CDI ne juge pas utile. Sur la
question nous avons discuté précédemment215.
Enfin sur la question du reversement de l’indemnité à l’article 19, la CDI a décidé sur le reversement
de l’indemnité au national sous réserve de déductions raisonnables216. La conception traditionnelle qui
autorisait l’Etat à détenir l’entièreté de l’indemnité a été abandonnée. Cet article est novateur en ce qu’il fait
des recommandations à l’Etat concernant l’exercice de la protection diplomatique. A ce titre, l’Etat devrait
prendre en considération la possibilité d’exercer la protection diplomatique au profit de ses ressortissants, en
particulier en cas de préjudice important, tenir compte des vues de la personne lésée. On se demande alors si
la CDI ne reconnaît pas ou du moins ne penche pas vers la thèse qu’il s’agit du droit du national lésé plutôt
que du droit de l’Etat, en ce sens que l’indemnité vise à réparer le préjudice qui a été causé à la victime.
En résumé, sur le projet de codification, la remarque la plus frappante, est qu’il s’est étalé sur les
conditions de recevabilité de la protection diplomatique. Alain Pellet pense que le projet d’articles devrait
comprendre une seconde partie consacrée spécifiquement aux conséquences de la protection diplomatique. De
plus la protection diplomatique doit-elle rester une prérogative de l’Etat ou une obligation de protection à la
charge de l'Etat de nationalité, comme le suggérait le rapporteur spécial « si le préjudice est le résultat d'une
violation grave d'une norme de jus cogens imputable à un autre Etat217». Il s’agissait de répondre aux
exigences de l’évolution du droit international218.
Le projet proposé par le Pr Dugard est loin de ses propres ambitions puisqu’il disait dans son premier
rapport qu’« au lieu de chercher à affaiblir l'institution en l'écartant comme une fiction dépassée dont on n'a
plus l'usage, il faudra au contraire tout faire pour renforcer les règles qui composent le droit de la protection
diplomatique 219».
Le domaine des investissements n’est pas en reste en ce qui concerne l’évolution.

SECTION 2 : L’EVOLUTION DU DROIT INTERNATIONAL DES INVESTISSEMENTS


L’accroissement des mouvements de capitaux et l’intensification des investissements ont contribué à
l’adoption de règles qui doivent assurer la sécurité des investisseurs ainsi que des biens et leurs protections
contre les risques politiques.

215
Cf. supra l’abandon de la théorie des mains propres.
216
Art. 19-c du projet de codification de 2006.
217
Cf. art. 4 du 1er rapport sur la protection diplomatique, 2000, document A/CN.4/506 disponible sur www.un.org
218
L. LAHSSAINI, « Quelle protection des double-nationaux en Belgique ? Réflexions sur l’affaire Ali Aarrass », op cit, p.652.

219
1er rapport sur la protection diplomatique, op cit, §32.
56
La protection des investissements est définie comme « l’ensemble des principes et des règles, de droit
international comme de droit interne, qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher ou de réprimer toute
atteinte publique à l’existence ou à la consistance de l’investissement international 220».
La protection des investissements au niveau du Centre International pour le Règlement des Différends
relatifs aux Investissements (CIRDI) (A) ainsi que d’autres mécanismes (B) seront étudiés.

§ 1 : LE DROIT DE RECOURS INDIVIDUEL DEVANT LE CIRDI


Avant la création du CIRDI, la protection des investisseurs présentait de sérieuses lacunes 221. C’est
pour remédier à cela qu’un mécanisme de règlement des différends entre Etats hôtes et investisseurs étrangers
fut créé. Il s’agit d’une initiative de la Banque Mondiale qui adopta la Convention sur le règlement des
différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d’autres Etats222. Cette Convention (de
Washington) a créé le Centre international pour la résolution des différends relatifs aux investissements
(CIRDI). C'est pourquoi cette Convention est souvent appelée la Convention du CIRDI. Ce centre « peut être
saisi directement par les investisseurs, en contrepartie, leur Etat d’origine renonce à l’exercice de sa
compétence traditionnelle, la protection diplomatique, qui les aurait éventuellement fait profiter des mêmes
règles, mais de façon indirecte 223».
Dans ce paragraphe nous analyserons d’une part le fondement de l’arbitrage du CIRDI (A) et d’autre
part l’effet des décisions du CIRDI (B).

A : LES FONDEMENTS DE L’ARBITRAGE CIRDI


L’objectif de la Convention de Washington est de promouvoir le développement économique224 par la
création d’un climat favorable à l’investissement, ainsi que d’un système efficace pour le règlement des
différends dans ce domaine.

220
D. CARREAU, P. JUILLARD, Droit International Economique, Paris, Dalloz, 2 ème éd, 2005, p.469.
221
Par exemple nous avons la clause Calvo du nom du diplomate argentin Carlos Calvo, est une stipulation contractuelle par
laquelle un étranger renonce à demander la protection diplomatique de son Etat de nationalité et accepte de s’en remettre
exclusivement aux recours judiciaires internes pour toute plainte concernant l’exécution du contrat. Pour justifier cette clause
de renonciation insérée dans les contrats passés entre les étrangers et les pays latino-américains, Calvo s'appuyait sur deux
considérations. D'une part, les Etats étant libres, indépendants et souverains, ne doivent souffrir aucune ingérence de la part des
Etats tiers. Pour lui, la protection diplomatique constitue une modalité d'interférence dans les affaires intérieures d'un Etat par
un pays tiers. D'autre part, pour Calvo, les étrangers ne sauraient bénéficier sur le territoire du pays où ils résident que des droits
et privilèges qui sont accordés aux nationaux. Ne bénéficiant par hypothèse que du traitement national et non d'un régime
privilégié quelconque, il est dès lors normal que les étrangers ne puissent avoir de remèdes autres que ceux offerts par les seules
autorités locales.
222
La version électronique de la convention est disponible à http://www.worldbank.org/icsid/basicdoc/9.htm . Le texte de la
Convention, accompagné d’un bref rapport explicatif, ont été adoptés par les Administrateurs de la Banque Mondiale le 18
mars 1965 et est entrée en vigueur le 14 octobre 1966.
223
P. DAILLIER, M. FORTEAU, A. PELLET, Droit International Public, op cit, p.770.
224
Préambule de la Convention pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements entre Etats et Ressortissants
d’autres Etats.
57
Dans le cadre de la convention CIRDI, la protection diplomatique peut être rangée puisque l’article 27
de la convention précise qu’ « aucun Etat contractant n’accorde la protection diplomatique ou ne formule de
revendication internationale au sujet d’un différend que l’un de ses ressortissants et un autre Etat contractant
ont consenti à soumettre ou ont soumis à l’arbitrage dans le cadre de la présente Convention, sauf si l’autre
Etat contractant ne se conforme pas à la sentence rendue à l’occasion du différend»225. De plus contrairement
à la protection diplomatique, le CIRDI reconnaît sans hésitation le critère du contrôle comme élément
déterminant de la nationalité d’une société226.
Il existe trois types de rapports distincts pouvant donner lieu à trois types de litiges différents, entre
l'Etat d'accueil, l'investisseur et l'Etat d'origine. Ces litiges peuvent engager la responsabilité internationale de
l'Etat, dans des conditions différentes de celles qui sont requises à la mise en œuvre classique de la protection
diplomatique227.
Le consentement est la pierre angulaire de la convention CIRDI qui fonde la compétence du Centre.
D’où « la compétence du Centre s’étend aux différends d’ordre juridique entre un Etat contractant (ou telle
collectivité publique ou tel organisme dépendant de lui qu’il désigne au Centre) et le ressortissant d’un autre
Etat contractant qui sont en relation directe avec un investissement et que les parties ont consenti par écrit à
soumettre au Centre. Lorsque les parties ont donné leur consentement, aucune d’elles ne peut le retirer
unilatéralement 228».
La compétence du tribunal CIRDI nécessite alors la ratification de la convention par l’Etat d’accueil
mais aussi par l’Etat dont l’investisseur étranger est ressortissant. La protection de l'actionnaire est devenue le
principe même, et non plus seulement une exception à la règle de base. Dans une sentence de 1999, il a ainsi
été conclu que « la jurisprudence antérieure du CIRDI ne limite pas la qualité pour agir aux seules personnes
morales directement visées par les mesures litigieuses mais l'étend aux actionnaires de ces personnes, qui

225
L’article 27 n’est que le corollaire de l’article 26 qui stipule que « Le consentement des parties à l’arbitrage dans le cadre
de la présente Convention est, sauf stipulation contraire, considéré comme impliquant renonciation à l’exercice de tout autre
recours. Comme condition à son consentement à l’arbitrage dans le cadre de la présente Convention, un Etat contractant peut
exiger que les recours administratifs ou judiciaires internes soient épuisés ».
226
Cf. Aff. Holiday Inns c. gouvernement marocain, Décision du 12 mai 1974, 15ème rapport du CIRDI p.31. Dans cette affaire
la société requérante prétendait agir tant en son nom qu’en celui de leur filiale de droit marocain. Le tribunal arbitral du CIRDI
décida qu’il était compétent à l’égard de la société Holiday de droit suisse mais en ce qui concerne les filiales, elle s’est
déclarée incompétente au motif que ces dernières n’avaient pas la qualité pour être partie à la procédure.
227
C. LEBEN, « La responsabilité internationale de l'État sur le fondement des traités de promotion et de protection des
investissements », AFDI, 2004. P686.
228
Art. 25-1 de la convention de Washington. Le recours est donc ouvert d’abord à un Etat partie à la convention, ensuite à une
personne de droit public d’un Etat partie à la convention et enfin à un ressortissant d’un autre Etat partie à la convention. La
notion de nationalité ici ressort tout comme dans la protection diplomatique. Cependant dans le cadre du CIRDI, si
l’investisseur à la nationalité de l’Etat où a lieu l’investissement, donc au sein de son Etat, le recours au CIRDI est impossible.
Voir les affaires Adriano Gardela c. le gouvernement de Cote d’Ivoire ; Alcoa Minerals c. Jamaica ; Kaiser Bauxite c. Jamaica ;
Reynolds c. Jamaica.
58
sont les véritables investisseurs229 », et cela quelle que soit leur situation d’actionnaire majoritaire ou
minoritaire230.
Cependant, cette condition peut être atténuée par le jeu du « mécanisme supplémentaire231» qui permet
une extension du système CIRDI à un Etat tiers.
La responsabilité des Etats dans le domaine des investissements, a été développée suite à des cas de
protection diplomatique des Etats d'origine des investisseurs. C’est la jurisprudence AAPLI Sri Lanka qui va
ouvrir le for du CIRDI aux investisseurs se réclamant d'un traité de protection entre leur Etat national et l'Etat
d'accueil, et faire oublier la protection diplomatique dans les situations d’investissements 232. L’investisseur
qui agit protège directement son droit en fonction de ses seuls intérêts et sans lien aucun avec son Etat. De
plus la règle de l’épuisement des voies de recours internes ne s’impose pas à l’investisseur lésé sauf accord
des parties sur la question233.
L’accord entre l’Etat hôte et l’investisseur se matérialise traditionnellement par une convention
d’investissement constituant une clause compromissoire. Certains Etats reconnaissent également la
compétence du CIRDI à travers leurs législations. « C’est ainsi que des codes d’investissement reconnaissent
la compétence du CIRDI et permettent sa saisine 234». Dans ce type d’accord, l’Etat se trouve en position de
faire une offre que l’investisseur est libre d’accepter ou de refuser. La référence au Centre doit être claire, et
la compétence du CIRDI retenue explicitement235.
La Convention CIRDI prévoit deux modes de règlement des différends : la conciliation et l’arbitrage.
En pratique, c’est l’arbitrage qui est le plus sollicité par rapport à la conciliation. La vaste majorité des
dossiers portés devant le CIRDI se rapportent à l’arbitrage.
La procédure d’arbitrage dans le cadre du CIRDI est indépendante de tout droit national236. Les
investisseurs bénéficient donc d’une certaine protection.
Si l’arbitrage est le mode privilégié, alors quels sont les effets des sentences arbitrales CIRDI.

229
Aff. Antoine Goetz et autres c. République du Burundi, (ARB/95/3), sentence du 10 février 1999, ICSID Review, p. 496-
497. Dans le même sens, voir CIRDI, aff. Siemens A.G. c. Argentine, décision sur la compétence, 3 août 2004, §142,
disponible sur http://www.worldbank.org/icsid/cases/siemens-decision-en-pdf.
230
Cf. aff. Lanco International, Inc. c. Argentine (ARB/9716), CIRDI, décision préliminaire sur la compétence, 8 décembre
1998, §10.
231
P. RAMBAUD, « L’extension du système CIRDI », in AFDI, 1984, p.393 et ss.
232
Voir C. LEBEN, « La responsabilité internationale de l'État sur le fondement des traités de promotion et de protection des
investissements », op cit, p.690.
233
Art. 26 de la convention de Washington.
234
G. R. DELAUME, « le Centre International du Règlement des Différends relatifs à l’Investissement », in JDI, 1982, p.778.
235
Aff. Inceysa c. El Salvador, décision du 2 août 2006 n° ARB/03/26. Dans cette affaire, le demandeur avait mis en exergue
plusieurs dispositions de la législation mais aucune d’elles se referaient au CIRDI, le tribunal en a déduit que le consentement
de l’Etat requit à l’article 25(1) de la Convention de Washington n’était pas présent.
236
G. R. DELAUME, « le Centre International du Règlement des Différends relatifs à l’Investissement », op cit, p.809.
59
B : LES CONSEQUENCES DE L’ARBITRAGE CIRDI
Comme on l’a vu, la saisine de la juridiction du CIRDI est volontaire, mais une fois ce consentement
donné, il ne peut être retiré unilatéralement237. Le règlement des différends dans ce cadre assure un certain
degré d'extra-territorialité. Les différends sont soumis à la connaissance de juridictions internationales, pour
être soustraits de la compétence des tribunaux nationaux. Ceci veut dire, qu’il n'y a pas de « lex arbitri
nationale ».
L’arbitrage CIRDI est exclusivement régi par la Convention CIRDI de même que par le règlement
d'arbitrage élaboré par le CIRDI. Il s'agit du seul système d'arbitrage d'investissement complètement isolé du
droit et des tribunaux nationaux.
« Chaque Etat contractant reconnaît toute sentence rendue dans le cadre de la présente Convention
comme obligatoire et assure l’exécution sur son territoire des obligations pécuniaires que la sentence impose
comme s’il s’agissait d’un jugement définitif d’un tribunal fonctionnant sur le territoire dudit Etat. Un Etat
contractant ayant une constitution fédérale peut assurer l’exécution de la sentence par l’entremise de ses
tribunaux fédéraux et prévoir que ceux-ci devront considérer une telle sentence comme un jugement définitif
des tribunaux de l’un des Etats fédérés ». Il ressort de cet article 54-1 que les sentences du CIRDI acquièrent
force de chose jugée et par conséquent sont exécutoires par les tribunaux internes. Les Etats contractants
s'engagent à reconnaître une sentence CIRDI au même titre qu'un jugement local. Elles font directement
l'objet d'une procédure d'exécution forcée et échappent à la procédure d'exequatur238.
La distinction entre l'arbitrage CIRDI et l'arbitrage commercial classique est donc très nette puisque
les sentences arbitrales classiques doivent être reconnues dans l'ordre juridique interne des Etats avant d'être
exécutées. Cette étape parfois longue et compliquée est écartée en matière d'arbitrage CIRDI, ce qui est un
gage de sécurité et permet d'éviter les recours dilatoires.
Cependant, l'exécution des sentences CIRDI dépend du droit interne de chaque Etat. L'article 54-3 de
la convention de Washington stipule que « L'exécution est régie par la législation concernant l'exécution des
jugements en vigueur dans l'Etat sur le territoire duquel on cherche à y procéder ». L'article 55 précise
qu' « aucune des dispositions de l'article 54 ne peut être interprétée comme faisant exception au droit en
vigueur dans un Etat contractant concernant l'immunité d'exécution dudit Etat ou d'un Etat étranger ».
Le recours au comité ad hoc d’une sentence est possible. Dans ce cas, ce comité qui fonctionne
comme une cour de cassation, ne juge pas du fond de l'affaire, mais examine la correcte application de la loi.
Il n'y a pas de recours devant les tribunaux étatiques des sentences arbitrales du CIRDI239.

237
Cf. Art.25-1 de la convention de Washington.
238
Il s’agit d’une procédure permettant de donner force exécutoire à un jugement rendu par une juridiction étrangère ou à une
sentence arbitrale.
239
Art. 53 de la convention de Washington.
60
Les demandes de révision et d'annulation d’une sentence arbitrale sont portées devant un comité ad
hoc de trois membres nommés par le CIRDI.
«La révision de la sentence n’est possible qu’en raison de la découverte d’un fait de nature à exercer
une influence décisive sur la sentence, à condition qu’avant le prononcé de la sentence, ce fait ait été inconnu
du Tribunal et de la partie demanderesse et qu’il n’y ait pas eu, de la part de celle-ci, faute à l’ignorer.
La demande doit être introduite dans les 90 jours suivant la découverte du fait nouveau et, en tout cas, dans
les trois ans suivant la date de la sentence240».
Quant à l’annulation d’une sentence, elle ne peut se faire que selon les motifs suivants :
« - vice dans la constitution du Tribunal;
- excès de pouvoir manifeste du Tribunal;
- corruption d’un membre du Tribunal;
- inobservation grave d’une règle fondamentale de procédure;
- défaut de motifs ».
«La demande doit être formée dans les 120 jours suivant la date de la sentence, sauf si l’annulation est
demandée pour cause de corruption, auquel cas ladite demande doit être présentée dans les 120 jours suivant
la découverte de la corruption et, en tout cas, dans les trois ans suivant la date de la sentence241 ».
En somme l’article 54-1 de la convention de Washington oblige l’Etat à reconnaître les sentences
arbitrales comme ayant force de chose jugée et de les soustraire de la procédure d’exequatur.
A côté du système CIRDI, coexistent d’autres mécanismes.

§ 2 : LE DEVELOPPEMENT D’AUTRES MECANISMES DE PROTECTION DES


INVESTISSEMENTS
La mise en œuvre des investissements dépend fortement de l’efficacité des règles en vigueur pour
attirer et protéger des capitaux étrangers. Pour garantir ces investissements, des mécanismes ont été élaborés
afin de permettre à des personnes ou des entités autres que des Etats d’invoquer la responsabilité
internationale d’un Etat en leur nom propre. A cet effet, nous nous intéresserons aux mécanismes d’origines
bilatérales (A) et ceux multilatérales (B).

A : LES TRAITES BILATERAUX


A partir des années 1920, la protection des investissements étrangers se concrétise, par des tribunaux
appelés à statuer sur les premières affaires faute de textes. Ces tribunaux se tournent vers les principes
généraux du droit international. Par la suite, le droit des investissements se développe. Ce sont d'anciens

240
Art. 51-1 et 2 de la convention de Washington.
241
Art. 52-1 et 2 de la convention de Washington.
61
accords du XIXème siècle dits « friendship commerce navigation » qui couvrent un champ d'application. Ce
n'est qu'à partir de la deuxième moitié du XXème siècle qu'apparaît un instrument consacré à la protection de
l'investissement et qui prend un nom particulier, le traité bilatéral d'investissement (TBI).
Les TBI, quelle que soit la catégorie à laquelle on tente de les rattacher, constituent un cadre juridique
de référence. Ces traités ont connu « un progression foudroyante242 » ces dernières années. Les TBI
concernent spécifiquement l’investissement et fixent des objectifs différents à atteindre.
Les TBI établissent des droits et des obligations pour les deux parties. La conclusion de ces traités qui
lient les engagements unilatéraux des Etats représente l’internationalisation de ces
Engagements. Le TBI est « un accord conclu entre deux Etats souverains, le plus souvent entre un Etat
exportateur de capital et un Etat importateur de capital. Cet accord trace à cet effet un cadre juridique de
portée générale qui définit publiquement et solennellement un ensemble équilibré de droits et de devoirs pour
chacune des parties contractantes243». Il faut à ce niveau relever que l’accord conclu avec une personne
physique ou une personne morale constitue un contrat d’investissement. De plus en plus, la convention
d’investissement précède le contrat d’investissement afin de protéger davantage l’investisseur 244 car « un
accord international est jugé offrir des normes de protection meilleures et plus fiables que le seul droit
national, celui-ci pouvant être modifié unilatéralement245».
L'arbitrage sur le fondement de ces traités remet en question la théorie de la protection diplomatique.
L'investisseur peut désormais intenter de lui-même une action internationale contre l'Etat d'accueil. L’action
intentée par lui sera régie par les règles de droit international et sera tranchée par application du droit
international public246. Il mettra donc en œuvre la procédure qui engage la responsabilité internationale de
l’Etat d’accueil, sans aucune nécessité d'épuiser les voies de recours disponibles en droit interne s'il choisit
l’arbitrage, sauf disposition contraire dans le traité.
Ce régime d'investissement comme nous l’avons dit, relève d'une application du droit international qui
assure aux investisseurs étrangers, individus et sociétés un haut niveau de protection contre le traitement
arbitraire des Etats où ils possèdent des actifs.
En contribuant au renforcement de la protection des investissements étrangers, le développement des
TBI est venu assouplir les règles relatives à la nationalité des réclamations et à l’épuisement des voies de

242
D. CARREAU, P. JUILLARD, Droit International Economique, op cit, p.457.
243
P. JUILLARD, « Les conventions bilatérales d’investissement conclues par la France », JDI, 1979, p.274.
244
Ibid.
245
CNUCED – Report of the Expert Meeting on Existing Agreements on Investment and their Development Dimensions,
Genève, 1997 b, p.8.
246
C. LEBEN, « La responsabilité internationale de l'État sur le fondement des traités de promotion et de protection des
investissements », op cit, p.698.
62
recours internes. Ils ont modifié le cadre juridique des investissements étrangers d’une part et ont réduit le
nombre de demandes de protection diplomatique d’autre part.
Qu’en est-il des traités multilatéraux ?

B : LES TRAITES MULTILATERAUX


La convention de Washington ayant été abordé, nous nous consacrerons à l’étude des traités
multilatéraux d’investissement (TMI) ayant une dimension universelle ; puis de ceux ayant une dimension
régionale.
D’abord, nous avons la Convention portant création de l’Agence Multilatérale de Garantie des
Investissements (AMGI) dont le texte a été approuvé par le Conseil des gouverneurs de la Banque Mondiale
le 11 octobre 1985 à Séoul d’où convention de Séoul247. Elle est entrée en vigueur le 12 avril 1988. Son
objectif principal est la promotion et la garantie multilatérale des investissements privés vers les pays en
développement248. Les garanties qu’elles octroient concernent uniquement les Etats ou les personnes
physiques ou morales de la nationalité d'un Etat membre qui doivent être des actionnaires de la Banque
Mondiale.
A cet effet, dans le cadre de l’AMGI, la nationalité de la société est celle de l’Etat sous les lois
desquelles elle s’est constituée et où elle a son siège social. A défaut, elle sera celle de l’Etat qui la
contrôle249.
L’internationalisation du contrat exclut de la compétence les juges de l’Etat d’accueil donc
l’intervention des Etats. Quant aux juges de l’Etat de nationalité de l’investisseur, ils sont incompétents pour
statuer sur des différends relatifs à la validité ou à l’exécution du contrat. Les litiges sont soumis à la justice
arbitrale internationale conformément à la convention et au règlement opérationnel 250. C’est une manière de
protéger l’investisseur des griefs des tribunaux de l’Etat.

247
L’AMGI est une institution du Groupe de la Banque Mondiale. Elle est un organisme d'assurance, de coassurance et de
réassurance pourvoyeur de garanties contre les risques non commerciaux. Ces risques sont représentés par :
- des actes du gouvernement d’accueil destinés à altérer la convertibilité de la monnaie locale dans des devises
étrangères ou d’empêcher le rapatriement de sommes perçues ;
- des interférences ou même l’annulation des contrats ou des accords entre l’investisseur étranger et le gouvernement du
pays d’accueil ;
- des pertes d’avoirs à la suite d’actes d’expropriation ou de nationalisation pris par l’Etat d’accueil, qui ont pour
corollaire de priver l’investisseur de ses droits sur son capital ou son investissement ou d’une part substantielle des
avantages découlant de son investissement ;
- des pertes ou endommagements des avoirs dus aux violences causées par la guerre civile, une insurrection, un coup
d’Etat ou une révolution. Sur la question cf. J. VOSS, « The Multilateral Investment Guarantee Agency : Status, Mandate,
Concept, Features, Implications », Journal of World Trade Law, n° 21, 1987, p.8. Voir également les articles 11 à 13 de la
convention de Séoul.
248
Art. 2 de la convention de Séoul.
249
Art. 13-ii de la convention de Séoul.
250
Voir Art. 56 et ss. de la convention de Séoul.
63
La sentence a force obligatoire et ne peut pas être annulée ni révisée.
Ensuite on a l’Organisation Mondiale du Commerce avec l’Accord relatif aux mesures concernant les
investissements et liées au commerce (MIC). Cet accord a pour but de faire face à la pratique courante de
certains Etats qui conditionnent l’admission des investissements étrangers à la réalisation d’objectifs
commerciaux précis. Cette pratique est perçue comme une obligation de résultats, et ses effets s’apparentent
aux restrictions quantitatives251.
On remarque d’entrée de jeu que le préambule de l’Accord fait une distinction entre les pays
développés et les pays en développement, voire les pays les moins avancés. Ces pays ont des besoins
particuliers dans le domaine du commerce, du développement et des finances. L’accord leur garantit certains
avantages pour éviter la dégradation de leur balance de paiement déjà fragile.
Selon l’article 1er, « le présent Accord s’appliquera uniquement aux mesures concernant les investissements
qui sont liés au commerce des marchandises ». Cette disposition élimine alors les investissements liés au
commerce des services.
Les dernières décennies ont été caractérisées par une prolifération des systèmes d’intégrations
régionaux, qui accompagnent la mondialisation de l’économie. Avec le phénomène régional et les diverses
tentatives vers le multilatéralisme, l’évolution du droit des investissements a encore franchi un grand pas vers
son internationalisation.
Les traités régionaux sont des traités multilatéraux. Les TMI favorise la libéralisation du régime des
investissements étrangers et du commerce mondial. L’apport majeur de ces accords réside dans leurs
dispositions concernant le droit d’établissement (privilégiant la notion de résidence à celle de nationalité), la
libre circulation qui s’appuient sur le principe de traitement et de protection en matière d’investissement.
Le règlement des litiges permet à l’investisseur personne physique ou moral d’agir en son propre nom, où au
nom d’une entreprise auprès d’une instance autre que celle d’une juridiction de l’Etat hôte.

251
D. CARREAU, P. JUILLARD, Droit International Economique, op.cit., p.171.
64
CONCLUSION DU TITRE 2
Le développement de nombreux mécanismes alternatifs de protection des étrangers, tend à supplanter
la protection diplomatique.
De nos jours, la protection diplomatique n’est donc plus la seule voie de recours ouverte en droit
international à l’individu dont les droits sont violés à l’étranger par un Etat dont il n’est pas le ressortissant.
D’abord, l’avènement des droits de l’homme et partant de la multitude des règles édictées, prouve de la
régularité avec laquelle la communauté internationale réaffirme l’indivisibilité et l’interdépendance de tous
ces droits. Ainsi les conditions traditionnelles de la protection diplomatique sont abandonnées afin de
permettre une large protection des individus en générale et d’une certaine catégorie de personnes en
particulier tel les populations en péril, les apatrides, les réfugiés.
En outre, dans le cadre communautaire de l’UE, attachés traditionnellement au respect des droits
fondamentaux et du droit dans une mesure plus générale, les citoyens européens peuvent bénéficier de la
protection diplomatique de la part de n’importe quel Etat membre de l’Union.
Enfin, dans le domaine des investissements, face à l’insuffisance de protection des systèmes
d’investissement et du caractère discrétionnaire de la protection diplomatique, des traités d’investissement
(bilatéraux et multilatéraux) garantissent la protection des investissements et des investisseurs étrangers.
Désormais, avec l’accès direct à l’arbitrage contre l’Etat d’accueil, les investisseurs peuvent former des
réclamations directement contre l’Etat d’accueil.
Dans le cadre du CIRDI, l’investisseur, personne physique bénéficie d’un accès direct à cet organe
international de résolution des différends. Comme le fait observer la CIJ dans l’affaire Diallo, le rôle de la
protection diplomatique « s’est estompé », face au règlement des différends relatifs aux investissements, et
aux conventions relatives aux droits de l’homme qui organisent désormais des procédures de recours contre
l’Etat responsable de violations des droits des étrangers252.
Il se trouve ainsi promu comme acteur immédiat du droit international, à condition toutefois d’être un
national d’un Etat contractant253.

252
Aff. Ahmadou Sadio Diallo, op cit, § 88.
253
I. FADLALLAH, « La nationalité de l’investisseur dans l’arbitrage CIRDI », in Gazette du Palais, juillet 2008, n°184, p.30.
65
CONCLUSION GENERALE
La conception traditionnelle, maintenue par la jurisprudence a soutenu le postulat selon lequel la
protection diplomatique est ancré dans le droit international et constitue pour les Etats un droit dont ils sont
souverains. Un droit qu’ils exercent selon leur bon vouloir et en revendication de leur droit. Les personnes
privées, physiques comme morales ne peuvent en exiger la mise en œuvre.
Cela était sans compter du caractère évolutif du droit en général et du droit international en particulier.
Il n'est plus possible de limiter le domaine du droit international aux seules relations entre Etats. De nouveaux
sujets du droit international ont vu le jour. Par conséquent, au côté des Etats, les organisations internationales
et mêmes les individus ont pris une place de plus en plus importante dans le droit international.
La banalisation des mouvements de population et l’augmentation constante des ressortissants
voyageant ou résidant à l’étranger ont accru inévitablement les besoins tout à la fois de protection et de
coopération. Cette protection est du ressort de l’Etat à qui il appartient en principe de protéger ses nationaux
lorsqu’ils sont victimes de mauvais traitements à l’étranger.
L’essor des droits de l’homme et du droit international humanitaire depuis une décennie ont tempéré le
monopole de l’intervention des Etats même pour sauver des vies. Il a permis l’éclosion récente au moins
sommaire et limitée d’une nouvelle norme de droit international selon laquelle la protection de l’individu,
sorte de patrimoine commun de l’humanité au même titre que l’environnement ne dépend plus de la seule
autorité de l’Etat dont il est ressortissant mais mobilise la communauté internationale tout entière254.
A l’ère des droits de l’homme, la question majeure concernant la protection diplomatique est de savoir
si cette dernière continue de viser la protection du droit de l’état à protéger ses ressortissants ou si les droits
de l’homme sont rentrés dans le champ matériel de la protection diplomatique. Pour Olivier De Frouville, la
réponse peut être affirmative car « l’Etat peut, à travers cette action, représenter un de ses nationaux dont les
droits de l’homme ont été bafoués255 ». De plus dans le cadre européen il apparaît comme un réel droit
fondamental et un droit à la protection diplomatique et consulaire reconnu aux citoyens européens et exercé
par n’importe quel Etat membres.
Le travail de codification de la CDI en la matière va-t-il entériner le débat sur la fiction et faire de la
protection diplomatique un instrument de protection des droits des étrangers dont la mise en œuvre ne serait
pas de la compétence discrétionnaire de l’Etat ?

254
M. BETTATI, « un droit d’ingérence? », op cit, p.640.
255
O. De FROUVILLE, « Affaire Ahmadou Diallo (République de Guinée c. République Démocratique du Congo). Exceptions
préliminaires : le roman inachevé de la protection diplomatique », op cit, p.15.
66
Si la CDI ne tire pas profit du développement du droit, il conviendrait de s’aligner derrière Alain
Pellet pour qui, la CDI n'a livré qu'un produit « demi fini »256.
« Le droit peut être un instrument de progrès et de changement. Ce n'est exact que si l'on ne lui
demande pas davantage que ce que, par sa nature même, il est capable de donner. Ce n'est pas la libération
qui surgit du droit, mais c'est le droit qui surgit de la libération257 ».

256
A. PELLET, « Le projet d'articles de la CDI sur la protection diplomatique, une codification pour (presque) rien », op cit,
p.1155.
257
C. CHAUMONT, «Le droit des peuples à témoigner d'eux-mêmes », in annuaire du tiers monde, p. 27.
67
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2002, pp.513-548.
- RAMBAUD Patrick, « La compétence du tribunal C.I.R.D.I. saisi après une décision d'annulation »,
in AFDI, 1988. pp. 209-215.
- RITTER Jean-Pierre, « La protection diplomatique à l'égard d'une organisation Internationale », in
AFDI, 1962. pp. 427-456.
- ROBERT Eric, « La protection consulaire des nationaux en péril ? Les ordonnances en indication de
mesures conservatoires rendues par la Cour internationale de Justice dans les affaires Breard
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- SALMON Jean, « Des mains propres comme conditions de recevabilité des réclamations
internationales » in AFDI, 1964. pp. 225-266.
- SANTULLI Carlo, « Observations sur les exceptions de recevabilité dans l'affaire du Mandat d'arrêt
du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique) », in AFDI, 2002. pp. 257-280.
- SANTULLI Carlo, « Une administration internationale de la justice nationale ? A propos des affaires
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- SOMA Valérie, « L’évolution du statut de l’individu en droit international », in publication le Cames,
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69
- STERN Brigitte, « La protection diplomatique des investissements internationaux », 1990, 117, J.D.I.,
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- TRANCHANT Baptiste, « L’arrêt rendu par la CIJ sur la demande en interprétation de l’arrêt Avena
(Mexique c. Etats-Unis d’Amérique) », in AFDI, 2009, pp. 191-220.

 MEMOIRES
- GOUBA Pascal, la protection des droits des burkinabé de l’étranger, mémoire, ENAM, 2006, 60p.
- OUBDA Bénédicte, La protection des étrangers en droit international, mémoire, IDRI, septembre
2007, 68p.

 JURISPRUDENCE
- CPJI, 30 aout 1924, Aff. des concessions Mavrommatis en Palestine, (Grèce c. Royaume Uni), série A
n°2.
- CIJ, 6 avril 1955, Aff. Nottebohm, (Principauté du Liechtenstein c. Guatemala), CIJ Rec. 1955, p.4-
27.
- CIJ, 5 février 1970, Aff. Barcelona Traction Light and Power Company, (Belgique c. Espagne), CIJ
Rec. 1970, p.4-51.
- CIJ, 20 juillet 1989, Aff. Elettronica Sicula S.P.A. (ELSI), (USA c. Italie), CIJ Rec.1989.
- CIJ, 27 Juin 2001, Aff. Lagrand, Allemagne c. USA, CIJ Rec. 2001. www.icj-cij.org
- CIJ, 31 mars 2004, Aff. Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. États-Unis d’Amérique),
www.icj-cij.org.
- CIJ, 24 mai 2007, Aff. Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République Démocratique du
Congo), CIJ, Exceptions préliminaires, www.icj-cij.org.

 CONVENTIONS ET TEXTES INTERNATIONAUX

1. Charte des Nations Unies du 26 juin 1945.


2. Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948.
3. Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.
4. Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires.
5. Convention de Washington établissant le CIRDI du 18 mars 1965.
6. Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités.
7. Convention de Séoul établissant l’AMGI du 11 octobre 1985.

70
 SITES INTERNET
- Commission de droit international
www.un.org
- Cour international de justice
www.icj-cij.org
- Cour européenne des droits de l’homme
www.ech.coe.int
- Site officiel du CIRDI
www.worldbank.org/icsid
- institut de droit international
www.idi-iil.org
- société française de droit international
www.sfdi.org

71
TABLE DES MATIERES
AVERTISSEMENT………………………………………………………………………………..i
REMERCIEMENTS………………………………………………….……………………...……ii
SIGLE ET ABREVIATIONS…………………………………..…………………………….…..iii
SOMMAIRE ………………………………………………………………………………………v
INTRODUCTION GENERALE ……………………………………………...…………….…..P 1

TITRE 1 : LE FONCTIONNEMENT DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE……….……P 6

CHAPITRE 1 : L’ENCADREMENT JURIDIQUE DE LA PROTECTION


DIPLOMATIQUE…………………………………………………………………………….….P 7
SECTION 1 : LE DROIT D’ACTION DE L’ETAT A LA PROTECTION
DIPLOMATIQUE………………………………………………………………………….….…P 7
§ 1 : LA JUSTIFICATION DU DROIT D’ACTION DE L’ETAT……………..…………….…P 7
A : LE STANDARD MINIMUM …………………...………………………………………..…P 7
B : LE DROIT DE L’ETAT D’ASSURER LA PROTECTION DE SES NATIONAUX ………P 9
§ 2 : LA NATURE JURISPRUDENTIELLE DU DROIT D’ACTION DE L’ETAT……….…P 10
A : LA CONSECRATION D’UNE NORME COUTUMIERE ………………………….…….P 10
B : L’INTERPRETATION EVOLUTIVE DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE ….....…P 11
SECTION 2 : L’EXERCICE DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE …………………..…P 12
§ 1 : LES MOYENS D’ACTION DE L’ETAT…………………………...……….…..…..……P 12
A : L’INTERDICTION DU RECOURS A LA FORCE ……………………………………..…P 12
B : DE L’ACTION DIPLOMATIQUE A L’OPTION JURIDICTIONNELLE …...……..….…P 13
§2 : LES CONSEQUENCES DE L’INTERVENTION ETATIQUE …………..……………....P 14
A : LA PROTECTION DIPLOMATIQUE, UNE INGERENCE ? …………………….………P 14
B : LA QUESTION DU REVERSEMENT DES INDEMNITES ……………….…………..…P 15

CHAPITRE 2 : LA MISE EN ŒUVRE DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE ……….…P 17


SECTION 1 : LES CONDITIONS SUBJECTIVES DE MISE EN ŒUVRE …………….……P 17
§ 1 : LA CONDITION DE NATIONALITE ………………………………………….……..…P 17
A : LA NATIONALITE DES PERSONNES PHYSIQUES ………………………………...…P 17
B : LA NATIONALITE DES PERSONNES MORALES ………………………………..……P 20
§ 2 : LA THEORIE DES MAINS PROPRES …………………………………….……….……P 22
A : LA VIOLATION DU DROIT INTERNE ………………………………..…………………P 23
72
B : LA VIOLATION DU DROIT INTERNATIONAL …………………………..……………P 24
SECTION 2 : LES CONDITIONS OBJECTIVES DE MISE EN ŒUVRE ……………...……P 25
§ 1 : L’EPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNE …………………………...…P 25
A : LE FONDEMENT DE LA REGLE …………………………………………………...……P 25
B : LE CONTENU DE LA REGLE………………………………………………………….…P 27
§ 2 : L’EXIGENCE D’UN ACTE INTERNATIONALEMENT ILLICITE DE
L’ETAT……………………………………………………………………………….....………P 28
A : LA NOTION DE RESPONSABILITE INTERNATIONALE ……………………….….…P 28
B : LE FAIT GENERATEUR ……………………………………………………………..……P 30
CONCLUSION DU TITRE 1 ………………………………………………………………...…P 32

TITRE 2 : L’EFFRITEMENT DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE ………………….…P 33

CHAPITRE 1 : L’EFFRITEMENT NATIONAL ………………………………………...…..…P 34


SECTION 1 : LE ROLE MINORE DES ETATS …………………………………………….…P 34
§ 1 : L’ABANDON DE LA CONDITION DE NATIONALITE …………………………….…P 34
A : DE L’INTERVENTION D’HUMANITE A LA RESPONSABILITE DE
PROTEGER…….……………………………………………………………………...…..........P 34
B : LE CAS DES REFUGIES ET DES APATRIDES …………………………………………P 37
§ 2 : L’ABANDON DE CERTAINES CONDITIONS…………………………………………P 39
A : LA CONDITION DE DISCRETION ………………………………………………………P 39
B : LA CONDITION DES MAINS PROPRES …………………………………………….…..P 40
SECTION 2 : D’UN DROIT ETATIQUE A UN DROIT INDIVIDUEL ……………………...P 42
§ 1 : LA CRISTALLISATION NORMATIVE …………………………………………………P 42
A : LA TACHE DE CODIFICATION DE LA COMMISSION DE DROIT
INTERNATIONAL…………………………………………….…………………………..……P 42
B : L’EXISTENCE D’UN DROIT DE L’HOMME A LA PROTECTION
DIPLOMATIQUE……………………………………………………………...……………..…P 43
§ 2 : LES EVOLUTIONS EN DROIT DE L’UNION EUROPEENNE …………..……………P 44
A : LES SPECIFICITES PAR RAPPORT AU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC...………P 44
B : L’EMERGENCE D’UNE NATIONALITE EUROPEENNE ………….……………..……P 46

CHAPITRE 2 : L’EFFRITEMENT INTERNATIONAL ………………………………………P 49

73
SECTION 1 : L’EVOLUTION DES DROITS DE L’INDIVIDU EN DROIT
INTERNATIONAL…………………………………………………………………….………P 49
§ 1 : LA CONSECRATION DES DROITS DE L’HOMME…………………...………..….…P 50
A : LE NOUVEAU STATUT DE L’INDIVIDU EN DROIT INTERNATIONAL DES
DROITS DE L’HOMME……….………………………………………………………………P 50
B : LES NORMES JURIDIQUES EN MATIERE DES DROITS DE L'HOMME ……………P 51
§ 2 : UNE EVOLUTION SPECTACULAIRE………………………………………….………P 53
A : LA THESE MODERNE DE LA PROTECTION DES DROITS
SUBJECTIF…………………………………………………………………………...…………P 53
B : ANALYSE DU PROJET DE 2006 SUR LA QUESTION ………………………….………P 54
SECTION 2 : L’EVOLUTION DU DROIT INTERNATIONAL DES
INVESTISSEMENTS……………………………………………………………………………P 57
§ 1 : LE DROIT DE RECOURS INDIVIDUEL DEVANT LE CIRDI …..…………………..…P 57
A : LES FONDEMENTS DE L’ARBITRAGE CIRDI …………………………………..…..…P 57
B : LES CONSEQUENCES DE L’ARBITRAGE CIRDI ………………………………..…..…P 60
§ 2 : LE DEVELOPPEMENT D’AUTRES MECANISMES DE PROTECTION DES INVESTISSEMENTS
……………………………………………………………………………………….…………...P 61
A : LES TRAITES BILATERAUX ………………………………..……………………………P 61
B : LES TRAITES MULTILATERAUX ……………………………………….…….…………P 63
CONCLUSION DU TITRE 2 …………………………………….…….…….…….……………P 65
CONCLUSION GENERALE ……………………………………………………………………P 66
BIBLIOGRAPHIE ……………………………………………………………….………………P 69
TABLE DES MATIERES …………………………………...……...……………………………P 72

74

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