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UNIVERSITE AUBE NOUVELLE

MEMOIRE DE FIN DE CYCLE


EN VUE DE L’OBTENTION DU MASTER II EN DROIT

OPTION : DROIT PUBLIC

THÈME : L’extradition dans l’espace CEDEAO


(communauté économique des Etats de l’Afrique
de l’ouest).

Juillet 2018

Présenté par :  Sous la direction de :

PETREBOU Armel Tigahouweni Dr. Ervé DABONNE

Tel : 75616381/72801702/78493102 Magistrat, Enseignant à l’U-AUBEN

1
AVERTISSEMENT

L’université Aube Nouvelle n’entend donner aucune approbation ni improbation


aux opinions émises dans ce document, qui doivent être considérées comme
propres à leur auteur.

2
REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier mon Directeur de mémoire, le Docteur Ervé DABONNE, d’avoir accepté
de diriger ces recherches et de m’avoir donné l’opportunité de travailler sur un sujet si
passionnant. Merci Docteur pour votre attention, votre soutien et vos conseils avisés, qui
m’ont permis de mener à bien ce travail.

J’adresse également mes remerciements au Professeur Benoît KAMBOU pour ses précieux
conseils, ainsi qu’à l’ensemble des professeurs du master pour leur disponibilité et la qualité
de leur enseignement, d’où j’ai pu tirer matière et idées pour la réalisation de ce mémoire.

Un grand merci à toute ma famille, plus particulièrement à mes parents Philippe Alou
PETREBOU et Pauline Katioro PETREBOU/NAVIOBOU, à qui je dois beaucoup, pour leur
soutien sans faille depuis toutes ces années, leurs encouragements perpétuels, leur confiance
et toutes leurs marques d’affection. De même que Luc Coutrian PETRABOU et Maître
Bouba YAGUIBOU, mes grands frères, qui trouvent au travers de ces pages la marque de tout
mon attachement et de toute ma gratitude.

3
LISTE DES ABREVIATIONS ET SIGLES

-ADP : Assemblée des députés du peuple

- AFDI : Annuaire français de droit international

-AGNU : Assemblée générale des nations unies

- AJDA : Actualité juridique du droit administratif

- Al. : Alinéa

-AN : Assemblée nationale

-Ann. IDI : Annuaire de l’institut de droit international

- Ass. : Assemblée

-Art. : Article(s)

- Bull. : Bulletin d'information de la Cour de cassation

- C. : Contre

- C. A : Cour d’appel

-CADHP : Charte africaine des droits de l’homme et des peuples

-Cass. : Cour de cassation

-CE : Conseil d’Etat

-CEDEAO : Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest

-CEDH : Convention européenne pour la sauvegarde des droits de l’homme

-CJ-CEDEAO : Cour de justice de la CEDEAO

-CIJ : Cour internationale de justice

-Comm. EDH : Commission européenne des droits de l’homme

-Concl. : Conclusion

-Cour EDH : Cour européenne des droits de l’homme

-CPCP : Centre permanent pour la citoyenneté et la participation

4
-CPI : Cour pénale internationale

-CPP : Code de procédure pénale

-CPP Fr. : Code de procédure pénale de la République de France

-Crim. : Chambre criminelle de la cour de cassation

-D. : Recueil Dalloz

-DUDH : Déclaration universelle des droits de l’homme

-Ed. : Edition

-HCNU : Haut-commissariat des nations unies

-HCNUDH : Haut-commissariat des nations unies pour les droits de l’homme

-IDI : Institut de droit international

-ISP : Institut supérieur pour la préparation

-JCP : Juris classeur périodique

-J.O.R.F : Journal officiel de la République de France

-J.O.RHV. : Journal officiel de la République de Haute Volta

-LGDJ : Librairie générale de droit et de jurisprudence

-N° : numéro

-NSA : National security agency (Agence nationale de la sécurité)

-Obs. : Observations

-ONUDC : Organisation des nations unies contre la drogue et le crime

-Op.cit. : Opus citatum (cité précédemment)

-P. : page

-PIDCP : Pacte international des droits civils et politiques

-Pp. : pages

-PUF : Presse Universitaire de France

-RCDA : Recueil des cours de l’Académie de droit international

5
-RCDIP : Revue critique de droit international privé

-RDP : Revue du droit public et de la science politique

-Rec. : Recueil

-Req. : Requête

-RFDA : Revue française de droit administratif

-RGDIP : Revue générale de droit international public

-RIDP : Revue internationale de droit pénal

-RUDH : Revue universelle des droits de l’homme

-T. : Tome

-T.C : Tribunal des conflits

-Trib. Corr. : Tribunal correctionnel

-UE : Union européenne

-V. : Voir

-Vol. : Volume

-§ : Pragraphe

6
SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE……………………………………………………………………….p. 1
Titre I : Les conditions et le déroulement de la procédure de l’extradition…p. 7
Chapitre I : Les conditions de l’extradition…………………………………………………p. 8
Section I : Les conditions relatives aux faits et à la personne réclamée………p. 8
Section II : Les conditions relatives à la peine et autres conditions…………..p. 20
Chapitre II : Le déroulement de la procédure d’extradition……………………p. 30
Section I : Les obstacles de la procédure d’extradition……………………………p. 30
Section II : Le cheminement de la demande d’extradition………………………p. 40
Titre II : Les effets de l’extradition………………………………………………………….p. 51
Chapitre I : Le respect du principe de la spécialité de l’extradition…………p. 52
Section I : Le contenu du principe de la spécialité de l’extradition…………p. 52
Section II : Les tempéraments au principe de la spécialité………………………p. 65
Chapitre II : La régularité de l’extradition………………………………………………p. 71
Section I : L’extradition régulière……………………………………………………………p. 71
Section II : L’extradition irrégulière…………………………………………………………p. 77
CONCLUSION GENERALE…………………………………………………………………………p. 82

7
INTRODUCTION GENERALE

Dans ce monde de plus en plus interdépendant, aucun pays ne peut s’attaquer à lui seul
et surtout efficacement contre la criminalité qui a pris à notre époque surtout une dimension
internationale1. Ce phénomène a profité non seulement de la mondialisation économique, de
la porosité des frontières, de l’instabilité politique des Etats mais aussi et surtout des nouvelles
technologies de l’information et de la communication pour sa prolifération. Selon Koffi
ANNAN : «  les groupes criminels n’ont pas perdu de temps pour adopter rapidement
l’économie mondialisée d’aujourd’hui et les technologies de pointe qui l’accompagnent. Mais
nos efforts pour les combattre sont restés jusqu’à présent très fragmentaires et nos armes
pratiquement obsolètes. Avec une coopération judiciaire pénale internationale renforcée,
nous pouvons porter véritablement atteinte aux capacités dont disposent les criminels
internationaux pour coopérer avec succès et aider en tout lieu les citoyens qui luttent souvent
avec acharnement pour la sécurité et la dignité dans leur foyer et leur communauté »2.

Pour venir à bout de la criminalité ou de la délinquance qui est une réalité


transfrontalière et en l’absence d’un espace judiciaire international 3, la nécessité de coopérer
devient incontournable voire absolue. Au regard du caractère transversal de la criminalité, une
stratégie multilatérale de portée régionale, sous régionale ou mondiale d’ensemble requérant
une solide coopération internationale s’impose4. L’efficacité de la lutte contre la délinquance
internationale implique une étroite collaboration entre les Etats. L’Afrique de l’Ouest s’est
arrimée à cette donne à travers la CEDEAO. Elle est une intégration régionale regroupant 15
Etats membres dont le Benin, le Burkina Faso, le Cap-Vert, la Gambie, le Ghana, la Guinée,
la Guinée-Bissau, le Libéria, le Mali, le Niger, le Nigéria, la République de Côte d’Ivoire, le
Sénégal, la Sierra-Leone, le Togo. Son siège est à Abuja au Nigéria. Pour la mise en place et
le fonctionnement de la CEDEAO plusieurs institutions sont à l’œuvre à savoir la Conférence
des chefs d’Etat et de gouvernement, le Conseil des ministres, le Parlement de la

1
Marie-Elisabeth CARTIER et Geneviève COUFFINO, Droit pénal général, Paris, Montchrestien, 4e éd., p. 55.
2
Koffi ANNAN, Ex-secrétaire général de l’ONU, avant-propos à la Convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée et protocoles s’y rapportant (New York, Nations Unies, 2004).
3
A part une convention de 1937 sur le terrorisme, qui n’entra jamais en application du fait de la Deuxième
Guerre mondiale, aucun texte n’évoque la création de juridictions internationales compétentes pour instruire et
pour juger les affaires de droit commun.
4
Gérard TARBANGDO, La criminalité transnationale en Afrique de l’Ouest, séminaire sous régional de haut
niveau sur la criminalité transnational du 12 au 14 décembre 2013 à Bamako au Mali, P.2.

8
communauté, le Conseil Economique et Social de la communauté, la Cour de justice de la
CEDEAO, le secrétariat exécutif, le Fonds de coopération, de compensation et de
développement, les commissions techniques spécialisées5.

L’objectif à terme de la CEDEAO est de promouvoir la coopération économique et


politique entre les Etats6. L’atteinte de cet objectif passe par l’ouverture des frontières
préconisée par la libre circulation des personnes et des biens. Cette situation est assurément
favorable aux criminels qui peuvent s’en prévaloir comme refuge pour échapper à la justice
d’un Etat dans lequel ils ont commis un forfait. C’est devenu un truisme de dire que des
criminels passent au travers des mailles du filet tendu par la loi. Il en est en matière
internationale comme en matière nationale. L'ouverture des frontières dans le but de favoriser
le commerce ou le tourisme, la création des communautés économiques et la diminution des
contrôles policiers et douaniers offrent des facilités nouvelles aux malfaiteurs. En somme
l’expression « se mettre à l’abri des frontières » correspond à une réalité et passer d’un Etat à
un autre assure au délinquant un minimum de tranquillité immédiate 7. A cet effet, au sein de
la communauté divers mécanismes juridiques servant de fil d’ariane à la coopération
judiciaire pénale sont prévus créant ainsi un espace répressif commun. Parmi ces diverses
modalités de coopération internationale en matière pénale reconnus par les pratiques des Etats
et la doctrine, l’extradition est le centre d’attention premier des traités. L’extradition a dépassé
le cadre des conventions bilatérales pour atteindre le niveau régional voire mondial ou
universel. Dans le cadre de l’espace CEDEAO, elle est régie par la convention relative à
l’extradition du 06 août 1994 faite à Abuja au Nigéria ainsi que les traités bilatéraux des Etats
membres de même que leurs normes législatives nationales à titre subsidiaire. L’extradition ne
procède que pour partie ou à titre subsidiaire de dispositions législatives, l’essentiel de ses
règles écrites sont issues d’accords internationaux8.

Il n’existe pas de définition de l’extradition qui soit universellement admise et le


vocable entraide judiciaire majeure est souvent utilisé pour la désigner 9. L’extradition peut
être définie comme l’acte par lequel un Etat livre un individu, accusé ou reconnu coupable

5
Martial Fabrice ETEME ONGONO, La coopération judiciaire pénale dans les communautés économiques
régionales en Afrique : cas de la CEEAC et de la CEDEAO, mémoire de master en droit public international et
communautaire, Université de Yaoundé II, 2013, p.5.
6
www.ecowas.org sur l’historique de la CEDEAO consulté le 07 octobre 2017.
7
André BOSSARD, La criminalité internationale, PUF, Paris, Que sais-je ? 1988, pp.85-86.
8
Elisabeth ROLIN, Le Conseil d’Etat, juge de l’extradition, LGDJ, 1999, p.9.
9
A. MENDY, La lutte contre le terrorisme en droit international, thèse soutenue pour l’obtention du grade de
docteur, sous la direction du Professeur Jean-Pierre COLIN, Université de Reims Champagne-Ardenne, 2008, p.
125.

9
d’une infraction commise hors de son territoire, à un autre et qui est compétent pour le juger
ou le punir. Cette définition met en relief les trois éléments dont la réunion est nécessaire pour
qu’il y ait extradition. Ce sont d’abord un individu accusé ou reconnu coupable (individu
réclamé) ensuite un Etat compétent pour le juger ou le punir (Etat requérant) et enfin un autre
Etat sur le territoire duquel l’individu réclamé s’est réfugié, qui a statué sur la demande et y
fait droit (Etat requis ou pays de refuge) 10.

L’extradition se distingue d’autres mécanismes qui conduisent aux mêmes effets


pratiques mais qui sont d’une nature et d’un régime juridique différent. Il s’agit de l’expulsion
qui intervient pour des raisons (souvent administratives) internes de l’Etat qui expulse, du
refoulement qui consiste à refuser à un individu d’entrer à la frontière, du rapatriement qui se
situe dans un contexte non pénal, du transfert qui est une notion issue du statut du tribunal
international chargé de juger les personnes présumées responsables de violations graves du
droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex Yougoslavie depuis 1991 ou
autres ; il s’agit de transférer au tribunal une personne poursuivie initialement par une
juridiction nationale, en vertu du principe de la primauté du tribunal sur les juridictions
nationales pour la poursuite des crimes entrant dans sa compétence, de la remise telle que
développée par l’union européenne dans le cadre du mandat d’arrêt européen, qui vise à
supprimer les procédures formelles de l’extradition en adoptant le principe de la
reconnaissance mutuelle des décisions pénales11.

Au vu de l’actualité, tout laisse croire que la procédure extraditionnelle est un système


nouveau. Ce procédé de remise réciproque des délinquants fugitifs a été établi et consolidé de
façon évolutive. L’extradition est la plus ancienne forme de coopération internationale en
matière pénale12. Le premier aspect de l’extradition est son caractère d’acte d’Etat à Etat, qui a
été pendant longtemps prédominant. Les premiers accords permettaient la remise de
malfaiteurs par mesure de sûreté générale, servant surtout à livrer les personnes rebelles à
l’autorité des rois13. Au XVIIIe siècle Beccaria proclame la nécessité d’une répression
internationale afin d’éviter dans la mesure du possible l’impunité des criminels 14.
L’extradition entre ainsi dans la pratique générale des Etats et tend à se rationnaliser. Mais

10
Elisabeth ROLIN, op.cit., p.13.
11
Rayanne B. ASSAF, L’Extradition: Principes et Applications, document disponible sur www.lebarmy.gov.lb
consulté le 07 octobre 2017.
12
ONUDC, La coopération internationale en matière pénale contre le terrorisme, programme de formation
juridique contre le terrorisme, New York, 2011, p.37.
13
Elisabeth ROLIN, op.cit., p.14.
14
Beccaria, Traité des peines, 1764 cité par Elisabeth ROLIN, op.cit., p.14.

10
elle demeure un acte de haute administration qui ne met en présence que deux souverains 15.
La procédure est secrète, elle a lieu à l’insu de la personne poursuivie et échappe au contrôle
de l’appareil judiciaire. La cour de cassation française affirme dans un arrêt de 1847 que
l’extradition est un acte de haute administration échappant à toute appréciation et à tout
contrôle de l’autorité judiciaire16. Ainsi jusque-là pour la doctrine comme pour la
jurisprudence, l’extradition est un acte de gouvernement non détachable des relations
internationales. Toutefois ce système a suscité de nombreuses critiques et réactions. Alors, en
Belgique la loi d’extradition du 15 mars 1874 impose au pouvoir exécutif de ne pouvoir
rendre une ordonnance d’extradition sans avoir pris l’avis des tribunaux dument chargés
d’examiner la demande. La loi d’extradition des Pays-Bas du 06 avril 1875 est proche de la
législation belge qui s’impose comme modèle à suivre17. Peu à peu l’extradition perd son
caractère gouvernemental et discrétionnaire. Elle a évolué donc de l’acte de souveraineté vers
l’acte de juridiction et du pouvoir discrétionnaire vers la compétence encadrée dans des
conditions légales18.

Ainsi définie, l’extradition est un instrument très efficace de collaboration répressive


dans l’espace CEDEAO puisqu’elle conduit à l’appréhension physique de l’individu. Ce qui
permet ainsi à l’Etat requérant d’exercer son droit de punir, expression pure de la souveraineté
qui serait méconnue, à défaut, par le seul franchissement des frontières. Quant à l’Etat requis,
il fait quitter son territoire à un individu susceptible d’y troubler l’ordre public ou d’y
commettre des infractions, se débarrassant ainsi d’une menace potentielle à son ordre social et
juridique19.

Si l’extradition, pratiquée depuis des siècles ne pose guère de problèmes en ce qui


concerne son importance dans la lutte contre l’impunité des criminels en fuite dans l’espace
CEDEAO, profitant ainsi de la libre circulation des personnes et des biens, elle devient
complexe dès lors qu’il s’agit de sa mise en œuvre. Comme c’est une mesure de coopération
qui affecte directement la liberté des individus, l’extradition est peut être aussi celle qui est la
plus complexe et qui lance le plus de défis. Les exemples patents et récents en disent tout, de
l’affaire Blaise COMPAORE20 liant le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire à

15
Elisabeth ROLIN, op.cit., p.14.
16
Elisabeth ROLIN, op.cit., p.15.
17
Elisabeth ROLIN, op.cit., p.16.
18
Elisabeth ROLIN, op.cit., p.33.
19
M. Reynald OTTENHOF, droit pénal international : extradition, mémoire de master recherche en droit pénal
et sciences criminelles, Université de Nantes, année 2004/2005, p. 4.

11
l’affaire « Toumba » DIAKITE21 liant le Sénégal et la Guinée en passant par l’affaire Justin
Katinan KONE22 liant le Ghana et la République de Côte d’Ivoire et bien d’autres affaires.
Comme nous le constatons le droit extraditionnel n’est pas compliqué en tant que tel. Il repose
sur des mécanismes d’entraide judiciaire internationale simples. C’est sa mise en œuvre qui
est compliqué, car intégrée dans un ensemble de facteurs subjectifs difficiles à gérer
politiquement23. Le problème qui se pose alors avec acuité est celui de la mise en œuvre de
l’extradition dans l’espace CEDEAO. Quelle ligne suivre donc pour que la lettre soit
appliquée en la matière ? Autrement, quelles conditions et procédure à respecter par les Etats
membres dans le processus extraditionnel pour son efficacité ? Et Quels seraient les effets de
l’extradition traitée dans le respect ou non des principes l’encadrant ?

D’où le choix de ce thème : « l’extradition dans l’espace CEDEAO » qui nous


permettra d’analyser le cadre juridique de la coopération judiciaire pénale notamment
l’extradition entre les Etats membres de la communauté, d’autant plus que son intérêt n’est

20
L’ancien président burkinabè (de 1987 à 2014) est aujourd’hui en exil en Côte D’Ivoire, suite à une
insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, le contraignant à quitter le pouvoir. En effet, le peuple
burkinabè s’est insurgé contre la modification de l’article 37 de la constitution qui permettait au président Blaise
COMPAORE de briguer un nouveau mandat (le second mandat devrait s’achever en 2015), ce qui précipita son
départ. Il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international émis alors par les autorités de la transition depuis le 04
décembre 2015 et trois chefs d’accusation pèsent sur lui : attentat contre la sûreté de l’Etat, complicité
d’assassinat, complicité de recèle de cadavres, surtout pour son rôle présumé dans les tristement célèbres
assassinats politiques du père de la révolution burkinabè Thomas I. SANKARA et ses compagnons. Après ce
mandat d’arrêt international émis, la justice a annoncé, le 23 décembre 2015 son intention de transmettre à la
partie ivoirienne une demande d’extradition. Cependant, depuis lors, le dossier peine à évoluer. En attendant
que les jours à venir nous situent sur l’évolution de cette demande, il est bon de rappeler que la convention
bilatérale d’extradition signée le 30 juillet 2014 à Ouagadougou entre les deux nations, prévoit qu’en cas de refus
d’une demande d’extradition, chacune des parties s’engage à juger la personne mise en cause sur son sol (art. 4
de ladite convention relatif à l’extradition des nationaux).
21
Dans cette affaire, Aboubacar Sidiki DIAKITE dit « Toumba », ancien aide de camp de Moussa Dadis
CAMARA alors chef de la junte militaire au pouvoir à l’époque en guinée, faisait l’objet d’un mandat d’arrêt
international pour son implication dans le massacre perpétré au stade du 28 septembre. En effet, le 28 septembre
2009, au moins 157 personnes sont tuées dans le stade de Conakry et plus de 100 femmes violées par les forces
de la junte qui a pris le pouvoir 8 mois plus tôt, lors du rassemblement de l’opposition pour contester la volonté
de Moussa Dadis CAMARA de se présenter à l’élection présidentielle prévue quelques mois plus tard.
« Toumba » fut arrêté au Sénégal le 16 décembre 2016 où il vivait sous une fausse identité, après 7 ans de
cavale. Déclarant l’affaire politique, « Toumba » a déclaré s’opposer à son extradition en Guinée. Cependant, la
chambre d’accusation de la cour d’appel de Dakar a émis un avis favorable à son extradition. Le 10 février 2017,
le président sénégalais Macky SALL signait le décret d’extradition de « Toumba » qui a été, le 12 mars 2017,
transféré à Conakry.
22
Dans cette affaire, Justin Katinan KONE, porteur d’une carte de réfugié de bureau ghanéen des réfugiés,
reconnu par le HCNU pour les réfugiés, faisait l’objet d’une demande d’extradition formulée par les autorités
ivoiriennes. En effet en 2012, après la crise post-électorale, la République de Côte d’Ivoire avait demandé
l’extradition de Justin Katinan KONE, ancien ministre du budget de l’Etat exilé au Ghana, pour des faits de
“crimes économiques et de meurtres’’. La justice ghanéenne, à l’issue d’un “bras de fer’’ judiciaire a refusé de
donner suite à cette demande en août 2013. Cependant, condamné par contumace à Abidjan, en janvier 2018, à
20 ans de prison, dans l’affaire du casse de la BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest),
KONE est visé par un nouveau mandat d’arrêt international émis le 28 mars 2018.
23
Philippe RICHARD,  Droit de l'extradition et terrorisme, risques d'une pratique incertaine : Du droit vers le
non droit ? AFDI, Paris, vol. XXXI, 1998, p.657.

12
plus à démontrer. En effet, l’environnement international n’est plus le même et la criminalité
a changé de visage après la seconde guerre mondiale et tous les Etats se voient menacés par la
criminalité ambulante internationale. Que ce soit l’Etat requis ou l’Etat requérant, ils ont tous
intérêt à ce que le criminel fugitif soit arrêté et jugé. Notre mémoire permettra alors d’aider
sur le plan scientifique les futurs chercheurs sur la notion afin de déboucher sur de nouvelles
orientations en la matière. En plus notre étude vulgarisera davantage la notion (surtout que
l’extradition est d’actualité), ses principes et effets au sein de la communauté, jusque-là
ignorés. Notre mémoire se situe aussi dans la présentation des insuffisances du processus
extraditionnel et la recherche des moyens pour y remédier. Pratiquement notre réflexion
permettra aux dirigeants et peuples de l’espace CEDEAO d’être au courant de l’état de
l’extradition dans leur communauté. Ce qui les aidera à améliorer les textes régissant
l’extradition ceci dans l’optique d’une meilleure lutte contre la criminalité et l’impunité sous
toutes les formes.

Il importe par conséquent pour nous, après avoir analysé les conditions et la procédure
de l’extradition (Titre I), de nous atteler à évoquer les effets possibles de l’extradition (Titre
II).

13
Titre I : Les conditions et le déroulement de la procédure de l’extradition.

L’extradition est le mécanisme juridique par lequel un Etat (l’Etat requis), sur le
territoire duquel se trouve un individu, remet ce dernier à un autre (l’Etat requérant), afin qu’il
le juge (extradition à fin de jugement) ou lui fasse exécuter sa peine (extradition à fin
d’exécution)24.

Toutes sources de droit confondues, lois nationales, conventions bilatérales et celles


multilatérales, l’extradition obéit à des conditions spécifiques prévues et une procédure
particulière. Les Etats intéressés n’accordent ou ne demandent l’extradition d’un fugitif que
lorsque ces conditions sont remplies et suivant cette procédure. Ces conditions sont
limitativement énumérées par la convention d’extradition de la CEDEAO du 6 août 1994 sans
occulter le droit supplétif des lois nationales respectives des Etats membres de la
communauté ainsi que les conventions bilatérales de ceux-ci.

Les conditions tiennent les unes, à la personne qui en est l’objet et aux faits qu’on lui
impute, les autres, à la peine qu’elle encourt ou à laquelle elle a déjà été condamnée et autres
conditions liées à la condition humaine. Quant à la procédure que doit suivre l’extradition
d’un fugitif, elle est en d’autres termes les conditions de forme de l’extradition. Un certain
nombre de règles procédurales pénales sont reconduites en matière extraditionnelle
constituant ainsi d’obstacles à la procédure d’extradition. Préalablement à la demande
d’extradition faisant l’objet d’un examen en deux phases, celles judiciaire et administrative,
certains actes sont également nécessaires pour en arriver.

Etant donné que la vérification des conditions est préalable pour faire droit ou non à
une demande d’extradition, nous allons dans un premier temps, énumérer lesdites conditions
(chapitre I). Dans un second temps nous évoquerons les conditions de forme, donc la
procédure à suivre dans le traitement de la demande d’extradition (chapitre II).

Chapitre I : Les conditions de l’extradition.


24
A. HUET et R. KOERING-JOULIN, Droit Pénal International, Paris, PUF, 1994, p. 356

14
Les conditions de l’extradition varient d’une convention à une autre. Elles sont
déterminées concernant l’espace communautaire CEDEAO par la convention du 6 août 1994
complétée par les lois nationales25 des Etats parties ou les accords bilatéraux ou multilatéraux
conclus entre eux26.

Lorsqu’il est saisi d’une demande d’extradition, l’Etat requis doit vérifier si ces
conditions sont remplies ou pas et quant à l’Etat requérant, il est censé vérifier le remplissage
de ces dites conditions avant d’introduire sa demande aux autorités requises.

Ces conditions sont d’une part, relatives à la personne du fugitif et aux faits qu’on lui
impute (section I) et d’autre part, relatives à la peine encourue ou déjà prononcée de même
qu’autres conditions liées aux exigences des droits humains (section II).

Section I : Les conditions relatives aux faits et à la personne réclamée.

Il s’agit des conditions positives ou négatives liées aux faits incriminés ou à l’acte
infractionnel (§1) et à l’individu qui en est l’objet de l’extradition (§2).

§1 : Les principes liés à l’acte infractionnel.

Les conditions relatives aux faits sont au nombre de deux. D’une part, les faits doivent
être incriminés par les lois des Etats concernés à savoir l’Etat requérant et celui requis, il
s’agit là du principe de la double incrimination (A), d’autre part, les faits ne doivent pas être
d’une certaine nature (B).

25
Aux termes de l’art. 1 de la loi du 10 mars 1927 et l’art. Premier de la loi n°71-77 du 28 décembre 1971 du
Sénégal c’est en l'absence de traité que les conditions, la procédure et les effets de l'extradition sont déterminés
par les dispositions desdites lois, elles s'appliquent également aux points qui n'auraient pas été réglementés par
les traités.
26
Aux termes de l’art. 32 §2 de la convention d’extradition de la CEDEAO de 1994 les Etats pourront conclure
entre eux des Accords bilatéraux ou multilatéraux relatifs aux questions réglées par ladite Convention, aux fins
de compléter ou renforcer les dispositions de celle-ci ou pour faciliter l'application des principes qu'elle
consacre.

15
A : Le principe de double incrimination.

La double incrimination est une règle de base de l’extradition. Ce principe implique


que les faits pouvant donner lieu à l’extradition soient sanctionnés dans la législation de
l’Etat requérant comme celle de l’Etat requis.

L’exigence d’une qualification pénale par la loi de l’Etat requérant apparait s’imposer
au nom du bon sens27. En effet, la demande d’extradition se trouverait sans cause et objet si
l’acte considéré ne constitue pas une infraction d’après sa loi car, il ne saurait être question de
poursuite pénale, encore moins de condamnation pénale. Il n’y aurait donc ni prévenu, ni
condamné fugitif faisant l’objet d’extradition. Quant à l’Etat requis, on imagine mal un Etat
accepter l’extradition d’un individu pour un comportement que son système juridique ne
pénalise pas28 et ce, suivant même l’esprit du principe de la légalité des infractions et des
peines29. En outre, il n’est pas d’entraide répressive sans un minimum de langage commun ni
sans une définition commune du but poursuivi30.

Cette condition est prévue par l’art.3-1 de la convention d’août 1994 en ces termes «
donneront sous certaines conditions lieu à extradition les faits punis par les lois de l'Etat
requérant et de l'Etat requis ». Elle est prévue à l’art.2 de la loi relative à l’extradition des
étrangers du Burkina Faso et aussi à l’art.3 al.1 de la convention relative à l’extradition entre
le Burkina Faso et la République de Côte D’Ivoire.

Cependant, aucun de ces textes ne donne les clés de la mise en œuvre de cette
condition. Le jeu du principe suppose que les faits soient incriminés, c’est-à-dire constituent
matériellement et psychologiquement une infraction, au regard de chacune des deux lois en
présence. En revanche, il importe peu que les deux qualifications soient différentes ni que les
deux législations ne donnent pas à ces faits la même appellation juridique 31. Ainsi, la double
incrimination doit être considérée respectée même si les deux législations ne nomment pas, ne
définissent pas ou ne classent pas l’acte de la même manière. Ce qui compte est que l’acte soit
considéré comme une infraction extraditionnelle dans les deux pays.

27
A. HUET et R. KOERING-JOULIN, op.cit., p.359.
28
Jacques VERHAEGEN, Lois pénales identiques et jurisprudences divergentes : une difficulté du droit
extraditionnel, in RIDP, Toulouse, ères, 1er et 2e semestre, 1991, p.183.
29
Selon l’adage classique, nullum crimen, nulla poena sine lege, aucun crime ni peine ne peut exister sans
qu’une loi ne l’ait prévu.
30
A. HUET et R. KOERING-JOULIN, op.cit., p.360.
31
CE, 15 février 1980, Winter, D., 1980, p. 449.

16
Il n’appartient pas à l’Etat requis de vérifier l’exactitude de la qualification retenue par
l’Etat requérant ni de connaitre de la réalité des charges pesant sur la personne réclamée ou
ayant entrainé sa condamnation, néanmoins, il lui est réservé l’hypothèse d’une erreur
évidente.

Si cette condition présente une importance en ce qu’elle vise le respect de la


souveraineté de l’Etat requis, nous trouvons en elle une source d’impunité des auteurs de
certaines infractions par le simple changement de pays de résidence après leur forfait. C’est
dans ce sens que les résolutions d’Oxford apportent une solution. Lorsque les circonstances de
fait qui constituent l’infraction ne peuvent se produire à cause des institutions particulières ou
de la situation géographique du pays de refuge, l’Etat requis doit accorder l’extradition même
si sa législation ne réprime, ni ne connait l’infraction commise par l’individu 32. A noter que la
tendance récente du droit d’extradition est d’assouplir l’application de ce principe 33 surtout
avec la propagation des actes terroristes.

Si la condition de double incrimination est remplie, encore faut-il évidemment que les
qualifications du fait renvoient à une infraction extraditionnel par sa nature.

B : La nature de l’infraction.

Certaines infractions quoi qu’elles remplissent la condition de double incrimination ne


peuvent être retenues et font échapper leurs auteurs ou complices à l’extradition. Il s’agit des
infractions relatives aux faits s’inscrivant dans un contexte politique « lato sensu », des
infractions militaires et financières dans une certaine mesure.

S’agissant des infractions politiques, deux situations doivent soigneusement être


distinguées : d’une part, celle de la véritable délinquance politique, par son objet ou par sa
motivation ; d’autre part, celle de l’individu qui officiellement réclamé pour une infraction de
droit commun, l’est en fait pour des raisons politiques inavouées par l’Etat requérant34.

L’exception de l’infraction politique est une clause standard que l’on trouve dans la
majorité des traités d’extradition et dans les lois nationales de nombreux Etats. A l’instar de

32
V. art. 11 des résolutions d’Oxford de 1880 relatives à l’extradition.
33
ONUDC, op.cit., p. 58.
34
A. HUET et R. KOERING-JOULIN, op.cit., p. 361.

17
nombre d’accords bilatéraux35 et de la loi d’extradition de 192736, la convention d’Abuja dans
son art.4 al.1 énonce que : « l’extradition ne sera pas accordée si l’infraction pour laquelle
elle est demandée est considérée comme une infraction politique ou comme une infraction
connexe à une telle infraction.»

Traditionnellement, les demandes d’extradition étaient rejetées lorsque l’Etat requis


soutenait que l’infraction en question était de nature politique. L’origine de ce principe
remonte au XIXe siècle et se fonde sur l’idée que la résistance à l’oppression politique et à la
dictature doit être soutenue37.

Même s’il est largement connu, le terme « infraction politique » est rarement défini
dans les traités ou les lois nationales. Aucune définition n’étant donnée par le droit
international, l’appréciation du caractère politique de l’infraction incombe à l’Etat requis.
Ceci explique que ce régime spécifique, créateur de ce que le Professeur VITU qualifie «
d’immunité extraditionnelle »38, reste un acte souverain de l’Etat requis.

Face au silence de la loi, doctrine et jurisprudence se sont efforcées de définir la notion


d’infraction politique. Comme souvent en droit, deux critères se sont faits jour. Ainsi, le
premier, un critère objectif, s’attache au comportement dont l’objet ou le résultat, porte
atteinte, dans son élément matériel, à l’existence ou à l’organisation de l’Etat. Le second, un
critère subjectif, confère la nature d’infraction politique à l’infraction de droit commun
inspirée, en tout ou partie, par des motifs, des mobiles politiques 39. Le droit extraditionnel, à la
différence du droit pénal interne qui privilégie la conception objective, prend en compte tous
les éléments d’appréciation pour déterminer si une infraction a ou non un caractère politique.

L’abstention de toute définition précise de l’infraction politique par le législateur


trouve relativement sa raison d’être. Selon le sénateur VALLIER : «  il serait dangereux de
lier les magistrats par un texte qui, donnant la première place aux conditions extérieures de
l’extradition, les exposeront à en méconnaitre le sens intime, la cause profonde, et
éventuellement le caractère politique. Il convient, en effet, de laisser aux magistrats le soin de
s’inspirer d’abord de la règle impérativement énoncée par la loi puis de rechercher s’il existe
chez l’agent des motifs politiques , l’intention d’atteindre un but politique, ou si, au contraire,
35
Art. 5 al. 5, Convention d’extradition entre le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire du 30 juillet
2014.
36
Art. 5 al. 2, loi du 10 mars 1927.
37
ONUDC, op.cit., p. 59.
38
A. VITU, Le meurtre politique en droit international et en droit extraditionnel, in Mélanges offerts à
Georges LEVASSEUR, droit pénal droit européen, Gazette du Palais, Litec, 1992, p. 368.
39
J. LEFEBVRE, Codifier l’infraction politique ?, CURAPP-la politique ailleurs, PUF, 1998, p. 376.

18
l’intérêt personnel, la vengeance privée et la criminalité de droit commun caractérisant
l’infraction »40.

Ainsi les infractions connexes à des crimes ou délits politiques par leur objet en raison
du lien qui les unit suivent le même régime protecteur 41. Mais demeure la question plus
délicate des infractions dites complexes, c’est-à-dire les infractions dont les auteurs sont
animés par la passion politique mais qui portent atteinte à des intérêts privés 42. Contrairement
aux infractions politiques pures et celles connexes, les infractions complexes ne sont pas
prévues par la convention d’extradition de la CEDEAO. La convention européenne
d’extradition en son art.3 refuse de reconnaitre le caractère politique aux infractions
complexes, de même que la jurisprudence française qui est hostile à la qualification politique
de ces infractions43.

En outre l’art.4-2 de la convention d’Abuja interdit aussi l’extradition lorsqu’il résulte


des circonstances qu’elle est demandée dans un but politique de manière implicite et c’est la
loi de 1927 qui prévoit expressément cette interdiction44.

Bien que cette règle soit qualifiée de « clause française » son origine est anglaise et
certains auteurs parlent plus volontiers de « clause anglaise ». Elle est affirmée pour la
première fois à l’art. III (1°) de l’ « Extradition act » du 09 Aout 1870 et introduite dans le
traité franco-anglais du 14 Aout 187645. Par la suite, le conseil d’Etat français reconnait cette
règle comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République, donc applicable
en l’absence d’un texte 46 .

Cette disposition, pensons-nous, est non seulement compliquée dans sa mise en œuvre
car encore faut-il que l’Etat requis ait connaissances des « arrière-pensées » animant l’Etat

40
Rapport du sénateur Vallier, annexé au procès-verbal de la séance du 4 mars 1926 relative aux travaux
préparatoires à l’adoption de loi de 1927 cité par Elisabeth ROLIN, op.cit., p. 115
41
V. art. 4 al. 1, Convention d’extradition de la CEDEAO de 1994.
42
A. HUET et R. KOERING-JOULIN, op.cit., p. 362.
43
CE Ass., 7 juillet 1978, Croissant, Rec., p. 290.
44
V. les art. 4-2°, Convention d’extradition de la CEDEAO et 5-2, loi du 10 mars 1927.
45
Elisabeth. ROLIN, op.cit., p. 120.
46
CE Ass., 3 juillet 1996, M. Koné, RFDA 1996, p. 870. Considérant qu’aux termes de l’article 44 de l’accord
de coopération en matière de justice entre la France et le Mali du 9 mars 1962 : « L’extradition ne sera pas
exécutée si l’infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par la partie requise comme une infraction
politique ou comme une infraction connexe à une telle infraction » ; que ces stipulations doivent être interprétées
conformément au principe fondamental reconnu par les lois de la République, selon lequel l’Etat doit refuser
l’extradition d’un étranger lorsqu’elle est demandée dans un but politique ; qu’elles ne sauraient dès lors limiter
le pouvoir de l’Etat français de refuser l’extradition au seul cas des infractions de nature politique et des
infractions qui leurs sont connexes ; que, par suite, M. Koné est, contrairement à ce que soutient le garde des
sceaux, fondé à se prévaloir de ce principe ; qu’il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que l’extradition
ait été demandée dans un but politique.

19
requérant, chose qui peut être difficile à vérifier, mais aussi et surtout elle peut être source de
tension interétatique en ce sens que la mise en œuvre de la clause même diplomatiquement
délicate tant elle révèle une certaine déloyauté de la part de l’Etat requérant. Sans doute est-ce
la raison pour laquelle elle triomphe rarement en jurisprudence 47. En réalité, il n’a été procédé
de manière expresse qu’à une unique occasion, à l’annulation d’une extradition réalisée dans
un but politique48.

La tendance actuelle est de restreindre la portée de la notion d’infraction politique afin


de permettre l’extradition, surtout avec la montée du terrorisme et d’autres formes de
criminalité transnationale. La convention internationale pour la répression des attentats
terroristes à l’explosif de 199749 contient cette disposition de façon à empêcher qu’en cas
d’infractions graves l’extradition ne soit compromise par des exigences infondées
d’application de l’exception d’infraction politique. La résolution 1373 du Conseil de sécurité
de l’ONU valide cette approche en étendant l’exclusion de l’exception prévue pour les
infractions politiques aux actes de terrorisme en général. A l’alinéa f) de l’article 3, il est
demandé aux Etats de veiller à ce que la revendication de motivations politiques ne soit pas
considérée comme pouvant justifier le rejet de demandes d’extradition de terroristes
présumés.

S’agissant des infractions militaires, l’art.7 de la convention d’Abuja exclues de


l’extradition celles-ci qui ne constituent pas des infractions de droit commun. La loi du 10
mars 1927 les exclut aussi du domaine de l’extradition mais de manière implicite. En effet, ce
texte considère comme infractions extraditionnelles « les infractions commises par les
militaires, marins ou assimilés, lorsqu’elles sont punies par la loi burkinabè comme
infractions de droit commun »50. D’une interprétation a contrario, on peut en déduire que les
auteurs d’infractions purement militaires51 ne sont pas extradables. La convention ivoiro-
burkinabè exclut également les infractions militaires du domaine d’extradition52.

47
A. HUET et R. KOERING-JOULIN, op.cit., p. 364.
48
CE Ass., 24 juin 1977, Astudillo-Calleja, Rec., p. 290. Il s’agissait alors d’un militant séparatiste basque pour
lequel l’Espagne, avant sa transition démocratique et le rétablissement de l’Etat de droit, avait obtenu
l’extradition pour un délit de droit commun. Cette extradition a été annulée par la suite par la Haute Assemblée
pour une demande d’extradition faite dans un but politique.
49
V. art. 11, Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif adoptée par
l’AGNU le 15 décembre 1997.
50
V. art. 4 al. 6, loi du 10 mars 1927.
51
Exemple des manquements à la discipline des armées comme la désertion, l’insoumission, la capitulation,
l’insubordination…V. titre II, livre III de la loi n° 24/94/ADP du 24 mai 1994 portant code de justice militaire du
Burkina Faso.
52
V. art. 5 §6 de la convention d’extradition entre le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire.

20
Pour ce qui est de la délinquance dite en col blanc, Il est traditionnellement reconnu
aux infractions fiscales une réelle immunité les excluant du champ habituel de l’extradition, à
moins que les Etats n’en décident autrement. L’extradition ne pouvait aboutir pour des délits
fiscaux, commis dans le but de payer moins d’impôt, moins de droits de douane ou toute autre
fraude fiscale53, ce domaine étant réservé à la compétence exclusive de chaque Etat.

Cependant la tendance actuelle est d’inclure de plus en plus ces infractions dans le
champ extraditionnel, dans le souci de lutter contre les évasions fiscales surtout grandissantes
et très préjudiciables pour l’économie des Etats surtout de l’espace CEDEAO. C’est ainsi que
la convention d’Abuja contient une disposition spéciale à cette catégorie d’infractions. L’art.9
de ladite convention stipule : « en matière de taxes, d'impôt et de douane, l'extradition sera
accordée entre les Etats conformément aux dispositions de la présente Convention, pour les
faits qui correspondent selon la loi de la partie requise, à une infraction de même nature,
même si la législation de cet Etat ne contient pas le même type de réglementation en matière
de taxes, d'impôt et de douane ». Contrairement au législateur européen, le législateur
communautaire CEDEAO ne prévoit pas la condition de la nécessité d’un arrangement
préalable entre les parties sous forme soit d’un accord suivi d’une ratification, soit d’un
simple échange de lettres dont la France est partisane ou encore tout autre acte pouvant être
considéré comme une décision commune pour accorder l’extradition. La loi de 1927 n’y fait
aucune allusion de même que la convention ivoiro-burkinabè.

En sus des conditions relatives au fait incriminé, certaines conditions relatives à


l’individu objet d’extradition sont nécessaires dans le processus extraditionnel.

§2 : Les conditions relatives à l’individu réclamé.

Si les faits incriminés remplissent les conditions pour que l’individu réclamé soit
extradé, encore faut-il que son extradition ne se heurte pas à certains obstacles : sa qualité de
national de l’Etat requis (A) et son statut de réfugié de même que certaines conditions
humanitaires (B).

53
Bertrand BAUCHOT, Sanctions pénales nationales et droit international, thèse soutenue et présentée
publiquement pour obtenir le grade de docteur en droit sous la direction de Vincent COUSSIRAT-COUSTERE,
Université Lille 2 – droit et santé, école doctorale n ° 74, Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales, le
1er Décembre 2007, p. 399.

21
A : L’influence de la nationalité.

Alors qu’un Etat requérant peut réclamer l’extradition de toute personne, même de
l’un de ses ressortissants ou d’un Etat tiers, il est de tradition pour nombre d’Etats, en
particulier les Etats de droit civil, de ne pas extrader leurs nationaux. Lorsque l’individu
réclamé par l’Etat requérant relève d’un Etat tiers, la nation requérante peut invoquer sa
compétence territoriale pour demander l’extradition du fugitif au cas où l’infraction a été
commise sur son territoire. L’Etat requérant peut aussi obtenir l’extradition d’un étranger
lorsque ce dernier a commis un forfait même en dehors de cet Etat mais portant atteinte aux
intérêts dudit Etat. Cependant lorsque cet individu possède la nationalité de l’Etat requis, dans
un esprit protecteur de son national, il ne l’extradera pas ou peut ne pas l’extrader.

Tout d’abord on peut constater que certains textes constitutionnels, anciens ou récents,
font de la règle de non extradition des nationaux, un des principes gouvernant l’ordre
juridique interne. Il en est ainsi de la Constitution de la République du Cap-Vert du 14 février
1981 qui dispose en son art. 35-1 que « nul citoyen cap-verdien ne peut être extradé ou
expulsé de son pays ». Il en va de même de la Constitution togolaise en son art. 24 54 et bien
d’autres55.

Quand cette interdiction n’est pas relayée par le texte constitutionnel, elle peut l’être
par la législation interne ou les conventions bilatérales ou régionales traitant de l’extradition.
Ainsi ce principe de non extradition des nationaux est prévu par la convention d’Abuja en
son art.10. Contrairement à cette convention qui offre à l’Etat requis la faculté de refuser
d’extrader ou d’extrader ses nationaux, la plupart des lois nationales interdisent strictement
l’extradition des nationaux. C’est le cas de la loi burkinabè relative à l’extradition des
étrangers du 10 mars 1927, comme celle du Sénégal du 28 décembre 1971. La France
également en ratifiant la convention européenne de 1957 émet une réserve qui a substitué à la

54
Aux termes de l’art. 24 de la Constitution de la République togolaise du 14 octobre 1992, « aucun togolais ne
peut être extradé du territoire national ».
55
V. les art. 61-1 de la Constitution de la fédération de Russie du 12 décembre 1993, 25 chapitre 1 de la
Constitution suisse, 5 § 50 de la Constitution brésilienne du 5 octobre 1988. Cependant la constitution suisse tout
en refusant l’extradition des suisses et suissesses, précise qu’elle est possible s’ils y consentent. Quant à la
constitution brésilienne elle réfute l’extradition des nationaux, exception faite des naturalisés, à deux conditions
non cumulatives : si l’individu a commis un crime de droit commun avant sa naturalisation ou bien s’il est
impliqué dans la participation d’un trafic de drogues.

22
faculté, une interdiction d’extrader56. Cependant la loi du Madagascar relative à la coopération
internationale en matière pénale rend cette interdiction facultative en disposant que
« l’extradition peut être refusée :…si l'individu dont l'extradition est demandée est un
ressortissant de Madagascar », exception faite des « infractions punies de peines criminelles
sous condition de réciprocité »57.

La règle de non extradition des nationaux peut être justifiée par plusieurs raisons à tort
ou à raison par les Etat qui la retiennent. Ce refus est justifié tout d’abord par une excuse de
dignité nationale, au nom de laquelle, lorsqu’un citoyen transgresse la loi, c’est à son Etat et
seulement à lui de s’en charger, dans le plein exercice de sa souveraineté, au sein de sa propre
sphère nationale. Selon M. MASSE, « livrer un national à une justice étrangère serait une
marque de faiblesse, de soumission à une autorité extérieure »58. De part et d’autre, les Etas
justifient ce refus par le souci de protéger leurs ressortissants contre l’arbitraire du juge
étranger notamment sa partialité. Ils craignent aussi que leurs nationaux, ignorant par exemple
la langue étrangère, ne soient pas à même de se défendre valablement. Enfin, ils craignent que
le sentiment de nationalisme de la population étrangère ne dégénère en une haine contre leurs
ressortissants59.

Mais toutes ces raisons, pensons-nous, demeurent discutables, étant donné que le droit
« s’humanitarise » de nos jours et que la place des droits de l’homme dans les relations
internationales est plus que considérable60. En effet, avec le respect des droits de l’homme qui
est d’ailleurs quasi universellement proclamé, ces raisons ne sont pas très fondées ou le sont
peu. Ce principe manifeste une solidarité mal placée de l’Etat vis-à-vis de ses nationaux et
traduit une méfiance des Etats les uns vis-à-vis des autres.

Quand bien même ce principe serait atténué par le jeu de la compétence personnelle
active61, il est vivement critiqué par la doctrine unanime62. Il ne semble d’ailleurs pas
présomptueux de présager sa disparition progressive en particulier lorsqu’il y a une relation
56
A. HUET et R. KOERING-JOULIN, op.cit., p. 357.
57
V. art. 102-g de la loi n° 2017-027 du 08 décembre 2017 relative à la coopération internationale en matière
pénale du Madagascar.
58
M. MASSE, L’extradition des nationaux, RSC, 1994, p. 799.
59
Alberic Le BARON, L’extradition, RCADI, 1923, p. 183.
60
Abdoulaye SOMA, Le principe de la spécialité de l’extradition au regard des droits humains, mémoire de
maitrise en droit public, Université de Ouagadougou, U.F.R/SJP, 2004, p. 3.
61
La compétence personnelle active se définit comme une aptitude de l’Etat à soumettre à son ordre juridique et,
en particulier, à incriminer et juger des faits commis à l’extérieur de ses frontières en raison d’un lien
d’allégeance de l’auteur de l’infraction à l’égard de l’Etat qui exerce la compétence. Eminemment lié au respect
de la souveraineté étatique, ce titre de compétence est fondé sur le lien de rattachement qu’est la nationalité et
qui légitime la juridiction de l’Etat pour des crimes commis à l’étranger par ses nationaux.
62
A. HUET et R. KOERING-JOULIN, op.cit., p. 357.

23
privilégiée entre Etats parties à une convention comme celle de la CEDEAO pour une
meilleure intégration régionale et lutter contre l’impunité.

C’est l’esprit du vœu exprimé déjà en 1880 par l’IDI dans ses résolutions lors de sa
session d’Oxford. Suivant ces résolutions, lorsqu’un individu regagne son pays après avoir
commis une infraction à l’étranger, il devra être extradé vers le pays où il a commis son
forfait. Sous réserve de réciprocité, celle-ci propose aux Etats d’en finir avec cette règle,
puisque « l’extradition des nationaux serait un moyen d’assurer la bonne administration de
la justice pénale, parce qu’on doit considérer comme désirable que la juridiction du forum
delicti commissi soit, autant que possible, appelée à juger »63.

Restent deux problèmes, d’une part, celui du moment de l’appréciation de la


nationalité. La convention d’Abuja énonce que la qualité du national s’apprécie à l’époque de
la commission de l’infraction64, de même que la loi de 192765, tandis que la convention
européenne d’extradition se réfère au moment de la décision sur l’extradition 66. Quant à la
convention ivoiro-burkinabè d’extradition, elle est restée muette sur la question.

Pour nous, le juste moment dans l’appréciation de la nationalité est celui prévu par la
convention d’Abuja ainsi que la loi de 1927, donc au moment de la commission des faits.
L’Etat requis doit refuser de protéger un sujet, d’un loyalisme douteux, qui, n’ayant acquis la
nationalité que postérieurement au forfait, semble avoir cherché, dans sa naturalisation, un
moyen de se soustraire aux poursuites. Cela permettra de faciliter la poursuite des auteurs qui,
après leur forfait, se réfugient dans un autre Etat tout en acquérant la nationalité dudit Etat. Et
ce, dans le souci de mieux lutter contre l’impunité gage d’une paix durable tant nécessaire
pour l’intégration régionale dans l’espace CEDEAO.

D’autre part, le problème de la juridiction compétente pour statuer sur l’exception de


nationalité. Depuis l’arrêt Salati67 rendu par le conseil d’Etat français, il ressort que la
chambre d’accusation est compétente pour se prononcer elle-même sur la question de la
nationalité dans son avis et non de surseoir à statuer.

S’agissant de l’apatride, son cas ne pose pas autant de difficultés que celui du fugitif
ayant la nationalité de l’Etat requis. L’apatride est celui qui n’a aucune nationalité et on
63
Résolution de l’Institut de droit international, Session d’Oxford, Ann. IDI, 1892, pp. 126-130.
64
V. art. 10 §1 al.2 de la convention d’extradition de la CEDEAO de 1994.
65
V. art. 5 §2 de la loi du 10 mars de 1927.
66
V. art. 6 §1 c de la convention européenne d’extradition de 1957 ; cependant la France émet une réserve en
déplaçant cette appréciation au moment des faits.
67
CE, 27 juillet 1979, Salati, Rec., p. 333.

24
emploie souvent le terme « heimatlos » pour le désigner. Cette situation résulte généralement
de la perte de la nationalité d’origine (par exemple : par suite d’une déchéance), sans
acquisition d’une nationalité nouvelle.

Les Etats accordent ou refusent l’extradition au regard de la nationalité de l’individu.


Et comme l’apatride n’en possède aucune, ils peuvent accorder l’extradition vers un Etat dont
il est justiciable pour y répondre de ses forfaits mais évidemment dans le respect de ses droits
fondamentaux.

Lorsque l’individu réclamé est un national de l’Etat requis, ce dernier peut accorder ou
non son extradition. Cependant, s’il est étranger, son statut particulier peut constituer un
obstacle à son extradition.

B : Le statut de réfugié et autres conditions humanitaires.

Les réfugiés possèdent un statut particulier de sorte que leur extradition se trouve
malaisée par rapport aux autres fugitifs se trouvant sur le territoire de l’Etat requis.

C’est à l’occasion de l’affaire Croissant68 jugée par l’Assemblée du contentieux le 07


Juillet 1978 qu’est soulevée, pour la première fois à l’appui d’un recours pour excès de
pouvoir dirigé contre un décret d’extradition, la violation de l’art.33 de la convention de
Genève du 28 Juillet 1951 sur le statut des réfugiés.

L’attribution du titre de réfugié a un caractère récognitif. Elle est subordonnée au point


de savoir si l’intéressé entre dans le champ d’application de l’art.1 A 2° de la convention de
Genève en vertu duquel la qualité de réfugié est reconnue à : « toute personne…qui, craignant
avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son
appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays
dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la
protection de son pays ».

Il résulte de l’art.33 de la convention de Genève que seuls l’expulsion et le


refoulement qui sont distincts de l’extradition, sont interdits. Alors est-ce l’extradition,
délibérément tue par ce texte, peut être assimilée à une expulsion ou au refoulement y prévus.

68
CE Ass., 07 juillet 1978, Croissant, AJDA, 1978, p. 559.

25
Dans l’arrêt G. Ramirez69, la chambre criminelle de la cour de cassation française a pensé le
contraire en qualifiant l’expulsion et le refoulement de mesures administratives, ce qui laisse
entendre a contrario que l’extradition n’en est pas une et en déduit que l’extradition est
possible à l’égard des réfugiés. En revanche le conseil d’Etat a admis l’extension au motif que
les principes généraux du droit applicables aux réfugiés font obstacle à ce qu’un réfugié soit
remis, de quelque manière que ce soit, par un Etat qui lui reconnait cette qualité, aux autorités
de son pays d’origine, sous la seule réserve des exceptions prévues pour des motifs de sécurité
nationale par ladite convention70. Alors, retenons que ce qu’interdit le conseil d’Etat, c’est
l’extradition vers le pays où la vie ou la liberté du réfugié est menacée pour les raisons même
qui l’ont conduit à revendiquer ce statut protecteur. Le raisonnement de la chambre criminelle
est critiqué par R. ERRERA qui souligne que les travaux préparatoires de la convention de
Genève révèlent que c’est à dessein que l’extradition n’a pas été mentionnée par le texte, en
plus du refoulement et de l’expulsion. En conséquence, l’art.33 qui met une obligation à la
charge des Etats parties ne prohibe pas par lui-même l’extradition d’un réfugié71.

A la suite, le conseil d’Etat juge que l’extradition d’un réfugié est possible dans un
autre pays que celui du pays d’origine 72. Aussi dans l’arrêt Lujambio Galdeamo73 concernant
les terroristes basques, la Haute Assemblée relève qu’eu égard à la gravité des infractions de
droit commun qui leur était reprochée et au sérieux des présomptions qui pesaient sur eux, ils
tombaient sous le coup de la clause d’exclusion du statut de réfugié figurant à l’art.1 F-b qui
vise les personnes dont on aura des craintes sérieuses de penser qu’elles ont commis un crime
grave de droit commun en dehors du pays d’accueil. La Convention de 1951 et le Protocole de
1967 relatifs au statut des réfugiés précisent aussi que les personnes ayant droit au statut de
réfugié ne peuvent en bénéficier s’il y a de sérieuses raisons de penser qu’elles ont commis
“un crime grave de droit commun (non-politique) en dehors du pays d’accueil avant d’y être
admises comme réfugiés”. Aussi précisent-ils que le principe de non-refoulement ne pourra
être invoqué par un réfugié qu’il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger
pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l’objet d’une condamnation définitive
pour un crime particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays.

69
Crim., 21 septembre 1984, G. Ramirez, JCP, 1985, II.20346.
70
CE Ass., 1er avril 1988, Bereciartua-Echari, RGDIP, 1990, p. 159, obs. C. ROUSSEAU.
71
R. ERRERA, L’extradition et la protection des libertés individuelles, RFDA, 1985, p. 158.
72
CE, 10 avril 1991, Kilic, Req., n° 115836 (légalité d’un décret qui accorde l’extradition d’un réfugié kurde aux
autorités de la République Fédérale d’Allemagne compte tenu de l’engagement pris par les autorités de l’Etat
requérant que l’intéressé ne soit remis au gouvernement turc).
73
CE Ass., 26 septembre 1984, Lujambio Galdeamo, Rec., p. 308 ; JCP 1985.II.20346, concl. B. GENEVOIS.

26
A l’instar du statut de réfugié, d’autres conditions humanitaires comme l’âge, la santé
peuvent constituer un obstacle à l’extradition. Contrairement à la question des réfugiés qui
n’est pas réglée par la convention d’Abuja, celle des considérations humanitaires est prévue à
son art.6 en ces termes : « l'Etat requis pourra refuser l'extradition si celle-ci est incompatible
avec des considérations humanitaires relatives à l'âge ou à l'état de santé de l'individu dont
l'extradition est requise ». La loi de 1927, la convention ivoiro-burkinabè et même la
convention européenne d’extradition n’y font aucune allusion pourtant ces conditions sont de
conception plus moderne. Pour pallier cela, la France a accompagné la ratification de cette
convention européenne d’une déclaration selon laquelle « l’extradition pourra être refusée si
la remise est susceptible d’avoir des conséquences d’une gravité exceptionnelle pour la
personne réclamée, notamment en raison de son âge… ».

La concision de cette disposition est telle que sa mise en œuvre nous semble ambiguë.
Bien sûr que cette formulation permet de protéger la personne âgée tout comme le mineur 74
tout en incluant l’état de santé du fugitif. Mais le terme incompatible mentionné demeure
perplexe. Nous osons croire qu’il s’agit des « conséquences d’une certaine gravité », notion
extraite de la réserve française, cependant encore faut-il que cette notion ne fasse l’objet d’une
interprétation restrictive.

Lorsque les conditions relatives aux faits et à l’individu sont remplies, il faut en sus
vérifier celles relatives à la peine et bien d’autres plus modernes.

Section II : Les conditions relatives à la peine et autres conditions.

Pour que la demande d’extradition formulée par les autorités requérantes prospère,
qu’il s’agisse d’extradition à fin de jugement ou à fin d’exécution, les peines encourues ou
prononcées doivent répondre à certaines conditions spécifiques (§1). De même, certaines
conditions plus modernes sont à observer dans le souci de lutter efficacement contre
l’impunité et aussi dans l’optique du respect des droits humains (§2).

§1 : Les conditions relatives à la peine.

74
V. art. 2 §2 de la convention d’extradition de la CEDEAO de 1994.

27
Ces conditions visent essentiellement le critère dit de la gravité de la peine(A) d’une
part et d’autre part l’influence de la peine capitale dans le traitement de la demande
d’extradition(B).

A : Le critère de la gravité de la peine.

L’extradition étant un mécanisme lourd et coûteux pour les Etats concernés, et


coercitif pour la personne qui en est l’objet, il est logique qu’on la réserve aux infractions
relativement graves75. Parfois cette gravité découle intrinsèquement de la nature des
infractions figurant dans la liste limitative prévue par la convention : les accords conclus
avant 1945 procédaient ainsi. Un des inconvénients majeur de ce système est qu’il y a besoin
de renégocier le traité ou de le compléter si les deux Etats adoptent des lois comprenant de
nouvelles infractions, ou si la liste ne couvre pas, par inadvertance, une infraction grave punie
par les deux Etats76.

C’est pour limiter la durée et le coût des négociations que les Etats préfèrent inclure
dans les accords plus récents une clause générale qui exige un certain degré de gravité de la
peine, encourue ou prononcée. Les infractions n’ont plus besoin d’être spécifiquement listées
pour que l’extradition soit possible.

Cette référence au degré de gravité de la peine, encourue ou prononcée, peut se faire


de plusieurs manières : parfois on interroge la seule loi de l’Etat requérant, parfois les lois de
l’Etat requérant et de l’Etat requis ; parfois on se contente d’une certaine qualification du fait,
parfois on exige que la qualification du fait se double d’un certain quantum de la peine,
parfois on retient uniquement le quantum de la peine.

L’art.4 de la loi relative à l’extradition des étrangers du Burkina Faso qui n’est que
copie conforme de celle française de 1927 en est une bonne illustration. Tantôt il interroge la
seule loi de l’Etat requérant (art.4-1°), tantôt les lois des deux Etats concernés (art.4-2° al.3)
tout en doublant la qualification et un quantum de la peine, tantôt il exige la qualification
uniquement.
75
A. HUET et R. KOERING-JOULIN, op.cit., p. 366.
76
ONUDC, op.cit., p. 61.

28
Les rédacteurs de la convention d’Abuja ont trouvé l’équilibre en posant un critère de
la gravité de la peine unique pour l’Etat requérant et pour l’Etat requis. D’une part, en cas
d’extradition à fin de jugement, « donneront sous certaines conditions lieu à extradition les
faits punis par les lois de l'Etat requérant et de l'Etat requis d'une peine privative de liberté
d'un minimum de deux ans »77 et d’autre part en cas d’extradition à fin
d’exécution, « lorsqu'une condamnation à une peine est intervenue sur le territoire de l'Etat
requérant, l'extradition ne sera accordée que si la durée de la peine restant à purger est d'au
moins six mois »78.

Cependant cette même convention apporte un aménagement en ce sens qu’elle donne


la faculté à l’Etat requis d’accorder l’extradition pour des faits ne répondant pas au critère de
la gravité de la peine à condition que ces faits soient inclus dans la demande d’extradition et
que l’individu soit extradé pour au moins un fait donnant lieu à extradition79.

Dans le droit fil de cet aménagement, la loi de 1927 permet l’extradition sans tenir
compte du taux de la peine encourue ou prononcée lorsque la personne recherchée a été
antérieurement condamnée définitivement en quelque pays que ce soit, à deux mois
d’emprisonnement ou plus pour un délit de droit commun 80. Rares sont les accords qui
contiennent cette règle, de son côté, la convention d’Abuja ne l’a pas reprise non plus. Nous
nous demandons alors s’il convient d’appliquer sur ce point le droit supplétif de la loi de
1927. Il s’agit, d’un état de réitération d’infractions ou de récidive, donc il parait convenable
et raisonnable que cette disposition complète la convention pour une meilleure lutte contre
l’insécurité et la criminalité dans son ensemble au sein de la communauté.

S’il résulte des principes généraux du droit extraditionnel qu’il n’appartient pas aux
autorités requises, lorsqu’elles se prononcent sur une demande d’extradition de vérifier
l’exactitude de la qualification des faits retenue par l’Etat requérant, la peine applicable dans
cet Etat exerce une influence sur l’extradition, notamment la peine de mort.

B : L’influence de la peine capitale.

77
V. art. 3 §1 de la convention d’extradition de la CEDEAO de 1994.
78
Ibidem.
79
V. art. 3 §2 de la convention d’extradition de la CEDEAO de 1994.
80
V. art. 4 §2 al.5 de la loi du 10 mars 1927.

29
Le problème de la peine de mort intéresse autant l’extradition d’un individu qui
l’encourt (extradition à fin de jugement) que l’extradition d’individu condamné à cette peine
dans l’Etat requérant (extradition à fin d’exécution).

En principe, l’Etat requis n’a pas à se prononcer sur la peine encourue par la personne
réclamée, sous la seule réserve qu’elle ne risque pas de subir des traitements inhumains. Pour
les pays abolitionnistes, c’est parce que la peine de mort constitue un traitement inhumain
qu’il y a lieu de prohiber l’extradition vers un pays où la peine capitale est encore en vigueur.

Certes, l’ordre public doit être le reflet des exigences de la conscience collective à un
moment donné et que l’abolition de la peine de mort entraine encore de vives polémiques,
cependant le commissaire du gouvernement français J-C BONICHOT dans ses conclusions
sur l’arrêt Fidan81, a su convaincre de ce que le consensus de l’opinion publique compte
moins que le caractère de choix fondamental du point de vue de la philosophie du système
répressif, que constitue l’abolition de la peine de mort.

Ce choix est désormais pratiquement irréversible dès lors que la France a ratifié le
protocole n°6 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales et que le conseil constitutionnel l’a déclaré conforme à la constitution 82. Ce
protocole ne prévoit aucune dérogation et il ne paraît pas possible de le dénoncer sans
dénoncer la convention européenne elle-même. En conséquence, l’extradition pure et simple
d’un individu passible de la peine de mort dans l’Etat requérant est contraire à l’ordre public
français83.

Dans le même sens les rédacteurs de la convention d’Abuja de 1994 interdisent


l’extradition lorsque la peine de mort est prévue en ces termes : « Si le fait à raison duquel
l'extradition est demandée est puni de la peine capitale par la loi de l'Etat requérant et que,
dans ce cas cette peine n'est pas prévue par la législation de l'Etat requis, l'extradition ne
pourra être accordée »84.

Compte tenu de ce nouvel état du droit, l’Etat requis ne peut qu’assortir les décrets
d’extradition de réserves aux fins de non-exécution de la peine de mort. Les réserves
formulées par l’Etat requis qui a aboli la peine de mort vers un pays qui la maintient, relèvent
81
CE, 27 février 1987, Fidan, D., 1987, p. 305, concl. J-C. BONICHOT
82
Décision n° 85-188 DC, 22 mai 1985, J.O.F 23 mai 1985, p. 5795, commentaire L. FAVOREU, AFDI 1985,
pp. 868-875.
83
F. SUDRE, Droit international et européen des droits de l’homme, PUF, Paris, 2001, p. 95.
84
V. art. 17 de la convention de la CEDEAO de 1994, V. aussi art. 5 §7 de la convention d’extradition entre le
Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire de 2014.

30
d’une pratique ancienne. Cette technique a été souvent critiquée car les réserves ne lient que
le gouvernement de l’Etat requérant à l’exclusion du pouvoir judiciaire85.

Le juge administratif a relevé l’insuffisance des assurances données par les autorités
algériennes dans l’affaire Gacem86. Cependant dans l’affaire Joy Aylor87, le commissaire du
gouvernement Vigouroux soulevait le risque de transformer la France en pays refuge pour les
criminels ou d’autres Etats n’ayant pas aboli la peine de mort tout en notant une décision de la
cour suprême du Canada dans l’affaire Kindler88 qui a admis l’extradition d’un meurtrier
fugitif vers les Etats-Unis alors que le Canada a aboli la peine capitale.

Cette jurisprudence protectrice a trouvé un fondement textuel, au moins entre pays


européens, dans la convention de Paris en ces termes : « si le fait à raison duquel l'extradition
est demandée, est puni de la peine capitale par la loi de la Partie requérante et que, dans ce
cas, cette peine n'est pas prévue par la législation de la Partie requise, ou n'y est
généralement pas exécutée, l'extradition pourra n'être accordée qu'à la condition que la
Partie requérante donne des assurances jugées suffisantes par la Partie requise, que la peine
capitale ne sera pas exécutée »89.

Cette disposition n’y figure pas dans la convention d’Abuja. Une situation qui
s’analyse selon nous en une interdiction stricte d’extrader en cas de peine capitale prévue dans
l’Etat requérant alors qu’elle n’est pas prévue par la législation de l’Etat requis.

En dépit de ces conditions relatives à la peine, d’autres conditions sont prévues dans le
souci de lutter efficacement contre l’impunité et la criminalité aussi grandissante tout en
protégeant l’individu intéressé par l’extradition.

§2 : Autres conditions.

Il s’agit là, question de la situation où aucun traité ne lie les parties concernées par
l’extradition et le principe aut dedere aut judicare comme alternative à cette situation (A)

85
Elisabeth ROLIN, op.cit., pp. 147-148.
86
CE, 14 décembre 1987, Gacem, T., p. 733.
87
CE Ass., 08 octobre 1993, Mme Joy Aylor, Rec., p. 283.
88
W. A. SHABAS, Extradition et peine de mort : le Canada renvoie deux fugitifs au couloir de la mort, RUDH,
vol. 4, n°3-4, 1992, p. 65.
89
V. art. 11 de la convention européenne d’extradition de 1957.

31
d’une part et d’autre part la condition liée aux probables tortures et traitements inhumains et
dégradants (B).

A : L’absence de tout traité et le principe aut dedere aut judicare.

L’extradition peut juridiquement s’appuyer sur un traité, sur un accord ad hoc ou sur
les principes de réciprocité ou de courtoisie. En pratique elle est accordée le plus
fréquemment sur la base des traités bilatéraux ou multilatéraux conclus au niveau régional ou
mondial. Ces traités traitent, soit exclusivement de l’extradition, soit contiennent des
dispositions spécifiques à l’extradition.

Il est admis en principe que lorsqu’aucun traité n’existe entre l’Etat requérant et l’Etat
requis, l’extradition pour ce dernier est facultative, car l’extradition suppose l’existence d’une
convention entre l’Etat requérant et l’Etat requis.

Après l’échec du coup d’Etat au Maroc, deux citoyens se sont rendus le 16 août 1972 à
Gibraltar en Grande Bretagne où ils ont demandé l’asile politique. Quelques jours après ils
furent extradés au Maroc. Michel ROUDAN qualifie la situation contraire au principe observé
depuis toujours par la Grande Bretagne à l’égard des réfugiés politiques sollicitant le droit
d’asile tout en ajoutant que rien ne contraignait le gouvernement britannique à remettre les
réfugiés puisqu’aucun traité d’extradition n’existe entre Londres et Rabat90.

Cependant, si l’Etat requis demeure libre d’extrader ou non en cas d’absence de traité
le liant avec l’Etat requérant, il en va autrement dans certains domaines où le principe aut
dedere aut judicare fait surface. Ce principe est pour la première fois proposé par Grotius au
XVIIe siècle qui pose en règle naturel la nécessité d’une coopération entre Etats « aut dedere
aut punire »91, qui signifie livrer ou punir. Il s’agit de l’obligation imposée à l’Etat sur le
territoire duquel se trouve l’auteur présumé d’un crime de l’extrader (aut dedere) ou de le
juger (aut judicare).

Ce principe constitue une partie essentielle du système de compétence et de


coopération étatiques en matière pénale. Il a pour but notamment d’éviter l’impunité et de

90
M. ROUDAN, Justice, pouvoir et politique au Maroc, des procès pour quoi faire ! p. 268, document
disponible sur www.aan.mmsh.univ-aix.fr consulté le 10 novembre 2017.
91
Elisabeth ROLIN, op.cit., p. 14.

32
faire en sorte que les individus responsables de crimes particulièrement graves soient traduits
en justice et, qu’à cette fin, existe une juridiction pénale pour les poursuivre et les punir92.

En revanche cette obligation alternative d’extrader ou de poursuivre est généralement


de nature conventionnelle. Si une telle formule a pu être préconisée par la doctrine depuis
Grotius, elle n’a jamais fait partie du droit international positif. Néanmoins depuis 1970, la
plus part des conventions, instaurant une incrimination universelle ou quasi-universelle pour
certains faits, disposent qu’elles peuvent constituer des conventions d’extrader pour les Etats
parties lorsque leur droit interne subordonne l’extradition à un traité93.

Pour ce qui est des infractions de droit commun extradables et non revêtues d’une
certaine gravité et n’entrant pas non plus dans la compétence judiciaire pénale de l’Etat
requis, les Etats sont encouragés à extrader malgré l’absence de traité d’extradition à charge
de réciprocité94. A l’inverse des traités bilatéraux, les traités multilatéraux sont susceptibles de
constituer une base juridique pour un très grand nombre d’Etats faisant ainsi l’économie de
milliers de traités bilatéraux, comme la convention d’Abuja. Alors la ratification de cette
convention ou son adhésion demeure importante pour tous les Etats membres ou non.

En présence ou non d’un traité d’extradition, si l’Etat requis veut accorder


l’extradition, il faudrait qu’il s’assure que le fugitif ne subira pas de tortures et autres
traitements inhumains, cruels ou dégradants.

B : La condition liée aux probables tortures et traitements cruels,


inhumains et dégradants.

L’un des principes fondamentaux du droit international est l’interdiction expresse de


refouler une personne vers un pays où il y a de sérieuses raisons de penser qu’elle risque la
92
CIJ, 20 juillet 2012, Belgique C. Sénégal, in Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la CIJ.
Dans cette affaire relative à l’obligation de poursuivre ou d’extrader, la Cour conclut que l’obligation de
poursuivre incombant au Sénégal, en vertu du §1 de l’art. 7 de la convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, ne vaut pas pour les actes prétendument
commis avant l’entrée en vigueur de cet instrument à son égard, le 26 juin 1987. Elle rappellera toutefois que,
parmi les griefs formulés à l’encontre de M. HABRE, figurent nombre d’infractions graves prétendument
commises après cette date. En conséquence, le Sénégal est dans l’obligation de soumettre les allégations relatives
à ces actes à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale ou à défaut extrader M. HABRE.
93
V. les art. 7 et 8 de la convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs signée à la Haye le 16
décembre 1970 et entrée en vigueur le 14 octobre 1971.
94
IDI, Résolutions aux nouveaux problèmes en matière d’extradition, session de Cambridge, 1983, I-4, p. 1

33
torture. C’est ce qui ressort de la convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants : « aucun Etat partie n’expulsera, ne refoulera, ni
n’extradera une personne vers un autre Etat où il y a de motifs sérieux de croire qu’elle
risque d’être soumise à la torture »95.

Cette convention tire ses sources comme l’indique son préambule des principes
proclamés dans la charte des nations unies et surtout de la DUDH et du PIDCP qui prescrivent
que « nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants »96, de même que de la déclaration des nations unies sur la protection de toutes les
personnes contre la torture et les autres peines ou traitements inhumains, cruels ou dégradants.

Dans un même état d’esprit que lorsque la peine capitale est prévue, il est reconnu que
l’extradition devra être refusée par l’Etat requis si l’individu concerné risque de subir des
actes de torture ou des actes inhumains ou dégradants. Cette condition vise à protéger les
criminels des éventuelles atteintes à leurs droits, une fois transférés dans le pays requérant.

Bien que prohibant de telles pratiques, les conventions protectrices des droits de
l’homme ne précisent aucunement une quelconque obligation à la charge des Etats parties de
refuser l’extradition si un risque de torture existe. Dans la sphère européenne, c’est de
l’interprétation jurisprudentielle qu’il faudra dégager une telle obligation implicite. Les juges
de Strasbourg ont ainsi dégagé de l’affaire Soering97 qu’« un État contractant se conduirait
d’une manière incompatible avec les valeurs sous-jacentes à la Convention, ce "patrimoine
commun d’idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit"
auquel se réfère le Préambule, s’il remettait consciemment un fugitif - pour odieux que puisse
être le crime reproché - à un autre État où il existe des motifs sérieux de penser qu’un danger
de torture menace l’intéressé .» En effet, la Cour a reconnu que l’extradition d’un individu
vers les Etats-Unis constituait un traitement inhumain, dans la mesure où, condamné à mort,
le requérant serait victime du « syndrome du couloir de la mort ». Ce syndrome du couloir de
la mort est donc pleinement constitutif d’un traitement inhumain, invalidant l’extradition. De
ce fait, il a été reconnu qu’un Etat qui donnerait suite à une demande d’extradition dans ses
conditions, au risque d’actes de torture ou de mauvais traitements, verrait sa responsabilité
engagée pour violation des dispositions impératives de l’article 3 de la CEDH.

95
V. art. 3 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du
10 décembre 1984, entrée en vigueur le 26 juin 1987.
96
V. les art. 5 de la DUDH et 7 du PIDCP.
97
Cour EDH, 7 juillet 1989, Soering c. Royaume-Uni, série A, n° 161, § 88 ; JCP 1990.I.3452, note LABAYLE.

34
Concernant la sphère CEDEAO, la convention d’Abuja à expressément prévu cette
interdiction. Elle dispose que «  l’extradition ne sera pas accordée si l'individu dont
l'extradition est demandée a été ou serait soumis dans l'Etat requérant à des tortures et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants »98.

Pareillement à la situation de la peine capitale, certains Etats accordent l’extradition si


des assurances leur sont données que l’Etat requérant ne soumettra pas l’individu concerné à
la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants. Toutefois, le Rapporteur spécial de la
Commission des droits de l’homme sur la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants considère que « les Etats ne sauraient s’en remettre aux assurances
diplomatiques comme protection contre la torture et les mauvais traitements lorsqu’il y a de
solides raisons de croire qu’une personne risquerait d’être soumise à la torture ou aux
mauvais traitements à son retour ». De nombreux arguments tendent, en effet, à démontrer
que de telles assurances diplomatiques restent imparfaites : on peut par exemple se demander
si le fait d’accorder une telle assurance diplomatique pour un cas particulier n’équivaudrait
pas à une admission implicite que la torture soit pratiquée de manière généralisée et
systématique dans l’Etat en question. De plus, nous pouvons relever que les assurances
diplomatiques sont accordées par le biais d’accords qui ne sont pas juridiquement
contraignants, qu’il est très difficile de surveiller en pratique le respect des assurances
accordées et que la personne que ces assurances sont censées protéger n’a aucun recours si
elles ne sont pas respectées99.

Conclusion du chapitre I

En somme, toute demande d’extradition présentée par un Etat doit faire l’objet d’un
contrôle plus ou moins approfondi dans l’Etat requis. Ce contrôle se résume en la vérification
des conditions légales de l’extradition. En effet, les faits pour lesquels le fugitif est réclamé
doivent être constitutifs d’un crime ou d’un délit au regard de la loi de l’Etat requis comme de
celle de l’Etat requérant (la double incrimination). L’infraction inscrite dans la demande
d’extradition ne doit présenter un caractère politique, ou militaire ou la demande pour une
98
V. art. 5 de la convention d’extradition de la CEDEAO de 1994.
99
ONUDC, op.cit., p. 63.

35
infraction de droit commun ne doit être faite en réalité dans un but politique. En outre,
l’individu réclamé ne doit avoir le statut de réfugié ou ne doit être un national de l’Etat requis
car, il est de tradition en tout cas pour les Etats de droit civil, qu’ils refusent d’extrader leurs
propres ressortissants. De même, l’âge ou l’état de santé du fugitif peuvent faire échec à son
extradition. Enfin, la peine encourue ou prononcée à l’encontre de l’individu réclamé doit être
d’une certaine gravité et ne doit pas être la peine capitale surtout pour les pays abolitionnistes
qui prohibent l’extradition vers un Etat où la peine de mort est encore en vigueur. Si toutes les
conditions sont réunies, avant d’extrader le fugitif, l’Etat requis doit s’assurer qu’il ne subira
pas de tortures et autres traitements inhumains, cruels ou dégradants.

Ainsi ces conditions ci-dessus exposées, qu’elles soient négatives ou positives,


absolues ou facultatives, doivent faire l’objet d’un examen minutieux pour faire droit ou non à
la demande d’extradition et ce, suivant une procédure particulière.

36
Chapitre II : Le déroulement de la procédure d’extradition.

Il est de principe général que toute personne contre laquelle une procédure pénale a été
engagée, puisse bénéficier d’un traitement équitable. Cela comprend la jouissance de droits et
le respect de garanties en vertu du droit interne et des dispositions applicables du droit
international, notamment relatif aux droits de l’homme.

Parmi les instruments relatifs aux droits de l’homme, le PICDP rappelle le droit de
toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal
compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera du bien-fondé de toute
accusation en matière pénale dirigée contre elle 100. Ainsi, si l’Etat requis estime que
l’extradition est susceptible d’exposer le fugitif, dans l’Etat requérant, à un traitement non
équitable peut refuser d’y faire droit.

Dans le souci d’assurer ce traitement équitable, dont l’importance est réaffirmée par la
convention contre la criminalité organisée101 ainsi que les traités régionaux sur l’extradition102,
certaines règles procédurales pénales sont reconduites en matière extraditionnelle et qui en
constituent des obstacles dans le déroulement de la procédure d’extradition (Section I). Cette
procédure se résume dans l’examen de la demande d’extradition qui, elle-même, est précédée
de certains actes plus ou moins nécessaires (Section II).

Section I : Les obstacles de la procédure d’extradition.

Lorsque les conditions précédemment évoquées sont remplies, certaines exceptions


d’ordre procédural peuvent cependant faire obstacle à l’extradition du fugitif. Il s’agit des
obstacles relatifs à l’application du principe « non bis in idem », à la prescription de l’action
pénale ou de la peine (§1), à l’amnistie et aux conditions relatives à la réunion des
preuves dont nous allons nous atteler sur le cas des écoutes téléphoniques (§2).

§1 : Le principe « non bis in idem » et la prescription.


100
V. art. 14 du PIDCP.
101
V. art. 16 de la convention contre la criminalité organisée.
102
V. les art. 5 et 14 de la convention d’extradition de la CEDEAO, V. aussi art. 16 §1 de la convention
interaméricaine sur l’extradition de 1981.

37
L’individu du fugitif, lorsqu’il est réclamé, doit être toujours punissable et l’infraction
dont il est coupable doit l’être aussi. Ainsi, les crimes ou délits invoqués dans la demande
d’extradition ne doivent pas être frappés par l’autorité de chose jugée (A). En outre, les faits
incriminés ou la peine prononcée ne doivent pas être prescrits (B).

A : L’autorité de la chose jugée ou « non bis in idem ».

La règle « non bis in idem »est une règle générale, propre au droit pénal, selon
laquelle, nul ne peut être jugé deux fois pour le même crime et plus précisément, nul ne peut
être poursuivi ou puni pénalement en raison d’un acte pour lequel il a déjà été acquitté ou
condamné par un jugement pénal définitif. Elle fait référence à la liberté individuelle du
justiciable qui n’aura pas à souffrir d’une seconde condamnation pour des faits similaires,
auquel cas, il deviendrait victime d’une justice arbitraire.

Garantie de la sécurité juridique de l’accusé, cette règle est devenue l’axe central
autour duquel s’organisent les poursuites. C’est la raison pour laquelle elle a été consacrée
tant par les textes protecteurs des droits fondamentaux, internationaux comme régionaux 103,
que par le droit communautaire CEDEAO relatif à l’extradition en ces termes : « l'extradition
ne sera pas accordée lorsque l'individu réclamé a été définitivement jugé par les autorités
compétentes de l'Etat requis, pour le ou les faits en raison desquels l'extradition est
demandée »104.

Toutefois, l’application de ce principe se confine au sein d’un même système national.


Dans les traités d'extradition « comme celui de l’espace CEDEAO », ce principe est
traditionnellement reconnu par rapport à l’Etat requis, c’est-à-dire qu’il s’oppose à
l’extradition de l’individu s’il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif pour
les même faits par l’Etat requis105.

L’art.5-4° de la loi de 1927 prévoit un obstacle absolu à l’extradition « lorsque les


crimes ou délits quoique commis hors du Burkina Faso ou des possessions coloniales
103
V. les art. 14 §7 du PIDCP, 4 du protocole n°7 à la CEDH et 6 de la CEDH, 8 §4 de la convention
interaméricaine des droits de l’homme de 1969.
104
V. art. 13 §1 de la convention d’extradition de la CEDEAO de 1994.
105
ONUDC, op.cit., p. 67. V. aussi l’art. 3-d du traité type d’extradition de 1990.

38
françaises, y ont été poursuivis et jugés définitivement ». Il est tout à fait normal que le
Burkina Faso, Etat requis, soit lié par la chose jugée par ses propres juridictions. Cependant
qu’en est-il des possessions coloniales françaises ? Sans doute, étant une loi héritée de la
métropole, le législateur burkinabè a dû « copier-coller » sans prêter la moindre attention.
Alors à l’image du Sénégal 106, le Burkina Faso se doit de réviser cette loi pour la conformer à
la réalité. 

Selon la plus part des conventions bilatérales récentes, constitue même un obstacle à
l’extradition, la chose jugée d’un Etat tiers. Ainsi, il ressort de l’art.5-1 de la convention
ivoiro-burkinabè relative à l’extradition que « lorsqu’un jugement définitif a été prononcé par
les juridictions de la partie requise ou d’un Etat tiers pour les faits à raison desquels
l’extradition de la personne est demandée » l’extradition est refusée. Certains auteurs
semblent même estimer que dans le silence d’une convention sur ce point, rien n’interdit à
l’Etat requis de prendre en compte la chose jugée dans un Etat tiers, dans la mesure où celui-
là peut accorder sa confiance à la décision intervenue à l’étranger107.

En revanche les conventions gardent le silence sur l’autorité de la chose jugée dans
l’Etat requérant. Nous pensons que la référence serait superflue en ce sens que la quasi-totalité
des Etats connaissent la règle dans leur droit interne. La loi de 1927 s’y réfère implicitement
en énonçant que l’extradition n’est pas accordée de « façon générale toutes les fois que
l'action publique de l'Etat requérant sera éteinte »108. Le refus d’extradition n’est en revanche
que facultatif quand la partie requise a décidé de ne pas engager de poursuites ou de mettre fin
aux poursuites qu’elle a exercées pour les même faits109.

Lorsque les faits incriminés ne sont pas frappés par la chose jugée, faudrait-il encore
que l’action pénale y afférente ne soit pas prescrite.

B : La prescription de l’action publique ou de la peine.

La prescription demeure avant tout une règle de droit national, intimement liée à
l’exercice des poursuites. Elle peut être définie comme « un principe général de droit privé

106
Aux termes de l’art. 5 §4 de la loi n°71-77 du 28 décembre 1971 du Sénégal, « l’extradition n’est pas
accordée : … lorsque les crimes ou délits, quoique commis hors du Sénégal, y ont été poursuivis et jugés
définitivement ».
107
G. LEVASSEUR et H. BONNARD cités par A. HUET et R. KOERING-JOULIN, op.cit., p. 375.
108
V. art. 5 §5 de la loi du 10 mars 1927.
109
V. art. 13 §1 de la convention d’extradition de la CEDEAO de 1994.

39
selon lequel une situation acquise résultant de l’acquisition ou de l’extinction d’un droit ou
d’une obligation, même sans titre, à la suite d’un laps de temps suffisamment long, ne doit
pas être remise en cause dans un souci de sécurité et de stabilité »110.

Elle est l’expression de la grande loi de l’oubli, l’opinion publique ne réclame plus la
répression d’une infraction dont le temps a effacé les conséquences matérielles et morales, et
jusqu’au souvenir dans la mémoire des individus. Cette approche purement juridique fait que
le temps qui passe prescrit l’action publique et les peines, le parfum du crime, tout comme les
preuves disparaissant111.

Dans la majorité des lois nationales et conventions relatives à l’extradition, cette


dernière ne peut avoir lieu lorsqu’il existe cet obstacle qui est la prescription. Ainsi selon la
convention d’Abuja « l'extradition ne sera pas accordée si la prescription de l'action ou de la
peine est acquise d'après la législation soit de l'Etat requérant soit de l'Etat requis lors de la
réception de la demande par l'Etat requis »112, il en est ainsi aussi de la loi de 1927 113 et de la
convention d’extradition entre le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire 114. Tous ces
textes prohibent l’extradition lorsque d’après les lois de l’Etat requérant ou celles de l’Etat
requis, la prescription de l’action publique ou de la peine est acquise. Les personnes
réclamées sur le fondement de ces textes peuvent donc invoquer soit la violation de la
législation requise, soit celle requérante. C’est ce qui ressort de l’affaire Chiabotti115 où le
conseil d’Etat constate en l’espèce que les faits incriminés ne sont pas prescrits au regard de la
loi française, de même que dans l’affaire Chiucci116 où le juge administratif décide qu’à la
date du décret d’extradition attaqué, la peine n’était pas prescrite en droit français.

La date à laquelle il convient de se placer pour apprécier la prescription de l’action ou


de la peine est réglée indifféremment par la convention d’Abuja qui la fixe au jour de la
réception de la demande d’extradition par l’Etat requis 117. Contrairement, il résulte de la loi de
1927 que la prescription de l’action s’apprécie à la date de la demande d’extradition et celle
de la peine s’apprécie à la date de l’arrestation de la personne réclamée 118. Quant aux
rédacteurs de la convention de Ouagadougou de 2014, ils sont restés muets sur la question et
110
J. SALMON, Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 870.
111
Bertrand BAUCHOT, op.cit., p. 325.
112
V. art. 15 de la convention d’extradition de la CEDEAO de 1994.
113
V. art. 5 §5 de la loi du 10 mars 1927.
114
V. art. 5 §2 de la convention d’extradition entre le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire de 2014.
115
CE, 20 juillet 1988, Chiabotti, Rec., p. 296.
116
CE, O9 décembre 1994, Chucci, Rec., p. 543.
117
V. art. 15 §1 de la convention d’extradition de la CEDEAO de 1994.
118
V. art. 5 §5 de la loi du 10 mars 1927.

40
se sont contentés de prohiber l’extradition en cas de prescription de l’action publique ou de la
peine119.

Notons que cette pratique de droit interne, somme toute, légitime pour les infractions
de droit commun, se trouve écartée concernant les crimes internationaux définis à l’art.5 du
statut de Rome relatif à la CPI. Cette imprescriptibilité est énoncée par ledit statut en ces
termes : « les crimes relevant de la compétence de la Cour ne se prescrivent pas »120.

En sus de ces obstacles sus-exposés, l’amnistie et la réunion des preuves des charges
constituent aussi des complications procédurales à l’extradition du fugitif.

§2 : L’amnistie et la réunion des preuves.

A l’image des règles concernant la prescription, l’amnistie est à considérer comme une
mesure interne pouvant altérer le bon déroulement des poursuites. (A). En outre
l’administration des preuves relatives aux faits incriminés, certes libre, doit être conduite dans
le respect des droits de l’homme comme la vie privée notamment la correspondance (B).

A : L’amnistie.

D’un point de vue purement étymologique amnistie dérive du mot grec amnestia qui
signifie manque de mémoire ou oubli. Ainsi, l’amnistie s’analyse comme un pardon légal
puisque sans effacer les faits matériels et leurs conséquences, elle éteint l’action publique,
suspend les poursuites engagées ou efface la peine 121. L’amnistie est un acte du pouvoir
législatif dont la conséquence est l’effacement des condamnations prononcées ou l’obstacle à
l’exercice ou à la continuation des poursuites pénales ; c’est une faveur collective. Elle est
d’ordre public et agit dès lors de plein droit 122. Lorsque l’amnistie intervient avant une

119
V. art.5 §2 de la convention d’extradition entre le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire.
120
V. art. 29 du Statut de Rome adopté en 1998 et entré en vigueur le 1er Juillet 2002.
121
Bertrand. BAUCHOT, op.cit., p. 334.
122
O. MICHELS et G. FALQUE, cours de procédure pénale, 2èm éd., Université de Liège, Faculté de droit,
Année académique 2013-2014, p. 23.

41
condamnation définitive, l’action publique s’éteint et après une telle condamnation, celle-ci
est censée n’avoir jamais existée.

Il ressort de la convention d’Abuja que « l'extradition ne sera pas accordée pour une


infraction couverte par l'amnistie dans l'Etat requis, si celui-ci avait compétence pour
poursuivre cette infraction selon sa propre loi pénale »123. Les rédacteurs de ladite convention
n’ont pris en compte qu’uniquement l’amnistie intervenue dans l’Etat requis sous condition
qu’elle vise une infraction dont cet Etat se trouverait compétent pour en savoir. Le législateur
burkinabè contrairement au législateur communautaire de la CEDEAO, interdit l’extradition
d’un fugitif toutes les fois qu’une loi d’amnistie intervient dans l’Etat requérant visant les faits
incriminés, de façon implicite soit-elle124. De même, la convention d’extradition entre le
Burkina Faso et la Côte D’Ivoire fait de l’amnistie intervenue dans la partie requise ou
requérante, un obstacle absolu à l’extradition125.

La question d’amnistie n’étant pas abordée par la convention européenne d’extradition


de 1957 et la France n’étant pas signataire du second protocole additionnel relatif à ladite
convention, M. TRAVERS indiquait ainsi que selon un principe qui s’applique même dans le
silence des lois et des conventions, l’extradition ne peut être accordée que si l’exercice des
poursuites ou l’exécution de la peine sont encore possibles dans l’Etat requérant, et qu’il
appartient à l’Etat requis de s’assurer que cette condition est remplie, qu’elle que
soit « l’incertitude que présente bien fréquemment l’application des lois étrangères »126.

Quand cette amnistie porte sur des infractions de droit commun ou une sanction de
droit interne, directement en rapport avec la législation étatique, cette procédure est
parfaitement légitime puisque résultant de l’exercice de la souveraineté pénale. En revanche,
elle semble incompatible avec les crimes dits internationaux en raison de leur gravité. Couvrir
du voile opaque de l’oubli, du silence et du pardon certains comportements criminels n’est pas
sans être problématique lorsque l’octroi de cette amnistie porte sur un crime de droit
international ou une violation massive des droits fondamentaux de la personne humaine. La
nature intrinsèque du crime rend les poursuites nécessaires et obligatoire et par conséquent on
ne peut envisager qu’il soit l’objet d’un quelconque pardon interne.

123
V. art. 16 de la convention d’extradition de la CEDEAO de 1994.
124
V. art. 5 §5 de la loi du 10 mars 1927.
125
V. Art. 5 §3 de la convention d’extradition entre le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire.
126
Elisabeth ROLIN, op.cit., pp. 109-110.

42
L’illégalité des lois d’amnistie couvrant les crimes internationaux est reconnue par
ailleurs par la pratique. Dans une ordonnance du 6 mars 2001, le juge fédéral a déclaré
l’invalidité des lois d’amnistie car contraires au droit international, selon lequel sont
imprescriptibles, non amnistiables et non couverts par l’excuse de l’ordre supérieur, les
crimes contre l’humanité, tels qu’ils se sont produits en Argentine127.

Si l’infraction ou la peine n’est pas couverte par une prescription, une loi d’amnistie
ou encore par l’autorité de la chose jugée, encore faut-il que les preuves de cette infraction ou
ayant motivé la condamnation, soient obtenues légalement surtout dans le respect des droits
de l’intéressé.

B : La réunion des preuves : cas des écoutes téléphoniques.

La preuve se décline en autant de moyens qu’il est de nécessité d’établir la réalité


d’une infraction, a fortiori suivant sa gravité. Elle est ainsi un défi lancé à la matière pénale
qui a dû s’adapter à l’évolution de la criminalité pour trouver au-delà du droit des relais pour
y répondre. A la croisée du droit et des faits, la preuve s’est diversifiée autant qu’elle s’est
réinventée, au gré des évolutions techniques et scientifiques, dans une matière en constante
évolution.

DOMAT a défini la preuve comme « ce qui persuade l’esprit d’une vérité ». C’est
pourquoi « les preuves de la culpabilité doivent être plus claires que le jour à midi », selon un
adage de l’ancien droit inspiré du code de Justinien128.

Eu égard aux intérêts en présence, à savoir la nécessité de la répression et le souci de


la protection des droits et libertés individuelles de la personne mise en cause, la preuve doit
résister à la tolérance de ceux qui pourraient la tenir trop facile pour acquise sous la pression
des nécessités de la répression. Il vaut mieux se tromper sauver un coupable d’une
condamnation que de condamner un innocent. Le juriste préfère certainement un crime
impuni à cause du strict respect du droit plutôt qu’un crime puni grâce à la mise en œuvre de
techniques exorbitantes du droit, que le droit déclare hors-la-loi129. Ainsi la vérité dite doit être

127
Bertrand BAUCHOT, op.cit., p. 341.
128
J. DILMI, Les preuves en matière pénale, ISP, 2016, p. 1.
129
Philippe RICHARD, op.cit., p. 665.

43
l’aboutissement d’un procès pénal de sorte que la preuve pénale dont il ressort est
nécessairement tributaire d’une procédure pénale régulière.

Selon le CPP « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être
établies par tout mode de preuve »130. L’administration de la preuve est donc gouvernée, en
procédure pénale, par le principe de la liberté de preuve, c’est-à-dire prouver un fait par tous
moyens propres à en établir l’existence. La liberté de la preuve doit toutefois être bien
comprise. Il ne s’agit pas de permettre de rapporter la preuve n’importe quelle manière, mais
bien de donner une marge suffisante de manœuvre aux chargés de la rapporter. Les modes de
preuves sont encadrés par la loi et au juge d’apprécier souverainement les preuves rapportées
suivant son intime conviction131. A son tour, le juge se doit de rejeter les moyens de preuve
illégalement ou déloyalement recueillis par l’autorité publique.

La complexité induite par une criminalité structurée et en perpétuelle évolution ainsi


que la volonté d’en rendre la répression effective ont conduit à l’extension des méthodes
surtout nouvelles en vue de faciliter l’obtention des preuves. En effet la lutte contre le
terrorisme mais aussi les trafics internationaux, en particulier de stupéfiants conduisent les
Etats à recourir de plus en plus à l’entraide répressive tout en mettant en œuvre l’ensemble
des moyens nécessaire à leur politique rendant potentiel le risque de violation des droits et
libertés des personnes mises en cause. Si sauvegarder la démocratie et la sécurité est un but à
atteindre, il ne peut l’être paradoxalement au prix des libertés fondamentales. Le fait de
libéraliser la mise en œuvre de mesures intrusives dans la vie privée peut sans d’importants
garde-fous, être susceptible de porter atteinte aux droits primaires des citoyens132.

Parmi ces moyens utilisés par les Etats, le cas des écoutes téléphoniques demeure
alarmant. Comme l’a martèlé J. PRADEL en commentant l’arrêt Baribeau133 rendu par la cour
de cassation française sur les écoutes téléphoniques : « décidemment, les écoutes
téléphoniques n’en finissent pas de faire parler d’elles ». L’affaire BASSOLET ET SORO 134
130
V. art. 427 de l’ordonnance 68-7 du 21 février 1968 portant code de procédure pénale (J.O.RHV. du 13 mai
1968, p. 229) modifiée par la loi n° 040-2017/AN du 3 juillet 2017.
131
Ibidem.
132
HCNUDH, Fiche d’information n°32 : Droits de l’homme, terrorisme, et lutte antiterroriste, novembre 2009,
p. 9.
133
Cass. Ass. Plén., 24 novembre 1989, Baribeau, Bull., n° 2.
134
Il s’agit d’un élément audio de 16mn 32s qui est partagé sur le réseau social Facebook, au matin du jeudi 12
novembre 2015, où l’on entend une conversation entre Guillaume K. SORO, président de l’Assemblée Nationale
ivoirienne et Djibril Y. BASSOLET, ex-ministre des affaires étrangères du Burkina Faso. Dans ces échanges qui
auraient eu lieu le 27 septembre 2015, les deux interlocuteurs parlaient de stratégies à mettre en place pour
relancer le coup d’Etat avorté au Burkina Faso et évoquaient également des projets d’assassinats ciblés contre
des personnalités de la transition au Burkina Faso. L’enregistrement audio de cette conversation téléphonique a
affolé la toile comme le monde entier avait tremblé avec les câbles Wikileaks de Julian ASSANGE et avait été

44
en témoigne et confirme cette idée. Les conversations téléphoniques sont assimilables à la
correspondance et par conséquent sont couvertes par le secret. Un tel procédé peut constituer
une atteinte grave à un droit fondamental de l’homme reconnu et protégé par les instruments
internationaux et les lois nationales, le droit au respect de la vie privée et de la
correspondance135.

La nécessité d’y mettre des garde-fous s’impose. Le droit français a subi une évolution
considérable et progressive en matière d’écoutes téléphoniques. En effet s’agissant du régime
des écoutes téléphoniques et des interceptions, la législation française a réellement connu une
évolution et un toilettage nécessaires seulement à la suite de la condamnation de la France par
la Cour EDH dans son célèbre arrêt Kruslin du 24 Avril 1990136. C’est à la suite de cette
condamnation que le législateur français à légiférer sur les écoutes téléphoniques avec la loi
du 11 Juillet 1991137 aux art.100 et s. du CPP Fr. Il ressort de ces normes et de la
jurisprudence qu’il faut nécessairement l’intervention d’une loi prévoyant avec étroitesse le
régime des écoutes conformément à l’art. 8-al.2 de la CEDH. En ce qui concerne les
conditions pour ordonner des écoutes, elles se résument aux principes de judiciarisation
(toutes les écoutes doivent être décidées par un magistrat après ouverture d’une instruction,
donc le juge d’instruction) et de gravité de l’infraction (lorsque la peine encourue est de deux
ans au moins). La décision ordonnant les écoutes est prise pour une durée de quatre mois
renouvelable138.

Le conseil d’Etat s’est prononcé dans les arrêts G. Henriquez et Deveylder du 08 mars
1985139 sur la réunion des preuves via des écoutes téléphoniques par les autorités américaines
en vue de poursuivre des trafiquants de drogues. Dans ces affaires les requérants soutenaient,
d’une part, que les décrets d’extradition méconnaissaient les stipulations de l’art.1 de la
convention franco-américaine d’extradition aux termes duquel : « l’extradition n’aura lieu
que dans le cas où l’existence de l’infraction sera constatée de telle façon que les lois où le
toussé avec les révélations fracassantes de Edward SNOWDEN dans les écoutes téléphoniques de la NSA.
« L’enregistrement audio BASSOLET-SORO » a fait l’objet d’une expertise pour son authentification qui n’a
finalement pas abouti, pourtant le général Isaac ZIDA, ex-premier ministre de la transition politique du Burkina
Faso affirmait sur les ondes de la radio locale « Savane FM » que « la bande est authentique, il n’y a pas de
débat, moi je ne veux pas discuter sur ces questions-là. Il ne faut pas douter de l'intelligence du peuple
Burkinabè. Tous ceux qui ont écouté savent qu'elle est authentique à moins d'être de mauvaise foi ».
135
V. art. 17 du PIDCP
136
Cour EDH, 24 avril 1990, Kruslin c. France, Série A, n° 176-A et B. La France a été condamnée au motif que
le droit français, écrit et non écrit, n’indiquait pas avec assez de clarté l’étendu et les modalités d’exercice du
pouvoir d’appréciation des autorités dans le domaine considéré c’est-à-dire des écoutes téléphoniques.
137
Loi du 11 Juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications,
J.O.R.F n°162 du 13 Juillet 1991, p. 9177.
138
V. art. 116 du CPP Fr.
139
CE Ass., 08 mars 1985, A. G. Henriquez et C. Deveylder, RDP, 1985, p. 1130, concl. B GENEVOIS.

45
fugitif sera trouvé justifieraient son arrestation et sa mise en jugement si le crime ou délit y
avait été commis ». Les preuves des infractions qui leur étaient reprochées auraient été
réunies par des procédés illicites car elles résultaient d’enregistrement de conversations
privées effectuées par un agent de service d’application des lois sur la drogue agissant dans le
cadre d’une enquête policière. De tels procédés auraient été en contradiction avec le droit
positif français et, plus particulièrement, avec l’art.368 du code pénal qui érige en délit le fait
de « porter atteinte à l’intimité privée de la vie, par une personne, sans le consentement de
celle-ci ». Ils invoquaient, d’autre part, la violation de l’art.8 de la CEDH qui proclame que
toute personne a droit au respect de sa vie privée, de son domicile et sa correspondance. La
Haute Assemblée a jugé que les conditions dans lesquelles les charges avaient été retenues par
les autorités américaines à l’encontre des intéressés, par la voie d’écoutes, n’étaient pas
contraire à l’ordre public français en se basant sur la décision de la Cour EDH dans l’affaire
Malone du 02 août 1984140 qui reconnait de même que l’existence d’une législation autorisant
à intercepter des communications pour aider la police judiciaire à s’acquitter de ses tâches
peut être nécessaire dans une société démocratique à la défense de l’ordre et à la prévention
des infractions pénales.

Ainsi à défaut d’un texte les autorisant expressément, les écoutes téléphoniques ne
sauraient être utilisées. A notre avis, une interception effectuée dans un pays comme le nôtre,
où aucune disposition légale ne la réglemente141 constitue une atteinte au droit au respect de la
vie privée et du secret de la correspondance et doit, en tant que telle être considérée comme
illégale.

Quant aux écoutes administratives, elles sont particulièrement attentatoires à la vie


privée. La personne écoutée ne disposant en effet d’aucun droit, l’exécution de l’interception
étant secrète et restant totalement ignorée de celui qui la subit même a posteriori. C’est dans
ce sens que la commission Schmelck142, dans un rapport remis en 1982 mais resté
confidentiel, proposait de poser le principe d’interdiction des écoutes (administratives)
définissant toutefois une liste de cas où la mise sous surveillance administrative serait
autorisée.

140
Cour EDH, 2 août 1984, Malone, série A, n° 82.
141
En dépit de l’existence de la loi 010-2004/AN du 20 avril 2004 portant protection des données à caractère
personnel et l’Acte additionnel A/SA.1/01/10 du 16 février 2010 relatif à la protection des données à caractère
personnel dans l’espace CEDEAO, aucune loi n’est prévue pour régir avec rigueur ce domaine aussi sensible que
sont les écoutes téléphoniques.
142
Il s’agit d’une commission d’étude sur les écoutes administratives installée en 1981 par l’ex-premier ministre
français et présidée par le premier président de la cour de cassation, M. SCHMELK. Elle est composée de
magistrat, d’universitaires, de parlementaires.

46
Aux obstacles procéduraux de l’extradition succèdent ainsi le cheminement propre de
la demande d’extradition.

Section II : Le cheminement de la demande d’extradition.

La procédure d’extradition intéresse tant la liberté individuelle de la personne


recherchée que la souveraineté des Etats, notamment celui requis. Dans la majorité des pays
du monde, la procédure d’extradition implique les branches exécutive et judiciaire des
gouvernements dans le souci de concilier ces intérêts dont la protection des droits et libertés
de l’individu réclamé, le respect de la souveraineté étatique et la nécessité de la répression. La
procédure d’extradition suppose donc que la demande formulée par l’Etat requérant et
transmise à l’Etat requis fasse l’objet d’un examen par les autorités compétentes dudit Etat
requis (§2). Cependant avant la transmission de ladite demande, certains actes la précédant
demeurent souvent indispensables pour en arriver. Il s’agit de la phase de pré-extradition dont
l’arrestation provisoire du fugitif conduisant à sa détention et ce, dans certaines conditions
(§1).

§1 : La phase de pré-extradition.

Il s’agit de la demande d’arrestation provisoire délivrée par l’Etat requérant avant la


demande d’extradition proprement dite en cas d’urgence (A). Lorsque l’individu réclamé est
arrêté il doit être détenu dans certaines conditions (B).

A : L’arrestation provisoire.

La mise en forme et la transmission d’une demande d’extradition formelle exige


d’assez longs délais. Aussi, quand la localisation de la personne recherchée est connue et qu’il
existe un risque de fuite, il est possible d’adresser en urgence à l’Etat requis une demande
d’arrestation provisoire dont l’objet est de permettre l’interpellation immédiate de la personne
47
avant même que l’Etat requis n’ait reçu la demande formelle. En effet la demande proprement
dite est souvent précédée d’une demande d’arrestation provisoire de la personne recherchée
afin que celle-ci ne profite pas de la longueur de la procédure extraditionnelle pour échapper à
la justice. L’arrestation provisoire est une mesure d’arrestation, prise à titre temporaire en
application d’un traité d’extradition et/ou de la législation nationale, préalablement à la
soumission d’une demande d’extradition. Elle correspond à la phase dite de pré-extradition 143.
La demande d'arrestation provisoire ne doit pas être confondue avec la demande d'extradition.
C’est un document qui requiert l'arrestation de l'individu avant que la demande d'extradition
ne soit formellement transmise ; il est donc moins complet que la demande d'extradition à
laquelle il ne se substitue pas, mais dont il constitue les prémisses.

L’arrestation provisoire constitue une mesure contraignante en ce qu’elle permet


d’immobiliser la personne localisée et de l’empêcher de s’enfuir. C’est la raison pour laquelle
cette faculté, reconnue en « cas d’urgence »144 est généralement effectuée selon des modalités
procédurales strictes. S’agissant de la voie utilisée pour la transmission de la demande, selon
l’art.22-3 de la convention d’Abuja « la demande d'arrestation provisoire sera transmise aux
autorités compétentes de l'Etat requis soit par la voie diplomatique, soit directement par la
voie postale ou télégraphique, soit par l'Organisation internationale de Police Criminelle
(Interpol), soit par tout autre moyen laissant une trace écrite ou admis par l'Etat requis ». Il
ressort de cette disposition que la demande peut être généralement faite par tout moyen de
transmission laissant une trace écrite ou matériellement équipollente.

Selon la loi de 1927145, cette demande peut être faite directement d’autorités judiciaires
étrangères à autorités judiciaires burkinabè et est transmise par la poste ou par tout mode de
transmission plus rapide laissant une trace écrite ou matériellement équipollente. En même
temps un avis régulier de la demande est transmis au ministre des affaires étrangères par la
voie diplomatique ou par tout autre moyen laissant une trace écrite.

La convention d’extradition ivoiro-burkinabè est quelque peu identique à la


convention d’Abuja quant à la voie utilisée pour transmettre la demande d’arrestation
provisoire sauf qu’elle précise en plus la voie électronique comme moyen de transmission146.

143
ONUDC, op.cit., p. 38.
144
V. art. 22 §3 de la convention d’extradition de la CEDEAO de 1994.
145
V. art. 19 de la loi du 10 mars 1927.
146
V. art. 8 al. 2 de la convention d’extradition entre le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire.

48
S’agissant des pièces exigées, à l’instar de la loi de 1927, la convention d’Abuja tout
comme la plupart des conventions régionales d’extradition imposent que la demande
d’arrestation provisoire indique « l’existence  » d’une des pièces requises pour la demande
d’extradition proprement dite147. La convention ivoiro-burkinabè148 précise que la demande
doit mentionner l’existence des pièces et non l’une d’elles prévues pour la demande
d’extradition. La plupart des conventions récentes d’extradition, comme celle d’Abuja et celle
entre le Burkina Faso et la Côte D’Ivoire soulignent le lien existant entre la demande
d’extradition et la demande d’arrestation provisoire en exigeant que cette dernière fasse part
« de l’intention d’envoyer une demande d’extradition » et mentionne l’infraction objet de la
demande, le temps et le lieu de sa commission et si possible, le signalement de l’individu
recherché149.

S’agissant de l’arrestation proprement dite, la loi de 1927 de même que la convention


d’Abuja rendent celle-ci facultative150. Cependant, la convention ivoiro-burkinabè oblige
l’Etat requis à procéder à cette arrestation en ces termes : « en cas d’urgence, et sur demande
des autorités compétentes de la partie requérante, il sera procédé à l’arrestation de la
personne réclamée par les autorités de la partie requise en attendant la réception de la
demande d’extradition… »151

Etant par définition « provisoire », le problème de la cessation de l’arrestation se pose.


Selon la convention d’Abuja et celle ivoiro-burkinabè, l’arrestation provisoire prendra fin 20
jours après l’arrestation lorsque l’Etat requis n’a pas été saisi de la demande d’extradition et
des pièces exigées152. Ce délai de 20 jours, selon la loi de 1927, vise les pays requérants
limitrophes du Burkina Faso et est porté à un mois pour les pays non limitrophes et à trois
mois pour les pays non africains153. La convention d’Abuja ajoute que « toutefois la mise en
liberté provisoire est possible à tout moment, sauf pour l'Etat requis à prendre toute mesure
qu'il estimera nécessaire en vue d'éviter la fuite de l'individu réclamé »154. En revanche tous

147
V. les art. 22 §2 de la convention d’extradition de la CEDEAO, 16 §2 de la convention européenne
d’extradition, 141 de la convention interaméricaine d’extradition, 43 de la convention arabe sur l’extradition, 19
de la loi du 10 mars 1927.
148
V. art. 8 al. 3 de la convention d’extradition entre le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire.
149
V. les art. 22 §2 de la convention d’extradition de la CEDEAO, 8 al.3 de la convention d’extradition entre le
Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire.
150
V. les art. 22 §1 de la convention d’extradition de la CEDEAO, 19 al. 1 de la loi du 10 mars 1927.
151
V. art. 8 al. 1 de la convention d’extradition entre le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire.
152
V. les art. 22 §4 de la convention d’extradition de la CEDEAO, 8 al. 5 de la convention d’extradition entre le
Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire.
153
V. art. 20 les al. 1 et 2 de la loi du 10 mars 1927.
154
V. art. 22 §4 de la convention d’extradition de la CEDEAO.

49
ces textes précisent que cette mise en liberté ne s’opposera pas à une nouvelle arrestation et à
l’extradition si la demande d’extradition est reçue ultérieurement par la partie requise155.

Vue les conditions strictes de l’arrestation provisoire, il est souhaitable de n’en


recourir qu’en cas d’urgence véritable et non lorsque le risque de fuite semble faible.
L’arrestation précipite les délais de production des documents requis, délais qui ne pourront
pas toujours être tenus, ce qui pourra entrainer la libération de la personne recherchée et par la
suite sa fuite.

La détention étant une mesure attentatoire à la liberté de l’individu réclamé, quand il


est arrêté, certaines conditions s’imposent pour sa détention.

B : Les conditions de détention du fugitif.

Pourquoi la prison ? Pour punir. Punir pour sanctionner une infraction, un


comportement qui a enfreint les règles156. Cette idée exprime le sens ou la cause de
l’incarcération. Cependant, la situation des prévenus est tout à fait différente de celle des
personnes condamnées pour un délit, puisqu’ils n’ont pas encore été jugés coupables d’un
délit quelconque et sont donc présumés innocents aux yeux de la loi 157. Face à cette situation,
l’exigence des règles protectrices du prévenu s’impose.

La détention provisoire dans le cadre de la procédure d’extradition qui est entendue


sous le terme d’écrou extraditionnel entraine l’incarcération de l’extradable. C’est une mesure
liberticide dont la mise en œuvre est encadrée par les textes nationaux et internationaux. Cela
est corroboré par la constitution du Burkina Faso qui dispose que « nul ne peut être privé de
sa liberté s’il n’est poursuivi pour des faits prévus et punis par la loi. Nul ne peut être arrêté,
gardé, déporté ou exilé qu’en vertu de la loi »158 et l’art.324-7 du code pénal burkinabè qui
punit les responsables des lieux de détention coupables de détention arbitraire en recevant un
individu sans mandat, sans jugement ou sans ordre du gouvernement en cas d’expulsion ou
155
V. les art. 22 §5 de la convention d’extradition de la CEDEAO, 8 al. 6 de la convention d’extradition entre le
Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire, 20 al. 3 de la loi du 10 mars 1927.
156
Naomi BERGER, La prison, y penser pour mieux oublier, CPCP, Bruxelles, 2014, p.1, document disponible
sur le site www.cpcp.be/Etudes-et-prospectives consulté le 12 décembre 2017.
157
HCNUDH, Les droits de l’homme et les prisons, manuel de formation aux droits de l’homme à l’intention du
personnel pénitentiaire, Nations Unies New York et Genève, 2004, série sur la formation professionnelle n°11, p.
3.
158
V. art. 3 de la constitution du Burkina Faso.

50
d’extradition. S’agissant des textes internationaux les art.3 de la DUDH,6 de la CADHP, 9 du
PIDCP, 5 de la CEDH ont proclamé le droit à la liberté et à la sûreté qui garantit toute
personne contre toute privation arbitraire de liberté tout en subordonnant la privation de
liberté en tant que de besoin, aux exigences de la loi et suivant la procédure prévue par celle-
ci.

Le but de tous ces textes se résume en la protection de l’individu contre l’arbitraire.


Toute privation de liberté doit non seulement relever de l’une des exceptions prévues, mais
aussi être régulière. En termes de régularité d’une détention dont l’écrou extraditionnel, y
compris l’observation des voies légales, les textes internationaux 159 renvoient pour l’essentiel
à la législation nationale et consacrent l’obligation d’en observer.

Dans son arrêt Djalti c. Bulgarie160 du 12 mars 2013 la cour EDH affirme que pour ne
pas être taxée d’arbitraire une mesure privative de liberté prise sur le fondement de l’art.5, §1,
f)161 doit être mise en œuvre de bonne foi ;elle doit être aussi étroitement liée au motif de
détention invoqué par le gouvernement ; en outre, le lieu et les conditions de détention
doivent être appropriés ; enfin, la durée de cette mesure ne doit pas excéder le délai
raisonnable nécessaire pour atteindre le but poursuivi.

Le prévenu doit être aussi informé des raisons de son arrestation et il dispose d’un
droit de demander sa mise en liberté devant la chambre d’accusation et ce, indifféremment
selon que le décret d’extradition n’est pas encore intervenu ou est déjà intervenu 162. La
procédure est publique sauf volonté contraire du parquet ou du comparant, elle est aussi orale
est contradictoire163.

Une fois de plus ces règles encadrant la détention du fugitif reflète le souci de
protection des libertés individuelles face au risque d’arbitraire des Etats dans la lutte contre la
criminalité internationale.

L’individu arrêté au vu d’un ordre de recherche ou à la suite d’une arrestation


provisoire doit comparaître devant les autorités compétentes requises pour un examen de la
demande d’extradition lui concernant.
159
V. les art. 1 de la CADHP, 2 §2 du PIDCP.
160
Cour EDH Grande chambre, 12 mars 2013, Djalti c. Bulgarie, Req., n° 31206/05.
161
L’art. 5 §1 f) de la CEDH stipule : «Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de
sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :…f) s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention
régulière d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une
procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours ». 
162
T.C, 14 mai 1984, Azègué, Rec., p. 621.
163
A. HUET et R. KOERING-JOULIN, op.cit., p. 386.

51
§2 : L’examen de la demande d’extradition.

Traditionnellement, la demande d’extradition est présentée par voie diplomatique.


C’est ensuite l’Etat requis qui détermine selon son droit, si toutes les questions concernant les
procédures d’extradition doivent être traitées par le pouvoir exécutif ou si elles doivent être
attribuées exclusivement ou partiellement au pouvoir judiciaire 164. Cet examen relève en
principe toujours du droit de l’Etat requis, donc pour le Burkina Faso de la loi de 1927 ; Cette
loi institue un examen successivement judiciaire (A) et administratif (B).

A : La phase judiciaire de l’examen.

A l’arbitraire gouvernemental et la pratique administrative, la loi du 10 mars 1927


substitue un contrôle et une procédure judiciaire qui visent à donner aux justiciables de
nouvelles garanties165.

Suivant ladite loi, dans les 24 heures de l’arrestation de la personne recherchée, le


procureur du Faso ou un membre du parquet du tribunal dans le ressort duquel la personne a
été localisée procède à un interrogatoire d’identité de l’intéressé dont il est dressé procès-
verbal166, et qui « est transféré dans le plus bref délai et écroué à la maison d'arrêt du chef-
lieu de la cour d'appel, dans le ressort de laquelle il a été arrêté »167. Le procureur général ou
un membre de son parquet doit dans les 24 heures de la réception des pièces, notifier à
l’intéressé le titre d’arrestation et procéder à son interrogatoire dont il est dressé procès-
verbal168. La chambre d’accusation est saisie sur le champ des procès-verbaux susvisés et de
tous autres documents et l’extradable comparait devant elle au maximum dans les 8 jours de
la notification des pièces, sauf délai supplémentaire de 8 autres jours demandé par le ministère
public ou le comparant avant les débats169. La chambre d’accusation, dont il convient de

164
ONUDC, op.cit., p. 41.
165
Elisabeth ROLIN, op.cit., p. 47.
166
V. art. 11 de la loi du 10 mars 2017.
167
V. art. 12 de la loi du 10 mars 1927.
168
V. art. 13 de la loi du 10 mars 1927.
169
V. art. 14 de la loi du 10 mars 1927.

52
recueillir l’avis, doit à peine d’irrégularité de la procédure être celle du lieu de détention lors
de la transmission de la demande d’extradition au ministère de la justice170.

Lors de sa comparution la personne réclamée dispose de l’option suivante : soit


renoncer au bénéfice de la loi et consentir formellement à son extradition auquel cas il lui est
donné acte par la cour de cette déclaration et « copie de cette décision est transmise sans
retard par les soins du procureur général au ministre de la justice, pour toutes fins utiles »171,
soit refuser de consentir à l’extradition et laisser place à l’application de la loi de 1927.
Lorsque l’intéressé ne consent pas à son extradition, la chambre d’accusation statue sans
recours et donne un avis motivé sur la demande d’extradition. Cet avis est défavorable au cas
où la cour estime que les conditions légales ne sont pas réunies ou qu’il y a erreur évidente 172.
Par conséquent, il n’appartient à la chambre d’accusation d’apprécier ni l’opportunité de
l’extradition, chose réservée à l’exécutif requis, ni le bien-fondé des poursuites ou de la
condamnation étrangères, ni, sauf erreur évidente, la réalité et la gravité des charges pesant
sur la personne réclamée173.

Si, faute de certains renseignements, la chambre d’accusation ne peut prendre sa


décision, il lui appartient de réclamer des informations complémentaires à l’Etat requérant
comme l’y autorise la convention d’Abuja174.

L’arrêt de la chambre d’accusation donnant avis est en principe rendu sans recours.
Cependant la chambre criminelle de la cour de cassation française, en une jurisprudence
voulue protectrice des droits de la personne réclamée, a progressivement admis des pourvois
en cassation. C’est surtout dans l’affaire Dore175 du 17 mai 1984 que la cour de cassation va
prendre un revirement spectaculaire en accueillant le pourvoi de la personne réclamée elle-
même. Dans cette affaire, visant les principes généraux du droit, elle casse l’arrêt donnant avis
favorable au motif qu’il ne constatait ni qu’un conseiller avait été entendu en son rapport, ni
que le comparant ou son conseil avait eu la parole postérieurement aux réquisitions du
parquet, toutes violations de la loi « de nature à priver la décision rendue des conditions
essentielles de son existence ».

La phase judiciaire close, place est faite à la phase administrative de l’examen.

170
CE, 13 mars 1981, Ellenbogen, Rec., p. 140
171
V. art. 15 de la loi du 10 mars 1927.
172
V. art. 16 de la loi du 10 mars 1927.
173
CE, 27 juillet 1979, Salati, Rec., p. 333 ; RCDIP 1980, p. 550, note LAGARDE.
174
V. art. 19 de la convention d’extradition de la CEDEAO de 1994.
175
Crim., 17 mai 1987, Dore, Bull., n° 183 ; D., 1984, p. 536, note JEANDIDIER.

53
B : La phase administrative de l’examen

La procédure judiciaire une fois achevée, le dossier est transmis au ministre de la


justice « dans un délai de huit jours à dater de l'expiration des délais prévus à l'article
14 »176. La suite de la procédure dépend alors du caractère défavorable ou favorable de l’avis
rendu par la chambre d’accusation.

Selon la loi de 1927, l’avis défavorable de la chambre d’accusation est « définitif et


l’extradition ne peut être accordée »177. Cet avis lie le gouvernement burkinabè, par
conséquent, la personne réclamée doit être remise en liberté sans autre formalité et toute
nouvelle demande d’extradition fondée sur les même faits et se référant aux même textes est
exclue. En revanche, rien n’interdit à l’Etat requérant de présenter une nouvelle demande
visant des éléments nouveaux survenus entre-temps, mais le gouvernement ne saurait
modifier sa première décision sans que la chambre d’accusation ait émis un nouvel avis178.

Si l’avis défavorable lie l’Etat burkinabè, il en va autrement en cas d’avis favorable.


En effet après avis favorable de la chambre d’accusation, option est offerte au gouvernement
burkinabè. Cette option est d’extrader ou non, en toute opportunité politique et diplomatique
dans le cadre de la loi de 1927179. Cependant l’art.2-1 de la convention d’Abuja affirme
l’engagement de l’Etat requis à livrer la personne réclamée dans le respect des conditions et
des règles prescrites par ladite convention 180. Néanmoins la force contraignante de cet
engagement s’avère relative dans la mesure où la convention offre à l’Etat requis certaines
facultés de ne pas extrader que nous qualifions d’obstacles à l’extradition.

Selon ladite convention, obligation est faite à l’Etat requis de notifier son refus
d’extrader qu’il soit complet ou partiel et il doit également faire connaitre aux autorités
requérantes sa décision sur l’extradition par la voie utilisée pour la transmission de la
demande d’extradition bien sûr au nom du parallélisme des formes181.

176
V. art. 16 al. 3 de la loi du 10 mars 1927.
177
V. art. 17 de la loi du 10 mars 1927.
178
CE, 18 novembre 1955 et 3 février 1956, Pétalas, JCP 1956, II, 91.
179
Cette faculté d’extrader ou non en cas d’avis favorable de la chambre d’accusation ressort de la lecture des
art. 3 et 18 de la loi du 10 mars 1927.
180
L’art. 2 §2 de la convention d’extradition de la CEDEAO stipule : « les Etats et autres parties adhérentes
s'engagent à se livrer réciproquement selon les règles et sous les conditions déterminées par la présente
Convention les individus qui, se trouvant sur le territoire de l'Etat requis, sont poursuivis pour une infraction ou
recherchés aux fins d'exécution d'une peine par les autorités judiciaires de l'Etat requérant ».
181
V. art. 24 §1 et §2 de la convention d’extradition de la CEDEAO de 1994.

54
Alors que le refus d’extrader était traditionnellement considéré comme un acte de
gouvernement, le conseil d’Etat français admet qu’un recours pour excès de pouvoir puisse
être formé contre cette décision en la déclarant « détachable de la conduite des relations
diplomatiques »182.

Lorsque l’Etat burkinabè est favorable à une demande d’extradition « le ministre de la
justice propose, s’il y a lieu, à la signature du président du Faso, un décret autorisant
l’extradition »183. Une fois de plus le conseil d’Etat français admet un recours contre le décret
d’extradition. C’est en 1937 que le conseil admet pour la première fois que le décret
d’extradition pût être attaqué pour excès de pouvoir, dans l’arrêt Decerf184, mais de manière
implicite. En 1952 il admet de façon explicite que le requérant « est recevable à invoquer à
l’encontre du décret attaqué la violation d’une convention internationale »185.

Il peut arriver que plusieurs Etats formulent une demande d’extradition auprès de
l’Etat requis, dont le Burkina Faso ici, pour une même infraction ou pour des infractions
différentes, c’est l’hypothèse de pluralité de demandes d’extradition. Dans ce cas, si la
chambre d’accusation émet plusieurs avis favorables, le gouvernement dans sa prise de
décision peut se faire aider par l’art.6 de la loi de 1927 qui lui propose un guide-âne. En effet
suivant cette disposition, si les demandes concurrentes visent une infraction unique
l’extradition « est accordée de préférence à l'Etat contre les intérêts duquel l'infraction était
dirigée, ou à celui sur le territoire duquel elle a été commise » et si les demandes
concurrentes visent des infractions différentes « il est tenu compte, pour décider de la
priorité, de toutes circonstances de fait, et, notamment : de la gravité relative et du lieu des
infractions, de la date respective des demandes, de l'engagement qui serait pris par l'un des
Etats requérants de procéder à la ré extradition ». A l’instar de la loi de 1927, la convention
d’Abuja laisse à l’Etat requis une liberté tout en lui proposant certains critères dans son choix
en ces termes « si l'extradition est demandée concurremment par plusieurs Etats, soit pour le
même fait, soit pour des faits différents, l'Etat requis statuera compte tenu de toutes
circonstances et notamment de la gravité relative et du lieu des infractions, des dates
respectives des demandes, de la nationalité de l'individu réclamé et de la possibilité d'une
extradition ultérieure à un autre Etat ». Cependant à la différence de la loi de 1927, la
convention d’Abuja ne différencie pas les demandes concurrentes pour un même fait des
182
CE, 15 octobre 1993, Royaume-Uni et gouverneur de la colonie royale de Hong-Kong, RFDA, 1993, n° 6, p.
1116
183
V. art. 18 de la loi du 10 mars 1927.
184
CE Ass., 28 mai 1937, Decerf, Rec., p. 534.
185
CE Ass., 30 mai 1952, Dame Kirkwood, RDP, 1952, p. 781.

55
demandes concurrentes pour des faits différents, et en plus, elle ajoute comme critère de choix
celui de la nationalité de la personne réclamée186.

186
V. art. 23 de la convention d’extradition de la CEDEAO de 1994.

56
Conclusion du chapitre II

En conclusion, l’intervention d’un décret d’extradition est subordonnée au respect de


la procédure extraditionnelle bien définie par la loi du 10 mars 1927. Ces règles de forme ont
pour objet de permettre à l’autorité judiciaire, à l’occurrence la chambre d’accusation, de
vérifier si les conditions justifiants légalement l’extradition sont remplies, tout en laissant à
l’autorité gouvernementale le soin d’apprécier en opportunité s’il convient de donner suite à la
demande de l’Etat requérant.

Certaines règles procédurales pénales sont à observer en matière extraditionnelle dans


le souci d’assurer un traitement équitable à l’égard du fugitif. Ces règles sont entre autres, la
prescription de l’action publique ou de la peine, l’amnistie, l’autorité de la chose jugée ou le
principe “non bis in idem’’ et le respect de la légalité dans la quête des preuves de culpabilité
dont nous avons traité du cas des écoutes téléphoniques.

En vertu des art. 16 à 18 de la loi précitée, la chambre d’accusation statuant sans


recours, donne son avis motivé sur la demande d’extradition. L’avis est défavorable, si elle
estime que les conditions légales ne sont pas remplies, ou qu’il y a erreur évidente. Si l’avis
motivé de la chambre d’accusation repousse la demande d’extradition, cet avis est définitif et
l’extradition ne peut être accordée. Dans le cas contraire, le ministre de la justice propose, s’il
y a lieu à la signature du président de la république, la décision autorisant l’extradition. Cette
décision qui est le décret d’extradition, produira comme tout acte administratif des effets.
Quels sont alors ces dits effets de l’extradition ?

57
Titre II : Les effets de l’extradition.

Lorsque l’Etat requis accorde l’extradition, il met le délinquant fugitif à la disposition


des autorités étrangères requérantes afin qu’il soit jugé ou puni. L’individu se trouve alors
sous l’autorité de ces dernières. Cependant craignant l’arbitraire du pouvoir étranger, un
principe fut instauré pour protéger l’individu faisant l’objet d’extradition. En vertu de ce
principe quasi-universellement reconnu, l’Etat requérant n’exerce pas un pouvoir sans limite
sur l’individu. En effet, l’individu extradé ne peut être ni puni, ni poursuivi et jugé pour une
infraction autre que celle ayant motivé l’extradition. C’est le principe dit de la spécialité de
l’extradition et la puissance requérante doit donc veiller à son respect lors de l’exercice de
l’action publique ou de l’exécution de la peine prononcée contre l’individu remis par la
puissance requise.

Il importe donc d’examiner le fonctionnement de ce principe. Le respect du principe


de la spécialité de l’extradition fera alors l’objet du premier chapitre en étudiant ce qu’il
recouvre et ses atténuations.

En outre, l’extradition accordée peut être entachée ou non d’irrégularités. En effet,


l’extradition peut être intervenue dans le respect ou non de la procédure et des principes
extraditionnels, d’où il convient de distinguer l’extradition régulière de celle irrégulière qui en
tout état de cause produisent des effets. La régularité de l’extradition fera donc l’objet du
chapitre second.

58
Chapitre I : Le respect du principe de la spécialité de l’extradition.

Parmi les principes fondamentaux du droit extraditionnel, celui de la spécialité de


l’extradition est d’une importance particulière. En effet, si l’on avait des raisons de craindre
quelques excès, la règle de la spécialité qui interdit de juger une personne pour des faits autres
que ceux ayant motivé la remise, permet à l’Etat requis de fixer les conditions de
la “livraison“ du fugitif.

Ce principe qui apparaît pour la première fois dans le traité franco-luxembourgeois en


1844187 est à l’époque contemporaine clairement énoncé dans la quasi-totalité des traités et
lois nationales d’extradition. Il est prévu par l’art. 20 de la Convention d’extradition de la
CEDEAO, l’art. 14 de la convention d’extradition entre le Burkina Faso et la République de
Côte d’Ivoire, l’art. 21 de la loi de 1927.

Bien que le principe paraisse très simple dans sa conception, il soulève cependant
quelques difficultés en pratique. Ainsi nous allons dans un premier temps faire ressortir le
contenu de ce principe (Section I) et dans un second temps énumérer les tempéraments qui
s’y attachent (Section II).

Section I : Le contenu du principe de la spécialité de l’extradition.

Le contenu du principe de la spécialité est très simple et tout à fait cohérent. Le


principe consiste dans l’idée de limiter les faits pour lesquels l’extradé sera jugé après sa
livraison au pays requérant, à ceux ayant motivé sa remise. Cependant si le principe ne
soulève pas de difficultés majeures dans sa conception, son domaine d’application diverge
selon le texte ou la jurisprudence en présence (§1) et vue son importance, existe-t-il des
garanties pour son respect (§2).

§1 : Le principe et son domaine d’application.

187
Dominique PONCET et Paul GULLY-HART, Extradition, the european model, New York, 1986, p. 467 en
note cité par A. ZAIRI, op.cit., p. 15.

59
Il convient d’examiner ici la notion du principe de la spécialité de l’extradition dans sa
justification d’une part (A) et d’autre part, de procéder à l’analyse du domaine d’application
de ce principe (B).

A : La notion de la spécialité de l’extradition.

Comme l’énonce l’art. 21 al. 1 de la loi de 1927 « l'extradé ne peut être poursuivi ou


puni pour une infraction antérieure à la remise, autre que celle ayant motivé l'extradition ». Il
serait en effet contraire autant à l’accord passé avec l’Etat requis qu’aux intérêts de l’extradé
qu’on puisse reprocher à ce dernier des faits pour lesquels l’extradition est impossible, n’a pas
été demandée ou encore a été refusée. Le principe implique donc une totale adéquation entre
les faits objet de la demande d’extradition, les faits objet de l’extradition et les faits pour
lesquels l’extradé sera jugé ou purgera sa peine.

Quasi-universellement présent dans les conventions bilatérales comme celle entre le


Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire 188 et régionales dont la convention d’Abuja189,
le principe semble avoir sa place même dans les conventions qui ne le prévoient pas à
raison « tant de sa nature de règle coutumière que de sa justification rationnelle » selon les
mots du professeur Claude LOMBOIS190.

Justement, cette institution juridique comme toute autre est nécessairement dictée par
un besoin social. Ainsi, la raison d’être de ce principe diffère selon les thèses en présence.
Selon la thèse française, le fondement de ce principe est la sauvegarde des intérêts de l’Etat.
D’après cette thèse développée par Saint AUBIN, les règles et les restrictions, aussi bien que
les réserves mises dans une convention par les parties contractantes, sont édictées dans un
intérêt supérieur à celui des particuliers, qui est celui des parties contractantes. Par
conséquent, l’extradé ne peut pas se prévaloir du principe de la spécialité 191. Ainsi cette thèse
réduit l’intérêt de l’individu à un intérêt inférieur à celui de l’Etat dont le respect des
conventions qu’il a conclues, chose qui est préjudiciable à l’extradé. C’est ainsi que la thèse
anglo-saxonne se présente comme favorable à l’individu en ce sens qu’elle a pour fondement,
contrairement à celle française, la sauvegarde des intérêts de l’individu. En effet, un acte
188
V. art. 14 de la convention d’extradition entre le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire.
189
V. art. 20 de la convention d’extradition de la CEDEAO de 1994.
190
Claude LOMBOIS, Droit pénal international, Paris, 2e éd., D.1979, p. 117.
191
Saint AUBIN, L’extradition et le droit extraditionnel, Paris, T. 2, 1913, p. 887.

60
anglais de 1870 ne permet pas aux autorités anglaises de juger l’extradé sur d’autres faits que
ceux qui avaient motivé son extradition, car le but du principe de la spécialité est de protéger
les intérêts de l’extradé192. C’est un texte de droit qui donne même des explications sur sa
raison d’être et ne laisse pas d’ambiguïté. Cette thèse ne rend pas compte pleinement du
fondement de ce principe car elle omet l’intérêt étatique qui devrait pour nous passer avant les
intérêts individuels. Alors face à ces deux thèses opposées, il existe une thèse dite mixte dont
la Suisse est partisane, selon laquelle le principe protège également les intérêts de l’Etat et
ceux de l’individu193. Pour nous cette thèse exprime mieux la raison d’être du principe de la
spécialité de l’extradition car il apparait erroné d’opposer ces deux conceptions du fondement
juridique de ce principe, puisque l’une n’exclut pas l’autre. Manuel Adolfo VIEIRA, non
seulement adhère à cette conception mais il essaie de pousser le principe de la spécialité au-
delà d’un principe spécial et de l’introduire dans le cadre des principes de droit universel : « il
s’agit à notre avis d’une conséquence du principe “nulla poena sine lege’’ qui entraine une
double protection, pour l’Etat réclamant et pour la personne qui fait l’objet du procès,
puisque les deux parties sont concernées dans toute la procédure »194.

Avant toute ses justifications, nous pensons que ce principe a comme nécessité, la
contribution au respect des exigences relatives aux infractions extraditionnelles à savoir la
double incrimination, l’interdiction d’extrader pour infractions politiques ou en cas
d’extradition demandée dans un but politique ou à raison d’infractions militaires ou fiscales.
Ce qui permet d’assurer une certaine cohérence du droit extraditionnel.

Ainsi plusieurs thèses s’offrent la détermination du fondement de ce principe faisant


l’objet d’un débat interminable. Cette situation est quasi-identique en ce qui concerne le
domaine d’application du principe.

B : Le domaine d’application du principe.

En ce qui concerne l’application du principe de la spécialité, tous les Etats n’adoptent


pas la même conception. Certains ont une conception restrictive et c’est le cas du système

192
J. B. MOORE, A treatise on extradition and interstate rendition, Boston, 1891, p. 322 et suivants cité par A.
ZAIRI, Le principe de la spécialité de l’extradition au regard des droits de l’Homme, Paris, LGDJ, 1992, p. 17.
193
A. ZAIRI, op.cit., p. 18.
194
Manuel Adolfo VIEIRA, L’évolution récente de l’extradition dans le continent américain, in Recueil des
cours de la Haye, T. 2, 1984, p. 293.

61
belge195. Toutefois la Belgique elle-même a fini par renoncer à ce système dans sa loi de 1874,
qui adopta le principe de l’interprétation restrictive196. D’autres Etats appliquent le principe
aux faits antérieurs à la demande d’extradition, c’est le cas des USA, ou aux faits antérieurs à
la remise de l’individu, c’est le cas du système français.

C’est ce système français qu’adoptent les rédacteurs de la convention d’Abuja et il est


assez clair : le principe de la spécialité s’oppose à ce que l’Etat requérant reproche à l’extradé
des infractions perpétrées avant sa remise, sous peine de réduire à néant les exigences
relatives aux infractions extraditionnelles. Ce système est approuvé par la Commission
Internationale Pénale et Pénitentiaire, parce qu’il contribue, par la stricte application du
principe de la spécialité, à l’effort d’élargissement du domaine de l’extradition dans l’intérêt
de la lutte contre le crime197.

Le principe ainsi circonscrit, la jurisprudence reconnait à l’Etat requérant trois libertés,


les deux premières s’exerçant pour des infractions n’ayant pas motivé l’extradition,
contrairement à la troisième.

D’abord l’Etat requérant peut exercer sa compétence à l’égard de toutes les infractions
commises par l’extradé après sa remise198.

Ensuite, l’extradé étant seulement « réputé absent » pour les infractions réalisées avant
sa livraison, il peut faire l’objet d’une condamnation pourvu que ce soit par défaut ou par
contumace199. En effet la jurisprudence a indiqué que la règle énoncée à l’art. 21 de la loi de
1927 ne fait pas obstacle à ce que des poursuites soient exercées du chef des infractions non
visées dans l'acte d'extradition et antérieures à cette mesure à condition que la personne
extradée ne fasse l'objet d'aucune contrainte à l'occasion de ces poursuites et que la
condamnation éventuellement prononcée du chef de ces infractions rendue par défaut ne soit
mise à exécution qu'après expiration du délai de trente jours à compter de son élargissement
définitif prévu à l'article 26 de la loi précitée. Ainsi à l’occasion de ces poursuites sont
interdits à l’encontre de l’extradé tous actes procéduraux impliquant une contrainte sur sa

195
L’art. 6 de la loi belge du 13 novembre 1833 relative à l’extradition stipule  : « l’individu dont l’extradition
aura été accordée ne pourra dans aucun cas être poursuivi ou puni pour aucun délit politique antérieur à
l’extradition, pour aucun fait connexe à un semblable délit, ni pour aucun des crimes ou délits non prévus par la
convention », donc, a contrario, l’extradé pourrait être poursuivi pour tout fait prévu par la convention générale
liant les deux Etats requérant et requis.
196
BEAUCHET, Traité de l’extradition, Paris 1899, nos 772, 723 cité par A. ZAIRI, op.cit., p. 31.
197
Usu Chao CHING, Du principe de la spécialité en matière d’extradition, thèse Neuchâtel 1950, p. 128 cité
par A. ZAIRI, op.cit., p. 32.
198
Crim., 22 décembre 1969, Bull., n° 355.
199
Crim., 2 juin 1987, Bull., n° 231.

62
personne, tels qu’une interpellation, un placement en garde en vue ou en détention
provisoire200, ou encore une participation personnelle de sa part, telle qu’une inculpation ou un
interrogatoire201, ou même une signification202. Néanmoins, l’action publique relative aux faits
antérieurs n’étant aucunement suspendue par l’acte d’extradition, elle peut valablement être
déclenchée et exercée et, en cas d’ouverture d’une instruction, « le juge d’instruction doit
informer » à leur propos203.

Enfin, les juridictions de l’Etat requérant « étant juges de la qualification donnée aux


faits qui ont motivé la demande d’extradition »204, peuvent, sans méconnaître le principe de la
spécialité, modifier la qualification205, y compris par admission d’une circonstance
aggravante206, mais à deux conditions : au fond, que les composantes de l’infraction
nouvellement qualifiée ou de la cause d’aggravation retenue soient déduites des éléments de
fait au vu desquels l’extradition a été accordée207 ; en la forme, que l’intéressé ait été informé
à temps de cette modification, surtout lorsqu’elle aggrave sa situation208.

Malgré la divergence des systèmes dans l’application du principe de la spécialité de


l’extradition, certaines constantes s’en dégagent. Tout d’abord, la règle de la spécialité ne peut
jouer qu’en cas d’extradition stricto sensu, même volontaire, à l’exclusion de ses substituts à
savoir les voies de remise informelle 209. Ensuite, elle s’oppose à ce que l’Etat requérant
reproche à l’extradé des infractions perpétrées avant sa remise, pour lesquels il est « réputé
absent », par conséquent le principe ne joue pour les infractions commises postérieurement à
la remise210. Enfin, la règle de la spécialité est respectée même en cas de ré extradition. En
effet, elle empêche l’Etat requérant ayant obtenu l’extradition de ré extrader l’intéressé pour
des faits différents commis antérieurement à sa remise.

Certes, le principe est quasi-universellement énoncé dans les textes relatifs à


l’extradition, toutefois le risque de sa violation demeure imminent. Dans le souci de
réprimer « avec la dernière énergie » les criminels, les Etats sont toujours enclin de violer les

200
Crim., 8 décembre 1987, Bull., n° 449 ; D. 1989, p. 139, obs. WAQUET et Julien LAFERRIERE.
201
Crim., 10 mars 1987, Bull., n° 118.
202
Crim., 15 octobre 1991, Bull., n° 343.
203
Crim., 31 août 1905, Bull., n° 431.
204
V. art. 24 de la loi du 10 mars 1927.
205
Crim., 22 décembre 1975, Bull., n° 286.
206
Crim., 4 janvier 1934, Bull., n° 2 ; D. 1934, p. 121, note LELOIR.
207
Crim., 22 décembre 1975, op.cit.
208
Bernard BOULOC, Le principe de spécialité en droit pénal international, in Mélanges Dominique
HOLLEAUX, Litec, 1990, pp. 13 et 14.
209
Yves CHAUVY, L’extradition, PUF, Que-sais-je ?, 1981, p. 36
210
Crim., 30 octobre 1962, Bull., n° 286 ; crim., 14 mars 1967, Bull., n° 103.

63
règles qu’ils se sont prescrits. Ce pourquoi, des garanties s’imposent pour le respect de ce
principe.

§2 : Les garanties du respect du principe de la spécialité.

Ces garanties constituent des obligations aussi bien du pays requérant  que du pays
requis. En effet contrairement à ce qu’on pourrait croire, la violation de la spécialité est tant
possible dans l’Etat requis que dans l’Etat requérant.

Nous verrons alors d’abord les garanties du respect du principe avant la remise de
l’individu (A) et par la suite, celles après sa remise (B).

A : Les garanties avant la remise de l’individu.

Dans un Etat de droit, l’administration tout comme le pouvoir judiciaire ont le devoir
d’être les garants des droits de toutes les personnes vivant dans la société et la règle de la
spécialité en est une car elle est à première vue protectrice des droits du fugitif.

C’est ainsi qu’interdiction est faite à l’administration d’utiliser des voies parallèles de
livraison de l’accusé211. En effet, il est interdit de détourner le principe de la spécialité par des
moyens d’apparence légale. Parmi ces moyens, le plus utilisé est l’expulsion dont
l’administration se sert pour se débarrasser d’un individu indésirable. En cas d’expulsion, non
seulement il n’y a pas lieu d’invoquer un traité, mais encore, il n’y a ni réserve, ni acte
d’extradition, et par conséquent, pas d’obligation pour l’Etat de limiter le jugement au seul
délit indiqué dans le mandat d’arrêt212. L’individu expulsé reste alors sans défense, d’une part
contre la décision administrative dont il est victime et d’autre part contre l’Etat bénéficiaire de
cette expulsion. En 1985, la France a expulsé vers l’Irak deux opposants irakiens alors même
qu’ils risquaient la peine de mort dans ce pays. Ils n’ont dû leur salut qu’à l’indignation de
l’opinion publique française, et au revirement du gouvernement français qui a par la suite
expressément demandé à l’Irak de gracier ces deux individus, des menaces ayant été proférées

211
A. ZAIRI, op.cit., p. 76.
212
Usu Chiao CHING, op.cit., p. 65 cité par A. ZAIRI, op.cit., p.77.

64
contre les otages français au Liban213. Un tel exemple plaide nécessairement en faveur du non
recours à l’expulsion, au profit de l’extradition qui garantit mieux les droits de l’individu.

En sus de l’expulsion comme moyen d’apparence légale on a le refoulement ou la


conduite à la frontière et la reconnaissance du “droit de suite’’ prévu par certaines
conventions internationales dont le voisinage de deux Etats permet à la police de l’un des
deux Etats d’exercer “un droit de suite’’ dans l’autre, en y pourchassant et parfois en y
arrêtant un malfaiteur ayant franchi la frontière (exemple de la convention franco-
monégasque).

Certes ces procédures sommaires existent juridiquement mais ne permettent pas de


protéger les droits de l’individu. La reconnaissance des droits de l’homme étant aujourd’hui
une réalité presqu’internationale, on est obligé de considérer la procédure d’extradition
comme une obligation des pays civilisés214. On ne peut se permettre de substituer à cette
procédure une autre qui est peut-être plus rapide et efficace, mais qui n’est pas dans l’esprit
des droits de l’homme.

En outre, il est interdit à l’administration de détourner le principe par des moyens


manifestement illégaux. Lorsque l’Etat requérant se heurte à un refus d’extrader ou lorsqu’il
sait par avance que sa demande ne sera pas prise en considération, il peut être tenté de contrer
cette extradition impossible par la force. Il commettra alors un enlèvement ou une
appréhension illégale. Ces pratiques illégales, en plus du dommage causé à l’individu obtenu,
créent un dommage à l’ordre démocratique international car quel que soit le régime politique
du pays dans lequel l’individu s’est réfugié, on ne peut lui nier sa souveraineté 215. Ce sont bien
ces raisons qui conduisent à l’interdiction de recourir à ces pratiques. Une résolution du Xe
congrès International de droit pénal indique bien les limites de tels agissements : « la remise
des délinquants ou condamnés recherchés doit être strictement subordonnée à l’utilisation
régulière de la procédure d’extradition. Tout emploi de la force ou de la ruse pour amener
l’intéressé sur le territoire de l’Etat requérant doit être sévèrement proscrit »216. Le principe
est donc simple : tout enlèvement d’un individu par la force ou par la ruse est hors-la-loi et
engage la responsabilité internationale de l’Etat qui commet un tel acte.

213
Philippe RICHARD, op.cit., p. 667.
214
A. ZAIRI, op.cit., p. 77.
215
A. ZAIRI, op.cit. p. 81.
216
Xe congrès de l’Association Internationale de droit pénal, Résolutions définitives du colloque, résolution n°
IX, 1er al. cité par Philippe RICHARD, op.cit., p. 665.

65
Cependant, l’illégalité des conditions de la présence de l’accusé sur le territoire ne
semble pas être une condition irréfragable de la mise en œuvre des poursuites pénales. En
effet, il semble que le juge ne tienne que peu de cas des conditions d’entrée de l’accusé sur le
territoire national et que l’irrégularité n’entacherait pas l’exercice des poursuites. Il s’agit de
l’application de l’adage male captus bene detentus217. La jurisprudence est bien fournie à cet
effet, de l’affaire Argoud218 à celle Carlos219 en passant par l’affaire Eichmann220. En
revanche, il faut noter que l’application de male captus bene detentus ne fait pas l’unanimité
au regard de la protection des droits de l’homme. En effet, un Etat qui ne se soucie pas des
conditions d’entrée de l’accusé étranger sur son territoire, ou bien un Etat qui laisse faire ou
facilite l’enlèvement, risque de voir sa responsabilité engagée, pour violation du droit à la
liberté et à la sûreté. Les organes de Strasbourg ont notamment reconnu à ce propos qu’ « une
arrestation effectuée par les autorités d’un Etat sur le territoire d’un autre Etat sans
l’autorisation préalable de l’Etat en cause non seulement engage la responsabilité de l’Etat
vis-à-vis de cet autre Etat, mais porte atteinte également au droit individuel de la personne à
la sûreté selon l’article 5.1 »221.

Quant au pouvoir judiciaire, en tant que garant du droit et de l’ordre public, il joue un
rôle prépondérant dans le respect du principe de la spécialité de l’extradition. En effet,
l’extradition est subordonnée à un examen préalable de la demande par une autorité judiciaire
et pas un pays moderne démocratique ne nie la nécessité de cet examen 222. Durant cette
procédure, il sera examiné le respect des conditions légales de l’extradition déjà évoquées. Et
217
Cet adage latin signifie qu’un tribunal peut exercer sa compétence sur un accusé indépendamment des
circonstances dans lesquelles cet accusé se trouve déféré devant lui.
218
Crim., 4 juin 1964, Bull., n° 192 ; JCP 1964, II, 13806. Dans cette affaire, la Cour de cassation française fut
confrontée à l’enlèvement par des agents français, à Munich, du responsable de l’Organisation de l’armée
secrète, pour être jugé en France. Malgré l’illégalité flagrante de la procédure, la Cour de cassation énonça que :
« les conditions dans lesquelles un inculpé faisant l’objet d’une poursuite régulière et d’un titre légal
d’arrestation a été appréhendé et livré à la justice, constitueraient-elles une atteinte à la loi pénale ou aux
principes traditionnels de notre droit, ne sont pas de nature, si déplorables qu’elles puissent apparaître, à
entraîner par elles-mêmes la nullité de la poursuite ».
219
Crim., 10 janvier 1995, Bull., n° 11. Dans cette affaire, la Cour de Cassation applique une théorie similaire en
estimant que l’enlèvement dont Carlos a été la victime au Soudan ne rentrait pas en considération dans la nullité
des poursuites, puisque « les juridictions nationales sont incompétentes pour connaître des conditions dans
lesquelles seraient intervenues à l’étranger, l’arrestation d’une personne par les seules autorités locales agissant
dans la plénitude de leur souveraineté et sa remise à des policiers français ».
220
District Court of Jerusalem, 12 décembre 1961, Attorney General of Israel c. Eichmann, ILR, 1968, vol. 36, p.
26. Dans cette affaire, Adolf Eichmann fut enlevé en Argentine pour être jugé en Israël pour crimes contre
l’humanité. Bien que l’Argentine ait protesté en raison de la violation flagrante de sa souveraineté, elle n’a pas
manifesté le désir d’entamer des poursuites et se déchargea auprès des juridictions israéliennes. En fait de quoi,
le juge israélien n’a fait qu’appliquer le principe male captus bene detentus en rejetant le moyen de Eichmann
qui argue de l’illégalité de son arrestation.
221
Comm.EDH, 12 octobre 1989, Stocké c. République fédérale d’Allemagne, § 167, et la Commission de
rajouter que l’accord entre Etats à ces fins est susceptible d’engager leur responsabilité, §168.
222
A. ZAIRI, op.cit., p. 86.

66
c’est en examinant la demande que le juge requis pose des limites qui ne peuvent être
dépassées par le pouvoir exécutif en émettant le décret d’extradition et qui seront par la suite
respectées par les autorités requérantes. Pour que ce principe puisse être appliqué dans le pays
requérant, il est nécessaire qu’un travail préalable soit accompli de la part du pays requis.
Sinon comment exiger l’application du principe si on n’a pas fait une description détaillée des
faits pour lesquels l’extradition est accordée ?223 Ainsi, il est de nécessité pour la chambre
d’accusation de motiver son avis de la façon la plus claire et précise, d’autant plus que les
réserves ou restrictions faites par le pays requis ne peuvent être imposées aux autorités
judiciaires de l’Etat requérant. Cependant elles lient le pouvoir exécutif requérant qui doit, à
la suite d’une condamnation contraire auxdites réserves, se conformer à la volonté de la partie
requise par une mesure de grâce à l’égard de l’extradé.

A la limite, le principe est fondé sur la présomption de bonne foi des Etats liés par une
convention d’extradition. Cette bonne foi est renversée lorsque le pouvoir requérant refuse de
se conformer aux restrictions faites par le pouvoir requis. Et en cas de violation répétée, l’Etat
requis pourra prendre des mesures de réciprocité ou refuser à l’avenir de coopérer.

Enfin, le problème des voies de recours se pose, en tant que réponse à la violation du
principe avant la remise de l’extradé. Il faut de prime à bord rappeler que le recours contre
l’avis de la chambre d’accusation a été l’œuvre de la jurisprudence. En effet, de 1927 224 à
1948, tout pourvoi, quel qu’il fût, fut rejeté. A partir de 1948, la cour de cassation contourna
la rigueur de l’art. 16 de la loi de 1927 en admettant « dans l’intérêt de la loi » les pourvois
contre les avis de la chambre d’accusation 225. Ce n’est qu’en 1984 que la cour de cassation
accueille le pourvoi de la personne réclamé elle-même226. Ainsi pour protester contre la
violation du principe, la personne réclamée a été admise d’introduire un pourvoi aux fins
d’annulation de l’avis de la chambre d’accusation pour violation des droits de l’homme 227.
Actuellement, le pourvoi est admis même pour vices de forme méconnaissant les règles
procédurales pénales. C’est ainsi que la cour de cassation à casser un arrêt car il ne résultait
pas des énonciations que l’interprète avait prêté serment228. Sont admises aussi, les cassations
pour non-respect de l’ordre public et surtout pour violation des droits de l’homme 229 étant

223
A. ZAIRI, op.cit., p. 97.
224
En référence à la date d’adoption de la loi du 10 mars 1927.
225
Crim., 25 novembre 1948, Bull., n° 259.
226
Affaire Dore, op.cit.
227
Bernard BOULOC, op.cit., p. 147.
228
Crim., 28 octobre 1986, Bull., n° 309.
229
Crim., 23 novembre 1972, JCP 1973, II. 17428.

67
donné que le principe protège les droits fondamentaux de l’extradé notamment son droit à la
liberté qui ne peut être atteinte que légalement et pour des raisons bien précises.

En outre dans la sphère européenne, existe-t-il la possibilité de déposer une requête


individuelle devant les organes des droits de l’homme dont la commission des droits de
l’homme et la CEDH. Cette requête qui peut avoir n’importe qu’elle forme et même la forme
d’une simple lettre de correspondance, doit contenir le nom du requérant, ne pas être fondée
sur les mêmes faits et ne pas répéter les mêmes griefs qu’une requête précédente de la même
personne adressée soit devant la commission des droits de l’homme, soit devant n’importe
quelle instance internationale d’enquête ou de règlement, sauf si elle contient des faits
nouveaux. Une troisième condition de recevabilité de la requête est celle de l’épuisement des
voies de recours internes, c’est-à-dire que le requérant doit avant tout, avoir exercé des
recours devant toutes les instances nationales ouvertes en sa faveur230.

Par analogie, nous pouvons évoquer la possibilité de déposer une telle requête devant
la commission et la cour africaine des droits de l’homme et surtout devant la cour de justice
de la CEDEAO. Cette dernière cour, en effet a été instaurée par l’art. 15 du traité révisé de la
CEDEAO en date du 24 juillet 1993. Elle n’est devenue véritablement une juridiction que les
particuliers peuvent saisir sans intermédiaire, qu’avec l’adoption du protocole additionnel
A/SP-1/01/05 le 19 janvier 2005. Ainsi toute personne victime de violation des droits de
l’homme peut la saisir à condition que la demande ne soit anonyme et ne soit déjà portée
devant une autre cour internationale compétente231. Cependant ce texte ne pose pas la
condition de l’épuisement des voies de recours internes. Un état de fait confirmé par la cour
de justice de la CEDEAO dans sa jurisprudence notamment dans l’affaire Dame Hadijatou
Mani Koraou232. Il en résulte que désormais le particulier peut contester devant la cour, toute

230
A. ZAIRI, op.cit., p. 135.
231
V. art. 10-d du protocole additionnel A/SP.1/01/05 relatif à la cour de justice de CEDEAO du 19 janvier 2005.
232
Dans cette affaire la requérante, dame Koraou, de nationalité nigérienne, fait grief à la défenderesse, la
République du Niger, d’avoir violé ses droits fondamentaux de l’homme (elle prétend être victime d’esclavage)
et demande à la cour de constater cette violation et de sanctionner l’Etat du Niger. La défenderesse a soulevé des
exceptions préliminaires d’irrecevabilité de la requête. En effet, l’Etat du Niger a soulevé in limine litis,
l’irrecevabilité de la requête aux motifs d’une part du non-épuisement des voies de recours internes et d’autre
part, du fait que l’affaire portée devant la cour est encore pendante devant les juridictions nationales nigériennes.
La cour en se conformant au protocole additionnel A/SP.1/01/05 relatif à la cour notamment l’art. 10-d-ii aux
termes duquel, toute personne victime de violation des droits de l’homme peut saisir la cour à condition que
l’affaire ne soit déjà portée devant une autre instance internationale compétente, décide que la règle de
l’épuisement préalable des voies de recours internes n’est pas d’application devant elle. Tout en ajoutant qu’il
n’appartient pas à la cour de céans d’ajouter au protocole des conditions non prévues par les textes. En rappel,
l’Etat du Niger a été tenu pour responsable à cause de l’inaction de ses autorités administratives et judiciaires
face au traitement inhumain à l’encontre de dame Koraou et a été condamné à la verser une somme forfaitaire de
10.000.000 FCFA en réparation des préjudices subies (CJ-CEDEAO, 27 octobre 2008, Dame H. M. Koraou c.
Republique du Niger. Arrêt disponible sur www.juricaf-org/arrêt/CEDEAO consulté le 20 décembre 2017).

68
violation des droits de l’homme par les Etats membres ou leurs institutions, surtout que
« l’exécution des décisions de justice de la cour n’est pas une faculté pour les Etats, mais une
obligation conformément à l’art. 15-4 du traité révisé de la CEDEAO  »233.

L’application du principe de la spécialité commence donc avant la livraison de


l’extradé. Mais ces efforts préalables dans l’Etat requis pour garantir le respect du principe se
trouveraient vains si le pouvoir requérant ne les consolide pas. En fait, c’est lorsque l’individu
est livré aux autorités requérantes que le respect du principe revêt une grande importance.

B : Les garanties après la remise.

C’est à ce stade de l’extradition que se réfère essentiellement le principe de la


spécialité. L’accusation qui sera portée contre l’extradé ne peut pas sortir du cadre fixé par
l’Etat requis, il ne peut être jugé ou puni que pour les faits ayant motivé l’extradition. Il est
donc raisonnable que le principe soit observé dans sa plénitude par l’Etat bénéficiaire de la
remise de l’individu, d’où l’existence de certaines garanties pour son respect.

Après la remise de l’extradé, à l’égard du principe, il faut distinguer entre les


garanties qui lui sont accordées pendant l’instruction et celles qui le sont pendant le jugement.

Pendant l’instruction, la sanction du principe est très concrète : l’extradé doit être
réputé absent pour les infractions non visées dans l’acte d’extradition. Ainsi tous les actes
d’instruction doivent rester dans le cadre du décret d’extradition pour que le principe de la
spécialité ne soit pas violé. Tous les actes d’instruction qui nécessitent un concours actif de
l’inculpé relativement aux faits qui n’ont pas donné lieu à l’extradition sont interdits 234. La
première mesure interdite pour les infractions n’ayant pas motivé l’extradition est la
détention235. En effet, la privation de liberté de la personne est le secteur le plus sensible de la
procédure pénale et constitue l’une des questions principales traitées en matière des droits de
l’homme, prévue tant au niveau national qu’au niveau international. Les autres mesures ne
nécessitant pas la présence matérielle de l’intéressé, ne sont pas exclues par ledit principe. En
ce qui concerne l’examen médico-psychologique, on doit être beaucoup plus sensible et

233
CJ-CEDEAO, 8 novembre 2010, Tandja c. S. Djibo et Etat du Niger et 19 juillet 2013, Karim Wade c. Etat
du Sénégal. Arrêts disponibles sur www.juricaf-org/arrêt/CEDEAO consultés le 20 décembre 2017.
234
Crim., 10 mars 1987, Bull. n° 118.
235
A. ZAIRI, op.cit., p. 139.

69
reconnaitre assez facilement que l’acte a un caractère de contrainte personnelle 236, donc
prohibé par le principe.

Pendant le jugement, « l’auteur d’une infraction pour laquelle l’extradition n’a pas
été accordée, ne peut être jugé contradictoirement à raison de celle-ci »237. L’extradé peut
« néanmoins faire l’objet d’une condamnation par défaut de ce chef »238 car la nécessité d’un
jugement « in abstentia » est réelle239. Mais pour que l’extradé puisse se prévaloir de son droit
au principe de la spécialité, il a besoin de connaitre le texte de l’acte d’extradition. Ce n’est
qu’ainsi qu’il peut savoir s’il est jugé conformément au principe ou non. Toutefois la
jurisprudence a exclu complètement le moindre devoir de la part de la juridiction de faire
connaitre à l’extradé l’acte établi par les autorités étrangères et ce n’est qu’en cas d’objections
suscitant un doute sérieux qu’elle sursoit à statuer afin que le ministère public se renseigne à
cet égard auprès du gouvernement240. Il nous semble que cette position est complètement
contraire à l’esprit du principe de la spécialité, car écarter l’acte d’extradition de l’individu de
son jugement équivaudrait à l’invalidation complète de ce principe.

Après le jugement, les garanties du respect du principe impliquent qu’aucun jugement


par contumace ne saurait valablement sans méconnaitre les principes du droit extraditionnel
être signifié à l’extradé241. Cependant si le jugement ne renferme qu’une condamnation à des
dommages-intérêts, la signification est valable 242. Aussi, si tous les actes de contrainte basés
sur des faits autres que ceux ayant motivé l’extradition sont exclus, il en est de même pour les
actes d’exécution comportant une contrainte quelconque243.

Toutes ces garanties seraient de vains-mots s’il n’y avait pas la possibilité de faire
invalider un acte judiciaire violant le principe. A cet effet, des voies de recours internes
comme internationales inspirées de la doctrine et de la jurisprudence s’offrent à l’extradé.

D’abord notons que la doctrine traditionnelle considère que seules les parties
contractantes au traité ont qualité pour agir244. Ce qui signifie que seuls les Etats liés par le

236
A. ZAIRI, op.cit., p. 143.
237
Crim., 10 mars 1987, op.cit.
238
Ibidem.
239
Le jugement « in abstentia » contribuera davantage à lutter contre l’impunité des actes prohibés par la société
et par là, réparer les préjudices causés.
240
Crim., 25 mars 1954, Bull., n° 122.
241
Trib. Corr. de Fontainebleau, 13 janvier 1937, Lois et arrêts, Paris Sirey 1938, II. 80.
242
A. ZAIRI, op.cit., p. 147.
243
A ; ZAIRI, op.cit., p. 148.
244
Dominique PONCET et Paul GULLY-HART, Le principe de la spécialité en matière d’extradition, in RIDP,
1991, p. 219.

70
traité peuvent invoquer la violation du principe. Mais la doctrine et la jurisprudence
récentes245 plaident en faveur d’un véritable droit subjectif de l’extradé d’exiger le respect du
principe.

Ainsi les voies de recours internes contre une violation du principe de la spécialité ne
sont d’autres que celles qui s’offrent à toute partie à un procès pénal. Avant le jugement, peu
de garanties s’offrent à l’extradé qui ne peut lui-même saisir la chambre d’accusation aux fins
d’annulation d’actes d’instruction violant le principe sauf pour lui de demander au juge
d’instruction ou au parquet de le faire246. Cependant l’extradé, en dehors du ministère public
qui peut toujours faire appel contre une ordonnance juridictionnelle du juge d’instruction
même si elle est conforme à ses réquisitions, dispose de la faculté de demander un réexamen
de sa cause par le juge du second degré247. Ce droit d’appel doit toutefois être combiné avec la
notion de l’intérêt juridique, faute de quoi l’appel n’est pas recevable 248. Aussi il dispose
comme dernier moyen de défense du principe de la spécialité pendant l’instruction, le pourvoi
en cassation249.

Après le jugement deux voies de recours principales les plus connues s’offrent à
l’extradé à savoir l’appel et le pourvoi en cassation contre les décisions rendues et
méconnaissant le principe de la spécialité250.

Concernant les voies de recours internationales, rappelons que l’Etat requis face à la
violation du principe par la puissance requérante peut en guise de réponse en tenir compte
dans les relations futures, notamment il peut adresser à l’Etat requérant des protestations
diplomatiques ou lui refuser l’entraide éventuel. De plus nous pouvons rappeler la possibilité
de déposer une requête individuelle devant les instances des droits de l’homme dont nous
avons déjà passé en revue ses conditions de recevabilité. Mais il est important de souligner
que c’est sur le fondement de l’art. 6 al. 3 de la CEDH que la commission et la Cour EDH
reçoivent les requêtes individuelles contre la violation du principe de la spécialité de
l’extradition. En effet le principe est très lié à cette disposition qui consacre le droit de
l’information de l’accusé sur son accusation. Le pays requérant qui ne peut juger l’extradé
contradictoirement que pour les faits ayant motivé sa remise, s’il ne respecte pas cela, viole

245
G. LEVASSEUR et H. BONNARD cités par Dominique PONCET et Paul GULLY-HART, op.cit., p. 220.
Quant à la jurisprudence, nous l’évoquerons au fur et à mesure.
246
Crim., 21 octobre 1982, Bull., n° 231.
247
Crim., 15 novembre 1956, Bull., n°753.
248
C. A Paris, 14 janvier 1955, JCP 1955, II. 8517.
249
Crim., 11 avril 1959, Bull., n° 210.
250
Crim., 14 mars 1969, Bull., n° 103.

71
non seulement le principe de la spécialité mais aussi le principe selon lequel l’accusé doit être
mis au courant de son accusation dans le court délai. Bien évidemment, le principe de la
spécialité est plus ancien que la CEDH. Toutefois la combinaison des deux principes, celui de
la spécialité et celui de l’information de l’accusé sur son accusation, qui est un principe
émanant des droits de l’homme, texte d’une valeur juridique supérieur à celle des lois, peut
conduire à la protection du principe de la spécialité par le moyen des droits de l’homme251.

Dans la mesure où le principe est destiné à la sauvegarde de la souveraineté de la


puissance requise ainsi qu’à la protection des intérêts de la personne réclamée, son respect se
doit d’être dans une cohérence stricte. Cependant le principe n’est pas illimité, existe-t-il des
atténuations permettant à l’Etat requérant d’exercer pleinement son pouvoir de répression.

Section II : Les tempéraments au principe de la spécialité.

Le principe de la spécialité n’est pas sans limites. En effet il est exclu soit en raison de
l’écoulement d’un certain délai (appelé délai de grâce), lorsque l’ancien extradé se trouve
toujours sur le territoire de l’Etat requérant (§2), soit surtout en cas d’extension de
l’extradition par l’Etat requis (§1).

§1 : L’extension de l’extradition.

Lorsque l’Etat requérant découvre après l’extradition de l’individu des faits nouveaux,
il pourra demander à l’Etat requis l’autorisation d’engager de nouvelles poursuites. Puisque le
pays requis peut accorder l’extradition, il est logique qu’il puisse étendre cet accord à des faits
autres que ceux compris dans la première décision, même si cela se fait par une résolution
postérieure. Par conséquent, le pays requis peut limiter le principe de la spécialité par son
consentement complémentaire à la demande. Tous les pays sont d’accord en principe sur ce
point, avec quelques exceptions portant sur certains détails d’application252.

251
A. ZAIRI, op.cit., p. 158.
252
A. ZAIRI, op.cit., p. 35.

72
Ainsi le premier tempérament tient au « consentement spécial » de l’Etat requis à une
extension de l’objet initial de l’extradition 253. De très nombreuses conventions admettent ce
tempérament et la convention d’Abuja en est une, qui énonce que le consentement sera donné
« lorsque l’infraction pour laquelle il est demandé entraine elle-même l’obligation d’extrader
aux termes de la présente convention »254. En revanche la lettre de la loi de 1927 est toute
autre. Elle prévoit que le Burkina Faso, Etat requis peut consentir à une extension pour des
faits qui ne constitueraient pas d’infractions extraditionnelles au sens de l’art. 4255.

Nous estimons que la loi étant supplétive devrait laisser place à l’application de la
disposition conventionnelle qui est plus protectrice des droits de l’individu et qui protège au
mieux les principes du droit extraditionnel notamment la gravité de l’infraction.

Quant à la procédure à suivre, la loi de 1927 attribue compétence, lorsque le Burkina


Faso est l’Etat requis de l’extension, à la chambre d’accusation qui avait été saisi de la
demande initiale d’extradition256. Cette chambre statue « sur la seule production des pièces
transmises à l’appui de la nouvelle demande » et « sur les pièces contenant les observations
de l’individu livré ou la déclaration qu’il entend n’en présenter aucune »257. Cet individu ne
comparait donc pas, mais il peut choisir un avocat ou s’en faire commettre un d’office 258.
Cependant la représentation par un avocat n’étant pas obligatoire, l’arrêt n’a pas à mentionner
sa présence259. Pour sa part, la convention d’Abuja exige que la demande d’extension soit
« accompagnée des pièces prévues à l’art. 18260 et d’un procès-verbal judiciaire consignant
les déclarations de l’extradé »261.

253
V. art. 21 al. 2 de la loi du 10 mars 1927.
254
V. art. 20 §1 a) de la convention d’extradition de la CEDEAO de 1994.
255
V. art. 21 al. 3 de la loi du 10 mars 1927.
256
V. art. 22 al. 1 de la loi du 10 mars 1927.
257
V. art. 22 al. 2 de la loi du 10 mars 1927.
258
Crim., 22 octobre 1927, Bull., n° 355.
259
Crim., 19 juillet 1989, Bull., n° 292.
260
Les pièces exigées et prévues à l’art. 18 §2 sont, en ce qui concerne l’extradition à fin de jugement : l'orignal
ou l'expédition authentique d'un mandat d'arrêt ou de tout autre acte ayant la même force, délivré dans les
normes prescrites par la loi de l'Etat requérant, un exposé des faits pour lesquels l'extradition est demandée, le
temps et le lieu de leur commission, leur qualification légale et les références aux dispositions légales qui leur
sont applicables, une copie certifiée conforme des dispositions légales applicables avec l'indication de la peine
encourue pour l'infraction, ainsi que le signalement aussi précis que possible de l'individu réclamé, tous autres
renseignements de nature à déterminer son identité, sa nationalité et l'endroit où il se trouve. S’agissant de
l’extradition à fin d’exécution, les pièces prévues sont : l'orignal ou l'expédition authentique d'une décision de
condamnation exécutoire, une copie certifiée conforme des dispositions légales applicables ainsi que le
signalement aussi précis que possible de l'individu réclamé, tous autres renseignements de nature à déterminer
son identité, sa nationalité et l'endroit où il se trouve.
261
V. art. 20 §1 a) de la convention d’extradition de la CEDEAO.

73
Le consentement de l’extradé à l’extension ne saurait suppléer celui de l’Etat requis262
car «  il est à craindre qu’un consentement de cette nature ne soit pas donné librement »263.

Rappelons aussi que l’Etat requérant loin de méconnaître le principe de la spécialité


peut exercer son pouvoir de répression à l’égard de toute infraction commise par l’extradé
après sa remise. Il peut aussi poursuivre et juger par contumace l’individu pour des infractions
antérieures à sa remise auquel cas il est « réputé absent », enfin il peut modifier la
qualification d’origine des faits.

En dehors de cette atténuation au principe de la spécialité, une seconde est constituée


par la présence de l’individu sur le territoire de l’Etat requérant à l’expiration du délai de
grâce après sa mise en liberté.

§2 : Le délai de grâce.

Avant d’analyser cette limitation au principe de la spécialité, il convient de passer en


revue certaines situations quelque peu confuses dans le respect de ce principe. Il s’agit des cas
d’infractions dites d’importance mineure et de l’extradition volontaire.

En effet, pour ce qui est des infractions d’importance mineure, on a souvent soutenu
que celles-ci peuvent rester en dehors de l’application du principe de la spécialité. Des auteurs
approuvent cette thèse qu’ils trouvent justifiée par la minime importance des faits 264. Mais une
telle thèse est critiquable à plusieurs points de vue. D’abord les intérêts de l’Etat requis 265 et
surtout de l’extradé se trouveraient lésés avec l’application du cumul des peines qui aggravera
la peine finale à subir. Ensuite, l’indétermination du critère de qualification d’une infraction
d’importance mineure. Serait-ce le taux de la peine prévue par la loi, les dommages moraux
ou matériels ou les deux à la fois ? Enfin, qui de l’Etat requis ou de l’Etat requérant serait
compétent pour déterminer ce qualificatif ? Il est souhaitable alors que les Etats contractants

262
Crim., 23 février 1988, Bull., n° 37. Cependant la convention d’extradition entre le Burkina Faso et la
République de Côte d’Ivoire prévoit à son art. 14-d) le consentement de l’extradé à l’extension de l’extradition.
263
R.MERLE et A.VITU, Traité de droit criminel, T. 1, 6e éd., 1984, p. 437.
264
R. RICCI, Des effets de l’extradition, Paris 1841 cité par A. ZAIRI, op.cit., p. 34.
265
En fait, le principe de la spécialité permet de sauvegarder la souveraineté de l’Etat requis qui n’entend donner
son accord que pour des infractions bien déterminées. On ne peut pas faire la distinction entre des infractions
majeures et mineures (à moins que ça soit à l’avance dans le traité d’extradition) quand il s’agit du droit des
Etats à soumettre sous certaines conditions la livraison des personnes à un pouvoir étranger.

74
définissent limitativement les infractions aptes à donner lieu à l’extradition dans le souci de
sauvegarder la souveraineté de la puissance requise et de protéger les intérêts de l’extradé.

S’agissant de l’extradition volontaire qui est la situation où l’individu consent lui-


même à sa propre extradition, il a été soutenu autrefois que les règles extraditionnelles
n’étaient plus applicables et l’individu ne peut ultérieurement requérir au jeu du principe de la
spécialité. BILLOT ne disait-il pas qu’ « en cas d’extradition volontaire, il n’y a ni
négociation, ni contrat, ni acte d’extradition. Par conséquent, pas d’obligations imposées ni
reconnues par le pays requérant…En réalité, ce n’est pas le gouvernement du pays de refuge
qui livre l’inculpé, c’est l’inculpé qui se livre lui-même »266. Cette position est approuvée par
la cour suprême belge dans l’affaire Tirpitz du 08 février 1937 en admettant que le
consentement de l’extradé écarte les effets de la procédure d’extradition 267. Cependant cette
règle est exclue par le nouveau droit dans des textes récents. Il s’agit notamment de l’art. 20-1
de la convention d’Abuja, de l’art. 14 de la convention européenne d’extradition, mais notons
que la loi de 1927 l’écartait déjà à son art. 21- al.1.

La véritable limitation au principe de la spécialité émanant de l’individu est le délai de


grâce. Ce délai est le temps accordé à l’ancien extradé de quitter le territoire de l’Etat
requérant. En effet, selon ce tempérament, les autorités requérantes peuvent poursuivre ou
punir l’extradé à raison d’infractions autres que celles ayant motivé sa remise dès lors qu’il a
disposé de ce délai pour quitter le territoire de l’Etat requérant après son élargissement
définitif et qu’il y est resté de son plein gré ou qu’il y est retourné volontairement après
l’avoir quitté.

Par ce séjour prolongé, il est réputé se soumettre à sa juridiction. La durée du délai


varie d’un texte à l’autre. La loi de 1927 institue un délai de 30 jours à compter de son
élargissement définitif268 ; la convention d’extradition entre le Burkina Faso et la République
de Côte d’Ivoire prévoit un délai de 45 jours tout comme celle d’Abuja et celle
européenne269 ; le Canada et le Djibouti vont jusqu’à 60 jours 270. En Angleterre la durée n’est
pas fixée par la loi elle-même et c’est la jurisprudence qui considère que ce délai doit être
raisonnable. Ce système est assez imprécis et pose des problèmes d’application271.

266
A. BILLOT, Traité de l’extradition, Paris, 1874, p. 373 cité par A. ZAIRI, op.cit., p. 38.
267
Pasicrisie belge, Bruxelles cité par A. ZAIRI, op.cit., p. 40.
268
V. art. 20 de la loi du 10 mars 1927.
269
V. les art. 14-a) de la convention d’extradition entre le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire, 20-b)
de la convention d’extradition de la CEDEAO, 14-b) de la convention européenne d’extradition.
270
A. HUET et R. KOERING-JOULIN, op.cit., p. 422.
271
A. ZAIRI, op.cit., p. 33.

75
La plupart des textes fixent le point de départ du délai de grâce à partir de
l’élargissement définitif de l’extradé et la cour de cassation française exige que l’extradé ait
eu la possibilité effective de quitter le territoire en question, ce qui n’est pas le cas lorsqu’il
fait l’objet d’une libération conditionnelle assortie de mesures de contrôle et d’assistance 272.
Récemment, l’esprit protecteur de l’extradé a conduit les rédacteurs de la convention
européenne d’extradition et celle de la CEDEAO à rejoindre cette position et à faire courir ce
délai à partir du moment où l’extradé a eu la possibilité de quitter le pays requérant 273. En
effet, il ne doit seulement avoir la liberté de quitter le territoire mais aussi la possibilité de le
faire. Il n’a pas cette possibilité par exemple, s’il est malade ou s’il a des soucis financiers
pour quitter le territoire ou encore s’il n’a pas de passeport274. Il y a donc une double
considération dans ces dispositions, d’un côté il faut un élargissement définitif de l’extradé et
de l’autre côté, il faut avoir la possibilité de quitter le territoire du pays requérant.

272
Crim., 8 décembre 1987, Bull., n° 449.
273
Les deux textes (art. 14-b de la convention européenne d’extradition et art. 20-b de la convention d’extradition
de la CEDEAO) énoncent que « …lorsqu'ayant eu la possibilité de le faire, l'individu extradé n'a pas quitté dans
les 45 jours qui suivent son élargissement définitif, le territoire de la Partie à laquelle il a été livré ou s'il y est
retourné après l'avoir quitté ».
274
A. ZAIRI, op.cit., p. 34.

76
Conclusion du chapitre I

Au final, il serait contraire autant à l’accord passé avec l’Etat requis qu’aux intérêts
de l’extradé qu’on puisse reprocher à ce dernier des faits pour lesquels l’extradition n’a pas eu
lieu. C’est ainsi que le principe de la spécialité de l’extradition est énoncé par la quasi-totalité
des textes régissant l’extradition. En effet, suivant ce principe, l’extradé ne doit être poursuivi
ou puni pour une infraction antérieure à sa « remise ». Cependant, des tempéraments à ce
principe sont prévus. D’une part, il y a le consentement spécial de l’Etat requis à l’extension
de l’extradition et d’autre part, l’attitude de l’extradé qui n’a pas quitté le territoire de l’Etat
requérant après son élargissement définitif et qu’il y est resté de son plein gré ou qu’il y est
retourné volontairement après l’avoir quitté.

Ce principe trouve son fondement dans la sauvegarde de la souveraineté de l’Etat


requis et aussi dans la protection de l’extradé contre l’arbitraire éventuel de l’Etat requérant.
Pour cela l’avis favorable de la chambre d’accusation ainsi que le décret d’extradition doivent
être suffisamment motivés en indiquant avec précision les faits pour lesquels la demande
d’extradition est honorée. Les hautes parties contractantes doivent alors prendre les
dispositions nécessaires à la bonne application de ce principe car c’est conformément au
respect dudit principe permettant d’observer les autres exigences extraditionnelles que
l’extradition tient sa régularité.

77
Chapitre II : La régularité de l’extradition.

Lorsque l’Etat requis accorde l’extradition, il met le délinquant à la disposition des


autorités étrangères requérantes. A cet effet « l’Etat requérant sera informé du lieu et de la
date de remise, ainsi que la durée de la détention subie en vue de l’extradition par l’individu
réclamé »275. L’individu doit être alors remis en cas d’acceptation de l’Etat requis à l’issue de
la procédure extraditionnelle déjà évoquée, à la puissance requérante pour répondre des actes
inscrits dans l’acte d’extradition. L’Etat requérant aussi se trouve dans l’obligation de recevoir
son justiciable. Cet accord crée ainsi des obligations à la charge des deux Etats requis et
requérant.

Notons qu’après avoir purgé sa peine ou après avoir été acquitté, l’individu peut être
placé dans l’une des deux situations : soit il fait l’objet d’une ré extradition vers l’Etat requis
ou vers un Etat tiers, soit il est mis en liberté et c’est après cet élargissement définitif que
court le délai de grâce. Cependant notons que même après sa remise, l’extradé a la possibilité
de contester et obtenir la nullité de l’extradition irrégulière entachée de vices.

Il importe pour mieux cerner la régularité de l’extradition de distinguer dans ce


chapitre selon que l’extradition est régulière (Section I) ou qu’elle est fait l’objet d’une
demande d’annulation donc irrégulière (Section II).

Section I : L’extradition régulière.

L’exécution normale de l’extradition entraine un certain nombre d’obligations pour


l’Etat requis (§1) et pour l’Etat requérant (§2).

§1 : Les obligations de l’Etat requis.

Les obligations de l’Etat requis se résument à la remise de l’individu réclamé (A) et


celle des objets ainsi que les frais engagés dans la procédure d’extradition (B).
275
V. art. 24 de la convention d’extradition de la CEDEAO de 1994.

78
A : La remise de l’extradé.

Le décret d’extradition signé oblige l’Etat requis et ordonne la remise de la personne


réclamée à l’Etat requérant. Ce décret doit être notifié aux autorités requérantes et le lieu ainsi
que la date de la remise de l’intéressé doit être fixés soit d’un commun accord 276, soit par
l’Etat requis qui informera l’Etat requérant277.

Selon la loi de 1927, la notification aux autorités étrangères du décret d’extradition


marque le point de départ du délai dans lequel l’individu doit être remis, il en est de même
pour la convention d’extradition entre le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire 278.
Cependant la convention d’Abuja fait courir ce délai au jour fixé pour la remise 279. Quant à la
durée de ce délai, elle varie d’un texte à un autre. Ainsi la loi de 1927 et la convention
d’extradition entre le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire instituent un délai de 30
jours, et, à son expiration, non seulement l’intéressé doit être remis en liberté mais aussi « ne
peut plus être réclamé pour la même cause »280. La convention d’Abuja propose un double
délai induisant à l’issue du premier qui est de 15 jours, une faculté de remise en liberté de
l’extradé, et à l’issue du second qui est de 30 jours, une obligation de remise en liberté281.

Quant à l’interdiction de réclamer pour la même cause ou le même fait en cas


d’expiration non justifiée du délai, elle est simplement facultative pour la convention
d’Abuja282.

En revanche, la déchéance ainsi prévue sanctionnant le non-respect du délai, des


aménagements interviennent lorsque des circonstances exceptionnelles notamment en cas de
force majeure ou un obstacle juridique empêchent la remise. En effet en cas de force majeure,
c’est l’exemple d’une éventuelle maladie grave de l’extradé, les Etats requis et requérant ont
toute liberté pour déterminer un autre délai de remise lequel sera soumis aux mêmes
dispositions relatives au délai initial, et à charge pour l’Etat requis d’en informer dans le délai
276
V. art. 15 al. 3 de la convention d’extradition entre le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire.
277
V. art. 24 §3 de la convention d’extradition de la CEDEAO de 1994.
278
V. les art. 15 al. 4 de la convention d’extradition entre le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire, 18
de la loi du 10 mars 1927.
279
V. art. 24 §4 de la convention d’extradition de la CEDEAO 1994.
280
V. les art. 14 al. 5 de la convention d’extradition entre le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire, 18
de la loi du 10 mars 1927, 18 de la loi du 10 mars 1927.
281
V. art. 24 §4 de la convention d’extradition de la CEDEAO 1994.
282
Ibidem.

79
requis de la situation exceptionnelle283. Il arrive également que l’Etat requis veuille poursuivre
lui-même l’extradé ou lui faire purger sa peine pour une infraction autre que celle qui a fait
l’objet de la demande d’extradition : dans ce cas la loi de 1927, la convention d’Abuja et celle
entre le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire lui offrent le choix entre une remise
ajournée jusqu’au jour où l’intéressé aura été jugé dans l’Etat requis et/ou y aura purgé sa
peine, ou une remise immédiate mais à la condition que l’Etat requérant à rendre l’extradé à
l’Etat requis pour jugement ou exécution de peine284.

Outre l’obligation de remettre la personne réclamée qui incombent à l’Etat requis en


cas de son acceptation d’extrader, il lui incombe également à remettre les objets liés à
l’extradition dont la question des frais engagés à cet effet ou occasionnés par l’extradition
dans son ensemble.

B : La remise des objets et les frais engagés.

A l’instar de l’obligation de remise de l’individu de la part de l’Etat requis, il lui est


fait obligation aussi de remettre les objets saisis à savoir ceux pouvant servir de pièces à
conviction ou tous autres objets en rapport avec l’extradé. En effet selon la convention
d’Abuja, à la demande de l’Etat requérant, l’Etat requis doit remettre lesdits objets « dans la
mesure permise par sa législation », y compris lorsque l’extradition ne peut intervenir en
raison du décès ou de l’évasion de l’individu réclamé 285. De plus dans le même état d’esprit de
la remise de l’individu lui-même, celle des objets peut « aux fins d’une procédure pénale en
cours » être ajournée ou conditionnelle, l’Etat requérant s’engageant à les restituer à l’Etat
requis. Toutefois les droits éventuels de l’Etat requis ou des tiers acquis sur ces objets leur
seront restitués à l’issue du procès dans l’Etat requérant.286

Cependant cette obligation de remise des objets n’est qu’une faculté pour la partie
requise conformément à l’art. 11 al. 1 de la convention d’extradition entre le Burkina Faso et
la République de Côte d’Ivoire. Et selon la loi de 1927, c’est la chambre d’accusation qui

283
V. les art. 24 §5 de la convention d’extradition de la CEDEAO, 15 al. 6 de la convention d’extradition entre le
Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire.
284
V. les art. 25 de la convention d’extradition de la CEDEAO, 13 de la convention d’extradition entre le
Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire, 8 de la loi du 10 mars 1927.
285
V. art. 26 §1 et §2 de la convention d’extradition de la CEDEAO.
286
V. art. 26 §3 et §4 de la convention d’extradition de la CEDEAO.

80
« décide s'il y a lieu ou non de transmettre en tout ou en partie les titres, valeurs, argent ou
autres objets saisis, au gouvernement requérant »287.

En ce concerne les frais engagés pour la réussite de l’extradition la loi de 1927 n’en
traite pas. Mais la règle commune à l’immense majorité des accords est que chaque Etat
supporte les frais occasionnés sur son territoire par l’extradition, à savoir les frais de
détention, de garde et de nourriture, de transfèrement de l’individu, de saisie et transport des
objets288. C’est ce qui ressort de l’art. 19 de la convention d’extradition entre le Burkina Faso
et la République de Côte d’Ivoire en ces termes : « …les frais résultant de la procédure
d’extradition seront à la charge de la Partie sur le territoire de laquelle ils ont été engagés  »
tout en excluant les frais de transfèrement qui en tout état de cause incombe à la partie
requérante. Quant à la convention d’Abuja, l’art. 30 met à la charge de l’Etat requis les frais
occasionnés par l’extradition sur son territoire, pendant que les frais de transport et de transit
sont à la charge de l’Etat requérant. En résumant ces dispositions, à l’exclusion des frais de
transfèrement, les autres frais occasionnés par l’extradition sont à la charge de l’Etat requis.

Il nous semble que cette position a pleinement sa raison d’être en ce sens que cela
permettra à l’Etat requis d’apprécier souverainement la demande d’extradition afin d’en
donner suite ou non, en dehors de toute influence de la puissance requérante par son
éventuelle contribution active et excessive, financière ou matérielle. Mais au-delà de cette
justification, nous pensons qu’on pourrait prévoir une contribution juste et nécessaire surtout
financière de la part de l’Etat requérant à l’Etat requis (économiquement faible) dans
l’accomplissement de ses tâches relatives à l’extradition.

En dehors de ces obligations que supporte l’Etat requis en cas d’extradition régulière,
d’autres incombent à l’Etat requérant.

§2 : Les obligations de l’Etat requérant.

Ces obligations sont entre autres, la réception de l’extradé (A) et l’obligation qui pèse
sur les autorités requérantes en cas d’une éventuelle ré extradition de l’individu remis (B).

287
V. art. 29 de la loi du 10 mars 1927.
288
A. HUET et R. KOERING-JOULIN, op.cit., p. 418.

81
A : La réception de l’extradé.

Lorsque l’Etat requis donne suite favorable à la demande d’extradition, les autorités de
l’Etat requérant ont l’obligation de recevoir l’extradé au lieu et à la date prévus, au cas
contraire, l’Etat requis se trouverait dans l’obligation de remettre en liberté la personne
réclamée. En effet, la décision d’extradition étant exécutoire et l’administration requise ne
pouvant procéder au retrait de manière discrétionnaire du décret d’extradition 289, les autorités
requérantes doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour recevoir l’individu sur leur
territoire avant l’expiration du délai prévu par la convention.

Ainsi, elles le conduisent, s’il est déjà condamné, dans l’établissement pénitentiaire
qu’il aurait dû rejoindre ou dont il s’est évadé (au cas où il s’est retrouvé sur le territoire de
l’Etat requis suite à une évasion). L’individu bénéficie de l’imputation de la période
d’incarcération subie au titre extraditionnel dans l’Etat requis 290. Cependant, s’il est en cours
de poursuite, elles le conduisent à la maison d’arrêt du tribunal auquel est affecté le procureur
de la République qui a pris l’initiative de la procédure d’extradition et la procédure suivra son
cours conformément aux règles du CPP. En cas d’une éventuelle détention provisoire, le point
de départ est fixé non au jour du placement de l’intéressé sous écrou extraditionnel à
l’étranger, mais au jour de sa mise en détention dans l’Etat requérant291.

L’individu étant désormais sous le pouvoir des autorités requérantes, celles-ci peuvent
alors exercer leur pouvoir répressif. Cependant elles doivent respecter non seulement la
spécialité de l’extradition mais aussi des réserves assortissant l’acte d’extradition. En effet il
arrive que l’Etat requis soumette l’extradition accordée à certaines conditions qu’il impose à
l’Etat requérant (ne pas traduire l’intéressé devant une juridiction d’exception ; ne pas lui
infliger le maximum de la privation de liberté ; ne pas lui faire subir de châtiments contraires
à son ordre public, tels que la peine de mort pour les pays abolitionnistes). Ces réserves ne
posent pas de difficultés particulières quant aux relations entre les pouvoirs exécutifs requis et
requérant. En revanche le pouvoir judiciaire étant indépendant vis-à-vis du pouvoir politique
n’est a fortiori pas tenu de se soumettre au dictat d’un pouvoir politique étranger. Dans ce cas,
la seule manière pour l’Etat requérant de respecter l’acte d’extradition, sous peine d’engager
sa responsabilité internationale, est d’utiliser son droit de grâce.
289
CE Ass., 14 décembre 1994, Gouvernement suisse c. France, Rec., p. 549.
290
Crim., 1er juin 1976, Bull., n° 194 ; JCP, II. 18758, note CHAMBON.
291
Ibidem.

82
Rappelons que la spécialité de l’extradition interdit que ne soient passibles d’aucune
sanction, les faits antérieurs à la remise de l’extradé. Mais cette situation peut être atténuée
par la procédure de ré extradition dont parfois est obligé l’Etat requérant.

B : L’éventualité d’une ré extradition.

La ré extradition est l’acte par lequel un Etat livre à un autre un individu qui n’est sur
le territoire du premier que par l’effet d’une extradition. En effet il y a ré extradition lorsqu’un
Etat, à qui un individu a été livré par un Etat en vue de poursuites pénales ou de l’exécution
d’une condamnation pénale, livre cet individu à un autre Etat en vue de poursuites ou de
condamnations pénales. C’est le fait alors pour l’Etat bénéficiaire d’une extradition de livrer
lui-même l’extradé à un autre Etat. Il s’agit de l’extradition de l’extradé selon les mots de J.
BASDEVANT292.

La ré extradition peut intervenir en faveur de l’Etat requis ou en faveur d’un Etat tiers.

Quant à l’hypothèse d’une ré extradition vers l’Etat requis, elle peut même être prévue
et rendue obligatoire par l’acte d’extradition. Il en est ainsi lorsque l’extradé demeure
justiciable de l’Etat requis pour une infraction autre que celle qui a été la cause de la demande
d’extradition. Il peut d’ailleurs être convenu que la restitution aura lieu aussitôt après le
jugement et avant l’exécution de la peine293.

Quant à la ré extradition vers un Etat tiers, lorsqu’elle est fondée sur des faits
postérieurs à la remise, il faut raisonner en termes d’extradition pure et simple ; en
conséquence, l’Etat anciennement requérant, devenu requis, examine la demande de l’Etat
tiers désormais requérant conformément aux principes déjà passés en revue. Il en va
autrement lorsqu’elle est fondée sur des faits antérieurs à la remise (ré extradition véritable). Il
importe de se demander quelle est la marge de manœuvre de l’Etat requérant lorsqu’il est saisi
d’une demande de ré extradition, visant des faits antérieurs à la remise, vers un Etat tiers au
regard du principe de la spécialité de l’extradition. Cette hypothèse offre trois cas de figure :
d’abord l’acte d’extradition est assorti de la réserve expresse que l’intéressé ne sera pas ré
extradé vers un Etat où, par exemple, sa vie est menacée. Dans ce cas, non seulement l’Etat

292
J. BASDEVANT, Dictionnaire de la terminologie du droit international, Paris Sirey, 1960, p. 519.
293
V. art. 8 al. 2 de la loi du 10 mars 1927.

83
requérant est obligatoirement lié, mais encore l’extradé lui-même ne peut arguer de cette
réserve pour obtenir dans l’Etat requis l’annulation du décret d’extradition 294. Ensuite, l’acte
d’extradition est pris sous la condition expresse que l’Etat requérant ré extrade l’intéressé vers
un Etat tiers. Il en est ainsi en cas de pluralité de demandes d’extradition pour des infractions
différentes, auquel cas la priorité peut être donnée à l’Etat qui s’engage à ré extrader
l’intéressé295. Alors l’Etat requérant bénéficiaire de l’extradition parmi les Etats demandeurs
doit s’exécuter. Enfin, l’acte d’extradition est muet sur l’éventualité d’une ré extradition vers
un Etat tiers : l’Etat requérant est-il libre de le ré extrader comme s’il s’agissait d’une
demande d’extradition ordinaire ou bien doit-il demander son accord à l’Etat requis ? La
solution retenue est que l’Etat requérant doit recourir à l’assentiment de l’Etat requis pour une
éventuelle ré extradition pour des infractions antérieures à la remise, à moins que l’extradé ne
soit demeuré volontairement sur le territoire de l’Etat requérant pendant plus de 30 jours après
son élargissement définitif ou n’y soit retourné de son plein gré 296. Selon la convention
d’extradition entre le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire, toute ré extradition vers
un Etat tiers nécessite l’assentiment de la partie requise297.

Ainsi dit, lorsque l’individu est régulièrement remis aux autorités requérantes, il doit y
répondre des actes ayant fait l’objet de son extradition. Cependant lorsqu’il a fait l’objet d’une
extradition irrégulière, il a la possibilité de faire annuler celle-ci.

Section II : L’extradition irrégulière.

Alors même que la remise de l’extradé a eu lieu, celui-ci va parfois contester la


légalité de l’extradition. Rappelons que dans l’Etat requis, la nullité de l’extradition
irrégulière s’opérera par un recours pour excès de pouvoir contre le décret d’extradition.

Il en va autrement lorsque la demande de nullité vise une extradition irrégulière dans


l’Etat requérant. C’est alors l’art. 23 de la loi de 1927 qui s’applique dont l’al. 1 énonce que
« l’extradition obtenue par le gouvernement burkinabé est nulle si elle est intervenue en
dehors des cas prévus par la présente loi ». C’est cette loi ainsi qui précise la procédure à

294
CE, 5 décembre 1986, Catli, D. 1988, p. 134.
295
V. art. 6 de la loi du 10 mars 1927.
296
V. les art. 21 de la convention d’extradition de la CEDEAO, 27 al. 1 de la loi du 10 mars 1927.
297
V. art. 16 de la convention d’extradition entre le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire.

84
suivre (§1) et les causes de nullité de même que les conséquences d’une éventuelle annulation
de l’extradition (§2).

§1 : La procédure d’annulation de l’extradition irrégulière.

La procédure à suivre pour obtenir la nullité de l’extradition irrégulière dans l’Etat


requérant dépend de la finalité de l’extradition.

Ainsi, selon la loi de 1927 la nullité peut être prononcée, à la demande de l’intéressé
ou même d’office, par la juridiction d’instruction ou de jugement dont il relève, lorsqu’il
s’agit d’une extradition à fin de poursuites298. La cour de cassation française précise que la
demande ne peut être formée pour la première fois devant elle299.

S’il s’agit d’une extradition à fin d’exécution de peine, la nullité est prononcée, à la
seule requête de l’extradé, par la chambre d’accusation dans le ressort de laquelle la remise a
eu lieu300. Mais, pour être recevable, sa demande doit être « présentée dans un délai de trois
jours à compter de la mise en demeure qui lui est adressée, aussitôt après son incarcération,
par le procureur de la République »301. La chambre criminelle de la cour de cassation
française précise qu’aucune sanction ne s’attache au retard du procureur à adresser la mise en
demeure, que la demande en nullité peut être formée avant la mise en demeure 302. Et même, à
défaut de mise en demeure, la demande en nullité peut être formée devant la chambre
d’accusation saisie de l’appel d’une ordonnance de rejet d’une demande de mise en liberté303.

La demande de nullité ne doit pas être confondue avec la demande d’extradition, en


conséquence, la chambre d’accusation, non liée par l’art. 14 304 de la loi de 1927, peut statuer
en chambre de conseil hors la présence personnelle de l’inculpé305.

298
V. art. 23 al. 2 de la loi du 10 mars 1927.
299
Crim., 17 février 1970, JCP, 1972, II. 17023.
300
V. art. 23 al. 3 de la loi du 10 mars 1927.
301
V. art. 23 al. 4 de la loi du 10 mars 1927.
302
Crim., 12 juillet 1982, Bull., n° 192.
303
Crim., 8 février 1989, Bull., n° 56.
304
L’art. 14 de la loi du 10 mars 1927 prévoit la comparution personnelle de l’individu réclamé devant la
chambre d’accusation et il peut se faire assister d’un avocat et d’un interprète.
305
Crim., 21 novembre 1989, Bull., n° 430.

85
Comme pour déclencher toute procédure juridique, des causes de nullité de
l’extradition irrégulière sont prévues par la loi ainsi que les conséquences de l’annulation de
ladite extradition.

§2 : Les causes de nullité et les conséquences de l’annulation de


l’extradition irrégulière.

L’individu livré au Burkina Faso peut demander la nullité de l’acte ayant entraîné son
extradition dans des conditions bien précises. En effet les causes de nullité de l’extradition
irrégulière sont singulièrement limitées par la loi de 1927. L’art. 23 al. 1 n’autorise l’individu
à se prévaloir que de l’inobservation de la loi elle-même. Ainsi ces causes ont pour terrain
d’élection les violations éventuelles de la loi de 1927. Par exemple, l’individu peut demander
la nullité de l’acte d’extradition parce que le fait  pour lequel l’extradition a été obtenue ne
constitue ni crime, ni délit ou n’est puni que de peines inférieures à deux ans
d’emprisonnement par la loi burkinabè.

Cependant, il est d’une certitude que ces causes de nullité ne peuvent viser une
irrégularité touchant au droit de l’Etat requis. En effet, l’individu extradé ne peut, devant le
juge de l’Etat requérant, soulever des irrégularités commises dans l’Etat requis, d’autant plus
qu’il pouvait y en contester avant sa remise. Il ne peut alors arguer les nullités entachant la
procédure suivie sur le territoire de l’Etat requis car les tribunaux de l’Etat requérant ne sont
pas « les gardiens de la loi étrangère »306.

L’incertitude apparaît en cas de transgression d’une convention d’extradition : si l’on


estime qu’une telle convention n’est pas d’applicabilité directe 307, l’extradé ne peut invoquer
sa violation pour demander la nullité de la mesure prise à son encontre, mais la tendance est
que la jurisprudence admet de plus en plus, explicitement ou implicitement, l’applicabilité

306
R. MERLE et A. VITU, op.cit., p. 436.
307
Un traité est d’applicabilité directe ou d’effet direct lorsqu’il donne naissance à des droits ou à des obligations
en la personne de simples citoyens, c’est-à-dire, lorsqu’il contient des dispositions qui non contentes de lier les
Etats contractants, sont susceptibles d’être appliquées à leurs justiciables en leur conférant des droits ou en leur
imposant des obligations. Les traités dont la jurisprudence pénale française a, pendant longtemps, proclamé
l’inapplicabilité directe aux individus sont les traités d’extradition (crim., 18 juillet 1851, Bull., n° 292 ; crim., 26
juillet 1867, Bull., n° 170 ; crim., 26 avril 1900, Bull., n° 157 ; crim., 26 novembre 1985, Bull., n° 376).

86
directe des traités d’extradition, donc invocables par l’extradé en appui de sa demande en
nullité308.

Lorsque la demande est bien fondée et présentée dans le délai requis, le juge
compétent (juge d’instruction ou de jugement s’il s’agit d’une extradition à fin de poursuites,
chambre d’accusation dans le ressort de laquelle la remise a eu lieu s’il s’agit d’une
extradition à fin d’exécution de peine) prononce la nullité de l’extradition irrégulièrement
obtenue. Le prononcé de l’annulation a pour conséquence la cessation de l’action publique ou
de l’exécution de la peine, et donc la remise en liberté de plein droit de l’intéressé, sauf s’il est
réclamé par l’Etat requis309. En outre, il ne peut être « repris », c’est-à-dire jugé ou ré
emprisonné, par l’Etat requérant, pour les faits qui avaient motivé son extradition ou pour des
faits antérieurs à celle-ci même jugés par défaut ou contumace 310. Il en est toutefois autrement
si l’extradé est demeuré sur le territoire de l’Etat requérant au-delà de 30 jours après son
élargissement311 ou qu’il y est revenu de son plein gré après l’avoir quitté, car faut-il estimer
par analogie avec le principe de spécialité que le bénéfice du délai de 30 jours a disparu312.

308
Avec l’inapplicabilité directe des traités d’extradition, les garanties que les règles conventionnelles sont
censées apporter aux individus deviennent illusoires. C’est ainsi que la chambre criminelle de la cour de
cassation française a abandonné sa position initiale en admettant l’applicabilité directe de ces traités (crim., 24
mars 1987, Bull., n° 137 ; D., 1987, p. 458, note WAQUET et Julien LAFERIERE). Notons que le conseil d’Etat
admet depuis longtemps que l’individu extradé « est recevable à invoquer, à l’encontre d’un décret d’extradition
attaqué, la convention internationale » (CE, 30 mai 1952, Dame Kirkwood, Rec., p. 291).
309
V. art. 25 de la loi du 10 mars 1927.
310
Ibidem.
311
Ibidem.
312
A. HUET et R. KOERING-JOULIN, op.cit., p. 425.

87
Conclusion du chapitre II

Somme toute, l’exécution normale de l’extradition entraine des obligations plus ou


moins réciproques pour l’Etat requis et pour l’Etat requérant. En effet, l’Etat requis se
trouverait obligé de remettre l’extradé ainsi que les objets saisis à l’Etat requérant et ce
dernier est obligé logiquement de recevoir l’extradé dans le délai fixé à cet effet, au cas
contraire il sera libéré. En outre, à l’exclusion des frais de transfèrement qui sont à la charge
de l’Etat requérant, les autres frais occasionnés par l’extradition sont à la charge de l’Etat
requis. Enfin, en cas de ré extradition par l’Etat requérant de l’individu remis, l’assentiment
de l’Etat requis demeure nécessaire pour les faits antérieurs à la « remise » de l’extradé. Quant
aux faits postérieurs à la « remise » de l’extradé, l’Etat bénéficiaire de l’extradition reste libre
de traiter la nouvelle demande conformément aux règles extraditionnelles déjà passées en
revue.

L’individu régulièrement remis aux autorités requérantes doit y répondre de ses actes.
Cependant il en va autrement, lorsqu’il a fait l’objet d’une extradition irrégulière, auquel cas,
il peut demander la nullité de celle-ci devant l’autorité judiciaire requérante.

Ainsi, l’extradition peut faire l’objet de contestation tant dans l’Etat requis que dans
l’Etat requérant. Cette situation fait de l’extradition, l’institution la plus protectrice des droits
de l’individu et à privilégier d’autres procédures plus rapides certes mais protégeant moins
l’intéressé, dans l’optique de la lutte efficace contre la criminalité internationale sous toutes
ses formes.

88
CONCLUSION GENERALE

L’étude de l’extradition dans l’espace CEDEAO dans le cadre de la lutte contre la


criminalité internationale nous a permis de mettre en exergue, le cadre juridique de cette
institution et la problématique de sa mise en œuvre pratique dans cet espace communautaire.

Au terme de cette étude, quelques observations s’offrent à nous. De prime à bord, loin
d’être un instrument juridique superfétatoire, l’extradition présente une nécessité certaine dans
la lutte contre la criminalité transfrontalière dans l’espace communautaire CEDEAO. En effet
sans celle-ci, il est clair que la machine judiciaire de chaque Etat membre souffrirait
d’hémiplégie. Compte tenu de la perméabilité relative des frontières, un certain nombre de
criminels peuvent ainsi échapper à la justice. L’extradition permet de rétablir une certaine
potentialité de la répression pénale. Sans l’introduction de cette règle minimale dans le droit,
le système répressif interne souffrirait d’un grave et inadmissible déséquilibre, l’Etat ne
disposant pas, faute de pouvoir arrêter le coupable, de la potentialité d’exercer pleinement son
pouvoir de sanctionner des actes que son droit qualifie pourtant d’illicites et pour lesquels il
dispose de la pleine compétence de juridiction 313. L’extradition permet alors une meilleure
efficacité de la répression pénale en évitant le « phénomène de la frontière ».

Cependant un autre constat est que la procédure extraditionnelle demeure longue et


complexe dans sa mise en œuvre. Ainsi à l’instar de l’union européenne, les Etats de la
CEDEAO pourraient instituer le mandat d’arrêt ouest africain 314, pour traquer avec célérité les
criminels où qu’ils se trouvent dans la communauté, d’autant plus qu’à l’état actuel du droit
positif, la seule solution passe par la coopération entre les Etats en l’absence d’une loi pénale
internationale315. De plus il est impérieux qu’ils renforcent les textes communautaires en
matière pénale pour pallier certaines imperfections comme celle résidant dans la subsidiarité
de la loi interne par rapport aux conventions d’extradition dont celle d’Abuja. En effet cette

313
Philippe RICHARD, op.cit., pp. 655-656.
314
A l’image du mandat d’arrêt européen institué par la décision-cadre du 13 juin 2002 relative à ce mandat et
aux procédures de remise entre Etats membres de l’UE. Le mandat d'arrêt européen est défini aux termes de
l'article 695-11 du Code de procédure pénale français comme une décision judiciaire émise par une autorité
judiciaire compétente d'un État membre de l'UE (Etat d'émission) en vue de l'arrestation et de la remise par
décision de l'autorité judiciaire d'un autre État membre (Etat d'exécution) d'une personne recherchée pour
l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative. Seule
l’autorité judiciaire est compétente pour en connaitre du mandat d’arrêt européen, soit pour en émettre aux autres
autorités judiciaires de l’Union, soit pour statuer sur une demande relative à ce mandat, excluant par-là, la phase
administrative du procédé extraditionnel.
315
André BOSSARD, op.cit., p. 113.

89
situation offre des incertitudes quant à l’application de certaines dispositions. C’est l’exemple
de la disposition relative à l’aménagement du critère de la gravité de la peine dont nous avons
trouvé celle de la loi de 1927 supplétive, donc applicable. Nous pensons ainsi que la
convention d’Abuja aurait besoin d’une cure de jouvence pour être complète et pour ne plus
laisser planer le moindre doute dans l’application du droit extraditionnelle dans la
communauté.

Nous avons souligné que lorsque la chambre d’accusation émet un avis favorable, le
pouvoir exécutif en toute opportunité politique ou diplomatique demeure libre d’accorder ou
non l’extradition, ce qui laisse présager l’impunité dans certains cas. C’est pourquoi il est
indispensable de renforcer sinon même rendre obligatoire cette règle alternative proposer à
l’origine par Grotius « aut dedere aut judicare ». Elle implique que lorsque l’extradition a été
refusée par un Etat, il doit faire en sorte que soit engagée au plan interne l’action pénale. Ainsi
l’exécutif dans la phase administrative de la procédure d’extradition devrait uniquement
privilégier la justice et non se servir de cette étape pour régler des comptes.

De tout ce qui précède, il convient de louer les vertus du mécanisme extraditionnel.


Evidemment, comparativement à d’autres simulacres d’extradition légaux ou non qui ont
acquis en pratique une certaine importance dans le souci certes de mener la lutte anti-
criminalité transfrontière mais qui protègent moins les droits fondamentaux de l’individu.
C’est l’adage « la fin justifie les moyens » qui fait foi dans ces mécanismes de substitution
méconnaissant par-là les droits de l’individu réclamé.

Alors pour parler d’une coopération judiciaire pénale efficace et efficiente à travers
l’extradition dans l’espace CEDEAO et par là, neutraliser la criminalité sous toutes ses formes
en Afrique de l’Ouest, il est impérieux que tous les Etats membres se concertent et adoptent
une convention claire et précise relative à l’extradition en prenant en compte toutes ces
perspectives envisageables. Dans le souci d’assurer concomitamment la répression de la
criminalité internationale qui est une réalité que l’on peut constater et décrire, mais qu’on a du
mal à quantifier316 et une justice exempte de toute forme de partialité et présentant toutes les
garanties possibles.

Il faudra enfin penser à organiser en commun une action pratique et raisonnée


spécialement sur un plan ouest-africain, en vue de prévenir la criminalité. Cela implique que
les Etats membres de la CEDEAO prennent conscience de l’importance de la lutte anti-

316
André BOSSARD, op.cit., p. 124.

90
criminalité internationale comme priorité et qu’une partie notable des budgets soit consacrée
non seulement à la répression, mais encore et surtout à la solution des difficiles problèmes 317
qui minent la communauté, et donc à la restauration de la dignité humaine.

317
Nous faisons allusion aux problèmes socio-politiques à savoir : le chômage, la famine récurrente, la mal-
gouvernance, la gestion opaque et le partage inégal des ressources naturelles et leurs revenus pour ne citer que
ceux-ci.

91
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- W. A. SHABAS, Extradition et peine de mort : le Canada renvoie deux fugitifs au couloir


de la mort, RUDH, vol. 4, n°3-4, 1992

- Jacques VERHAEGEN, Lois pénales identiques et jurisprudences divergentes : une


difficulté du droit extraditionnel, in RIDP, Toulouse, ères, 1er et 2e semestre, 1991
4 : THESES ET MEMOIRES

- Bertrand BAUCHOT, Sanctions pénales nationales et droit international, thèse soutenue et


présentée publiquement pour obtenir le grade de docteur en droit sous la direction de Vincent
COUSSIRAT-COUSTERE, Université Lille 2 – droit et santé, école doctorale n ° 74, Faculté
des sciences juridiques, politiques et sociales, le 1er Décembre 2007

- Martial Fabrice ETEME ONGONO, La coopération judiciaire pénale dans les


communautés économiques régionales en Afrique : cas de la CEEAC et de la CEDEAO,
mémoire de master recherche en droit public international et communautaire, Université de
Yaoundé II, 2013

- A. MENDY, La lutte contre le terrorisme en droit international, thèse soutenue pour


l’obtention du grade de docteur, sous la direction du Professeur Jean-Pierre COLIN,
Université de Reims Champagne-Ardenne, 2008

93
- M. Reynald OTTENHOF, droit pénal international : extradition, mémoire de master
recherche en droit pénal et sciences criminelles, Université de Nantes, année 2004/2005

- Abdoulaye SOMA, Le principe de la spécialité de l’extradition au regard des droits


humains, mémoire de maitrise en droit public, Université de Ouagadougou, U.F.R/SJP, 2004

II : LEGISLATION

1 : TEXTES NATIONAUX

- Constitution du Burkina Faso du 2 juin 1991

- Constitution du Brésil du 5 octobre 1988

- Constitution du Cap-Vert du 14 février 1981

- Constitution de la Confédération suisse du 31 janvier 1874

- Constitution du Togo du 14 octobre 1992

- Constitution de la fédération de Russie du 12 décembre 1993

- Code de procédure pénale du Burkina Faso par l’ordonnance 68-7 du 21 février 1968
complétée et modifiée par l’ordonnance 68-53 du 29 novembre 1968, puis modifiée par la loi
n°040-2017/AN du 29 juin 2017

- Code de procédure pénale de la France

- Code pénal du Burkina Faso par la loi n°025-2018 du 31 mai 2018

- Code pénal de la France

-Code de justice militaire du Burkina Faso par la loi n°24/94/ADP du 24 mai 1994

- Loi du 10 mars 1927 du Burkina Faso relative à l'extradition des étrangers

- Loi n°71-77 du 28 décembre 1971 du Sénégal relative à l'extradition des étrangers

- Loi n° 2017-027 du 08 décembre 2017 du Madagascar relative à la coopération


internationale en matière pénale

- Loi du 11 Juillet 1991 de la France relative au secret des correspondances émises par la voie
des télécommunications

- Loi 010-2004/AN du 20 avril 2004 du Burkina Faso portant protection des données à
caractère personnel

- Loi belge du 1er novembre 1833 et de 1874 sur l'extradition

94
2 : TEXTES INTERNATIONAUX
- Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948
- Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
du 10 décembre 1984
- Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants du 18 décembre 2002
- Pacte international relatif aux droits civils et politiques conclu à New York le 16 décembre
1966
- Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques
du 16 décembre 1966
- Convention relative au statut des réfugiés signée à Genève le 28 juillet 1951
- Convention contre la criminalité transnationale organisée signée à Genève le 15 novembre
2000
-Convention pour la prévention et la répression du terrorisme du 16 novembre 1937
- Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs signée à la Haye le 16
décembre 1970
- Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif du 15
décembre 1997
- Résolutions de l’Institut de droit international, sessions d’Oxford 1880 et de Cambridge
1983
-Traité type d’extradition adopté par l’AGNU à sa 68e séance plénière le 14 décembre 1990
- Charte africaine des droits de l’homme et des peuples signée à Nairobi, Kenya en juin 1981
- Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
signée à Strasbourg le 4 novembre 1950
- Protocole n° 6 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales concernant l’abolition de la peine de mort du 28 avril 1983
- Protocole n° 7 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales du 22 novembre 1984
- Traité révisé de la CEDEAO du 24 juillet 1993
- Convention européenne d’extradition faite à Paris le 13 décembre 1957 
- Convention interaméricaine sur l’extradition de Caracas du 25 février 1981
- Convention américaine relative aux droits de l'homme du 22 novembre 1969
- Convention arabe sur l’extradition du 14 septembre 1952
- Convention d’extradition entre le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire faite à
Ouagadougou le 30 juillet 2014
- La convention d’extradition de la CEDEAO faite à Abuja, Nigeria le 6 août 1994

95
- Protocole additionnel A/SP-1/01/05 du 19 janvier 2005 relatif à la cour de justice de la
CEDEAO
- Acte additionnel A/SA.1/01/10 du 16 février 2010 relatif à la protection des données à
caractère personnel dans l’espace CEDEAO

III : JURISPRUDENCE

A. LA JURISPRUDENCE INTERNE
1 : LA JURISPRUDENCE ADMINISTRATIVE
- CE Ass., 28 mai 1937, Decerf, Rec., p. 534
- CE Ass., 30 mai 1952, Dame Kirkwood, RDP, 1952, p. 781
- CE, 18 novembre 1955 et 3 février 1956, Pétalas, JCP 1956, II, 91
- CE Ass., 24 juin 1977, Astudillo-Calleja, Rec., p. 290
- CE Ass., 7 juillet 1978, Croissant, Rec., p. 290
- CE, 27 juillet 1979, Salati, Rec., p. 333
- CE, 15 février 1980, Winter, D., 1980, p. 449
- CE, 13 mars 1981, Ellenbogen, Rec., p. 140
- CE Ass., 26 septembre 1984, Lujambio Galdeamo, Rec., p. 308 ; JCP 1985.II.20346, concl.
B. GENEVOIS
- CE Ass., 08 mars 1985, A. G. Henriquez et C. Deveylder, RDP, 1985, p. 1130, concl. B
GENEVOIS
- CE, 5 décembre 1986, Catli, D. 1988, p. 134
- CE, 27 février 1987, Fidan, D., 1987, p. 305, concl. J-C. BONICHOT
- CE, 14 décembre 1987, Gacem, T., p. 733
- CE Ass., 1er avril 1988, Bereciartua-Echari, RGDIP, 1990, p. 159, obs. C. ROUSSEAU
- CE, 20 juillet 1988, Chiabotti, Rec., p. 296
- CE, 10 avril 1991, Kilic, Req., n° 115836
- CE Ass., 08 octobre 1993, Mme Joy Aylor, Rec., p. 283
- CE, 15 octobre 1993, Royaume-Uni et gouverneur de la colonie royale de Hong-Kong,
RFDA, 1993, n° 6, p. 1116
- CE, O9 décembre 1994, Chucci, Rec., p. 543
- CE Ass., 14 décembre 1994, Gouvernement suisse c. France, Rec., p. 549

2 : LA JURISPRUDENCE JUDICIAIRE

- Crim., 18 juillet 1851, Bull., n° 292 


96
- Crim., 26 juillet 1867, Bull., n° 170 

- Crim., 26 avril 1900, Bull., n° 157

- Crim., 31 août 1905, Bull., n° 431

- Crim., 22 octobre 1927, Bull., n° 355

- Crim., 4 janvier 1934, Bull., n° 2 ; D. 1934, p. 121, note LELOIR

- Trib. Corr. de Fontainebleau, 13 janvier 1937, Lois et arrêts, Paris Sirey 1938, II. 80

- Crim., 25 novembre 1948, Bull., n° 259

- Crim., 25 mars 1954, Bull., n° 122

- C. A Paris, 14 janvier 1955, JCP 1955, II. 8517

- Crim., 15 novembre 1956, Bull., n°753

- Crim., 11 avril 1959, Bull., n° 210

- District Court of Jerusalem, 12 décembre 1961, Attorney General of Israel c. Eichmann,


ILR, 1968, vol. 36, p. 26

- Crim., 30 octobre 1962, Bull., n° 286 

- Crim., 4 juin 1964, Bull., n° 192 ; JCP 1964, II, 13806

- Crim., 14 mars 1969, Bull., n° 103

- Crim., 22 décembre 1969, Bull., n° 355

- Crim., 17 février 1970, JCP, 1972, II. 17023

- Crim., 23 novembre 1972, JCP 1973, II. 17428

- Crim., 22 décembre 1975, Bull., n° 286

- Crim., 1er juin 1976, Bull., n° 194 ; JCP, II. 18758, note CHAMBON

- Crim., 12 juillet 1982, Bull., n° 192

- Crim., 21 octobre 1982, Bull., n° 231

- Crim., 21 septembre 1984, G. Ramirez, JCP, 1985, II.20346

- Crim., 26 novembre 1985, Bull., n° 376

- Crim., 28 octobre 1986, Bull., n° 309

97
- Crim., 10 mars 1987, Bull., n° 118

- crim., 24 mars 1987, Bull., n° 137 ; D., 1987, p. 458, note WAQUET et Julien LAFERIERE

- Crim., 17 mai 1987, Dore, Bull., n° 183 ; D., 1987, p. 536, note JEANDIDIER

- Crim., 2 juin 1987, Bull., n° 231

- Crim., 8 décembre 1987, Bull., n° 449 ; D. 1989, p. 139, obs. WAQUET et Julien
LAFERRIERE

- Crim., 23 février 1988, Bull., n° 37

- Crim., 8 février 1989, Bull., n° 56

- Crim., 19 juillet 1989, Bull., n° 292

- Crim., 21 novembre 1989, Bull., n° 430

- Cass. Ass. Plén., 24 novembre 1989, Baribeau, Bull., n° 2

- Crim., 15 octobre 1991, Bull., n° 343

- Crim., 10 janvier 1995, Bull., n° 11

3 : DECISIONS D'AUTRES JURIDICTIONS

-Tribunal des conflits, 14 mai 1984, Azègué, Rec., p. 621

-Décision n° 85-188 DC du conseil constitutionnel français, 22 mai 1985, J.O.F 23 mai 1985,
p. 5795, commentaire L. FAVOREU, AFDI 1985, pp. 868-875

B. LA JURISPRUDENCE INTERNATIONALE

- CIJ, 20 juillet 2012, Belgique C. Sénégal, in Recueil des arrêts, avis consultatifs et
ordonnances de la CIJ

- Cour EDH, 2 août 1984, Malone, série A, n° 82

- Cour EDH, 7 juillet 1989, Soering c. Royaume-Uni, série A, n° 161, § 88 ; JCP 1990.I.3452,
note LABAYLE

- Comm.EDH, 12 octobre 1989, Stocké c. République fédérale d’Allemagne, §167 et §168

- Cour EDH, 24 avril 1990, Kruslin c. France, Série A, n° 176-A et B

- Cour EDH Grande chambre, 12 mars 2013, Djalti c. Bulgarie, Req., n° 31206/05

- CJ-CEDEAO, 27 octobre 2008, Dame H. M. Koraou c. Republique du Niger, arrêt


disponible sur www.juricaf-org/arrêt/CEDEAO
98
- CJ-CEDEAO, 8 novembre 2010, Tandja c. S. Djibo et Etat du Niger, arrêt disponible sur
www.juricaf-org/arrêt/CEDEAO

- CJ-CEDEAO, 19 juillet 2013, Karim Wade c. Etat du Sénégal, arrêt disponible sur
www.juricaf-org/arrêt/CEDEAO

IV : SITES INTERNET

- http://ww.cairn.info

-http://www.ecowas.org

-http://www.lebarmy.gov.lb

-http://www.aan.mmsh.univ-aix.fr

-http://www.cpcp.be/Etudes-et-prospectives

-http://www.juricaf-org/arrêt/CEDEAO

- http://www.icj-cij.org

- http://www.conventions.coe.int/Treaty/Commun/

- http://ww.interpol.int/Public

- http://www.achpr.org/fr

-http://www.droit.univ-nantes.fr

-http://www.oas.org/juridico/mta/fr

-http://www.icrc.org

-http://www.unhcr.org/fr

-http://www.juriscope.org/fr

-http://www.legal.un.org

-http://www.revuegeneraledudroit.eu

-http://www.larciergroup.com

-http://www.international.scholarvox.com

99
TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION GENERALE……………………………………………………………………………………………………….p. 1

Titre I : Les conditions et le déroulement de la procédure de l’extradition………………………………..p. 7

Chapitre I : Les conditions de l’extradition…………………………………………………………………………………p. 8

Section I : Les conditions relatives aux faits et à la personne réclamée………………………………………p. 8

§1 : Les principes liés à l’acte infractionnel…………………………………………………………………………………p. 8

A : Le principe de double incrimination………………………………………………………………………………………p. 9

B : La nature de l’infraction…………………………………………………………………………………………………………p. 10

§2 : Les conditions relatives à l’individu réclamé…………………………………………………………………………p. 14

A : L’influence de la nationalité……………………………………………………………………………………………………p. 15

B : Le statut de réfugié et autres conditions humanitaires…………………………………………………………..p. 18

Section II : Les conditions relatives à la peine et autres conditions………………………………………………p. 20

§1 : Les conditions relatives à la peine…………………………………………………………………………………………p. 21

A : Le critère de la gravité de la peine………………………………………………………………………………………….p. 21

B : L’influence de la peine capitale……………………………………………………………………………………………….p. 22

§2 : Autres conditions…………………………………………………………………………………………………………………..p. 24

A : L’absence de tout traité et le principe « aut dedere aut judicare »………………………………………….p. 25

B : La condition liée aux probables tortures et traitements cruels, inhumains et dégradants……….p. 26

Conclusion du chapitre I……………………………………………………………………………………………………………….p. 29

Chapitre II : Le déroulement de la procédure d’extradition…………………………………………………………..p. 30

Section I : Les obstacles de la procédure d’extradition………………………………………………………………….p. 30

§1 : Le principe « non bis in idem » et la prescription…………………………………………………………………..p. 31

A : L’autorité de la chose jugée ou « non bis in idem »…………………………………………………………………p. 31

B : La prescription de l’action publique ou de la peine………………………………………………………………….p. 32

§2 : L’amnistie et la réunion des preuves……………………………………………………………………………………..p. 34

A : L’amnistie………………………………………………………………………………………………………………………………..p. 34

B : La réunion des preuves: cas des écoutes téléphoniques………………………………………………………….p. 36

Section II : Le cheminement de la demande d’extradition…………………………………………………………….p. 40

§1 : La phase de pré-extradition……………………………………………………………………………………………………p. 40

100
A : L’arrestation provisoire……………………………………………………………………………………………………………p. 40

B : Les conditions de détention du fugitif…..…………………………………………………………………………………p. 43

§2 : L’examen de la demande d’extradition………………………………………………………………………………….p. 45

A : La phase judiciaire de l’examen……………………………………………………………………………………………….p. 45

B : La phase administrative de l’examen……………………………………………………………………………………….p. 47

Conclusion du chapitre II………………………………………………………………………………………………………………p. 50

Titre II : Les effets de l’extradition………………………………………………………………………………………………..p. 51

Chapitre I : Le respect du principe de la spécialité de l’extradition……………………………………………….p. 52

Section I : Le contenu du principe de la spécialité de l’extradition………………………………………………..p. 52

§1 : Le principe et son domaine d’application……………………………………………………………………………….p. 52

A : La notion de la spécialité de l’extradition…………………………………………………………………………………p. 53

B : Le domaine d’application du principe………………………………………………………………………………………p. 54

§2 : Les garanties du respect du principe de la spécialité………………………………………………………………p. 57

A : Les garanties avant la remise de l’individu……………………………………………………………………………….p. 57

B : Les garanties après la remise de l’individu……………………………………………………………………………….p. 62

Section II : Les tempéraments au principe de la spécialité de l’extradition……………………………………p. 65

§1 : L’extension de l’extradition……………………………………………………………………………………………………p. 65

§2 : Le délai de grâce……………………………………………………………………………………………………………………p. 67

Chapitre II : La régularité de l’extradition…………………………………………………………………………………….p. 71

Section I : L’extradition régulière…………………………………………………………………………………………………p. 71

§1 : Les obligations de l’Etat requis……………………………………………………………………………………………..p. 71

A : La remise de l’extradé…………………………………………………………………………………………………………….p. 72

B : La remise des objets et les frais engagés…………………………………………………………………………………p. 73

§2 : Les obligations de l’Etat requérant………………………………………………………………………………………..p. 74

A : La réception de l’extradé………………………………………………………………………………………………………..p. 75

B : L’éventualité d’une ré extradition…………………………………………………………………………………………..p. 76

Section II : L’extradition irrégulière……………………………………………………………………………………………..p. 77

§1 : La procédure d’annulation de l’extradition irrégulière………………………………………………………….p. 78

§2 : Les causes de nullité et les conséquences de l’annulation de l’extradition irrégulière………….p. 79

Conclusion du chapitre II…………………………………………………………………………………………………………….p. 81

CONCLUSION GENERALE…………………………………………………………………………………………………………….p. 82

101

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