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MÉMOIRE PROFESSIONNEL POUR L’OBTENTION DU MASTER 2 EN

DIPLOMATIE, PROTOCOLE ET RELATIONS INTERNATIONALES

THÈME

LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT


D’ARGENT :
CAS DE LA CÔTE D’IVOIRE

IMPÉTRANT Année Académique


M. Serge KOUAMELAN 2019-2020

SOUS LA DIRECTION DE
M. GNAMIEN YAO

1
Je dédie ce travail, à la mémoire de mon Père disparu.

Papa, j’espère que du monde qui est le tien maintenant, tu apprécies cet humble geste comme
preuve de reconnaissance de la part d’un fils qui n’a pas toujours été facile à vivre (Je n’ai pas
été prêtre comme tu l’aurais souhaité), mais qui prie pour le salut de ton âme…

Puisse Dieu le Tout Puissant, t’avoir en sa sainte miséricorde.

Tu as toujours été à mes côtés pour me soutenir et m’encourager…

Que ce travail traduise ma gratitude et mon affection éternelles…

Je t’aime Papa CYRILLE

À l’Abbé Paul Roger Vangah,

Papa Paul,

Merci de continuer l’œuvre de ton Grand frère …

2
À cette mère courageuse et forte qui m'a protègé de toutes ses forces et qui m'a aimé de tout
son cœur.

À cette mère bienveillante et généreuse , qui avait toujours un mot pour réconforter les
personnes qui traversaient les dures épreuves de la vie.

À ma Maman qui m'a tout donné, je t'aimerais toujours. Merci pour toutes tes prières de là où
tu reposes…

Repose en Paix Maman JEANNETTE

3
REMERCIEMENTS

La réalisation de ce mémoire a été possible grâce au concours de plusieurs personnes à


qui je voudrais témoigner toute ma gratitude.

Avant tout, je tiens à remercier Messieurs GUY KOIZAN (Past Président) et DAOUDA
Coulibaly (Président en exercice) de l’Association Professionnelle des Banques et
Établissements Financiers de Côte d’Ivoire (APBEF-CI). Ils ont permis mon inscription à
cette formation.

Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à mon Directeur de mémoire, Monsieur le


Ministre GNAMIEN YAO. Je le remercie de m’avoir encadré, orienté, aidé et conseillé.

Un grand merci également à Monsieur ANDRÉ YAO, Mademoiselle AUDREY KONE et


Madame NATHALIA VALENTIN épouse KOFFI pour leur aide inestimable.

J’adresse mes sincères remerciements à tous les professeurs, intervenants et toutes les
personnes qui par leurs paroles, leurs écrits, leurs conseils et leurs critiques ont guidé mes
réflexions et ont accepté de me rencontrer et de répondre à mes questions durant mes
recherches.

Enfin, je remercie cette Personne Spéciale qui m’a inspiré, m’a encouragé à
m’inscrire à cette formation.

4
SIGLES ET ABRÉVIATIONS

AICA  : Association Internationale des Contrôleurs d’Assurance

APBEF-CI  : Association Professionnelle des Banques et Établissements


Financiers de Côte d’Ivoire

BA : Blanchiment d’Argent

BAD  : Banque Africaine de Développement

BC  : Blanchiment de capitaux

BCEAO  : Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest

BEAC  : Banque des États de l’Afrique Centrale

BM  : Banque Mondiale

BRVM  : Bourse Régionale des Valeurs Mobilières

CÉDÉAO  : Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest

CEMAC  : Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale

CENTIF-CI  : Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières de


Côte d’Ivoire

CER  : Communauté Économique Régionale

CIMA  : Conférence Interafricaine des Marchés d'Assurance

CLAB  : Comité de Liaison Anti-Blanchiment de la Zone Franc

CNR  : Coordination Nationale du Renseignement

CNSA-GIABA  : Comité National de Suivi des Activités du GIABA

CNStat  : Conseil National de la Statistique

5
CNUCED  : Conférence des Nation Unies sur le Commerce et le
Développement

CRF  : Cellule de Renseignements Financiers

CTIF  : Cellule de Traitement des Informations Financières

DOS  : Déclaration d’Opérations Suspectes

DES  : Direction des Services Extérieurs

DTE  : Déclaration des Transactions en Espèces

EPNFD  : Entreprises et Professions Non Financières Désignées

ENR  : Évaluation Nationale des Risques

ESAAMLG  : Eastern and Southern Africa Anti-Money Laundering Group

F CFA  : Franc de la Communauté Financière Africaine

FMI  : Fond Monétaire International

FT  : Financement du terrorisme

GABAC  : Groupe d’Action contre le Blanchiment d’argent en Afrique


Centrale

GABAOA  : Groupe Anti-Blanchiment de l’Afrique Orientale et Australe

GAFI  : Groupe d’Action Financière sur le blanchiment des capitaux

GAFIC  : Groupe d’Action financière des Caraïbes

GAFILAT  : Groupe d’Action Financière d’Amérique Latine

GAFIMOAN : Groupe d’Action Financière pour le Moyen-Orient et l’Afrique du


Nord contre le blanchiment de capitaux et le financement du
terrorisme

6
GIABA  : Groupe Intergouvernemental d’Action contre le Blanchiment
d’argent en Afrique de l’Ouest

GTTYP  : Groupe de Travail sur les Typologies du GIABA

G7 : Groupe des sept pays les plus industrialisés

HABG : Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance

INS : Institut National de la Statistique

LBC : Lutte contre le Blanchiment de Capitaux

LBC/FT : Lutte contre le Blanchiment de Capitaux et le Financement du


Terrorisme

NTIC  : Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication

OICV  : Organisation Internationale des Commissions de Valeurs

OMD  : Organisation Mondiale des Douanes

ONG  : Organisation Non Gouvernementale

ONU  : Organisation des Nations Unies

ONUDC  : Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime

OCDE  : Organisation de Coopération et de Développement Économiques

OICV  : Organisation Internationale des Commissions de Valeurs

ORTG : Organisme Régional de Type GAFI

OUA  : Organisation de l'Unité Africaine

PIB  : Produit intérieur brut

RDC  : République Démocratique du Congo

7
UA  : Union Africaine

UE  : Union Européenne

UÉMOA  : Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine

UMOA  : Union Monétaire Ouest Africaine

UNECA  : Commission Économique pour l’Afrique des Nations Unies

UNION  : Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine ou l'Union


monétaire Ouest Africaine

UTC  : Unité de lutte contre la Criminalité Transnationale

SOMMAIR

8
INTRODUCTION GÉNÉRALE................................................................................................. 11

PREMIÈRE PARTIE : LE BLANCHIMENT D’ARGENT DANS UNE PERSPECTIVE


HISTORIQUE................................................................................................................................. 23

CHAPITRE 1 : LA NOTION DE BLANCHIMENT D’ARGENT....................................24


SECTION 1 : ÉVOLUTION DU BLANCHIMENT D’ARGENT......................................24
SECTION 2 : TECHNIQUES ET CONSÉQUENCES DU BLANCHIMENT...................29

CHAPITRE 2 : ÉTAT DES LIEUX DE LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DE


CAPITAUX DANS LE MONDE...........................................................................................48
SECTION 1 : MOYENS DE LUTTE AU NIVEAU INTERNATIONAL..........................48
SECTION 2 : MOYENS DE LUTTE AU NIVEAU DU CONTINENT AFRICAIN.........62

DEUXIÈME PARTIE : DE LA RÉALITÉ DU BLANCHISSEMENT D’ARGENT EN


CÔTE D’IVOIRE........................................................................................................................... 79

CHAPITRE 1 : APPROCHE HISTORIQUE DU BLANCHIMENT DE CAPITAUX EN


CÔTE D’IVOIRE...................................................................................................................80
SECTION 1 : L’EXISTENCE D’ACTIVITÉS PROCHES DU BC EN CÔTE D’IVOIRE
AVANT 2005........................................................................................................................80
SECTION 2 : LA PÉNALISATION DU PHÉNOMÈNE DE BC EN CÔTE D’IVOIRE A
PARTIR DE 2005.................................................................................................................84

CHAPITRE 2 : L’ORGANISATION DE LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT


DE CAPITAUX EN CÔTE D’IVOIRE................................................................................91
SECTION 1 : LES MÉCANISMES DE LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT
D’ARGENT..........................................................................................................................91
SECTION 2 : LES OBSTACLES À LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES
CAPITAUX........................................................................................................................112

CONCLUSION GÉNÉRALE................................................................................................... 140


RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES................................................................................ 142
ANNEXES..................................................................................................................................... 150
TABLE DES MATIÈRES.......................................................................................................... 151

9
AVANT-PROPOS

Ce mémoire s’inscrit dans le cadre de l’obtention du diplôme de Master 2 en


Diplomatie, Relations internationales et Protocole, décerné par le Centre Africain de
Management et de Perfectionnement des Cadres (CAMPC). Cet établissement
d’enseignement supérieur à vocation professionnelle inter États, a, en 45 années d’activité,
formé plus de 30 000 cadres africains en provenance d’une vingtaine de pays. Cette grande
expérience lui vaut la confiance de plus de 1500 entreprises et organismes.
Cette étude aborde le thème de « La lutte contre le blanchiment d’argent : Cas de la
Côte d’Ivoire ». Le choix de ce sujet vient du constat que la Côte d’Ivoire est sujette à des
crimes apparentés à la délinquance financière, qui ternissent son image. En effet, selon une
enquête de l’ONG Social Justice réalisée en 2018, avec l’appui de Transparency
International, le phénomène du blanchiment des capitaux en Côte d’Ivoire, prend de plus en
plus d’ampleur et touche essentiellement les secteurs de l’immobilier, de la communication et
de l’agriculture. Par ailleurs, la persistance de ce phénomène pourrait laisser croire que les
personnes qui y sont impliquées bénéficient d’une certaine immunité. Mais ayant eu
connaissance de l’existence de dispositifs internationaux contre le produit de certains crimes
liés au blanchiment d’argent, il s’avère pertinent de s’interroger sur le mécanisme qui existe
en Côte d’Ivoire pour faire face à ce phénomène.
Ce travail a donc pour but de mettre en lumière les moyens et actions mis en œuvre
par la Côte d’Ivoire en vue de lutter contre le blanchiment d’argent, de même que les
difficultés qu’elle rencontre dans cette lutte. Il se veut également une contribution en vue
d’améliorer l’efficacité du dispositif ivoirien de lutte face à cette nouvelle guerre qu’est le
blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Les difficultés rencontrées dans la collecte des informations concernent
particulièrement la disponibilité de statistiques nationales fiables et régulières sur le
blanchiment de capitaux et la lutte y afférente et la disponibilité des informations actualisées
sur les structures en charge de cette lutte. Cette situation nous a amené à nous contenter des
rapports de certains organismes et des entretiens informels que nous avons pu avoir avec
quelques professionnels.

10
INTRODUCTION

11
A. Contexte et justification de l’étude

«  Vol, escroquerie, corruption, cupidité, avarice, usure et d’autres maux sociaux


gravitent autour de l’argent, l’argent sale1 ». Ce constat révèle le danger lié au phénomène de
l’argent acquis de manière irrégulière. Même si ce phénomène de « l’argent sale » n’est pas
nouveau, il s’est véritablement révélé et s’est répandu tant d’un point de vue de l’intensité que
de l’espace à travers les activités des cartels de drogue latino-américains 2. Conscientes de la
source illicite de leurs fortunes, ces organisations secrètes procèdent assez souvent à une sorte
de maquillage en recourant à la technique du blanchiment des capitaux 3 afin d’échapper aux
États.
Cependant, au début des années 1990, sous le leadership des États-Unis d’Amérique 4
(USA), la Communauté Internationale prendra peu à peu conscience des menaces réelles que
représentent les organisations de trafic de drogue pour les États 5. Ainsi, il sera procédé à
l’adoption progressive de mécanismes de lutte contre ce phénomène.
Mais, c’est surtout avec les attentats du 11 septembre 2001 6 perpétrés aux USA par
l’organisation terroriste Al-Qaida que le monde entier percevra de manière plus spectaculaire,
la capacité de nuisance des organisations criminelles et secrètes financées par l’argent obtenu
frauduleusement7. Ainsi, la conscience collective internationale se fait de plus en plus
1
Ahmed KHIAT, écrivain algérien, 1945.
Il faut préciser que "argent sale" n'est pas une notion juridique. Mais dans l'acception générale, argent sale peut
s'entendre d'argent ou revenu acquis de manière illégale ou illicite, en violation de la loi, ou de la morale.

2
Les pays latino-américains principalement concernés sont la Colombie et le Mexique.

3
Pour blanchir l’argent de la drogue, les narcotrafiquants ont mis en place un système de prêts à des particuliers.
Baptisé « goutte-à-goutte », il est ressorti de taux d’intérêts tels qu’il devient vite impossible de rembourser  ; et
les représailles deviennent mortelles. Lire https://www.courrierinternational.com/long-format/amerique-latine-le-
goutte-goutte-ou-les-prets-mortels-des-cartels (consulté le 29 avril 2021, 18h30).

4
Cette position des USA peut se justifier par le fait que ce pays était la destination privilégiée du trafic, avec tous
ses effets pervers qu’il comporte.

5
Ces menaces portent sur la sécurité, l’économie, les droits de l’homme dans les États, etc...

6
Les attentats du 11 septembre 2001 sont quatre attentats-suicides perpétrés le même jour aux USA, contre le
World Trade Center, par l’organisation terroriste Al-Qaida. Ces attentats ont provoqué près de 3000 morts. Ils
marquent le début de l’introduction de la violence dans le Relations Internationales depuis la fin de la guerre
avec la chute du mur de Berlin. Voir Jean Luc MARRET, Le 11 septembre 2001 ou le terrorisme entre le XXè et
le XXIè siècle, in Annuaire Français de Relations Internationales, Ed. Bruylant, 2002, p. 73.

7
La Commission d’enquête américaine sur les évènements du 11 septembre 2001 a estimé le coût de l’opération
d’Al-Qaida entre 400 000 et 500 000 dollars. Mais en fait, l’implantation et la logistique de réseaux mondiaux
comme Al-Qaida est plus onéreuse, car il faut salarier des chefs locaux capables d’organiser des attentats et
financer les moyens de communication au sein du réseau, un système de renseignement, des billets d’avion ou
des voitures, des spécialistes chargés de lever et de déplacer des fonds dont les terroristes ont besoin. Une
question se pose donc : Comment les organisations aux objectifs funestes arrivent à financer leurs activités avec

12
ressentir, car la problématique du blanchiment d’argent devient plus inquiétante pour les
États. Les activités des réseaux mafieux et leurs impacts sur la vie et la survie des États
interpellent ces derniers et ne les laissent pas indifférents, il faut donc agir et réagir.
Dès lors, les États seront amenés à concevoir non seulement des stratégies afin de
contrer de manière efficace le phénomène du blanchiment d’argent, mais aussi de s’adapter à
ses nouvelles techniques. Ces actions et réactions des États témoignent de leur engagement et
volonté à éradiquer ce phénomène qui se présente indiscutablement comme une nouvelle
forme de guerre qui leur est imposée.
Le blanchiment d’argent est aujourd’hui un phénomène mondial, transfrontalier, et
aucun État ne peut estimer qu’il y échappe. Des grandes puissances aux petits États en passant
par les pays en développement, tous sont touchés. Et, il convient de mener une réflexion sur
les comportements de ceux-ci pour combattre ce fléau. La Côte d’Ivoire n’étant pas non plus
en marge dans cette lutte, elle constituera le champ spatial de ce travail de recherche. C’est
donc dans cette perspective que se situe ce sujet intitulé : « la lutte contre le blanchiment de
l’argent : cas de la Côte d’Ivoire ».
Se présentant comme l’une des menaces systémiques auxquelles est confronté le
monde, le blanchiment d’argent a des impacts sur la sécurité économique, politique et sociale
de la Côte d’Ivoire. En effet, il est de notoriété que la Côte d’Ivoire a été en proie pendant une
décennie de crises sociopolitiques dont le point culminant fut la crise post-électorale de 2011
avant de connaître une brève crise pré-électorale en 2020. Certes, depuis sa sortie de crise en
2011, le pays a enregistré des avancées dans divers domaines de la vie de la Nation,
cependant, à l’instar de nombreux autres pays africains et de la sous-région ouest-africaine, il
est aujourd’hui confronté à la menace terroriste8.
Réfléchir sur le blanchiment d’argent et son impact sur la sécurité de la Côte d’Ivoire
offre ainsi l’occasion de situer ce phénomène dans la nouvelle ère stratégique mondiale, avant
de l’appréhender dans le cadre du pays en développement que représente le pays. Le contexte

de nombreux flux financiers sans être interceptées par les États ? Le blanchiment des capitaux provenant des
trafics de drogue, de minerais, etc… se présente comme l’une des stratégies de dissimulation de ces finances
secrètes et criminelles. En effet, elles se servent entre autres des associations humanitaires ou caritatives privées,
comme couverture, dont l’objectif est de transférer les fonds via divers intermédiaires et sociétés afin de donner
à ces fonds une forme légale, pour faciliter son utilisation. Lire « L’empire financier d’Al-Qaida » sur
https://www.google.ci/amp/s/www.lesechos.fr/amp/1065068 (consulté le 29 avril 2021, 18h35).

8
Le 13 mars 2016, dans la station balnéaire de Grand Bassam, dans le sud du pays, la Côte d’Ivoire subit la
première attaque djihadiste de son histoire, faisant 19 morts. Par ailleurs, en 2020 et mars 2021, certaines
localités du nord du pays, notamment Kafolo, ont également été la cible d’attaques de groupes djihadistes.

13
de l’étude étant présenté, il convient, en vue de mieux l’appréhender, de procéder à quelques
précisions d’ordre conceptuel.

B. Définition des termes clés du sujet

La précision préalable des termes clés du sujet est importante, car sans elle « on
discuterait dans l’obscurité en vain9 ». Ainsi, les notions de « lutte » et de « blanchiment
d’argent » feront l’objet de définition.
Du verbe lutter, la lutte est une notion polysémique. Toutefois, dans le cadre de cette
étude, elle s’appréhende comme l’ensemble des actions menées pour vaincre un mal10. La
lutte est donc l’ensemble des mesures 11 adoptées par l’État de Côte d’Ivoire en vue
d’éradiquer le phénomène du blanchiment d’argent auquel elle est confrontée. Quid de la
notion de blanchiment d’argent elle-même ?
Selon les dispositions de l'article 7 de la loi relative à la lutte contre le blanchiment de
capitaux et le financement du terrorisme, cette infraction peut être appréhendée à trois
niveaux que sont:
- La dissimulation du produit d'un crime ou délit, par son transfert ou sa conversion
pour échapper aux conséquences de la loi.
- La simple détention, réception ou utilisation des biens ou fonds issus d'une infraction
en connaissance de cause
- L'aide ou la participation à la réalisation des opérations décrites dans les deux 02
premiers cas de figure.
En un mot la complicité des opérations ci-dessus décrites s'analyse également en du
blanchiment de capitaux. Le blanchiment de capitaux suppose un crime ou délit préalable qui
génère de l'argent sale, lequel est réutilisé ou dissimulé en connaissance de cause. Le
blanchiment d'argent consiste à cacher l'origine d'une somme d'argent qui a été acquise par le
biais d'une activité illégale en la réinjectant dans des activités légales.
Aussi, selon le Lexique des termes juridiques12, le blanchiment d’argent ou blanchiment de
capitaux constitue le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine
des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un
9
Charles EISEMANN, cours de droit administratif, Tome I, Paris, LGDJ, 1982 ; p. 595.

10
https://www.larousse.fr/dictionnaires/français/lutte/48139.

11
Ces moyens peuvent être d’ordre politique, juridique, institutionnel, etc…

12
Lexique des termes juridiques, 26ème édition, Dalloz ; 2018-2019.

14
profit direct ou indirect, ainsi que d’apporter un concours à une opération de placement, de
dissimulation ou de conversion du produit de l’une de ces infractions.
À cet effet, les biens ou les revenus sont présumés être le produit direct ou indirect
d’un crime ou d’un délit dès lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières de
l’opération de placement, de dissimulation ou de conversion ne peuvent avoir d’autre
justification que de dissimuler l’origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus.
De cette définition, il est à retenir que le blanchiment d’argent ou de capitaux est une
infraction pénale grave qui se définit par l’origine illicite des fonds introduits dans le système
économique financier afin de les recycler et permettre ainsi aux auteurs des crimes ou des
délits d’en tirer profit légalement. Après avoir défini les concepts clés du sujet, il apparaît
nécessaire de procéder à sa délimitation.

C. Délimitation du sujet dans l’espace et le temps

La délimitation de tout sujet est une entreprise difficile dans la mesure où elle relève de la
subjectivité. C’est d’ailleurs à juste titre que Jean René DUPUY indiquait que tout exercice de
délimitation emporte un arbitraire13. Mais, comme le dit Jean RIVERO, « c’est la difficulté
d'une recherche qui la rend passionnante14». Cette opération de délimitation portera sur
l’espace et le temps de l’étude.
En ce qui concerne l’espace, la Côte d’Ivoire est le champ géographique principal d’étude
de ce sujet. Il sera question de procéder à une analyse des moyens ou des mécanismes dont la
Côte d’Ivoire s’est dotée pour mener à bien sa politique de lutte contre le blanchiment
d’argent.
Cependant, compte tenu du fait que le blanchiment des capitaux est un phénomène
mondial, il ne peut y avoir de véritable appréciation des moyens de lutte de la Côte d’Ivoire,
sans porter des regards sur ceux de certains pays de la sous-région ouest-africaine, de
l’Afrique et même d’ailleurs. Ainsi, par une vue panoramique, il sera procédé par moment à
des analyses comparatives afin de mieux rendre compte de la pertinence du cadre ivoirien de
lutte contre le danger que représente le blanchiment d’argent. La délimitation du sujet étant
faite, il importe à présent de procéder à la définition du cadre théorique de cette étude.

13
René-Jean DUPUY, « Le droit des relations entre organisations internationales », RCADI, 1960, vol. 100, p.
465.

14
Jean Rivero, Le droit administratif en droit comparé : Rapport final, RIDC, n°4, 1989, p. 921.

15
D. Cadre théorique

Le sujet sur lequel porte cette étude s’inscrit dans le cadre des disciplines plurielles. Mais
essentiellement, on peut le rattacher à la science politique, des relations internationales et de
l’économie.
Le phénomène de blanchiment de capitaux touche à la science politique, et il ne saurait
dès lors laisser indifférents les politistes ou les politologues. En effet, nombreuses sont les
activités et les actions des réseaux de blanchiment d’argent qui mobilisent le recours à la
science politique afin de les décrypter. Ayant pour objet la politique, la science politique se
place comme celle qui est à même de relater et d’analyser la réalité des faits lorsque, du fait
du blanchiment des capitaux, un événement susceptible de bouleverser le champ politique
intervient. C’est le cas où les activités des réseaux de blanchiment d’argent éprouvent
véritablement les systèmes sécuritaires des pays, car ils sont parfois à la base de la criminalité
dans certains pays. Ces réseaux peuvent également financer ou concourir au financement de
projet de déstabilisation et d’atteinte à la sureté des États, et souvent même, en mettant en
conflit des pays. Le blanchiment d’argent peut par conséquent répondre à des besoins d’ordre
stratégique, géostratégique ou géopolitique.
La question de la mobilisation de la science politique par le phénomène du blanchiment
d’argent a d’ailleurs fait l’objet de plusieurs analyses. C’est le cas d’INTERPOL 15 qui estime
que la lutte contre le blanchiment d’argent est indissociable des enquêtes sur les infractions
qui y sont associées, étant entendu que le politiste est appelé à faire des enquêtes de terrain.
Pour INTERPOL, la résolution d’affaires liées au blanchiment d’argent n’est possible qu’en
enquêtant sur l’infraction initiale grâce à laquelle les fonds ont été obtenus. Ces enquêtes
financières viseraient à identifier l’origine, les mouvements et la localisation de ces fonds et à
confondre les réseaux impliqués. Il apparait donc clairement que la science politique
entretient des rapports avec ce phénomène de blanchiment de capitaux en ce que la première
peut fournir les moyens de démasquer le second.
En dehors de la science politique, la problématique du blanchiment d’argent ne peut
valablement être traitée sans évoquer les relations internationales. Les relations internationales
peuvent sommairement se définir comme celles qui dépassent les limites d’un seul État. Il
s’agit en fait, de l’ensemble des manifestations de la vie collective entre acteurs
internationaux qui conduit de ce fait à l’édiction des règles internationales qui les

15
https://www.interpol.int/fr/Infractions/Criminalite-financiere/Blanchiment-d-argent (consulté le 30 avril 2021,
à 15h00).

16
organisent16. Or comme cela a été annoncé plus haut, le blanchiment d’argent n’est pas limité
d’un point de vue spatial. En effet, ce phénomène va au-delà des frontières d’un seul État. Dès
lors, les réseaux peuvent utiliser un pays comme base arrière pour opérer dans un autre ou des
pays.
Aussi, ils peuvent utiliser un autre pays comme lieu de transit des produits destinés des
capitaux ou des produits blanchis. Aussi, le blanchiment d’argent est aujourd’hui l’un des
moyens les importants de financement du terrorisme. Ces facteurs sont des sources
d’internationalisation du phénomène de blanchiment de capitaux. Il n’est donc pas exclu que
ce phénomène soit à la source de tensions entre des États, ce qui pourrait entamer leurs
relations internationales. L’un des exemples topiques en la matière a été la publication par
l’Union Européenne, en 2019, d’une liste noire de 23 pays à risque de blanchiment d’argent,
dont les pays africains sont le Botswana, faite par l’UE peut être à la base du refroidissement
des rapports entre elle et ces pays fichés « liste noire ».
En dehors des disciplines de la science politique et des relations internationales, la
problématique du blanchiment de capitaux s’intéresse aussi et surtout à la matière
économique. En effet, l’économie est au cœur des actions des États, or, le blanchiment
d’argent a pour première victime l’économie. Il crée un manque à gagner pour les États et tue
leurs économies. Cependant, tout État sans une économie forte est fragilisée et devient
vulnérable à la pauvreté, les crises, les guerres, etc…Il est donc de la responsabilité des États
de prendre toutes les dispositions nécessaires afin de sauver leurs économies et leur intégrité.
La Côte d’Ivoire, consciente de tous ces enjeux colossaux a également adopté des mesures
visant à l’éradication du blanchiment des capitaux afin d’être un pays modèle de stabilité à la
fois politique, sociale que sociale. Après avoir tracé le cadre théorique de cette recherche, il
apparait pertinent de procéder à une revue de littérature portant sur le sujet.

E. Revue de la littérature

Le blanchiment d’argent n’est pas un phénomène nouveau, il a été abordé dans


plusieurs études. C’est le cas entre autres de l’ouvrage d’Éric VERNIER sur les Techniques
de Blanchiment et Moyens de lutte 17. Dans cet ouvrage, l’auteur met en lumière les
catégorisations de sources de capitaux blanchis et leurs auteurs. Par ailleurs, il définit les
techniques artisanales de blanchiment. En ce qui concerne les catégorisations des sources

16
Abraham GADJI, Relations internationales, Ed. Lumière, 2013, p. 1.
17
Éric VERNIER, Techniques de Blanchiment et Moyens de lutte, 4e éd., Dunod, 2015
 

17
d’argent sale blanchi et de leurs auteurs, Éric VERNIER regroupe les sources d’argent illégal
sous le vocable générique d’argent sale, avant de scinder cet argent sale en 2 sous-groupes :
« l’argent noir » tiré des crimes de sang et autres trafics considérés comme les plus graves
perpétrés par les groupes criminels organisés, notamment les mafias et groupes terroristes
internationaux. Le deuxième sous-groupe est désigné par « l’argent gris » tiré des activités
d’un ensemble d’acteurs provenant directement de l’économie légale et justifiant d’une
honorabilité de façade, en l’occurrence, des notables et dirigeants d’entreprises désirant
augmenter discrètement leurs revenus18. Cependant dans cette catégorisation, l’on ne perçoit
pas l’argent sale provenant d’actes illégaux commis par des personnes autres que les acteurs
cités.

Aussi, l’ouvrage intitulé Blanchiment de capitaux : Aspects économiques et


juridiques19, de Hocine BÉNISSAD se présente comme une importante contribution à l’étude
et à la connaissance de la menace que représente le blanchiment des capitaux. Hocine
BÉNISSAD, après présentation de l’origine de l’expression « blanchiment d’argent »,
détermine dans son ouvrage certaines caractéristiques du blanchiment d’argent. Cette
démarche permettra ainsi de distinguer ce phénomène des autres types d’infractions avec
lesquels il pourrait se confondre. Aussi, l’auteur n’a pas manqué de révéler les différentes
étapes conduisant au blanchiment d’argent. Selon l’auteur, le Blanchiment de Capitaux a pour
particularités de ne pas comporter de victimes directes, abstraction faite de l’entité utilisée
pour sa perpétration, d’avoir fréquemment pour bénéficiaires réels, pour instigateurs, des
acteurs socialement ou politiquement puissants et d’avoir des méthodes qui diffèrent peu de la
fraude ou de l’évasion fiscale et qui sont généralement non violentes 20. C’est d’ailleurs ces
caractéristiques qui ont été adoptées dans le cadre de cette recherche.
De plus, Philippe BROYER analyse la problématique du blanchiment d’argent à
travers de nombreux écrits, notamment sa thèse de doctorat en 2000, puis un important article
paru en 2002. Dans sa thèse intitulée. Les réseaux du blanchiment de l’argent : l’émergence
d’un nouveau système, l’auteur révèle que le développement de ce phénomène obéit à un
double mouvement de diversification et d’internationalisation. Sur le premier mouvement, il
démontre les voies et moyens utilisés pour la réalisation d’opérations de blanchiment sont très
variés, mais l’objectif demeure le même. Il soulève à cet effet une importante question à
18.
Idem, p.12.

19
Hocine BÉNISSAD, Blanchiment de capitaux : Aspects économiques et juridiques, Economica, 2014

20.
Idem, p. 2

18
savoir : les conditions sont-elles réunies pour une lutte efficace contre le blanchiment
d’argent ? Pour lui, la question doit s’envisager en tenant compte des mutations intervenues
au cours des dernières années sur la scène internationale ; ce qui aboutit sur le deuxième
mouvement. À ce sujet, l’auteur rappelle qu’aujourd’hui, on constate que l’évolution du
système économique et financier mondial crée progressivement un contexte de plus en plus
favorable pour tous ceux qui souhaitent blanchir de l’argent. D’une part, les fonds provenant
d’activités criminelles circulent dans les mêmes conditions que les autres capitaux. D’autre
part, l’interprétation croissante entre les activités légales et illégales est propice à la réalisation
d’opération de recyclage ; enfin, les systèmes de transfert électronique de fonds facilitent le
blanchiment et rendent sa détection quasiment impossible.

Par ailleurs, dans son article intitulé « Le blanchiment de l'argent, Nouveaux enjeux
internationaux21 ». Il aborde la question des flux d’argent blanchi ou à blanchir, parfaitement
intégrés aux circuits financiers et qui circulent dans des conditions qui, du moins en
apparence, ne menacent pas le système. Selon lui, la lutte patine, faute de soutiens parmi les
acteurs économiques. Il est auteur également de l’article « l’Argent sale dans les réseaux du
blanchiment », publié aux éditions Harmattan en 2001.
S’il est vrai que la thématique générale du blanchiment d’argent a été largement
abordée, il faut toutefois relever que celle du cas de la Côte d’Ivoire spécifiquement est peu
étudiée. En plus, les quelques études réalisées sur la question proviennent essentiellement des
rapports issus des enquêtes de certaines organisations de la Société Civile.
Dès lors, cette étude se veut une modeste contribution intellectuelle pour combler le
vide scientifique qui existe en matière de blanchiment d’argent en Côte d’Ivoire. Cependant,
comme à l’image du phénomène lui-même, les moyens de lutte peuvent subir des mutations.
Ainsi, la présente étude n’a pas la prétention d’épuiser le sujet, il peut faire l’objet d’autres
études postérieurement. La revue de littérature étant faite, il convient de procéder à la
définition de la problématique, avant de présenter l’outil méthodologique utilisé dans le cadre
de cette recherche.

21
Philippe BROYER, « Le blanchiment de l’argent, Nouveaux enjeux internationaux », Études, Tome 396,
2002, pp. 611-621.

19
F. Problématique

La problématique se définit selon le Lexique des Sciences Sociales, comme


«  l’ensemble des hypothèses, des orientations, des problèmes envisagés dans une théorie,
dans une recherche ». Dans le même ordre d’idée, elle s’appréhende selon Michel BAUD
comme « l’ensemble construit autour d’une question principale, des hypothèses de
recherches et des lignes d’analyses qui permettent de traiter le sujet22».
Après une décennie d’instabilité sociopolitique et crises, la Côte d’Ivoire a repris le
chemin de la stabilité. Or généralement, les États qui sortent de crises, de guerres ou de
nombreuses années d’instabilité, sont vulnérables au blanchiment de capitaux. D’ailleurs, des
études ont révélé la présence et la persistance du phénomène de blanchiment d’argent en Côte
d’Ivoire. Dès lors, que le pays fasse face à une menace réelle ou supposée de ce phénomène, il
se doit de prendre des mesures qui serviront de remparts et d’armes en vue de mener à bien
son combat contre ce phénomène qui gangrène l’humanité. Ainsi, l’analyse menée dans cette
étude gravite autour de la question ci-après : comment est organisée la lutte contre le
blanchiment d’argent en Côte d’Ivoire ? Autrement dit, de quels mécanismes dispose la Côte
d’Ivoire pour faire face à ce phénomène d’ampleur internationale qu’est le blanchiment
d’argent ? Aussi, quelle analyse peut-on faire de l’efficacité de ce dispositif de lutte ?
Comment l’améliorer afin de gagner le combat contre le blanchiment des capitaux ? Ce sont
autant de questions auxquelles tentent de répondre cette étude à travers une certaine
méthodologie qu’il convient d’exposer.

G. Méthodologie

« Le choix d’une méthode ou d’un instrument de recherche s’inscrit en fait dans une
stratégie de recherche23 ». En fait, c’est cette méthode qui permet de bien conduire sa
pensée24. Dans la présente étude, la réponse à la question centrale posée a nécessité le recours
à deux méthodes de recherche dialectiques ; il s’agit de la méthode juridique et la méthode
des sciences sociales, notamment de la sociologie.
La méthode du droit ou la méthode juridique permet de partir des textes de lois pour
aboutir à un résultat. En vertu de cette méthode, nous partirons des textes afin d’apprécier
l’efficacité de l’arsenal juridique existant dans le cadre de la lutte contre le blanchiment

22
Michel BAUD, l’art de la thèse, Paris, Éditions La découverte, 2006/
23
Paul N’DA, Recherche et méthodologie en Sciences Sociale et Humaines, L’Harmattan, 2015, p. 36.
24
Yves GAUDEMET, Les méthodes du juge administratif, Thèse, Paris, 1971, p. 11.

20
d’argent en Côte d’Ivoire. À cet effet, la recherche documentaire physique comme
informatique sera beaucoup sollicitée.
Quant à la méthode sociologique, elle consiste à partir d’une vue des faits, de la réalité
pour aboutir à un résultat. C’est cette méthode qui permet d’invoquer les échanges et enquêtes
de terrain sur la question du blanchiment d’argent.

Les Structures interviewées telles que, le GIABA, la CENTIF, la Cellule en charge de


la lutte contre le blanchiment logé au ministère de l'économie et des finances, l'unité de police
en charge des crimes transnationales la haute autorité pour la bonne gouvernance, l'unité de la
police économique en charge des infractions financières et le Pôle Pénal, Economique et
Financier du Ministère de la Justice.

Ces échanges et enquêtes auront pour objectif de mesurer de façon tangible le niveau
de connaissance de ce phénomène par des acteurs du secteur financiers.

H. Annonce du Plan

Malgré le dynamisme de son économie enregistrée ces dernières années 25 et de sa large


ouverture sur le monde, la Côte d’Ivoire attire également des opérateurs inconvenants qui
développent une variété d’activités illicites, dont les trafics de stupéfiants, d’enfants et de
migrants, la cybercriminalité, l’orpaillage clandestin et bien d’autres maux, le tout marqué par
la corruption à tous les niveaux de la pyramide administrative. Ces activités illicites
constituent des sources de blanchiment de capitaux sur son territoire. Dès lors, pour mieux
apprécier la question de la lutte contre le blanchiment des capitaux et pour répondre aux
interrogations qu’elle suscite, cette étude mettre d’une part en relief, le blanchiment d’argent
dans une approche historique (première partie). Dans une seconde perspective, il sera
question de s’interroger si la Côte d’Ivoire peut, au regard des critères constitutifs d’un
blanchiment de capitaux, être considérée comme un pays de blanchiment d’argent (deuxième
partie).

25
La Côte d’Ivoire a enregistré, en moyenne de 2012 à 2018, un taux de croissance économique annuel de plus
de 7%. Le PIB par habitant a augmenté de 33% de 2010 à 2017, passant de 560 300 F CFA à 745 200 F CFA.
Cette performance s’explique par le rebond de l’agriculture et démontre sa capacité de résilience face aux chocs
internes et externes. Le taux de pauvreté qui est passé de 51% en 2011 à 46% en 2015 s’est situé en deçà de ce
niveau en 2018. Les différents investissements et les réformes stratégiques entreprises ont permis d’améliorer
significativement les indicateurs socio-économiques. La mise en œuvre des 2 Plans Nationaux de
Développement (PND) 2012-2015 et 2016-2020 a permis de positionner et de maintenir ce pays dans une
dynamique de forte croissance, tout en garantissant un cadre macro-économique assaini et une forte attractivité
des investisseurs, tant nationaux qu’internationaux.

21
22
PREMIÈRE PARTIE : LE BLANCHIMENT D’ARGENT DANS UNE
PERSPECTIVE HISTORIQUE

Pour mieux appréhender l’histoire du blanchiment d’argent en Côte d’Ivoire, il s’avère utile
de partir d’abord de la compréhension de la notion même de blanchiment d’argent (chapitre
1), et ensuite, de faire l’état des lieux de la lutte contre le blanchiment dans une dans le monde
(chapitre 2).

23
CHAPITRE 1 : LA NOTION DE BLANCHIMENT D’ARGENT

Le blanchiment d’argent n’est pas une activité nouvelle, mais elle remonte à de
nombreuses années. La progression fulgurante et l’étendue des dégâts de ce phénomène sur
l’économie et la société en général ont suscité, dès lors, une prise de conscience collective
progressive. Cette prise de conscience a ainsi conduit à une pénalisation par les instances
mondiales. En tout état de cause, le blanchiment d’argent a connu une évolution (section 1) ;
par ailleurs, il s’effectue suivant des techniques diverses (section 2).

SECTION 1 : ÉVOLUTION DU BLANCHIMENT D’ARGENT

L’évolution du phénomène du blanchiment de capitaux peut se percevoir tant par l’ancienneté


de son origine (A), que, par la mutation constante qu’il subit (B).

A- Un phénomène aux origines anciennes

Le blanchiment d’argent est un phénomène très ancien, voire consubstantiel aux


activités criminelles lucratives. Si le terme blanchiment n’était pas utilisé, il n’en demeure pas
moins que les activités qui s’y apparentent existaient depuis. Des trafics illicites de tout genre
ont cours depuis fort longtemps. Le trafic des êtres humains existait déjà pendant l’antiquité
sous l’appellation de « traite orientale », commerce d'esclaves ayant approvisionné les espaces
du Proche-Orient ancien26.Ce trafic avait aussi cours en Afrique depuis le 7 ème siècle de notre
ère, appelé cette fois « traite arabe », et se poursuit de nos jours sous d’autres formes27, avec
pour corollaire, la prostitution, le racket et la contrebande. À cela faut-il ajouter que la
piraterie maritime, activité menée par des criminels en mers contre les navires, existait déjà
pendant l’antiquité. D’ailleurs, à ce sujet Cicéron déclara les pirates comme des « ennemis
communs à tous », car ils échappaient aux catégories habituelles du droit28. Quant au trafic
des stupéfiants, même s’il est relativement récent, il a réussi à s’est imposer sur l’échiquier
mondial.
Dans tous les cas, ces activités illicites qui généraient des gains qui étaient
inévitablement réinjectés dans l’économie furent combattues. Malgré son existence lointaine,

26.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Traite orientale

27
Cette nouvelle forme de la traite arabe se perçoit aujourd’hui en Lybie, avec la vente de migrants africains
noirs comme esclaves.

28.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Piraterie

24
le blanchiment d’argent n’a pas très tôt été un sujet d’intérêt commun et unanime pour les
puissances publiques du monde. Mais, en raison de l’évolution exponentielle de certains
crimes et de leurs impacts négatifs sur l’équilibre social ou financier, il a fini par être perçu
comme une menace pour la société. Ainsi a-t-il été finalement reconnu par le gouvernement
fédéral américain comme une activité à part entière dans les années 1920, à l’époque de la
« prohibition » du commerce de boissons alcoolisées. Le blanchiment d’argent s’est ensuite
accentué dans les années 1970 et a acquis ses lettres de noblesse avec l’accroissement des
ressources procurées aux grandes organisations criminelles par les trafics de drogue.
Bien que le blanchiment d’argent soit lié au crime et à l’économie, les conditions de
son émergence sont, en l'absence de sources écrites, difficiles à déterminer avec précision.
Cependant, Isabelle SOMMIER considère que cette nouvelle stratégie se dessine à la
charnière des années 1970 et 1980. Son arrimage étroit au trafic de drogue qui prenait
certaines proportions et qui avait un impact négatif sur la santé publique a conduit les États
Unis à le pénaliser et à préconiser au reste du monde une prise de conscience29.
Pendant la guerre froide, les activités criminelles ont permis de recueillir des fonds
pour entretenir des groupes armés, des soldats et autres structures militaires… Ces activités
varient selon les organisations concernées. La criminelle activité qui offre de loin le plus
grand financement est le trafic de drogue. Cependant, d’autres activités fournissent également
des sources importantes de financement. Il s’agit entre autres, du racket, parfois discrètement
appelé un « impôt révolutionnaire » (ETA, FLNC, IRA), les enlèvements avec demandes de
rançon (groupes paramilitaires colombiens, les groupes actifs dans les républiques de la ex-
Union soviétique), le trafic de pierres précieuses (des Khmers rouges, les groupes rebelles en
Sierra Leone et en Angola), ainsi que le proxénétisme et la traite des êtres humains. 
Le trafic d'armes est un cas à part en ce qu'il est à la fois la source de financement et
implique l'utilisation de ces ressources. Il combine aussi d'autres types de trafic dans lequel il
est un milieu de l'échange fourni par le gouvernement. Par ailleurs, il a été utilisé comme la
principale source de revenus des organisations terroristes au cours de la période de guerre
froide. Et ce, lorsque les conflits régionaux étaient souvent les champs de bataille pour les
deux blocs, et que chaque terroriste provoquait une occasion de déstabiliser ou de
désorganiser l'autre bloc.
Selon Hocine BÉNISSAD, « l’expression «  blanchiment » résulte d’une extrapolation
de pratiques anciennes de la mafia italo-américaine 30». L’une d’elles consistait à laver, c’est-
29
Peter HAGEL, « L’incertaine mondialisation du contrôle de la France et de l’Allemagne dans la lutte contre la
corruption et le blanchiment », in Déviance et Société, vol. 29, 2005/3, pp. 243-248
30.
Hocine BÉNISSAD : Blanchiment de capitaux, Aspects économiques et juridiques, Economica, 2014, p.1.

25
à-dire à fabriquer, de faux billets de banque neufs pour les faire circuler librement sans
susciter d’interrogations. C’est ce qui aurait conduit la France à créer, en 1929, un Office
Central pour la Répression du Faux Monnayage (OCRFM). Une autre pratique consistait,
pour la famille Biron, propriétaire d’une chaîne de blanchisserie en Californie en 1928, à
recycler les ressources tirées de ses nombreuses activités illicites, argent sale, en les
entremêlant avec les espèces tirées de son activité légale, c’est-à-dire l’argent propre.
Le terme a cependant été mentionné pour la première fois dans les écoutes d’un extrait
accablant d’une conversation que le président NIXON31 a eue avec son conseiller juridique
John Dean, daté du 21 mars 1973 et dévoilé au moment du procès des cambrioleurs devant le
grand jury de Washington, à propos de l'affaire du Watergate aux États-Unis.
Concomitamment aux activités d'écoute, qui constituaient le véritable scandale, Richard
NIXON avait ordonné le blanchiment de dons pécuniaires anonymes interdits, afin de
financer sa réélection32. Selon Hocine BÉNISSAD, cette expression est apparue dans le jargon
courant en 1977, puis en 1982 dans une procédure américaine de confiscation de fonds
associés à un trafic de drogue33.
Cependant, bien que l’origine américaine de l’expression semble couramment admise,
l'histoire du précapitalisme recèle de nombreuses traces qui suggèrent un enracinement plus
profond. Si le sens littéral de l'expression existe dès le XII e, un siècle plus tard, le « temps des
mutations » voit surgir le phénomène de la « monnaie noire » contre de la « monnaie
blanche », ou monnaie noble d'argent. Ce vaste processus de recyclage se propage à travers
l'Europe. Au XVIe siècle, les marchands blanchisseurs espagnols, via la fabrication et le
commerce du drap, en constituent un exemple. Activité pernicieuse pour l’économie, le
blanchiment d’argent constitue désormais une infraction dans la plupart des juridictions du
monde, malgré les différences qui subsistent au niveau de la nature des infractions sous-
jacentes concernées. De plus, ce phénomène est en constante mutation.

31
Le président Richard NIXON fut le 37ème président des USA

32.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Scandale du Watergate

33.
Hocine BÉNISSAD : Blanchiment de capitaux, Aspects économiques et juridiques, Economica, 2014, p.2.

26
B- Un phénomène en constante mutation

Deux périodes sont à considérer en fonction de la mobilisation que suscite la lutte.


Cette mutation se voit d’abord par la prolifération d’organisations criminelles entre 1991 et
2001, et ensuite par l’intensification des activités criminelles depuis 2001.

1. La prolifération d’organisations criminelles entre 1991 et 2001

La criminalité d'après-guerre froide a évolué et changé de paradigme. Le nombre de


groupes criminels recensés en Russie a augmenté entre 1990 et 1997, passant de 785 au
nombre astronomique de 9000, avec un nombre de membres associés de plus de 100000,
selon le ministère de l’Intérieur du pays. À Moscou, quelque 189 organisations criminelles
étaient actives en 1996, 23 d'entre elles ayant des ramifications à l'étranger. Plus de 40 000
commerces russes sont contrôlés par la criminalité organisée ; on trouve parmi ceux-ci des
cabinets d'avocats, des banques et d'autres commerces à même de blanchir de l'argent,
beaucoup ont des liens avec l'étranger. 
Les groupes criminels organisés ont également mis en place des affaires dans plusieurs
pays d'Europe centrale, où d'énormes sommes d'argent sont réalisées à partir des armes, de la
prostitution, de l'extorsion, du vol de voitures, du marché noir d'essence et de cigarettes. La
région constitue également un des principaux points d'entrée de l'héroïne en Europe
occidentale. Et, de même que les pays de l'ancienne Union soviétique, il s'agit du foyer
régional connaissant la croissance la plus rapide en matière de trafic d'êtres humains. Environ
175 000 clandestins, dont beaucoup sont des femmes et des enfants, quittent chaque année ces
nations pour l'Europe de l'Ouest et les États-Unis, selon l'Organisation internationale pour les
migrations. Au Mexique par exemple, des criminels organisés ont émergé, ils dirigent des
réseaux de trafic de drogues de grande envergure, un domaine criminel autrefois monopolisé
par les cartels colombiens.
Selon une étude de la Drug Enforcement, Administration américaine de 1999, quelque
29% de l'héroïne consommée aux États-Unis entrent dans le pays par les mains des criminels
organisés mexicains. De nouveaux groupes ont également fait leur apparition en Europe de
l'Est et dans les pays de l'ancienne Union soviétique, où la fin de la guerre froide et
l'effondrement du contrôle étatique ont constitué une invitation ouverte à la criminalité
organisée. Les groupes criminels ont rapidement tiré profit des démocraties en difficulté, de
lois précaires ou non existantes, de forces de police mal équipées et d'un marché aux forces
incertaines.

27
2. L’intensification des activités criminelles depuis 2001

Les attentats du 11 septembre 2001 qui ont considérablement endeuillé les États-Unis
ont donné un nouveau coup d’accélérateur à la LBC. L’attention portée au BC n’a jamais été
aussi forte que depuis ces attentats. Le BC est relié au financement du terrorisme, car des
experts estiment que la manne financière importante à blanchir a pu servir à perpétrer ces
attentats et peut servir à perpétrer d’autres crimes encore plus dévastateurs.
Les États Unis établissent rapidement une analogie entre organisations criminelles et
terroristes et intègrent à la LBC la lutte contre le financement du terrorisme (FT). De
nouvelles lois et dispositions sont prises par les autorités américaines, sur leur sol, pour
renforcer les mesures de vigilance et les moyens de LBC. De plus, la promotion américaine
du volet financier de la lutte anti-terroriste a également entraîné une intense activité
diplomatique, de manière bilatérale et au sein des organisations internationales dans
lesquelles les États-Unis occupent une place significative (GAFI, FMI, Banque mondiale)34.
Sous le choc, la pression des États Unis et devant la nécessité pressante de reprendre
l’initiative, le G7 affiche et marque sa volonté de s’attaquer au financement du terrorisme en
même temps qu’à la LBC en encourageant le GAFI à réviser ses recommandations en vue de
les adapter à ce nouvel enjeu. L’irruption de la question du financement du terrorisme a
conduit à modifier l’organisation du dispositif international de lutte anti-blanchiment et à
reformuler la mission du GAFI35. Réuni à Washington les 29 et 30 octobre 2001, le GAFI
décide d’étendre son mandat à la lutte contre le FT36.
Cet organisme élabore ensuite 9 recommandations spéciales visant la lutte contre le
FT, qui ont un large écho auprès de l’ONU, avec la résolution 1373 du Conseil de sécurité de
l’ONU, puis de la Commission européenne, avec ses directives de 2001 et de 2004 37. Cette
résolution de l’ONU appelle tous les États Membres à mettre en œuvre un certain nombre de
mesures afin de renforcer leur capacité juridique et institutionnelle de lutte contre les activités
terroristes sur le territoire national, au niveau régional et dans le monde entier. Afin de se
conformer aux dispositions de la résolution en luttant contre le financement du terrorisme, de
34.
GILLES FAVAREL-GARRIGUES : « L'évolution de la lutte anti-blanchiment depuis le 11 septembre 2001
», in Critique Internationale, n° 20, 2003/3, p. 37-46.

35.
Idem.

36.
Idem.

Amandine SCHERRER : « La circulation des normes dans le domaine du blanchiment d’argent : le rôle du
37.

G7/8 dans la création d’un régime global », p. 130-148.

28
nombreux États ont pris des mesures préventives et pénales contre le blanchiment d’argent en
vue de combattre le financement du terrorisme38.
Depuis lors, la lutte contre le FT constitue la nouvelle cible de la LBC 39. Les groupes
terroristes sont désormais assimilés aux organisations criminelles classiques telles que les
mafias. De même, il est admis que la traque de leurs transactions financières peut permettre de
faire tomber ceux qui commanditent ces crimes ou jouissent de leurs produits. Les organismes
nationaux et internationaux qui luttaient déjà contre le blanchiment d’argent ont vu leur
mandat élargi à la lutte contre le FT. Ainsi, la LBC s’adapte aux exigences de l’actualité
internationale. L’effet positif est notable sur l’incitation, pour les États, à signer et ratifier les
conventions des Nations unies pertinentes en ces matières et à adopter au plan national des
législations en découlant. L’harmonisation normative indispensable à une meilleure
coordination de la LBC progresse et une indéniable pression par les pairs contraint les États à
se remobiliser pour assainir le jeu financier mondial.

SECTION 2 : TECHNIQUES ET CONSÉQUENCES DU BLANCHIMENT

Les techniques de blanchiment, même si elles connaissent une évolution liée aux
nouvelles technologies et à la mondialisation de l’activité criminelle, elles n’ont pas
véritablement changé. Ces techniques sont toutes aussi diverses (A) que leurs conséquences
(B).

A. Les techniques diverses de blanchiment

Nous verrons les classiques de blanchiment, à savoir celles qui avaient cours avant 2001, ainsi
que les techniques nouvelles de blanchiment depuis 2001.

1. Les techniques classiques de blanchiment avant 2001


Les techniques artisanales sont des techniques anciennes qui sont généralement
d’application simple, car ne nécessitant pas de grands moyens organisationnels ou
technologiques et ne faisant pas intervenir la finance internationale. Elles visent à blanchir des
sommes relativement peu importantes et ne nécessitent que peu de personnes, parfois une

38.
ONUDC Programme mondial contre le blanchiment de l’argent, Le blanchiment d’argent et le financement du
terrorisme : La réponse des Nations Unies, Extraits des principaux instruments juridiques et résolutions contre le
blanchiment d’argent et le financement du terrorisme adoptés sous les auspices de l’Organisation des Nations
Unies, p. 3.

Amandine Scherrer : « La circulation des normes dans le domaine du blanchiment d’argent : le rôle du G7/8
39.

dans la création d’un régime global », p. 130-148.

29
seule40. Les techniques artisanales sont nombreuses et les plus couramment utilisées sont les
suivantes :

a. Le Schtroumpfage, smurfing ou les dépôts fractionnés

Le schtroumpfage est la technique la plus couramment utilisée pour introduire de


l'argent sale dans le système financier. Il consiste à fractionner les montants importants à
blanchir en de nombreuses sommes inférieures au seuil critique de déclaration ou au seuil de
détection des logiciels anti-blanchiment utilisés par certaines banques, puis à les faire déposer
sur des comptes bancaires différents par une multitude de personnes complices appelées
« schtroumpfs » ou « courriers », qui touchent une commission des criminels 41. Le secret de la
réussite de cette technique réside dans le choix de grandes agences brassant des sommes
importantes, la multiplication des complices, des comptes, des agences bancaires, avant de
rassembler peu à peu les dépôts par virements successifs.

b. L’achat d’or et de pierres précieuses (valeurs refuges)

Les criminels utilisent souvent l’argent illicite pour acheter de l’or, sous la forme de
lingots ou de bijoux, ou des pierres précieuses, à des fins de blanchiment 42. Ce, d’autant plus
que l’or est un moyen d’échange universellement accepté, dont la forme peut être modifiée,
dont le prix est fixé quotidiennement et permettant l’anonymat 43de son détenteur et que les
pierres précieuses sont des biens de très grande valeur, communément connus et appréciés.

c. L’achat de biens au comptant

Les blanchisseurs achètent, avec leurs espèces illicites, des biens de grande valeur tels
que des biens immobiliers, des voitures ou des bijoux de luxe, des bateaux ou des
équipements électroniques. Ils les utiliseront, mais peuvent s’en distancier théoriquement en
les enregistrant ou en les achetant au nom d’une tierce personne.

40.
Éric VERNIER : Techniques de Blanchiment et Moyens de lutte, 4e édition, Dunod, Paris, 2017. p. 76.

FIGARO immobilier : « Immobilier : savez-vous ce qu’est le Schtroumpfage ? », Dans Acheter, J'emménage,
41.

mercredi 20 décembre 2017.

42.
Éric VERNIER : Techniques de Blanchiment et Moyens de lutte, 4e édition, Dunod, Paris, 2017, p. 76.,

43.
Brahim LAHRAOUA : Étude sur les aspects criminologiques du blanchiment argent, 2016, p. 15.

30
d. Les passeurs d’argent physique

Cette technique consiste à utiliser les services de passeurs professionnels pour


transporter des espèces illicites d’un pays à un autre, sans attirer l’attention des agents des
douanes. L’argent liquide est généralement transporté dans des valises, vers des
intermédiaires financiers complaisants qui les réceptionnent pour alimenter des dépôts sur des
comptes bancaires. L'objectif est d'expatrier des profits générés par les activités criminelles
pour les rapatrier ou les injecter dans le système financier international, en profitant des
législations et réglementations souples ou laxistes de certains pays.

e. Le raffinage

Cette technique consiste à échanger des petites coupures contre des grosses dans le but d’en
diminuer le volume. Pour ce faire, le blanchisseur échange des sommes d’argent d’une banque
à l’autre afin d'éviter d’éveiller les soupçons.

f. La rédaction de fausses factures

Cette technique qui suppose l'existence de deux sociétés pouvant prétendre à des
rapports commerciaux permet aux blanchisseurs de transformer de l’argent liquide illégal en
monnaie scripturale légale, en justifiant leurs revenus44. Pour ce faire, un blanchisseur,
propriétaire d’une société A, adresse une fausse facture relative à une prestation fictive à une
société B qui a un besoin immédiat de liquidités ou qui souhaite gonfler ses charges. La
société B remet des chèques ou des effets de commerce à la société A, en règlement de la
fausse facture, puis se fait rembourser ses chèques ou effets de commerce par la société A,
accompagnés d’une commission, au moyen d’espèces illicites. Elle a ainsi alourdi fictivement
ses charges réelles. La société A, quant à elle, encaisse les chèques ou effets qui lui permettent
de justifier des entrées d’argent légal.

g. L’amalgamation ou injection d’argent sale dans le chiffre d’affaires d’entreprises


honnêtes

Cette opération consiste à mélanger des revenus illégaux au chiffre d’affaires d'une
activité légale. Les criminels investissent dans des entreprises qui génèrent beaucoup de
recettes en espèces afin d’incorporer des fonds de la criminalité à ceux des activités
commerciales légales menées par ces entreprises. Ce peut être des fast-foods, des
44.
Éric VERNIER : Techniques de Blanchiment et Moyens de lutte, p. 95, 4e édition, Dunod, Paris, 2017.

31
hypermarchés, des bijouteries, des parfumeries, des maroquineries, des casinos, des hôtels,
des restaurants ou d’autres activités légales. Ces entreprises peuvent aussi appartenir à leurs
complices. Cette technique est pratique lorsque les clients sont nombreux et que la plupart
payent en espèces. Cependant, elle ne peut être que d’application limitée tant il serait
suspicieux de déclarer des chiffres d’affaires excessifs par rapport à la nature des activités.

h. L’altération des valeurs en « dessous de table »

Il s’agit, pour un blanchisseur, d’acheter avec de l’argent sale un bien de valeur


appartenant à personne disposée à déclarer officiellement un prix de vente inférieur à la valeur
réelle et à se faire officieusement payer la différence en argent comptant sale.

i. L’auto-prêt ou « loan-back »

Cette technique consiste à dissimuler l’origine de fonds par un prêt simulé où le


prêteur et l’emprunteur ne font qu’un45. Par exemple, le blanchisseur remet secrètement une
somme d’argent sale à un complice, qui la lui retourne sous la forme d’un prêt simulé, avec
des documents de prêt à l’appui, pour créer l’illusion que l’argent du criminel est légitime. Le
calendrier de remboursement de l’emprunt par le criminel ajoute à l’apparence de légitimité
de cette combine et procure encore un autre moyen de transférer des fonds. Cette technique
peut s’appliquer également au moyen d’un montage juridique avec une société civile
immobilière, une société-écran ou un fiduciaire appartenant au blanchisseur.

j. La cession conventionnelle du prêt

Cette technique autorise la cession d’un prêt par le débiteur à une tierce personne avec
l'autorisation du créancier. Elle permet par ce moyen de transférer l'argent blanchi du paradis
fiscal à la banque du criminel sans que celui-ci ait à rembourser la totalité du prêt. La
crédibilité de l'opération repose sur la nature des relations contractuelles qu'entretiennent le
débiteur principal et la partie tierce à la convention de prêt. La cession de prêt doit, si
possible, apparaître comme une forme de compensation46. La fausse vente aux enchères.
Pour mettre en œuvre cette technique, de prime abord, le blanchisseur corrompt un
commissaire-priseur afin que celui-ci vende aux enchères un objet dont l’origine et la valeur
sont respectivement difficilement identifiables et appréciables, puis renchérit et remporte
45.
FIGARO immobilier : « Immobilier : savez-vous ce qu’est le Schtroumpfage ? », Dans Acheter, J'emménage,
mercredi 20 décembre 2017.
46.
Éric VERNIER : Techniques de Blanchiment et Moyens de lutte, 4e édition, Dunod, Paris, 2017, p. 102.

32
l’objet qu’il récupère auprès du commissaire-priseur, avant de le lui retourner discrètement
moyennant une commission d’argent sale. Le blanchisseur pourra justifier que l’argent sale
qu’il possède lui vient de la vente d’un objet légalement acquis. Une variante est que l’objet à
vendre aux enchères appartienne au blanchisseur et que ce dernier fasse intervenir un
complice à qui il remet des espèces à blanchir. Le complice remporte la vente aux enchères.
Le blanchisseur reçoit en paiement les espèces blanchies des mains du commissaire-priseur.
Le complice restitue l’objet au blanchisseur et reçoit de lui une commission.

k. L’endossement

Cette technique permet de blanchir de l’argent en encaissant des chèques légaux et en


les dissimulant à l’administration fiscale47. Une possibilité est d’utiliser de l’argent sale pour
acheter des chèques émis dans un pays, mais libellés dans la devise d’un pays étranger par des
touristes, en paiement des dépenses qu’ils ont effectuées. Ces chèques sont ensuite transférés,
par le biais d’une banque correspondante, sur le compte bancaire du blanchisseur ouvert dans
une banque du pays étranger. Ce procédé permet non seulement de blanchir des sommes en
modifiant les bénéficiaires des chèques, de soustraire les produits d’une activité licite de la
fiscalité du pays où l’activité se pratique, mais aussi d’éviter aux touristes de supporter les
frais de change pour régler leurs dépenses dans le pays où ils séjournent. Les chèques peuvent
également provenir de la comptabilité de magasins appartenant au blanchisseur, avant d’être
acheminés à l’étranger par un complice.

l. Le prêt adossé

Cette technique consiste, pour un criminel, à obtenir, d’une banque sérieuse d’un pays
où il réside, un prêt d’une somme importante, entièrement garanti par des fonds illicites
déposés dans une banque offshore. Le blanchisseur se déclarant inapte à rembourser le prêt, il
sera remboursé par la banque du paradis fiscal, avec l’argent sale qui y est déposé. Cet argent
sera ainsi blanchi.

m. Les bureaux de change et les mandats

Les blanchisseurs utilisent les bureaux de change pour convertir l’argent liquide
illicite, généralement de petites coupures, en devises de grosses coupures, mandats ou
chèques de voyage, pour les emporter à l’extérieur, vers des destinations moins regardantes

47.
Idem.

33
sur l’origine de l’argent. Ces fonds peuvent également être télégraphiés à des comptes ouverts
dans des banques étrangères, par l’entremise de ces bureaux de change. Les bureaux de
change peuvent également être impliqués en falsifiant les documents de transferts monétaires
internationaux, brouillant la destination réelle des fonds. Enfin, ils peuvent jouer le rôle
d'interface entre fournisseurs et demandeurs de devises, permettant aux criminels d'écouler
leur argent illicite liquide et de masquer l'opération sous couvert d'une opération commerciale
légitime. Les mandats-poste connus sous le nom de « mandat cash » et chèques de voyage
consistent à échanger des sommes en espèces illicites contre des mandats-poste, lesquels sont
encaissés à l’étranger aux fins de dépôt bancaire.

n. Les entreprises de remise de fonds ou systèmes financiers parallèles de remise de


fonds

Ces entreprises permettent aussi bien d’envoyer que de recevoir des fonds au niveau
local et à l’étranger, moyennant une commission souvent inférieure à celle retenue par les
banques. Selon le rapport du GAFI de 1997, l'entreprise reçoit des espèces qu'elle transfère
par l'intermédiaire du système bancaire vers un autre compte détenu par une société liée dans
une juridiction étrangère où les fonds sont mis à la disposition du bénéficiaire en dernier
ressort. Les blanchisseurs les utilisent pour placer, empiler et recycler leurs produits illicites.

D’autres transactions, informelles et plus anciennes, connues sous diverses


appellations « hawala », « hundi », etc, sont souvent le fait de groupes ethniques d'Afrique ou
d'Asie qui réalisent des transferts de valeur entre pays en évitant le système bancaire. Les
blanchisseurs ont toute la latitude de les utiliser. Elles consistent à remettre l’argent sale à un
hawaladar, opérateur de transfert informel de fonds, qui se trouve dans le même pays que le
blanchisseur et qui transmet, contre une commission moins élevée que celle d’une banque, un
code d’identification à un autre hawaladar qui se trouve dans un autre pays. Muni du code, un
complice du blanchisseur dans cet autre pays peut alors récupérer dans la devise du pays de
réception l’équivalent de la somme d’argent déposée par le blanchisseur. L’argent sale est
ainsi blanchi. Ces systèmes agissent comme des chambres de compensation entre les
demandeurs d'argent et ceux qui viennent apporter des liquidités à transférer. Cette méthode
artisanale reposait par le passé sur des passeurs d’argent. L’avènement des nouvelles
technologies de la communication a permis de s’appuyer désormais sur des correspondants
installés à l’étranger.

34
ᴏ. Les fourmis japonaises

Les fourmis japonaises sont généralement des Japonais à qui un trafiquant distribue de
l’argent sale dont la valeur est inférieure au seuil de déclaration français, et qui se rendent à
Paris, en faux touristes, pour acheter des articles de luxe dans des boutiques, puis rentrent
dans leur pays pour remettre ces articles au trafiquant contre une commission. Ce dernier, qui
revend ces articles dans son pays, dans sa propre boutique de luxe, a pu par les trois étapes du
placement, de l’empilage et de l'intégration des revenus de la vente, blanchir son argent sale48.

p. Le faux procès

Deux cas de figure peuvent se présenter : Dans le premier cas, le trafiquant détient
deux sociétés : une société A située dans un pays juridiquement laxiste, un paradis fiscal par
exemple, où de l’argent sale est déposé sur un compte, et une société B située dans un pays
plus contraignant. La société B fournit une prestation fictive à la société A qui refuse
expressément de régler la facture. La société B saisit la justice et la société A se voit
condamnée à régler la somme. Sans le savoir, la justice a permis le blanchiment par le
transfert régulier des fonds entre les deux sociétés.

Dans le deuxième cas, les deux sociétés sont complices, mais une seule appartient au
trafiquant. La société du trafiquant, qui souhaite récupérer des fonds illicites déposés sur le
compte de la société complice installée dans un paradis fiscal, lui intente un procès pour faute
contractuelle portant, par exemple, sur le non-règlement de marchandises livrées. La société
complice la laisse gagner le procès ou bien les deux sociétés décident d’un règlement à
l’amiable. Le montant de la facture aura été préalablement surévalué du montant à blanchir.
Elles peuvent également recourir à un arbitrage contenu dans les clauses du contrat, procédure
consensuelle utilisant les services d’arbitres choisis par les parties. La collusion entre les
sociétés entraîne la condamnation de la société complice à payer sa dette contenant la
surfacturation et augmentée des intérêts de retard. Cette condamnation rend le rapatriement
des fonds « légal ».

q. Les faux gains aux jeux

Cette technique peut prendre des formes différentes dont les plus courantes sont les
suivantes : D’une part, le blanchisseur se rend dans un casino où il achète des plaques de jeux

48.
Brahim LAHRAOUA : Étude sur les aspects criminologiques du blanchiment argent, 2016, p. 2.

35
avec de l’argent sale, puis passe de table en table avec elles pour simuler sa volonté de jouer,
avant d’aller les encaisser en espèces ou sous forme de chèque, sans avoir joué. Le chèque ou
le bordereau de versement du casino permet de justifier la provenance légale des espèces
détenues par le blanchisseur. D’autre part blanchisseur achète un ticket gagnant de loterie à
un montant supérieur au gain correspondant et le remet à l’organisateur complice pour
recevoir son prix. Ce ticket justifie de ce fait le caractère légal de l’argent reçu. Enfin, le
blanchisseur remet préalablement de l’argent sale en espèces à un complice qui organise un
jeu-concours. Ce dernier reçoit un message téléphonique du blanchisseur qui participe à ce jeu
et remporte le gros lot, de l’argent « propre ». Le complice déduit sa commission de l’argent
qui lui a été remis, acquitte les frais de diffusion dans la presse, et/ou à la télé, puis retourne le
reliquat au blanchisseur. Le jeu-concours a de ce fait permis de blanchir l’argent sale. En
effet, beaucoup de loteries sont gérées par des sociétés privées qui ont loisir de choisir le
gagnant ou encore d'organiser un tirage confidentiel, c'est-à-dire avec un seul participant.

r. Le remboursement de prêt avec de l’argent sale

Un blanchisseur peut obtenir un prêt bancaire destiné à acheter un bien immobilier.


Les remboursements du prêt se feront avec de l’argent sale qui sera de ce fait blanchi.

s. Le dépôt d’argent dans des paradis fiscaux

Les paradis fiscaux sont des pays ou des territoires jouissants d’une souveraineté
nationale, qui présentent un régime fiscal exemptant d'impôts les personnes physiques ou ne
taxant que les opérations réalisées sur le territoire national et qui garantissent aux clients de
leurs banques le respect absolu du secret professionnel, couvrant les opérations bancaires à
l'égard des autorités nationales et surtout face aux enquêtes des pays étrangers. Ces paradis
fiscaux fixent le taux de réserves obligatoires à un niveau extrêmement faible, voire nul, et
exemptent de retenues à la source les intérêts et dividendes versés aux actionnaires des
sociétés étrangères. Les blanchisseurs les utilisent pour placer en toute impunité d’importants
flux financiers sales.

t. La complicité bancaire

Les blanchisseurs peuvent entrer en collision avec un employé de banque ou le


corrompre pour que celui-ci facilite le processus de blanchiment d’argent. La corruption de

36
certains banquiers occupant des postes susceptibles de favoriser le blanchiment de l'argent
sale a toujours constitué une menace pour l'honorabilité et la notoriété des institutions
bancaires, quelle que soit la rigueur ou la minutie de leurs procédures de recrutement.
Toutefois, les criminels ont de plus en plus de difficulté à utiliser cette méthode en raison des
principes directeurs, des pratiques et des procédés de formation préconisés par les associations
de banquiers, ainsi que par la législation et la réglementation bancaire qui en découlent.

u. L’assurance-vie

Pour placer l’argent illégal dans un circuit légal, les blanchisseurs ont la possibilité de
souscrire des contrats d'assurance-vie avec des primes très élevées et les faire annuler plus
tard pour ne toucher que la moitié. Après avoir supporté une pénalité dérisoire, ils peuvent
recevoir leur chèque correspondant à l’argent blanchi. Comme précisé précédemment, en
dehors des techniques artisanales de blanchiment d’argent, existent des techniques plus
évoluées : ce sont les techniques financières de blanchiment d’argent. Elles sont suscitées par
la libéralisation économique mondiale, l'émergence de nouveaux marchés et produits
financiers, l’importance sans cesse croissante des flux financiers, l’évolution technologique et
les obstacles que constituent les mesures prises en matière de LBC. En effet, l’imagination
des criminels, constamment fertile, s’adapte, se surpasse et contre-attaque, s’aidant d’outils
innovants générés par les NTIC et/ou d'expertises juridiques, fiscales et bancaires.

2. Les techniques nouvelles de blanchiment depuis 2001

À partir de 2001, et en liaison avec les évolutions des législations et des structures de
lutte, une réaction évolutive des blanchisseurs a été constatée. Les techniques financières de
blanchiment sont des techniques élaborées, voire sophistiquées, qui utilisent des structurations
bancaires, juridiques ou financières complexes (réseau de sociétés et/ou de banques), des
spécialistes de la finance internationale, de la comptabilité et du droit, les outils de la finance
internationale (marchés et produits financiers, nouveaux moyens de paiement, etc.) et/ou les
NTIC. Originellement légaux, ces éléments sont détournés de leurs objectifs initiaux pour
être utilisés pour blanchir, régulièrement et dans un bref délai, d’importantes sommes
d’argent. Les techniques financières de blanchiment les plus usitées sont :

37
a- Les marchés financiers

Les marchés financiers offrent une grande variété de produits et d’opérations de


spéculation sur produits et sous-produits, favorables au blanchiment d’argent. Grâce aux
transactions réalisées sur les valeurs mobilières et les produits boursiers dérivés (options sur
des taux de change, sur des taux d’intérêt ou sur des marchandises), les marchés financiers
sont utilisés pour recycler des fonds sales. Leur caractère international, le nombre et la
rapidité des transactions qui y sont réalisées et la faiblesse du contrôle de la provenance des
fonds, en font un secteur attrayant pour les blanchisseurs. Ces derniers effectuent un grand
nombre d'opérations d'achat ou de vente de valeurs mobilières, au moyen d’argent sale, afin
de réduire les possibilités de traçabilité des fonds.
Parfois, le gérant d’un portefeuille, complice du blanchisseur, effectue des
manipulations en transférant théoriquement des achats et des ventes de valeurs mobilières du
compte du blanchisseur à celui d’un autre complice, à l’effet de simuler des gains d’un côté et
des pertes équivalentes, de l’autre, ce dans le but de transférer fictivement l’argent sale du
compte du blanchisseur vers le compte du complice et de brouiller ainsi les pistes sur l’origine
de cet argent. À titre d’exemple, pour transférer l’argent sale d’une personne X vers le compte
d’une personne Y, le gérant du portefeuille achète 10 actions B à 200 unités monétaires et les
revend directement après au même prix, puis achète 10 actions B dont le prix a baissé à 195
unités pour les revendre juste après au même prix, n’entraînant ni perte ni gain. Après
quelques manipulations, il attribue l’achat des 10 actions à 195 unités et la vente des 10
actions à 200 unités à la personne X qui récupérera les 50 unités, puis il attribuera l’achat des
10 actions à 200 unités et la vente des 10 actions à 195 unités à la personne Y qui enregistrera
une perte de 50 unités. Cette perte étant fictive, car la personne Y n’a pas engagé de capitaux.
Ce jeu donnera l’illusion que la personne X a gagné légalement de l’argent. Le volume des
transactions étant immense ce genre d’opérations passe inaperçu.

b- Les transferts télégraphiques interbancaires

Les virements télégraphiques interbancaires restent un instrument de premier plan, à


tous les niveaux du processus de blanchiment, grâce à la célérité avec laquelle les transferts
sont effectués, rendant ainsi ardue toute tentative de détection du produit d'activités illicites

38
par les autorités, notamment entre plusieurs juridictions. Il s’agit de transférer l’argent de
comptes en comptes, entre des banques de plus en plus renommées. Chaque banque se couvre
par la respectabilité de plus en plus forte de la banque précédente. À titre d’exemple, à travers
un compte sur un paradis fiscal, l’argent est viré sur un compte d’une petite banque anglaise
peu regardante, puis sur un compte à Monaco, puis en Autriche, puis en France. Il sera
difficile, voire impossible pour un enquêteur de faire le lien entre le dépositaire final du
compte et l’origine des fonds, puisque ces sommes transitent par des paradis fiscaux49.

c- Les paiements en ligne

Cette technique permet de transférer, par l’intermédiaire du site web d’une banque
complaisante, des sommes illégales sur son compte bancaire préalablement ouvert auprès de
cette banque. Si l’établissement financier en ligne est établi dans une zone réputée pour son
secret bancaire et n’exige que peu, voire aucune preuve d’identité pour l’ouverture d’un
compte, le blanchisseur peut transférer des fonds de son ordinateur, n’importe où dans le
monde et cela dans l’anonymat le plus complet50.

d- Les services prépayés et les cartes de crédit

Cette technique consiste à utiliser de l’argent sale pour acheter, de façon anonyme, des
cartes cadeaux ou des cartes prépayées rechargeables non reliées à un compte bancaire. Ces
cartes prépayées rechargeables sont disponibles sur internet, dans des distributeurs
automatiques ou dans des bureaux et ne sont pas toujours plafonnées. Le contrôle d'identité
lors de leur attribution étant souvent approximatif, voire inexistant, il est alors facile d'y faire
transiter de l'argent sale. Lorsque la réglementation oblige les fournisseurs à exiger une pièce
d'identité en cas de dépassement d’un plafond, les blanchisseurs veillent tout simplement à ne
pas l’atteindre, mais à multiplier l’opération. Les malfaiteurs paient en trop le solde de leurs
cartes de crédit et conservent un solde créditeur élevé pouvant être utilisé de nombreuses
façons telles que l’achat de biens de valeur ou la conversion du solde créditeur en chèque
bancaire.

49.
Brahim LAHRAOUA : Étude sur les aspects criminologiques du blanchiment argent, 2016, p.4.

50.
Éric VERNIER : Techniques de Blanchiment et Moyens de lutte, p. 114, 4e édition, Dunod, Paris, 2017.

39
e. L’utilisation des crypto-actifs

Le crypto-actif est un ensemble de monnaies électroniques dont les cours, régulés par
aucune organisation, s’autorégulent automatiquement en fonction de l’offre et de la demande.
Les transferts sont instantanés, internationaux, anonymes et sans aucuns frais bancaires 51. Ils
se font au moyen d’ordinateurs sur lesquels sont installées des applications dédiées. Le
blanchiment de capitaux au moyen de crypto-actifs se matérialise par la succession
d'opérations de conversion crypto-actifs contre monnaie ayant cours légal, et inversement,
ainsi que d'opérations de conversion intra crypto-actifs dont le but est d’opacifier l’origine
illicite des fonds et d’en empêcher toute traçabilité. En outre, les blanchisseurs peuvent faire
le choix de ne pas convertir leurs crypto-actifs illicites en espèces, mais plutôt de les échanger
contre des cartes cadeaux leur permettant ensuite d'effectuer des achats en ligne, ou de les
investir en jetons numériques émis dans le cadre d'offres au public de jetons (Initial Coin
Offering) qui ne sont rien d'autre que des opérations de levée de fonds réalisée sur une
blockchain.

f. Le Crowfunding

Le Crowfunding est un financement participatif légal effectué de manière


électronique, qui permet de placer de façon anonyme de l’argent dans des projets
d’entreprises artistiques ou solidaires par le biais de plateformes en ligne. Le blanchisseur
l’utilise, du fait de l’anonymat que ce procédé consacre, pour échanger dans le monde entier
des sommes d’argent sale relativement importantes qui échappent au contrôle des autorités.

g. La compensation

Une méthode consiste à blanchir de l'argent tout en permettant à des personnes ayant
des avoirs à l'étranger de les retirer en espèces où elles résident. L'argent à blanchir leur est
apporté physiquement contre un virement à partir de leur compte à l'étranger. En cas de
contrôle, le virement à l'étranger fait l'objet d'une facturation fictive afin de le justifier.
Une variante de cette technique consiste à utiliser une société de gestion de fortune
pour mettre en place un système dit de compensation. Les clients de la société de gestion, qui
ont besoin d'espèces, se font remettre discrètement de l'argent en liquide dans le pays X où ils
se trouvent. Leurs comptes dans les banques de leur pays d’origine Y sont débités et les
sommes sont transférées sur des comptes de ressortissants d’un Z. L'argent liquide que
51
Éric VERNIER : Techniques de Blanchiment et Moyens de lutte, p. 116, 4e édition, Dunod, Paris, 2017.

40
touchent les clients de la société de gestion est issu de la vente à grande échelle dans le pays X
de produits illicites importés du pays Z. Ce mécanisme de compensation par l'intermédiaire de
la société de gestion a l'avantage de dissimuler tout lien entre le trafic de produits illicites dans
le pays X et le blanchiment de son produit dans le pays Y52.

h. Le contrôle de banques et/ou de sociétés

Cette technique consiste à créer et à contrôler un réseau complexe de holdings, de


banques et de filiales pour y introduire ses propres capitaux sales à tous les niveaux de la
cascade ainsi construite53. De plus en plus, les blanchisseurs cherchent à détenir un pouvoir de
décision dans des banques qui seraient dévouées à leurs activités de blanchiment. Ils
contrôlent ces établissements financiers soit en les créant, soit en les infiltrant grâce à des
prises de participation significatives dans leur capital social et la corruption. Cette idée est
motivée par l’attrait que leur procure l’obligation de secret professionnel à laquelle sont
astreintes les banques à l’égard de leur clientèle. Ces banques peuvent détenir un important
réseau d’agences implantées dans plusieurs pays et exploiter la dispersion géographique de
leur siège, de leur direction et de leur trésorerie pour n’être finalement soumises à aucun
contrôle d’une banque centrale54.

i. Les « gate keepers » ou l’ingénierie juridique et comptable

Les professions juridiques et comptables sont exposées au risque de blanchiment


d’argent sale. Le milieu de la criminalité économique s’intéresse aux services de tels
professionnels qui, par leur savoir-faire et leur respectabilité, peuvent donner à leur insu ou en
toute connaissance de cause une apparence de légitimité à des opérations de blanchiment 55.
Les notaires sont très souvent utilisés par les blanchisseurs comme intermédiaires pour ouvrir
des comptes, créer des sociétés fictives ou réelles et opérer des transactions illégales sur des
comptes. À la lumière de toutes les techniques de blanchiment d’argent décrites, bien que de
manière non exhaustive, force est de reconnaître que le blanchiment d’argent bénéficie d’un
ancrage solide dans l’économie mondiale. Les blanchisseurs utilisent tous les moyens.
52
Yves BORDENAVE : Sept notables, trois frères et l’argent de la drogue in www.lemonde.fr, 25/10/12. URL :
http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/10/25/reseau-de-blanchiment-ces-notables-quifuyaient-le-
fisc_1780995_3224.html

53
Éric VERNIER : Techniques de Blanchiment et Moyens de lutte, p. 123, 4e édition, Dunod, Paris, 2017.

54
Hocine BÉNISSAD : Blanchiment de capitaux, Aspects économiques et juridiques, p.8-9, Economica, 2014.

Hocine BÉNISSAD : Blanchiment de capitaux, Aspects économiques et juridiques, p. 32-33, Economica,


55.

2014.

41
La variété et l’importance des secteurs dans lesquels les blanchisseurs opèrent
permettent d’imaginer l’ampleur de l’impact négatif que peut avoir le blanchiment d’argent
sur l’économie, à l’échelle d’un pays, d’un continent ou du monde. En effet, l’interconnexion
des économies des États, facilitée par la réduction, voire la disparition pour certains, des
barrières protectionnistes et suscitées par une forte volonté d’aboutir au libre-échange,
constitue à n’en point douter un des catalyseurs majeurs des dérives liées au blanchiment
d’argent.

B- Les Conséquences du blanchiment

Le blanchiment d’argent a de nombreuses conséquences à savoir, un impact


socioéconomique et financier important et néfaste ; un impact Politique et sécuritaire, un
impact Diplomatique

1. L’impact socio-économique et financier

Dans un premier temps, il est bien indiqué de rappeler quels sont les avantages du
blanchiment sur l’économie. L’argent blanchi va notamment dynamiser certains secteurs
d’activité comme l’immobilier. Certains pays vivent ou survivent grâce à l’économie
parallèle, la drogue devenant parfois une sorte de revenu social. Certaines entreprises sud-
américaines reçoivent les fonds blanchis des cartels colombiens et développent une économie
domestique.
C’est le cas par exemple pour Nassau, capitale des Bahamas, qui présente un système
éducatif des plus développé, au même niveau que la plupart des pays industrialisés ; cette
situation ne pourrait être possible sans le coup de pouce du dispositif fiscal et bancaire du
pays très « ouvert ». À Niue, une île minuscule de 1800 habitants située à 2 500 milles de la
Nouvelle-Zélande, le blanchiment permet la survie des autochtones. Quelque 300 banques
russes y sont enregistrées. De nouvelles zones de production de cocaïers, de pavot et de
cannabis sont apparues en Colombie et en Géorgie. Les techniques utilisant les institutions
financières rapportent à ces dernières les mêmes profits que les opérations sur l’argent propre.
Ces sommes blanchies représentent des montants colossaux, comparables aux prêts octroyés
aux pays en développement. Le blanchiment d’argent a un impact socioéconomique et
financier important et néfaste. Il entraine des effets délétères sur l’économie et aussi sur le
bien-être social d’un pays. Le risque provient essentiellement de la déstabilisation potentielle

42
de certains secteurs privés légaux d’une économie par leur pénétration avec des fonds
d’origine illicite.
Le blanchiment de l’argent casse le mécanisme du marché, selon lequel le prix d’un
bien est déterminé par la confrontation de l’offre et de la demande. La connaissance des flux
générés par l’argent blanchi au plan mondial et de leurs incidences sur l’économie, le système
financier national et l’État en général, permet d’avoir une nette idée de ce que représente
réellement ce fléau.
Le GAFI affirme que « Par sa nature même, le blanchiment de capitaux est en dehors
du champ normal couvert par les statistiques économiques. Néanmoins, comme pour d’autres
aspects de l’activité économique souterraine, on a pu avancer des estimations grossières afin
de donner une idée de l’ampleur du problème56». Certaines estimations obtenues sur
différentes périodes et portant sur l’ensemble des sommes générées s’établissent comme suit :
Selon l’ONUDC, le blanchiment d’argent est estimé à 1 600 milliards dans le monde
en 2009, soit 2,7 % du PIB mondial. Ce chiffre est en ligne avec la fourchette de 2 à 5 % du
PIB mondial établie préalablement par le FMI afin d'estimer l'ampleur du blanchiment
d'argent57 ; Sylvie MATELLY et Carole Gomez ayant par ailleurs trouvé des estimations
pouvant aller jusqu’à 2000 milliards de dollars (environ 8% du PIB mondial) entre autres58.
Pour le GAFI, en 1996, d’après le FMI, le volume agrégé du blanchiment de capitaux
dans le monde se situerait dans une fourchette de 2 à 5% du PIB mondial. Si l’on se réfère aux
statistiques pour l’année 1996, ces pourcentages permettraient de penser que le blanchiment
de capitaux a représenté 590 à 1 500 milliards de dollars américains. Le premier de ces
chiffres correspond à peu près à la valeur de la production totale d’une économie de la taille
de l’Espagne59. Selon le rapport 2020 sur les flux financiers illicites et le développement
durable en Afrique, l’ONUDC estime le montant annuel du blanchiment d’argent dans le
monde entre 800 et 2000 milliards de dollars 60, tandis que SCHNEIDER et BUEHN

https://www.unodc.org/unodc/fr/press/releases/2011/October/unodc-estimates-that-criminals-may-have-
56.

laundered-usdollar-1.6-trillion-in-2009.html

https://www.unodc.org/unodc/fr/press/releases/2011/October/unodc-estimates-that-criminals-may-have-
57.

laundered-usdollar-1.6-trillion-in-2009.html.

58.
https://eulogos.blogactiv.eu/2018/10/03/le-blanchiment-dargent-au-sein-de-lunion-europeenne/.

59.
https://www.fatf-gafi.org/fr/foireauxquestionsfaq/blanchimentdecapitaux/#d.fr.11223

CNUCED, Nations Unies, Les flux financiers illicites et le développement durable en Afrique, Rapport 2020
60.

sur le développement économique en Afrique, p. 44.

43
l’estiment entre 603 et 2006 milliards de dollars par an en 2013 61. Éric VERNIER, dans un
ouvrage publié en 2014, affirme que « L’argent sale représente environ 7 000 milliards de
dollars chaque année, soit environ 10% du PIB mondial 62 ». Rhoda WEEKS-BROWN,
conseillère juridique et directrice du département juridique du FMI affirme en 2018 que
«  d’après des estimations récentes de l’Organisation des Nations Unies, les produits
d’activités criminelles blanchis chaque année représentent entre 2 % et 5 % du PIB mondial,
soit 1 600 à 4 000 milliards de dollars par an »63. Ces sommes, bien que disparates, sont
considérables et indiquent la prégnance du phénomène du blanchiment d’argent dans le
monde. À côté de ces estimations globales existent des estimations spécifiques à certaines
activités illicites. À l’échelle d’un État, qu’il s’agisse de ressources illicites provenant des
deniers publics incontrôlés, elles constituent un frein au développement économique du pays.
De prime abord, les ressources publiques spoliées pour ensuite être blanchies,
lorsqu’elles sont très importantes, constituent une véritable perte pour les pays qui ont sont
victimes. Ce, d’autant plus que ces États sont ainsi privés de moyens financiers qui auraient
pu être affectés à des investissements de développement au bénéfice des populations, en
l’occurrence des infrastructures routières, sanitaires, sécuritaires ou économiques. La
disparition de ces ressources peut mettre à mal la croissance économique des pays. De ce fait,
lutter rigoureusement contre leur blanchiment peut mettre fin à ce phénomène de spoliation.
Ensuite, le blanchiment d’argent peut induire une baisse des recettes fiscales et douanières des
États et avoir un impact négatif sur leur situation budgétaire.
Le blanchiment d’argent peut être à l’origine d’une augmentation des dépenses
publiques aux motifs que, d’une part, les importants fonds blanchis spoliés à l’État doivent
être reconstitués pour assurer les besoins du pays, d’autre part, des moyens substantiels
doivent être engagés par le pays dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux
(LBC). Par ailleurs, une forte expansion de ce fléau dans un pays du fait du laxisme ou de
l’impuissance des autorités crée le risque de gangrener la société en général. Ainsi, comme
l’affirme le GAFI, « L’influence économique et politique des organisations criminelles peut
affaiblir le tissu social, miner les normes collectives en matière déontologique et, en dernière
analyse, porter atteinte aux institutions démocratiques de la société. Dans des pays en
transition vers des régimes démocratiques, cette influence criminelle peut nuire à la
61.
Idem.
.
62.
Éric VERNIER : Techniques de Blanchiment et Moyens de lutte, p.50, 4e édition, Dunod, Paris, 2017.

63.
Rhoda WEEKS-BROWN : « Halte au blanchiment, Les pays redoublent d’efforts contre l’argent sale »,
Finances & Développement, Décembre 2018, p. 44-45.

44
transition64  ». L’effet corrosif du blanchiment d’argent sur la société est par conséquent
notable.

2. L’impact politique et sécuritaire


Le blanchiment d’argent, s’il n’est pas maîtrisé, peut avoir de graves coûts sociaux et
politiques pour un pays. Comme l’affirme Jean-Guy DEGOS, « Ce processus illicite
transfère aux malfaiteurs le pouvoir économique du marché, de l’État et de la population.
Dans les cas extrêmes, le blanchiment peut même entraîner le renversement du pouvoir
légitime65 ».
Au plan politique, le blanchiment d’argent permet aux détenteurs de capitaux d’origine
illicite d’infiltrer les systèmes démocratiques, grâce à la corruption, afin d’obtenir une
protection pour leurs activités délictueuses. Il constitue donc une menace pour l’ordre public
et les valeurs républicaines66. Le blanchiment d’argent constitue une menace pour la stabilité
des gouvernements et de leur régime. Le système financier mondial est de plus en plus
interconnecté. Les capitaux peuvent circuler entre une douzaine de pays en l’espace de
quelques minutes. La mondialisation de la finance comporte des risques, mais présente aussi
des avantages évidents tels qu’une meilleure répartition des ressources, un accès plus facile
aux capitaux, une diversification accrue des risques et une progression globale du bien-être
collectif.
Les blanchisseurs de capitaux exploitent la complexité et l’interconnexion du système
financier mondial et se servent aussi du fait que les législations et les systèmes anti-
blanchiment diffèrent d’un pays à l’autre. Ils sont tout particulièrement attirés par ceux où les
contrôles sont insuffisants ou inefficaces et où ils peuvent transférer leurs fonds ou créer des
sociétés plus facilement sans être repérés. Ils ont souvent plusieurs coups d’avance sur les
autorités chargées de faire respecter la règlementation et les lois, autorités qui ont parfois du
mal à mettre en place rapidement une coopération internationale. Ainsi, cela leur permet de
rendre fébriles certains États en infiltrant le sommet de l’État.

64.
https://www.fatf-gafi.org/fr/foireauxquestionsfaq/blanchimentdecapitaux/d.fr.11223.

65.
Jean-Guy DEGOS, « Le blanchiment de l’argent sale et de l’argent noir : un risque à cerner et à anticiper
par les entreprises de toutes tailles », par ERCCI IAE Montesquieu – Bordeaux IV, Pôle universitaire des
sciences de gestion, par IRHiS1 · 03/07/2016.

66.
BCÉAO, Le Dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans
l’Union économique et monétaire ouest africaine (UÉMOA), 2005, p.28.

45
L’impact sécuritaire s’illustre par la création de forces de défense dédiées à la traque
des infractions sous-jacentes telles que le trafic de drogue, la cybercriminalité, la lutte contre
le terrorisme, etc..

3. L’impact diplomatique

Depuis la fin de la guerre froide, les puissances hégémoniques se sont désengagées,


laissant le libre champ aux puissances régionales, organisations criminelles et autres
trafiquants de tout ordre… les États font donc face à de nouvelles menaces comme la grande
criminalité. Ce qui permet également une mobilisation internationale avec l’édiction de
normes internationales souvent contraignante pour les pays pauvres.
Nous avons même constaté des guerres inter-ethniques ou interreligieuses dans
lesquelles les belligérants ne peuvent compter que sur les ressources des trafics en tous
genres, la raison d’être de leurs protecteurs de l’Est ou l’Ouest ayant disparu. Les anciens
agents des services secrets, qui avaient utilisé la drogue comme moyen de financer leurs
opérations, ont souvent offert leurs compétences aux organisations criminelles. En effet, sous
la houlette des pays puissants, nous assistons à une « gouvernementalité de la mobilité » qui
érige les institutions bancaires en filtres protecteurs de l’architecture financière internationale.
Cela s’observe dans la surveillance des flux de capitaux. De cette gestion sécuritaire des flux
financiers, basée sur l’identification de catégories à risque et la mise au banc des opérateurs
illégitimes, découle une série de mises en tension au regard des libertés fondamentales.
Le risque de réputation peut aussi être perçu comme un impact diplomatique, car sous
l’argument de pays non conforme, les relations diplomatiques entre États peuvent se refroidir.
C’est le cas de la remise en cause du secret bancaire à travers la loi FATCA. Le secret
bancaire désigne l’obligation pour les établissements bancaires de ne pas donner
d’informations sur leurs clients à des tiers. À la suite de la crise de 2008 et de l’affaire UBS
(la banque suisse a été condamnée pour démarchage bancaire illégal et blanchiment aggravé
de fraude fiscale), le secret bancaire a été remis en cause au G20 de Londres qui pose, en
2009, le principe de sanctions à l’égard des États refusant de coopérer. Conséquence de la
décision du G20, la Suisse a, par exemple, révisé plusieurs conventions bilatérales et signé
le Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) avec les États-Unis.
Cette réglementation oblige les banques à déclarer les Américains titulaires de
comptes financiers à l'administration fiscale américaine. E n 2014, 65 États se sont engagés à
appliquer la nouvelle norme commune de déclaration automatique(nouvelle fenêtre), publiée

46
sous l'égide l'OCDE, prévoyant des échanges annuels relatifs aux comptes financiers. Enfin,
depuis 2018, tous les États européens ont accepté l’échange automatique d’informations, à
intervalle régulier, entre administrations fiscales sur leurs clients européens.
En Afrique de l’Ouest, et plus particulièrement en Côte d’Ivoire, les autorités de
tutelles des Établissements Financiers ont usé de tous les moyens pour rendre obligatoire cette
loi FATCA. Ces méthodes violent non seulement le secret bancaire, mais en plus le principe
de la souveraineté des États. Ainsi, le GAFI identifie les juridictions qui présentent des
vulnérabilités afin de protéger le système financier international: les juridictions sous
surveillance67 et les juridictions à haut risque

67
Lors de la dernière plénière (février 2021), le GAFI a arrêté la liste suivante en ce qui concerne les juridictions
sous surveillance: Albanie; Barbade; Birmanie; Botswana; Burkina Faso; Caïmans ; Cambodge; Ghana ;
Jamaïque; Maroc ; Maurice ; Nicaragua ; Ouganda ; Pakistan ; Panama ; Sénégal ; Syrie ; Yemen ; Zimbabwe.
Quant aux juridictions à hauts risques, il y a la Corée du Nord et l’Iran.

47
CHAPITRE 2 : L’ÉTAT DES LIEUX DE LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT
DE CAPITAUX DANS LE MONDE

Dans un contexte marqué par les ravages de la drogue sur les populations et le monde,
des initiatives ont été prises par l’ONU dans le but de stopper l’expansion de ce fléau. Cette
organisation, attirant l’attention de ses membres sur le fait que le danger que constituent les
stupéfiants menace non pas quelques États, mais tous les États du monde, a suscité une
véritable mobilisation autour de la question du blanchiment de l’argent de ce crime.
La mondialisation et l’avènement des nouvelles technologies de l’information
constituant le creuset et le catalyseur d’attaques de plus en plus farouches de la part des
organisations criminelles sur les marchés transactionnels nationaux, régionaux et
internationaux, il s’est agi d’apporter une réponse claire, concertée et proportionnelle au
nouveau danger auquel le monde entier faisait face. La riposte s’est organisée aussi bien au
niveau international, régional que national. Une revue des politiques publiques d’envergure
internationale adoptées dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux, à travers la
mise en lumière des acteurs et des actions concrètes entreprises, et des moyens mis en œuvre,
donnera un aperçu de l’engagement du monde à mettre fin aux effets néfastes du BC.

SECTION 1 : LES MOYENS DE LUTTE AU NIVEAU INTERNATIONAL

La LBC se fait sur plusieurs fronts et par différents moyens. Au plan international,
sous l’égide d’acteurs tels que l’ONU, la Commission européenne, le Conseil de l’Europe et
le G7, de nombreux États ont conclu des conventions et accords internationaux qui définissent
des obligations à mettre en œuvre pour organiser une stratégie concertée de LBC. À cet effet,
certains organismes intervenant dans la LBC sont spécialement créés ou voient leur mandat
élargi à cette lutte.

A- Au plan normatif

Les principaux instruments sont constitués, d’une part, de textes internationaux,


notamment des conventions, des directives, et d’autres parts des recommandations ou normes.

1- Les textes internationaux


Les textes internationaux adoptés pour lutter contre le blanchiment de capitaux sont de
plusieurs natures. Ils comprennent des conventions internationales, des directives, des normes

48
spécifiques à certains secteurs d’activité et des recommandations, applicables à tous les États.
Les principaux textes sont les suivants :
- La Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de
substances psychotropes adoptées le 19 décembre 1988 à Vienne, en Autriche.
Communément appelée « Convention de Vienne », elle est destinée à combattre le trafic de
drogue. C’est le premier instrument international à traiter la question du produit du crime, en
l’occurrence celui de la drogue, et à demander aux États de conférer au blanchiment de
l’argent de la drogue le caractère d’infraction pénale. Cette Convention a pour objet de
promouvoir la coopération entre les Parties de telle sorte qu’elles puissent s’attaquer avec plus
d’efficacité aux divers aspects du trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes
qui ont une dimension internationale. Elle appelle les États Parties à prendre les mesures
nécessaires, y compris des mesures législatives et réglementaires compatibles avec les
dispositions fondamentales de leurs systèmes législatifs internes respectifs. Dix ans après son
adoption, l’Assemblée générale des Nations Unies a complété et actualisé la Convention de
1988 par le biais d’un plan d’action intitulé ‟La lutte contre le blanchiment de l’argent”,
destiné à renforcer et à orienter plus précisément l’action menée par la communauté
internationale contre l’économie criminelle mondiale68.
- La Déclaration politique et le Plan d’action contre le blanchiment d’argent adoptés
lors de la vingtième session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations-
Unies, consacrée à la lutte commune contre le problème mondial de la drogue, le 10
juin 1998 à New York, aux États-Unis.

La Déclaration politique réaffirme, entre autres, l’engagement des pays signataires de


la Convention de Vienne à lutter avec une énergie particulière contre le blanchiment de
l’argent lié au trafic de la drogue, et à favoriser la coopération multilatérale, régionale, sous
régionale et bilatérale entre les autorités judiciaires et les services de répression pour lutter
contre les organisations criminelles impliquées dans des infractions liées au trafic de la drogue
et activités criminelles connexes. Le Plan d’action résume les actions de LBC à entreprendre
par chaque pays signataire, contenues dans la Convention de Vienne et dans les autres
instruments internationaux pertinents relatifs au blanchiment d’argent dont les 40
recommandations du GAFI reconnues par l’ONU comme étant la norme selon laquelle devrait

68.
ONUDC Programme mondial contre le blanchiment de l’argent, Le blanchiment d’argent et le financement du
terrorisme : La réponse des Nations Unies, Extraits des principaux instruments juridiques et résolutions contre
le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme adoptés sous les auspices de l’Organisation des Nations
Unies, p. 3.

49
être jugées les mesures contre le blanchiment de l’argent adoptées par les États intéressés. Ce
Plan vise les actions suivantes :
- La mise en place d’un cadre législatif criminalisant le blanchiment de l’argent provenant
d’infractions graves afin d’assurer la prévention, la détection, l’investigation et la poursuite du
crime de blanchiment d’argent, notamment par les moyens suivants : identification, gel, saisie
et confiscation des produits du crime ; coopération internationale et entraide judiciaire dans
les cas où il y aurait blanchiment d’argent ; incorporation du crime de blanchiment d’argent
dans les accords d’entraide judiciaire afin d’assurer l’aide judiciaire voulue pour les enquêtes,
les affaires traitées par les tribunaux ou les procédures judiciaires liées à ce crime ;
- L’établissement de règles financières et d’une réglementation efficaces pour empêcher les
auteurs des infractions et leurs fonds illicites d’avoir accès aux systèmes financiers nationaux
et internationaux et préserver ainsi l’intégrité des systèmes financiers dans le monde et assurer
le respect des lois et autres règlements adoptés contre le blanchiment d’argent par les mesures
suivantes : obligation d’identifier le client et de vérifier son identité en appliquant le principe
“connaissez votre client”, afin de pouvoir mettre à la disposition des autorités compétentes les
renseignements voulus sur l’identité des clients et leurs opérations financières ; conservation
des documents financiers ; obligation de signaler les activités suspectes ; levée des obstacles
que le secret bancaire oppose aux efforts visant à prévenir, enquêter et punir le blanchiment
d’argent. Entre autres mesures pertinentes, il y a la mise en œuvre de mesures répressives afin
de disposer d’outils dans les domaines suivants : détection, enquête, poursuites et
condamnation effectives des criminels qui se livrent au blanchiment d’argent ; procédures
d’extradition ; mécanismes de communication de l’information.
Par ailleurs, ce Plan donne mandat à l’ONUDC de continuer à travailler, dans le cadre
de son programme mondial contre le blanchiment d’argent, avec les institutions multilatérales
et régionales compétentes, les organisations ou organes de LBC et le trafic des drogues et les
institutions financières internationales, afin de donner effet aux règles d’action énoncées ci-
dessus en offrant, le cas échéant, formation, conseils et assistance technique aux États qui le
demandent.
- la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie
et à la confiscation des produits du crime, adoptée le 08 novembre 1990.
Bien qu’ayant été adoptée dans le cadre du droit communautaire européen, cette convention
dite « Convention de Strasbourg » a un domaine matériel et un champ géographique plus ou
moins étendus. Elle élargit l’incrimination du blanchiment d’argent à tous types de crimes et

50
est destinée à sa ratification par les États membres et tout autre État 69. Cette convention
enjoint aux États parties l’introduction, s’il y a lieu, dans leur législation ou leur
réglementation, de la notion de confiscation de biens issus de crimes70. Elle a été modifiée à
Varsovie le 16 mai 2005 et inclus le financement du terrorisme, comme infraction à
réprimer71.
- La convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée,
adoptée le 15 novembre 2000 à Palerme, en Italie.
Communément appelée « Convention de Palerme », elle a pour objet de promouvoir la
coopération internationale afin de prévenir et de combattre plus efficacement la criminalité
transnationale organisée dont fait partie le blanchiment d’argent, et ainsi réduire les capacités
dont disposent les criminels internationaux pour opérer avec succès. C’est un important
moyen de lutte qui organise la prévention et l’exécution d’enquêtes et de poursuites
concernant le blanchiment d’argent et qui incrimine le blanchiment du produit du crime. Cette
convention ne s’applique que dans le cadre des infractions transnationales et lorsqu’un groupe
criminel organisé y est impliqué. Selon ladite convention, les infractions transnationales sont
celles qui sont commises soit dans plus d’un État, soit dans un État, mais dont une partie
substantielle de sa préparation, de sa planification, de sa conduite ou de son contrôle a lieu
dans un autre État, soit dans un État, mais qui impliquent un groupe criminel organisé qui se
livre à des activités criminelles dans plus d’un État, soit dans un État, mais qui ont des effets
substantiels dans un autre État72. Pour l’Assemblé générale des Nation-Unies, cette
convention constitue « un outil efficace et le cadre juridique nécessaire de la coopération
internationale dans la lutte contre, notamment, des activités criminelles telles que le
blanchiment d’argent, la corruption, le trafic illicite des espèces de faune et de flore sauvages
menacées d’extinction, les atteintes au patrimoine culturel, et contre les liens croissants entre
la criminalité transnationale organisée et les crimes terroristes73. »
En vue de permettre une coopération inclusive, l’article 30 de cette Convention a
décidé de créer un compte qui, conformément à la décision de la Résolution 55/25 de
l’Assemblée générale de Nations Unies, serait administré dans le cadre du Fonds des Nations
69.
Hocine BENISSAD : Blanchiment de capitaux, Aspects économiques et juridiques, Economica, 2014, p. 63.

70.
Idem, p.63-64

Idem.
71.

72.
ONUDC, Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et Protocoles s’y
rapportant, Nations Unies, New York, 2004, p.6.

73.
Idem, p.1.

51
Unies pour la prévention du crime et la justice pénale. Ce fonds est alimenté par les
contributions versées volontairement par les États Membres et par un pourcentage des fonds
ou de la valeur correspondante du produit du crime ou des biens confisqués en application des
dispositions de ladite Convention. Il a pour objet de permettre d’apporter une assistance
technique et de renforcer les capacités (par des programmes de formation), l’assistance
financière et matérielle (par l’acquisition de matériel moderne) des pays en développement et
en transition, dans la lutte contre la criminalité transnationale organisée.
Pour se donner les moyens d’atteindre ses objectifs, la Convention des Nations Unies
contre la criminalité transnationale organisée demande à chaque pays signataire d’instituer un
régime interne complet de réglementation et de contrôle des banques et institutions
financières non bancaires, et autres entités particulièrement exposées au blanchiment d’argent,
qui permettrait de prévenir et détecter toutes formes de blanchiment d’argent grâce à l’accent
mis sur l’identification des clients, l’enregistrement des opérations et les déclarations des
opérations suspectes.
Par ailleurs elle demande la coopération et l’échange d’informations aux niveaux
national et international de la part des autorités administratives, de réglementation, de
détection et de répression et autres, chargées de la lutte contre le blanchiment d’argent, de
même que la création d’un service de renseignement financier qui fera office de centre
national de collecte, d’analyse et de diffusion d’informations concernant d’éventuelles
opérations de blanchiment d’argent.
En outre, elle appelle les États à mettre en œuvre des mesures réalisables de détection
et de surveillance du mouvement transfrontière d’espèces et de titres négociables appropriés.
Enfin, elle les encourage à développer et promouvoir la coopération mondiale, régionale,
sous-régionale et bilatérale entre les autorités judiciaires, les services de détection et de
répression et les autorités de réglementation financière en vue de lutter contre le blanchiment
d’argent74.

2- Les Recommandations et normes


Au nombre des recommandations, nous avons les 40 recommandations du GAFI. Ces
recommandations constituent la boussole de la LBC/FT.
Profondément inspirées des obligations édictées par les Conventions de Vienne et de
Palerme, ces recommandations sont reconnues comme étant la norme internationale en
matière de LBC. Elles constituent le fondement d’une réponse coordonnée à la menace sur
74.
ONUDC, Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et Protocoles s’y
rapportant, Nations Unies, New York, 2004, p. 9-10.

52
l’intégrité du système financier et contribuent à l’harmonisation des règles au niveau mondial.
Leur première mouture provient du rapport publié par le GAFI en avril 1990, au sommet de
Houston, à la suite de la mission à lui confiée par le G7, lors du sommet de Paris en 1989. Ces
recommandations sont des normes présentant un plan complet des actions nécessaires pour
lutter contre le BC, sur lesquelles s’appuient les pays membres du GAFI ou affiliés à cet
organisme pour asseoir et évaluer leur politique nationale de LBC.
Ces recommandations ont fait l’objet de révisions en 1996, 2001, 2003 et en 2012 afin
d’assurer qu’elles restent d’actualité et pertinentes. En février 2012, après avoir été
minutieusement révisées, elles ont été publiées sous le titre les recommandations du GAFI
révisées. Cette révision entend renforcer les mécanismes internationaux de sauvegarde et
accroître la protection de l’intégrité du système financier en fournissant aux gouvernements
des outils plus robustes pour agir contre la criminalité financière. Les recommandations
révisées ont été étendues à de nouvelles menaces telles que le financement de la prolifération
des armes de destruction massive, clarifiées sur les questions relatives à la transparence et
durcies sur celles de la corruption. Neuf recommandations spéciales sur le financement du
terrorisme qui avaient été adjointes aux 40 Recommandations relatives au BC y ont été
finalement intégrées.
Ces recommandations constituent également le cadre de référence sur lequel
s’appuient les institutions internationales et régionales de suivi et de contrôle pour apprécier
les efforts fournis par les pays en matière de LBC. Elles s’articulent autour des trois (03)
principaux axes ci-après :

- l’harmonisation législative : il s’agit pour les États d’insérer dans leur législation des
dispositions permettant d’ériger le BC en infraction pénale, de geler, saisir et
confisquer le produit d’activités criminelles, de lever les lois relatives au secret
bancaire pour permettre aux institutions financières de surveiller et de déclarer des
opérations suspectes, de protéger ceux qui déclarent ces opérations contre des
poursuites civiles ou pénales, d’établir des cellules d’enquête financière et de coopérer
pleinement sur le plan international en matière LBC ;
- la collaboration entre les pouvoirs publics, le monde financier et les professions et
catégories d’entreprises qui exercent des activités particulièrement vulnérables au BC :
elle repose principalement sur l’organisation de la déclaration, par les assujettis, des
opérations suspectes, complexes, inhabituelles ou de montant élevé, cette déclaration

53
devant s’appuyer sur la connaissance approfondie, par lesdits assujettis, de leur
clientèle et de la nature de leurs activités ;
- la coopération internationale : le blanchiment de capitaux étant un phénomène
mondial, la solution à ce problème ne peut être que globale. En conséquence, la
coopération doit s’intensifier entre les États dans le cadre de conventions bilatérales ou
multilatérales75.

À ces textes internationaux de portée générale s’ajoutent d’autres textes, précisément


des normes internationales préconisant des mesures spécifiques à des secteurs pouvant servir
de tremplins aux criminels pour blanchir leurs capitaux. Ces normes ont pour finalité de
renforcer la LBC. Il s’agit :
- des recommandations formulées par le Comité des règles et pratiques de contrôle des
opérations bancaires de la Banque des Règlements Internationaux (BRI), dit Comité
de Bâle : Ce sont des normes de réglementation financière relatives à la prévention de
l’utilisation du système bancaire pour le blanchiment de fonds d’origine criminelle76.
- des normes internationales de l’OICV : Ce sont des standards internationaux censés
renforcer l’efficience et la transparence des marchés de valeurs mobilières, protéger
les investisseurs et faciliter la collaboration entre régulateurs dans la lutte contre les
infractions financières77. En 1992, la résolution de l’OICV sur le BC met en place
plusieurs normes que ses membres sont tenus de respecter et qui abordent la question
du BC sous l’angle de la réglementation des valeurs mobilières et la réduction des
risques systématiques pour les investisseurs78.
- des normes de l’AICA pour les compagnies d’assurance : Ce sont des normes de LBC
conçues et diffusées par les assureurs eux-mêmes79.

75.
BCÉAO, Le Dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans
l’Union économique et monétaire ouest africaine (UÉMOA), 2005, p.27-28.

76.
https://www.bis.org/press/p140115

77.
Hocine BÉNISSAD : Blanchiment de capitaux, Aspects économiques et juridiques, p.55, Economica, 2014.

Banque Africaine de Développement Fonds Africain de Développement, Stratégie du groupe de la banque en


78.

matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme en Afrique, mai 2007, p. 4.

79.
Hocine BÉNISSAD : Blanchiment de capitaux, Aspects économiques et juridiques, p.57

54
- des normes de l’OMD pour les Douanes : Il s’agit de standards douaniers requis par
le combat contre le blanchiment80.

B- Au plan Institutionnel ou les acteurs internationaux de LBC

Certains organismes internationaux engagés dans la LBC existaient bien avant


l’internationalisation de cette lutte et ont vu leur mandat élargi ou se sont impliqués par la
force des choses, d’autres ont été spécialement créés pour apporter une riposte au BC. Parmi
ces dernières figure le GAFI qui occupe un rôle majeur. Les principaux organismes sont :

1-Le GAFI

Le GAFI constitue le pilier central de la lutte internationale contre le BC. En réponse


aux préoccupations croissantes au sujet de ce fléau, cet organisme a été créé par les chefs
d’État ou de gouvernement des 7 grands pays industrialisés (G7) et par le Président de la
Commission européenne, lors du Sommet du G7 qui s’est tenu à Paris en 1989. Reconnaissant
la menace pour le système bancaire et les institutions financières, les chefs d’État et de
gouvernement et le président de la Commission européenne ont réuni le Groupe d’Action
composé des pays membres du G7, de la Commission européenne et de huit autres pays.
Le GAFI est un organisme intergouvernemental qui a pour mandat d’élaborer des
normes et de promouvoir la mise en œuvre efficace de mesures législatives, réglementaires et
opérationnelles pour lutter contre le BC, le FT, le financement de la prolifération ainsi que les
autres menaces connexes pour l’intégrité du système financier international. Cette entité a
élaboré 40 recommandations, qui, régulièrement mises à jour, indiquent à quels critères tout
dispositif anti-blanchiment dans le monde doit répondre pour être complet et efficient.
Par ailleurs, le GAFI surveille les progrès réalisés par ses membres dans la mise en
œuvre des mesures requises, examine les techniques de BC ainsi que les mesures permettant
de lutter contre ce phénomène, et encourage l’adoption et la mise en œuvre des mesures
adéquates au niveau mondial. En collaboration avec d’autres acteurs internationaux, il
identifie également au niveau des pays les vulnérabilités afin de protéger le secteur financier
international contre son utilisation à des fins illicites. Il procède donc de manière continue à
l’évaluation, non seulement de ses membres, mais aussi de l’ensemble des États. Il s’agit d’un
processus politiquement et diplomatiquement très délicat, nécessitant un déploiement
considérable d’efforts à tous les niveaux.
80.
Idem, p.59

55
Le GAFI publie trois fois par an deux (02) documents dans lesquels il identifie « les
pays à haut risque » et ceux dits « sous surveillance ». L’un des documents, intitulé
« Déclaration publique du GAFI », liste les États présentant des défaillances stratégiques dans
leur dispositif de LBC, qui font l’objet d’un appel à l’application de sanctions appelées «
contre-mesures » de la part du GAFI à ses membres et aux autres juridictions. Ce document
est une liste noire. Une autre déclaration, intitulée « Améliorer la conformité aux normes de
LBC/FT dans le monde : Un processus permanent », identifie les juridictions présentant des
défaillances stratégiques et n’ayant pas fait de progrès suffisants ou ne s’étant pas engagées à
suivre un plan d’action élaboré avec le GAFI afin de remédier à leurs défaillances.
Ces pays doivent améliorer leur dispositif national et sont inscrits sur la liste grise.
Pour ces pays, le GAFI applique une surveillance renforcée. En 2020, sept États figurent sur
liste grise du GAFI : l’Albanie, la Barbade, la Jamaïque, l’île Maurice, le Myanmar, le
Nicaragua et l’Ouganda. Deux pays, l’Iran et la République de Corée, sont sur liste noire et
donc font l’objet de « contre-mesures ». Par exemple, le GAFI a renforcé ses sanctions contre
l’Iran du fait de son refus de satisfaire aux normes en matière de FT. Cette décision renforce
les sanctions des États Unis en rendant difficile aux banques de commercer avec l’Iran et
rendra probablement impossible la poursuite des tentatives européennes de maintenir des
échanges avec l’Iran. Son organe de décision, la plénière, se réunit trois fois par an.
Le GAFI comprend actuellement 39 membres, parmi lesquels 37 pays et territoires, et
2 organisations régionales (Le Conseil de Coopération du Golfe et La Commission
européenne). La portée de ses recommandations est mondiale, 187 pays et territoires s’étant
engagés à les mettre en œuvre. L’ampleur de son impact est en grande partie liée au réseau
qu’il a pu mettre en place sur tout le globe, par la création d’organismes régionaux de type
GAFI.

2- L’ONU

Dès les débuts de la lutte internationale contre le blanchiment d’argent, l’ONU a joué
un rôle crucial, actif et fédérateur dans l’harmonisation des mesures de répression et le
renforcement de la coopération internationale. Cette organisation de portée mondiale est
l’instigatrice de l’adoption vers la fin des années 1980 du premier instrument international à
traiter la question du produit du crime et à demander aux États de conférer au blanchiment
d’argent le caractère d’infraction pénale, notamment la Convention des Nations Unies contre
le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes. Sous son égide, d’autres

56
instruments ont été adoptés dans le but d’élargir le champ des crimes à combattre et de
renforcer l’efficacité de ce combat.
Ces instruments comprennent principalement la Convention des Nations Unies contre
la criminalité transnationale organisée de 2000, la Déclaration politique et le Plan d’action
contre le blanchiment d’argent de 1998 et la Déclaration politique de Naples et Plan mondial
d’action contre la criminalité transnationale organisée adoptés lors de la Conférence
ministérielle mondiale sur la criminalité transnationale organisée, qui s’est tenue à Naples, en
Italie, du 21 au 23 novembre 1994. L’ONU est un acteur fondamental de la LBC, ce d’autant
plus que ses instruments servent de supports aux recommandations du GAFI et renforcent
leurs poids et légitimité.
Dans cette optique, l’ONU a créé un acteur avec pour mandat de s’assurer qu’il n’y ait
pas de failles ni de lacunes dans le dispositif international de LBC, en aidant les États-
Membres à mettre en œuvre leurs politiques de lutte contre le blanchiment d’argent,
notamment en promulguant des lois qui prévoient des mesures anti-blanchiment et des normes
reconnues par la communauté internationale pour réglementer les services financiers81. Ce
mandat lui est attribué par la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de
stupéfiants et de substances psychotropes de 1988 et est renforcé et étendu à toutes les formes
de criminalité grave, et non plus seulement les infractions liées à la drogue en 1998, par la
Déclaration politique et le Plan d’action contre le blanchiment d’argent adoptés par
l'Assemblée générale lors de sa vingtième session spéciale. L’ONUDC est responsable du
Programme global contre le blanchiment d'argent, les recettes du crime et le financement du
terrorisme, créé en 1997. L'objectif élargi du Programme global est de renforcer la capacité
des États membres à mettre en œuvre des mesures contre le blanchiment d'argent et le
financement du terrorisme, et de les assister dans la détection, la saisie et la confiscation des
recettes illicites, comme le requièrent les instruments des Nations Unies ainsi que d'autres
standards internationalement reconnus, en leur fournissant, sur demande, une assistance
technique pertinente et appropriée82.

81.
ONUDC Programme mondial contre le blanchiment de l’argent, Le blanchiment d’argent et le financement du
terrorisme : La réponse des Nations Unies, Extraits des principaux instruments juridiques et résolutions contre
le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme adoptés sous les auspices de l’Organisation des Nations
Unies, p. 3.

82.
https://www.unodc.org/unodc/fr/money-laundering/index.html.

57
3- Les institutions de Breton woods (FMI, BM)
Ces deux organismes jouent depuis 1999 un rôle de contrôleurs et de régulateurs de la
santé économique et financière du monde, grâce au « Programme d’Évaluation du Secteur
Financier » (PESF) qu’ils ont mis au point et qui constitue un outil de promotion d’une
surveillance avisée des systèmes économiques et financiers nationaux, de constatation de
leurs faiblesses, de consolidation de leurs éléments de résistance aux chocs externes, à la
contagion transfrontalière des crises et de diffusion de nouvelles normes de régulation et de
supervision.
Dans les débuts de la LBC, ces deux institutions financières avaient des interventions
très limitées auprès du GAFI. Cependant, ayant pris la pleine mesure des risques et menaces
graves que font peser sur le système économique et financier mondial les organisations
criminelles par le biais du blanchiment d’argent, le FMI et la BM ont progressivement
renforcé leur implication. Dès la fin des années quatre-vingt-dix, ils disposaient de
représentants, au titre d’observateurs, dans les réunions plénières du GAFI.
Leur présence augmentait d’ailleurs la pression exercée sur les « pays et territoires non
coopératifs », selon la terminologie du GAFI, c’est-à-dire ceux qui rejettent ou tardent à
adopter les recommandations de la lutte anti-blanchiment. En avril 2001, ces institutions
financières internationales reconnaissent que les 40 recommandations du GAFI constituent les
normes internationales adéquates pour lutter contre le blanchiment et doivent, au terme d’une
réflexion encore à mener, être prises en compte dans leur activité83.
Les événements du 11 septembre 2001 ont conduit à accélérer ce processus. Au cours
du premier semestre 2002, le FMI, la BM et le GAFI élaborent une méthodologie commune,
permettant d’apprécier l’état de la lutte anti-blanchiment et de la lutte contre le FT à partir des
recommandations du GAFI, que le FMI a intégrées dans ses programmes d’évaluation du
secteur financier (Financial Sector Assessment Program) et dans ses rapports sur
l’observation des standards et des codes (Reports on the Observance of Standards and
Codes). Bien que les questions de criminalité économique n’aient pas été prévues dans l’objet
du FMI et de la BM lors de la rédaction de leurs statuts en 1944 et de leurs amendements
ultérieurs, ils sont, par la force des choses, devenus des partenaires importants du GAFI 84. La
BM et, surtout, le FMI sont plus directement impliqués dans ce combat 85. L’atout majeur du
83.
GILLES FAVAREL-GARRIGUES : « L'évolution de la lutte anti-blanchiment depuis le 11 septembre 2001
», Critique internationale, n° 20, 2003/3, p. 37-46.
84.
Hocine BÉNISSAD : Blanchiment de capitaux, Aspects économiques et juridiques, p.47, Economica, 2014

85.
GILLES FAVAREL-GARRIGUES : « L'évolution de la lutte anti-blanchiment depuis le 11 septembre 2001
», Critique internationale, n° 20, 2003/3, p. 37-46.

58
FMI est son droit au titre de l’article IV de ses statuts, d’entreprendre annuellement une
«  consultation » auprès de chaque État membre, de sa société civile, de ses élus, etc. 86 Ces
deux institutions profitent donc de cette évaluation annuelle pour se pencher sur la capacité
des États membres à contenir et juguler le BC. En cas de besoin, ils apportent dans ce
domaine une assistance technique aux cellules de renseignement des pays concernés 87. Ces
deux institutions financières ont accepté d’aider les pays dans la mise en œuvre des normes de
LBC, notamment sur le plan du contrôle bancaire et des institutions financières. Elles
fournissent une assistance technique en matière de LBC aux membres et financent des projets
visant à évaluer la conformité des membres avec les normes internationales de LBC88.

4- Les autres acteurs

À côté des organisations sus-citées, certaines organisations multilatérales interviennent


dans la LBC, en raison de leur compétence spécifique. Elles apportent une aide aux pays
souhaitant mettre en œuvre les 40 recommandations du GAFI. Il s’agit du Groupe Egmont,
Interpol, Le Comité de Bâle et le Conseil de l’Europe.
Le Groupe Egmont a été créé en 1995 en tant que forum d'échange informel de 24
cellules de renseignement financier, ce groupe tire son nom du palais d'Egmont à Bruxelles où
s'est déroulée la première réunion. Le Groupe Egmont est un forum indépendant d’échange
opérationnel pour les cellules de renseignement financier89. L’intégrité des transactions
transnationales nécessite l’érection d’un réseau de cellules de renseignement financier, au sein
duquel s’échangent des informations, en dehors des procédures lourdes et aléatoires
d’entraide judiciaire, policière ou administrative. Cette instance est en mesure d’organiser
l’échange quasi instantané d’informations couvrant un espace géographique plus large que
celui d’institutions régionales de même nature. Les principaux objectifs, définis par la charte
du groupe Egmont, sont : développer la coopération internationale par l’échange
d’information ; accroître l’effectivité des cellules de renseignement financier en offrant des
programmes de formation et d’échanges aux personnels des cellules de renseignement

86.
Hocine BÉNISSAD : Blanchiment de capitaux, Aspects économiques et juridiques, p.47

87.
Idem.

Banque Africaine de Développement Fonds Africain de Développement, Stratégie du groupe de la banque en


88.

matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme en Afrique, mai 2007, p. 9.

89.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe Egmont.

59
financier ; promouvoir l’autonomie opérationnelle des cellules de renseignement financier ;
promouvoir la création de cellules de renseignement financier qui respectent les standards
internationaux de lutte contre le blanchiment d’argent et le FT.
L’ensemble des échanges s’effectue par le biais d’un réseau informatique sécurisé,
l’Egmont Secure Web, dont la maintenance est assurée par la cellule de renseignement
financier américaine FINCEN90. Le siège du groupe Egmont est établi à Toronto depuis le 15
février 2008. Ce groupe comporte actuellement 164 membres 91. L’adhésion d’un pays requiert
le parrainage de deux (02) États membres et l’examen approfondi de son agenda anti-
blanchiment92.
Quant à Interpol, il s’agit d’une organisation internationale de police criminelle
présente dans 184 pays à travers le « Bureau Central National ». Cet organisme a mis en place
un dispositif pour l’échange en temps opportun et efficace de renseignements sur les enquêtes
criminelles entre services de police sur le plan mondial et détient un savoir-faire avéré en
matière de criminalité financière et de haute technologie ainsi que dans les enquêtes sur le
blanchiment d’argent. Interpol collabore avec les polices nationales dans des enquêtes
impliquant des réseaux transnationaux, pour remonter, entre autres, la piste des infractions à
l’origine des cas de blanchiment d’argent. La résolution d’affaires liées au blanchiment
d’argent n’étant possible qu’en enquêtant sur l’infraction initiale grâce à laquelle les fonds ont
été obtenus, les enquêtes financières visent donc à identifier l’origine, les mouvements et la
localisation de ces fonds et à confondre les réseaux impliqués. Les avoirs obtenus
illégalement peuvent alors être gelés ou confisqués et les auteurs de l’infraction initiale et du
blanchiment d’argent poursuivis.
Aussi, Interpol élabore des fiches techniques sur les trafiquants et autres criminels
internationaux à partir desquelles cet organisme peut diffuser leur signalement. Les services
de police sont habilités à utiliser ses fichiers et son système de communications dans le cadre
de leurs enquêtes. Interpol collabore également avec des organisations partenaires, notamment
le Groupe Egmont, le GAFI et les organismes régionaux de lutte contre le blanchiment
d’argent rattaché au GAFI93. Dans la lutte contre la criminalité financière, Interpol fournit un
appui opérationnel permanent et supervise la coordination des enquêtes afin de contrarier les

90.
https://www.economie.gouv.fr/tracfin/groupe-egmont

91.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_Egmont

92.
Hocine BÉNISSAD : Blanchiment de capitaux, Aspects économiques et juridiques, p.50, Economica, 2014
93.
https://www.interpol.int/fr/Infractions/Criminalite-financiere/Blanchiment-d-argent.

60
plans des escrocs. Sa mission dans ce domaine est double : apporter un soutien quotidien à ses
pays membres et mettre en parallèle des opérations ciblées et des enquêtes communes. Du fait
de la nature même de la criminalité financière, cet organisme collabore régulièrement avec
des organisations extérieures à la communauté des services chargés de l’application de la loi.
Ses activités quotidiennes consistent à traiter les demandes et messages reçus des pays
membres requérant une assistance en effectuant des vérifications dans ses bases de données
afin de fournir des informations utiles aux forces de police nationales en charge de l’enquête
et d’identifier des similitudes avec d’autres affaires 94. Interpol effectue également une veille
permanente qui lui permet de détecter les nouvelles menaces95.
En ce qui concerne le Comité de Bâle, par ses publications, recommandions et
déclarations destinées au secteur bancaire, il apporte sa pierre dans la préservation de la santé
et de l’intégrité du système bancaire, surtout face aux menaces que représentent les
délinquances financières dont le BC. Très tôt le 12 décembre 1988, à l’entame de la lutte
internationale contre le blanchiment d’argent, le Comité de Bâle fait une déclaration découlant
du constat que les banques et établissements financiers sont à même de servir, à leur insu,
d’intermédiaires pour le dépôt ou le transfert de fonds de la criminalité96.
Cette déclaration traduit une prise de conscience précoce de la menace sur la stabilité
du système financier que constitue l’utilisation des établissements financiers aux fins de
blanchiment. Elle préconise l’intégration d’un certain nombre de mesures de vigilance et de
coopération dans les procédures des banques.
En 1997, ce Comité publie les Principes fondamentaux pour un contrôle bancaire
efficace, document qui répertorie 25 principes et qui est revu en 2002, pour se conformer à
l’évolution du système bancaire. Cette révision permet de renforcer les mesures
d’identification de la clientèle et de leurs transactions et celles relatives à la conservation des
documents portant sur les transactions97.
Le 15 janvier 2014, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire publie, un ensemble de
recommandations sur les modalités d'intégration par les banques des risques liés au
blanchiment de fonds et au FT dans le cadre général de leur gestion des risques, ce toujours
dans le but de préserver la sécurité et la solidité des banques, ainsi que l'intégrité du système

https://www.interpol.int/fr/Infractions/Criminalite-financiere/Notre-mission-dans-la-lutte-contre-la-criminalite-
94.

financiere.

95.
Hocine BÉNISSAD : Blanchiment de capitaux, Aspects économiques et juridiques, p. 54
96.
Idem.

97.
Hocine BÉNISSAD, Blanchiment de capitaux, Aspects économiques et juridiques, Economica, 2014, p.58.

61
financier international. Ces recommandations sont destinées non seulement aux
établissements financiers dans le cadre d’une gestion prudentielle des risques, mais aussi aux
autorités de contrôle de ces établissements, dans le cadre d'un suivi effectif. La préoccupation
du Comité de Bâle se fonde sur le fait qu’il appréhende que ces établissements s'exposent à de
graves risques, notamment en matière de réputation, opérationnelle, de conformité
réglementaire et autre. Ces recommandations complètent les normes internationales sur la
LBC et le FT et de la prolifération, publiées par le GAFI en 2012, dont elles partagent les
objectifs.
Enfin, créé en 1949 pour défendre la démocratie et les droits de l’homme et
harmoniser, sur ce plan, les pratiques en Europe, le Conseil de l’Europe s’est engagé dans la
LBC. Il est l’initiateur de certaines conventions ayant trait au combat contre le BC, dont la
Convention de Strasbourg relative au blanchiment de capitaux, au dépistage, à la saisie et à la
confiscation des produits du crime, qui étend la LBC en Europe à tous types de crimes.

SECTION 2 : LES MOYENS DE LUTTE AU NIVEAU DU CONTINENT AFRICAIN

L’Afrique n’est certainement pas épargnée par le fléau du blanchiment d’argent.


Comme tous les autres continents, elle profite de la mondialisation, de la déréglementation et
des nouvelles technologies de l’information, tout en en subissant les effets négatifs. De plus,
du fait de ses faiblesses politiques, économiques, sociales et sécuritaires, l’Afrique représente
un terrain fertile et opportun pour un bon nombre de délits financiers multiples : l’argent sale
issu de différentes formes de criminalité y circule en abondance. Il est donc opportun de se
demander si la LBC y est nécessaire et quelles sont les initiatives qui ont été prises.

A- Au niveau régional

Ces actions de lutte sont entreprises par des acteurs tels que l’Union Africaine (UA) et
la BAD.

1- Les actions de l’UA 


Les stratégies de lutte engagées par l’UA au niveau continental se rapportent
principalement à la lutte contre la corruption, la drogue et le terrorisme. Dans ce cadre, le 14
juillet 1999, les chefs d’État africains des pays membres de l’ancienne Organisation de l'Unité
Africaine (OUA) adoptent une convention sur la prévention et la lutte contre le terrorisme
plus connue sous le nom de Convention d'Alger. C’est le premier instrument spécifique de

62
lutte antiterroriste au niveau de l'ensemble du continent africain. Sur cette base, l'Union
africaine (UA), qui succède à l'OUA, approuve, le 14 septembre 2002 à Alger un plan d'action
sur la prévention et la lutte contre le terrorisme en Afrique, qui vise à mettre en œuvre la
convention de l'OUA par des actions concrètes 98. Ce plan définit des domaines précis d'action
qui comprennent 10 mesures spécifiques pour réprimer le financement du terrorisme, dont :
l'élaboration d'une législation nationale pour ériger en infraction pénale le BC et le FT ; la
mise en place au sein des États membres de Cellules de Renseignement Financier (CRF),
chargées de traiter les transactions suspectes signalées ; la formation du personnel pour
combattre et prévenir le BC ; la coopération avec les institutions financières internationales.
Par ailleurs, le 11 juillet 2003, sous l’égide de l'UA, une Convention sur la prévention
et la répression de la corruption est adoptée par les chefs d’État africains 99. Celle-ci appelle,
entre autres, à l'incrimination et à la pénalisation du blanchiment des produits de la corruption
100
et établit un cadre de coopération régionale visant à l'amélioration de l'entraide judiciaire,
notamment sur le plan de l'extradition, des enquêtes, ainsi que de la confiscation, de la saisie
et du rapatriement des produits de la corruption.
De même, l’ancienne OUA et l’ancien Programme des Nations Unies pour le Contrôle
International des Drogues (PNUCID) ont étroitement collaboré depuis 1996 dans le contrôle
du trafic illicite et de l’abus des drogues, et des activités criminelles y afférentes. Cette
coopération a été maintenue par l’UA et l’ONUDC dans le cadre de la mise en œuvre du plan
d’action sur le contrôle des drogues en Afrique (2002-2006)101. L’UA, reconnaissant la
nécessité d’adopter une approche globale aux problèmes des drogues, du crime, de la
corruption et du terrorisme en tant qu’obstacles au développement en Afrique, élabore par la
suite, en 2006, un Plan d’action révisé 2007-2012 sur la lutte contre les drogues et la
prévention du crime, qui reflète cette approche en intégrant, dans les cadres nationaux,
juridiques et institutionnels, les questions de lutte contre les drogues ainsi que les politiques
de prévention du crime.
Ce plan est la continuité du plan d’action précédent traitant uniquement des questions
de lutte contre les drogues. En 2008, l’UA exhorte les États membres à assurer la mise en

98.
Journal officiel de l'Union européenne du 17 07 2007, Action commune 2007/501/PESC du Conseil du 16
juillet 2007 relative à la coopération avec le Centre africain d'études et de recherches sur le terrorisme, dans le
cadre de la mise en œuvre de la stratégie de l'Union européenne de lutte contre le terrorisme, annexe.

99.
Hocine BENISSAD : Blanchiment de capitaux, Aspects économiques et juridiques, Ed. Economica, 2014

100.
Convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, p. 10.
101.
https://www.unodc.org/art/fr/rt background.html

63
œuvre effective de ce plan d’action et à soumettre un rapport d’activité à la Commission de
l’UA tous les deux (2) ans. De même, elle invite la communauté internationale à assister les
États membres dans l’élaboration et/ou la mise en œuvre des stratégies nationales et
régionales appropriées pour la lutte contre les drogues illicites et le crime, en particulier par
l’intermédiaire des experts disponibles à l’ONUDC, Interpol, ONU – Habitat, l’Institut
africain des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants
(UNAFRI) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et demande à la
Commission et aux communautés économiques régionales d’assurer le suivi et l’évaluation du
plan d’action et de faire rapport aux organes de décision de l’UA tous les deux (2) ans102.
En outre, un programme d'action relatif aux questions de la criminalité et de la sécurité
qui portent atteinte au développement a été adopté par les dirigeants africains de quarante-sept
(47) États membres de l’UA, lors de la Table ronde pour l'Afrique, qui s'est tenue à Abuja, au
Nigeria, les 5 et 6 septembre 2005. Cette Table Ronde organisée par l’ONUDC constitue une
plate-forme unique de rencontre pour les gouvernements Africains, les Communautés
économiques régionales, et les partenaires bilatéraux et multilatéraux pour discuter et trouver
les moyens de combattre la drogue et le crime sur le continent Africain 103. L'un des six
groupes d'activités compris dans le programme d'action pour la période 2006-2010 met
l'accent sur le crime organisé, le BC, la corruption, le trafic et le terrorisme. En ce qui
concerne la lutte contre le blanchiment d'argent et le FT en particulier, le programme d'action
identifie 3 priorités d'action104. Celles-ci comprennent : l'élaboration de lois et de stratégies
nationales conformément aux normes internationales ; le renforcement des capacités
institutionnelles, dont la création de cellules de renseignement financier pour la mise en
œuvre des lois et stratégies nationales ; le soutien et l'aide à l'établissement d'organisations
sous régionales efficaces et opérationnelles pour lutter contre le blanchiment de capitaux.
Dans leur application, ces initiatives ont conduit à la création de structures appropriées dans
les États africains.

102.
Union Africaine, Décisions et déclarations, Conseil exécutif, 12e session ordinaire 25 – 29 Janvier 2008
Addis-Abeba (Éthiopie), Décision sur la 3e session de la Conférence des ministres de l’UA chargés de la lutte
contre la drogue et la prévention du crime, Doc. Ex.CL/381 (XII), EX.CL/Dec. 385(XII), p. 1.
103.
https://www.unodc.org/art/fr/rt background.html
104.
Banque Africaine de Développement Fonds Africain de Développement, Stratégie du groupe de la banque
en matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme en Afrique, mai 2007, p.6.

64
2- La BAD
Considérant que la source prédominante du blanchiment d’argent en Afrique est la
corruption, la BAD a pris une part active dans la lutte contre ce fléau et en a fait l’axe
principal de la réflexion de ses experts en criminalité financière 105. Par ailleurs, traduisant sa
responsabilité106 par la nécessité de l’élimination de la fraude et de la corruption dans le cadre
de ses opérations de prêt et de son aide financière, la BAD considère que « La prévention de
transactions frauduleuses susceptibles de dissimuler les origines du produit d’un crime ou les
profits de la corruption, ainsi que de l’usage des fonds de la Banque pour commettre des
actes terroristes ou d’autres formes de crime fait partie de cette responsabilité107 ». À cet
effet, cette institution bancaire a pris l’engagement d’établir et de maintenir des procédures
pour empêcher que ses avoirs ne soient utilisés à de fins de BC ou de FT. Reconnaissant
également l’impact négatif que le BC/FT peut exercer sur le développement, la BAD a décidé
de renforcer son rôle dans la LBC/FT en Afrique, dans le cadre de son mandat de promotion
de la bonne gouvernance et du développement, en travaillant en étroite collaboration avec ses
partenaires du développement afin de soutenir les initiatives déjà entreprises sur ce plan aux
niveaux national, régional et international. Elle a élaboré une stratégie en matière de
prévention et de LBC/FT en Afrique108qui s’articule autour de 4 domaines clés à savoir :
- L’adoption de mesures visant à renforcer les sauvegardes fiduciaires du Groupe de la
Banque, ses procédures et politiques internes, ainsi que son dispositif de contrôle
interne afin de s’assurer que ses propres prêts sont utilisés pour les fins auxquels ils
sont destinés et ne sont pas soumis à des abus financiers, à la corruption ou au BC ;
- l’aide à la mise en œuvre par ses pays membres des normes internationales de
LBC/LFT et la participation à des initiatives régionales et nationales de renforcement
des capacités en matière de LBC/LFT, en collaboration avec d’autres organisations
internationales et organismes de développement ;
- l’assistance directe des pays membres et par l’intermédiaire des organismes régionaux
de type GAFI (ORTG) et le soutien de leurs efforts destinés à édicter des lois et
105.
HOCINE BENISSAD, Blanchiment de capitaux, Aspects économiques et juridiques, p. 88

106
S’assurer que le produit de tout prêt ou de toute garantie qu’elle accorde n’est destiné qu’à l’objet pour lequel
le prêt a été garanti et de veiller à la probité de ses transactions

Banque Africaine de Développement Fonds Africain de Développement, Stratégie du groupe de la banque en


107.

matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme en Afrique, mai 2007, p. 5.

Banque Africaine de Développement Fonds Africain de Développement, Stratégie du groupe de la banque en


108.

matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme en Afrique, mai 2007, p. ii.

65
élaborer des stratégies de LBC/LFT conformément aux normes internationales, ainsi
qu’à constituer une capacité institutionnelle pour la mise en œuvre de ces lois et
stratégies, y compris une cellule de renseignement financier disposant des moyens de
s’acquitter de sa mission ;
- le soutien et l’aide à l’établissement d’ORTG efficace et opérationnelle à l’échelon
sous-régional109.

B. Au niveau sous régional

1- La CÉDÉAO
La CÉDÉAO, créée le 28 mai 1975, regroupe 15 États membres, à savoir le Bénin, le
Burkina Faso, le Cabo Verde, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée-
Bissau, le Liberia, le Mali, le Niger, le Nigeria, la Sierra Leone, le Sénégal et le Togo. Les
actions engagées en son sein se sont traduites par la création, le 3 novembre 2000, de l’ORTG
dénommé GIABA, chargé de promouvoir les législations anti-blanchiment et de faciliter la
coordination des activités des États membres de la CÉDÉAO dans le domaine de la
LBC/FT110.

2- La CEEAC
La CEEAC regroupe 11 États membres, notamment l’Angola, le Burundi, le
Cameroun, la Centrafrique, le Congo, la RDC, le Gabon, la Guinée équatoriale, le Tchad,
Sao-Tomé et Principe et le Rwanda111. Créée en 1983, cette organisation s'est trouvée
confrontée à des contraintes socio-politiques et sécuritaires majeures qui l’ont paralysée dès
1992. Les conflits internes et externes ont non seulement compromis la sécurité au niveau de
plusieurs frontières et parfois détruit les infrastructures de communication, mais ont
également contribué à instaurer une méfiance entre certains pays de la région, qui a entraîné
une faiblesse de la vision communautaire. C’est seulement en février 1998 que la Conférence
des Chefs d'État et de Gouvernement de Libreville a décidé de la redynamiser112.

Banque Africaine de Développement Fonds Africain de Développement, Stratégie du groupe de la banque en


109.

matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme en Afrique, mai 2007, p. iii.

BCÉAO, Le Dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans


110.

l’Union économique et monétaire ouest africaine (UÉMOA), 2005, p. 28.

111.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Communauté économique des états de l’Afrique centrale.

Banque Africaine de Développement Fonds Africain de Développement, Communauté Économique des États
112.

de l’Afrique Centrale (CEEAC) Document de stratégie d’assistance à l’intégration régionale (DSAIR) pour
l’Afrique centrale 2005-2009, Département des opérations par pays région Ouest Juillet 2005, p.-v.

66
Néanmoins, depuis 2015, des efforts conjoints sont fournis par la CEEAC et la
CÉDÉAO en vue de s’attaquer de manière spécifique à l’existence d’activités illicites
transfrontalières, notamment le terrorisme, le blanchiment d’argent, l’extrémisme violent ainsi
que le trafic d’armes, d’êtres humains et de drogue, qui entravent la paix, la sécurité tout
comme la stabilité et annihilent les efforts de développement de leurs États membres aux
économies déjà fragiles. Ces deux organisations économiques régionales ont respectivement
pris des mesures juridiques et ou politiques et ont décidé d’effectuer des réunions conjointes
des experts et des ministres, tout comme un sommet conjoint des chefs d’État et de
gouvernement.
Aussi, leurs chefs d’État et de gouvernement se sont-ils réunis le lundi 30 juillet 2018
à Lomé au Togo, à la faveur d’un premier sommet conjoint, pour examiner la situation
sécuritaire, et adopter une déclaration définissant une approche commune sur la paix, la
sécurité, la radicalisation et l’extrémisme violent dans leurs deux espaces que sont l’Afrique
de l’Ouest et l’Afrique centrale. À la fin du sommet et sur la base des travaux en amont
balisés par les experts ainsi que les ministres des Affaires étrangères et ceux de la sécurité, les
chefs d'État ainsi que les responsables des délégations mandatés dans la capitale togolaise ont
relevé  les risques créés par la montée des défis sécuritaires, notamment en ce qui concerne le
terrorisme, les trafics d'armes, d'êtres humains et de drogue, le blanchiment d'argent et la
cybercriminalité113.

3- Le COMESA, l’IGAD et l’EAC


Le COMESA a été fondée en décembre 1994 et regroupe 21 pays membres,
notamment114. L’IGAD, lui, été créé le 21 mars 1996 et associe 7 pays de l’Afrique de l’Est,
en l’occurrence, le Djibouti, l’Éthiopie, le Kenya, la Somalie, le Soudan, le Soudan du Sud et
l’Ouganda115. L’EAC a été créée le 7 juillet 2000 et regroupe 6 pays de l'Afrique de l'est à
savoir le Burundi, le Kenya, l'Ouganda, le Rwanda, le Soudan du Sud et la Tanzanie116. Ces 3
organisations régionales mettent en œuvre un programme régional de sécurité maritime

https://afrique.latribune.fr/politique/integration-regionale/2018-07-31/CÉDÉAO-ceeac-des-engagements-
113.

pour-un-front-commun-contre-les-menaces-securitaires-786670.html.

114.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Marché commun de l’Afrique orientale et australe
115.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Autorité intergouvernementale pour le developpement

116.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Communauté de l’Afrique de l’Est

67
dénommé MASE, financé par l’Union européenne, dispensé par des experts de la BM117 et
couvrant plus de 15 États des régions de l’Afrique orientale et australe et de l’océan Indien.
L’un des enjeux spécifiques de ce programme qui a démarré en 2013 et qui devrait prendre fin
en 2020 est le renforcement des capacités nationales et régionales pour créer un mécanisme
régional de surveillance et de contrôle de l’océan Indien occidental. Ceci, en élaborant une
stratégie et un plan d’action régionaux pour lutter contre la piraterie et d’autres crimes et
menaces (trafic de drogue, la pêche illicite non déclarée et non réglementée, etc) en mer.
Parmi ses activités figure la LBC/FT dont s’occupe le COMESA et pour laquelle cette
organisation a opté pour une approche multidimensionnelle visant l’ensemble de la chaîne de
lutte contre le blanchiment d’argent afin d’assurer une dissuasion efficace. Cette approche se
focalise sur :
- le renforcement de la capacité d’analyse des Cellules de Renseignement Financier
(CRF) et de leurs outils d’analyse (en fournissant du matériel informatique, des
logiciels, un serveur, un groupe électrogène de secours, etc.) ;
- le soutien au développement/renforcement des mécanismes de partage d’informations
aux niveaux national et international ;
- le soutien au renforcement des lois relatives à la lutte contre le blanchiment d’argent
en examinant, en modifiant et en rédigeant leurs textes, afin de garantir un meilleur
alignement sur les normes internationales en vigueur ;
- le renforcement de la capacité des organismes chargés de l’application de la loi à
mener avec succès des enquêtes et des poursuites concernant des crimes financiers.
Par ailleurs, le COMESA s’est associé à INTERPOL dans une perspective d’amélioration
des capacités et de sensibilisation à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement
du terrorisme (LCB/FT) des organismes chargés de l’application de la loi, notamment des
autorités judiciaires et de la police, et afin de promouvoir une conformité et une culture de
signalement dans tous les secteurs. Le COMESA intervient dans les pays qui le sollicitent afin
de combler les lacunes identifiées par les autorités ; l’objectif étant d’approfondir la
compréhension des lois de LBC/FT par toutes les parties prenantes, de leurs obligations
respectives et des diverses techniques utilisées dans le BC et FT. Le Chef de l’Unité
Gouvernance, Paix et Sécurité du COMESA, Mme Elizabeth Mutunga, a affirmé que les
institutions financières dans la plupart des pays qui mettent en œuvre le programme MASE
ont établi des mesures d’identification raisonnables qui ont contribué à rendre difficile
117.
https://www.comesa.int/renforcement-de-la-capacite-de-lunion-des-comores-a-lutter-contre-le-blanchiment-
dargent/

68
l’utilisation des systèmes financiers par des trafiquants peu scrupuleux pour transférer des
produits illicites à travers des frontières poreuses118.

4- La CEN-SAD

La CEN-SAD a été créée le 4 février 1998 et regroupe 29 États africains, notamment


le Burkina Faso, la Libye, le Mali, le Niger, le Soudan, le Tchad, la République
centrafricaine, l’Érythrée, le Djibouti, la Gambie, le Sénégal, l’Égypte, le Maroc, le Nigeria,
la Somalie, la Tunisie, le Bénin, le Togo, la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le Liberia, le
Ghana, la Sierra Leone, les Comores, la Guinée, le Kenya, Sao Tomé-et-Principe, la
Mauritanie et le Cabo Verde.
Consciente du danger que font courir les narcotrafiquants et les terroristes sur son
espace, la CEN-SAD a fait de la lutte contre le terrorisme l’une de ses priorités. À cet effet,
elle a élaboré des textes pour la gestion des questions de paix et de sécurité, dont le traité
révisé de la CEN-SAD et la stratégie sécurité et développement (SDS) de la CEN-SAD. En
son article 3, le traité révisé fait la promotion du dialogue politique et de la lutte contre la
criminalité transfrontalière avec ses fléaux connexes comme le trafic de drogues, des armes,
des êtres humains, le blanchiment d’argent et le terrorisme.
L’axe N°1 de la stratégie SDS de la CEN-SAD repose sur le renforcement de la
sécurité à travers la lutte contre l’extrémisme violent, le narcotrafic, le terrorisme et la
criminalité transnationale organisée, le trafic d’armes, les trafics des êtres humains,
l’immigration illégale, la piraterie maritime, la cybercriminalité, la lutte contre les groupes
rebelles et séparatistes, la prévention contre les idéologies extrémistes et la lutte contre la
prolifération des armes. Ainsi, la CEN-SAD lutte contre le BC en plus de lutter directement
contre certains crimes sous-jacents au BC. Au titre des recommandations face aux menaces à
la paix sur la sécurité collective au Burkina Faso, la CEN-SAD prône, entre autres, un
consensus sur la lutte contre l’économie criminelle issu du narcotrafic et sur la lutte contre le
blanchiment.

5- l’UEMOA
En adéquation avec les initiatives susvisées prises par les ministres des Finances et les
gouverneurs des banques centrales des pays membres de la zone Franc et conformément aux
recommandations des instances internationales et régionales, le conseil des ministres de
118.
https://www.comesa.int/une-plus-grande-collaboration-entre-services-est-necessaire-pour-lutter-contre-le-
blanchiment-de-capitaux-et-le-financement-du-terrorisme/

69
l’UEMOA adopte, le 19 septembre 2002, une directive relative à la LBC, conformément aux
articles 42, 43 et 61 du traité de l’UEMOA. Ce texte communautaire de droit dérivé, fait
obligation à ses États membres d’édicter au plan national, dans un délai de 6 mois, les textes
législatifs et réglementaires relatifs à la LBC. À cet effet, la banque centrale de l’UEMOA,
dénommée Banque Centrale de États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) propose pour
adoption, au conseil des ministres de l’Union Monétaire Ouest-Africaine (UMOA), un projet
de loi uniforme y relatif, conformément aux dispositions de l’article 22 du Traité du 14
novembre 1973 constituant l’UMOA119.
Le dispositif de LBC/FT dans les États membres de l’UEMOA est constitué d'un
ensemble de textes législatifs et réglementaires approuvés par les instances communautaires,
insérés ou en cours d'intégration dans l'ordre juridique interne des États. Il vient renforcer les
mesures de protection de l'intégrité du système financier de l'Union, contenues dans les textes
réglementaires régissant les opérations bancaires et financières, notamment la loi bancaire, le
règlement portant sur les relations financières extérieures, etc120. Les principaux textes de
l’UEMOA en matière de LBC sont les suivants :
- la directive N°07/2002/CM/UEMOA du 19 septembre 2002 relative à la lutte contre le
blanchiment de capitaux dans les États-Membres de l’UEMOA, transposée dans le
droit interne de chaque État membre de l’UEMOA grâce à une loi uniforme adoptée
par les parlements de l’ensemble des États membres121 ;
- la Loi uniforme relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux dans les États
membres de l’UEMOA, adoptée le 20 mars 2003 ;
- le règlement N° 14/2002/CM/UEMOA relatif au gel des fonds dans le cadre de la lutte
contre le financement du terrorisme au sein de l’UEMOA, adopté le 19 septembre
2002;
- la décision N° 06/2003/CM/UEMOA relative à la liste des personnes, entités ou
organismes visés par le gel des fonds et autres ressources financières dans le cadre de
la lutte contre le financement du terrorisme dans les États membres de l’UEMOA,
signée le 26 juin 2003 ;

BCÉAO, Le Dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans


119.

l’Union économique et monétaire ouest africaine (UÉMOA), 2005, p.28.

120.
Idem. p.5.

121.
Banque de France - Eurosystème : « Tour d’horizon de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le
financement du terrorisme dans les pays membres de la Zone franc », Direction de la Communication, Note
d’information, n° 141, Novembre 2014.

70
- la décision N° 04/2004/CM/UEMOA portant modification de la Décision N°
06/2003/CM/UEMOA du 26 juin 2003 relative à la liste des personnes, entités ou
organismes visés par le gel des fonds et autres ressources financières, dans le cadre de
la lutte contre le financement du terrorisme dans les États membres de l’UEMOA,
signée le 5 juillet 2004 ;
- l’instruction N°35/2008 du 23 novembre 2009 relative à la lutte contre le blanchiment
des capitaux au sein des acteurs agréés du marché financier régional de L’UMOA.
- la directive N°02/2015/CM/UEMOA relative à la lutte contre le blanchiment de
capitaux et le financement du terrorisme dans les États membres de l'union
économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).
- le Traité portant création du GIABA (Abuja, 1999).
Aussi, la banque centrale de l’UEMOA, en l’occurrence la Banque Centrale des États de
l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), est au cœur de cette lutte normative en ce qui concerne les
pays de L’UEMOA. Les textes adoptés par cette institution sont entre autres :
- L’instruction N°01/2007/RB du 02 juillet 2007 de la BCEAO relative à la lutte contre
le blanchiment de capitaux au sein des organismes financiers ;
- Instruction n°008-05-2015 de la BCEAO, régissant les conditions et modalités
d’exercice des activités des émetteurs de monnaie électronique dans les états membres
de l’union monétaire ouest-africaine (UMOA) ;
- Instructions 07-09-2017 portant modalités d’application par les institutions financières
de la loi uniforme ;
- Instructions fixant le seuil pour la déclaration de transport physique transfrontalier
d’espèces ;
- Instructions fixant le seuil de déclaration systématique des transactions en espèces

6- La CEMAC

La CEMAC regroupe 6 États de l'Afrique centrale, notamment le Cameroun, la


Centrafrique, le Congo, la RDC, le Gabon, la Guinée-Equatoriale et le Tchad, qui sont
également membres de la CEEAC. La CEMAC constitue une union douanière, dispose d’une
monnaie, le franc CFA, d’une banque centrale, la Banque des États de l’Afrique centrale
(BEAC) et d’un mécanisme de convergence des politiques macroéconomiques.
71
La BEAC est très active dans le domaine de la LBC/FT. Dans la zone CEMAC, la
LBC repose sur un cadre juridique dans lequel ont été édictés des textes de référence dont les
règlements N° 01/03/CEMAC/UMAC/CM du 4 avril 2003 portant prévention et répression du
blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme en Afrique centrale et N°
02/02/CEMAC/UMAC/CM du 14 avril 2002 portant organisation et fonctionnement du
GABAC. Ils ont été respectivement révisés par les règlements N° 02/10/CEMAC/UMAC/CM
du 2 octobre 2010 et N°01/10/CEMAC/UMAC/CM qui reconnaissent les recommandations
du GAFI et la méthodologie de ses évaluations.
Il est à noter les règlements communautaires adoptés à l’échelon sous-régional sont
d’application directe dans chacun des États membres de la CEMAC. Ainsi, les initiatives
prises par la CEMAC ont conduit à la création du GABAC et dans une logique de
coordination des actions pour une surveillance accrue, les États de la sous-région ont
également mis en place des agences nationales d’investigations financières (ANIF) rattachées
GABAC.

7- LES COMORES

Aux Comores, une nouvelle loi a été adoptée par le Parlement comorien le 28 juin
2012 et promulguée le 2 août 2012, permettant au pays de se conformer aux nouvelles
recommandations du GAFI. Les Comores disposent d’une banque centrale active dans le
domaine de la LBC, dénommée Banque centrale des Comores (BCC).

8- Le CLAB 

Créé à l’origine sous la forme d’un groupe régional de travail sur la lutte anti-
blanchiment, le CLAB a été institué par décision des ministres des Finances et des
gouverneurs de banques centrales de la zone Franc le 19 septembre 2000, à l’occasion de leur
réunion à Paris, en France. Le CLAB est doté d’une structure légère, sans budget propre,
s’appuyant sur les institutions de la zone Franc, et réunit tous les organismes et institutions
concernés par la LBC/ FT au sein des 15 pays africains membres de la zone Franc et en
France : la BCEAO, la BEAC, la BCC, la Commission bancaire de l’Union monétaire
ouest-africaine (CBUMOA), la Commission bancaire de l’Afrique centrale (COBAC), la
Commission de l’UEMOA, la Commission de la CEMAC, le GIABA, le GABAC, le
ministère des Finances et des Comptes publics de la France, le ministère des Affaires

72
étrangères et du Développement international de la France et la Banque de France. Il a pour
missions principales :

- de faciliter la concertation entre les institutions intervenant en matière de la LBC/FT et


la coordination des efforts engagés par les pays membres dans ce domaine ;

- d’apporter un appui technique destiné à faciliter la mise à jour des réglementations en


vigueur avec les normes du GAFI et à favoriser l’adoption de dispositifs efficaces tant
au plan national que régional ;

- de concourir à la sensibilisation des opérateurs économiques et des acteurs publics ;

- d’alerter les autorités sur les enjeux de dispositifs efficients en matière de lutte anti-
blanchiment.
Depuis le 1er janvier 2012, le CLAB est présidé à tour de rôle par les 3 banques
centrales des pays africains de la zone Franc (BCEAO, BCC et BEAC). Il se réunit en
séance plénière au moins 2 fois par an et rend compte annuellement de ses travaux aux
ministres des Finances et aux gouverneurs des banques centrales de la zone Franc.
Le secrétariat des travaux du CLAB est assuré par le service de la zone Franc
et du financement du développement logé au sein de la Banque de France. En juin
2012, le CLAB a été admis comme observateur au sein du GAFI, s'imposant ainsi
comme l'instance privilégiée de dialogue entre les institutions concourant à la lutte
contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme au sein de la zone
Franc122.

C. Les Organismes Régionaux de Type GAFI africaines (ORTG)

Les ORTG africains sont considérés comme les acteurs clés de la LBC en Afrique. Ils
comprennent le Groupe anti-blanchiment de l’Afrique orientale et australe (GABAOA), le
Groupe d’action financière du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (GAFIMOAN), le
Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest
(GIABA) et le Groupe d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique centrale (GABAC).

122.
http://www.banque-comores.km/index.php?page=le-comite-de-liaison-anti-blanchiment-de-la-zone-franc.

73
Le GAFIMOAN a été créé le 30 novembre 2004 par les gouvernements de 14 pays du
Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, lors d’une réunion ministérielle inaugurale tenue à
Manama, Bahreïn. Il a pour objectifs :

- d’adopter et de mettre en œuvre les 40 recommandations du GAFI sur la lutte contre le


blanchiment d'argent et le FT et de la prolifération ;
- de mettre en œuvre les traités et accords pertinents de l'ONU et les Résolutions du
Conseil de Sécurité des Nations Unies ;
- de travailler en commun pour promouvoir l'adhésion à ces normes et mesures dans le
Moyen-Orient et l’Afrique du Nord et travailler avec les autres organisations
internationales pour promouvoir une telle adhésion à l’échelle mondiale ;
- de travailler en commun pour identifier les questions liées au blanchiment d'argent et
au FT de nature régionale, partager les expériences sur ces questions et élaborer des
solutions régionales pour leur traitement ;
- de prendre les dispositions efficientes pour lutter contre le BC et le FT, dans toute la
région, de manière efficace et dans le respect des valeurs culturelles spécifiques, du
cadre constitutionnel et des systèmes juridiques des pays membres123.
De nature volontaire, coopérative et indépendante de tout autre organisme international, le
GAFIMOAN n’est pas fondé sur un traité international. Il établit ses propres travaux,
règlements, règles et procédures et coopère avec d’autres organismes internationaux,
notamment le GAFI, pour atteindre ses objectifs. Son siège est situé au Royaume de
Bahreïn124. La session plénière des représentants des États membres se réunit une fois par an
pour définir les politiques, règles et procédures, approuver les rapports annuels et les plans de
travail, examiner les rapports d’évaluation mutuelle relative au respect par les membres des
normes du GAFI et identifier leurs besoins d’assistance technique, ainsi que la fourniture de
cette assistance avec les pays et les prestataires d’aide.
Le groupe d’action émet, de temps en temps, des déclarations sur les meilleures pratiques
pour aider les États membres à élaborer des mesures de LBC/LFT efficaces qui soient
conformes aux normes internationales et adaptées aux circonstances de la région. Ses pays
membres, au nombre de 21, sont : l’Algérie, l’Arabie Saoudite, l’Autorité palestinienne, le
Royaume de Bahreïn, la République de Djibouti, le Soudan, l’Irak, la Lybie, la Mauritanie,
123.
http://www.utrf.gov.ma/index.php

124.
http://www.menafatf.org/about

74
l’Égypte, la Jordanie, le Koweït, le Liban, le Maroc, Oman, le Qatar, la Syrie, la Tunisie, les
Émirats Arabes Unis, le Yémen et la Somalie125. Il dispose d’un réseau d’observateurs qui
comprend126 : le Fonds monétaire arabe, le Groupe chargé de l’Asie et du Pacifique contre le
blanchiment de capitaux (GAP), le Conseil de Coopération des États arabes du Golfe (GCC),
le Groupe Egmont des cellules de renseignements financiers, le Groupe Eurasie, le FMI, la
France, l’Australie, l’Allemagne, l’Espagne, le Royaume-Uni, l’ONU, les États-Unis
d’Amérique, la BM, l’OMD, la Commission européenne et le GAFI.
Par ailleurs, le GIABA127 est une institution spécialisée de la CÉDÉAO, créée le 10
décembre 1999 par la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement de cette institution.
C’est le principal organisme en charge de la définition des stratégies de LBC en Afrique de
l’Ouest. Il accède au statut de membre associé du GAFI en juin 2010, après avoir été reconnu
comme ORTG en juin 2006. Cet organisme fait siennes les 40 Recommandations du GAFI,
qui constituent le référentiel sur lequel s’appuient son mécanisme et ses dispositifs de LBC.
Initialement dédié à la LBC, le GIABA a vu ses statuts révisés par la suite et son domaine
d’intervention élargi à la lutte contre le FT, afin de refléter le lien croissant entre le BC et le
FT. Il a pour missions de protéger les économies nationales et les systèmes financiers et
bancaires des États signataires contre les produits du crime et combattre le FT et pour
objectifs :
- d’assurer l’adoption de normes contre le BC et le FT conformément aux normes et
pratiques internationales acceptables, notamment les recommandations du GAFI ;

- de renforcer la coopération entre ses membres sur des affaires d’intérêt régional ;

- de faciliter l’adoption et la mise en œuvre par les États membres de mesures de


LBC/FT qui tiennent compte des particularités et des conditions régionales
spécifiques ;

125.
http://www.menafatf.org/about/Members-Observers/members.

GOPAC : « Guide d’action de GOPAC relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux à l’intention des
126.

parlement aires », mars 2012, p. 66.

127
Ses membres, au nombre de 17, sont le Bénin, le Burkina Faso, le Cabo Verde, les Comores, la Côte d’Ivoire,
la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Libéria, le Mali, le Niger, le Nigéria, Sao-Tomé-Et-
Principe, le Sénégal, le Sierra Léone et le Togo. Voir https://www.giaba.org/member-states/index html (consulté
le 29 avril 2021, 19h)

75
- d’organiser des autoévaluations et des évaluations mutuelles pour déterminer
l’efficacité des mesures adoptées et leur conformité à des normes internationales
acceptables ;

- de renforcer les capacités des États membres dans la prévention et la LBC/FT dans la
région ;

- d’encourager les autres États africains à rejoindre le GIABA.


Le GIABABdispose d’un réseau de pays observateurs qui sont : les États Unis, la France, le
Portugal, le Royaume uni. Les organisations internationales et régionales partenaires sont : la
BCEAO, WAEMU, l’Union européenne, la Commission de la CÉDÉAO, WAMA (West
African Monetery Agency), BOAD (Banque Ouest Africaine de Développement), le
GABAC, la Commission nationale d’assurance du Ghana, la BAD, le FMI, l’ONUDC, la BM
et le Groupe Egmont128.
Quant au GABAC, il s’agit d’un organisme spécialisé de la Communauté Économique
et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC)129. Il a été créé par un acte additionnel de la
conférence des Chefs d’État d’Afrique centrale tenue le 14 décembre 2000 à N’Djamena, au
Tchad. C’est une structure de promotion des normes, instruments et standards de lutte contre
le blanchiment d’argent. Le GABAC dispose de démembrements dans les différents pays de
la sous-région. Il a pour mandat :
- d’évaluer, de coordonner et de dynamiser l’élaboration des dispositifs anti-
blanchiment au sein de la sous-région de l’Afrique centrale ;
- d’organiser l'assistance technique de la CEMAC et de ses États membres dans
l’évaluation de l’efficacité des mesures adoptées et l’analyse des spécificités du
blanchiment en Afrique centrale ;
- de faciliter la coopération internationale.
Par ailleurs, le GABAC est reconnu par le GAFI comme ORTG et admis comme membre
associé en octobre 2015. Ses pays membres, au nombre de 7, sont le Cameroun, la
République du Congo, la RDC, le Gabon, la Guinée équatoriale, la République
centrafricaine et le Tchad. Ses autres membres sont : le Président de la Commission de la
CEMAC, le Gouverneur de la Banque des États de l’Afrique Centrale, le Secrétaire Général

128.
Portail internet du GIABA à @GIABACÉDÉAO.

129.
https://www.fatf-gafi.org/fr/pages/gabac.html

76
de la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale et le Président du Comité des Chefs de
Police d’Afrique Centrale. Le GABAC dispose d’un réseau d’observateurs qui
comprend l'ONUDC, le GAFI, le Comité de liaison anti-blanchiment de la Zone Franc
(CLAB), la BM et le FMI. Les organisations internationales et régionales partenaires sont la
BCEAO, WAEMU, l’Union européenne, la Commission de la CÉDÉAO, WAMA, la BOAD,
la Commission nationale d’assurance du Ghana, la BAD, le FMI, l’ONUDC, la BM et le
Groupe Egmont130.
Pour ce qui est du GABAOA, il est un organisme régional établi en 1999, lors d’une
réunion des ministres des Finances et représentants de haut niveau de l’Afrique orientale et
australe à Arusha, en Tanzanie. Le groupe rassemble des représentants des domaines
juridiques, financiers et d’application des lois pour assurer l’élaboration de stratégies
nationales exhaustives en matière de LBC/LFT131. Il souscrit aux normes mondiales de lutte
contre le blanchiment d’argent et le FT et de la prolifération. Ses objectifs principaux sont :
- de lutter contre le blanchiment d’argent en mettant en œuvre les 40 recommandations
du GAFI ;
- d’appliquer des mesures de lutte contre le blanchiment d’argent à tous les crimes
graves,
- d’assurer la coordination avec d’autres organisations internationales concernées par la
lutte contre le blanchiment d’argent ;
- de conduite l’étude des typologies régionales émergentes ;
- de favoriser le développement des capacités institutionnelles et des ressources
humaines pour traiter ces questions et d’identifier les besoins d’assistance technique
des États membres ;
- de mettre en œuvre des mesures de lutte contre FT et de mettre en œuvre toute autre
mesure contenue dans les accords multilatéraux et les initiatives relatives à la
prévention et au contrôle du blanchiment des produits de tous les crimes graves et au
FT et de la prolifération des armes de destruction massive.
Le GABAOA devient membre associé du GAFI en juin 2010. Il compte actuellement 18
pays membres132 qui sont l’Angola, le Botswana, l’Eswatini, l’Éthiopie, le Kenya, le Lesotho,
Madagascar, le Malawi, l’île Maurice, le Mozambique, la Namibie, le Rwanda, les

130.
https://www.fatf-gafi.org/fr/pages/gabac.html.

131.
Banque Africaine de Développement Fonds Africain de Développement, Stratégie du groupe de la banque en
matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme en Afrique, mai 2007, p. 28.
132.
https://www.esaamlg.org/index.php/about.

77
Seychelles, l’Afrique du Sud, la Tanzanie, l’Ouganda, la Zambie et le Zimbabwe. Le
GABAOA compte un certain nombre d’observateurs régionaux et internationaux tels que la
RDC, l’AUSTRAC, le Secrétariat du Commonwealth, la Communauté de l’Afrique de
l’Est, le GAFI, le FMI, la communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), le
Royaume-Uni, les États-Unis d’Amérique, l’ONUDC, la BM et l’OMD. Le Royaume-Uni et
les États-Unis d’Amérique collaborent et soutiennent les pays de l’organisation depuis sa
création en 1999.
En somme, face aux menaces que constituent le BC et ses infractions sous-jacentes sur
la stabilité et le développement de l’Afrique et sous l’impulsion de certaines instances
internationales de LBC, des organisations africaines, de même que de nombreux États
africains, se sont engagés dans la LBC sur tout le continent ou dans leur zone respective. Ils
ont par conséquent emboîté le pas au reste du monde, notamment en signant des conventions,
en édictant des textes législatifs et réglementaires et en mettant en place des entités, pour
tenter d’endiguer ce phénomène, voire d’y mettre fin.

Néanmoins, malgré l’élan mondial globalement observé autour de la LBC depuis une
trentaine d’années, celle-ci peine en efficacité. Le blanchiment d’argent continue de
prospérer, voire s’intensifie, en témoignent les nombreux scandales dont font régulièrement
écho les médias. Un certain nombre d’obstacles se dressent contre les actions entreprises. Il
importe de les identifier dans l’optique de déterminer les réajustements qui s’imposent pour
améliorer l’efficacité de cette lutte.

Le Blanchiment d’argent, en tant que fléau planétaire, sévit également en Afrique, tel
que précédemment indiqué. Son ampleur tant décriée par les instances internationales de lutte,
certains auteurs et médias, amène à s’interroger sur son effectivité et la portée de sa nocivité
dans un pays tel que la Côte d’Ivoire, le cas échéant, sur les dispositifs mis en place pour
lutter contre ce crime, sur leur efficacité, en vue de tirer des leçons pour l’avenir.

78
79
DEUXIÈME PARTIE : LA RÉALITÉ DU BLANCHISSEMENT
D’ARGENT EN CÔTE D’IVOIRE

Le phénomène de blanchiment de capitaux existe-t-il réellement en Côte d’Ivoire ?


Les lignes qui suivent permettent de répondre à cette interrogation par l’affirmative. Mais, en
vue de mieux appréhender ce phénomène sur le territoire ivoirien, il s’avère pertinent de faire
l’historique de ce fléau (chapitre 1), avant de présenter l’organisation de la lutte contre le
blanchiment de capitaux (chapitre 2).

80
CHAPITRE 1 : L’APPROCHE HISTORIQUE DU BLANCHIMENT DE CAPITAUX
EN CÔTE D’IVOIRE

En Côte d’Ivoire, l’histoire du BC s’apprécie officiellement qu’au regard de l’adoption


du cadre juridique et institutionnel de la lutte, à la faveur de l’adoption de la loi N° 2005-554
du 02 décembre 2005 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux. Il va sans dire
qu’avant 2005, le BC n’était pas considéré comme tel. À tout le moins, il existait des activités
prohibées, proches du blanchiment des capitaux (section 1). Par la suite, le législateur ivoirien
procède à une pénalisation du blanchiment des capitaux à partir de 2005 (section 2).

SECTION 1 : L’EXISTENCE D’ACTIVITÉS PROCHES DU BC EN CÔTE D’IVOIRE


AVANT 2005

Certaines activités illicites avaient cours en Côte d’Ivoire (A) et il existe des
mécanismes pour lutter contre elles (B)

A. Les comportements répréhensibles avant 2005

Il est certain qu’avant 2005, l’infraction de blanchiment n’existait pas en Côte


d’Ivoire. Cependant, il n’en demeure pas moins que des comportements suspects y existaient.
Il s’agit d’en identifier les principaux.

1- La corruption
La corruption peut être perçue, au même titre que la prostitution, comme l’un des plus
vieux métiers du monde. Multiforme et parfois difficilement perceptible, la corruption existe
en Côte d’Ivoire depuis longtemps. En effet, les dessous-de-table, les rétro-commissions ou
pots-de-vin, les détournements des deniers publics, les passations de marchés truquées, les
fraudes par les surfacturations sur les achats de fournitures diverses, le favoritisme à travers le
népotisme ou la collusion, les droits de « cuissages »133, etc. font partie des nombreuses
formes de corruption qui avaient cours dans le tissu économique ivoirien avant 2005 et qui
étaient décriées par les ONG ou les médias. La Côte d’Ivoire était vulnérable, aussi bien à la
« grande corruption » qui lie une entreprise à un État, qu’à la « petite corruption »
bureaucratique dans l’administration publique ou entre les citoyens, selon les types de
corruption retenus par la Banque Mondiale. La liste des cas de corruption est longue, sans

133.
TINGAIN Julien : « La lutte contre la corruption en C.I., un défi », p. 8-14.

81
oublier la culture du «  grilleur d’arachide » qui, depuis les indépendances, a posé les
fondements du pays sur la corruption et le pillage systématique des ressources nationales134.
En 2005, la Coalition pour le Plaidoyer Anti-Corruption et la Transparence en Côte
d’Ivoire (COPACT-CI), un réseau d’ONG, tirait la sonnette d’alarme sur l’ampleur de ce vice
dans le pays et appelait les autorités du pays à engager « une lutte complète et sans
complaisance » contre la corruption. Selon le rapport 2004 de l’ONG Transparency
International, en 2003, la Côte d’Ivoire était classée 118 e sur 133 pays, avec une note de
2,1/10, ce qui n’est pas reluisant pour ce pays et qui montre à quel point la corruption occupe
son espace économique.

2- Le trafic de drogue
Le trafic de drogue est une activité illicite qui se pratique en Côte d’Ivoire depuis plus
d’une cinquantaine d’années. En 1973, la Commission des affaires Sociales et Culturelles du
Conseil Économique et Social de la République de Côte d’Ivoire alertait sur l’existence et le
développement, bien que récents à cette époque. Les drogues dont il était fait abus le plus
souvent étaient le chanvre indien, qui était clandestinement cultivé dans certaines régions du
pays, en l’occurrence, Bouaflé, N’Douci et Agboville. Cependant, le trafic du cannabis était
surtout alimenté par des importations illicites par mer et surtout par la voie de terre135.
La drogue entrait dans le pays à partir des pays voisins situés à l’Est et à l’Ouest. En
1969, selon les statistiques du Bureau National des Stupéfiants, 13,100 Kg de cannabis ont été
saisis et détruits ; 3 petites plantations de 375 m2 ont été découvertes sur la route d’Agboville-
N’Douci sur dénonciation. Respectivement en 1970 et 1971, 8 Kg et 28, 658 Kg ont été saisis
et détruits. Parmi les facteurs contribuant à répandre la toxicomanie en Côte d’Ivoire, figurent
les facteurs médicaux (employé dans les surmenages, diverses psychoses, dans la dépression
et l’obésité), les facteurs socio-économiques (les migrations internes et internationales, la
pauvreté occasionnant la perte de confiance en soi, la destruction des anciennes structures
sociales traditionnelles africaines, etc.). La drogue alimentait donc une économie souterraine
destructrice de la société et du tissu économique légal, car occasionnant la dépendance des
travailleurs, de la jeunesse scolarisée comme déscolarisée et plus généralement des personnes
qui y étaient exposées.

134.
TINGAIN Julien : « La lutte contre la corruption en Côte d’Ivoire, un défi », p. 22.

Commission des affaires Sociales et Culturelles du Conseil Économique et Social de la République de Côte
135.

d’Ivoire, troisième législature, première session ordinaire : « Rapport sur le problème de la drogue en Côte
d’Ivoire présenté par KOUAO Jean-Michel », 1973, p. 3.

82
3- Les trafics de tous genres occasionnés par les crises
Dans l’histoire de la criminalité, il est à noter que les périodes de crise ou de récession
sont propices à son développement : les individus devenant plus vulnérables. C’est le cas de la
sous-région ouest-africaine et particulièrement la Côte d’Ivoire où les différentes crises qu’a
connues ce pays ont fortement contribué au développement d’autres formes de criminalité.
Aussi, pendant le conflit armé qui avait cours depuis 2002, le diamant de la Côte d’Ivoire
était-il illégalement exporté. À tel point que Boaz HIRSCH, président du processus de
Kimberley, a affirmé que « La Côte d’Ivoire est devenue le principal exportateur mondial de
"diamants de guerre"136 ». Depuis le début de ce commerce illicite, des diamants qui
représentent « des dizaines voire des centaines de millions de dollars ont été clandestinement
exportés du pays par le biais de faux certificats d'origine ». De même, pendant cette période,
sévissait la contrebande du cacao de Côte d’Ivoire, qui selon les médias, était illégalement et
clandestinement détourné vers des pays voisins afin d’y être vendu ou exporté.

B. Les mécanismes de répression de ces comportements avant 2005

1- En matière de corruption
Malgré l’expansion de la corruption en Côte d’Ivoire, les autorités de ce pays n’ont
engagé que tardivement des actions concrètes visant à lutter contre ce fléau qui, pourtant, non
seulement ne donnait ni une bonne opinion ni une bonne image du pays vis-à-vis de
l’extérieur, mais aussi impactait négativement l’environnement économique et social du pays.
Avant 2005, la Côte d’Ivoire ne disposait pas d’organismes nationaux spécifiques engagés
dans la lutte contre la corruption. Cependant, elle disposait d’un nombre de lois et de décrets
applicables en matière de lutte contre la corruption, parmi lesquels :
- la loi n° 81-640 du 31 juillet 1981 portant Code pénal (CP) ;

- la loi n° 60-366 du 14 novembre 1960 portant Code de procédure pénale (CPP) ;

- la loi du 10 mars 1927 relative à l’extradition des étrangers (loi sur l’extradition).
Ces textes de loi, contenus dans des dispositions légales diverses, sont, pour la plupart,
d’application large et générale. Avant 2005, il n’existait pas en Côte d’Ivoire une loi
spécifique à la corruption137.

136.
AFP : « Commerce illégal de minerais / Diamants de Guerre : La Côte d’Ivoire, principal exportateur
mondial », La Dépêche d'Abidjan, Mercredi 29 Décembre 2010.
137.
TINGAIN Julien : « La lutte contre la corruption en Côte d’Ivoire, un défi », p. 25.

83
2- En matière de trafic de drogue

Dans la décennie de son accession à l’indépendance, la Côte d’Ivoire disposait déjà


d’un organe de coordination des activités des services de la répression, notamment le Bureau
National des Stupéfiants.
Au plan international la Côte d’Ivoire a ratifié, le 19 juillet 1991, la Convention de
Vienne sur le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988, qui constitue
le principal instrument juridique à caractère universel en la matière 138. À la suite de cette
ratification, le pays a édicté la loi N° 88-686 du 22 juillet 1988 portant répression du trafic et
de l’usage illicites des stupéfiants, des substances psychotropes et des substances
vénéneuses139.

3- En matière de trafics de tous genres occasionnés par les crises


Correspondant à des trafics circonstanciels intervenus dans une période de turbulences
pour le pays, marquée par l’existence d’un conflit armé, les activités illicites qui avaient cours
n’étaient pas maîtrisées par les autorités ivoiriennes qui n’avaient pas toute la situation
économique et sécuritaire en main. Plus préoccupées par la gestion du conflit, elles n’ont pas
mis en place de mécanismes nationaux pour lutter contre ces phénomènes. Néanmoins,
certaines structures dédiées à la gestion du binôme café cacao, aidées des autorités douanières,
ont pris des initiatives pour tant bien que mal opérer des saisies de camions de contrebande,
au regard des textes de loi antérieurs plus ou moins adaptés aux cas en présence, et au plan
international un embargo sur le commerce du diamant ivoirien a été décidé par l’ONU pour
tenter de juguler le trafic illicite de cette pierre précieuse. Cependant, le groupe d'experts de
l'ONU chargé de veiller au respect de l'embargo avait jugé que les mesures et restrictions
imposées par le Conseil de sécurité à la Côte d’Ivoire n'empêchaient toujours pas le trafic
illicite de diamant brut ivoirien. L'embargo avait eu pour effet de susciter des filières
parallèles et selon un des experts de l'ONU, la production et la commercialisation illégales du
diamant brut se poursuivaient en Côte d'Ivoire à travers des « réseaux qui achètent puis
exportent illégalement en passant par les États voisins »140.
138.
Mission permanente de la République de Côte d’Ivoire auprès des Nations Unies,  Pratiques et politiques
nationales de protection et de promotion des droits de l’homme qui contribuent à prévenir et à combattre
l’extrémisme violent, 30 mars 2016, p. 2.

139.
Mission permanente de la République de Côte d’Ivoire auprès des Nations Unies,  Pratiques et politiques
nationales de protection et de promotion des droits de l’homme qui contribuent à prévenir et à combattre
l’extrémisme violent, 30 mars 2016, p. 3.
140.
France 24, Infos & news & actualité, Publié le : 29/04/2014.

84
Au total, avant 2005, la Côte d’Ivoire n’a pas affiché une forte volonté politique
d’engager une lutte spécifique contre les activités et comportements illicites qui avaient cours
tels que la corruption et les trafics illicites de drogue, de diamant brut et de cacao ivoirien.
Elle n’a pas mis en place de mécanismes particuliers de répression de ces comportements et
activités illicites, mais utilisait plutôt des textes juridiques et réglementaires généraux et les
structures classiques (Police, Gendarmerie et tribunaux) qui existaient dans son système
répressif.

SECTION 2 : LA PÉNALISATION DU PHÉNOMÈNE DE BC EN CÔTE D’IVOIRE À


PARTIR DE 2005

La prise de conscience par la Côte d’Ivoire a été principalement déterminée par des
données et des données internes.
D’abord, dans le cadre de la globalisation des économies, l’intégration de l’Afrique et
particulièrement de la zone Franc141 au sein de l’économie mondiale se traduit par une
mobilité accrue des capitaux. À cela, s’ajoute le développement rapide de nouveaux moyens
de paiement associés aux nouvelles technologies de l’information. Cette évolution tend à
offrir des outils de plus en plus sophistiqués, permettant ainsi de blanchir le produit de
l’argent du crime tout en préservant l’anonymat des transactions. À cela s’ajoute la prise de
conscience internationale liée aux attentats de 2001 qui ont amené à intégrer la lutte contre le
financement du terrorisme à la lutte mondiale contre le blanchiment de capitaux.
Aujourd’hui encore, le concept de BC apparait comme une notion relativement
nouvelle pour le citoyen ivoirien. Ce qui ne signifie pas pour autant que le phénomène
n’existait pas en Côte d’Ivoire. Le terme n’était tout simplement pas employé pour désigner
les pratiques qui avaient cours et qui pourtant entraient dans son canevas. Seuls certains
crimes qui se révèlent être sous-jacents au BC étaient désignés et sanctionnés. Les différentes
crises que la Côte d’Ivoire a connues semblent également avoir eu un gros impact sur la
montée de ce fléau dans le pays. Nous avons assisté à la partition du pays avec des évasions
fiscales et de produits d’exportation… dans ce contexte, l’État apparait vulnérable au
blanchiment d’argent.

141.
La Zone franc rassemble la France et quinze États africains : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la
Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo, au sein de l’Union économique et monétaire ouest-
africaine (UÉMOA) ; le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad au
sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC); et les Comores.

85
Aussi, prenant conscience des répercussions néfastes de certaines activités illicites sur
son économie et sa société en particulier, et sur le monde entier en général, du fait de la
mondialisation, les autorités du pays ont-elles décidé de mener des actions plus incisives et
déterminantes en vue de lutter contre certains fléaux, dont le BC. Le phénomène du BC étant
systématiquement lié à la commission d’une infraction, crime ou délit, une revue de ses
infractions sous-jacentes, prépondérantes dans le pays, et des secteurs d’activité les plus
impactés par ce fléau, s’impose, afin de montrer la nécessité d’y apporter une réponse plus
efficace.

A. Les infractions sous-jacentes au BC prépondérante en Côte d’Ivoire

Comme les autres pays du monde, la Côte d’Ivoire est confrontée au problème du BC.
Bien qu’il soit difficile, voire impossible de disposer de statistiques exhaustives et fiables sur
cette réalité, certains rapports ou propos d’organismes engagés dans la LBC en Côte d’Ivoire
l’attestent. À titre d’illustration, selon le 3 e rapport de suivi-évaluation mutuelle élaborée sur
la Côte d’Ivoire par le GIABA en novembre 2015, les préjudices subis de novembre 2014 au
30 juin 2015 par l’État de Côte d’Ivoire et par les tiers dans le cadre du BC/FT s’élèvent à 106
470 693 660 F CFA142. De « nouvelles » activités criminelles organisées, dont le commerce
illicite des armes, l’escroquerie financière au moyen de la cybercriminalité, des maisons de
placement ou des montages financiers du type « agrobusiness », sont venus se greffer à celles
existant avant 2005. Toutes ces activités illicites se sont accentuées à la faveur de la
globalisation des économies, augmentant les risques de BC en Côte d’Ivoire.
Cependant, seules les infractions qui favorisent de manière récurrente et prépondérante
le BC en Côte d’Ivoire seront passées en revue. Il s’agit principalement de la corruption, du
trafic de drogue et de la cybercriminalité.

1- La corruption

La notion de corruption est polysémique. Toutefois, on peut généralement


l’appréhender comme la proposition ou l’acception de dons illicites ou encore le fait de
soudoyer quelqu’un pour obtenir des faveurs. En Côte d'Ivoire, la corruption persiste et est
même devenue un phénomène banal qui s'est transformé en une culture dont les effets, bien
qu'étant perçus par une catégorie sociale comme un moyen d'atténuer la pauvreté, demeurent
un facteur qui alimente le BC et freine le développement de l'économie. De nombreux faits de
corruption ont alimenté la presse en Côte d’Ivoire après 2005. Les détournements de plusieurs
142.
GIABA, Troisième rapport de suivi évaluation mutuelle, Côte d’Ivoire, Novembre 2015, 2015, p. 16.

86
milliards de F CFA dans la filière café-cacao, qui ont entraîné l’emprisonnement de plusieurs
dirigeants de cette filière, de même que le scandale des déchets toxiques, pour ne citer que ces
faits, en sont des illustrations.
La corruption reste une question importante pour les politiques publiques partout dans
le monde. Sa relation avec le BC est claire : l’argent corrompu est habituellement blanchi
pour être légitimé et en cacher la provenance. Les régimes politiques n’ayant pas de système
de reddition de comptes et de transparence permettent souvent le blanchiment de sommes
importantes et le développement de la corruption. Ainsi, le blanchiment d’argent constitue un
sérieux catalyseur de corruption étatique 143. Ainsi, selon une enquête menée par la BM entre
novembre 2006 et janvier 2007, il ressort que sur 51 pays classés en Afrique, la Côte d’Ivoire
vient en 47e position.
Par ailleurs, l’ONG Transparency International a dévoilé le jeudi 23 janvier 2020 les
résultats de l’indice de perception de la corruption ; indice qui classe les pays selon leur
niveau de corruption, en s’appuyant sur une analyse de perception de la corruption dans le
secteur public, et qui note 180 pays et territoires, en s'appuyant sur 13 enquêtes auprès
d'hommes d'affaires et sur des évaluations d'experts.  La Côte d’Ivoire obtient le score de 35
points sur 100 avec le rang de 106 e sur 180144. Bien que ce score soit au-dessus de la moyenne
générale de l’Afrique subsaharienne, il n’en demeure pas moins vrai que les performances en
matière d’amélioration de la transparence et de la lutte contre la corruption restent statique (au
vu du score) voire même en déclin (au vu du rang), comparées à 2018 où le score était de 35
points sur 100 avec un rang de 105e sur 180, et 2017 où le score était de 36 points sur 100
avec un rang de 103e sur 180. Le rapport a révélé que la corruption est plus répandue dans les
pays où les gros capitaux peuvent circuler librement dans les campagnes électorales et où les
gouvernements n'écoutent que la voix des personnes riches ou avec qui ils ont des relations. 
En ce qui concerne la Côte d’Ivoire, le rapport révèle que la volonté politique
exprimée par le gouvernement dès le départ en matière de transparence et de lutte contre
la corruption qui s’est traduite par la mise en place d’un dispositif juridique, politique et
institutionnel a connu un recul depuis 2016. Alors que cette volonté politique a permis à la
Côte d’Ivoire d’améliorer son rang en passant de 130 e avec 29 points en 2012 à 105 e avec 35
points en 2018, une analyse de la situation démontre bien que la Côte d’Ivoire a encore du
chemin à parcourir, surtout dans la mise en œuvre des réformes, car l’existence d’un dispositif

Social Justice, Analyse des secteurs les plus touchés par le blanchiment de capitaux en Côte d’Ivoire,
143.

Novembre 2018, p.28.

144.
Transparency International, Indice de perception de la corruption 2019, p.3.

87
juridique, politique et institutionnel ne saurait être efficace sans une application effective de
celui-ci. Selon le classement 2020 de Transparency International sur l’indice de perception de
la corruption, la Côte d’Ivoire perd une place et passe à la 17ème position.

2- Le trafic de drogue
Le profit des trafiquants de drogue dans le monde est estimé par le GAFI à 850 000
milliards de F CFA par an en 1992. Ce chiffre, même s’il doit être accepté avec précaution,
représente des sommes considérables perçues en espèces par les trafiquants qui doivent, pour
les utiliser, les introduire dans le circuit financier normal, c’est-à-dire les « blanchir » par
l’intermédiaire des banques. En Côte d’Ivoire, le Comité Interministériel de Lutte Anti-
Drogue (CILAD) estime qu’environ 12% de la population âgée de 15 à 64 ans consomme des
drogues, et évalue à 286 tonnes, la quantité de drogues saisies entre 2017 et le 1er semestre de
l’année 2018. Par ailleurs, selon un dossier monté par le Journal Le Monde Afrique, la Côte
d’Ivoire est citée comme une place faisant partie depuis 2011 d’un trafic international de
drogue impliquant des Nigérians. La Côte d’Ivoire ferait partie des pays producteurs de la
méthamphétamine.145
Conscientes de la problématique de la drogue, les autorités ivoiriennes mettent tout en
œuvre pour y mettre fin146. Pour améliorer l’efficacité de la lutte contre cette substance
nocive, elles ont adhéré à l’idée des institutions internationales telles que l’ONU de lutter
contre ce crime à travers la confiscation de son produit.

3- La cybercriminalité
Selon le constat de certains des participants de la première conférence régionale sur la
cyber sécurité, dans la capitale politique de la République de Côte d’Ivoire, « La
cybercriminalité s’est amplifiée avec le développement de l’Internet, pour atteindre des
proportions inquiétantes ». La délinquance informatique est en nette augmentation sur le
continent. Les pertes attribuées à la cybercriminalité ont été évaluées, en 2007, à près de 200
milliards de dollars (près de 158 milliards d’euros), une valeur en forte hausse par rapport aux
chiffres de 2003 qui étaient d’à peine 20 milliards d’euros147.

Ghali KADIRI : « En Côte d’Ivoire, le trafic de drogue aux mains de la mafia nigériane », Le Monde Afrique,
145.

publié le 06 avril 2017 à 14h16.

146.
Figaro avec AFP - Publié le 07/06/2019 à 21 :25.
147.
https://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2010-2-page-155.htm

88
En Côte d’Ivoire, le développement de l’usage d’Internet occasionne de nombreuses
menaces sur le rayonnement économique du pays et son image à l’extérieur. En effet, au
début de l’année 2008, les Fournisseurs d’Accès Internet (FAI) ont constaté que le nombre de
courriers électroniques indésirables (ou spams), dont l’objectif est d’escroquer le destinataire,
a atteint des proportions trop importantes. Devant la prolifération de ces courriels disséminés
à partir de la Côte d’Ivoire, de nombreux pays africains ont sollicité les autorités ivoiriennes
afin que des mesures soient prises pour endiguer ou à défaut maîtriser le phénomène148.
La Côte d’Ivoire est donc devenue un des acteurs principaux de la cybercriminalité
dans le monde, activité illicite qui favorise le blanchiment d’argent. Ce phénomène a connu
une croissance fulgurante dans ce pays, pendant ces 2 dernières décennies. L’avènement du
concept du « coupé-décalé », rythme urbain ivoirien créé en 2002 dans un
contexte sociopolitique aggravé par la guerre, a également contribué à développer la
cybercriminalité en Côte d’Ivoire. En effet, ses créateurs et concepteurs, caractérisés par leur
goût prononcé pour le dandysme et la distribution de billets de banque sans compter, dans les
lieux publics, et soupçonnés d’être des escrocs du Net, appelés dans le jargon ivoirien «
brouteurs », ont réussi à séduire et capter une bonne frange de la jeunesse ivoirienne. Ces
malfrats, affichant une richesse de manière ostentatoire, injectaient dans le tissu légal ces
sommes illicitement acquises à travers l’achat de biens de luxe (véhicules, vêtements, bijoux,
etc.), de biens immobiliers ou de divertissements pompeux. Sans le savoir, le coup d’envoi de
la course à l’argent facile, par tous les moyens, venait d’être donné.
Aujourd’hui, la cybercriminalité s’est généralisée. Une grande proportion de jeunes
gens veut gagner de l’argent facilement dans l’arnaque, via Internet. Des opérations de vol
d’argent dans des banques ivoiriennes par des cybercriminels, ou des arnaques ciblant des
citoyens étrangers, particulièrement des occidentaux, sont régulièrement relayées par les
médias. Selon Social Justice, faisant allusion à la cybercriminalité, « Elle a fait perdre à la
Côte d’Ivoire 20 milliards de francs CFA, soit la somme de 23 millions d’Euros en 2013  149».
La Côte d’Ivoire étant devenue la plaque tournante de ce phénomène, les autorités ont adopté
une loi, en l’occurrence la loi N°2013-451 du 19 juin 2013 relative à la lutte contre la
cybercriminalité, en vue de combattre cette infraction.
Ainsi, une lutte, voire une traque est menée contre ces délinquants par la police de
lutte contre la cybercriminalité. Certains cybercafés sont surveillés et souvent pris d’assaut

https://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2010-2-page-155.htm.
148.

Social Justice, Analyse des secteurs les plus touchés par le blanchiment de capitaux en Côte d’Ivoire,
149.

Novembre 2018, p. 26.

89
pour dénicher ces malfrats. Bien que les différentes infractions ci-dessus citées fassent partie
des plus importantes, sous réserve de disposer de statistiques fiables et régulières, il convient
de souligner que de nombreuses autres infractions sous-jacentes au BC sont commises en
Côte d’Ivoire. Celles-ci intègrent, entre autres, la prostitution, le trafic des êtres humains et la
contrebande de marchandises diverses, dont les médicaments. Les gains retirés de ces
différents crimes sont réinjectés dans l’économie, à travers différents secteurs d’activité, que
ce soit par le biais du système financier formel ou informel.

B. Les secteurs d’activité fortement touchés par le BC en Côte d’Ivoire

Plusieurs secteurs de l’économie ivoirienne sont touchés par le phénomène du BC.


Cependant, un rapport publié à la suite d’une enquête menée par Social Justice150, avec l’appui
de Transparency International, révèle que l’agriculture et l’immobilier sont des secteurs
exploités pour blanchir de l’argent en Côte d’Ivoire151.

1- Le secteur de l’immobilier
Diverses études, en particulier celles réalisées par le GAFI au cours des dernières
années, suggèrent le recours à divers services professionnels, notamment au secteur
immobilier152pour des opérations de blanchiment. La Côte d’Ivoire n’échappe pas à ce
phénomène. La crise qu’elle a connue de 2002 à 2010 a favorisé le développement d’activités
criminelles lucratives (braquages de banques centrales impliquant d’importantes sommes
d’argent, cybercriminalité, trafics illicites de diamant ou d’armes, etc.) qui ont eu pour
corollaire le développement du secteur immobilier, par le truchement du blanchiment des
sommes importantes illicitement acquises. En effet, l’acquisition de biens immobiliers
constitue, de nos jours, l’un des moyens fréquemment utilisés par les délinquants financiers
pour dissimuler l’origine illicite des produits de leurs méfaits. L’utilisation courante des
paiements d’importantes sommes d’argent en espèces dans ce secteur, d’une part, facilite
l’anonymat des personnes impliquées et, d’autre part, rend difficile, voire impossible, la

ONG ivoirienne qui a pour vocation de lutter contre la corruption, promouvoir la transparence, la bonne
150.

gouvernance et la justice sociale.

Social Justice, Analyse des secteurs les plus touchés par le blanchiment de capitaux en Côte d’Ivoire,
151.

Novembre 2018, p. 24.

GIABA, Typologies du blanchiment d’argent par le biais du secteur immobilier en Afrique de l’Ouest -
152.

Rapport final, p. 10.

90
traçabilité des opérations de blanchiment de capitaux ainsi que le mode opératoire des
délinquants.

2- Le secteur de l’agriculture
La Côte d’Ivoire est un pays dont l’économie est basée sur l’agriculture, secteur qui se
caractérise par des transactions principalement informelles et en espèces, ce qui accroît le
risque de BC. Les criminels, recherchant les « meilleurs » moyens de dissimuler leurs gains
illicites, ont trouvé en l’agriculture un tremplin idéal pour opérer leurs forfaits.
L’analphabétisme de la plupart des praticiens de ce secteur ainsi que la méconnaissance du
phénomène du BC créent des conditions favorables à ce fléau 153. « D’autres secteurs tels que
les industries extractives, l’hôtellerie et les transports, pour ne citer que ceux-là, sont
également touchés par le phénomène du BC. Cependant, le manque de disponibilité des
données ne permet pas réellement d’évaluer son impact dans tous les secteurs, notamment le
secteur informel qui est transversal154.
Néanmoins, devant l’ampleur des infractions sous-jacentes au BC sur son sol et dans
le monde, appréhendant l’importance des impacts néfastes du blanchiment des produits de ces
infractions sur son économie et emboîtant le pas aux organisations communautaires dont elle
fait partie, la Côte d’Ivoire s’est résolument engagée dans la lutte contre la délinquance
financière que constitue le BC.

Social Justice, Analyse des secteurs les plus touchés par le blanchiment de capitaux en Côte d’Ivoire,
153.

Novembre 2018, p. 24.

Social Justice, Analyse des secteurs les plus touchés par le blanchiment de capitaux en Côte d’Ivoire,
154.

Novembre 2018, p. 26

91
CHAPITRE 2 : L’ORGANISATION DE LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT
DE CAPITAUX EN CÔTE D’IVOIRE

Principal pôle économique et financier de la sous-région Ouest-africaine, la Côte


d’Ivoire se trouve exposée aux risques liés au blanchiment d’argent. Membre de la CÉDÉAO
d’une part et de l’UEMOA d’autre part, elle s’est inscrite dans la droite ligne des actions
entreprises par ces organisations communautaires pour combattre ce fléau. Dans cette optique,
plusieurs initiatives ont été prises par l’État de Côte d’Ivoire, parmi lesquelles, l’institution
d’un cadre juridique et institutionnel se traduisant par l’adoption de nombreux textes
législatifs, réglementaires et d’application, la création et/ou l’opérationnalisation de structures
dédiées à la problématique de la LBC. De même, la Côte d’Ivoire collabore avec des organes
communautaires dédiés à la LBC tels que le GIABA. Le cadre ivoirien de la LBC intègre la
lutte contre le FT. L’évaluation de l’efficacité de ce cadre ne peut être faite qu’après une
analyse du dispositif existant.

SECTION 1 : LES MÉCANISMES DE LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT


D’ARGENT

À l’instar des pays engagés dans la LBC, la Côte d’Ivoire s’est dotée d’un cadre
juridique et institutionnel de LBC.

A. Le cadre juridique

Comme précédemment indiquée, l’infraction de BC n’est apparue dans le corpus


juridique ivoirien que récemment, avec l’adoption de la loi N° 2005-554 du 02 décembre
2005 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, qui constitue le fondement juridique
de la LBC en Côte d’Ivoire. Cette loi, plus tard complétée par l’ordonnance N° 2009-367 du
12 novembre 2009 relative à la lutte contre le financement du terrorisme, ainsi que le
dispositif de lutte qu’elle induisait, sont apparus très vite désuet au regard de l’évolution des
standards internationaux prescrits par le GAFI à partir de février 2012.
La révision des normes internationales a conduit la Côte d’Ivoire à adopter, en 2016, la
loi N° 2016-992 du 14 novembre 2016 relative à la LBC/FT. Cette nouvelle loi qui abroge les
2 textes précédents en les unifiant constitue le nouveau cadre juridique de référence de la
LBC/FT en Côte d’Ivoire.

92
Elle vient combler les insuffisances du dispositif réglementaire préexistant et marque
la ferme volonté de l’État de Côte d’Ivoire de prendre une part active dans la lutte contre ces
fléaux. Ce dispositif législatif s’articule autour de 3 grandes préoccupations, à savoir la
prévention, la détection et la répression du BC/FT par la facilitation des enquêtes et poursuites
contre le BC/FT, en vue de décourager leur commission. Plusieurs autres textes adoptés par la
suite et organisant cette lutte découlent de cette loi. De même, sur cette base, le dispositif
institutionnel s’est renforcé.

B. Le cadre institutionnel

L'État de Côte d'Ivoire, à l'instar des pays de la sous-région, s'est investi dans la lutte
contre toutes les formes de BC. La loi abrogée, de même que la loi N° 2016-992, prévoient
l’implication de structures administratives existantes ou la création de structures
administratives dédiées à la LBC. Celles-ci comprennent principalement, le ministère en
charge de l’Économie et des Finances, le ministère de la Justice, le ministère de l’Intérieur, le
ministère des Affaires Étrangères ; le Comité de Coordination des politiques nationales de
Lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des
armes de destruction massive ; la Cellule Nationale de Traitement des Informations
Financières (CENTIF-CI). À ces entités se greffent d’autres structures telles que la Haute
Autorité pour la Bonne Gouvernance (HABG), l’Unité de lutte contre la Criminalité
Transnationale (UTC), la Direction des Services Extérieurs (DES), la Coordination Nationale
du Renseignement, etc. Parmi toutes ces structures, la CENTIF-CI et le Comité de
Coordination constituent les organes administratifs clés de la LBC et les ministères, les
tutelles du dispositif de LBC.

1- La CENTIF-CI

Conformément à ses engagements communautaires au sein de l’UEMOA, et en


application de la recommandation 29 du GAFI demandant aux pays de mettre en place une
Cellule de Renseignements Financiers (CRF) la Côte d’Ivoire s’est dotée d’un instrument de
lutte contre la délinquance financière caractérisée par l’utilisation des circuits financiers
nationaux à des fins de BC. Elle a de ce fait créé la CENTIF-CI qui a pour but, entre autres,
de sécuriser les circuits économiques, financiers et bancaires nationaux.
Créée par la loi N° 2005-554 du 02 décembre 2005 relative à la lutte contre le BC, en
son article 16, et instituée par le décret N° 2006-261 du 09 août 2006 portant création,

93
organisation et fonctionnement de la CENTIF-CI, cette cellule, désormais régie par la loi N°
2016-992 du 14 novembre 2016, est au cœur du dispositif national de LBC. Placée sous la
tutelle du ministre de l'Économie et des Finances, la CENTIF-CI est un service administratif
doté de l'autonomie financière ainsi que d'un pouvoir de décision autonome sur les matières
relevant de ses attributions. Ses ressources proviennent du budget de l'État ainsi que des
apports consentis par les institutions de l'UEMOA et les partenaires au développement. Elle
poursuit de ce fait des missions à savoir. Relativement à la LBC, la CENTIF a essentiellement
2 grandes missions opérationnelle et stratégique.
D’un point de vue opérationnel, la CENTIF‐CI reçoit, centralise et analyse les
informations de nature à établir l’origine des transactions ou la nature des opérations faisant
l’objet des déclarations de soupçons155, puis les transmet aux autorités de poursuites en cas de
soupçons avérés. Cette activité est l’essence de la CENTIF-CI, car elle permet de déclencher
le volet répressif.
Au plan stratégique, la CENTIF‐CI émet des avis sur la mise en œuvre de la politique
de l’État en matière de LBC. Elle propose les réformes nécessaires au renforcement de
l’efficacité́ de cette lutte.
Par ailleurs, d’autres missions lui sont assignées, notamment la formation et la
sensibilisation en direction des assujettis, l’autoévaluation et l’évaluation mutuelle et l’analyse
de l’évolution des techniques et des activités de BC, la participation aux exercices de
typologie. Elle veille également à la conformité de la Côte d’Ivoire aux normes et standards
internationaux sur la base des recommandations du GAFI ; à cette fin, elle a vu ses
compétences élargies au contrôle du respect de la réglementation des changes 156. Pour
accomplir efficacement ses missions, la CENTIF‐CI dispose de pouvoirs élargis. La loi
relative à la LBC lui confère un droit de communication très étendu, le « secret professionnel
» lui étant inopposable et, en cas d’urgence, elle dispose d’un droit d’opposition à l’exécution
d’une opération suspecte pendant un délai qui ne peut excéder 48 heures. Pour mieux
appréhender la CENTIF-CI, il est important de voir sa composition puis son fonctionnement.

Le modèle est fixé par l’arrêté n°391 MEF/CENTIF du 30 octobre 2017 fixant le modèle de déclaration de
155.

soupçons portant modification de l’arrêté n°077/MPMEF/CENTIF du 10 juin 2015 fixant le modèle de


déclaration de soupçon.

156.
CENTIF-CI, Rapport annuel 2010 et Rapport annuel 2011.

94
a. Composition de la CENTIF-CI

En ce qui concerne sa composition, il convient de noter que la CENTIF-CI comprend


6 membres à savoir:
- un haut fonctionnaire issu, soit de la direction des Douanes, soit de la direction du
Trésor, soit de la direction des Impôts, ayant rang de directeur d'Administration
centrale, détaché par le ministère chargé des Finances. Il assure la présidence de la
CENTIF-CI ;

- un magistrat détaché par le ministère chargé de la Justice ;

- un haut fonctionnaire de la Police judiciaire, détaché par le ministère chargé de la


Sécurité;

- un représentant de la BCEAO, assurant le secrétariat de la CENTIF-CI ;

- un chargé d'enquêtes, inspecteur des Services des Douanes, détaché par le ministère
chargé des Finances ;

- un chargé d'enquêtes, Officier de Police Judiciaire, détaché par le ministère chargé de


la Sécurité.
Sa responsabilité civile et celle de ses membres ne peuvent être engagées, à
l'occasion de l'exercice de leurs missions légales, qu'en cas de dol ou de faute lourde. Outre
les membres désignés ci-dessus, la CENTIF-CI dispose pour son fonctionnement d'un
personnel administratif et technique composé d’analystes financiers, d’enquêteurs, de juristes,
d’informaticiens, d’archivistes documentalistes, de communicateurs et de secrétaires.
En vue de mener à bien ses missions et d’optimiser son fonctionnement, cette cellule
est dotée d’un organigramme qui regroupe ses services sous 3 grands départements dont les
actions sont supervisées, coordonnées et impulsées par un président. Ce sont le Secrétariat
général, le département des Enquêtes et le département des Affaires juridiques et de la
Coopération internationale. La CENTIF-CI dispose d’un service informatique et d’un bureau
de la documentation. La durée du mandat de son président est de 5 ans non renouvelableS et
celle des autres membres est de 3 ans renouvelables une fois157.

157.
CENTIF-CI, Rapport annuel 2010 et Rapport annuel 2011.

95
b. Fonctionnement de la CENTIF-CI

Les Déclarations d’Opérations Suspectes (DOS) constituent le support de travail par


excellence de la CENTIF-CI. Pour mener à bien l’exécution de cette tâche, la CENTIF-CI a
mis en place une procédure dans le cadre de l’exécution de ses obligations en matière de
réception et traitement des DOS. Les lignes qui suivent serviront d’abord à décrire cette
procédure, avant de présenter les statistiques qui ont pu être obtenues à cet effet.

b.1. La procédure de traitement des DOS mise en place par la CENTIF-CI

Les déclarations de soupçons sont établies par écrit et lui sont transmises par les
assujettis et les autres assujettis, par tout moyen laissant trace écrite. Lorsque la déclaration de
soupçon émane de l'administration des Douanes par exemple, elle est faite par écrit, signée et
datée par la personne déclarante habilitée à cet effet et accompagnée du formulaire de
déclaration de transport physique transfrontalier d'espèces et d'instruments au porteur prévus à
cet effet.
Par la suite, la CENTIF-CI accuse réception de la déclaration de soupçon, sauf si
l'entité déclarante a indiqué expressément ne pas vouloir en être destinataire. Dans le cas des
établissements financiers, le déclarant est invité à faire mention des sommes mises en cause
dans les transactions suspectes158. La CENTIF-CI traite et analyse immédiatement les
informations recueillies et procède, le cas échéant, à des demandes de renseignements
complémentaires auprès du déclarant, des autres assujettis (banques, bureaux de change,
cabinets d'avocat, agences de voyages, etc.), des autorités de poursuite (l'autorité judiciaire,
les juridictions financières et les Officiers de Police Judiciaire), des Cellules de
Renseignements Financiers (CRF) étrangères ou de toute autorité publique ou de contrôle
(Poste de Côte d'Ivoire, Trésor public, ministère de l’Économie et des Finances, autres
administrations). La première estimation éventuellement faite par le déclarant, réévaluée au
besoin à l’issue de l’enquête de la CENTIF-CI, permet de répartir les déclarations de
soupçons suivant l’importance desdites sommes.
Lorsque ses investigations mettent en évidence des faits susceptibles de relever du
blanchiment du produit d'une activité criminelle ou du financement du terrorisme, la
CENTIF-CI saisit le procureur de la République près le tribunal de première instance
d'Abidjan et lui transmet un rapport sur ces faits, accompagnés de toutes pièces utiles, à
l'exception de la déclaration de soupçon. Ce dernier saisit immédiatement le juge
d'instruction. L'identité du préposé à la déclaration ne doit pas figurer dans ledit rapport qui
158.
CENTIF-CI, Rapport annuel 2010.

96
fait foi jusqu'à preuve du contraire. Lorsque, sur le fondement d'une déclaration de soupçon,
la CENTIF-CI saisit le procureur de la République, elle en informe immédiatement le
déclarant. La CENTIF-CI peut, si les circonstances le justifient, informer les personnes qui lui
ont transmis les informations qu'elle a saisi le procureur de la République près le tribunal de
première Instance d'Abidjan sur la base de ces informations.
Par contre, s’il arrive que les investigations ne mettent pas en évidence des faits
susceptibles de relever du blanchiment du produit d'une activité criminelle ou du FT, la
CENTIF-CI procède au classement sans suite des dossiers.
Enfin, lorsque les circonstances l'exigent, la CENTIF-CI peut, sur la base
d'informations graves, concordantes et fiables en sa possession, faire opposition à l'exécution
de l'opération ayant fait l'objet d'une déclaration de soupçon avant l'expiration du délai
d'exécution mentionné par le déclarant. Cette opposition est notifiée à ce dernier par écrit et
fait obstacle à l'exécution de l'opération pendant une durée qui ne peut excéder 48 heures. Le
président du tribunal de première instance d'Abidjan peut, sur requête de la CENTIF-CI,
proroger le délai d'opposition sans que ce délai ne dépasse 24 heures ou ordonner le séquestre
provisoire des fonds, comptes ou titres concernés par la déclaration de soupçon. Il peut
présenter une requête ayant le même objet.
À défaut d'opposition ou si, au terme du délai de 48 heures, prévu précédemment,
aucune décision du juge d'instruction n'est parvenue à l'auteur de la déclaration, l'opération
qui a fait l'objet de déclaration de soupçon peut être exécutée. Aussi, à défaut de poursuite
judiciaire contre le donneur d'ordre dans un délai de 15 jours, à compter de la date de
l'ordonnance de séquestre provisoire, celle-ci devient caduque.

b. 2. Les statistiques obtenues

Dans le cadre de cette recherche, certaines statistiques ont été obtenues en ce qui
concerne le traitement des DOS, sur la période de 2008 à 2020. Celles-ci portent notamment
sur les origines des soupçons (DOS), les motifs ou indices de soupçons, les infractions sous-
jacentes aux DOS et la valeur des DOS par infraction sous-jacente.
D’abord, sur les origines des soupçons (DOS), la CENTIF-CI a traité un total de 198
DOS, réparties comme suit : 24 en 2008, 81 en 2009, 56 en 2010 et 37 en 2011. Celles-ci
proviennent majoritairement des banques commerciales (178) et de la banque centrale (5).
Quant au nombre cumulé des DOS reçues des autres structures telles que les compagnies
d’assurances, structures de Microfinance, sociétés de transfert d’argent et autres structures et
organismes, elle apparait clairement marginale et se fixe à 15.

97
Cependant, il est à souligner qu’avant l’année 2010, les demandes d’informations
formulées par l’Administration Publique Nationale ou les représentations d’organismes
internationaux en Côte d’Ivoire étaient assimilées à des déclarations de soupçons et intégrées
comme telles dans les statistiques.
Aussi convient-il de noter que la CENTIF-CI a transmis au Parquet un total de 11
rapports de 2008 à 2010, soit 2 en 2008, 5 en 2009 et 4 en 2010. Elle a aussi classé un total de
37 dossiers sur la même période, soit 9 en 2008, 22 en 2009 et 6 en 2010. Aucun rapport n’a
été transmis au Parquet et aucun dossier n’a été classé en 2011. Faut-il aussi relever l’absence
de décisions de justice relatives aux dossiers transmis au Parquet. Entre 2010 et 2011, les
montants totaux des sommes suspectées à travers les déclarations de soupçons s’élèvent
respectivement à 12 316 331 559 FCFA et 10 135 468 982 FCFA.
Par ailleurs, en 2012, la CENTIF-CI a traité un total de 63 DOS. Celles-ci proviennent
majoritairement des banques (61)159; la quantité cumulée des DOS reçues des autres structures
telles que les compagnies d’assurances et les structures de Microfinance est fixée à 2. Aucun
chiffre n’a été communiqué pour l’année 2012, relativement aux montants totaux des sommes
suspectées à travers les déclarations de soupçons.

ORIGINE DES DOS


Assurances; 1% Microfinances;
4%
Autres; 6%

Banques ; 89%

En ce qui concerne les motifs ou indices de soupçons, il est à noter que sur la période
2008-2012, la CENTIF a répertorié 250 indices. Les DOS sont pressentis à plus de 50% à
partir de ces 3 indices. Le premier indice porte sur le versement d'espèces, remise de chèque
et d'effets importants sans justificatif économique (55 citations) ; le deuxième indice est relatif
aux doutes sur le motif économique de divers transferts avec l'étranger (54 citations). Quant
au troisième indice, il s’agit des importants mouvements ne correspondant pas avec le profil
des clients (33 citations). 
159.
CENTIF-CI, Rapport annuel 2012, p. 60

98
EVOLUTION DES PRINCIPALES INFRACTIONS
700

600

500

400

300

200
Faux et usage de faux document
100 Fraude fiscale
Opérations bancaires non
justifiées
0
2014 2015 Sommes ou opérations2017
2016 2018 2019 Jan-Oct2020
provenant d'un crime ou d'un
délit
Total

MOTIFS OU INDICES DES DECLARATIONS


Importants mouvements ne coorespondant pas avec le profil des clients 55
54
versement d'espèces, remise de chèque et d'effets importants sans justificatif économique 33
20
Production de faux documents d'identité ou pluralité d'identité 16
15
Importants mouvements soudains sur des comptes dormants 13
11
Remise d'effets frauduleux 8
5
Opération correspondant au profil de fraudes sur internet 5
4
escroquerie liées aux cartes bancaires 4
0 10 20 30 40 50 60

S’agissant des infractions sous-jacentes aux DOS, les données de la CENTIF indiquent
1992 infractions entre Janvier 2014 et Octobre 2020, dont les plus récurrentes sont : les
sommes ou opérations provenant d'un crime ou d'un délit (860 cas, 43%), les opérations
bancaires non justifiées (341 cas, 17%), la cybercriminalité (182 cas, 9%). On note une
augmentation du nombre d’infractions dû principalement à l’accélération du volume des
sommes ou opérations provenant d’un crime ou délit qui ont presque doublé entre 2018 et
2019. Cela en dépit des efforts constatés par les banques en matière de conformité des
opérations qui permettent de contenir les opérations bancaires non justifiées.
Au sujet de la valeur des DOS par infraction sous-jacente, les données de la CENTIF
indiquent que la fraude fiscale (98569), les opérations provenant de crimes ou de délit
(90789), la cybercriminalité (90006) constituent les infractions les plus couteuses pour

99
INFRACTIONS SOUS JACENTE AUX DOS
Sommes ou opérations provenant d'un crime ou d'un délit 860
341
Cybercriminalité 182
134
Fraude fiscale 74
51
Montage financier frauduleux 35
12
Recyclage de fonds illicite dans l'immobilier 11
10
Abus de biens sociaux 8
7
Chèque frauduleux 6

l’économie ivoirienne. Elles constituent à elles seules 46% du coût total du blanchiment sur la
période 2014-2020 (601604). Par ailleurs, le nombre de fraudes fiscales en progression
semble impacter le coût global du blanchiment d’argent.
21
EVOLUTION EN VALEUR DES DOS PAR INFRACTION SOUS JACENTE
18 Fraude
15 Corruption et détournement de
fond
12 Escroquerie
9 Cybercriminalité
Sommes ou opérations provenant
6 d'un crime ou d'un délit
Fraude fiscale
3
Total
0
Jan-Oct...

En 2013, la CENTIF-CI détenait 256 DOS en instance de traitement en début d’année,


a reçu un total de 75 DOS, mais n’en a traité que 2. Les DOS en instance en fin de période
2013 étaient de 329160. Les montants totaux des sommes suspectées à travers les déclarations
de soupçons reçues s’élèvent à 5 983,4 millions de F CFA161. Dans son rapport de suivi-
évaluation d’octobre 2013, la CENTIF-CI affirme ceci : « À ce jour, l’on peut affirmer que
les rapports d’enquêtes dressés à la suite des Déclarations d’Opérations Suspectes (DOS) et
transmis au Procureur de la République font immédiatement l’objet d’ouverture
d’information conformément aux dispositions impératives de la loi n° 2005-554 du 02
décembre 2005 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux162 ».

160.
CENTIF-CI, Rapport annuel 2014, p. 27.

161.
CENTIF-CI, Rapport annuel 2014, p. 27.

162.
CENTIF-CI, Premier rapport de suivi de l’évaluation mutuelle de la Côte d’Ivoire, octobre 2013, p. 6.

100
Par ailleurs, en 2014, la CENTIF détenait 329 DOS en instance de traitement en début
d’année, a reçu 116 déclarations de soupçons émanant des personnes assujetties 163. Celles-ci
proviennent essentiellement des banques et établissements financiers (100 DOS soit 86,5%) et
des structures de microfinance (13 DOS soit 11,2%). Une (1) déclaration de soupçon a été
effectuée par une compagnie d’assurance et 2 déclarations provenaient des professions
judiciaires.
Cependant, la CENTIF-CI a relevé que la BCEAO, le Trésor Public et les autres
entreprises et professions non-financières désignées (EPNFD) n’ont pas effectué de
déclarations en 2014 et que la non implication de ces assujettis à l’obligation de déclaration
édictée par la loi, est une préoccupation pour elle164.
Au cours de cette même année, la Cellule a achevé les enquêtes concernant 10
déclarations de soupçon165 et a classé 158 déclarations de soupçon pour lesquelles, les
analyses menées n’ont pas permis de mettre en évidence des faits susceptibles de contenir
l’infraction de blanchiment. À fin 2014, le nombre de dossiers en instance de traitement
s’établit à 321, dont 276 déclarations de soupçon et 45 demandes d’information, ce qui
correspond à un nombre élevé de dossiers en instance. Les montants totaux des sommes
suspectées à travers les déclarations de soupçons s’élèvent à 43 389,5 millions de F CFA166.
De plus, entre novembre 2014 et le 31 août 2015, la CENTIF-CI a reçu 93
Déclarations de soupçon et transmis 20 rapports au Parquet 167. Réquisitions aux fins
d’opposition à toutes opérations ont été adressées aux institutions financières. Elles ont toutes
été confirmées par le juge d’instruction pour un montant total à ce jour de 1.943.375.327
FCFA. Les procédures judiciaires étaient en cours168.

163.
CENTIF-CI, Rapport annuel 2014, p. 18.

164.
CENTIF-CI, Rapport annuel 2014, p. 19.

165.
CENTIF-CI, Rapport annuel 2014, p. 26.

166.
CENTIF-CI, Rapport annuel 2014, p. 27.

167.
GIABA, Troisième rapport de suivi évaluation mutuelle, Côte d’Ivoire, novembre 2015, p. 4-5

168.
GIABA, Troisième rapport de suivi évaluation mutuelle, Côte d’Ivoire, novembre 2015, p. 5

101
REPARTITION EN VALEUR DES DOS/PÉRIODE 2014-OCTOBRE 2020
Fraude fiscale 98569.2
Sommes ou opérations provenant d'un crime ou d'un délit 90789.2
Cybercriminalité 90006.3
Escroquerie 80563.2
Corruption et détournement de fond 80055.3
Fraude 65989.4

Bien que les statistiques fournies montrent l’évolution des réceptions de DOS depuis
2008 par la CENTIF-CI, elles permettent de constater la faiblesse des quantités de DOS
reçues de la part des assujettis. Ce qui porterait à croire qu’en l’absence d’autres sources
d’information telles qu’une ENR par exemple, le risque de BC en Côte d’Ivoire est faible. De
même un engorgement de dossiers non traités a été constaté à partir de fin 2012. Par ailleurs,
les conclusions données aux dossiers transmis au parquet ne sont pas précisées.
En outre, il convient de remarquer que la CENTIF-CI ne peut accomplir seule ses
missions sans la coopération de partenaires. Ainsi, elle a su créer, animeret développé un
réseau de partenaires.
Depuis 2009, la CENTIF-CI a entrepris d’accroître sa capacité d’action grâce à une
coopération étendue. Pour ce faire, elle a créé un réseau de correspondants nationaux sur
lesquels elle s’appuie, composés des assujettis, des autorités judiciaires, d’autres
administrations publiques, des Entreprises et Professions Non Financières Désignées 169
(EPNFD), des autorités de contrôle et de supervision, d’autres partenaires impliqués dans la
LBC/FT et de toutes autres personnes à même de l’aider dans ses missions.
Dans ce cadre, la CENTIF-CI collabore avec la BCEAO, les banques, compagnies
d’assurances, structures de Microfinance, sociétés de transfert d’argent et d’autres structures
et organismes. Elle consolide cette coopération par sa participation active et soutenue à des
séances de travail, des formations et sensibilisations à l’endroit de ses partenaires,
principalement les banques et établissements financiers, les avocats, les sociétés de transport
de valeurs et de fonds, etc., dans l’objectif de les rassurer sur ses capacités opérationnelles et

Au terme de la loi n°2005-554 du 02 décembre 2005 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le
169.

terme « Entreprises et Professions Non Financières Désignées, EPNFD » fait référence aux apporteurs d’affaires
aux organismes financiers, aux commissaires aux comptes, aux membres des professions judicaires
indépendantes, lorsqu’ils représentent ou assistent des clients en dehors de toute procédure judicaire, aux agents
immobiliers, aux marchands d’articles de grande valeur, tel que les objets d’art (tableaux, masques, …), les
pierres et métaux précieux, aux transporteurs de fonds, aux propriétaires, directeurs et gérants de casinos et
d’établissements de jeux, y compris les loteries nationales, -aux agences de voyage, aux organisations non
gouvernementales ou organismes à but non lucratif (ONG-OBNL).

102
de créer un cadre propice de coopération et de synergie, condition sine qua non pour une
efficacité de son action.
En effet, c’est grâce à une communication des déclarations de soupçons à la CENTIF-
CI par les assujettis et à la contribution de chacun, en ce qui concerne le rôle qu’il a à jouer,
qu’ils parviendront ensemble à asseoir un environnement financier sain. Ses rencontres avec
ses correspondants bancaires ont notamment contribué à la mise en place d’une sous-
commission de LBC/FT au sein de l’APBEF-CI et sa coopération avec les assujettis contribue
à une lutte plus efficace contre la délinquance financière. En effet, elle lui a permis d’accroître
le nombre de DOS, passées de 24, en 2008, à 198 en 2011170.
Par ailleurs, la CENTIF-CI organise des séminaires visant à sensibiliser et former
des professionnels de certains secteurs, par exemple l’immobilier, eu égard à leur grande
sensibilité aux phénomènes de BC/FT171. Elle participe également à des rencontres avec les
acteurs institutionnels impliqués dans la LCB/FT en vue de favoriser et renforcer le contrôle
de l’action gouvernementale dans la transparence des finances publiques et des marchés
publics, la lutte contre la corruption et le BC. Elle coopère avec différents acteurs de la
LBC/FT tels que la Commission Bancaire de l’UMOA, le Conseil Régional de l’Épargne
Publique et des Marchés Financiers (CREPMF) et la Bourse Régionale des Valeurs
Mobilières (BRVM)172. Ce, pour une meilleure gouvernance dans tous les secteurs d’activités
et une coopération effective des administrations publiques et privées pour une lutte plus
efficace contre le BC. Elle prend une part active à toutes les rencontres portant sur des thèmes
en relation avec la LBC et des activités impactant directement ses missions et contribue à la
formulation de recommandations sur de nombreuses problématiques dont la bonne
gouvernance de l’internet, la réforme du secteur financier, la cyber sécurité dans les
cyberespaces. En outre, la CENTIF-CI a mis en place un mécanisme de coopération et de
partage de bonnes pratiques avec les CENTIF des États membres de l'UEMOA.
Enfin, la CENTIF-CI a assis un réseau de partenaires mondiaux à même de l’aider
dans la bonne exécution de sa mission. À cet effet, elle collabore avec l’ONUDC, Interpol et
biens d’autres organisations internationales dans le cadre de la LBC. Dans le cadre de cette

170.
CENTIF-CI, Rapport annuel 2011.

171.
CENTIF-CI, Rapport annuel 2011.

172.
CENTIF-CI, Rapport annuel 2010.

103
collaboration, le système de communication d’Interpol I24/7 est installé dans ses locaux
depuis 2012173.
Plus spécifiquement, soucieuse de réussir sa mission, la CENTIF-CI a œuvré, depuis
son installation, à adhérer au Groupe Egmont. Pour rappel, ce groupe représente
l’organisation mondiale des CRF, dont l’objectif recherché est la mise en place d’un réseau
mondial favorisant la coopération internationale et l’échange réciproque d’informations entre
les CRF membres. Grâce au parrainage des CRF de l’Ile Maurice et de la France et fort de
l’évaluation de la qualité du travail accompli, la CENTIF-CI avait été admise au Groupe
Egmont lors de la 18e réunion plénière de cette organisation tenue du 27 juin au 1er juillet
2010, à Carthagène en Colombie, avant de perdre cette adhésion en 2010, suite à la crise post-
électorale qu’elle a connue, et d’être à nouveau admise en avril 2011174.
Ainsi, la CENTIF-CI est reconnue sur le plan international et est à même d’échanger
des informations avec les autres CRF. Après une mission d’évaluation de la fiabilité et de
l’efficacité du système d’information électronique de la Cellule, les Autorités du Groupe
Egmont, ont autorisé sa reconnexion au système d’Egmont Secure Web au mois d’avril
2012175. Cette connexion avait été retirée à la CENTIF-CI du fait du saccage de ses locaux
intervenu pendant la crise post-électorale qu’a connue la Côte d’Ivoire en 2011. La
confidentialité des informations communiquées est garantie par la transmission via le site
sécurisé d’Egmont, dénommé Egmont Secure Web 176 (ESW). En outre, la CENTIF-CI
procède au traitement des demandes d’information.
La CENTIF-CI reçoit des demandes d’informations qui émanent aussi bien de
structures nationales, principalement des administrations publiques nationales, que de
représentations d’organismes internationaux en Côte d’Ivoire. Elle échange avec les autorités

Conférence des États parties à la Convention


173.
des Nations Unies contre la corruption,
CAC/COSP/IRG/I/4/1/Add.52, 20 janvier 2017, p. 13/14.

174.
http://www.centif.ci/actualites.php « Le nouveau DG du GIABA conduit une mission auprès du GAFI et du
groupe Egmont».

175.
CENTIF-CI, Rapport annuel 2012, p. 6.

176.
Egmont Secure Web "ESW"est un site internet mis à la disposition du Groupe Egmont par la Cellule de
renseignement financier américaine, FinCEN, afin de faciliter le partage et l’échange d’information de façon
sécurisée entre CRF. Ce site permet également aux membres, d’avoir accès aux procès-verbaux de réunions et
documents connexes, aux rapports annuels du Groupe, aux contacts de tous les membres ainsi qu’aux exercices
de typologies. À travers le site sécurisé, le Groupe Egmont contribue au renforcement des capacités du personnel
des CRF membres et leur fournit l’appui nécessaire dans l’accomplissement de leur mission de conseiller de leur
gouvernement respectif en matière de LBC/FT et autres crimes financiers.

104
de contrôle, les ordres professionnels et les instances représentatives nationales, toute
information utile à l'accomplissement de leurs missions respectives.
Dans ce cadre, elle est tenue d’une part, de communiquer, à la demande dûment
motivée d'une CENTIF d'un État membre de l’UEMOA, dans le cadre d'une enquête, toutes
informations et données relatives aux investigations entreprises à la suite d'une déclaration de
soupçon au niveau national, d’autre part, de transmettre les rapports périodiques trimestriels et
annuels détaillés sur ses activités à la BCEAO. Elle entretient d’excellentes relations avec des
structures internationales, principalement des CRF étrangères, notamment en matière
d’échanges d’informations dans le cadre de leurs DOS et en matière d’assistance mutuelle.
Elle peut communiquer, à leur demande ou à son initiative, les informations qu'elle détient sur
des sommes ou opérations qui paraissent avoir pour objet le blanchiment du produit d'une
activité criminelle ou le FT, sous réserve de réciprocité et si les conditions suivantes sont
réunies : les CRF étrangères sont soumises à des obligations de confidentialité au moins
équivalentes ; le traitement des informations communiquées garantit un niveau de protection
suffisant de la vie privée ainsi que des libertés et droits fondamentaux des personnes,
conformément à la réglementation en vigueur. Cependant, la communication des informations
ne peut avoir lieu dans les cas suivants : une procédure pénale a été engagée en Côte d'Ivoire ;
la communication porte atteinte à la souveraineté de l'État ou aux intérêts nationaux ainsi qu'à
la sécurité et à l'ordre public.
En outre, l’élargissement et le développement de la coopération internationale revêtent
un caractère primordial pour la CENTIF-CI. En effet, la coopération facilite l’échange
d’informations entre les CRF, permettant ainsi un traitement efficace et rapide des
déclarations de soupçons. La conclusion d'accords entre la CENTIF et les CRF homologues
étrangères nécessite l'information préalable du ministre chargé de l’Économie et des
Finances177. Consciente de ce que la lutte contre la criminalité financière requiert des
connaissances appropriées, dans le but d’optimiser ses moyens humains en la matière, la
CENTIF-CI renforce les capacités de ses membres et de son personnel, à travers leur
participation à des voyages d’études, des rencontres, des ateliers et séminaires de formation
nationaux et internationaux. La CENTIF-CI a participé à plusieurs ateliers internationaux ou
sous régionaux portant sur des secteurs ou thèmes en rapport avec la LBC.
En somme, le cadre juridique et institutionnel dont s’est dotée la Côte d’Ivoire, de
même que les activités qu’elle mène au quotidien dans le cadre de la LBC, témoignent de son
engagement à combattre ce phénomène. Cependant, de nombreuses faiblesses ont été
177.
CENTIF-CI, Rapport annuel 2010 et Rapport annuel 2011.

105
identifiées par le GIABA à l’issue de la 1 ère évaluation mutuelle dont le dispositif ivoirien de
LBC/FT a fait l’objet. De plus, force est de constater que malgré les actions qu’elle a déjà
entreprises, les infractions sous-jacentes au BC, de même que les crimes financiers formels
s’intensifient sur son territoire. L’identification des contraintes et obstacles auxquels son
dispositif de LBC est confronté dans son fonctionnement pourrait aider à tirer des leçons pour
l’avenir, en vue de relever le défi de la réduction des risques de BC en dessous d’un seuil de
signification.
L'Évaluation Mutuelle est un mécanisme d'évaluation par les pairs qui permet à chaque
État membre de se faire évaluer sur la base des 40 Recommandations des Normes Révisées du
GAFI (2012) et de la Méthodologie 2013 du GAFI, aux fins d’attestation de la conformité aux
Normes de LBC/FT globalement admises. Le processus d'évaluation mutuelle a pour objectifs
d’évaluer la mise en œuvre des exigences spécifiques (législatives, institutionnelles et de
supervision) et de s’assurer de la mise en œuvre efficace de toutes les mesures idoines de
LBC/FT et le financement de la prolifération des armes de destruction massive 178. Le pays
évalué est classé selon l'efficacité des mesures mises en place pour détecter, prévenir ou
sanctionner les cas de BC/FT. Les classifications vont de conforme, largement conforme,
partiellement conforme à non-conforme. Selon le degré de conformité de son dispositif de
LBC/FT, la Plénière du GIABA soumet le pays à l’un des 6 régimes du processus
d’évaluation qui sont du moins bon au meilleur :
- l’inscription sur la liste noire : Elle entraîne l’interdiction de la communauté
internationale à avoir des échanges avec le pays ;
- l’inscription sur la liste grise : Elle entraîne l’invitation de la communauté
internationale à redoubler de vigilance dans les transactions avec le pays ;
- la déclaration publique : Elle entraîne la publication sur les guichets des bailleurs de
fonds et de tous les partenaires au développement, d’une déclaration qui appelle le
pays à se mettre en conformité avec les recommandations du GAFI ;
- le suivi régulier renforcé : Il a pour conséquence d’imposer au pays de soutenir tous
les six(6) mois un rapport de suivi de son évaluation, devant la plénière du GIABA,
- le suivi régulier accéléré : Il a pour conséquence d’imposer au pays de soutenir tous
les ans un rapport de suivi de son évaluation, devant la plénière du GIABA ;
- la sortie du processus : Il permet au pays de ne plus soutenir de rapport de suivi,
jusqu’au prochain cycle d’évaluation179. La Côte d’Ivoire a été soumise à une 1 ère
178.
GIABA, le GIABA entame le Second Cycle d’Évaluations Mutuelles de ses États Membres.

179.
CENTIF-CI, Rapport annuel 2014, p. 13.

106
évaluation mutuelle et prépare activement la 2e évaluation mutuelle. Elle a également
procédé à une Évaluation Nationale des Risques (ENR), basée sur le modèle de la
Banque Mondiale, qui s’est tenue du 06 décembre 2018 au 31 décembre 2019.

D’abord, la 1ère évaluation mutuelle de la Côte d’Ivoire dénommée « 1er cycle d’évaluation
mutuelle » a été faite par le GIABA, le GAFI, la BM, le FMI et les CRF des États membres de
la CÉDÉAO, du 7 au 21 mai 2012180. Le rapport d’évaluation mutuelle y afférent, adopté en
novembre 2012, a révélé que le pays a signé et ratifié les principales conventions relatives au
crime organisé, à savoir la Convention de Palerme de 2000 contre la criminalité transnationale
organisée, la Convention de Mérida de 2003 contre la corruption, la Convention de Vienne
contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes et la Convention des
Nations Unies de 1999 contre le terrorisme 181. En termes de score, le dispositif de LBC/FT de
la Côte d’Ivoire, sur la base des 40 + 9 Recommandations du Groupe d’Action Financière
(GAFI), a été noté : Largement Conforme (LC) pour 6 Recommandations, Partiellement
Conforme (PC) pour 18 Recommandations, Non Conforme (NC) pour 24 Recommandations,
Conforme (C) pour 0 Recommandation et Non Applicable (NA) pour 1 Recommandation ; la
note globale de la Côte d’Ivoire devant être 26/49182.
Le pays a été classé sous le régime du suivi régulier accéléré. Face aux insuffisances
de son dispositif de LBC et au manque de conformité de ses textes et des mesures déjà prises,
avec les normes du GAFI, plusieurs observations et recommandations y ont été faites par le
GIABA. Prenant en compte ces conclusions, le Gouvernement ivoirien a adopté plusieurs
mesures et engagé un ensemble d’actions pour se conformer aux conditions définies par cet
organisme.
La Côte d’Ivoire s’est ainsi dotée de nombreux textes législatifs et réglementaires,
dont un qui consacre la création d’un nouveau cadre juridique et institutionnel, en vue de
lutter efficacement contre le BC. Elle élabore chaque année un Rapport de Suivi (RS) qu’elle
soumet au GIABA. Cependant, la persistance en 2017 de certaines lacunes dans le dispositif
de LBC a conduit le GIABA à demander à la Côte d’Ivoire un rapport consistant à faire le

180.
CENTIF-CI, Atelier, Préparation du sixième rapport de suivi de la Côte d’Ivoire, p.1.

181.
Portail internet du GIABA –CENTIF/FIU www.giaba.org.

182.
CENTIF-CI, Rapport annuel 2012, p. 87.

107
point des actions qu’elle a entreprises pour résorber les lacunes identifiées ; ce qu’elle a mis à
exécution.
Par ailleurs, en vue de préparer de la 2e évaluation mutuelle de son dispositif de LBC
que devront mener le GIABA et les institutions financières internationales en septembre 2021,
conformément au calendrier établi, l’État ivoirien, par le décret 2017-772 du 22 novembre
2017, a étendu les attributions du Comité de coordination à la coordination et la conduite de
l’évaluation nationale des risques et de l’élaboration de la stratégie nationale en matière de
LBC183.
Faisant suite à ce décret, la 1ère opération d’Évaluation Nationale des Risques (ENR)
en matière de LBC a été lancée en décembre 2018, pour permettre à la Côte d’Ivoire de
disposer à terme d’une cartographie complète des risques en matière de BC, d’identifier les
menaces, de connaître ses vulnérabilités, afin de comprendre les risques auxquels elle est
exposée et d’y apporter des mesures correctives par le biais de l’élaboration d’une Stratégie
nationale de LBC. Cette opération a également pour but de permettre à la Côte d’Ivoire de
mieux rationaliser les ressources affectées à la lutte contre la criminalité et le terrorisme.
Évaluée à 250 millions F CFA, cette 1 ère ENR a été réalisée en collaboration avec le GIABA
et la BM et donne une occasion de découvrir les faiblesses de l’État, de les corriger avant
l’évaluation mutuelle. Elle a mobilisé environ 170 personnes, dont des experts de la BM, sur
une période de 12 mois184.
Dans le cadre de la mise en œuvre de cette phase dont les travaux ont officiellement
démarré en décembre 2018, l’Institut National de la Statistique (INS) a été choisi par le
Comité de coordination pour procéder à la collecte de données et d’informations durant les
mois d’avril et mai 2019. Cet institut a donc lancé, à Abidjan, en mai 2019, la phase de
collecte des informations auprès de 104 structures identifiées avec 18 agents de collecte et 12
superviseurs. L’INS devant, par la suite, procéder au traitement des données avant leur
transmission au Comité de coordination pour les différents groupes185.
En plus de la conformité technique évaluée au 1er cycle, un élément primordial du 2e
Cycle d'évaluations mutuelles portera sur l’évaluation de l’efficacité des dispositifs de
LBC/FT des États membres par rapport à certains éléments structurels et d’autres facteurs
contextuels. ‟L'évaluation de l'efficacité” a pour objectif d’apprécier l'ensemble du dispositif

183.
Journal Officiel de la République de Côte d’Ivoire, jeudi 18 01 2018.
184.
www.gouv.ci

185.
www.gouv.ci

108
de LBC/FT du pays et son niveau de fonctionnement". La composante de l’efficacité sera
évaluée sur la base des questions principales afférentes aux 11 résultats immédiats (RI).
L'évaluation mutuelle est réalisée sur la base des Processus et Procédures d’Évaluations
Mutuelles du GIABA conformément à la procédure d’évaluation mutuelle universelle du
GAFI186.
Il convient de noter qu’en vue de mettre en œuvre la Recommandation 1 du GAFI et
dans le cadre des préparatifs de sa 2e évaluation mutuelle prévue en septembre 2021, la Côte
d’Ivoire a effectué l’ENR de son dispositif LBC/FT du 06 décembre 2018 au 31 décembre
2019. Les travaux ont été conduits par le Comité de Coordination, en collaboration avec la
CENTIF-CI, sous la supervision technique du GIABA et de la BM. Ils avaient pour but
d’identifier les principaux risques auxquels le pays est exposé et d’y apporter les réponses
idoines. L’ENR a mis en lumière les résultats suivants sur la période 2013 à 2018 :
- Près de 50% des infractions sous-jacentes traitées par la CENTIF-CI sont relatives aux
opérations provenant d’un crime ou d’un délit. La cybercriminalité, l’escroquerie et la
fraude fiscale constituent les infractions qui sont récurrentes dans les DOS traitées par
cet organisme.
- Sur un total de 71 dossiers traités et transmis par la CENTIF-CI au Parquet, seulement
trois (03) condamnations ont été enregistrées. Aucune saisie ou confiscation n’a été
prononcée au cours de la période sous revue. La quasi absence de condamnation, de
saisie ou confiscation au regard des dossiers traités laisse apparaître également que la
menace de blanchiment de capitaux est réelle. Cette situation est de nature à favoriser
la multiplication des actions des criminels, qui ne sont que principalement poursuivis
et condamnés que pour les infractions sous-jacentes qui les impliquent. La poursuite
pour blanchiment de capitaux qui pourrait se faire sur la base des produits de
l’infraction sous-jacente n’étant presque pas engagée par les tribunaux.
- Les infractions présentant un niveau de menace élevé sont entre autres, le trafic illicite
de stupéfiants et de substances psychotropes, le trafic illicite de biens volés et autres
biens, la corruption et la concussion, la contrefaçon de biens (y compris de monnaie
ou de billets de banque) et le piratage de produits, les infractions contre
l'environnement, le vol, la contrebande (y compris relativement aux taxes et droits de
douane et d'accise), l'extorsion, le faux et l'usage de faux, la cybercriminalité, les
infractions fiscales (liées aux impôts directs et indirects), le blanchiment de capitaux,

186.
GIABA, Le GIABA entame le Second Cycle d’Évaluations Mutuelles de ses États Membres.

109
l’abus de confiance, l’escroquerie et l’infraction à la législation en matière de
commercialisation des produits agricoles.
- Les infractions dont le niveau de la menace est moyennement élevé sont la
participation à un groupe criminel organisé et la participation à un racket, le
terrorisme, y compris son financement, la traite des êtres humains et le trafic illicite de
migrants, l' exploitation sexuelle, y compris le détournement et l'exploitation des
mineurs, le trafic illicite d'armes, le détournement de fonds par des personnes exerçant
une fonction publique, la fraude, le faux monnayage, l’infraction liée aux chèques et
instruments de paiement et l’infraction douanière.
- Les infractions représentant une menace moyenne sont les meurtres et les blessures
corporelles graves, les délits d'initiés et la manipulation de marchés, l’infraction à la
règlementation des relations financières extérieures.
- Les infractions telles que « l'enlèvement, la séquestration et la prise d 'otages » et « la
piraterie » représentent une menace moyennement faible.
- Le secteur bancaire présente un niveau de menace élevé au vu du nombre d’enquêtes
effectuées dans ce secteur. Il est suivi par le secteur des microfinances, puis viennent
de très loin, l’Administration d’une façon générale et le mobile BANKING ainsi que
l’assurance.
- Bien qu’il ne soit pas aisé de donner avec précision la part des capitaux d’origine
criminelle injectée chaque année dans le circuit économique ivoirien, selon les
autorités, la valeur des produits des crimes pourrait avoisiner des centaines de
milliards de francs CFA chaque année. Les montants des produits du crime générés en
Côte d’Ivoire sont par conséquent importants.
- La menace de BC aussi bien intérieure qu’extérieure a une incidence élevée et est en
constante progression.
- Quelle que soit la caractérisation des menaces identifiées, de nombreuses difficultés
et/ou insuffisances ont été relevées, lesquelles menacent considérablement l’économie
ivoirienne et pour lesquelles il conviendrait de résorber par la mise en œuvre de
mesures rigoureuses à plusieurs niveaux (État, Banque Mondiale, assujettis...).

Au total, l’ENR a révélé que le niveau de la menace nationale de BC est moyennement


élevé et que la vulnérabilité de la Côte d’Ivoire au BC est moyennement élevée. Ce constat de
vulnérabilité résulte de l’analyse de la capacité nationale de lutte et de celle des vulnérabilités
sectorielles, dont les difficultés relevées sont l’insuffisance de contrôle de LBC, l’inefficacité

110
du mécanisme de gestion des avoirs illicites, la non-opérationnalité du service des statistiques
nationales en matière de LBC, l’importance du secteur informel dans l’économie (35% à 40%
du PIB) et la prédominance des transactions en espèces.

1. Le Comité de Coordination

Le Comité de Coordination est l’organe chargé de coordonner la réponse nationale


face aux risques de BC/FT et de prolifération des armes de destruction massive. Il a été
institué par le décret n°2014-505 du 15 septembre 2014 portant création, composition,
attributions et fonctionnement du Comité de coordination des politiques nationales de lutte
contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes
de destruction massive dénommé « Comité de coordination ». Ce décret a par la suite été
modifié par le décret n°2018-440 du 03 mai 2018 portant attribution, composition et
fonctionnement du Comité de Coordination. Cet organe a été créé en réponse à la
recommandation 2 du GAFI et succède au Comité National de Suivi des Activités du GIABA
(CNSA-GIABA), dissout en 2013. Le Comité de Coordination est rattaché au ministre chargé
de l’Économie et des Finances. Pour bien cerner cet organes, il convient de voir ses missions
et ensuite sa composition.

a. Missions

Le Comité de coordination joue un rôle pivot dans la LBC/FT et la prolifération des


armes de destruction massive en Côte d’Ivoire. Il a pour mission principale de coordonner
toutes les politiques de LBC/FT et la prolifération des armes de destruction massive au niveau
national. C’est l'autorité administrative chargée de prendre les mesures appropriées pour
identifier, évaluer, comprendre et atténuer les risques de BC/FT auxquels la République de
Côte d'Ivoire est exposée et de tenir à jour cette évaluation. Plus particulièrement, il est
chargé :
- de sensibiliser les pouvoirs publics, les acteurs économiques, sociaux, financiers et
non financiers, ainsi que les populations sur la nécessité de lutter contre ces fléaux ;
- d’assister les pouvoirs publics dans la conception et la conduite de la politique
nationale de LBC/FT, et formuler des propositions en vue de susciter une
réglementation adaptée et conforme aux recommandations et réglementations
internationales afin d’améliorer le cadre juridique ;

111
- d’appuyer la CENTIF-CI dans la coordination et le suivi des exercices d’auto-
évaluation et d’évaluation mutuelle du dispositif de lutte contre les crimes précités ;
- de coordonner tous les services de l’État impliqués dans cette lutte ;
- de favoriser la concertation avec les professions, administrations publiques ou privées
ou structures assujetties à la législation et à la réglementation contre les crimes
précités ;
- de préparer tous dossiers jugés nécessaires à l’information des autorités et/ou des
responsables habilités à représenter la Côte d’Ivoire aux réunions des institutions en
charge de cette lutte ;
- de conduire les travaux de l’évaluation des risques et de l’élaboration de la stratégie
nationale de lutte contre ces maux ;
- de favoriser le renforcement des infrastructures nécessaires à cette lutte ;
- de contribuer au dialogue entre les pouvoirs publics et les partenaires au
développement, en vue de leur appui technique et financier dans la mise en œuvre des
politiques de lutte contre ces fléaux.
- Le Comité de Coordination a également pour objet de collecter les statistiques
relatives à la LBC/FT187.

b. Composition

Pour atteindre ses objectifs, le Comité de coordination s’appuie sur 2 entités dont l’une
comprend 20188 membres issus de structures publiques, parapubliques et privées et l’autre un
organe permanent.
En effet, ce sont les représentants de la Haute autorité pour la Bonne Gouvernance, la
CENTIF, la direction nationale de la BCEAO, l’Association professionnelle des Banques et
Établissements financiers de Côte d’Ivoire (APBEF-CI), l’Association des Sociétés
d’Assurance en Côte d’Ivoire (l’ASA-CI), l’Ordre des Avocats, la Chambre des Notaires, la
société civile et 10 ministères, à savoir les ministères en charge de l’Économie et des
Finances, du Budget, de la Sécurité, des Affaires étrangères, de la Défense, de la Justice, de la
Construction, du Logement, de l’Assainissement et de l’Urbanisme, des Mines, du Tourisme,
des Technologies de l’Information et de la Communication. C’est donc un parterre
d’administrations et de secteurs d’activités qui sont impliqués dans cette lutte à travers le
187.
GIABA, Troisième rapport de suivi évaluation mutuelle, Côte d’Ivoire, Novembre 2015.

Social Justice, Analyse des secteurs les plus touchés par le blanchiment de capitaux en Côte d’Ivoire,
188.

Novembre 2018.

112
Comité de coordination. La redynamisation de ce comité, par son extension à d’autres acteurs
nationaux non moins importants les uns que les autres, permet de favoriser la concertation
avec les administrations publiques et les professionnels assujettis à la réglementation.
L’organe permanent comprend le Secrétaire permanent, la Régie d’avance et le
Personnel permanent. Le Secrétariat permanent est assuré par la CENTIF-CI qui a un rôle
d’animation et de coordination ainsi que de suivi de l’application effective des mesures et des
recommandations issues des réunions. Le personnel permanent est constitué de fonctionnaires
et de travailleurs au sens du Code du travail. C’est une équipe pluridisciplinaire et
opérationnelle disposant de divers domaines de compétences notamment des juristes, des
sociologues, des informaticiens, des statisticiens, des économistes, des psychologues, des
financiers et des criminologues. Le ministre chargé de l’Économie et des Finances assure la
présidence du Comité de Coordination, ce, pour montrer le haut niveau d’importance que la
Côte d’Ivoire accorde à la LBC. Après avoir parcouru dans la section précédente, les activités
de lutte contre le blanchiment d’argent en Côte d’Ivoire, il convient de remarquer à présent
que cette lutte n’est pas sans difficultés. Elle fait face à certains obstacles ou
dysfonctionnements.

SECTION 2 : LES OBSTACLES À LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES


CAPITAUX

Se voulant profondément engagé dans la LBC, le Gouvernement ivoirien a créé,


depuis 2005, un mécanisme de lutte intégrant, entre autres, un cadre juridique et institutionnel
réformé en 2016 et mis en œuvre des actions régulières de prévention, de détection et de
répression du BC. Cependant, ce phénomène et les infractions qui lui sont sous-jacentes
persistent en Côte d’Ivoire ; en témoignent le classement 2020 effectué par Transparency
International au regard de l’indice de perception de la corruption, et les informations
constamment véhiculées par les médias, relatives aux saisies, à la consommation des
stupéfiants et à la cybercriminalité dans le pays. Selon le GIABA, les infractions sous-jacentes
au BC rencontrées en Côte d’Ivoire, de septembre 2017 à octobre 2018, sont relatives à la
corruption, au trafic de stupéfiants, à la contrefaçon, à la piraterie, à la fraude fiscale, au vol, à
la traite des personnes et à la contrebande189.

189.
GIABA, Résumé des rapports des pays octobre 2017 – septembre 2018, 30ème Réunion Plénière de la
Commission Technique du GIABA, 12 – 16 Novembre 2018, p. 21.

113
Un certain nombre de contraintes, d’obstacles et de dysfonctionnements pourraient
justifier la persistance, voire l’accentuation de ces infractions en Côte d’Ivoire. Selon le
GIABA, les obstacles à la LBC/FT majoritairement identifiés par ses pays membres sont par
ordre décroissant de fréquence, la « faible capacité des autorités de répression », la «
supervision inadéquate » des entités déclarantes, l’application laxiste de la loi », le « faible
engagement politique » et « l’absence de cadre approprié de LBC/FT » 190. À ces facteurs, il
faut ajouter les contraintes budgétaires et matérielles et le manque de technicité des ressources
humaines en charge de cette lutte. Certains de ces obstacles concernent effectivement la Côte
d’Ivoire. En effet, malgré l’existence de son cadre juridique et institutionnel et en dépit des
actions déjà entreprises, des efforts restent à fournir aussi bien pour la mise en conformité de
son dispositif de LBC avec les recommandations du GAFI, que pour l’application effective,
sur le terrain, des mesures prônées par les textes législatifs, réglementaires et d’application, et
l’assainissement de son environnement économique et financier.
Les corrections pour se conformer aux recommandations faites par le GIABA à la
suite des insuffisances relevées lors de la 1ère évaluation mutuelle de la Côte d’Ivoire étant en
cours d’exécution, les observations qui seront mises en relief se limiteront aux principaux
dysfonctionnements observés dans la mise en œuvre par la Côte d’Ivoire de son dispositif de
LBC, plus particulièrement aux difficultés que rencontre le principal organisme placé au cœur
de ce dispositif national, en l’occurrence la CENTIF-CI, et aux faiblesses que présente son
environnement économique et financier face au BC.

A. Les obstacles d’ordre général

Les dysfonctionnements d’ordre général rencontrés dans le dispositif de LBC de la


Côte d’Ivoire ont trait à l’absence de proportionnalité de la LBC avec l’ENR, et l’absence de
ressources statistiques fiables et régulières sur le BC et la LBC.

1. L’absence de proportionnalité de la LBC avec l’ENR


Le dispositif de LBC de la Côte d’Ivoire étant antérieur à l’ENR, aucune garantie n’est
donnée sur son adaptation aux risques de BC réellement encourus par ce pays. Aussi, les
mesures prises peuvent-elles être disproportionnées (surdimensionnées ou sous
dimensionnées) par rapport à ce qui devrait être mis en œuvre.

190.
Résumé des rapports des pays octobre 2017 – septembre 2018, 30 ème Réunion Plénière de la Commission
Technique du GIABA, 12 – 16 Novembre 2018, p. 23.

114
2. L’absence de ressources statistiques fiables et régulières sur le BC et la
LBC
La Côte d’Ivoire ne dispose pas, pour l’instant, de données quantitatives (en nombre et
en valeur monétaire) et qualitatives fiables, régulières et publiées sur le BC et la LBC. Cela ne
permet ni de mesurer l’ampleur du phénomène du BC sur son territoire, ni de suivre
l’évolution de ce phénomène au regard de la lutte entreprise, ni d’adapter ses mesures de lutte
à la réalité sur le terrain. Des données chiffrées sont certes fournies par des services, mais
elles ne sont ni intégrales ni agrégées. Elles sont éparses et ne sont pas inscrites dans une
configuration tenant précisément compte d’une méthodologie, d’un contenu et d’une
présentation définis d’un commun accord avec une autorité compétente. L’on observe par
exemple que les statistiques fournies par la CENTIF-CI dans les rapports de suivi évaluation
mutuelle de 2012 à 2015 sont uniquement en termes de nombre de DOS. Elles occultent les
montants qui pourraient donner des précisions sur l’impact financier des opérations illicites et
qui permettraient de proportionner le dispositif de LBC.
De même, dans ses rapports annuels produits de 2008 à 2015, la CENTIF-CI ne met
pas l’accent sur les montants des opérations avérées de BC. Elle donne quelques fois le
montant cumulé des DOS, sans apporter de précisions sur les conclusions des investigations
destinées à confirmer les infractions de BC. Il n’y a pas de coordination entre les organes
dédiés à LBC et les services publics considérés comme des correspondants (Trésor public,
Police, Gendarmerie, Douanes, Impôts, etc.), en ce qui concerne la production et la
publication de statistiques en la matière.
Bien que la Côte d’Ivoire ait adopté la loi N° 2013-537 du 30 juillet 2013 portant
organisation du système statistique national, qui devrait combler les lacunes relevées en
matière de tenue de statistiques de l’administration publique, para publique et privée chargée
d’une mission de service public, son application n’est pas effective. Cependant, en 2018 l’INS
a été commis par le Comité de Coordination des Politiques Nationales de LBC/FT et de la
prolifération des armes de destructions massives à l’effet de constituer une banque de données
en la matière. Aucune information n’est toutefois disponible sur la suite donnée à cette
mission.

B. Les obstacles d’ordre opérationnel

Malgré les progrès observés par la Côte d’Ivoire dans le cadre de la LBC, son
dispositif de lutte fait face à des difficultés dans sa mise en œuvre. Il s’agit principalement du

115
manque de coopération pleine de certains assujettis avec la CENTIF-CI, de l’insuffisance de
sensibilisation de certains acteurs et de la population, de l’insuffisance des moyens de LBC,
du laxisme observé dans l’application des textes relatifs à la LBC, du manque d’indépendance
des structures de LBC et de la ‟protection dont bénéficient certaines activités liées au BC.

1. Le manque de coopération pleine de certains assujettis avec la CENTIF-


CI

La réussite de la mission assignée à la CENTIF-CI dans le cadre de la LBC est


largement tributaire de la volonté des entités déclarantes de respecter leurs obligations en
matière de DOS. Or l’application laxiste ou la méconnaissance de l’obligation de vigilance et
de DOS par certains assujettis, de même que la supervision inadéquate dont ceux-ci font
l’objet et l’absence de sanction de leurs manquements de la part des autorités de contrôle,
limitent grandement l’action et l’efficacité de cette CRF. Cela se ressent dans les statistiques
fournies par la CENTIF-CI ; le nombre de DOS reçues par la CENTIF-CI chaque année paraît
faible, voire dérisoire. Cela pourrait laisser supposer que l’environnement des affaires de la
Côte d’Ivoire n’est pas aussi dégradé que l’on pourrait le supposer. La perception de la
faiblesse des DOS est corroborée par le GIABA, qui, se référant aux données statistiques sur
le BC transmises par ses pays membres sur la période de septembre 2017 à octobre 2018,
affirme que les données statistiques fournies sont encore faibles par rapport à la réalité de
l’ampleur de ces infractions191.
Par ailleurs, selon la CENTIF-CI, la BCEAO, le Trésor Public et les autres EPNFD
n’ont pas effectué de déclarations à la Cellule en 2014 192. Le manque d’implication de ces
assujettis dans l’obligation de déclaration édictée par la loi limite la détection par la CENTIF-
CI des éventuelles opérations de BC, ce d’autant plus que les EPNFD sont considérées
comme des entités susceptibles d’être utilisées à des fins de crimes financiers. En effet, selon
le GIABA, « Les « mouvements transfrontaliers de fonds et de valeurs », le secteur «
bancaire », « l’immobilier » et le secteur des « EPNFD » sont les plus appréciés par les
criminels financiers193».

191.
GIABA, Résumé des rapports des pays octobre 2017 – septembre 2018, 30ème Réunion Plénière de la
Commission Technique du GIABA, 12 – 16 Novembre 2018, p. 21.

192.
CENTIF-CI, Rapport annuel 2014, p. 19.

GIABA, Résumé des rapports des pays octobre 2017 – septembre 2018, 30ème Réunion Plénière de la
193.

Commission Technique du GIABA, 12 – 16 Novembre 2018, p. 22.

116
En outre, bien que l’article 5 de la loi N° 2016-992 du 14 novembre 2016 étende les
personnes assujetties aux obligations de LBC aux « autres personnes physiques ou morales
négociant des biens, seulement dans la mesure où les paiements sont effectués ou reçus en
espèces pour un montant de cinq millions de francs CFA au moins, que la transaction soit
exécutée en une fois ou sous la forme d'opérations fractionnées apparemment liées  », l’on
constate que la plupart des déclarants à la CENTIF-CI sont les banques et quelquefois des
compagnies d’assurance. Or, en Côte d’Ivoire, comme dans les autres pays d’Afrique de
l’Ouest, les transactions se font majoritairement en espèces, également pour des sommes très
importantes. Cela voudrait dire que nombreux sont les opérateurs de l’économie formelle et
informelle qui ne se soumettent pas à cette obligation, bien que traitant probablement des
opérations suspectes.

2. L’insuffisance de sensibilisation de certains acteurs et de la population

Le manque de coopération pleine de certains assujettis avec la CENTIF-CI, relevé


précédemment, pourrait être lié, entre autres, à une insuffisance de sensibilisation de certains
EPNFD et correspondants du secteur public aux risques de BC sur leurs activités et sur
l’économie du pays en général, à leurs obligations professionnelles en la matière et aux enjeux
de la LBC.
Par ailleurs, l’insuffisance de sensibilisation de la population se ressent dans les
programmes de sensibilisation déployés par le Comité de coordination et la CENTIF-CI.
Généralement, les acteurs concernés par ces programmes sont les services publics considérés
comme des correspondants et les assujettis. Or, la population qui constitue un maillon
important de l’environnement économique et social de la Côte d’Ivoire peut subir des cas de
blanchiment d’argent ou être impliquée dans ces opérations, volontairement ou par ignorance,
lorsqu’elle est amenée à couvrir des blanchisseurs à travers des prêts de comptes bancaires,
des opérations en qualité de prête-noms ou d’autres types de transactions. Par ailleurs, son
ignorance ou l’insuffisance de sa connaissance du BC ne lui permet pas de dénoncer ou de
lancer des alertes sur des cas qu’elle pourrait rencontrer.

3. L’insuffisance des moyens de LBC

En Côte d’Ivoire, le dispositif de LBC est généralement lacunaire de moyens


matériels, financiers et humains. Les contraintes budgétaires et matérielles et le manque de
technicité des ressources humaines en charge de cette lutte affaiblissent la capacité des

117
organes de prévention, de contrôle et de répression. C’est le cas du Comité de coordination
qui souffre d’une insuffisance de budget opérationnel ne lui permettant pas de déployer au
mieux ses actions de sensibilisation auprès des assujettis aux obligations de la LBC et des
populations.
Les services douaniers manquent également de ressources matérielles adéquates et de
ressources humaines suffisamment formées aux rouages des techniques de contrôle en matière
de blanchiment d’argent. Cela, ajouté à la corruption et à la porosité des frontières, contribue
à l’inefficacité des mesures visant à combattre les trafics transfrontaliers et par conséquent le
BC. Cette situation est la même pour les autres services institutionnels de répression et de
contrôle (Police, Gendarmerie, Impôts, Justice, etc.).
Relativement à la CENTIF-CI, principal organisme chargé de traiter les informations
sur le BC, l’insuffisance de moyens s’observe également au niveau matériel, humain et
financier.
Au plan matériel, les contraintes relevées par cette CRF en 2010 sont relatives à son
système d’informations, à son siège et ses installations et à la mobilité de ses membres et de
son personnel. Bien qu’aux termes de l’article 10 de son décret de création, d’organisation et
de fonctionnement, la CENTIF-CI ait spécialement en charge de créer et de faire fonctionner
une banque de données contenant toutes informations utiles concernant les déclarations de
soupçons et que cette mission soit renforcée par son admission au Groupe Egmont, qui la met
en situation d’échanger des informations avec les services de renseignements du monde
entier, en 2010, la CENTIF-CI affirmait ne pas disposer d’un logiciel informatique adapté au
traitement des DOS. Or l’absence d’un système d’information moderne constitue une entrave
à l’exécution rapide de ses missions. Le logiciel d’analyse et de traitement de données dédié à
la LBC/FT qu’elle avait acquise s’est avéré inefficace et inadapté à ses besoins. Ayant jugé
nécessaire de mettre en place un système interne de traitement, l’insuffisance des moyens
financiers ne lui a pas permis de le développer et de le déployer194.
Par ailleurs, l’insuffisance de sécurité de ses agents ne favorise pas leur liberté
d’action et leur indépendance d’esprit face aux cas suspects qu’ils doivent traiter. De plus,
l’insuffisance de ses moyens logistiques constitue une entrave à la liberté de déplacement de
ses agents dans le cadre de leurs activités. En outre, la CENTIF-CI ne dispose pas de siège ;
elle est en statut de locataire du bâtiment qui abrite ses services. Une telle situation ne lui
permet pas d’être en conformité avec les normes requises par le GAFI.

194.
CENTIF-CI, Rapport annuel 2011, p. 55.

118
Au plan humain, l’insuffisance de ses effectifs en nombre et en qualité ne permet pas
de tenir compte de l’accroissement du volume des dossiers et de respecter les ratios admis en
matière de traitement du renseignement, ce qui constitue un obstacle à ses performances
opérationnelles, surtout en ce qui concerne le traitement rapide et respectueux de toutes les
diligences requises des DOS. Ce problème s’est observé en 2014, où, comparativement au
nombre de dossiers reçus, le nombre de dossiers traités était très faible, ce qui a provoqué un
engorgement de dossiers en instance de traitement. De même sur la période d’octobre 2017 à
septembre 2018, le nombre de DOS en cours de traitement était alarmant : alors que 302 DOS
ont été reçues sur cette période, le nombre de dossiers en cours de traitement était de de
3 519195.
Au plan financier, selon l’article 73 de la loi N° 2016-992 du 14 novembre 2016
relative à la LBC/FT, les ressources de la CENTIF-CI proviennent du budget de l'État ainsi
que des apports consentis par les institutions de l'UEMOA et les partenaires au
développement. Or en 2014, la CENTIF-CI affirmait ne pas disposer de la totalité des fonds
qu’elle était en droit de recevoir pour fonctionner. En effet, la contribution financière des
institutions de l’UEMOA n’était, comme les années précédentes, toujours pas effectives 196. La
Cellule ne recevait que les ressources financières allouées par l’État de Côte d’Ivoire, qui
s’avéraient insuffisantes. Cela constituait un frein au déploiement de toutes ses capacités
opérationnelles. Ces contraintes budgétaires ont des répercussions sur plusieurs aspects de son
activité. Par exemple, elles ne lui ont pas permis d’acquérir un siège permanent répondant aux
normes et standards internationaux et un logiciel moderne pour son système d’information.

4. Le laxisme dans l’application des textes relatifs à la LBC

Le dispositif ivoirien de LBC souffre d’une application laxiste des textes relatifs au
contrôle des obligations en matière de LBC et à la répression des opérations de BC. C’est le
cas par exemple, lorsque contrairement aux dispositions relatives aux obligations de vigilance
constante sur la relation d'affaires, contenues à l’article 19 afférent à la loi N° 2016-992 du 14
novembre 2016, les autorités de contrôle ne s’assurent pas systématiquement que cette
obligation de vigilance est appliquée par les personnes mentionnées aux articles 5 et 6 de
ladite loi. Dans la pratique, aucun contrôle n’est effectué par ces autorités, aucun rapport n’a

GIABA, Résumé des rapports des pays octobre 2017 – septembre 2018, 30ème Réunion Plénière de la
195.

Commission Technique du GIABA, 12 – 16 Novembre 2018, p.20.

196.
CENTIF-CI, Rapport annuel 2014, p. 10.

119
été produit à l’appui et aucune sanction n’a été appliquée lors des cas de manquement relevés
par la CENTIF-CI dans ses rapports de 2011 et 2014.
De même, relativement à l’évaluation des risques par les personnes assujetties
demandée par l’article 11 de la loi sur la LBC, les évaluations mentionnées qui doivent être
documentées, tenues à jour et mises à la disposition des autorités compétentes et des
organismes d'autorégulation ne font pas l’objet de contrôle. La difficulté de la mise à
exécution de ce contrôle réside surtout dans les ressources humaines et financières
conséquentes à mettre en œuvre pour sa réalisation.

Par ailleurs, bien que l’ENR ait été instituée par l’article 10 de ladite loi datant de
2016, elle n’a été effectuée qu’à partir de 2018 et le décret pris en Conseil des ministres
désignant l'autorité compétente chargée de coordonner la réponse nationale aux risques a été
pris au cours de cette même année. Un autre exemple réside dans l’interdiction du paiement
en espèces ou par instrument négociable au porteur d'un montant égal ou supérieur à un seuil
fixé par une instruction de la BCEAO. Ce seuil, fixé à cinq millions de francs CFA, n’est pas
respecté par un grand nombre d’opérateurs économiques lors de leurs transactions
professionnelles, même lorsqu’ils n’entrent pas dans les catégories des personnes qui sont
incapables de s'obliger par chèque ou par un autre moyen de paiement ou de celles qui ne
disposent pas de compte de dépôt. Malgré cela ceux-ci mènent leurs activités sans être
inquiétés. Ces quelques exemples montrent que les mesures sont certes décidées dans les
textes, mais elles ne font pas toujours l’objet d’une application rigoureuse, d’un contrôle de
leur application et de sanctions.

5. Le manque d’indépendance des structures de LBC et la « protection »


de certaines activités liées au BC

En Côte d’Ivoire, le problème de l’indépendance juridique et financière des entités


administratives impliquées dans la LBC se pose, entre autres, la CENTIF-CI, le Comité de
Coordination, la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance, l’UTC, la Douane, les Impôts,
etc... Ces structures sont rattachées aux pouvoirs publics, qui, généralement, manquent de
temps pour véritablement superviser les actions de lutte, manquent de formation et de ce fait
ne maîtrisent pas toujours les rouages de la lutte, ou qui, parfois, ne sont pas neutres dans les
crimes à l’origine du BC. Ainsi, l’implication de certaines autorités dans la commission des
infractions liées au BC constitue-t-elle un obstacle à l’efficacité de la LBC. Très souvent, des
personnes haut placées sont à l’origine ou couvrent les activités illicites qui génèrent les

120
produits à blanchir. Elles organisent même l’escorte policière de trafiquants aux aéroports
pour leur permettre de passer sans être inquiétés le cordon douanier.
Selon le magazine hebdomadaire Jeune Afrique, les experts chargés de vérifier
l’application de l’embargo datant de 2005 sur les diamants de la Côte d’Ivoire étaient
« préoccupés par la corruption des policiers et des douaniers » ivoiriens. Dans son rapport au
Conseil de Sécurité, ce groupe d’experts chargés de vérifier l’application dudit embargo
souligne que « Des policiers, dont des agents de la Direction de la Surveillance Territoriale
(DST, service de renseignement), escortent des particuliers depuis les comptoirs
d’enregistrement jusqu’aux avions de transport de passagers, contournant les contrôles de
sécurité ou des douanes en contrepartie du versement d’une somme d’argent 197».

C. Les obstacles juridiques et les faiblesses relatives à l’environnement économique

1. Les obstacles juridiques

Les contraintes, obstacles et dysfonctionnements d’ordre juridique rencontrés dans le


dispositif de LBC ont essentiellement trait à l’inadéquation du suivi judiciaire des dossiers
relatifs aux cas de BC.
Le suivi judiciaire des dossiers portant sur des cas de blanchiment d’argent transmis
par les CRF aux autorités judiciaires est une problématique qui devrait faire l’objet d’une
attention toute particulière des autorités politiques. En effet, la qualité de ce suivi judiciaire
est indispensable au bon fonctionnement du dispositif de LBC.
En Côte d’Ivoire, l’absence de décision de justice relative aux dossiers transmis au
parquet et pour lesquels des cas de blanchiment de capitaux sont avérés, participe des
faiblesses relevées dans le dispositif de lutte par la CENTIF-CI en 2011 198. Le manque de
célérité dans l’instruction et les conclusions du parquet peut non seulement décourager les
assujettis déclarant les opérations suspectes et les agents de la CENTIF-CI, mais aussi, laisser
une importante marge de manœuvre aux éventuels blanchisseurs concernés pour couvrir leurs
forfaits. De 2008 à 2012, aucune information n’a été fournie dans ses rapports par la CRF sur
la suite donnée aux dossiers transmis au parquet. Cela ne permet pas non plus d’apprécier
l’implication effective de la justice dans ce dispositif. Bien que dans son rapport de 2014 la

197.
Jeune Afrique : « La production et la commercialisation du diamant brut se poursuivent « illégalement » en
Côte d’Ivoire malgré un embargo datant de 2005, dénoncent jeudi des experts des Nations unies, accusant un
haut responsable de l’armée d’être au cœur du trafic ».
198.
CENTIF-CI, Rapport Annuel 2011, p. 55.

121
CENTIF-CI relève la prise en charge systématique des dossiers par le procureur à partir de
2013, les suites données à ces dossiers ne sont pas connues.
Par ailleurs, les réquisitions mentionnées dans les rapports ne sont pas explicitement
reliées aux dossiers transmis au parquet. L’on note une imprécision dans l’information
fournie, même si elle en donne une valeur monétaire. C’est le cas de l’information suivante
selon laquelle, « De novembre 2014 au 31 août 2015, la CRF a reçu 93 Déclarations de
soupçon et transmis 20 rapports au Parquet. Elle a reçu 12 demandes d’informations de CRF
étrangères et 07 des administrations nationales soit un total de 19 dont 15 ont été traitées
avec diligences. Réquisitions aux fins d’opposition à toutes opérations ont été adressées aux
institutions financières. Elles ont toutes été confirmées par le juge d’instruction pour un
montant total à ce jour de 1.943.375.327 F CFA. Les procédures judiciaires sont en cours». 199
Bien que le nombre de dossiers transmis au parquet ait augmenté en 2018, les informations
relatives à ses conclusions sur ces dossiers n’étaient pas disponibles. Selon la CENTIF-CI,
« Pour l’année 2018, nous sommes à 53 dossiers qui ont déjà été transmis au parquet et qui
vont passer en jugement. En termes d’argent, nous sommes à 10 576 000 000 de francs pour
les soupçons de blanchiment d’argent ».200 

2. Les faiblesses de l’environnement de l’économie

Les principales faiblesses d’ordre environnemental qui influencent négativement le


dispositif de LBC de la Côte d’Ivoire relèvent de son environnement économique, financier et
politique. Elles se rapportent à l’importance de l’économie informelle, l’utilisation excessive
des espèces dans les transactions commerciales et les insuffisances au niveau de la
gouvernance.

a. L’importance de l’économie informelle

Selon le BIT, le secteur informel se définit comme un ensemble d’unités produisant


des biens et services en vue principalement de créer des emplois et des revenus pour les
personnes concernées. Ces unités, ayant un faible niveau d’organisation, opèrent à petite
échelle et de manière spécifique, avec peu ou pas de division entre le travail et le capital en
tant que facteurs de production. Les relations de travail, lorsqu’elles existent, sont surtout
fondées sur l’emploi occasionnel, les relations de parenté ou les relations personnelles et
199.
GIABA, Troisième rapport de suivi évaluation mutuelle, Côte d’Ivoire, Novembre 2015

200.
Eburnie Today.

122
sociales plutôt que sur des accords contractuels comportant des garanties en bonne et due
forme.
Ce secteur connait en Côte d’Ivoire, un véritable essor depuis la décennie 1980 au
point d’être considéré aujourd’hui comme le premier secteur à occuper surtout les populations
urbaines201. S’il est vrai qu’aucune étude récente n’a été menée sur l’évolution et le poids de
l’informel dans l’économie ivoirienne, on peut en revanche se référer à des études antérieures
pour marquer son importance. Ainsi, les données disponibles sur la période de 1965 à 2002,
indiquent que le secteur informel a assuré un emploi pour 8% des actifs en 1965, 14% en
1980, 19% en 1985, 24% en 1992202.
En 1998, la proportion des opérateurs informels est passée à 30%, puis à 31% de
l’emploi total en 2002203. Ces chiffres sont plus importants dans l’agglomération d’Abidjan.
En effet, selon une enquête de l’Institut National de Statistiques (INS), en 2002, la part
occupée par le secteur informel est de 76.7%204. À défaut d’une actualisation de ces données,
nous estimons tout de même que la part de l’informel a tout de même évolué, au regard de la
dégradation des conditions des conditions de vie et économiques suite à la longue période de
crise et d’instabilité politique qu’a connu le pays. L’enquête de l’INS 205 en 2002, révélait que
le chiffre d’affaires annuel du secteur informel non agricole à Abidjan avait atteint 2876
milliards de francs au cours de l’exercice 2001/2002.
En outre, pour la seule capitale Abidjan, l’informel a produit sur la même période
1449 milliards de biens et services et a créé 2227 milliards de valeurs ajoutées. Même s’il
s’agit de données à actualiser, on voit quand même que l’informel occupe un poids non
négligeable dans le système économique ivoirien. Cependant, pour l’INS dans la même étude,
l’État ivoirien ne percevait que 4.3% de la valeur ajoutée de ce secteur. D’un point de vue
fiscal, cette contribution de l’économie informelle se percevait principalement sous la forme
de paiement de patentes et de petites taxes. Aujourd’hui encore, le secteur informel continue

201
Valoua FOFANA, Secteur informel et économie nationale ivoirienne : réalités et perspectives, Thèse de
doctorat en Sociologie, UFHB, 2014-2015, p. 208

202
Idem, p. 208

203
AGEPE-ESIA, Étude sur le secteur informel à Abidjan en 2008 : Caractéristiques des unités de production
informelles à Abidjan, 2009, p. 5

204
Idem, p. 3

205
Idem

123
de connaitre une expansion et malheureusement, il constitue importante une source de revenus
qui échappe au fisc, à l’État.
D’ailleurs, comme l’affirme la BAD, « Dans toute l’Afrique, il existe une économie
parallèle et liquide d’une taille significative dans laquelle l’argent circule en dehors des
systèmes financiers conventionnels. Il s’agit des systèmes parallèles de transfert de valeurs et
de remise de fonds, qui jouent un rôle important, inestimable et légitime dans la plupart des
économies africaines. Ils sont toutefois exposés au risque d’être utilisés à des fins de
blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. La nature du système est telle que
l’anonymat de ses clients est assuré et que les transactions sont presque impossibles à
surveiller206».
La nature majoritairement informelle de son économie est un des facteurs qui
constituent des obstacles majeurs à la LBC dans ce pays. Un grand nombre d’activités se font
en dehors des circuits officiels, en particulier, de la réglementation fiscale, douanière et du
système financier conventionnel. En outre, ce pays ne dispose pas d’institutions de
contrôle ou de moyens de contrôle assez performants pour identifier et canaliser ces activités
informelles. De nombreuses activités qui auraient dû être réglementées s’effectuent à l’insu
des pouvoirs publics, en l’occurrence celles relatives à la vente de devises et à des levées de
fonds provenant du public.

b. L’utilisation excessive des espèces dans les transactions commerciales

Les mouvements d’argent et les transactions en espèces pour lesquels il n’existe aucun
document et dont il est impossible de suivre la trace sont la norme plutôt que l’exception dans
la majeure partie de l’Afrique207. Le risque de BC est d’autant plus important en Côte d’Ivoire
que son économie repose pour une grande part sur ces mouvements et transactions qui
favorisent l’anonymat. La culture des opérations en espèces est ancrée dans les habitudes des
opérateurs économiques évoluant sur le territoire ivoirien. Un bon nombre parmi eux, par
méfiance à l’égard de leurs clients ou du système financier officiel, refusent les moyens
scripturaux au profit des espèces. Des échanges bien que portant sur des sommes importantes
sont conclus de la sorte. Des fonds d’origine criminelle peuvent, par conséquent, être

206.
Banque Africaine de Développement Fonds Africain de Développement, Stratégie du groupe de la banque
en matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme en Afrique, mai 2007, p.
7-11.
207.
Banque Africaine de Développement Fonds Africain de Développement, Stratégie du groupe de la banque
en matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme en Afrique, mai 2007, p.
7-11.

124
facilement blanchis par des groupes criminels détenteurs d’importantes sociétés
commerciales, en l’occurrence des grossistes ou des vendeurs de véhicules d’occasion ou
encore par des sociétés de construction immobilière, pour ne citer que ces exemples.
De même, il est relativement facile pour les criminels, blanchisseurs de capitaux, de
transporter des espèces et d’autres valeurs au-delà des frontières, sans attirer l’attention des
services de contrôle. Les criminels et les trafiquants ont également recours aux passeurs de
fonds pour transporter le produit d’activités criminelles et procéder à des trafics illicites.
Quelques cas de saisies d’importantes sommes d’argent en espèces ont été relayés par les
médias ivoiriens, dont un en date du 30 mai 2019 portant sur la somme de 2 851 803 143 F
CFA, intervenu à l’aéroport de la capitale économique ivoirienne 208. Plus récemment un autre
cas de saisine dont le montant, serait estimé à plus de 25 milliards de francs CFA en date de
février 2021.

c. Les insuffisances au niveau de la gouvernance

La gouvernance peut influencer positivement ou négativement l’efficacité des organes


de contrôle et de répression de la LBC. En effet, lorsque l’environnement politique n’oblige
pas à l’application effective des mesures de contrôle et de répression, notamment lorsqu’il est
corrompu et favorise l’impunité et le laisser-aller, il est difficile pour des agents de mener à
bien leurs missions. Comme le conçoit le directeur général de la CENTIF-CI, dans sa vision,
« L'une de nos difficultés majeures semble résider dans la capacité réelle à nous approprier
et mettre en œuvre effectivement des instruments de gouvernance acceptés de tous pour
accroître, sécuriser et pérenniser cette richesse209 ».
Bien que la Côte d’Ivoire ait amélioré son score relativement à l’indice de perception
de Corruption dans le classement de Transparency International, elle demeure toujours parmi
les pays les plus corrompus au monde. Les autorités ivoiriennes ont certes montré leur volonté
de combattre le blanchiment d’argent et certaines infractions sous-jacentes à travers plusieurs
actions. En plus d’avoir mis en place le cadre juridique et institutionnel de LBC, elles ont,
entre autres, promulgué des lois sur la prévention et la répression de certaines infractions
sous-jacentes au BC (corruption, trafic de stupéfiants, cybercriminalité, trafic illicite de
migrants).

208.
https://news.abidjan.net/h/658188.html, « Douanes Ivoiriennes : 3 milliards de F CFA environ saisis à
l’aéroport FHB ».
209.
https://www.centif.ci/notre-vision.php.

125
Aussi, elles ont institué des organes de lutte contre certaines infractions (l’autorité
nationale de lutte contre la corruption, le Comité de coordination, la CENTIF-CI, la DSE,
l’UTC, le CNR, etc.) et des organes de contrôle de l’activité publique (l’Inspection générale
de l’État, la Haute autorité pour la bonne gouvernance, etc...). Elles ont en outre, élargi les
missions de l’Agence Judiciaire du Trésor au recouvrement et à l’administration des avoirs
illicites sur l’ensemble du territoire national, mené des actions en vue du respect de certaines
initiatives internationales telles que l’Initiative pour la transparence dans les industries
extractives (ITIE), etc.
Cependant, force est de constater que faute d’une implication réelle quotidienne des
autorités politiques dans la moralisation de la vie publique et dans le suivi rigoureux, la
supervision et le contrôle des mesures prises et des actions des entités créées, les actions de
celles-ci et leurs effets sur le terrain ne sont pas réellement perceptibles. Comme l’Affirme le
GIABA, « Les analyses de divers rapports montrent que parmi les pays performants de
l’Afrique en matière de gouvernance, le premier facteur commun tient en l’existence d’un
leadership politique engagé à lutter contre la corruption. En effet, bien que la plupart des
pays aient mis en place des lois et institutions de lutte contre la corruption, les efforts de mise
en œuvre effective des mesures adoptées font toute la différence avec les pays performants210».
Face à tous ces obstacles, contraintes et dysfonctionnements relevés dans le dispositif
de LBC en Côte d’Ivoire, l’on peut affirmer que bien que ce pays ait marqué des avancées
notables dans son mécanisme de LBC, son dispositif présente encore de nombreuses
faiblesses qui fragilisent son efficacité. Des leçons pour l’avenir doivent été tirées, en vue
d’améliorer ce dispositif. Celles-ci le seront sous la forme de recommandations.

d - Les recommandations en vue d’améliorer le dispositif de LBC de la Côte


d’Ivoire

La Côte d’Ivoire doit tirer des leçons des contraintes, obstacles et dysfonctionnements
précédemment identifiés dans son dispositif de LBC. Un certain nombre de recommandations
seront de ce fait formulées afin de lui permettre de relever les principaux défis d’ordre
général, opérationnel, juridique et environnemental et ainsi, d’améliorer l’efficacité de son
dispositif de LBC.

GIABA, Résumé des rapports des pays octobre 2017 – septembre 2018, 30ème Réunion Plénière de la
210

Commission Technique du GIABA, 12 – 16 Novembre 2018, p.4.

126
1. Quelques recommandations d’ordre général

Les défis d’ordre général que doit relever la Côte d’Ivoire sont relatifs à la définition
d’une stratégie de lutte qui tienne compte de l’ENR et à la définition et la mise en œuvre
effective d’une politique en matière de statistiques portant sur le BC et la LBC.

a. La définition d’une stratégie de LBC adaptée aux risques réellement encourus

Comme le souligne la BAD, « Il y a lieu d’encourager les pays africains à concentrer
leurs efforts sur les exigences les plus fondamentales et les menaces les plus importantes
avant d’entreprendre une mise en œuvre plus exhaustive. Dans leur élaboration des stratégies
d’évaluation et d’assistance, les organisations internationales et régionales doivent prendre
en considération les particularités du contexte africain, notamment les capacités et les
ressources limitées des pays africains et la nécessité pour eux de définir clairement leurs
priorités dans leurs plans globaux de promotion du développement et de la bonne
gouvernance211 ». Cette affirmation est valablement transposable dans le cadre de la LBC en
Côte d’Ivoire. En effet, ce pays doit cadrer son dispositif de LBC avec ses réalités et ses
moyens. Il ne doit pas adopter systématiquement des mesures importées d’ailleurs, imposées
ou non, sans les avoirs préalablement analysés pour en déterminer la pertinence pour son
contexte. Aussi, en vue de se doter d’un dispositif de LBC efficient et adapté à son
environnement sécuritaire en matière de BC et de crimes liés, devrait-il régulièrement mettre
en œuvre le processus dont les étapes se présentent comme suit :
- Définir et mettre en œuvre un système de veille stratégique continue avec le concours
de l’ensemble des acteurs impliqués dans la LBC et des ressources humaines pouvant
y être utiles. Ce, d’autant plus que les méthodes, techniques, technologies, secteurs,
etc., utilisés pour blanchir évoluent constamment. Il s’agit de définir les objectifs de
cet outil, d’analyser tous les besoins informationnels en vue de sa conception, puis de
mettre en place un mécanisme de surveillance de l’évolution politique, économique,
sociale, technologique, juridique, environnementale, sécuritaire et financière en
rapport avec le BC. Grâce à des outils techniques et technologiques adaptés, des
études de typologie de blanchiment, une concertation avec tous les acteurs et leur
adhésion, les sources d’information doivent être identifiées et les ressources humaines
focales désignées pour collecter les informations pertinentes, les agréger, les traiter et

Banque Africaine de Développement Fonds Africain de Développement, Stratégie du groupe de la banque en


211.

matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme en Afrique, mai 2007, p. 7-11.

127
les diffuser, dans l’optique de suivre les tendances et indices d’évolution. Ces acteurs
doivent comprendre les représentants des dirigeants politiques décisionnaires, les
représentants des différents secteurs d’activités formelles et informelles, les
représentants des services publics de détection, de contrôle et de répression en matière
de BC, des techniciens, analystes, juristes, etc. Les données utiles constamment
actualisées devraient permettre à la Côte d’Ivoire d’anticiper les menaces et de mener
à bien ses ENR. Un accent particulier devrait être mis sur la veille juridique, en étroite
collaboration avec les opérateurs techniques et financiers sur les différents théâtres des
opérations. Au fil du temps, tenant compte de l’expérience acquise, la liste des
criminalités sous-jacentes au blanchiment doit être adaptée pour améliorer l’efficacité
du dispositif préventif et être au plus proche des criminalités pouvant donner lieu à
blanchiment. Le champ d’application du dispositif anti-blanchiment devrait, par
exemple, être étendu aux professions financières et non financières informelles telles
que les cybercafés, les commerçants ambulants de devises, cela afin d’avoir une
maîtrise des risques plus globaux. En effet, seuls certains secteurs financiers et non
financiers formels sont assujettis (banques et établissements financiers, notaires,
agents immobiliers, diamantaires, huissiers de justice, avocats, notaires, casinos,
fonctionnaires des services administratifs de l’État, etc.). De même, la corruption et les
détournements ne devraient pas viser que les fonctionnaires publics, mais aussi les
agents du privé.
- Réaliser et actualiser régulièrement une étude sur les menaces, risques et vulnérabilités
en matière de BC, afin de disposer d’un référentiel sur l’environnement économique,
financier et sécuritaire auquel son système économique et financier est exposé. La
fréquence d’actualisation pourrait être de 2 ans au plus, lorsqu’aucun événement ne
vient contrarier l’évaluation déjà faite. Ce, pour tenir compte de l’évolution rapide du
monde liée à la mondialisation et aux NTIC.
- Définir une stratégie nationale en matière de LBC qui s’appuie sur l’évaluation des
risques et qui tienne compte des moyens dont le pays dispose ou peut disposer pour sa
mise en œuvre.
- Mettre en œuvre son dispositif de LBC sur la base de la stratégie nationale
précédemment définie.
- Aussi, faudrait-il que les dirigeants ivoiriens entreprennent une révision régulière du
dispositif de LBC pour s’assurer qu’il est en rapport avec les risques de BC que la
Côte d’Ivoire encourt réellement.

128
b. La définition et la mise en œuvre d’une politique en matière de statistiques sur le
BC et la LBC

Les statistiques constituent un outil fondamental permettant d’avoir une tendance ou


une idée précise sur un phénomène donné. Dans le cadre de la LBC, elles contribuent
également à dimensionner la lutte en fonction de ses enjeux réels pour l’État et ses citoyens. Il
serait en effet incohérent de prendre des mesures et d’allouer des moyens excessifs à une lutte
alors que l’impact des infractions est minime.

La Côte d’Ivoire marque certaines avancées en matière de statistiques nationales : elle


a adopté la loi N° 2013-537 du 30 juillet 2013 portant organisation de son système statistique
national, qui est un atout majeur dans la mesure où elle (la loi) imprime la culture statistique
et permet de garantir la fiabilité, la qualité et la sécurisation des statistiques nationales. En
matière de LBC, les attributions du Comité de Coordination des Politiques Nationales de
LBC/FT et de la prolifération des armes de destructions massives ont été étendues à la
collecte des statistiques relatives à la LBC/FT 212 et l’arrêté N° 125 du 09 mai 2018 portant
attributions du Service des statistiques nationales en matière de LBC/FT et de la prolifération
des armes de destruction massive a été pris.

Cependant, malgré ces mesures, la Côte d’Ivoire ne dispose toujours pas de


statistiques nationales publiées en matière de BC et de LBC. Pour pallier cette insuffisance, le
Gouvernement ivoirien devrait instruire l’autorité administrative chargée de la politique
statistique nationale, en l’occurrence le Conseil National de la Statistique (CNStat) et le
Comité de coordination, à l’effet de définir et mettre en place une politique statistique
nationale dédiée au BC et la LBC, en collaboration avec les acteurs impliqués dans cette lutte.
Une concertation devrait permettre de fixer tous les paramètres pertinents en vue de définir
cette politique nationale. Il s’agira de déterminer avec précision la nature et le contenu des
données, la méthodologie d’approche pour la collecte et le traitement des données, la
fréquence de transmission des données, le mode d’agrégation des données, les organes et
acteurs en charge de chaque étape de l’élaboration des statistiques, de leur contrôle et
validation, la présentation, la fréquence et le mode de publication des données sur le BC et la
LBC en Côte d’Ivoire. Un suivi rigoureux de ce processus devrait être opéré par le
Gouvernement ivoirien afin de s’assurer de son effectivité.

212.
GIABA, Deuxième Rapport de suivi évaluation mutuelle de la Côte d’Ivoire, novembre 2014, p.10.

129
Par ailleurs, le BC ayant un caractère transnational, il serait souhaitable d’étendre la
définition et la mise en œuvre d’une politique statistique aux autres membres du GIABA.
Ainsi en vue d’une harmonisation régionale des concepts et des méthodes destinées à
promouvoir l’exploitation commune d’une base de données statistiques, les autorités
ivoiriennes devraient-elles inciter le GIABA à amener ses membres à tenir des statistiques sur
le blanchiment d’argent et la LBC. Cela permettra à l’ensemble de ces pays de disposer
d’informations pertinentes nationales et régionales sur ce phénomène et de créer une synergie
d’idées et d’actions pour le combattre.

2. Quelques recommandations d’ordre opérationnel

Les défis opérationnels que doit relever la Côte d’Ivoire pour asseoir un mécanisme de
LBC efficient sont principalement la sensibilisation des assujettis, des correspondants et des
populations, l’allocation de moyens adaptés à la lutte, le suivi de l’application des textes
relatifs à la LBC, l’indépendance des structures de LBC.

a. La sensibilisation des assujettis, des correspondants et des populations

Afin de renforcer l’adhésion de tous (assujettis à la DOS, services publics


correspondants et population) à la LBC, le Gouvernement ivoirien et les organes
administratifs de contrôle et de détection impliqués dans la LBC devraient renforcer la
sensibilisation des différents acteurs impliqués dans cette lutte en entreprenant les actions
suivantes :

- Sensibiliser les services des administrations publiques aux enjeux de la LBC, renforcer
avec eux la coordination nationale des actions de lutte, identifier avec eux leurs
contraintes, préoccupations et leurs besoins en matière de LBC.

- Mener une réflexion sur les mesures à mettre en œuvre pour inciter les opérateurs
économiques dans leur ensemble et particulièrement les assujettis à déclarer les cas de
blanchiment ou de suspicion de blanchiment. En effet, il est indéniable que les
obligations de DOS, d’évaluation des risques, de vigilance, etc., créent de nouvelles
tâches et dépenses pour eux. Une piste de solution serait d’accorder des abattements
fiscaux ou autres avantages aux entités, proportionnellement aux crimes qu’elles
auraient permis de détecter, de sanctionner ou d’éviter.

130
- Vulgariser la loi N° 2016-992 du 14 novembre 2016 et plus particulièrement, auprès
de chaque acteur concerné, les articles de cette loi qui décrivent ses obligations
spécifiques en matière de LBC.

- Entreprendre des concertations constantes et franches avec l’ensemble des acteurs


impliqués dans la LBC, afin de les sensibiliser, de renforcer leur adhésion et d’obtenir
de chacun (Impôts, Douanes, Police, Gendarmerie, Trésor public, organismes de lutte
contre la corruption, services de renseignement, assujettis, etc.) une meilleure
appropriation de son rôle et une véritable implication dans le mécanisme de partage
des informations. C’est grâce à un dialogue constant et franc que les autorités
sensibiliseront les autres acteurs, particulièrement le secteur privé, à une meilleure
prise de conscience des risques de BC et obtiendront d’eux une bonne collaboration et
des informations utiles sur les risques auxquels ils sont réellement confrontés, pour
une meilleure efficacité de la lutte. Cette concertation devrait être axée sur un
partenariat gagnant-gagnant qui nécessite d’analyser ensemble ce que chaque acteur
peut vraiment tirer comme avantage ou inconvénient de cette lutte. Il faudrait en plus
leur garantir une plus grande sécurité juridique, physique et économique (relativement
à leurs clients) lors de leur contribution à cette lutte. Il s’agit de créer des textes
législatifs ou règlementaires, des mécanismes et procédures qui évitent de les exposer
et qui renforcent la sécurité de leurs activités.

- Renforcer la sensibilisation et la formation des EPNFD en vue de leur enseigner les


typologies utilisées par les blanchisseurs à leur encontre à des fins de crimes
financiers. Leur faire comprendre le bien-fondé des obligations qui sont les leurs en
matière de LBC, par exemple, les mesures de vigilance qui doivent être prises comme
un outil permettant de se protéger contre des clients indésirables et contre le risque
d’être impliqué dans des opérations de blanchiment avec leurs conséquences en termes
financier et de réputation.

- Mieux appréhender le secteur informel, susciter des fédérations, corporations ou


associations réellement représentatives des opérateurs de ce secteur et mener des
concertations avec ces acteurs afin d’identifier leurs éventuelles préoccupations et
contraintes en matière de LBC, de les sensibiliser aux enjeux de la LBC, d’obtenir leur
adhésion et de les intégrer dans le mécanisme de partage des informations.

131
- Procéder à une vaste campagne de sensibilisation de la population sur le BC, ses
conséquences, la LBC et lui faire connaître les institutions engagées dans cette lutte.
La population qui constitue l’une des cibles privilégiées des criminels et une des
sources des capitaux illégalement amassés devrait être intégrée dans le dispositif de
LBC. Des campagnes de sensibilisation au moyen de spots d’information à la radio, à
la télévision et dans la presse écrite pourraient lui permettre d’être mieux informée sur
le fléau, plus vigilante et également de contribuer à appréhender certains criminels
grâce à des alertes. Par ailleurs, pour paraphraser le directeur général de la CENTIF-
CI, rendre effective la compétence nationale des organes ivoiriens engagés dans la
LBC, dont la CENTIF-CI, en les rapprochant davantage des assujettis et de la
population par un processus de déconcentration du service au profit des localités de
l'intérieur du pays213.

b. L’allocation de moyens adaptés à la LBC

En vue d’améliorer l’efficacité de la LBC en Côte d’Ivoire, l’État ivoirien devrait


mettre en œuvre les mesures et allouer les moyens à la hauteur des risques et des menaces
identifiés. La définition de la stratégie nationale de LBC, faite à partir de l’ENR devrait par
conséquent avoir déterminé les moyens nécessaires à toutes les composantes du dispositif de
LBC pour accomplir efficacement leurs missions. Concrètement, il s’agit, au-delà des textes
législatifs, réglementaires et d’application et au-delà des manifestations d’intention, de doter
véritablement et en permanence les organes et services administratifs publics impliqués, de
ressources humaines techniquement capables, de moyens logistiques, matériels et financiers
adéquats, au regard de leurs missions et particulièrement du volume de travail planifié.
Relativement aux services publics conventionnels (Douanes, Police, Gendarmerie,
Impôts, Justice, Trésor public, etc.), il est indispensable de renforcer le dispositif de lutte par
l’octroi de moyens humains (agents de pointe) et d’équipements efficaces (scanners adaptés,
logiciels pour le réseautage informatique, véhicules, chiens anti-drogue, etc.). Il est impératif
de leur octroyer une rémunération motivante, en fonction des risques et tentations auxquels ils
sont exposés dans l’exercice de leurs activités en matière de LBC, ce pour réduire la
corruption dont ils peuvent être l’objet.
Il faudrait également identifier les besoins précis de chaque service ou organisme
engagé dans la LBC, notamment des autorités de contrôle, de la CENTIF-CI, des autorités

213.
https://www.centif.ci/notre-vision.php.

132
judiciaires, des autres services publics correspondants et des entités déclarantes en matière
d’assistance technique, principalement les besoins de formation en typologies de blanchiment,
en techniques de blanchiment, en techniques de contrôle, de détection, d’enquêtes, etc…
Relativement au Comité de coordination, bien que le GIABA affirme qu’il est
particulièrement dynamique dans la formation des acteurs nationaux 214, il est impératif de
renforcer son budget afin qu’il puisse atteindre le maximum de ces cibles et étendre son action
à la population. En ce qui concerne particulièrement la CENTIF-CI, l’État ivoirien devrait :

- Créer un cadre permanent de concertation réelle et franche entre la CENTIF-CI, le


Comité de coordination et les différents ministères impliqués dans la LBC.
- Doter la Cellule en effectif suffisant en nombre et en qualité, en tenant compte de son
volume d’activité et des ratios admis en matière de traitement du renseignement
financier, renforcer les capacités techniques de son personnel par des formations
adaptées sur des thèmes et secteurs identifiés dans son ENR et favoriser une
collaboration, en cas de besoin, avec des experts intervenant dans des domaines
spécifiques. Les formations doivent intégrer des connaissances sur les innovations
techniques, technologiques et les nouveaux moyens de paiement utilisés dans le
domaine du BC ou susceptibles de l’être.
- Doter cette CRF d’un système informatique performant et moderne de gestion des
informations financières et économiques en vue d’un meilleur traitement des
déclarations d’opérations suspectes (DOS), propres à répondre à tous les types
d’informations qu’elle doit traiter, à même de faire face à l’augmentation du volume
d’activités et permettant de mettre en place et faire fonctionner une base de données
fiable et efficace. Dans le cadre régional, pour faire face aux besoins en équipement,
matériel et logiciel informatiques, il serait souhaitable que les autorités ivoiriennes, de
concert avec leurs pairs membres du GIABA, recommandent au GIABA de fédérer ses
membres autour du financement et de la conception d’un programme informatique
régional de LBC. Ce programme devrait être adapté aux différentes typologies de BC
rencontrées dans l’ensemble des pays, avec une possibilité de choix des modules et
d’amélioration progressive en fonction des mutations d’actions criminelles qui se
présenteraient dans le futur.

GIABA, Résumé des rapports des pays octobre 2017 – septembre 2018, 30ème Réunion Plénière de la
214.

Commission Technique du GIABA, 12 – 16 Novembre 2018, p.15.

133
- Allouer à la CENTIF-CI des moyens financiers découlant de budgets annuels élaborés
en collaboration avec elle et prenant en compte toutes les activités et tous les moyens
lui permettant de mener à bien ses missions. Ces moyens financiers devraient
permettre à la CENTIF-CI d’acquérir un siège permanent répondant aux normes et
standards internationaux. Dans le cas où l’État n’aurait pas suffisamment de
ressources disponibles à octroyer à la CENTIF-CI, une partie pourrait provenir des
sommes saisies ou définitivement gelées dans le cadre des activités de BC. L’État
ivoirien devrait également réclamer les apports des institutions de l'UEMOA et
demander des aides aux partenaires au développement, prévus à l’article 73 de la loi
N° 2016-992 du 14 novembre 2016 relative à la LBC/FT, ou encore demander au
GIABA d’obtenir, du GAFI et des organisations internationales impliqués dans la
LBC, une dotation pour les pays en développement présentant des risques importants
en matière de blanchiment et désireux de faire de la lutte une priorité.
- Renforcer le dispositif de sécurité des locaux et des agents de la CENTIF.

c. Le suivi de l’application des textes relatifs à la LBC

En vue d’une application rigoureuse des textes, il est impératif que l’État s’implique
dans le dispositif de LBC, notamment à travers des actions de suivi et de contrôle des organes
en charge de la LBC de la part de la HABG et des ministères concernés et de sanction de la
part de l’État. Cependant, préalablement, il est souhaitable que le Gouvernement montre
l’exemple en appliquant immédiatement et rigoureusement les mesures prévues dans les
textes et relevant de sa compétence, dès lors que ces textes sont adoptés et publiés.

Aussi, à travers les ministères impliqués dans la LBC, il faut que le gouvernement
entreprenne des concertations constantes avec le Comité de Coordination, la CENTIF-CI et la
HABG, pour une meilleure coordination nationale en matière de LBC et de partage des
informations et pour une revue de la loi N° 2016-992 du 14 novembre 2016, plus
particulièrement, des articles de cette loi qui décrivent les obligations spécifiques de chacun
en matière de LBC, afin de s’assurer qu’ils sont toujours applicables et d’actualité.
Par ailleurs, il est important que le gouvernement obtienne un engagement ferme du
Comité de coordination pour une supervision adéquate des assujettis à la loi sur la LBC,
particulièrement en tant que contrôleur du respect de leurs obligations (de vigilance, de DOS,
de Déclaration des Transactions en Espèces (DTE), etc.) et autorité ayant pouvoir de sanctions
disciplinaires, conformément aux articles 73, 86 et 112 de ladite loi. À cet effet, Comité

134
pourrait établir un programme de contrôle systématique des obligations portant sur la mise en
place des mécanismes de LBC et de contrôle inopiné des obligations relatives à leur
application effective. Par ailleurs, le Comité de coordination doit déterminer des sanctions ou
mesures coercitives et obtenir véritablement des moyens juridiques pour sanctionner les
contrevenants aux obligations de LBC. Une solution serait de renforcer son pouvoir
disciplinaire en cas de non-respect de leurs obligations par les assujettis, par exemple, en lui
permettant de prononcer une interdiction d’exercice ou un retrait d’agrément ainsi qu’une
sanction pécuniaire dont le montant peut atteindre un plafond défini par la loi.

d. Le renforcement de l’indépendance des structures de LBC

Le problème de l’indépendance juridique et financière des entités administratives


impliquées dans la LBC pourrait se régler, sous réserve de l’indépendance et de la séparation
effective des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires en Côte d’Ivoire.
D’abord, pour la CENTIF-CI, le Comité de Coordination, la HABG, l’UTC et la DES,
il faudrait définir un statut qui permettrait, entre autres, de disposer d’un budget voté par le
parlement, dont le financement relèverait de l’État. Comme tel, ce statut pourrait imposer
qu’une enquête administrative ou judiciaire incriminante soit menée et que l’avis positif des
chambres du parlement soit donné avant que les dirigeants de ces structures soient démis de
leur fonction et qu’une enquête administrative ou judiciaire incriminante soit menée avant que
les agents de ces structures chargés des contrôles ou enquêtes soient démis de leur fonction.
Ensuite, pour les agents impliqués dans la LBC appartenant aux services publics
correspondants, il faudrait des enquêtes administratives ou judiciaires incriminantes avant
qu’ils soient démis de leur fonction. Ces mesures devraient, en principe, renforcer leur
autorité en matière de LBC, afin de leur permettre d’exécuter leurs missions et tâches en toute
sérénité, sans subir de pressions de la part de quiconque. Elles pourraient également régler le
problème de la «  protection » dont bénéficient certaines activités liées au BC. À ces mesures,
il faudrait ajouter, pour ce dernier cas, la production d’une DOS adressée à la CENTIF-CI qui
en aviserait le Comité de coordination afin que les obstacles soient connus et des solutions
idoines y soient apportées.

135
3. Les recommandations d’ordre juridique et relatives à l’environnement
économique
a. Recommandations d’ordre juridique

Le défi d’ordre juridique à relever dans le cadre la LBC en Côte d’Ivoire se rapporte
au traitement judiciaire rapide des dossiers transmis au parquet par la CENTIF-CI. Le
traitement judiciaire des dossiers de BC pose les questions cruciales du temps, des moyens
disponibles et des pouvoirs au sein des parquets. Dans le but d’atteindre la célérité et
l’efficacité voulues dans le traitement des dossiers transmis au parquet, il serait
souhaitable pour l’État de Côte d’Ivoire:
- d’affecter les dossiers de BC à une ou deux juridictions désignées dans chaque localité
concernée, en fonction du volume habituel des affaires, qui les traiteront en priorité ;
- d’envisager une coopération étroite entre les autorités de contrôle, la CENTIF-CI et le
parquet pour une meilleure instruction des affaires de BC (disponibilité, bonnes
connaissances en matière de BC, affectation rapide de brigades d’enquêteurs,
réquisitions auprès des services appropriés pour la transmission d’informations
pertinentes, etc.) ;
- de renforcer les capacités techniques, les moyens matériels et financiers des autorités
judiciaires et policières impliquées dans cette lutte ;
- de rendre la justice libre, transparente, non inféodée à l’exécutif et accessible à la
CENTIF-CI, ce, pour lui permettre de mieux instruire et juger les affaires impliquant
des PPE.
- Par ailleurs, les autorités législatives devraient renforcer les pouvoirs de sanction des
tribunaux, afin de rendre effectivement exécutoires les sanctions prononcées (amendes
infligées, mesures de confiscation, mesures pénales, etc…)

b. Recommandations liées à l’environnement économique

L’assainissement du paysage économique ivoirien à travers la canalisation du secteur


informel, la réduction des transactions en espèces et la bonne gouvernance, constituent les
principaux défis d’ordre environnemental à relever pour améliorer le dispositif de LBC de la
Côte d’Ivoire. Cet assainissement de l’environnement de l’économie passe d’une part, par la
canalisation de l’économie informelle, et d’autre part, par la réduction des transactions
financières en espèce.

136
b. 1. La canalisation de l’économie informelle

Bien qu’il paraisse difficile de maîtriser le secteur informel, du fait de la précarité de


son implantation en général, de son importance en nombre dans le tissu économique ivoirien
et de sa grande disparité en taille, nature d’activité et pouvoir économique, et du fait des
efforts et moyens importants qui devraient être mis en œuvre pour y parvenir, il est indéniable
que le canaliser serait salutaire pour l’économie de la Côte d’Ivoire et la gestion d’une partie
des risques de blanchiment d’argent.
La Côte d’Ivoire devra toutefois y aboutir à terme, en se donnant les moyens d’obtenir
progressivement que les opérateurs significatifs de ce secteur exercent grâce à une
autorisation ou s’inscrivent sur un registre, et qu’ils soient assujettis à la loi sur la LBC. Cela
constitue un impératif si elle veut maîtriser son environnement économique et financier et
mieux lutter contre les crimes financiers favorisés par l’anonymat. Aussi, canaliser le secteur
informel pourrait-il se faire à travers un processus qui comprendrait :
- l’organisation par le Comité de coordination et la CENTIF-CI de campagnes de
sensibilisation et de réunions d’échange avec les différents acteurs regroupés au sein
d’associations, de corporations, de fédérations, etc.;

- l’élaboration par le Comité de coordination d’une cartographie des secteurs d’activités,


des activités et des opérateurs, en commençant par les plus importants pour finir par
les moins significatifs. S’en suivrait l’identification des différents types de produits
faisant l’objet de transactions, des types de circuits et de transactions et des risques y
afférents ;

- l’organisation par le Comité de coordination et la CENTIF-CI de séances de formation


sur le BC, et la LBC, particulièrement sur les DOS ;

- l’adoption par les législateurs de lois obligeant les opérateurs du secteur informel à
matérialiser leur existence à moindre coût et sans grandes formalités administratives,
en contrepartie de faveurs fiscales et d’une inscription sur un registre publicitaire
national qui leur permettrait d’être visibles sur internet, donc à travers le monde, etc.
Ces textes devraient également les obliger à faire preuve de vigilance dans la conduite
de leurs activités et à respecter les règles édictées en matière de LBC, contre des
sanctions en cas de manquement à ces obligations ;

137
- la désignation de personnes ressources focales de chaque corporation, fédération ou
association du secteur informel, qui se chargeraient de transmettre à la CENTIF-CI les
DOS de leurs adhérents ;

- le contrôle des autorisations d’exercer ou des inscriptions sur le registre par des agents
des mairies, par exemple, et la transmission de rapports de contrôle au Comité de
coordination qui sanctionnerait les éventuels contrevenants. Les opérateurs concernés
sont par exemple les vendeurs ambulants de devises que l’on rencontre régulièrement
dans certaines rues commerciales et qui proposent leurs services à tout venant,
nonobstant la vérification du respect de certaines conditions liées à l’identité et à
l’origine des espèces faisant l’objet des transactions, les quincailleries informelles,
généralement liées à la construction immobilière, les démarcheurs immobiliers, les
exploitations agricoles, etc.

b. 2. La réduction des transactions financières en espèces

Afin de réduire l’utilisation excessive des espèces dans les transactions, le


Gouvernement ivoirien devra prendre des mesures vigoureuses afin de promouvoir les
systèmes de paiements scripturaux en :
- initiant des échanges avec les établissements de microcrédit, bancaires ou de
téléphonie mobile afin que ceux-ci se rapprochent des populations et opérateurs qui
- sont en dehors de leurs circuits, créent des produits attractifs pour eux et initient des
campagnes de sensibilisation pour recréer un climat de confiance ;
- Procédant à une vaste campagne de sensibilisation de la population et des opérateurs
économiques, y compris les petits commerçants, aux risques que font courir la trop
grande manipulation des espèces et le BC et sur la LBC et à l’utilisation des moyens
de paiement sécurisés favorisant l’identification des acteurs concernés ;
- Suscitant des échanges francs entre les populations, les opérateurs du secteur informel
et les banques afin de recréer un climat de confiance entre eux ;
- Demandant à des opérateurs techniques de concevoir des terminaux peu coûteux,
faciles d’utilisation et sécurisés, dans lesquels des cartes codées (par des chiffres,
empreintes ou une reconnaissance faciale) seront insérées pour les paiements dans les
secteurs identifiés comme les plus vulnérables au BC, dans un premier temps, puis
progressivement dans tous les secteurs ;

138
- Imposant aux établissements de microcrédit, bancaires ou de téléphonie mobile la
fourniture de cartes de crédit à tous leurs clients ;
- Imposant aux commerçants d’un certain volume et d’une nature d’activité donnés,
dans un premier temps, et progressivement à tous les petits opérateurs, d’ouvrir des
comptes nommément identifiés dans des établissements de microcrédit, bancaires ou
de téléphonie mobile et d’acquérir des terminaux mobiles destinés aux paiements de
leurs clients par cartes de crédit ;
- Contrôlant l’application effective des mesures prises et en sanctionnant les
contrevenants.

c. Les défis de la bonne gouvernance

Comme l’affirme Jean-Claude FONTANIVE « Il n’y a pas de recette magique pour
améliorer et accélérer la lutte contre la criminalité, le blanchiment d’argent et le terrorisme
en Afrique. Les efforts dans ce domaine ne pourront pas être efficaces sans le renforcement
de la démocratie, de l’État de droit et de la bonne gouvernance, ainsi que sans la mise en
œuvre des politiques économiques multisectorielles et sociales fortes avec un accent
particulier sur les domaines structurants du développement industriel, artisanal et agricole,
de la santé et de l’éducation 215». Parce que le BC constitue une délinquance financière
transversale aux sources multiformes, du fait de la grande variété des infractions qui lui sont
sous-jacentes, la LCB s’attaque à la fois à l’éthique dans sa quintessence et à des problèmes à
caractère politique, économique et social.
Ces questions ont trait aux valeurs prônées dans la société en général, à la pauvreté,
au niveau d’instruction, mais surtout à la volonté des dirigeants du pays de trouver les
solutions à ces problématiques en vue d’atténuer leurs conséquences négatives et à leur
capacité à mettre en œuvre ces solutions. En d’autres termes, les bonnes pratiques de
gouvernance peuvent permettre de combattre nombre de fléaux qui minent un pays, ce grâce à
plusieurs indicateurs.
Dans le cadre de la LBC en Côte d’Ivoire, au-delà des initiatives inhérentes à la mise
en place d’un cadre juridique et institutionnel favorable à la lutte, le premier indicateur tient
en l’existence d’un leadership politique engagé à lutter contre toutes formes d’infractions. Il
se manifesterait par la culture et la pérennisation d’un ensemble de valeurs dont les plus
importantes sont la probité morale (incorruptibilité, culture de la dignité), la discipline

215.
Jean-Claude Fontanive : « Le blanchiment : un fléau en Afrique », article co-écrit par Jamel Eddine Chichti.

139
(respect des lois, des règlements et des institutions), la rigueur, le goût du travail bien fait et
l’impartialité.
En effet, préalablement à toute action de sensibilisation et de contrôle, les pouvoirs
publics doivent montrer l’exemple, à travers des actions qui prônent l’égalité de tous les
citoyens devant la loi et le respect de leurs droits, libertés et de leur dignité, la gestion
rigoureuse des biens et activités de l’État, l’exécution rigoureuse du contrôle, la répression de
tous les types d’infractions, quels qu’en soient leurs auteurs, particulièrement la corruption, la
fraude et l’évasion fiscale et les détournements de deniers publics. Cela donnerait un signal
fort de leur engagement à lutter contre tous les maux qui minent le développement
économique. Les dirigeants doivent par exemple, se soumettre volontairement à l’obligation
de déclaration de leur patrimoine au début, pendant (par des contrôles périodiques) et à la fin
de leur prise de fonction, par une autorité élue et non nommée. Toute la classe qui dirige le
pays doit respecter les lois et veiller à bannir l’impunité.
Le deuxième indicateur serait de montrer la ferme volonté de moraliser la vie sociale
et économique en général. Celle-ci doit commencer dans les administrations publiques,
privées et se poursuivre dans tous les milieux, familiaux, éducatifs, économiques et culturels.
De même, des programmes éducatifs (scolaire, secondaire et supérieur) doivent inclure la
sensibilisation à la LBC et à la lutte contre toutes les infractions pouvant être sous-jacentes au
BC. L’État doit prendre ses responsabilités en réprimant sévèrement toute forme de
dépravation morale (sexuelle, financière) ou d’abus à l’égard de la population (arnaques,
contraintes ou rackets occasionnés par des policiers, des civils, également des religieux).
Le troisième indicateur serait de montrer la ferme volonté de procéder à une meilleure
redistribution des fruits de la richesse du pays à travers l’accès de tous à un système éducatif
performant qui permette d’accéder à un bon niveau d’instruction et d’emploi, un système de
santé performant qui permette à toutes les couches sociales de se soigner, un programme
alimentaire qui permette une autosuffisance alimentaire, y compris en protéines animales, un
système de sécurité qui favorise la sérénité sociale et économique et un système démocratique
qui favorise le respect des libertés et évite les conflits, afin de favoriser les investissements, la
bonne marche de l’économie et des emplois rémunérateurs. En somme, c’est en adoptant ces
bonnes pratiques de gouvernance que l’État ivoirien pourra asseoir un climat empreint
d’éthique, de sérénité et de confiance et éviterait la propagation de nombreux maux ou
conflits suscités par la pauvreté, la perte de la morale et les frustrations.

140
141
CONCLUSION

Aux termes de cette étude, il est à retenir que même si, la guerre froide a polarisé
pendant longtemps les relations internationales, mobilisant les plus fins stratèges afin de
rédiger des politiques publiques idoines, la mondialisation quant à elle, a occasionné de
nouveaux terrains de batailles. De nouveaux conflits naissent avec plus d’impacts au plan
social, politique, environnemental, économique et militaire. C’est James WOOLSEY 216, qui
résume au mieux les appréhensions engendrées par la rupture post bipolaire. Pour lui, alors
que les plus optimistes des contemporains de cet effondrement « célébraient », non sans une
certaine naïveté, la fin du schisme idéologique et du statu quo nucléaire, les plus
pessimistes217 tirèrent la sonnette d’alarme : les menaces qui nous guettent, à l’orée du
XXIe siècle, moins visible, mais plus insidieuse, seraient bien pires que la perspective, du
reste, depuis longtemps improbable, d’un holocauste nucléaire.
Aujourd’hui, le blanchiment d’argent est un mal pernicieux qui, non seulement,
menace le système financier mondial, mais qui a aussi des répercussions notables sur
l’environnement économique, politique et social des pays en développement. À l’échelle d’un
pays, il peut occasionner des effets de distorsion, l’instabilité économique, l’augmentation des
dépenses publiques et l’effet « corrosif » sur la société.
À travers cette étude, il a révélé que la Côte d’Ivoire n’est pas à l’abri de cette forme
de criminalité, bien au contraire, le phénomène gagne du terrain. D’ailleurs, le terreau fertile
du blanchiment d’argent en Côte d’Ivoire est le secteur de l’immobilier et celui de
l’agriculture. Dès lors, il s’est imposé aux pouvoirs publics d’adopter des mesures tant
juridiques qu’institutionnelles afin de l’éradiquer ou à tout le moins de le minimiser au
maximum.

216.
James WOOLSEY, directeur de la CIA de 1993 à 1995, témoignage devant le Senate Intelligence
Committee, le 2 février 1993. Propos cités par John Mueller, « The Catastrophe Quota : Trouble after the Cold
War », Journal of Conflict Resolution, vol. 38/3, septembre 1994, traduit en français : « Scénario catastrophe :
désordre après la Guerre froide », Cultures et Conflits, no 19-20, 1995, p. 50.

217.
Jack Snyder (« Averting Anarchy in the New Europe », International Security, vol. 14, Printemps 1990, p. 5-
41) fut l’un des premiers à signaler cette distribution des interprétations de la post-bipolarité entre ce qui allait
devenir l’optimisme libéral des uns (Francis Fukuyama, La fin de l’Histoire et le dernier homme, Flammarion
Champs, Paris, 1993 et Charles Krauthammer, « The Unipolar Moment », Foreign Affairs, New York, vol. 70,
1990/1991-1, p. 23-33) et le pessimisme hobbesien des autres (John J Mearsheimer, « Back to the future »,
International Security, Été 1990, p. 5-56, et S.-P. Huntington : « The Clash of Civilizations ? », Foreign Affairs,
no 72 (3), 1993, p. 22-49). En France, les travaux de Pierre Hassner ont mis en avant une distribution
relativement similaire. Pour une synthèse voir : « Fin des certitudes, choc des identités : un siècle imprévisible »,
RAMSES 2000, Thierry de Montbrial, Pierre Jacquet (dir.), Paris, Dunod, 1999.

142
Cependant, il convient de constater que la politique ivoirienne de lutte contre le fléau
du blanchiment d’argent peine encore à gagner en efficacité pour diverses raisons. Ces raisons
sont notamment d’ordre général, juridique, à savoir une absence véritable de mécanisme de
répression de ce crime qui a pour corollaire insuffisance ou l’impuissance voir l’ineffectivité
des sanctions.
Enfin, des raisons d’ordre opérationnel et aussi liées à son environnement économique
marqué par une forte informalisation sont aussi à son actif. Ainsi, afin de relever le défi de la
lutte contre le blanchiment d’argent en Côte d’argent, l’étude a permis de faire des
recommandations aux décideurs. D’ordre général, opérationnel, juridique et environnemental,
lesdites recommandations peuvent modestement apporter leur contribution en vue de
l’amélioration et de l’efficacité du dispositif de LBC.
Ces recommandations sont relatives à la définition d’une stratégie de lutte qui tienne
compte de l’ENR, à la définition et la mise en œuvre effective d’une politique en matière de
statistiques portant sur le BC et la LBC, à la sensibilisation des assujettis, des correspondants
et des populations, à l’allocation de moyens adaptés à la lutte, au suivi de l’application des
textes relatifs à la LBC et à l’indépendance des structures de LBC. Par ailleurs, il a été
recommandé le traitement judiciaire rapide des dossiers transmis au parquet par la CENTIF-
CI, et l’assainissement du paysage économique ivoirien à travers la canalisation du secteur
informel, la réduction des transactions en espèces et la bonne gouvernance.
Par ailleurs, le blanchiment d’argent étant une grave menace pour tous les États, la
lutte doit se faire avec une réelle et franche collaboration des autres Etats. En outre, une
meilleure régulation des paradis fiscaux permettra de mieux adresser le phénomène du
blanchiment d’argent afin de parvenir à un développement durable et transformateur.

143
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

I. Ouvrages 
A. Ouvrages généraux
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terrorisme dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), 2005.
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du Conseil du 16 juillet 2007 relative à la coopération avec le Centre africain d'études et
de recherches sur le terrorisme, dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie de
l'Union européenne de lutte contre le terrorisme, annexe.
- Légifrance, Code pénal, 10/11/2020, Chapitre IV _ Du blanchiment (Articles 324-1 à 324-
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approuvés par la Conférence des Nations Unies pour l’adoption d’une Convention contre
le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, et les Tableaux annexes à la
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ministres de l’UA chargés de la lutte contre la drogue et la prévention du crime, Doc.
Ex.CL/381 (XII), EX.CL/Dec. 385(XII).

IV. Rapports

A. Rapports des organismes officiels ou publics


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mondial de la drogue 8-10 juin 1998, Extrait de la préface au Money Laundering Manual
du Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues, Le
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- Banque Africaine de Développement Fonds Africain de Développement, Communauté
Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) Document de stratégie
d’assistance à l’intégration régionale (DSAIR) pour l’Afrique centrale 2005-2009,
Département des opérations par pays région Ouest Juillet 2005.
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groupe de la banque en matière de prévention du blanchiment de capitaux et du
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- CENTIF-CI, Atelier, Préparation du sixième rapport de suivi de la Côte d’Ivoire.
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- CENTIF-CI, Rapport annuel 2011.
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- Portail internet du GIABA à @GIABACÉDÉAO.
- Portail internet du GIABA–CENTIF/FIU www.giaba.org.
- Wikipédia : Mafia – fr.m.wikipedia.org.

VI. Questionnaire

151
ANNEXES

1- Directive n°07/2002/CM/UEMOA relative à la lutte contre le blanchiment des


capitaux dans les États membres de l’UEMOA
2- Directive n°04/2007/CM/UEMOA relative à la lutte contre le financement du
terrorisme dans les États membres de l’UEMOA
3- Directive n° 02/2015/CM/UEMOA relative à la lutte contre le blanchiment de
capitaux et le financement du terrorisme dans les États membres de l’UEMOA
4- Modèle de déclaration de soupçons

TABLE DES MATIÈRE

152
REMERCIEMENTS........................................................................................................................ 4

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS............................................................................... 5

SOMMAIRE...................................................................................................................................... 9

AVANT-PROPOS.......................................................................................................................... 10

INTRODUCTION GÉNÉRALE................................................................................................. 11

PREMIÈRE PARTIE : LE BLANCHIMENT D’ARGENT DANS UNE PERSPECTIVE


HISTORIQUE................................................................................................................................. 23
CHAPITRE 1 : LA NOTION DE BLANCHIMENT D’ARGENT....................................24
SECTION 1 : ÉVOLUTION DU BLANCHIMENT D’ARGENT......................................24
A- Un phénomène aux origines anciennes.....................................................................24
B- Un phénomène en constante mutation.........................................................................27
1. La prolifération d’organisations criminelles entre 1991 et 2001..........................27
2. L’intensification des activités criminelles depuis 2001........................................28
SECTION 2 : TECHNIQUES ET CONSÉQUENCES DU BLANCHIMENT...................29
A. Les techniques diverses de blanchiment...................................................................29
1. Les techniques classiques de blanchiment avant 2001.........................................29
a. Le Schtroumpfage, smurfing ou les dépôts fractionnés....................................30
b. L’achat d’or et de pierres précieuses (valeurs refuges)....................................30
c. L’achat de biens au comptant...........................................................................30
d. Les passeurs d’argent physique........................................................................31
e. Le raffinage.......................................................................................................31
f. La rédaction de fausses factures.......................................................................31
g. L’amalgamation ou injection d’argent sale dans le chiffre d’affaires
d’entreprises honnêtes...............................................................................................32
h. L’altération des valeurs en « dessous de table »...............................................32
i. L’auto-prêt ou « loan-back ».............................................................................32
j. La cession conventionnelle du prêt...................................................................32
k. L’endossement..................................................................................................33
l. Le prêt adossé...................................................................................................34
m. Les bureaux de change et les mandats..............................................................34
n. Les entreprises de remise de fonds ou systèmes financiers parallèles de remise
de fonds.....................................................................................................................34
ᴏ. Les fourmis japonaises..........................................................................................35
p. Le faux procès.......................................................................................................35
q. Les faux gains aux jeux.........................................................................................36
r. Le remboursement de prêt avec de l’argent sale...................................................36
s. Le dépôt d’argent dans des paradis fiscaux...........................................................36
t. La complicité bancaire...........................................................................................37
u. L’assurance-Vie....................................................................................................37
2. Les techniques nouvelles de blanchiment depuis 2001........................................38

153
a- Les marchés financiers..........................................................................................38
b- Les transferts télégraphiques interbancaires.........................................................39
c- Les paiements en ligne..........................................................................................39
d- Les services prépayés et les cartes de crédit.........................................................39
e. L’utilisation des crypto-actifs...............................................................................40
f. Le Crowfunding.....................................................................................................40
g. La compensation...................................................................................................41
h. Le contrôle de banques et/ou de sociétés..............................................................41
i. Les « gate keepers » ou l’ingénierie juridique et comptable............................42
B- Les Conséquences du blanchiment..............................................................................42
1. L’impact socio-économique et financier..............................................................42
2. Impact politique et sécuritaire...............................................................................45
3. Impact diplomatique.............................................................................................46
CHAPITRE 2 : ÉTAT DES LIEUX DE LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DE
CAPITAUX DANS LE MONDE...........................................................................................48
SECTION 1 : MOYENS DE LUTTE AU NIVEAU INTERNATIONAL..........................48
A- Au plan normatif..........................................................................................................48
1- Les textes internationaux..........................................................................................48
2- Les Recommandations et normes.............................................................................52
B- Au plan Institutionnel ou les acteurs internationaux de LBC......................................55
1-Le GAFI.....................................................................................................................55
2- L’ONU......................................................................................................................56
3- Les institutions de Breton woods (FMI, BM)...........................................................57
4- Les autres acteurs......................................................................................................59
SECTION 2 : MOYENS DE LUTTE AU NIVEAU DU CONTINENT AFRICAIN.........62
A- Au niveau régional.......................................................................................................62
1- Les actions de l’UA..................................................................................................62
2- La BAD.....................................................................................................................64
B. Au niveau sous régional............................................................................................66
1- La CÉDÉAO.............................................................................................................66
2- La CEEAC................................................................................................................66
3- Le COMESA, l’IGAD et l’EAC...............................................................................67
4- La CEN-SAD............................................................................................................68
5- l’UEMOA.................................................................................................................69
6- La CEMAC...............................................................................................................71
7- LES COMORES.......................................................................................................72
8- Le CLAB..................................................................................................................72
C. Les Organismes Régionaux de Type GAFI africaines (ORTG)...............................73

DEUXIÈME PARTIE : DE LA RÉALITÉ DU BLANCHISSEMENT D’ARGENT EN


LA CÔTE D’IVOIRE.................................................................................................................... 79
CHAPITRE 1 : APPROCHE HISTORIQUE DU BLANCHIMENT DE CAPITAUX EN
CÔTE D’IVOIRE...................................................................................................................80
SECTION 1 : L’EXISTENCE D’ACTIVITÉS PROCHES DU BC EN CÔTE D’IVOIRE
AVANT 2005........................................................................................................................80
A. Les comportements répréhensibles avant 2005........................................................80
1- La corruption............................................................................................................80
2- Le trafic de drogue....................................................................................................81

154
3- Des trafics de tous genres occasionnés par les crises...............................................82
B.Mécanisme de répression de ces comportements avant 2005...................................82
1- En matière de corruption..........................................................................................82
2- En matière de trafic de drogue..................................................................................83
3- En matière de trafics de tous genres occasionnés par les crises...............................83
SECTION 2 : LA PÉNALISATION DU PHÉNOMÈNE DE BC EN CÔTE D’IVOIRE A
PARTIR DE 2005.................................................................................................................84
A. Les infractions sous-jacentes au BC prépondérantes en Côte d’Ivoire.....................85
1- La corruption............................................................................................................85
2- Le trafic de drogue....................................................................................................87
3- La cybercriminalité...................................................................................................87
B. Les secteurs d’activité fortement touchés par le BC en Côte d’Ivoire.....................89
1- Le secteur de l’immobilier........................................................................................89
2- Le secteur de l’agriculture........................................................................................90
CHAPITRE 2 : L’ORGANISATION DE LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT
DE CAPITAUX EN CÔTE D’IVOIRE................................................................................91
SECTION 1 : LES MÉCANISMES DE LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT
D’ARGENT..........................................................................................................................91
A. Le cadre juridique.....................................................................................................91
B. Le cadre institutionnel...............................................................................................92
1- La CENTIF-CI..........................................................................................................92
a. Composition de la CENTIF-CI.........................................................................93
b. Fonctionnement de la CENTIF-CI....................................................................94
b.1. procédure de traitement des DOS mise en place par la CENTIF-CI.............95
b.2. Les statistiques obtenues................................................................................96
1. Le Comité de Coordination.................................................................................110
a. Missions..........................................................................................................110
b. Composition....................................................................................................111
SECTION 2 : LES OBSTACLES À LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES
CAPITAUX........................................................................................................................112
A. Les obstacles d’ordre général..................................................................................113
1. L’absence de proportionnalité de la LBC avec l’ENR.......................................113
2. L’absence de ressources statistiques fiables et régulières sur le BC et la LBC. .113
B. Les obstacles d’ordre opérationnel.........................................................................114
1. Le manque de coopération pleine de certains assujettis avec la CENTIF- CI....115
2. L’insuffisance de sensibilisation de certains acteurs et de la population............116
3. L’insuffisance des moyens de LBC....................................................................116
4. Le laxisme dans l’application des textes relatifs à la LBC.................................118
5. Le manque d’indépendance des structures de LBC et la « protection » de certaines
activités liées au BC....................................................................................................119
C. Les obstacles juridiques et les faiblesses relatives à l’environnement économique
120
1. Les obstacles juridiques......................................................................................120
2. Les faiblesses de l’environnement de l’économie..................................................121
a. L’importance de l’économie informelle.........................................................121
b. L’utilisation excessive des espèces dans les transactions commerciales........123
c. Les insuffisances au niveau de la gouvernance..............................................124
D - Quelques recommandations en vue d’améliorer le dispositif de LBC de la Côte
d’Ivoire............................................................................................................................125

155
1. Recommandation d’ordre général.......................................................................125
a. La définition d’une stratégie de LBC adaptée aux risques réellement encourus
125
b. La définition et la mise en œuvre d’une politique en matière de statistiques sur
le BC et la LBC.......................................................................................................127
2. Les Recommandations d’ordre opérationnel......................................................129
a. La sensibilisation des assujettis, des correspondants et des populations........129
b. L’allocation de moyens adaptés à la LBC......................................................131
c. Le suivi de l’application des textes relatifs à la LBC.....................................133
d. Le renforcement de l’indépendance des structures de LBC...........................133
3. Les recommandations d’ordre juridique et relatives à l’environnement
économique.................................................................................................................134
a. Recommandations d’ordre juridique...............................................................134
b. Les recommandations liées à l’environnement économique..........................135
b. 1. la canalisation de l’économie informelle....................................................135
b. 2. La réduction des transactions financières en espèces.................................136
c. Les défis de la bonne gouvernance.................................................................137

CONCLUSION ............................................................................................................................ 140

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES................................................................................ 142

ANNEXES..................................................................................................................................... 150

TABLE DES MATIÈRES.......................................................................................................... 151

156

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