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Il serait très anodin, très fade de parler de H-Jonas sans pourtant jouir d’une
connaissance préalable de qui il est réellement, dans quel contexte il a écrit son ouvrage
monumental dont cet exposé est le fruit. Le connaitre s’avère indispensable.
Jonas est demeuré célèbre à cause de son ouvrage décisif, le principe responsabilité
qui analyse les aspects éthiques de la technologie avancée en rapport avec l’environnement
naturel, notamment avec la vie humaine et l’ensemble de la biosphère. Voici le contexte dans
lequel son éthique émerge : en tant qu’allemand et juif du XXe S, sa philosophie est traversée
par la question de la mort, par les massacres de la seconde guerre mondiale. (1945) et par la
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De fait, Une question capitale se pose dès les premiers instants de ce point : le danger
qui nous menace actuellement vient-il encore du dehors ? Désormais c’est à partir de nous-
même que s’ouvrent les trouées et les brèches à travers lesquelles notre poison se répand sur
le globe terrestre transformant la nature tout entière en un cloaque pour l’homme. Aujourd’hui
les fronts se sont inversés. Nous devons davantage protéger l’océan contre nos actions que
nous protéger de l’océan. Le danger n’est pas à chercher en dehors de nous, car nous sommes
devenus nous-mêmes un plus grand danger pour la nature que celle-ci ne l’était autrefois pour
nous. Devenant ainsi une menace pour la nature, nous sommes devenus extrêmement
dangereux pour nous-mêmes puisque nous faisons partie intégrante de ladite nature. De
surcroît, nous constituons dès par notre pouvoir technique, le danger dont nous sommes
actuellement cernés et contre lequel nous devons désormais lutter.
invention conduit à l’apparition des nouveaux danger, liés à cette nouvelle puissance. A titre
d’exemple : les avancées en biologie permettent de créer l’homme lui-même, la médecine
appliquée détermine et décide aujourd’hui sur la destinée de l’homme, elle crée même de
génome (ensemble des Chromosomes et des gènes).
3. THEORIE DE LA RESPONSABILITE
La responsabilité dont il est question ici n’est pas à comprendre comme une attitude,
mais plutôt comme une faculté proprement humaine que tout homme est tenu d’exercer. Chez
Jonas, la responsabilité est la sollicitude que doit avoir un individu pour une chose ou une
personne vulnérable si elle lui est confiée. Une telle responsabilité interdirait à l’homme
d’entreprendre toute action qui pourrait mettre en danger soit l’existence des générations
futures, soit la qualité de l’existence future sur terre. Raison pour laquelle avant d’utiliser
toute technique, l’homme devrait s’assurer que toute éventualité apocalyptique soit exclue.
Par cette injection, Jonas exige une connaissance préalable à l’agir humain. Et parmi les
prévisions, il faut toujours accorder la préférence à la prévision pessimiste. C’est là
l’humanité de la sagesse technique.
En effet, l’auteur cherche à nous alarmer et nous sensibiliser pour sauver notre
planète si c’est encore possible. C’est seulement par le détour du mal que l’on peut atteindre
l’idée du bien. Mais parce que le mal auquel nous expose le devenir prométhéen de la
technique est un mal dont nous n’avons pas l’expérience, nous devons avoir recours à
l’imagination, à l’anticipation. Hans note qu’à cet égard, la théorie de science-fiction pourrait
jouer un rôle éthique. A travers la fiction, l’homme devrait réapprendre le frémissement de la
peur. Il ne s’agit pas de la peur pathologique, plutôt d’une peur à penser comme une vertu. De
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surcroît, la peur devient vertu quand elle vise non la conservation de soi, mais celle de l’autre
être. Elle n’est pas un sentiment égoïste mais un acte d’ouverture et d’altérité.
Contrairement aux morales classiques qui ont reposer la vertu sur la pureté
d’intention, l’éthique de la responsabilité, reposant sur l’heuristique de la peur, devra prendre
en compte les effets de notre agir à long terme ; en ceci qu’il faut imaginer de façon anticipée,
un mal dont le passé ne nous fournit aucune expérience. Cela dit, à une grande liberté, on
associe une grande responsabilité : plus une personne a du pouvoir, plus les conséquences de
ses actions peuvent s’avérer gigantesques. Le fait que l’humanité possède aujourd’hui le
pouvoir technologique de s’autodétruire, fait d’elle un objet indispensable de responsabilité.
Tout compte fait, à une certaine échelle, nous ne pouvons pas immédiatement
connaitre exactement les conséquences qu’auront nos actes à l’avenir. Personne ne peut
prévoir le futur. Mais avec les avancées technologiques du XXe S, cette question a atteint son
paroxysme dans la mesure où nous ne savons pas si telle innovation risque ou pas de causer la
perte de l’humanité. On ne sait rien des conséquences atroces possibles, pas même leurs
possibilités d’advenir. On ne sait ni les quantifier ni les qualifier exactement. Certes, Jonas
développe une sorte d’ontologie du droit à la vie basée sur l’existence. La vie vaut en soi,
elle est meilleur que le néant. C’est ainsi que la vie de l’humanité dans son ensemble mérite
d’être sauvée, protégée ; il s’agit également d’un droit des générations futures. Car nous
sommes redevables pour eux et devant l’avenir.
risques avant d’agir. Hans écrit d’ailleurs ceci : « le savoir devient une obligation prioritaire
de tout agir ». P.R p. 86. Le savoir doit précéder notre liberté d’agir. A cet effet, le principe
responsabilité n’est pas à lire comme un principe négatif qui dirait : si tu ne sais pas, n’agis
pas. Mais plutôt comme celui qui dirait : si tu ne sais pas si la technique que tu poses
comporte des risques destructeurs pour l’humanité, fais tout pour savoir et préserver la vie. La
question de l’action humaine est chez Jonas, liée avec celle de la connaissance : il y a un
impératif moral face à certaines actions possibles.
Notre liberté porte en elle des obligations : La 1ere est celle de s’imposer des limites.
Car il ne peut y avoir de liberté sans limitations. Ainsi, la limitation dans la relation de
l’humanité et de la nature s’avère indispensable et par ce fait, nous sommes obligés de réduire
notre consommation pour le bien de l’humanité future.
Tout bien considéré, il est impérieux de noter que la nouveauté de la pensée de Jonas
consiste en ce qu’elle ne se contente plus de considérer les relations d’homme à homme
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aujourd’hui, mais elle entend cerner aussi bien les relations de l’homme aux générations à
venir que les relations de l’homme à la nature. En projection, ce qui est en jeu
actuellement, ce n’est plus le devoir être de l’homme, la qualité morale de ses actes dans
son rapport à autrui, mais c’est son existence même qui est en jeu. La question cruciale
n’est plus de savoir comment les hommes doivent se comporter les uns vis-à-vis des autres,
mais celle de savoir s’il doit y avoir encore des hommes sur la planète ? Car il y a risque
que l’humanité disparaisse.
En définitive,
« Il est beaucoup plus probable que la peur obtienne ce que la raison n’a pas obtenu
et qu’elle parvienne à ce à quoi la raison n’est pas parvenue. Seules des catastrophes pourront
nous imposer de modifier nos habitudes de vie, nous faire renoncer à la frénésie de la
consommation au profit d’un idéal supérieur, l’aspiration vers le futur, car « celui qui n’est
pas directement menacé ne se décide pas à réformer radicalement son mode de vie. En
revanche quand la menace se fait pressante, il en va autrement, tant sur le plan individuel,
que collectif ». P.R. p.
Aujourd’hui les menaces qui pèsent sur les générations à venir ne semblent
malheureusement pas assez pressantes et ne suffisent pas à inciter les hommes à modifier
leurs comportements. Ecoutons cette jubilation d’allégresse :
« L'euphorie du rêve faustien s'est dissipé et nous nous sommes réveillés dans la
lumière diurne et froide de la peur. Il ne faut pourtant pas céder au fatalisme, la panique
apocalyptique ne doit jamais nous faire oublier que la technique est l'œuvre de notre propre
liberté humaine et que ce sont les actions engendrées par cette liberté qui nous ont conduit au
point où nous en sommes actuellement. Et ce sont lesdites actions qui décideront de l'avenir
global qui, pour la première fois, est aux mains de cette même liberté - laquelle subsiste en
dépit des contraintes qu'elle se crée en continuant à en emprunter la même voie-. » Hans
Jonas, Technique, liberté et obligation, p.156. Nous devons reconnaitre aujourd’hui que c’est
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à cause de l’homme que tout est en jeu et que lui seul porte la responsabilité du désastre en
cours.
Chers frères, Au terme de ce travail, nous nous posons deux questions : Est-ce
l’humanité a-t-elle droit au suicide ? Est-ce l’existence permanente d’une humanité
authentique doit -elle être mis en jeu ?
Telles sont des questions qui ouvrent les nouvelles perspectives de nos recherches
ultérieures en cours ! Ainsi dit, je vous remercie !