Vous êtes sur la page 1sur 14

QUE SAI S- J E ?

Le droit international
du développement
ALAIN "PELLET
Agrégé de Droit public
Professeur à l'Université de Paris-Nord
et à l'Institut d'Etudes politiques de Paris

Deuxième édition entièrement refondue

148 m i l l e
DU MÊME AUTEUR

Droit international public, PUF, « Memento Thémis », 1981.


Les voies de recours ouvertes aux fonctionnaires internationaux, Pédone, 1982.
En collaboration avec J.-P. Cot, La Charte des Nations Unies, commentaire
article par article (direction), Economica, 1985.
En collaboration avec Nguyen Quoc Dinh et P. Daillier, Droit international
public, LGDJ, 3' éd., 1987.

ISBN 2 13 040206 2

Dépôt légal — l ' e édition : 1978


2e édition entièrement refondue : 1987, août
@ Presses Universitaires de France, 1978
108, boulevard Saint-Germain, 75006 Paris
INTRODUCTION

« Développer, c'est mettre


l'homme debout. »
Dom Helder CAMARA.

J a m a i s , p l u s q u ' a u x x e siècle, les h o m m e s n ' o n t


m a n i f e s t é p l u s d ' h a b i l e t é à m a î t r i s e r les t e c h n i q u e s ,
à p l i e r la n a t u r e à l e u r s lois, à s ' a p p r o p r i e r les ri-
c h e s s e s d u g l o b e . J a m a i s n o n p l u s , le f r u i t d e ces
richesses n ' a été plus i n é g a l e m e n t réparti.
Comme l'a écrit le Secrétaire général des Nations Unies : « Ex-
primé dans les termes les plus simples, l'élément essentiel de la
situation actuelle est que les pays en développement, qui repré-
sentent environ 70 % de la population mondiale, ne reçoivent qu'à
peu près 30 % du revenu mondial. »
Cette situation de « développement inégal » (S. Amin) est assez
récente. C'est en effet l'accélération de la croissance en Europe
depuis la Renaissance qui a rompu le rythme lent de la progression
relativement homogène vers le mieux-être connue jusqu'alors par
l'humanité tout entière. Cette distorsion en leur faveur a permis
aux Européens d'asservir le reste du monde et d'en utiliser les
ressources de tous ordres pour accroître leur avance et creuser
de ce fait l'écart les séparant des peuples de la périphérie. Les
progrès, souvent considérables, accomplis par ceux-ci malgré leur
situation de dépendance (et souvent en partie grâce à des tech-
niques importées) n'ont pas suffi à éviter que le fossé s'élargisse
— à de rares exceptions près — et cela demeure vrai aujourd'hui.
Le sur-développement des uns se nourrit, au moins partiellement,
du sous-développement des autres.
Développement et sous-développement apparaissent donc comme
des phénomènes évolutifs, liés l'un à l'autre et qui, dans une cer-
taine mesure, s'expliquent l'un par l'autre.
Pendant longtemps, le droit international public
s'est borné à encadrer et à faciliter le mouvement
et les mécanismes par lesquels les riches deviennent
toujours plus riches tandis que les pauvres s'appau-
vrissent — du moins relativement.
Par la décolonisation et la constitution (ou la re-
constitution) d'Etats souverains, les peuples non euro-
péens ont recouvré les moyens de la dignité et en-
tendent que le droit international soit désormais au
service de leur développement défini comme un « pro-
cessus dynamique et cumulatif de libération et de
transformation des structures mentales, politiques,
économiques, culturelles et sociales de tout groupe
humain, selon des valeurs et un rythme qui lui sont
propres » (C. Kamitatu-Massamba), l'épanouisse-
ment de la personne humaine en constituant la fin
ultime. Tel est l'objet du droit international du déve-
loppement.
Le juriste doit cependant se garder de tout « impérialisme » de
spécialiste. Par lui-même, le droit ne peut rien et n'est qu'une super-
structure dont l'évolution dépend de celle de la société qu'il régit,
et non l'inverse. De plus, s' « il est indispensable que la commu-
nauté internationale prenne des mesures efficaces afin de créer une
atmosphère pleinement propice aux efforts, déployés par les pays en
développement, individuellement ». c'est à ceux-ci « qu'incombe au
premier chef la responsabilité de leur développement » (rés. 35/56,
deuxième « Stratégie internationale du développement »).
Ainsi, le droit international du développement est-il remis à sa
juste place : seconde par rapport à la politique et à l'action inter-
nationales, celles-ci ne pouvant elles-mêmes que s'ajouter aux
efforts nationaux pour le développement.

Contrairement aux espoirs, excessifs, de certains


de ses zélateurs, le droit international du développe-
ment ne peut être l'instrument de bouleversements
de la société internationale. Réformiste par essence,
il reflète les évolutions, qu'il canalise, et encadre les
actions entreprises ; dans cette mesure, il apparaît
comme le droit social des nations.
Quelles que soient les différences entre la société internationale
et la société nationale, il existe des analogies très frappantes entre
le droit international du développement et le droit social interne.
Si l'histoire des sociétés humaines est celle de la lutte des classes,
la société des sociétés n'échappe pas à la règle. Les « nations pro-
létaires » (P. Moussa) de la périphérie, fortes de l'indépendance
recouvrée, ont entrepris, comme le prolétariat ouvrier du xixe siècle,
une lutte pour l'égalité, un combat contre le mouvement de pau-
périsation relative engendrée par le « pillage du Tiers Monde »
(P. Jallée).
Comme le droit social interne, le droit international du déve-
loppement contribue à réduire les inégalités ; comme lui, il atténue
les antagonismes ; mais, comme lui aussi, il est porteur de progrès
et ancre dans les faits les réformes arrachées aux nantis par l'ac-
tion des « damnés de la terre » au nom de la justice.

L'appel à l'équité contre le réalisme froid du d r o i t


international classique m a r q u e en effet p r o f o n d é m e n t
le d r o i t international d u développement. N o n seule-
m e n t il imprègne les règles de fond, qui en consti-
tuent la substance, mais encore, il confère à ses méca-
nismes de f o n c t i o n n e m e n t une certaine unité d'ins-
piration qui en font, n o n une discipline a u t o n o m e ,
mais une branche, assez nettement individualisée d u
d r o i t international public.

SIGLES ET ABRÉVIATIONS

ACP Pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique


AIB Association internationale de la bauxite
AIE Association internationale de l'énergie
ALADI Association latino-américaine d'intégration
ANASE Association des nations de l'Asie du Sud-Est
BID Banque interaméricaine de développement
BIRD Banque internationale pour la reconstruction et le dé-
veloppement
CAD Comité d'aide au développement (OCDE)
CAEM Conseil d'aide économique mutuelle (Comecon)
Caricom Marché commun des Caraïbes
CCEI Conférence sur la coopération économique interna-
tionale
CEAO Communauté économique de l'Afrique de l'Ouest
CEDEAO Communauté économique des Etats de l'Afrique de
l'Ouest
CEPD Coopération économique entre pays en développement
CEPGL Communauté économique des pays des Grands Lacs
CIPEC Conseil intergouvernemental des pays exportateurs de
cuivre
CNUCED Conférence des Nations Unies pour le commerce et
le développement
CNUDCI Commission des Nations Unies pour le droit commer-
cial international
CNUSTED Conférence des Nations Unies pour la science et la
technique au service du développement
CPJI Cour permanente de Justice internationale
DTS Droits de tirage spéciaux
Ecosoc Conseil économique et social (Nations Unies)
FAO Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et
l'agriculture
FENU Fonds d'équipement des Nations Unies
FIDA Fonds international de développement agricole
FMI Fonds monétaire international
GATT Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce
IDA Association internationale de développement
NCM Négociations commerciales multilatérales
NPSA Nouveau programme substantiel d'action (pour les
PMA)
OCDE Organisation de coopération et de développement éco-
nomiques
OECE Organisation européenne de coopération économique
OEA Organisation des Etats américains
oie Organisation internationale du commerce
OIT Organisation internationale du travail
ONG Organisation non gouvernementale
ONUDI Organisation des Nations Unies pour le développe-
ment industriel
OUA Organisation de l'Unité africaine
PAM Programme alimentaire mondial
PEAT Programme élargi d'assistance technique
PGT Pays les plus gravement touchés (par la crise écono-
mique)
PMA Pays les moins avancés
PNUD Programme des Nations Unies pour le développement
SELA Système économique latino-américain
SFI Société financière internationale
SGP Système généralisé de préférences
SGPC Système global de préférences commerciales entre pays
en développement
Stabex Système de stabilisation des recettes d'exportation de
produits de base agricoles
Sysmin Facilité de financement spéciale pour les produits
miniers
UDEAC Union douanière et économique de l'Afrique centrale

Les résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies (rés.) adoptées


avant 1977 sont individualisées par deux nombres : l'un, en chiffres arabes,
désigne le numéro d'ordre de la résolution depuis la création de I'ONU ;
l'autre, en chiffres romains et entre parenthèses, indique le numéro de la
session. Ceci permet de retrouver l'année d'adoption puisque l'Assemblée
générale tient une session par an depuis 1946 ; ainsi, la résolution 1514 (XV)
a été adoptée en 1960 (il peut cependant arriver que la résolution ait été
adoptée au cours de l'année suivante). Les sessions extraordinaires sont
signalées par un « s. » suivi d'un nombre en chiffres romains (la sixième
session extraordinaire (s. VI) s'est tenue en 1974, la septième (s. VII)
en 1975). Depuis 1977, les résolutions sont désignées par deux nombres en
chiffres arabes séparés par une barre, le premier désigne la session, le second
le numéro de la résolution depuis le début de la session.
PREMIÈRE PARTIE

LES MÉCANISMES

Longtemps, la domination de l'Europe sur le reste


du monde a accrédité l'idée qu'il existait un droit
international général et unique s'appliquant à tous
les peuples et occulté la diversité, la pluralité pro-
fonde des sociétés humaines. Mais ce que nous
sommes habitués à considérer comme « LE » droit
international, n'apparaît en fait, à bien des égards,
que comme celui de ce « petit cap du continent asia-
tique ». Il est adapté aux relations entre des Etats
dont le niveau de développement, les aspirations poli-
tiques et les choix de société sont très voisins. Les
autres peuples étaient soumis à ces règles qui, conçues
pour d'autres, aggravaient leur asservissement et effa-
çaient formellement des différences qu'elles contri-
buaient à entretenir en réalité.
Ainsi, en proclamant pour tous le droit de la conquête armée,
la liberté des mers, l'obligation de réparer les dommages causés
aux biens étrangers, le droit international servait les intérêts des
Etats européens, seuls en mesure de tirer parti de ces normes et
de la concurrence qu'elles organisaient. A la limite — souvent
atteinte — l'existence des peuples réputés « non civilisés » en
tant qu'entités juridiques était niée et les territoires qu'ils occu-
paient considérés comme « sans maître » (res nullius) et assujettis
à une domination coloniale qui les intégrait juridiquement à l'Etat
qui s'en était emparé — souvent au mépris d'accords passés avec
les gouvernants indigènes.
Le déclin de l'Occident, l'éveil corrélatif du Tiers
Monde, l'avènement du socialisme dans de nombreux
Etats conduisent aujourd'hui à réintroduire dans le
droit international l'élément de diversité dissimulé
par l'expansion impérialiste. Le droit international
du développement apparaît ainsi comme contesta-
taire de l'ordre établi. Mais, s'il exprime une partie
des aspirations des Etats du Tiers Monde, qui pren-
nent appui sur une idéologie du développement encore
mal stabilisée, il ne les traduit qu'imparfaitement :
des instruments à la nature juridique incertaine, géné-
rateurs de soft law, partiellement contraignants plutôt
qu'obligatoires, y jouent un rôle essentiel et le statut
des différentes forces en présence, acteurs davantage
que sujets de droits, y demeure ambigu.
CHAPITRE PREMIER

L'IDÉOLOGIE DU DÉVELOPPEMENT

Longtemps, la ponctualité des actions et l'éparpil-


lement des textes relatifs au développement ont mas-
qué la cohérence du dessein poursuivi en ce domaine
par la communauté internationale. En fait, de même
qu'ils s'efforçaient de faire accepter, sur le plan ins-
titutionnel, un « système pour le développement »,
les Etats du Tiers Monde forgeaient, malgré l'oppo-
sition plus ou moins décidée des pays développés,
ce que le P' M. Virally a appelé une véritable « idéo-
logie du développement » dont la genèse et les prin-
cipales orientations doivent être décrites : elle cons-
titue le cadre dans lequel s'inscrivent les règles du
droit international du développement.

I. — Genèse de l'idéologie
du développement
A peine sortis de la léthargie coloniale, les pays
du Tiers Monde ont réclamé une assistance de la
communauté internationale et cherché à ce qu'elle
complète leurs efforts en vue de leur développement.
Le mouvement qui a mené à l'élaboration de la
doctrine internationale pour le développement a une
double origine : il n'aurait pas vu le jour si les pays
en développement, qui en ont été les principaux arti-
sans, n'avaient pas acquis le sentiment de leur soli-
darité et renforcé leur cohésion ; il serait resté limité
TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION 3

SiGLES ET ABRÉVIATIONS 5

PREMIÈRE PARTIE

LES MÉCANISMES

CHAPITRE PREMIER. — L ' i d é o l o g i e du d é v e l o p p e m e n t 11


I. Genèse, 11. — II. Orientations, 27.

CHAPITRE 11. — L e s i n s t r u m e n t s 35
I. Le droit « recommandé », 36. — II. D e la recommandation
à l'obligation, 44.

CHAPITRE r n . — L e s a c t e u r s 62
I. L'Etat « situé », 62. — II. Les organisations internationales
pour le développement, 69. — III. Les sociétés transnationales, 79.

DEUXIÈME PARTIE

LES RÈGLES

CHAPITRE I V . — L ' a s s i s t a n c e 87

CHAPITRE V . — L e c o m m e r c e 90
I. Le commerce Nord-Sud, 90. — II. Le commerce Sud-Sud, 106.

CHAPITRE V I . — L e c o n t r ô l e 107
I. Le contrôle national. La souveraineté permanente sur les
ressources naturelles et les activités économiques, 107. — II. Le
contrôle international. Le patrimoine commun de l'humanité, 116.

CONCLUSION 123

BIBLIOGRAPHIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125

Vous aimerez peut-être aussi