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UNIVERSITÉ DE DSCHANG

THE UNIVERSITY OF DSCHANG

ÉCOLE DOCTORALE
POST GRADUATE SCHOOL

UNITÉ DE FORMATION ET DE RECHERCHE


TRAINING AND RESEARCH UNIT

DSCHANG SCHOOL OF LAW AND POLITICAL SCIENCE

LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE


PRODUCTION EN ZONE CEMAC

Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de Master en Droit privé

Filière : Recherche
Option : Droits des Activités Économiques et Marchés CEMAC

Par :
DALMA BERI Job
Titulaire d’une Maitrise en Droit Privé
Matricule : CM-UDS-20SJP0882

Sous la direction du :
Monsieur NGUIFFEU TAJOUO Eddy Lawrence
Docteur/Ph.D en Droit privé,
Chargé de Cours à l’Université de Dschang

ANNÉE ACADÉMIQUE 2020-2021

i
AVERTISSEMENT

L’Université de Dschang n’entend donner aucune approbation ni improbation aux


opinions exprimées dans ce Mémoire. Celles-ci doivent être considérées comme propres à leur
auteur et en assume l’entière responsabilité.

i
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

DÉDICACE

À mes parents

Monsieur BERI DIGUI Nathan

et

Mesdames DAGUIDAM TCHIDEME Elisabeth et AISSATOU BERI.


À qui, je dois ce que je suis aujourd’hui et ce que je serai demain et l’expression de ma
profonde reconnaissance.

ii
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

REMERCIEMENTS

La réalisation de ce travail n’a été rendue possible que grâce au concours de plusieurs
personnes à qui nous voudrions ici exprimer toute notre gratitude :

➢ Nous tenons tout d’abord à adresser notre profonde gratitude à notre Directeur de
mémoire, le Docteur NGUIFFEU TAJOUO Eddy Lawrence, pour avoir non seulement
accepté de diriger et de corriger ce Mémoire mais aussi et surtout pour son suivi
attentionné, sa constante disponibilité et ses conseils.

Nos remerciements vont également :

➢ Au Professeur KAMWE MOUAFFO Marie-Colette épse KENGNE, pour son soutien


multiforme dans le cadre de cette recherche. Nous lui serons reconnaissants à jamais pour
son dévouement et son soutien décisif ;
➢ Au Professeur KALIEU ELONGO Yvette Rachel, pour ses observations et
encouragements ;
➢ Aux Docteurs NDIFFO KEMETIO Ludovic Marien, NGUENA DJOUFACK
Arsène, OND OND Patrick et KAGOU KENNA Patrice, pour leur disponibilité,
encouragements et pour avoir consenti à mettre à notre disposition la documentation
indispensable à la réalisation de ce travail ;
➢ À Monsieur GUIDAKRE BAMANGA, pour ses conseils et ses encouragements
incessants ;
➢ À Monsieur SIMO TCHEULIBOU Rodrigue, pour son soutien et sa disponibilité ;
➢ À monsieur DJOTSOP SIGNE Franc Junior, pour ses observations et
encouragements ;
➢ À Madame MOFO Jasmine Laure, pour sa disponibilité et ses observations ;
➢ À mon ami de promotion MBAIHALDODE KARBET Emmanuel, pour son soutien
indéfectible ;
➢ À tous mes camarades de la promotion 2020/2021 de l’option Droit des Activités
Économiques et du Marché CEMAC de l’Université de Dschang, pour leurs
encouragements ;
➢ À tous ceux dont l’aide nous aurait été indispensable dans la réalisation de ce travail et
dont les noms n’ont pas pu être cités ici.

iii
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

SIGLES ET ABRÉVIATIONS

APEC : Asia Pacific Economic Cooperation

ANIF : Agence Nationale d’Investigation Financière

ASEAN : Association des Nations de l’Asie du Sud-Est

BAD : Banque Africaine de développement

BDEAC : Banque de Développement des États de l’Afrique Centrale

BEAC : Banque des États de l’Afrique Centrale

BM : Banque Mondiale

BNT : Barrières non Tarifaires

CE : Conseil d’Etat-France

CEDEAO : Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest

CEE : Communauté Économique Européenne

CEEAC : Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale

CEMAC : Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale

CJ CEMAC : Cour de Justice de la CEMAC

CJCE : Cour de Justice des Communautés Européennes

CJUE : Cour de Justice de l’Union Européenne

CNS : Comité National de Suivi

COBAC : Commission Bancaire des États de l’Afrique Centrale

CORENOFI : Comité régional de Nationalisation Financière

GABAC : Groupe d’Action contre le Blanchiment de capitaux en Afrique Centrale

GATT: General agreement on Tariffs and Trade

Ibidem : Même ouvrage ou même article

MEERQ : Mesures d’Effet Équivalent aux restrictions Quantitatives

MERCOSUR : Mercado Comun del Sur (Marché Commun du Sud)

iv
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

OHADA : Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

op.cit : opere citato (déjà cité)

PUA : Presses Universitaires d’Afrique

PRR : Programme Régional des Réformes

p. /pp. : page/pages

TPG : Tarif Préférentiel Généralisé

TU : Taxe Unique

UDE : Union Douanière Equatoriale

UDEAC : Union Douanière et Économique de l’Afrique Centrale

UE : Union Européenne

UEAC : Union Économique de l’Afrique Centrale

UEMOA : Union Économique et Monétaire Ouest Africaine

UMAC : Union Monétaire de l’Afrique Centrale

Vol. : Volume

v
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

RÉSUMÉ

L’intégration économique en Afrique centrale, depuis l’époque de l’UDEAC et aujourd’hui


avec la CEMAC, a toujours inscrit la création d’un marché commun comme l’une de ses
politiques fondamentales. Cet objectif ne peut toutefois être réalisé que si la réalisation du
marché commun est effectif à travers la libre circulation des biens et des personnes, des services
et des capitaux dans l’espace communautaire.
Ce qui conduit à poser la question centrale qui oriente la présente étude, et qui est celle de
savoir : Comment est-ce que la libre circulation des facteurs de production est-elle aménagée
dans la zone CEMAC ?. L’étude réalisée a permis d’observer que la libre circulation des biens
et des personnes, des services et des capitaux tel que aménagée en droit communautaire a certes
évoluées depuis l’avènement de la CEMAC mais elles restent fortement influencée par
l’attachement nationaliste des États membres à leur souveraineté.
L’on a alors pu démontrer à travers la méthode juridique et la technique documentaire que les
règles sur la liberté de circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux ne sont
pas effectivement appliquées pour plusieurs raisons. D’abord, il y a une méconnaissance de ces
règles par les différents acteurs en raison, notamment, du manque de la pratique
jurisprudentielle qui en précise le sens et la portée. Ensuite, les États membres et surtout les
administrations nationales foulent du pied ces règles qui sont une réalité bien lointaine pour les
ressortissants de la zone CEMAC.
C’est ainsi, que pour une application effective des règles relatives à la libre circulation des
biens, des personnes, des services et des capitaux, il est crucial que ces règles et les droits qu’ils
confèrent soient connus et compris par leurs destinataires. Au-delà de ces aspects, il est
nécessaire que les acteurs de l’intégration de la zone CEMAC s’impliquent davantage dans la
mise en œuvre des règles sur les libertés de circulation des biens, des personnes, des services et
des capitaux.

MOTS CLÉS : Libre circulation - Facteurs de production –Marché commun – CEMAC

vi
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

ABSTRACT

Economic integration in Central Africa, since the days of UDEAC and today with CEMAC,
has always included the creation of a common market as one of its fundamental policies.
however, this objective can only be achieved if the achievement of the common market is
effective through the free movement of goods and persons, services and capital within the
Community area.
Which leads to the central question which guides this study, and which is that of knowing :
How is the free movement of factors of production organized in the CEMAC zone ? The study
carried out made it possible to observe that the free movement of goods and people, services
and capital as laid down in community law has certainly evolved since the advent of CEMAC
but they remain strongly influenced by nationalist attachment from member states totheir
sovereignty.It was then demonstrated through the legal method and the documentary technique
that the rules on the free movement of goods, people, services and capital are not effectively
applied for several reasons. First of all, there is a lack of awareness of these rules by the various
players, in particular because of the lack of case law which specifies their meaning and scope.
Then, the Member States and especially the national administrations trample on these rules
which are a very distant reality for the nationals of the CEMAC zone.
Thus, for an effective application of the rules relating to the free movement of goods, persons,
services and capital, it is crucial that these rules and the rights they confer are known and
understood by their recipients. Beyond these aspects, it is necessary that the actors of the
integration of the CEMAC zone become more involved in the implementation of the rules on
the freedoms of movement of goods, people, services and capital.

KEY WORKS: Free movement – Factors of production-Common market - CEMAC

vii
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

SOMMAIRE

INTRODUCTION GÉNÉRALE ................................................................................................ 1

PREMIÈRE PARTIE : UNE LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION


AFFIRMÉE .............................................................................................................................. 16

CHAPITRE I : LE RENFORCEMENT DYNAMIQUE DE LA LIBRE CIRCULATION DES


BIENS ET DES PERSONNES EN ZONE CEMAC ............................................................... 19

Section I : La consolidation de la libre circulation des personnes ........................................ 19

Section II : L’affermissement de la libre circulation des biens ............................................ 33

CHAPITRE II : LE RAFFERMISSEMENT DE LA LIBRE CIRCULATION DES


SERVICES ET DES CAPITAUX ........................................................................................... 48

Section I : La liberté d’établissement et des prestations des services consacrée .................. 48

Section II : La libre circulation des capitaux encadrée ......................................................... 57

SECONDE PARTIE : UNE LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION


ÉPROUVÉE ............................................................................................................................. 71

CHAPITRE I : LES PESANTEURS DE LA LIBRE CIRCULATION EN ZONE CEMAC . 73

Section I : Les pesanteurs institutionnelles et sécuritaires.................................................... 74

Section II : Les pesanteurs politico-économiques ................................................................ 83

CHAPITRE II : UNE NÉCESSAIRE RÉORIENTATION DE LA LIBRE CIRCULATION


DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC ................................................... 96

Section I : Les initiatives sur le plan idéologique ................................................................. 96

Section II : Les défis à relever en vue de la libre circulation en zone CEMAC ................. 101

CONCLUSION GÉNÉRALE ................................................................................................ 112

viii
INTRODUCTION GÉNÉRALE

1
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

La liberté de circulation constitue dans le contexte actuel de globalisation un instrument


essentiel par lequel se matérialisent les politiques d’intégration régionale à travers le monde, et
dont le modèle le mieux achevé à ce jour est celui de l’Union Européenne1. Si ce modèle
d’intégration a été suivi dans le cadre de l’ASEAN et du MERCOSUR qui sont essentiellement
des espaces de libre-échanges, la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale
(CEMAC) a fait du principe de la libre circulation des facteurs de production un objectif
prioritaire pour la marche vers l’intégration économique des États qu’elles regroupent.

Parlant de la libre circulation des facteurs de production, elle constitue indéniablement


un défi majeur. L’Union Économique de l’Afrique Centrale (UEAC) a décidé de s’atteler à faire
de la libre circulation des personnes et des biens, des services, capitaux un succès à travers la
création du marché commun. 2 L’atteinte des objectifs définis par le Traité de l’Union est donc
à hisser au rang des priorités par les États membres et partants, par les administrations qui sont
les composantes et les moyens d’action de ces États. Mais force est de constater que malgré les
innombrables réalisations concernant l’effectivité de la libre circulation des facteurs de
production, beaucoup reste encore à faire. Cependant, on demeure optimiste car au jour le jour
l’union réalise plusieurs innovations à fin d’atteindre ces objectifs : celle de rendre effective
dans les États membres la libre circulation des facteurs de production.

L’objectif de ce travail est de montrer que bien qu’adopté comme dans toute union
douanière, le principe de la libre circulation des facteurs de production au sein de la CEMAC
ne saurait être considéré comme un acquis qui se résume à sa proclamation, que les difficultés
rencontrées dans la mise en œuvre de la libre circulation effective ne sont pas estompées avec
la mise en place de la CEMAC. Pour mener à bien notre réflexion sur la libre circulation des
facteurs de production, il nous semble nécessaire d’apporter les clarifications aux concepts du
sujet (I) avant de décliner son cadre opératoire (II).

1
DUBOIS (L.), BLUMANN (C.), Droit matériel de l’Union Européenne, 6e édition, Montchretien, P.800.
2
Article 13 al.1 (d) de la Convention régissant l’UEAC, signé le 25 juin 2008 à Yaoundé du traité révisé et adopté
le 30 janvier 2009.

2
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

I- LE CADRE CONCEPTUEL DE L’ÉTUDE

Une étude scientifique a vocation à être située. Par cette opération, il s’agit de préciser
l’origine mais aussi le sens des concepts, qui forment l’intitulé du sujet. C’est en cela que
consiste essentiellement le cadre, par lequel il est important d’aboutir à la précision des contours
du domaine de recherche. Autrement dit, il s’impose ici une présentation des concepts
nécessaires à la compréhension du sujet, à leurs appréhensions générales, mais aussi en fonction
du contexte. Pour la réalisation de cette analyse, il convient d’étudier le cadre de l’étude, les
précisions terminologiques (A), et la délimitation spatio-temporelle (B).

A- Les précisions terminologiques

Il s’agit d’apporter des clarifications par rapport à la notion de la libre circulation (1), et
les précisions sur la spécificité des facteurs de production (2). Il convient d’analyser de manière
distincte et successive chacune de ces notions afin de bien saisir la quintessence de ces deux
concepts.

1- La libre circulation

De manière générale la libre circulation constitue « l’une des exigences fondamentales


que toute personne est en droit d’attendre des autorités publiques »3. Elle peut se percevoir
plus selon la déclinaison de la conception de la libre circulation en droit national et
communautaire.

Selon la déclinaison nationale, la notion de « libre circulation » est un droit inhérent à


tout individu au sens du droit naturel tel que le définit par John Locke4. La liberté de
déplacement est l’une des composantes de la liberté individuelle. Elle est reconnue en droit
français comme principe de valeur constitutionnelle. Elle comporte la liberté de mouvement sur
son propre territoire nationale, sans avoir besoin de demander des autorisations de déplacement.
Elle comporte aussi la possibilité de quitter pour un autre pays et d’y revenir quand on le veut
tout en restant soumis à la souveraineté de l’Etat qui éprouve parfois le besoin ou la nécessité
de les limitées et organisées pour les étrangers.5

3
V. Commentaire MEGRET, puf, 2000, p.16.
4
Reprenant à leur compte la conception de l’école dite « Jusnaturaliste », Locke dans son essai sur le
gouvernement civil tout comme Rousseau dans son Contrat social s’attache à découvrir le droit naturel dans la
nature primitive de l’homme antérieure à l’apparition de toute société, donc avant le pacte social qui fonde.
5
OBERDORFF (F.), Droits de l’homme et libertés fondamentales, 6e édition, LGDJ, France-JOUVE, 2017, p.342.

3
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

Au niveau des États membres de la Communauté de États de l’Afrique Centrale, la libre


circulation est consacrée comme droit fondamental6. Certaines constitutions sont d’ailleurs très
précises sur le sujet et consacrent dans le corpus de leurs textes fondamentaux. À titre
d’illustration, après avoir affirmé que « La liberté d’aller et venir à l’intérieur du territoire de
la République Gabonaise, d’en sortir et d’y revenir, est garantie à tous les citoyens Gabonais,
sous réserve du respect de l’ordre publique », l’article 1 alinéa 3 de la Constitution de la
République Gabonaise du 23 mars 1991 précise qu’il incombe aux pouvoirs publics d’émettre
des réserves pour des raisons du respect de l’ordre public. 7 Semblable précision se trouve dans
la Constitution de la République de Guinée du 23 décembre 1990. L’affirmation selon laquelle
« Tous les citoyens ont le droit de s’établir et de circuler sur le territoire de la République,
entré et d’en sortir librement »8 de même qu’au Tchad 9 et au Congo l’Article 30 de la
constitution dispose que « Toute personne qui se trouve sur le territoire national a le droit d’y
circuler librement, d’y fixer sa résidence, de le quitter et d’y revenir, dans les conditions fixées
par la loi. Aucun Congolais ne peut être ni expulsé du territoire de la République, ni être
contraint à l’exil, ni être forcé à habiter hors de sa résidence habituelle ».

Au Cameroun par contre, c’est le Préambule de la loi constitutionnelle qui consacre le


principe de la libre circulation des personnes sur le territoire national. Ce Préambule dispose
que « Tout homme a le droit de se fixer en tout lieu et de se déplacer librement, sous réserve
des prescriptions légales relatives à l’ordre, à la sécurité et à la tranquillité publics ».10

Par contre selon le législateur communautaire, le principe de la libre circulation que ce


soit pour les marchandises, la liberté de mouvement des personnes, des services et des capitaux
a très vite été consacré par le législateur communautaire en Afrique Centrale 11. La cinquième
partie du Traité de Brazzaville, disposait déjà en son Article 27 que « l’union constitue un seul
et unique territoire au sein duquel la libre circulation des personnes, des services et des
capitaux est libre »12 et que « les mouvements des capitaux à l’intérieur de l’union ne peuvent

6Voir KEMFOUEDIO BIPELE (J.), « la libre circulation des personnes en zone CEMAC : Heurs et Malheurs
d’un droit fondamental », revue juridique et politique des États Francophones, juillet-Septembre 2018, p.352.
7
Article 1 al 3 de la loi constitutionnelle Gabonaise N° 3/91 23 mars 1991.
8
Article 10 Constitution de la République de Guinée du 23 décembre 1990.
9
Article 27 Constitution de la République du Tchad du 31 mars 1996 révisée « Les libertés d’opinion et
d’expression, de communication, de conscience, de religion, de presse, d’association, de réunion, de circulation,
de manifestations et de cortèges sont garanties à tous ».
10
Préambule de la Constitution de la République du Cameroun Loi N°96-06 du 18 janvier 1996 portant révision
de la Constitution du 02 septembre 1972.
11
Article 47, 63 et 64 du Traité de Brazzaville, le principe de la libre circulation des personnes, des services et des
capitaux fera l’objet d’une règlementation plus achevée grâce à un Acte des chefs d’États du 27 décembre 1972
portant Convention commune sur la libre circulation des personnes et le droit d’établissement en UDEAC.
12
Article 63 Traité UDEAC.

4
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

être soumis à autres restrictions que celle prévues par la règlementation des changes
actuellement en vigueur »13. Cette communautarisation du principe a été une fois de plus
solennellement réaffirmée par le nouveau législateur CEMAC, lequel fait de « la mise en œuvre
du principe de la libre circulation des services, des personnes et des capitaux »14 une des
conditions essentielles de l’achèvement du marché commun 15. Cette approche se comprend
aisément d’autant plus que traditionnellement, la construction de tout marché ne revêt un sens
que si les peuples des États membres bénéficient de la faculté de circuler et de séjourner
librement sur tout le territoire communautaire16.

2- Facteurs de production

Selon le vocabulaire de l’économie et des finances les « facteurs » sont définis comme
un élément qui influe sur un processus, un résultat. La « production » quant à elle est un
processus consistant à créer, cultiver, fabriquer ou améliorer des biens et services qui vont
satisfaire des besoins individuels ou collectifs.17

L’expression «facteurs de production» peut s’appréhender donc comme un ensemble


des ressources mises en œuvre dans la production des biens, des capitaux, des services et les
mouvements des personnes qui permettent lorsqu’ils sont combinés d’augmenter la production
dans le but de satisfaire des besoins individuels ou collectifs.

Les facteurs de production qui seront étudiés ici sont ceux qui fondent le marché
commun à savoir la libre circulation des personnes et des biens, la libre circulation des services
et des capitaux.

Parlant de la libre circulation des personnes, dans cette catégorie de liberté, il est
important de faire un distinguo sur la notion de personne. On distingue la personne physique et
la personne morale de droit public et de droit privé. La notion de « personne » recouvre une

13
Article 64 du Traité.
14
Article 5(a) de la Convention régissant l’UEAC du Traité révisé.
15
Le marché commun est le produit de la mise en œuvre simultanée du principe de la libre circulation des biens et
de celui de la libre circulation des facteurs de production. Car comme le réaffirme le Doyen BALMOND, la libre
circulation des biens n’est que l’affirmation, en aval, du régionalisme d’intégration. L’adoption du tarif extérieur
commun et l’harmonisation des législations douanières, rappelle-il, « aussi complètes soient-elles, prennent en
compte le phénomène économique seulement dans sa phase ultime, une fois le produit ou la marchandise
apparus ». Le phénomène devrait selon l’auteur « être également appréhendé en amont, à travers l’examen des
facteurs de production qui permettent d’obtenir les produits ». Et la libre circulation des facteurs étant en effet,
souligne-t-il encore « une condition indispensable à l’établissement d’un véritable marché commun ». Cf.
BALMOND (L.), Thèse d’Etat, Op.cit, p.012.
16
ICARD (P.), Droit matériel et politiques communautaires, op.cit, p.213.
17
Commission générale de terminologie et de néologie, Vocabulaire de l’économie et des financements, 2012,
P.398.

5
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

réalité polysémique qui pour être saisie mérite qu’on l’aborde en lien ou en opposition avec
celle de l’individu. En droit l’individu selon CORNU, renvoi à celle de l’individualisation qui
signifie « la détermination d’une personne ou d’une chose dans son individualité, grâce à des
signes distinctifs à des procédés d’identification 18 ». Elle regorge un autre sens lorsque l’on
parle de la citoyenneté.

La libre circulation des personnes en zone CEMAC s’entend comme la faculté qu’on
les citoyens des États de la CEMAC d’aller et venir au sein de la zone, sans contrainte ni
restriction particulière. Elle ne saurait être ni assimilée au droit d’établissement, ni confondue
à un séjour prolongé dans un Etat à des fins socio-économiques.

La libre circulation des biens, par « bien » on entent « toute chose matérielle et
susceptible d’appropriation »19 et qui relativement à une personne, concerne tous les éléments
mobiles et immobiliers qui composent son patrimoine, à savoir les choses matérielles (biens
corporels) qui lui appartiennent et les droits ( autre que la propriété) dont elle est titulaire (biens
incorporels ou (services). Les biens corporels sont ceux qui tombent sous le sens selon une
donnée physique, tandis que les biens incorporels sont ceux immatériels, qui ne peuvent être
touché, mais qui ne sont pas autant imaginaires, car représentent dans le patrimoine une valeur
économique certaine. Il s’agit d’une chose appréhendée par le droit notamment le droit des
biens dont la matière est régie par le code civil français de 1804. Ici il s’agit des marchandises
et des capitaux.

Les marchandises sont définies par l’article 1 du protocole Additionnel n°III/2001


comme étant les matières et les produits.20 Le législateur CEMAC ne fait que confirmer une
règle depuis consacrée par la GATT et réaffirmée par le droit Européen 21, et reprise plus tard
par le dispositif conventionnel UDEAC22, lequel énonce clairement que « les produits et les
marchandises originaire des États membres, qui sont transférés d’un Etat membre vers un Etat
autre Etat membre pour y être consommés, sont exempts de tous droits et taxes d’entrée et de
sorti (…) »23. D’ailleurs, il est unanimement reconnu que l’union douanière ne peut revendiquer

18
CORNU (G.), (Dir), Vocabulaire juridique, Association CAPITANT (H), 9ème éd, Paris, PUF, Aout 2011,
P.538.
19
Ibid, P.127.
20
Article 1 du protocole Additionnel n°III/2001 instituant les règles d’origine des produits de l’UEMOA du 19
décembre 2001 : (http:/www.uemoa.int/pages/Actes/Newpages/protocol_additionnel__03.aspx).
21
Le juge Européen considère que « la libre circulation des marchandises constitue un des principes
fondamentaux du Traité »-C.J.C.E, aff. N°167/73, Commission c/ France, 04 avril 1974 Rec.
22
Article 27 du Traité instituant l’UDEAC dispose que « l’Union constitue un seul territoire douanier à l’intérieur
duquel la libre circulation des marchandises (…) est libre ».
23
Article 32 du Traité UDEAC.

6
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

cette appellation, au regard des principes posés d’abord par le GATT puis par l’OMC, qu’à
condition non seulement que les partenaires aient supprimé entre eux tous les droits de
douanes24 et taxes d’effet équivalent25, et qu’ils se soient entourés d’un tarif extérieur commun
(TEC), mais encore qu’ils aient élaboré une législation commerciale sinon commune, du moins
largement harmonisée26.

Quant à la libre circulation des services, il s’agit aux termes de l’article 35 de l’Acte
Additionnel n°4/98, des « prestations fournies normalement contre rémunération dans le
domaine des activités à caractère commercial, industriel et artisanal ». S’agissant de la libre
circulation des services, elle est régie par l’article 93 du traité révisé CEMAC. Cette disposition
prescrit au profit des ressortissants une libre prestation de service dans tous les États membres
de la CEMAC, dans les mêmes conditions que les nationaux. Sous réserve des dérogations
tirées des motifs d’ordre public, de santé publique et de sécurité publique. Aussi chaque État
membre a la possibilité d’interdire l’accès de certaines activités aux ressortissants des autres
États membres pour des raisons tirées de l’intérêt général. Le conseil a reçu également le
pouvoir de prendre des actes nécessaires pour faciliter l’usage effectif de cette liberté.

Dans le principe de la libre circulation des services, il est intéressant de la distinguer de


la libre circulation des travailleurs et de la liberté d’établissement avec lesquelles elle partage
des frontières ténues. Avec la liberté de circulation des travailleurs, la libre circulation des
services de distinguer par son caractère indépendant. En droit de l’Union Européenne, le
problème s’est posé concernant les travailleurs détachés temporairement dans un autre Etat
membre pour le compte d’une autre entreprise. Pour la CJUE, ces travailleurs relèvent de la
liberté de prestation des services. La liberté d’établissement se distingue de la libre circulation
des services par le caractère permanent de l’activité en cause. En effet, tandis que le bénéficiaire
de la libre circulation des services exerce une activité de façon temporaire alors que le

24
Malgré la consécration conventionnelle de « l’interdiction, entre les États membres, de tous droits et taxes à
l’importation et l’exportation » (article 29 b Traité UDEAC). L’Afrique Centrale, pourtant première organisation
d’intégration économique sous régionale à se constituer en Afrique sous la forme de l’union douanière, a trainé les
pas au point de rester le dernier espace économique sous-région en Afrique après plus de trente ans d’existence, le
taux des échanges intercommunautaires était au début de la décennie quatre-vingt-dix étant le plus faible (03% des
échanges commerciaux des États membres).
25
Article 32 du Traité instituant l’UDEAC, « les produits et marchandises originaires des États membres, qui sont
transférés d’un État membre dans un autre État membre pour y être consommés, sont exempts de tous droits et
taxes d’entrée et de sortie, sauf application des mesures de sauvegarde ».
26
BERR (M.), «ne retenir de l’union douanière que la simple suppression des droits de douane entre les États
membres assortie de la mise en place d’un tarif commun serait une vision singulièrement réductrice. La
satisfaction dont peuvent faire preuve les autorités qui ont inlassablement contribué à la mise en œuvre tient avant
tout à son efficacité et à la contribution qu’elle peut apporter à l’identité de l’institution commune au plan
international » - Cf. BERR (J-C.), Union douanière, RTDE n°37, Juillet-septembre 2001, pp. 668-669.

7
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

bénéficiaire de la liberté d’établissement le fait de façon permanente et est établi dans l’Etat
membre d’accueil.

Quant à la libre circulation des capitaux, elle protège la fluidité des mouvements de fond
par-delà les frontières nationales. Ces libertés sont déterminantes pour les politiques de
transports envisagées par la CEMAC, au même titre que le principe de libre concurrence prévu
dans la Convention à l’article 25.

Elle est le dernier grand principe de fonctionnement du marché intérieur qui conditionne
le transport routier de transit. Selon ce principe 27, les mouvements des capitaux par-delà les
frontières des États membres ne doivent se heurter à aucun obstacle. Les mouvements de
capitaux doivent être entendus comme des opérations financières ayant pour objet le placement
ou l’investissement d’une valeur, et non la rémunération d’un échange de marchandises ou des
services 28. Toute personne résidant dans le territoire communautaire est donc en droit de
déplacer les capitaux, et de leur faire franchir n’importe quelle frontière d’un Etat membre, sans
qu’il puisse opposer la moindre règlementation restrictive 29, et ce, quand bien même les
capitaux auraient pour origine ou pour destination un pays tiers 30. Il énonce aussi le principe
selon lequel tout résident communautaire est en droit d’effectuer un paiement afférant à une
transaction international dans n’importe quelle monnaie d’un Etat membre, sans qu’une
qu’aucune autorité ne lui oppose la moindre disposition31.

Ainsi, le transport routier de transit dans la CEMAC repose sur le principe de libre
circulation, une règle substantielle du droit communautaire qui profite aux marchandises, aux
personnes, aux services et aux capitaux. Elle implique, pour les marchandises, l’abolition des
droits de douane et des taxes d’effet équivalent, des restrictions quantitatives et des mesures
analogues. Une marchandise produite selon les normes de son Etat d’origine peut être
transportée dans un Etat membre, sauf s’il oppose des restrictions d’ordre public valablement
justifiées.

B- La délimitation du sujet

Le thème n’étant pas assez explicite, sur sa délimitation du champ de l’étude. Il convient
ici de mettre en lumière le cadre temporel (1) et matériel (2) de cette analyse.

27
Article 28 de la Convention régissant l’Union Économique de l’Afrique Centrale (annexe2) du Traité révisé.
28
CJCE 31 janvier 1984, C 286/82 et 26/83, CARBONE Luisi, Rec, p.377.
29
CJCE 16 mars 1999, C 222/97, Trummer c/ Mayer, Rec, p.1661.
30
Ce principe de libre circulation des capitaux est fondamental pour la mobilisation des ressources privées.
31
CJCE 16 mars 1999, C 222/97, Trummer c/ Mayer, Rec, p.1661.

8
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

1- La délimitation temporelle

Pour mieux appréhender l’état d’avancement de la libre circulation des biens, des
personnes, des services et des capitaux dans le processus de l’intégration économique, il sera
judicieux de mener notre analyse depuis la mise en place de la CEMAC, 16 mars 1996 à nos
jours tout en mettant en exergue la conférence extraordinaire pendant laquelle les États de la
CEMAC ont pris acte de la décision d’ouverture intégrale de leurs frontières, en application de
l’Acte Additionnel N°01/13/CEMAC-070 U CCE-SE du 25 juin 2013 portant suppression des
visas pour tous les ressortissants de la CEMAC circulant dans l’espace communautaire 32.
Conférence pendant laquelle les deux pays réfractaires de la signature du précédant Acte ont
également ratifiés le 30 octobre 2017, à l’instar du Gabon et la Guinée Equatoriale.

2- La délimitation matérielle

Notre travail portant sur la libre circulation des facteurs de production renvoi en réalité
à la question de la libre circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux
instigateur de la construction d’un marché commun. Le marché commun dans le processus
d’intégration suppose donc la réunion de quatre libertés qui doivent être établies au sein de la
CEMAC au cours de la première étape de la réalisation des objectifs de l’Union économique33.

Notre étude s’intéresse à un élément de la construction du marché commun. Toutefois,


on ne va pas s’intéresser ici à la question qui traite de la concurrence qui est un autre élément
de la construction du marché commun ou à d’autres matières qui peuvent rentrer à la
construction d’un marché commun.

II- LE CADRE OPÉRATOIRE DE L’ÉTUDE

Pour mieux situer la portée de notre étude, il sera question de présenter successivement
la revue de la littérature (A), l’intérêt de l’étude (B), La problématique (C), l’hypothèse (D) et
les méthodes et techniques de recherche (E).

A- La revue de la littérature

La question de la liberté de circulation des facteurs de production est souvent saisie au


sein de la doctrine de manière théorique, rarement les auteurs questionnent son efficacité. En
effet, la libre circulation n’a de réalité que lorsqu’elle est mise en œuvre. Monsieur

32
Communiqué final oct 17 CEMAC by Jeuneafrique.
33
Article 4 de la Convention régissant l’UEAC de 2009.

9
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

GNIMPIEBA TONNANG Edouard34 tout comme Monsieur NGUENA DJOUFACK Arsène35


dans leur thèse se focalise sur la portée de la libre circulation des facteurs de production
instigateur de la réalisation du marché commun à travers la mise sur pied d’une zone de libre-
échange, de l’union douanière, de l’union monétaire et l’implementation d’une politiqué
concurrentielle aboutissant à l’union économique. Chacune de ces libertés communautaires
poursuivant un objectif déterminé et les règles qui les régissent sont orientées à cet effet. Pour
parvenir à ces objectifs Monsieur GNIMPIEBA TONNANG (E.) conclu ses propos en disant
que « pour parvenir à la réalisation de tout marché commun effective au sein de la CEMAC, il
faudrait engager la libre circulation des facteurs de production concomitamment ».

À l’opposé des auteurs qui donnent les mérites de la libre circulation, nous voyons les
auteurs tels que Monsieur KEMFOUEDIO BIPELE Jacques 36 et monsieur LOUNGOU Serge 37
qui soulignent l’échec de la CEMAC en matière de libre circulation des biens et personnes. En
effet, selon ces auteurs la perspective de la libre circulation des biens et des personnes effective
demeure loin de portée car la CEMAC ne constitue pas à proprement parler une zone de libre-
échange, ni une union douanière, encore moins un marché commun conformément aux étapes
de la théorie de l’intégration économique régionale.

Selon Monsieur KEMFOUEDIO BIPELE, le désaccord constaté entre les États de la


zone CEMAC trouve ses fondements dans un faisceau de facteurs éminemment objectifs.
L’auteur entend, les contraintes de la circulation découlant des dispositifs juridiques et des
pratiques frontalières discriminatoires. Fortement sous-entendues par les mythes développés
précédemment, ces contraintes apparaissent sous trois formes, que sont la nature
fondamentalement exclusive et rigide des frontières communes aux États de la sous-région, le
développement d’un affairisme notoire autour des profits issus de la rente migratoire, les
tensions politico-diplomatiques affectant les relations bilatérales au sein de la CEMAC.

34
GNIMPIEBA TONNANG (E.), Droit matériel et intégration sous-régionale en Afrique Centrale : contribution
à l’étude des mutations récentes du marché intérieur et du droit de la concurrence en zone CEMAC, Thèse de
Doctorat en Droit, Institution du Droit de la paix et du Développement, Université de Nice-Sophia Antipolis, mars
2004, p.46 ss.
35
NGUENA DJOUFACK (A.L.), Thèse, Sécurité juridique et droit et droit communautaire de la CEMAC :
recherches sur la sécurité juridique dans la construction du marché commun de la CEMAC, Université de
Dschang, avril 2015, pp. 138-167.
36 KEMFOUEDIO BIPELE Jacques, la libre circulation des personnes en zone CEMAC : Heurs et Malheurs

d’un droit fondamental, revue juridique et politique des États Francophones, juillet-Septembre 2018, pp.351-372.
37 LOUNGOU (S), « La libre circulation des personnes au sein de l’espace de la CEMAC : entre mythe et

réalités », Belgeo [en ligne], 2010, p.9, mis en ligne le 04 décembre 2012, consulté le 27 mars 2021. URL :
http:/belgeo.Revues.org/7096, DOI : 10.4000/ belgeo.7096.

10
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

En outre, Monsieur LOUNGOU Serge38 dans son mémoire va constater que l’un des
obstacles majeurs à la libre circulation des biens en zone CEMAC reste à l’évidence celui de la
double taxation des marchandises. C’est d’ailleurs ce qui va lui valoir un triste constat de la
portée de la convention inter-Etat de transport multimodal de marchandises divers adoptées par
Acte n° 4/96-UDEAC-611-CE-3 du 5 juillet 1996 qui n’a pas produit tous les effets estompés
jusqu’ici de cet important texte.

Cependant il y’a lieu de relever que ces deux auteurs dans leurs ouvrages oublient le
côté sécuritaire qui à nos jours constitue un danger crucial qui empêche une intégration efficace
sur le plan sociale, politique et économique. C’est également oublier que, pour qu’on parle de
la réalisation du marché commun, il faut prendre en considération la libre circulation des biens
et des personnes, des services et des capitaux. C’est d’ailleurs ce point de vue qui sera
d’avantage explicité par la présente étude.

B- Intérêt de l’étude

L’intérêt que nous pouvons sortir pour ce sujet est en même temps théorique (a) d’une
part pratique (b) d’autre part.

a- L’intérêt théorique de l’étude

Ce qui fait la pertinence de l’intérêt théorique de notre travail, c’est tout d’abord
l’actualité de notre sujet parce que la question de la libre circulation des facteurs de production
est au cœur du processus d’intégration en zone CEMAC car c’est un objectif que l’on veut
atteindre. Ensuite, l’autre aspect de l’originalité est qu’il y’a très peu de travaux sur la
thématique de la libre circulation des facteurs de production en zone CEMAC. Il y’a quelques
travaux sur la libre circulation des personnes, des biens et services étudiés séparément mais très
peu sur la libre circulation des facteurs de production. Enfin notre travail est une contribution à
la connaissance du droit communautaire matériel car il renvoi au droit communautaire matériel
en Afrique Centrale.

La CEMAC est astreinte à produire des normes dont la confection, la mise en œuvre
constitue les éléments déterminants de mesure de leur dynamique et de leur efficacité. Il en
résulte qu’une étude du régime juridique de la liberté de circulation dans la communauté
révélerait des atouts autant que des écueils et insuffisances, représentant ainsi une contribution
notable et un apport à la CEMAC en particulier et sinon au droit communautaire, du moins au

38LOUNGOU (S), « La libre circulation des personnes au sein de l’espace de la CEMAC : entre mythe et
réalités », op. Cit, p.5

11
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

gigantesque projet d’intégration africaine en général, dont la logique actuelle est de franchir le
pas de la simple coopération vers l’intégration, de l’international vers la supra national.

b- L’intérêt pratique de l’étude

Premièrement, notre travail sur le plan pratique met en exergue l’état actuel de la libre
circulation des facteurs de production. Ainsi ça va permettre à la communauté de voir à quel
niveau est situé l’état d’évolution ou d’avancement du processus de mise en œuvre de la libre
circulation des facteurs de production. Ça va permettre également aux États membres de voir
les reproches qu’on peut leur faire relativement au retard que la communauté accuse dans
l’évolution du processus de la mise en œuvre de la libre circulation et de voir les corrections
qu’ils peuvent faire afin que ce processus avance.

Deuxièmement, la libre circulation étant considérée comme une condition indispensable


pour le développement des États africains, et dont de leurs citoyens. Dans le contexte de lutte
contre la pauvreté, notre étude, telle que conçue, permettra aux populations de mieux saisir les
opportunités qu’offre l’instauration de la libre circulation effective en zone CEMAC afin de
satisfaire leurs besoins vitaux. Ce travail permettra également aux décideurs sous régionale de
mieux saisir les enjeux et d’ajuster si nécessaire, les politiques et les mécanismes mises en
œuvre afin de les optimiser et atteindre les objectifs initialement fixés dans le but d’opérer un
véritable changement social.

Troisièmement, cette étude nous interpelle personnellement car nous terminons notre
formation en cycle de master et la maîtrise des enjeux inhérents au processus d'intégration en
zone CEMAC s'impose à nous, afin de répondre efficacement aux nombreuses exigences qui
jalonneront notre parcours académique et professionnel. Les motivations sont immenses en vue
de mieux appréhender cette intégration dans la CEMAC en ce que la réalisation semble être
problématique car il n’en demeure pas moins que certaines difficultés particulières apparaissent
toujours pour l’établissement de chacune de ces libertés. Le cas de la libre circulation des
personnes est illustratif à cet égard. Certains pays, notamment les moins peuplés tels que la
Guinée Équatoriale et le Gabon, y voient une menace pour leur stabilité ethnique, politique et
sociale. Un afflux d’immigrés qui peut rompre l’équilibre ethnique, accroitre le chômage et les
tensions sociale39.

39
Cf. UDEAC-CEMAC Échos d’aujourd’hui, n°8 avril 1999. P.10

12
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

C- La problématique de l’étude

Si la libre circulation est souvent considérée comme un moyen de réalisation d’espaces


de libre-échange et de libre mouvement en Afrique Centrale, notamment dans le cadre de la
CEMAC en des termes implicites par les traités régionaux, sa réalisation effective reste soumise
à des aménagements normatifs spécifiques qui conduisent au processus d’«effacement des
frontières » entre les États qui s’engagent à coopérer dans divers domaines. À travers une
coopération étroite, qui implique la mise en commun par les États liés par un accord particulier,
les États partis à une organisation communautaire définissent un programme d’action commun
dans des domaines spécifiques, en vue d’atteindre des objectifs préalablement fixés.

Cependant, certains obstacles au commerce et au déplacement des personnes demeurent,


car la liberté de circulation des facteurs de production doit s’effacer devant d’autres objectifs
politiques légitimes imposés par les États membres. À savoir des restrictions dans
l’encadrement juridique de la liberté de circulation en invoquant la nécessité de sécurité ou
ordre public, le respect des droits de l’homme précité dans l’article 16 de la Convention
régissant l’UEAC du Traité révisé.

Au regard de ce qui précède, la libre circulation depuis la création de la CEMAC, fait


l’objet d’études plus approfondies, ce qui a permis d’en souligner l’importance de la saisir, au-
delà de son fonctionnement proprement dit, son rôle dans le phénomène d’intégration de la zone
CEMAC. Ainsi, la difficulté se pose lorsqu’il faudra se saisir de la cohérence de la libre
circulation des facteurs de production en zone CEMAC, ce qui pousse à se poser la question de
savoir comment est-ce que la libre circulation des facteurs de production est-elle aménagée dans
la zone CEMAC ?

Répondre à cette question nous permet d’appréhender l’évolution même de la


consécration et celle de la mise en œuvre, étant donné que aménager ne renvoie pas seulement
à l’idée de consécration mais peut aussi envelopper l’idée de la mise en œuvre.

D- Hypothèse

Relativement à ces travaux, au regard de cette problématique, il ressort une hypothèse


selon laquelle. La libre circulation des biens et des personnes, des services et des capitaux tel
que aménagée en droit communautaire a certes évolué depuis l’avènement de la CEMAC mais
elle reste fortement influencée par l’attachement nationaliste des États membres à leur
souveraineté. La mise sur pied des textes spécifiques instituant la suppression des barrières
transfrontalières et l’implémentation de la politique commune sur les taxes et les marchandises

13
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

circulant dans de la zone CEMAC favorisent non seulement la création d’un marché commun
mais également sa mise en œuvre. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle soit effective, raison
pour laquelle on pourrait noter les obstacles empêchant l’effectivité de la mise en œuvre de la
réalisation d’un marché commun à travers les obstacles juridiques et institutionnels.

La vérification de notre hypothèse nécessite l’édification d’un cadre méthodologique


approprié.

E- Les méthodes et technique de travail

Seront envisagées d’une part la méthode (1) et d’autre part la technique de travail (2).

1- Les méthodes de recherche

Pour parvenir à la réalisation de notre travail, nous allons opter pour la méthode
comparative et juridique.

Dans la perspective de la méthode comparée, il sera analysé concurremment le cadre


normatif et institutionnel de la libre circulation, autant que les contraintes du système
international, la complexité des éléments formateurs de ce principe. Il ne faudra pas perdre de
vue que nous ferons de temps en temps incursion dans le nouveau droit des affaires OHADA,
de l’ UEMOA et de l’UE qui sont des modèles de régionalisation économique afin de rechercher
les divers liens qui lient ce dernier à l’expérience entreprise dans le cadre de la CEMAC.

La méthode juridique nous permettra de donner une meilleure interprétation des textes
en décelant le dispositif normatif qui fonde la libre circulation des facteurs de production. Elle
est donc appropriée dans le cadre de cette étude qui sera traitée sous l’angle du droit
communautaire en empruntant notamment au droit comparé. Cette méthode nous permet en
effet de réaliser que le principe de la libre circulation, affirmé dès le préambule du traité
instituant la CEMAC et réaffirmé par la convention révisée UEAC.

2- Les techniques de recherche

Pour arriver au résultat souhaité, le chercheur doit adopter certaines techniques. Dans le
cadre de la présente étude, le recours à la technique documentaire a permis d’exploiter les
ouvrages, des thèses, des mémoires, des articles sur la question de la libre circulation des
facteurs de production, ainsi que des textes nationaux, communautaires et internationaux
applicables en la matière. GRAWITZ Madeleine soulignait à ce propos que : « l’analyse
documentaire consiste en une fouille systématique de tout ce qui est écrit ayant une liaison avec

14
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

le domaine de recherche »40. À côté de la technique documentaire, cette recherche a fait l’objet
d’une interpellation la technique d’entretien avec les législateurs de droit communautaire de la
CEMAC. Au regard de tout ce qui précède, la méthodologie juridique s’impose dans le cadre
de ce présent travail et apporte une contribution prépondérante à cette recherche, d’où la summa
divisio.

C’est dans cette optique que nous présenterons les aménagements renforcées de la libre
circulation des facteurs de production au sein de la CEMAC (première partie) et le caractère
éprouvée de cette libre circulation (seconde partie) tout en recherchant son effectivité.

40
GRAWITZ (M.), Méthode des sciences sociales, op, cit. p.571.

15
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

PREMIÈRE PARTIE : UNE LIBRE CIRCULATION DES


FACTEURS DE PRODUCTION AFFIRMÉE

16
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

Le régionalisme économique dans son développement connaît, à partir de l’union


douanière et de la zone de libre-échange, plusieurs mutations pouvant aboutir au marché
commun41, forme la plus élaborée d’intégration économique qui allie à la fois les techniques de
celle-ci et de celle-là42. Dans son évolution normale, l’union douanière de l’Afrique Centrale
était appelée à se transformer en un marché commun dans lequel on allait retrouver, en plus des
traits de la zone de libre échange et de l’union douanière, des dispositifs tendant à supprimer
toutes les restrictions à la libre circulation des autres facteurs économiques et à créer ainsi une
unité économique plus ou moins homogène entre ses membres. Cette exigence d’intégration
s’est manifestée concrètement à travers la mise en place progressive d’une politique de
promotion de la libre circulation des marchandises et des facteurs de production 43.

Conformément à l’article 13 de la Convention régissant l’Union économique de


l’Afrique centrale (UEAC) 44, le marché commun comporte :

« a) l’élimination des droits de douane intérieurs, des restrictions quantitatives à


l’entrée et à la sortie des marchandises, des taxes d’effet équivalent, de toute autre mesure
d’effet équivalent susceptible d’affecter les transactions entre les États membres ;

b) l’établissement d’une politique commerciale commune envers les États tiers ;

c) l’adoption des règles communes de concurrence applicables aux entreprises et aux


aides d’Etat ;

d) la mise en œuvre du principe de la liberté de circulation des travailleurs, de liberté


d’établissement, de liberté de prestation de service, de liberté d’investissement et de mouvement
de capitaux ;

41
GNIMPIEBA TONNANG (E.), Droit matériel et intégration sous-régionale en Afrique Centrale : contribution
à l’étude des mutations récentes du marché intérieur et du droit de la concurrence en zone CEMAC, Thèse de
Doctorat en Droit, Institution du Droit de la paix et du Développement, Université de Nice-Sophia Antipolis, mars
2004, p.46, p. 51.
42
En effet, si la Zone de Libre Échange est la situation dans laquelle deux ou plusieurs États éliminent, dans leurs
rapports mutuels, les restrictions tarifaires et non-tarifaires à leurs échanges commerciaux, l’union douanière est
quant à elle le schéma dans lequel deux ou plusieurs États, d’une part, créent entre eux une ZLE, et d’autre part,
instituent une protection commune, tarifaire et non-tarifaire, dans leurs rapports avec les États tiers. Cf. Thèse de
Doctorat en Droit du professeur GNIMPIEBA TONNANG (E.) , Institution du Droit de la paix et du
Développement,, op. cit, p. 52.
43
Cf. Article 77 du Traité UEMOA), Article 27 du Traité UDEAC et Article 2 (c) de la Convention instituant
l’Union Économique de l’Afrique Centrale (UEAC) : «(…) L’union Économique entend (…) créer un marché
commun fondé sur la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes (…)».
44
Qui se situe à la suite de l’article 2(c) de cette même Convention qui affirme l’objectif de création d’un marché
commun dans la zone CEMAC.

17
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

e) l’harmonisation et la reconnaissance mutuelle des normes techniques ainsi que des


procédures d’homologation et de certification ».

Les règles fondamentales du marché commun sont relatives aux libertés de circulation
dans l’espace communautaire45. Il en résulte des dispositions de l’article 13 de la Convention
de l’UEAC précité que la mise en œuvre des différentes politiques du marché commun passe
par la consécration et la mise en œuvre sur le plan juridique, nécessaires à l’épanouissement de
la liberté commerciale. Dans le droit matériel du marché commun de la CEMAC, la prise en
compte de la libre circulation des facteurs de production trouve donc son expression dans le
renforcement dynamique de la libre circulation des biens et des personnes (Chapitre I) et des
aménagements de la libre circulation des services et des capitaux (Chapitre II).

45
DUBOUIS (L.), BLUMANN (C.), Droit matériel de l’Union européenne, Paris, Montchrestien, 4e éd., 2006,
p. 10.

18
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

CHAPITRE I : LE RENFORCEMENT DYNAMIQUE DE LA LIBRE


CIRCULATION DES BIENS ET DES PERSONNES EN ZONE CEMAC

La question de la liberté de circulation des biens et des personnes allait une fois encore
se retrouver au cœur du débat à l’occasion de la relance du mouvement d’intégration des pays
de la sous-région. Le PRR allait, outre la nécessaire réforme fiscalo-douanière, insister sur la
disparition de tous les obstacles à la libre circulation des facteurs de production, et plus
spécialement de la libre circulation des biens et des personnes comme le préalable à la
réalisation du marché commun souhaité 46. C’est donc logiquement que le nouveau législateur
communautaire a fait de la réalisation progressive de la libre circulation des biens et des
personnes une des conditions sine qua non de la construction de la nouvelle communauté47.

La liberté de circulation des biens et des personnes poursuit désormais un triple objectif:
accroître d’une part les chances des travailleurs des États membres de trouver du travail et
d’enrichir leur expérience professionnelle, faciliter d’autre part, par la mobilité de ces derniers,
la réponse des ressources humaines aux besoins de l’emploi, et développer enfin, entre ces
travailleurs, la compréhension mutuelle, l’émergence d’un tissu social communautaire et donc
“l’union sans cesse grandissant” entre les peuples de la sous-région, but essentiel du traité
CEMAC48. Le marché commun dans le processus d’intégration suppose donc une consolidation
renforcée de la libre circulation des personnes (Section I) et les aménagements de la libre
circulation des biens (Section II) au sein de la CEMAC.

Section I : La consolidation de la libre circulation des personnes

La réglementation est un élément commun à de nombreux systèmes de droit. Elle est


présente dans les instruments à vocation aussi bien universelle que nationale. Cette
réglementation de la liberté de circulation se traduit en Afrique Centrale par la consécration de
cette liberté par les textes capitaux. Sa mise en œuvre constitue une sorte de talon d’Achille du

46
L’Article 4 (c) de la Convention régissant l’UEAC dispose que l’Union Économique «initie le processus de la
mise en place des instruments de la libre circulation (…) des personnes, des services et des capitaux (…)».
47
L’Article B (devenu article 2) du Traité de Maastricht dispose que «l’Union se donne pour objectif (…) de
maintenir et de développer l’Union en tant qu’espace de liberté (…) au sein duquel est assurée la libre circulation
des personnes (…)». Le législateur communautaire UEMOA consacrait lui aussi, quasiment au même moment, ce
principe de la libre circulation des personnes. L’article 76 (d) du Traité UEMOA institue «la mise en œuvre des
principes de liberté de circulation des personnes, d’établissement et de prestations de services ainsi que de celui
de liberté de mouvement des capitaux requis pour le développement du marché financier sous-régional ».
48
Préambule Traité CEMAC.

19
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

droit communautaire dans sa globalité et plus précisément du respect des libertés publiques au
sein de la communauté (Paragraphe I). Il faut noter que le principe de la libre circulation des
personnes dans l’espace communautaire CEMAC souffre de plusieurs restrictions
conventionnelles (Paragraphe II).

Paragraphe I : La consécration du principe de la libre circulation des personnes

Les textes fondamentaux qui ont consacré le principe de la libre circulation des
personnes sont de deux ordres à savoir les textes communautaires et certaines constitutions des
États membres (A). Cependant, on peut constater dans la mise en œuvre du principe quelques
particularités (B).

A- Une consécration communautaire et constitutionnelle de la libre


circulation des personnes

La libre circulation des personnes au niveau communautaire est prévue depuis l’article
27 du traité de l’UDEAC, renchérie par l’acte n° 01/72-UDEAC du 22 décembre 19972
consacrant la libre circulation des personnes et reprise par les articles 2, 4 et 27 de la Convention
de l’UEAC du 25 juin 1999 puis les articles 2(c), 4 (b et c) et 27(a) de la Convention de l’UEAC
révisée de l’UEAC du 30 janvier 2009. La libre circulation des personnes, au départ, intégrait
au sein de la CEMAC uniquement la libre circulation tant des salariés ou des travailleurs 49 que
la libre circulation des indépendants qui contient le droit d’établissement 50. L’inventaire de la
situation montre aujourd’hui qu’au fil des ans, la libre circulation des personnes a été élargie à

49
S’agissant de la libre circulation des salariés, il convient de relever à juste titre qu’elle implique l’abolition de
toute discrimination fondée sur la nationalité entre les salariés des États membres en ce qui concerne l’emploi, la
rémunération et les autres conditions de travail (Cf. GNIMPIEBA TONNANG (E.), « La libre circulation des
personnes et des services en Afrique Centrale : entre consécrations textuelles, vides jurisprudentiels et hésitation
politiques », Recueil Penant, n°857, octobre-décembre 2006, pp3-31). Elle sous-entend le droit d’entrée et de
séjour sur le territoire d’un Etat membre et même le droit d’y demeurer, à certaines conditions, après la fin de
l’emploi (lire J.F Deniau, Le marché commun, opt. Cit., pp. 52 et ss ; lire aussi H.V. Mollard, La communauté
économique européenne, Paris, LGDJ, 1975, pp. 157-159). Ainsi, en vertu du principe de la libre circulation, tout
employé exerçant son activité dans un Etat membre peut rechercher un emploi dans un autre Etat. Dans le cadre
de cet emploi, il doit pouvoir bénéficier des mêmes avantages que les nationaux. En effet, la libre circulation des
travailleurs s’inscrit dans la logique du principe de la non-discrimination. Ce principe implique l’abolition de toute
discrimination fondée sur la nationalité entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi,
notamment la recherche et l’exercice d’un emploi, à l’exception des emplois dans les secteurs publics, parapublic
et stratégique (Cf. article 27(a).
50
KEMFOUEDIO BIPELE (J.), « la libre circulation des personnes en zone CEMAC : Heurs et Malheurs d’un
droit fondamental », revue juridique et politique des États Francophones, juillet-Septembre 2018, pp.372. Il
convient tout de même de relever que la libre circulation des indépendants, qui intègre au sens large le droit
d’établissement, est quant à elle, la prérogative pour les personnes physiques et morales, qui exercent une activité
indépendante, de pouvoir circuler sans inquiétude et/ou de s’installer dans un autre pays que le leur, en vue d’y
exercer leurs activités dans les mêmes conditions que les nationaux de ce pays.

20
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

tous les citoyens communautaires sous réserve des limitations justifiées par des raisons d’ordre
publique51.

Il est important de relever que la consécration de la libre circulation des personnes au


sein de la CEMAC a connu plusieurs étapes. À chaque étape, différents textes ont été adoptés
pour marquer cette consécration. À ce sujet, on peut citer entre autres :

- Le règlement n°1/100-CEMAC-042-CM-04 du 21 juillet 2000 portant institution


et condition d’attribution du passeport CEMAC,

- l’accord de coopération Interpol-CEMAC du 29 mars 2001,

- l’accord de coopération judiciaire entre les États membres de la CEMAC du 28


janvier 2004,

- l’acte additionnel n° 08/CEMAC-CEE-SE du 29 juin 2005 relatif à la libre


circulation des personnes en zone CEMAC,

- la décision n°02/08-UEAC-CM-17 du 20 juin 2008 portant liste des personnes


admises à titre transitoire à circuler sans visa en zone CEMAC,

- le règlement n°01/08- UEAC-042-CM-17 du 16 mars 2010 portant institution et


conditions de gestion et de délivrance du passeport CEMAC,

- la décision n°2/11-UEAC-070-U-CM-22 du 19 décembre 2011 portant


extension de l’accès aux services d’Interpol I-24/7,

- l’acte additionnel n°01/13-CEMAC-070 U-CCE SE du 25 juin 2013 portant


suppression du visa pour tous les ressortissants de la CEMAC circulant dans l’espace
Communautaire. Cet acte additionnel est annexé au traité de la CEMAC et complète celui-ci
sans le modifier. Son respect s’impose aux institutions, aux organes et aux institutions
spécialisées de la Communauté ainsi qu’aux autorités des États membres 52.

A la faveur de cet acte additionnel de 2013, « la circulation des ressortissants des États
membres de la CEMAC est libre sur l’ensemble de l’espace communautaire à partir du 1 er
janvier 2014[…] »53. Cette libre circulation comporte le droit de se déplacer sans visa et de
séjourner dans tout autre Etat de la Communauté pour une durée de quatre-vingt-dix jours au

51
La limitation de la libre circulation des personnes pour des raisons d’ordre public est prévue par l’article 27(a),3e
tiret de la Convention du 30 janvier 2009 régissant l’UEAC.
52
Cf. article 41 du traité révisé de la CEMAC du 30 Janvier 2009.
53
Cf. article 1er de l’acte additionnel n°01/13 suscité.

21
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

plus54. Dans tous les cas, les ressortissants des États membres de la CEMAC qui voyagent ou
séjournent sur le territoire d’un autre Etat membre jouissent, à l’exception des droits politiques,
de tous les droits et libertés reconnus aux nationaux du pays hôte, sous réserve du respect des
lois et règlements en vigueur dans ledit Etat 55. Ainsi, l’acte additionnel n°01/13 du 25 juin 2013
signé par le Président Ali Bongo Ondimba élargit à l’ensemble des citoyens des six États
membres de la CEMAC, grâce au consensus du 14 juin 201356 la libre circulation des personnes.

En ce qui concerne la consécration Constitutionnelle, la libre circulation des personnes


dans la zone CEMAC n’est pas très perceptible à la lecture des normes fondamentales des États
membres. Certes, de manière interprétative ou indirecte, on décèle des traces relatives à cette
liberté fondamentale. En effet, les États membres de la CEMAC sont désormais convaincus que
le salut de l’Afrique en général et de l’Afrique Centrale en particulier se trouve dans la
réalisation d’une solidarité et d’une coopération de plus en plus étroites entre les peuples.
Certains l’ont d’ailleurs affirmé dans leur Constitution 57. Ces dispositions constitutionnelles,
qui consacrent la coopération et la solidarité entre les États africains, s’inscrivent dans la
logique d’une intégration régionale ou sous-régionale. Or, il n’y a pas d’intégration réussie sans
la libre circulation effective des personnes.

Dans les préambules constitutionnels, certains États ont confirmé leur volonté d’œuvrer
à la construction d’une Afrique(Centrale) unie. Dans cette perspective, les pays membres de la
Communauté s’engagent à entretenir avec les autres nations des relations pacifiques et
fraternelles conformément aux principes formulés par la Charte des Nations Unies. Dans ses
dispositions liées au préambule de la constitution, le Cameroun affirme son attachement aux
libertés fondamentales inscrites dans toutes les Conventions internationales dument ratifiées 58.
Le Tchad, quand à lui, proclame son attachement à la cause de l’unité africaine et exprime son
engagement à tout mettre en œuvre pour réaliser l’intégration sous-régionale et régionale59. Le
Congo, pour sa part, fait partie intégrante de la Constitution des principes fondamentaux
proclamés et garantis par tous les textes internationaux pertinents dument ratifiés relatifs aux
droits humains60. La Guinée équatoriale, en ce qui la concerne, s’attache aux principes du droit

54
Cf. article 2 de l’acte additionnel n°01/13 suscité.
55
Cf. article 3 de l’acte additionnel n°01/13 suscité.
56
Le consensus du 14 juin 2013 est l’avis favorable donné par le Conseil des ministres à la suite d’une feuille de
route consensuelle adopté par les ministres chargé des questions d’intégration et d’immigration.
57
C’est le cas du Cameroun, de la RCA et du Tchad.
58
Cf. Préambule de la Constitution Camerounaise du 18 janvier 1996.
59
Cf. Préambule de la Constitution Tchadienne du 31 mars 1996 et article 218 de la même Constitution.
60
Cf. Préambule de la Constitution Congolaise du 20 janvier 2002.

22
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

international et réaffirme son adhésion aux droits et obligations qui émanent des Chartes des
organisations et organismes internationaux auxquels elle adhère 61. Convaincue de la nécessité
de l’intégration politique, économique et sociale africaine au plan sous-régional et régional, la
RCA, pour elle, réitère sa volonté de coopérer dans la paix et l’amitié avec tous les États. Elle
réaffirme son adhésion à toutes les Conventions internationales dument ratifiées 62.

Comme on peut le constater, la lecture et l’analyse des textes Communautaires et


Constitutionnels de la quasi-totalité avec tous les États membres de la CEMAC permettent de
retrouver les « indices qui placent l’Homme au centre de la coopération régionale, c’est-à-dire
l’élément moteur de l’animation Communautaire, et donc largement favorable à la libre
circulation des personnes »63.

B- La dynamique mise en œuvre de la libre circulation des personnes

Sur la question de la mise en œuvre du principe de la libre circulation des personnes, il


est question de mettre en exergue les instruments juridiques dans la zone CEMAC. Ces
instruments sont à la fois institutionnels et normatifs, nationaux et Communautaires. Dans ce
processus, le juge Communautaire est appelé à contribuer à l’affermissement de cette liberté.

Pour ce qui est des instruments juridiques de mise en œuvre de la libre circulation,
notons que l’un des objectifs majeurs fixés par l’Union économique de l’Afrique centrale a été
sans cesse la création d’un marché commun fondé sur la libre circulation des personnes. En
cette matière, plusieurs textes ont été adoptés par les instances Communautaires pour favoriser
son effectivité64. A la faveur de ces textes, et à l’origine, le passeport CEMAC était le tout
premier document censé faciliter la circulation des personnes au sein de la zone CEMAC 65.

61
Cf. article 8 de la Constitution de la République de Guinée équatoriale.
62
Cf. Préambule de la Constitution Centrafricaine du 27 décembre 2004.
63
TCHEUWA (J.C.), « Brèves réflexions sur la libre circulation des personnes et la citoyenneté dans la
CEMAC », Cahier africain des droits de l’homme, n°6-7, mars 2002, p. 162.
64
Les différents textes adoptés en matière de libre circulation des personnes sont : le règlement n°1/100-CEMAC-
042-CM-04 du 21 juillet 2000 portant institution et conditions d’attribution du passeport CEMAC ; l’acte
additionnel n°08/CEMAC-CEE-SE du 29 juin 2005 relatif à la libre circulation des personnes en zone CEMAC ;
la décision n°02/08-UEAC-CM-17 du 20 juin 2008 portant liste des personnes admises à titre transitoire à circuler
sans visa en zone CEMAC ; le règlement n°01/08-UEAC-042-CM-17 du 16 mars 2010 portant institution et
conditions de gestion et de délivrance du passeport CEMAC ; la décision n°2/11-UEAC-070-U-CM-22 du 19
décembre 2011 portant extension de l’accès aux services d’Interpol I-24/7 ; l’acte additionnel n°01/12-CEMAC-
070 U-CCE SE du 25 juin 2013 portant surpression du visa pour tous ressortissants de la CEMAC circulant dans
l’espace communautaire. À côté de ces textes, il faut citer l’accord de coopération en matière de police criminelle
entre les États de l’Afrique Centrale du 29 avril 1999, l’accord de coopération Interpol-CEMAC du 29 mars 2001
et l’accord de coopération judiciaire entre les États membres de la CEMAC du 28 janvier 2004.
65
Il convient tout de même de noter que le passeport CEMAC, né à la faveur du règlement précité, n’avait jusque-
là été accepté que par quatre États (Cameroun, Congo, Tchad, RCA). C’est à partir du 1 er juillet 2007 que cet
instrument de libre circulation était appelé à entrer en vigueur au Gabon et en Guinée équatoriale. Il faut au
demeurant souligner que la liste des personnes prioritaires pour l’obtention du passeport CEMAC (version

23
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

Mais cette initiative au sujet de la libre circulation dans toute la zone CEMAC au moyen d’un
passeport communautaire, qui était déjà pourtant louable et dont l’entrée en vigueur dans tous
les États était prévue pour le 1er juillet 2007, a été différée au 1er janvier 201066, délai butoir.
Entre temps, faut-il le relever, et plus précisément lors du 9e sommet des Chefs d’Etat de la
CEMAC, tenu les 24 et 25 juin 2008 à Yaoundé, le règlement portant adoption du passeport
CEMAC a été amandé67. Au moment où l’on attend que ces dispositions révisées produisent
leurs effets dès le 1 er janvier 2010 comme initialement prévu, on sera surpris de voir ce délai
butoir prolongé à la fin du 1er trimestre 201068. Advenu à cette période, l’effectivité de la libre
circulation attendue n’a pas toujours été au rendez-vous à cause du micro-nationalisme exacerbé
des États. Malgré les cris de détresse des ressortissants de la CEMAC victimes des expulsions
çà et là, il a fallu attendre 2013 pour qu’un pas supplémentaire soit fait en matière de libre
circulation des personnes en cette zone. A la faveur de l’acte additionnel n°01/13-CEMAC-070
U-CCE-SE du 25 juin 2013, les visas sont supprimés pour tous les ressortissants de la CEMAC
circulant dans l’espace Communautaire69.

Toutefois, il convient de relever que cette décision de libre circulation à compter du 1er
janvier 2014 n’était pas entrée en vigueur à cause des réserves émises par la Guinée équatoriale.
Il a fallu attendre la 12e session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etat, tenue à Libreville
le 6 mai 2015 pour que cette réserve soit levée. C’est sur la base de cette levée de réserve que
les ressortissants des pays de la CEMAC ont été autorisés depuis le 7 mai de la même année à
circuler sans visa à l’intérieur du territoire communautaire munis simplement, soit de la carte
d’identité nationale biométrique, soit du passeport biométrique, qu’il soit ordinaire,
diplomatique ou de service. Malgré les dispositions communautaires, le Gabon et la Guinée
équatoriale avaient refusé de rendre effective la libre circulation des personnes dans leurs
territoire. Il fallait attendre le 6 octobre 2017 pour voir le Gabon prendre un arrêté autorisant

biométrique) a été revue et corrigée en 2008 grâce à la décision n°02/08-UEAC-CM-17 du 20 juin 2008 adoptée
à Yaoundé. Aux termes de l’article 1er de cette décision, « la circulation des catégories de personnes énumérées
dans la présente décision est libre à l’intérieur de l’espace de la CEMAC sous réserve de la production d’un
passeport national sécurisé en cours de validité. Il s’agit des membres de gouvernement et assimilées ; des
parlementaires ; des fonctionnaires nationaux et régionaux ; des enseignants et chercheurs ; des étudiants
régulièrement inscrits ou préinscrits dans les établissements agrées ; des membres des professions libérale
reconnues par leurs ordres nationaux respectifs ; des investisseurs ; des chefs et personnes d’encadrement dument
mandatés des entreprises ; membres des organisations patronales communautaires et nationales ».
66
Cf. Communiqué final, 9e session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etat de la CEMAC, Yaoundé, 24 et 25
juin 2008, p.6.
67
Ibid, p.5.
68
Cf. Communiqué final, 10e session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat de la CEMAC, Bangui, 16 et 17
janvier 2010, p5.
69
Aux termes de l’article 1er de l’acte additionnel n° 01/13 suscité, « la circulation des ressortissants des États
membres de la CEMAC est libre sur l’ensemble de l’espace communautaire à partir du 01 er janvier 2014… ».

24
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

cette libre circulation des ressortissants des États membres de la CEMAC. Une circulaire y
relative a été co-signée le 19 octobre 2017 par deux membres du gouvernement 70 pour donner
d’autres précisions 71. Avant la tenue du sommet extraordinaire des Chefs d’Etat du 31 octobre
2017 à N’Djamena, la Guinée équatoriale a suivi aussi le pas en rendant effectif la libre
circulation des personnes dans son territoire.

Ainsi, après plusieurs années de tergiversation, les États membres de la CEMAC ont
enfin donné à N’Djamena la pleine mesure de leur solidarité en rendant effective la libre
circulation des personnes dans l’espace communautaire. Pour accompagner cette mesure, que
nous espérons irréversible, la Conférence des chefs d’Etat de la CEMAC a décidé d’autoriser
la BDEAC à prélever sur les ressources du Fond de développement de la Communauté, le
montant de 1,7 milliard de FCFA pour le paiement du reliquat dû à Interpol au titre de
sécurisation des frontières de la Communauté 72. Elle a également instruit la Commission de la
CEMAC de prendre toutes les dispositions pour la création des postes sécurisés aux frontières,
afin de réserver le bénéfice exclusif de la libre circulation aux ressortissants de la
Communauté73. Enfin, la Conférence a exhorté les États membres qui n’ont pas encore produit
leur passeport CEMAC de le faire dans les meilleurs délais 74. La notion de « meilleurs délais »
employée ici, bien que traduisant l’urgence, est imprécise et peu favorable à une réaction
prompte des États membres. La Conférence aurait gagné en fixant clairement ces délais.

Malgré tout, on peut tout de même saluer cette étape fondamentale que vient de traverser
théoriquement l’Afrique centrale en matière de libre circulation des personnes. Certes, on peut
regretter le retard accusé car, en Europe, la libre circulation des personnes a été le moteur du
processus d’intégration économique. C’est sans doute cette expérience européenne qui a stimulé
le processus d’intégration par la libre circulation en Afrique de l’Ouest75. Cette sous-région, qui

70
Il s’agit du ministère de l’intérieur, de la sécurité publique et de l’hygiène publique, chargé de la décentralisation
et du développement local, monsieur LAMBERT (N.M.), et du ministre des affaires présidentielle et de la Défense
nationale, MAKAGA MASSARD KABINDA (E.).
71
En effet, les ressortissants des États membres de la CEMAC, bénéficiaires de la libre circulation, doivent être
détenteurs d’un passeport biométrique ordinaire, diplomatique ou de service doté d’une validité d’au moins trois
mois à la date d’entrée sur le territoire. Cette mesure concerne les séjours n’excédant pas 90 jours. Toutefois, l’Etat
du Gabon dit concilier la nécessité de la libre circulation et l’exigence sécuritaire car les autorités compétentes du
Gabon se réservent le droit de refuser l’entrée aux personnes n’ayant pas respecté le délai de séjour lors de leurs
précédents voyages et aux personnes pouvant porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité nationale ou à la santé
publique.
72
Cf. communiqué final à l’issue de la session extraordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat de la CEMAC du
14 juin 2013.
73
Sur ce point, la Conférence aurait pu, à notre avis, impartir un délai à la Commission pour le faire.
74
Jusqu’ici le Gabon, la Guinée équatoriale et le Congo n’ont pas rendu leur passeport biométrique effectif.
75
DICKO (H.), le marché commun de l’union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) : Réalités et
perspectives, Master en administration publique, Université Louis Pasteur de Strasbourg, février 2005, pp.5 et ss. ;

25
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

a impulsé en Afrique la libre circulation des personnes au moyen d’une carte d’identité, a connu
depuis 2009 une étape supplémentaire en cette matière. En effet, il est institué depuis cette
année-là, la reconnaissance mutuelle des visas délivrés par les États membres de l’UEMOA au
profit des personnes non ressortissantes de l’Union 76. Dans cette perspective, tout visa délivré
par un Etat membre de l’UEMOA à ces personnes est valable dans les autres États membres de
l’Union. À cet effet, les bénéficiaires d’un tel visa sont admis à circuler librement à l’intérieur
du territoire de l’Union 77. Dans cette même lancée d’ouverture, les personnes ressortissantes
des États membres de la CEDEAO sont dispensées du visa d’entrée sur le territoire de l’Union ;
mais le passeport leur est exigé78.

Par contre pour ce qui est du rôle du juge en matière de libre circulation, cette liberté est
considérée comme une liberté fondamentale qui s’inscrit au rang des libertés communautaires.
En tant que telle, le juge devrait s’affirmer comme le premier garant de son effectivité 79. Cela
s’observe avec le Traité révisé de la CEMAC qui dispose que « la Cour de justice assure le
respect du droit dans l’interprétation et dans l’application du Traité et des Conventions
subséquentes »80. Ces dispositions ont été reprises par l’article 2 de la Convention régissant la
Cour de justice Communautaire. Cette institution judiciaire est ainsi compétente pour assurer
les cas de violations des droits et libertés communautaires au niveau de leur mise en œuvre 81.
La libre circulation des personnes étant une liberté consacrée par le droit communautaire
originaire, son non-respect, soit par un Etat, une institution, une institution spécialisée ou un
organe communautaire, constitue la violation du droit communautaire. Au terme de l’article 24
de la Convention 30 janvier 2009 régissant la Cour de justice communautaire, « la Cour
connait, sur recours de tout Etat membre, de toute institution, organe ou institution spécialisée
de la CEMAC ou de toute personne physique ou morale qui justifie d’un intérêt certain et

FOTUE (S.M.), La libre circulation des biens et des personnes en zone CEMAC et UEMOA : Étude comparative,
Thèse en vue de l’obtention du Master en Droit communautaire et comparé CEMAC, Université de Dschang, avril
2011, pp. 1-113 ; cf. NKADA ZOGO (S.P.), la libre circulation des personnes : Réflexion sur l’expérience de la
CEMAC et de la CEDEAO , op.cit., pp.124 et ss; Cf. KEMFOUEDIO BIPELE (J.), « la libre circulation des
personnes en zone CEMAC : Heurs et Malheurs d’un droit fondamental », revue juridique et politique des États
Francophones, juillet-Septembre 2018, pp 382.
76
Cf. règlement n°06/2009/CM/UEMOA du 26 juin 2009 portant reconnaissance mutuelle des visas délivrés par
les États membres de l’UEMOA adopté par le Conseil des ministres de l’UEMOA.
77
Cf. article 3 paragraphe 2 du règlement suscité.
78
Cf. article 4 du règlement suscité.
79
TCHUINTE (J.), l’application effective du droit communautaire en Afrique centrale, Thèse de Doctorat en
droit public, Université de Cergy-Pontoise, 2011, pp.363 et ss.
80
Cf. article 48 paragraphe 1er du Traité révisé de la CEMAC du 30 juin 2009.
81
KAMTO (M.), « Les cours de justice des communautés et des organisations d’intégration africaines », AADI,
vol.6, 1998, pp. 107-150 ; BOUMAKANI (B.), « les juridictions communautaires en Afrique noire francophone :
la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA, les Cours de justice de l’UEMOA et de la CEMAC »,
Annales de la Faculté des sciences juridiques et politiques, Université de Dschang, T.3, pp. 67-86.

26
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

légitime, de tous les cas de violation des dispositions du traité de la CEMAC et des textes
subséquents ». En le faisant, la Cour de justice communautaire s’affirme comme gardienne de
ces droits et libertés. Elle veille à leur bon respect et est appelée à sanctionner toute violation
ou tout non-respect82. Si l’on s’en tient à l’article 24 de la Convention du 30 janvier 2009
suscité, on aurait tendance à affirmer qu’en cas de violation du droit communautaire, le juge de
la CEMAC détient toutes les Compétences et le juge national n’a rien à faire. Il n’en est pourtant
rien et le juge de la CEMAC l’a réitéré dans l’espèce Société anonyme des brasseries du
Cameroun c/La République du Tchad 83.

Paragraphe II : Les aménagements au principe de la libre circulation des


personnes en Afrique Centrale

Le principe communautaire de la libre circulation des personnes notamment des travailleurs


salariés, de la main-d’œuvre ou encore des personnes morales n’est traditionnellement pas appréhendé
de façon absolue. Le nouveau législateur communautaire CEMAC, avec l’attitude réaliste qui l’a
animé dans son œuvre pionnière, a admis que les pays membres pouvaient, sous certaines conditions,
retrouver leur compétence et ainsi déroger aux règles régissant la libre circulation des personnes dans
l’espace communautaire. Ménageant donc les souverainetés nationales des États membres, le
nouveau législateur CEMAC exclut du domaine de la libre circulation des travailleurs salariés84 et de
la main-d’œuvre ainsi que de celui de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services
les activités participant à l’exercice de l’autorité publique (A). Il autorise dans le même ordre d’idée
les États à appliquer un régime spécial aux étrangers mêmes les ressortissants communautaires pour
assurer la sauvegarde de l’ordre public, de la sécurité publique et de la santé publique (B).

82
Cf. FIPA NGUEPJO (J.), rôle des juridictions supranationales de la CEMAC et de l’OHADA dans
l’intégration des droits communautaires par les États membres, Thèse de Doctorat en droit, Université Panthéon-
Assas, École Doctorale de droit privé, Juillet 2011, pp.14 et ss.
83
Cour de justice de la CEMAC, arrêt n°001/CJ/CEMAC/CJ/07 du 01/02/2007, affaire Société anonyme des
Brasseries du Cameroun c/La République du Tchad (requête aux fins de sursis à exécution de l’arrêté
n°160/MFEP/SG/DGDDI/2006 du ministre des finances). Dans cette affaire, le juge de la CEMAC s’est déclaré
incompétent au profit du juge national, argument tiré de ce qu’il s’agit d’un cas de violation du droit
communautaire par les autorités nationales.
84
Ainsi, comme c’est le cas dans l’Union européenne (article 48 du Traité CE) et dans l’UEMOA (article 91
(1) du Traité modifié), les législations nationales des États de la CEMAC reconnaitront aux travailleurs migrants
d’origine communautaire le droit de rechercher et d’exercer une activité professionnelle « conformément aux
dispositions législatives, règlementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux ». Ceci
implique que les États membres devraient prendre toutes les dispositions afin que le travailleur migrant d’origine
communautaire ne soit pas traité différemment que les nationaux.

27
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

A- Les activités exclues de la libre circulation

L’article 27 alinéa a (para. 2) de la Convention régissant l’UEAC exclut les «emplois dans les
secteurs publics, parapublics et stratégiques» du domaine de la libre circulation en ce qui concerne
les travailleurs salariés ou indépendants, la main-d’œuvre, ainsi que les personnes morales.

L’article 27 alinéa a(para. 2) de la Convention UEAC consacre la première exception à la


libre circulation des personnes dans la zone CEMAC. En effet, après avoir reconnu au profit des
travailleurs migrants et à la main-d’œuvre d’origine communautaire une égalité de traitement en ce
qui concerne la recherche, l’accès et l’exercice d’un emploi salarié, le deuxième mouvement du même
texte précise que ses dispositions ne sont pas applicables aux emplois dans l’administration publique.
Cette affirmation semble ne soulever aucune difficulté, dans la mesure où l’interdiction est sans
équivoque, tout emploi de fonctionnaires et d’agents publics ne pouvant être occupé par un étranger,
fut-il ressortissant communautaire. Contrairement au législateur communautaire européen qui ne
précise point la notion d’«administration publique» dans le dispositif conventionnel CE et qui a laissé
le soin à la Commission et surtout à la Cour de justice de préciser au fil des années le contenu juridique
de celle-ci, le législateur CEMAC entend par ce terme tous «les emplois dans les secteurs public,
parapublic et stratégique».

Cette consécration communautaire des restrictions à la liberté d’accès aux emplois dans
l’administration publique pose évidemment la problématique de la réception par les ordres juridiques
internes de la notion d’emploi public. Il est certain que dans son application, le dispositif tel qu’édicté
par le législateur communautaire posera des difficultés d’interprétation, ce d’autant plus que la notion
peut probablement ne pas être perçue de manière uniforme par les législations nationales. En effet, si
l’héritage du droit administratif français plaide pour une certaine uniformité, la culture hispanophone
de la Guinée Equatoriale, les constructions administratives nationales de l’après-indépendance
permettent de penser que le droit positif communautaire aura à choisir entre un rôle de « self-making
law », ou à reconnaître aux États membres le droit de donner un contenu national à la notion. Si le
Conseil des Ministres UEAC opte à l’avenir pour une conception uniforme du contenu de la
dérogation, il pourra décider, comme l’a fait la Commission Européenne suite à une question
parlementaire85, de donner une approche restrictive à la notion d’administration publique en décidant
notamment qu’elle vise à «réserver aux nationaux les fonctions dont la nature implique que leur
titulaire participe à l’exercice de l’autorité publique» et d’opter de laisser la liberté aux États

85
GNIMPIEBA TONNANG (E.), «La libre circulation des personnes et des services en Afrique centrale : entre
consécrations théoriques et hésitations politiques », Juridis périodique n°71, juillet-Aout-Septembre, 2007, pp. 87.

28
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

membres, sous le contrôle de la Cour de Justice, pour déterminer la liste des emplois susceptibles
d’être réservés exclusivement à leurs ressortissants.

Par essence floue et complexe, la notion d « administration publique », varie en effet, d’un
pays à un autre tant dans son contenu matériel que dans son domaine d’application spatial. En effet, à
l’aune du droit administratif de la quasi-totalité des pays membres, la notion d’autorité publique est
assez extensive ; elle fait à la fois appel aux titulaires de prérogatives de puissance publique et à tous
ceux qui participent à l’édiction des actes administratifs unilatéraux, voire aux activités
administratives tandis que la conception hispanophone est plus restrictive et reconnaît le statut
d'autorité publique aux seuls détenteurs de pouvoirs administratifs sui generis. Il appartiendra donc
au législateur CEMAC de ne pas hésiter à s’appuyer sur les dynamiques législatives nationales pour
préciser le contenu des dérogations de l’article 27 de la Convention UEAC. Elle pourra par exemple
considérer comme entrant dans le champ d’application des dérogations de l’article 27 les règles
réglementant l’accès aux administrations publiques, aux forces de l’ordre86, la justice, l’administration
fiscale et la diplomatie, bref tous les secteurs dans lesquels les agents occupent des activités ordonnées
autour d’un pouvoir juridique public de l’Etat, d’un de ses démembrements ou encore d’une personne
morale de droit public qui assurent entre autre l’élaboration des actes juridiques, la mise en exécution
de ces actes, le contrôle de leur application et la tutelle des organismes dépendants. Il faudra qu’elle
admette, toujours en se basant sur les réalités législatives et réglementaires des États membres, que
bien que relevant du secteur public, certaines professions soient ouvertes aux étrangers, notamment
aux ressortissants des autres États membres. Ainsi en est-il des services de santé publique, de
l’enseignement dans les établissements publics, des établissements de recherche à des fins civiles pour
lesquels la pénurie a obligé la quasi-totalité des pays membres à démocratiser l'accès et l’exercice
d’emploi pour les étrangers.

Quoiqu’il en soit, les restrictions communautaires relatives à l’accès aux emplois dans
l’administration publique et à l’exercice de l’autorité publique poseront de nombreuses questions et
feront l’objet de controverses entre les pays membres. Tant il est vrai, comme on l’a vu plus haut, que
les ordres juridiques internes se montrent encore aujourd’hui sinon très prudents, du moins assez
sceptiques quant aux objectifs communautaires de suppression des obstacles à la libre circulation des
personnes. Il ne sera pas surprenant que les législations nationales soient tentées de profiter de
l’ouverture indiquée par les limites conventionnelles à la liberté de circulation pour recommencer un

86
Notamment la sécurité intérieure et la défense nationale.

29
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

jeu dangereux de surenchère ayant déjà entraîné l’inefficacité des règles communes engagées sous
l’égide de l’ex-UDEAC.

Toutefois, le principe de la libre circulation des personnes s’incline aussi devant les nécessités
nationales d’ordre public.

B- Les réserves d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique

La Convention UEAC autorise les États membres, dans certaines conditions, à refuser aux
ressortissants des autres États membres le bénéfice des règles communautaires relatives à la libre
circulation des personnes pour des raisons justifiées par «l’ordre public, la sécurité publique et la
santé publique».

Comme nous le savons, la formulation classique de la notion d’ordre public ne va pas sans
poser de délicats problèmes d’interprétation de par son caractère extrêmement vaste, l’imprécision de
son contenu et la diversité des sens que peuvent probablement en donner les États membres. Une
simple lecture du dispositif conventionnel UEAC semble suffir ; cependant, se contenter du triptyque
traditionnel en matière d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique marquerait une
volonté de masquer l’étendue des difficultés que les trois concepts suscitent. En effet, les ordres
juridiques internes des États membres, s’inspirant profondément du droit administratif français, font
de la sécurité publique un élément de l’ordre public accompagné par la tranquillité et la salubrité
publique. Or, l’esprit du texte communautaire semble les placer sur un pied d’égalité, ce qui pousse à
envisager deux hypothèses : soit les trois concepts couvrent des situations différentes, soit elles sont
identiques87. Parce que copiée sur le dispositif européen relatif à la libre circulation des personnes, on
peut recourir à l’approche réaliste choisie par la CJCE dans la recherche des relations entre ces trois
concepts. Elle qualifie d’entrée la formule consacrée par les rédacteurs du traité de Rome de
redondante et, grâce à de nombreuses subtilités de raisonnement, abouti à une solution consacrant une
certaine identité des trois notions. Cette approche simplificatrice a été par la suite unanimement
acceptée.

Même s’il faut avouer que si le droit positif conçoit souvent ces notions voisines comme
synonymes, elles n’ont encore fait l’objet d’aucune définition et la règle constante en la matière veut
que l’on laisse à chaque Etat le soin de donner un contenu juridique à ces dernières, en tenant compte
des réalités sociales et juridiques internes. Cependant, reconnaître aux États membres cette faculté de
définir matériellement ces concepts peut être contreproductif et surtout préjudiciable à la construction
normative communautaire, et aboutir à des concepts à géométrie variable. Face à ces incertitudes, le

87
D’autant plus que l’une ne saurait s’inclure dans l’autre avec la conjonction de coordination “ et” liant lesdits concepts

30
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

droit européen a opté pour une solution médiane basée sur un compromis entre la reconnaissance au
bénéfice des autorités nationales compétentes du droit de la définition du contenu juridique de la
notion d’ordre public et l’exigence de contrôle communautaire des dispositions conventionnelles
communes, en s’efforçant d’ailleurs de poser des limites communautaires aux raisons d’ordre public
que les États membres pourront éventuellement invoquer. Cette approche a connu une consécration
jurisprudentielle à l’occasion d’une espèce dans laquelle le juge européen considère que «les
circonstances spécifiques qui pourraient justifier d’avoir recours à la notion d’ordre public peuvent
varier d’un pays à l’autre et d’une époque à l’autre, et qu’il faut ainsi, à cet égard, reconnaître aux
autorités nationales compétentes une marge d’appréciation dans les limites imposées par le traité»88.
Au même moment, la Cour précise que l’exception d’ordre public ne saurait être invoquée par les
autorités nationales que dans l’hypothèse exceptionnelle de «menace réelle et suffisamment grave,
affectant un intérêt fondamental de la société».

Une telle approche nous semble plus réaliste car elle aboutit à une sorte de compromis entre
la définition étatique du contenu de ces concepts-clés du droit communautaire et l’exigence du
contrôle de celle-ci par les autorités communautaires.

Enfin, on peut observer que la suppression effective des obstacles à la libre circulation des
personnes et au droit d’établissement en Afrique Centrale suppose également la mise en œuvre
d’instruments efficaces de libération, lesquelles passent d’une part par la suppression des restrictions,
et d’autre part par l’harmonisation rapide des règles nationales régissant la circulation transfrontalière
des personnes et des acteurs économiques. Si le législateur UEAC a conventionnellement précisé le
délai de la mise en œuvre des nouvelles dispositions relatives à la libre circulation des personnes en
la fixant à décembre 2003, il n’en demeure pas moins vrai qu’au terme de cette période de
transposition nationale, aucun ordre juridique interne n’a fait l’effort législatif nécessaire destiné à
reconnaître au droit communautaire l’effet direct et la primauté qui le distinguent. Peut-être faudra-t-
il que le droit CEMAC s’inspire de l’approche adoptée par son homologue européen pour rendre
effective la libre circulation des personnes, lui qui après la consécration conventionnelle, a tenu à
imposer aux États membres d’abord un délai fixe et a ensuite adopté deux programmes généraux
fixant le calendrier d’adaptation interne des règles communautaires de la libre circulation.

Cette approche toute réaliste a sans doute permis au juge communautaire, dans l’espèce
Reyners89, de préciser d’une part que le dispositif communautaire imposait aux États membres une

88
GNIMPIEBA TONNANG (E.), article précité, p. 98.
89
Le droit de déplacement implique la reconnaissance au profit des travailleurs des États membres de quitter le
territoire de leur pays d’origine et de traverser les frontières intérieures pour s’installer à titre temporaire ou

31
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

obligation de résultat, et d’autre part, qu’à la fin de la période de transition imposée par l’article 52
alinéa 1 du Traité CE, les dispositions pertinentes réglementant la libre circulation des personnes
pouvaient désormais être directement invoquées par les ressortissants des États membres devant le
juge national, à moins que les raisons avancées pour légitimer la restriction ne soient justifiées par un
intérêt général, «objectivement nécessaire par rapport à la protection de cet intérêt, et non
disproportionnées par rapport à l’objectif visé».

L’autre voie qu’aurait pu également explorer le législateur CEMAC est celle de


l’harmonisation des législations nationales, non plus exclusivement par l’intermédiaire des seules
directives d’application, mais aussi à travers les conventions internationales signées par l’ensemble
des États membres ou encore par le moyen de règlements communautaires opposables erga omnes.
On peut d’ailleurs rappeler que le droit communautaire européen a très tôt adopté ces deux techniques
juridiques pour faciliter la mise en place rapide de certains objectifs communautaires. Cependant, les
réalités sous-régionales invitent à la prudence car ces techniques impliquent d’une part une ratification
selon les procédures constitutionnelles nationales, et d’autre part un minimum d’adhésion des États
membres. Or le déficit démocratique dont souffre encore l’institution communautaire ainsi que le peu
d’empressement dont font preuve les États membres en matière de respect de leurs engagements
internationaux ne permettent qu’un enthousiasme mesuré quant au succès de la voie des conventions
internationales. La voie du règlement ne semble pas non plus davantage fructueuse, dans la mesure
où la généralité et le caractère souvent non contraignant de ses dispositions ne sauraient garantir une
quelconque prospérité à l’ambition communautaire de destruction des barrières à la libre circulation
des personnes.

En définitive, on peut dire que la relance des politiques sous-régionales de suppression des
obstacles à la libre circulation des personnes au sein de la zone économique CEMAC est un double
défi socio-économique et politique. Elle est sociale dans la mesure où la dimension humaine est
traditionnellement perçue comme un corollaire évident de la construction de tout espace économique
intégré. C’est également un défi politique, tant elle apparaît comme le baromètre le plus visible du
volontarisme politique des États désireux de concrétiser leur désir commun, de créer un espace sans
frontière à l’intérieur duquel les frontières, garantes des souverainetés nationales, perdent l’essentiel
de leur superbe au profit de la dimension communautaire. En Afrique centrale plus particulièrement,

définitif, ou tout simplement de circuler sur le territoire des autres États membres, sans l’accomplissement de
conditions autres que celles prévues par le législateur communautaire. Cf., GNIMPIEBA TONNANG (E.), article
précité, pp. 99-101.

32
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

la liberté de circulation des personnes est appelée à transcender les seules considérations économiques
pour bénéficier à tous les ressortissants communautaires, indifféremment de leur statut juridique.

Section II : Les aménagements de la libre circulation des biens ou des


marchandises

Le principe de la libre circulation des biens, depuis longtemps énoncé par le GATT et
l’OMC, a été confirmé par le droit de la CEMAC90. En effet, les États de l’Afrique centrale
affirment leur volonté de mettre en place une union douanière qui suppose la suppression des
obstacles aux échanges intracommunautaires entre les États membres et l’établissement d’un
tarif extérieur commun dans les relations commerciales avec les pays tiers. Très tôt, les États
ont compris que la conduite de ces politiques passait par l’adoption d’une législation douanière
(et même fiscale) commune, aujourd’hui poursuivie dans l’aventure de la CEMAC91.

L’adoption du tarif extérieur commun dans les relations commerciales avec les
États tiers met en exergue la politique commerciale commune 92 et par conséquent ne
porte pas sur les échanges entre les États membres 93. C’est dire que la libre
circulation des marchandises, strictement entendue, ne concerne que les échanges
intracommunautaires94. Cette liberté s’appliquerait aux biens d’origine communautaire, mais

90
Cf., entre autres, les articles 2 (c), 4 (b) et (c), 13 et 14 de la Convention régissant l’UEAC.
91
La législation douanière actuelle se trouve dans le code des douanes CEMAC rassemblant toute la
législation et toute la réglementation régissant les relations douanières et fiscales entre les États membres. Ce code
est progressivement mis à jour en raison des constantes modifications de ses dispositions pertinentes, dans le sens
de leur adaptation à l’environnement économique local et international, ainsi qu’aux politiques économiques et
commerciales communes poursuivies par la Communauté.
92
La CEMAC n’a pas perdu de vue la nécessité de mettre en place une politique commune envers les États tiers.
Ainsi, le Conseil des Ministres adopte, à la majorité qualifiée, sur proposition du Président de la Commission, les
règlements fixant le régime des relations commerciales avec les États tiers (article 18 de la Convention régissant
l’UEAC). L’établissement de la politique commerciale commune envers les États tiers devrait tenir compte de la
nécessité de contribuer au développement harmonieux du commerce régional et mondial, de favoriser le
développement des capacités productives à l’intérieur de l’Union économique, de défendre les productions de
l’Union économique contre les politiques de dumping et/ou de subvention pratiquées dans les pays tiers (article
19 de la Convention régissant l’UEAC). Eu égard à la dimension internationale de la politique commerciale
commune de la Communauté, celle-ci s’inscrit, sans conteste, dans les accords avec les États tiers (article 20 de
la Convention régissant l’UEAC) ou même les organisations internationales (article 21 de la Convention régissant
l’UEAC). S’agissant particulièrement des accords avec les organisations internationales, l’article 21 de la
Convention régissant l’UEAC fait obligation aux États membres de rendre conforme leur position avec les
orientations définies au sein de la Communauté. Enfin, des dérogations peuvent être apportées aux règles sur la
politique commerciale commune. Il s’agit des clauses de sauvegarde, prévues par l’article 22 de la Convention de
l’UEAC, qui constituent une limite à la libre circulation des marchandises et qui seront envisagées dans les
développements consacrés à cette liberté.
93
La politique commerciale commune n’intéresse pas, en principe, les relations internes des États membres de la
Communauté, mais plutôt leurs relations commerciales internationales avec les États tiers. Cf. Dubouis (L.),
Blumann (C.), Droit matériel de l’Union européenne, op.cit, p. 214.
94
Le contenu du principe de la libre circulation des marchandises précisé par le paragraphe (a) de l’article 13
précité est clarifié par l’article 14 de la Convention régissant l’UEAC, duquel il ressort qu’en vue de la réalisation
de l’objectif en question, les États membres s’abstiennent :

33
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

aussi à ceux originaires d’un Etat tiers dès lors qu’ils sont régulièrement introduits et mis en
libre pratique dans l’espace communautaire. Le souci de sécurité se traduit, conformément à
l’article 13 (a)95 de la Convention régissant l’UEAC, par la mise en place des règles juridiques
tendant à assurer l’élimination des obstacles tarifaires (Paragraphe I) ainsi que l’élimination des
obstacles non tarifaires (Paragraphe II) entre les États membres de la CEMAC.

Paragraphe I : La tentative d’élimination des obstacles tarifaires

La libre circulation des marchandises résulte d’une élimination des obstacles tarifaires
dans les échanges commerciaux entre les États. Celle-ci recouvre une double réalité :
l’élimination des droits de douane intérieurs et l’élimination des taxes d’effet équivalent à des
droits de douanes. Malgré les lacunes qui peuvent être relevées, on note que le droit
communautaire en Afrique centrale, depuis la création de la CEMAC, ne perd pas de vue cette
double exigence. Il vise donc aussi bien la suppression des droits de douane (A) que
l’interdiction des taxes d’effet équivalent à des droits des douanes (B).

A- La suppression des droits de douane

Comme le précise l’article 13 (a) de la Convention régissant l’UEAC, la


réalisation du marché commun suppose l’élimination des droits de douane dans les
échanges intracommunautaires. À cet effet, l’article 14 (a) de la Convention régissant
l’UEAC impose aux États membres de s’abstenir, dès l’entrée en vigueur de cette
Convention, « d’introduire entre eux tout nouveau droit de douane à l’importation ou
à l’exportation, (…), et d’augmenter ceux qu’ils appliquent dans leurs relations commerciales
mutuelles ».

Grâce à la réforme fiscalo-douanière entreprise par le PRR, seront désormais soumis au


régime du Tarif Préférentiel tous les biens marchands bénéficiant de l’appellation « produit
CEMAC » défini par le législateur communautaire. Sur la même lancée, la nouvelle législation
commune apporte quelques précisions supplémentaires à la notion de produits originaire
CEMAC, considérés désormais comme «les produits industriels obtenus dans la Communauté

« a) d’introduire entre eux tout nouveau droit de douane à l’importation et à l’exportation, toute taxe d’effet
équivalent, et d’augmenter ceux qu’ils appliquent dans leurs relations commerciales mutuelles ; b) d’introduire
entre eux de nouvelles restrictions quantitatives à l’exportation ou à l’importation ou mesures d’effet équivalent,
non justifiées par une exception prévue à l’article 16, ainsi que de rendre plus restrictifs les contingentements et
normes d’effet équivalent existant ; c) d’introduire toute disposition en faveur d’une entreprise établie sur leur
territoire visant à des dérogations ou des exonérations susceptibles d’affecter la concurrence entre les entreprises
de l’Union Économique». Le paragraphe (c) de cet article renvoie aux règles de la concurrence, notamment celles
sur les pratiques étatiques, ne faisant pas l’objet d’étude. Ne seront donc analysés ici que les aspects relatifs aux
paragraphes (a) et (b).
95
Voir dans le même sens, l’article 77 du Traité modifié de l’UEMOA.

34
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

exclusivement à partir de matières premières d’origine communautaire ou ceux qui sont


obtenus à partir de matières premières importées, mais ont subi une transformation suffisante».
Cette nouvelle définition s’appuie donc sur un double critère : le taux d’incorporation de la
matière première locale, et l’importance de la valeur ajoutée incorporée dans le produit final 96.
Sont également désormais considérés comme originaires, les marchandises obtenues à
partir soit :

«de produits industriels dans la fabrication desquels sont incorporées des matières
premières communautaires représentant en valeur au moins 40% de l’ensemble des matières
premières utilisées, de produits industriels qui ne répondent pas au critère précédent, mais
pour lesquels la valeur ajoutée intérieure est supérieure ou égale à 30% du prix sortie usine ».
La suppression des obstacles tarifaires à la libre circulation des marchandises en Afrique
centrale ne s’était, en fait jamais présentée comme une réalité. C’est logiquement donc que les
fondateurs de la CEMAC ont mis de l’emphase dessus à travers ses objectifs, d’abord dans la
Convention de l’UEAC du 5 juillet 1996 97 et ensuite dans celle de 2009. C’est dire qu’un défi
important attendait la CEMAC dès son entrée en vigueur. Cette organisation reste libre
d’adopter sa propre législation douanière 98, mais elle devra s’appuyer sur les acquis de ses
expériences passées.

En effet, la présence de plusieurs taxes supplémentaires à nos jours émane de ce que la


CEMAC n’a malheureusement pas produit les résultats escomptés, c’est-à-dire rendre effective
la libre circulation des marchandises dans l’espace communautaire 99.

L’échec de la taxe unique ainsi que l’inapplication des dispositions du Traité de


l’UDEAC sur la libre circulation des marchandises 100 ont amené les États membres, au début

96
Ainsi, les simples activités de montage ou de reconditionnement ne sauront par exemple constituer un niveau
de transformation de transformation suffisante pour bénéficier de l’appellation de « produits » CEMAC. Cf.
Introduction à la Réforme Fiscalo-douanière CEMAC, Secrétariat Général de la CEMAC, Bangui, août 1994,
p. 5.
97
Article 13 (a) et 14 (a).
98
L’article 15 de la Convention régissant l’UEAC de 2009 prévoit alors que le Conseil des Ministres, statuant à
la majorité qualifiée, détermine, au vu du programme mentionné à l’article 7 de la même convention et sur
proposition du Président de la Commission, les modalités d’élimination des droits de douane et arrête les
règlements nécessaires à cet effet. Il « tient compte des effets que le démantèlement des protections douanières
peut avoir sur l’économie des États membres, et prend en tant que de besoin les mesures appropriées ».
99
L’application de la taxe unique n’a duré que trois ans (1966-1969) et n’a donc pas atteint la période
transitoire fixée pour 1972. Sur les raisons de l’échec de la taxe unique, voir. GNIMPIEBA TONNANG (E.),
Thèse précitée, pp. 55-59.
100
Il s’agit de l’article 28 qui posait le principe de l’adoption par les États membres, dans leurs relations avec les
partenaires commerciaux tiers, d’un tarif extérieur commun et surtout de l’article 33 (a) qui disposait que «les
marchandises d’importation prises à la consommation dans un Etat membre et transférées dans un autre Etat
membre sont exemptées de tous droits et taxes de sortie dans le pays expéditeur et d’entrée dans le pays
destinataire».

35
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

des années 90 à repenser la politique douanière en Afrique centrale. C’est ainsi que dans le
sillage du PRR, divers actes ont été adoptés par l’UDEAC parmi lesquels, l’Acte n° 7/93-
UDEAC-556-CD-SE1 du 21 juin 1993 portant révision du Tarif Extérieur Commun(TEC) et
fixant les modalités d’application du Tarif Préférentiel Généralisé (TPG). Cet Acte du 21 juin
1993, pris dans la mouvance du renouveau de l’intégration régionale en Afrique centrale, fait
du TPG « l’outil juridique majeur devant désormais faciliter le décloisonnement des barrières
tarifaires en Afrique centrale » 101.

Il en ressort que, seront désormais soumis au régime du TPG, tous les biens marchands
bénéficiant de l’appellation “produit UDEAC/CEMAC”. Pour assurer l’application de ce tarif
préférentiel, le législateur communautaire a circonscrit la notion de produit CEMAC102, fixé les
règles encadrant leur circulation, c'est-à-dire les conditions sous lesquelles les produits CEMAC
peuvent bénéficier du TPG103 et précisé le régime douanier de ces produits CEMAC104. Cet
effort d’encadrement juridique était appréciable bien que n’étant pas totalement satisfaisant105.

Tel qu’institué, le TPG n’avait qu’une existence provisoire et était appelé à disparaitre
à l’horizon 1998 pour céder la place au taux zéro de droit de douane dans les échanges
intracommunautaires. Les difficultés rencontrées dans l’application ont malheureusement
quelque peu retardé cette échéance. Le TPG a alors continué à être appliqué dans tous les États
membres jusqu’à son abolition définitive en décembre 1999, date à laquelle les autorités de la

101
GNIMPIEBA TONNANG (E.), Cours polycopié des libertés communautaires CEMAC, Université de
Dschang, 2021, p. 65.
102
Il s’agit de manière simple des « produits industriels obtenus dans la Communauté exclusivement à partir de
matières premières d’origine communautaire ou ceux qui sont obtenus à partir de matières premières importées,
mais ont subi une transformation suffisante». Pour en savoir plus, voir les dispositions des articles 9 et s. de
l’Acte n° 7/93-UDEAC-556-CD-SE1, précité.
103
Les produits CEMAC peuvent circuler entre les États membres sous le couvert d’un Certificat CEMAC, dans
les conditions déterminées par l’article 12 de l’Acte n° 7/93-UDEAC-556-CD-SE1précité. Le bénéfice du TPG
est soumis à la présentation de ce Certificat qui doit être établi en six exemplaires et qui comporte les énonciations
relatives à l’adresse de l’expéditeur, au pays de production de la marchandise, au nom de l’entreprise productrice,
à l’adresse du destinataire, au mode de transport et à la marchandise, aux informations relatives à la marchandise
etc. Le certificat de circulation CEMAC est délivré par les bureaux des douanes nationaux, en ce qui concerne les
produits du cru, et par les bureaux d’implantation de la fabrique, en ce qui concerne les produits manufacturés ;
Cf. Circulaire n° 471/SG/DUD précité.
104
Il s’agit successivement du régime des produits du cru et du régime des produits fabriqués en zone CEMAC.
Pour en savoir plus, voir. NGUENA DJOUFACK (A.L.), Thèse, Sécurité juridique et droit et droit
communautaire de la CEMAC : recherches sur la sécurité juridique dans la construction du marché commun de
la CEMAC, Université de Dschang, avril 2015, pp. 138 et 139.
105
Cf. MOUBITANG (E.), Le régime juridique du marché commun de la CEMAC : étude d’une dynamique
d’intégration entre mondialisation et régionalisation, Thèse de Doctorat en droit international public, Université
de Yaoundé II, septembre 2010, pp. 44 et 45.

36
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

sous-région ont décidé de consacrer un système douanier commun basé exclusivement sur le
tarif extérieur commun106.

Il convient de noter que c’est finalement depuis décembre 2002 que la mise en place
effective du PRR et des réformes douanières a abouti à la disparition officielle des droits de
douane dans les échanges commerciaux entre les États membres de la CEMAC. Ceci étant, la
principale difficulté se situe alors de nos jours au niveau de l’élimination des taxes d’effet
équivalent à des droits de douane qui restent une arme redoutable entre les mains des
administrations nationales pour paralyser l’action de la Communauté107. La mise en œuvre de
cette deuxième interdiction nécessite actuellement pour plus de sécurité juridique des
clarifications de la part du droit communautaire. Afin de marquer la préférence communautaire
d’uniformiser la taxation douanière commune, le taux du T.P.G a été indexé à celui du Droit de
Douanes du Tarif Extérieur Commun, à l’exclusion de la surtaxe temporaire. Variant de 5% à
30% du T.E.C selon la catégorie de marchandises 108, il devait selon le calendrier fixé par le
PRR disparaître au plus tard au début de l’année 1998, d’autant plus qu’il faut se souvenir que
le Tarif Préférentiel Généralisé fut dans ses fondements conçu comme un prélèvement
communautaire transitoire, devant disparaître assez rapidement pour ne pas rendre difficile
l’ambition de création du marché commun projeté par les États membres. L’avènement du Tarif
Préférentiel Généralisé traduit donc la volonté des États membres de promouvoir les échanges
intra-communautaires, face à la préférence sur les prix des produits industriels de la sous-région
par rapport à ceux des pays tiers. A priori, l’abolition des frontières douanières
intracommunautaires depuis l’an 2000 devrait être a priori perçue comme un des événements
les plus symboliques de la lente histoire de l’aventure communautaire en Afrique Centrale.

106
Cf. GNIMPIEBA TONNANG (E.), Thèse précitée, p. 72.
107
Parce que condamnés à trouver des solutions aux déséquilibres chroniques de leurs balances commerciales, les
pays de la sous-région se sont laissés tentés depuis la fin de la décennie soixante-dix par des solutions égoïstes
fondées sur la multiplication des barrières de nature non tarifaire (d’ordre technique ou administratif) contre les
produits originaires des autres États membres, notamment les taxes d’effet équivalent, lesquelles ont participé de
façon radicale à l’échec des politiques douanières communes en Afrique centrale. Il est donc normal que la
nouvelle organisation sous-régionale ait fait de la destruction de celles-ci une de ses priorités.
108
Il est de 20 % selon la catégorie de produits visés et se répartit ainsi qu’il suit :
- Produits de la Catégorie I 20 % de 5 % = 1%
- Produits de la Catégorie II 20 % de 10 % = 2%
- Produits de la Catégorie III 20 % de 20 % = 4%
- Produits de la Catégorie IV 20 % de 30 % = 6 %. Voir. GNIMPIEBA TONNANG (E.), Thèse
précitée, p.70.

37
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

B- L’interdiction des taxes d’effet équivalent à des droits des douanes

Tout comme pour les droits de douane, l’élimination des taxes d’effet équivalent dans
les échanges intracommunautaires 109n’est pas née avec la CEMAC. Elle était déjà prévue par
le Traité de l’UDEAC dont l’article 28 interdisait, entre les États membres, « tous droits et taxes
à l’importation et à l’exportation ». Seulement, là encore, dans les faits, cette interdiction ne
relevait que de l’illusion, la législation douanière commune n’ayant d’ailleurs pas clairement
définie les règles y relatives 110. Ce qui laissait prévaloir une certaine insécurité juridique.

C’est donc à juste titre que la CEMAC reprend cet objectif à l’article 13 (a) précité de
la Convention régissant l’UEAC. Celui-ci impose « l’élimination (…) des taxes d’effet
équivalent (…) susceptibles d’affecter les transactions les États membres ». Dans cette logique,
l’article 14 (a) de cette même Convention interdit aux États membres, dès son entrée en vigueur,
« d’introduire entre eux (…) toute taxe d’effet équivalent (...) ».

Cependant, comme dans le cadre de l’UDEAC, on note encore quelques lacunes


juridiques autour de ce principe car, le droit de la CEMAC ne permet pas au stade actuel
d’appréhender clairement son régime juridique. La Convention de l’UEAC se limite, en effet,
à énoncer le principe sans déterminer les modalités de sa mise en œuvre. Celles-ci seront
déterminées par le droit dérivé, complété bien évidemment par la jurisprudence communautaire.
À la vérité, la nécessité de mettre en place un cadre juridique pour l’application du principe de
l’interdiction des taxes d’effet équivalent se présente avec acuité. S’inspirant de l’expérience
du droit des Communautés européennes, l’on remarque que ce principe est susceptible de poser
des problèmes relatifs, entre autres, à la définition de la notion même de taxes d’effet équivalent,
à l’étendue ou au contenu de l’interdiction ainsi qu’au sort des taxes indument perçues qui
devraient logiquement être remboursées 111.

La Convention de l’UEAC, ainsi que la législation douanière commune, n’ayant donné


aucune définition, on se demande à quoi renvoie la notion de taxe d’effet équivalent dans
l’espace CEMAC. Une définition s’impose pourtant, notamment, pour permettre aux opérateurs
économiques et surtout aux États membres (administrations douanières nationales) de savoir

109
Le fondement du principe d’interdiction des taxes d’effet équivalent est à rechercher dans la volonté des
États membres de prohiber non seulement les mesures ostensibles revêtues de la forme douanière classique mais
aussi celles qui, présentées sous d’autres appellations ou introduites par d’autres biais, ont la même incidence
négative sur la libre circulation des produits d’origine communautaire, voir. NGUENA DJOUFACK (A.L.),
Thèse précitée, p.140.
110
Cf. NGUENA DJOUFACK (A.L.), Thèse précitée, p.140.
111
Pour plus de connaissance sur ces éléments en Europe. Cf. DUBOUIS (L.), et BLUMANN (C.), Droit matériel
de l’Union européenne, op.cit., pp. 230-241.

38
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

avec exactitude ce que renferme cette notion. Il ne fait aucun doute que l’absence d’une
définition de la notion de taxes d’effet équivalent laisse une certaine marge de manœuvre aux
États membres qui l’interpréteront, chacun, en fonction des intérêts en présence et donc de
manière subjective. Ce qui n’est pas de nature à assurer la protection des opérateurs
économiques qui sont ainsi laissés à la merci des autorités nationales.
À cet effet, le droit communautaire de l’Afrique centrale pourra s’inspirer de la position de la
CJCE qui, après quelques tâtonnements, s’est ralliée à une définition particulièrement riche,
constamment reprise par la suite, de laquelle il ressort qu’ « une charge pécuniaire – fût-elle
minime – unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique et
frappant les marchandises nationales ou étrangères en raison du fait qu’elles franchissent les
frontières, lorsqu’elle n’est pas un droit de douane proprement dit, constitue une taxe d’effet
équivalent, alors même qu’elle ne serait pas perçue au profit de l’Etat, qu’elle n’exercerait
aucun effet discriminatoire ou protecteur et que le produit imposé ne se trouverait pas en
concurrence avec le produit nationale »112.

Cette définition pose un ensemble de conditions qui doivent être observées pour que
l’on puisse parler de taxe d’effet équivalent. Quelques-unes sont particulièrement importantes.
D’abord, il doit s’agir d’une charge pécuniaire ; ensuite, cette charge doit être unilatéralement
imposée ; enfin, elle doit frapper les marchandises à l’occasion du franchissement des frontières
intérieures 113.

Aussi, il faut remarquer que le droit communautaire ne détermine pas l’étendue de


l’interdiction des taxes d’effet équivalent. Il ne fait un inventaire, ni des taxes prohibées, ni des
taxes exonérées de l’interdiction. Pourtant, une telle approche serait incontestablement
bénéfique au caractère précis du droit communautaire et donc, à la sécurité juridique. En effet,
toutes les charges pécuniaires ne tomberaient pas sur le coup des taxes d’effet équivalent. En
ce sens, il est par exemple admis qu’on ne parle pas de taxe d’effet équivalent lorsqu’on est en
présence d’une charge constituant la rémunération(ou la contrepartie) d’un service rendu aux
opérateurs économiques.

C’est la position du juge communautaire européen 114, mais aussi de la règlementation


douanière de la CEMAC qui dispose que «l’application du tarif des douanes exclut la

112
Cf. CJCE, 1er juillet 1969, Commission c / Italie, aff. 24/68, Rec., 193, 7 juillet 1994, Lamaire NV, aff. 130/93,
Rec., I-3215
113
Cf. C.J.C.E, 02 juillet 1969, Aff. 24/68, Commission c/. Italie, Rec., p. 201 et aff. 2 et 3/69, Op.cit.
114
Cf., entre autres, CJCE, 16 mars 1983, Sté italienne pour l’oléoduc transalpin, aff. 266/81, Rec., 731.

39
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

perception de tout autre droit et taxe de caractère national frappant les échanges à
l’importation ou au transit, à l’exception, toutefois, des droits et taxes perçus au titre des
services rendus par les administrations publiques ou parapubliques»115. Cette exception reste
malheureusement assez floue dans le droit communautaire de la CEMAC, notamment, en ce
qui concerne son domaine d’application116. Celui-ci devrait être précisé117 pour éviter les abus
de la part des États membres.

De même, une charge ne saurait être considérée comme une taxe d’effet équivalent si
elle résulte d’une imposition intérieure. Conformément à la règlementation de la CEMAC,
lorsqu’une législation nationale soumet un produit national à un impôt, l’importation d’un autre
Etat membre d’un produit similaire peut être valablement frappée d’une imposition
intérieure118, destinée à placer les deux produits dans une situation fiscale comparable 119.

La récupération des taxes d’effet équivalent indument perçues, encore appelée répétition
de l’indu, apparait comme le dernier élément du régime de l’interdiction des taxes d’effet
équivalent. En effet, le principe de l’interdiction des taxes d’effet équivalent étant affirmé,
logiquement, le droit communautaire devrait organiser les modalités de la restitution des taxes
indument perçues 120. Le droit de la CEMAC n’ayant pas clairement précisé les modalités
juridiques de la répétition de l’indu, la doctrine a une fois de plus été obligée de se tourner vers
le droit communautaire européen.

On peut constater, dans le cadre des aménagements de la libre circulation des


marchandises, un important chantier juridique attend la CEMAC dans la définition des

115
Cf. Article 2 alinéa 3 (a) de l’Annexe à l’Acte n°7/93-UDEAC-556-SE1 du 21 juin 1993 portant révision du
tarif extérieur commun (T.E.C) et fixant les modalités d’application du tarif préférentiel généralisé (T.P.G)
UDEAC.
116
GNIMPIEBA TONNANG (E.), « Le nouveau régime des exportations entre les États de l’Afrique centrale :
entre influences européennes et réformes laborieuses», JP, n° 67, juillet-août-septembre 2006, p.77.
117
Ainsi, la CJCE interprète cette exception de façon très restrictive. Cf., DUBOUIS (L.), BLUMANN (C.), Droit
matériel de l’Union européenne, op.cit., pp. 238-239, voir également, GNIMPIEBA TONNANG (E), Thèse
précitée, pp. 79-80 et NGUENA DJOUFACK (A.L.), Thèse précitée, p.142.
118
Article 1 de la Directive n° 1/99/CEMAC-028-CM-03 du 17 décembre 1999 portant harmonisation des
législations des États membres en matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA).
119
L’autorisation de prélèvements intérieurs sur les produits d’origine communautaire importés des autres États
membres se justifie par le caractère encore très embryonnaire et très incomplet des politiques sous-régionales
d’harmonisation des législations fiscales internes. En effet, tant que les taux de la TVA et du Droit d’Accises ne
seront pas les mêmes, la neutralité et l’efficacité prônées par la législation commune ne seront garanties que par
ce genre de système temporaire, Cf. GNIMPIEBA TONNANG (E.), Thèse précitée, p. 80.
120
Dans le contexte européen, une fois de plus, c’est encore la jurisprudence qui, face à l’absence de
règlementation sur la question, s’est efforcé à déterminer les modalités de la restitution des taxes indument
perçues ; cf., DUBOUIS (L.), BLUMANN (C.), Droit matériel de l’Union européenne, op.cit., pp. 239-240.
527 Dans le contexte européen, une fois de plus, c’est encore la jurisprudence qui, face à l’absence de
règlementation sur la question, s’est efforcé à déterminer les modalités de la restitution des taxes indument
perçues, cf. DUBOUIS (L.), BLUMANN (C.), Droit matériel de l’Union européenne, op.cit., pp. 239-240.

40
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

règlementations adéquates en vue de la suppression des obstacles tarifaires à cette libre


circulation. C’est également le cas pour l’élimination des obstacles non tarifaires.

Paragraphe II : L’élimination des obstacles non tarifaires

Pendant la période de l’UDEAC, l’inexistence de la politique sur la suppression des


obstacles non tarifaires aux échanges intercommunautaires avait occasionné la prolifération,
par les États, de diverses barrières de nature administrative, technique voire phytosanitaire121.
C’est dans le but de supprimer ces diverses barrières non tarifaires que le nouveau législateur
communautaire CEMAC a solennellement prescrit le principe «d’interdiction des (…)
restrictions quantitatives à l’entrée et à la sortie des marchandises, (…) de toute autre mesure
d’effet équivalent susceptible d’affecter les transactions entre les États membres». Il convient
donc d’analyser les modalités de mise en œuvre de ces dérogations qui ont été pour l’essentiel
précisées (A) avant de voir si le législateur a également prévu, pour ce principe, quelques
exceptions (B).

A- Le principe de l’interdiction des restrictions quantitatives et des mesures


d’effet équivalent (MEERQ)

Les restrictions quantitatives et mesures d’effet équivalent sont d’ailleurs très vite
apparues, au fil des années, comme le principal obstacle à l’émergence d’un véritable marché
d’échelle entre les pays d’Afrique Centrale. Ce d’autant plus que, comme le remarque le
Professeur DRUESNE Gérard, c’est souvent par le biais de restrictions diverses que la tentation
protectionniste des États, en période de récession et de chômage, se manifeste, et de façon
d’autant plus subtile et insidieuse que les mesures prises sont souvent indistinctement
applicables aux produits nationaux et aux produits importés, et n’ont plus dès lors aucun
caractère discriminatoire ou protecteur, parce que poursuivant des buts aussi louables que la
protection des consommateurs ou l’amélioration de la qualité des produits.

L’interdiction des mesures d’effet équivalent et des restrictions quantitatives tire son
principe de l’article 13 (a) de la Convention régissant l’UEAC et a donc pour objectif
d’empêcher que les États membres n’entravent indûment le processus d’intégration
économique communautaire. Si ce n’est que très récemment que le législateur communautaire
CEMAC a consacré le principe de l’interdiction des MEERQ 122. Tirant les conséquences de ces
dispositions, l’article 14 (b) de la même Convention impose aux États, dès son entrée en

121
Ibid, Thèse précitée, p.144.
122
Cf. Article 30 (Article 28 nouveau) du Traité CE.

41
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

vigueur, de s’abstenir « d’introduire entre eux de nouvelles restrictions quantitatives à


l’exportation ou à l’importation ou mesures d’effet équivalent, non justifiées par une exception
prévue à l’article 16, ainsi que de rendre plus restrictifs les contingentements et normes d’effet
équivalent existant». Mais, ici aussi, la Convention s’est limitée à poser le principe sans définir
un cadre juridique pour sa mise en œuvre. Ainsi, est-il impossible au stade actuel du droit de la
CEMAC de déterminer clairement le contenu des restrictions quantitatives et mesures d’effet
équivalent à des restrictions quantitatives. Pourtant, là encore, l’expérience des Communautés
européennes permet de constater que la mise en œuvre de cette interdiction poserait des
problèmes relatifs d’une part, à la définition et d’autre part, à la nomenclature, c'est-à-dire à la
détermination de la typologie des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives.

Le droit communautaire de la CEMAC ne donne aucune définition des notions de


restrictions quantitatives et de mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives.
Comme dans le cadre des obstacles tarifaires, une telle lacune juridique est de nature à laisser
une marge de manœuvre aux États membres et par conséquent d’exposer les opérateurs
économiques à une certaine insécurité juridique. D’où l’urgence d’une définition de ces deux
notions.

Les restrictions quantitatives sont plus aisées à cerner. Il s’agit, d’après la doctrine, aux
termes de l’article 30 du Traité de Rome, des mesures édictées par les autorités publiques (Etat,
collectivités locales ou organismes publics) ou par les personnes privées sur lesquelles elles
exercent une influence dominante et qui ont pour effet de restreindre la circulation des
marchandises, qu’il s’agisse de produits originaires d’un Etat membre ou de produits en libre
pratique123.

Par contre, la notion de mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives est
plus complexe. Comme la Convention régissant l’UEAC, le Traité instituant la Communauté
Européenne (Traité CE) n’avait donné aucune définition de cette notion. Face à ce silence, la
Commission européenne avait face à la diversité des mesures d’effet équivalent, proposé une
définition qui, malheureusement, n’avait pas permis d’atteindre le résultat recherché. C’est
finalement la CJCE qui, dans l’arrêt Dassonville124, a trouvé une définition reconnue et
acceptée. Il en ressort que, constitue une mesure d’effet équivalent, « toute règlementation

123
Ibid, p.145.
124
CJCE, 11 juillet 1974, aff. 8/74, Rec., p. 837.

42
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

commerciale des États membres susceptible d’entraver directement ou indirectement,


actuellement ou potentiellement le commerce intracommunautaires »125.

Cette définition constituerait une base pour dresser une typologie des mesures d’effet
équivalent à des restrictions quantitatives. En effet, le recensement des mesures d’effet
équivalent et l’établissement d’une nomenclature peut faciliter la mise en œuvre du principe de
l’interdiction des mesures d’effet équivalent. Là également, la CEMAC pourra s’appuyer sur
l’expérience européenne en la matière126 pour la construction de son cadre juridique. Par contre,
le droit communautaire de la CEMAC a davantage encadré les dérogations au principe de la
suppression des restrictions quantitatives et des mesures d’effet équivalent, même s’il reste vrai
que cet encadrement peut être amélioré.

B- Les dérogations aux principes de l’interdiction des restrictions


quantitatives et des mesures d’effet équivalent

Dans le souci de régulation de la libre circulation des marchandises dans la zone


CEMAC, la Convention régissant l’UEAC a aménagé, à côté du principe de l’interdiction des
restrictions quantitatives et mesures d’effet équivalent, des dérogations au principe 127. Celles-
ci sont essentiellement conventionnelles alors qu’en droit communautaire européen, on note
des dérogations jurisprudentielles, instituées par le juge communautaire128.

Les États membres de la CEMAC peuvent alors déroger à l’interdiction, en adoptant des
mesures restrictives et pourtant licites au regard du droit communautaire. Ces dérogations,
fondamentalement économiques au regard de l’article 22 de la Convention régissant l’UEAC
(1), peuvent aussi revêtir une dimension non économique conformément à l’article 16 de la
même Convention (2).

125
Cette définition pose un ensemble d’exigences dont certaines sont formelles alors que d’autres sont
substantielles. Les premières sont au nombre de deux : la nécessité d’une règlementation et l’origine, en principe,
étatique de cette règlementation. Les secondes s’avèrent essentielles et sont relatives à l’objet « commercial » de
la règlementation et à l’entrave aux échanges entre États membres ; peu importe que cette entrave soit, directe ou
indirecte, actuel ou potentiel. Ces éléments de définition des mesures d’effet équivalent ont, pour certains, été
davantage précisées et pour d’autres subi quelques contrecoups au fil des arrêts de la CJCE.
126
Cf., DUBOUIS. (L.), BLUMANN (C.), Droit matériel de l’Union européenne, op.cit., pp. 257-263.
127
Voir, dans le même sens, l’article 30 du Traité CE et l’article 79 du Traité modifié de l’UEMOA.
128
Ces dérogations jurisprudentielles européennes renvoient à la théorie des exigences impératives d’intérêt
général. Celle-ci est utilisée pour admettre certains obstacles aux échanges, quand l’Etat cherche à défendre un
intérêt national qui serait autrement insuffisamment protégé. Les exigences impératives d’intérêt général
constituent de ce fait des limites au principe de l’interdiction des mesures restrictives. Un ensemble de
conditions doivent être réunies pour qu’elles soient mises en œuvre. Aussi, la jurisprudence européenne
s’efforce d’établir une liste des exigences susceptibles d’être qualifiées comme telles. Pour en savoir plus, lire
DUBOUIS. (L.), BLUMANN. (C.), Droit matériel de l’Union européenne, op.cit., pp. 269 et s.

43
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

1- Les dérogations économiques de l’article 22 de la Convention régissant


l’UEAC

Les dérogations économiques au principe de l’interdiction des restrictions quantitatives


et des mesures d’effet équivalent, encore appelées mesures de sauvegarde, ont pour fondement
le principe selon lequel « les difficultés économiques imprévues auxquelles peuvent être
confrontés les États membres pris individuellement ne sont pas toujours susceptibles de trouver
des solutions dans le cadre communautaire » 129.

Ainsi, conformément à l’article 22 alinéa 1 de la Convention régissant l’UEAC


de 2009, un Etat peut être autorisé « à prendre pour une durée limitée et par dérogation aux
règles générales de l’Union économique et de la politique commerciale commune, des mesures
de protection destinées à faire face aux difficultés graves dans un ou plusieurs secteurs
économiques ». L’alinéa 2 du même article précise, qu’« en cas de crise économique soudaine
affectant notamment la balance de paiement, l’Etat membre peut prendre à titre conservatoire
les mesures de sauvegarde indispensables ».

Le droit communautaire encadre strictement la mise en œuvre de ces mesures de


sauvegarde. Ainsi, les mesures de sauvegarde ne peuvent être accordées, à la demande de l’Etat
membre, que par le Conseil des Ministres, statuant à la majorité qualifiée, sur proposition de la
Commission. Elles ne peuvent être prises que pour une durée limitée qui ne peut excéder six
mois, éventuellement renouvelable. Elles ne doivent provoquer qu’un minimum de perturbation
sur le fonctionnement du marché commun. Elles doivent être entérinées, tant dans la durée que
dans leur contenu, par le Conseil des Ministres statuant à la majorité qualifiée. Celui-ci peut
également, statuant dans les mêmes conditions, décider que l’Etat concerné doit modifier,
suspendre ou supprimer lesdites mesures de sauvegarde et/ou de protection 130. Ces abus doivent
également être évités dans la mise en œuvre des dérogations non économiques.

2- Les dérogations non économiques de l’article 16 de la Convention


régissant l’UEAC

Les dérogations non économiques au principe de l’interdiction des restrictions


quantitatives et mesures d’effet équivalent sont prévues par l’article 16 alinéa 1 de la
Convention régissant l’UEAC. Il en ressort que «sous réserve des mesures de rapprochement
des législations mises en œuvre par l’Union Économique, les États membres peuvent interdire

129
GNIMPIEBA TONNANG (E.), Thèse précitée, p. 106.
130
Article 22 de la Convention régissant l’UEAC.

44
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

ou restreindre l’importation, l’exportation, ou le transit des biens, lorsque ces interdictions ou


restrictions sont justifiées par des raisons de moralité publique, d’ordre public, de sécurité
publique, de protection de la santé ou de vie des personnes et des animaux, de préservation des
végétaux, de protection des patrimoines culturels, historiques, archéologiques, de protection
de la propriété intellectuelle » 131. Ces dérogations ne sont pas sans importance car elles
protègent les États membres, les personnes ainsi que les biens contre les affres d’une liberté
totale de circulation des biens dans l’espace communautaire.

Les dispositions de l’article 16 précité mentionnent les hypothèses dans lesquelles les
dérogations non économiques sont admises. Ce qui peut être perçu comme la preuve d’un souci
de clarté et de précision dans la mise en œuvre de ces dérogations. Toutefois, on se serait attendu
à ce que le droit communautaire détermine le contenu de chacune de ces hypothèses. Tel n’est
pas le cas et leur appréciation est alors, de manière générale, laissée aux États membres, sous
réserve des mesures d’harmonisation des législations nationales.

Cependant, pour éviter que cela ne devienne un tremplin laissé aux États pour violer le
principe de la libre circulation des marchandises, la Convention régissant l’UEAC, dans son
article 16 alinéa 2, énonce que les mesures restrictives prises par les États « ne doivent constituer
ni un moyen de discrimination arbitraire 132 ni une restriction déguisée au commerce entre les
États membres133 ». C’est dire que les organes communautaires, et notamment la Cour de
justice, devront être vigilants pour, au besoin, davantage encadrer la mise en œuvre de ces
dérogations et par conséquent contrer les abus des États membres 134.

L’encadrement par le droit communautaire des dérogations aux restrictions quantitatives


et mesures d’effet équivalent est une démarche louable qui mérite d’être poursuivie. Beaucoup
plus que dans le contexte des Communautés européennes, ces dérogations doivent être
rigoureusement contrôlées en Afrique centrale, notamment, lorsqu’on connait l’attitude
réfractaire des États à mettre en œuvre les politiques communautaires. Au rang de ces politiques

131
Pour une analyse détaillée de l’essentiel de ces dérogations, voir GNIMPIEBA TONNANG (E.), Thèse
précitée, pp.108-115, MOUBITANG (E.), Thèse précitée, pp. 55-60, NGUENA DJOUFACK (A.L.), Thèse
précitée, p.147.
132
Il est question ici d’éviter que, par le biais de l’article 16 alinéa 1, les produits originaires d’un Etat membre
se trouvent moins favorablement traités que les produits nationaux.
133
Cette seconde condition vise à éviter que les États profitent de la possibilité qui leur est offerte par l’article 16
alinéa1, pour prendre des mesures restrictives qui en réalité ne visent qu’à empêcher les échanges
intracommunautaires.
134
En ce sens, il convient de noter que l’œuvre de la CJCE dans l’encadrement de ces dérogations est assez
remarquable. Cf. DUBOUIS (L.) ET BLUMANN (C.), Droit matériel de l’Union européenne, op.cit., pp. 263-
279.

45
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

figure en bonne place, à côté de la libre circulation des marchandises, la libre circulation des
services et des capitaux.

46
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

CONCLUSION DU CHAPITRE I

De ce qui précède, on peut dire que la relance des politiques sous-régionales de suppression
des obstacles à la libre circulation des biens et personnes au sein de la zone économique CEMAC est
un double défi socio-économique et politique. Elle est sociale dans la mesure où la dimension humaine
est traditionnellement perçue comme un corollaire évident de la construction de tout espace
économique intégré. C’est également un défi politique dans la mesure où elle apparaît comme le
baromètre le plus visible du volontarisme politique des États désireux de concrétiser leur désir
commun de créer un espace sans frontière à l’intérieur duquel les frontières, garantes des
souverainetés nationales, perdent l’essentiel de cette dernière au profit de la dimension
communautaire. Des lors, pour atteindre ces objectifs, il faudrait que la libre circulation des biens
et des personnes en Afrique centrale puisse sortir des sentiers battus. Et à condition que les États
membres dépassent les simples consécrations théoriques pour réaffirmer, à partir d’un
volontarisme politique clair et à travers des actes concrets, le désir des peuples de la sous-région
de vivre leur pleine fraternité. Malheureusement, en attendant la mise en œuvre effective des
nouvelles règles régissant la liberté de circulation des biens et personnes dans l’espace CEMAC,
le droit communautaire de la libre circulation dans l’espace économique CEMAC continue de
naviguer entre incertitudes politico-juridictionnelles et réalités pratiques de brassages
incontrôlés des populations, parfois sources de tensions et de conflits graves.

47
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

CHAPITRE II : LE RAFFERMISSEMENT DE LA LIBRE


CIRCULATION DES SERVICES ET DES CAPITAUX

En s’appuyant sur les dispositions du traité UE 135, on peut dire que la liberté de
prestation de services est assurée aux ressortissants des États membres établis dans un pays de
la communauté autre que celui du destinataire de la prestation et s’applique à tous ceux qui ne
sont pas établis sur un territoire. La Convention régissant l’UEAC s’est limitée à affirmer de
façon lapidaire que la libre prestation des services, consacrée au bénéfice des personnes
physiques et morales visées par la liberté d’établissement 136, « est appliquée par priorité aux
services qui interviennent de façon directe dans les coûts de production ou dont la libération
contribue à faciliter les échanges de marchandises » 137.

Pour permettre à la Communauté d’encadrer l’action des États membres, le législateur


Communautaire a jugé utile d’aménager la libre circulation des services (A), Cet effort
d’encadrement est aussi appréciable dans le cadre de la libre circulation des capitaux (B) au
sein de la CEMAC.

Section I : La liberté d’établissement et des prestations des services consacrée

À propos de la libre circulation des services, l’article 13 (d) de la Convention régissant


l’UEAC évoque, outre la liberté d’établissement et de prestation de service. Seulement, le droit
d’établissement implique le droit pour les ressortissants communautaires de s’installer dans le
territoire d’un Etat membre autre que celui d’origine, et d’y exercer des activités non salariées ainsi
que l’acquisition, la constitution et la gestion d’entreprises, dans les conditions définies par la
législation du pays d’établissement138. En l’état actuel de la législation commune, la règlementation
de la liberté d’établissement (Paragraphe I) et des prestations des services (Paragraphe II) restent au
centre des préoccupations afin que celles-ci soient efficaces au sein de la CEMAC.

135
Article 59 (49 nouveau) et 60 alinéa 1er (50 nouveau – alinéa 2) du Traité UE.
136
Article 27 c de la Convention régissant l’UEAC.
137
Article 27 c de la Convention régissant l’UEAC.
138
Article 27 al. b (para. 1) de la Convention régissant l’UEAC.

48
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

Paragraphe I : La liberté d’établissement

Pour le droit communautaire de la CEMAC, le droit d’établissement 139 comporte


«l’accès pour les investisseurs de la sous-région, aux activités non salariées et à leur
exercice ainsi que l’acquisition, la constitution et le gestion d’entreprises, dans les
conditions définies par la législation du pays d’établissement »140. De ces dispositions, peuvent
se dégager un certain nombre d’observations. Au titre des mesures de facilitation du libre
établissement des opérateurs économiques dans la sous-région à mettre à l’actif de la CEMAC,
on notera le combat mené contre toutes les formes de discrimination dans l’entrée et l’exercice
des activités économiques. Cette interdiction est positivement exprimée par l’adoption du
principe du traitement national (A) portée par une règle d’effet direct. Mieux, en réglementant
elle-même les diverses agréments professionnels (B) nécessaires a` l’exercice de certaines
professions, la CEMAC a réduit les distorsions ayant survécu malgré l’application de la règle
du traitement national.

A- Le principe du traitement national

Ce principe est directement affirmé par la Charte des Investissements de la CEMAC,


et consolidé par des règles de non discriminations contenu tant dans les textes fondamentaux
que dérivés de la CEMAC141. En général, le principe du traitement national crée entre les
investisseurs de la sous-région un droit d’égalité de traitement dont ils peuvent demander le
respect tant devant les autorités nationales que communautaires. Comme l’ensemble des droits
mis à l’actif des sujets de droit communautaire, ce droit au traitement national a vocation à être
reconnu et protégé par l’ensemble des juridictions présentes dans l’espace communautaire.

Le Règlement n°17/99/CEMAC-20-CM-03 du 17 décembre 1999 portant Charte des


investissements de la CEMAC affirme nettement le principe du traitement national en matière
d’investissement dans la CEMAC, ce en son article 9 : « Sauf motifs d’ordre public, de sécurité
ou de santé publique, les États accordent à l’investissement étranger le même traitement qu’à
l’investissement national (…) »142. Ce texte, rédigé comme une Charte effectivement, n’en
constitue pas moins un texte coercitif, car porte´ par une norme communautaire dotée d’effet

139
Ce droit est également consacré par l’Union européenne (article 52 du Traité CE) et l’UEMOA (article 92 du
Traité modifié).
140
Article 27 b paragraphe 1 de la Convention régissant l’UEAC.
141
Mais il faut absolument rappeler que ce principe est un acquis de l’UDEAC : Voir en ce sens l’Acte n°18/65-
UDEAC-CD du 14 décembre 1965 portant Convention commune sur les investissements et le droit d’établissement
en UDEAC, art. 4.
142
Règlement n17/99/CEMAC-20-CM-03 Charte des Investissements.

49
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

direct. Ce règlement s’impose donc directement aux États membres sans exiger une mesure de
transposition. Mais, rien n’interdit aux États de professer à leur tour l’application du principe
du traitement national, avec les précisions adéquates. Ainsi, la loi camerounaise sur l’activité
commerciale du 21 décembre 2015 a transcrit cette règle du traitement national dans la liberté
d’établissement des commerçants de la sous-région, par une rédaction particulièrement
novatrice. En principe, l’article 5(2) prévoit que l’exercice d’une activité commerciale est libre
sur toute l’étendue du territoire, ajoutant que « toutefois (…) un étranger désirant exercer une
activité commerciale au Cameroun doit obtenir au préalable un agrément délivre´ par l’autorité´
compétente ». Mais, l’article 6 précise que :

Nonobstant les dispositions de l’article 5 alinéa 2 ci-dessus, l’activité commerciale est


exercée sans agrément préalable par (…) toute personne physique ayant la nationalité d’un pays
avec lequel le Cameroun a conclu une convention assimilant les nationaux de chaque pays aux
nationaux de l’autre, en ce qui concerne l’exercice de l’activité commerciale143.

Le droit au traitement national est autrement exprimé par d’autres principes, tous ayant
comme idée principale l’interdiction des discriminations à l’accès aux activités économiques et
pendant leur exercice. Au regard de sa portée, on note que ces dispositions concernent a` la fois
l’accès et l’exercice des activités non salariées.144

L’esprit de l’article 27(b) de la Convention de l’UEAC ne permet pas d’y intégrer la


moindre hypothèse de discrimination liée à la nationalité, en ce qui concerne l’accès aux
activités non-salariés et la création des entreprises. Cependant, in fine, ce texte ajoute que la
liberté d’établissement doit s’exercer « dans les conditions définies par la législation nationale
». Cette précision doit être expliquée. La règle du traitement national vient s’intégrer dans
l’ordre juridique des États membres. Mais, les conditions définies dans l’ordre juridique interne,
qu’elle distingue ou non les nationaux aux « étrangers », ne sauraient contrevenir aux
prescriptions
communautaires, en vertu du principe de primauté. Ainsi, faut-il rappeler, en illustration, que
le sort de la discrimination liée à l’exigence de nationalité est réglé définitivement par une
interdiction de principe dans les dispositions régissant la liberté´ de circulation de tous les
travailleurs, portée par l’article 27(a).

Loi n° 2015/018 du 21 décembre 2015 régissant l’activité commerciale au Cameroun.


143

KAMWE MOUAFFO (M-C.) épse KENGNE, « La liberté d’établissement dans la CEMAC », Unif. L. Rev.,
144

Vol. 22, 2017, p. 534.

50
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

À l’égard de tous les travailleurs en effet, la Convention de l’UEAC a prescrit l’abolition


dans un délai maximum de trois (3) ans, de toute discrimination fondée sur la nationalité, entre
les travailleurs des États membres, en ce qui concerne la recherche et l’exercice d’un emploi, à
l’exception des emplois dans les secteurs publics, parapublics et stratégiques145.

Or, la liberté d’établissement concerne des travailleurs, mais uniquement des


travailleurs non-salariés. Les discriminations extatiques liées à la nationalité, ne sont pas
totalement exclues, mais elles ne peuvent s’appliquer que dans les cas et conditions envisagées
par les textes communautaires. Il existe, en droit communautaire de la libre circulation, un
champ d’exception aux discriminations liées à la nationalité, une sorte de domaine réservé, 146
concernant les emplois publics et assimilés, s’appliquant aux libertés intégratives économiques,
exception effectivement ouverte par le législateur communautaire lui-même. Afin d’éradiquer
les mesures de discriminatoires nationales, l’avènement du droit d’établissement implique
concomitamment « l’harmonisation progressive des dispositions nationales réglementant
l’accès aux activités non salariées et l’exercice de celle-ci »147. En dehors de la nationalité, les
discriminations à l’entrée peuvent aussi relever de conditions fiscales et douanières créant des
obligations souvent insurmontables qui découragent les investisseurs étrangers. 148
L’harmonisation de telles mesures discriminatoires, aboutirait à leur élimination, et établirait
une réelle égalité entre tous les investisseurs de l’espace communautaire.

En réalité, l’harmonisation des mesures nationales doit être impulsée par la


Communauté. L’outil normatif de la directive vise ce but. C’est dans ce registre que s’inscrit,
par exemple, la Directive n 09/08-UEAC-133-CM-18 portant harmonisation des régimes
juridiques des activités de communications électroniques dans les États membres de la CEMAC
du 19 décembre 2009. Mais, il faut souligner qu’au-delà l’harmonisation, la CEMAC a osé
l’uniformisation en réglementant elle-même les conditions de l’établissement dans certaines
activités économiques.

145
Convention révisée de l’UEAC (n 3) art. 27(c).
146
KAMWE MOUAFFO (M-C.) épse KENGNE, « La liberté d’établissement dans la CEMAC », Unif. L. Rev.,
Vol. 22, 2017, p. 535.
147
Convention révisée de l’UEAC (n 3) art. 13(a). Voir sur ce point E. D. Kam Yogo, « Le droit douanier de la
Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale a` l’épreuve des règles de l’organisation mondiale
du commerce », 22 Revue québécoise de droit international 1.
148
Cf. 2879 Hebdomadaire Jeune Afrique.

51
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

B- La communautarisation des conditions d’accès à certaines professions

Rien ne permet d’affirmer que l’approche consistant pour la Communauté à réglementer


elle-même les conditions d’accès à certaines professions non salariées a été uniquement justifiée
par la lutte contre les discriminations. Mais, elle y aboutit avec encore plus d’efficacité que
l’harmonisation. C’est ainsi que, pour certaines professions libérales, la Communauté a décidé
de centraliser elle-même le droit d’accès, ceci en s’érigeant comme autorité décisionnelle dans
l’attribution des agréments. Ceux-ci en deviennent des agréments communautaires. D’abord,
les matières visées par la communautarisation des conditions d’accès concernent les domaines
professionnels suivants : comptabilité, 149 fiscalité150, douane151 et transport.152 Ensuite, on
notera l’initiative audacieuse de la communautarisation des conditions d’implantation des
banques dans la sous-région, par la réglementation de l’Agrément unique.

Dans les trois professions libérales suscitées, l’agrément est obtenu après une procédure
initiée au niveau national, pour avis de l’autorité ministérielle compétente. Mais la décision
finale d’octroi d’agrément est prononcée par la Commission de la CEMAC. On note le caractère
assez récent de ces textes, qui s’inscrivent tous dans la nouvelle définition des politiques
communes décidées dans la Communauté. L’expression de la liberté d’établissement est portée
par une prescription récurrente dans cette réglementation communautaire : « l’agrément est
accordé pour une durée indéterminée et est valable sur tout le territoire de la Communauté
»153.

L’instauration d’agrément unique154 en matière bancaire a été présentée « comme l’une


des mesures visant à renforcer la crédibilité de son système bancaire et à approfondir la

149
Règlement n 11/01-UEAC-027-CM-07 du 5 décembre 2001 portant révision du statut des professionnels
libéraux de la comptabilité.
150
Règlement n 13/09-UEAC-CM-20 du 11 décembre 2009 portant révision du statut de la profession de conseil
fiscal, Règlement n 07/11-UEAC-051-CM-22 portant modification des Articles 9 et 35 et 42 du règlement.
151
Acte n 31/CD-1220 du 14 décembre 1981 fixant le statut des commissionnaires en douane agrées ; Règlement
n 11/10-UEAC-207-CM-21 du 28 octobre 2010 portant modification de l’Acte n 31/ CD-1220 du 14 décembre
1981 fixant le statut des commissionnaires en douane agrées.
152
Règlement n 15/03-UEAC-612-CM-11 portant adoption des conditions d’accès a` la profession Transporteur
routier Inter-États de marchandises diverses et son corrigendum n 12/ 09-UEAC-612-CM-20 du 11 décembre
2009. A` ce sujet voir J.- C. Robenate, Les politiques de transport routier dans la Communauté économique et
monétaire de l’Afrique centrale (Thèse de doctorat, Université´ de Lumière Lyon, 2 Octobre 2009).
153
Voir Règlement n 13/09-UEAC-CM-20 du 11 décembre 2009 portant révision du statut de la profession de
conseil fiscal, art. 12. Au sujet de ces professions réglementées au niveau communautaire voir Organisation
mondiale du commerce (OMC), Examen des politiques commerciales rapport du Secrétariat. Pays de la
Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), Doc. No. WT/TPR/S/285 (24 juin 2013)
21 (ci-après Rapport OMC).
154
Règlement n 01/00/CEMAC/UMAC/COBAC portant institution de l’Agrément Unique dans la CEMAC, 27
novembre 2000. À ce sujet, lire les propos de l’une des parties prenantes : A. Madji (Secrétaire General de la
Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC)), L’institution d’un agrément unique dans la CEMAC :

52
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

coopération sous-régionale ». De fait, selon l’article 1er du Règlement CEMAC


n°01/00/CEMAC/UMAC/COBAC portant institution de l’Agrément Unique dans la
Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), l’institution de
l’agrément unique emporte, pour les banques et établissements financiers dument agrées,
l’élimination de toutes les dispositions nationales restrictives afférentes à la forme juridique des
établissements de crédit, à la composition de leur capital et à la nomination de leurs
dirigeants.155

Moteurs de l’économie, les banques sont encouragées à s’implanter sur l’ensemble de


l’espace communautaire. L’approche ici est différente de la précédente : la Communauté ne
confère pas l’agrément, mais, son avis conforme conditionne l’octroi de l’agrément par
l’autorité nationale compétente. Cependant, en définissant la portée de cet agrément unique, le
législateur a souhaité lever tout équivoque : L’agrément unique confère à une banque ou un
établissement financier, ayant obtenu l’autorisation d’exercer son activité dans un État membre
de la Communauté, le droit, s’il le souhaite, de l’entendre à un autre État membre, d’y implanter
une filiale, une succursale ou une agence, sans être astreint à l’accomplissement des formalités
administratives relatives à l’agrément dans ledit pays.156

La nature communautaire des agréments apparait ainsi comme une mesure anti
discriminatoire particulièrement difficile à contrarier. Ayant conscience que pour l’heure la
demande ne semble pas forte les concernant, il faut tout de même relever que d’autres
professions libérales mériteraient un intérêt similaire, même si l’approche demande encore à
être étudiée. Mais, le droit comparé impose cette référence. Au regard du contentieux suscité
dans l’expérience européenne, les avocats et les médecins n’ont vu la mise en œuvre de leur
liberté d’établissement qu’au terme de batailles judiciaires 157 dont le nœud était la

fondements, critères d’admission et défis pour les banques, http://www.beac.int/download/agreuniquecemac.pdf


(consulté le 1er juin 2021)
155
Article 1er alinéa 3 du Règlement CEMAC n°01/00/CEMAC/UMAC/COBAC portant institution de
l’Agrément Unique dans la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) du 27
novembre 2000.
156
Règlement n°01/00/CEMAC/UMAC/COBAC (n 36) art. 1(3).
157
Cette bataille a été engagée en 1974 par l’affaire Reyners, dans laquelle le juge communautaire européen a
répondu de manière préjudicielle au Conseil d’État Belge que les avocats soient admis invoquer les dispositions
du Traité relatives à la liberté d’établissement au détriment de la position de l’État belge qui entendait inclure cette
profession dans le champ des restrictions fondées sur la nationalité, laquelle s’étend aux activités réservées aux
nationaux comme participant de l’exercice d’une autorité publique : Cour de Justice des Communautés
européennes (CJCE), affaire 2/74 Reyners, 21 juin 1974, Recueil CJCE 631. Elle s’est poursuivie, entre autres,
avec l’affaire Gebhard, dans laquelle le juge communautaire européen s’est prononcé sur la distinction entre
établissement et prestation de service. L’économie de cette jurisprudence nous est offerte par : J. Pertrek, in M.
Karpenschif et C. Nourissat (Dir.), Les grands arrêts de la jurisprudence de l’Union européenne Presses
Universitaires de France – P.U.F. Collection Thémis, 2016, 57 et seq.

53
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

reconnaissance commune des formations professionnelles. La réforme du système Licence,


Master, Doctorat (LMD) déjà en cours dans tous les États membres,158 bien que constituant un
pas préliminaire, ne saurait suffir à lever l’ensemble des questionnements autour de ces
questions.

En fin de compte, on peut observer que la CEMAC, par la somme des mesures anti-
discriminations de nature à faciliter la liberté d’établissement, a démontré une réelle volonté
politique sur ce point. Ces mesures ont vocation à être associées à celles dont bénéficient déjà
ses États membres, qui, du fait de leur recherche d’un mieux-être économique, se sont dotés
d’autres instruments participant, finalement aux missions de la CEMAC en matière de libre
établissement.

L’exercice des activités indépendantes suppose également la libre prestation des


services.

Paragraphe II : La liberté de prestation des services

Cette liberté est assurée par l'article 27 alinéa (c) de la Convention régissant l'UEAC.
Cependant, le législateur communautaire n'a fait que consacrer ladite liberté sans en définir
précisément les contours. En se fondant sur le droit communautaire comparé, nous tenterons de
donner un contenu précis à la notion (A) ainsi qu'à son champ d'application (B).

A- La notion de la libre prestation des services

La notion de prestation de services n'est pas aisée à définir car c'est une notion qui
intervient au carrefour des autres libertés communautaires consacrées. Deux critères sont
souvent requis pour la définir :

D'abord, il faut qu'il s'agisse d'activités économiques, c'est-à-dire des «services qui
interviennent de façon directe dans les coûts de production ».159 Ce premier critère est souvent
rempli par l'existence des bénéfices générés par le service rendu. Cependant, pour éviter toute
confusion, le législateur européen précise que les activités économiques en question ne sont
considérées comme services que pour autant qu'elles « ne sont pas régies par les dispositions
relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes ».160 En effet,

158
Directive n 01/06-UEAC-019-CM-14 portant application du Système LMD dans les Universités et
Établissements d’enseignement supérieur de l’espace CEMAC ; Directive n 02/06-UEAC-019-CM-14 portant
organisation des études universitaires dans l’espace CEMAC dans le cadre du Système LMD (Licence, Master,
Doctorat).
159
Article 27 alinéa (c), para.1 de la Convention régissant l’UEAC.
160
Article 60 alinéa 1 du Traité UE.

54
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

il est évident que plusieurs aspects de toutes ces libertés se rencontrent et la précision du
législateur européen intervient pour faire la part des choses.

Ensuite, le service objet de la prestation doit être fait contre rémunération entendue
comme la contrepartie fournie par le destinataire, de commun accord avec le prestataire de
service. C'est dire qu'en principe, un service rendu gratuitement ou sans contrepartie ne
bénéficiera pas de cette liberté. Cependant, il faut considérer que la contrepartie dont il s'agit
ne doit pas forcément être versée par les destinataires directs du service rendu. L'exemple pris
est celui d'une émission de télévision par un organisme émetteur établi dans un pays membre,
mais diffusée par câble par une entreprise établie sur un autre pays membre à ses clients. La
doctrine estime qu'une telle émission doit être « considérée comme un service même dans le
cas où les redevances ne sont pas perçues par l'organisme émetteur ».161 Bien plus, la
contrepartie peut être fournie en nature162.

En effet, par rapport à la liberté de prestation des services, le caractère subsidiaire de


cette liberté a souvent exposé au risque de confusion avec le principe voisin de liberté de
circulation des marchandises. Il s’impose alors de déterminer un cadre juridique clair et précis
pour cette liberté163.En ce sens164, la Directive n° 1/99/CEMAC-028-CM-03 du 17 décembre
1999 portant harmonisation des législations des États membres en matière de TVA et de Droits
d’Assises165 définit la prestation de service comme « toute opération qui ne constitue pas une
livraison de biens »166. Ce texte établit une distinction entre les prestations de service à des tiers
et les prestations de services à soi-même. Les prestations de service à des tiers s’entendent de
toutes les activités qui relèvent du louage d’industrie ou du contrat d’entreprise par lequel une

161
Cf. VIVANT (M.), (Dir), Droit communautaire et liberté des flux transfrontaliers, LITEC, 1988, p. 19.
162
CJCE, Aff. 6159, STEYMANN, 1988.
163
GNIMPIEBA TONNANG (E.), « La libre circulation des personnes et des services en Afrique centrale (…)
», article précité, p. 88.
164
S’inspirant du droit communautaire européen (articles 59 et 60 du Traité CE), l’on peut dire que la libre de
prestation de service est assurée aux « ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté
autre que celui du destinataire de la prestation » et s’applique à tous ceux qui ne sont pas établis sur un
territoire. Il faut entendre par services « les prestations fournies normalement contre rémunération » dans les
activités de caractère industriel, commercial, artisanal ou celles des professions libérales. Trois cas de figure sont
envisagés : d’abord lorsque c’est le prestataire de services qui se déplace. Ensuite lorsque c’est le bénéficiaire
qui se déplace pour recevoir la prestation. Enfin lorsque c’est le service lui-même qui franchit les frontières sans
déplacement des parties. Pour en savoir plus, cf. DUBOUIS. (L.), BLUMANN (C.), Droit matériel de l’Union
européenne, op.cit., pp. 79 et s.
165
Cet effort pourra être accompagné par la jurisprudence communautaire. En ce sens, le juge communautaire
européen affirme que la libre prestation de services ne s’applique « que dans la mesure où (les prestations en
cause) ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et
des personnes » et qu’elle « est à apprécier non seulement en fonction de la durée de la prestation, mais
également en fonction de sa fréquence, périodicité ou continuité ». CJCE, Gebhard, 30 novembre 1995, aff. C-
55/94, Rec., p. I-4195
166
Article 2 (3).

55
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

personne s’oblige à exécuter un travail quelconque moyennant rémunération 167. Les prestations
de service à soi-même s’entendent des services que les assujettis réalisent, soit pour les besoins
de leur entreprise, soit pour d’autres besoins dans le cadre normal de leur activité168.

On dira alors que la libre prestation s'applique à des services entendus comme des
activités économiques effectuées contre rémunération. Reste à déterminer son champ
d'application pour une compréhension complète de la notion.

B- Le champ d’application de la libre prestation des services

Ce champ d’application comprend deux éléments :

D'abord un champ d'application personnel. À ce sujet, la libre prestation des services «


bénéficie aux personnes physiques et morales visées au paragraphe (b) ».169 C’est dire
qu’autant une personne physique que morale peut prétendre à cette liberté soit en tant que
prestataire, soit en tant que bénéficiaire ou destinataire de la prestation. C'est pourquoi la
doctrine parle, non d'une simple libre prestation des services, mais mieux, « d'une libre
circulation des prestataires et destinataires des services »170.

D'autre part, un champ d'application matériel qui commande que l'on s'attarde sur non
pas la nature des services visées, (ceci ayant déjà été étudié dans le cadre de la notion même de
prestation de services), mais sur la caractéristique du service dont il est question. Et à cet effet,
pour qu'une prestation relève de cette liberté communautaire, « ses éléments ne doivent pas se
cantonner à l'intérieur d'un seul Etat membre ».171 L'application de cette condition est
relativement facile et rapidement admise lorsque le prestataire de services se déplace lui-même
sur le territoire de l'Etat membre dans lequel réside le destinataire de la prestation. C'est
l'hypothèse ostensible. Cependant, il importe de préciser que la libre prestation des services
s'applique tout aussi lorsque c'est le destinataire qui se déplace pour en bénéficier soit sur le
territoire de l'Etat membre sur lequel est établi le prestataire, soit sur le territoire de l'Etat

167
Sont notamment considérées comme des prestations de service : les locations de biens meubles et immeubles
; les opérations portant sur des biens meubles incorporels ; les opérations de leasing et de crédit-bail avec ou
sans option d’achat ; le transport de personnes et marchandises ; le transit et la manutention ; les opérations
réalisées dans le cadre d’une activité libérale, de travaux d’étude, de conseil, de recherche et d’expertise ; les
ventes à consommer sur place ; les réparations et le travail à façon ; les travaux immobiliers exécutés par les
différents corps de métier portant à la construction; l’entretien et la réparation de bâtiments et d’ouvrages
immobiliers; les travaux publics; les travaux de construction métallique; de démolition; les travaux accessoires
ou préliminaires aux travaux immobiliers; y compris les marchés publics financés de l’extérieur; cf. article 2 (3)
(a).
168
Article 2 (3) (b).
169
Article 27 alinéa (b) para.2 de la Convention régissant l’UEAC.
170
MARTIN (D.), la libre circulation des personnes dans l’Union européenne, op. Cit, p.94.
171
CJCE, Aff. 52/79 Debauve, 18 mars 1980, Rec. 1980, p.833.

56
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

membre sur lequel la prestation a été fournie. Ce qui compte alors, c'est l'existence d'un élément
transfrontalier, que celui-ci soit constitué par le déplacement du prestataire ou du destinataire
(ou des deux) ; ou, en l'absence de déplacement de leur part, par le fait que c'est la prestation
elle-même qui traverse les frontières, ou encore par le lieu d'exécution de la prestation dès lors
que celle-ci n'a pas été fournie dans l'Etat où sont établis le prestataire et le destinataire.

Les droits reconnus aux bénéficiaires de la libre prestation des services ne doivent pas
être substantiellement différents de ceux reconnus aux bénéficiaires de la libre circulation des
travailleurs et du libre établissement. Il leur est en effet reconnu le droit d'entrer, de circuler et
de séjourner librement sur le territoire de l'Etat d'accueil, en plus de l'interdiction de
discriminations fondées sur la nationalité qui, dans ce cas, est définie comme « l'élimination de
toute discrimination à l'encontre du prestataire de services à raison de sa nationalité ou de la
circonstance qu'il réside dans un Etat membre autre que celle où la prestation est fournie ». Le
législateur européen reconnaît même au prestataire, sans préjudices des dispositions relatives
au droit d'établissement, le droit d'exercer pendant un temps et à titre temporaire son activité
sans le pays où la prestation est fournie. Ceci est normal lorsqu'on sait que la libre prestation
des services peut concerner les activités qui couvrent une période plus ou moins longue sans
pour autant se confondre au libre établissement.

Cet effort d’encadrement est aussi appréciable dans le cadre de la libre circulation des
capitaux.

Section II : La libre circulation des capitaux encadrée

La libre circulation des capitaux figurait déjà parmi les principales libertés
communautaires consacrées par le Traité UDEAC172, au même titre que la libre circulation des
biens, des personnes et des services173. À l’image des trois dernières libertés, les dispositions
spécifiques régissant la libération des mouvements de capitaux ont été rédigées de manière
particulièrement prudente, de telle sorte que le régime établi par ces dispositions pouvait être
considéré comme en retrait des objectifs fondamentaux poursuivis par la Communauté. Cette
liberté recommande que les capitaux puissent circuler librement quelles que soient leur

172
Article 64 du Traité de Brazzaville.
173
Traditionnellement, la libre circulation des capitaux est conçue comme une liberté plus ou moins subsidiaire
destinée à compléter la libre circulation des facteurs de production – Voir BALMOND (L.), Thèse d’Etat, op.cit.,
p. 16.

57
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

nationalité, la résidence des parties ou la localisation du placement. C’est le principe de non-


discrimination qui aboutit, nécessairement, à la destruction du contrôle des changes 174.

Le droit communautaire en Afrique centrale intègre cette exigence dans ses objectifs. Il
encadre également cette liberté à travers les règles communautaires qui la régissent (Paragraphe
I), et son domaine de libéralisation du fait de la réforme quasi-achevée de la législation bancaire
sous-régionale (Paragraphe II).

Paragraphe I : La protection communautaire de la libre circulation des capitaux

Contrairement aux autres expériences d’intégration économique 175, la libération des


mouvements de capitaux aurait en principe dû être simplifiée par les mesures d’unification
monétaire engagées très tôt par les États membres, mesures qui retiraient une partie importante
des souverainetés étatiques en matière monétaire, soit en les transférant à l’institut d’émission
monétaire sous-régional (BEAC), soit en obligeant cette dernière à les partager avec la
France176. C’est ainsi qu’en Afrique Centrale, la libération des mouvements de capitaux a été
très tôt consacrée, mais de manière succinct, par le traité instituant l’UDEAC177, lequel posait
le principe de la libre circulation des capitaux dans la sous-région (A), à l’image des autres
règles régissant les autres aspects du marché intérieur 178, la construction communautaire en
Afrique centrale s’est montrée assez timide en matière de liberté de circulation des capitaux 179.
Cette prudence s’explique, dans la mesure où le contrôle des mouvements de capitaux a toujours
constitué des restrictions (B).

174
KEMFOUEDIO BIPELÉ (J.), Thèse précitée, p. 126.
175
Par exemple, l’expérience européenne a été très révélatrice de cette prudence. En effet, liée au progrès de l’Union
Économique et Monétaire, la libéralisation des mouvements de capitaux s’est achevée très tardivement.
Initialement, le Traité obligeait les États membres, au cours d’une période transitoire, à supprimer progressivement
les entraves à la circulation des capitaux, dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun.
À la différence de sa jurisprudence relative aux autres libertés de circulation, la Cour de justice ne reconnut pas un
effet direct à cette obligation à l’expiration de la période transitoire (C.J.C.E, Aff. n°203/80, Casati, 11 novembre
1981, Rec. p. 2595). Les mouvements de capitaux risquaient de nuire au bon fonctionnement du marché commun
en déstabilisant la politique économique et monétaire des États membres.
176
Voir les dispositions des articles 5 et 6 de la convention révisée du 30 avril 2008 régissant l’UMAC.
177
Article 64 du Traité de Brazzaville : «les mouvements de capitaux à l’intérieur de l’Union ne peuvent être soumis
à d’autres restrictions que celles prévues par la réglementation des changes actuellement en vigueur».
178
Pour plus de précisions sur ces problématiques de la libre circulation des facteurs de production dans la zone
CEMAC, voir entre autre GNIMPIEBA TONNANG (E.), « Le nouveau Régime juridique des exportations entre
les États de l’Afrique Centrale : entre influences européennes et réformes laborieuses », précité, pp. 67-91, aussi
« La libre circulation des personnes et des services en Afrique Centrale : entre consécrations textuelles, vides
jurisprudentiels et hésitations politiques », précité, pp. 81-101, et NGUENA DJOUFACK (A.L.), Thèse précitée,
pp.133-167.
179
Et pourtant, les capitaux sont traditionnellement considérés comme un facteur de production dont la libre
circulation est une des conditions sine qua non de la construction de tout marché unifiée, au même titre que celle
des marchandises, des personnes et des services. Pour plus de précisions, voir DUTHEIL de LA ROCHERE (J.),
Droit communautaire matériel, Col. Les fondamentaux, op.cit, p. 84.

58
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

A- Le principe de la liberté de circulation des capitaux

L’intégration monétaire signifie aussi l’obligation pour les États membres d’abolir
progressivement tous les obstacles législatifs et réglementaires qui s’opposent à la libre
transférabilité intracommunautaire des capitaux et permettre ainsi la création de conditions
susceptibles d’encourager les opérateurs économiques à acheter, vendre ou échanger librement
leurs actifs financiers, ce qui assurerait une très grande mobilité au capital180.

Le Traité de l’UDEAC affirmait dans son article 64, que «les mouvements de capitaux
à l’intérieur de l’Union ne peuvent être soumis à d’autres restrictions que celles prévues par
la réglementation des changes actuellement en vigueur» 181. En dépit de cette affirmation, la
liberté de circulation des capitaux a eu du mal à être réelle en Afrique centrale182 malgré l’unité
monétaire (avec le FCFA) qui existait déjà entre les États 183. Ce qui a entrainé la désertion des
investisseurs nationaux et étrangers de la zone économique. C’est la raison pour laquelle,
s’inscrivant dans la logique du PRR184, la CEMAC réaffirme la libre circulation des capitaux
comme l’un des objectifs à réaliser par la Communauté 185. Elle soumet la mise en œuvre de
cette liberté à la réglementation de l’UMAC186.

Si le principe de la libre circulation des capitaux est posé par la Convention régissant
l’UEAC, celle-ci dispose, en son article 28, que « la liberté de circulation des capitaux est régie
par les dispositions de la Convention régissant l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale et par

180
GNIMPIEBA TONNANG (E.), Thèse précitée, p. 158.
181
À la suite de ces dispositions, le principe de la libre circulation des capitaux a été renforcé par l’Acte n°
18/65-UDEAC-CD du 14 décembre 1965 posant les règles générales gouvernant la libre circulation des capitaux
à l’intérieur de la zone et par la réglementation commune des changes contenues dans la Convention de coopération
monétaire conclue le 23 novembre 1972 entre les États membres et la république française.
182
Notons qu’à l’image des libertés de circulation des marchandises, des personnes et des services, les
dispositions spécifiques de l’UDEAC régissant la libération des mouvements de capitaux ont été rédigées de
manière particulièrement prudente, de telle sorte que le régime établi par ces dispositions pouvait être considéré
comme en retrait des objectifs fondamentaux poursuivis par la communauté. Cf. NGUENA DJOUFACK (A.L.),
sécurité juridique et droit communautaire de la CEMAC, Thèse précitée, p.547.
183
Et qui constituait un atout considérable pour l’intégration monétaire voulue par les États de l’Afrique
centrale malgré que cette monnaie constitue une mainmise de la France sur ses potentielles colonies et
manifestement sur l’élaboration de la politique monétaire influençant sur les ressources économique de la sous-
région. Raison pour laquelle il est important que les États de l’Afrique Centrale disposent de leur propre monnaie
pour assoir la coupure du cordon ombilical avec la France, cette quête d’identité monétaire saurait faire l’économie
d’un travail de fond : juridique, politique, économique et sociologique.
184
Ayant fait le constat de l’échec de la liberté de circulation des capitaux en zone UDEAC, le PRR inscrit à
nouveau ce principe au rang des objectifs des États.
185
Articles 2 c, 4 b, 13 d de la Convention régissant l’UEAC. Ce principe est également affirmé par les articles
76, 96, 97 du Traité modifié de l’UEMOA ainsi que par l’article 3, 67 à 73 et 106 u Traité CEE.
186
C’est donc à juste titre que l’article 5 (c) de la Convention régissant l’UMAC réaffirme au rang des objectifs
des États membres, « la libre circulation des signes monétaires et la liberté de transfert entre les États membres
de l’Union Monétaire »

59
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

les textes subséquents » 187. Ainsi, l’UMAC envisage, la mise en place d’une importante
réglementation, notamment, dans les secteurs bancaires, monétaires et financiers ;
réglementation sans laquelle la libre circulation des capitaux ne serait, en réalité, qu’une leurre.
Cette réglementation concerne conformément à l’article 29 de la Convention régissant l’UMAC
: les règles d’exercice de la profession bancaire et des activités s’y rattachant ainsi que le
contrôle de l’application desdites règles, la répression de la falsification des signes monétaires
et de l’usage des signes falsifiés, les règles concernant la collecte et l’affectation de l’épargne
financière, le régime des changes et des systèmes de paiement, les règles relatives aux activités
des institutions de micro finance, les règles relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux
et le financement du terrorisme et les règles relatives aux mécanismes de garanties des dépôts
bancaires.

La réglementation de l’UMAC relative à ces questions est de nos jours assez importante
et par conséquent, il est pratiquement impossible dans le cadre de cet espace de la présenter
entièrement. On se contentera alors de quelques règles fondamentales qui se trouvent dans la
législation communautaire des changes 188 dont l’objet est d’assurer la liberté des relations
financières au sein de la zone.

Le Règlement portant harmonisation de la réglementation des changes dans les États


membres de la CEMAC interdit, en effet, à l’instar des autres libertés de circulation, les entraves
non justifiées à la libre circulation des capitaux et même des paiements relatifs aux transactions
courantes, entre les États membres d’une part et entre les États membres et les États tiers
d’autres part. Ainsi, l’article 70 de ce texte, dispose que «les mouvements de capitaux à
l’intérieur de la CEMAC sont libres». L’article 73 affirme dans le même sens que «les États
membres de la CEMAC garantissent la liberté de transfert des capitaux, des bénéfices
régulièrement acquis, et des fonds provenant de cession et de cessation d’activité d’entreprise».
L’article 5 du même texte précise que «les paiements relatifs aux transactions internationales
courantes (…) sont libres (…) à l’intérieur des pays membres de la CEMAC».

La liberté de circulation des capitaux dans l’espace communautaire suppose donc, non
seulement, la libération des capitaux proprement dits, mais aussi, la libération des paiements
courants189. Pour évacuer tout malentendu, la règlementation des changes s’est efforcée à

187
Pour un aperçu global sur l’UMAC, lire, KOMBI MOUELLE (N.), « Les aspects juridiques d’une Union
monétaire : l’exemple de l’UMAC », RGDIP, 2001-3, pp. 521-558.
188
Règlement n° 02/00/CEMAC/UMAC/CM du 29 avril 2000 portant harmonisation de la réglementation des
changes.
189
Voir dans le même sens l’article 73 B du Traité CE.

60
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

déterminer le contenu de chacune de ces deux notions. Ainsi, au terme du paragraphe 7 (a) de
l’Annexe 1 du Règlement n° 2 précité, les paiements courants sont « des paiements qui sont
définis à l’article 30 des statuts du FMI. Ces paiements comprennent, notamment ceux dus au
titre du commerce extérieur et des autres opérations courantes y compris les services, ainsi que
les facilités normales à court terme de banque et de crédit ; les paiements dus au titres d’intérêt
sur des prêts ou des revenus nets des autres investissements ; les paiements d’un montant
modéré pour amortissement d’emprunts ou d’investissements directs et des envois de fonds
d’un montant modéré pour charges familiales». Le paragraphe 7 (b) pour sa part définit les
transferts de capitaux comme «des opérations en capital qui portent sur les prêts, emprunts,
investissements, placement, épargne et autres règlements sans contrepartie économique précise
»190.

À cette règlementation communautaire des changes se joins quelques exceptions au


principe de la libre circulation des capitaux.

B- Les restrictions à la libre circulation des capitaux

La Convention régissant l’UEAC qui pose le principe de la libre circulation des


capitaux, n’ayant pas elle-même défini le cadre juridique de cette liberté, n’a pas non plus
expressément dégagé les limites de ce principe. Celles-ci existent néanmoins à l’analyse du
dispositif normatif de l’UMAC, notamment, dans la législation communautaire des changes.191

Des restrictions au principe de la libre circulation des capitaux sont prévues par les
articles 5 et 125 du Règlement n° 02/00/CEMAC/UMAC/CM portant harmonisation de la
réglementation des changes.

Conformément à l’article 5, toutes les entrées de capitaux dans l’UMAC sont dans une
très large mesure libres, à l’exception de « certains emprunts ; certains prêts ; certaines
transactions portant sur des valeurs mobilières étrangères pour des montants supérieurs à dix

190
Cette distinction est fortement inspirée de celle du droit communautaire européen. Face au silence des
dispositions du Traité CE, c’est la CJCE qui a apporté la précision sur la distinction entre mouvement de
capitaux et paiements courants. Celle-ci affirme que « les paiement courants sont des transferts de devises qui
constituent une contrepartie dans le cadre d’une transaction sous-jacente, alors que les mouvements de
capitaux sont des opérations financières qui visent essentiellement le placement ou l’investissement du montant
en cause et non la rémunération d’une prestation en cause ». CJCE, Luisi et Carbonne, 31 janvier 1984, aff.
286/82 et 26/83, rec., p. 403.
191
Des restrictions au principe de la libre circulation des capitaux existent également à l’article 12 du
GATS/AGCS qui prévoit des dérogations visant à protéger la balance des paiements. Dans le même sens
l’article 73 du Traité de Rome prévoit également des exceptions à ce principe.

61
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

(10) millions de FCFA » soumis à la déclaration ou à l’autorisation préalable des autorités


compétentes.

L’article 125, quant à lui, prévoit que le Comité ministériel de l’UMAC peut, « lorsque
les circonstances que traverse un Etat l’exigent, autoriser cet Etat à suspendre sur son
territoire, l’application des dispositions du présent règlement et légiférer par des mesures
temporaires ». Ainsi, l’Etat membre demandeur doit proposer, dans le document de saisine
présenté, la durée des mesures dérogatoires nationales. Celles-ci sont prises pour une durée
strictement nécessaire pour permettre à l’Etat concerné d’atteindre les objectifs qu’il s’est fixé.
Elles ne peuvent en aucun cas excéder la durée maximale de deux (02) ans. Aucune mesure
dérogatoire ne peut plus être prise dans les deux (02) années qui suivent la précédente. Enfin,
cette décision dont le but unique est de suspendre de manière temporaire l’application de la
réglementation en vigueur par l’Etat demandeur, ne peut en aucun cas emporter modification
des dispositions de celle-ci.

L’encadrement remarqué, par la réglementation communautaire des changes des


dérogations au principe de la libre circulation des capitaux, est un aspect important car, il permet
d’éviter que la possibilité offerte aux États de prendre des mesures de sauvegarde ne devienne
un moyen de discrimination arbitraire ou une voie ouverte à des restrictions déguisées à ce
principe.

En somme, on peut noter que, sous l’angle de la sécurité juridique, le dispositif juridique
relatif à la liberté de circulation des capitaux, comparé à celui des autres libertés, est assez
intéressant. On peut alors comprendre cette affirmation selon laquelle « le mouvement de
libéralisation des changes ainsi imprimé, situe la CEMAC dans une position comparable à
celle des zones économiques des pays en développement les plus avancées ». Toutefois, cet
effort d’encadrement juridique mérite d’être relativisé, car les recherches menées, notamment,
sur les réglementations bancaire, monétaire et financière qui accompagnent cette liberté de
circulation des capitaux mettent en exergue des insuffisances 192 qui ne sont certainement pas
favorables à la sécurité juridique.

Lire. KALIEU ELONGO (Y-R.), « Le contrôle bancaire dans la zone de l’Union Monétaire
192

de l’Afrique Centrale », Penant n° 841, octobre-décembre 2002, pp. 445-472, NGUIFFEU TAJOUO (E.L.), Le
système communautaire de lutte contre la criminalité financière en zone CEMAC, Mémoire de DEA, Université
de Dschang, 2005-2006, 120 pages, TSOBGNI DJOUMETIO (N.L.), Prévention et répression du blanchiment
des capitaux en zone CEMAC, Mémoire de DEA, Université de Dschang, 2005-2006, 130 pages.

62
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

Paragraphe II : La mise en place d’un cadre communautaire de système de


paiement et de lutte contre le blanchiment des capitaux

En Afrique centrale, les pays membres de la CEMAC ont estimé qu’un redressement
financier définitif passait obligatoirement par un retour progressif à la confiance des
épargnants 193, et qu’une réforme profonde des systèmes de paiement s’imposait comme
complément nécessaire de la restructuration réussie du système bancaire engagée sous les
auspices de la BEAC 194. Après l’avis conforme délivré par le Conseil d’Administration de la
BEAC lors de sa réunion du 18 décembre 2001, le Règlement 195 portant organisation et
fonctionnement du GABAC a été adopté par le Comité Ministériel de l’UMAC du 15 mars
2002, et celui portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement
du terrorisme196 consacré le 28 mars 2003. Très tôt, le législateur sous régional a anticipé, sans
à notre avis avoir perçu tous les contours de ce nouveau péril, en procédant à la mise en place
d’un dispositif conventionnel avant-gardiste de régulation de système de paiement en Afrique
centrale (A), et le renforcement de la régulation de la lutte contre le blanchiment des capitaux
(B).

A- La communautarisation des systèmes de paiement en Afrique centrale

En Afrique centrale, les pays membres de la CEMAC ont estimé qu’un redressement
financier définitif passait obligatoirement par un retour progressif à la confiance des
épargnants 197, et qu’une réforme profonde des systèmes de paiement s’imposait comme
complément nécessaire de la restructuration réussie du système bancaire engagée sous les
auspices de la BEAC198. Cette réforme répond ainsi à l’une des missions fondamentales
assignées à la banque centrale à savoir la promotion, la supervision et le contrôle du bon
fonctionnement des systèmes et moyens de paiement dans l’Union199.

Elle vise en outre plusieurs objectifs qui, s’ils sont atteints, permettront au système
bancaire sous-régional de s’adapter au contexte actuel de l’économie mondiale. La réforme a

193
Cf. Exposé des motifs du Projet de réforme des systèmes de paiement et de règlement de la CEMAC, sur le site
de la Banque des États de l’Afrique Centrale – http://www.beac.int – op.cit.
194
Cf. Secrétariat Exécutif de la CEMAC, Programme de redressement économique et financier sous-régional pour
le quinquennat 1999-2004, Bangui, 22 juillet 1999.
195
Règlement n°2/02/CEMAC/UMAC/CM du 14 avril 2002.
196
Règlement n°1/03/CEMAC/UMAC/CM du 28 mars 2003.
197
Cf. Exposé des motifs du Projet de réforme des systèmes de paiement et de règlement de la CEMAC, sur le site
de la Banque des États de l’Afrique Centrale – http://www.beac.int – op.cit.
198
Cf. Secrétariat Exécutif de la CEMAC, Programme de redressement économique et financier sous-régional pour
le quinquennat 1999-2004, Bangui, 22 juillet 1999.
199
Articles 1er, 9 et 20 des statuts révisés de la BEAC.

63
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

donc pour ambition, entre autres, de procéder à la modernisation des systèmes nationaux de
paiement et de règlement, la création d’un système communautaire de paiement et de règlement,
la minimisation des risques associés à leur fonctionnement, l’accroissement de la sécurité des
paiements et la réduction de leurs délais, le développement de la monnaie scripturale et
l’émergence des instruments modernes de paiement, la réduction du coût moyen des
transactions bancaires, la réforme du cadre juridique sur les paiements et les règlements dans
les pays membres ainsi que l’harmonisation de l’ensemble du dispositif légal et réglementaire
régissant les systèmes et moyens de paiement dans ces pays. La réforme vise aussi la mise en
conformité aux principes fondamentaux et aux normes internationales en matière de gestion de
risques de paiement et de délais de règlement, et enfin l’amélioration de l’interaction entre les
institutions financières par l’instauration et le développement de l’interbancarité.

Pour assurer la fluidité du système, la BEAC a mis en place un mécanisme de prêts intra-
journaliers. La supervision et la gestion du Système de Règlement Brut en Temps Réel sont
assurées par la banque, et ouverte en permanence dans l’ensemble des États membres. Cette
architecture se présente sous la forme d’un système unique, centralisé au niveau de la Banque
Centrale, avec un compte de règlement par participant, chacun d’entre eux étant relié par une
liaison permanente avec la direction nationale ou l’agence BEAC la plus proche, le réseau de
télécommunication VSAT de la BEAC. La participation au RBTR est ouverte aux trésors
publics nationaux, aux établissements de crédit agréés, aux institutions financières de
développement et aux services financiers des institutions postales nationales.

Quant au Système Net de Paiement de Masse, il traite les opérations de volumes


importants ne présentant pas un caractère d’urgence et dont le montant unitaire est inférieur à
cent millions de F CFA. Il est un système net, parce que déterminant les soldes par suite d’une
compensation multilatérale envoyés pour règlement au système de règlement brut, auto protégé
contre le risque financier systémique, notamment par l’instauration d’un fonds de garantie,
sécurisé contre les risques de fraude et les risque opérationnels. C’est enfin un système national,
mais de conception identique dans chaque pays200. Il est prévu un seul centre de compensation
par pays, implanté dans les locaux de la Direction nationale de la BEAC, laquelle assume la
responsabilité de gestionnaire et l’autorité de tutelle. Tous les échanges entre les banques et le

200
Même architecture fonctionnelle, mêmes conventions entre les participants, mêmes procédures de gestion des
moyens de paiement et mêmes infrastructures techniques.

64
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

centre de compensation se font ainsi sous forme d’échange électronique normalisé avec la
suppression du support papier 201.

Enfin, il a été créé un Comité Régional de Normalisation Financière, organe


communautaire de normalisation et de standardisation des instruments de paiement et de
règlement. L’exigence de la création de cette structure découle de l’option fondamentale du
projet de réforme des systèmes de paiement et de règlement de la CEMAC. Elle consiste à
instaurer et à développer une interbancarité large s’appuyant, à la fois sur l’uniformisation des
instruments de paiement et de règlement et sur une nécessaire standardisation des formats
d’échanges des informations et des données entre les différents participants aux systèmes de
paiement automatisés202. Dans cette optique, l’accord constitutif du CORENOFI a été signé à
Yaoundé le 08 juin 2002 entre la BEAC, la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale
(COBAC) d’une part, et la Fédération des Associations Professionnels des Établissements de
Crédit (APEC) d’autre part, accord homologué par un Règlement communautaire le 14 avril
2002203.

B- Le renforcement de la régulation de la lutte contre le blanchiment des


capitaux

Le blanchiment des capitaux est un processus qui consiste à dissimuler l’origine des
fonds générés par des moyens illicites. Le processus de blanchiment des capitaux comprend en
général trois étapes :

- l’introduction du produit du crime dans le système financier (placement) ; des


opérations visant à convertir ou transférer les fonds vers d’autres endroits ou institutions
financières (empilement).

- la réintégration des fonds dans l’économie légitime en tant qu’argent « propre »


et l’investissement dans divers actifs ou entreprises commerciales. Différentes méthodes sont
utilisées pour le blanchiment de fonds. Celles-ci ont une très grande faculté d’adaptation et
tendent à évoluer constamment. Elles comprennent l’usage des services internet, la banque
virtuelle et les nouvelles technologies de paiements électroniques, les sociétés internationales
et les sociétés coquille, le commerce et la falsification de factures relative à la fourniture de

201
Note explicative des textes portant réforme du système des paiements et de règlement en zone CEMAC, sur le
site Internet de la BEAC, op.cit.
202
Article 1er de l’Annexe au Règlement n°03/2002/CEMAC/UMAC/CM du 14 avril 2002 portant homologation
du Comité Régional de Normalisation Financière.
203
Règlement n°03/2002/CEMAC/UMAC/CM du 14 avril 2002 portant homologation du Comité Régional de
Normalisation Financière.

65
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

biens ou de services. En outre, le blanchiment de capitaux désigne un ou plusieurs agissements


commis intentionnellement notamment «la conversion ou le transfert, de biens provenant d’un
crime ou d’un délit (…) dans le but dissimuler ou de déguiser l’origine illicite desdits biens ou
d’aider toute personne qui est impliquée dans la commission de ce crime ou délit à échapper
aux conséquences juridiques de ses actes»204.

- C’est également «la dissimulation ou le déguisement de la nature, de l’origine,


de l’emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété de biens provenant d’un
crime ou d’un délit (…)205, l’acquisition, la détention ou l’utilisation de biens provenant d’un
crime ou d’un délit (…)» 206. C’est enfin «la participation à l’un des actes visés ci-dessus,
l’association pour commettre ledit acte, les tentatives de le perpétrer, le fait d’aider, d’inciter
ou de conseiller quelqu’un à le faire ou le fait d’en faciliter l’exécution» 207.

Selon le législateur CEMAC, la connaissance de l’origine des biens ou l’intention de


commettre les faits susvisés nécessaire en tant qu’élément de l’infraction peut être établie à
partir de circonstances de faits objectives. Comme on le voit, de manière extensive, on peut
considérer comme l’a d’ailleurs proposé le législateur UEMOA208, que constitue également une
infraction de blanchiment de capitaux, l’entente ou la participation à une association en vue de
la commission d’un fait constitutif de blanchiment de capitaux, l’association pour commettre
ledit fait, les tentatives de le perpétrer, l’aide, l’incitation ou le conseil à une personne physique
ou morale en vue de l’exécuter ou d’en faciliter l’exécution. Pour servir de base à des poursuites
pour blanchiment des capitaux en application du texte communautaire, les faits d’origine
commis dans un autre Etat membre ou dans un Etat tiers doivent avoir le caractère d’une
infraction pénale dans le pays où ils ont été commis 209.

À la suite du législateur communautaire, le législateur national a encadré, dans un sens


plus restrictif, la lutte contre le financement du terrorisme 210 et la controverse consécutive à la
nature liberticide de ces textes nationaux montre à suffisance l’urgence d’un meilleur

204
Article 1er §1 (a) du Règlement n° 1/03-CEMAC-UMAC du 04 avril 2003 portant prévention et répression du
blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme en Afrique centrale.
205
Article 1er §1 (b) du Règlement n° 1/03-CEMAC-UMAC du 04 avril 2003.
206
Article 1er §1 (c) du Règlement n° 1/03-CEMAC-UMAC du 04 avril 2003.
207
Article 1er § 1 (d) du Règlement n° 1/03-CEMAC-UMAC du 04 avril 2003.
208
Article 3 § 1 du Projet de Directive relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux dans les États membres
de l’UEMOA.
209
Article 1er §2 du Règlement n°1/03-CEMAC-UMAC du 04 avril 2003.
210
Aux termes de l’article … de la loi camerounaise n°2014/..., constitue un acte de terrorisme.

66
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

encadrement de ces textes, appelé entre autre à concilier deux intérêts contradictoires,
notamment ceux la sécurité collective et ceux des droits fondamentaux des particuliers 211.

Le secteur bancaire constitue l’un des canaux principaux de blanchiment des capitaux
et de financement du terrorisme. Cela est vrai aussi bien pour les pays de la CEMAC qu’en
dehors. Conscient de cette situation, les autorités communautaires, ont progressivement
renforcé le dispositif y relatif. Celui-ci n’implique pas en principe les acteurs de la régulation
bancaire car il s’appuie sur des structures spécifiques telles le GABAC et les ANIF. Il s’appuie
par ailleurs sur un dispositif normatif autonome constamment renouvelé et qui est constitué
aujourd’hui principalement par le Règlement CEMAC du 11 avril 2016 portant prévention et
répression du blanchiment des capitaux dans la CEMAC. Pourtant la lutte efficace contre le
blanchiment des capitaux ne saurait se passer du système bancaire et de ses autorités de
régulation. Ceux-ci y jouent un rôle quasiment incontournable. C’est en cela qu’on peut
comprendre l’adoption par la COBAC d’un règlement en matière de blanchiment des capitaux.
Il s’agit du Règlement du 1er avril 2005 relatif aux diligences des établissements de crédit en
matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Ce
Règlement impose un certain nombre de diligences aux assujettis dont le non-respect est assorti
de sanctions qui peuvent être prononcées par la COBAC.

Comme on peut le constater, la nouvelle législation communautaire relative au


blanchiment des capitaux et au financement du terrorisme brille à la fois par son réalisme et son
extrême sévérité. En effet, le nouveau législateur CEMAC a cherché à travers le nouveau
dispositif commun de canaliser afin de mieux les contrôler, toutes les sources de financement
en direction de l’espace économique de l’Afrique centrale. C’est la raison pour laquelle il a
accéléré ces dernières années la mise en place de mécanismes juridiques modernes et les
techniques et mécanismes viables de contrôle des sources des investissements publics et privés
dans les pays membres. Comme on le relevait plus haut, la réforme bancaire menée sous les
auspices de la Banque centrale, l’institutionnalisation de la Commission bancaire, l’adoption
d’un nouveau dispositif prudentiel en faveur des établissements de crédit et la mise en place
d’un cadre juridique régissant les institutions de micro crédit sont autant de mesures qui
permettront de faciliter la lutte contre la criminalité financière.

67
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

Cependant, une question subsiste quant à l’efficacité des mesures législatives récentes
adoptées par les autorités communautaires, relativement à l’effectivité des politiques mises en
place. En effet, quelle efficacité accorder à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme dans des pays souffrant encore d’un grave déficit démocratique ? En
effet, la question de la légitimité des autorités de lutte contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme est aujourd’hui intimement liée à celle des personnes qui en sont
chargées. Les pratiques politiques étatiques et la politisation des activités économiques
nationales généralisée ayant court dans les pays membres de la sous-région amènent à douter
du succès des réformes actuellement engagées, malgré la modernité du dispositif juridique qui
le soutient.

68
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

CONCLUSION DU CHAPITRE II

L’élimination des barrières aux activités transnationales des prestations des services et
des établissements de crédit a été recherchée dans la CEMAC par le rapprochement des
législations bancaires des États membres et le principe de non-discrimination par le traité révisé.
Toutefois l’élimination des discriminations dépasse le simple cadre du traitement national
consacré par la Convention de l’UEAC et revêt aujourd’hui un traitement « communautaire »
aménagé par le Règlement n°01/00/CEMAC/UMAC/COBAC du 20 novembre 2000 à travers
la reconnaissance mutuelle des agréments. De même, la construction d’un véritable marché
unique en Afrique centrale suppose que les personnes employées par un établissement de crédit
situé dans un État même, indistinctement de leur nationalité, puissent sans entrave, être
détachées auprès d’un établissement secondaire ou agir en libre prestation de services dans
l’ensemble de la Communauté.

Toutefois, l’encadrement juridique des activités libéralisées révèle encore des


incertitudes qui semblent justifier la lenteur du processus de mise en œuvre de la régionalisation
des établissements de crédit dans la CEMAC.

69
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

De ce qui précède, il convient de noter que chacune des libertés communautaires


poursuit un objectif déterminé et les règles qui les régissent sont orientées à cet effet. Les règles
relatives à la libre circulation des personnes se justifient par le souci de garantir aux
ressortissants des États membres la faculté de circuler, de séjourner librement sur tout le
territoire communautaire. Celles régissant la libre circulation des biens ou des marchandises
visent la suppression des obstacles tarifaires et non tarifaires dans les échanges entre les États
membres. Celles portant sur la libre circulation des services tendent à garantir aux ressortissants
des États membres, la faculté d’accéder dans un autre Etat membre à une activité
professionnelle et de l’exercer dans les mêmes conditions que les nationaux de cet Etat. Enfin,
celles relatives à la libre circulation des capitaux visent à détruire les obstacles susceptibles
d’empêcher que les capitaux circulent librement dans l’espace communautaire de la CEMAC.
Au-delà de leurs spécificités, les règles relatives aux libertés de circulation des facteurs de
production sont complémentaires, pour la réalisation du marché commun au sein de la
communauté.

70
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

SECONDE PARTIE : UNE LIBRE CIRCULATION DES


FACTEURS DE PRODUCTION ÉPROUVÉE

71
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

Durant ces vingt-sept dernières années, la CEMAC a, tant bien que mal, densifié son
dispositif juridique et son panorama institutionnel afin de favoriser l'effectivité de la libre
circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux tout en les adaptant à la réalité
pratique en Afrique centrale. Seulement, si à ce jour le bilan est mitigé malgré l’effectivité du
passeport au sein de certains États de la sous-région et d'autres mécanismes en ce sens, c'est dû
à la prééminence de certains obstacles. Ces pesanteurs institutionnelles, sécuritaires voire
politico-économiques mettent à mal la volonté politique affichée par les six (06) 212 États de la
zone CEMAC. Ceci, n'exonère pas pour autant ces pays de la responsabilité de la lenteur du
processus d'intégration sous-régionale sous le prisme de la libre circulation des facteurs de
production.

En réalité, en Afrique centrale, l'on a toujours pensé que le processus d'intégration sous-
régionale ne se réduisait qu'à des entraves juridiques ou institutionnelles. Certes, sa réussite est
liée non seulement à la volonté des États mais également à la faculté de ces derniers à mettre
en œuvre des politiques communes. Ce qui suppose des institutions fortes tant à l'échelle
nationale qu'au niveau de l'organisation communautaire. Mais au-delà de ces mesures, il est
également important de replacer les populations au cœur du processus d'intégration car ce sont
elles les principales concernées par cette dynamique. Autant de défis qui s'imposent à ce jour à
la CEMAC. Quoiqu'il en soit, opérer un diagnostic de la libre circulation des facteurs de
production en zone CEMAC, consiste à étayer les causes de la prééminence des obstacles à
l'effectivité de l'intégration sous-régionale à la réalité pratique de l’Afrique centrale (Chapitre
I). Cette démarche permet d'envisager de manière efficace les perspectives d'évolution de la
libre circulation et les défis à relever (Chapitre II) afin de parvenir au mieux à une intégration
effective et harmonieuse.

Au demeurant, quelles sont ces pesanteurs qui entravent la mise en œuvre de la libre
circulation en zone CEMAC ? Comment expliquer leur quasi-immuabilité face à la volonté
politique brandie par les États ? Quels défis pour la CEMAC ? La seconde partie répond à ces
interrogations afin de permettre une meilleure perception des perspectives d'évolution de la
dynamique d'intégration sous-régionale en Afrique centrale.

212
Ces États de la sous-région sont constitués du Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée
équatoriale et le Tchad.

72
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

CHAPITRE I : LES PESANTEURS DE LA LIBRE CIRCULATION


EN ZONE CEMAC

L'Afrique centrale, et plus précisément la zone CEMAC est l'un des espaces
communautaires où il y a le moins d'échanges des facteurs de production 213. Or, les pays de
l'Afrique centrale sont de loin les précurseurs des initiatives d'intégration sous-régionale.
Aujourd'hui, après plus de cinquante (50) années d'expérimentation, le tissu économique de la
zone CEMAC est encore distendu. De même, il ressort que la mobilité des personnes et des
biens entre pays de la CEMAC reste faible malgré l'implémentation des mesures incitatives.
L'actualité récente nous en fournit quelques preuves notamment avec l'adoption du passeport
communautaire le 16 Mars 2010, et l'installation du parlement communautaire le 14 Avril 2010.

Cette déroute du processus d'intégration sous-régionale à travers la mise en œuvre de la


libre circulation semble porter les gènes de l'UDEAC, ceci, majoré à des éléments nouveaux et
inédits. Même s'il faut reconnaitre que la réévaluation des objectifs fixés par les États membres
de l'institution communautaire, du fait du passage d'une union douanière à une union
économique et monétaire, a créé son lot de complications. Ces nouveaux paramètres propres
aux structures étatiques, à la reconfiguration du contexte institutionnel et politico-économique,
ou à l'érection d'autres critères jadis négligés, ont tous contribué à restreindre l'effectivité des
mesures prises par les dirigeants de la CEMAC. Ce paradoxe révèle simplement que la volonté
politique, quand elle existe, peut être assujettie à des variables qui réduisent son champ
d'influence. Il ne se pose plus un problème de volonté politique défaillante mais bien une
question d'opportunité politique des décisions prises.

Quoiqu'il en soit, l'examen approfondi de la libre circulation des facteurs de production,


en zone CEMAC met en exergue plusieurs obstacles parmi lesquels nous avons les pesanteurs
institutionnelles et sécuritaires (Section I) et les pesanteurs politico-économiques (Section II)
qui entravent le processus amorcé depuis une vingtaine d'années.

213
Les échanges entre les pays membres dépassent à peine 3% à la faveur de l’Europe, de l’Asie et de l’Amérique.
De même la circulation des services et des capitaux est quasi inexistante. À ce jour, l’unification des deux bourses
régionales relèvera seulement cinq (05) entreprises cotées.

73
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

Section I : Les pesanteurs institutionnelles et sécuritaires

L’on a toujours pensé que la lenteur du processus d’intégration sous-régionale en


Afrique centrale ne se réduisait qu’à des entraves juridiques ou institutionnelles 214. Certes, la
réussite de l’intégration est tributaire de l’existence des textes suffisamment clairs, mais
également elle dépend de la volonté des États et de leur faculté à mettre en œuvre les politiques
communes. Ce qui suppose des institutions fortes tant à l’échelle nationale qu’au niveau de la
Communauté. Mais, au-delà de ces perspectives, il existe dans la CEMAC une multitude
d’entraves parmi lesquelles nous avons les obstacles institutionnels (Paragraphe I) et
sécuritaires (Paragraphe II) qui obstruent la marche vers l’intégration effective du marché
commun.

Paragraphe I : Les obstacles institutionnels


Les difficultés affectant la libre circulation au niveau de sa mise en œuvre en Afrique
Centrale se déclinent sur un double angle : les difficultés formelles (A) et les difficultés
matérielles (B).

A- Les difficultés formelles

En Afrique Centrale, la libre circulation des facteurs de production est encore plus une
illusion qu’une réalité. Elle reste enfermée dans le mythe en raison des conflits liés aux intérêts
nationaux. À la vérité, la libre circulation est en épave au sein de la CEMAC au même titre que
l’intégration économique elle-même. Dans la globalité, le droit communautaire de la libre
circulation souffre d’une carence en matière d’individualisation normative, de l’insuffisance
des garanties de sa primauté sur les droits nationaux et surtout constitutionnels, de
l’évanescence des conditions de l’application, de l’opposabilité et de l’invocabilité en droit
interne des règles du droit communautaire en matière de libre circulation ou encore de
l’inexistence de mécanisme de sanction des incompatibilités entre le droit de la CEMAC et les
droits internes. Il s’agit là d’autant d’éléments pathologiques qui, associés à l’extrême timidité
de l’engagement des pouvoirs publics nationaux et au rachitisme du pouvoir réglementaire des
organes compétents de la CEMAC, expliquent les difficultés formelles de l’intégration par la
libre circulation215.

214
SOMMO PENDE (A.), « L’intégration sous-régionale en CEMAC à l’épreuve de la liberté de circulation des
biens et des personnes », Thèse de master en Gouvernance et politiques, Université Catholique d’Afrique Centrale,
2010, p. 44.
215
Sur la question, on peut se référer avec un grand profit à MOUELLE KOMBI (N.), L’intégration régionale en
Afrique centrale : Entre interétatisme et supranationalisme, in HAKIM BEN (H.), BEKELO-EBE (Br.),

74
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

En ce qui concerne la libéralisation des mouvements des capitaux, elle a été très tôt
consacrée par la Convention l’UMAC216. Elle a été réitérée par le règlement
n°01/00/CEMAC/UMAC/CM du 29 avril 2000 portant règlementation des changes dans les
États membres de ma CEMAC. L’article 70 de ce règlement précise que « les mouvements des
capitaux à l’intérieur de la CEMAC sont libre».

Toutefois, malgré les dispositions pertinentes de la règlementation des changes, la levée


des restrictions aux paiements courants et aux engagements souscrits par les États dans le cadre
de la zone Franc se fait à double vitesse d’un État membre à un autre. Elle est restée inappliquée
en Guinée équatoriale où il est exigé une autorisation administrative pour transférer des fonds
dans la zone Franc. Par ailleurs, certaines autorisations administratives préalables sont encore
exigées aux particuliers et entreprises pour certains transferts au titre du compte courant au-delà
d’un certain seuil. Ainsi, au niveau des aéroports notamment, la police et la douane opèrent des
saisies des billets de banque lorsque le montant est supérieur à cent mille (100.000) francs CFA
et ce, semble-t-il, en application d’une décision ministérielle applicable à tous les passagers y
compris ceux se rendant dans un Etat membre de la zone Franc, à laquelle tous les États de la
CEMAC font également parties217.

En dehors de la Guinée équatoriale, le second pays de la CEMAC qui restreint les


mouvements de capitaux dans la Communauté est le Tchad. En effet, il n’existe pas des
restrictions pour le transfert des fonds vers le Tchad. En revanche, pour transférer une somme
de plus de cinq cent mille (500.000) francs CFA hors du Tchad, une autorisation du ministre
des finances est nécessaire. De même, à l’exception de certains hôtels, les cartes bancaires ne
sont pas acceptées dans ce pays218.

Au sein de la CEMAC, le micro-nationalisme est encore fortement au rendez-vous.


Sinon comment expliquer l’expulsion massive des Camerounais dans de nombreux pays de la
CEMAC ?, sur ce point, on a en triste mémoire qu’en 2005, près de 8.000 Camerounais ont été
expulsés du Gabon sous prétexte qu’ils étaient en situation irrégulière, c’est-à-dire sans papier,
disent les autorités Gabonaises. En février 2010, certains Camerounais ont été expulsés du

TOUNA (M.) (dir), L’intégration régionale en Afrique centrale : Bilan et perspectives, KARTHALA, 2003, pp.
2018 et ss ; lire aussi KEMFOUEDIO BIPELÉ (J.), Thèse précitée, pp. 246 et ss.
216
Voir. Art 5 al. (c) de la Convention de l’UMAC.
217
Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale, Conseil Extraordinaire des ministres, « La non
application des textes communautaires », Malabo, juin 2005, p. 22.
218
Source : http://www.cefod.com. (Consulté en juin 2021)

75
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

Gabon sous prétexte qu’ils étaient en situation irrégulière 219, en plus, de nombreux Camerounais
ont été refoulés en 2011 au niveau des frontières Gabonaises 220alors qu’ils étaient détenteurs
non seulement du passeport CEMAC mais aussi du visa221 et des reçus de paiement des droits
de franchise au niveau des frontières bien que ces deux dernières pièces soient
communautairement illégales222. En plus, on a en triste souvenir qu’en 2004, les Camerounais
ont été expulsés de Bangui en RCA pour velléité de déstabilisation ; en 2005, les Camerounais
ont été brutalement refoulés de Malabo sous prétexte de la découverte d’un complot contre le
président Théodoro Obiang Nguema ; en fin novembre-début décembre 2007, les Camerounais
ont été expulsés de Malabo sous prétexte qu’ils ont contribué au braquage dans une banque de
la place ; en fin mai 2008, contre toute attente encore, les Camerounais ont été expulsés de la
Guinée équatoriale223 ; en septembre 2009 et en février 2010, les Camerounais une fois de plus
ont été refoulés de la guinée équatoriale224 ; il en est de même en 2011, 2012, 2013, et 2014. Ce
tableau sombre a continué en 2015 car, le 27 juin, alors que tous les espoirs sont fondés sur la
libre circulation des personnes comme vecteur de l’intégration, les Camerounais et les
Centrafricains ont été expulsés du Tchad, arguments tirés de ce qu’ils étaient en situation
irrégulière et auraient contribué aux attentats de N’Djamena 225. En réplique, près de 47
Tchadiens ont été expulsés du Cameroun le lendemain, c’est-à-dire le 28 juin 2015226.

Voilà quelques éléments accablants qui maintiennent dans le champ pratique le droit
communautaire de la libre circulation des personnes dans la torpeur. Ce qui est davantage
gênant et inquiétant pour l’intégration sous-régionale, c’est que ces expulsions se font souvent

219
BOUNGOU (F.), « Camerounais bloqués au Gabon, le gouvernement s’explique », journal le messager n°
3042 du 19 février 2010, p.8.
220
Ibid.
221
Il faut relever, pour le déplorer, le fait qu’au sein de la CEMAC, pendant longtemps, les États continuaient de
soumettre anormalement les détenteurs du passeport CEMAC à l’obtention du visa dont le cout était très élevé et
variait en fonction des pays. À titre illustratif, il fallait débourser près de 35.000 francs CFA pour l’obtention d’un
visa pour la Guinée équatoriale ; près de 51.000 francs CFA pour l’obtention du visa pour le Gabon et au Cameroun
c’est quitté de 75.000 francs à 110.000 francs CFA le 1 er juillet 2021. En plus, l’obtention de la carte de séjour
nécessitait, pour les ressortissants des États membres, de nombreuses sommes d’argent. Au Cameroun, par
exemple, il fallait débourser près de 120.000 francs CFA pour l’obtention d’une carte de séjour biennale. Au
Gabon, il fallait près de 496.000 francs CFA pour obtenir une carte de séjour annuelle et près de 100.000 francs
CFA pour la renouveler chaque année.
222
Rappelons que, au sein de la CEMAC, la libre circulation consacrée n’était pas seulement, lors de la pratique,
soumise à la présentation du passeport. Il fallait, à côté de cette pièce, produire un visa délivré par les services
diplomatiques compétents et s’acquitter des frais de franchise des frontières qui constituaient une forme de laissez-
passer. À tout cela, il fallait associer les tracasseries accompagnées d’une forme d’escroqueries ou de corruption
de la part des agents de police ou de gendarmerie chargés de la surveillance des frontières. Cette situation
désagréable et fortement critiquée se passait dans la quasi-totalité des frontières des États membres de la CEMAC.
223
Cf. Journal Le jour du 30 juin 2008.
224
Cf. Site internet : http : //www.africapresse.com, (consulté en juin 2021).
225
Sources : http://news.africahotnews , (consulté en juin 2021).
226
Sources : http://news.africahotnews , précité.

76
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

dans des conditions de non-respect des droits de l’homme puisque les expulsés sont
régulièrement violentés et dépouillés de leurs biens. En plus, certaines de ces expulsions se
passent parfois le lendemain des sommets des chefs d’Etat de la CEMAC 227. De là à conclure
que le droit n’est pas encore ancré dans les mœurs des hommes politiques et des citoyens de
l’Afrique centrale qui n’ont de cesse de développer le culte de xénophobie. À ces difficultés
politiques s’ajoutent les difficultés matérielles.

B- Les difficultés matérielles

Il est admis avec constance que les projets d’intégration émanent de la volonté politique
qui est le propre de la pensée humaine. Mais, une fois le rêve intégrationniste mis en marche,
sa réalisation nécessite d’importantes ressources matérielles ; c’est l’économie qu’il faut
coordonner : ce sont les routes qu’il faut construire ou raccorder, ce sont les inégalités de
développement qu’il faut éliminer, bref c’et le sous-développement qu’il faut effacer. Le constat
est là et claire : « la route qui mène à l’intégration est loin d’être plane »228. Au sein de la
CEMAC, ce constat amer est vérifiable en ce qui concerne le droit communautaire de la libre
circulation des facteurs de production.

Le réseau de transport est un élément essentiel pour la facilitation de la libre circulation


des facteurs. Constitué du transport routier 229, du transport aérien 230, maritime ou fluvial231et

227
Voir. JIOFACK KITIO (G.), Les difficultés d’intégration sous-régionale en Afrique centrale : le cas de
l’UDEAC/ CEMAC, op. cit., pp. 29 et ss.
228
MOUANGUE KABILA (J.) et DONFACK SOKENG, « La CEMAC : À la recherche d’une nouvelle
dynamique de l’intégration en Afrique Centrale », AADI, Vol.6, 1998, p. 102.
229
S’agissant du réseau de communication routière, relevons que bien qu’étant plus dense que le réseau ferroviaire,
il n’est pas particulièrement satisfaisant. Le réseau routier en Afrique centrale, tel qu’il se présente aujourd’hui,
n’augure pas des lendemains meilleurs en matière de libre circulation des facteurs de production et d’intégration
sous-régionale. Il se caractérise par la rareté des routes bitumées, le mauvais état des routes et la faiblesse de la
quantité au regard de la densité de la sous-région. C’est donc un véritable parcours du combattant surtout en saison
des pluies que sont soumis les habitants de la sous-région en partance pour le Gabon, la Guinée équatoriale, le
Tchad, la RCA, le Congo ou le Cameroun. Le peu de routes existantes est ainsi sans interconnexion avec d’autres
localités de la sous-région. Dans les États membres de la CEMAC, on ne retrouve ni le schéma routier en étoiles
comme en France, ni le quadrillage des territoires comme en Belgique ou en Allemagne, ni les grands axes à
l’Américaine. De nombreuses localités en Afrique centrale sont donc enclavées et ne disposent de contact entre
elles que des pistes de mauvaise qualité.
230
Sur le plan aérien, l’Afrique centrale est fortement handicapée par de nombreuses difficultés car les compagnies
nationales aériennes ne parviennent pas souvent à contenir le flux des voyageurs en partance ou à destination de
la zone CEMAC. Ce moyen de communication présente de nombreuses faiblesses dues à l’insuffisance des avions
susceptibles de faire les déplacements. Outre cela, la majorité des aviations présente un état de vétusté regrettable,
associé à l’état de dégradation avancée des aéroports. Ces difficultés ont été aggravées en juin 2008 avec le retrait
de SN Brussels, partenaire annoncé de « Air CEMAC ». Cette situation est devenue plus grave en 2015 car, lors
de la 12e session ordinaire de la Conférence des chefs d’État de la CEMAC, et au regard des difficultés de
démarrage de la compagnie communautaire « Aire CEMAC », les chefs d’État, de gouvernement et de délégation
ont décidé de renoncer à ce projet.
231
En ce qui concerne les infrastructures portuaires, elles sont le meilleur indice du développement extraverti des
économies de la sous-région. La voie fluviale est soumise aux aléas des variations de saison, lesquelles ont aussi
une influence néfaste sur la viabilité du réseau routier, notamment en saison des pluies. Les villes portuaires de la

77
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

des voies ferrées 232, le réseau de transport de la CEMAC est médiocre et sa modernisation ne
fait pas l’objet d’une politique communautaire harmonisée.

En ce qui concerne le transport routier, il est le principal moyen de communication dans


la sous-région et ce d'autant plus qu'il demeure le mode de déplacement le plus dominant en
Afrique aussi bien à l'intérieur de chaque pays, qu'à l'intérieur des espaces intégrés. De plus, il
est accessible à toutes les catégories sociales. Dans l'espace CEMAC, trois pays sur six n'ont
d'autres infrastructures terrestres de transport que les routes. Le Tchad et la RCA ne sont
accessibles que par route terrestre (exception faite du transport aérien). Le transport routier
constitue alors le moyen de communication le plus approprié et le mieux intégrateur233. La
quasi-totalité du réseau routier de la CEMAC n'est pas en bon état. « Il n'existe pas à l'heure
actuelle de couple de pays, au sein de la CEMAC, dont les capitales sont reliées par une route
bitumée même si de nombreux projets allant dans ce sens existent. Ainsi, il faut encore entre 7
et 10 jours pour aller de Douala à Bangui (1450 km), avec près d'une vingtaine de points de
contrôle de divers services administratifs (police, gendarmerie, eaux et forêts, douanes,
municipalités) »234. Or déjà même, les réseaux de communication mis en place n’étaient pas
adaptés aux besoins de développement des pays africains en général et des pays membres de la
CEMAC en particulier puisqu’ils étaient conçus dans l’optique de servir d’abord et surtout la
métropole. Dans cette logique, leur construction a été faite de manière à ce qu’aucun
raccordement ne soit possible. On comprend alors pourquoi la libre circulation en Afrique
centrale reste et demeure un idéal à atteindre difficilement.

sous-région Afrique centrale sont cependant reliées entre elles par l’Atlantique, mais le trafic maritime s’effectue
plutôt de chacune de ces villes vers l’Europe. Ici, on retrouve donc l’un des aspects de l’extraversion qui caractérise
également les infrastructures de communication en Afrique. Cette situation constitue une difficulté considérable à
la libre circulation des biens et des personnes entreprise au sein de la CEMAC.
232
Sur le plan de la faiblesse des infrastructures ferroviaires, mentionnons qu’elles ne permettent pas dans la sous-
région de relier un pays à un autre et ne sont d’ailleurs présentes que dans trois pays, à savoir le Cameroun avec
1.115kilomèttres, le Gabon avec 650 kilomètres et le Congo avec 795 kilomètres, soit au total 2.560 kilomètres.
Les chemins de fer transcamerounais, transgabonais et Congo-océan sont plus au service de l’extérieur que de la
sous-région. Bien que rendant d’inestimables services, ils ne répondent pas aux besoins d’intégration en Afrique
centrale. Tous ces réseaux, comme d’ailleurs c’est le cas de la majorité des réseaux africains, partent d’un port,
point d’appui pour se diriger vers l’intérieur où se trouve une mine ou une activité agricole importante. À l’étude
systématique des réseaux ferroviaires du Cameroun, du Congo et du Gabon, on reste sensible à deux choses : ces
différents réseaux ont conservé le caractère strictement national avec l’existence simultanée des voies normales et
voies métriques. En plus, l’écartement des rails varie d’un pays à un autre hypothéquant par là des éventuels
raccordements. Cette situation n’est pas ainsi favorable à la libre circulation des facteurs de production en Afrique
centrale.
233
KOULAKOUMOUNA (E.), « Transport routier et effectivité de l'intégration régionale dans l'espace CEMAC
: enjeux et contraintes pour le développement durable du Congo », Centre d'Etudes et de Recherche en Analyse et
Politiques Économiques (CERAPE), 2005, p.9.
234
NKOAF. (C.), « Le leadership économique du Cameroun en zone CEMAC : obstacle ou atout à l'intégration
régionale ?», in Enjeux, n°22, janvier-mars 2005, pp.20-26.

78
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

Dans l'ensemble, le constat est que les pays membres de la zone sont reliés par des axes
routiers en piteux état, ne pouvant permettre une circulation aisée des biens, des personnes, des
services et des capitaux. En ce qui concerne les chemins de fer, à l'intérieur de la CEMAC, les
voies ferrées ne sont pas interconnectées et répondent à des objectifs purement nationaux. Ainsi,
il n'existe pas de transnational à l'instar du Bamako-Dakar, qui favoriserait les échanges entre
deux axes de la CEMAC. Quant au transport aérien, il faut dire que les compagnies nationales
des pays de la CEMAC, quand elles fonctionnent, peinent à investir l'espace aérien international
et même sous-régional. Ces compagnies se contentent de desservir quelques agglomérations de
leur pays quand elles ne sont pas submergées par la concurrence ou par les dettes. 235

La libre circulation des facteurs de production en Afrique centrale, droit fondamentale


au service des autres droits, navigue entre ombres et lumières. Pour relever ce défi, il faut
accroitre la force des impératifs juridiques236, juridictionnels 237, socio-économiques238 et
s’appuyer sur une volonté et un enseignement politique fort de donner une expression réelle à
l’idéal d’une Afrique centrale des droits de l’homme où la libre circulation des facteurs de
production sera débarrassée de tous les goulots d’étranglement. C’est cette volonté et cet
engagement sans équivoque de tous, en termes de refonte des mentalités et des comportements,
qui permettront à ce droit fondamentale de se débarrasser de ses difficultés afin de ne plus être
un rêve cajolé mais une réalité vivante.

Paragraphe II : Les pesanteurs sécuritaires

L’insuffisance des efforts individuels dans la lutte contre l’instabilité sanitaire au sein
de la CEMAC et l’insécurité transfrontalière 239 est comblée par la prise des mesures collectives
par les États. Les États de la sous-région ont entrepris des actions communes pour, éradiquer
complètement dans le domaine sanitaire l’expansion de la pandémie du Covid-19 (A) et
l’insécurité transfrontalière (B).

235
DIDIER (S.), « pourquoi Air CEMAC ne volera pas », in Journal Le Monde, article publié le 16/06/05 à
10h49. (Consulté en juin 2021).
236
Les impératifs juridiques ici consistent à mettre en place un droit moderne, rationnel et adapté aux aspirations
de l’Afrique centrale, c’est-à-dire un droit qui, non seulement repose sur les réalités de l’Afrique centrale, mais
aussi prend en compte l’évolution de la société internationale.
237
Les impératifs juridictionnels ici consistent pour le juge communautaire et national de s’affirmer comme le
véritable gardien du droit communautaire et de sanctionner sans état d’âme tout cas de violation, soit d’office, soit
à la suite d’une plainte.
238
Les impératifs socio-économiques ici consistent à régler, d’une part le problème des infrastructures de
communication tant sur le plan quantitatif que qualitatif à telle enseigne qu’elles puissent relier facilement les
différents pays membres d’autre part, à trouver des solutions efficaces à l’épineux problème des inégalités de
développement. La solution à ce problème nécessite non seulement la volonté politique mais aussi de gros moyens
financiers.
239
Tel le Cameroun, la RCA et le Tchad.

79
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

A- Les difficultés sur le plan sanitaire : Conséquence du Covid-19

L’incertitude aura marqué de son empreinte l’année 2020. Celle-ci s’est caractérisée par
un choc sanitaire considérable. La crise sanitaire dans la sous-région a entrainé jusque-là un
peu plus de 5 millions de morts et pour limiter la propagation du Corona virus, les États de
l’Afrique Centrale ont mis en place des restrictions de circulation des personnes et des biens,
ainsi que l’arrêt de certaines activités économiques240.

L’Afrique n’est pas encore touchée avec une extrême sévérité par l’épidémie.
Cependant, il existe à ce stade, plusieurs motifs d’inquiétudes pour la santé des populations et
pour les conséquences économiques de ce choc majeur sur les économies de la sous-région. Sur
le plan sanitaire, l’OMS indique que le virus du Covid-19 peut se transmettre dans toutes les
régions, y compris les zones chaudes et humides comme le continent africain. Au 19 mars, selon
l’Organisation, plus de 600 cas étaient confirmés dans 34 pays d'Afrique contre 147 la semaine
précédente. Au 2 avril, le nombre de cas était multiplié par plus de 6, le Cameroun étant le plus
affecté, 66 cas au 24 mars. Probablement en Afrique plus qu’ailleurs, ce chiffrage de
contamination ne traduit que très imparfaitement la réalité virale, mais l’observation du cumul,
qui suggère que la courbe de l’Afrique évolue en parallèle avec celle de l’Union européenne,
est en soi un signal fort pour des actions publiques urgentes, pour un soutien sans délai de la
communauté internationale.

Ce constat sanitaire, inquiétant quant aux effets directs de la pandémie, s’ajoute à des
effets plus indirects à travers d’une part, la baisse d’activité dans la sous-région, et d’autre part,
par les tensions qui se sont récemment manifestées avec pour conséquence, une baisse brutale
du prix des hydrocarbures. Cette crise, qui affecte les équilibres internes et externes, fait suite
aux résultats plutôt encourageants qui ont caractérisé les années 2017-2019.

Dans cette conjoncture particulière où se conjugue la crise sanitaire, la chute des prix
du pétrole et la récession mondiale, les dépenses budgétaires sont à revoir dans leur niveau et
dans leur composition. Dans le choix de la dépense publique, la principale difficulté va être de
gérer les contradictions de la crise. Cette dernière peut être vue comme un choc d’offre exogène

240
Pour ce qui est du Cameroun, le Premier Ministre Joseph Dion Nguete a procédé à une réunion de crise au
palais mardi 18 mars 2020. À l’issu de cette réunion, les frontières terrestre, aériens et maritime du Cameroun
furent fermées. Ainsi tous les vols passagers en provenance de l’étrangers sont suspendus à l’exception des vols
cargos et des navires transportant les marchandises de première nécessité tant dans des domaines de consommation
que sanitaire. Par la suite, le Gabon a également fermé ses frontières le 30 mars 2020 par MORVAN Jacques. La
Guinée a suivi le pas et a également fermé ses frontières le 02 avril 2020. La Centrafrique le 08 avril 2020.Le 15
avril 2020, le Tchad a fermé ses frontières par le décret n°577 PR/2020 portant fermeture de ses frontières et le
Congo le 22 mai 2020 par l’arrêté n°5670/2020.

80
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

(coronavirus) de nature à susciter un choc de demande locale temporaire. Elle peut être aussi
analysée comme un choc temporaire sur lequel se greffe un choc pétrolier en partie permanent
auquel il faudra donc s’ajuster. Les arbitrages dans la dépense publique doivent aider au soutien
de l’activité intérieure, protéger les populations les plus fragiles. Les filets de protection sociale
répondent à cette attente. Les systèmes de santé de la sous-région risquent d’être submergés par
une propagation rapide de la maladie. Beaucoup de pays africains et particulièrement les pays
de la zone CEMAC manquent de médecins (0,2 pour 1000), de lits d’hôpitaux (1,8 pour 1 000)
et des infrastructures sanitaires nécessaires pour lutter efficacement contre la pandémie. Les six
pays de l’Afrique centrale, en particulier, peuvent être confrontés à un risque très élevé de
mortalité due à la COVID-19 en raison d’un manque de lits d’hôpitaux (moins de 2 pour 1000)
et de taux élevés de décès dus à des maladies infectieuses et respiratoires (3 à 8 décès pour 1
000). La pandémie alourdissant le fardeau qui pèse sur des systèmes de santé déjà fragiles en
Afrique, il est crucial de veiller à ce que les services de santé existants soient protégés, et non
pas seulement réorientés, pour la lutte contre la COVID-19.

Un accès limité aux fournitures et équipements requis pour lutter contre la COVID-19,
tels que les trousses de dépistage, les équipements de protection individuelle, les respirateurs et
les produits pharmaceutiques, peut mettre à mal les systèmes de santé. Les perturbations
affectant les chaînes d’approvisionnement mondiales et les droits à l’importation sont des
menaces, sachant que la plupart des pays africains dépendent des pays étrangers pour la plus
grande partie (94 %) de leurs besoins pharmaceutiques241. Au 24 avril, 80 pays avaient imposé
des restrictions à l’exportation de fournitures et d’équipements médicaux indispensables pour
lutter contre la COVID-19 (respirateurs et équipements de protection individuelle)242. Des
efforts sont faits pour convertir des installations de production existantes en vue de produire les
équipements essentiels. Il est capital d’entretenir les capacités de production africaines de sorte
que toute innovation réalisée pendant la pandémie continue d’exister après et serve à préparer
l’avenir ainsi qu’à diversifier et développer l’activité économique.

L’instabilité bien que observé au niveau sanitaire occasionné par le Covid-19 au sein de
la CEMAC constitue une préoccupation majeure pour la sous-région. Cependant en plus de ce
dernier, nous pouvons trouver celle liée à l’insécurité.

241
CEA 2020. COVID-19 in Africa - Protecting Lives and Économies.
242
https://www.weforum.org/agenda/2020/04/wto-report-80-countries-limiting-exports-medical-supplies/.

81
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

B- Les instabilités sécuritaires et simplification des échanges économiques en


zone CEMAC

Depuis le début de la décennie 90, les pays de la CEMAC sont affectés par des conflits
civils récurrents. De nouvelles formes de conflictualités qui n'opposent plus les États entre eux,
mais les États à des groupuscules, rebellions ou objets politiques non identifiés. Cette tragique
réalité affaiblit considérablement les institutions des pays, fragilise fortement les économies et
neutralise bien souvent les efforts de développement. En cause, une lutte effrénée pour la
conquête du pouvoir, source des rivalités politiques électorales, qui se mue en affrontements
meurtriers et paralysants, à l'instar des mouvements de rebelles au Congo (de 1990 à 2000), au
Tchad et en RCA. Ceci contribue à créer une atmosphère d'insécurité en Afrique centrale. Bien
plus, ces conflits font intervenir d'autres entités totalement étrangères à la raison principale du
conflit. C'est notamment le cas des milices du Soudan dans le conflit tchadien et réciproquement
dans la zone du Darfour, les milices de la RDC dans les conflits du Congo, et récemment de la
RCA. Encore plus inquiétants, les États voisins, quand ils ne sont pas en conflits (RDC, Soudan,
Nigéria, Cameroun, Angola...) sont de véritables bases de retranchement aux frontières. Il est
donc logique que les échanges soient réduits.

Des régions entières du continent se présentent aujourd'hui sous la forme de continuums


conflictuels transatlantiques... La région frontalière entre le Tchad et la Centrafrique est une
zone d'affrontements entre des forces se réclamant des armées nationales ou des rébellions 243.

En outre, la criminalité transfrontalière constitue également une source importante


d'instabilité sécuritaire. Notamment le phénomène des « coupeurs de routes » qui se traduit par
une attaque de convoi de véhicules et des populations par des bandits armés. Ce phénomène est
courant au Cameroun, au Tchad et en RCA, et présente des risques d'expansion dans les autres
pays de la, communauté. Les coupeurs de routes, encore appelés « Zarguinas », rançonnent les
transporteurs, les commerçants, les voyageurs et paysans. Il arrive souvent que ces attaques se
soldent par des pertes en vies humaines et des dégâts matériels importants. Ce phénomène
occasionne parfois la fermeture de certains axes routiers, ce qui plonge les populations dans
l'isolement. En second lieu, l'on assiste à la multiplication des attaques rapides de groupes armés
encore non identifiés. Ceux-ci se sont spécialisés en braquage, enlèvements, prise en otages et
rançonnages des commerçants (marchands de troupeaux de vaches) et de pêcheurs de haute
mer. Ces brigands mercenaires sévissent dans le golfe de guinée, et certains observateurs les

243
CHOUALA (Y-A.), « Puissance, résolution des conflits et sécurité collective à l'ère de l'Union
africaine. Théorie et pratique », in AFRI 2005, volume VI. P, 300.

82
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

lient au conflit qui touche le Delta du Niger. Le Cameroun, la Guinée équatoriale et le Gabon
en sont des victimes récurrentes.

Section II : Les pesanteurs politico-économiques

Pour réussir, les initiatives d’intégration régionale doivent s’accompagner d’une gestion
publique de qualité et des mesures d’application au niveau national. Sans une volonté ferme de
mise en œuvre au niveau nationale, il ne peut guère y avoir de progrès au niveau sous-régional.
Ne rien faire, ou ne pas faire assez, pour exécuter au niveau national les programmes convenus
peut sérieusement compromettre la réalisation du marché commun244. C’est pourquoi on note
encore aujourd’hui l’ineffectivité des mesures d’accompagnement au niveau politique
(Paragraphe I) de même que persistent les obstacles économiques (Paragraphe II).

Paragraphe I : Les obstacles politiques

Depuis la naissance de l'UDEAC jusqu'à ce jour, les États membres ont opéré des choix,
par laxisme ou par ignorance, qui ont entrainé cet état de fait. Ainsi, la faisabilité politique des
réformes en CEMAC est fortement édulcorée car toutes les conditions n'ont pas été réunies.
C’est la raison pour laquelle les États membres de l'institution sous-régionale font preuve d'un
déficit de bonne gouvernance à travers l’initiative des reformes sans résultat probante (A) et la
persistance de corruption généralisée (B) d'où l’incapacité à mettre en place des économies
complémentaires afin d'affronter sereinement les défis de la mondialisation.

A- L’initiation des reformes sans résultat probants

Depuis 1994, la CEMAC a profondément réformé ses institutions, ses organes et son
fonctionnement pour redynamiser le processus d'intégration sous-régionale. Ces réformes
visant la densification du panorama institutionnel, à travers le réaménagement des organes de
base ou la création des institutions spécialisées, en faveur de la libre circulation des biens et des
personnes n'ont pas produits les effets escomptés à ce jour.

En réalité, aussi bien le comité ministériel (UMAC), le conseil des ministres (UEAC)
que la Commission qui a remplacé le secrétariat exécutif, n'ont aucun pouvoir réel d'injonction
et restent assujettis à l'autorité et aux désidératas de la Conférence des chefs d'Etat. Ils ne se
limitent qu'à mettre en œuvre des décisions prises et dans une moindre mesure, à proposer des
pistes d'orientation des activités de la CEMAC. Pourtant, leur proximité et leur haute technicité,

Commission Économique pour l’Afrique, Bureau sous-régional pour l’Afrique centrale, 6e session du comité du
244

commerce, de la coopération et de l’intégration régionale, « prise en compte de l’intégration au niveau nationale »,


Addis-Abeba, 13-15 octobre 2009, p.1.

83
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

même présumée, les place au cœur des enjeux de la dynamique d'intégration sous-régionale.
C'est par eux que peuvent survenir, les mécanismes intégrateurs probants. Encore faut-il qu'ils
aient les moyens de les réaliser. C'est le cas de la taxe communautaire d’intégration (TCI)245
dont, à regarder de plus près, le financement permet principalement le traitement des frais de
fonctionnement des institutions de la CEMAC et la compensation des pertes douanières à
travers le FODEC.

Selon le calcul de la valeur réelle du TCI246 destiné au financement des projets


intégrateurs, monsieur SOMMO PENDE Achille montre l'impact réel du FODEC dans
l'implémentation des projets intégrateurs. Le constat fait est que l’on ne peut aboutir à une libre
circulation effective avec un budget propre de moins de 7 milliards de FCFA par an lorsque la
seule construction d'un réseau routier communautaire nécessite déjà 1272 milliards de FCFA,
Ceci ajouté au fait que les arriérés de contribution des États membres sont souvent
considérables.

« En plus du manque ou du retard dans l'application des décisions, s'ajoutent la


multitude d'accords auxquels font face les pays. On pourrait prioritairement citer la
coexistence de la CEEAC qui se veut non seulement plus large et plus englobant dans la grande
Afrique centrale, mais qui n'est pas très différente de la CEMAC vu ses missions, ses institutions
et ses projets. La CEEAC ne viendra redynamiser le processus d'intégration en Afrique centrale
que s'il n'existe pas de conflits d'objectifs ou de projets »247.

En réalité, l'effectivité de la libre circulation aurait été plus probante si d'autres organes
avaient été plus dynamiques. Tandis que la COBAC ne se limite qu'à exercer une fonction
d'assainissement et ne contribue pas à accroitre l'accessibilité et les services des banques, la
BEAC et la BDEAC sont en proie à des scandales de malversation et de mauvaise gestion. À
ceci, la corruption qui gangrène l'administration publique n'a contribué qu'à pérenniser les tares
de la libre circulation en zone CEMAC.

B- Le contexte de corruption généralisée

La corruption est l'un des phénomènes socioculturels observés dans la plupart des
administrations publiques (police, impôts, santé, douane, transport, etc.), mais aussi privées des

245
SOMMO PENDE (A.), L’intégration sous-régionale en CEMAC à l’épreuve de la liberté de circulation des
biens et des personnes, Mémoire Master 2, Université Catholique d’Afrique Centrale, 2010, p.97.
246
Cf. Cadré 5 : calcul de la valeur réelle du TCI destiné au financement des projets intégrateurs, SOMMO
PENDE (A.), Mémoire Master 2 précité, pp. 99-100.
247
MIGNAMISSI (M.D.), Réformes macroéconomiques et intégration par le marché dans la CEMAC, Université
Yaoundé II, in http://www.mémoireonline.com, p. 46.

84
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

pays du continent. Elle a pris de l'ampleur dans la sous-région avec la montée de la pauvreté et
la clochardisation du personnel administratif à la suite de l'implémentation des Programmes
d'Ajustement Structurels (PAS) et la dévaluation économique du milieu des années 1990. La
corruption a eu pour conséquences, de réduire les ressources des États, d'amoindrir les revenus
des populations et surtout, de nuire aux climats des affaires et donc, de la libre circulation des
facteurs de production de richesses.

Ce phénomène qui gangrène pratiquement toute l'Afrique, a plus d'ampleur en zone


CEMAC, dont les pays membres partagent les dernières places du classement de l'Indice de
Perception de la Corruption avec les pays en perpétuel conflictualité 248. Comme en témoigne
le Baromètre mondial de la corruption 2009 publié par Transparency International en juin
dernier. Selon cette enquête réalisée dans 69 pays auprès de plus de 73.000 personnes, dans le
classement africain, le Gabon occupe la 14 e place (97e mondial), mais arrive tout de même en
tête du tableau pour la sous-région d'Afrique centrale. Viennent ensuite le Cameroun (32e
africain)249, la République centrafricaine (34 e africain), le Congo (38e africain), la RDC (43e
africain), la Guinée équatoriale (44e africain) et le Tchad (45e africain) juste devant la Guinée
Conakry250. Avec 48 pays examinés sur le continent, le classement est peu glorieux pour
l'Afrique centrale.

Nous avons pu observer, cette corruption lors de notre phase d'enquête à Bitam, chef-
lieu du département du Ntem située au nord du Gabon dans la province du woleu-Ntem, à une
trentaine de kilomètres de la frontière Camerounaise et non loin de la Guinée équatoriale. En
effet, ayant fait le voyage au départ avec un ressortissant gabonais et des commerçants des
produits agricoles dans une agence de transport inter urbain, nous avons remarqué que ces
derniers étaient soumis à des pratiques de corruption à chaque poste de contrôle de la police ou
de la gendarmerie. Même les postes douaniers exigeaient « leur billet » (2000 francs CFA en
général) de la part des citoyens gabonais qui étaient pourtant en règle avec des visas dûment
établis. Ces tracasseries rencontrées, à la dizaine des postes de contrôles (barrières non
tarifaires, BNT) sur à peine 30 km de routes ont considérablement retardé notre arrivée et ont
contribué à augmenter le ressentiment des passagers « étrangers » et des commerçants de la
CEMAC.

248
Indice publié chaque année dans un rapport nommé « baromètre mondiale de la corruption » par l’ONG
Transparency International sur des avis recueillis auprès des populations.
249
Après avoir été classé 1er mondial en 1998 et en 1999, au Cameroun cette enquête révèle que plus de 50% des
sondés affirment avoir versé un bakchich sur les douze mois écoulés.
250
Source : http://www.gaboneco.com/show article.php ? IDActu=15579, (Consulté le 27 juin 2021).

85
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

Quoique, les commerçants ou les camerounais qui se rendaient au Gabon ou en Guinée


équatoriale, nous ont assuré que les BNT sont certainement moins nombreux dans ces pays,
mais ils étaient nettement plus couteux, avec des bakchichs (ou « enregistrements » là-bas) d'au
moins 5 000 à 7000 francs CFA pour les simples citoyens, et 20 000 à 30 000 francs CFA pour
les commerçants. Aussi, si l'on constate que les produits CEMAC sont plus chers au Gabon ou
en Guinée équatoriale, ce n'est pas simplement dû au pouvoir d'achat ou à l'indice de parité prix,
c'est également parce que le coût d'acheminement des biens périssables est élevé.

Cette généralisation des pratiques de la corruption tant aux zones frontalières qu'à
l'intérieur des pays de la CEMAC, nuit gravement à l'effectivité de la libre circulation des
facteurs de production en zone CEMAC.

Paragraphe II : Les obstacles économiques

Les institutions nationales faibles représentent un sérieux obstacle à une coopération et


à une intégration efficaces 251. En plus, il faut que l’environnement direct et la conjoncture
socioéconomique soient propices à la mise en œuvre des projets fédérateurs. L’absence d’une
coopération économique profonde au cours des trente années d’existence de l’UDEAC a
fortement défavorisé les pays membres par rapport au contexte de mondialisation et a fortement
relancé le débat sur la mise en place d’un nouveau cadre institutionnel pour renforcer
l’intégration économique et financière. La CEMAC qui s’est substituée à l’UDEAC semble
hériter de certaines tares de cette dernière. L’état de délabrement économique dans lequel se
trouve la sous-région Afrique centrale ne va pas sans fragiliser l’intégration financière des États
membres. Les disparités au niveau de développement (A) d’un pays à un autre et la non
diversification des économies (B) continuent à freiner l’intégration bancaire de la CEMAC.

A- Les disparités au niveau de développement dans la CEMAC

Le développement économique de la CEMAC se fait à plusieurs vitesses d'un État à un


autre. Certes, la mobilité des établissements de crédit dans la sous-région devrait concourir à
juguler les disparités de développement, mais c'est d'abord le niveau de développement d'un
État, notamment l'importance de son marché intérieur qui attire les investisseurs et donc les

251
Commission Économique pour l’Afrique, Bureau sous-régional pour l’Afrique centrale, 6e session du Comité
du commerce, de la coopération et de l’intégration régionale, « Prise en compte de l’intégration au niveau
national », précité, p.3.

86
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

promoteurs des établissements de crédit252. On peut donc logiquement comprendre que les États
qui disposent de grandes entreprises et d’une population abondante suscitant la convoitise des
investisseurs, qu'ils soient des ressortissants communautaires ou des étrangers. Ainsi, le
Cameroun se distingue comme la plus grande économie de la sous-région avec un PIB253 US$
18 milliards, soit 34,8 % du PIB Global de la CEMAC (US$ 51,7 milliards). Par contre, le PIB
par habitant est plus élevé en Guinée équatoriale (US$ 13105, 9), premier exportateur de pétrole
de la sous-région, suivi du Gabon (US$ 6240,4), du Congo (US$ 2140,4), et du Cameroun (US$
1020,8). Le Tchad et la République centrafricaine dans les économies sont relativement moins
développées ont un PIB par habitant de US$ 776,9 et US$ 372,8 respectivement et sont classés
parmi les pays les moins avancés suivant la nomenclature établie par les Nations-Unies254.

La différence de niveau de développement des États membres est susceptible d'agir sur
l'intégration bancaire au moins de deux manières.

D'abord, elle entraîne de l'inégale répartition des établissements de crédit et leur poids
varie fortement d'un État membre à un autre. En 2006, sur un total de 36 établissements
bancaires en activité, 12 se trouvent au Cameroun, 6 au Gabon, 7 au Tchad, 4 au Congo, 4 en
Guinée équatoriale et 3 en République centrafricaine255. On constate alors que sur un total de
36 établissements, près d'un tiers se trouvent au Cameroun, et 3 autres au pays de la sous-région
détiennent la moitié du nombre des établissements bancaires 256. Voir tableau ci-après :

Pays Établissements bancaires

- Afriland First Bank (First Bank)

- Amity Bank Cameroon PLC (Amity Bank)

- Banque Internationale du Cameroun pour l’épargne


et le crédit (BICEC)

252
La présence de grandes entreprises dans un pays et le chiffre de sa population sont des facteurs déterminants de
l’implantation des établissements de crédit. Pourtant la CEMAC est marquée par la prédominance de petites et
moyennes entreprises (PME) et de petites et moyennes industries (PMI). Celle-ci représente environ 65% du tissu
industriel de la zone. Voir en ce sens MBOUOMBOUO NDAM (J.), op. cit., p.38.
253
Produit Intérieur Brut.
254
Banque Africaine de développement, « Intégration du secteur financier dans trois régions d’Afrique : comment
l’intégration financière régionale peut soutenir la croissance, le développement et la réduction de la pauvreté »,
Rapport d’activités, SILDAR, 2010, p. 104.
255
Au 31 décembre 2008, le système bancaire de la CEMAC compte 38 établissements bancaires en activités
répartis comme suit : Cameroun (12), Centrafrique (03), Congo (05), Gabon (07), Guinée équatoriale (04), et
Tchad (07). Commission Bancaire de l’Afrique centrale, Rapport annuel 2006, in Bulletin officiel de la COBAC,
http://www.beac.int. Cependant, par souci de cohérence entre les données, nous préférons travailler avec les
statistiques publiées par la COBAC au 31 décembre 2006.
256
Gabon, Tchad et Congo.

87
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

- Citibank N.A Cameroon (Citibank)

-Commercial Bank of Cameroon (CBC)

Cameroun -Crédit lyonnais Cameroun (CLC)

(12) - Ecobank Cameroun (Ecobank)

- National financial crédit Bank (NFC Bank)

- Société Générale des Banques du Cameroun(SGBC)

-Standard Chartered Bank Cameroon (SCBC)

-Union Bank of Cameroun PLC (UBC PLC)

-United Bank for Africa (UBA)

République centrafricain - Banque internationale pour la Centrafrique(BICA)

(03) - Banque populaire macro-centrafricaine (BPMC)

- Commercial Bank Centrafricain PLC (CBCA)

Congo - BGFI Bank Congo

(04) -Banque commerciale Internationale (BCI)

-Crédit lyonnais Congo (CLCO)

- La Congolaise de Banque (LCB)

Gabon - BGFI Bank Gabon

(06) - Banque Gabonaise de développement (BGD)

- Banque Internationale pour le commerce et


l’industrie du Gabon (BICIG)

- CitiBank N.A Gabon (CitiBank)

-Financial Bank Gabon (FBG)

- Union Gabonaise de Banques (UGB)

88
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

Guinée équatoriale - BGFIBank Guinée équatoriale

(04) - Banco National de Guinea ecuatorial (BANGE)

- CCEIBank Guinée équatoriale (CCEIGE)

-Société Générale de Banque de Guinée équatoriale


(SGBGE)

Tchad - Banque Agricole et Commerciale (BAC)

(07) - Banque commerciale du Chari (BCC)

-Banque sahélo-saharienne pour l’investissement et le


commerce-Tchad S.A BSIC-Tchad S.A

-Commercial Bank Tchad (CBT)

- Ecobank Tchad S.A (Ecobank)

-Financial Bank Tchad (FBT)

- Société Générale Tchadienne de banque (SGTB)

Source : Banque africaine de développement, rapport précité

Par ailleurs, l'orientation de l'implantation réseau se fait en fonction du poids


économique du pays. Au 31 décembre 2006, le déploiement géographique des réseaux bancaire
dans la CEMAC montre une forte polarisation sur le Cameroun. Ceci justifie une fois de plus
que le Cameroun, qui assure le leadership économique dans la CEMAC, compte sur son
territoire les filiales et les succursales de six (06) grands groupes bancaires africains et
étrangers. Il est suivi par le Gabon, deuxième puissance économique de la sous-région. En outre,
l'on constate que sur tous les établissements bancaires de la CEMAC, seuls trois (03) groupes
bancaire dont le principal actionnaire est un ressortissant de la zone ont étendu leurs réseaux
dans les autres pays de la Communauté. Il s'agit de deux groupes bancaires camerounais
(Commercial Bank of Cameroon et Afriland First Bank) et d'un groupe bancaire Gabonais
(BGFI Bank). Voir tableau suivant :

Groupes Pays d’accueil des filiales et succursales

89
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

bancaires Pays/région Cameroun RCA Congo Gabon Guinée Tchad


d’origine Equatoriale

Société France X X X
Générale

IUB Holding France X X X

Citibank USA X X

Commercial Cameroun X X X
Bank of
Cameroon
(CBC)

BGFI Bank Gabon X X X

Afriland Cameroun X X

Ecobank Afrique de X X
l’Ouest

Financial BC Afrique de X X
Togo l’Ouest

Source : Banque africaine de développement, Rapport précité

Ensuite, les disparités de développement renforcent le micro nationalisme des États


faiblement développés, il en résulte le renforcement des objectifs nationaux de redressement
économique au détriment de l'objectif communautaire d'ouverture des frontières aux activités
bancaires transnationales ; ce qui impacte négativement sur la marche vers le marché bancaire
unique. En effet, l'Union Monétaire, qui a précédé l'Union Économique dans la CEMAC, a bien
fonctionné mais elle n'a pas favorisé une intégration économique profonde des États
membres257. Par conséquent, les structures économiques de certains pays de la zone sont encore
embryonnaires et constituent un handicap, les empêchant d'adhérer aux projets fédérateurs.

Dans un tel contexte, on comprend que le marché unique des établissements bancaires
et autres établissements financiers soit encore en cours de construction dans la CEMAC. Son

257
Banque Africaine de développement, Rapport précité, p. 103. Il convient de relever que le processus de
l’intégration mis en place dans la CEMAC est diffèrent de celui de l’Union Européenne où les États ont d’abord
développé leurs structures économiques avant de réaliser l’intégration monétaire (adoption de l’Euro).

90
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

effectivité dépendra de l'adhésion tout azimut des États membres à une coopération économique
plus poussée et surtout de la diversification des économies en présence.

B- La non diversification des économies

Bien que la CEMAC soit doté d’importantes ressources énergétiques, minières,


halieutiques, forestières et Agricoles, l'économie des États membres est un peu diversifiée. Elle
est dominée par la production du pétrole et traduit la faiblesse des échanges
intracommunautaire.

L'activité économique dans la CEMAC demeure dépendante de l'évolution de la


production et des cours de pétrole. Parmi les États membres, cinq sont des producteurs de
pétrole et le secteur pétrolier représente plus de 40 % du produit intérieur brut de la sous-région.
Ce secteur génère plus de 80 % des revenus d'exportation et environ 70 % des recettes
budgétaires. Voir tableau ci-après qui montre la place du pétrole dans les économies de la sous-
région en 2006 :

Source : Banque africaine de développement, rapport précité, p. 106.

Pays Production Part du PIB Exportations Recettes


(en millions pétrolier dans pétrolières en pétrolières en
de tonnes) le PIB % des % des recettes
exportations budgétaires

Cameroun 4,4 10,5 49,7 34,4

Congo 13,3 65,1 92,5 87,5

Gabon 11,9 54,2 82,8 64

Guinée 17,1 84,2 90,7 93,4


équatoriale

Tchad 7,9 47,7 86,8 70,8

Total 54,6 43,8 82,8 70,5


CEMAC

En dépit de la forte hausse des cours de pétrole et de la progression continue de la


production pétrolière, la zone CEMAC continue à faire face à d’importants défis en matière de

91
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

croissance et de développement. La prédominance du secteur pétrolier renforce les exportations


hors zone CEMAC et limitent le commerce intracommunautaire.

L'intégration monétaire ou financière est assise sur les échanges. Pourtant, le commerce
inter-régional dans la CEMAC est marginal comparé au commerce extra-communautaire258. Le
faible niveau des flux commerciaux entre les États membres de la CEMAC freine
considérablement l'intégration du système bancaire de la sous-région en ce sens qu'il limite les
flux transfrontaliers de capitaux. Les coefficients d'échange intracommunautaires mettent en
évidence le déséquilibre des échanges avec une forte polarisation sur le Cameroun, qui est le
seul pays de la sous-région qui exporte ses produits vers tous les autres États membres 259. Voir
tableau suivant :

PAYS EXPORTATIONS (en millions US$)

Cameroun Congo Gabon Guinée RCA Tchad


équatoriale

Cameroun - 20.88 43.23 32.95 13.07 44.52

Congo 14.82 - 2.23 - - -

Gabon 2.95 10.79 - 2.16 0.05 -

Guinée 80.43 - 0.17 - - -


équatoriale

RCA - 0.5 0.03 - - 0.33

Tchad - - 0.01 - 3.1 -

Source : Commission économique pour l’Afrique, bureau sous régional pour l'Afrique
centrale, « les économies de l'Afrique centrale », rapport de 2008

Par ailleurs une comparaison des échanges commerciaux dans la Communautés


économiques régionales réalisée entre 2001 et 2005 montre que la CEMAC est l'une des sous

258
Commission Économique pour l’Afrique, « Etat de l’intégration régionale en Afrique : développer le commerce
intra-africain », Rapport de 2016, p.117.
259
Commission Économique pour l’Afrique, Bureau sous-régional pour l’Afrique centrale, « Les économies de
l’Afrique centrale », Rapport de 2008, p.227.

92
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

régions au monde où la part de commerce intra-zone est très faible. La moyenne du pourcentage
des échanges commerciaux dans la CEMAC était environ 2,7 % en 2005. Voir tableau ci-après :

Régions/Années 2001 2002 2003 2004 2005

CEMAC 2,4 3 3,5 2,3 2,3

UE 44,6 36,8 39,2 35,6 31,8

Amérique du 30,5 35,8 31,7 34,2 42


Nord

Asie 11,8 14 13,6 16,8 12.3

Source : Banque africaine de développement, rapport précité. 112.

Le faible développement des échanges commerciaux au sein de la sous-région limite


ainsi l'expansion des services financiers transfrontaliers.

Comme on peut le voir, de nombres goulots d'étranglement continuent d'entraver


l'intégration bancaire en Afrique centrale. Il s'agit du délabrement des infrastructures, faiblesse
récurrente des échanges intra-zone soutenue par la non diversification des économies et
l'environnement des affaires très défavorables260. Cinq pays de la CEMAC261 sont classés dans
le plus bas tiers du classement établi par le programme des Nations Unies pour le
développement (PNUD) selon l'indice du développement humain de l'organisation des Nations
Unies (ONU), et la plupart des pays ne sont sur la bonne voie pour atteindre les objectifs du
Millénaire pour le développement (OMD) d'ici 2025 262. Cependant, au-delà même du contexte
macroéconomique, la structure du système financier en Afrique centrale révèle son inadaptation
à la fourniture de prestations transfrontières.

260
Le rang moyen des économies de la sous-région dans le classement établi par la Banque Mondiale en 2008 est
de 165e sur un total 178 pays. Voir Banque Africaine de développement, Rapport précité, p. 105.
261
Il s’agit du Cameroun (154e), de la guinée équatoriale (165e), du Tchad (173e), du Congo et de la RCA
respectivement 175e et 177e, sur un total de 178 pays. Voir Banque Africaine de développement, Rapport précité,
p. 105.
262
Ibidem.

93
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

CONCLUSION DU CHAPITRE I

Au terme de notre analyse, il convient de retenir que durant ces vingt-sept dernières
années, la CEMAC a, tant bien que mal, densifié son dispositif juridique et son panorama
institutionnel à travers sa mise en œuvre afin de favoriser l'effectivité de la libre circulation des
biens, des personnes, des services et des capitaux en Afrique centrale. Seulement, si à ce jour
le bilan est mitigé malgré la récente entrée en vigueur du passeport communautaire et d'autres
mécanismes en ce sens, c'est dû à la prééminence de certains obstacles. Ces pesanteurs
institutionnelles, sécuritaires voire politico-économique mettent à mal la volonté politique
affichée par les six États de la zone CEMAC. Ceci, n'exonère pas pour autant ces pays de la
responsabilité de la lenteur du processus d'intégration sous-régionale sous le prisme de la libre
circulation des facteurs de production. Quoiqu'il en soit, opérer un diagnostic de la libre
circulation des facteurs de production en zone CEMAC, consiste à étayer les causes de la
prééminence des obstacles à l'effectivité de l'intégration sous-régionale en Afrique centrale.
Cette démarche à laquelle nous nous sommes livrée tout au long de cette partie permet
d'envisager de manière efficace les perspectives d'évolution, d’amélioration de la libre
circulation et les défis à relever afin de parvenir au mieux à une intégration effective et
harmonieuse.

94
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

CHAPITRE II : UNE NÉCESSAIRE RÉORIENTATION DE LA LIBRE


CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE
CEMAC

En adoptant, le PER, les États de la CEMAC envisageaient aboutir à un marché


commun, une intégration régionale à l'horizon 2025263. Compte tenu de l'ampleur et de la
diversité des obstacles à l'effectivité de la libre circulation en zone CEMAC précédemment mis
en évidence, il apparait que l'institution sous-régionale devra trouver des réponses appropriées
si elle veut atteindre ses objectifs. Dans un contexte où la mondialisation est un processus
irréversible, les économies sont plus concurrentielles que complémentaires, et que certains
privilèges s'amenuisent (à l'instar des accords de partenariats économiques et l'aide public au
développement), l'effectivité de la libre circulation des facteurs de production s'érige comme
un déterminant de la survie de la CEMAC dans l'espace mondial.

Cinquante-sept (57) ans après son lancement, l'urgence est d'établir une institution sous-
régionale fondée sur des relations saines, pérennes, solidaires en vue de la construction d'un
développement collectif et harmonieux. Cependant, les indicateurs de l'évolution de la
communauté laissent envisager plusieurs hypothèses qui dépendent entièrement de la capacité
qu'ont les États et les peuples de la CEMAC à s'inscrire dans une dynamique d'intégration. De
ce fait, le spectre de l'échec de l'UDEAC ne s'est véritablement pas éloigné de la vocation de la
CEMAC. Toutefois, les mécanismes intégrateurs qui font face aux obstacles à l'effectivité de la
libre circulation des facteurs de productions en zone CEMAC, nous permettent de déceler
quelques nécessités fédératrices des initiatives sur le plan idéologique (section I). Aussi, pour
parvenir aux initiatives les plus opportuns pour une intégration sous-régionale aboutie, les pays
de l'Afrique centrale devront relever plusieurs défis (section II).

Section I : Les initiatives sur le plan idéologique

La dynamique du marché unique doit être relancée. L’enjeu est tout à la fois de créer un
cadre propice double autour d’une nécessaire mise en œuvre progressive de la libre circulation
(Paragraphe I) afin de parvenir à la consolidation de l’intégration économique (Paragraphe II)
proprement dite.

263
KAMTOH (P.), Introduction au système institutionnel de la CEMAC, op.cit, pp. 28-29.

95
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

Paragraphe I : Les aménagements orientés de la libre circulation

Tout comme le scénario de l'intégration graduelle, l'hypothèse d'une mise en œuvre


progressive de la libre circulation au sein de la zone CEMAC, établit que les États membres ne
pourraient s'appliquer résolument à lever les blocages que s’ils procèdent à la prise de
conscience des projets fédérateurs (A) entrainant de ce fait un changement profond et une
initiation des projets ambitieux (B).

A- La prise de conscience et émergence des projets fédérateurs

Compte tenu du retard accusé dans la mise en œuvre de la libre circulation et surtout
face à la nécessité de s'intégrer dans l'espace mondial en étant outillé pour pouvoir répondre
aux différents défis, les États membres de la CEMAC s'emploient à lever progressivement les
barrières à l'intégration physique de la sous-région. Cela passe par un dialogue franc au sein des
instances décisionnaires des institutions de la CEMAC. Les réticences et peurs longtemps
exprimées par certains pays sont jugulées par d'autres mesures qui limitent les effets négatifs
des instruments intégrateurs dans le schéma politique et socioéconomique des États. Ainsi, à
titre d'illustration, le passeport communautaire serait dans un premier temps délivré à certaines
catégories pour une durée bien précise. Aussi les diplomates, les fonctionnaires, les opérateurs
économiques, les étudiants ressortissants d'un autre Etat en seront les premiers bénéficiaires.
Ensuite, les passeports pourront être ouverts à d'autres catégories lorsque cela ne représenterait
aucun risque de déstabilisation majeure.

Cependant, pour que le passeport communautaire puisse être célébré et mieux accepté
par les citoyens de la zone CEMAC et contribuer à l’intégration efficace de la libre circulation,
il faudrait que le législateur communautaire puisse harmoniser les textes communautaires.
Précisément sont concerné celui portant institution et conditions de gestion et de délivrance du
passeport CEMAC. Il est souhaitable que le prix soit fixé à l’avance question d’éviter les
éventuelles tentatives de corruption par les institutions en charge de la délivrance de ce
passeport au sein de chaque Etat membre et de proroger la date d’expiration qui initialement
est de cinq (05) ans à dix (10) ans 264.

264
Vu l’état des conditions alarment de vie des citoyens communautaire dû à la pauvreté de la sous-région, la
fixation abordable et harmonisé du prix du passeport fera en sorte que ça sera accessible à toutes les couche de la
communauté. Mais s’il faille que le législateur communautaire fixe la barre haute pour obtenir le passeport question
de renflouer les caisses de la communauté au détriment du peuple, il faudrait qu’il fasse preuve d’humanisme en
prorogeant la date d’expiration à 10 ans.

96
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

Dans le même temps, certains obstacles d'ordre structurels seront levés progressivement
par une volonté politique forte confortée par les pratiques de bonne gouvernance. Aussi, les
barrières non tarifaires (BNT), seront réduites au strict minimum et les pratiques de corruption
seront peu à peu enrayées. Également, les services administratifs communautaires seront rendus
de manière équitable sans discrimination liée à l'appartenance à un Etat ou à un autre. Aussi,
l'ancrage démocratique et la légitimité des dirigeants vont s'accroitre progressivement. Cela
traduit une efficacité des organes de base et des institutions spécialisées capables d'implémenter
des projets fédérateurs, qui rassemblent aussi bien les États que les peuples de la CEMAC,
autour d'une même visée réalisable dans le temps et dans l'espace. Ce qui suppose également
que les moyens techniques et financiers destinés à l'effectivité desdits projets soient pérennes 265.

B- Le changement profond et initiation des projets ambitieux

À court terme, les barrières à la libre circulation sont surmontées aisément. Bien plus,
les États ne s'attardent plus qu'à réaliser les projets latents depuis 1994, d'autres chantiers bien
plus ambitieux sont menés. À terme, les pays de la CEMAC créent un espace totalement intégré
et une véritable union économique. Ainsi, Ce scénario correspond non seulement à l'effectivité
de la libre circulation mais aussi à une avancée significative dans l'ensemble des domaines de
l'intégration.

« Il requiert des changements profonds d'attitude, y compris l'acceptation d'un transfert


réel de compétences à des instances communautaires de type supranational »266.

Les changements profonds s'étendent non seulement aux structures étatiques et


communautaires mais s'appliquent également et surtout aux mentalités des dirigeants et des
populations. Ici, la mise en œuvre de la libre circulation s'impose comme un impératif
catégorique. Cette démarche peut intervenir à la suite de la survenance d'un choc ou d'une
défaillance totale des projets communautaires. Ce qui occasionne, une remise en question du
fonctionnement des organes et institutions communautaires, l'instauration de nouvelles règles
de gestion, et la délégation de responsabilités. À cet égard, les récents scandales de la BEAC et
de la BDEAC peuvent servir de tremplin et produire le même effet.

Quoiqu'il en soit, les changements profonds impliquent également une vaste campagne
de sensibilisation des populations ainsi que l'offre des opportunités de service dans tous les

265
Compensations des pertes des recettes douanières liées au TEC, prélèvement et redistribution effective de la
TCI.
266
Performances Management Consulting-ECDPM, op.cit., p.48.

97
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

secteurs économiques de la communauté (transports, énergie, télécommunications, industrie,


agriculture, éducation...). De même, la stabilité sociopolitique, la multiplication des
infrastructures et l'assainissement de l'environnement des affaires vont drainer les
investissements et accroître la compétitivité de la sous-région.

Paragraphe II : La consolidation de l’intégration économique

Dans la même logique qu’entreprendre les initiatives sur le plan philosophique afin de
pallier aux obstacles que rencontre la libre circulation et en vue d’établir entre États membres
la libre circulation des facteurs de production conformément aux objectifs à atteindre dans la
dernière phase partant de 2021 à 2025 267 ; il est également opportun d’harmoniser les droits et
le respect des règles d’uniformisation (A) et la réhabilitation de l’esprit communautaire (B).

A- L’harmonisation des droits et le respect des règles d’uniformisation

Pour mener à bien les politiques communes, les États doivent procéder à l’intégration
de leurs droits. Il s’agit d’un transfert de compétence juridique étatique des États membres à la
CEMAC, organisation dotée des pouvoirs de décision et des compétences supranationales.
Cette politique d’intégration normative peut être assurée au moyen des techniques d’intégration
juridique que sont notamment l’unification, l’uniformisation ou l’harmonisation du droit.

La fonction principale de l’harmonisation du droit est de rapprocher les règles de droit


dont la diversité est considérée comme un vrai frein aux échanges commerciaux. Elle dissuade
les consommateurs et les petites et moyennes entreprises de s’engager dans des opérations
régies par des règles différentes, la multiplication des sources de droit étant considérée comme
un facteur qui augmente les couts de transactions dans les relations de transit 268.

L’harmonisation repose sur un accord des États sur les principes applicables à une
question donnée, et sur la signification des concepts fondamentaux qui s’y rattachent. Elle a
pour objectif de rapprocher les fondements même du droit, non pas en procédant à l’élaboration
des règles communes, mais en rapprochant les droits dans leur mode de pensée, au moyen d’un
noyau de concepts et de méthodes communs 269.

Afin d'éviter de dissiper les efforts individuels, de réduire les coûts, d'atteindre des
résultats visibles et probants à travers un développement collectif et harmonieux, les États de la

267
KAMTOH (P.), Introduction au système institutionnel de la CEMAC, op.cit, p. 29.
268
HEUZÉ (V.), « A propos d’une initiative européenne en matière de droit des contrats », in pensée juridique
française et harmonisation européenne du droit, société de législation comparée, paris, 2003, p.203.
269
RENAULD. (J.), Aspects de la coordination et du rapprochement des dispositions relatives aux sociétés, p.
619.

98
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

CEMAC décident d'harmoniser toutes les politiques qui peuvent améliorer l'intégration sous-
régionale. Ainsi, les politiques budgétaires, fiscales, monétaires, d'éducation publique, de
défense, commerciales, énergétiques, d'exploitation des matières premières et produits de base
(coton, cacao, café, pétrole, bois...) concourent au développement de la sous-région. Ce qui
suppose que la majorité d'entre elles soient implémentées au niveau supranational en tenant
compte de l'intérêt collectif de la sous-région. À titre d'illustration, c'est ce à quoi tend l'UE
avec sa politique agricole commune ainsi que les règles qui régissent les déficits budgétaires.

En outre, l'effectivité accélérée de la libre circulation, voire de l'intégration régionale,


est également le fruit de l'implication du secteur privé de la société civile dans la proposition,
la réflexion, la réalisation et l'évaluation des politiques implémentées et les chantiers ambitieux.
Les États (au sens institutionnel du terme) ne sont plus les seuls acteurs du développement
communautaire en zone CEMAC. Seulement, ce scénario optimiste qui paraît idyllique à ce
jour, nécessite que des défis majeurs soient relevés.

B- La réhabilitation de l’esprit communautaire

La peur de l'envahissement a été clairement exprimée par les autorités des États
membres de la communauté sous-régionale. Ce syndrome de l'envahissement n'est pas propre
aux pays de la CEMAC. Son appréciation correcte doit se faire en rapport avec la nécessité
d'élaborer au préalable des politiques idoines en matière d'immigration, conformément à ce qui
est prévu par le Traité de la CEMAC. Au-delà de cette mesure, une compréhension des bienfaits
de l'intégration est aujourd'hui nécessaire au niveau de chaque Etat membre de la CEMAC pour
pouvoir lever les blocages. De façon primordiale, il convient de définir une identité
communautaire qui fasse émerger un esprit de fraternité, de solidarité et le sentiment
d'appartenance au groupe social, économique, culturel et/ou politique qu'est la CEMAC. Ainsi,
les axes suivants permettraient de favoriser le développement de l'esprit Communautaire. Il
s'agit notamment de définir et développer une identité communautaire : au-delà de la monnaie
commune, les symboles, le drapeau ou un hymne, il s'agit également d'identifier les valeurs
morales, culturelles et républicaines qui sont amenées à prévaloir dans la sous-région;
consolider la légitimité de la communauté (il s'agit de s'assurer que le but et les valeurs de la
CEMAC) et la manière de mettre en œuvre sont partagés par les individus membres de la
CEMAC (élections démocratiques du parlement communautaire, consultations populaires par
référendums, implication des acteurs de la société civile).

99
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

En outre, il faudrait avoir une répartition équilibrée des postes de responsabilités des institutions
de la CEMAC basé sur les compétences et non se limiter à l’aspect de l’équité ; promouvoir la
CEMAC à ses membres (diffusion publique de rapports d'activités, des textes, de brochures,
organisation de débats, de conférences, chaine radiotélévisée sous-régionale auxquelles pourra
être diffusé les cours de droit communautaire) ; renforcer les liens culturels entre pays membres
de la CEMAC (tournois sportifs, tours cyclistes, foires communautaires, concerts etc...);
renforcer la cohabitation des peuples par la multiplication des grandes écoles de formation, des
marchés transfrontaliers, et des entreprises à capitaux sous-régionaux.

Il faudrait également réfuter sans cesse les préjugés et les idées préconçus qui entrainent les
réticences à la cohabitation des peuples ; assurer un dialogue permanent afin de travailler de
manière solidaire (chaque Etat membre assure son financement de l'effort communautaire,
chaque individu membre de la Communauté doit être prêt à faire des concessions à la faveur de
l'intérêt communautaire).

Il est ressorti de notre analyse de terrain que le principal obstacle à la libre circulation
est un blocage mental.

« Cette mentalité de fermeture doit progressivement laisser place à une mentalité


d'ouverture et de solidarité pour que les freins à l'intégration soient levés. Bâtir cet esprit
communautaire prend du temps, et s'avère souvent plus accessible à une jeunesse désireuse
d'ouverture qu'à ceux dont les perceptions (notamment vis-à-vis des voisins) ont déjà été
façonnées. Ces jeunes de la CEMAC seront également les premiers bénéficiaires de ce
processus d'intégration et sa non matérialisation ne fait que les pénaliser et compromettre les
opportunités que peut leur offrir un monde de plus en plus ouvert et intégré »270.

Cette réhabilitation de l’esprit communautaire, pour être efficient, doit avoir des défis à
relever.

Section II : Les défis à relever en vue de la libre circulation en zone CEMAC

L'effectivité de la libre circulation des facteurs de production est un défi qui requiert une
transversalité des approches et des démarches. Il convient de préciser que c'est la libre
circulation en soi qui constitue le véritable défi. Seulement, il en découle d'autres défis qui
permettent également d'apporter des réponses à la question plus globale de l'intégration sous-
régionale en CEMAC. C'est dire que le défi de la libre circulation ne se renferme plus dans les

270
Performances management consulting- ECDPM, op. Cit. P.45.

100
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

carcans institutionnels mais peut toutefois se percevoir sur le plan de la facilitation des
transports, du transit (Paragraphe I) et la recherche d’une nouvelle initiative de réalisation des
objectifs communautaire (Paragraphe II).

Paragraphe I : Sur le plan de la facilitation des transports et du transit

Montrer l’impérieuse nécessité de l’intégration régionale pour le développement de


l’Afrique centrale, revient à présenter la nécessité et le bienfondé de la réalisation des
infrastructures de la CEMAC permettant la connexion des États et de leurs centres économiques
(A), avant de présenter la portée de finaliser l’étude en cours visant l’adoption et la mise en
circulation d’une carte d’identité communautaire (B).

A- La réalisation des infrastructures de la CEMAC permettant la connexion


des États et de leurs centres économiques

De plus en plus, on observe que pour faire face aux opportunités et aux défis de la
mondialisation, les nations développées et en voie de développement s’attèlent à intégrer leurs
économies à l’échelle régionale.

Au sein de la CEMAC, la quasi-totalité des territoires des pays intégrés sont enclavés.
Il y a lieu de dire que, dans le cadre d’une politique régionale concertée, la construction
d’itinéraires de transport routier communautaires, permet de développer des axes routiers
nationaux joignant les passerelles communautaires. Cela aboutit à la construction d’un réseau
routier intégré capable de faciliter la circulation et d’impulser une véritable dynamique de
progrès social et économique. De cette façon, les États peuvent réussir le désenclavement de
leur arrière-pays. Ce désenclavement permet d’élargir les débouchés commerciaux, l’accès aux
biens et services 271 de base et l’accroissement des revenus. Par conséquent, il permet
d’améliorer le niveau et les conditions de vie des populations. Au Congo par exemple, comme
dans bien d’autres pays de la CEMAC, on observe une concentration des populations dans les
villages situés sur les principaux axes routiers. Ces localités, sont des micros centres urbains
qui, au cours de leur développement engendrent de nombreux besoins (assainissement,
adduction d’eau potable, santé, éducation, sécurité, etc.) 272.

271
Santé, éducation, sécurité, eau potable, produits alimentaires, matériaux de construction, etc.
272
La localité d’Oyo située à environ 400 Km de Brazzaville (capital du Congo) sur la route nationale n° 2 (axe
nord) vit au rythme d’une petite ville et d’un véritable pôle économique. Ceci grâce à la route bitumée (RN2) qui
relie également le Congo et le Gabon (axe Leketi – Franceville), et le Congo et la RCA (axe Infondo – Bangui)
par Obouya.

101
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

On sait que les pays de la CEMAC sont des petits espaces économiques, caractérisés
par l’étroitesse de marchés, la faiblesse de ressources et de la capacité de production. La création
d’un réseau viable de transport routier intégré 273 permet d’élargir les marchés, d’accroître la
production (biens et des services)274, et de réduire les coûts des services de transport. Par
conséquent, il permet l’intensification des échanges et l’amélioration des résultats
commerciaux, tant au niveau d’une nation qu’au niveau d’une communauté. On peut admettre
que, le transport routier est un véritable catalyseur des diverses relations économiques au sein
d’une communauté régionale.

L’Afrique centrale traine la mauvaise réputation de la zone la moins intégrée du


continent. Résultat des atermoiements et des contradictions de l’application des mesures
communautaires communément admises, mais dont chaque pays ne semble finalement
appliquer que ce qui l’arrange. Toujours est-il que rarement on n’aura vu les pays de la
Communauté Économique et monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) se mobiliser de
manière continue, pour explorer et éplucher ensemble, les problèmes de développement
intracommunautaire. Les 5 et 6 juillet 2019, Douala, la métropole économique du Cameroun a
accueilli une table ronde réunissant outre les pays de la zone, les partenaires au développement,
entre autres, la Banque mondiale (BM), l’Union européenne (UE) et la Banque africaine de
développement (BAD).

Au sortir de cette rencontre, il se dégage un consensus : il faut accélérer le processus


d’intégration physique et commerciale dans la sous-région dans l’optique de faire de la CEMAC
à l’horizon 2025 « un espace économique intégré émergent où règnent la sécurité, la solidarité
et la bonne gouvernance, au service du développement humain ». Une vision qui participe la
mise en œuvre de la seconde phase du programme économique régional (PER-CEMAC). Sur
les projets en cours, il ressort que la zone CEMAC dispose d’un portefeuille de 13 projets, dont
7 ont démarré. À cela on peut ajouter des projets de construction d’un pont le Chari reliant le
Cameroun au Tchad, la route Sangmélima-Ouesso en cours de réalisation devant assurer la
jonction entre le Cameroun et le Congo, ou encore le projet de construction d’un pont sur le
Ntem à Kyo-ossi au lieudit « les trois frontières » devant relier le Cameroun, le Gabon et la
Guinée équatoriale. Des projets soutient-on dont la réalisation permettrait d’établir une

273
Ici on peut se référer à la notion « d’infrastructures introverties » On parle d’infrastructures introverties
lorsqu’elles doivent avoir pour effet de favoriser les relations entre les régions d’une nation ou entre les différents
pays membres d’une union.
274
Par exemple la construction de la route bitumée Libreville (Gabon) – Leketi (Congo) engendre un corridor
économique (espace économique) qui permet aux producteurs des deux pays d’élargir leur marché potentiel,
d’accroître leur production, de se spécialiser et donc d’augmenter leur revenu.

102
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

cohérence avec la deuxième phase du PER, qui vise une intégration physique et commerciale
en Afrique centrale. L’existence d’infrastructures efficientes reliant les États membres entre
eux est indispensable à l’intégration économique de l’Afrique centrale, d’où la nécessité
d’initier des nouveaux programmes régionaux d’infrastructures. Une politique de maitrise des
coûts de production et de la qualité des services de transports, des communications et de
l’énergie, est également essentielle dans le cadre d’une politique d’amélioration de la
compétitivité économique et du renforcement de l’intégration régionale.

B- La nécessité de l’adoption et la mise en circulation d’une carte d’identité


communautaire

La finalisation de la carte d’identité biométrique au sein de la CEMAC pourra constituer


pour la sous-région plusieurs avantages. Elle facilite la mobilité inter-régionale au moyen d’un
titre sécurisé permettant de lutter contre les trafics et migrations illicites et de répondre aux
enjeux actuels de sécurité. En plus, la carte équipée d’une puce contenant les filiations et
informations biométriques de son détenteur, devrait faire office, au sein de la CEMAC, de carte
d’identité, de carte de santé, de carte de travail et de permis de conduire etc. Elle permettrait
également aux États d’avoir un fichier centralisé des habitants de l’espace communautaire et de
gérer plus efficacement les flux humains au sein de l’espace. C’est au vu de ces multiples
avantages que l’Union européenne a jugé utile l’accélération et la mise en œuvre de la carte
d’identité numérique à travers le décret n° 2021-279 du 13 mars 2021 portant diverses
dispositions relatives à la carte nationale d’identité et au traitement de données à caractère
personnel dénommé « titres électroniques sécurisés » (TES).

«L’objectif de cette carte est de faciliter la libre circulation des personnes et des biens
dans l’espace (CEMAC) et de mieux contribué à la lutte contre le terrorisme ainsi que la
criminalité transfrontalière »275.

« L’un des aspects prépondérant de la libre circulation est évoqué dans l’article 4(d)
de la Convention de l’UEAC ; il s’agit des ‘’instruments de la libre circulation’’. À la tête de
ces instruments, il convient de compter le passeport CEMAC, la pièce d’identité commune et
Conventionnel dès lors qu’il faut traverser les frontières entre États». 276Cependant lorsqu’on
jette un regard approfondit dans les conditions d’établissement des passeports CEMAC au sein
de la Communauté277, on voit ressortir sur la couverture la république d’appartenance ainsi que

275
Source : http://www.africapresse.com (Consulté en juin 2021).
276
KAMWE MOUAFFO (M-C.), Cours de droit communautaire, Université de Ngaoundéré, 2018, p.35.
277
Article 4 du décret n°2021/347 du 17 juin 2021 fixant les conditions d’établissement des passeports.

103
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

la page intérieure de couverture et des pages suivants. Or dans l’esprit du législateur


communautaire, il est question d’éradiquer cette distinction de nationalité afin que les citoyens
communautaires deviennent une seule famille éliminant ainsi toute forme de discrimination.

Pour pouvoir aboutir à une intégration économique effective, il faudrait d’ores et déjà
revoir le contenu des passeports circulant en zone Communautaire et de finaliser la carte
d’identité communautaire qui jusqu’à nos jours ne fait l’objet d’aucune règlementation précise.

Paragraphe II : Les enjeux d’une nouvelle initiative de réalisation des objectifs


communautaires

Pour parvenir à une intégration économique parfaite au sein de la sous-région, il faudrait


replacer le peuple communautaire au cœur de la dynamique des activités économiques (A) et
multiplier les pratiques de bonne gouvernance (B).

A- Replacer le peuple au cœur de la dynamique d’intégration sous-régionale

Le patrimoine historique et culturel met en évidence un héritage encore affecté par les
vestiges de la colonisation. Replacer les peuples d'Afrique centrale au cœur du processus
d'intégration sous-régionale, signifie également départir la libre circulation de sa dimension
juridico institutionnelle. Ainsi, il n'est pas sûr que l'adoption du passeport communautaire voire
l'hypothétique droit d'établissement, favorisent les échanges économiques et culturels entre
peuples. De cette démarche, il en découle trois (03) axes fondamentaux.il s'agit d’implémenter
dans les programmes scolaires le cours de droit communautaire CEMAC dans la sous-région à
tous les niveaux.

L’implémentation des cours de droit communautaire CEMAC dans des établissement


primaires et secondaires aussi bien des secteurs public que privé dans la sous-région va
permettre aux citoyens communautaires de prendre connaissance de l’existence de cette
institution sous-régionale à travers son mécanisme de fonctionnement. Mais également les
programmes des cours qui vont être dispensés peuvent servir de sensibilisation sur les avantages
et la portée du marché commun qu’offre la sous-région.

Cette initiative sera capitale et avantagée pour la Communauté du fait que ça pourra
toucher le plus grand nombre de population sous-régionale. Ainsi, pour un élève qui s’est arrêté
au secondaire n’ayant pas les moyens pour poursuivre à l’université il aura une possibilité de
se lancer dans des activités commerciales transnationale du fait qu’on l’aurait sensibilisé dès le

104
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

bas âge de comment est-ce que le marché sous-régionale fonctionne et les avantages qu’il
pourra tirer à travers la liberté de circulation des facteurs de production.

D’une part, mettre à profit les peuples traits d'union : les peuples frontaliers qui ont cette
vocation à s'intégrer plus facilement doivent pouvoir, à l'occasion des multiples brassages
culturels et métissages ethniques qui ont eu lieu, favoriser l'insertion et la familiarisation
d'autres peuples. Ce qui suppose également une attention particulière des dirigeants qui dans
les zones concernés, mettent un accent à redynamiser les activités économiques et culturels qui
mobilisent les populations.

D’autre part, renforcer le partenariat avec le secteur privé : le secteur privé joue un rôle croissant
dans l'intégration régionale. Les pouvoirs publics n'étant plus responsables au premier chef de
la production, il incombe au secteur privé de mettre en œuvre les changements issus des accords
d'intégration.

« Un des domaines dans lequel le secteur privé peut avoir une contribution positive est
celui de la prise de décisions politiques aux niveaux national et régional. Un secteur privé bien
organisé peut participer à la formulation des politiques, prodiguer des conseils aux pouvoirs
publics et exercer des pressions pour la poursuite des réformes positives. En éliminant les
principaux obstacles à la croissance en taille et en efficacité du secteur privé, l'intégration
régionale favorise la formation de marchés élargis, grâce à la libéralisation et à
l'harmonisation des échanges, et accroît le volume potentiel des affaires et les possibilités de
profit »278. Pour promouvoir le dialogue avec le secteur privé, les pays utilisent divers
mécanismes, notamment des réunions et des séminaires périodiques de consultation.
L'organisation de foires commerciales et de voyages d'études sont aussi des moyens courants
pour stimuler la participation du secteur privé au processus d'intégration.

En fin, croître la participation de la société civile dans le domaine de l'intégration sous-


régionale : la société civile qui, depuis le processus de démocratisation du continent au début
des années 1990, a connu une croissance fulgurante et a accru son pouvoir d'influence, ne s'est
limitée qu'à défendre et promouvoir les intérêts des Nations. Très peu d'organismes de la société
civile s'intéressent aux problèmes qui se posent à l'échelle de la sous-région CEMAC. Bien des
pays tirent parti de la tenue des séminaires et des réunions périodiques avec les organisations
de la société civile pour débattre des questions d'intégration. L'organisation d'un débat national

278
Commission Économique pour l’Afrique, 6e session du comité du commerce, de la coopération et de
l’intégration régionale, op.cit, p. 15.

105
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

sur l'intégration est une pratique rare, et les discussions sont généralement circonscrites aux
enceintes parlementaires, et ouvertes au public à l'occasion des « journées CEMAC ». Or il
existe de nombreux axes qui peuvent être investis comme les droits de l'homme, la citoyenneté,
les droits des minorités, la gouvernance et la participation politique, le renforcement des
capacités, le leadership, l’entreprenariat etc.

« Ce sont les pouvoirs publics et les organisations intergouvernementales qui, en


général, monopolisent le débat sur l'intégration. Néanmoins, l'on reconnaît de plus en plus la
nécessité d'associer la société civile au processus afin d'en accroître les chances de réussite. Il
faut sensibiliser le public à l'intégration régionale et l'intéresser à sa réussite si l'on veut qu'il
la soutienne et se l'approprie »279. Il faut de ce fait également une dimension sous-régionale de
la société civile qui n’est pas seulement accaparée par les organisations non gouvernementales
mais également par les entreprises citoyennes des ressortissants de la CEMAC.

B- La multiplication des pratiques de bonne gouvernance

Au-delà des approches de sensibilisation et de plaidoyer ci-dessus évoqués, des actes


concrets et visibles doivent être appliqués principalement par les États à travers leurs
responsables politiques. Un ancrage profond du projet d'intégration à travers la libre circulation
n'est cependant envisageable qu'avec un approfondissement de l'ancrage démocratique dans les
États membres. Le renforcement du processus d'intégration dépendra également de l'évolution
politique, économique et sociale des États membres. Toute une série de conditions sont
nécessaires tant au niveau national que communautaire pour assurer l'ancrage d'un projet
d'intégration.

La prise en compte de l'intégration régionale dans les plans de développement et les


budgets nationaux est nécessaire pour créer le sentiment d'appropriation du processus et susciter
un engagement en sa faveur. Il convient, à cet effet, de conformer systématiquement les
politiques et les stratégies de développement national avec les plans, les objectifs et les
instruments de l'intégration nationale. Pour y parvenir, les pays devront.

Premièrement, « Fournir et mobiliser des ressources suffisantes pour faire fonctionner le


ministère chargé de la coordination et l'exécution effective des programmes d'intégration ;
Créer des comités nationaux comprenant l'ensemble des parties prenantes, notamment la

279
Ibidem.

106
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

société civile, le secteur privé, le secteur judicaire et le monde universitaire, pour susciter un
consensus et un soutien en faveur du processus d'intégration ;

Deuxièmement, Conformer les lois et règlements nationaux aux accords et programmes


régionaux (soit en remplaçant les instruments nationaux par les instruments régionaux, soit en
adoptant des instruments identiques pour tous les partenaires) ; ratifier sans délai les traités,
protocoles et décisions.

Concrètement, il s'agit de consolider la bonne gouvernance par la mise en œuvre des


réformes institutionnelles et le renforcement des capacités des institutions communautaires
(comme la sécurisation de la TCI) à travers l'amélioration de la gouvernance des organes et
institutions communautaires (Conférence des Chefs d’État, Conseil des Ministres, Comité
Ministériel, Commission de la CEMAC, BEAC, BDEAC, COBAC, UEAC, UMAC,
Parlement, Cour de Justice, Cour des Comptes Communautaires)280 au sens de l’article 10 du
traité révisé. Cela passe également par l'harmonisation des secteurs économiques stratégiques
comme les marchés publics et la fiscalité à travers l'élaboration du cadre de mise en œuvre de
la réforme des marchés publics et la mise en œuvre du programme d'harmonisation de la
fiscalité. En outre, l'amélioration de l'environnement des affaires et la promotion de
l'investissement est un autre penchant de cette nouvelle démarche. Aussi, plusieurs réformes
sont appelées à être implémentées.

Il faudrait tout d’abord réformer et harmoniser des cadres institutionnels et réglementaires des
services financiers et des secteurs publics marchands (énergie, transport, télécommunications) ;
Mettre sur pied un cadre institutionnel et réglementaire régional pour l'investissement et le
partenariat public privé, mettre en place un cadre juridique et réglementaire régional de
référence pour l'harmonisation des différents codes sectoriels (mines, gaz, pétrole) ainsi que
implémenter une Agence Régionale de Promotion des Investissements et des Infrastructures
(ARPII).

En suite définir une législation communautaire du travail des ressortissants étrangers de la


CEMAC et le renforcement du cadre réglementaire et de la transparence des transactions dans
le secteur des Matières Premières en Afrique Centrale (REMAP-CEMAC). Renforcement de
la transparence dans la gestion des matières premières par la politique régionale de suivi et
d'évaluation de l'Initiative de Transparence des Industries Extractives (ITIE).

280
KAMTOH (P), Introduction au système institutionnel de la CEMAC, op. Cit., pp. 35-36.

107
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

Enfin, il convient également de développer les nouvelles technologies et la transformation des


facteurs de compétitivité des États membres de la CEMAC.

« Les économies les plus riches ne sont plus celles qui possèdent le plus de matières
premières. Ce sont, de plus en plus, celles qui possèdent le savoir-faire et la technologie pour
exploiter et transformer ces matières premières».281

Il en ressort qu'en tant pôle pétrolier de rang mondial, la CEMAC est confrontée au défi
de diversifier ses sources de croissance, de se doter d'infrastructures économiques et sociales
nationales et surtout régionales. Il s'agit également de bâtir progressivement une économie du
savoir, d'améliorer son attractivité pour les investissements extérieurs. Bref, de se positionner
durant ce siècle comme une région émergente et d'assurer ainsi à près de quarante (40) millions
de citoyens un développement durable, en vue de lutter contre la pauvreté et d'atteindre les
Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).

281
Diagnostic organisationnel et institutionnel de la CEMAC, Performances Management Consulting – ECDPM,
février 2006, p. 45.

108
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

CONCLUSION DU CHAPITRE II

Parvenu au terme de ce chapitre, les multiples pesanteurs institutionnelles, sécuritaires


et politico-économiques que fait face la libre circulation des biens, des personnes, des services
et des capitaux au vue de la réalité pratique ne saurait resté sans trousse de secours. Celles-ci
rendent compte des défis que les États membres doivent relever dans l'optique de l'intégration
sous-régionale et l'insertion à l'économie mondiale. Il en résulte que la multiplication des
pratiques de bonne gouvernance à travers l'initiative des réformes probantes et le respect des
engagements pris (notamment sur la TCI) est la première étape de ce chantier d'envergure.
Ensuite, il convient d'intégrer les acteurs du secteur privé ainsi que la société civile, qui ont une
vocation sous-régionale avérée, dans les projets intégrateurs et notamment le premier, celui de
la libre circulation des facteurs de production. Cette démarche traduit le fait que pendant très
longtemps, les populations ont été écartées de la dynamique communautaire au profit des
sphères politico-administratives. D'où le constat d'échec de l'effectivité de la libre circulation.
Il convient donc de replacer les peuples de la CEMAC au cœur du processus d'intégration sous-
régionale. Aussi, dans la même logique la réhabilitation de l'esprit communautaire s'impose
comme un impératif catégorique de façon à inciter les peuples à vouloir se connaitre et à
cohabiter. Cela passe par le partage des valeurs et la définition d'une identité communautaire.

Dans cette optique, les perspectives de la libre circulation en zone CEMAC sont vastes
et dépendent entièrement de l'effort de concertation et de mobilisation des ressources de la part
des pays membres de l'institution sous-régionale. Ainsi, l'émergence des projets fédérateurs,
matérialisés par des acquis solides, visibles et irréversibles va contribuer à la mise en œuvre
progressive et effective de la libre circulation des facteurs de production.

109
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

À terme de cette seconde partie, il convient de dire que la libre circulation des personnes en
Afrique centrale ne sortira des sentiers battus qu’à condition que les États membres dépassent les
simples consécrations théoriques pour réaffirmer, à partir d’un volontarisme politique clair et à travers
des actes concrets, le désir des peuples de la sous-région de vivre leur pleine fraternité.
Malheureusement, en attendant la mise en œuvre effective des nouvelles règles régissant la libre
circulation des facteurs de production dans l’espace CEMAC, le droit communautaire de la libre
circulation dans l’espace économique CEMAC continue de naviguer entre inadéquation des règles
qui encadrent la libre circulation et réalités pratiques de brassages incontrôlés des populations, parfois
sources de tensions et de conflits graves. Toutes ces pesanteurs institutionnelles, sécuritaires et
politico-économiques qui entravent l'effectivité de la libre circulation des facteurs de production
en zone CEMAC corroborent parfaitement nos hypothèses initiales.

Cependant, pour faire face à tous ces pesanteurs, il est donc nécessaire d’épouser une
nouvelle vision et perspectives afin d’impulser un nouveau climat qui puisse mettre les peuples
communautaires au centre des activités économiques. Dès lors, on peut donc dire que la relance des
politiques sous-régionales de suppression des obstacles à la libre circulation totale des biens, des
personnes, des services et des capitaux au sein de la zone économique CEMAC est un double défi
socio-économique et politique que la sous-région doit relever au jour le jour. Pour y arriver, seule la
volonté manifeste des États membres dans la mise en œuvre des normes communautaires, conduit
progressivement à la matérialisation du développement économique.

110
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

CONCLUSION GÉNÉRALE

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LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

Au début de notre réflexion nous nous interrogions sur l’inadéquation de la libre


circulation des facteurs de production en zone CEMAC. La contribution de l’ordre juridique
communautaire au développement économique dans la CEMAC, est en principe
proportionnelle à l’appropriation par les États membres des normes qui en découlent.

De ce qui précède, les libertés de circulation des biens, des personnes, des services et
des capitaux bénéficient en droit CEMAC d’un cadre juridique bien étoffé. En matière de libre
circulation des marchandises, l’interdiction des droits de douanes 282, des taxes d’effet
équivalent, des restrictions quantitatives 283 et des mesures d’effet équivalent consacrée par
l’article 13 (a) de la Convention régissant l’UEAC du Traité révisé de la CEMAC et mise en
œuvre par l’article 14 de la même Convention imposé aux États. Pour ce qui concerne la libre
circulation des personnes, il est réglementé par les articles 2(c), 4(b et c) et 27 (a) de la
Convention révisé de l’UEAC du 30 janvier 2009. En matière de libre circulation des capitaux
elle est réglementé par les articles 2(c), 4(b), 13(d) de la même Convention. En ce qui concerne
la libre circulation des services, le droit de libre prestation des services est conféré par l’article
27 (c) du Traité CEMAC et est mis en œuvre dans le domaine de certaines professions libérales.
Il s’agit, en exemple, de celles des avocats, des comptables et expert-comptable, des architectes
et des chirurgiens-dentistes. Si les États membres de la CEMAC ont l’obligation de donner effet
à ces règles, ils ont également la possibilité d’y déroger pour des raisons limitativement prévues
dans le Traité CEMAC. Il s’agit de l’ordre public, de la santé publique, de la sécurité publique,
de la préservation de l’environnement, de la protection de la propriété industrielle et
commerciale et des trésors nationaux à valeur artistique, archéologique ou historique et de
manière générale toute raison d’intérêt général.

De notre analyse, il ressort que les règles sur les libertés de circulation des biens, des
personnes, des services et des capitaux ne sont pas effectivement appliquées pour plusieurs
raisons. D’abord, il y a une méconnaissance de ces règles par les différents acteurs en raison,
notamment, du manque de la pratique jurisprudentielle qui en précise le sens et la portée. C’est
ainsi que ces règles, aussi belles soient-elles, restent inconnues sinon mal comprises dans la
pratique. Ensuite, les États membres et surtout les administrations nationales foulent du pied
ces règles qui sont une réalité bien lointaine pour les ressortissants de la zone CEMAC. Enfin,

282
Article 13 (a), puis mise en œuvre par l’article 14 (a) de la Convention régissant l’UEAC du Traité révisé
précité.
283
Il est encadré par l’article 28 du Traité de l’UDEAC et 14(a) de la Convention régissant l’UEAC du Traité
révisé CEMAC précité.

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LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

le caractère programmatique de l’article 13(a) du Traité de la CEMAC, l’insuffisance et le


manque de clarté du droit dérivé en matière de libre prestation de services et l’inefficacité
doublée de l’incomplétude des voies de recours pertinentes en matière de libre circulation ne
facilitent pas non plus l’application effective des règles des libertés de circulation des
marchandises et des services.

C’est ainsi, que pour une application effective des règles relatives à la libre circulation
des biens, des personnes, des services et des capitaux, il est crucial que ces règles et les droits
qu’ils confèrent soient connus et compris par leurs destinataires. Au-delà de ces aspects, il est
nécessaire que les acteurs de l’intégration de la zone CEMAC s’impliquent davantage dans la
mise en œuvre des règles sur les libertés de circulation des biens, des personnes, des services et
des capitaux. Des États membres aux ressortissants de la zone CEMAC, en passant par les
administrations nationales, chaque acteur à sa partition à jouer. Aussi, il convient au niveau
communautaire d’assortir des sanctions pécuniaires du fait de non-respect des décisions de la
Cour de justice issu de la procédure de manquement. Cela donnera non seulement plus de
vivacité à cette voie de droit, mais aussi au renvoi préjudiciel – dont l’issue est intrinsèquement
liée à la procédure de manquement. Il est important aussi de mieux aménager l’institution du
recours en carence en droit CEMAC pour permettre d’accélérer le processus d’adoption des
actes de mise en œuvre des libertés de circulation des facteurs de production. Au niveau
communautaire toujours, il faudrait plus de dynamisme de la part de la Commission. En effet,
il est inconcevable que malgré des nombreuses violations des règles sur la libre circulation des
facteurs de production enregistrée par les États membres de la communauté, aucun recours en
manquement n’ait été à ce jour initié contre un Etat membre 284. Certes, les États membres de la
CEMAC ont qualité pour exercer un tel recours, mais pour des questions diplomatiques, il serait
étonnant qu’ils le fassent. De manière générale, il faut une politique communautaire de
diffusion des règles sur la libre circulation des facteurs de production mais aussi du droit
communautaire CEMAC en général. Il n’est donc pas concevable que dans les programmes
scolaires dans la sous-région, le droit CEMAC n’ait pas une place de choix.

284
Il est vrai que le recours en manquement manque d’efficacité, mais l’initié pourrait avoir au moins un effet
dissuasif et permettrait de rappeler aux États membres qu’en signant le traité de la CEMAC, ils ont contracté des
obligations qu’ils doivent respecter.

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LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

ANNEXES

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LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

TABLE DES ANNEXES

1. Règlement n°01/00-CEMAC-042-CM-04 portant institution et conditions


d’attribution du passeport CEMAC

2. CJ CEMAC, Arrêt n° 001/CJ/CEMAC/CJ/07 du 1er février 2007, Société


Anonyme des Brasseries du Cameroun c/ République du Tchad…………

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LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

ANNEXE 1 : RÈGLEMENT N° 1/OO-CEMAC-042-CM-04 portant Institution et


Conditions d'attribution du Passeport CEMAC

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1. CJ CEMAC, Arrêt n° 001/CJ/CEMAC/CJ/07 du 1er février 2007, Société Anonyme


des Brasseries du Cameroun c/ République du Tchad…………

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BIBLIOGRAPHIE

I- OUVRAGES GÉNÉRAUX

1. ABI-SAAB (Dir.), Le concept d’organisation international, Paris, UNESCO, 1979, 292


p.

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des transports de marchandises, par route, Bruxelles, Bruylant, Coll. Droit uniforme
africain, 2006,169 p.

3. CARTOU Louis, L’union Européenne : Traité de Paris-Rome-Maastricht, Paris,


Collection Précis Dalloz, Droit public et science politique, 2e édition, 1996, p.285.

4. DENYS Serge, Le système juridique communautaire : Collection Droit Fondamental,


PUF ; 1ère Edition, 1997, 536 P.

5. DIFFO TCHUNKAM Justine, Droit des activités économiques et du commerce


électronique, l’esprit du droit commercial général issu de la réforme du 15 décembre
2010, L’harmattan, 2011, 270 p.

6. DUTHEIL Jacques de la ROCHERE, Droit Communautaire Matériel, Hachette


2001, 159 P.

7. DOCKES Emmanuel, (Dir.), Au cœur des combats juridiques, Pensées et témoignages de


juristes engagés, Paris, Dalloz, 2007, p. 524.

8. GAILLARD Emmanuel, CARREAU Dominique, LEA William, Le marché unique


européen, Paris, Edition pedone, Études Internationales, 1989, 286p.

9. GAVALDA Christian, PARLEANI Gilbert, Traité de droit communautaire des


affaires, Préface du Doyen Riccardo Monaco, paris, Litec, 2ème édition, 1992, 900 p.

10. GAVALDA Christian, STOUFFLET Jean, Droit du crédit, Les institutions, Paris,
Litec, Tome 1,1990, 460 p.

11. GLELE-AHANHANZO Yvette, Introduction à l’organisation de l’unité Africaine et


aux organisations régionales africaines, paris, LGDJ, 1986, 574 p.

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12. GUY Isaac, Droit Communautaire General, Armand Colin, 5ème Edition, Paris
1997,328 P.

13. HAMMOUDA Ben, BEKOLO EBE Bruno, TOUNA Mama, L’intégration


régionale en Afrique Centrale : bilan et perspectives, Karthala, Paris, 2003.

14. KENGUEP Ebénézer, Droit des transports OHADA et CEMAC, édition GRAF, 2012, 441
p.

15. LIBONG BADJANG Patrice, Réformes institutionnelles de la CEMAC : jeu des acteurs,
intérêts des États, L’Harmattan, Collections Etudes Africaines, 2003, 162 P.

16. MBOUOMBOUO NDAM Joseph, Banque contre micro-finance, les enjeux de


l’intermédiation financière dans la zone CEMAC, Yaoundé, Editions Clé, 2007, 130 p.

17. NGAMKAM Gaston, Le contrat de transport routier de marchandises sous bannière


de l’OHADA et à la lumière de la CMR (Convention de transport de marchandises par
route) européenne, l’Harmattan, 2015, p.42.

18. N’KODIA Claude, L’intégration économique : les enjeux pour l’Afrique Centrale,
Karthala, 1994.

19. PIEDELIEVRE Stéphane, et GENCY-TANDONNET Dominique, Droit des


transports, Lexis Nexis, 2013.

20. UDEAC, La marche vers l’intégration Économique, Secrétariat General UDEAC 1994,
Imprimerie Saint Paul Yaoundé, 55 p.

21. TENGO Laurent, Droit communautaire CEMAC : Communauté Économique et


Monétaire de l’Afrique Centrale, 1e édition, Collection Sambela, Editions CCIANA
Communication, Paris, 2013, 375 P.

II- OUVRAGES SPECIFIQUES

1. AUSSANT Jill, FORNASIER Raffaello, LOUIS Jean Victor, SECHE Jean Claude,
RAEPENBUSH (S), Commentaire Mégret, La libre circulation des personnes, des
services et des capitaux ; Transports, Bruxelles, Le droit de la CEE, Edition de
l’université de Bruxelles, Collection Etudes Européenne, 1990, 408 p.

2. GNIMPIEBA TONNANG Edourd, L’ordre juridique communautaire de la CEMAC,


Yaoundé, L’Harmattan, 2017, 241 p.

125
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

3. GUIMEZANES Nicole, La circulation et l’activité économique des étrangers dans la


communauté Européenne : Droit communautaire, Droit nationaux, paris, Nouvelles
éditions fiduciaires, Collection Europe-entreprise, 1990,272 p.

4. HAMMOUDA HAKIM Ben, BEKOLO-EBE Bruno, et MAMA Touna,


L’intégration régionale en Afrique Centrale : bilan et perspectives, Karthala, 308 p.

5. KALIEU ELONGO Yvette Rachel, Commentaire article par article : « Traité révisé
de la communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) », Presses
universitaires d’Afrique, 2020, 369 p.

6. KAMTOH Pierre, Introduction au système institutionnel de la CEMAC, éditions


Afrédit, Yaoundé, 2014, 269 P.

7. KAMTOH Pierre, « Le Droit comme Instrument d’Intégration régionale : le cas du


droit communautaire CEMAC », publié le 10 novembre 2011, sur le site :
http://www.parcesmotifs.net/spip.php ?article 139 ;

8. KENGUEP Ebénézer, Le droit maritime de la CEMAC à l’ère de la réforme, éd.


CRAF, 2020, 273 p.

9. HUGON Philippe, L’intégration régionale africaine : un processus contradictoire, in


intégration régionale et ajustement structurel en Afrique Sub-saharienne, sous la
direction de COUSSY Jean et HUGON Philippe, CERRED-LAREA, Études et
documents, Ministre de la coopération et du développement, Paris, 1991, 307P, pp. 19-
27.

10. HUGON Philipe, L’intégration régionale Africaine : un processus contradictoire,


Étude et documents, Ministère de la coopération et du développement, paris, 1991.

11. KALIEU ELONGO (Yvette Rachel, (Dir), Régulation et intégration bancaires dans
la CEMAC, Presses Universitaires d’Afrique, 2017, 533 p.

126
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

III- OUVRAGES MÉTHODOLOGIQUES ET DICTIONNAIRES

A- Ouvrages méthodologiques

1. BEAUD Michel, L’art de la thèse : comment préparer et rédiger un mémoire de


Mastère, une thèse de Doctorat ou tout autre travail Universitaire à l’ère du Net, La
découverte, Paris, 2006, p. 202.

2. DUMEZ Hervé, Faire une revue de la littérature, Le LibelliodAegis Vol.7 No2-Eté


2011, p 16.sur http://hal.archivesouvertes.fr/docs/00/65/73/81/PDF/pages 15 à 27.
Consulté le 28 janvier 2021.

3. GRAWITZ Madeleine, Méthodes des sciences sociales, 9ème édition, Paris, Dalloz,
Précis, 1993, p.571.

4. GRAWITZ Madeleine, Méthodes des sciences sociales, paris, Dalloz, Collection droit
public- Science politique, 11ème édition, 2005, 1019 p.

5. ROUSSILLON Dominique, Outils pour la recherche juridique : Méthodologie de la


thèse et du mémoire de Master en droit, Jaillardon, Université Toulouse l- Capitole,
2010, p. 184.

6. SHOMBA KINYAMBA (S.), Méthodologie de la recherche scientifique. Les ficelles


de captage et logiques d’analyse des données, presses de l’université de Kinshasa, 2012,
P.38.

B- Dictionnaires

1. CORNU Gérard, Vocabulaire juridique, PUF, 12e édition mise à jour, 2018.

2. GUINCHARD Serge, et DEBARD Thierry, Lexique des termes juridiques, Paris,


Dalloz, 25e édition, 2017-2018, p. 2158.

3. LADEGAILLERIE Valérie, Lexique des termes juridiques, Anaxagora, 2e Ed, 2011,


p. 169.

4. PUIGELIER Catherine, Vocabulaire juridique, Larcier, 2015, p. 1343.

127
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

IV- THÈSES ET MÉMOIRES

A- THÈSES

1. BALMOND Louis, Intégration Économique et droit des Organisations


Internationales, Thèse pour l’obtention du Doctorat d’État en Droit, Université de Nice,
1981.

2. BIPELE KEMFOUEDIO Jacques, Essai sur une théorie de l’intégration en Afrique


Centrale, Thèse de Doctorat/Ph.D, Université de Dschang, Décembre 2008.

3. GNIMPIEBA TONNANG Edouard, Droit matériel et intégration sous régionale en


Afrique Centrale : contribution à l’étude des mutations récentes du marché intérieur et
du droit de la concurrence en zone CEMAC, Thèse de Doctorat en Droit, Institution du
Droit de la paix et du Développement, Université de Nice-Sophia Antipolis, mars 2004,
557 P.

4. NGUENA DJOUFACK Arsène Landry, Sécurité juridique et droit et droit


communautaire de la CEMAC : recherches sur la sécurité juridique dans la
construction du marché commun de la CEMAC, Thèse de Doctorat/ Ph.D en droit
public, Université de Dschang, avril 2015, 535 pp.

5. NDIFFO KEMETIO Marien Ludovic, Droit communautaire de la CEMAC et


transformation du droit administratif camerounais, Thèse de Doctorat, Université de
Dschang, janvier 2016.

6. TCHABO SONTANG Hervé, La réglementation du commerce électronique dans la


zone CEMAC, Contribution à l’émergence d’un marché commun numérique, Thèse de
Doctorat/PhD, Université de Dschang.

7. TCHUINTE (J.), L’application effective du droit communautaire en Afrique centrale,


Thèse de Doctorat en Droit, Université de Cergy- pontoise, 2011.

8. ZANKIA ZULANDICE, Contrôle institutionnel et intégration sous-régionale en


Afrique : les cas de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale et
de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine, Thèse de Doctorat/Ph.D,
Université de Dschang, 2014,518pp.

128
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

B- MÉMOIRES

1. ALIYOU Sali, l’attitude des États de la CEMAC face au conflit de Bakassi et ses effets
sur l’institution, Mémoire de DEA, Université de Dschang, 2008, 91 P.
2. BALLA Magloire, La libre circulation des biens en zone CEMAC, Mémoire de
Maitrise de Droit publique et Sciences politique, Université de Dschang, 2004, 109 P.
3. CHAMEGUEU Gabriel Marie, Le contrôle juridictionnel des activités de la CEMAC,
Mémoire de DEA, Université de Douala, 2008, 120 p.
4. GATSI TAZO Eric Adel, la condition juridique des étrangers en zone CEMAC :
contribution au diagnostic de l’intégration personnelle en zone CEMAC, Mémoire de
DEA, Université de Dschang, 2009,
5. DJIBRINE Arlène, Le nouveau panorama institutionnel de la Communauté
Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale issu du traité révisé de 2009, Mémoire
de Master 2, Université de Douala, 2015, 117 P.
6. LIBONG BADJAN Pierre, Réformes institutionnelles et consolidation du processus
d’intégration en zone CEMAC : 2006-2010. Contribution à une sociologie
compréhensive du changement politique et social en Afrique Centrale, Mémoire de
Master ll, IRIC, option Integration Régionale et Management des Institutions
Communautaires, 2012, 125 P.
7. NDONGMO TABI Léonelle, L’agrément unique des établissements de crédit dans la
zone CEMAC, Mémoire de Master 2, Université de Dschang, 2012, 120 P.
8. NGUIFFEU TAJOUO Eddy Lawrence, Le système communautaire de lutte contre la
criminalité financière en zone CEMAC, Mémoire de DEA, Université de Dschang,
2005-2006, 120 P.
9. SIEWE LOUIS Marie, La libre circulation des entreprises dans l’espace CEMAC :
Le cas des établissements de crédit, Mémoire de Maitrise en Droit et carrière judiciaires,
Université de Dschang, 2010.
10. ZANKIA Zulandice, Le contentieux de la fonction publique communautaire de la
CEMAC, Mémoire de DEA, Université de Dschang, 2008, 212 P.

129
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

V- ARTICLES DE DOCTRINE

1. ABESSO TOMO ESSONO Serge, « Les réformes institutionnelles de la CEMAC :


enjeux et perspectives », Communication au séminaire sous régional de sensibilisation
au droit communautaire CEMAC, N’Djamena,07-12 février 2011, inédit, 21p, inédit.

2. ALBERTON Gaston, « L’application des normes communautaires en droit interne »,


RFDA, Janvier-Février 2002, pp.1-19.

3. ATEMENGUE Jean de Noel, «Le droit matériel de l’intégration dans la communauté


économique et monétaire de l’Afrique Centrale : Une lecture des textes fondamentaux»,
Juridis Périodique, n°46,2001, 106-113 p.

4. BERR Claude, « Union douanière », RTDE, n°37, juillet-septembre, 2001.

5. DUEZ Denis, « La libre circulation, contrôle aux frontières et citoyenneté », revue


Belge de géographie, Belgeo [en ligne], n°2,2015, 1-20 p.

6. AVOM Désiré, « Le traité CEMAC : Nouveau départ pour le processus d’intégration


économique en Afrique centrale ? ». Revue juridique et politique indépendance et
coopération, 1998, 158.

7. DONFACK SOKENG Léopold, et MOUANGUE KOBILA James, « La CEMAC :


à la recherche d’une nouvelle dynamique de l’intégration en Afrique centrale »,
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8. GNIMPIEBA TONNANG Edouard,

- «Le nouveau régime juridique des exportations entre les États de l’Afrique
Centrale : entre influences européennes et reformes laborieuses », Juridis
périodique, n°67, octobre-Novembre- Décembre, 2006, pp. 67-91.

- «La libre circulation des personnes et des services en Afrique centrale : entre
consécrations théoriques et hésitations politiques », Juridis périodique, n°71,
juillet-Aout-Septembre, 2007, pp.81-101.

- « La prohibition des pratiques de domination des marchés par les entreprises en


Afrique Centrale : ombres et lumières d’une réforme », Juridis périodique, n° 76,
octobre-Novembre-Décembre, 2008, pp. 102-117.

- Note de Synthèse, Habilitation à Dirigé des Recherches (HDR), Le droit


communautaire africain à l’aube du 21ème siècle : entre consécrations législatives,

130
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

incertitudes jurisprudentielles et hésitations politiques, Institut du Droit de la paix


et du Développement, Université de Nice-Sophia Antipolis, 18 mars 2013, inédit.

9. HACKER Violine, « La notion d’intérêt général communautaire : qui l’utilise quand


personne ne l’a définie ? » Lettre d’Europe et Entreprises, Novembre 2006.

10. KAMTOH Pierre, « Le droit comme instrument d’intégration régionale : le cas du


droit communautaire CEMAC », Exposé présenté à l’occasion de la célébration du 10ème
anniversaire de la cour de justice de la CEDEAO, Abuja, 2011, 11 p, inédit.

11. KALIEU ELONGO Yvette Rachel et KEUGONG NGUEKEN WATCHO (R.S.),


« Commentaire sur le règlement n°1/99/UEAC-CM-639 du 25 juin 1999 portant
règlement n°1/99/UEAC-CM-639 du 18 aout 1999 portant règlementation des pratiques
Étatiques affectant le commerce entre États membres », in J P, n°54, Avril-Mai-Juin
2003, 95-101 pp.

12. KALIEU ELONGO Yvette Rachel, « La cour de justice de la CEMAC et le contrôle


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d’intégration africaines », AADI, vol.6, 1998, pp. 107-150.

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dans la CEMAC », Unif. L. Rev., Vol. 22, 2017, p. 534.

15. KEMFOUEDIO BIPELE Jacques, « La libre circulation des personnes en zone


CEMAC : Heurs et malheurs d’un droit fondamental », revue juridique et politique des
États francophones, n°42, rue de Bourgogne – 75007 paris, pp. 369-370.

16. KEMFOUEDIO BIPELE Jacques, « La libre circulation des personnes comme droit
fondamental en zone CEMAC » Annales, SJP, n°20, 2018, Pp. 241-274.

17. KENGUEP Ebénézer, « L’impact de l’entrée en vigueur de la première mise en œuvre


de l’article 24 de la Convention de Montréal sur le droit des transports aériens en
OHADA et CEMAC », juridis périodique, n° 93, Jan-fév-mars, 2013, pp. 73-87.

18. LOUNGA Serge, « La libre circulation des personnes au sein de l’espace de la


CEMAC : entre mythe et réalité », Belgeo [En ligne], p.3. | 2010, mis en ligne le 04

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LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

décembre 2012, consulté le 27 avril 2021. URL : http://belgeo.revue.org/7096, DOI :


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19. MOYE BONGYU Gérard, « CEMAC : Integration or coexistence ? », Annales de la


Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université de Dschang, tome 8, 2004,
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20. MVOMO ELA Wullson, « Histoire et géopolitique de l’intégration en Afrique


Centrale, Zone CEMAC : L’impératif d’une refondation », Cahiers juridiques et
politiques de l’université de Ngaoundéré, 2010, pp. 307-327.

21. NGAMKAM Gaston, « La nouvelle convention des Nations Unies sur le contrat de
transport des marchandises effectué entièrement ou partiellement par mer-dites, Règles
de Rotterdam 2008 : le point de vue d’un avocat maritimiste africain », Juridis
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23. NJEUFACK TEMGWA René, « Le renouveau du cadre institutionnel-décisionnel au


sein de la CEMAC : vers une communauté plus dynamique ? », Annales de la Faculté
des Sciences Juridiques et Politiques, Université de Dschang, T.8, 2004, p.159-174.

24. PRISO-ESSAWE Samuel Jacques, « Chronique juridique CEMAC », Penant, n°358,


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25. PROST Mégret, « La libre circulation des capitaux et harmonisation fiscale », In Le


marché unique européen, Edition Romillat, 1991, 74-77.

26. SOYER Claude, «Le droit nouveau des contrats d’affrètement et de transport
maritimes », RTD com., 1967, p.375.

VI- LÉGISLATION NATIONALE ET COMMUNAUTAIRE

A- TEXTES NATIONAUX

1. Décret n°90/1469 du 09 novembre 1990 portant définition des établissements de crédit


au Cameroun ;

2. La loi constitutionnelle Camerounaise n°96-06 du 18 janvier 1996 portant révision de


la Constitution du 02 septembre 1972.

3. La loi constitutionnelle Gabonaise n°3/91 du 23 mars 1991.

132
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

4. La constitution de la République de Guinée du 23 décembre 1990.

5. La constitution de la République du Tchad du 31 mars 1996 révisée.

6. Loi n° 90/031 du 10 août 1990 régissant l’activité commerciale au Cameroun.

7. Loi n°98/013 du 14 juillet 1998 relative à la concurrence en République du Cameroun.

8. Loi n° 92.002 du 26 mai 1992 portant libéralisation des prix et réglementation de la


concurrence en République Centrafricaine.

9. Loi n° 014/98 du 23 juillet 1998 fixant le régime de la concurrence en République


gabonaise.

10. Loi n°6-94 du 1er juin 1994 portant réglementation des prix, des normes commerciales,
constatation et répression des fraudes en République du Congo.

11. Loi n° 99/016 du 22 décembre 1999 portant statut général des établissements publics et
des entreprises du secteur public et parapublic.

12. Loi n° 2002/004 du 19 avril 2002 relative à la charte sur les investissements en
République du Cameroun.

13. Loi n° 015/98 instituant la charte des investissements en République gabonaise.

14. Loi n° 99/015 du 22 décembre 1999 portant création et organisation d’un marché
financier en
République du Cameroun.

15. Loi n° 96/117 du 05 août 1996 relative à la normalisation en République du Cameroun.

16. Décret n° 93/720/PM du 22 novembre 1993 fixant les modalités de la loi n° 90/010 du
10 août 1990 régissant l’activité commerciale au Cameroun.

B- TEXTES COMMUNAUTAIRES

1. Le code des Douanes de la CEMAC, Edition 2002 ;

2. Convention du 16 octobre 1990 portant création de la COBAC ;

3. Les textes Organiques de la CEMAC, Mai 1998, Service de reprographie de la BEAC.

4. Convention du 17 janvier 1992 portant harmonisation de la réglementation bancaire


dans les États de l’Afrique centrale.

133
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

5. Acte Additionnel N° 01/13-CEMAC-070-U-CCE-SE Portant suppression du visa pour


tous les ressortissants de la zone CEMAC circulant dans l’espace Communautaire.

6. Convention du 30 janvier 2009 régissant la cour de justice de la CEMAC.

7. Convention révisée du 25 juin 2008 régissant l’union Économique d’Afrique centrale.

8. Convention révisée du 25 juin 2008 régissant l’union monétaire d’Afrique Centrale.

9. Directive 2001/24/CE du parlement et du conseil du 04 Avril 2001 relative à


l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit.

10. Loi-Cadre portant réglementation Bancaire dans l’UEMOA du 1er décembre 2009.

11. Ordonnance N° 85/002 du 31 Aout 1985 relative à l’exercice de l’activité des


établissements de crédit modifiée et complétée par la loi N°88/006 du 15 juillet 1988,
la loi N°60/019 du 10 aout 1990 et la loi 97/014 du 18 juillet 1997 portant loi de finances
pour l’exercice 1997/1998.

12. Règlement N°01/02/CEMAC/UMAC/COBAC du 13 Avril 2002 relatif aux conditions


de contrôle et l’exercice de l’activité de microfinance de la communauté Économique
et Monétaire de l’Afrique centrale.

VII- RAPPORTS

1. Banque Africaine de Développement, « Intégration du secteur financier dans trois


régions d’Afrique : comment l’intégration financière régionale peut soutenir la
croissance, le développement et la réduction de la pauvreté », Tunis Rapport d’activités,
SILDAR, 2010, 159 p.

2. Commission Économique pour l’Afrique, Bureau sous régional pour l’Afrique


Central, Sixième session de comité du commerce, de la coopération et de l’intégration
régionales, «Prise en compte de l’intégration au niveau National» Adds-Abeba, 13-15
octobre 2009, 21 p.

3. Commission Bancaire de l’Afrique Centrale, Rapport annuel 2006, in Bulletin


officiel de la COBAC, http//www.beac.int.

4. Commission Bancaire de l’UMOA, Rapport annuel 2009, disponible sur le lien


http/www.bceao.int.

134
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

5. Communauté Économique et monétaire de l’Afrique Centrale, Conseil


Extraordinaire des ministres, «La non application des textes communautaires », Malabo,
juin 2005, 23 p.

6. Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale, «Diagnostic


institutionnel, fonctionnel et organisationnel de la CEMAC », Performances
Management consulting, Tome 1, février 2006, 140 p.

7. Performances Management Consulting, «Les marchés financiers en Afrique


Subsaharienne : état des lieux, problématiques, enjeux et perspectives », publication
PMC, mars 2009, http/www.performancesconsulting.com.

135
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

TABLE DES MATIÈRES

AVERTISSEMENT : .................................................................................................................. i

DÉDICACE ................................................................................................................................ ii

REMERCIEMENTS ................................................................................................................. iii

SIGLES ET ABRÉVIATIONS ................................................................................................. iv

RÉSUMÉ ................................................................................................................................... vi

ABSTRACT ............................................................................................................................. vii

SOMMAIRE ........................................................................................................................... viii

INTRODUCTION GÉNÉRALE ................................................................................................ 1

PREMIÈRE PARTIE : UNE LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE


PRODUCTION AFFIRMÉE ................................................................................................ 16

CHAPITRE I : LE RENFORCEMENT DYNAMIQUE DE LA LIBRE CIRCULATION DES


BIENS ET DES PERSONNES EN ZONE CEMAC ............................................................... 19

Section I : La consolidation de la libre circulation des personnes ........................................ 19

Paragraphe I : La consécration du principe de la libre circulation des personnes ............ 20

A- Une consécration communautaire et constitutionnelle de la libre circulation des


personnes ....................................................................................................................... 20

B- La dynamique mise en œuvre de la libre circulation des personnes .................. 23

Paragraphe II : Les aménagements au principe de la libre circulation des personnes en


Afrique Centrale ................................................................................................................ 27

A- Les activités exclues de la libre circulation ........................................................ 28

B- Les réserves d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique ............. 30

Section II : L’affermissement de la libre circulation des biens ............................................ 33

Paragraphe I : La tentative d’élimination des obstacles tarifaires .................................... 34

A- La suppression des droits de douane .................................................................. 34

B- L’interdiction des taxes d’effet équivalent à des droits des douanes ................. 38

136
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

Paragraphe II : Élimination des obstacles non tarifaires ................................................... 41

A- Le principe de l’interdiction des restrictions quantitatives et des mesures d’effet


équivalent (MEERQ) ..................................................................................................... 41

B- Les dérogations aux principes de l’interdiction des restrictions quantitatives et


des mesures d’effet équivalent ...................................................................................... 43

1- Les dérogations économiques de l’article 22 de la Convention régissant l’UEAC44

2- Les dérogations non économiques de l’article 16 de la Convention régissant


l’UEAC.......................................................................................................................... 45

CONCLUSION DU CHAPITRE I........................................................................................... 47

CHAPITRE II : LE RENFERMISSEMENT DE LA LIBRE CIRCULATION DES


SERVICES ET DES CAPITAUX ........................................................................................... 48

Section I : La liberté d’établissement et de prestation des services consacrée ..................... 48

Paragraphe I : La liberté d’établissement .......................................................................... 49

A- Le principe du traitement national...................................................................... 49

B- La communautarisation des conditions d’accès à certaines professions ............ 52

Paragraphe II : La liberté de prestation des services ......................................................... 54

A- La notion de la libre prestation des services....................................................... 54

B- Le champ d’application de la libre prestation des services ................................ 56

Section II : La libre circulation des capitaux encadrée ......................................................... 57

Paragraphe I : La protection communautaire de la libre circulation des capitaux ............ 58

A- Le principe de la liberté de circulation des capitaux .......................................... 59

B- Les restrictions à la libre circulation des capitaux ............................................. 61

Paragraphe II : La mise en place d’un cadre communautaire de système de paiement et de


lutte contre le blanchiment des capitaux ........................................................................... 63

A- La communautarisation des systèmes de paiement en Afrique centrale ............ 63

B- Le renforcement de la régulation de la lutte contre le blanchiment des


capitaux… ..................................................................................................................... 65

CONCLUSION DU CHAPITRE II ......................................................................................... 69

137
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE ........................................................................ 70

SECONDE PARTIE : UNE LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE


PRODUCTION ÉPROUVÉE ............................................................................................... 71

CHAPITRE I : LES PESANTEURS DE LA LIBRE CIRCULATION EN ZONE CEMAC . 73

Section I : Les pesanteurs institutionnelles et sécuritaires.................................................... 74

Paragraphe I : Les obstacles institutionnels ...................................................................... 74

A- Les difficultés formelles ..................................................................................... 74

B- Les difficultés matérielles .................................................................................. 77

Paragraphe II : Les pesanteurs sécuritaires ....................................................................... 79

A- Les difficultés sur le plan sanitaire : Conséquence du Covid-19 ....................... 80

B- Les instabilités sécuritaires et simplification des échanges économiques en zone


CEMAC ......................................................................................................................... 82

Section II : Les pesanteurs d’ordre politique et économique ............................................... 83

Paragraphe I : Les obstacles politiques ............................................................................. 83

A- L’initiation des reformes sans résultat probants ................................................. 83

B- Le contexte de corruption généralisée ................................................................ 85

Paragraphe II : Les obstacles économiques ...................................................................... 86

A- Les disparités au niveau de développement dans la CEMAC ............................ 87

B- La non diversification des économies ................................................................ 91

CONCLUSION DU CHAPITRE I........................................................................................... 95

CHAPITRE II : UNE NECESSAIRE REORIENTATION DE LA LIBRE CIRCULATION


DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC ................................................... 96

Section I : Les initiatives sur le plan idéologique ................................................................. 96

Paragraphe I : Les aménagements orientés de la libre circulation .................................... 97

A- La prise de conscience et émergence des projets fédérateurs ............................ 97

B- Le changement profond et initiation des projets ambitieux ............................... 98

Paragraphe II : La consolidation de l’intégration économique ......................................... 99

A- L’harmonisation des droits et le respect des règles d’uniformisation ................ 99

138
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

B- La réhabilitation de l’esprit communautaire .................................................... 100

Section II : Les défis à relever en vue de la libre circulation en zone CEMAC ................. 101

Paragraphe I : Sur le plan de la facilitation des transports et du transit .......................... 102

A- La réalisation des infrastructures de la CEMAC permettant la connexion des


États et de leurs centres économiques ......................................................................... 102

B- La nécessité de l’adoption et la mise en circulation d’une carte d’identité


communautaire ............................................................................................................ 104

Paragraphe II : Les enjeux d’une nouvelle initiative de réalisation des objectifs


communautaire ................................................................................................................ 105

A- Replacer le peuple au cœur de la dynamique d’intégration sous-régionale ..... 105

B- La multiplication des pratiques de bonne gouvernance ................................... 107

CONCLUSION DU CHAPITRE II ....................................................................................... 110

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE ....................................................................... 111

CONCLUSION GÉNÉRALE ................................................................................................ 112

ANNEXES ............................................................................................................................. 115

TABLE DES ANNEXES ....................................................................................................... 116

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 125

TABLE DES MATIÈRES...................................................................................................... 137

139
LA LIBRE CIRCULATION DES FACTEURS DE PRODUCTION EN ZONE CEMAC

Adresse :

DALMA BERI Job,

Tel : +237 651335946


E-mail : Dalmajob77@gamil.com

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