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AMNESTY INTERNATIONAL

Étude sur le bien-être du


personnel

Équipe d'évaluation :
Kavita Avula, Dr, psychologie
Lisa McKay, MA, Master, psychologie
Sébastien Galland, MSc, MBA

700 12th Street NW, Suite 700 | Washington, DC 20005 | t. +1.202.351.6826 | F. +1.888.755.8925 |
info@konterragroup.net www.konterragroup.net
SOMMAIRE

DÉCLARATION DE L'ÉQUIPE D'ÉVALUATION 3

SYNTHÈSE 5

PRINCIPALES RECOMMANDATIONS : UNE FEUILLE DE ROUTE POUR LE CHANGEMENT 7

1. Travailler à réparer les ruptures et développer un sentiment de sécurité et de confiance. 8


A. La direction générale et les managers intermédiaires 8
B. L’organisation 10
C. Le personnel 12

2. Contrer la culture de la critique et du blâme par une « culture du développement » 13

3. Mettre en œuvre une approche globale et systématique pour favoriser le bien-être du personnel 15
A. Créer un groupe de travail sur le bien-être avec une représentation de la SLT 15
B. Créer une politique relative au bien-être du personnel 15

4. Améliorer le soutien pour les problèmes liés au stress 16


A. Fournir un meilleur accès au conseil et un soutien plus spécialisé 16
B. Améliorer les protocoles de réponse aux crises et aux événements critiques 17
C. Sensibiliser davantage les managers et le personnel à la résilience et au soutien des personnes en détresse
18

5. Recruter, former et soutenir les managers afin d’améliorer le bien-être du personnel 21


A. Intégration du bien-être en tant que manager 22
B. Aider les managers à gérer plus efficacement 23

6. Revisiter et professionnaliser le POD 24


A. Examiner le fonctionnement et le rôle du POD 24
B. Améliorer les processus de gestion des performances et instaurer une culture du feedback 25
C. Améliorer la procédure de résolution des litiges 26
D. Renforcer les pratiques d'évaluation et de recrutement 27

Cinq questions que les sections d'Amnesty devraient se poser pour améliorer le soutien au personnel 28
1. QUOI ? S'efforcer d'établir une culture de l’attention et du respect. 28
2. QUI ? Veiller au bien-être de tous les membres du personnel, et pas seulement à celui du personnel engagé
sur le terrain. 28
3. POURQUOI ? Le personnel d'Amnesty est soumis à des facteurs de stress inhabituels qui requièrent un
soutien spécialisé. 28
4. QUAND ? Ne pas attendre qu’une crise survienne pour faire du bien-être une priorité. Il faut agir dès
maintenant. 29
5. COMMENT ? Commencer par une évaluation des besoins dans les locaux de votre section. 29

Chronologie recommandée pour l'action 30

Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019


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DÉCLARATION DE L'ÉQUIPE D'ÉVALUATION
Chères et Chers membres du personnel et dirigeant-e-s d'Amnesty International,

Nous avons eu le privilège de mener cette étude sur le bien-être du personnel pour Amnesty
International. Chaque membre de l'équipe d'évaluation croit fermement aux valeurs et aux droits
qu'Amnesty International s'efforce de défendre et de protéger dans le monde entier. Nous vous
remercions de nous avoir confié cette tâche et d'avoir partagé franchement vos expériences et
réflexions sur la manière dont Amnesty peut mieux protéger et promouvoir le bien-être et les
droits de ses employés.

En discutant longuement avec des dizaines d’employés d’Amnesty International, en examinant


vos réponses à notre sondage et en effectuant des recherches supplémentaires, toute l’équipe
d’évaluation a été impressionnée par votre passion pour votre travail et votre persévérance face
aux épreuves et à l’injustice.

Il est largement admis que la restructuration de ces dernières années, indépendamment des
considérations relatives à son efficacité pour repositionner Amnesty dans la défense des droits
humains, a provoqué des perturbations importantes au sein de l'organisation, et nui
considérablement au bien-être du personnel. Le Programme mondial de transition a créé une
culture et un contexte organisationnels qui peuvent être largement améliorés du point de vue de
la promotion et de la protection du bien-être du personnel.

La lecture de ce rapport peut être inconfortable et difficile pour beaucoup d’entre vous. Elle peut
susciter de fortes émotions. Vous vous sentirez peut-être dépassé-e, en colère, justifié-e ou
menacé-e. Nos conclusions et recommandations, ainsi que les citations que nous avons incluses,
sont susceptibles de susciter un débat et un dialogue. Tout cela est à prévoir, et peut être même
souhaitable. En effet, un défi inconfortable peut introduire de nouvelles perspectives et
possibilités de croissance et de changement. Le débat et le dialogue peuvent clarifier les priorités
et stimuler les progrès.

Nous espérons sincèrement que ce rapport et les autres contributions que nous avons pu
rassembler et vous fournir au cours de ce processus vous aideront à planifier et à mettre en
œuvre les changements nécessaires pour mieux soutenir le bien-être des employés, et que vous
aborderez cette tâche avec un réel désir de reconstruction, de reconnexion et de nouveau départ
avec le personnel, à tous les niveaux.

Selon les propres mots d'un employé, nous pensons tous qu'« aujourd'hui plus que jamais, dans
le contexte mondial actuel, nous avons besoin qu’Amnesty International soit forte ». Votre
organisation et le travail qu’elle accomplit ont une valeur immense. Il en est de même pour tous
les membres de son personnel.

Salutations,

Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019


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Kavita, Lisa et Sébastien

Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019


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SYNTHÈSE
Les morts inattendues de Gaëtan Mootoo et de Rosalind McGregor, des collègues très estimés
du Secrétariat international d'Amnesty International, ont motivé cet examen exhaustif du bien-
être du personnel, qui a porté sur deux questions :

1. Quelles sont les principales leçons qu'Amnesty International peut tirer de ces tragiques
événements ?
2. Quelles mesures supplémentaires éventuelles recommanderiez-vous pour assurer un
soutien adéquat à notre personnel et veiller à son bien-être, notamment dans le cas des
personnes qui connaissent des niveaux de stress exceptionnels ?

Amnesty International est un leader dans le domaine de la défense des droits humains, et son
ambitieuse mission implique naturellement des pressions considérables et inhabituelles. En
outre, le récent Programme mondial de transition (GTP) a exacerbé des tensions déjà existantes
en perturbant considérablement la structure des équipes et en créant de nouvelles divisions
entre le personnel et les dirigeants, à de nombreux niveaux.

Le souhait d'Amnesty de mieux soutenir le bien-être d’un personnel qui travaille si intensément
pour l'organisation est louable. On trouve chez Amnesty International des exemples de managers
qui répondent bien aux besoins de leur personnel. En général, toutefois, l’approche d’Amnesty
en matière de soutien du bien-être du personnel est réactive, et non systématique. Elle se révèle
donc insuffisante.

Les principales conclusions de l'étude sur le bien-être du personnel du Secrétariat international


sont les suivantes :

Travailler chez Amnesty n’est pas une activité professionnelle comme les autres. La plupart des
membres du personnel croient profondément à la mission d'Amnesty et attachent une grande
importance à leur travail. Beaucoup décrivent leur travail comme une vocation ou une cause qui
donne à la fois un but et du sens à l’existence.

Travailler chez Amnesty soumet souvent le personnel à un stress exceptionnel. Bien qu'Amnesty
emploie de nombreuses personnes talentueuses et attentionnées, son environnement de travail
est souvent qualifié de « toxique ». Les cinq principales sources de stress signalées concernaient
toutes la charge de travail et la culture du management. Une proportion importante des
membres du personnel (39 %) a déclaré avoir développé des problèmes de santé mentale ou
physique résultant directement du travail chez Amnesty. En outre, de nombreux rôles chez
Amnesty International présentent un risque important de stress secondaire ou de traumatisme
indirect.

En général, les efforts d'Amnesty pour soutenir le bien-être du personnel ont été ponctuels,
réactifs et fragmentés. Amnesty a récemment tenté d'explorer le concept de bien-être et a fait

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appel à divers prestataires de conseil pour son personnel. Dans l’ensemble, toutefois, ces
initiatives ne répondent pas aux besoins de la plupart des employés et l’organisation manque
d’une approche globale, bien coordonnée et intégrée pour favoriser le bien-être de son
personnel.

Les carences du management et de la culture organisationnelle sont la cause fondamentale de la


plupart des problèmes de bien-être du personnel. La source majeure des problèmes de bien-être
du personnel chez Amnesty n'est pas liée à une exposition courante à la souffrance, aux abus et
aux traumatismes. Au contraire, la culture conflictuelle sur le lieu de travail, les
dysfonctionnements du management et du programme Développement des personnes et de
l’organisation (POD, anciennement ODHR), et les pressions liées à la charge de travail sont les
facteurs les plus importants des problèmes de bien-être actuels.

Le POD a largement échoué ces dernières années dans ses fonctions de conseiller impartial
auprès du personnel et de gardien des normes du lieu de travail. Le POD en tant que système ne
fonctionne pas aussi efficacement qu’il le devrait. Bien que ce programme compte beaucoup de
membres du personnel professionnels, impliqués et dévoués, il est globalement dysfonctionnel.
Par exemple, le POD ne parvient souvent pas à gérer les informations conformément aux
normes, à fournir des informations précises et à jour, ou encore à se positionner efficacement
dans les procédures de résolution des litiges.

Les principales conclusions amènent à plusieurs recommandations pour mieux soutenir le bien-
être du personnel, notamment :

1. Travailler à réparer les ruptures et à susciter un sentiment de sécurité et de confiance entre


la direction générale, l'organisation et le personnel. Des conseils ciblés et spécialisés doivent
être disponibles à tous les niveaux – cadres supérieurs, personnel et organisation dans son
ensemble – afin de reconnaître, de comprendre et de changer la dynamique clivante
actuelle.

2. Contrer la culture de la critique et du blâme par une « culture du développement ».


Rechercher et adopter un cadre (tel que l’Organisation délibérément orientée vers le
développement, ou DDO) pour transformer les cycles actuels d’indignation et de reproches.

3. Mettre en œuvre une approche globale et systématique du bien-être du personnel. Créer un


groupe de travail sur le bien-être faisant autorité, et intégrant une représentation de la SLT,
pour élaborer une politique du personnel axée sur le bien-être de ce dernier, clarifier et
établir les priorités, et superviser la mise en œuvre de cette politique.

4. Améliorer le soutien pour les problèmes liés au stress. Fournir un meilleur accès au conseil,
améliorer les protocoles de réponse aux crises et aux événements critiques, et sensibiliser
davantage les managers et le personnel à la résilience et au soutien des personnes en
détresse.

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5. Engager, équiper et mieux soutenir les managers pour améliorer le bien-être. Aider les
managers à améliorer leurs compétences relationnelles et leur mode de communication,
leur intelligence émotionnelle et leurs qualifications en gestion de conflits. Encourager les
managers à donner l’exemple sur les priorités en matière de bien-être, et les soutenir dans
leurs efforts de gestion en apportant des ajustements structurels aux charges de travail.

6. Revisiter et professionnaliser le POD. Examiner le POD pour tenter de résoudre les


déconnexions actuelles entre le personnel et le POD. Améliorer les stratégies de gestion de
la performance, les comportements et styles professionnels, et instaurer une culture de
feedback réciproque. Améliorer les procédures de résolution des litiges et renforcer les
pratiques d’évaluation et de recrutement.

Après une discussion des principales conclusions, nous proposons aux sections des instructions
élémentaires - qui seraient significativement enrichies par leur propre étude du bien-être - ainsi
qu’un calendrier sur les échéances pour la mise en œuvre des recommandations. Nous avons
ainsi défini 4 étapes qu’Amnesty pourrait franchir au cours des prochains mois pour répondre
aux besoins émergents, et mettre en place une meilleure stratégie de bien-être répondant aux
besoins d’un personnel mondial.

PRINCIPALES « L’impact personnel du travail, en


particulier dans les professions visant à
RECOMMANDATIONS : UNE
assister d’autres êtres humains, peut créer
FEUILLE DE ROUTE POUR LE une tension émotionnelle, qui n’est souvent
CHANGEMENT pas évoquée, et qui est accueillie avec
indifférence si elle l’est. Si l'organisation ne
Compte tenu de la nature du travail accompli prévoit aucune disposition particulière, le
par de nombreux employés d'Amnesty, et de résultat pourrait être une « pathologie »
la tonalité générale de sa culture inattendue de l'organisation, à la fois
organisationnelle et managériale, Amnesty insondable et intraitable. La combinaison
International doit élaborer et suivre un plan
de la tension et du silence peut générer un
réfléchi si elle souhaite améliorer le bien-être
stress atteignant le niveau d'un
de son personnel. En outre, le bien-être du
personnel d’Amnesty doit aller bien au-delà de traumatisme, et entraîner des réponses
mesures visant à améliorer le soutien comportementales inadaptées, se
concernant l’exposition aux traumatismes et à traduisant notamment par un « épuisement
un stress extrême. Nous parlons là d’efforts professionnel » (burn-out) ».
très importants, mais y travailler en isolant les Dr Robert Hinselwood (Personal Trauma and
problèmes ne résoudra pas la difficulté Collective Disorder: The Example Of
fondamentale des pressions que subit Organisational Psychodynamics In Psychiatry,
Trauma and Organisations (non traduit).)
actuellement la vaste majorité des membres
du personnel. Il est vivement recommandé à Amnesty d’adopter une approche plus globale et
plus intégrée du bien-être du personnel, qui commence par un travail de réparation des ruptures
culturelles et relationnelles actuelles.
Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019
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Dans cette section, les recommandations visent cinq domaines essentiels : réparer les ruptures ;
adopter une approche systématique du bien-être du personnel ; améliorer le soutien pour les
problèmes liés au stress – notamment l'épuisement professionnel (burn-out), les traumatismes
indirects et la pression de la vie dans des environnements très hostiles ; doter les managers
intermédiaires de compétences pertinentes ; professionnaliser le POD (ex-ODHR).

Ces domaines sont d’une importance stratégique pour améliorer le bien-être du personnel chez
Amnesty. Tous sont importants - même s'il est également important de reconnaître que de réels
changements ne se produiront pas rapidement et nécessiteront des efforts sérieux et une
allocation de ressources importante. La section initiale, Une feuille de route pour le changement,
présente un récapitulatif des principales étapes et un calendrier recommandé pour l’action.

1. Travailler à réparer les ruptures et développer un sentiment de sécurité et de


confiance.

Il n’est pas rare que des organisations dont le travail expose des personnes à des situations
intrinsèquement stressantes fonctionnent dans un climat d’urgence. Cependant, tous les
professionnels de l'humanitaire qui cherchent à prendre soin des autres doivent également
s'efforcer de créer une culture interne de considération, de compassion et de respect. Amnesty
ne peut lutter efficacement pour améliorer le monde tout en perpétuant une culture
organisationnelle profondément marquée par le secret, la méfiance, le népotisme et d’autres
formes d’abus de pouvoir.

Il est essentiel que les hauts dirigeants - le secrétaire général, le Bureau exécutif international
(BEI) et la Direction générale (SLT) - soulignent que la création d'un environnement sûr et
respectueux est une priorité absolue et permanente. Cela implique de travailler à restaurer
systématiquement un sentiment de confiance.

Une attention particulière doit être accordée à chacun des groupes suivants : (a) la direction
générale ; (b) l'organisation dans son ensemble et (c) le personnel.

A. La direction générale et les managers intermédiaires

Le secrétaire général doit engager une équipe de développement du leadership fiable et


compétente, composée d'experts de ce type de groupe, afin d'aider la SLT et les managers
intermédiaires à comprendre et à gérer leurs propres dynamiques.

Aider la SLT à mieux comprendre et gérer ses dynamiques conflictuelles (et aussi à comprendre
comment ces dynamiques influencent la culture organisationnelle et les styles de management
à d'autres niveaux) est essentiel pour sa capacité à « montrer l'exemple » et à réaliser de réels
progrès concernant l’amélioration du bien-être du personnel.

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Parallèlement, offrir aux managers intermédiaires l’occasion de développer leurs compétences
en leadership, de comprendre différents styles de travail et de reconnaître la valeur des relations
de travail mutuellement respectueuses et satisfaisantes dote tous les niveaux de l’organisation
des compétences et des connaissances nécessaires pour passer de la culture actuelle de
reproches à une culture fondée sur l’attention et le respect. L’amélioration des compétences en
leadership dans l’ensemble de l’organisation renforcera sans aucun doute le sens de la
communauté et de la solidarité, ce qui est actuellement un impératif.

Ce processus pourrait inclure les éléments suivants :


• Évaluer les méthodes de travail individuelles et les étudier en groupe (à l'aide d'un outil
de développement organisationnel interactif tel que DiSC).
• Explorer les moyens et stratégies possibles pour faire preuve d'empathie, améliorer la
communication, gérer les conflits et devenir une équipe de direction plus efficace.
• Développer un sens plus fort de la cohésion, de la compassion et du respect au sein du
groupe.
• Prendre des mesures pour créer une « culture de développement » (détaillée ci-dessous)
valorisant l’épanouissement de tous les membres de l'organisation et impliquant
d’assumer la responsabilité de son propre rôle dans un conflit ou une dynamique, au lieu
de blâmer quelqu’un d’autre.
• Créer une vision pour une approche intégrée et globale du bien-être du personnel qui soit
approfondie, cohérente et valorisée pour et par tous.
• Travailler pour remédier aux nombreux abus de pouvoir et atteintes aux droits humains
qui ont été signalés.

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B. L’organisation

Le lancement de cette enquête indépendante « Les effets de la reconfiguration répétée


a été un pas dans la bonne direction, afin que des équipes, des services et du système de
la SLT soit davantage en mesure de soutenir le
leadership ont entraîné des symptômes de
personnel. Cependant, les dirigeants devront
rupture de rattachement et des
prendre d'autres mesures s'ils souhaitent
réellement changer les mentalités et créer traumatismes cumulatifs. L'absence de
une culture organisationnelle axée sur la structures fiables, l’effritement des
cohésion à l'avenir. systèmes de maintien de la cohésion et la
suppression régulière des figures d'autorité
À cette fin, les dirigeants doivent se tourner poussent les organisations et leurs
vers des pratiques réparatrices afin de membres à régresser vers des formes de
permettre au personnel de se sentir entendu défense plus primitives face à un sentiment
et valorisé. Cela doit impliquer la planification
croissant d'insécurité existentielle. »
d'un processus participatif guidé qui
reconnaîtrait en premier lieu les dommages Gerhard Wilke, Leaders and groups in
occasionnés et viserait également à créer un traumatized and traumatizing organisations: A
avenir meilleur. matter of everyday survival, Trauma and
Organisations (non traduit)
Nous décrivons brièvement ci-dessous deux
processus qui ont été utilisés avec succès par d’autres organisations pour atteindre ces objectifs.
Les dirigeants doivent explorer ces options plus en détail avec des consultants externes qualifiés.

Ces deux approches sont recommandées :

1. Expérience en grand groupe


2. Cercles restaurateurs

L'une ou l'autre de ces approches sera probablement utile à Amnesty. Ces approches peuvent :

• améliorer la compréhension des


dynamiques existantes et de la diversité « Ils [Amnesty] doivent être honnêtes et
des points de vue sur celles-ci ; transparents. Face aux gouvernements, ils
• permettre de travailler sur des se targuent de dire la vérité aux pouvoirs
dynamiques problématiques ; en place, mais ils ont été eux-mêmes
• réparer les dommages occasionnés et secrets, malhonnêtes et corrompus. »
« remettre les choses en ordre ».

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Expérience en grand groupe

« Un autre monde n'est pas seulement possible, il est déjà en route. Lors de journées calmes, je peux
l'entendre respirer. » Arundhati Roy

Dans un grand groupe, trente à cent participants s’assoient en cercles concentriques ou dans une
grande spirale, avec pour tâche de verbaliser leurs pensées, sentiments et associations au service
d’un dialogue collectif et constructif. Se prêter à cet exercice avec sérieux est un moyen efficace
de découvrir et de surmonter les obstacles à la communication et à la connexion qui existent au
niveau conscient et au-delà.

L'expérience en grand groupe est un processus relationnel qui facilite la compréhension du


groupe dans son ensemble, le sens du collectif et le changement systémique. Le processus aide
les participants à mieux comprendre et à surmonter les obstacles à une véritable connexion et à
un véritable engagement. Le groupe, sous le contrôle de modérateurs (qui doivent être des
experts en relations et analyse de groupe), peut aider toutes les personnes présentes à accroître
leur capacité à s’exprimer, à développer un sentiment d'appartenance et à comprendre les jeux
de forces complexes comme la désignation de boucs émissaires ou la pensée unique, qui
nourrissent et entretiennent les cultures organisationnelles négatives.

L'expérience en grand groupe peut être à la fois perturbante et transformatrice. Pour cette
raison, la sélection d’un bon prestataire et une préparation adéquate sont essentielles. Les
participants doivent être guidés, avoir un aperçu du travail en grand groupe, une description
basique des concepts pertinents de la psychologie sociale et des objectifs d'apprentissage. Un
modèle souvent utilisé efficacement dans les organisations peu familières des expériences de
grands groupes est le « modèle sandwich », qui intercale l'expérience de grand groupe entre
deux rencontres en petit groupe. Faire l'expérience de la sécurité et du confort d'un petit groupe
avant et après l’expérience du grand groupe rend la démarche plus accessible. Lorsqu'elle est
appliquée de manière réfléchie, l'expérience en grand groupe peut aider les organisations et les
sociétés à mieux comprendre leurs propres dynamiques, et constituer un puissant tremplin vers
une transformation culturelle.

Justice réparatrice/cercles restaurateurs


Les pratiques réparatrices sont une méthode de justice alternative au modèle traditionnel et
puisent largement dans les cultures autochtones du monde entier. Leur objectif est de réduire
les conflits en renforçant les communautés et en offrant une voie d’apaisement lorsque les
conflits se produisent, dans le respect de toutes les parties impliquées.
Le modèle réparateur/restaurateur met l'accent sur la guérison des blessures individuelles et la
réparation des torts causés à la communauté. Plutôt que de simplement expulser ou punir
l’auteur d’une infraction, la justice réparatrice cherche à le réintégrer de manière à restaurer la
communauté et à éviter la reproduction d’événements similaires. En comparaison, la justice
pénale s'attache principalement à punir l'auteur d’une infraction et n'offre pas beaucoup de
soutien aux victimes ou aux autres membres de la communauté concernés après une infraction.
Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019
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Les recherches suggèrent de plus en plus qu'un traitement aussi sévère et isolé de l’auteur de
l’infraction peut conduire à des taux élevés de récidive, entraînant un cercle vicieux de mauvaise
conduite et de criminalité.
Une condition préalable essentielle au processus de réparation est la participation volontaire de
tous - y compris de l’auteur, qui doit reconnaître librement sa culpabilité pour le préjudice
commis.
Processus du cercle restaurateur
Le cercle restaurateur est un processus structuré destiné à aider les participants à avoir des
discussions ouvertes et honnêtes les uns avec les autres dans un environnement sécurisé.
Les participants sont assis sur des chaises et forment un cercle. Il ne doit y avoir aucune table
dans le cercle, mais certains éléments peuvent rappeler aux participants les valeurs qu'ils
souhaitent défendre lors du processus.
Les éléments structurants des cercles différencient ces derniers d’une simple « discussion »
générale. Ces éléments incluent : un cérémonial, un objet pour la prise de parole, un
modérateur/gardien, des directives et une prise de décision par consensus.
Les cercles sont un élément essentiel des pratiques réparatrices, car ils permettent de réunir les
parties prenantes dont la conduite est inappropriée/en situation de conflit dans un processus
ouvert, authentique et, en définitive, réparateur. La prémisse initiale des cercles est que nous
sommes tous des êtres interdépendants et que des solutions aux conflits ne peuvent
véritablement être trouvées qu'en reconnaissant cette interdépendance, par l'engagement de
toutes les parties prenantes dans le processus de réparation. Les actions d’une personne
affectent de nombreuses autres - dans le conflit comme dans la résolution et la réparation. Dans
un contexte professionnel, les cercles ont différentes applications, notamment :
• la consolidation des équipes
• le développement des énoncés de mission et des plans stratégiques dans les
organisations
• le développement de nouveaux programmes
• la gestion des conflits (harcèlement, discrimination, conflit interpersonnel)
Un cercle peut requérir plusieurs séances pour traiter un problème ou un conflit particulier. Les
valeurs fondamentales des cercles incluent le respect, l'honnêteté, l'humilité, le partage, le
courage, l'inclusivité, l'empathie, la confiance, le pardon, l'amour, la compassion, l'ouverture
d'esprit et la bienveillance. Chaque groupe détermine l’ensemble de valeurs correspondant à son
cercle.

C. Le personnel

À l'heure actuelle, ni le POD, ni SafeCall - la ligne téléphonique de lancement d’alerte - ne sont


perçus comme fiables. Un nombre conséquent de membres du personnel a indiqué qu'il ne
Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019
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souhaitait pas s'adresser à l'un ou à l'autre, car il ne croyait pas que quelque chose d'utile en
résulterait. Pire encore, ces employés craignent sincèrement d’être davantage ciblés et
marginalisés au lieu d’être soutenus.

Pour éliminer les abus de pouvoir et les mauvais traitements du personnel, et créer des canaux
sûrs de conseil et de recours, il est recommandé que :

• le secrétaire général envoie un message fort à tous les managers : les abus ne seront plus
tolérés et les « vedettes » et icônes de l'organisation, tout comme les hauts dirigeants,
pourront être amenés à rendre des comptes ;
• comme beaucoup ne font pas confiance aux systèmes internes actuels, un prestataire
externe analyse les allégations d'abus de pouvoir et définisse des actions réformatrices
via une approche réparatrice que le secrétaire général et la SLT s'engageront à respecter.

L’objectif final sera probablement de gérer ces fonctions de manière indépendante, sans
l’assistance de consultants externes. Cependant, Amnesty ne semble pas actuellement équipée
pour traiter de manière indépendante les fautes commises et le nombre d'abus perpétrés par
des cadres sur des membres du personnel moins élevés dans la hiérarchie. Un canal externe
dédié à l’obligation de rendre des comptes offrira certaines protections pendant que de meilleurs
systèmes internes sont développés.

2. Contrer la culture de la critique et du blâme par une « culture du


développement »

La capacité des membres du personnel et des managers à décrire et à assumer la responsabilité


de leur rôle dans les conflits est un signe de santé et de maturité de l’organisation. Cependant, à
l'heure actuelle, de nombreux membres du personnel et dirigeants d'Amnesty consacrent
beaucoup d'énergie à alimenter un cycle de reproches, et ne parviennent pas à admettre que
toutes les dynamiques problématiques sont co-créées. Les cadres supérieurs, les managers
intermédiaires et le personnel portent tous une part de responsabilité dans la culture toxique qui
existe actuellement. Le personnel craint la direction générale et la direction générale craint le
personnel. De nombreuses personnes se sentent dépassées, sous-estimées et généralement
malheureuses devant l’absence d’une culture plus harmonieuse sur le lieu de travail.

Dans ce contexte, Amnesty doit rechercher et adopter un cadre permettant de mettre fin au cycle
des reproches, qui est associé à un déni de responsabilité et d’engagement. Devenir une
Organisation délibérément orientée vers le développement (DDO) peut servir à encourager une
transparence utile et à enseigner aux dirigeants, aux managers intermédiaires et au personnel à
être plus responsables les uns vis-à-vis des autres.

Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019


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Organisation délibérément orientée vers le développement (DDO)
Amnesty aurait beaucoup à apprendre des travaux des professeurs de Harvard, Kegan et Lahey,
visant à créer une « culture commune ». Dans les organisations traditionnelles, les employés
passent un temps précieux à dissimuler leurs erreurs ou faiblesses aux yeux de leurs collègues.
Dans une organisation délibérément orientée vers le développement, l'entreprise cherche à
aider le personnel à tirer les leçons des erreurs, à tirer parti des échecs et à travailler ouvertement
sur les lacunes.

Le tableau ci-dessous montre comment les cultures d’entreprise traditionnelles diffèrent des
cultures de développement.

Cultures traditionnelles Cultures de développement


Les organisations considèrent la culture, La culture du développement EST la stratégie —
l’apprentissage et le développement comme le développement du personnel est au cœur de
distinctes de la stratégie de l'entreprise. tout, y compris de la stratégie.

Le développement individuel est considéré Le développement personnel et la maîtrise de


comme quelque chose qui s’« ajoute » aux soi sont au centre de l'organisation et intégrés à
responsabilités quotidiennes des personnes. chaque interaction.

Des motivations inconscientes suscitent les L’auto-observation, ainsi qu’une capacité à


besoins d'être aimé, d’avoir raison et de gagner - surmonter les engagements inconscients et les
les employés perdent du temps et de l'énergie à états d’esprit conduisant à l'échec, permettent le
gérer ces besoins. développement, la clarté et l'innovation.

Un état d'esprit de victime/sentiment Un état d'esprit auto-dirigé prévaut, où les


d’impuissance prévaut, où les individus individus de tous les niveaux s'approprient
projettent leur responsabilité sur les autres, ce activement leurs résultats personnels, ceux de
qui entraîne des dépendances délétères et la l’équipe et ceux de l’entreprise.
critique des autres.

Si les managers et le personnel s’engageaient dans un atelier en vue d’apprendre à se dégager


de ce que Kegan et Lahey appellent l’état d'esprit socialisé pour passer à un état d'esprit auto-
dirigé, plus mature, l’organisation développerait les connaissances et les compétences
nécessaires pour que chaque membre du personnel puisse reconnaître et assumer son propre
rôle dans la création et l’entretien des dynamiques problématiques actuelles, et cesser de se
blâmer mutuellement. Cela aiderait également Amnesty à s'éloigner d'une culture du
management trop hiérarchique et à se tourner vers une culture plus égalitaire et plus autonome.
Ce type d’atelier pourrait être organisé physiquement et/ou via un webinaire afin que tous les
membres du personnel y aient accès.

Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019


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3. Mettre en œuvre une approche globale et systématique pour favoriser le bien-
être du personnel

Amnesty doit chercher à adopter une approche globale et systématique pour favoriser le bien-
être du personnel. Certaines initiatives sont déjà en cours pour soutenir le personnel de
différentes manières. Toutefois, ces initiatives ne sont généralement ni organisées ni
coordonnées et peu de données sont collectées pour les orienter. Il existe également une
perception générale selon laquelle les efforts en matière de bien-être du personnel sont en
grande partie concentrés sur le personnel anglophone basé à Londres, en excluant le grand
nombre d'employés dans le monde entier.

Une première étape vers un changement significatif dans ce domaine consiste à définir ce que
cette approche impliquerait et qui serait responsable de la mettre en œuvre.

A. Créer un groupe de travail sur le bien-être avec une représentation de la SLT

À cette fin, nous recommandons à Amnesty de créer un groupe de travail sur le bien-être chargé
de superviser les efforts déployés au cours des prochaines années, notamment ceux du comité
sur le bien-être. Plusieurs membres de la SLT devraient y participer. Les membres du groupe de
travail devraient avoir le pouvoir de recommander et d'effectuer des changements importants,
et ces efforts devraient également être guidés et informés au fil du temps par des experts
externes. Des recommandations spécifiques concernant d'éventuels membres du comité seront
présentées séparément au secrétaire général dans un document confidentiel.

Ce groupe devrait être guidé tout au long du processus d’examen des diverses recommandations
contenues dans le présent rapport et dans d’autres rapports récents et connexes, aussi bien que
dans les principes essentiels d'aide au personnel
(voir annexe D1). Le groupe doit chercher à « Un problème à l'échelle de l'organisation
identifier et à convenir des priorités et des requiert une réponse à l'échelle de
délais, et commencer à mettre en œuvre les l'organisation. » Vous devez faire du bien-
dispositions prioritaires. être du personnel la responsabilité d'une
personne de très haut niveau. Le premier
B. Créer une politique relative au interlocuteur devrait être la direction
bien-être du personnel générale, car bon nombre des problèmes
liés au bien-être viennent de ce groupe.
La première étape nécessaire sera de créer une Ensuite, de haut en bas, chaque dirigeant
politique bien conçue pour le bien-être du
doit avoir un rôle qui intègre la protection
personnel qui, une fois approuvée, devra être
largement diffusée et référencée dans les de son bien-être et celui du personnel qu'il
communications au personnel. La politique supervise. »

1
http://www.konterragroup.net/admin/wp-content/uploads/2017/03/Essential-Principles-of-Staff-Care-FINAL.pdf
Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019
15
relative au bien-être du personnel ne doit pas être rédigée hâtivement par un petit nombre de
personnes, puis mise aux archives. Elle doit être élaborée conjointement par la direction et par
le personnel.

4. Améliorer le soutien pour les problèmes liés au stress


Il est évident qu'un nombre important de membres du personnel d'Amnesty sont actuellement
victimes d'épuisement professionnel (burn-out), de traumatismes directs ou indirects. Compte
tenu des pressions inhabituelles inhérentes à la défense des droits humains, cela n’est pas
surprenant. En fait, des niveaux d'épuisement professionnel, de traumatisme direct et indirect
supérieurs à la normale sont à prévoir dans ce secteur d'activité. Amnesty a la responsabilité de
reconnaître cette situation et de fournir les ressources et le soutien appropriés au personnel
subissant des niveaux élevés de stress et de détresse.

A. Fournir un meilleur accès au conseil et un soutien plus spécialisé

Amnesty propose actuellement jusqu'à cinq séances de conseil avec un prestataire externe, et la
possibilité de séances supplémentaires si le thérapeute le demande. Comme indiqué dans les
conclusions, il semble que le dispositif actuel ne peut pas fournir de services multilingues de
manière fiable et en temps voulu (ni même des services en anglais selon l'horaire annoncé de
24 heures sur 24), et certains membres du personnel ont fait remarquer que les conseillers ne
semblaient pas bien connaître les pressions et les tensions spécifiques inhérentes au travail
d'Amnesty.

Selon le sondage sur le bien-être du personnel, seulement 4,9 % des personnes interrogées
pensent que les services de conseil d'Amnesty sont fiables et efficaces pour aider les employés
en détresse psychologique (19,2 % pensent qu’ils ne sont pas fiables et efficaces). La grande
majorité des personnes interrogées n'a pas utilisé ces services. Ensemble, ces éléments reflètent
l’efficacité limitée du dispositif actuel de conseil d’Amnesty, et jettent aussi de sérieux doutes sur
l'efficacité du programme de soutien entre pairs.

Nous recommandons les actions ci-dessous.


• Adopter une approche plus holistique du bien-être du personnel, axée sur une offre de
services accessible à tous les employés qui en ont besoin. Idéalement, ce dispositif devrait
comprendre un réseau de professionnels de la santé mentale multilingues, répartis dans
le monde entier et possédant également une expertise du travail humanitaire et du travail
de plaidoyer pour les droits humains.
• Augmenter le nombre de séances de conseil au personnel financées par l’organisation de
5 à 12 séances par an (avec une disponibilité supplémentaire en cas d’événements
particulièrement traumatisants). Ce nombre est comparable à ce que proposent des
organisations homologues qui placent leur personnel dans des contextes de stress élevé.
• Permettre au personnel d’avoir accès à ce service de conseil pour quelque raison que ce
soit, et discuter de tout problème provoquant un stress ou une détresse (pas seulement
Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019
16
des tensions et facteurs de stress qui semblent être directement liés à leur travail). De
nombreuses organisations homologues offrent ce type d'accès ouvert et illimité, non
seulement au personnel, mais également aux membres de leur famille.
• Après des missions à fort impact ou dans des environnements à haut risque, systématiser
les audits sur le stress et les débriefings avec le prestataire externe, en toute
confidentialité.

Fournir un soutien psychologique de ce niveau peut


sembler coûteux. Cependant, les organisations « Les 5 séances proposées sont insuffisantes
homologues dans lesquelles le personnel est pour fournir un soutien continu et sont
confronté à des pressions similaires ont commencé particulièrement insultantes pour les
à proposer 10 à 12 séances par an, et les recherches membres du personnel ayant subi des
et l'expérience laissent penser qu’une telle événements traumatisants. Le service
initiative contribuera finalement à réduire de semble avoir été conçu dans le but de
nombreux coûts financiers et autres (nécessité de
décharger l’organisation de toute
remplacement, baisses de productivité et absences
responsabilité, et pas dans l'intérêt du
prolongées) liés à l’épuisement ou aux
traumatismes professionnels. Comme 38,6 % des personnel. »
personnes qui ont répondu au sondage sur le bien-être n’ont pas l’impression qu’elles ont accès
à un soutien et à des conseils psychosociaux suffisants, cet ajustement signalerait clairement que
le bien-être du personnel est une priorité pour Amnesty.

Une fois la politique élaborée et le prestataire sélectionné, une réflexion stratégique s’imposera
quant à la meilleure façon d'informer l'ensemble du personnel des services disponibles. Cela peut
inclure de brèves présentations dans les sites les plus exposés au stress, par des webinaires
permettant au plus grand nombre d’employés partout dans le monde d’y assister (ces webinaires
devront être enregistrés, afin que l’ensemble des salariés puisse accéder à la présentation). Cette
présentation devrait donner un aperçu des services d’aide au personnel et permettre également
à plusieurs conseillers de se présenter. Les membres du personnel seront plus enclins à
demander conseil s'ils ont une connaissance préalable du prestataire et s'ils ont l’assurance que
ce dernier comprend suffisamment bien le contexte d’Amnesty. La politique doit également être
décrite, et le prestataire présenté, lors de cette première communication.

B. Améliorer les protocoles de réponse aux crises et aux événements critiques

Les événements critiques (événements qui menacent la vie ou la sécurité du personnel, ou


impliquent des actes de violence ou des suicides) ont un impact et une influence allant bien au-
delà des membres du personnel directement touchés. Il est essentiel de réagir rapidement et de
manière appropriée dans le soutien au personnel pendant ces périodes.

Dans son rapport d’enquête sur le récent suicide de Gaëtan Mootoo, James Laddie a déclaré qu'il
avait été « frappé par le grand nombre de témoins qui ont critiqué la manière dont la mort de

Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019


17
Gaëtan a été traitée2 ». De même, l’enquête sur le suicide de Roz McGregor a mis en évidence
que certaines des communications du management à propos de cet événement tragique ont
enfreint ce qu’on pouvait raisonnablement attendre en matière de confidentialité, voire aggravé
la détresse des anciens collègues de Roz3.

Amnesty doit examiner son protocole relatif aux événements critiques et son plan de gestion des
crises, et veiller à ce qu'ils fournissent des indications pour une réponse cohérente aux crises. Ces
documents doivent notamment comporter les éléments ci-après.
• Des conseils sur la manière de transmettre des nouvelles difficiles. Après l'annonce de la
mort de deux membres du personnel, plusieurs membres du personnel ont communiqué
par chat et courriel. Lors de la diffusion de nouvelles tragiques, il est recommandé de
téléphoner aux personnes pour leur faire part de la nouvelle ou de le leur dire en
personne lorsque cela est possible.
• En cas de crise, une équipe d’intervention doit être immédiatement constituée et
surveiller et coordonner l’action, y compris la quantité d’information partagée ; les
managers doivent savoir que les informations détaillées ne doivent être partagées que
sur la base du « besoin d’en connaître ».
• Un protocole de remplacement lorsque des personnes essentielles sont en congé. Selon
la SLT, une des raisons de la mauvaise communication après le premier suicide était que
des personnes clés étaient en congé, et que le processus de réaction n’était pas
suffisamment supervisé. En cas de crise, la SLT ou l’équipe d’intervention doit superviser
efficacement la gestion des communications.

Amnesty doit également investir dans la formation de « premiers secours psychologiques » pour
le personnel. C’est la norme absolue en matière de réaction aux événements critiques et un
domaine sur lequel de nombreux membres du personnel souhaitent davantage de formation.
Amnesty devrait également proposer aux cadres supérieurs, au personnel du POD et aux
membres des équipes de crise une formation sur la notification du décès et la communication
avec la famille.

C. Sensibiliser davantage les managers et le personnel à la résilience et au


soutien des personnes en détresse

85,5 % des personnes interrogées dans l’enquête sur le bien-être du personnel ne pensent pas
avoir reçu suffisamment d’informations sur la manière de contribuer au bien-être de leurs
collègues, en particulier de ceux qui sont en détresse. Et lorsqu'on leur a demandé de choisir les
trois types les plus importants d'assistance et de services de bien-être à offrir aux employés
d'Amnesty, les trois principales options retenues ont été :
• Coaching pour les managers sur le soutien aux membres de l'équipe en état de détresse
psychologique (41,6 %)

2
Rapport James Laddie
3
Enquête sur Rosalind McGregor
Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019
18
• Sensibilisation au stress et renforcement de la résilience (37 %)
• Formation sur la façon de soutenir un employé ou un collègue en état de détresse
psychologique (32,9 %)

Quels types de services et d'assistance au bien-être préféreriez-vous qu'Amnesty offre aux employés ?

Nous recommandons qu’Amnesty collabore avec son EAP (Employee Assistance Programme) et
d’autres experts si nécessaire pour former le personnel aux problèmes liés au stress, à
l’épuisement professionnel (burn-out), aux traumatismes indirects et secondaires, à l’auto-
préservation (self-care), à la résilience, aux premiers secours psychologiques, au soutien par les
pairs et à une gestion axée sur la résilience.

Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019


19
Comment préférez-vous recevoir des informations sur les ressources et les services relatifs au
bien-être des employés ?

En ce qui concerne les ateliers et autres formations, toute cette éducation ne doit pas
nécessairement être dispensée via des sessions ou du matériel spécifiquement axés sur ce sujet.
Souvent, le concept de renforcement de la résilience peut être intégré à d’autres ateliers de
développement professionnel d’une manière qui améliore fortement l’apprentissage sur les deux
fronts.

De nombreux ateliers de développement professionnel axés sur des compétences telles que
l’analyse de données peuvent, moyennant quelques ajustements, également porter sur le
renforcement de la résilience. L'exemple suivant, fourni par une personne interrogée, illustre
bien cette situation :

« Récemment, un document a été diffusé sur la gestion des images violentes. C'est une grande
partie de notre activité - nous nous appuyons sur ce type de photos et de vidéos pour faire
notre travail - il était donc bien de recevoir un tel document, axé sur la manière de traiter ce
matériel. Le document était utile et fournissait de bonnes informations. Mais en même temps,
il était assez rigide et froid. On ne sentait aucune implication dans le sujet, ni aucun suivi, et
cela ressemblait un peu à un exercice de cases à cocher. Et nous avons vraiment besoin d’une
implication humaine permettant de développer les compétences nécessaires pour devenir plus
résilients dans ces domaines.

Nous devons vraiment aborder ces sujets de manière humaine, pas seulement par un courriel
envoyé par un haut responsable. Les équipes travaillant avec la recherche sont particulièrement

Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019


20
exposées à un matériel perturbant, et nous avons besoin de formations/d’actions de soutien
périodiques au bien-être. Nous devons également normaliser ce type de soutien.

La meilleure façon de procéder serait d’essayer de faire deux choses en même temps. Il faut
essayer de donner aux personnes les moyens de mieux faire leur travail - par exemple,
perfectionner les compétences de recherche et de production de rapports requis pour analyser
ces images de manière utile, ET AUSSI améliorer les capacités personnelles en matière de
résilience.

Outre demander : « Comment pouvez-vous mieux faire votre travail ? », nous devrions
demander : « Comment vous sentez-vous en effectuant ce travail ? » et : « Comment pouvez-
vous gérer l'impact personnel de ce travail ? » Nous devons intégrer la résilience au cœur du
développement professionnel et nous avons besoin de ce type d'ateliers thématiques chaque
année. »

5. Recruter, former et soutenir les managers afin d’améliorer le bien-


être du personnel
Comme indiqué dans les conclusions, les managers d'Amnesty doivent souvent chercher à
concilier des priorités concurrentes liées à leurs propres tâches de recherche ou de plaidoyer, et
la gestion d’autres collaborateurs. Compte tenu des pressions croissantes auxquelles les
managers sont confrontés (et du fait que la relation avec le supérieur hiérarchique est souvent
citée comme le facteur le plus influent sur la satisfaction au travail et le bien-être du personnel),
les managers à tous les niveaux doivent être recrutés, formés et soutenus pour « gérer pour le
bien-être ».

Les moments clés pour engager les managers dans cette mission comprennent :
• Le processus de sélection et d’orientation des managers.
• Les rencontres individuelles avec les managers régionaux et supérieurs.
• La formation des managers (programme de développement du leadership, par ex.).
• Les réunions et « retraites » de managers (par exemple, réunions des directeurs
régionaux).

On peut citer quelques modalités importantes d’implication et de soutien aux managers :


• Les inviter à réfléchir sur leur propre bien-être, leurs motivations personnelles pour
hiérarchiser ou non l’auto-préservation (self-care), et sur la manière dont ils peuvent
identifier et intégrer des objectifs, des normes et des directives de bien-être pour eux-
mêmes et leurs équipes.
• Donner des conseils personnalisés pour l'établissement des priorités, des attentes et du
processus de travail.
• Fournir un accompagnement pour les aider à identifier et à résoudre leurs propres
difficultés liées au travail.

Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019


21
• Organiser des ateliers ou d’autres formations ou ressources sur des sujets relatifs au bien-
être du personnel, tels que :
o la sensibilisation et le développement des compétences autour du stress, du stress
secondaire, du burn-out, de l’auto-préservation et de la résilience ;
o l’identification des membres du personnel en état de détresse et leur mise en
relation avec des services de soutien ;
o la compréhension des différences de personnalité et de communication, la gestion
des conflits, le feedback et la modération de discussions difficiles ;
o les modalités d’organisation de réunions d'évaluation des performances
efficaces ;
o les moyens d’aider les personnes dont les managers sont responsables à
hiérarchiser leurs priorités de travail et à se fixer des objectifs dans un
environnement complexe de demandes et de pressions contradictoires ;
o la sensibilisation aux micro-agressions, aux préjugés implicites et aux dynamiques
de pouvoir dans les relations de management ;
o l’établissement de liens et le renforcement de la dynamique d'équipe. La gestion
du personnel à distance, le renforcement de la cohésion et la gestion efficace
d'équipes dispersées géographiquement.

A. Intégration du bien-être en tant que manager

Au cours des entretiens, les membres du personnel ont été invités à parler des managers
d’Amnesty International qui intègrent et encouragent les bonnes pratiques de bien-être, et de
ceux qui ne le font pas. De nombreux membres
du personnel ont évoqué comment leurs « Les gens travaillent dur, sont motivés et
managers parvenaient (ou non) à leur faire se sentent liés aux victimes. Il est difficile de
limiter les heures de travail, à s’abstenir de leur se dire « J'ai déjà travaillé 2 heures
demander de travailler en dehors des horaires supplémentaires cette semaine et je ne
normaux et à leur faire prendre des congés
travaillerai plus sur ce cas pour le
régulièrement.
moment. » C'est à ce moment-là que les
Il est très important que les managers à tous les managers ont vraiment besoin d'intervenir
niveaux soient encouragés à s’engager dans ce pour protéger le personnel et gérer la
type de pratiques favorables à la santé. Comme charge de travail. Le devoir légal de
dans beaucoup d'autres domaines, le leadership diligence et de responsabilité incombe en
qui contribue le plus efficacement au bien-être dernière instance au management. »
du personnel prend sincèrement tous ces
principes à cœur et les applique.

Cependant, la gestion des personnes et du bien-être par le manager ne se limite pas à la simple
limitation des heures de travail. En effet, le personnel a souvent mentionné que les managers
ayant bien intégré les notions de bien-être démontraient également de bonnes compétences
relationnelles en traitant les gens comme des pairs, en faisant preuve de souplesse, en établissant

Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019


22
de bonnes relations d'ouverture et de confiance, en évitant la micro-gestion et en sachant
formuler des demandes sans les imposer ni augmenter la pression.

Inversement, à propos des managers qui n’intégraient pas le bien-être, les personnes interrogées
ont évoqué le manque de compétences relationnelles, de compassion et d’intérêt. Parmi les
problèmes soulevés, on peut citer : encourager et contribuer à une culture du commérage au
bureau, prendre les choses personnellement, prendre des décisions basées sur des préférences
personnelles plutôt que sur de bonnes procédures, et dégrader et humilier inutilement le
personnel.

Outre la gestion de la charge de travail, la gestion du bien-être implique également de « montrer


l'exemple » dans la manière d'aborder les autres, de faire preuve de compréhension et de
prendre en compte leurs situations. C'est pourquoi tous les efforts visant à aider les managers à
se développer dans ce domaine doivent également viser à améliorer leurs compétences
relationnelles, leur intelligence émotionnelle, leur mode de communication et leurs
compétences en gestion des conflits.

B. Aider les managers à gérer plus efficacement

Une gestion efficace des personnes exige de savoir prendre du temps, d’être attentionné et doté
d’intelligence émotionnelle. Chez Amnesty, un nombre significatif de managers semblent
présenter une carence partielle ou totale de ces
qualités. Si Amnesty veut améliorer la capacité Dans l’ensemble, j’estime qu’Amnesty essaie de
de ses managers à intégrer le bien-être, faire du bon travail à cet égard, en particulier
augmenter leurs compétences relationnelles et les managers de notre bureau. Cependant, je
interpersonnelles, parallèlement à d’autres me demande souvent s’il existe un problème
compétences de gestion, ne représente qu'une structurel dans la définition du « bien-être ».
partie de l'équation. L'autre partie consiste à Les managers sont manifestement là pour
changer une culture d’entreprise qui attend des s'assurer que les délais sont respectés et que la
managers qu'ils soient capables de bien gérer qualité du travail est assurée. Dans une
d’autres employés tout en travaillant
certaine mesure, je pense que cela rend les
simultanément sur plusieurs autres projets de
recherche, de production de rapport ou de gens réticents à contacter les managers pour
plaidoyer. les aider à résoudre les problèmes de bien-être
qu’ils ont rencontrés en raison des tâches
Étant donné le temps et l'énergie mentale régulières de leur travail, de la charge de
nécessaires pour bien gérer les autres, il sera travail lourde, des traumatismes indirects ou
impossible d’y parvenir sans réduire les des problèmes d’équilibre travail/vie privée.
pressions qui s’exercent actuellement sur de Je pense qu'il pourrait être utile d'avoir un
nombreux managers, et donc sans changer la non-manager responsable du bien-être de
culture d’Amnesty. Il faut comprendre et
chaque employé, ou peut-être un manager qui
reconnaître, tout au long de la chaîne de
n'est pas le supérieur hiérarchique direct des
management en partant de la direction
personnes concernées.
Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019
23
générale, qu'une plus grande partie des efforts (et du temps) de nombreux managers doit être
consacrée au soutien et à la formation d'autres personnes, et non à produire par eux-mêmes des
résultats directs et plus visibles. Au final, la modification des attentes en matière de production
et la réduction de la charge de travail des managers augmenteront la satisfaction et la
productivité du reste du personnel.

6. Revisiter et professionnaliser le POD


On constate un mécontentement et un manque de confiance généralisés envers le POD (ex-
ODHR) dans son fonctionnement actuel, et il est très difficile de concevoir comment Amnesty
peut mieux soutenir le bien-être de son personnel sans transformer le POD en un système de
régulation plus fiable et satisfaisant. L’équipe d’évaluation a reçu de nombreuses informations
faisant état d’abus de pouvoir de la part du personnel du POD : non-respect des procédures
officielles pour prendre ou communiquer des décisions, mauvaise gestion des litiges, mauvais
traitement des documents, violation des attentes raisonnables en matière de confidentialité, et
mauvais conseils. Bien sûr, il existe des membres du POD qui sont professionnels et dévoués, et
qui ont été utiles au personnel. Et répondre aux demandes du personnel peut être très difficile.
Cependant, le POD, en tant que « système », ne paraît pas fonctionner correctement. Pour
résoudre ce problème, nous recommandons les mesures ci-après.

A. Examiner le fonctionnement et le rôle du POD

Comme ce programme est le point focal de nombreuses questions qui sous-tendent le bien-être
du personnel, et qu’il joue un rôle aussi crucial au sein de l’organisation (fonction de régulation
en cas de comportement abusif ou inapproprié), il est nécessaire de procéder à un examen
approfondi de son fonctionnement et de son rôle. Amnesty devrait chercher à améliorer le
fonctionnement du POD en tant que gardien et vecteur d’informations, et en tant que conseiller
informé et digne de confiance (et apprécié comme tel). Une fois ces objectifs atteints, le POD
aurait la possibilité d’agir comme un véritable régulateur.

Dans cette optique, on peut adopter l’approche ci-après.


• Créer un groupe de travail chargé de superviser le remaniement de ce programme. Le
groupe devrait compter un ou plusieurs membres de la SLT et des représentants de
différents niveaux hiérarchiques et régions de l'organisation.
• Créer une nouvelle vision pour ce programme afin d’aider à sa transformation.
• Consulter des experts en ressources humaines du secteur et déterminer ce que font les
organisations homologues disposant de données d'enquête traduisant une grande
satisfaction des employés, puis définir avec soin la vision d’un programme hautement
performant dirigé par un expert du secteur.
• Pour tenter de combler le fossé apparent entre le personnel et le POD, restructurer ce
programme de la même manière que le reste de l’organisation ces dernières années. En
d’autres termes, envisager de décentraliser le nouveau programme POD afin qu’il ait une
présence plus mondiale, avec un bureau dans chaque région.
Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019
24
• Les directeurs des bureaux régionaux du nouveau POD devront bien connaître les
dynamiques de pouvoir et de privilège pour éviter que les personnes issues de milieux
marginalisés ne subissent des dommages.
• Pratiquer la transparence tout au long du processus. Par exemple, solliciter les
commentaires du personnel sur ces mesures et montrer comment ces commentaires sont
entendus et utilisés.

B. Améliorer les processus de gestion des performances et instaurer une culture


du feedback

Il convient d’accorder une attention particulière au renforcement des processus de gestion des
performances chez Amnesty. Ces processus jouent un rôle essentiel dans le soutien du bien-être
du personnel, ainsi que dans la réalisation des objectifs de l’organisation liés à la productivité et
à l'efficacité.
« À l'heure actuelle, les employés d'Amnesty
Amnesty semble disposer de quelques lignes peuvent passer des mois sans avoir de
directrices en matière de gestion des conversation formelle et significative avec
performances, mais celles-ci ne sont pas leur manager, même à propos du travail.
souvent respectées. L’équipe d’évaluation a Cela doit changer. S'ils ne sont pas en
reçu de nombreux témoignages sur des contact avec leur supérieur hiérarchique au
membres du personnel n’ayant que rarement sujet de problèmes professionnels, ils ne se
(voire jamais) des conversations sur les sentiront généralement pas à l'aise pour
performances avec leurs managers, et qui
parler de problèmes de bien-être et de
indiquent que la gestion des performances
stress. Il faut donc renforcer le système
était utilisée comme un moyen de contrôler ou
de rabaisser le personnel. d’évaluation des performances et utiliser
ces évaluations comme un mécanisme
Comme indiqué dans la section sur les DDO, permettant de fixer des objectifs de bien-
Amnesty devrait œuvrer au développement être, de les réviser et également d’en
d'une culture de feedback réciproque et désigner les responsables. »
régulier pour tous - membres du personnel
comme managers.

Les composantes essentielles de cette culture comprendront :


• un processus clair et simple à suivre ;
• des conversations régulières tout au long de l'année sur les performances mutuelles ;
• la reddition de comptes concernant ce processus ;
• les compétences communicationnelles et relationnelles pour avoir des conversations
ouvertes, non défensives, gérées avec compassion et avec une attention sincère.

Par ailleurs, les points suivants sont également recommandés.


• Introduisez, pour les managers, des revues à 360 degrés comprenant le manager des
managers concernés. Si un membre du personnel gère plus de 3 autres membres du
Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019
25
personnel, il doit régulièrement passer des revues à 360 degrés. Ces revues devraient être
directement transmises au manager du manager et constituer la base des discussions sur
le contrôle des performances, ce qui empêchera les managers de modifier les
commentaires, comme certains – rapporte-t-on – l’ont fait lors de processus de contrôle
similaires.
• Faire des congés un objectif de performances. Dans son récent rapport, James Laddie
écrit : « D’après mes entretiens avec les témoins, j’ai cru comprendre qu’il n’est pas
inhabituel pour les employés d’AI de ne pas poser tous les congés qui leur sont dus. Si
c’est le cas, c’est inquiétant. Le travail mené par les chercheurs, les responsables de
campagne et le personnel associé est très exigeant. Selon moi, Amnesty devrait revoir ses
procédures de congés et mieux obliger ses employés à prendre des vacances. On pourrait
objecter que ce serait paternaliste, mais je pense que c’est une mesure adaptée pour
protéger la santé et la sécurité des salariés. » Amnesty peut choisir de ne pas obliger les
employés à prendre les congés qui leur sont alloués, mais devrait au moins en faire un
objectif de performances.

C. Améliorer la procédure de résolution des litiges

Amnesty doit réformer sa procédure de résolution des litiges.

On a déjà recommandé d’arrêter, au moins provisoirement, la procédure actuelle de traitement


des litiges, et que tout comportement signalé comme inapproprié fasse l’objet d’une enquête
confiée en premier lieu à des consultants externes spécialisés en justice réparatrice ou en
psychologie de groupe (voir ci-dessus).

Nous avons des recommandations supplémentaires.


• Offrir au manager chargé de l’enquête une formation et des lignes directrices beaucoup
plus approfondies si Amnesty International conserve finalement le modèle actuel de
désignation de managers chargés de superviser les litiges.
• Améliorer les flux d'informations dans ces cas. Des membres du personnel impliqués dans
des processus de résolution des litiges ont déclaré n'avoir jamais reçu de communications
résumant les informations recueillies, ou leur indiquant les prochaines étapes du
processus. Aucune mise à jour ne leur a été fournie de manière proactive au cours du
processus, et ils n'ont pas été informés des observations et des conclusions.
• Réduire les transferts de dossiers entre
les RH et les managers chargés des « Ce sont des processus stressants et
enquêtes. Dans la mesure du possible,
perturbants par nature, mais de petites
un litige doit être traité de bout en bout
par la même personne des RH, et choses peuvent aider à les rendre beaucoup
supervisé par le même manager chargé plus faciles. Je ne soumettrai jamais un
de l’enquête. litige dans le système actuel. C'est trop
stressant et ça n'en vaut pas la peine. »

Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019


26
• Améliorer le soutien offert à la fois à la personne qui se plaint et à la personne mise en
cause.

D. Renforcer les pratiques d'évaluation et de recrutement

Amnesty doit s’appuyer sur l’importance stratégique du recrutement et de l’orientation en


révisant, actualisant et améliorant ces processus.

L'arrivée d'un employé dans l'organisation est une période d'influence critique. Des pratiques
d'évaluation, de recrutement et d'orientation insuffisantes ou incohérentes ont une incidence
négative sur le bien-être du membre du personnel entrant dès le début de son séjour au sein
d'une organisation. Si un employé est recruté pour un poste sans être pourvu des ressources
nécessaires, par exemple, il risque davantage d'échouer ou de ne pas atteindre le niveau de
performances attendu pour ce rôle. Et si le membre du personnel n'a pas une idée précise de ce
que son rôle implique, il est beaucoup plus susceptible de se sentir frustré et déçu.

Plus les attentes des nouveaux employés et leur réalité professionnelle sont étroitement
alignées, mieux ces employés sont en mesure de faire face efficacement et de travailler
correctement.

Concernant les questions de recrutement, nous formulons les recommandations ci-après.


• Organiser un atelier ou développer un cours en ligne sur la santé et la résilience afin que
les personnes soient informées des ressources touchant à la santé mentale en cas de
difficultés.
• Décrire les stratégies d’auto-préservation au cours des entretiens pour tous les postes.
Les processus d'évaluation doivent impliquer des discussions explicites sur l'impact du
travail et des stratégies d'auto-préservation. Cela contribuera à jeter les bases des
discussions sur le bien-être qui auront lieu par la suite, pendant la période d’emploi du
salarié chez Amnesty.
• Évaluer avec plus de précision la résilience et les compétences relationnelles lors du
recrutement des managers et des postes soumis à un stress élevé. Les managers ayant de
fortes compétences interpersonnelles sont beaucoup plus efficaces que les managers ne
possédant que des compétences techniques.
• Les documents d'orientation destinés à tout le personnel doivent inclure un énoncé clair
de la vision d'Amnesty International concernant le bien-être du personnel, ainsi que des
ressources pour l’auto-préservation et la promotion de la résilience.
• Après l’orientation, les superviseurs devraient assurer un suivi en lançant une discussion
sur les politiques et les ressources en matière de bien-être avec chaque nouveau membre
du personnel, et indiquer que ce sujet fera l'objet de discussions régulières tout au long
de l'année.

Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019


27
Cinq questions que les sections d'Amnesty devraient se poser pour
améliorer le soutien au personnel
Bien que cette étude ait été axée sur la manière dont le Secrétariat international pourrait mieux
aider le personnel en situation de stress, les sections d’Amnesty sont sans aucun doute
confrontées à des pressions et à des situations de stress similaires. Comme les sections sont aussi
engagées dans un travail consistant à examiner et à dénoncer les atteintes aux droits humains, il
convient également d’accorder une attention particulière au bien-être du personnel au niveau
de la section. Des indications détaillées sur ces questions iraient bien au-delà de la portée du
présent rapport. Cependant, ci-dessous, nous soulevons cinq questions importantes que les
responsables de section doivent se poser afin d’améliorer la contribution au bien-être du
personnel.

1. QUOI ? S'efforcer d'établir une culture de l’attention et du respect.

Pour évaluer la santé et le succès de toute organisation de défense des droits humains, il convient
de voir dans quelle mesure l'organisation a créé une culture interne de l’attention et du respect.
Les organisations de défense des droits humains qui ne sont pas en mesure d’être humaines
envers leurs propres travailleurs ne pourront finalement ni incarner leurs valeurs, ni réaliser une
partie importante de leur vision.

2. QUI ? Veiller au bien-être de tous les membres du personnel, et pas


seulement à celui du personnel engagé sur le terrain.

Il existe une perception fausse selon laquelle seul le personnel sur le terrain (ou le personnel
travaillant directement avec des victimes d’atteintes aux droits humains) est exposé au stress et
aux traumatismes. Au cours des vingt dernières années, toutefois, la recherche et la prise en
compte de l'impact du stress secondaire sur les autres professionnels ont progressé. De
nombreuses organisations ont fini par comprendre que tous les membres du personnel
travaillant dans ce domaine sont exposés à des facteurs de stress exceptionnels, et donc que tous
les membres du personnel ont droit à un excellent soutien en matière de bien-être.

3. POURQUOI ? Le personnel d'Amnesty est soumis à des facteurs de stress


inhabituels qui requièrent un soutien spécialisé.

Le travail entrepris par le personnel d'Amnesty est par nature stressant et très différent du type
de travail effectué dans d’autres secteurs. De ce fait, il est peu probable que les services de santé
mentale courants répondent à ses besoins, et il incombe aux sections de veiller à ce qu’il puisse
accéder à des services de santé mentale adaptés.

Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019


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4. QUAND ? Ne pas attendre qu’une crise survienne pour faire du bien-être une
priorité. Il faut agir dès maintenant.

Dans de nombreuses organisations, hélas, il faut souvent une crise pour comprendre que la
prévention fonctionne beaucoup mieux que la réaction lorsqu'il s'agit de favoriser le bien-être.
S'occuper convenablement du bien-être signifie investir du temps, de l'énergie et des ressources
de manière proactive et continue.

5. COMMENT ? Commencer par une évaluation des besoins dans les locaux de
votre section.

Adoptez une approche réfléchie. Découvrez d’abord ce dont le personnel a besoin et ce qui lui
manque, de son point de vue. Réalisez une enquête auprès du personnel, outre des entretiens
avec une source externe de confiance, pour savoir ce que le personnel pense vraiment de la
culture sur le lieu de travail, et s'il existe des lacunes dans les politiques et pratiques de soutien
au personnel.

Le bien-être ne consiste pas à proposer un atelier rapide, un avantage ou quelques séances de


conseil avec un prestataire sous-qualifié. Une approche efficace implique :
• de travailler à intégrer la dignité, le respect et la compassion dans la culture de
l'organisation ; de construire une culture d'équipe sécurisante qui encourage les
membres du personnel à prendre soin les uns des autres ;
• d’élargir les services à tout le personnel qui en a besoin ;
• d’identifier des services spécialisés pour le personnel et d’offrir les conseils de spécialistes
des traumatismes, culturellement compétents et ayant déjà travaillé dans des contextes
similaires.

Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019


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Chronologie recommandée pour l'action
Amnesty ne peut pas mener à bien sa mission si l'organisation ne soutient pas adéquatement son
personnel. Une organisation qui se consacre à dénoncer les atteintes aux droits humains mais ne
travaille pas avec acharnement pour protéger les droits humains de son personnel perd en
crédibilité, et la qualité du travail en pâtira inévitablement.

En commandant cette étude approfondie, la direction de l'organisation a démontré qu'elle était


prête à adopter une approche plus évoluée, holistique, bien planifiée et exécutée pour favoriser
le bien-être du personnel. La forte participation du personnel, ancien et actuel, à cette étude
témoigne du vif intérêt manifesté par les principaux acteurs de l'organisation pour obtenir des
résultats concrets.

L'engagement et la qualité des membres du personnel d'Amnesty suggèrent qu'il n'y a pas de
limite à ce qu'Amnesty pourrait obtenir en dénonçant les atteintes aux droits humains et en
plaidant pour des changements positifs, si l’organisation peut apprendre à appliquer ses valeurs
en interne, comme elle le fait en externe. À cette fin, il est essentiel d’apprendre à mieux
s’entendre, à se rendre mutuellement des comptes par rapport aux normes fondamentales en
matière d’équité, et à cultiver une culture de l’attention et du respect. Après tout, chercher à
obtenir un traitement éthique et humain de tous les individus, groupes et sociétés devrait
commencer par un travail sur soi-même.

Une crainte commune des personnes interrogées était que ce rapport « prenne la poussière sur
une étagère quelque part », comme de nombreux examens et enquêtes qui l'ont précédé. Pour
prévenir cela, nous suggérons ici les étapes d’un processus visant à appliquer les
recommandations du présent rapport. Comme il ne sera pas possible de mettre en œuvre toutes
les recommandations en même temps, ces étapes devraient aider Amnesty à répondre aux
besoins les plus urgents de l’organisation en matière de soutien au bien-être, et à mettre en place
les structures et groupes de supervision essentiels à l’identification et à la hiérarchisation des
autres recommandations.

Étape 1 : Mois 1-3


1. Explorez les options recommandées pour réparer les ruptures au niveau de la direction
générale. Identifiez, interviewez et sélectionnez une équipe externe de développement du
leadership qualifiée pour accompagner et faciliter ce processus.
2. La SLT se lance dans un programme de développement du leadership et de l'encadrement
qui devra l’aider à comprendre et à gérer les dynamiques d'équipe, ainsi qu’à clarifier sa vision
et ses priorités pour le bien-être du personnel.
3. Constituez un groupe de travail sur le bien-être du personnel pour superviser les efforts
déployés dans ce domaine au cours des prochaines années. Plusieurs membres de la SLT
devront faire partie de ce groupe. Le groupe doit élaborer une politique du bien-être du
personnel et s'efforcer de clarifier et de s'accorder sur les priorités et les délais qui leur sont
impartis.

Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019


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4. Explorez les options recommandées pour réparer les ruptures au niveau du personnel
(expérience en grand groupe et justice réparatrice), en parlant à des experts de chaque
domaine pour définir les contours d’une relation consultative de longue durée.
5. Discutez de la manière de réorganiser et de renforcer le POD pour clarifier sa mission et son
rôle, la qualité de ses services et des conseils fournis, et améliorer le soutien régional.
Examinez comment réaffecter temporairement à un intervenant externe la procédure de
résolution des litiges et les enquêtes externes pour les cas qui n’ont pas été correctement
traités récemment. Envisagez de nommer une équipe interne pour superviser ce processus.
6. Identifiez et interrogez des prestataires de services de santé bien implantés dans le monde,
multilingues, et pouvant aider Amnesty à concevoir et mettre en œuvre un programme plus
global d’aide et de résilience pour les employés (Employee Assistance and Resilience Program
- EARP).
7. Communiquez au personnel les mesures décidées et pratiquez la transparence au sujet des
processus de prise de décision.

Étape 2 : Mois 4-6


1. Choisissez une équipe de consultants experts en processus de groupe pour accompagner la
réparation des ruptures, et démarrez une consultation sur la meilleure façon de réparer les
ruptures à différents niveaux de l'organisation.
2. Passez en revue les approches des organisations homologues en matière de ressources
humaines, envisagez de renommer le programme RH et élaborez un plan détaillé pour un
service des ressources humaines plus décentralisé et mondial, avec une présence régionale.
3. Examinez la politique de bien-être du personnel élaborée par le groupe de travail chargé de
cette question.
4. Désignez un prestataire de services de bien-être du personnel qui aidera Amnesty à adopter
une approche plus globale et intégrée concernant l’attention portée au personnel et à sa
résilience.
5. Communiquez au personnel, de manière transparente, les progrès réalisés.

Étape 3 : Mois 7-9


1. Rencontrez régulièrement les consultants sélectionnés pour élaborer un plan solide de
réparation des ruptures.
2. Interviewez et commencez à recruter le personnel du nouveau POD.
3. Diffusez largement la politique de bien-être auprès du personnel et mettez en place un
processus de diffusion régulière à des moments essentiels (recrutement, intégration,
assemblée mondiale, etc.).
4. Collaborez pour définir les services de bien-être qui seront proposés au personnel, y compris
un webinaire annuel (pour présenter à la fois les prestataires et les services proposés), et
portez le nombre maximal de séances de conseil à 12 séances par an ou à 10 séances par
événement, en prévoyant la possibilité de plusieurs événements par an.
5. Communiquez les progrès réalisés au personnel.

Étape 4 : Mois 10-12


Amnesty International - Étude sur le bien-être du personnel - Janvier 2019
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1. Invitez des équipes sélectionnées à faire l'expérience de programmes pilotes visant à
réparer les ruptures, et lancez des projets pilotes dont la pertinence et la qualité devront
être évaluées.
2. Le nouveau personnel des ressources humaines doit envisager de manière collaborative
la restructuration du programme RH avec la SLT.
3. Familiarisez les managers avec la politique de bien-être du personnel et encouragez-les à
discuter régulièrement du bien-être avec leurs équipes.
4. Invitez les prestataires de services de bien-être du personnel sur place à plusieurs endroits
clés pour une « semaine du bien-être » plus mondiale.
5. Rendez compte des progrès au personnel.

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