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RAPPORT

MONDIAL SUR LE
DEVELOPPEMENT
HUMAIN 1998

Publié pour le
Programme des Nations unies
pour le développement (PNUD)
par

œ ECONOMICA
49, rue Héricart, 75015 Paris
Titre original; Human Development Report 1998

Copyright © t 998
by the United Nations Development Programme
1 UN Plaza, New York, New York, 10017, Etas-Unis

© Ed. ECONOMICA. 1998


Tous droits de reproduction, de traduction, d'adaptation et d'exécution
réservés pour tous les pays.

ISBN 2· 71 78·3696.9

Maquette et COU(ierture . Gerald Quinn, Quinn Information Design, Cabin John, Maryland
Préface

Depuis son lancement, en 1990, le Rapport dérés comme des ascètes en robe de bure
mondial sur le développement humain défi- cherchant à imposer un mode de vie aus-
nit le développement humain comme le tère aux milliards de personnes qui doivent
processus d'élargissement de la palette des payer pour le gâchis occasionné par des
choix qui s'offrent aux individus. L'édition générations de consommateurs frénétiques.
de cette année étudie la consommation Ceux qui demandent que l'on fixe des
sous l'angle du développement humain. limites strictes à la consommation se retrou~
Elle conclut que. malgré un bond specta- vent face à un dilemme, car pour plus d'un
culaire de la consommation dans de nom~ milliard de pauvres, un accroissement de la
breux pays, [Out ne va pas pour le mieux: consommation constitue une nécessité
plus d'un milliard de personnes n'ont pas vitale et un droit élémentaire: le droit à
la possibilité de consommer de façon à sortir de la pauvreté et du besoin. Et à ce
satisfaire leurs besoins les plus essentiels. dilemme s'ajoute une question d'ordre
D'autres consommateurs, dont je fais par, éthique: comment faire des choix de
tie, comme vous j'imagine. ainsi que la consommation au nom des autres sans que
société dans laquelle nous vivons, conSOffi' ces décisions soient considérées comme une
ment d'une manière qui n'cst pas campa, limitation de leur liberté de choisir?
rible avec les impératifs écologiques et Le rapport de cette année pose ces
sociaux à long terme et qui porte souvent questions délicates et conclut qu'il ne
atteinte à notre propre bien-être. s'agit pas tant de savoir s'il faut plus ou
Il est une évidence qui mérite d'être moins de consommation, mais d'élaborer
répétée: le plus n'est pas toujours syno- un mode de consommation différent, au
nyme du mieux. Au cours de ce siècle, la service du développement humain. Il ras-
consommation a progressé à un rythme sans semble les arguments liés aux questions
précédent, pour avoisiner les 24000 mil- d'environnement, de développement, de
1iards de dollars en 1998. Cette croissance technologie et de morale pour présenter
n'apporte pas que des bienfaits. Et pour~ une critique des modes de consommation
tant, il semble bien que le train de la préjudiciables au développement humain.
consommation se soit emballé. Pour plus Il expose par ailleurs les actions à engager
d'un milliard de personnes marginalisées ou en priorité pour instaurer un environne~
en passe de l'être, une augmentation de la ment propice à la consommation au ser"-
consommation est vitale. Pour les nantis, vice du développement humain durable.
en revanche, l'escalade de la consomma- Les personnes et les pays pauvres ont
tion est devenue un mode de vie. Pourtant, besoin d 1 accélérer le rythme de leur
nous le savons, et le rapport de cette année consommation, mais sans pour autant
le montre, certains aspects de la consom- suivre la voie ouverte par les riches et les
mation obscurcissent les perspectives d'un pays à forte croissance. Il est possible de
développement humain durable pour tous. rendre les techniques de production plus
Lorsque la consommation amenuise les écologiques et de remédier aux dégrada~
ressources renouvelables, pollue l'envi~ tions de l'environnement. Il est possible
ronnement local et planétaire, flatte des de répartir plus équitablement le fardeau
besoins préfabriqués incitant à s'afficher de la lutte contre la pollution et le sous~
avec ostentation et détourne les individus développement à l'échelle de la planète.
des besoins légitimes de la vie dans la Enfin, il est possible de modifier les modes
société moderne, il y a lieu de s'inquiéter. de consommation qui nuisent à la société
Les partisans d'une mutation de la et exacerbent les inégalités et la pauvreté.
consommation, pour des raisons environ· Par·dessus tout, nous devons déployer des
nementales ou autres, sont souvent consi- efforts résolus pour éradiquer la pauvreté

iii
et augmenter la consommation de plus des Nations unies pour le développement,
d'un milliard de personnes désespérément de son conseil d'administration ou des
pauvres, laissés~pour~comptede la crois~ gouvernements de ses pays membres.
sance mondiale de la consommation. L'indépendance intellectuelle et l'intégrité
Ce rapport contient un message d'opti~ professionnelle de ses auteurs apporteront
misme réservé. Le monde prend conscience à ses conclusions et ses recommandations
des effets dévastateurs de la consommation. le plus grand retentissement possible.
et la dynamique de la consommation au ser~ Comme les éditions précédentes, le rap~
vice du développement humain est cn train port de cette année brille par son esprit
de s'amplifier. La pauvreté recule, parfois d'innovation et incite vivement à la
rapidement. Nombre des approches et Tech- réflexion. J'accueille la publication du
nologies nécessaires pour rendre la consom~ Rapport mondial sur le développement humain
mation plus viable à long terme sont déjà 1998 comme une contribution importante
utilisées ou en cours d'élaboration, même au débat international sur la consommation
s'il faut les appliquer beaucoup plus large- et le développement humain. J'espère vive~
ment. Toute la difficulté consiste à accélé~ ment que ce rapport inspirera les nombreux
rer le mouvement. Il convient pour cela de rapports nationaux sur le développement
parvenir à accentuer le soutien de la corn· humain que nos pays membres sont en train
munauté internationale aux pays pauvres et de rédiger avec le soutien des bureaux exté-
de freiner la croissance des inégalités d'un rieurs du PNUD. Je souhaite tout particu-
pays à l'autre et au sein des pays. lièrement qu'il encourage les nombreux
Comme les éditions précédentes, le mouvements communautaires et non gou~
Rapport mondial sur le développement vernementaux qui donnent depuis long~
humain 1998 est le fruit de la collabora- temps t'impulsion dans les domaines de la
tion entre des consultants. des conseillers consommation, de la pauvreté, de l'envi~
éminents et l'équipe du Rapport mondial ronnement et du développement humain.
sur le développement humain. Les travaux Ce rapport conclut en insistant sur la néces~
ont été dirigés par mon conseiller spécial. sité pour ces groupes de créer des alliances
Richard Jolly, et par Sakiko Fukuda-Parr, nouvelles et plus fortes. Ces alliances sont
qui est à la tête du bureau du Rapport mon~ vitales pour définir une vision plus humaine
dial sur le développement humain. de la consommation et pour inciter à enga~
Les analyses et les recommandations ger les actions grâce auxquelles cet objectif
exprimées dans ce rapport ne reflètent pas se concrétisera au XXIt. siècle.
nécessairement les idées du Programme

}~ 6~\ ~ ff"R
New York James Gustave Speth
Mai J998

Membres de l'équipe chargée de J'élaboration du


Rapport mondial sur le développement humain 1998
Coordinateur principal
Richard JoUy

Equipe du PNUD Consultants


DiTection : Sakiko Fukuda-Parr Anil Agarwal, Galal Amin, Sudhir
Adjoint: Selim Jahan Anand, Graciela Chichilnisky, Allen
Mem!>res: Hâkan Bjôrkman, Laura Hammond, Bruce Hutton, Martin Khar,
Mourino-Casas, Kate Raworth, A. K. Michael Lipton, Emily Matthews,
Shiva Kumar et Gül Tanghe-Güllüova, Norman Myers, Theodore Panayotou,
en collaboration avec Oter Babakol, Charles Perrlngs, Robert Prescott-Allen,
Eliane Darbellay, Pia Nyman et Nadia Jullet Schor, Amartya Sen, Anuradha
Rasheêd. Seth, Vandana Shiva, Frances Stewart,
Assistance éditoriale: Geoffrey Lean et Herbert Wulf, Simon Zadeck et Mahbub
Bruce Ross-Larson. ul Haq, qui est à l'origine du Rapport
Maquette: Gerald Quinn -mondia~sur le développement humain.

iv
Remerciements

L'élaboration du présent rapport n'aurait l'Institut international d'études straté~


pas été possible sans l'aide et les pré~ giques, d'Oxfam International, de Social
cieuses contributions fournies par un Wateh, du StockhoLm International Peace
grand nombre de personnes et d'orga~ Research Institute (SIPRI), de l'université
nismes. de Pennsylvanie et du World Resources
Plusieurs institutions internationales Institute.
ont généreusement partagé l'expérience II faut aussi mentionner les informa~
acquise, les résultats de leurs recherches tions ct données généreusement commu~
et les informations dont elles disposaient. niquées par certaines entreprises privées,
C'est le cas de l'Organisation des Nations notamment The Coca-Cola Company,
unies pour l'alimentation et l'agriculture, McDonald's et N ike, Inc.
du Fonds international pour le développe- Ce rapport a également profité dans
ment agricole. de l'Organisation interna~ une très large mesure des conseils et orien~
tionale du travail, de l'Union internatio~ tations éclairés d'experts éminents réunis
nale des télécommunications, de l'Union au sein d'un comité de consultants exté~
interparlementaire, du Programme com~ rieurs. Ces interlocuteurs sont Lourdes
mun coparrainé par les Nations unies sur Arizpe, Noe! Brown, Gretchen Daily,
le VIH et le sida (ONUSIDA), du Haut Herman Daly, Meghnad Desai, Paul Ekins,
commissariat des Nations unies pour les Diane Elson, Everett Elting, Jeremy Eppel,
droits de l'homme, du Haut commissariat Nancy Folbre, Claude Fussler, Dharam
des Nations unies pour les réfugiés, de Ghai, José Goldemberg, Heba Handoussa,
l'Organisation de coopération et de déve~ Hazel Henderson, Ryokichi Hirono, Maria
loppement économiques, du Fonds des Elena Hurtado, Louka Katseli, Ashok
Nations unies pour l'enfance, du Centre Khosla, Jacqueline Aloisi de Laderel, Fu
des Nations unies pour le développement Chen Lo, Santosh Mehrotra, Benno
social et les affaires humanitaires, du Ndulu, Bishnodat Persaud, Rubens
Fonds de développement des Nations Ricupero, Leslie Roberts, Kenneth
unies pour la femme (UNIFEM), de la Ruffing, Wolfgang Sachs, Akligpa
Division de la promotion de la femme, de Sawyerr, Paul Streeten et Anders
la Commission économique des Nations Wijkman.
unies pour l'Europe, de l'Organisation des Citons également les discussions et les
Nations unies pour l'éducation, la science contributions très appréciées que nous
et la culture, du Programme des arions devons à Sultan Ahmad, Yonas Biru, Erik
unies pour l'environnement, du Fonds des Brandsma, N itin Desai, Clarence Dias,
ations unies pour la population 5hareen Hertel, Alan Heston, Kenneth
(FNUAP), de l'Institut de recherche des Hill, Karl Hochgesand, Julio Hurtado,
Nations unies pour le développement Alfred Kahn, Sheila Kamerman, Lawrence
social, de la Banque mondiale et de Klein, Jonathan Lash, Nl'ein Nyein Lwin,
l'Organisation mondiale de la santé. Robert Lynch, Alex MacGillivray, Jim
Plusieurs organismes de recherche et MacNeill, Daniel Miller, Marc Miringoff,
organisations non gouvernementales ont Geraldo Nascimento, William Prince,
également généreusement partagé leur John Quelch, Stephen Rayner, Syuichi
expérience, les fruits de leur recherches et Sasaki, Timothy Smeeding, Karen
leurs données. C'est le cas du Bread for the Stanecki, Andrew Steer, Maurice Strong,
World Institute, de l'institut international Lawrence Summers, Alice Tepper Marlin,
de recherche sur les politiques alimen~ Kazuhiro Ueta, Joke Waller-Hunter,
taires, de l'InternationaL Institute for Michael Ward, Tessa Wardlow, Kevin
Democracy and ElectoraL Assistance, de Watkins et Ernst Ulrich von Weizsacker.

v
Ce rapport a également largement mations. Ces organes comprennent les
bénéficié d'études de cas nationales élabo, bureaux extérieurs et régionaux du PNUD,
rées par Jorio Abdeljaouad, Anil Agarwal, ainsi que le Bureau de planification du
Galal Amin, Nadira Barkallil, Luis développement. Enfin, le Bureau des seT·
Camacho, David Cracker, Samir Halaoui, vices d'appui des Nations unies a apporté
Rachid Hamimaz, Magdi Ibrahim, Stefan à l'ensemble de l'équipe un soutien admi·
Larenas, Dow Mongkolsmai, Njuguna nistratif essentiel. Nous aimerions remer·
Mwangi, Sunita Narain, Ramon RomeTO, cier tout particulièrement Ingolf Schuetz·
Marcelo Gomes Sodré, Somchai Mueller, Serene Ong et Martha
Suksiriserekul et Amei Zhang. Barrientos.
Ce rapport s'est également inspiré Ce rapport a également bénéficié d'un
d'apports et de contributions succincts de travail très consciencieux de la part de
Dean Abrahamson, Lourdes Arizpe, Rajat stagiaires. Il convient ici de remercier
Chaudhuri, Hazel Henderson, Thomas Catherine Byrne, Poornima Paidpaty et
Johansson, Alan Kay, Jon Lane, Kishore asheeba Selim.
Mahbubani, John Mason, Ranjini La version française a été réalisée par
Mazumdar, Patricia de Mowhray, Architexte (Nicolas Froeliger, Marielle
Prasannan Parthasarathi, Albert T uijnman Santoni, Martine Delibie, Marie·Paule
et Robert Wild. Bonnafous) avec le concours, pour la
L'équipe du Rapport mondial sur le déve, relecture économique, de DI AL (Jean~
loppement humain exprime ses remercie~ Christophe Dumont, Lionel de Boisdeffre,
ments tout particuliers à John Kenneth Florence Arestoff), sous la direction
Galbraith pour sa contribution. d'Elizabeth SCOtt Andrews.
Des collaborateurs au sein du PNUD Le secrétariat et le traitement admi.
ont fait des remarques et suggestions per· nisrratif ont été assurés par Oscar Bernal,
tinentes lors de l'élaboration du rapport. Renuka Corea,Lloyd, Chato Ledonio,
Les auteurs souhaiteraient en particulier O'Buckley, U Thiha et Marjorie Victor.
exprimer leur gratitude à Gilbert Aho, Et comme pour les années précédentes, ce
Thelma Awori, Sarah Burd,Sharps, rapport a bénéficié des talents d'éditeur de
Marcia de Castro, Georges Chapelier*, Peter Stalker et de la maquette de Gerald
Desmond Cohen, Djibril Diallo, Moez Quinn.
Doraid, Juliette El Hage, Fawaz Fokeladeh, L'équipe de rédaction souhaite égale,
Isabelle Grunberg*, Soheir Habib, ment exprimer sa gratitude sincère à José
Noeleen Heyzer*, Nay Htun*, Thomas Goldemberg, Maria Elena Hurtado, Soli ta
Johansson, Karen Jorgensen*, Judith Karl, Monsod, Jim MacNeill et Paul Streeten,
Inge Kaul*, Gladson Kayira, Normand qui ont relu et commenté ce rapport au
Lauzon, Thierry Lemaresquier*, Roberto cours de son élaboration.
Lenton*, Carlos Lopes*, Khalid Malik, Les auteurs tiennent également à rap·
Susan McDade, Herbert M'Cleod*, peler l'énorme dette qu'ils ont envers
Saraswathi Menon*, Omar Noman*, John l'Administrateur du PNUD, M. James
Ohiorhenuan*, Kirit Shantilal Parikh*, Gustave Speth. Son engagement sincère
Jonas Rabinovitch, Marta Ruedas, Yves de et le soutien qu'il apporte à l'indépen·
San, Nessim Shal1on, R. Sudarshan, Jerzy dance de ce rapport sont hautement
Szererneta*. Sarah Timpson*, Antonio appréciés.
Vigilante, Eimi Watanabe et Fernando Les auteurs de ce nouveau rapport sont
Zumbado. reconnaissants pour le soutien dont ils ont
Plusieurs bureaux du P UD nous ont bénéficié et assument entièrement toutes
par ailleurs fourni de l'aide et des infor· les opinions exprimées.

*Egalemem membres de l'équipe des conseillers.

vi
Table des matières

VUE D'ENSEMBLE
Modifier les modes de consommation d'aujourd'hui pour le
développement humain de demain 1

CHAPITRE UN
Où en est le développement humain? 18
Une reconnaissance plus large du développement humain 18
Un rapport national sur le développement humain dans 100 pays 19
Progrès er reculs du développement humain 21
Pauvreré humaine et dénuement 28
Des disparités persistantes 32
Réversibiliré du processus de développemenr humain 38
Relever le défi 41

CHAPITRE DEUX
La consommation du point de vue du développement humain 42
La consommarion et ses concepts 42
Quels sOnt les facteurs affectant les choix de consommation? 45
La consommarion et ses rapports avec le développement humain 48

CHAPITRE TROIS
La consommation dans un village mondial - inégalités
et déséquilibres 51
Insuffisances de la consommarion et pauvreté 52
L'augmenration de la consommation pèse sur l'environnemenr 60
Impacts de la consommation sur la société 65
Conséquences pour la santé du consommateur - le droit à des produits
sans danger et à l'information 68
Une information déséquilibrée 69

CHAPITRE QUATRE
Des inégalités liées à la dégradation de l'environnement 74
La dégradation de l'environnement au niveau local frappe
principalement les pauvres 76
Les problèmes environnementaux internationaux constituent également
un fardeau pour les pauvres 87
Résumé des conséquences humaines de la dégradation de
l'environnement 89
L'avenir ne sera pas nécessairement sombre 90
Le rôle-clé de la technologie 93
Questions stratégiques 94

vii
CHAPITRE CINQ
Quelles priorités? 97
Les défis à venir 97
Politique de consommation: quelles priorités? 100
Des alliances pour une vision nouvelle 113

Note technique 120


Bibliographie et références 126

INDICATEURS DU DEVELOPPEMENT HUMAIN 137

ENCADRES
1.1 Les rapports nationaux sur le développement humain: un impact
réel 20
1.2 L'alphabétisation des adultes dans les pays de l'OCDE 26
1.3 Les plus grosses fortunes 33
lA La crise est-asiatique peut elle se muer en facteur positif? 40
2.1 Théories de la consommation: de Veblen à Sen 43
2.2 Le rejet de la consommation matérialiste par les religions 45
2.3 De l'influence persistante de l'opulence - John Kenneth
Galbraith, contribution spéciale 47
3.1 Singapour: comment concilier consommation
et surpopulation 61
3.2 La nouvelle Afrique du Sud: la fin de l'apartheid de la
consommation 62
3.3 Il y a 40 000 ans, les premiers consommateurs 66
3.4 La fête, source de solidarité à l'intérieur de la communauté 66
3.5 Inflation du rêve américain 68
3.6 Evolutions dans les achats: du magasin de quartier au centre
commercial 69
3.7 Mondialisation: intégration des marchés de la
consommation 69
3.8 Tabac: émergence de la crise dans le Sud 70
3.9 Chine: publicité et économie socialiste de marché 71
3.10 Suède: pas de publicités pour enfants à la télévision n
4.1 Relation entre pauvreté et dégradation de l'environnement:
au-delà de l'aspect financier 75
4.2 Le Gange: des eaux pures ou polluées ? 77
4.3 Améliorer l'accès à l'eau potable: une alliance public -
privé en Gu inée 78
4.4 Une réussite dans la gestion de la qualité de l'air: le Chili 80
4.5 Gestion des déchets solides: l'expérience d'Alexandrie
en Egypte 81
4.6 Solutions de substitution à l'utilisation des pesticides 82
4.7 Croissance démographique et viabilité à long terme de
l'environnement: le miracle de Machakos 83
4.8 Sauvegarde de la forêt à Zanzibar: action communautaire
4.9 Le biopillage 85
4.10 Invasion de l'environnement des populations indigènes: le cas
brésilien 86
4.11 Coûts de la dégradation de l'environnement: estimations pour
l'Inde 89

viii
4.12 Les femmes et la dégradation de l'environnement: un fardeau
disproportionné 90
4.13 Le potentiel de la société du savoir 91
4.14 Production moins polluante: « Mieux vaut prévenir
que guérir» 93
4.15 Recyclage des déchets: le rôle des femmes
à Hô Chi Minh-Ville 94
4.16 Sauts technologiques 95
5.1 Vers des schémas de consommation durables et une réduction
de la pauvreté 98
5.2 L'achat citoyen 101
5.3 Etats-Unis: proposition de création d'un fonds pour la vérité
en publicité 102
5.4 Repas scolaires: l'apport nutritif en question 103
5.5 Le système de bus de Curitiba: une innovation réussie dans le
domaine du transport urbain 105
5.6 Gambie: compléter l'apport calorique pour les mères afin de
réduire les insuffisances pondérales à la naissance et la mortalité
infantile 106
5.7 En route pour la voiture à émissions zéro 106
5.8 Ecotaxes: succès à la suédoise 107
5.9 Après Kyoto, le défi de Buenos Aires 109
5.10 Lutte internationale contre le réchauffement de la planète:
faut-il créer une nouvelle institution? 110
5.11 Planifier la viabilité à long terme de l'environnement
au Costa Rica III
5.12 Dette: deux poids, deux mesures 113
5.13 Le Conseil des consommateurs du Zimbabwe 114
5.14 Production et consommation durables 117
5.15 Des programmes «Action 21 » au niveau local 118
5.16 Consommation et modes de vie dans les rapports nationaux et
locaux sur le développement humain 119

TABLEAUX
1. 1 Pays et régions ayant publié un rapport sur le développement
humain 19
1.2 Classement des pays industrialisés selon l'IDH, 1995 22
1.3 Classement des pays en développement selon l'IDH, 1995 23
1.4 Progrès les plus rapides et reculs les plus importants: l'espérance
de vie dans les pays en développement, 1970-95 24
1.5 Progrès les plus rapides et les plus lents: le taux de mortalité des
enfants de moins de cinq ans dans les pays en développement,
1970-95 24
1.6 Progrès les plus rapides et les plus lents: le taux
d'alphabétisation des adultes dans les pays en développement,
1970-95 25
1. 7 Indicateur de la pauvreté humaine pour les pays en
développement (lPH- 1) 29
1.8 Indicateur de la pauvreté humaine pour les pays industrialisés
(lPH-2) 31
1.9 Disparités sociologiques entre les sexes - classement selon
l'ISDH et l'IDH 35
1.10 Disparités sociologiques entre les sexes - classements selon l'IPF,
l'ISDH et l'IDH 36
1.11 Pauvreté humaine par groupe linguistique en Namibie, au début
des années quatre-vingt-dix 37
1.12 Quelles priorités pour le monde? 41
3.1 Tendances à long terme de la consommation privée par région:
quelques exemples 52
3.2 Inégalités dans la consommation: les plus gros et les plus faibles
consommateurs 53 et 56
3.3 Plus le revenu du ménage est faible, plus la part consacrée à
l'alimentation et à l'énergie est élevée et plus celle du transport,
de la santé et de l'éducation est réduite 56
3.4 La publicité à l'assaut des pays en développement: classement
des la premiers pays pour la part de la publicité dans le PIB,
1986 et 1996 71
4.1 Coûts estimatifs de la dégradation de l'environnement dans
différents pays d'Asie 75
4.2 Manque d'accès à l'eau potable et aux infrastructures sanitaires
de base - profil régional, 1990-96 76
4.3 Un lourd tribut payé par les régions à la pollution de l'air,
1996 78
4.4 Coût estimatif des embouteillages dans divers pays d'Asie,
1994 79
4.5 Production d'ordures ménagères - profil régional au début
des années quatre-vingt-dix 80
4.6 Déchets dangereux dans les régions industrialisées,
début des années quatre-vingt-dix 81
4.7 Relation entre la disparition des mangroves et la production
de crevettes 86
5.1 Des subventions pour les secteurs qui nuisent
à l'environnement 105
5.2 Instruments économiques de protection de l'environnement 115
5.3 Exemples de pays mettant des instruments économiques
innovants au service du développement durable 116

DIAGRAMMES
1.1 Espérance de vie 2l
1.2 Taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans 21
1.3 Taux d'alphabétisation des adultes 21
1.4 Similarité des IDH, différences de revenu 22
1.5 Similarité des revenus, différences d'IDH 22
1.6 Le revenu ne renseigne pas sur le taux de pauvreté 32
1.7 L'IDH ne renseigne pas sur le taux de pauvreté humaine 32
1.8 Disparités entre villes et campagnes en Namibie, 1991-94 33
1.9 Disparités régionales au Nigéria, 1993 34
1.10 Disparités régionales en Bolivie, 1994 34
1.11 Disparités régionales en Zambie, 1996 34
1.12 L'héritage du sida: un nombre croissant d'orphelins 37
1.13 Reculs probables du développement humain dus au sida 38
2.1 Les facteurs de la consommation du point de vue du
développement humain 42
3.1 Une croissance spectaculaire de la consommation, mais toujours
de fortes inégali tés 54

,
3.2 Les coûts pour l'environnement progressent, tandis que de
nombreuses carences majeures demeurent 55
3.3 Service public ne signifie pas toujours fourniture équitable 57
3.4 Les populations rurales sont mal desservies par les services
publics 58
3.5 Les femmes travaillent plus longtemps que les hommes 60
3.6 Activités de transport dans les campagnes de la République-Unie
de Tanzanie: sur qui pèse la charge? 60
3.7 Baisse du taux d'épargne 67
4.1 Accès à l'eau potable et aux infrastructures sanitaires de base
dans les pays en développement 76
4.2 Pollution des eaux 77
4.3 Evolutions dans l'utilisation des combustibles traditionnels 78
4.4 Emissions de plomb dues à la consommation d'essence,
1990 79
4.5 Ampleur de la dégradation des sols 83
4.6 Plus de 15 millions d'hectares de forêts ont disparu dans
les années quatre-vingt 84
4.7 Découpler croissance économique et utilisation des ressources
naturelles 92
5.1 De l'importance du prix 107
5.2 Des alliances pour une vision nouvelle 114

xi
ABREVIATIONS

CAO Comité d'aide au développement (OCDE)


CEl Communauté des Etats indépendants
CO, Dioxyde de carbone
FMI Fonds monétaire international
FNUAP Fonds des Nations unies pour la population
lDH Indicateur du développement humain
lPF Indicateur de la participation des femmes
lPH Indicateur de la pauvreté humaine
lSDH Indicateur sexospécifique du développement humain
OCDE Organisation de coopération et de développement économiques
OMC Organisation mondiale du commerce
OMS Organisation mondiale de la santé
ONG Organisations non gouvernementales
PIB Produit intérieur brut
PNB Produit national brut
PNUD Programme des Nations unies pour le développement
PPA Parité de pouvoir d'achat
PPTE Pays pauvres très endettés
Sida Syndrome d'immunodéficience acquise
UE Union européenne
UNIFEM Fonds des Nations unies pour la femme
VIH Virus de l'immunodéficience humaine

xii
VUE D'ENSEMBLE

Modifier les modes de consommation


d'aujourd'hui pour le développement
humain de demain

La consommation mondiale s'est dévelop~ bas revenus, si l'on n'abandonne pas les
pée à un rythme sans précédent au cours produits et procédés de production pol-
du XXc siècle. Les dépenses de consom~ luants pour des solutions plus propres, si Tendance ne
mation publiques et privées atteindront l'on ne favorise pas les marchandises don-
nant une place aux producteurs pauvres et
veut pas dire
ainsi 24 000 milliards de dollars en 1998,
soit deux fois plus qu'cn 1975 et six fois si la consommation ostentatoire ne laisse fatalité : des
plus qu'en 1950. En 1900, ces dépenses de pas place à la satisfaction des besoins changements
consommation (en termes réels) représen~ essentiels - les problèmes posés aujourd'hui
raient à peine 1 500 milliards de dollars. par la relation entre consommation et sont possibles
Les effets positifs de cette consomma~ développement humain s'aggraveront.
tion se sont très largement répandus. Les Mais tendance ne veut pas dire fatalité
personnes bien logées ct bien nourries et aucune de ces perspectives n'est iné,
sont plus nombreuses que jamais. Avec luctable. Des changements sont néces,
Jlamélioration des niveaux de vie, des cen~ saires - et des changements sont pas,
taines de millions d'individus ont sibles.
aujourd'hui J'eau chaude et froide, le En bref, la consommation doit être
chauffage ct l'électricité à domicile et peu~ partagée, dynamisante, socialement res ..
vent utiliser un moyen de transport pour ponsable et viable à long terme.
aller travailler. Le temps disponible, pat • Partagée, c'est-à,dire répondant aux
exemple, pour les activités sportives et de besoins essentiels de tous.
loisirs dépasse tout ce qu'il était possible • Dynamisante, c'est,à,dire renforçant les
d'imaginer à l'aube de ce siècle. potentialités des individus.
Quelle cst la relation entre ces réalisa~ • Socialement responsable, c'est~à~dire que
tians et le développement humain? La la consommation des uns ne doit pas corn..
consommation est manifestement un promettre le bien-être des autres.
moyen essentiel, mais elle ne débouche pas • Viable à long terme, c'est,à,dire qu'elle
automatiquement sur le développement ne doit pas hypothéquer les choix des
humain. Elle y contribue, c'est une évi, générations futures.
dence, lorsqu'elle accroît les potentialités Au bout du compte, c'est de la
et enrichit l'existence des uns sans affec, consommation que l'existence humaine
tcr le bien,être des autres. Elle y contribue tire sa force et sa longévité. L'abondance
lorsqu'elle tient autant compte des gêné' de consommation n'est pas un crime. Elle
rations futures que des générations constitue au contraire le moteur d'une
actuelles. Et elle y contribue lorsqu'elle bonne partie des progrès de l'humanité. Le
encourage le dynamisme et la créativité véritable problème n'est donc pas la
des individus et des communautés. consommation en ellc~même, mais ses
Cependant, il arrive souvent que ces modalités et ses effets. Il faut modifier
liens soient rompus. Dans ce cas, les ten~ aujourd'hui les modes de consommation
dances et les modes de consommation pour faire progresser le développemcnt
deviennent néfastes au développement humain demain. Les choix offerts aux
humain. Ainsi, aujourd'hui, la consam, consommateurs doivcnt devenir une réa,
mation met en péril les ressources de lité pour tous. Les paradigmes du déve,
l'environnement et exacerbe les inégali, loppement humain, qui visent à élargir la
tés. Et la dynamique consommation,pau, totalité des choix accessibles, doivent
vreté,inégalités,dégradation de l'environ~ donc chercher également à élargir et à
nement s'accélère. S'il n'y est pas remédié améliorer les possibilités de choix pour lcs
- c'est~à,dire s'il n'y a pas de redistribu~ consommateurs, mais dans un sens favo~
tian entre les consommateurs à haut et à rable à la vie humaine. Tel est le thème

VUE D'EK5EMBLE
du Rapport mondial SUT le développement part infime - 1,3 % - pour les 20 %
humain de cette année. vivant dans les pays les plus pauvres. Plus
précisément, les 20 % les plus riches:
• mangent 45 % de la viande et du pois-
Sans précédent par son ampleur son consommés dans le monde, contre 5 %
et sa diversité mais mal répartie, pour les 20 % les plus pauvres,
la croissance de la consommation • consomment 58 % du total de l'énergie
au XX, siècle révèle de nombreuses mondiale , contre moins de 4 % pour les
20 % les plus pauvres,
insuffisances et des inégalités
• disposent de 74 % des lignes télépho-
patentes.
niques (contre 1,5 %),
• consomment 84 % du papier utilisé dans
Dans les pays industrialisés, la consomma~ le monde (contre 1,1 %),
tion par habitant augmente de manière • possèdent 87 % des véhicules circulant
Le nouvel régulière (à un rythme d'environ 2,3 %
par an) depuis 25 ans. Ailleurs, elle enre·
dans le monde (contre moins de 1 % pour
les 20 % les plus pauvres).
indicateur de gistre une progression spectaculaire en Quel est le degré de satisfaction pro-
la pauvreté Asie de l'Est (6,1 % par an) et une cer- curé par les modes de consommation
taine accélération en Asie du Sud (2,0 %). actuels? Rappelons que le pourcentage
humaine Ces deux régions en développement sont d'Américains se disant heureux a atteint
(lPH-2) néanmoins loin de rattraper le niveau de
c(;msommarion des pays industrialisés ct,
son point culminant en 1957, alors que le
volume de la consommation aux Etats~
montre que les dans les autres régions en développement, Unis a plus que doublé depuis lors.
la croissance de la consommation est
pays lente, voire nulle. Aujourd'hui, la
Malgré de hauts niveaux de consom,
mation, la pauvreté et le dénuement sont
industrialisés consommation d'un ménage africain une réalité dans tous les pays industrialisés
moyen est en recul de 20 % par rapport à - et gagnent du terrain dans certains
comptent entre il y a 25 ans. d'entre eux. A cet égard, le rapport de
7 et 17 % Les 20 % (et plus) d'êtres humains les cette année présente un nouvel indicateur
plus pauvres sont les laissés~pour~compte de la pauvreté dans les pays industrialisés.
de pauvres de l'explosion de la consommation. Cet outil mesure différentes dimensions du
Largement plus d'un milliard de personnes dénuement, selon les mêmes principes que
sont dans l'incapacité de satisfaire à leurs l'indicateur de la pauvreté humaine OPH)
besoins essentiels de consommation. Sur présenté dans le Rapport mondial sur le
les 4,4 milliards d'habitants que comptent développement humain 1997 pour les pays
les pays en développement, près des trois en développement, mais en s'adaptant aux
cinquièmes sont privés d'infrastructures réalités socio~économiques des pays indus~
sanitaires de base. Près d'un tiers n'ont pas trialisés.
accès à l'eau potable. Un quart ne dispo, Ce nouvel indicateur de la pauvreté
sent pas d'un logement correct. Un cin~ humaine (baptisé IPH-2) montre que les
quième n'ont pas accès aux services de pays industrialisés comptent entre 7 et
santé modernes. Un cinquième des enfants 17 % de pauvres. Ces niveaux de dénue·
quittent l'école avant la fin de la cin~ ment n'ont guère de rapport avec le
quième année de scolarité. Environ la revenu moyen des pays en question. Ainsi,
même proportion n'absorbent pas suffi- la Suède est le pays où la pauvreté est la
samment de calories et de protéines. Les moins répandue (7 %), alors qu'elle
carences en oligo-éléments sont encore n'arrive qu'en treizième position en termes
plus répandues. Quelque 2 milliards d'indi- de revenu moyen. A contrario, les Etats-
vidus dans le monde souffrent d'anémie, Unis, qui figurent en tête du classement
parmi eux 55 millions dans les pays indus~ des pays industrialisés selon le revenu
trialisés. Dans les pays en développement, moyen, sont aussi le pays où la pauvreté
seule une minorité de privilégiés ont accès humaine cst la plus courante. Enfin, des
aux transports motorisés, aux télécommu~ pays affichant des revenus moyens ana~
nications et aux formes modernes d'éner~ logues peuvent présenter des niveaux de
gie. pauvreté humaine très différents. C'est le
Les inégalités dans la consommation cas des Pays~Bas et du Royaume~Uni, avec
sont criantes. A l'échelle mondiale, les respectivement 8 % et 15 % sur l'échelle
20 % d'êtres humains vivant dans les pays de l'lPH-2.
les plus riches se partagent 86 % de la Cet IPH,2 montre sans ambiguïté que
consommation privée totale, contre une la sous~consommation et le dénuement ne

RAPPORT MOKOIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1998


Croissance rapide de la consommation pour certains, stagnation pour d'autres, inégalité
pour tous - et augmentation des nuisances écologiques

La consommation est répartie inégalement


Part de la consommation mondiale, 1995 Croissance relative du
revenu, de la population
t
1 20%
et de la consommation

4
jr • ~tr

':J - 1:;:j

1
-: l,' 1 •

Automobiles en Asie de l'Est

1
60%

00
. . Téléphones dans les pays
arabes

---
800

Electricité en Asie du Sud

---
Restaurants McDonald's dans
les pays arabes (1991-96)
600
"1 Télévisions en Amérique latlr
~ral
o'f)~ ct~.oe:
411to/)'j; - PàP/~r
Obi/es
~ Postes de radio en Afrique

onS.0",nses 400
a.1994. b.1993. '!hi/ri
o~ TéléviSions par cable en Chin
Sources' Banque mondiale, 1997d, UrT, 1997b. Nations unies. 1996c et 1997b, (1990-95)
fAO. 1997a et 1998, UNESCO, 1997d.

1 PIS mondial
0'" Population mondiale
Alimentation en Afnque
1975 1995

22,7

Emissions de CO2 par habitant


En tonnes par an

Etats-Unis

Canada
Pays Industrialisés
Allemagne 10.3
Japan

Afrique du Sud .1fl9••••••••••••••


MeXique

Chine Asie de l'Est


5,7
Brésil MW
Asie du Sud
Aménque latine et Caraibes

Soun:f'5: CDIAC, 1996, Nations Unies, 1996<: et 1997b. UNESCO, 1997d,


Banque mondiale, 1997c 1950 60 70 80 90
=
~
9S
Pays arabes
Asie du Sud-Est et Pacifique
Afnque subsahanenne

VUE D'E~SEMBLE J
sont pas seulement le lot des pauvres matériaux de base tels que l'acier, le bois
vivant dans les pays en développement. et le cuivre s'est stabilisée dans la plupart
En effet, dans les pays riches, plus de 100 des pays de l'OCDE - et baisse même
millions de personnes subissent un sort dans certains d'entre eux.
analogue. L'espérance de vic de près de Les ressources non renouvelables ne
200 millions d'individus ne devrait pas sont donc pas le problème le plus urgent.
dépasser 60 ans. Plus de 100 millions n'ont Il faut plutôt porter ses regards sur deux
pas de logement. Et au moins 37 millions autres périls qui entraînent l'humanité
sont sans emploi, situation souvent syno~ vers les limites extrêmes de ce que la terre
oyme d'exclusion. Sous bien des aspects, peut supporter.
chômage rime avec dénuement. Le premier péril tient à la pollution et
aux déchets, dont le volume excède les
capacités d'absorption et de conversion de
La croissance à tout va de la planète. Les réserves de combustibles
la consommation so\\met fossiles ne s'épuisent pas, mais leur utili~
L'emballement l'environnement à rude épreuve: sation dégage des gaz qui modifient les
de la les rejets et les déchets polluent écosystèmes. Les émissions de dioxyde de
la planète et détruisent carbone (CO,) ont ainsi quadruplé en
consommation 50 ans. Le réchauffement planétaire est un
les écosystèmes, tandis que
depuis 50 ans l'appauvrissement et la dégradation autre problème grave, qui menace de
désorganiser les récoltes, d'inonder dura~
soumet des ressources renouvelables
blement des zones étendues, d'accroître la
mettent en péril les moyens
l'environnement de subsistance.
fréquence des tempêtes et des sécheresses,
de précipiter l'extinction de certaines
à des pressions espèces, de propager les maladies infec~
sans précédent L'emballement de la consommation depuis tieuses, et peut~être même d'entraîner des
50 ans soumet l'environnement à des pres~ modifications climatiques subites et des-
sions sans précédent. ttuctrices à l'échelle du globe. Et même si
• L'utilisation de combustibles fossiles a les ressources terrestres sont encore suffi~
pratiquement quintuplé depuis 1950. santes, les déchets - toxiques ou non
- s'accumulent à vive allure. Dans les
• La consommation d'eau douce a presque
pays industrialisés, le volume de déchets
doublé depuis 1960.
générés par habitant a pratiquement triplé
• Les prises en mer ont été multipliées par
au cours des 20 dernières années.
quatre.
Le second péril est 1ié à la détériora-
• La consommation de bois, destinée à la
tion des ressources renouvelables: eaux,
fois à l'industrie et aux ménages, est
sols, forêts, poissons, espèces végétales et
aujourd'hui supérieure de 40 % à son
animales.
niveau d'il y a 25 ans.
Pourtant, la croissance de l'utilisation • Vingt pays souffrent déjà de stress
des ressources terrestres s'est considéra~ hydrique, disposant de moins de 1 000
mètres cubes d'eau par an et par habitant.
blement ralentie au cours des dernières
années, et les craintes, puissamment Quant aux réserves d'eau disponibles à
relayées par les médias, selon lesquelles les
l'échelle planétaire, elles sont passées de
réserves mondiales de pétrole et de pro~ 17 000 mètres cubes par habitant en 1950
duits miniers étaient en passe de s'épuiser, à 7 000 mètres cubes aujourd'hui.
ont été démenties par les faits. On • Un sixième des terres émergées - soit
découvre de nouveaux gisements et la près de deux milliards d'hectares - sont
croissance de la demande se ralentit. Le aujourd'hui dégradées par le surpâturage et
centre de gravité de la consommation se les pratiques culturales inadéquates.
déplace vers les produits intégrant moins • Dans le monde entier, les forêts - qui
de matières premières et vers les services. fixent les sols et empêchent l'érosion,
Le rendement de l'utilisation de l'énergie régulent la circulation de l'eau et contri~
s'améliore. Enfin, les progrès technolo~ buent à stabiliser le climat - sont de
giques et le recyclage des matières pre~ moins en moins étendues. Depuis 1970, la
mières se traduisent par une utilisation couverture forestière pour 1 000 habitants
plus rationnelle des ressources. Cette uti~ est passée de 11,4 à 7,3 km'.
lisation augmente ainsi aujourd'hui plus • Les réserves halieutiques s'appauvris~
lentement que le rythme de croissance de sent: environ un quart d'entre elles sont
l'économie. Appelons cela la dématériali- déjà épuisées ou menacées d'épuisement,
sation. Le consommation par habitant de tandis que les prises concernant 44 autres

4 RAPPORT MONDIAL SI,;R LE DËVELOPPEMENT HUMAIN 1998


pour cent aneignent les limites du renou; demande croissante à l'exportation d'aH;
veHement biologique. ments pour animaux et d'huiles.
• L'activité humaine a multiplié par 50 et • Les 132 millions de personnes vivant
parfois par 100 le rythme d'extinction des dans des zones touchées par le stress
espèces sauvages, menaçant de faire dis; hydrique se trouvent principalement en
parattre des pans entiers de la création. Afrique et dans certains pays arabes. Si les
tendances actuelles se poursuivent, leur
nombre pourrait atteindre 1 à 2,5 mil;
La consommation dans le monde est liards d'ici 2050.
essentiellement l'affaire des nantis, • La déforestation touche avant tout les
mais ce sont les pauvres qui en pays en développement. Depuis 20 ans,
supportent le plus gravement les l'Amérique latine ct les Caraïbes ont
conséquences environnementales. perdu 7 millions d'hectares de forêts tro;
picales, contre 4 en Asie ct en Afrique
subsaharienne. La plus grande partie de Les problèmes
Les nantis bénéficient de la corne d'abon; cet appauvrissement est due à la demande
dance de la consommation. Mais ce sont de bois et de papier, qui a respectivement envIronne-
les pauvres - à l'échelon des individus quadruplé et quintuplé depuis 1950.
comme des pays - qui supportent un Cependant, plus de la moitié du bois et
mentaux
grand nombre de ses coQts. Les formes les
plus graves de misère humaine dues à la
près des trois quarts du papier consommés découlent en
dans le monde le sont dans les pays indus;
dégradation de l'environnement sont trialisés. partie d'une
concentrées dans les régions les plus
pauvres et affectent les individus les plus Les pauvres sont les personnes plus situation
exposées aux effluents gazeux et à la pol-
démunis, qui n'ont pas les moyens de s'en
lution des cours d'eau et les moins à même
d'abondance,
prémunir.
• Un enfant qui voit le jour dans le de s'en protéger. On estime à 2,7 millions mais aussi de
le nombre de décès dus chaque année à la
monde industrialisé consommera et géné;
pollution de l'air, dont 2,2 millions pour l'aggravation
rera plus de pollution, au cours de sa vic,
que 30 à 50 enfants nés dans les pays en la pollution à l'intérieur des bâtiments. de la pauvreté
développement. Quelque 80 % des victimes sont des per-
• Depuis 1950, les pays industrialisés, du sonnes pauvres vivant en milieu rural dans
fait de leurs hauts niveaux de revenu ct de les pays en développement. La fumée
consommation, sont à "origine de plus de dégagée par la combustion du bois de feu
la moitié de l'accroissement de l'utilisa; et des excréments animaux est plus dan;
tion des ressources. gereuse pour la santé que celle du tabac.
• Les 20 % de la population mondiale Pourtant, jour après jour, des millions de
vivant dans les pays les plus riches sont femmes sont condamnées à passer des
responsables de 53 % des émissions de heures à cuisiner au moyen de tels com-
dioxyde de carbone, contre 3 % pour les bustibles.
20 % habitant les pays les plus pauvres. Le Davantage utilisée dans les pays en
Brésil, la Chine, l'Inde, l'Indonésie et le développement et en transition que dans
Mexique comptent, c'est vrai, parmi les les pays industrialisés, l'essence au plomb
pays en développement générant le plus nuit gravement à la santé humaine, et
d'émissions. Cependant, compte tenu de notamment au développement cérébral de
l'importance de leur population, leurs l'enfant. Ainsi, à Bangkok, quelque
émissions par habitant restent très faibles: 70 000 enfants risqueraient de perdre au
3,9 tonnes par an au Mexique ct 2,7 en moins 4 points de QI du fait de la forte
Chine, contre 20,5 aux Etats-Unis et 10,2 teneur en plomb de l'air ambiant. En
en Allemagne. Les conséquences du Amérique latine, environ 15 millions
réchauffement planétaire dû au dioxyde de d'enfants de moins de deux ans courent le
carbone risquent d'être dévastatrices pour même risque.
de nombreux pays pauvres: une hausse, Ces problèmes environnementaux
même faible, du niveau des mers pourrait découlent certes en partie d'une situation
ainsi faire perdre au Bangladesh 17 % de d'abondance, mais aussi de l'aggravation
sa superficie émergée. de la pauvreté. La paupérisation croissante
• Près d'un milliard de personnes vivant des sociétés et l'absence d'autres solutions
dans 40 pays en développement risquent multiplient le nombre des personnes
de se voir privées de leur principale source démunies et sans terre, contraintes de faire
de protéines, du fait de la surexploitation subir des pressions sans précédent aux res;
des réserves halieutiques, liée à une sources naturelles pour survivre.

VUE D'EI'SEMBLE 5
La pauvreté et l'environnement sont ment. Les premiers, qui disposent de res~
pris dans un cercle vicieux. Les dégrada~ sources plus abondantes, consacrent
tions subies par l'environnement dans le davantage d'argent à la protection et à
passé aggravent la pauvreté aujourd'hui, et l'assainissement de l'environnement. Les
celle-ci fait qu'il est très difficile de se pré- pays en développement, qui disposent
occuper des ressources agricoles ou de les pourtant de moins de ressources, adoptent
rétablir, de trouver des solutions de rem~ eux aussi des technologies plus propres et
placement à la déforestation, d'empêcher s'efforcent de réduire la pollution. C'est
la désertification, de mettre un frein à par exemple le cas de la Chine.
l'érosion et de réintroduire des éléments La communauté mondiale s'est égale-
fertilisants clans le sol. Les pauvres sont ment attaquée à certains problèmes envi-
contraints de puiser dans les ressources ronnementaux qui affectent directement
- au risque de les épuiser - pour survivre. les pauvres. C'est le cas de la désertifica~
Et cette dégradation de l'environnement tion, du recul de la biodiversité ou des
ne fait qu'accroître leur pauvreté. exportations de déchets dangereux. Ainsi,
La pauvreté et Lorsque ce cercle vicieux atteint ses la Convention sur la diversité biologique a
les atteintes à limites, les pauvres se voient contraints de été signée par la quasi~totalité des pays du
se diriger, en nombre croissant, vers des globe: plus de 170. Celle sur la lutte
l' environnement terres écologiquement fragiles. Près de la contre la désertification a, pour sa part,
sont pris dans moitié des personnes les plus pauvres été ratifiée par plus de 100 pays, mais la
vivant dans le monde - soit plus de dégradation des terres arides, menace
un cercle 500 millions d'individus - sont installées majeure pour les moyens de subsistance
vIcIeux dans des zones exposées à des menaces des pauvres, continue de plus belle.
écologiques. Enfin, la communauté internationale
La relation pauvreté,atteintes à l'envi; ne s'est pas encore penchée de manière
ronnement dans les pays en développe~ sérieuse sur d'autres nuisances environne-
ment doit également être envisagée dans mentales frappant en particulier les
le contexte de la croissance démogra~ pauvres: la contamination des eaux et la
phique. Dans ces pays, les pressions sur pollution à l'intérieur des bâtiments, par
l'environnement s'intensifient chaque exemple. Des instances mondiales discu-
jour, à mesure que la population aug~ tent ainsi du réchauffement de la planète,
mente. La population mondiale devrait mais qui se préoccupe des 2,2 millions de
compter 9,5 milliards d'individus en 2050, décès causés chaque année par la pollution
dont plus de 8 milliards dans les pays en dans les bâtiments!
développement. ourrir correctement
cette population suppose de multiplier par
trois la quantité de calories consommée Les pressions croissantes en faveur
actuellement, ce qui représente quelque de la consommation ostentatoire
LO milliards de tonnes de céréales par an. peuvent avoir des effets
La croissance de la population contribuera destructeurs, aggravant l'exclusion,
ainsi au surpâturage et à la surexploitation
la pauvreté et les inégalités.
des forêts ct des terres agricoles.
Les interrelations entre les individus et
leur environnement sont complexes: elles Sous la pression de la course aux dépenses
sont loin de se limiter à une question de et de la consommation ostentatoire, la
richesse ou de pauvreté. La forme de pro' situation d'abondance dans laquelle vivent
priété des ressources naturelles, l'accès aux les uns peut se payer par l'exclusion du
biens communs, la solidité des coromu; plus grand nombre. Lorsque la société
nautés et des institutions locales, la ques- incite fortement à maintenir des niveaux
tion des différents types de droits, ainsi de consommation élevés et encourage cer~
que celle des risques et des incertitudes, tains à une surenchère de dépenses pour
sont autant de déterminants majeurs du faire étalage de leur richesse, les inégali~
comportement face à l'environnement. On tés en termes de consommation creusent
peut également ajouter à cette liste les le fossé de la pauvreté et de l'exclusion.
inégalités sociologiques entre les sexes, les A titre d'exemples:
politiques publiques et les mécanismes • Des études portant sur des ménages
d'incitation. vivant aux Etats~Unis montrent que le
Depuis quelque temps, pays riches et revenu jugé nécessaire pour satisfaire le
pays pauvres prennent davantage désir de consommation a doublé entre
conscience des questions d'environne~ 1986 et 1994.

6 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1996


• La définition du oc nécessaire évolue
)t campagnes de publicité de plus en plus
rapidement, et la distinction entre l'indis~ offensives.
pensable et le superflu se fait plus floue. Sur le plan social, ce phénomène bous~
Ainsi, dans les années quatre~vingt, cule les frontières locales et nationales
l'Afrique du Sud, le Brésil, le Chili, la sous l'effet des normes sociales et des
Malaisie et le Mexique comptaient deux à envies de consommation. Les études de
trois fois plus d'automobiles que marché identifient ainsi des <Il élites mon~
l'Aucriche, la France ou l'Allemagne diales » et des ft classes moyennes plané~
lorsque ces pays avaient le même niveau taires qui suivent les mêmes modes de
)t

de revenu, trente ans plus tôt. consommation, et affichent une préfé~


• L'endettement des ménages et, en par~ rence pour les oc marques mondiales ». Il
ticulier, le crédit à la consommation, sont faut aussi parler de la « planète adoles-
en augmentation, tandis que leur épargne cente ", c'est-à-dire quelque 270 millions
est en baisse dans de nombreux pays de 15-18 ans répartis dans 40 pays, qui
industrialisés et en développement. Aux vivent dans un espace unifié par la culture
Etats~Unis, le taux d'épargne des ménages pop, s'imprègnent des mêmes vidéos, écou~
Une foule de
représente seulement 3,5 % des revenus, tcnt la même musique et constituent un possibilités de
soit deux fois moins qu'il y a 15 ans. Au marché énorme pour les chaussures de
Brésil, l'endettement des consommateurs, sport, les t~shirts et les jeans portant la consommation
concentré sur les ménages à bas revenu, griffe de stylistes. se sont
dépasse aujourd'hui 6 milliards de dollars. Avec quelles conséquences? Tout
Nombreux sont ceux qui s'inquiètent d'abord, une foule de possibilités de
ouvertes pour
de l'impact de ces tendances sur les consommation se sont ouvertes pour de de nombreux
valeurs de la société - et sur l'existence nombreux consommateurs - mais com~
humaine. Se traduisent-elles par une bien sont laissés sur le bord de la route en consommateurs,
aggravation de la pauvreté, à mesure que raison d'un revenu insuffisant? Et l'inci~ mais combien
les ménages luttent pour répondre à des tation à la surenchère de la consommation
normes de consommation de plus en plus augmente. Faire aussi bien que les autres, sont laissés sur
exigeantes, faisant passer à l'arrière~plan aujourd'hui, ce n'est plus vouloir consom~ le bord de la
les dépenses consacrées à l'alimentation, mer autant que son voisin, mais chercher
à l'éducation et à la santé? Ces schémas à imiter le mode de vie des personnalités route?
poussent~i1s les individus à passer davan~ riches et célèbres apparaissant dans les
tage d'heures au travail, avec pour effet de films et à la télévision.
réduire le temps consacré à la famille, aux Ensuite, protéger les droits des consom~
amis et à la collectivité? maecurs à la sécurité et à l'information sur
Et la mondialisation accélère~t~elle ces les produits devient une affaire complexe.
tendances à la surenchère des dépenses et Les produits arrivant sur le marché - ali~
à l'augmentation des besoins? ments ou médicaments, par exemple
- contiennent de plus en plus de sub~
stances chimiques. Une information
La mondialisation unifie les inadéquate ou des règles de sécurité non
marchés des biens de consommation respectées peuvent nuire gravement aux
et crée des opportunités dans le consommateurs, avec des produits à
monde entier. Elle entraîne aussi de risques qui vont des pesticides toxiques
nouvelles inégalités et de nouveaux aux laits en poudre contaminés.
défis pour la protection des droits Dans le même temps, les consomma~
des consommateurs. teurs sont submergés d'informations par la
publicité. On estime à 150000 le nombre
de spots publicitaires que voit un
La mondialisation ne se limite pas aux Américain moyen à la télévision au cours
échanges, aux investissements ou aux mar~ de sa vie. Et la publicité progresse dans le
chés des capitaux: elle unifie également monde entier, plus rapidement que la
les marchés des biens de consommation. population ou les revenus. Selon les esti~
Ses effets sont de deux ordres : écono~ mations les plus circonspectes, les
mique et social. L'intégration économique dépenses publicitaires mondiales se chif~
accélère l'ouverture des marchés des biens frent aujourd'hui à 435 milliards de dol-
de consommation, irrigués par un afflux lars. Leur croissance est particulièrement
permanent de produits nouveaux. La rapide dans les pays en développement. En
concurrence est rude pour séduire les république de Corée, le total des budgets
consommateurs du monde entier, avec des publicitaires a ainsi pratiquement triplé

Vl;E l)'E'-I5EMBLE 7
entre 1986 et 1996. Aux Philippines, il a gique et adopter des schémas de croissance
augmenté de 39 % par an entre 1987 et qui soient:
1992. En 1986, seuls trois pays en déve- • favorables à l'environnement, c'est;à~dire
loppement se classaient parmi les 20 pre~ préservant les ressources naturelles et géné;
miers pour les dépenses publicitaires. Dix rant moins de pollution et de déchets, et
ans plus tard, ils étaient neuf. Enfin, si
• favorables aux pauvres, c'est-à-dire
l'on considère le rapport entre dépenses de
créant des emplois pour les pauvres
publicité et revenu, la Colombie arrive au
- ménages ct individus - et élargissant
premier rang mondial, avec 1,4 milliard
leurs possibilités d'accès aux services
de dollars, soit 2,6 % de son PlB. sociaux de base.
Si les pays pauvres parviennent à sau;
ter des étapes sur le plan, non seulement
Les pays pauvres ont besoin des modes de consommation, mais aussi
d'accélérer la croissance de des techniques de producüon, ils seront à
Aujourd'hui, leur consommation, mais pas même d'accélérer la croissance de leur
obligatoirement en empruntant consommation et de leur développement
les pays en la même voie que celle suivie humain sans pour autant avoir à suppor;
développement depuis un demi-siècle par les pays ter les coûts énormes de ces évolutions en
riches et les économies à croissance termes d'atteintes à l'environnement.
peuvent opérer rapide_ Ces pays peuvent ainsi adopter un grand
un saut nombre de techniques disponibles, qui
soient moins, voire pas du tout, poilu;
technologique Non seulement les niveaux de consomma~ antes: énergie solaire, mais aussi modes de
tion sont trop bas pour satisfaire les cultures nécessitant moins d'énergie, ou
et adopter des besoins essentiels de plus d'un milliard méthodes de production de papier écolo;
schémas de d'individus, mais leur croissance est sou~ giques.
vent lente et entrecoupée de reculs. Dans
crOlssance quelque 70 pays, où vivent près d'un mil~
Ces sauts technologiques amélioreront
les perspectives de développement en peri
favorables à liard de personnes, le niveau de consom~
mettant d'économiser les coûts énormes
mation est aujourd'hui inférieur à ce qu'il
l'environnement était il y a 25 ans. Et ce niveau ne pourra
d'assainissement de l'environnement
actuellement supportés par de nombreux
et aux pauvres être relevé sans une accélération de la
croissance économique. Or, celle~ci fait
pays. Et ces économies ne se limiteront
pas aux coûts directs de dépollution des
défaut dans bien des pays et pour bien des sites souillés par des matières toxiques ou,
personnes pauvres. Ainsi, entre 1995 et par exemple, à l'installation de dispositifs
1997, malgré la croissance spectaculaire d'épuration dans les centrales électriques
du revenu d'un grand nombre
au charbon. Il est en effet possible de réa-
d'Asiatiques, seuls 2L pays en développe~
liser des économies sur les soins de santé
ment dans le monde ont vu leur PIB par
liés à la dégradation de l'environnement.
habitant augmenter d'au moins 3 % Enfin, sauter des étapes sur la route du
chaque année - rythme nécessaire pour développement permettra égalem"ent d1évi;
mettre en place les conditions d'un recul
ter certaines des impasses qui résultent
de la pauvreté. d'un développement inadéquat des infra-
Certains laissent entendre que les pays structures.
en développement devraient restreindre
Pour certains, les perspectives de
leur consommation afin de limiter les
mettre en œuvre des mesures antipollution
atteintes à l'environnement. Or, cela
bon marché, efficaces et politiquement
reviendrait à condamner les générations
moins controversées seraient très limitées
futures au même dénuement que celles
dans les pays en développement. Rien
d'aujourd'hui, un dénuement dont
n'est plus loin de la réalité. De mesures
l'ampleur ct la gravité sont déjà scanda~
ont déjà été prises en ce sens. Et d'autres
leuses.
possibilités existent:
Les pays en développement sont
aujourd'hui confrontés à un choix straté; • On peut obtenir des rendements supé-
rieurs via des méthodes culturales plus
gique. Ils peuvent répéter les processus
d'industrialisation et de croissance du der· intensives, plutôt qu'en utilisant davan~
nier demi~siècLe, avec à la clef une phase tage d'engrais et de pesticides.
de développement inéquitable et laissant • L'élimination du plomb dans l'essence
cn héritage une pollution gigantesque. Ou coûte seulement aux entreprises de raffi-
bien, ils peuvent opérer un saut technolo~ nage 1 à 2 dollars pour cent litres

8 RAPPORT MONlJI.~L SUR LE OËVELOPPEMENT HUMAI!': 1998


d'essence, comme l'ont montré le Mexique renouvelables, telles que l'eau, le bois, les
et la Thaïlande. sols ct les poissons.
• L'énergie solaire et les ampoules fluo· • Protéger et favoriser les droits des
compactes sont d'une utilisation quatre consommateurs à l'information. à la sécu·
fois plus économique que les solutions rité des produits, ainsi que leur accès aux
classiques et réduisent la nécessité produits dont ils ont besoin.
d'implanter des réseaux électriques en • Décourager les modes de consommation
zone rurale. ayant un impact négatif sur la société et
• Les motcurs à quatrc tcmps non pol· renforçant les inégalités et la pauvreté.
luants peuvent être rendus obligatoires • Parvenir à un partage international plus
pour les motocycles et les tricycles à équitable du fardeau lié à la réduction et à
moteur. C'est ce qu'a fait la Thaïlande. la prévention des atteintes à l'environne-
Cette énumération montre ce qu'il est ment, ainsi qu'à la réduction de la pau·
possible de faire. Mais pour exploiter plei- vreté à l'échelle mondiale.
nement ce potentiel, il faut redoubler La clef de ces entreprises consiste à
d'efforts dans l'élaboration ct l'application mettre en place un environnement favo· Il faut
des innovations. rable à la consommation durable, c'est·à· accroître
Les sociétés prospères des pays indus· dire dans lequel consommateurs et pro·
trialisés sont, elles aussi, confrontées à des ducteurs soient incités et à même les niveaux de
choix stratégiques. Elles peuvent conti· d'évoluer vers des modes de consomma· consommation
nuer de consommer en poursuivant les tion moins nuisibles à l'environnement et
tendances des 10 dernières années, ou moins néfastes pour la société. Les indivi- de plus d'un
bien adopter à leur tour des modes de dus se soucient de l'impact de la consom-
consommation bénéfiques pour l'homme mation sur leur santé et leur sécurité - et,
milliard de
et pour son environnement. plus largement, de son incidence sur pauvres
Poursuivre dans la lignée des tendances l'environnement ct la société. Mais ils
passées reviendrait à multiplier par quatre sont prisonniers d'un système de choix et
à cinq la consommation des pays indus· d'opportunités limités et d'incitations por-
rrialisés au cours des 50 prochaines teuses d'effets pervers. A partir de là, les
années. Certains affirment qu'il faut ralen· priorités sont au nombre de sept.
tir la croissance et réduire la consomma·
tion. Cependant, le véritable problème
n'est pas la croissance de la consomma· 1. Faire de la satisfaction
tion, mais ses incidences sur les individus, universelle des besoins minimaux
sur l'environnement et sur la société. Si un objectif explicite dans tous
les sociétés adoptent des technologies les pays.
diminuant l'impact de la consommation
sur l'environnement, si la consommation
de biens matériels passe le relais à celle «Toute personne a droit à un niveau de
des services, la croissance peut aider, et vie suffisant pour assurer sa santé, son
non freiner, J'évolution vers la viabilité à bien·être et ceux de sa famille, notam·
long terme. Les choix stratégiques aux· ment pour l'alimentation, l'habillement,
quels sont confrontés les pays riches le logement, les soins médicaux, ainsi que
- dont le rôle est dominant en termes de pour les services sociaux nécessaires ...
consommation mondiale - seront essen· Toute personne a droit à l'éducation JI
tiels pour l'avenir. (Déclaration universelle des droits de
l'homme). Ces principes nourris d'univer·
QUELLES PRIORITÉS? salisrnc ct des droits de l'homme recon·
naissent l'égalité des droits de chacun
)1 existe cinq objectifs essentiels: - femmes, hommes et enfants, sans dis·
• Accroître les niveaux de consommation crimination aucune. Ils exigent une forme
pour plus d'un milliard de pauvres - soit de gestion des affaires publiques qui garan·
plus d'un quart de l'humanité - laissés· tisse que tout individu ait suffisamment à
pour·comptc du développement planétaire manger, qu'aucun enfant ne soit privé
de la consommation et incapables de satis· d'éducation, qu'aucun être ne se voie
faire leurs besoins essentiels. privé d'accès aux soins de santé, à l'eau
• Adopter des modes de consommation potable et aux infrastructures sanitaires de
plus compatibles avec le long terme, qui base, et que tous puissent développer au
réduisent les atteintes à l'environnement, mieux leurs potentialités.
améliorent l'efficience dans l'utilisation Atteindre ces objectifs nécessite une
des ressources et régénèrent les ressources action publique résolue, alliant, d'une

VUE D'ENSEMBLE 9
part, la fourniture de services sociaux de consommation et de production en utili~
base et, d'autre part, un environnement sant de nouvelles technologies pour
propice, assorti d'incitations à l'action pri· atteindre une plus grande efficience et
véc et volontaire. Cela signifie: pour limiter les déchets et la pollution.
• Des politiques publiques fortes destinées Un grand nombre de ces technologies
à assurer la sécurité alimentaire, au existent déjà sur le marché ou sous forme
moyen, d'une part, de mesures monétaires. de projets.
budgétaires, commerciales ainsi que La croissance durable de la consomma~
d'actions sur les prix et, d'autre part, de la tion et de la production suppose des pro~
mise en place d'institutions et d'incita· grès de grande ampleur dans des techno-
tions visant à promouvoir la production et logies plus propres, bon marché er
la distribution locales. économes en matériaux et en ressources.
• Donner la priorité, dans les dépenses Sont également nécessaires des formes de
publiques, aux services sociaux de base: consommation qui ne nuisent pas à l'envi#
enseignement, soins de santé, eau potable, ronnement, qui ne coûtent pas cher et qui
Le infrastructures sanitaires. Non seulement soient, donc, abordables pour les pauvres.
ces services doivent être développés, mais Cependant, nombre de ces solutions
développement leur accès doit aussi devenir plus équi# n'existent pas encore. Il faut donc les
humain peut table. Des études réalisées dans de nom# inventer. Quant à celles qui existent, elles
breux pays montrent que l'accès à ces ser# doivent être mieux commercialisées. C'est
être rendu vices privilégie les nantis par rapport aux le cas des produits qui utilisent moins
durable pauvres et les habitants des villes par rap~ d'énergie ou de ressources renouvelables
port à ceux des campagnes. (eau et bois, en particulier), qui génèrent
par une action • Meure en place des infrastructures de moins de déchets et de pollution. et qui
déterminée transport et des systèmes de fourniture coûtent moins cher. Ces produits peuvent
d'énergie permettant de procurer des ser~ être disponibles dans certains pays, comme
vices bon marché et efficaces, au bénéfice la voiture à émissions zéro, mais non dans
des individus, et pas seulement de la crois# le monde entier. D'autres en sont encore
sance économique. Cela passe, par au stade expérimental. Les dépenses
exemple, par des transports publics, des publiques de recherche/développement
voies réservées aux bicyclettes et aux pié# dans l'énergie ont reculé d'un tiers en
tons, et l'exploitation de sources d'éner# termes réels depuis le début des années
gie renouvelables dans les zones rurales. quatre-vingt. De plus, moins de la % de
• Inciter au développement de biens ces dépenses visent une meilleure maîtrise
accessibles aux pauvres: matériaux de de l'énergie. La plus grande partie reste
construction bon marché, matériels éco# consacrée aux centrales nucléaires ou aux
nomes en énergie et systèmes de stockage combustibles fossiles. Or, les entreprises et
des aliments. les gouvernements auraient bien des rai~
• Créer des institutions et des cadres juri# sons de soutenir davantage l'élaboration
cliques garantissant le droit des individus et les applications des technologies nou~
au logement. à la propriété commune, au velles.
crédit, etc. Plu rôt que de chercher à idenrifier et
Il y a 40 ans, l'économiste John à encourager les technologies d'avenir, les
Kenneth Galbraith traitait de l'opulence pouvoirs publics peuvent aussi aider à
privée au milieu d'une indigence publique. mettre en place un marché dynamique,
Loin de se réduire, ces contrastes se sont apte à assurer cette fonction plus efficace#
aggravés, et l'indigence privée et environ~ ment. L'Etat peut ainsi demander à tous
ncmentale est venue s'y ajouter. les fournisseurs d'énergie - publics et pri~
vés - de fournir une part minimale fixe de
leur énergie à partir ·de sources renouve#
2. Mettre au point et appliquer lables, soit en la produisant eux#mêmes,
des technologies et des méthodes soit en l'achetant à d'autres producteurs.
écologiquement viables pour Cette approche présente deux avantages:
les consommateurs pauvres comme d'une part, elle garantit l'arrivée sur le
pour les nantis. marché de sources d'énergie renouvelables
et, d'autre part, elle stimule l'innovation
dans le sens de technologies plus effi-
Le développement humain peut être rendu
cientes et moins coûteuses.
durable par une action déterminée. Le défi
ne consiste pas à stopper la croissance. Il Les avantages des technologies propres
s'agit plutôt de changer les modes de ne font maintenant plus de doure. En

RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1998


la
témoigne la réduction de l'utilisation de les plus pauvtes du monde. Cependant, il
matières premières dans les pays de ne s'agit pas simplement de répéter la pre,
l'OCDE. Sur le plan technologique, de mière révolution, mais plutôt d'accroÎrre
nombreuses solutions existent déjà pour rendements et revenus tout en préservant
produire des marchandises respectueuses et en développant les ressources de l'envi,
de l'environnement. Cependant, les struc- ronnement.
tures de prix actuelles sous' évaluent les Le secteur privé a lui aussi un rôle
coûts ct les avantages pour l'environne~ essentiel à jouer dans ce domaine. Il ne
ment, ce qui limite les incitations prove, doit pas se limiter à relever les défis de
nant du marché. Un soutien public accru l'entreprise citoyenne, mais aussi produire
à la recherche et au développement pour- des marchandises respectueuses de l'envi,
rait en revanche accélérer le rythme du ronnement et contribuant à la réduction
progrès technique. de la pauvreté. Le marché des biens
On a particulièrement besoin de tech- d'environnement (c'est~à,dire destinés à
nologies aptes à satisfaire les besoins des la protection de l'environnement} est
pauvres. Dans les pays en développement, estimé à lui seul à 500 milliards de dollars. Il faut une
quelque deux milliards d'individus n'ont Cependant, pour que le secteur privé deuxième
pas accès à l'électricité. Répondre à ce agisse, il a besoin de recevoir des signaux
besoin en faisant appel à des sources appropriés en termes de prix et d'incita- révolution
d'énergie propres et renouvelables per~ tions provenant du marché. verte pour les
mettrait de faire reculer la pauvreté et de
réduire la pollution à l'intérieur des bâti- populations les
ments. Le soleil et le vent sont disponibles 3. Supprimer les subventions plus pauvres
gratuitement dans des villages qui n'ont porteuses d'effets pervers
guère d'espoir d'être raccordés un jour à et restructurer la fiscalité dans
de la planète
un réseau électrique. L'énergie éolienne, un sens moins favorable aux formes
qui constitue aujourd'hui la source d'éner-
de consommation nuisibles à
gie dont le développement est le plus
rapide dans le monde, ne répond encore l'environnement et plus propice
qu'à 1 % de la demande mondiale d'élec- à celles contribuant
tricité. D'ici 2012, l'Inde prévoit de pro- au développement humain.
duire 10 % de son électricité à partir de
sources d'énergie renouvelables. Et au
De nombreux pays en développement ont
milieu du siècle prochain, celles,ci pour~
recours aux subventions - sur les produits
raient fournir la moitié de l'énergie
alimentaires ou énergétiques de première
consommée sur la planète.
nécessité, par exemple - pour aider les
Parmi les technologies utiles aux pauvres à survivre et pour faire reculer la
pauvres, les plus importantes sont sans misère. Dans le même temps, la plupart
doute celles destinées à la production agri, des pays du globe taxent la fotce de tra-
cole dans les zones écologiquement fra- vail ct subventionnent, directement et
giles. Les progrès de la production ali- indirectement, la pollution et les atteintes
mentaire dans une grande partie de l'Asie à l'environnement. Ces incitations por~
et de J'Amérique latine n'auraient pas été teuses d'effets pervers sont particulière'
possibles sans la révolution verte, cette ment courantes dans les secteurs de l'éncr,
percée scientifique qui a permis la pro~ gie, de l'eau, du transport routier et de
duction de variétés de riz, de blé et de l'agriculture. Dans ces quatre secteurs, le
maïs à haut rendement. Le rendement total mondial des subventions représente~
moyen mondial de ces trois céréales a plus rait entre 700 et 900 milliards de dollars
que doublé depuis 20 ans. Mais ces progrès par an. Par ailleurs, ces subventions ont
ont laissé de côté les zones à faibles pré~ souvent un effet redistributif négatif, c'est'
cipitations et les environnements écologi- à,dire qu'elles profitent avant tout aux
quement fragiles, où la subsistance des nantis - souvent organisés en groupes de
populations est assurée par le mil et le sor- pression politiques - tout en opérant une
gho, ainsi que par l'élevage des bovins, saignée sur les budgets publics.
ovins et caprins. Sur les vingt dernières En valeur absolue, le montant de ces
années, le rendement mondial moyen des subventions est environ deux fois plus
cultures de mil et de sorgho n'a progressé important dans les pays de l'OCDE que
que de 15 %. dans le reste du monde. Dans la sphère
Il faut une deuxième révolution verte OCDE, c'est l'agticulture qui teçoit le plus
pour ces populations, qui comptent parmi de subventions (plus de 330 milliards de

VUE D'ENSEMBLE 11
dollars), suivie par le transport routier d'accroître la consommation des pauvres.
(entre 85 et 200 milliatds). Dans les pays Ainsi, supprimer les subventions dans le
en développement et en transition, le plus secteur de l'eau permettrait de faire baisser
gros des subventions va à l'énergie (entre de 20 à 30 % la consommation de cette
150 et 200 milliards de dollars) et à l'eau ressource - ct même de 50 % dans cer·
(entre 42 et 47 milliards). Selon les termes taines parties de l'Asie. Il serait ainsi pos·
du Conseil de la terre, « le monde consacre sible de fournir de l'eau potable à la plus
chaque année des centaines de milliards à grande partie des 1,3 milliard d'individus
subventionner sa propre destruction. » qui en sont aujourd'hui privés, sans lancer
Les écoraxes - destinées à lutter contre de grands projets, écologiquement des·
la pollution, les embouteillages et la raré- truc te urs, de mise en exploitation de res·
faction des ressources - se révèlent très sources en eau.
efficaces dans les pays indusrrialisés comme Autre exemple: les péages sur les voies
dans les pays en développement. Très uti- les plus encombrées peuvent financer des
lisées en Europe de l'Ouest, elles y sont améliorations des transports publics et élar·
Remplacer les bien acceptées et sont au cœur des réformes gir les possibilités de transport. Ils peuvent
subventions de la fiscalité dans un sens écologique. limiter les embouteillages, économiser du
C'est le cas, par exemple, de la taxe sur la temps, réduire les coûts du transport public
porteuses pollution de l'air en Suède ou de celle sur et, dans la plupart des cas, améliorer la
d'effets pervers la pollution des eaux! aux Pays· Bas. répartition des revenus. Dans le pays en
Cependant! l'Europe n'est pas seule à agir développement, les subventions consacrées
par des dans ce domaine. Les taxes sur les effluents au transport routier représentent 15 mil-
écotaxes peut en Malaisie et celles sur les automobiles à liards de dollars. Depuis le début des
Singapour sont solidement établies ct ont années quatre·vÎngt·dix, la participation
servir de fait la preuve de leur efficacité. accrue du secteur privé au financement, à
catalyseur à On estime que les coûts sociaux des la construction et à l'exploitation des sys·
atteintes à l'environnement - qui échap· tèmes de transport public pousse à la réduc·
la croissance pent à la comptabilisation et aux contre· tion de ces subventions et à l'accroissement
durable parties financières - représentent cn des redevances d'utilisation. Ainsi,
l'Atgentine a réduit de 25 millions de dol.
moyenne plus de 4 % du PIB des pays
européens. Pour les Etats·Unis! les esti· lars ses subventions aux réseaux ferroviaires
mations varient entre 2 et 12 %. Les indi· de banlieue entre 1993 et 1995, lors de la
vidus sont, de fait, encouragés à utiliser la privatisation de l'exploitation des trans·
route d'une manière excessive, qui s'appa· ports urbains.
rente à un gaspillage. Les voitures parti· Faire baisser la fiscalité de la main-
culières, notamment, sont le moyen de d'œuvre pour augmenter celle des activi·
transport dont le prix est le plus sous·éva· tés polluantes et d'autres formes d'atteinte
lué et sont responsables des plus impor- à l'environnement pourrait présenter des
tantes dégradations de l'environnement. avantages considérables. Une étude de
Supprimer les subventions porteuses l'OCDE consacrée à la Norvège suggère
d'effets pervers qui encouragent les qu'un tel changement - qui serait neutre
atteintes à l'environnement, réduisent en termes de recettes - ferait baisser le
l'efficience économique et avantagent les chômage tout en encourageant le recy'
nantis - pour remplacer ces subventions clage et en réduisant les nuisances envi-
par des écotaxes - peut servir de cataly· ronnementales.
seur à la réduction des inégalités et de la De plus en plus de pays prennent
pauvreté et à l'amélioration des perspec· conscience des conséquences néfastes des
tives de croissance équitable. Les écotaxes politiques et subventions du passé. Les
génèrent des recettes supplémentaires, qui subventions sur les produits énergétiques
peuvent ensuite être consacrées à la pro· dans les pays en développement sont ainsi
tection de l'environnement, à la réduction passées de plus de 300 milliards de dollars
des prélèvements sociaux et des impôts sur au début des années quatre,vingt-dix à
le capital et l'épargne ou encore à l'amé· environ 150-200 milliards aujourd'hui. Les
lioration de l'accès aux services sociaux écotaxes se multiplient. Cependant, les
destinés aux pauvres. subventions assorties d'effets pervers
Les instruments décrits plus haut ne demeurent énormes et la fiscalité écolo-
peuvent avoir que des effets positifs. Ils gique est très loin d'avoir épuisé ses pos·
offrent la possibilité de modifier les modes sibilités. Même dans les pays nordiques, où
de consommation en vue d'inverser le pro- ont lieu certaines des expériences les plus
cessus des atteintes à l'environnement et intéressantes, les taxes sur la pollution et

12 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEME~T HUMAIN 1998


les péages sur les voies les plus encombrées tions par les prix. Dans d'autres cas, à
ne représentent encore qu'environ 7 % des d'autres époques, il faut commencer par
recettes de I!Etat. des incitations sur les prix et passer dans
un second temps à la réglementation, afin
de garantir un meilleur respect des règles
4. Renforcer l'action publique axée appropriées, en particulier une fois que la
sur l'éducation et l'information société en a accepté le principe.
des consommateurs, ainsi que sur Une nouvelle approche suscite un inté~
la protection de l'environnement. rêt croissant depuis quelques années: celle
de l'autorégulation d'un secteur via la
divulgation d'informations sur les pol~
L'élargissement des choix offerts aux lueurs industriels. Il s'agit d'encourager la
consommateurs n'a guère de sens si ces communication d'informations sur la pol~
choix se fondent sur des informations lution, à la fois comme moyen d'inciter
fausses ou trompeuses. Une action aux changements de comportement et
publique résolue destinée à protéger les comme point de référence pour l'adoption Il importe de
droits des consommateurs est nécessaire de réglementations. Aux Etats~Unis, le
pour contrebalancer les flux d!information Taxie Release lnventory (répertoire des
protéger
fortement déséquilibrés, dominés par la rejets toxiques), qui demande aux entre~ les droits des
publicité commerciale. prises de faire état du volume de matières
Les droits des consommateurs doivent toxiques rejetées dans l'environnement, en
consommateurs
être défendus de trois manières: est un exemple bien connu. Nombreuses des flux
• Par des normes de santé et de sécurité sont les entreprises qui répondent à cette
rigoureuses. demande en réduisant leur pollution afin
d'information
• Par un étiquetage des produits faisant de préserver leur réputation. déséquilibrés
état de leur contenu, de la manière de les
utiliser ct de leurs incidences sur l'envi~
ronnement et la société. 5. Renforcer les mécanismes
• Par des campagnes d'information et de internationaux afin de mieux gérer
sensibilisation sur les risques potentiels les conséquences planétaires de
pour la santé, concernant, par exemple,
la consommation.
les dangers du tabac ou d'une mauvaise
utilisation du lait maternisé.
La publicité peut servir des objectifs Les atteintes à l'environnement ignorent
positifs, mais elle doit être contrôlée, en les frontières. 11 en va de même pour les
particulier en ce qui concerne les spots changements dans les modes ct les habi~
télévisés destinés aux jeunes enfants. La tudes de consommation. La pauvreté et
Suède a ainsi décidé d'interdire toute publi~ l!inégalité sont des questions de portée
cité visant les jeunes de moins de 12 ans. mondiale, qui ne peuvent donc être trai~
Lorsque les incitations par les prix ne tées isolément, à l'échelle nationale. Elles
sont pas appropriées, il faut mettre en supposent par conséquent une action
place des lois et règlements destinés à pré~ internationale.
server l'environnement. S'ils sont conçus Les responsabilités internationales des~
de manière avisée, les dispositifs de tinées à garantir la viabilité à long terme
contrôle peuvent ouvrir des possibilités au de l'utilisation des ressources naturelles
consommateur, au lieu d'en fermer. font l'objet de débats dans de nombreux
Cependant, la mise en œuvre est tout cénacles. Lors de leur réunion à Kuala
aussi importante que la définition de la Lumpur, les parties à la Convention de
législation. Pour protéger les intérêts des Bâle sur l'interdiction des déchets dange~
pauvres, il faut des institutions fortes, et reux sont convenues d'interdire l'exporta~
résistant à la corruption! afin d'appliquer tion de ces déchets en direction des pays
la réglementation dans des domaines tels pauvres. La Convention sur la diversité
que les droits sur la terre, la sécurité biologique et la Convention sur le com~
d'occupation des logements et une infor~ merce international des espèces de faune
mation appropriée sur les biens de et de flore sauvages menacées d'extinction
consommation. ont toutes deu.x rencontré un grand succès.
Réglementation et interventions sur le Ces accords internationaux sont certes
marché peuvent se renforcer mutuelle- parfois en deçà des attentes et des idéaux.
ment. Certaines actions doivent partir Ils n'en vont pas moins dans la bonne
d'une réglementation, pour être ensuite direction. Le récent sommet de Kyoto sur
poursuivies par l!intermédiaire d'incita~ la Convention~cadredes Nations unies sur

VUE D'ENSEMBLE 13
le changement climatique fixe des pla- le plan de la production, de l'utilisation
fonds d'émission de dioxyde de carbone ou de l'évacuation).
pour les pays industrialisés et propose un Les milieux économiques ne restent
mécanisme de développement propre pour pas inertes face à cette demande de pro~
aider les pays en développement. Le finan, duits plus propres et plus sûrs. Des statis-
cement comme le dispositif institutionnel tiques provenant d'Europe de l'Est mon~
qui géreront ce mécanisme sont l'affaire trent ainsi que les entreprises exportant
de la communauté internationale. Il faut vers l'Union européenne ont tendance à
aussi traiter un autre problème: celui que adopter des processus de production plus
posent la baisse régulière de l'aide propres que celles produisant pour leurs
publique au développement et la montée marchés intérieurs, moins exigeants sur le
d'un endettement de plus en plus insup' plan de l'environnement.
portable pour les pays pauvres. On pense en général que les atteintes
De nombreux outils mondiaux de lutte à l'environnement sont une conséquence
contre la dégradation de l'environnement inévitable de la croissance économique. Il
Il faudrait et la pauvreté sont sous-utilisés. C'est le cas n'en est rien. Les atteintes à l'environne~
constituer des permis d'émission négociables, des ment opèrent une saignée sur la croissance
économique, et il est possible de recher·
conversions de créances en investissements
des alliances verts et des programmes de contrôle des cher un sentier de croissance qui ne nuise
pas à l'environnement.
puissantes au pratiques commerciales. Ces outils sont
Eradication de la pauvreté, viabilité à
toutefois bien souvent à double tranchant.
sein de la Ils nécessitent donc des négociations atten~ long terme de l'environnement et protec~
tion des droits des consommateurs sont
s ocié té civile tives, pour éviter de pénaliser les pays
pauvres, ce qui les rendrait encore plus trois aspects qui se renforcent mutuelle~
pour protéger pauvres. Le commerce des permis d'émis- ment. Pour éradiquer la pauvreté, le
sion ne doit pas amener les pays en déve~ monde n'a nul besoin d'une croissance qui
les droits des loppement à abandonner à jamais leurs ignore les droits du consommateur ou qui
consommateurs droits d'émission. Il faut un organisme détruise l'environnement. Bien au
mondial de coordination, qui pourrait contraire. La protection des droits des
prendre la forme - comme on l'a proposé consommateurs et celle de l'environne-
- d'une banque internationale des règle~ ment sont nécessaires pour éradiquer la
ments environnementaux, pour élaborer et pauvreté et réduire les inégalités.
gérer ces instruments de manière équitable. Il existe un vaste potentiel de renforce~
ment des alliances entre le mouvement de
défense de l'environnement, celui œuvrant
à l'émancipation de la femme, celui visant
6. Renforcer les alliances entre
à protéger les enfants, ainsi que les grou~
les mouvements s'attachant à
pements de consommateurs et les groupes
la défense des droits des de pression luttant contre la pauvreté. Les
consommateurs, à la protection préoccupations centrales de ces différents
de l'environnement, à l'éradication groupes présentent déjà un degré élevé de
de la pauvreté, à l'égalité entre convergence. Des alliances plus solides sont
hommes et femmes et aux droits nécessaires - et sont possibles. Il faut pour
des enfants. cela que chaque groupe mette l'accent sur
le besoin commun de développement
humain. L'union et la mobilisation
Les mouvements de défense des consom~ conjointe de ces groupements peuvent per~
mateurs ont aujourd'hui un pouvoir consi- mettre d'obtenir beaucoup plus.
dérable dans le monde entier. Ils contri~
buent à faire retirer du marché les produits
dangereux et se font l'avocat d'un étique- 7. Penser mondial, mais agir local.
tage approprié et de la fourniture de pro~
Capitaliser sur l'éclosion des
duits sans danger et peu coûteux.
initiatives dans les communautés du
Les consommateurs utilisent de plus en
monde entier et encourager
plus leur pouvoir d'achat pour promouvoir
les intérêts de telle ou telle communauté,
les synergies entre société civile,
y compris à l'autre bout de la terre. Des secteur privé et pouvoirs publics.
études réalisées en Europe montrent que
certains consommateurs sont prêts à payer Le nombre et la puissance accrus des grou-
5 à 10 % plus cher pour acheter des pro- pements de consommateurs et des mouve~
duits respectueux de l'environnement (sur ments pour la défense de l'environnement

14 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1998


dans le monde entier - y compris les Nombreuses sont les priorités en termes de
2 000 programmes « Action 21 » élabotés consommation qui restent à traiter dans
à l'échelon des villes et des aggloméra- les pays pauvres. Il faut préparer et encou#
tions - reflètent l'engagement des popu~ rager un accroissement de la consomma~
lations en faveur de l'action collective. De tion, mais en s'attachant à favoriser les
nombreux sondages d'opinion montrent relations positives, à faire en sorte que cet
que les individus attachent davantage accroissement contribue au développe-
d'importance à la communauté et à la vie ment humain et à se tenir à distance des
de famille qu'à l'acquisition de biens extrêmes en termes d'inégalités. Des pers~
matériels. Et nombreux sont ceux qui se pectives à long terme sont également
demandent comment donner une impor# nécessaires - pour éviter la mise en place
tance plus grande aux aspects humains. d'infrastructures ou d'institutions suscep#
Une centaine de pays établissent tibles d'entraîner un pays dans un schéma
aujourd'hui des rapports nationaux sur le de consommation non viable ou porteur
développement humain, qui comprennent de dysfonctionnements sociaux.
une évaluation de leur situation actuelle Dans les pays plus riches - c'est#à#dire L'accroissement
et des conclusions sur les mesures néces#
saires pour mettre davantage en valeur les
la plupart des pays industrialisés ct cer~
tains des pays en développement les plus
de la
aspects humains des modes de développe- prospères - le défi est différent. Il reste consommation
ment. La plupart de ces programmes iden# prioritaire d'éradiquer la pauvreté et de doit aussi
tifient des besoins dans les secteurs essen# satisfaire aux besoins essentiels de tous. De
tiels que sont l'enseignement, la santé et fait, il est scandaleux que ces deux objec# contribuer au
l'emploi, souvent en rapport avec les tifs ne soient pas cncore atteints dans les
opportunités liées aux réductions des bud# pays les plus prospères. Cependant, à
développement
gets militaires. mesure que les niveaux de vie moyens pro~ humain
Ces initiatives sont, dans bien des cas, gressent et que la pauvreté recule, il
le résultat d'alliances entre les pouvoirs devient de plus en plus nécessaire de
publics, les représentants de la société déplacer le centre de gravité de la poli-
civile et les organisations internationales. tique économique et sociale. De plus en
On enregistre également des progrès plus, l'accent doit porter sur l'accroissc#
dans le domaine de la consommation ment des possibilités en termes de modes
viable à long terme et de l'environnement, de vie et de consommation dans lesquels
sous la pression des citoyens, de l'action la créativité humaine puisse se déployer de
publique et des réactions du secteur privé. manière diversifiée ct accomplie, et dans
Grâce à quels outils? Les écotaxes, la sup~ lesquels la plus grande partie de la popu-
pression des subventions porteuses d'effets lation puisse bénéficier de niveaux de
pervers, l'instauratÎon d'une réglementa~ consommation confortables, c'est-à~dire
tion environnementale rigoureuse et assor- nettement supérieurs au seuil de subsis-
tie de pénalités, des efforts de la part des tance. Ces actions doivent venir s'allier
communautés en vue d'une meilleure ges- aux mesures en faveur de l'environnement
tion des ressources communes (lutte et du développement humain.
contre l'érosion, reforestation) et une Ces dernières années ont fait naître des
fourniture plus équitable d'infrastructures espoirs considérables, à mesure que s'accu~
et de services publics. mu laient les preuves qu'il était possible de
Cela montre le champ des possibles. faire évoluer les modes de consommation
Cela atteste également qu'il existe des dans le sens d'une réduction durable de la
soutiens en faveur d'un environnement pauvreté.
plus sain, d'une société plus équitable et Ces espoirs sont porteurs de défis. Les
de l'éradication de la pauvreté. Individus, niveaux élevés de consommation et de
ménages, société civile, pouvoirs publics production dans le monde d'aujourd'hui,
et entreprises privées: tous ont un rôle à ainsi que la puissance et le potentiel de la
jouer. Ensemble, par la complémentarité technologie et de l'information, offrent de
de leurs efforts, ils peuvent mobiliser vastes opportunités. Après un siècle de
encore plus d'énergies et mettre en place forte expansion matérielle, les dirigeants
encore plus de synergies en faveur de et les populations auront~ils la hauteur de
l'action. vue nécessaire pour rechercher et pour
rendre possible un progrès plus équitable
• • • et plus humain au XXle siècle?

VUE D'ENSE~1BLE 15
QU'EST-CE QUE LE DEVELOPPEMENT HUMAIN?

Le concept de développement humain est un moteur essentiel de la poursuite du développement


le développement humain est un processus consistant humain.
à élargir le champ des possibles ouvert aux individus. • Equité. les préoccupations liées à l'équité occupent
Cela passe par le développement des capacités et des une place centrale dans l'optique du développement
potentialités humaines. Quel que soit le niveau de humain. Même si la notion d'équité est, la plupart du
développement. les trois possibilités essentielles sont celles temps, appliquée à la richesse ou au revenu, le
de vivre longtemps et en bonne santé. d'acquérir des développement humain met l'accent sur l'équité en
connaissances et un savoir et d'avoir accès aux ressources termes de capacités et d'opportunités essentielles pour
nécessaires pour vivre dans des conditions décentes. tous. L'équité porte alors sur l'accès à l'éducation, à la
L'absence de ces capacités essentielles prive purement santé et aux droits politiques.
et simplement les individus d'un grand nombre de • Viabilité à long terme. La viabilité à long terme, ou
possibilités de choix et fait obstacle à un grand nombre durabilité, signifie qu'il importe de satisfaire aux besoins
d'opportunités. Pour autant, le développement humain des générations actuelles :>ans pour autant compromettre
ne s'arrête pas là. Il s'attache aussi aux possibilités de les aptitudes et les opportunités de celles à venir. Ce
choix dans d'autres domainesessenti€fs, ayant une grande concept passe donc par l'équité intragénérationnelle et
importance aux yeux des personnes: des opportunités intergénérationnelle. la viabilité à long terme est une
de créativité et de productivité dans les sphère politique, dimension importante du développement humain.
économique et sociale. le droit à la dignité, la maîtrise Comme nous l'avons vu,le développement humain est
de sa destinée et le sentiment d'appartenance à une un processus consistant à élargir le champ des possibles
communauté. ou....ert aux individus. Mais cet élargissement doit valoir
le revenu est bien évidemment l'un des principaux pour les générations présentes comme pour celles à venir,
moyens d'élargir les possibilités de choix et de bien-être. sans que l'une soit sacrifiée à l'autre.
Cependant, il ne peut s'interpréter comme représentant Depuis le début des années quatre·vingt·dix, des
la totalité de la vie humaine. débats d'ampleur mondiale sont consacrés au
développement durable (Conférence des Nations unies
Préoccupations mondiales et développement sur l'environnement et le développement, à Rio, en 1992)
humain aujourd'hui et au développement durable axé sur les personnes
Le développement humain est lié de différentes manières (Sommet mondial pour le développement social, à
aux préoccupations qui agitent le monde d'aujourd'hui: Copenhague, en 1995). Ces conférences ont un centre
• Droits de l'homme. Le développement humain conduit de gravité commun qui ne doit pas être ignoré: le
à la réalisation concrète des droits de l'homme, qu'ils développement humain. le concept de développement
soient économiques, sociaux, culturels, civiques ou humain n'est pas dissociable de celui de développement
politiques.l·optiquedu développement humain intègre durable, mais peut contribuer à sauver ce
« développement durable» d'une interprétation erronée :
l'ensemble des droits de la personne humaine: elle ne
se limite pas à une vision étroite, exclusivement centrée celle qui consiste à limiter cette forme de développement
sur les droits civiques et politiques. Il s'agit de mettre à sa dimension environnementale.
en place un cadre dans lequel les progrès du l'ensemble de ces approches soulignent la nécessité
développement humain aillent de pair avec ceux des droits d'un développement axé sur les personnes et s'attachant
de l'homme. à permettre la maîtrise des individus sur leur destinée,
En 1948, la Dédaration universelle des droits de la participation, l'égalité entre hommes et femmes, la
j'homme aHirmait que « toute personne a droit à un croissance équitable, la réduction de la pauvreté et la
viabilité à long terme.
niveau de vie suffisant pour assurer sa santé. son bien-
être et ceuxdesa famille, notamment pour l'alimentation,
l'habillement, le logement, les soins médicaux, ainsi que Comment mesurer le développement humain:
pour les services sociaux nécessaires... Toute personne l'indicateur du développement humain
a droit à l'éducation... au travaiL .. [et à] la sécuritésociate. » Depuis le premier numéro de la série, en 1990, les
Par la suite, différents instruments internationaux de Rapports mondiaux sur le développement humain
protection des droits de l'homme ont réaffirmé comprennent un outil de mesure appelé indicateur du
l'importance du dév~loppement axé sur les personne dé.. . eloppement humain (IDH). A l'évidence, il faut
en tant que droit universel, et identifié, parmi les admettre que le concept de développement humain est
dimensions supplémentaires de cette forme de bien plus large que cet IDH. Il est de fait impossible de
développement, la sécurité, la participation à la vie de définir un outil de mesure complet de ce paradigme - ou
la société, la liberté d'association, ainsi que l'absence même un ensemble complet de sous-indicateurs - et
dediscrimination et d'exclusion par rapport au processus cela, parce qu'un grand nombre des composantes
de développement. essentielles du développement humain ne sont pas
• Bien-être collectif. les droits, choix et opportunités quantifiables. Cependant, l'existence d'un outil unique
individuels ne peuvent toutefois pas être illimités. la liberté (et composite) de mesure du développement humain
dont jouit une personne peut limiter ou violer la liberté peut permettre d'attirer l'attention sur les problèmes,
d'un grand nombre d'autres personnes. Comme le montre de manière fort efficace. En tout état de cause, j'IDH ne
la réaction à l'individualisme excessif de l'économie saurait se substituer à un traitement plus exhaustif des
libérale. le monde a besoin de formes citoyennes de nombreuses préoccupations naissant de l'optique du
développement. Bien-être individuel et bien-être collectif développement humain.
sont indissociablement liés, et le développement humain L'IDH mesure le niveau moyen auquel se trouve un
nécessite un lien social fort et une répartition équitable pays donné selon trois critères essentiels du
des bienfaits du progrès, afin d'éviter les tensions entre développement humain: longévité, instruction et
ces deux pôles. Enfin, le pou.. . oir de l'action collecti.. . e conditions de vie. Cet indicateur composite comprend

16 RAPPORT MOKDIAL SUR LE JJËVELOPPE\1E"lT HUMAIN 1998


donc trois variables: l'espérance de vie, le niveau variables utilisées sont le pourcentage d'individus dont
d'éducation (mesuré, d'une part, par le taux l'espérance de vie ne dépasse pas soixante ans, le
d'alphabétisation des adultes et, d'autre part, par le taux pourcentage d'individus dont l'aptitude à lire et à écrire
combiné de scolarisation dans le primaire, le secondaire est loin d'être suffisante, la proportion de la population
et le supérieur) et le revenu (corrigé en fonction des parités ayant un revenu disponible inférieur à la demi-médiane
de pouvoir d'achat). du revenu individuel disponible et le pourcentage de
chômeurs de longue durée (c'est-à-dire au chômage depuis
L'indicateur de la pauvreté humaine au moins 12 mois).
Alors que l'IDH mesure le progrès général d'un pays en
termes de développement humain, l'indicateur de la
pauvreté humaine (IPH) s'attache à la répartition de ce L'indicateur sexospécifique du développement
progrès et tente de chiffrer les formes de dénuement humain
qui demeurent. L'IPH mesure ce dénuement en prenant
L'indicateur sexospécifique du développement humain
en compte les mêmes dimensions essentielles du
(ISDH) s'attache aux potentialités humaines essentielles
développement humain que l'IDH.
en se fondant sur les même variables que l'IDH, mais
en corrigeant cet IDH en fonction des inégalités
IPH-'
sociologiques entre les sexes. En fait, l'ISDH correspond
L'IPH·1 mesure la pauvreté dans les pays en
simplement à un IDH corrigé à la baisse en fonction des
développement. Les variables sur lesquelles il se fonde
inégalités entre femmes et hommes. Plus les écarts
sont le pourcentage d'individus dont l'espérance de vie
touchant aux aspects essentiels du développement
ne dépasse pas quarante ans, le pourcentage d'adultes
humain sont importants, plus l'ISDH du pays concerné
analphabètes et le dénuement en termes de manque
est faible par rapport à son IDH.
d'accès aux services procurés par l'économie dans son
ensemble, cette troisième variable étant elle-même
représentée par trois critères: le pourcentage d'individus l'indicateur de la participation des femmes
n'ayant pas accès aux services de santé celui des personnes
privéesd'accésà l'eau potable et le pourcentage d'enfants L'indicateurde la participation des femmes (lPF) indique
de moins de cinq ans victimes souffrant d'insuffisance si les femmes sont en mesure de prendre une part active
pondérale. à la vie politique et économique. Il se concentre, comme
son nom l'indique, sur la participation et mesure les
IPH-2 inégalités sociologiques entre les sexes en termes de
Publié pour la première fois dans le rapport de cette année, représentation et de pouvoir de décision dans certains
l'IPH-2 mesure la pauvreté humaine dans les pays domaines clef de la sphère économique et politique. Il
industrialisés. Sachant que les aspectsdu dénuement varient se fonde sur le pourcentage de femmes parmi les
en fonction des conditions socio-économiques générales parlementaires, parmi les postes d'encadrement supérieur
d'une communauté, cet indicateur distinct tire parti de et de direction, ainsi que les fonctions techniques et
la plus grande accessibilité de données statistiques dans d'encadrement et sur la part du salaire féminin en
les pays industrialises. Il se concentre lui aussi sur le pourcentage de celui des hommes. Il diffère ainsi de !'ISDH
dénuement et les déficits, et s'attache aux trois mêmes en ceci qu'il expose les inégalités en termes d'opportunités
dimensions que l'IPH-1, en y ajoutant l'exdusion. Les dans un petit nombre de domaines précis.

IDH, ISDH, IPH-l et IPH-2 : les mêmes composantes, mais des outils de mesure différentsnts
Longévité Savoir Conditions de vie Participation ou exclusion
IOH Espérance de vie 1. Taux d'alphabétisation Revenu par habitant corrigé des
à la naÎssance des adultes différences de pouvoir d'achat (en PPA)
2. Taux de scolarisation combiné
ISOH Espérance de vie à la 1. Taux d'alphabétisation des Parts de revenu des hommes
naissance des populations hommes et femmes et des femmes
féminine et masculine 2. Taux de scolarisation
combiné des populations
féminine et masculine
IPH-l Pourcentage d'individus Taux d'analphabétisme Dénuement en termes de
dont l'espérance de vie ne services fournis par:
dépasse pas 40 ans l'économie, mesuré par:
1. Le pourcentage de la population
n'ayant pas accès à l'eau
potable ou aux services de santé
2. Le pourcentage d'enfants de moins
de cinq ans souffrant d'insuffisance pondérale
IPH-2 Pourcentage d'individus dont Taux d'illetrism~ Pourcentage de la population vivant en deça du Taux de
l'espérance de vie ne dépasse seuil de pauvreté monétaire (correspondant chômage de
pas 60 ans à la demi·médiane du revenu individuel de longue durée
disponible) (12 mois et plus)

a. Selon le niveau l de compréhension de teldes suivis, fourni par tes résultats de l'Enqu~te internationale sur "alphabétisation des adultes réalisée par l'OCDE.

VUE Il'ENSEMBLE 17
CHAPITRE 1

Où en est le développement humain ?


Le développement humain progresse, mais • Le développement humain reste fragile


cette amélioration générale est marquée et réversible. En témoignent les chiffres
La notion de par d'importantes inégalités entre les per~ sur les menaces que font peser les conflits
développement sonnes comme entre les pays, et compro~ armés, la récession économique et l'épidé~
mise par de multiples reculs. Le dévelop· mie du sida.
humain pemenr humain - processus
s'intègre peu à d'élargissement des choix qui passe par la
possibilité de vivre une vie longue, saine Une reconnaissance plus large du
peu au courant et constructive (voir pages 16 et 17) - développement humain
est confronté à des défis permanents, à
dominant du des problèmes nouveaux et aussi à des
débat sur le revers. La notion de développement humain
Ce chapicre propose un tour d'horizon s'intègre peu à peu au courant dominant
développement des avancées et reculs du développement du débat sur le développement mondial.
mondial humain - la question des modes de Elle permet de sortir d'une conception du
consommation étant abordée ultérieure· développement limitée à la croissance
ment. Les principaux points que nous économique. La personne humaine est au
développerons ici sont les suivants: cœur du concept de développement
humain. La croissance économique et la
• De plus en plus nombreux, les rapports
progression de la consommation ne sont
nationaux sur le développement humain
donc pas, ici, considérées comme des fins
sont les instruments d'un plaidoyer en
en soi, mais plutôt comme des moyens de
faveur de ce concept et du dialogue sur les
faire progresser ce développement humain.
mesures à prendre. Cette multiplication
Cependant, les choix politiques restent
reflète une prise de conscience accrue de
dominés par le souci de la croissance éco,
la nécessité de politiques de développe~
nomique comme fin en soi. Dans ce
ment national axées sur les personnes. Ce
contexte, on mesure souvent le succès et
chapitre décrit les conséquences d'une
l'échec à l'aune de la progression du PIB
telle évolution.
et des résultats des marchés financiers, au
• Les avancées sont mises en contraste lieu d'envisager comment la croissance
avec les reculs et retards, dressant ainsi un économique peut contribuer à un déve~
tableau exhaustif de la situation en termes loppement humain durable et équitable.
de développement humain. L'idée de développement humain reste à
• Pauvreté humaine et dénuement restent prendre en compre dans de nombreux
un défi considérable dans les pays pauvres aspects de l'élaboration des politiques et
comme dans les pays riches. Un nouvel de l'action publique.
indicateur de la pauvreté humaine mesure De nombreuses années d'action des
l'importance de ce phénomène dans les individus en faveur de la justice sociale -
pays industrialisés. intensifiée par la progression des mouve~
• Sont également illustrées les inégalités ments issus de la société civile et la mon~
sociologiques entre les sexes et les dispa~ dialisation de l'information - ont
rités persistantes entre riches et pauvres, toutefois ouvert la voie à l'humanisation
entre populations urbaines et rurales et des priorités du développement. Dans
entre groupes ethniques. A ce titre, ce presque tous les pays du globe, les indivi,
chapitre présente les résultats des calculs dus se mobilisent - au travers d'actions,
de l'indicateur sexospécifique de dévelop, d'organisations et de mouvements - pour
pernent humain et de l'indicateur de la faire progresser le développement humain.
participation des femmes. Et ils parviennent à influer de manière

18 RAPPORT MOI"WIAL SUR LE DÉVELOPPEME>JT HUMAIN 1998


décisive sur les préoccupations des pou- TABLEAU 1.1
voirs publics et des organisations interna- Pays et régions ayant publié un rapport sur le développement
tionales. L'espace démocratique ouvert à humain
l'action populaire s'élargit dans la plupart Népal, 1997 Tadjikistan, 1995, 1996,
Afrique subsaharienne
des pays - avec la liberté d'association, Pakistan, 1992 1997, 1998
la liberté des médias, le renforcement de Angola, 1996, 1997
Papouasie-Nouvelle· Turkménistan, 1995,
Bénin, 1997
l'activisme judiciaire, la multiplication des Guinée, 1998 7996, 7997, 1998
Botswana, 1993
possibilités de partenariat entre public et Philippines, 1992, 7994, Turquie, 1995, 1996,
Burkina Faso, 1997
privé, et la prise de conscience accrue des 1997 1997, 7998
Burundi, 1997
Sri Lanka, 1998 Ukraine, 1995, 1996,
problèmes sociopolitiques. La demande de Cameroun, 1992,
Thaïlande, 1998 1997, 7998
développement humain continuera donc 1993, 1996 Viet Nam, 1998
Cap-Vert, 1997 Yougoslavie, 1996, 1997,
inévitablement de s'intensifier. Comores, 1997 Rapports régionaux: 1998
Côte d'Ivoire, 1998 Iles du Pacifique, 1994 Rapport régional:
Ethiopie, 1997 Asie du Sud, 1997, 1998 Europe de l'Est et CEl,
Gambie, 1997
Un rapport national sur le 1995
Ghana, 1997
développement humain dans Guinée, 1997 Europe de l'Est et CEl
100 pays Guinée·Bissau, 1997 Albanie, 1995, 1996,
Guinée équatoriale, 1997, 1998 Amérique latine et
1997 Arménie, 1995, 1996, Caraïbes
C'est en 1992 que le Bangladesh, le Kenya, 1998 1997, 1998 Argentine, 1995, 1996
Lesotho, 1998 Azerbaidjan. 1995, 1996,
Cameroun, le Pakistan et les Philippines libéria, 1998 Belize, 1996
ont publié les premiers rapports nationaux 1997, 1998 Bolivie, 1998
Madagascar, 1996, Bélarus, 1995, 1996,
sur le développement humain. Ils sont 1997 La Paz,' 1995
1997, 1998 Cochabamba,1 1995
aujourd'hui plus de 100 pays à le faire, Malawi, 1997
Bosnie-Herzégovine, 1998 Santa Cruz,· 1996
avec le soutien du PNUD (tableau 1.1). Mali, 7995 Bulgarie, 1995, 7996,
Mauritanie, 1996 Brésil, 1996, 7998
On dénombre également quatre rapports 1997, 1998 Chili, 1996, 1998
Namibie, 1996, 1997 Sofia i
7997
régionaux couvrant chacun plusieurs pays, Niger, 1997
,
Colombie, 1998
Croatie, 1997, 1998 Costa Rica, 1995, 1996,
dont un concernant l'Asie du Sud, rédigé Nigéria, 1996, 1997 Estonie, 1995, 1996,
par le premier institut non gouvernemen- Ouganda, 1996, 1997 1997
Rép. centrafricaine,
1997, 1998 Cuba, 1998
tal consacré exclusi verne nt au développe~ 1996 Géor9ie, 1995, 1996, El Salvador, 1997
ment humain - le Human Developmem 1997, 1998
Sierra Leone, 1996 Guatemala, 1998
Centre (Centre pour le développement Hongrie, 1995, 1996,
Swaziland, 1998 Guyane, 1996, 1997
7998
humain), installé au Pakistan. Cette pro- Tanzanie, Rép.-Unie
Kazakhstan 1995, 7996, Honduras, 1998
gression fulgurante témoigne clairement de, 1998 Paraguay, 1995, 1996
Tchad, 1998 1997, 1998
de la volonté d'orienter le développement Kirghizistan, 1995, 1996,
Pérou, 7997
Togo, 7994, 1995 Rép. dominicaine, 1997
vers des actions diversifiées axées sur les Zambie, 1997
1997, 1998
Lettonie, 1995, 1996, Trinité·et-Tobago, 1997
personnes. Uru9uay, 1996
Rapport régional: 7997, 1998
Publié chaque année depuis 1990, le Afrique, 1995 Lituanie, 1995, 1996, Venezuela, 1995, 1997
Rapport mondial SUT le développement 1997, 1998
humain s'est traduit, sur le plan national, Macédoine (FYROM),
Asie et Pacifique 1997, 1998
par des débats sur l'importance d'axer les Pays arabes
efforts de développement sur les per~ Bangladesh, 1992, Malte, 1996, 1998
Moldova, Rép. de, 7995, Bahrein, 1997
1993, 1994, 1995,
sonnes, leurs potentialités et les opportu- 1996, 1997 1996, 1997, 1998 Egypte, 1994, 1995,
nités qui leur sont offertes. Il a également Cambodge, 1997 Ouzbékistan, 1995, 1996, 1996
permis d'attirer l'attention sur les enjeux Chine, 1998 1997, 1998 Emirats arabes unis, 1997
Corée, Rép. de, 1998 Pologne, 1995, 1996, Iraq, 1994, 1995, 1996
considérables de j'accélération du déve-
Indonésie, 1997 1997, 1998 Koweït, 1997
loppement humain dans de nombreux pays Rép. tchèque, 1996, Liban, 1997
Iran, Rép. islamique d',
en développement. La Guinée en est pro~ 1998 1997, 1998 Maroc, 1997
bablement l'exemple le plus frappant. Rép. dém. pop. lao, Roumanie, 1995, 1996, Qatar, 1997
Classé dernier sur l'échelle du développe- 1998 7997, 1998 Soudan, 1997
ment humain en 1993, ce pays s'est engagé Madhya Pradesh, Inde,l Russie, féd. de, 1995, Yémen, 1997
dans un « examen de conscience natio~ 1995 1996, 7997, 1998
Mongolie, 1997 Slovaquie, 1996, 1997, Territoires palestiniens
nal. pour rechercher les causes de Myanmar, 1997 1998 occupés b . 1997
l'absence de progrès. Cet effort a conduit
a. Rapport infra national
à l'élaboration d'un cadre d'action, à la b. Profil du Mveloppement humain
mise en place d'un programme et à la Source: Bureau du Rapport mondial sur le d~veloppeme"t humain.
publication d'un rapport national sur le
développement humain.
Le Bangladesh est le pays qui, à ce 1992). Presque tous les pays d'Europe de
jour, à publié le plus grand nombre de l'Est et de la Communauté des Etats indé-
rapports annuels (le premier remontant à pendants (CEl) publient de tels docu-

OÙ El' EST LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN' 19


ENCADRE 1.1
Les rapports na~ionaux sur le développement humain: un impact réel
Les rapports nationaux sur le développe- recherche. Grâce au large éventail d'infor~ nationale de réduction de la pauvreté, sug~
ment humain peuvent constituer un outil marions quantitatives et qualitatives de gérée, elte aussi, par les conclusions des
efficace pour les pouvoin; publics, les ins- l'observatoire, ce rapport a pu se concen~ rapports lettons.
titutions de la sodété civile, les citoyens, trer sur les aspects multiples de la pauvreté
les représentants de la classe politique et humaine. Le rapport a apporté une contri- Brésil: allouer des budgets aux pro~
les universitaires dans leurs efforts concer- bution essentielle au Plan national de grammes de développement humain
tés pour promouvoir le développement développement 1998~2002 et contribué à L'expérience du Brésil montre comment
humain. Ils contribuent en effet à tappro~ faire de l'éradication de la pauvreté la pre- un rapport national sur le développement
cher ces différents groupes et à cimenter mière priorité du pays. humain peut recevoir une véritable atren~
un conSensus. EnHn, riches d'une certaine tion et modifier profondément la façon
indépendance de rédaction, ils ouvrent la Egypte : combattre les disparités socio. dont un pays consacre ses ressources aux
voie à de nou\'elles perspectives de pensée économiques besoins du développement. La rédaction
et d'action, aspect essentiel pour faire face Les rapports pour l'Egypte, qui anal)'sent les du rapport 1996 a mobilisé des chercheurs
aux défis du développement humain et de disparités socio-économiques entre villes et de 25 institutions (gouvernement. ONG,
l'éradication de la pauvreté. campagnes, entre régions et entre hommes organismes des Nations unies, universités)
et femmes, sont devenus des ourils efficaces et réuni des informations détaillées sur le
Philippines: priorité nationale au déve.. d'aide à l'élaboration des politiques natio- développement humain dans les 27 Etats
loppement humain nales ou infra-nationales, d'affectation des du Brésil. Ce rapport a débouché sur plu~
Les rapports publiés aux Philippines ont ressources et d'évaluation des progrès. sieurs initiatives intéressantes. Ainsi, j'Etat
changé la planification du développement Depuis la publication du premier rapport du Minas Gerais a décomposé encore plus
dans ce pays. L'élaboration de ces rapports pour l'Egypte, les gouverneurs des 26 finement son indicateur du développement
a été un processus efficace, rransparent et régions du pays se sont réunis à plusieurs humain pour que toutes ses municipalités y
consultatif, mené en partenariar par des reprises pour examiner ensemble les dispa- figurent. Il a ensuite adopté la « Loi Robin
universitaires, des représentants des ONG rités de développement humain entre et au des Bois .. , visant à accorder une plus
et des représentants des pouvoits publics sein de leurs gouvernorats, et Ont défini de grande part des recettes fiscales aux muni-
agissant à tirre personnel. Après la publi- nouvelles stratégies pour y remédier. Ils ont cipalités situées le plus bas sur l'échelle du
cation du rapport 1997, le président Fidel modifié l'ordre des prioyités du développe~ développement humain et présentant des
Ramos a imposé à t'Outes les adminiHra- ment et consacré des ressources nouvelles tésultats médiocres à l'aune d'autres indi-
tians locales de consacrer au minimum aux: régions tes plus démunies. Ils Ont déHni cateurs sociaux et environnementaux. Les
20 % de leurs recettes fiscales aux priorités une place-forme d'action et de suivi pour montants versés aux municipalités sont
du développement humain. Il a également évaluer les progrès réalisés dans la réduction aussi conditionnés par l'adoption réussie
demandé au Conseil national pour la coar· des disparités, sur la base des conclusions et de programmes concrets pour surmonter les
dination des statistiques d'inclure, de façon des indicateurs du rapport national. carences détectée,s. La situation géogra-
régulière, l'indicateur du développement L'Assemblée du peuple et la Choura - les phique, la puissance économique et la
humain dans l'appareil statistique destiné deux chambres du Parlement - se servent population ne sont donc plus les seuls
à identifier les disparités entre les pro- aussi de ce rapport pour leun; analyses. paramètres déterminant l'allocation des
vinces. Il a appelé le ministère du Budget ressources aux municipalités. Désormais, la
et de la fonction publique à soutenir ftnan~ Lettonie: prôner. L'intégration sociale et répartition des budgets dépend aussi du
cièrement la création d'une base de don~ la réduction de la pauvreté niveau de développemenr humaÎn.
nées sur le développement humain. Enfin, Les rapports sur te développement humain
il a enjoint au ministère de l'Intérieur et pour la Lettonie traitent de questions dif~ Russie: concentrer l'attention des uni~
aux collecrivités locales de suivre attenti~ ficHes qui sont communes à beaucoup de versitaires sur le développement humain
vernent les indicateuts du développement pays en transition {baisse du niveau de vie, Publiés chaque année depuis 1995, les rap~
humain à l'échelon provincial et com.rnu~ augmentation de la pauvreté et creusement ports sur le développement humain pour la
nal, et de récompenser les plus méritants. des écarts de revenu} tout en s'intéressant Russie soulignent l'accroissement des
plus précisément aux problèmes de déve- inégalités, l'augmentation de la pauvreté
Bénin: le suivi du développement loppement propres au pays. Du fait de la et ('affaiblissement de la protection ~ociale
humain au service de la planification diversité. ethnique et linguistique de la dans le pays. Cette évaluation des consé-
Le rapport 1997 pour le Bénin informe les population lettone, ces rapports mettent quences de la transition économique et
décideurs des progrès et des reculs du déve- l'accent sur le problème de l~ cohésion sociale pour la population a poussé nombre
loppement humain et de la pauvreté, tQut sociale dans le contexte d'une démocratie d'univerSitaires russes, ainsi que le dépar-
en fournissant des analyses et des recom- encore jeune et du passage à l'économie de tement d'économie de l'université natio~
mandations. Nouvellement créé, un marché. Les recommandations portent sur nale de Moscou a créer une matnise en
.. obsetvatoire de j'évolution sociale .. se la protection des draies de l'homme, la développement humain. Ceue université a
fonde sur des bases de données .sophisti~ bonne gestion des affaires publiques, également organisé un séminaire sur le
quées, des enquêtes sur les ménages, des l'urgence d'établir un système juri.dique développement humain en Russie, qui a
évaluations ponctuelles des participations équitable et la nécessité de définir une rassemblé des universitaires, des étudiants,
stratégiques et une matrice de comptabi~ stratégie nationale contre la pauvreté. Ces des chercheurs. ainsi que des représentants
lité sociale pour opérer un suivi du déve~ rappons ont permis l'élaboration de pro- des pouvoirs publics et d'organismes des
loppement humaÎn et la pauvreté et ana~ grammes nationaux pour la sauvegarde et ations unies. On espère que d'autres
I)'ser les choix des mesures envisageables, la promotion des droîts de l'homme ainsi recherches universiraiœs seront mises en
ainsi que leurs impacts. Le rapport natio- que pour l'enseignement de la langue let- œuvre pour apporter un soutien essentiel
nal sur le développement humain synthé~ tone comme moyen d'intégration sociale. aux débats et 1\ la planification dans le
tise les résultats de toutes-ces initiati\·cs de L'Etat a également engagé une stratégie domaine du développement.
Sources; PNUD 1995b, 1997b. 1997d, 1997e, PNUD et InStituto de Pesquisa Econ6mica Aplicada, 1996, Egypte, Institut de la planification nationale, 1996.

10 RAPPORT MONDIAL SUR LE DËVELOPPEMENT IIUMAIN 1998


ments depuis 1995. Des rapports ont Bangladesh et les Philippines ont élaboré Tendances dans les pays
même été établis à l'échelon infranatio- des rapports sur les femmes et le dévelop~ Industnalises et
nal: pour l'Etat indien du Madhya pement, tandis que l'Arménie, la Lituanie en développement
Pradesh, ou encore les villes de La Paz, et la Pologne traitent de l'habitat et des DIAGRAMME 1.1
Cochabamba et Santa Cruz cn Bolivie, ou établissements humains.
de Sofia en Bulgarie. Tous ces travaux Espérance de vie
offrent une perspective en profondeur de • Mettre l'accent SUT l'équité dans la piani..
la sicuarion locale ct des stratégies natio- [ication du développement. Parce qu'ils four-
nissent des indicateurs et indices mul- Pays
nales en faveur du développement ~_-, industrialisés
humain. tiples, ces rapports permettent de suivre
Ces rapports sont rédigés par des les progtès et reculs du développement
équipes nationales en consultation avec humain et de la pauvreté. Une des carac- 60
les autorités et les partenaires associés au téristiques les plus intéressantes de nom..
développement. Ils constituent un outil breux rapports nationaux tient à la
nouveau et unique de dialogue et permet- décomposition des indicateurs du déve .. 50
cent d'évaluer la situation du développe- loppement humain (lDH, lSDH et IPH)
ment humain dans un pays, et de propo- en fonction des régions, provinces, zones
ser un cadre d'intervention pour la rurales ou urbaines ou groupes ethniques, 4()

réalisation des objectifs liés à cene préoc- ce qui permet de mieux cerner les ques..
tions d'équité. Une telle décomposition 1970 1995
cupation. Nombre d'cntre eux ont une
influence substantielle (encadré 1.1). constitue un outil précieux de planifica~ Source: Bureau du Rapport moodial
sur Je développement humain.
tian pour les pouvoirs publics et permet
Quel est le rôle de ces rapports dans la
de cibler les progtammes de développe- DIAGRAMME 1.2
promotion du développement humain?
ment et les dépenses publiques en faveur Taux de mortalité des enfants
Leur portée, leur nature ct les procédures de moins de cinq ans
des zones défavorisées en termes de déve..
présidant à leur rédaction et à leur suivi
loppement humain. Pour 1 000 naissances vivantes
varient considérablement d'un pays à
• Articuler les attentes et priorités des popu..
l'autre. Et ils n'cn sont cncore qu'à leurs
débuts. Cependant. l'examen de l'utilisa~ Lations. Certains rapports fournissent un
aperçu intéressant de la conception qu'ont 200
tion qui en est faite révèle quatre grandes
les populations du développement Pays
tendances:
humain, ainsi que de leurs préoccupations 150 les moins
• Promouvoir le développement humain. Les et priorités, et les intègrent à l'analyse des avancés
Tappons nationaux mettent au premier mesures à prendre. Citons en particulier 100 Pays en
plan la question du développement le rapport de 1996 sur le Bangladesh, qui
humain et demandent un recentrage de développement
accorde une importance égale à deux éva~ 50
l'action publique en direction des per~ luations distinctes de la pauvreté: une Pays
sonnes. Ils jouent un rôle important dans étude analytique réalisée par des universi~ industrialisés
le dialogue entre les partenaires du déve~ [aires à partir de chiffres et de résultats
loppemenr et complètent les efforts de 1970 1996
d'enquêtes, et une évaluation participative
planification des autorités, ainsi que les exhaustive, réalisée par les populations Source: Bureau du Rapport moodial
initiatives émanant de la société civile et sur Je développement humain.
pauvres elles~mêmes.
les rapports et études financés par les
donateurs. DIAGRAMME 1.3
• Mettre en Lumière les préoccupations Progrès et reculs du développement Taux d'alphabétisation
essentielles. Dans la plupart des pays, le des adultes
humain
premier rapport national établit un profil Pourcentage
de développement humain, alors que les
rapports suivants sont thématiques. Le Un enfant né aujourd'hui dans un pays en 70 Pays en
développement
Bénin, le Cambodge, le Cameroun, développement a une espérance de vie
Madagascar, la Namibie, le Nigéria, la plus longue de 16 ans qu'un enfant né il y 60
Sierra Leone et l'Etat indien du Madhya a 35 ans. Les pays en développement ont
Pradesh ont tous publié des rapports axés parcouru au cours des trente dernières 50
sur le thème de la pauvreté. Nombre des années autant de chemin que les pays
rapports élaborés par les pays d'Europe de industrialisés en plus d'un siècle (dia~ 40
l'Est et de la CEl ont été consactés à la grammes 1.1, 1. 2 et 1.3). Leur taux de
transition d'une économie à planification mortalité infantile s'est réduit de plus de 30
centralisée vers une économie de marché. moitié depuis 1960. Au cours des vingt
Ils se tournent aujourd'hui vers des ques~ dernières années, plus de 3 millions 1970 1995
tions liées à la gestion des affaires d'enfants ont pu être sauvés chaque année
Source: Bureau du Rapport mondial
publiques et aux droits de l'homme. Le grâce à l'extension de la couverture vac- sur le développement humain.
dernier rapport publié par la Namibie cinale de base. Les taux de malnutrition
traite du sida et de la pauvreté. Le des enfants ont reculé cllun quart. Le taux

OÙ EN EST LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN! 21


DIAGRAMME 1.4 combiné de scolarisation primaire et TABLEAU 1.2
Similarité des IOH, secondaire a plus que doublé ct la propor~ Classement des pays industrialisés
différences de revenu tian de foyers ruraux ayant accès à l'eau selon l'IOH, 1995
Indicateur du Revenu
potable est passée de 10 à environ 60 %.
Indi-
développement PIB réel Depuis 30 ans, toutes les régions ont cateur PIB
humain par habitant progressé sur l'échelle du développement du réel Ecart
(PPA) fournie par l'indicateur du développement déve· pO' de
1,00 12000 loppe- Clas- habi~ clas-
r. ~ Corée, Rép. de
humain. Cet indicateur composite, élaboré
pour 174 pays présentant des chiffres com-
ment sement tant sement
humain selon (PPA) PIB-
parables, mesure les progrès réalisés dans Pays (lDH) 1'IDH 1995 1DH~
~10000H trois dimensions du développement
Canada 0,960 1 21 916 la
humain - la santé, le savoir et les condi~ France 0,946 2 21 176 12
tions de vic. Norvège 0,943 3 22 427 5
Etats-Unis 0,943 4 26977 -1
Islande 0,942 5 21064 10
Que nous apprend l'lDH de cette année? Finlande 0,942 61854717
'--' Costa Rica Pays~Bas 0,941 7 19876 11
~~" Botswa na Japon 0,940 8 21 930 2
• Le Canada, la France, la Norvège et les Nouvelle-Zélande 0,939 9 17 267 17
Suède 0,936 10 19297 12
Etats~Unis arrivent en tête du classement
Gabon 0,935 11 14789 19
Sn Lanka
selon l'IDH (tableau 1.2). Parmi les pays Espagne
Belgique 0,933 12215480
en développement, Chypre et La Barbade 13 21 322 0
Autriche 0,933
occupent les premières places avec des Royaume-Uni 0,932 14 19302 7
lDH respectifs de 0,913 et 0,909, à peine Australie 0,932 15 19632 5
inférieurs à ceux de la Grèce, de l'Italie et Suisse 0,930 16 24881 -12
o d'Israël (tableau 1.3). Irlande 0,930 17 17 590 8
• Certaines régions du monde ont davan~ Danemark 0,928 1B 21 983 -9
Allemagne 0,925 19 20370 -3
Source: Bureau du Rapport mondial sur le tage de retard à rattraper que d'autres. Grèce 0,924 20 11 636 15
développement humain. Ainsi, pour atteindre le maximum théo~
Italie 0,922 21 20 174 -4
rique, l'Asie du Sud a deux fois plus de Israèl 0,913 22 16699 6
chemin à parcourir que l'Asie de l'Est, et Luxembourg 0,900 26 34004 -25
trois fois plus que l'Amérique latine et les Malte O,B99 27 13 316 5
Caraïbes, Portugal 0,892 33 12 674 1

• Il subsiste d'importantes inégalités dans Slovénie 0,887 37 10594 1


DIAGRAMME 1.5
Rép. tchèque 0,884 39 9775 2
Similarité des revenus, le développement humain. L'indicateur du Slovaquie 0,875 42 7 320 9
différences d'IOH Canada - 0,960 - est cinq fois supé- Hongrie O,B57 47 6 793 6
Revenu Indicateur du rieur à celui de la Sierra Leone, qui est de Pologne 0,851 52 5 442 17
PIB réel par développement 0,185. Le Canada a ainsi un déficit de Bulgarie 0.789 67 4604 8
habitant humain développement humain (par rapport à la Sélarus 0,7B3 6B 4398 11
(PPA) valeur maximale théorique) de seulement Russie Féd. de 0,769 72 4531 5
Roumanie 0.767 74 4431 4
4 %, contre 82 % pour la Sierra Leone.
li 4 ooo~ Paraguay
• Sur les 174 pays considérés, 98 sont
Croatie 0,759 76 3 972 10
Philippines Estonie 0,758 77 4062 5

W
mieux classés selon l'lDH que selon le PIB Lituanie 0,750 79 3B43 12
par habitant (exprimé en PPA, ou parités Macédoine
0,600
3 0 de pouvoir d'achat), ce qui semble indi~ ('YROM) 0,749 BO 4058 3
Maroc Lettonie 0,704 92 3 273 8
• -j quer qu'ils ont converti très efficacement Kazakhstan 0,695 93 3 037 11
Nicaragua leur prospérité économique en potentiali~
Arménie 0,674 99 2 208 24
tés humaines. Cette réussite est particu~ Ukraine 0,665 102 2361 16
Rép. dém. pop. lièrement notable pour des pays à faible Turkménistan 0,660 103 2.345 17
lao
revenu tels que le Lesotho, Madagascar, la Ouzbékistan 0,659 104 2 376 13
République-Unie de Tanzanie et le Viet Albanie 0,656 105 2 B53 3

Nam. Géorgie 0,633 lOB 1 389 33


Sénégal Kirghizistan 0,633 109 1 927 18
• POUt 73 pays, le classement en fonction Azerbaîdjan 0,623 110 1 463 28
de l'IDH est en revanche moins bon que Moldova, Rép. de 0,610 113 1 547 23
le classement selon le PIB par habitant Tadjikistan 0,575 118 943 43
o (en PPA), ce qui semble indiquer qu'ils
a. Les résultats positifs dans la colonne Ecart de
Source· Bureau du Rapport mondial sur le
n'ont pas su tirer parti de leur prospérité classement signifient que le pays en question
développement humain. économique pour améliorer les conditions obtient de meilleurs résultats en termes d'IDH que
d'existence de leur population, Ce constat de PIS réel par habitant (en PPA), les résultats
négatifs signifiant le contraire.
est particulièrement alarmant pour cer~ Source: Bureau du Rapport mondial sur le
tains pays relati vement riches (Brunéi développement humain.

22 RAPPORT MO'<OIAL SUR LE OÉVELOPPEMEl':T HUMAI'< 1998


TABLEAU 1.3
Classement des pays en développement selon l'IOH, 1995
Indicateur PIB réel Ecart de Indicateur PIB réel Ecart de
du dévelop- Clas- par ha- classe- du dévelop- Clas- par ha- c1asse-
pement sement bitant ment pement sement bitant ment
humain selon (PPA) PIB- humain selon (PPA) PIB-
Pays (I0H) l'IOH 1995 IDHI Pays (IOH) l'IOH 1995 IOHI

Chypre 0,913 23 13 379 B Guatemala 0,615 111 3682 -16


Barbade 0,909 24 11 306 13 E9ypte 0,612 112 3829 -20
Hong-Kong (Chine) 0,909 25 22950 -19 El Salvador 0,604 114 261O -2
Singapour 0,896 28 22 604 -21 Swaziland 0,597 115 2954 -10
Antigua-et-Barbuda 0,B95 29 9131 16 Bolivie 0,593 116 2617 -6
Corée, Rép. de 0,894 11 594
Cap-Vert 0,591 117 2612 -6
30 6
Chili 0,893 31 993O 9 Honduras 0,573 119 1977 7
Bahamas 0,893 32 15738 -3 Gabon 0,568 120 3766 -26
Costa Rica 0,889 34 5969 28 S:io Tom~et-Principe 0,563 121 1 744 11
Brunéi Darussalam 0,889 35 31 165 -33 Viet Nam 0,560 122 1 236 26
Argentine 0,888 8498 11 Salomon, Iles 0,560 123 2230 -2
36
Uruguay 0,885 38 6854 14 Vanuatu 0,559 124 2507 -9
Trinité-et-Tobago 0,880 40 9437 3 Maroc 0,557 125 3477 -27
Dominique 0,879 41 6424 15 Nicaragua 0,547 126 1 837 3
Bahreïn 0,872 43 16751 -16 Iraq 0,538 127 317O -25
Fidji 0,869 44 6159 16 Congo 0,519 128 2554 -14
Panama 0,868 45 6258 14 Papouasie-Nouvelle-Guinée 0,507 129 2500 -13
Venezuela 0,860 46 8090 2 Zimbabwe 0,507 130 2 135 -6
Emirats arabes unis 0,855 48 18008 -24 Myanmar 0,481 131 1 130 22
Mexique 0,855 49 6769 5 Cameroun 0,481 132 2355 -13
Sa int-Kitts-et-Nevis 0,854 50 10150 -11 Ghana 0,473 133 2032 -8
Grenade 0,851 51 5425 19 Lesotho 0,469 134 1 290 12
Colombie 0,850 53 6347 4 Guinée équatoriale 0,465 135 1 712 -1
Koweït 0,848 54 23848 -49 Rép. dém. pop. lao 0,465 136 2 571 -23
Saint-Vincent 0,845 55 5969 6 Kenya 0,463 137 1 438 2
Seychelles 0,845 56 7697 Pakistan 0,453 138 2209 -16
-6
Qatar 0,840 57 19772 -38 Inde 0,451 139 1 422 1
Sainte-Lucie 0,839 58 6530 -3 Cambodge 0,422 140 1 110 14
Thaïlande 0,838 59 7742 -10 Comores 0,411 141 1 317 3
Malaisie 0,834 60 9572 -18 Nigeria 0,391 142 1 270 5
Maurice 0,833 61 13 294 -28 Rép. dém. du Congo 0,383 143 355 31
Brésil 0,809 62 5928 1 Togo 0,380 144 1 167 6
Belize 0,807 63 5623 1 Bénin 0,378 145 1800 -14
Jamahiriya arabe libyenne 0,806 64 6309 -6 Zambie 0,378 146 986 11
Suriname 0,796 65 4862 9 Bangladesh 0,371 147 1382 -4
Liban 0,796 66 4977 7 Côte d'Ivoire 0,368 148 1 731 -15
Turquie 0,782 69 5516 -2 Mauritanie 0,361 149 1622 -14
Arabie saoudite 0,778 70 8516 -24 Tanzanie, Rép.-Unie de 0,358 150 636 20
Oman 0,771 71 9383 -27 Yémen 0,356 151 856 12
Equateur 0,767 73 4602 3 Népal 0,351 152 1 145 -1
Corée, Rép. pop. dém. de 0,766 Madagascar 0,348 153 673 15
75 4058 8
Iran, Rép. islamique d' 0,758 78 548O -10 Rép. centrafricaÎne 0,347 154 1 092 2
Rép. arabe syrienne 0,749 81 5374 -10 Bhoutan 0,347 155 1 382 -13
Algérie 0,746 82 5618 -17 Angola 0,344 156 1 839 -28
Tunisie 0,744 83 5261 -11 Soudan 0,343 157 1 110 -3
Jamaïque 0,735 Sénégal 0,342 158 1 8'5 -28
84 3801 9
Cuba 0,729 85 3100 18 Haiti 0,340 159 917 3
Pérou 0,729 86 3940 2 Ouganda 0,340 160 1483 -23
Jordanie 0,729 87 4187 -6 Malawi 0,334 161 773 5
Rép. dominicaine 0,720 88 3923 1 Djibouti 0,324 162 1 300 -'7
Afrique du Sud 0,717 89 4334 -9 Tchad 0,318 163 1 172 -'4
Sri Lanka 0,716 90 3408 9
Guinée-Bissau 0,295 164 811
Paraguay
Samoa occidental
0,707
0,694
91
94
3583
2948
5
12 Gambie
Mozambique
0,291
0,281
165
166
948
959
-5
-7
°
Maldives 0,683 95 3540 2
Guinée 0,277 167 1 139 -15
Indonésie 0,679 96 3971 -9 Erythrée 0,275 168 983 -10
Botswana 0,678 97 5611 -31
Philippines 0,677 98 2762 11 Ethiopie 0,252 169 455 4
Guyane 0,670 100 3205 1 Burundi 0,241 170 637 -1
Mongolie 0,669 101 3916 -11 Mali 0,236 171 565 1
Burkina Faso 0,219 172 784 -7
Chine 0,650 106 2935 1 Niger 0,207 173 765 -6
Namibie 0,644 107 4054 -22 Sierra Leone 0,185 174 625 -3

a. Les résultats positifs dans la colonne Ecart de classement signifient que le pays en question obtient de meilleurs résultats en termes d'IDH que de PIS
réel par habitant (en PPAl. les résultats négatifs signifiant le contraire,
Source: Bureau du Rapport mondial sur le développement humain.

llÙ EN EST LE IJI;VELOrrE~E"IT HCMAIN ' 23


TABLEAU 1.4 Darussalam, Koweït, Maurice et Qatar L
Progrès les plus rapides et reculs les plus important: l'espérance mais aussi pour certains des plus pauvres
de vie dans les pays en développement, 1970-95 (Angola, Iraq, République démocratique
(années) populaire lao, Sénégal et Ouganda).
Espérance de vie Pour- Espérance
à la naissance centage de de vie à la
Le lien entre prospérité économique et
variation naissance développement humain n'est donc ni
Pays 1970 1995 1970-95 Pays 1995 amomatique ni évident (diagrammes 1.4
et 1.5).
Progrès 'es plus rapides Espérance de vie la plus élevée
Oman 47 70 50 Hong-Kong (Chine) 79 Les progrès dans le développement
Yémen 41 57 39 Chypre 77 humain peuvent être encore mis en
Arabie saoudite 52 71 36 Singapour 77 lumière de manière plus précise par une
Viet Nam 49 66 35 Costa Rica 77
Indonésie 48 64 34 Barbade 76 évaluation de certaines de ses compo~
Népal 42 56 33 Cuba 76 santes essentielles - la santé, le savoir,
Bolivie 46 61 32 Koweït 75 la participation et la sécurité humaine.
Honduras 53 69 31 Chili 75
Bhoutan 40 52 30 Brunéi Darussalam 75
Rép. dém. pop. lao 40 52 29 Emirats arabes unis 74
La santé : en progrès
Progrès les plus lents - et reculs Espérance de vie la plus faible
Ouganda 46 41 -12 Rwanda 28
Zambie 46 43 -8 Sierra Leone 35
Zimbabwe 50 49 -3 libéria 40 Au cours des 36 dernières années, l'espé~
Botswana 52 52 0 Ouganda 41 rance de vie à la naissance dans les pays
Sierra Leone 34 35 1 Malawi 41 en développement est passée de 46
Burundi 44 45 2 Zambie 43 à 62 ans. Mais si elle aueint presque
Malawi 40 41 2 Guinée-Bissau 43
Paraguay 66 69 6 Afghanistan 45
70 ans en Asie de l'Est, en Amérique
Uruguay 69 73 6 Burundi 45 latine et aux Caraïbes, elle n'est encore
Iraq 55 59 6 Guinée 46 que de 50 ans en Afrique subsaharienne.
Depuis 1970, les pays ayant accompli les
progtès les plus rapides dans l'allongement
TABLEAU 1.5 de l'espérance de vie ont été l'Oman, le
Progrès les plus rapides et les plus lents: le taux de mortalité Yémen, l'Arabie saoudite et le Viet Nam
des enfants de moins de cinq ans dans les pays en développement, (tableau lA). En revanche, en Ouganda,
1970-95 en Zambie et au Zimbabwe, l'épidémie du
(pour 1 000 naissances vivantes)
sida a ramené l'espérance de vie moyenne
Taux de mortalité
des moins de Pour-
Taux de
mortalité
à moins de sa ans.
cinq ans centage des moins Pour l'essentiel, les progrès reflètent
de variation de cinq ans l'amélioration de l'espérance de vie des
Pays 1970 1995 1970-95 Pays 1995
femmes dans les pays en développement,
Progrès les plus rapides Mortalité infantile (mo;ns qui s'est allongée de plus de 10 ans au
de 5 ans) la plus faible cours des 25 dernières années, soit 20 %
Oman 200 18 -91 Corée, Rép. de 7 de plus que pour les hommes. Néanmoins,
Emirats arabes unis 150 19 -87 Singapour 5
Corée, Rép. de 55 7 -87 Cuba 10 contrairement à ce que laisse prévoir la
Brunéi Darussalam 78 11 -86 Chypre 10 réalité biologique (les femmes vivent nor~
Chili 96 14 -85 Brunéi Darussalam 11 malernent plus longtemps que les
Arabie saoudite 185 32 -83 Barbade 12 hommesL l'espérance de vie des femmes
Tunisie 201 37 -82 Jamai'que 13 est plus courte que celle des hommes aux
Singapour 27 5 -82 Malaisie 13
Iran, Rép. islamique d' 208 40 -81 Chili 14 Maldives et au Népal, et elle est pratique-
Malaisie 63 13 -79 Koweït 14 ment la même au Bangladesh et en Inde.
Progrès les plus lents Morta/ité infantile (moins Il « manquerait lot ainsi en Asie et en
de 5 ans) la plus forte Afrique du Nord plus de 100 millions de
Zambie 181 202 12' Niger 320 femmes.
Niger 320 320 0 Angola 292
Angola 301 292 -3 Sierra Leone 284 En Europe de l'Est et dans la CEl,
Iraq 127 122 -4 Afghanistan 257 l'espérance de vie est supérieure d'une
Nigéria 200 191 -5 Guinée-Bissau 227 année seulement à ce qu'elle était il y a
Papouasie- Libéria 235 35 ans: 68 ans aujourd'hui, contre 67
Nouvelle-Guinée 130 112 -14 Mali 225
Rép. dém. du Congo 245 207 -16 Mozambique 220 en 1960. Cette stagnation reflète la baisse
Myanmar 178 150 -16 Malawi 219 bru raie de cet indicateur (pour les
Guyane 101 84 -17 Guinée 215 hommes, en particulier) intervenue à par~
Sierra Leone 345 284 -18 tir de 1989 suite aux bouleversemenrs
a. Recul sociaux et économiques qu'a connus cette
Source: Bureau du Rapport mondial sur le développement humain. région. En Russie, l'espérance de vie des

24 RAPPORT MONDIAL SUR LE DËVELOPPEMENT HUMAIN 1998


hommes a ainsi diminué de plus de cinq a augmenté de plus des deux tiers au cours
ans depu is 1989. des vingt dernières années. Dans les pays
Elle continue en revanche de progres- arabes, il a plus que doublé, passant de
ser dans les pays industrialisés, contri- 20 % en 1970 à 44 % en 1995.
buant ainsi à un vieillissement marqué de Depuis 1970, les pays ayant progressé
la population. Actuellement, quelque le plus rapidement dans ce domaine sont
150 millions de personnes, soit 13 % de la la République centrafricaine, le Mali, le
population totale de ces pays, y sont âgées Bénin et le Nigéria (tableau 1.6). Les pro-
de 65 ans et plus, et 35 millions ont plus grès les plus lents - parmi les pays enre-
de 80 ans. Ce succès remarquable est en gistrant des taux d'alphabétisation infé·
même temps un défi pour ces sociétés, qui rieurs à 70 % - ont été observés au
doivent assurer la santé et le bien-être de Nicaragua, aux Comores, en Mauritanie et
personnes vieillissantes ct de plus en plus au Malawi.
dépendantes. Cependant. les anciens peu- Ce sont les améliorations substantielles
vent contribuer, par leur expérience et des taux de scolarisation qui expliquent
leurs compétences à enrichir la société, cette progression de l'alphabétisation.
qui doit les considérer comme un atout Entre 1960 et 1991, le taux net de scola-
plutôt que comme un fardeau. risation est passé de 48 % à 77 % dans le
Sur les 35 dernières années, le taux de primaire, et de 35 % à 47 % dans le secon-
mortalité infantile dans les pays en déve- daire. En Asie du Sud, la progression a
loppement a baissé de plus de moitié, pas· davantage concerné l'enseignement pri-
sant de 149 décès pour 1 000 naissances maire et l'enseignement secondaire, tan-
vivantes en 1960 à 65 pour 1 000 en 1996, dis qu'en Asie de l'Est, en Amérique
ct la proportion d'enfants souffrant d'insuf- latine et aux Caraïbes, elle a plutôt été le
fisance pondérale est passée de 40 % à 30 %. fait de l'enseignement secondaire et supé-
L'Ornan l les Emirats arabes unis, la rieur.
république de Corée et le Brunéi
Darussalam sont les pays qui ont réduit le
plus fortement la mortalité des moins de
cinq ans depuis 1970 (tableau 1.5). C'est TABLEAU 1.6
en Zambie, au Niger, en Angola et en Iraq Progrès les plus rapides et les plus lents: le taux d'alphabétisation
que les progrès sont les plus lents. des adultes dans les pays en développement. 1970-95
(pourcentage de la population âgée de 15. ans et plus)
L1accès général isé aux services de
santé, à l'eau potable et aux infrastruc- Taux d'alpha-
tures sanitaires - ainsi que la mobilisa- bétisation Pour- Taux d'alpha 4

des adultes centage bétisation


tion des pouvoirs publics, comme pour les de variation des adultes
campagnes de vaccination - ont fait la Pays 1970 1995 1970-95 Pays 1995
différence. Aujourd'hui, les quatre cin-
quièmes de la population des pa.ys en Progrès les plus rapides Taux d'alphabétisation le plus
élevé
développement ont accès à des services de Rép. centrafricaine 13 60 380 Bahamas 98
santé, et plus de 70 % à l'eau potable. Près Mali 7 31 331 Guyane 98
de 90 % des enfants d'un an dans les pays Bénin 10 37 256 Corée, Rép. de 98
en développement sont vaccinés contre la Nigéria 21 57 169 Trinité et-Tobago
4
98
tuberculosc, et 80 % contre la diphtérie, Côte d'Ivoire 16 40 152 Barbade 97
Mozambique 16 40 152 Uruguay 97
la coqueluche, le tétanos, la poliomyélite Algérie 25 62 148 Argentine 96
ct la rougeole, Burkina Faso 8 19 146 Cuba 96
Sierra Leone 13 31 143 Chili 95
Gabon 26 63 142 Costa Rica 955
Diffusion du savaiT Progrès les plus lents· Taux d'alphabétisation le plus
faible
Nicaragua 57 66 15 Niger 14
Entre 1970 et 1995, le taux d'alphabétisa- Comores 42 57 37 Burkina Faso 19
tion des adultes dans les pays en dévelop- Mauritanie 27 38 40 Népal 28
pemcnt a progressé de près de moitié, pas- Malawi 38 56 48 Mali 31
sant de 48 % à 70 %. Cependant, s'il est Guatemala 44 65 48 Sierra Leone 31
proche de 90 % en Asie du Sud-Est et Inde 34 52 55 Afghanistan 32
Bangladesh 25 38 55 5énégal 33
dans le Pacifique, ainsi qu'en Amérique Botswana 44 70 59 Burundi 35
latine ct aux Caraïbes, il n'est que de Egypte 32 51 60 Ethiopie 36
51 % en Asie du Sud. Ouganda 37 62 68 Guinée 36
Des progrès analogues sont enregistrés a. Parmi les pays ayant un taux d'alphabétisation des adultes inférieur à 70 %.
dans l'alphabétisation des femmes. Le taux Source: Bureau du Rapport mondial sur le développement humain.

où El': EST LE DËVELOPPEMENT HUMAIN! 25


ENCADRE 1.2 Certaines des avancées les plus specta-
L'alphabétisation des adultes dans les pays de l'OCDE culaires ont bénéficié aux femmes.
Entre 1970 et 1992, le taux de scolarisa·
La faiblesse du ni-veau d'alphabétisation est des adultes visait à mesurer le taux d'alpha- tion des filles dans le primaire et le secon~
généralement considérée comme un pro- bétisation des pays dans cette perspective.
blème propre aux pays en dé ...·eloppement. Pour les besoins de cette étude, le niveau daire a presque doublé dans les pays en
dont les pays développés seraient exempts. d'alphabétisation a éré défini comme un développement, passant de 38 % à 68 %.
Or, dans les pafs de l'OCDE, une vaste par~ continuum de degrés de compétences déno- En Asie de J'Est (83 %l. en Amérique
tÎe de la population voit. elle aussi, ses tant la façon dont les adultes réussissent à
opportunités limitées par un niveau exploiter les informations écrites pour fonc·
Jatine et aux Caraïbes (87 %), il se rap·
d'alphabétisation insuffisant. Au moins un tionner cn société. L'alphabétisation proche de celui des pays industrialisés.
quart de la population adulte de ces pays ne devient alors une aptitude particulière: la L'Asie du Sud (55 %) a en revanche un
possède pas le niveau minimal d'alphabéti~ capacité de comprendre et d'utlliser les
sation nécessaire (niveau 3 selon l'exp(jca~
important retard à rattraper.
informations écrites pour les activités quo~
tian d-dessous) pour réagir de façon adé~ tidienncs, que cc soit che~ soi, au travail ou Les pays d'Europe de l'Est et de la CEl
quute aux difficultés et aux complexités de au sein de sa communauté.
la vie quotidienne et du travail. C'esr se sont toujours enorgueillis d'un niveau
Cette étude a évalué le niveau
d'autant plus inquiétant que de nombreuses d'alphabétisation des populations dans élevé d'éducation, mais ils ont récemment
sociétés évoluent très rapidement vers l'âge trois domaines: perdu du terrain. Au cours des cinq der~
de l'information, abandonnant en chemin • Compréhension de textes suivis:
une partie de leur population. laissée pour
nières années, le taux de scolarisation
connaîssances et compérences tequises pri.maire et secondaire a baissé de 4 % en
compte des bénéfices du progrès. pour comprendre et exploiter les informa-
La maîtrise de la lecture et de l'écri- tions contenues dans des textes imprimés Russie et de 6 % en Bulgarie,
ture est un facteur déterminant dans les tels qu'éditoriaux, articles de presse,
choix que fait un indi ....idu au cours de son poèmes et ou\'rages de fiction.
Les pays industrialisés affichent, pour
existence et dans les possibilités qui • Compréhe08ion de textes schéma· leur part. des taux d'alphabétisation de
s'offrent à lui. C'est le cas dans cous les
pafS, qu'ils- soient industrialisés ou en
tiques: connaissances et compétences près de 100 %, et des taux de scolarisation
requises pour repérer et utiliser des infor- de 85 %. Cependant, des. études récentes
dé,,·eloppement. Néanmoins. dans beau-
coup de pays de l'OCDE, les responsables marions t:crites présentées sous diffétenres
formes relies que fOtmula1res de demande révèlent que de nombreuses personnes -
ont tendance à ne pas voir comme un pro- 18 % des adultes en moyenne dans
blème le fait que certains de leun; conci- d'emploi, fiches de paie, horaires de trans-
toyens aient un faihle nÎveau d'alphabéti- port, cartes, tahleaux et graphiques. 12 pays d'Europe et d'Amérique du Nord
sation. Il n'y a pas si longtemps encore, les • Compréhension de textes au contenu - considérées comme alphabétisées ne
politiques mettaient principalement quantitatif; les connaissances et les com-
pétences requises pour effectuer des opé- sont en fait pas capables de satisfaire aux
l'accent sur oc l'analphabétisme lO, défini
comme la proportion de la population rations arithmétiques, soit isolées soit en besoins de lecture élémentaires de la
n'ayant pas bénéficié d'un minimum de série, sur des chiffres contenus dans des société moderne. Et 29 % d'autres ne sont
quatre années de scolarisation. Cette documents imprimés, comme de calculer pas en mesure de suivre une formation en
approche s'eS[ révélée insatisfaisante, non le solde d'un compte chèque. calculer un
seulement parce qu'elle utilise une mesure pourboire, remplir un bon de commande vue d'un emploi qualifié (encadré 1.2),
indirecte qui, dans les fuits, crédite nombre ou.déterminer les intérêts d'un crédit pré- Les pays industrialisés pourraient même se
de pays de l'OCDE de taux d'alphabétisa~ senté dans une publicité. laisser distancer par certains pays en déve·
tian de 99 à 100 %, mais aussi parce Pour chacun de ces domaines, les
résultats ont été réparris -sur cinq niveaux. loppement à croissance rapide, notam-
qu'elle ne souligne absolument pas la
nature dynamique du degré d'alphabétisa- Le niveau l indique des compétences uès ment dans l'enseignement technique.
tion. Dans tOUS les pays, ce qui est en jeu faibles, comme dans le cas d'une personne Actuellement, moins d'un tiers des étu~
c'est la capacité des individus à lire des qui n'est pas capable, à partir des rensei- diants des pays industrialisés choisissent la
choses de plus en plus difficiles pour gnements figurant sur l'emballage, de déter~
s'adapter aux exigences toujours nouvelles miner la quantité de médicament à admi- filière des sciences naturelles ou appli~
d'une société où la concurrence est forte nistrer à un enfant. Le niveau 415 regroupe quées - en Norvège et aux Pays~Bas. la
et où tout rep06e sur le savoir. les individus qui se montrent capables proportion n'est que d'un étudiant
Coordonnée par l'OCDE, la première d'utiliser des techniques de réflexion et de sur cinq. Au Chili, en Chine, en répu~
Enquête inte.rnationale sur l'alphabétisation traitement de l'information plus complexes.
blique de Corée et en Afrique du Sud, elle
atteint 1 sur 2 ou 1 sur 3.
TABLEAU ENCADRE 1.2
Population adulte correspondant à chaque niveau de
compréhension de textes suivis, 1994-95
(en pourcentage de la population âgée de 16 à 65 ans) Participation des individus en progrès
Pays Niveau 1 Niveau :2 Niveau 3 Niveau 4/5

Suède 7,S 20,3 39.7 32,4 Les deux tiers environ de la population
Pays· Bas 10,5 30,1 44.1 15.3
Allemagne 14,4 34,2 38,0 13.4 mondiale vivent sous un régime relative-
Canada 16,6 25.6 35,1 22,7 ment démocratique. La quasi~totalité des
Australie 17.0 27,1 36,9 18.9 pays d'Europe de l'Est et de la CElant
Suisse (romande) 17,6 33,7 3B,6 10,0
Belgique (F1andres) 18,4 28,2 39,0 14,3 connu des élections pluralistes
Nouvelle-Zélande 18,4 27.3 35,0 19.2 depuis 1990. Depuis cette même année,
Suisse (alémanique) 19,3 35,7 36,0 8.9 15 élections législatives ont eu lieu en
Etats-Unis 20.7 25,9 32,4 21,1
Royaume-Uni 21,8 30.3 31,3 16,6 Asie du Sud. En Amérique latine et aux
Irlande 22,6 29,8 34,1 13,5 Caraïbes, près de 90 élections générales
Pologne 42,6 34.5 19,8 3,1
ont été organisées entre 1987 et 1997. La
Source: OCDE, Développement des ressources humaines Canada et Statistique démocratie dans cette région a été renfor~
Canada, 1997 cée ct consolidée au point qu'aucun coup

26 RAPPORT MONDIAL SUR LE DËVELOPPE'.1E"lT HUMAIN 1998


d'Etat militaire n'a été à déplorer au cours Menaces sur la sécurité humaine
des sept dernières années.
L'Afrique subsaharicnne est, elle aussi,
Autre dimension essentielle du dévelop-
touchée par la vague des réformes dérno~
pement humain, la sécurité humaine
cratiques, événement aussi spectaculaire
inclut la protection contre des menaces
que l'évolution politique dans l'ancienne
chroniques telles que la faim, 1a maladie
URSS, même s'il n'a pas reçu la même
et la répression. Elle suppose également la
anention de la part de la communauté
protection contre des perturbations bru~
mondiale. Presque tous les pays de cene
tales et douloureuses de la vie quoti~
région se sont engagés dans des réformes
dienne, à la maison, sur le lieu de travail
démocratiques et ont légalisé les partis
et au sein de la collectivité.
d'opposition. Ces changements ont sou~
vent été soutenus par les étudiants, les syn~ Dans les pays riches comme dans les
dicats et autres mouvements issus de la pays pauvres, la vie humaine est menacée
société civile. Entre 1990 et 1994, 38 des par la criminalité, les accidents et la vio~
47 pays de la région ont organisé des élec- lence. A l'échelle mondiale, les actes cri~ Dans les pays
mincIs recensés augmentaient de 5 % par
tions législatives pluralistes. Cependant, la
démocratie africaine n'cn est qu'à ses bal~ an - soit plus vite que la population - riches comme
buriements et reste fragile. Certains pays à la fin des années soixante~dix et au dans les pays
connaissent des retours en arrière, avec début des années quatre-vingt. Cependant,
leur cortège de coups d'Etat militaires et depuis peu, la situation s'améliore dans pauvres, la vie
de troubles politiques. Le principal enjeu certains pays où règne une criminalité humaine est
reste la consolidation de la démocratie, par endémique. Aux Etats-Unis, le nombre
le renforcement de la société civile, la des crimes et délits avec violence est en menacée par la
baisse depuis trois années consécutives.
garantie de la liberté d'expression pour les
Entre 1995 et 1996, il est passé de 3 à
criminalité, les
médias et des possibilités réelles de parti-
cipation de la population au débar pol i- 2,7 millions de cas, niveau le plus bas accidents et la
enregistré depuis le début des séries sta~
tique à tous les niveaux.
tistiques, il y a 24 ans. violence
Malgré cette démocratisation, les
femmes n'ont pas les mêmes opportunités Les accidents du travail et de la circu~
de participer à la vie publique que les lation constituent également une menace
hommes, quel que soit les pays. A importante. Dans la plupart des pays
l'échelle mondiale, elles occupent moins industrialisés, les blessures par accident
d'un tiers des positions d'encadrement et sont la première cause de mortalité chez
de direction, et seulement 12 % des sièges les 15-30 ans. Dans les pays en dévelop-
parlementaires et 7 % des postes ministé~ pement, les accidents de la route repré~
riels. sentent au moins la moitié des décès acci~
Une majorité de gouvernements se dentels. Ainsi, en Thaïlande, le taux de
sont engagés formellement à respecter les mortalité lié aux accidents de la route a
droits civiques et politiques de leurs été multiplié par cinq entre 1962 et 1992,
citoyens. Jusqu'à présent, 140 pays ont passant de 4 à 20 pour 100 000 habitants.
ratifié le Pacte international relatif aux Autre menace pour la sécurité
droits civiques et politiques. Trois pays humaine: les mauvaises conditions de
l'ont signé mais non encore ratifié (voir le logement et l'occupation illicite de biens
tableau 48 des indicateurs). Quarante- fonciers. Plus d'un milliard d'individus
deux pays ont par ailleurs signé le proto~ vivent dans des logements inadaptés, sans
cole optionnel de ce pacte reconnaissant eau courante, ni électricité ou voies
l'autorité du Comité des Nations unies d'accès et, dans la plupart des cas, sans
pour les droits de l'homme à recevoir les aucune sécurité d'occupation. Entre 30 et
plaintes des victimes. 60 % des habitants des pays en dévelop-
Dans les pays en développement, les pement occupent illégalement leur loge~
individus prennent une part plus active ment, et on estime à environ 100 millions
aux mouvements de la société civile à le nombre des sans~abri. Dans ces condi-
mesure que les ONG et mouvements tions, les populations sont constamment
populaires se multiplient, parviennent à exposées au surpeuplement, aux maladies
faire entendre les aspirations des popula- chroniques, aux catastrophes écologiques,
tions et exercent une pression sur les auto~ aux expulsions et à d'autres menaces
Tités. Cette évolution à la base vers une imprévisibles qui sapent les progrès du
plus grande participation est sans doute développement humain.
plus significative que le nombre de scru~ La violence domestique - fléau sou~
tins. vent caché mais universel - provoque

OÙ EN EST LE DËVELOPPEMENT HUMAIN! 27


des souffrances physiques et mentales per- rables et quantifiables. Cependant, l'IPH
sistantes, perturbe la vic des femmes et met en lumière les déficits dans trois
entrave leur épanouissement et leur parti- domaines essentiels de la vie humaine, qui
cipation à la vic sociale. D'après une étude sont déjà pris en compte par l'IDH : lon~
thaïlandaise, plus de 50 % des femmes gévité, savoir et niveau de vic.
vivant dans le plus grand bidonville de Quelle est la différence entre l'IDH et
Bangkok sont régulièrement battues par 1'!PH ! Le premier mesure les progrès
leur mari. A Santiago du Chili, 80 % des accomplis dans un pays ou une commu~
femmes admettent être victimes de vio- nauté dans son ensemble. Le second
lences dans leur foyer. Aux Etats-Unis, mesure l'étendue de la pauvreté, en s'atta~
toutes les neuf secondes, une femme subit chant à la proportion des membres de la
des violences conjugales. communauté qui ne bénéficient pas de ces
progrès.
Les estimations de 1']PH pour les pays
Pauvreté humaine et dénuement en développement (lPH· I) ont été réali.
Le revenu ne sées pour 77 pays présentant des chiffres
représentant Malgré des progrès remarquables dans le comparables (voir la nOte technique). La
valeur de l'IPH~1 indique, sur une base
pas à lui seul développement humain, les retards conti-
nationale, la proportion d'habitants souf~
nuent de se manifester.
la vie Le concept de pauvreté humaine, frant des trois principaux déficits, et four~
nit une mesure comparative de la préva~
humaine, son introduit dans le Rapport mondial sur le
lence de la pauvreté humaine. Voici ce
développement humain 1997, envisage la
absence ne pauvreté sous différents aspects. Elle signi- que révèlent ces chiffres (tableau 1.7) :
fie davantage que l'absence de cc qui est • L'IPH~ 1 varie entre 3 % à Trinité~et~
peut pas nécessaire au bien-être matériel: elle est Tobago, et 62 % au Niger.
s'interpréter la négation des opportunités et des possi~ • Les autres pays pouvant s'énorgueillir
comme bilités de choix les plus essentielles au d'un IPH·) inférieur à la % sont le Chili,
développement humain - longévité, l'Uruguay, Singapour et le Costa Rica.
représentant la santé, créativité, mais aussi conditions de • L']PH·) dépasse en revanche 50 % au
vie décentes, dignité, respect de soi~même Mali, en Ethiopie, en Sierra Leone, au
totalité du et des autres, accès à tout ce qui donne sa Burkina Faso et au Niger.
dénuement valeur à la vie. • L']PH·) est supérieur à 33 % dans
La pauvreté humaine ne se limite donc 32 pays, ce qui signifie qu'en moyenne au
humain pas à l'absence de revenu. Le revenu ne moins un tiers des habitants de ces pays
représentant pas à lui seul la vie humaine, souffrent de pauvreté humaine.
son absence ne peut pas s'interpréter La comparaison de j'lDH et de l'lPH·]
comme représentant la totalité du dénue~ témoigne de la bonne ou mauvaise répar~
ment humain. tition des fruits des progrès accomplis
parmi la population. La Chine et l'Egypte
ont ainsi un niveau de développement
Mesurer la pauvreté humaine dans les pays humain global à peu près équivalent, mais
en développement l'IPH-1 n'est que de 17 % pour la Chine,
alors qu'il atteint 34 % pour l'Egypte. De
Pour tenter de rassembler dans un indice même, le Kenya et le Pakistan ont un lDH
composite les différents aspects du dénue~ équivalent, mais l'IPH~1 est inférieur à
ment dans l'existence humaine, le Rapport 30 % pour le Kenya, alors qu'il dépasse
mondial sur le développement humain 1997 45 % pour le Pakistan. Cela signifie que
a introduit l'indicateur de la pauvreté les bénéfices du développement humain
humaine (lPH). L'IPH fournit une mesure sont répartis de façon moins équitable en
globale de la prévalence de la pauvreté Egyptc ct au Pakistan qu'en Chine et au
dans une communauté. Il faut garder pré~ Kenya.
sent à l'esprit que le concept de pauvreté L']PH·] révèle également des manques
humaine va au~delà de cette mesure, tant qui seraient masqués par une mesure de la
il est difficile d'en saisir la totalité des pauvreté uniquement fondée sur le revenu.
aspects en un seul indicateur chiffré, Ainsi, l'Egypte et le Pakistan ont réduit
même composite. L'absence de liberté leur pauvreté monétaire (exprimée en
politique, de sécurité humaine, l'incapa~ termes de revenu) à moins de 15 %, mais
cité à participer librement à la vie de la la pauvreté humaine y reste beaucoup plus
communauté et les menaces sur la viabi~ élevée, à 34 % et 46 %. De même, l'IPH
lité à long terme sont difficilement mesu~ reflète également des progrès masqués par

18 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT lI\.;MAIN 1998


TABLEAU 1.7
Indicateur de la pauvreté humaine pour les pays en développement (IPH-1)
Ecart de Ecart de
Indicateur classement Indicateur classement
dela Ecart de entre dela Ecart de entre
pau- classe- IPH-l pau- classe~ IPH-l
vreté Classe~ ment et seuil de vreté Classe- ment et seuil de
humaine ment entre pauvreté à humaine ment entre pauvreté à
(IPH-l ) selon IPH-l 1 dollar par (IPH-l) selon IPH-l 1 dollar par
Pays % l'IPH-l et IDHB joura Pays % l'IPH-l et IDHI joura

Trinité-et-Tobago 3,3 1 -4 Papouasie-


Chili 4,1 2 0 -13 NouveUe~Guinée 29,8 40 -1
Uruguay 4,1 3 -1 Namibie 30,0 41 11
Singapour 6,5 4 3 Iraq 30,1 42 3
Costa Rica 6,6 5 2 -15 Cameroun 30,9 43 -1
Jordanie 10,0 6 -15 ~1
Congo 31,5 44 4
Mexique 10,7 7 -1 -9 Ghana 31,8 45 0
Colombie 11,1 8 -1 -4 Egypte 34,0 46 14 16
Panama 11,1 9 3 -13 Inde 35,9 47 -3 -11
Jamaïque 11,8 10 -9 0 Zambie 36,9 48 -7 -14
Thaïlande 11,9 11 1 7 Rép. dém. pop. lao 39,4 49 2
Maurice 12,1 12 1 Togo 39,8 50 -4
Mongolie 14,0 13 -15 Tanzanie, Rép.-Unie de 39,8 51 -8 14
Emirats arabes unis 14,5 14 7 Cambodge 39,9 52 1
Equateur 15,3 15 1 -16 Maroc 40,2 53 16 28
Chine 17,1 16 -13 -14 Nigéria 40,5 54 2 8
Jamahiriya arabe libyenne 17,4 17 5 Rép. centrafricaine 40,7 55 -7
Rép. dominicaine 17,4 18 -4 -7 Rép. dém. du Con90 41,1 56 3
Philippines 17,7 19 -8 -9 Ouganda 42,1 57 -10 -2
Paraguay 19,1 20 -4 Soudan 42,5 58 -6
Indonésie 20,2 21 -4 1 Guinée-Bissau 42,9 59 -10 -10
Sri Lanka 20,6 22 -1 8 HaIti 44,5 60 -6
Rép. arabe syrienne 20,9 23 7 Bhoutan 44,9 61 -2
Bolivie 21,6 24 -10 7 Mauritanie 45,9 62 4 8
Honduras 21,8 25 -10 -16 Pakistan 46,0 63 14 24
Iran, Rép. islamique d' 22,2 26 11 Côte d'Ivoire 46,4 64 7 20
Pérou 23,1 27 7 -16 Ban91adesh 46,5 65 9 15
Tunisie 23,3 28 10 13 Madagascar 47,7 66 5 -3
Zimbabwe 25,2 29 -13 -10 Malawi 47,7 67 -1 9
Lesotho 25,7 30 -16 -16 Mozambique 48,5 68 -2
Vi et Nam 26,1 31 -5 Sénégal 48,6 69 4
Nicaragua 26,2 32 -6 -10 Yémen 48,9 70 10
Botswana 27,0 33 7 -6 Guinée 49,1 71 0 21
Algérie 27,1 34 17 20 Burundi 49,5 72 ·-1
Kenya 27,1 35 -13 -11 Mali 52,8 73 -1
Myanmar 27,5 36 -7 Ethiopie 55,5 74 2 15
El Salvador 27,8 37 4 Sierra Leone 58,2 75 -2
Oman 28,9 38 25 Burkina Faso 58,2 76 1
Guatemala 29,3 39 8 -12 Niger 62,1 77 1 3

Note: Les classements des pays selon l'IDH et le seuil de pauvreté à 1 dollar/jour ont été recalculés en fonction des 77 pays inclus dans le calcul de
l'IPH.
a. Les résultats négatifs signifient que le pays en question obtient de meilleurs résultats en termes d'IPH-1 que, selon le cas, en termes d'IDH ou de
pauvreté monétaire, les résultats positifs signifiant le contraire.

ta seule mesure de la pauvreté monétaire. Mesurer la pauvreté humaine dans les pays
Au Zimbabwe et au Nicaragua, par industrialisés
exemple, la pauvreté monétaire est parti~
culièrement répandue et touche près de
50 % de la population, mais ces deux pays La pauvreté et le dénuement ne sont pas
ont accompli des progrès beaucoup plus te triste apanage des pays en développe~
marqués dans la lutte contre la pauvreté ment,
humaine, avec un IPH-l de 25 % et 26 % • Sur ta base d'un seuil de pauvreté moné~
respectivement. taire correspondant à la demi~médiane du

OÙ El' EST LE DÉVELOPI'EMEt'T HUMAIN? 19


revenu individuel disponible, plus de épidémies sont maîtrisées et où les services
100 millions de personnes vivent dans la de santé et l'eau potable sont mis à la por~
pauvreté monétaire dans les pays de tée de tous. Il n'est donc pas surprenant
l'OCDE. que les études sur la pauvreté dans les pays
• Les pays de l'OCDE comptent au moins riches soient centrées sur l'exclusion, pro~
37 millions de chômeurs, qui ne bénéfi- blème complexe et persistant, difficile à
cient bien souvent pas d'un revenu adé, éliminer dans tous les pays, qu'ils soient
guat et ont le sentiment d'être exclus, industrialisés ou en développement.
faute de pouvoir participer à la vie de leur Bien que les aspects décrits par l'lPH-
communauté. 1 pour les pays en développement concer~
• Le chômage des jeunes 05-24 ans) nent également les pays industrialisés, les
atteint des niveaux impressionnants: il indicateurs utilisés ne sont plus pertinents
touche 32 % des jeunes femmes et 22 % dans ce second ensemble. Un nouvel outil
des jeunes hommes en France. tes chiffres de mesure est donc nécessaire, fondé sur
correspondants étant de 39 % et 30 % en des indicateurs qui reflètent les formes que
La pauvreté et Italie et de 49 % et 36 % en Espagne. revêt la pauvreté dans les pays industria~
le dénuement • Environ 8 % des enfants dans les pays lisés.
de l'OCDE - dont la moitié ou plus des L'lPH-2 s'attache donc aux variables
sont également enfants de familles monoparentales en suivantes:
un problème Australie, au Canada, au Royaumc,Uni et • Le déficit en termes de survie, mesuré
aux Etats-Unis - vivent en deçà du seuil par le pourcentage de la population ris~
majeur dans de pauvreté monétaire correspondant à la quant de décéder avant soixante ans.
les pays demi-médiane du revenu individuel dis-
• Le déficit dans le domaine de l'instruc-
ponible.
indus trialisés • Près de 200 millions de personnes sont
tion, mesuré par le pourcentage de la
population souffrant d'illettrisme - c'est~
statistiquement condamnées à décéder à·dire dans l'incapacité de lire et d'écrire
avant l'âge de 60 ans.
pour répondre aux exigences de base de la
• Plus de 100 millions de personnes sont société moderne, par exemple lire les ins~
sans abri , chiffre scandaleusement élevé tructions figurant sur le flacon d'un médi~
pour des pays riches. cament ou lire une histoire à des enfants.
Pour saisir les différentes manifesta~ • La pauvreté économique, mesurée par la
tions de la pauvreté humaine dans les pays proportion de personnes dont le revenu
industrialisés, nous introduisons cette individuel disponible est inférieur à la
année un IPH pour les pays industrialisés demi-médiane nationale. ce qui ne leur
(lPH-2), qui reprend les trois aspects de permet pas de bénéficier du niveau de vie
l'existence humaine illustrés par l'IPH~l, suffisant pour échapper aux difficultés et
mais en utilisant des mesures qui reflètent participer à la vie de la communauté.
mieux les conditions économiques et
sociales prévalant dans ces pays. S'y ajoute • L'exclusion, mesurée par un de ses
un quatrième aspect - l'exclusion - aspects les plus importants: le pourcen-
pour laquelle l'IHP-l ne comporte pas de tage de chômeurs de longue durée (sans
mesure quantitative car il n'y a pas de travail depuis douze mois ou plus) dans la
chiffres fiables à cet égard dans les pays en population active totale.
développement, contrairement à ce qui se L'IPH~2 utilise les mêmes mesures que
passe pour les pays industrialisés. l'IPH~ 1 pour la survie et l'instruction,
La nature des carences et déficits qui avec toutefois un plafond plus élevé. Pour
pèsent sur la vie humaine varie en fonc~ les aspects économiques et l'cxclusion, de
tion du contexte économique et social nouvelles mesures sont utilisées qui néces-
d'une communauté ou d'un pays. Les sitent quelques explications.
études de la pauvreté dans les pays en L'exclusion revêt diverses formes, varie
développement, c'est~à~dire ceux avec un considérablement d'une communauté à
faible niveau de ressources et de dévelop~ l'autre et est difficile à mesurer. Cependant,
pement humain, se concentrent sur la le chômage de longue durée, régulièrement
faim, les épidémies, l'analphabétisme et mesuré dans la plupart des pays industria~
l'absence de services de santé et d'accès à tisés, constitue une mesure indirecte accep~
l'eau potable. Il ne s'agit pas là de pro· table pour ce phénomène. 11 reflète l'exclu·
blèmes essentiels dans les pays industria~ sion du monde du travail et des rapports
tisés où la faim n'est pas aussi répandue. sociaux liés à l'emploi, qui constitue une
où la scolarisation primaire est pratique~ composante importante de l'exclusion dans
ment universelle. où la plupart dcs grandes la plupart des communautés.

30 RAPPORT MONDIAL SUR LE DËVELOPPEMENT HUMAIN 1998


Pour les aspects économiques, l'IPH~ 1 plus pauvres - au moins 50 %, et parfois
utilise trois critères - malnutrition, jusqu'à SO %. Pour ['IPH-2, ces variables
absence d'accès à l'cau potable ainsi n'auraient pas été les mieux adaptées, car
qu'aux services de santé - tandis que dans les pays industrialisés, l'alimentation
l'IPH-2 se fonde sur le taux de pauvreté n'est pas le principal poste de dépenses des
monétaire. Trois raisons expliquent cette ménages et la plupart des habitants ont
différence d'approche. accès à des services publics de base tels
Premièrement, l'IPH; 1 intègre les ser; que la fourniture d'eau potable.
vices procurés à la fois par le revenu privé Deuxièmement, le manque de revenu
ct les ressources publiques. Ces dernières est une mesure plus adéquate pour les pays
représentent une source de consommation industrialisés, car il traduit l'impossibilité
importante pour les ménages pauvres, et d'accès à des moyens matériels nécessaires.
les manques essentiels dans ce domaine Cependant, l'utilisation d'un seuil de pau;
sont définis en termes de non;accès aux vreté international unique serait trom~
services de santé et à l'eau potable. Les peuse, en raison des variations de défini;
manques au niveau du revenu privé sont tion des biens « essentiels,.. En effet, les
essentiellement définis par la consomma~ différences dans les modes de consomma;
tian alimentaire, dans la mesure où l'ali~ tion - vêtements, logement et moyens
mentation absorbe de loin la part la plus de communication tels que la radio, la
importante du revenu personnel des télévision et le téléphone - font que de
ménages les plus démunis dans les pays les nombreux biens jugés indispensables à la

TABLEAU 1.8
Indicateur de la pauvreté humaine pour les pays industrialisés (IPH-2)
D!FICIT CARENCES EN PAUVRET~ EXClUSION INDICATEUR DE LA
DE LONGEVITE TERMES DE SAVOIR MON!TAIRE PAUVRETE HUMAINE
Chômage de Indicateur de la
longue durée, pauvreté humaine
(12 mois (IPH-2) Classe-
Pourcentage de la Taux d'illettrisme~ et plus) pour les pays ment
population risquant {% de la Population vivant (en % du industrialisés selon le
de ne pas pop. ~gée en deçà du seuil total de la PIB réel
dépasser 60 ans de 15 à de pauvretéb population Valeur Classement par
(%) 65 ans) ('lb) active) (%) selon habitant
Pays 1995 1995 1990 1995' l'IPH-2 (en PPA)

Suède B 7,5 6,7 1,5 6,8 1 13


Pays-Sas
Allemagne
Norvège
Italie
9
11
9
9
_._.
10,5
14,4
6,7
5.9
6,6
6.5
3,2
4,0
1,3
7.6
8,2
10,5
11,3
11.6
2
3
4
5
10
8
2
9
Finlande 11 -' 6,2 6,1 11.8 6 14
France 11 -' 7.5 4,9 11,8 7 7
Japon 8 -' 11,8 0,6 12.0 8 4
Danemark 12 -' 7.5 2,0 12,0 9 3
Canada 9 16,6 11,7 1,3 12.0 10 5
Belgique 10 18,4 f 5.5 6,2 12,4 11 6
Australie

Espagne
Royaume-Uni
9
Nouvelle-Zélande 10
10
9
_.
17.0
18,4

21,8
12.9
9,2 '
10,4
13.5
2.6
1.3
13,0
3,8
12,5
12,6
13,1
15,0
12
13
14
15
11
16
17
12
Irlande 9 22,6 11,1 7_6 15,2 16 15
États·Unis 13 20,7 19.1 0.5 16,5 17 1

a. En fonction du niveau 1 concernant les textes suivis défini dans l'Enquête internationale sur t'alphabétisation des adultes. Les données concernent
1995 ou une année proche.
b. Le seuil de pauvreté correspond ici à la demi-médiane du revenu individuel disponible. Les données concernent 1995 ou une année proche.
c. Taux de chômage standardisé calculé par l'Organisation internationale du travail (OIT).
d. Pas de données disponibles. Pour calculer la valeu, de l'IPH-2. nous avons utilisé un taux moyen de 16,8 %, correspondant à l'ensemble des pays (sauf
la Pologne) compris dans l'enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes.
e. Chiffre concernant uniquement les Flandres.
f. Moyenne non pondérée pour les pays industrialisés (sauf Europe de l'Est et CEl).
Sources: Colonne 1 : ONU, 1994e. Colonne 2 : OCDE, Développement des ressources humaines Canada et Statistique Canada, 1997. Colonne 3
Smeeding, 1997. Colonne 4 : OCDE. 1997d
Source: Bureau du Rapport mondial sur le développement numain.

0(; EN EST LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN! 31


DIAGRAMME 1.6 vie sociale dans une communauté donnée ceux des pays industrialisés à faible revenu
le revenu ne renseigne pas sur peuvent n'être pas considérés comme tels (diagramme 1.6).
le taux de pauvreté
dans une autre. Ainsi, le revenu minimum Il n'y a pas non plus de corrélation
PIS réel Indicateur de nécessaire pour échapper à l'exclusion entre le niveau de l'IPH-2 et la réussite
par la pauvreté peut varier de façon substantielle d'un d'un pays en matière de développement
habitant humaine (IPH-2) pays à l'autre. C'est la raison pour laquelle humain global. Les 17 pays pris en compte
(PPA) (%) le seuil de pauvreté a été fixé à la demi~ par l'IPH~2 ont atteint un niveau élevé de
6 médiane du revenu individuel disponible développement humain, avec un IDH
Suède dans le pays considéré, reflétant ce qui supérieur à 0,900. Cependant, les pays
apparaît comme adéquat pour ce pays. En arrivant en tête selon l'IDH - le Canada
outre, cette mesure de la pauvreté moné~ et la France - sont confrontés à des pro,
taire est maintenant couramment utilisée blèmes persistants de pauvreté, et les pro,
par l'Union européenne pour effectuer des grès réalisés en termes de développement
Allemagne comparaisons internationales. humain y sont mal répartis. Le Canada
Troisièmement, la qualité et la dispo, arrive pour sa part à la lOc place du c1as,
Canada nibilité des chiffres sont un élément sement selon l'IPH-2, parce que 17 % de
important. Les données sur la pauvreté la population du pays n'a pas les compé-
monétaire ne sont disponibles que pour tences adéquates en lecture et écriture,
48 pays en développement, et sont sou~ soit deux fois plus qu'en Suède (dia~
vent fondées sur des estimations. En gramme 1. 7).
revanche, les statistiques sur la malnutri, La pauvreté humaine se caractérise par
tion et l'accès aux services publics ont une des carences à de nombreux égards, et pas
Etats-Unis
couverture plus étendue. Des chiffres com- seulement en termes de revenu. Les pays
parables sur la pauvreté monétaire sont industrialisés doivent donc s'attacher à la
Source: Bureau du Rapport mondial sur le par contre disponibles pour Ics pays indus~ pauvreté sous tous ses aspects. Il ne faut
développement humain. pas se concentrer uniquement sur le
trialisés.
revenu et l'emploi, mais tenir compte de
l'absence de potentialités élémentaires
Que nous apprend l' lPH-2 ! telles que l'accès aux soins et à l'instruc~
tion, facteurs importants dans l'exclusion
d'une personne de la vie de la commu~
Sur 17 pays indusrrialisés, la Suède est nauté.
celui où la pauvreté humainc, mesurée par La pauvreté humaine n'est qu'un
l'IPH-2, est la moins répandue, avec une aspect des retards accumulés du fait de la
proportion de 6,8 %. Elle est suivie par les misère. L'autre aspect est la persistance
Pays-Bas et l'Allemagne (tableau 1.8). Les des disparités - souvent liée aux progrès
pays où cene forme de pauvreté est la plus inégaux en matière de développement
courante sont lcs Etats,Unis, avec 16,5 %, humain, mais accentuée par les retards
l'Irlande et le Royaume-Uni, avec 15,2 % hérités du passé.
et 15 % respectivement.
DIAGRAMME 1.7
L'IDH ne renseigne pas sur le
L'étendue de la pauvrcté humaine n'a
taux de pauvreté humaine quc peu de rapport avec le niveau de Des disparités persistantes
re~enu. Ainsi, les Etats,Unis, où la popu,
Indicateur Indicateur de lation dispose du revenu par habitant le
du la pauvreté plus élevé en termes de parités de pouvoir Les disparités qui persistent entre riches
développement humaine (IPH-2) et pauvres, entre hommes et femmes, entre
humain (%) d'achat (PPA) parmi les 17 pays étudiés,
sont également le pays où la pauvreté zones rurales et urbaines, et entre groupes
8 humaine est la plus répandue. La Suède ethniques sont rarement isolées. Au
Pays-Bas qui arrive en tête du classement selon contraire, elles sont souvent liées et imbri~
l'IPH,2, n'est que l3 c selon le revenu quées.
10
moyen. Les Pays~Bas et le Royaume,Uni,
qui affichent un revenu par habitant équi~
Allemagne Revenu et richesse: des inégalirés criantes
valent, présentent quant à eux des
niveaux de pauvreté humaine très diffé~
Canada
rents: 8,2 % et 15 %. On pourrait En 1960, les 20 % de la population mon-
s'attendre à ce que le nombre de pauvres diale vivant dans les pays les plus riches
Espagne évolue à raison inverse du PIB d'un pays. avaient un revenu 30 fois supérieur à celui
Or, la comparaison du PIB par habitant et des 20 % les plus pauvres. En 1995, leur
de l'IPH-2 semble indiquer le contraire: revenu était 82 fois supérieur. Et que dire
Source: Bureau du Rapport mondial sur le les taux de pauvreté dans les pays à revenu de l'incroyable concentration de la
développement humain. élevé sont équivalents ou supérieurs à richesse cntre les mains d'un petit groupe

32 RAPPORT MO~DIAL SUR LE IJÉVELOPPEMEI'T HUMAI~ 1998


de personnes extrêmement riches (enca, ENCADRE 1.3
dré 1.3) ? Les plus grosses fortunes
Les disparités sont [Out aussi pronon, Les estimations r~centes montrent que pour donner à toute la population du
cées à l'échelon national. Au Brésil, lcs les 225 plus grosses fonunes du monde globe l'accès aux services sociaux de
50 % les plus pauvres, qui se partageaient reptésentent un total de plus de mme base. Le coûe de r~alisation et de
milliards de dollars, soit l'équivalent du maintien d'un accès universel à J'édu,
18 % du revenu national cn 1960, n'en revenu annuel des 47 % d'individus les cation de base. aux soins de santé de
ont reçu que 11,6 % en 1995. Dans le plus pauvres de la population mondiale base. à une nourriture adéquate, à l'eau
même pays, les 10 % les plus riches se par, (2,5 milliards de personnes). potable et à. des infrasnuctures sani-
tageaient 54 % du revenu national L'immensit~ des richesses des indivi· raires. ainsi, pour les femmes, qu'aux
en 1960, et 63 % en 1995. Au Cosra Rica, dus les plus riches contraste de façon soins de gynécologie et d'obstétrique,
ahurissante avec l'extrême faiblesse des est estimé à environ 40 milliards de
dans les années quatre-vingt, les 20 % les revenus des populations des pays en dollars pat an. Cela représente moins
plus riches avaient un revenu par habitant développement. de 4 % de la Tichesse cumulée des
de 14400 dollars convertis en PPA, • Les trois personnes les plus riches du 225 plus grosses fonunes.
contre un revenu moyen de 1 340 dollars monde ont une fortune supérieure au Pla C'est aux Etau-Unis que l'on trouve
total des 48 pays en développement les le plus grand nombre de ces 225 (anunes,
pour les 20 % les plus pauvres. plus pauvres. avec 60 personnes qui se partagent
La répartition du revenu dans les pays • Le patrimoine des 15 individus les plus 311 milliards de dollars. Viennent
forrunés dépasse le PI a total de l'Afrique ensuite "Allemagne, avec 21 individus
industrialisés est également marquée par subsaharienne. totalisant III milliards de dollars, puis
de fortes disparités entre riches et pauvres. • La foTtune des 32 personnes les plus le Japon (14 personnes pOUT une fortune
Dans le cas le plus extrême, en Russie, la riches du monde dépasse le Pla total de de 41 milliards de dollars). Les pays
part du revenu du quintile le plus riche est l'Asie du Sud. induS[rialisés comptent 147 trh grandes
Il fois supérieure à celle du quintile le • Les avoirs des 84 personnes les plus fortunes, soit un patrimoine total de
riches surpassent le PIB de la Chine, 645 mOliards de dollars, et les pa}'s en
plus pauvre. En Australie et au Royaume, pays le plus peuplé de la planète développement 78, pour une richesse
Uni, elle est près de 10 fois supérieure. Au (1,2 milliard d'habitants). combinée de 370 milliards de dollars.
cours des années quatre, vingt, au Un aurre contraste choquant est L'Afrique n'en abrite que deux (3,7 mil,
Royaume,Uni, l'écart s'est creusé dans des celui des 225 plus grosses fortunes liards de dollars), dans un seul pays:
comparées à ce qui serait nécessaire l'Afrique du Sud.
proportions encore jamais enregistrées
dans un pays industrialisé.
TABLEAU ENCADRE 1.3
Où se trouvent les plus grosses fortunes, 1997
Répartition PatrimoIne cumulé Patrimoine
Des disparités prol1oncées entre zones des 225 des plus moyen des plus
rurales et urbaines plus grosses grosses fortunes grosses fortunes
Région ou groupe de pays fortunes (milliards de dollars) (milliards de dollars)

OCDE 143 637 4,5


Dans les pays en développement, 43 % des Asie 43 233 5,4
Amérique latine et Caraïbes 22 55 2,5
hommes habitant dans les campagnes sont Pays arabes 11 78 7,1
analphabètes, soit deux fois plus qu'cn Europe de l'Est et CEl 4 8 2,0
zone urbaine. Au Salvador, le taux Afrique subsaharienne 2 4 2,0
d'alphabétisation est de 88 % en ville, Total 225 1 015 4,5
contre 66 % dans Ics campagnes. Près de Source: Forbes Magazine, 1997.
90 % de la population a accès à l'eau
potable dans les villes, contre 60 % seule-
mcnt en zone rurale. En Roumanie, 12 %
DIAGRAMME 1.8
des logements sont dépourvus d'eau cou' Disparités entre villes et campagnes en Namibie. 1991-94
rante en villc, ct 84 % dans les cam' (pourcentage)
pagncs. IndICateur
Taux Population privée PopulatIon de la pauvreté
La décomposition de l'lDH et de l'IPH d'alphabétisation d'accès:.t l'eau privée de services humaÎne
des adultes potable de santé (lPH-l)
entre villes ct campagnes met également
cn lumière les disparités en termes de pro, o .o.~ .. ............. o 10
..........
grès humain et dc dénuement. Au ·····.... --Villes
20 20 20
Botswana, l'IDH urhain est comparable à 20
celui de la Russie, tandis que celui pour 40_. .... 40
les zones rurales se rapproche de l'IDH ...... 30
....
pour le Nicaragua. En Namibie, la pau, 60 ···69 60
vreté humaine est trois fois plus répandue
80 80 80 40
dans les campagnes que dans les villes.
L'IPH urbain de ce pays est, quant à lui,
100 100 100 ·~o··--campagnes
comparable à celui des Emirats arabes
unis, tandis que l'IPH rural se rapproche
Source: PNUD,1998.
de celui de la Guinée (diagramme 1.8).

OÙ EN EST LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN' 33


DIAGRAMME 1.9 Disparités géographiques au sein des pays
Disparités régionales au Nigéria, 1993
Espérance Taux . Les statistiques sur l'accès aux services
de vie d'alphabétisation Education Revenu Indicateur du
à la naissance des adultes Nombrt! l1'lO)'el1 développement sociaux ou sur les résultats en matière de
PIS par habltant
lannées} ('*') d'années de 5colanté
,PPAl humain développement humain révèlent d'impor·
100 12 6000 1,00 tantes disparités régionales au sein des
Ba pays.
5009-··.. • En Turquie, le taux de scolarisation
70

60
.... . "'6"0
Ba
9

,
,.'.'
~'boo
O.BOO
....
0.600
.... _- Bendel
secondaire dans les régions de l'Egée et de
Matmara est de 62 %, contte 34 % en
Anatolie de l'Est et du Sud-Est.
6 .' 3 000
.. • En Gambie, le taux de mortalité des
50- 40 .' 0,400
_/ 2 000 enfants de moins de cinq ans est de 162
Moyenne pour 1 000 à Mansadonko, soit presque
40

30
20
.......
a
..........
3

a
.........
'090
a
= 0.200
.......
0
_- Borno
nationale deux fois plus qu'à Banjul, où il est de
85 pour [ 000.
• En Roumanie, dans la province de
Sou", PNUO, 199Gb Botosane, le chômage atteint 16 %, contre
4,5 % à Bucarest.
• En Mongol ie, la pauvreté monétaire
DIAGRAMME 1.10
touche moins de 9 % de la population
Disparités régionales en Bolivie, 1994 dans !'aïmag d'Etdenet, mais 35 % à
Khousvel.
Espérance Taux
de vie d'alphabétisation Education Revenu Indicateur du
La décomposition de ['IDH et de l']PH
à la naissance des adultes Taux de scolarisation. PIS par habitant développement met en lumière des disparités régionales
(années) (%) tous nIVeaux confondus (PPA) humain en termes de progrès humains et de dénue~
100 100 6000 l,DO ment (diagrammes 1.9,1.10 et 1.11). Aux
BQ .... Philippines, l'indicateur sexospécifique du
.... 5 000 développement humain (lSDH) pour la
Ba .....•.. Ba O.BOO
70- région capitale est quatre fois supérieur à
....... ... "-- Santa Cruz
..... 0,600 _ _ Moyenne celui de l'Ouest de Mindanao, où les
60-
....... '.'. 3000 nationale femmes sont doublement désavantagées:
50_.······ '.
'. o 4'X'- - - Potosi d'abord parce qu'elles vivent dans une
40 40
2"'QOO
.:.. , région défavorisée, et ensuite en raison des
40 ./ inégalités sociologiques entre les sexes .
20 20 '. 0.200
1000
30
a 0 a a Disparités sociologiques entre les sexes
mrœ. PNUO, 1998
Au cours des trente dernières années, les
sociétés ont fait de réels progrès dans la
DIAGRAMME 1.11
répartition des fruits du développement
Disparités régionales en Zambie. 1996 entre hommes et femmes. Les écarts dans
(pourcentage)
les domaines de la santé et de l'éducation
se sont nettement réduits, Depuis vingt
Indicateur
Taux Population privée de la pa uvreté ans, l'espérance de vie de la population
d'alphabétisation de services Population privée humaine féminine a progressé 20 % plus vite que
des adultes de santé d'eau potable (IPH-l) celle des hommes. Le niveau d'instruction
a a o o des femmes progresse régulièrement dans
.--"-". les pays en développement. Entre 1970
'0 ..ïô·_·····..._....... 10 et 1990, l'écart entre populations mascu·
5 "-"'-. - Lusaka Hne et féminine en termes d'alphabétisa~
tion des adultes et de scolarisation a été
20 40 20 Moyenne divisé par deux. Dans l'enseignement pri,
-nationale maire, le taux de scolarisation des filles,
'0- ,3D._E5t correspond aujourd'hui à 90 % de celui des
30 - " ....
... _-_ ....-.. -.-_.. _.--_.----- 60 _.. -_ ..--- -- du pays garçons, contre 75 % il y a quelques
années.
40 '5 80 40 Le Rapport mondial sur le développement
Sourr:e. PIIIUO, 1997f. humain 1995 a introduit un indicateur

34 RAPPORT MOKDIAL SUR LE DËVELOPPEMENT HUMAIN 1998


TABLEAU 1.9
Disparités sociologiques entre les sexes - classement selon l'ISDH et l'IDH
Ecart de Ecart de Ecart de
Classe- C1asse- c1asse- Classe- Classe- classe- Classe- Classe- classe-
ment ment ment ment ment ment ment ment ment
selon selon IDH~ selon selon IDH~ selon selon IDH~
l'ISDH l'IDH l'ISDH l'ISDH l'IDH ISDH l'ISDH l'IDH ISDH
1 Canada 1 0 S6 Brésil 55 -1 110 Bolivie 108 -2
2 Norvège 3 1 57 Roumanie 67 10 111 E9ypte 104 -7
3 Suède 10 7 58 Corée, Rép. pop. 112 Gabon 112 0
4 Islande 5 1 dèm. de 6810 113 Guatemala 103 -10
5 Finlande 6 1 59 Estonie 7011 114 Honduras III -3
6 Etats-Unis 4 -2 60 Bahreïn 41
-19 115 Nicaragua 116 1
7 France 2 -5 61 Croatie 69 8 116 Maroc Ils -1
8 Nouvelle-Zélande 9 1 62 Lituanie 72 10 117 Congo 118 1
9 Australie 15 6 63 Suriname 58 -5 118 Zimbabwe 120 2
10 Danemark 18 8 64 Macédoine (fYROM) 73 9 119 Papouasie-
Il Royaume-Uni 14 3 65 Jamaïque 77 12 Nouvelle-Guinée 119 0
12 Pays-Bas 7 -5 66 Emirats arabes unis 46 -20 120 Myanmar 121 1
13 Japon 8 -5 67 Qatar 51 -16 121 Ghana 123 2
14 Belgique 12 -2 68 Liban 59 -9 122 Kenya 127 5
15 Autriche 13 -2 69 Cuba 78 9 123 Lesotho 124 1
16 Barbade 24 8 70 Sri Lanka 83 13 124 Cameroun 122 -2
17 Allemagne 19 2 71 Lettonie 85 14 125 Rép. dém. pop. lao 126 1
18 Suisse 16 -2 72 Belize 56 -16 126 Guinée équatoriale 125 -1
19 Espagne Il -8 73 Kazakhstan 86 13 127 Iraq 117 -10
20 Grèce 20 0 74 Afrique du Sud 82 8 128 Inde 129 1
21 Bahamas 31 10 75 Arménie 91 16 129 Cambodge 130 1
22 Israël 22 0 76 Tunisie 76 0 130 Comores 131 1
23 Italie 21 -2 77 Maldives 87 10 131 Pakistan 128 -3
24 Slovénie 36 12 78 Equateur 66 -12 132 Rèp. dém. du Con90 133 1
25 Rép. tchèque 38 13 79 Jamahiriya arabe IibyenneS7 -22 133 Nigéria 132 -1
26 Slovaquie 40 14 80 Pérou 79 -1 134 Zambie 136 2
27 Irlande 17 -10 81 Rép. dominicaine 81 0 135 Bénin 135 0
28 Portugal 32 4 82 Philippines 90 8 136 T090 134 -2
29 Singapour 28 -1 83 Ukraine 94 II 137 Tanzanie, Rép.-Unie de 140 3
30 Chypre 23 -7 84 Mongolie 93 9 138 Mauritanie 139 1
31 Uruguay 37 6 85 Botswana 89 4 139 Madagascar 143 4
32 Luxembourg 26 -6 86 Ouzbékistan 96 10 140 Ban91adesh 137 -3
33 Hon9-Kon9 (Chine) 25 -8 87 Turkménistan 95 8 141 Côte d'Ivoire 138 -3
34 Hongrie 45 11 88 Indonésie 88 0 142 Rép. centrafricaine 144 2
35 Pologne 48 13 89 Paraguay 84 -5 143 Yémen 141 -2
36 Brunéi Darussalam 34 -2 90 Jordanie 80 -10 144 Haïti 149 5
37 Corée, Rép. de 29 -8 91 Albanie 97 6 145 Angola 146 1
38 Trinité-et-Tobago 39 1 92 Iran, Rép. islamique d' 71 -21 146 Ouganda 150 4
39 Costa Rica 33 -6 93 Chine 98 5 147 Bhoutan 145 -2
40 Thaïlande 52 12 94 Rép. arabe syrienne 74 -20 148 Népal 142 -6
41 Colombie 49 8 92 -3 149 Séné9al 148 -1
95 Guyane
42 Panama 43 1 96 AI9èrie 75 -21 150 Malawi 151 1
43 Venezuela 44 1 97 Kirghizistan 101 4 151 Soudan 147 -4
44 Malte 27 -17 98 Géorgie 100 2 152 Tchad 152 0
45 Malaisie 53 8 99 Namibie 99 0 153 Guinée-Bissau 153 0
46 Chili 30 -16 100 Azerbaïdjan 102 2 154 Gambie 154 0
47 Bulgarie 60 13 101 Moldova, Rép. de 105 4 155 Erythrée 157 2
48 Argentine 35 -13 102 Arabie saoudite 63 -39 156 Mozambique 155 -1
49 Mexique 47 -2 103 El Salvador 106 3 157 Guinée 156 -1
50 Koweït 50 0 104 Oman 64 -40 158 Ethiopie 158 0
51 Bélarus 61 10 105 Swaziland 107 2 159 Burundi 159 0
52 Fidji 42 -10 106 Tadjikistan 110 4 160 Mali 160 0
53 Russie. Féd. de 65 12 107 Cap-Vert 109 2 161 Burkina Faso 161 0
54 Maurice 54 0 108 Vi et Nam 113 5 162 Niger 162 0
55 Turquie 62 7 109 Salomon, Iles 114 5 163 Sierra Leone 163 0

Note: le classement des pays selon l'IDH a été recalculé en fonction des 163 pays inclus dans le calcul de "ISOH. Une différence positive entre le
classement selon l'IDH et l'ISDH signifie que le pays en question obtient des résultats relativement plus favorables en termes d'égalité entre hommes et
femmes qu'en termes de performances moyennes, les résultats positifs signifiant le contraire.
Source: Bureau du Rapport mondial sur le dévefoppemenr humain.

OÙ EN EST LE DÉVELOI'PE,1ENT IlCMAIK ~ 35


sexospécifique du développement humain ment humain sont importants, plus
(ISDH), qui mesure les mêmes aspects que l'ISDH du pays concerné est faible par
l'IDH en se fondant sur les mêmes rapport à son [DH.
variables, pour mettre cn lumière les Cette année, l'ISDH a été calculé pour
inégalités sociologiques entre les sexes. 163 pays (rabteau 1.9). Partout, les
Plus les écarts en termes de développe~ femmes sont en retard sur les hommes

TABLEAU 1. 10
Disparités sociologiques entre les sexes - classements selon l'IPF, l'ISDH et l'IDH
Classe- Classe- Classe- C1asse- Classe· Ctasse-
ment ment ment ment ment ment
selon selon selon selon selon selon
l'IPF l'ISOH l'IOH l'IPF l'ISOH l'IOH
1 Suède 3 ID 53 Suriname 53 51
Au cours des 2 Norvège 2 3 54 Pérou 63 62
3 Danemark. 10 18 55 Mozambique 99 99
trente 4 Nouvelle·Zélande 8 9 56 Zimbabwe 83 84
5 Finlande 5 6
dernières 6 Islande 4 5
S7 Cap-Verl
58 Rép. dominicaine
78
64
81
64
années. les 7 Canada
8 Allemagne
1
17
1
19
59 Uruguay
60 Thaïlande
31
38
33
46
sociétés ont 9 Pays-Bas
, 0 Autriche
12
15 13
7 61 Chili 43 2B
62 Venezuela 41 39
fait de réels 11 Etats-Unis 6
g
4 63 Swaziland 77 79
12 Australie 15 64 Roumanie 51 S5
progrés dans la 13 Suisse 18 16 65 Bolivie 79 80
14 Luxembourg 32 25 66 Chypre 30 23
répartition des 15 Bahamas 21 29
67 Paraguay 68 67
fruits du 16 Espagne
17 Trinité-et-Tobago
19
36
Il
35
68 Brésil
69 Equateur
50
62
49
54
18 Barbade 16 24
progrès entre 19 Belgique 14 12
70 Indonésie
71 Haïti
67
95
70
96
14
hommes et 20 Royaume·Uni Il
72 Mali 100 100
21 Irlande 27 17 73 Géorgie 75 7S
femmes 22 Portugal 28 30 74 Tunisie 60 60
23 Afrique du Sud 59 6S 75 Koweft 46 45
24 Rép. tchèque 25 34 76 Maldives 61 69
25 Cuba 5S 61
77 Burkina Faso 101 101
26 Italie 23 21 78 Fidji 47 37
27 Slovaquie 26 36 79 Rép. arabe -syrienne 72 58
28 Costa Rica 37 31 80 Bangladesh 93 92
29 Pologne 34 43 81 Zambie 90 91
30 Hongrie 33 40
82 Maroc 82 82
31 France 7 2 83 Corée, Rép. de 35 27
32 Israël 22 22 84 Sri Lanka 56 66
33 Chine 71 74 85 Turquie 49 53
34 El Salvador 76 78 86 Cameroun 86 8S
35 Guatemala 81 76
87 Iran, Rép. islamique d' 70 S7
36 Slovénie 24 32 88 Egypte BD 77
37 Mexique 45 42 89 Malawi 96 97
38 Japon 13 8 90 Guinée équatoriale 87 87
39 Guyane 73 73 91 Papouasie-
40 Belize SB SO Nouvelle-Guinée 84 83
41 Colombie 39 44 92 Emirats arabes unis 54 41
42 Singapour 29 26 93 Algérie 74 59
43 Bulgarie 44 52 94 Gambie 98 9B
44 Panama 40 38 95 Inde 88 89
45 Malaisie 42 47 96 Soudan 97 95
46 Philippines 65 72 97 Jordanie 69 63
47 Estonie 52 S6 98 Rép. centrafricaine 94 94
48 Botswana 66 71 99 Togo 91 90
49 Maurice 4B 4B 100 Pakistan 89 8B
50 Lesotho 85 86 101 Mauritanie 92 93
51 Grèce 20 20 102 Niger 102 102
52 Lettonie 57 68

Note: les classements selon l''SDH et l'IDH ont été recalculés en fonction des 102 pays inclus dans le calcul de
l'IPF.
Source: Bureau du Rapport mondial sur le développement humain.

36 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1998


dans le domaine du développement années quatre·vingt~dix en Afrique du DIAGRAMME 1.12
humain, inégalité illustrée par l'écart Sud, les Blancs avaient ainsi une espé~ L'héritage du sida:
un nombre croissant d'orphelin!
entre l'ISDH et l'IDH. Les caractéristiques rance de vÎe de 68 ans, contre 54 ans pour Orphelins pour cause de SIda
les plus intéressantes de cet ISDH sont les les airs. En Malaisie, la pauvreté moné~ en pourcentage de la population
suivantes: taire concerne 24 % de la population' de mOins de 15 ans
• Pour 60 des 163 pays considérés, le clas- d'origine malaise, soit quatre fois plus que
ZimbabwI
sement selon l'ISDH est inférieur à celui chez celle d'origine chinoise (6 %). Au
Botswana
selon l'IDH, ce qui montre l'inégalité des Canada, le chômage touche 35 % de la
opportunités offertes aux hommes et population masculine chez les lnuits, '6
femmes. La différence de classement est contre 10 % pour les autres groupes e[h~
supérieure ou égale à 20 places pour plu- niques. Aux Etars-Unis, 31 % des hispa-
sicurs pays: Oman, Arabic saoudite, répu~ niques âgés de 25 à 65 ans n'ont pas ter- Tanzanie.
blique islamique d'Iran, République arabe miné leurs études secondaires, contre 12 Rép.-Unie
syriennc, Algérie, Libye et Emirats arabes seulement 6 % des Blancs.
unis, par ordre décroissant. La décomposition de l'lDH pour
• L'écart entre le classement selon l'lDH l'Afrique du Sud en 1994 donnait pour 8
et le classement selon l'ISDH est de les Blancs un IDH de 0,878, soit près de
10 places ou plus dans des pays industria- deux fois plus que pour les Noirs (0,462).
lisés comme l'Irlande ou Malte. Le niveau de développement humain des
• Le classement selon l'ISDH est en Blancs d'Afrique du Sud est comparable 4
revanche meilleur que celui selon !'IDH à celui de l'Espagne, alors que celui des
pour 82 pays. Les pays pour lesquels cette Noirs est proche de celui du Congo. En
différence positive est supérieure à Namibie, le taux de pauvreté humaine o
10 places comprennent 12 pays d'Europe de atteint 65 % chez les populations San, 1990 95 2010
l'Est et de la CEl. Seuls trois pays situés soit huit fois plus que chez les anglo-
hors de cette région -Thaïlande, Jamaïque phones et six fois plus que chez les ger, Nore: les orphelins pour cause de sida son
des enfants séronégatlfs qUI Oflt perdu leur
et Sri Lanka - sont dans le même cas. manophones (tableau 1.11). L'indicateur mère ou leurs deux parents du fait du sida
Les progrès dans l'amélioration des de la pauvreté humaine des populations avant l'age de 15 ans.
Source: Stanecki et Way, 1997.
potentialités de la population féminine anglophones de Namibie les place au
sont rcmarquables, mais la création même niveau que Singapour ou le Costa
d'opportunités réelles pour les femmes Rica, alors que les populations parlant le
prend un sérieux retard. L'absence lozi, le caprivi, l'oshiwambo et le ruka,
d'opportunités de participer à la vie éco- vango sont dans une situation compa~
nomique et politique est en partie expri~ rable à celle de pays tels que la
mée par l'indicateur de la participation République démocratique du Congo,
des femmes (IPF), estimé pour 102 pays l'Ouganda et le Soudan. Enfin, l'indica-
(voir note technique). L'IPF mesure la teur de la pauvreté humaine du groupe
place des femmes en termes de pouvoir de San est de 65 %, un niveau plus élevé
décision dans la vie professionnelle, éco~ que celui du Niger, qui arrive dernier au
nomique et politique. classement selon l'IPH.
En tête du classement selon l'lPF se L'inégalité des progrès dans le domaine
trouvent trois pays nordiques - la Suède, du développement humain et l'existence
la Norvège et le Danemark, qui présentent
tous trois un niveau élevé de potentialités
TABLEAU 1.11
humaines et offrent aux femmes de nom~
breuses opportunités de participer à la vie Pauvreté humaine par groupe
linguistique en Namibie, au début
économique et politique (tableau 1.10). A des années quatre-vingt-dix
cette aune, certains pays en développe~
ment sont mieux classés que des pays Classe- Groupe Valeur de
industrialisés. Ainsi, la Trinité-ct-Tobago ment linguistique l'IPH·l
et la Barbade arrivent avant le Royaume~ (%)
Uni, et l'Irlande, Cuba et le Costa Rica 1 Anglais 8
avant la France et Israël, la Chine et le 2 Allemand 10
Mexique avant le Japon. 3 Afrikaans 11
4 Tswana 21
5 Nama/Damara 31
6 Otjiherero 34
Disparités ethniques et raciales 7 lozi/Caprivi 41
8 Oshiwambo 43
9 Rukavango 44
Il existe de graves disparités ethniques et 10 San 65
raciales dans de nombreux domaines du
développement humain. Au début des Source: PNUD, 1997d.

Ol; EN EST LE DÉVELOPPEMENT IIUMAIN ' 37


DIAGRAMME 1.13
Reculs probables du développe- de retards significatifs liés à la pauvreté On compte actuellement 8,2 millions
ment humain dus au sida humaine ne font pas qu'entraîner des dis~ d'orphelins du sida - des enfants non
Espérance de vie à la naissance (annees) parités persistantes. Elles sont également infectés par le VIH, âgés de moins de
à l'origine de phénomènes qui mettent à 15 ans et qui ont perdu leur mère ou leurs
70 mal les progrès humains accomplis dans deux parents des suites de cette pandémie.
plusieurs domaines. On prévoit qu'ils seront 16 millions en
_ - - - - - Guyana
En l'absence l'an 2000. Des ménages dirigés par des
60
du sida enfants commencent de faire leur appari~
Réversibilité du processus de tion dans certains villages africains, et
50 Guyana développement humain dans un nombre croissant de communau~
tés, les systèmes traditionnels d'entraide
40
ne peuvent plus faire face. Sur les 5 à 10
Progresser dans le développement humain, prochaines années, dans de nombreux pays
c'est un peu comme négocier une course où l'incidence de l'épidémie est élevée, la
30 d'obstacles, avec son lot de défis perma i maladie aura enlevé au mOÎns un de leurs
1998 2010
nents, de problèmes nouveaux à surmon i parents à plus de la % des jeunes de
ter et de réussites contrariées par des phé i moins de 15 ans (diagtamme 1.12).
Espérance de vie à la naissance (années) nomènes tels que les épidémies, les
Dans le centre urbain de Francistown
conflits armés ct les crÎses économiques.
au Botswana, 48 % des femmes enceintes
70
Botswana sont infectées par le VIH, et à Beit Bridge
En l'absence V1H et sida au Zimbabwe, elles sont près de 60 % dans
60 du sida ce cas. Dans les campagnes en Ouganda,
plus de deux décès d'adultes sur cinq sont
Les pandémies menacent non seulement dus au sida_ En amibie, les infections
50
la santé des populations de la planète, liées au VIH tuent deux fois plus de pet-
mais également les avancées réalisées dans sonnes de toutes les tranches d'âge que le
40 le développement humain. Jusqu'à pré- paludisme, deuxième cause de mortalité
Botswana sent, le sida est l'une des plus dévasta; dans le pays.
triees, avec 12 millions de victimes depuis
30 Cependant, contrairement à ce que
son apparition il y a 18 ans. L'une des
1998 2010 d'aucuns suggèrent, cette épidémie n'est
caractéristiques les plus catastrophiques de
pas exclusivement un problème africain_
Espérance de vIe à la naissance (années)
la maladie par rapport à d'autres épidémies
C'est l'Inde qui compte le plus grand
est qu'elle touche généralement les peri
nombre de séropositifs, entre 3 et 5 mil~
70 sonnes pendant la période la plus produc-
Kenya lions. En Thaïlande, on recense près de
tive de leur vic. Certains experts affirment
En j'absence que nous ne subissons actuellement qu'une 750 000 cas, soit 2,3 % de la population
du sida adulte.
60 faible partie - la % - des effets de
l'épidémie en termes d'infections et de Les progrès réalisés dans l'allongement
mortalité, et que les répercussions réelles de l'espérance de vie au cours des trente
50
sur les personnes, les communautés et les dernières années risquent aujourd'hui
Kenya économies sont encore à venir. Aucun d'être réduits à néant par la propagation
40 du sida. En effet, l'épidémie provoque une
traitement ni vaccin bon marché n'étant
en vue, la seule option consiste donc à hausse de la mortalité chez les moins de
30 freiner la propagation de l'épidémie, à cinq ans et dans la tranche d'âge des 20i
limiter ses conséquences et à prévoir des 49 ans (où elle est normalement relative;
1998 2010
soins et un accueil adaptés pour les peri ment faible). Au Botswana, où entre 25 %
Espérance de vIe à la naissance (annees) sonnes infectées. et 30 % des personnes âgées de 15 à 49 ans
Honduras Fin 1997, on comptait près de 31 mil- sont infectées par le VIH, l'espérance de
70 En l'absence lions de séropositifs, contre 22,3 millions vie est retombée à des niveaux qui
. . . - - - '.;11 du sida n'avaient plus été enregistrés depuis la fin
l'année ptécédente. Cette progression
a
~ Honduras montre combien l'épidémie gagne du ter; des années soixante. En 20 1 au
60 Zimbabwe, l'espérance de vie aura été
rain, avec 16000 nouveaux cas par jour.
On estime qu'en l'an 2000, c'est-à-dire réduite de 25 ans, et dans certaines
50 dans deux ans seulement, la séropositivité régions d'Ouganda, elle a déjà diminué de
au virus VIH touchera 40 millions de per- 16 ans (diagramme 1.13).
40 sonnes. L'accroissement de la mortalité infan#
Sur les 16 000 personnes nouvellement tîle n'est pas seulement lié aux décès suite
infectées chaque jour, 90 % se trouvent à des maladies opportunistes (provoquées
30
dans des pays en développement, 40 % par le sida), mais s'explique également par
1998 2010 sont des femmes et 50 % ont entte 15 la malnutrition et l'absence de soins
5ourœ: SerVlee du recensement et 24 ans. entraînées par la paupérisation des
des Etats-Unis, è paraitre,

38 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAI!' 1998


ménages ct des communautés du fait de légères. De ce fait, nombre des victimes
l'épidémie. Il est maintenant établi que la sont des femmes et des enfants, avec des
mortalité infantile est direccement corré~ répercussions incalculables sur le dévelop-
lée à la mortalité maternelle, de sorte que pement humain. Au cours des dix der~
la mortalité liée au sida chez les mères est nières années, 2 millions d'enfants ont été
un facteur important dans l'augmentation tués, 4 à 5 millions ont été estropiés, et
des taux de mortalité infantile déjà obser~ 12 millions laissés sans-abri à l'occasion
vée dans certains pays. On estime de conflits armés. Plus d'un million sont
qu'cn 1998, l'épidémie aura entraîné une devenus orphelins ou ont été séparés de
hausse du taux de mortalité infantile leurs parents et près de 10 millions ont été
d'environ 150 % au Zimbabwe et de victimes de traumatismes psychologiques.
100 % au Guyana et au Kenya. Plus de 110 millions de mines ont été
Cependant, les répercussions de cette posées dans 68 pays, et autant sont stOc~
pandémie sur le développement humain kées dans le monde entier. Chaque mois,
vont bien au-delà de la diminution de plus de 2 000 personnes sont tuées ou
l'espérance de vie liée à la hausse de la estropiées par des explosions de mines.
Les conflits
mortalité infantile et adulte. En sus de En 1994, quelque 100 000 mines ont réduisent à
['indicible tragédie qui frappe les familles certes été neutralisées, mais 2 millions de
et les communautés touchées par la mala~ nouveaux engins ont été posés. néant des
die, les conséquences économiques et Cependant, les efforts pour rernéd ier à ce années de
sociales qui en découlent peuvent être fléau se sont récemment intensifiés et
dramatiques. La plupart des personnes vic~ en 1997, plus de 120 pays ont accepté progrès
times du sida sont en effet dans leurs d'interdire les mines antipersonnel en
années les plus productives, et l'épidémie signant la Convention sur l'interdiction
constitue une menace directe pour la via- de l'usage, du stockage, de la production,
bi 1ité à long terme des ménages et les du transport de mines antipersonnel et
perspectives socio~économiques des com~ leur destruction.
munautés. On estime qu'un demi~million
De même que la pauvreté offre un ter- d'enfants de moins de cinq ans sont décé~
reau fertile pour la propagation du VIH et dés suite à des conflits armés en 1992, et
du sida, elie renforce les facteurs d'appau~ qu'au moins autant ont été blessés ou pri..
vrisscment. La pandémie a des effets sub~ vés de l'essentiel pour les mêmes raisons.
stantiels sur les économies ct provoque En Tchétchénie, les enfants ont repré~
une pénurie de rnain~d'œuvre qualifiée senté 40 % des victimes civiles lors des
dans des secteurs tels que la santé, l'édu~ affrontements de février et mars 1995. A
cation et les transports, et ajoute au far~ Sarajevo en Bosnic, près d'un enfant sur
deau déjà très lourd qui pèse sur les bud- quatre a été blessé. En Somalie, la moitié
gets des services de santé. Elle réduit à ou plus de tous les enfants de moins de
néant des années d'investissement dans la cinq ans vivants au début du mois de jan~
formation ct l'éducation. Parce qu'elle vier 1992 étaient morts à la fin de l'année.
frappe les pays les plus pauvres du monde, Au Mozambique, en raison du nombre
déjà confrontés à d'autres problèmes socio~ d'écoles détruites par le conflit, les deux
économiques, à la faiblesse des ressources tiers des 2 millions d'enfants en âge d'être
ct à l'insuffisance des services sociaux, scolarisés dans le primaire se sont vu
l'épidémie du sida est un des principaux interdire l'accès à l'éducation.
défis que doit relever la communauté On estime que près de 100 millions de
mondiale. personnes vivent dans l'engrenage de la
guerre civile et de la faim. Près de 50 mil-
lions d'individus ont ainsi été contraints
Conflits de quitter leur foyer.
Les conflits réduisent à néant des
La proportion de civils parmi les victimes années de progrès dans l'édification des
de guerre est passée de 5 % dans les infrastructures sociales, dans la mise en
conflits du début du siècle à plus de 90 % place d'institutions publiques en état de
dans ceux des années quatre-vingt-dix. marche, dans l'encouragement de la soli ..
L'époque récente a été marquée par darité communautaire et de la cohésion
l'apparition d'armes et de formes de guerre sociale et dans la promotion du dévelop~
nouvelles, notamment l'utilisation aveugle pernent économique. Lorsque les conflits
des mines antipersonnel, y compris à frag~ prennent fin et que vient l'heure du bilan,
mentation, et la prolifération des armes les pays doivent s'engager dans une formi~

OÙ EN EST LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN? 39


ENCADRE 1.4 guerres civiles, plus circonscrites mais
La crise est..asiatique peut..el1e se muer en facteur positif 1 aussi plus meurtrières. Elles peuvent revê·
tir diverses formes. Premièrement, il peut
Le plus gros revers infligé au déve~ Bien qu'il soit encore trop tôt s'agir d'actes de violence commis au
Ioppement humain au cours de pour tirer des leçons définitives de hasard par des individus ou des groupes,
l'année passée l'a indubitablement cette crise asiatique, quelque5
ou entre bandes criminelles rivales sans
été par la crisc économique en Asie c.onclusions s'imposent
de l'En. Les cinq pays les plus tou~ d'ores et déjà: aspiration à contrôler l'appareil d'Etat.
chés - Indonésie, république dc • Les actions internationales doi~ Deuxièmement, elles peuvent se manifes..
Corée, Malaisie, Philippines et vent être renforcées, tant pour pré.. ter sous la forme d'incidents violents spo~
Thaïlande - avaient fait d'énormes venir d'autres crises de ce type que radiques perpétrés par des groupes organi ..
progrès économiques et sociaux au pour améliorer la protection des sés recherchant un pouvoir politique
cours des 20 ou 30 années précé~ populations face aux conséquences accru, une autonomie culturelle ou des
dentes, avec notamment une amé~ d'un effondrement économique. avantages économiques. Troisièmement, il
liontion impressionnante des indi~ • Ces actions doivent d'emblée se peut s'agir d'un recours prolongé à la vio~
cateurs du développement humain. concentrer sur les aspects humains lence de la part d'organisations et de
En dépit des signes de plus en plus de ces crises tout autant, sinon plus,
mouvements désireux de s'emparer du
nombreux de vulnérabilité écono~ que sur ses aspects économiques et
mique, les déclencheurs de )a crise financiers. pouvoir ou d'une partie du territoire d'un
ont été financiers, en l'occurrence Les actions possibles pour proté~ pays. Quatrièmement, le conflit peut
une baisse brutale et catastrophique ger les populations sont nom~ prendre la forme d'actes d'une extrême
des flux de capitaux à court terme breuses; programmes publics violence de la part de groupes profitant
émanant des banques commer.. d'emploi, apport de nourriture aux d'une défaillance partielle ou totale des
ciales : de plus de 50 milliards de personnes vulnérables, attribution institutions dirigeantes.
dollars d'cntrées en 1996 à plus de de crédits aux petites entreprises et
20 milliards de dollars de sorties en aux ménages à faibles revenus, et La quasi ..disparition des conflits inter~
1997. subventions aux associations locales nationaux et la progression des guerres
Les cOJ\séquences sont mul .. pour fournir des repas aux personnes civiles se reflètent dans l'évolution des
tiples : fortes réductions du PIB, tombées dans la pauvreté. dépenses militaires, qui ont baissé d'cnvi~
montée en Dèche du chômage, Les institutions internationales ron un tiers depuis le sommet atteint
coupes claires dans les dépenses et les banques de développement en 1987, avant la fin de la guerre froide.
publiques, accélération de l'inflation régionales ont leur rôle à jouer pour Les réductions dans de nombreux pays
et déclin brutal de la consommation encouraget et soutenir ces actions,
masquent le fait que ces dépenses restent
dans les pays touchés. Ces consé.. et pour surveiller les indicateurs
quences découlent autant de la crise humains aussi étroitement que les très élevées, ou sont en augmentation,
elle~même que des mesures prises indicateurs économiques cr finan~ dans certains autres. Les dépenses mili~
pour l'enrayer. Les dégâts humains ciers. A terme, les nouveaux pays ta ires ont diminué d'un tiers dans les pays
risquent d'être énormes: les secteurs industrialisés devmnt créer des sys~ membres de l'OTAN entre 1987 et 1996,
de la santé et de l'éducation seront tèmes d'assurance chômage, comme mais elles ont augmenté de 13 % en Asie
fortement touchés et, en Indonésie, la république de Corée avait com~ du Sud et de Il % dans plusieurs pays du
la pauvreté pourrait être multipliée mencé à le faire. Proche-Orient - la république islamique
par deux. La récession des années trente d'Iran, l'Iraq, Israël, la Jordanie et les
La communauté internationale a dans les pays industrialisés a été le Emirats arabes unis. Dans les principaux
fait de gros efforts pour répondre à catalyseur de changements fonda..
pays d'Asie du Sud-Est, elles ont grimpé
cene crise. Le Fonds monétaire mentaux dans l'approche sociale et
international et plusieurs autres politique des stratégies économiques de 35 % depuis L987 : Indonésie, Malaisie,
bailleurs multilatéraux ou bilatéraux nationales et internationales. La crise Philippines et Thaïlande.
ont ainsi rassemblé quelque 100 mil~ asiatique offre une occasion similaire.
liards de dollars d'aide financière. Sera~t~on capable de la saisir?

Source. ~ Ranis et Stewart, L998. Recul économique

La stagnation et même la dégradation de


dable entreprise de reconstruction ct de l'économie dans de nombreux pays en
réconciliation, qui exige des ressources développement constituent un autre obs~
hors de leur portée après les années de tacle majeur au développement humain.
destruction qu'ils ont connues. Pas moins de LOO pays - tous en déve-
De nombreux conflits durent pendant loppement ou en transition - ont connu
des années, entrecoupés de rares périodes un recul économique sérieux au cours des
de répit. En 1998, la guerre durait depuis trente dernières années. En conséquence,
20 ans en Afghanistan, la ans en Somalie, le revenu par habitant dans ces 100 pays
14 ans au Sri Lanka et 15 ans au Soudan. est inférieur à ce qu'il était il ya la, 15,
Le nombre des guerres dans le monde 20, voire 30 ans, privant leur économie
a toutefois diminué, passant de 21 en 1996 des tessources nécessaires au progrès du
à 18 en 1997. Ce sont pour la plupart des développement humain.

40 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT IIUMAI:--I 1998


Globalement, la croissance écono~ Relever le défi TAB LEAU 1.1 2
mique était toutefois vigoureuse au milieu QUELLES PRIORITES
des années quatre~vingt~dix, et 109 pays POUR LE MONDE 7
Les ressources mondiales sont plus que sur
ont enregistré une évolution positive de (dépenses annuelles
fisantes pour accélérer les progrès dans le en milliards de dollars)
leur revenu par habitant en 1995. Même
développement humain pour tous et éradi~
si cette progression a été la bienvenue, la Education de base
quer de la planète les formes les plus
situation du développement humain reste pour tous 6'
extrêmes de la pauvreté. Progresser dans le
préoccupante. Achats de
développement humain n'est pas hors de
cosmétiques aux
• Sur 124 pays en développement, 2l seu- portée. On estime ainsi que l'investisse~
États-Unis 8
lement - dont 12 en Asie - ont béné~ ment annuel total nécessaire pour garantir
ficié d'un taux de croissance annuel supé~ un accès universel aux services sOCÎaux de Accès à l'eau et à
l'assainissement
rieur ou égal à 3 % par habitant entre base serait de l'ordre de 40 milliards de dol- pour tous 9'
1995 et 1997. Les ptojections POUt 1998 lars, soit 0,1 % du revenu mondial: à peine
Achats de crèmes
prévoient que ce nombre sera ramené à 20 plus qu'une erreur d'arrondi. Ce montant glacées en Europe 11
pays, dont 6 seulement en Asie. suffirait à financer l'éducation de base, la
Soins de
• Parmi les 48 pays les moins avancés, santé, la nutrition, les soins génésiques, le gynécologie et
seuls 6 ont connu un taux de croissance planning familial et l'accès à l'eau potable d'obstétrique
supérieut ou égal à 3 % entte 1995 et 1997. et à l'assainissement pour tous. pour toutes les
Pourquoi les ressources financières des- femmes 12'
Cela augure mal de l'avenir, dans la mesure
où une croissance annuelle de 3 % est tinées au progrès du développement Consommation de
humain sont, elles si limitées dans des pays parfum en Europe
considérée comme le minimum requis pour et aux Etats-Unis 12
réduire rapidement la pauvreté. où les besoins sont les plus grands? Les
pays donateurs ne consacrent que 55 mil- Satisfaction des
• Dans de nombreux pays, la croissance liards de dollars à l'aide au développe- besoins nutritionnels
profite aux riches et non aux pauvres. et sanitaires de base 13'
ment, soit 0,25 % de leur PIB total, qui
Ainsi, le Honduras a connu une progres~ s'élève à 22 000 milliatds de dollars. L'aide Achats d'aliments
sion de 2 % de son revenu annuel par pour animaux el)
publique au développement est actuelle- Europe et
habitant entte 1986 et 1989, mais dans le
ment à son point le plus bas depuis le aux Etats·Unis 17
même temps, la pauvreté monétaire y a début des séries statistiques. De plus, la
doublé. La Nouvelle-Zélande, le Royaume- Budget lOisirs des
part consacrée aux pays les moins avancés entreprises
Uni et les Etats~Unis ont tous connu une est en baisse. Il est urgent que la plupart japonaises 35
bonne croissance moyenne entre 1975 des donateurs doublent les sommes affec~ Consommation de
et 1995, pouttant la proportion de pet- tées aux services sociaux de base dans le cigarettes en Europe 50
sonnes vivant dans la pauvreté monétaire cadre de l'initiative 20~20 en faveur des
s'y est accrue. Achats de boissons
priorités de développement humain les alcoolisées
Viennent s'ajouter à cette liste les plus essentielles. en Europe 105
incertitudes concernant la viabilité à long La comparaison du surcoût annuel Consommation de
terme soulevées par la crise en Asie de de l'accès universel aux services sociaux stupéfiants dans le
l'Est et du Sud-Est (encadré 1.4). monde 400
et de certaines dépenses de consomma~
tian (tableau 1.12) petmet de constater Dépenses militaires
Dans de nombreux pays, le fardeau du dans le monde 780
remboursement ct du service de la dette qu'il existe des ressources abondantes
interdit toute avancée dans le développe~ susceptibles d'être dégagées en faveur a. Coat annuel supplémentaire
ment humain ou dans l'éradication de la du développement humain. Ces compa- estimé pour parvenir à un accès
raisons n'ont bien sûr qu'une valeur universel aux services sociaux de
pauvreté (voir encadré 5.12 au cha, base dans tous les pays en
pitre 5). Pour 27 pays lourdement endet- d'exemple, mais elles n'en illustrent pas développement.
moins de façon frappante l'utilisation Sources: Euromonitor. 1997,
tés, la dette est supérieure au PIB. Les pays ONU, 1997g, PNUD, FNUAP et
d'Afrique subsaharienne ont consacré en qui est faite des ressources de la pla- UNICEF, 1994, Worldwide
moyenne 12 milliards de dollars par an au nète. Research, Advisory and Business
Intelligence Services, 1997
remboursement de leur dette entre 1990 et Malgré les difficultés et les reculs,
1995, alots que l'encours de leur dette accélérer les progrès dans le développe~
augmentait de 33 milliards. Pour certains, ment humain et éradiquer les formes les
les sommes consacrées au remboursement plus extrêmes de la pauvreté humaine sont
de la dette sont pratiquement équivalentes des défis à notre portée. Nous savons ce
à la totalité de l'aide publique au déve- qu'il faut faire et le monde dispose des
loppement reçue. Le Mozambique a une moyens pour y parvenir. Le succès dépend
dette extérieure neuf fois supérieure à la désormais de notre capacité à renforcer les
valeur de ses exportations annuelles, et partenariats, à susciter un élan politique
consacre près de la moitié de son budget en faveur des réformes, à prendre des
au service de la dette, soit quatre fois plus engagements fermes, et à agir concrète~
que pour la santé. ment.

OÙ EN EST LE llÉVELOPPEMEl'T HUMAI" ! 41


CHAPITRE 2

La consommation du point de vue du


développement humain

La consommation de biens et services est d'accès qui font des femmes des laissées-
DIAGRAMME 2.1 une activité constante de la vic quoti· pour·compte de nombreuses sociétés.
Les facteurs de la consommation
dienne. Elle n'cst pas pour autant l'objec· La consommation est aussi un moyen
du point de vue
du développement humain tif ultime de l'existence. Lorsque nous de participer à la vie de la communauté.
consommons, c'est dans un but précis, ou En effet, les marchandises sont les mots
Biens et serviCes provenant dans plusieurs buts à la fois. On ne peut d'un langage sociaL Comme l'a observé le
donc saisir le rôle de la consommation sociologue Marcel Mauss dans son clas-
dans la vic humaine sans en appréhender sique Essai su.r le don, [orme archaïque de
les finalités. Et cellcs·ci sont diversifiées l'échange, nous offrons des présents pour
+ à l'extrême: elles vont de l'alimentation exprimer des sentiments et mettre en
~ à l'amusement, du souci de vivre long~ place un besoin de réciprocité, cimentant
~ temps à celui de vivre dans de bonnes par là une relation entre celui qui donne
+ conditions, de l'épanouissement personnel et celui qui reçoit. En outre, chaque com-
à la vie sociale. munauté possède ses normes d'habille-
ment, d'alimentation, de logement, de
transport et de communication. Ne pas se
La consommation et ses concepts conformer à certaines de ces normes inter·
dit la pleine participation à la société.
Le point de vue du développement
Le point de vue du développement humain ne se limite pas à la consomma-
humain se concentre sur les influences tion matérielle réalisée par des individus
multiformes de la consommation de biens utilisant leur revenu personnel. Cette
et services sur la vie des personnes. Dans approche ne rendrait en effet compte que
cette perspective, la consommation consti· d'une petite partie des biens et services
tue un moyen pour parvenir au dévelop· qui contribuent au développement
pernent humain. Son rôle consiste à humain. La vie d'une communauté dépend
accroître les capacités des individus à tout autant d'un grand nombre d'éléments
vivre longtemps et dans de bonnes condi· collectifs et immatériels fournis par la
tions. La consommation donne accès à des puissance publique: protection sociale,
opportunités sans lesquelles une personne soins de santé, enseignement et transports,
souffrirait de la pauvreté humaine. notamment. L'approche du développe·
• Nourriture, toit, eau potable, installa- ment humain va encore plus loin. Elle
tions sanitaires, soins médicaux et vête- englobe en effet les formes de consomma·
ments sont des conditions nécessaires à la tian non comptabilisées par la valorisation
longévité et à la santé. monétaire de l'économie en s'attachant
• La scolarité et l'accès à l'information aux biens et services issus du travail non
par l'intermédiaire de livres, de postes de rémunéré - en particulier celui des
radio, de journaux et, de plus en plus, des femmes - ainsi qu'aux ressources collec·
réseaux électroniques, sont nécessaires tives provenant de l'environnement.
pour apprendre à lire, à écrire, à compter, Prendre en compte tous ces aspects donne
à s'exprimer et pour disposer d'informa- une perspective beaucoup plus large des
tions à jour. niveaux et des modes de consommation
• Le transport et l'énergie sont des d'une communauté (diagramme 2.1).
moyens essentiels à tous ces objectifs, De toute évidence, la consommation
comme à pratiquement toutes les autres contribue au développement humain
activités humaines. 11 apparaît de plus en lorsqu'elle accroît les potentialités de cer-
plus clairement que ce sont avant tout le taines personnes sans affecter le bien·être
manque de mobilité et les difficultés des autres, lorsqu'elle respecte autant les

42 RAPPORT '-10l':DIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMA Il': 1998


ENCADRE 2.1
Théories de la consommation: de Veblen à Sen

Veblen perspective macroéconomique. Dans sa qu'ils admirent et qu'ils font en sorte


Thorstein Veblen (1899) a été le pre· théorie, les dépenses totales de consom~ d'imiter. Le cadre analytique de cette
mier à étudier la consommation en tant mation sont une composante importante hypothèse est fourni par la théorie du
que phénomène social (fonction de pres~ du revenu national. Selon Keynes, une revenu relatif (1949). Pour Duesen~
tigeL et à montrer la façon done-Ies hausse du revenu se traduit par une aug~ berry, le principal déterminant de la
goûts d'une personne sOnt influencés par mentation de la consommation, mais à consommation est le revenu relatif et
ceux des autres. Veblen a mis en évi~ un rythme moins rapide. Lorsque le non, comme le suggérait Keynes, le
dence les deux principaux biais par les~ revenu augmente, la propension margi- revenu absolu.
quels la classe oisive, relativement nale à consommer se réduit à mesure
réduite, étend son influence sur te reste que les besoins des individus se trouvent ScitotJsky
de la société par l'intermédiaire de ses satisfaits. Keynes voyait dans la Tibor SCitovskjC (I976) établit une dis·
goûts. Dans un premier temps, le goût demande effective des consommateurs le tinction entre confort et stimulation,
raffiné ou cultivé est peu à peu été asso- principal moteur de la croissance éco- soulignant en particulier le rôle de la
cié à un éloignement du monde du tra~ nomique. culture dans le fait de tirer un plaisir
vail j les objets revêtant une nécessité durable d'une stimulation. Il met
pratique peuvent donc être rejetés Samuelson l'accent sur la nécessité d'acquérir des
Il(

comme dénués de valeur. Dans un L'impossibilité d'observer et de mesurer techniques de consommation qui nous
second temps, du fait du processus l'utilité de la consommation était dès donnent accès au stock de nouveauté
d'émulation par lequel chaque groupe l'origine une caractéristique gênante passée accumulé par la société et nous
c.herche à copier ceux qui sont au~des· dans la théorie néoclassique. Les écono- permettent ainsi d'augmenter à loisir et
sus de lui, la consommation oscentatoire mistes de ce courant ont cherché à presque sans limitation le flux de nou~
er les normes des classes supérieures se contourner cet obstacle en démontrant veauté disponible en en faisant une
répandent dans toute la société. que leur théorie restait. opératoire sans source de stimulation lI'.
qu'il soit besoin de mesurer l'utilité.
Weber L'hypothèse de la .. préférence révélée )io
Max Weber (1920) a créé la notion de émise pat Paul Samuelson (l938L est un
Douglas
groupes de statut lI', partageant un
Il( exemple typique de cette réflexion. Mary Douglas (1979) décrit la consom·
même mode de vie. Ce paradigme lui a Selon Samuelson, qui a appliqué les mation de marchandises comme un
fourni un cadre élargi permettant d'ana- techniques mathématiques modernes à moyen de communication crucial dans
lyser la différentiation sociale par classes l'analyse de l'économie, aucune fonction la formation de l'identité personnelle et
et partis, en incorporant des critères d'utilité, cardinale ou ordinale, n'est du statut social des individus.
fondés sur les modes de consommarion nécessaire; il suffit que les consomma·
plutôt que de se limiter aux notions de [Curs révèlent leurs préférences à travers Sen
propriété et de revenu. leurs achats sur le marché. Amartya Sen (l985) s'intéresse non à la
propriété des marchandises, mais aux
Mauss DuesenbeTT)' uü1isations qui peuvent en être faites
Pour Marcel Mauss (1925), le « ciment JIo A la fin des années quarante. James pour étendre les capacités des individus.
social qui lie entre eux les individus et Duesenberrya érudié la fonction d'ému~ Les marchandises contribuent de façon
les communautés est la réciprocité, qui latÎon par laquelle un individu calque importante à enrichir la vie des indivi~
se manifeste dans l'échange de biens ses habitudes de consommation sur dus, mais leur efficacité dépend de
(cadeaux) et leur consommation. celles de son voisinage (c'est l'idée de caractéristiques personnelles et des cir~
li: faire aussi bien que ses voisins )io). constances sociales. Les disparités entre
Ke1nes Selon son hypothèse. les préférences ces caractéristiques et circonstances sont
John Maynard Keynes (1936) a surtout des individus sont influencées par les une des sources des inégalités constatées
considéré la consommation dans une choix de consommation de voisins dans les sociétés.

SaUTee; Bureau du Rapport mondial SUT" le dl..·tlop~nt humain.

générations futures que celles dJau~ femmes. La créativité artistique - dans la


jourd'hui, lorsqu'elle n'outrepasse pas les littérature, la danse, la musique et bien
capacités d'absorption de la planète ct d'autres modes d'expression - peut s'épa~
lorsqu'elle encourage l'émergence de com~ nouir même lorsque les ressources maté~
munautés vivantes et créatives. rieHcs sont à leurs limites inférieures: il
Pourtant, bien que la consommation suffit pour cela que (es individus jouissent
soit essentielle à certains aspects du pro~ de la liberté d'expression, de la liberté de
grès humain, elle n'est pas toujours une pensée et de la liberté d'utiliser leur temps
nécessité. Une famille n'a pas besoin comme bon leur semble.
d'une multitude de biens pour respecter les Le développement humain est fondé
droits de chacun de ses membres. Un pays sur un principe: celui de j'universalité des
n'a pas besoin de vivre dans l'abondance droits essentiels. Il s'agit de reconnaître
pour assurer J'égalité entrc hommes ct les droits essentiels de tous - femmes,

LA CONSOMMATION DU POINT DE VUE DU DÉVELOPPEME:-JT IIL:MAIN 43


hommes, enfants - sans discrimination l'économie ont tendance à se concentrer,
aucune. Cela suppose un monde dans à l'échelon microéconomique, sur l'utilité
lequel la consommation est répartie de et la satisfaction des besoins individuels
manière que tous aient suffisamment à découlant de la consommation et, à
manger, qu'aucun enfant ne soit privé l'échelon macroéconomique, sur la pro-
d'éducation, qu'aucun être humain ne se duction et l'utilisation du revenu natio-
voie refuser des soins de santé et que tous nal. L'épargne, qui s'oppose à la consom~
les individus puissent développer pleine- mation , s'apparente en réalité à une
ment leurs potentialités. Du point de vue consommation différée. De nombreux éco~
du développement humain, la vie humaine nomistes distinguent par ailleurs la
a une valeur intrinsèque, une valeur qui consommation d'articles de première
ne se limite pas à la capacité de produc~ nécessité, indispensables à la satisfaction
tion de biens matériels, aussi important des besoins essentiels, et celle de produits
que soit cet aspect. Par ailleurs, de ce de luxe, c'est-à-dire de tout ce qui n'est
point de vuc, la vic d'une personne n'a pas pas strictement nécessaire.
Il est plus de valeur que celle d'une autre. En sociologie et en anthropologie, les
fondamental Le principe de l'universalité repose sur activités de consommation sont analysées
deux formes d'équité: intragénération- dans le contexte des relations et des insti~
de s'attaquer nelle et intergénérationnelle. Certains tutions sociales. Les décisions de consom-
aux déficiences affirment parfois - inconsidérément mation des individus sont influencées par
- que le développement durable signifie leurs obligations sociales, c'est~à~dire par la
de la qu'il faut maintenir pour les générations classe sociale à laquelle ils appartiennent,
consommation futures le même niveau et la même struc~ par les normes régissant cette classe et par
turc de développement et de consomma- les relations que ces individus entretien~
tion. Cette interprétation est manifeste- nent avec autrui. La consommation est
ment erronée. Les inégalités sont donc, ici, un moyen de communication
aujourd'hui si criantes qu'assurer la péren- sociale, et l'absence de consommation prive
nité des structures de développement et de l'individu de ses possibilités d'interagir en
consommation actuelles reviendrait à société. Ainsi, le partage d'un repas ne sert
condamner les générations futures aux pas seulement à satisfaire un besoin biolo-
mêmes inégalités. Les structures de déve- gique - celui d'apaiser la faim - mais
loppement et de consommation qui per~ constitue également une forme de partici-
pétuent les inégalités d'aujourd'hui ne pation collective.
sont pas durables et ne vaudraient pas la Les études environnementales abordent,
peine de l'être. quant à elles, la consommation sous l'angle
C'est du point de vue de l'universalité des ressources naturelles et de leut appau~
des droits essentiels - principe inscrit vrissement. Ces ressources sont de deux
dans un grand nombre de textes fonda~ catégories: renouvelables (eau, bois ou
teurs et d'engagements, à commencer par poissons, par exemple) et non renouve-
la Déclaration universelle des droits de lables (comme les métaux et les ressources
l'homme - qu'il nous faut explorer les minières). La consommation entraîne
interdépendances entre consommation et l'appauvrissement de ces deux formes de
développement humain. Il est fondamen- capital naturel. En outre, il faut bien se
tal de s'attaquer aux déficiences de la débarrasser des produits ainsi consommés,
consommation. Si nous voulons que ce qui engendre une accumulation de
chaque membre de la société - femme, déchets et de problèmes de pollution.
homme, enfant ~ puisse consommer un Pour les philosophes, les observateurs
volume minimal de biens et services de la société et les théologiens, les pro-
essentiels au développement de ses poten~ blèmes de consommation ont trait à la
tialités ct à un niveau de vie décent, il tension entre les valeurs incarnées par le
faut donner la priorité à l'élimination de matérialisme et celles de modes de vie plus
ces déficiences, qui perpétuent la misère. dépouillés. Nombreuses sont les grandes
Ce point de vue du développement religions qui traitent du matérialisme à
humain sur la consommation s'inspire de l'intention de leurs fidèles (encadré 2.2).
djfférentes idées énoncées par beaucoup de Du fait des différences dans ces
grands penseurs dans une multitude de approches de la consommation, chacun de
domaines (encadré 2.1). ces champs d'étude débat en fait de ques-
En économie, l'accent est générale~ tions très dissemblables. L'économie s'inté~
ment mis sur la consommation de biens et resse ainsi à la maximisation de l'utilité, à
services finals. Les grands courants de l'optimisation de la demande globale et à

44 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HU\lAIN 1998


l'arbitrage entre consommation immédiate ENCADRE 2.2
et différée. La sociologie et l'anthropolo~
Le rejet de la consommation matérialiste par les religions
gie se préoccupent, entre autres choses, de
la manière dont la consommation sert à A toutes les époques, les religions «Prendre tout ce que l'on veut n'est
forger une identité de groupe, par inclu~ ont érigé au rang de vertu la modé~ jamais aussi bien que de s'arrêter
sion et exclusion, dans la mesure où les ration dans la consommation. En lorsqu'il le faudrait. »
témoignent de nombreux textes et
objets de cette consommation revêtent une enseignements. Dans le christianisme :
signification symbolique. Cette science, « Prenez garde ! Gardez~vous de
dans les sociétés en développement, Dans j'hindouisme toute espèce d'avidité: la vie d'un
s'attache d'ailleurs de plus en plus à l'inter~ «Posséder le don précieux du homme ne réside pas dans l'abûn~
action entre les cultures locales et mon~ contentement, c'est posséder tout... dance de ses possessions...
diale, sous l'angle de la consommation de
biens et services. Dans le domaine envi~ Dans l'islam : Dans le confucianisme :
ronnementaL enfin, le débat porte sur les «Il est difficile pour un homme « L'excès et le manque sont égale~
problèmes de rareté des ressources natu~ chargé de richesses de gravir le che~ ment coupables. »
relles ct de viabiHté écologique. min escarpé qui mène à la béati~
tude... Dans le bouddhisme
La consommation donne donc lieu à « La richesse ne vient pas d'une « Par sa soif de richesse, l'insensé se
des points de vue divers, centrés sur des abondance de biens terrestres, mais détruit lui~même comme siil était
problèmes différents. Mais ces aspects ne d'un esprit satisfait... son propre. ennemi. ..
sont pas nécessairement en conflit en « Celui qui, dans ce monde, surmonte
fait, ils se complèrent. Le Rapport mondial Dans le taoi'sme : ses besoins égoïstes voit ses peines se
SUT le développement humain de cette année ES[ riche celui qui sait qu'il
0(' pos~ détacher et tomber de lui comme les
utilise la compréhension découlant de ces sède assez. ,. gouttes d'eau d'une fleur de lotus. »
différents points de vue pour explorer,
Source-: Parrhasarathi, 1997c,
sous des angles multiples, l'incidence de
la consommation sur la vie humaine.

de transport que leurs propres jambes.


Quels sont les facteurs affectant les Nombreux sont les facteurs responsables
choix de consommation? de ces contraintes pesant sur les choix de
consommation. Le revenu n'est pas seul en
cause: il faut aussi mentionner la dispo~
Les consommateurs considérés individuel~ nibilité de biens et services essentiels,
lement sont censés être dans la meilleure ainsi que les infrastructures permettant d'y
position pour juger de leurs propres accéder, l'utilisation du temps, l'informa~
besoins ct préférences, et pour faire leurs tion, les barrières sociales et le contexte
propres choix. On peut légitimement pré~ familial.
SUffier que les gens savent ce qu'ils cher~
chent et qu'ils ont des raisons d'oprer pour
un mode de consommation plutôt que Revenu
pour un autre. Même lorsqu'une personne
ne dispose pas de toutes les informations Le revenu est un moyen important d'élar~
qui pourraient IUÎ être nécessaires, l'idée gir la palette des choix de consommation,
qu'une autre puisse juger de ses décisions en particulier avec la monétisation crois~
mieux qu'elle~même n'est pas, en règle sante des économies du monde entier.
générale, facile à accepter. C'est le revenu qui donne aux individus la
Cependant, avant de pouvoir prendre possibilité d'acheter des aliments diversi~
une quelconque décision, le consomma- fiés et nourrissants, au lieu de se limiter à
teur doit au moins avoir des choix. Or, des la consommation de leurs propres cultures.
millions de personnes sont confrontées à C'est le revenu qui permet aux individus
un éventail de choix de consommation de payer un transport motorisé au lieu de
trop étroit pour pouvoir développer leurs marcher, de procurer des soins de santé et
potentialités. La répartition actuelle des une éducation à leur famille, d10btenir de
opportunités de consommation révèle de l'eau courante au lieu d'avoir à marcher
graves déficiences: dans toutes les socié~ des heures pour la tirer d'un puits.
tés, certaines personnes sont privées de A l'heure où une part croissante de la
tout un ensemble de biens et services consommation dépend du revenu privé,
essentiels, Certaines ne peuvent pas se les variations de revenu exercent bien sûr
procurer de quoi manger à leur faim, une influence dominante sur la consom~
d'autres n'ont pas accès aux soins de santé mation. Lorsque les revenus progressent de
et d'autres, enfin, n'ont d'autres moyens manière régulière - comme dans la plu-

LA CONSOMMATION DU PDINT DE VUE DU DÉVELOPPEMEKT HUMAIN 45


part des pays industrialisés depuis plusieurs biens publics et privés. Or, dans de nom~
décennies - la consommation s'accroît breux pays et régions, il existe aujourd'hui
pour la plus grande partie de la popula- un déséquilibre important et malsain dans
tion. Cependant, pour la même raison, les ces domaines, ce qui se traduit par de pra~
baisses de revenu se payent par une chute fondes inégalités sociales. Telle était la
de la consommation, avec des consé~ thèse vigoureuse présentée par John
quences dévastatrices pour le bien~ê[re des Kenneth Galbraith, il y a une quarantaine
personnes. d'années, dans son classique L'Ere de l'opu-
lence. M. Galbraith revient aujourd'hui sur
le même thème, pour conclure que. le
Biens, senices - et infrastructu.res - contraste entre le besoin de services
essentiels publics et l'opulence de la consommation
privée s'est considérablement accentué lt
Les choix de consommation dépendent de au cours de ces quarante dernières années
la diversité des biens et services dispo· (voir encadré 2.3).
Les choix de nibles - provenant du marché, de l'Etat,
des ressources communes ou encore de
consommation productions domestiques. Nombre des Utilisation du temps
dépendent de biens et services les plus essentiels - eau
potable, assainissement, enseignement,
la diversité des soins de santé, transpon et électricité
Les opportunités de consommation peu-
vent être gravement limitées par le
biens et - supposent des infrastructures: conduites manque de temps. Les femmes africaines et
d'eau, égouts, lignes électriques, écoles,
servIces dispensaires, routes ... A quoi bon avoir de
asiatiques passent chaque jour un nombre
d'heures considérable à satisfaire aux
disponibles l'argent s'il n'y a aucun dispensaire à des besoins de leur ménage en énergie et en
kilomètres à la ronde pour acheter des eau, si bien qu'il ne leur reste plus de
médicaments, si les écoles sont trap élai~ temps à consacrer à l'éducation, aux soins
gnées pour y envoyer les enfants, s'il n'y a de santé ou aux activités communautaires.
aucun moyen de raccorder les maisons à De la même manière, les travailleurs sur~
un réseau électrique? chargés de travail reçoivent certes un
Traditionnellement, ces services sont salaire adéquat, mais c'est souvent au prix
tout d'abord fournis par la communauté, d'un très grand nombre d'heures de travail
puis par l'Etat. A mesure que les marchés et du sacrifice de leurs congés. Les femmes
sc développent et que les techniques pro~ sont, elles, confrontées à une triple
gressent, le secteur privé prend une impor~ contrainte, qui nuit gravement à leurs pos-
tance croissante là où des profits sont pos~ sibilités de choix de consommation. Non
sibles. Dans les zones moins prometteuses seulement une grande partie de leur travail
économiquement, ce sont les organisations n'est pas rémunérée, mais leurs obligations
communautaires qui se chargent de col- domestiques, qui viennent s'ajourer à leurs
lecter des fonds et de satisfaire elles- responsabilités familiales (reproduction et
mêmes aux besoins de la collectivité. éducation des enfants) ne leur laissent
Néanmoins, c'est encore à l'Etat d'assurer, guère le temps de faire autre chose. Et dans
quels qu'en soient les moyens, l'accès de les pays industrîalisés, certaines familles
tous - habitants des campagnes comme constatent que leurs modes de vie surchar-
des villes, pauvres comme riches - à ces gés les empêchent de pratiquer des activi~
biens, services et infrastructures. tés de loisir, malgré un niveau de revenu
Même à mesure que les marchés assu- élevé. Même si le temps de travail est
rent des services préalablement fournis par généralement choisi, de nombreux indivi~
l'Etat, une complémentarité subsiste entre dus subissent aussi des pressions pour tra~
biens collectifs (publics) et biens indivi- vailler plus longtemps. Ils peuvent égale-
duels (privés). Les voitures et autocars pri- ment être motivés par le sentiment que
vés ont besoin de routes bien entretenues l'argent dont ils ont. besoin .. leur impose
pour rouler dans de bonnes conditions. Les de travailler tant d'heures qu'ils finissent
entreprises privées fournissant de l'eau par avoir trop peu de temps et de possibi-
demandent toujours à l'Etat de mettre à lités pour dépenser l'argent gagné.
disposition les infrastructures nécessaires à
leur activité. Et malgré le développement
des écoles privées, il faut aussi des écoles Information
publiques pour ceux qui n'ont pas les
moyens de payer les droits d'inscription. Il L'information est essentielle pour faire
faut donc maintenir un équilibre entre prendre conscience des vastes possibilités

46 RAPPORT MONDIAL SüR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1998


ENCADRE 2.3
De l'influence persistante de l'opulence
John Kenneth Galbraith

Voilà plus de 40 ans que je me suis pen· ment accentué. Chaque jour, la presse, responsabilité. C'est une chose dont je
ché sur la situation des pays économi· la radio et la télévision vantent l'abon· n'avais pas conscience lorsque je rédi·
quement avancés, en particulier les dance dans la producrlon de marchan, geais mon ouvrage il y a 40 ans, mais
Erats·Unis, pour écrire L'ETe de dises tout en proclamant la nécessité de c'est bien une tendance de l'esprit à
l'Opulence. Cet ouvrage a été bien consacrer davantage d'argent à l'éduca· laquelle je crois qu'il faut attribuer une
accueilli et l'on me demande tian, aux travaux publics et à la condi~ grande responsabilité.
aujourd'hui de donner mon avis sur sa tian misérable des pauvres dans les Bien sûr, tout ne se résume pas à
pertinence dans l'époque actuelle. On grandes villes. A l'évidence, l'opulence cela. Après la seconde guerre mondiale
ne devrait jamais demander une telle dans les pays avancés demeure très est venue la décolonisation. Ce proces·
chose à un auteur, mais l'erreur étant inégalement partagée. sus hautement civilisé et louable a
faite, je réponds avec plaisir à cette Si je devais décrire tout cela néanmoins laissé un cerrain nombre de
requête. L'argument central de cet aujourd'hui, je le ferais toujours avec pays dépourvus de pouvoirs publics effi-
ouvrage était que, dans les pays écono· autant de force. j'insisterais particuliè. caces. Or, rien n'est aussi important
miquement avancés, en particulier aux rement sur la condition des pauvres, qui pour le développement économique et
Etats·Unis, le rythme du développe. demeure misérable. Cette situation est la condition de l'homme qu'un gouver·
ment social est très inégal. Les biens et même plus évident encore qu'il y a 40 nement stable, fiable, compétent et
services produits par le secteur privé ans. A cette époque, aux Etats·Unis, la honnête. Ce facteur fait encore défaut
pour être utilisés et consommés sont pauvreté était le problème des régions dans des régions entières du monde.
disponibles en abondance. Ils sont agricoles du Sud, et des collines et val- Rien n'est mieux admis de nos jours que
même tellement abondants que l'on lées du plateau appalachien. Aujour- le respect de la souveraineté et pourtant
doit dépenser des sommes énormes pour d'hui, c'est un problème criant des rien, à certains moments, ne nourrit
trouver des publicitaires et des vendeurs grandes métropoles. autant le désordre, la pauvreté et la
de talent, capables de persuader les gens Il existe un autre contraste. Si j'écri· misère. je ne veux- pas du tout suggérer
de désirer ce qui est produit. La sauve· vais le même livre aujourd'hui, j'insiste, par là qu'un pays donné - et en tous cas
raineté du consommateur, autrefois rais -sur la profonde disparité de bien· certainement pas les Etats·Unis - doive
dominée par le besoin d'un toit et de être entre le monde de l'opulence et les agir unilatéralement à cet égard. Mais
nourriture, l'est aujourd'hui par la pays les moins favorisés, qui sont prin· je crois qu'il faut donner un rôle plus
nécessité profondément artificielle de cipalement ceux de l'ancien monde important à l'action internationale, y
consommer une variété infinie de biens colonial. Les pays riches ont leurs nan· compris, évidemment, à celle des
et services. tis et leurs pauvres; le monde a ses pays Nations unies. Nous devons accroître
Telle est toutefois la situation dans nantis et ses pays pauvres. Lorsque j'ai notre sens de la responsabilité corn·
ce qu'il est convenu d'appeler le secteur écrit L'ETe de l'Opulence, j'étais en mu ne à l'égard de ceux qui pâtissent de
p.rivé. On ne constate pas du tout la pleine prise de conscience de cette la faiblesse, de la corruption, du
même abondance dans les services pro- dichotomie mondiale et j'avais d'ailleurs désordre et de la cruauté d'un mauvais
posés par l'Etat. L'offre de services commencé, à Harvard, à donner l'un des gouvernement, ou encore de l'absence
sociaux, de soins de santé, d'éducation premiers cours sur les problèmes des pays de gouvernement. La souveraineté" bien
- surtout d'éducation, de logements pauvres. Par la suite, j'ai passé une par· qu'elle revête un statut quasi religieux
sociaux pour les plus démunis, de nour, tie de ma vie en Inde, l'une des dans la pensée politique moderne, ne
riture même, ainsi que de mesures de anciennes colonies les plus intéressantes doit pas servir de couverture au déses·
protection de la vie et de l'environne· par leur diversité. Ces questions ont pOlr des individus. Ce n'est peut·être
ment, est limitée. Les atteintes à l'envi~ ensuite suscité une préoccupation crois· pas une opinion très populaire, mais la
ronnement sont le résultat le plus sante i malheureusement, les progrès popularité n'est pas nécessairement un
visible de cette production abondante sont allés moins vite que les paroles. gage d'intelligence.
de biens et de services. Dans un passage Le problème n'est pas d'ordre éco~ Je prends ainsi congé de mon travail
qui a été souve.nt cité, et dont je pen· nomique. Il s'enracine dans une région d'il y a quarante ans. Je ne suis pas corn·
sais à l'époque qu'il étaÎt peut.être exa· bien plus profonde de la nature piètement mécontent de ce travail, mais
géré, j'évoquais cette famille qui partaît humaine. Lorsque les individus voient je n'exagère pas non plus son rôle. Les
en vacances dans son automobile leur bien-être personnel s'améliorer, et livres peuvent parfois contribuer à la
moderne, élégante et aérodynamîque. lorsque les pays deviennent plus riches, compréhension et à l'action humaine,
Elle traversait des agglomérations et des ils développent une même tendance à mais il y a toujours une possibilité,
paysages de campagne défigurés par le ignorer les pauvres. Ou bien à inventer voire une probabilité. pour qu'ils contri·
commerce et les panneaux publicitaires. des causes rationnelles à la bonne for- buent davantage à contenter l'amour·
Elle passait l'après·midi dans un jardin [Une des nantis. La responsabilité est propre de leur auteur qu'à améliorer le
public défiguré par les détritus et le rejetée sur les pauvres eux·mêmes : destin du monde.
t.,.., désordre et dînait d'un repas délicate· étant donné leurs dispositions person~
ment emballé, extrait d'un réfrigérateur nelles et leur tenue morale, ils sont
de voyage payé fort cher. voués à être pauvres. La pauvreté est à
C'est ainsi que les choses apparais· la fois inévitable et, dans une certaine
saient il y a 40 ans. Dans le temps qui mesure, méritée. Les individus et les
s'est écoulé depuis, le contraste entre le pays chanceux jouissent de leur bien-
besoin de services publics et l'opule.nce être sans le fardeau de la conscience,
de la consommation privée s'eS[ forte· sans avoir à s'embarrasser du sens de La Auteur de. L'Ere de l'Opulence. (1958)

LA COI'SOMMATIOJ' DU POINT DE VUE DU DÉVELOPPEMENT IIUMAIN 47


de consommation existances ct pour per~ d'injustice au sein de la famille: les filles
mettre au consommateur de décider des risquent ainsi d'avoir moins de possibili~
choix les plus appropriés. En l'absence tés d'accéder à l'éducation que les garçons,
d'informations, il n'y a aucun moyen de et les femmes d'être surchargées de travail.
savoir quels biens et services sont dispo~ Il arrive par ailleurs que le père conserve
nibles SUT le marché, ou quels services sont l'argent du ménage pour son usage per~
fournis par l'Etat et, ainsi, accessibles à sonne!, au lieu de le consacrer à sa famille.
tous. Les campagnes de publicité et d'infoT' Les valeurs reconnues par le ménage ont
mation ont ici un rôle considérable à en outre un effet plus large sur les choix de
jouer. Néanmoins, comme clans toute consommation de ses différents membres.
chose, il faut trouver un équilibre. L'infor, L'éducation et l'instruction données aux
mation à visée commerciale doit être corn, enfants lors de leurs premières années sont
plétée par une éducation publique, pour essentielles pour leur permettre de faire bon
sensibiliser les consommateurs aux avan· usage des options qu'ils auront plus tard, en
rages comme aux inconvénients potentiels vue de vivre longtemps et de s'épanouir
L'information des choix auxquels ils sont confrontés. A pleinement. Le développement et la diver~
est essentielle mesure que les produits se sophistiquent sification remarquables des possibilités de
- en particulier l'alimentation, les médi~ consommation rendent plus difficile de
pour faire caments et les produits intégrant des sub; consommer en connaissance de cause: les
prendre stances chimiques, l'information sur la
manière de les utiliser devient essentielle
individus ne sont pas toujours au fait des
conséquences qu'auront leurs décisions. Un
conscIence des pour protéger la santé des consommateurs nourrisson qui ne reçoit pas une alimenta~
et d'autrui. tion correcte, un enfant qui ne va pas à
vastes l'école, un adolescent qui n'est pas sensibi~
possibilités de lisé aux questions de soins génésiques, un
Barrières sociales jeune qui n'a pas la possibilité de dévelop-
consommation per un sens de la collectivité n'auront pas
existantes Le revenu ne permet pas toujours de faire les mêmes capacités que les autres à faire
[Omber les barrièr~s interdisant l'accès aux les choix les plus appropriés pour eux-
mêmes et pour la collectivité.
opportunités. C'est particulièrement vrai
lorsque les inégalités entre les sexes, les
classes, les castes ou les questions d'appar~
tenance ethnique limitent la liberté des La consommation et ses rapports
individus de consommer les biens et ser~ avec le développement humain
vices qu'ils désirent. Ainsi, les membres
de certains groupes ethniques peuvent se Il existe un ensemble complexe de rela~
voir dénier l'égalité d'accès à l'éducation, tions entre consommation et développe;
à l'emploi ou à des services sociaux élé; ment humain. Ces relations peuvent être
mentaires fournis par l'Etat et cela, quel fortes, entraînant des effets positifs pour
que soit leur revenu. Et que dire des un grand nombre de personnes, mais elles
femmes? En Afghanistan, aujourd'hui, peuvent aussi se rompre, avec des consé;
elles n'ont ni la possibilité de suivre une quences négatives - pour les consomma~
scolarité ni celle de participer à un grand teurs comme pour les autres, qu'ils soient
nombre d'activités économiques. proches ou éloignés.

Le ménage - lieu de prise de décisions et Conséquences SUT les consommateurs eux~


d'éducation des enfants mêmes

Bon nombre d'analyses des décisions de L'augmentation des niveaux de consom~


consommation reposent sur l'hypothèse mation survenue ces dernières décennies
que la personne qui décide est celle qui s'est accompagnée de maintes consé;
bénéficiera directement de la consomma~ quences positives - et que l'on avait pas
tian. Or, dans bien des cas, la réalité est imaginées auparavant - sur la vie de mil;
fort différenre. Les décisions de consom~ lions d'individus. Les progrès dans la
mation au sein d'un ménage sont fré~ nutrition font reculer la faim et progres~
quemment entre les mains d'une seule per; ser la santé. L'amélioration de l'accès aux
sonne, souvent le père ou la mère. Cette médicaments et l'introduction de nou-
situation peut certes donner de bons résul; velles thérapeutiques réduisent la morbi;
tats, mais elle est aussi souvent source dité et la mortalité. Les énormes progrès

48 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAI!' 1998


enregistrés dans les transports accroissent - aussi appelées « externalités Il - peu-
fortement la mobilité des individus, avec à vent être positives ou négatives.
la clef davantage de possibilités d'emploi Les externalités positives sont nom~
ct de relations sociales. Dans le monde breuses et contribuent fortement au déve~
entier, la révolution technologique dans loppement humain. La possession d'un
l'informatique et les télécommunications téléphone par une seule personne dans un
permet aujourd'hui aux habitants de zones village peut permettre d'apporter l'infor~
reculées de dialoguer avec d'autres. Le per~ mati on à tous. Le fait qu'une femme
sonnel médical des villages isolés peut reçoive un enseignement est non seulc~
ainsi demander une aide d'urgence. Quant ment une source d'opportunités pour elle~
aux impressionnantes avancées des [cch~ même, mais est aussi bénéfique sur la
niques de réfrigération et d'emballage, santé de sa famille. Vacciner quelqu'un
elles améliorent grandement l'accès des contre une maladie infectieuse réduit éga-
individus à des aliments nutritifs et adap~ lement les risques encourus par les autres.
tés à leurs besoins. Partout dans le monde, Un jardin bien entretenu peut être un
la disponibilité croissante de ces biens et plaisir pour toUS les passants. Et plus les
La
services améliore la qualité de la vie. liens sont étroits au sein de la commu~ consommation
Pour autant, la consommation peut nauté, plus nombreuses sont les possibili~
aussi avoir des effets nocifs. Boire de l'eau tés de voir ces effets positifs se communi~ peut aussi
non potable provoque des maladies et quer à d'autres. avoir des effets
entraîne parfois la mort. L'utilisation de Cependant, la consommation peut
bouse de vache et de bois de feu pour aussi avoir des effets négatifs sur d'autres
négatifs sur
cuire des aliments dégage une fumée qui personnes, et devenir ainsi néfaste au d'autres
peut entraîner des affections pulmonaires. développement humain. Ces effets se
Voyager dans des autocars bondés ou des constatent à la fois à l'échelon local et personnes, et
voitures mal entretenues peut provoquer mondial, à travers l'environnement ct la devenir ainsi
des accidents mortels. Les aliments peu~ société dans son ensemble.
vent être contaminés suite à des négli~ néfaste au
gences au stade de la fabrication ou à une
Conséquences indirectes liées à
développement
hygiène insuffisante au stade de la
consommation. Des appareils électriques l'environnement humain
peuvent être défaillants ou dangereux à
utiliser, tandis que les jouets peuvent La consommation de chaque individu a
contenir de petits éléments avec lesquels des conséquences environnementales, qui
les bébés peuvent s'étouffer. Même s'ils passent principalement par les processus
servent à améliorer la santé, les médica~ de production et d'évacuation des déchets
ments peuvent se révéler extrêmement et peuvent finir par se répercuter sur la
dangereux s'ils sont contaminés, si leur planète entière.
date limite d'utilisation est dépassée et si • L'utilisation de ressources non renouve~
les notices ne sont pas respectées, ou font tables (métaux, minéraux et combustibles
défaut. Lorsqu'ils sont consommés en fossiles) en réduit les réserves et, donc, les
grande quantité, certains aliments se révè~ possibilités d'exploitation à venir.
lent nocifs, ct peuvent notamment entraÎ~ • L'exploitation intensive et abusive de
ner obésité, maladies cardio~vasculaires ou ressources renouvelables (la terre, l'eau, le
cancers. Enfin, des consommateurs peu- bois, les réserves halieutiques) les dégrade
vent se retrouver en situation de dépen~ et en accroît la rareté, pour les généra~
dance vis~à-vis de drogues, de l'alcool ou tions présentes comme pour celles à venir.
du jeu, au point de nuire à leur jugement,
à leur santé, à leur dignité et à leur posi~ • Les émissions de matières polluantes
créent des conditions insalubres sur le
tion sociale.
plan local: la fumée de cigarettes qui rem-
plît une pièce et les gaz d'échappement
qui forment une chape au-dessus des villes
Conséquences indirectes nuisent à la santé de tous.
o Le dégagement de pollutions et de
Les décisions de consommation sont certes déchets au~delà des capacités d'absorption
le fait d'individus, mais elies ont aussi des de la planète entraine de très graves modi~
conséquences sur les autres - non seule~ fications de la température et de l'acidité
ment au niveau du ménage, mais aussi de des sols, dont les conséquences sont
la collectivité ct même de la planète néfastes pour l'avenir de tous les êtres
entière. Là encorc, ces conséqucnces humains.

LA CONSOMMATION DU POINT DE VUE DU DÉVELOPPEMENT HUMAIN 49


Conséquences indirectes en termes De toute évidence, les relations
d'inégalités et d'exclusion entre consommation et développement
humain ne sont ni automatiques ni for#
La consommation de certains biens et ser~ cément positives. Le rapport de cette
vices peut s'accompagner, par l'interrné~ année se concentre sur plusieurs ques·
diaire des processus de production, de tions : comment et pourquoi ces rela#
Les relations formes d'exploitation des travailleurs. tions sont-elles mises à mal? Comment
C'est particulièrement le cas dans les rnar# peut·on les rétablir et les renforcer?
entre chés mal réglementés, dans lesquels l'Etat Quelles sont les actions à entreprendre
nc joue pas son rôle d'intervention ct de
consommation protection des droits des travailleurs et
dans ce domaine? Et à qui incombent#
elles? Ce chapitre a présenté les
et petits producteurs. La consommation peut
grandes 1ignes d'un cadre conceptuel à
aussi avoir un impact négatif lorsqu'elle
développement devient un instrument de rivalité sodale.
l'intérieur duquel il est possible d'explo-
rer les liens entre consommation et
humain ne Les pressions en faveur de la consomma#
développement humain. Le chapitre 3 se
tion ostentatoire peuvent être forces et
sont ni conduire à J'endettement et au renonce· penche sur les tendances mondiales, en
donnant des exemples de relations posi·
automatiques ment à des produits essentiels au ménage.
tives et négatives. Le chapitre 4 traite
Ne pas consommer le produit de telle ou
ni forcément telle marque-symbole peut conduire à de l'impact des modes de consommation
sur les ressources naturelles et examine
positives l'exclusion. Enfin, l'impossibilité d'accé#
les relations entre la consommation, ses
der à certaines technologies - en particu#
lier les transports et les communications conséquences environnementales et les
- largement utilisées par la collectivité inégalités. Enfin, le chapitre 5 discute
peut priver certains individus de possibi# des possibilités dont disposent les socié#
lités de participation effectives. tés pour rétablir et faire prospérer les
relations positives entre consommation
• • • et développement humain .

50 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1998


CHAPITRE 3

La consommation dans un village


mondial - inégalités et déséquilibres

A l'échelle mondiale, les dépenses de d'atteindre plus facilement les écoles et les
consommation, privées et publiques. pro, dispensaires. Alors que la population mon-
gressent à un rythme sans précédent: elles diale a doublé depuis 1950, le parc des Les dépenses
ont doublé en termes réels en 25 ans, pour
s'établir à 24 000 milliards de dollars en
moyens de transport a été multiplié par
plus de huit: le nombre des véhicules de
mondiales de
1998. Cette expansion fait considérable- tourisme est passé de 53 à 456 millions et consommation
ment avancer le développement humain. celui des bicyclettes de Il à 109 millions
• Des progrès réguliers en termes de santé, (tableau 3.1).
ont doublé
d'eau potable et d'infrastructures sani· Au cours de la dernière décennie, au cours des
raires, ainsi que des améliorations quanti· l'accélération de la mondialisation et
mtives ct qualitatives de la consommation l'intégration du marché mondial de la
25 dernières
alimentaire, renforcent la capacité des consommation ont provoqué des change- années
individus à vivre longtemps ct en bonne ments rapides dans les modes de consom·
santé. Ces avancées vont de "accès à l'cau matian t de la pâte dentifrice aux réfrigé-
potable pour des millions de personnes qui rateurs, ct ont vu la diffusion des produits
devraient sinon s'approvisionner dans les « de marque ,> de renommée internatio~
étangs et les cours d'eau, jusqu'aux décail· nale. Les importations mondiales de mar~
vertes médicales les plus en pointe, telles chandises ont augmenté à un rythme sou·
que les traitements contre le cancer. tenu, pour passer de 2 000 milliards de
Depuis 1960, l'espérance de vie est passée dollars en 1980 à plus de 5 000 milliards
de 46 à 62 ans dans les pays en dévelop- en 1995. La part des produits manufactu-
pement et de 69 à 74 ans dans les pays rés dans les importations totales a pro-
industrialisés, alors que la mortalité infan· gressé dans pratiquement tous les pays
tile a reculé pour passer de 149 à 65 décès entre 1980 et 1995, de 19 à 54 % au
pour l 000 naissances vivantes dans les Japon, de 40 à 71 % au Brésil, de 51 à
pays en développement, et de 39 à 13 81 % en Thaïlande et de 50 à 79 % aux
pour 1 000 dans les pays industrialisés. Etats·Unis. Les importations de téléviseurs
• L'accès élargi à l'éducation, à l'infor· ont plus que doublé en Asie entre 1990 et
mation et aux techniques de communica- 1994, soit en quatre ans à peine. Dans le
tion accroît considérablement la base de même temps, les importations d'équipe·
connaissances et le potentiel des indivi- ments ménagers ont plus que triplé en
dus, facteurs déterminants dans l'avancée Amérique latine.
de l'alphabétisation des adultes dans les La hausse de la consommation de pro·
pays en développement, qui est passée de duits manufacturés est particulièrement
48 % cn 1970 à 70 % en 1995. rapide dans les économies à forte croissance
• L'augmentation de la consommation d'Asie ct d'Amérique latine. Prenons le cas
d'énergie, qui entre en jeu dans toutes les de la Chine. Les dépenses consacrées aux
activités humaines, ouvre une myriade nouveaux biens durables par les familles
d'opportunités: pour la cuisine, le chauf. établies dans les villes y ont pratiquement
fage, l'éclairage comme pour le transport, doublé entre 1980 et 1994, alors que celles
la production, la communication et le pro· consacrées aux biens durables traditionnels
grès technologique. Multipliée par quatre reculaient de quasiment 10 %. Le revenu
aux cours des cinquante dernières années, pat habitant s'étant accru de 50 % dans les
la consommation mondiale d'énergie croît zones urbaines entre 1981 et 1985, les
plus vite que la population. achats de lave-linge, de réfrigérateurs et de
• L'intensification des transports ouvre téléviseurs ont été multipliés par 8 à 40,
des possibilités d'emploi et d'échanges sous l'effet à la fois des importations et de
commerciaux et permet aux populations la progression phénoménale de la prnduc.

LA CONSOMMATION DANS UN VILLAGE MO~D1AL - INÉGALITÉS ET DÉSÉQUILIBRES 51


TABLEAU 3.1
Tendances à long terme de la consommation privée par région: quelques exemples

Pays Pays Afrique Asie du Amérique


indus- en dévelop- sub· Pays Asie de Sud-Est et ~Asie latine et
Produit Année Monde trialisés pement saharienne arabes l'Est Pacifique du Sud Caraïbes

Viande (millions de tonnes) 1970 87 S7 29 3 2 8 3 3 10


1995 199 95 103 6 5 53 8 8 23

Céréales (millions de tonnes) 1970 473 91 382 27 20 142 41 112 33


1995 866 160 706 56 49 236 82 212 57

Energie (total, millions de 1975 5 575 4338 1 237 139 67 407 102 180 306
tonnes d'équivalent pétrole) 1994 8504 5 611 2893 241 287 1 019 296 457 531

Electricité (milliards 1980 6286 5026 1 260 147 98 390 73 161 364
de kilowatts/heure) 1995 12875 9300 3 575 255 327 1 284 278 576 772

Essence (millions de tonnes) 1980 551 455 96 10 12 11 8 6 48


1995 771 582 188 lS 27 38 19 13 72

Automobiles (millions) 1975 249 228 21 3 2 0.5 2 2 12


1993 456 390 65 5 10 7 7 6 27

Production de bicyclettes 1970 36


(millions) 1995 109

Restaurants McDonald's 1991 12418 11970 448 0 0 123 113 0 212


1996 21022 19 198 1 824 17 69 489 409 3 837
Sources: FAO, 1998. McDonatd's Corporation, 1997. ONU, 1996a, 1996c et 1997b.

tian intérieure. Au milieu des années la croissance de la consommation posent


quatre-vingt, la Chine était devenue le certains problèmes:
premier fabricant de postes de télévision, • L'expansion de la consommation est
avec 23 % de la production mondiale. mal répartie, et environ un cinquième des
L'expansion des produits de consom- habitants de la planète en sont tenus à
mation n'atteint pas seulement l'élite l'écart.
urbaine et les classes moyennes. Ainsi, en • Les modes de consommation et la crois~
Inde, en 1994, une étude du Conseil sance de cette consommation sont nui·
national de la recherche économique sibles pour l'environnement. Ainsi, la
appliquée (National Couneil of Applied consommation de certains porte atteinte
Economie Research) a révélé que plus de au bien·être d'autrui, qu'il s'agisse des
70 % des ménages ruraux possédaient un générations actuelles ou à venir.
poste de radio portatif, une bicyclette et • Les modes et la croissance de la
une montre-bracelet, et que plus de 20 % consommation ont des impacts sociaux
de ces ménages étaient équipés d'un réfri· qui exacerbent les inégalités cc l'exclu~
gérateur. Entre 1988 et 1994, la propor- sion.
tion des ménages possédant une machine • Les droits des consommateurs à l'infor·
à coudre est passée de 39 à 64 %, et ceux mation et à la sécurité des produits sont
possédant un téléviseur de 31 à 57 %. difficiles à défendre dans le contexte d'un
Cette recrudescence des achats de biens marché mondial.
de consommation et de produits durables
a même gagné les 90 millions de ménages Insuffisances de la consommation
aux revenus les plus bas en Inde. En effet, et pauvreté
bien que les deux tiers d'entre eux aient
un revenu inférieur au seuil de pauvreté La mauvaise répartition de la croissance
officiel, plus de 50 % possédaient une de la consommation mondiale laisse
montre-bracelet, 41 % une bicyclette, d'énormes arriérés dans des domaines
31 % un transistor et 13 % un ventilateur. essentiels au développement humain.
La consommation a ainsi connu Même si la consommation constitue un
nombre d'évolutions qui favorisent le facteur crucial du développement humain,
développement humain. Cependant, les tous les types de consommation n'ont pas
modes de consommation actuels ainsi que la même valeur. Nous nous concentrerons

52 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1998


ici sur les domaines indispensables pour • Avec 15 % de la population mondiale, TABLEAU 3.2A
assurer les capacités élémentaires per~ les pays industrialisés représentent 76 % Inégalités dans la
mettant de vivre longtemps, en bonne des dépenses de consommation mondiales. consommation: les
santé, d'avoir une vie créative et de béné~ Tenir compte des différences en parités de plus gros et les plus
ficier d'un niveau de vie correct. Il s'agit pouvoir d'achat (selon la méthode des faibles consommateurs
donc d'aspects aussi fondamentaux que PPA) modérerait quelque peu certains de
Services téléphoniques, 1995
l'alimentation, le logement, l'eau potable, ces écarts dans la consommation, mais
ceux~ci resteraient toutefois considérables. Nombre de
la scolarÎsation, la santé, l'énergie et les
5 plus gros lignes
transports ainsi que les moyens de com~ • Le cinquième de la population mondiale consom- pour 1 000
muni cation et la liberté d'expression qui vit dans les pays appartenant à la mateurs habitants
créative et culturelle (diagrammes 3.1 et tranche de revenu la plus élevée
3.2). consomme 58 % de l'énergie mondiale, Suède 681
Etats-Unis 626
65 % de l'électricité, 87 % des véhicules, Danemark 613
74 % des téléphones, 46 % de la viande et Suisse 613
Croissance inégale et inégalités croissantes 84 % du papier, soit 86 % des dépenses Canada 590
totales de consommation. Dans chacun de
Nombre de
ces domaines, la part du cinquième de la 5 plus faibles lignes
Les dépenses de consommation mondiales, population le moins bien loti, dans les consom- pour 1000
publiques et privées, progressent en pays au revenu le plus faible, est inférieure mateurs habitants
moyenne de 3 % par an depuis 1970. Mais à 10 %.
ce chiffre global masque d'énormes dispa~ Cambodge
• La consommation moyenne de protéines Rép. dém.
rités, qui aggravent les inégalités. par personne se monte à 115 grammes par du Congo 1
Dans les pays à bas revenu (à l'excep~ jour en France, mais à 32 grammes seule~ Tchad 1
tion de la Chine et de l'Inde), les ment au Mozambique. Et, tandis que la Afghanistan 1
dépenses de consommation privées par Niger 2
consommation annuelle d'énergie par per~
habitant ont reculé d'environ 1 % par an sonne dépasse les 4 500 kilogrammes
au cours des 15 dernières années. En d'équivalent pétrole dans les pays indus~ Consommation de ~ande, 1995
Afrique, la consommation publique et pri~ trialisés, elle atteint moins d'un dixième
vée par habitant est aujourd'hui inférieure de ce chiffre en Asie du Sud (300 kilo- Kilogrammes
de 20 % environ à son niveau de 1980. grammes). 5 plus gros par
consom- habitant
A l'échelle de la planète, la consom- • A l'échelle de la planète, le nombte mateurs et par an
mation alimentaire par habitant a connu moyen d'automobiles pour 1 000 per-
une augmentation spectaculaire au cours sonnes est de 90, mais il est de 405 dans Etats-Unis 119
Nouvelle-Zélande 119
des 25 dernières années. La moyenne pour les pays industrialisés, et seulement de Il
Chypre 108
les pays en développement - seulement en Afrique subsaharienne, 6 en Asie de Australie 107
2 131 calories par personne en 1970, soit l'Est et 5 en Asie du Sud. Autriche lOS
bien en dessous des besoins minimum de • Il existe plus de 600 lignes téléphoniques
2 300 calories - atteint aujourd'hui pour 1 000 habitants dans des pays tels que Kilogrammes
2 572 calories, nettement au~dessus du la Suède, les Etats~Unis et la Suisse, mais 5 plus faibles par
minimum. Mais en Afrique subsaharienne, le Cambodge, la République démocratique consom· habitant
elle n'est passée que de 2 225 à 2 237 calo- du Congo, le Tchad ct de nombreux autres mateurs et par an
ries. Cette région est donc la seule à ne pays en développement ne comptent qu'une
pas avoir bénéficié d'un recul constant de 8angladesh 3
ligne pour 1 000 personnes. Guinée 4
la malnutrition: le nombre des personnes Ces inégalités criantes demeurent alors Malawi 4
sous~alimentées y a plus que doublé, pour Burundi 4
même que la consommation progresse plus
passer de 103 millions en 1970 à 215 mil- Inde 4
rapidement dans les pays en développe~
lions en 1990. ment que dans les pays industrialisés, sur~ Sources: FAO. 1998. UIT,
Les inégalités des modes et des niveaux tout pour les biens ct services de première 1997b.
de consommation sont criantes (dia~ nécessité tels que l'alimentation et l'éner~
gramme 3.1 et tableaux 3.2a et 3.2b) , gie. Les disparités étaient si importantes
• Les dépenses de consommation privées au départ que, malgré des hausses specta~
par habitant se chiffrent en moyenne à culaires, les niveaux de consommation
15910 dollars (aux prix de 1995) dans les dans les pays en développement n'ont pas
pays industrialisés (hors Europe de l'Est et rattrapé ceux des pays industrialisés.
CEl), mais à 275 dollars en Asie du Sud • Depuis 1950, la consommation
et à 340 dollars en Afrique subsaharienne. d'essence par habitant a été multipliée par
Par ailleurs, la consommation publique six en Asie de l'Est et par neuf en Asie du
par habitant atteint 3 985 dollars dans les Sud. Mais, si elle représente en moyenne
pays industrialisés contre 183 dollars dans 500 kilogrammes d'équivalent pétrole par
les pays en développement. habitant et par an dans les pays industria~

LA CO~SOMMATION DANS UK VILLAGE MONDIAL - IKÉGALITÉS ET DÉSÉQCILIBRES 53


DIAGRAMME 3.1
Une croissance spectaculaire de la consommation,
mais toujours de fortes inégalités

...
Automobiles Essence
7000 peu 1000 tmLYltS kg pilrtmtant
,s175 1993 1970 1995
6000 Afrique subsaharienne 11 22 27
Pays arabes 16 42 32 113
Asie du Sud 2 5 5 la
5000 Asie de l'Est 1 6 5 29
Asie du Sud-Est et Pa . que 7 18 19 39
2000 Aménque latine e raibes 40 61 99 152
Amérique latine et Caraïbes Total pays en d oppement 8 16 21 43
Pays arabes Pays Industr" és 289 405 554 500
1000 ASie de l'Est
~t;;;~e1=7 Asie du Sud-Est et Pacifique
1 Afrique subsaharienne
o Asie du Sud
1970 1995


500 Papier d'écriture et d'imprimerie Téléphones
k.g par habitant et par an pour 1 000 habitants
1970 1995 1975 1995
400 Afnque subsaharienne 2,2 1,6 6 12
Pays arabes 2,1 2,9 8 49
300
Asie du Sud 1,2 1,9 2 16
Asie de l'Est 1,6 7,5 4 49
AsIe du Sud-Est et Padfique 1,6 6,8 3 29
200 Amérique latine et Caraïbes 7,2 10,7 34 86
Total pays en déYeloppement 2.2 5.2 8 39
Pays industrialisés 45,7 78,2 178 414
100


Pays industrialisés
Calories
par habitant et par Jour

Afrique subsaharienne
Pays arabes
Asie du Sud
Amérique latine et Caralbes AsIe de l'Est
Asie de l'Est Asie du Sud-Est et Paofique
AtT1érique latine et Caraibes
Total pays en développement
Aménque latine et Caraïbes
Pays industrialisés 1 300 milhards de dollars
Pays arabes
'-,'l1'7"""~g; Asie du Sud·Est et Pacifique
1" Afrique subsaharienne
!-L----r~ Asie du Sud 1 000 milliards

1995
Europe de l'Est et CEl
800 milliards de dollars
Total des d6pe!ises de consommation (1000 mm_ doIlar.s de 1995)
Asie du Sud-Est et Pacifique
Note: Dans cette page, ,970 1980 1990 1995 500 milliards de dollars
l'ensemble pays industrialisés ne Paysindustr>ali 8,3 11,4 15 16.5 Asie du Sud 400 milliards de dollars
comprend par les pays-d'E"urope
l'ays",,~( 1.9 3.6 ~.3 5.2
de l'Est et 4e-/a al. Pays arabes 300 milliards de dollars
Afnque subsaharienne 200 milliards
de dollars
1970 1980 1990 1995 a. le total des pays en déVeloppement
5oun:es. fAO, 1997b et 1998. UIT. 1997b, ONU, 1996c et 1997b. UNESCO, 1997d, Banque mond'ale, 1997d comprend des pays ne figurant pas dans
les chiffres synthétiques régionaux

54 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1998


DIAGRAMME 3,2
les coûts pour l'environnement progressent, tandis que de nombreuses carences majeures demeurent

UNE CROISSANCE REGULIERE DE LA CONSOMMATION

Ressources renouvelables
8 Milliards de tonnes 160 Indice 100 '" 1970
d'~uJValent pétrole

6
140

120
2 5
Combustibles fossiles

0'---------' 0'--------' 100 , c ' - - - - - - - - - - '


1950 60 70 80 90 96 1980 90 96 1970 80 90 96

COÛTS ENVIRONNEMENTAUX
RECUL DE LA BIODIVERSITÉ
Déchets et pollution • Quelque 12 % des espèces de mammifères, 11 % des espèces d'oi-
seaux et près de 4 % des espèces de poissons et de reptiles sont c1as·
Indice 100 '" 1980
sées comme menacées,
• Entre 5 % et 10 % des barrières de corail et la moitié des mangroves
120 de la planète ont été détruites.
• Environ 34 Cl/Il des cOtes sont fortement menacées de dégradation,
et 17 % supplémentaires sont modérément menacées.
BAISSE DES RÉSERVES HAUEUTIQUES
• Quelque 25 % des réserves halieuuques pour lesquelles on dispose
110 d'informations sont soit épUIsées soit en danger d'épuisement et
44 % supplémentaires sont pêchées à leurs limites biologiques.
EPUISEMENT DES SOLS
• Neuf millions d'hectares sont extrêmement dégradés, avec une
100'..... -' destruction totale de leurs fonctions biotiques d'origine, et 10 % de
1980 90 96 1970 la surface de la terre sont au moins modérément dégradés.

CAPACITES ESSENTIELLES. BESOINS DE CONSOMMATION ET DEFICITS

longévité et santé Savoir


(échapper à une mort prématurée et aux maladies évitables) (échapper à l'analphabétisme et acquérir des compétences de base)
Besoins Déficits Besoins Déficits
Eau potable 1,3 milliard d'individus prim d'accès à l'eau potable Enseignement 109 millions d'enfants (22 % des enfants d'age
logement 1 milliard de personnes Vivant sans logement correct scolaire) non scolarisés
AlimentatIOn et nutrition 841 millions de personnes mal nournes Information 885 millions d'adultes <agés de 15 ans et plus)
Soins de santé 880 millions de personnes privées d'accès aux analphabètes
services de santé Diffusion de 4 quotidiens pour 100 habitants
Infrastructures sanitaires 2,6 milliards d'individus privés d'infrastructures des pays en développement, contre 26 dans
les pays industrialisés
sanitaires
Communication 3 lignes téléphoniques pour 1 000 habitants
Energie 2 milliards de personnes 'Iivant sans électricité
dans les pays les moins avancés, 40 dans les
Transports 3 automobiles pour 1 000 habitants dans les pays
pays en développement, 414 dans les pays
les moins avancés, 16 dans les pays en
industrialisés
développement, 405 dans les pays Industrialisés

Des conditions de vie décentes bien réparties au sein de la société Une vie créative
Besoins Déficits BesoÎns DéfICits
Accès aux 1,3 mllhard d'habitants des pays en développement Culture -langue, arts, 3 000 des 6 000 langues répertoriées dans
ressources vivent avec moins d'un dollar par jour, 32 % de ceux traditions, philosophie le monde sont menacées de disparition
maténelles des économies en transition avec mOins de 4 dollars
Absence de contraintes Le monde compte 13,2 millions de réfugiés
par jour et 11 % de ceux des pays industrialisés
politiques et civiques
avec moins de 11,40 dollars par jour
Absence de contraintes les femmes des pays en développement passent
temporelles 6 à 8 heures par jour à la collecte du bois de feu
et de l'eau
Sourœs . CDIAC, 1996, FAD. 1995, 1996b et 1997c, UIT. 1997b, OCDE, 1997e. Shikloma!'"ICN, 1996, ONU, 1996b et 1996c, UNESCO, 1997d, World Bureau of Mela/5taôstia,. 1996,
WOOdwatch /nstitute, 1997b, WRI, 1994 et 1996a.

LA CONSOMMATION DANS UN VILLAGE MONDIAL - INÉGALITÉS ET DÉSÉQCILIBRES 55


TABLEAU 3.2B lisés, elle ne s'établit encore qu'à 29 kilo- geole, le paludisme et la tuberculose. Les
Inégalités dans grammes en Asie de l'Est et à 10 kilo, carences en oligo~éléments portent
la consommation: grammes en Asie du Sud. atteinte à la force physique, au fonction~
les plus gros et les plus • La consommation totale de viande a nement intellectuel et à la résistance aux
faibles consommateurs été multipliée par plus de cinq en Asie de maladies. Les mères souffrant de malnu~
Dépenses privées et
l'Est depuis 1970, mais elle n'y dépasse trition transmettent ces carences à leurs
publiques de santé, 1990 pas 41 kilogrammes par habitant et par enfants, qui sont moins éveillés à l'école
an, contre 77 kilogrammes dans les pays et tombent malades plus facilement. Dans
5 plus gros Dépenses
consom- par habitant industrialisés. les pays en développement, plus de
mateurs (dollars) 850 millions de personnes sont analpha-
Etats-Unis 2 765
bètes et, par là même, exclues d'une large
Suisse 2 520 Une insuffisance généralisée de la palette d'informations et de savoir. Et à
Suède 2 343 consommation l'heure où la communication et les réseaux
Finlande 2046 mondiaux deviennent omniprésents, les
Canada 1 945
Sur les 4,4 milliards de personnes que pauvres des pays en développement sont
5 plus faibles Dépenses - économiquement, socialement et cultu,
consom- par habitant compte le monde en développement, près
mateurs (dollars) des trois cinquièmes n'ont pas accès aux rellement - coupés de ce fourmillement
infrastructures sanitaires, un tiers sont d'informations et d'avancées concernant
Vi et Nam 3 les arts, les sciences et la technologie.
Sierra Leone 4 privées d'accès à l'eau potable, un quart
Tanzanie, Rép. ne disposent pas d'un logement satisfai~ Les insuffisances de la consommation
Unie de 4 sant et un cinquième ne bénéficient pas
Rép. dém. pop. lao. 5
de biens essentiels ne s'observent pas seu-
Mozambique 5 de services de santé modernes, quels qu'ils lement dans les pays pauvres. Dans les
soient (diagramme 3.2). Un cinquième pays industrialisés aussi, nombreux sont
Dépenses publiques
des enfants en âge de fréquenter l'école ceux qui ne peuvent pas satisfaire leurs
d'éducation (maternelle, primaire ne sont pas scolarisés. Environ besoins essentiels: les choix de vie y sont
primaire et secondaire) un cinquième n'absorbent pas suffisam, limités pour des millions de personnes. Les
5 plus gros Budget ment de calories et de protéines, et les Etats~Unis affichent peut-être des niveaux
consom- par élève carences en oligo~éléments sont encore de consommation alimentaire par habitant
mateurs (dollars) plus répandues: 3,6 milliards de per- parmi les plus élevés au monde (ils arri-
Luxembourg 15514 sonnes souffrent de carences en fer. Parmi vent en quatrième place pour l'absorption
Finlande 11 720 elle, 2 milliards sont anémiées. Et pour, de calories), mais 30 millions d'habitants,
Etats-Unis 11 329 tant. les ménages pauvres consacrent au
Autriche 9065 dont 13 millions d'enfants de moins de
Belgique 8143 moins la moitié de leur revenu à l'ali~ douze ans, y souffrent de la faim parce
mentation (tableau 3.3). Qu i plus est, qu'ils ont des difficultés à se procurer la
5 plus faibles Budget
consom- par élève 2 milliards de personnes n'ont pas accès à nourriture dont ils ont besoin. En 1994,
mateurs (dollars) l'électricité ou à d'autres formes d'énergie au Canada, 2,5 millions de personnes (soit
commerciale. 9 % de la population) ont bénéficié d'une
Sri Lanka 38
Népal 44 Ces insuffisances de la consommation aide alimentaire et, cette même année, au
Moz9 mbi que 46 brident le développement humain et sont Royaume-Uni, plus de 1,5 million de
Chine 57 sources de pauvreté. Dans les pays en familles n'ont pas pu s'offrir un régime ali,
Madagascar 60
développement, environ 17 millions de mentaire approprié. Il faut noter que
Sources. OMS, 1995b, UNESCO, personnes meurent chaque année de l'anémie due à des carences en fer touche
1995. maladies infectieuses et parasitaires 55 millions de personnes dans les pays
curables telles que la diarrhée, la rou- industrialisés.

TABLEAU 3.3
Plus le revenu du ménage est faible, plus la part consacrée à l'alimentation et à l'énergie est élevée et plus celle du
transport, de la santé et de l'éducation est réduite
(en pourcentage des dépenses du ménage)

20 % de ménages au revenu le plus faible 20% de ménages au revenu le plus élevé


Pays Alimentation Energie Transport Santé Education Alimentation Energie Transport Santé Education

Sierra Leone 67,9 6,6 1,9 2,7 1,8 53,9 3.3 8,9 4,7 3,2
Costa Rica 54,4 9,4 4.2 2,1 0,7 29,1 7,5 19,5 4,8 1,0
Thaïlande 52,8 5,0 3,8 2,6 1,2 25,2 2,9 20,3 3,9 2,1
Jordanie 43,4 7,6 3,5 2,4 1,3 32,1 4,1 16,8 2,0 4,7
Note: Informations provenant d'enquêtes réalisées auprès des ménages entre 1987 et 1994.
Sources: Sierra Leone: Office central des statistiques, 1993, Costa Rica: Office général des statistiques, 1988, Thallande : Office national des statistiques,
1995, Jordanie: Service des statistiques. 1993.

56 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1998


En Europe de l'Est ct dans les pays de catégories de personnes à bas revenu, il DIAGRAMME 3 3
la CEl, le processus de transition a donné s'agit souvent là d'une source de consom~ Service public ne signifie pas
lieu à de nombreuses insuffisances en mation non négligeable. Pourtant, les toujours fourniture équitable
pauvres ne consomment pas assez, car ils Pourcentage des quil"ltiles le plus nch~
termes de consommation. La malnutrition
et le plus pauvre ayant accès aux bien
a augmenté pour atteindre des niveaux sont privés de l'accès à l'eau potable, à et seMees de base
analogues à ceux de beaucoup de pays à l'énergie moderne, aux infrastructures
bas revenu. En Russie, 15 % des enfants sanitaires, à la santé, à l'éducation, aux Acces au reseau public
de deux ans souffraient de retards de crois~ transports publics et à l'infrastructure rou~ d'adductIon d'eau
sance en 1994. En Roumanie, la propor- tière. En effet, l'accès à ces biens et ser- '()()
tion des nouveau;nés présentant des insuf; vices est souvent très inéquitable. D'une
fisanccs pondérales à la naissance est part, il favorise les catégories de personnes 80 QUINn
passée à 10 % en 1993. En Bulgarie, en à revenu élevé, les pauvres en étant large~ LE PLU:
RICHE
1991, 17 % des enfants de trois à six ans ment, voire totalement, exclus (dia~
étaient sous~alimentés. gramme 3.3). Et d'autre part, il favorise 60
fortement les communautés urbaines, lais~
sant les zones rurales en grande partie 40
Obstacles à la satisfaction des besoins démunies (diagramme 3.4). Ainsi, au
essentiels Brésil, les disparités au niveau de l'accès 20 QUINTI
dues aux inégalités entre les régions sont LE PlU~
PAUVRI
marquées: dans le Centre-Ouest, 98 % des
Ces inégalités et ces insuffisances dans la enfants de 7 à 14 ans sont scolarisés, o
consommation des biens essentiels reflè; Mexique Pérou COte
contre 50 % dans le Nordeste, région à bas d'Ivoire
tenr l'inégalité de la répartition du revenu revenu.
ct du patrimoine ainsi que les différences Et, même lorsqu'ils bénéficient d'un Actes aux Infrastructures
cn termes de rythme de croissance éco# accès aux services et aux biens essentiels, sanItaires
nomique, à l'échelle de la planète et à les pauvres sont dissuadés par les prix. A 1()()
l'intérieur des pays. Quelque 1,3 milliard Lima, une famille pauvre paie son eau
de personnes vivent encore avec moins 20 fois plus cher qu'une famille de la
d'un dollar par jour (en parités de pouvoir classe moyenne. Dans l'Etat indien du 80
QUINTIL
d'achat de 1985), et près de 3 milliards de Tamil Nadu, les marchés de l'eau, non LE PLUS
RICHE
personnes avec moins de 2 dollars par réglementés, aboutissent à des injustices 60
jour. Depuis ces dernières décennies, la grotesques: les propriétaires de puits tubés
croissance économique est insuffisante, pompent l'eau souterraine, souvent à 40
tant qualitativement que quantitative~ l'aide d'électricité subventionnée, et la
ment. Une centaine de pays affichent vendent à des intermédiaires, qui la reven~
actuellement un revenu inférieur en 20 QUINTlL
dent à leur tour aux pauvres. La majora- LE PLUS
termes réels à celui d'il y a dix ans ou tion peui alors atteindre 1 000 % ! PAUVRE
plus. Ces questions sont analysées en La « rnarchandisation JO croissante de o
détail dans l'édition 1996 du Rapport mon- Mexique Pérou COte
l'éducation et des services de santé, avec d'Ivoire
dial sur le développement humain (consacrée le recours accru à l'infrastructure et aux
à la croissance économique) ainsi que enseignants du secteur privé, qui s'accom~ Acces a l'electrlClte
dans l'édition 1997 (traitant de la pau- pagne souvent d'une détérioration de la 100
vreté). qualité des services publics - ajoute à ces QUINTlU
Outre les obstacles élémentaires que disparités. En Egypte, l'accès à l'éducation LE PLUS
80 RICHE
sont le revenu et la croissance écono~ de base s'améliore, mais le niveau des
mique, plusieurs autres facteurs limitent dépenses publiqu.es d'enseignement par
les options dont disposent les pauvres pour élève ou étudiant est en recul. En 1991, 60
satisfaire leurs besoins essentiels: ces dépenses, hors masse salariale, repré~
l'absence d'accès aux services publics, le sentaient un cinquième de leur chiffre de 40
manquement du marché à leur fournir des 1981. Pour ne pas subir cette baisse de QUINTILI
biens adéquats, les rapports de force au qualité, les parents des classes moyennes LE PLUS
20 PAUVRE
sein des ménages et le temps considérable envoient leurs enfants dans des écoles pri~
que des pauvres perdent à marcher et à vées payantes, qui connaissent un déve-
porter des charges. loppement rapide. o
Guatemala Pérou Côte
La fourniture par le secteur public de seT~ Sur le marché, l'offre de biens destinés d'Ivoire
vices sociaux de base est inadaptée, et l'accès aux paUl/TeS est insuffisante. Les biens les
à ces services est inéquitable. De nombreux plus nécessaires au développement humain Source: Banque mondIale. 1994.

biens ct services essentiels - scolarité, - c'est~à-dire ceux que les pauvres peu~
transport, formes d'énergie modernes, vent acquérir, qui satisfont les besoins
équipements sanitaires et médicaux sont essentiels, qui ne nuisent pas à l'environ~
fournis par les pouvoirs publics. Pour les nement et qui créent un travail productif

LA COI'SO~IMATION DANS UN VILLAGE MONDIAL - I~ËGALlTËS ET DËSËQUILIBRES 57


DIAGRAMME 3.4 pour les nécessiteux - sont souvent indis- droits d'inscription, ce sont les filles qui
les populations rurales sont mal ponibles sur le marché. Les incitations du sont retirées des écoles, comme l'indi~
desservies par les services publics
marché à l'innovation concernent le plus quent des études réalisées dans de nom·
Indice 100 = population urbaine desservie souvent les biens destinés aux riches, qui breux pays, dont la Côte d'Ivoire et la
Eau potable sont plus lucratifs. Ces incitations jouent Zambie.
également nettement en faveur des biens Lorsque ce sont les femmes qui gèrent
100 Population urbaine qui détruisent l'environnement, dont les le revenu du ménage, elles ont tendance
coûts de production sont inférieurs à ceux à canaliser davantage de ressources vers
des biens respectueux de l'environnement. l'éducation, la santé et l'alimentation des
80
Enfin, ces incitations s'exercent davan- enfants. De nombreuses études empiriques
tage en faveur des biens à retombées montrent que les femmes consacrent leur
60 sociales négatives, eux aussi moins chers revenu à l'ensemble du foyer, alors que les
Campagnes cambodgiennes à produire que les biens à retombées hommes dépensent davantage pour eux-
40 Campagnes du Malawi sociales positives. mêmes, par exemple pour les distractions,
Campagnes argentines La fourniture des biens essentiels au l'alcool et les cigarettes. Selon une étude
développement humain passe par l'inno- réalisée à la Jamaïque, lorsque le chef de
20 vation technologique et le développement ménage est une femme et non un homme,
Campagnes du Paraguay
de produits. Ainsi, l'investissement public le ménage consomme des aliments de
o est à l'origine des avancées dans la dispo- meilleure qualité nutritionnelle et dépense
nibilité de ces biens (sels de réhydratation moins pour l'alcool. Au Kenya et au
Infrastructures santtalres par voie orale, semences de variétés de riz, Malawi, le pourcentage d'enfants souffrant
de blé et de maïs à haut rendement et de malnutrition est inférieur dans les
100 Population urbaine beaucoup d'autres produits qui améliorent ménages dirigés par des femmes. En Côte
la santé, la sécurité alimentaire et la pro- d'Ivoire, des recherches indiquent que si
80 preté de l'environnement). l'on multipliait par deux le revenu géré
Il faut imaginer de nouvelles incita- par les femmes, la part du budget consa-
tÎons pour accélérer la fourniture aux crée à l'alimentation progresserait de Z %,
60
Campagnes argentines pauvres des biens dont ils ont besoin, à alors que celles réservées à l'alcool et aux
commencer par des incitations sur les cigarettes diminueraient respectivement
Campagnes du Nicaragua
40 prix, et notamment la suppression des de 26 et 14 %. Qui plus est, une étude
Campagnes yéménites subventions assorties d'effets pervers, ainsi réalisée au Guatemala démontre que l'état
qu'une aide au développement technolo- nutritionnel des enfants s'améliore lorsque
20 Campagnes du Paraguay
gique. la mère gagne une proportion plus élevée
Campagnes de la rép. Les rapports de force au sein des ménages du revenu du ménage.
dém. du Congo
0 se traduisent par des inégalités dans l'accès La répartition des ressources au sein
et la consommation. On suppose générale- des ménages fait apparaître des distorsions
Services de sante ment que les ménages constituent des uni- non seulement en fonction des sexes, mais
Population urbaine
tés harmonieuses où règne la coopération, aussi de l'âge et de l'ordre des naissances.
100
et les politiques publiques en font souvent En effet, ce sont les rapports de force au
la cible de leur assistance. Or, les sein du ménage qui déterminent les droits
80 recherches ne cessent de démontrer les à la consommation. Il est alors irréaliste
imperfections qUÎ entachent cette hypo- de partir de l'hypothèse que l'équité règne
60 Campagnes du Nicaragua
thèse. Dans la réalité, les rapports de force au sein du ménage. De ce fait, les mesures
au sein du ménage favorisent souvent le ciblées sur les chefs de famille risquent de
garçon au détriment de la fille, et les se révéler inefficaces. Les coupons ali·
40 Campagnes yéménites adultes jeunes au détriment des plus âgés, mentaires et l'aide aux femmes, par
Campagnes du Malawi pour ce qui concerne l'alimentation, exemple, peuvent davantage contribuer à
Campagnes argentines
20 l'éducation et bien d'autres ressources. Les la sécurité alimentaire du ménage que les
recherches montrent que les garçons mesures de soutien du revenu destinées à
reçoivent davantage de nourriture que les l'ensemble du ménage.
0
filles dans certaines régions de l'Inde et Les inégalités dans le temps disponible
Source: UNie EF, 1997.
du Pakistan. Les inégalités entre garçons restreignent les choix de consommation. Pour
et filles dans le domaine de la scolarité consommer, il faut du temps, et une jour·
sont peut-être en train de se réduire dans née ne compte que 24 heures pour rem-
toutes les régions du monde, mais la sco- plir une série d'objectifs de consomma-
larisation des filles n'a toujours pas rat- tion. Chacun dispose de ces mêmes 24
trapé celle des garçons dans les pays en heures, mais le fait que l'on soit un
développement pris dans leur ensemble: homme ou une femme ou encore les diffé-
elle atteint 88 % du taux de scolarisation rences d'accès· aux équipements et aux res-
des garçons dans le primaire, ct 78 % dans sources détermine à la fois la quantité de
le secondaire. Et lorsque l'on introduit des temps réellement disponible et la quantité

58 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAI~ 1998


de temps nécessaire pour remplir ces marché, aux champs ou chercher de l'cau)
objectifs de consommation. De même que contre 492 heures seulement pour les
l'alimentation absorbe la majeure partie hommes (diagramme 3.6).
des ressources des familles les plus dému;
nies dans les pays pauvres, les trajets à
pied, en particulier pour aller chercher de Des mesures pour satisfaire les besoins de
l'eau et du bois de feu, absorbent la
consommation essentiels
majeure partie du temps des ménages
pauvres, que ce soit dans les zones
urbaines ou rurales. Comme le montrent Il y a longtemps que la communauté inter~
des études récentes, le temps constitue nationale s'emploie à faire en sorte que
l'obstacle critique auquel les individus tOus les individus aient droit aux biens
font face pour satisfaire tous leurs besoins essentiels. La Déclaration universelle des
et s'extraire de la gangue de la pauvreté. droits de l'homme a fixé cet objectif il y a
Une étude réalisée au Ghana montre cinquante ans: « Toute personne a droit
qu'un agriculteur passe 43 minutes par à un niveau de vie suffisant pour assurer
De
jour à ramasser du bois de feu, 25 minutes sa santé, son bien~être et ceux de sa nombreuses
à aller chercher de l'eau, 48 minutes à famille, notamment pour l'alimentation,
rejoindre son lieu de travail à pied, l'habillement, le logement, les soins médi~
politiques
28 minutes pour se rendre au moulin et caux ainsi que pour les services sociaux de sectorielles
2 heures et 8 minutes pour se rendre au base ». La satisfaction des besoins de
marché à pied, soit au total près de cinq consommation essentiels devrait consti; gagneraient à
heures. S'il passe autant de temps pour ses tuer un enjeu important des stratégies être orientées
trajets, il ne lui en reste plus beaucoup nationales d'éradication de la pauvreté.
pour les activités susceptibles d'améliorer vers la
la santé, le savoir et la productivité, par De nombreuses politiques sectorielles
exemple les soins apportés aux enfants et gagneraient à être orientées dans ce sens. satisfaction des
aux personnes âgées, aux cultures et à la Ainsi, les investissements dans les trans~ besoins de
préparation des repas. ports et l'énergie sont d'abord considérés
Le temps passé au travail est inégale~
comme relevant de « l'infrastructure éco~ consommation
nomique », et sont motivés par une visée
ment réparti, les femmes travaillant beau~
de croissance économique plutôt que par
essentiels
coup plus que les hommes, avec ou sans
les besoins des individus en termes de
rémunération, dans pratiquement toutes
mobilité et de communication. Dans les
les sociétés pour lesquelles des études sur
l'utilisation du temps ont été effectuées. villcs. la construction de trottoirs et de
pistes cyclables ne retient guère l'atten~
Comme l'illustre l'édition 1995 du Rapport
mondial sur le développement humain, les tion du secteur public, alors même que la
femmes se chargent d'une plus grande par; marche reste le moyen de locomotion le
plus usité et que la bicyclette constitue le
tic du travail - 53 % en moyenne dans
premier progrès accessible par rapport à la
les pays en développement et 51 % dans
marche à pied. Un accès plus équitable
les pays industrialisés. Mais ces disparités
aux infrastructures publiques, telles que
sont particulièrement marquées dans les
l'eau potable, l'énergie, les routes et les
zones rurales des pays en développement,
transports publics, constitue un critère;clé
où la charge de travail des femmes est
pour l'évaluation des performances de
significativement plus lourde que celle des
hommes, soit 35 % de plus au Kenya, l'Etat dans une gestion démocratique des
affaires publiques.
21 % de plus aux Philippines, 17 % de
plus au Guatemala (diagramme 3.5). La question du logement est, elle aussi,
Dans la plupart des pays industrialisés, négligée par le secteur public et générale~
cette disparité est moindrc, mais les ment laissée aux mains du secteur privé.
femmes travaillent toujours 28 % de plus Mais, compte tenu du rythme de l'urbani~
que les hommes en Italie, 11 % de plus en sation, plus rapide que le développement
France et 6 % de plus aux Etats-Unis. des sites et des services, certaines familles
Une étude réalisée dans les zones rurales sont contraintes de vivre dans des squats,
de la République-Unie de Tanzanie dans la crainte permanente d'être expul~
indique que les femmes valides portent en sées. Dans son projet de développement ct
moyenne 86 tonnes~kilomètres par an, d'éradication de la pauvreté du début des
contre II tonnes;kilomètres par an seule; années soixantc, Singapour avait explici;
ment pour les hommes valides. Dans cette terne nt formulé des objectifs en termes de
région, les femmes consacrent 1 842 satisfaction des besoins de logement. de
heures par an à marcher (pour aller au transport ct de propreté de l'environne~

LA CONSOMMATION DANS UK VILLAGE MONDIAL - IKÉG.ALlTÉS ET DÉSÉQUILIBRES 59


DIAGRAMME 3.5
Les femmes travaillent plus ment, qui venaient s'ajouter aux objectifs de pénurie immédiate, les prix de ces res~
longtemps que les hommes d'éducation et de santé (encadré 3.1). sources sont en baisse et la demande est
Indice 100 :: heures de travail des hommes Dans chaque pays et chaque secteur, déprimée. En proportion des réserves, la
J.4~L . les politiques publiques devraient s'atta~ consommation de minerais et de minéraux
cher à rendre l'accès équitable - via des est même en recul, du fait de la décou~
Kenya (campagnes) investissements publics, une juste tarifi~ verte de nouveaux gisements. Mais il
.u.Q cation des services et l'instauration d'un existe un problème nettement plus
environnement propice à l'investissement urgent: la rareté des ressources renouve~
Italie
privé. Ainsi, en Afrique du Sud, le gou- lables et la production d'émissions et de
vernement de l'après apartheid a élaboré déchets excèdent la capacité d'absorption
Philippines (campagnes)
une politique globale visant à donner à de la planète.
Guatemala (campagnes)
tous un accès équitable aux services essen~
Colombie (villes) tiels (encadré 3.2).
.'!.HL....._.. France
Indonésie (campagnes) Crise des ressources renouvelables
Etats-UnIS
Kenya (villes) L'augmentation de la consommation
100 Le monde se trouve confronté à la raré~
pèse sur l'environnement faction des ressources renouvelables,
essentielles au maintien de l'écosystème
Temps Temps Pratiquement toutes les activités de et à la survie de l'espèce humaine. Ce
de travail de uavall consommation humaines ont un impact phénomène est dû à la déforestation, à
des hommes des femmes
sur l'environnement, tout au long du cycle l'érosion des sols, au tarissement des res~
Source: PNUD, 1995a. de vie du produit (production, consom~ sources en eau et à l'appauvrissement des
mation et évacuation des déchets). Cet réserves halieutiques ainsi qu'au recul de
DIAGRAMME 3.6
Activités de transport dans les impact revêt différentes formes: la biodiversité.
campagnes de la République-Unie • Appauvrissement du stock de ressources Déforestation. Depuis 1970, à l'échelle
de Tanzanie: sur qui pèse la charge 7 non renouvelables (telles que les métaux mondiale, la proportion des zones boisées
TEMPS PASSE et les minéraux). est passée de Il,4 kilomètres carrés pour
Heures consacrées par an a se déplacer • Mauvaise gestion des ressources renou~ 1 000 habitants à 7,3 kilomètres carrés
pou. velables, conduisant à l'épuisement et à la seulement. Il y a encore 40 ans, la majeure
dégradation: prises de pêche excessives, partie de la déforestation se produisait
Aller au moulin
169 surexploitation des forêts et de la nappe dans les pays industrialisés. Aujourd'hui,
phréatique, exposition des sols à l'éro~ elle se concentre dans le monde en déve-
Aller au marché
sion ... loppement. Au cours des dix dernières
248
• Emission de polluants qui portent années, au moins 154 millions d'hectares
la collecte atteinte à la salubrité de l'environne~ de forêt tropicale {soit trois fois la super~
du bois de feu ment: la fumée de cigarettes qui envahit ficie de la France} ont été abattus, et
324 une pièce, les nuages de gaz d'échappe~ chaque année, c'est l'équivalent du terri·
ment qui flottent au~dessus d'une ville et toire de l'Uruguay qui disparaît.
les effluents industriels qui asphyxient la L'Amérique latine et les Caraïbes abattent
l'agriculture
vie dans les cours d'eau. 7 millions d'hectares par an, et l'Asie et
441
• Production de pollution ct de déchets l'Afrique subsaharienne 4 millions cha-
dépassant la capacité d'absorption de la cune. Ces estimations ne reflètent pas
planète, tant sur le plan local que mon~ l'intégralité de la situation, car elles ne
la collecte dial. Accumulation de déchets toxiques tiennent compte que des terrains qui ont
de l'eau dans les décharges, et pollution provenant perdu plus de 90 % de leur couverture
587 Ensemble des usines brûlant du pétrole et rejetant forestière, ce qui représentait seulement

Femmes
la santé
73 O
Hommes
des actIVités
492
du dioxyde de carbone (CO,), ce qui se
traduit par le réchauffement de la planète.
La croissance sans précédent de la
consommation mondiale exerce des pres~
un quart de la diminution des superficies
boisées en Afrique dans les années quatre~
vingt. Malgré la croissance rapide de la
demande mondiale de bois d'œuvre, les
FARDEAU TRANSPORTE sions sur l'environnement par des impacts stocks épuisés ne sont pas reconstitués. A
Tonneslkmlan qui sont tant locaux que mondiaux. l'échelle mondiale, 1 hectare seulement de
Quelles sont les principales menaces envi~ forêt tropicale est replanté pour 6 hec~
ronnementales pour le développement tares abattus. Cette proportion est
humain? Contrairement aux craintes des aujourd'hui de 1 pour 32 en Afrique, mais,
années soixante et soixante~dix, le pro~ exception notable, de 4 pour 1 en Inde.
blème ne tient pas à la rareté des res~ La déforestation est lourde de consé~
Femmes Hommes sources non renouvelables, telles que les quences pour l'être humain et l'environ~
Source : Howe. 1998. métaux et les minéraux. C'est exactement nement, et ces conséquences vont de la
le contraire. Il n'y a pas de perspectives rareté du bois de feu et des matériaux de

60 RAPPORT ~10NDlAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAI!' 1998


construction aux changements des micro~ ENCADRE 3.1
climats et au recul de la biodiversité, en Singapour: comment concilier consommation et surpopulation
passant par la destruction d'habitats.
Avec 4 360 habitants au kilomètre décès pour 1 000 naissances vivantes
Dégradation des sols et désertification.
carré, Singapour est le pays du en 1960 à 4 aujourd'hui, et l'espé-
Depuis 1945, près de 2 milliards d'hectares monde le plus densément peuplé. rance de vie à la naissance s'élève à
ont été détériorés, soit plus d'un sixième Les pouvoirs publics se sont fixé 77 ans.
des terres productives à l'échelle mon- pour objectif de répondre à la plu~ La proportion des 5 % des
diale, ce qui limite les capacités de la pla- part des besoins de la population: ménages les plus pauvres proprié~
nète à accueillir la vie humaine. Sur envi- alimentation, logement, santé, édu- taires de leur logement et équipés de
ron deux tiers de cette superficie, soit cation et environnement non pol- téléviseurs, réfrigérateurs, téléphones,
l'équivalent de la Chine et de l'Inde, la lué. lave~linge et magnétoscopes se

productivité agricole a été fortement Ainsi, la nourriture ne manque confond avec la moyenne nationale.
réduite, voire anéantie. Les pays en déve- pas à Singapour, les prix restent à Singapour n'a pas attendu
un niveau modéré et les logements l'émergence des mouvements écolo-
loppement supportent plus de 80 % de ces
sont en nombre suffisant; 90 % de gistes pour planifier la protection de
dégradations, surtout en Afrique et en
la population habitent des loge~ son environnement, considérant
Asie. En effet, près de la moitié des terres ments sociaux dans des tours d'habi- «qu'un paysage urbain meurtri,
détériorées se trouvent en Asie, candis tation qui n'occupent qu'un sixième envahi par le béton, anéantit l'esprit
qu'en Afrique, environ 500 millions de l'île. La majorité des Singa- humain: nos esprits ont besoin de
d'heccares sont modérément à fortement pouriens sont propriétaires de leur nature verdoyante pour s'élever ».
détériorés. A elles deux, l'Afrique er logement grâce au programme Les zones résidentielles, commer~
l'Asie rassemblent les deux tiers des indi~ d'épargne obligatoire, le Central ciales et industrielles n'occupent
vidus les plus pauvres de la planètc. PTovident Fund. Sur un salaire de que 49 % de l'île, l'autre moitié
L'exploitation des terres ct le pâturage 1 000 dollars par mois, 400 dollars étant réservée aux marais, aux forêts
excessifs ainsi que l'abattage des forêts au moins sont mis de côté, soit un et aux bassins hydrographiques.
prélèvement sur salaire et une coti- Conscients de la menace que
comptent chacun pour environ 30 % des constitue l'automobile, les pouvoirs
sation patronale de ZOO dollars res-
dégradations, et la surexploitation du bois pectivement. publics ont imposé une taxe sur la
de feu pour 7 % supplémentaires. L'universalité des soins médi- propriété et l'utilisation des voi-
Eau. Depuis 1950, les prélèvements caux est garantie par une protection tures. L'acquisition d'un véhicule
d'eau ont presque triplé, pour passer de à trois niveaux: l'épargne indivi~ requiert une autorisation. Ces auto-
1 365 à 3 760 kilomètres cubes par an en duelle (Medisave), le régime avanta~ risations sont vendues chaque mois,
1995. Le volume d'eau disponible enre- geux d'assurances maladie public en nombre limité. CoGt moyen:
gistre une baisse spectaculaire: il est passé (Medishield) et l'aide publique 30000 dollars. Si l'on y ajoute les
d'environ 16800 mètres cubes par habi- (Medifund). La mortalité infantile a autres taxes, une Mercedes Benz
d'ores ct déjà reculé, passant de 36 revient à plus de 150000 dollars.
tant et par an en 1950 à 7 300 mètres
cubes en 1995 (diagramme 3.2). A l'heure
SaUTee: Mahbubani, 1997.
actuelle, 20 pays, où vivent 132 millions
d'habitants, souffrent de pénuries d'eau.
Ils disposent de moins de 1 000 mètres
cubes par an et par habitant, seuil cn deçà
duquel on considère que le manque d'eau
fait obstacle au développement et porte année un affaissement de terrain de 5 à 10
atteinte à la santé des êtres humains. Si la cm au cours des deux dernières décennies.
tendance actuelle se poursuit, quelque Dans la péninsule arabique, l'eau est uti-
25 autres pays se retrouveraient dans une lisée à un rythme presque trois fois plus
telle situation d'ici 2050, portant le rapide que le rythme de recharge: à la
nombre d'individus touchés à 1~2,5 mil~ vitesse actuelle d'appauvrissement des res-
liards. sources, les réserves en eau souterraine
Le tarissement des ressources en eau exploitable seront épuisées d'ici une cin-
est en train de devenir irréversible en rai- quantaine d'années.
son des pompages excessifs des eaux sou- Réserves halieutiques. Au cours des
terraines et de l'amenuisement des nappes quatre dernières décennies, les prises en
aquifères. Dans le nord de la Chine, huit mer à l'échelle mondiale ont presque qua-
régions surexploitent leurs ressources en druplé, passant de 19 millions de tonnes
eau, sur une superficie de 1,5 million en 1950 à 91 millions de tonnes en 1996.
d'hectares, dont la majeure partie est L'homme exploite aujourd'hui de nou-
constituée de terres arables irriguées et velles espèces de poisson et de nouvelles
productives. A Beijing, le niveau de la zones de pêche. Dans le monde, un
nappe phréatique a baissé de 37 mètres au nombre croissant de pêcheries se rappro-
cours des 40 dernières années. A Bangkok chent, si elles ne l'ont pas déjà atteint, du
et dans ses environs, la surexploitation des point où les rendements baissent et où le
ressources en eau a provoqué chaque poisson se fait rare.

LA CONSOMMATION DANS UN VILLAGE MONDIAL - INÉGALITÉS ET DÉSÉQUILIBRES 61


ENCADRE 3.2 Crise de la pollution et des déchets
La nouvelle Afrique.du Sud: la fin de l'apartheid de la consommation
Sous le régime de l'apartheid, les 37 % à 51 % pour l'électricité, de Produits plus rapidement qu'il ne faut de
modèles de consommation des CQm~ 12' % à 14 % pour le téléphone, de temps à la tcrre pour les absorber, les pol-
munautés noire et blanche étaient 27 % à 33 % pour l'eau couranee, de luants bouleversent le climat et l'acidité
bien distincts. Cette séparation résul~ 46 % à 51 % pour les toilettes avec Ou de l'écosystème. Les émissions de dioxyde
taÎt de l'inégalité tant dans la réparti- sans chasse d'eau et de 37 % à 43 % de soufre ont plus que doublé, passant de
tion du revenu que dans l'accès aux pour l'enlèvement des ordures ména- 30 à 71 millions de tonnes entre 1950 et
services de base et du maintien déli~ gères.
béré d'un niveau de vie insuffisant. La population noire sud-africaine 1994. Ces émissions rendent les pluies
Le logement était fonction de la représente un marché en expansion acides, ignorent les frontières nationales,
couleur de la peau. Ainsi, pour la pour les produits de consommation. détruisent les forêts et détériorent les sols.
population noire, le nombre de loge~ Selon une étude de la South AfTican Les déchets toxiques de l'industrie et de
ments était insuffisant et le choix res~ Adt.lenising Research Foundation l'agriculture recourant aux produits chi~
treint. Il s'agissait généralement de (Fondation sud-africaine pour la miques risquent de s'introduire dans les
logements publics attribués sans consi- recherche sur la publicité), le nombre
dération de critères sociaux. Des ran~ d'es démunis dans la communauté réserves d'eau, de polluer les sols et
gées de boîtes d'allumettes constr- noire a nettement reculé ces trois der- d'entrer dans la chaîne alimentaire. Les
tuaient des abris, certes fonctionnels, nières années. émissions de dioxyde de carbone (CO,)
mais désolés et salis 'âme. La popula~ Il n'y a pourtant pas lieu de se féli- ont quadruplé, passant de 5 740 à 22 660
tian noire ne pouvait faire coqsttuire citer. L'ava_ncée dans la fourniture de millions de tonnes entre i 950 et 1995,
l'habitation de son choix que dans cer- services, hien que réelle, a été .nette~ L'utilisation des combustibles fossiles
taines zones réservées. Au début des ment moihS rapide que prévu. Ainsi, les
années quatre-vingt, le programme de foyers désormais abonnés à l'électricité
- pétrole, charbon et gaz - a, elle aussi,
construction de logements sociaux a en:consomment peu, parce qu'ils ne été multipliée par près de quatre depuis
été suspendu alors que le pays avair disposent pas (ou ne veulent pas) 1950. Elle constitue la première cause des
encore besoin de quelque 600000 »; d'8ppareJls électroménagers. Une autre émissions de dioxyde de carbone, respon-
logements. Aujourd'hui, ces bes9ins étude révèle toutefois que les retraités sables de l'effet de serre et du réchauffe-
avoisinent les 2,5 millions d'unités. interrogés affirment ne· plus pouvoir se ment de la planète. Ces émissions excè-
En Outre, du fait de la profonde pa~ser de l'§lectricité, bien qu'elle
dent d'ores et déjà la capacité d!absorption
inégalité dans l'accès à l'infrastructure absorbe-parfois le quart de leur revenu.
publique, la population noire llvait Ne pouvant_réduire leurs autres de la végétation de la Terre. Et, avec
beaucoup de difficultés à satisfaire ses dépenses, ils doivent emprunter. l'augmentation des émissions et le recul
besoins essentiels. Une enquête réali- Il y. a quelques années, une carica~ des zones boisées, cette capacité est rognée
sée en 1993 a mis en évidence le ture illuserait très bien les visions sté- des deux côtés. Les scientifiques prévoient
contraste entte les 20 % les plus riches réotypées des divisions de la société des conséquences catastrophiques pour
(généralement blancs) et les 40 % les_ sud~africaine: une famille blanche qui l'être humain: baisse du rendement des
plus pauvre,s (généralemem noirs; pique-nique au bord de la route est
tableau enc-adré 3.2). entourée d'une impressionnante bat- cultures, propagation des maladies infec~
Aujourd'hui, l'une des priorités de terie de matériel ménager: glacières, tieuses, irrégularités des moussons et recru-
ta nouvelle Afrique du Sud est de tables de camping, raâio, un véritable descence des inondations, qui priveront à
répondre aux besoins essentiels de foyer reconstitué. Passe une famille de jamais l'humanité de certaines terres.
chacun; logement, eau, transpOrt, ruraux noirs. La femme, un léger ballot La production des déchets connaît, elle
électricité, télécommunications, envi~ sur la tête, porte son nourrisson sur le aussi, une croissance exponentielle. Dans
ronnement salubre et non pollué, ali~ . dos, et traîne un enfant à ses côtés.
memation, soins de santé et emploi. Trop d'enfants! .. se disent les
0(
les pays de l'OCDE, le volume des ordures
Pour la seule année 1995,l'accèsde la pique~niq\ieurs blancs . Trop .0;
ménagères par habitant a progressé de
communauté noire aux services a 'affi~ d'objets!" pensent les passants noirs. 30 % au cours des deux dernières décen-
ché une très nette progression: la part Voi'là une· caricature qui pourrait bien nies, pour atteindre 510 kilogrammes en
des ménages équipés est passée de un jout intéresser les historiens. 1995, soit deux à cinq fois le niveau
observé dans les pays en développement.

TA8~U ENCADRE 3.2


l'apartheid en termes de consommation dans f'Afrique du Sud d'hier Une géographie inégale de la consommation,
40 % les plus pauvres 20 % les plus riches de la dégradation de l'environnement et de
l'impact pour l'être humain
Nombre de personnes par pièce 2,0 0,5
Pourcentage de ménages- utilisant:
l'électricité 21,4 97,5 Seule une analyse du cycle du produit per-
l'eau courante à domicile 27,5 97,6 met d'apprécier la nature et la véritable
des toilettes avec de chasse d'eau ampleur de ces impacts sur l'environne~
ou de latrines améliorées 18,4 97,5
le bois comme principal combustible ment. De telles analyses font apparaître
pour la cuisson des aliments _ 47',6 "0,2 l'impact dans son intégralité, y compris
. ,
tous les matériaux déplacés, traités ou gas~
Note' DaMées provenant d'une enquête. auprès de.s ménages réalisée en 1'993,
pillés pendant l'extraction, la production,
la distribution ct l'évacuation. Compte
Source: Moller, 1997.
tenu de l'intégration mondiale de la pro-

62 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1998


duc tian, des échanges et de la consom~ les pauvres. Quelque 60 % des émissions
mation, ces impacts touchent toute la pla· de dioxyde de carbone proviennent des
nète. pays industrialisés. Mais c'est le climat des
Qui sont les gagnants et les perdants? pays en développement qui est le plus
La consommation dans le monde est menacé et certaines études montrent que
essentiellement l'affaire des nantis, c'est· c'est dans ces pays que leur impact se fera
à-dire des gagnants. Quelque 86 % des largement sentir. Le Bangladesh, par
21 700 milliards de dollars que totalisaient exemple, risque de perdre d'importantes
les dépenses de consommation mondiale superficies de terrain si le réchauffement
en 1995 reviennent aux pays à revenu de la planète provoque un relèvement du
élevé, soit un cinquième de la population niveau des mers. Or, ce pays ne rejette
mondiale. Les coûts des dégradations de actuellement que 183 kilogrammes de
l'environnement sont, eux, partagés plus dioxyde de carbone par habitant et par an,
largement, les pauvres en pâtissant davan~ contre 11 389 kilogrammes en moyenne
tage que les riches. pour les pays industrialisés. L'existence
Les crises des ressources renouvelables, même des Iles Maldives pourrait, elle La géographie
qui constituent un facteur majeur de pau· aussi, être gravement menacée. Qui plus du
vreté sur la planète, mettent en péril les est, les pauvres sont moins aptes à se
moyens de subsistance de millions de per- défendre contre ces effets néfastes. Les réchauffement
sonnes, vivant principalement en milieu pays pauvres n'ont pas les moyens de planétaire
rural et tirant directement leur subsistance construire de longues digues de mer, et les
de l'environnement naturel qui les pauvres n'ont pas les moyens de s'offrir illustre
entoure. Il s'agit des plus pauvres, en Asie, une eau et des terres arables productives
en Afrique, en Amérique latine et dans qui vont en se raréfiant (voir chapitre 4).
la répartition
les pays arabes. Même selon les estima- Le rythme effréné de la croissance éco- inégale des
tions les plus prudentes, au moins nomique et de l'urbanisation s'est traduit,
500 millions des individus les plus pauvres dans plusieurs pays en développement, par dégradations de
au monde vivent dans des zones exposées une escalade de l'utilisation des ressources l'environnement
à des menaces écologiques. En raison de et, partant, de la pollution. Les dépôts
la dégradation de l'environnement, ces acides sont particulièrement importants et de leur
personnes doivent marcher plus loin pour dans des régions industrielles telles que le impact entre
aller chercher de l'eau et du bois de feu, sud-est"de la Chine, le nord-est de l'Inde,
et elles souffrent de la baisse de la pro- la république de Corée et la Thaïlande. Et les riches et
ductivité des terres agricoles, qui accen~ d'ici 15 ans, les pays en développement les pauvres
tue encore la menace pesant sur leurs seront responsables de 60 % des émissions
moyens de subsistance. La crOlssance annuelles de dioxyde de carbone, aggra-
démographique constitue une source vant ainsi la situation si des actions nova-
manifeste de pression, mais il ne s'agit que trices et urgentes ne sont pas mises en
d'un élément dans le triptyque démogra- œuvre à l'échelle de la planète.
phie~environnement-pauvreté,moteur de Même si la consommation par habitant
Cette pénurie croissante de ressources. progresse à vive allure dans les pays en
L'intensification de la demande à mesure développement, elle reste encore loin der~
de l'augmentation du revenu des per- rière les niveaux observés dans les pays
sonnes aisées représente aussi un facteur industrialisés, voire en dessous des besoins
de menace. La tendance actuelle à la minimaux pour certains biens essentiels
hausse des prises de poissons est tirée par tels que la nourriture, l'énergie et l'eau
les exportations destinées à des utilisa~ potable. En 1990, l'utilisation par habi-
tians non alimentaires, surtout la nourri~ tant de six métaux communs atteignait
ture pour animaux et la fabrication 31 kilogrammes dans les pays industriali-
d'huiles. Cet excès exerce des pressions sés, contre 3 kilogrammes seulement dans
sur une ressource naturelle qui apporte un les pays en développement. En 1994, la
aliment nutritif et peu onéreux à près d'un consommation d'énergie commerciale par
milliard d'individus dans 40 pays en déve- habitant dans le monde industrialisé (soit
loppement, pour lesquels le poisson 4452 kilogrammes d'équivalent pétrole)
constitue la première source de protéines. était huit fois supérieure à celle des pays
Par ailleurs, la déforestation découle des en développement (568 kilogrammes
exigences de l'industrie. d'équivalent pétrole).
La géographie du réchauffement pla- Mesurées par habitant, les émissions
nétaire illustre également la répartition annuelles de dioxyde de carbone dans les
inégale des dégradations de l'environne~ pays industrialisés dépassent toujours lar~
ment et de leur impact entre les riches ct gement les niveaux des pays en dévelop~

LA CONSOMMATION DANS UN VILLAGE MONDIAL - INÉGALITÉS ET DÉSÉQUILIBRES 63


pernent. En effet, si ces émissions s'éta, d'acier, de bois de construction et de
blissent à 2 981 kilogrammes en Asie de cuivre par habitant s'est stabilisée, voire a
l'Est et à 1549 kilogrammes en Asie du reculé, dans les pays de l'OCDE.
Sud-Est et dans le Pacifique, elles attei- Deuxièmement, le renforcement de la
gnent 11 389 kilogrammes dans les pays réglementation et des incitations permet
industrialisés. Un habitant des pays indus~ de mieux maîtriser les émissions. L'adop-
trialisés consomme en moyenne 500 kilo~ tion de technologies moins polluantes et
grammes d'essence par an (en équivalent l'abandon progressif de combustibles
pétrole), soit plus de dix fois plus que les solides à forte teneur en soufre au profit
43 kilogrammes consommés en moyenne des hydrocarbures ont fait baisser considé-
par un habitant des pays en développe- rablement les émissions de soufre. De
ment (29 kilogrammes pour l'Asie de l'Est nombreuses usines de papier et de pâte à
et 39 kilogrammes pour l'Asie du Sud- papier ont spectaculairement réduit leurs
Est). rejets polluants en adoptant des procédés
L'extension des terres agricoles ajoute de blanchiment sans chlore et en respec~
Il faut à l'érosion des sols, modifie l'écosystème tant une réglementation environnemen-
inverser le et réduit la biodiversité. Mais la crois- tale stricte.
sance de la consommation alimentaire et Troisièmement, même si le volume des
processus de l'intensification de ttagriculture sont ordures ménagères continue de s'accroître
dégradation nécessaires dans les pays pauvres, où dans la plupart des pays, cette progression
commence à ralentir, voire à s'inverser
841 millions de personnes souffrent de
de pénuries alimentaires et où des milliards dans certaines régions, sous l'effet d'une
meilleure gestion des déchets.
l'environnement d'individus sont atteints de carences en
Ces tendances sont prometteuses, mais
fer et autres oligo,éléments.
causé par les il y a encore beaucoup à faire. Si la ten-
dance actuelle des modes de consomma-
émissions et les tion se poursuit, la pollution s'aggravera à
Perspectilles
déchets l'échelle de la planète et la dégradation de
la base de ressources renouvelables s'accé-
La dégradation de l'environnement lérera.
constitue une cause majeure de pauvreté à Il faut donc inverser cette tendance si
l'échelle de la planète, et accentue les l'on veut aboutir à un mode de dévelop-
inégalités (voir chapitre 4). Néanmoins, pement plus durable et préserver les éco·
depuis dix ans, des efforts considérables systèmes naturels pour les générations
ont été déployés pour lutter contre futures. Le défi à relever est de deux
nombre des conséquences sur l'environ- natures:
nement de la progression et des modes de • Trairer le problème de la rareté des res-
consommation modernes. Et les résultats sources naturelles pour les pauvres. Cette
sont très encourageants. tâche nécessite diverses mesures visant à
Premièrement, l'utilisation de res- redistribuer les services et prestations four~
sources matérielles progresse moins vite nis par l'Etat ainsi que le revenu privé, à
sous l'effet d'une modification de la faire en sorte que les pauvres aient des
demande, qui se tourne aujourd'hui vers droits sur la terre et à améliorer la gestion
des activités utilisant moins de matières de l'environnement local par la collecti-
premières et de matériaux, par exemple vité. Elle nécessite également une série de
les services. L'innovation technologique mesures s'attaquant directement aux
rationalise la consommation d'énergie et causes profondes de la pauvreté sur le plan
de matières premières. Les taux de recy~ économique, politique et social.
clage sont en augmentation pour de nom~ • Inverser le processus de dégradation de
breuses matières premières essentielles, et l'environnement causée par les émissions et
les matériaux lourds sont progressivement les déchets, résultant essentiellement des
remplacés par des matériaux plus légers. modes de consommation des catégories
La demande mondiale de métaux et de d'individus à revenu élevé. Cette tâche
minéraux a augmenté de 120 % entre nécessite des solutions technologiques
1961 et 1990, mais son taux de croissance réduisant l'utilisation de matières pre-
annuelle s'est ralenti, passant de 6 % dans mières et d'énergie, des solutions institu,
les années soixante à 2 % dans les années tionnelles appropriées à la gestion des res-
quatre~vingt~dix. L'utilisation de matières sources communes telles que l'air, l'eau,
premières a commencé de progresser plus les ressources halieutiques, les forêts et les
lentement que l'économie mondiale, d'où pâturages, des mesures réglementaires et
une dématérialisation. Ainsi, l'utilisation de normalisation pour les émissions et la

64 R.APPORT MONDIAL SUR LE DËVELOPPEMENT HUMAIN 1998


gestion des déchets ainsi que des méca- fabriquer des tapis par les enfants prive ces
nismes de marché, et surtout des prix derniers d'éducation et leur vole leur
internalisant les externalités environne~ enfance.
mentales. Les organisations de défense des
Ce défi est particulièrement difficile à consommateurs sont en train de mettre ces
relever pour les pays pauvres qui se trou- conséquences en évidence et tentent de
vent face à un double problème: ils doi~ promouvoir l'équité via le « socio~étique­
vent accélérer la consommation pour sor~ tage ~ et l'instauration de nouvelles
tir leur population de la pauvreté, tout en formes d'organisations commerciales. A
préservant le plus possible l'environne- mesure que l'on admet l'interdépendance
ment. Les modèles de croissance des pays entre consommation et production, les
industrialisés d'après guerre ainsi que la mouvements de défense des consomma~
croissance rapide que connaissent l'Asie teUTs délaissent leur intérêt personnel pour
et d'autres régions depuis quelques décen- s'occuper des aspects sociaux à l'échelle de
nies sont trop nocifs pour l'environne~ la planète. Pendant de nombreuses
ment. Il convient d'élaborer de nouveaux années, les groupcs de consommateurs se
Il convient
modèles, reposant sur des technologies sont essentiellement mobilisés pour exiger d' élaborer de
plus propres, afLn de permettre aux pays des produits moins chers et de meilleure
pauvres de sauter certaines étapes du qualité. Aujourd'hui, ils sont plus atten~ nouveaux
développement technologique des pays tifs aux conséquences sociales de la pro~ modèles,
indus trial isés. duction et de la commercialisation. Et,
avec l'intégration mondiale des marchés reposant sur des
de la consommation, cette mobilisation technologies
Impacts de la consommation sur la s'internationalise. Les consommateurs sué~
société dois exigent des vêtements qui ne soient plus propres
pas fabriqués par des enfants. Au ] apon, le
Club Seikatsu est en train d'instaurer un
Les niveaux, les modes et la croissance de dialogue avec les producteurs du
la consommation ont des conséquences Bangladesh, d'individu à individu. De leur
majeures sur l'emploi, et donc sur la côté, les consommateurs néerlandais
société. Lorsque la consommation baisse, s'allient avec de petits exploitants agri~
la demande baisse aussi, ce qui fait cales du Costa Rica (encadré 5.11).
vaciller la croissance économique et abou-
tit à une véritable catastrophe pour les
pays au revenu le plus faible. Consommation ostentatoire, exclusion et
Mais les conséquences économiques et inégalité
sociales ne s'arrêtent pas là. La consom-
mation provoque des effets secondaires
- ou des coûts externes - pour la Lcs marchandises véhiculent l'identité et
société, via le processus de production. la communication sociales, et leur symbo-
Ces effets dépendent des personnes lisme social influe fortement sur les modes
employées et de la nature de leur parti~ de consommation. On choisit un aliment
cipation à la production et à la commer- non seulement pour se nourrir ct pour sur~
cialisation. Sont~elles gagnantes ou per- vivre, mais aussi pour se distraire, com-
dantes face à la concurrence pour les muniquer et engager une activité collec-
marchés? Certains biens peuvent créer tive. La nourriture que l'on sert dépend
des emplois dignes de ce nom pour les des besoins alimentaires, de l'événement
pauvres, et donc contribuer à un déve~ ainsi que de l'appartenance sociale des
loppement équitable. Citons à titre convives. Ainsi, les repas de famille sont
d'exemple la confection de vêtements, simples et nourrissants alors que les repas
qui émancipe les femmes par un emploi de noces sont composés de mets de luxe.
salarié au Bangladesh, ou encore la cul- Les économistes et les spécialistes des
ture du café par de petits exploitants qui sciences sociales ont exploré cette dyna-
le commercialisent via des réseaux de mique sociale sous divers angles. Les pré~
coopératives. curseurs se sont concentrés sur la propriété
En revanche, la consommation de et le revenu comme déterminants de la
biens dont la production repose sur classe. Max Weber a été le premier à voir
l'exploitation de salariés ou de petits dans les modes de consommation et le
exploitants nuit à la société dans son style de vie de puissants déterminants de
ensemble et entrave un développement la classe et du statut sociaux. Thorstein
équitable, participatif et durable. Faire Veblen a mis en lumière l'importance de

LA CONSOMMATIO;J DANS UN VILLAGE MO;JDIAL - INÉGALITÉS ET DÉSÉQUILIBRES 65


ENCADRE 3.3 que les décisions de consommation résul~
Il y a 40 000 ans, les premiers consommateurs tent des « engagements sociaux» (encadré
2.1).
Même si l'apparition soudaine de teUes que la préparation et l'utilisa- Le symbolisme social de la consomma~
parures individuelles ne révèle tion d'abrasifs métalliques pour le
tion est au cœur de la tradition culturelle
aucune différence entre les aptitudes polissage. L'ivoire servait bien plus
mentales de l'homme de Cro~ souvent à fabriquer des perles, des de tous les peuples, et se retrouve même
Magnon et celles de l'homme de pendentifs et des statuettes que des chez les hommes de Cro-Magnon, il y a
Néanderthal, elle a été le signe de outils et des armes. 40000 ans (encadré 3.3). La créativité
nouvelles formes d'organisation L'homme de Cro~'Magnon façon~ dans la volonté de fabriquer de beaux
sociale exigeant la communication nart également des objets à partir objets usuels (plats, meubles, vêtements!
des idées ainsi que leur conserva~ d!os et de dents de mammifères, de architecture, paysages) est signe de culture
tion. bois de cervidés, de fossiles, de florissante. L'utilisation des produits pour
De remarquables découvertes coquillages d'eau douce, de coraux, consolider le tissu social apporte joie et
technologiques ont été réalisées non de calcaire et de bien d'autres miné~ subtilité aux relations sociales et renforce
pas tant pour améliorer l'efficacité raux. Ces matériaux n'étaient pas
la cohésion (encadré 3.4).
de la chasse et de la cueillette qu'à choisis au hasard et certains, d'ori~
des fins esthétiques. Pendant l'auri~ giue lointaine, faisaient l'objet de Pourtant, le pouvoir symbolique de la
gnacien (de 30000 av. J.C. à trde. Sur les milliers d'espèces de consommation peut aussi se révéler des~
25000 av. J.C. environ), l'homme coquillages des littoraux atlantique tructeur. Car, si elle peut tisser des liens
de Cro~Magnon a élaboré diverses et méditerranéen~ seuls quelques~uns sociaux, la consommation peut aussi
techniques pour travailler l'ivoire, servaient à fabriquer des parures. constituer une source importante d'exclu~
sion. Toutes les communautés, à toutes les
Sauret: White, 1993
époques, en fournissent des exemples
abondants. L'adolescent qui ne porte pas
les chaussures de la marque à la mode aura
honte devant ses camarades d'école. Dans
ENCADRE 3.4
l'Inde rurale, une jeune femme peut être
La fête, source de solidarité à l'intérieur de la communauté
dans l'incapacité de se marier si sa dot
Nombre de sociétés traditionnelles des familles les plus pauvres comme n'est pas suffisante.
avaient pour usage de redistribuer musiciens, danseurs! décorateurs, cui~ La répartition inégale du revenu se
leurs excédents de biens au cours de siniers, brodeurs ou messagers. Ils transforme en exclusion si le système de
cérémonies. Dans l'une des commu~ payaient en espèce ou en nature valeurs d'une société accorde trop d'impor~
nautés amérindiennes les plus - prêt de bœufs pour les-Iabours, per- tance à ce qu'une personne possède plutôt
connues du nord~ouest du Canada, mission de couper des roseaux pour la qu'à ce qu'elle est ou ce qu'elle peut faire.
des objets ouvragés étaient détruits vannerie. Vi . . a la fiesta! Chacun était
Et, si les normes sociales augmentent plus
lors d'un rituel appelé potlatch. inviré à prendre part à la fête~ ce qui
Même si ces ·objets étaient finale~ vite que le revenu, les modes de consom~
contribuait au soutien des veuves et
ment perdus, en faire don à la com~ des orphelins du village. Cette forme- mation risquent de se déséquilibrer. Ainsi!
munauté suscitait une bienfaisance de consommation représentait égale~ des ménages consacrant une grande part
collective et constituait une- forme ment un investissement p'oue les de leur revenu à la consommation osten~
d'investissement d;;tns la solidarité chefs de village, car ils poûvaient tataire peuvent se priver de biens essen~
sociale. compter sur une aide en retour. riels tels que la nourriture, l'éducation, les
Dans d'autres cultures, ces formes' , Ce recours à la consommation soins de santé! les soins aux enfants ct
de redistribution a-vaient pout objec~ pour répartir le revenu et tisser une flépargne en prévision de l'avenir.
tif d'égaliser les revenus. Ainsi! le solidarité sociale est remis en cause A l'heure de la consommation mon~
tissu social de nombreuses commu~ dès que ces communautés vivant
diale, de nouvelles tendances se font jour
nautés indiennes du Mexique repo- jusqu'alors en autarcie s'ouvrent à
sait sur le .. culte -du cargo ~ : les l'économie de marché. En effet, dans la surenchère de la consommation,
chefs des familles les plus riches comme les biens et les services néces- souvent ostentatoire, car les normes
occupaient dans la communauté une saires à la fête proviennent de rexté~ sociales ne cessent d'être relevées, le cré~
position comparable à celle' du maire. rieur, la richesse sort de la commu- dit à la consommation est en pleine
Ils finançaient la fête annuelle du nauté et n'est de ce fait plus· expansion et la consommation à outrance
village et employaient les membres redistribuée. _ constitue la valeur dominante.
Le relèvement des normes sociales va plus
Arhpe, 1997.
SaUTee:
,. vite que la progression du revenu. Les
normes sociales de consommation! c'est~à~
dire le type de vêtements, de logement et
de transport qu'une personne utilise, sont
la consommation ostentatoire et de renvie partout à la hausse. Ce qui était considéré
d'atteindre un certain statut social au sein comme un luxe il y a une vingtaine
d'une communauté en tant que motiva~ d!années est aujourd'hui une nécessité:
tion de la consommation de biens visible~ une voiture pour chaque famille de la
ment emblématiques de ce statut. Les classe moyenne en France, une montre~
anthropologues contemporains expliquent bracelet pour chaque famille rurale en

66 RAPPORT ,1ONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1998


Inde, un réfrigérateur dans chaque famille ménage moyen n epargne que 3,5 % de
en Chine. Pour un revenu identique, la son revenu disponible, soit environ la
consommation d'articles de luxe est en moitié du taux observé il y a une quin~
progression. Prenons l'exemple de l'auto~ zaine d'années, et la valeur médiane du
mobile, que son prix met hors de portée patrimoine financier des ménages n'attei~
de la plupart des habitants des pays en gnait que 13 000 dollars en 1995. Selon
développement. Posséder une voiture était une étude réalisée aux Etats~Unis. 55 %
exceptionnel dans les années quarante et seulement des ménages avaient mis de
cinquante dans pratiquement tous les pays, l'argent de côté l'année précédente. Par
alors que c'est aujourd'hui la norme pour ailleurs, l'endettement augmente inexora-
les familles des classes moyennes partout blement depuis une dizaine d'années, et il
dans le monde. Dans les années quarante, s'établissait à 5 500 milliards de dollars en
on comptait 16 automobiles pour 1 000 1997. Une bonne partie de cette progres-
habitants en Allemagne, 27 en Autriche, sion est imputable à l'utilisation des cartes
30 en Italie et 36 en France. Lorsque le de crédit, qui a doublé entre 1990 et 1996.
Japon a atteint un niveau de revenu ana~ Dans la plupart des autres pays de Ce qui était
logue, dans les années soixante, ce pays ne l'OCDE, l'épargne des ménages est aussi considéré
comptait que 16 voitures pour 1 000 en recul (diagramme 3.7).
habitants. Mais dans les années quatre- L'endettement des ménages est, lui, à comme un
vingt, le Brésil, le Chili, la Malaisie et le la hausse dans de nombreux pays. Entre luxe il y a
Mexique avaient atteint le même niveau 1983 et 1995, mesurés en pourcentage du
de revenu, et comptaient entre 50 et 64 revenu disponible, les engagements sont une vingtaine
automobiles pour 1 000 habitants, soit passés de 74 % à 101 % aux Etats-Unis, de d'années est
deux, trois ou quatre fois plus que le 85 à 113 % au ] apon, de 58 à 70 % en
chiffre observé dans d'autres pays au France et de 8 à 33 % en Italie. Au Chili, aujourd' hui
moment où ils affichaient un niveau de le nombre des défauts de paiement et des
revenu analogue. chèques sans provision est à la hausse. Au
une
Quelles qu'en soient les causes, l'aug~ Brésil, les chèques sans provision consti~ nécessité
mentation de la consommation révèle la tuent une forme répandue de financement
hausse des normes sociales. D'autres tra~ de la consommation: leur proportion par
vaux mettent en évidence les mêmes ten~ rapport au nombre total de chèques émis
dances. Des études réalisées sur les a été multipliée par six entre 1994 et
ménages aux Etats~Unis ont montré que le 1996. Et en 1996, le crédit à la consom-
revenu nécessaire pour satisfaire aux mation consenti par les banques a, à lui
envies de consommation avait doublé seul, augmenté de 28 %. Sur les 1,5 mil-
entre 1986 et 1994, passant à plus de deux lion de familles brésiliennes vivant avec
fois le revenu médian (encadrés 3.5 et un revenu inférieur à l'équivalent de
3.6). 300 dollars par mois, les deux tiers étaient
Augmentation du crédit à la consomma~ endettées.
tian - baisse de l'épargne des ménages. Dans Dans ce tableau, il importe de souli~
de nombreux pays, l'augmentation de la gner qu'il est de plus en plus facile de DIAGRAMME 3.7
Baisse du taux d'épargne
consommation de produits de luxe va de dépenser sous l'effet de l'expansion du cré~
pair avec la croissance du revenu et dit à la consommation. Entre 1992 et Epargne en pourcentage du revenu
l'accroissement de l'épargne. En Inde, on 1996, le nombre des cartes de crédit en disponible des ménages
attribue pour une large part la progression circulation a augmenté de 83 % en
du taux de l'épargne des ménages à l'envie Allemagne, de 62 % en France, de 48 % ·20
de posséder des articles ménagers durables. aux Etats-Unis et de 42 % en Italie.
Mais lorsque la hausse du revenu ne suit Consommation à outrance et valeurs
pas l'évolution des envies, les dépenses - tendances divergentes et questions: Les 15
consacrées aux produits de luxe et aux individus font~ils preuve d'un intérêt France
symboles visibles du statut social - la der~ excessif pour les biens matériels? De nom~ , Japon
nière marque de chaussures ou de chemises breuses études montrent que les gens se 10
Irlande
à la mode, le mariage fastueux, la voiture préoccupent davantage de l'environne~
rapide - risquent de comprimer le budget ment, de l'intérêt général, de leurs rela~
des ménages, qui ne peuvent plus guère tions avec autrui, etc. Pourtant, on 5 Etats-Unis
épargner. observe également la progression d'un Canada
Certains signes indiquent que les comportement pathologique, qui reste Nouvelle-Zélal
consommateurs étirent leur revenu pour certes l'exception plutôt que la norme, o
acheter toujours plus, ce qui accroît le cré~ mais qui constitue une source de préoccu~ 1979 1996
dit à la consommation et fait reculer pation majeure pour la société. Ce com~
l'épargne des ménages. Aux Etats~Unisl le portement se traduit par une augmenta~ Source: OCDE, 1997b.

LA CO~SOMMATIO~ DANS Ul' VILLAGE MONDIAL - Il'ÉG.ALITÉS ET DÉSÉQUILIBRES 67


ENCADRE 3.5 sein de la communauté et de la famille
Inflation du rêve -américain - devront travailler ensemble pour faire
en sorte qu·e les individus soient appréciés
~ Avant, je croyais que le rêve amé· esr pris-e pour référence et son modèle pour ce qu'ils sont, et non pour ce qu'ils
ricain, c'était d'avoir une maison de 'Consommation représente le mode
avec une petite palissade et un
possèdent.
de vie auquel aspirent la plupart des
garage deux places, deux enfants, un AmériC2:.ains. -Une récente enquête sur
chien et un chat ... On ne voyait la consommarion a révélé qu'un tiers
jamais ces grandes demeures des Américains souhaiterait un jour Conséquences pour la santé du
d'aujourd'hui dans Happy Days. appartenir à la catégorie de « ceux con8ommateur - le droit à des
Qu'est~ce qui a changé aujou_rd'hui ? qui ont réussi ll> et qui regroupe les produits sans danger et à
Juste cette envie du toufours plus. 6 % les plus r.iches de la société amé, l'information
Non que ce soit- un mal ou je ne ricaine.
m'inclue pas dans cette catégorie. Quant à la question de savoir à
Ce que je veux dire, c'est que_, selon combien les Américains évaluent le De nombreux produits mettent en péril la
moi, le rêve américain est devenu revenu nécessaire pour « réaliser leurs santé et la sécurité des consommateurs,
inflationnisté. .. - rêves ", il leur fallait 50 000 dollars parce qu'ils sont dangereux en soi: les
Cette inflation du rêve américain en 1986, et deux fois plus en 1994, ceintures de sécurité qui ne tiennent pas,
a démarré dans tes années quatre· soit 102 000 ~dollars. la nourriture contaminée par la salmonelle
vingt, sous l'effet de l'élévation du Or, il devient de plus en plus ou les conserves périmées.
mode de vie "des plus riches. Entre difficile de suivre le rythme. Entre D'autres produits, qui ne sont pas dan,
1979 et 1989, les 1 % des ménages les 1979 et 1994, la part du revenu de, gereux en soi, le deviennent lorsqu'on en
plus fortunés des Etat$~Unis ont vu familles appartenant aux 20 % de la abuse ou lorsqu'on les consomme à mau·
leur revenu annuel s'envoler er pas~ population les plus riches est passée
ser de 280 000 à 525 am
dollars en de'42 % à 46 %, tandis que celle de
vais escient. Le tabagisme met en danger
moyenne. Les riches et très riches ont toutes les autres catégories dimi, de mort des millions de personnes: on lui
prùpulsé la consommation ostenta~ nuait. Sur l'ensemble de la période, attribue environ 3,5 millions de décès
taire vers de nouveaux sommets. les disparités entre catégories se sont chaque année. Le « régime alimentaire des
Cette classe, désormais très observée, creusées. pays riches» abonde en sels, sucres,
graisses saturées et contient beaucoup
TABLEAU E'NCADRE 3.5
" : moins de fibres et d'hydrates de carbones
Aspirations et besoins des conso-mmateurs américains complexes que le régime traditionnel. Il
(pourcentage de réponses) est lui aussi porteur de risques: cancer,
maladies cardio·vasculaires et diabète, qui
Pourcertta.ge de
19]5 1991 variation se manifestent surtout vers la fin de la vie.
L'obésité affiche une progression rapide,
Qu'est·ce qUf procure une « bonne vie 11 1 tout particulièrement parmi les pauvres des
Une résidence secondaire 19 3S +8-4
Une pisci ne 14 19 +36 pays industrialisés et les classes moyennes
Un emploi mieux rêmu_néré 45 60 +33 des pays en développement d'Asie et
Un tra,Y3iIJntéress-ant 38 38 a d'Amérique latine. Aux Etats-Unis, on
Un mariage heureux 84 77 8
estime qu'un tiers des adultes de plus de
Qu'est-ce Qu'une nécessité 7 1973 1996
Un second téléviseur 3 la +233 20 ans souffrent d'obésité.
la climatisation à domicile 26 51 +96 Avec une consommation qui évolue
rapidement vers les produits manufactu,
SOUTee : Schor, 1998. rés, y compris de nombreux produits inté~
grant des substances chimiques, la sécurité
et la protection du consommateur devien~
nent de plus en plus complexes et impor~
tion des vols à l'étalage et des agressions tantes. Les pays en développement sont
visant à obtenir des biens emblématiques menacés par les produits commerciaux
du statut social (chaussures de sport, importés à des prix défiant toute concur~
vestes en cuir, lunettes de grande marque) rence, mais potentiellement dangereux:
ainsi que des cas d'achats compulsifs. certains pays affirment avoir importé du
Pour encourager le recours à la lait en poudre vendu avec un fort rabais,
consommation comme ciment de la soli, mais dont la date de péremption était pas,
darité et des relations sociales et facteur sée, ou encore du lait présentant une forte
de créativité - et non plus comme ins, radioactivité, suite à la catastrophe de
trument d'exclusion et d'affaiblissement Tchernobyl. De nombreux pays ont inter,
de la solidarité - il faudra déployer des dit le DDT, mais d'autres continuent de
efforts volontaires pour promouvoir les le fabriquer et de l'utiliser. Et combien
valeurs positives. Les leaders d'opinions d'autres produits sont interdits dans les
- dans les médias, les milieux politiques, pays ayant adopté des normes strictes,
les pouvoirs publics, les milieux d'affaires, mais vendus dans ceux qui n'ont pas
les organisations religieuses, ainsi qu'au adopté de telles normes?

68 RMPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1998


Dans le monde entier, les groupements ENCADRE 3.6
de consommateurs font campagne avec suc~ Evolutions dans les achats: du magasin de quartier au centre commercial
cès pour une réglementation et une nor~
Il Y a quarante ans, on faisait ses Les centres commerciaux, espaces
malisation dans l'intérêt du consommateur, courses au magasin de quartier ou au de consommation ostentatoire, sont
afin, par exemple, de limiter plus sévère~ marché, quand on ne s'approvisionnait devenus des lieux de distraction et de
ment la teneur des aliments en résidus pas directement chez le producteur, en rcnçontrc. Les adolescents y '" traî-
d'additifs et de pesticides ou de renforcer viande et en poisson par exemple. nent ,. et le lèche- vitrine a supplanté
les exigences de sécurité concernant les Aujourd'hui, supermarchés et centres la traditionnelle promenade familiale
voitures. Ils s'efforcent de contrer les pres~ commerciaux se multiplient. au jardin public.
Au Chili. Santiago compte, pour !ts sont en outre à l'origine dlun
sions commerciales puissantes qui cher~ 5 millions d'habitants, neuf centres phénomène inédit. Les individus sont
chent à faire assouplir les normes. Ces commerciaux récents et trois autres en en effet devenus des spectateurs,
années de campagnes publiques ont abouti construction. Ces centres attirent entre rêvant du jour où ils pourront acquérir
à la reconnaissance des conséquences éco~ 700000 et 1,8 million de personnes par ces gadgets dont ils ne saisissent pas
logiques mortelles des effluents industriels mois et réalisent, selon les estimations, pleinement l'urilité. Mais, en raison
un chiffre d'affaires annuel de 100 mil- des prix aStronomiques. la m~jeure
responsables de la « maladie de Minamata Jo> lions de dollars. Au Chili, 70 % des partie d'entre euX' eSt condamnée à
au Japon, et des effets de la thalidomide, produits de consommation sont désor~ _regarder sans pouvoir acheter.
médicament abondamment prescrit en mais achetés dans les supermarchés.
Europe, ct qui a provoqué des malforma~
tions de naissance chez des milliers Sources: Crocker. Camacho et Ramera, 1997. Larenas 1997.
d'enfants.
Autre exemple: la politique nationale
concernant les médicaments adoptée par le
Bangladesh en 1982, suite à des pressions
considérables de la part de groupes de ENCADRE 3.7
citoyens. Son objectif premier est de pro~ Mondialisation: intégration des marchés de la consommation
téger les droits des consommateurs en limi~
tant la commercialisation des médicaments La mondialisation, ce phénomène créateurs et partagent destinations de
d'intégration des marchés des vacances, films et musiques. Ce phé-
dangereux, en instaurant des contrôles~ éçbanges, des invest-Issements et des nomène s'étend aux établissements
qualité et en faisant en sorte que la popu~ 1-capitaux, s'étend également au marché scolaires et aux centres médicaux. Les
lat ion ait accès à des traitements de qua~ de la consommation. S'en suivent élites du Costa Rica, du Honduras et
lité à un prix raisonnable. Cette politique deux évolutions, l'une économique et d'ailleurs peuvent regarder les chaînes
a également cherché à casser le monopole t'autre sociale. La libéralisation éco- de télé-achat sur le câble internatio-
nomique a ouvert les marchés des nal et utiliser leuts cartes de crédit
des multinationales et à encourager les biens de consommation (livres, ali~ pour faire leurs courses par téléphone.
laboratoires pharmaceutiques locaux. En rnentation, réfrigérateurs ou télévi- Elles constituent. un modèle envié par
outre, elle a introduit l'utilisation de noms seurs) ; la levée des restrictions à beaucoup d'autres.
génériques pour les médicaments les plus l'importation et l'abaissement des L'expansion tentaculaire des
couramment utilisés, pour éviter de faire tarifs douaniers ont permis l'accès à marques internationales se répercute
une palette élargie de produits de sur la consommation dans l'ensemble
de la publicité aux marques. meilleure qualité, vendus à des prix du village planétaire. Certains pays
Les bénéfices de cette politique sont plus compétitifs. Cette évolution se d'Asie et d'Amérique latine ont fait
substantiels. En 1992, la part des médica- poursuit, accélérant le passage à l'éco- exploser les marchés des multinatio-
ments de première nécessité dans la nomie de marché, tirée par la produc~ nales et de leurs produits de marque.
production pharmaceutique locale était tion de masse, destinée à une consom- Ainsi, le chiffre d'affaires mondial des
mation de masse avec un afflux'- restaurants McDonald's a enregistré
passée de 30 à 80 %. Les prix des médica- constant de produits nouveaux ou per- une progression de 19 milliatds de dol-
ments se sont stabilisés, avec une aug~ fectionnés. Sur ce marché concurren- lars sur la période 1986~1996. dont
mentation de 20 % seulement, conne tiel, la publicité joue un: rôle primor- 64 % en dehors des Etats... Unis
180 % pour l'indice des prix à la consom~ dial. d'Amérique. La publicité, 9,ui se
mati on. A cette date, les laboratoires L'intégration mondiale du marché répand à vive allure partout dans le
de la çonsommation revêt également monde, favorise la notoriété des
locaux avaient vu leur part dans la pro~ une dimension sociale. Avec l'ouver~ marques internationales. Il s'agit géné-
duction torale passer de 35 à plus de ture des frontières dans les échanges, ralement de produits de consommation
60 %, et la production globale avait plus les télécommunications et le tourisme, couranre comme les articles de toi~
que triplé. Par ailleurs, la proportion des les individus du monde entier se fon~ lette, l'alimentation, les cigarettes et
médicaments ne respectant pas les normes dent dans un marché mondial intégré les boissons.
de qualité avair chuté de 36 à 9 %. de la consommation, caractérisé par Cependant, cette intégration est
l'universalité des produits et des publi~ inégale, car tous ces produits, bien
cités. Ils forment aÎnsi de nouveaux qu'offerts à tous, demeurent le privi~
groupes sociaux; .. l'élite mondiale ,., lège d'un petit nombt:c. Alors que
Une information déséquilibrée la .. dasse moyenne internationale lI, l'élite mondiale s'intègre dans un mar~
la « jeunesse planétaire >J. Répondant ché international, beaucoup restent
aux mêmes modèles de consommation, exclus du réseau· mondial de la
L'information et la sensibilisation sont ils portent les mêmes vêtements de consommation.
toujours essentielles, mais elles devien~
Source: Bureau du Rapport mondial SUT le développement humain.
nent impératives sur les nouveaux mar~

l.A CONSOMMATION DANS UN VIl.LAGE MONDIAL - INÉGALITÉS ET DÉSÉQUILIBRES 69


chés mondiaux, où l'information ne doit qu'il recule en Europe et en Amérique du
plus se contenter d'être exacte, mais doit Nord, sous l'effet de campagnes massives
aussi être équilibrée et indiquer les effets de sensibilisation et de l'obligation de
potentiellement nocifs d'un produit, et pas faire figurer un avertissement dans toutes
seulement ses avantages. En effet, la mon- les publ ici tés et sur tous les emballages
dialisation se caractérise par un afflux per~ (encadré 3.8).
manent de produits nouveaux, fabriqués à La publicité commerciale constitue
l'autre bout du monde, dans des condi- aujourd'hui la principale source d'infor,
Sur les nouveaux tions inconnues (encadré 3.7). mation sur les produits. En l'absence de
L'utilisation excessive de produits non contrôles, il arrive que cette publicité soit
marchés familiers a longtemps constitué une source mensongère. Les entreprises peuvent van~
mondiaux, de catastrophes sociales. L'introduction de ter les qualités d'un produit sans s'appuyer
l'alcool aux Amériques. au XVIIe siècle, a sur aucun fondement scientifique, et les
l'information doit provoqué un alcoolisme largement produits risquent d'être vendus dans un
être équilibrée et répandu et tenace. L'arrivée des aliments pays avant la diffusion des avertissements
en conserve à au eu a déséquilibré le concernant leurs effets sur la santé. Il
indiquer les effets régime alimentaire de l'île, ce qui a pro~ arrive que la publicité donne une infor~
voqué des cas d'obésité et de malnutrition. mation incomplète, par exemple en omet~
potentiellement L'introduction du lait maternisé dans des tant de mentionner les risques liés au
nocifs d'un villages ne pouvant accéder à l'eau tabac. En outre, elle peut se révéler parti~
potable constitue une menace pour la sur~ culièrement mensongère pour ceux qui ne
produit vie des nourrissons, et provoque, selon les disposent guère d'autres sources d'infor'
estimations, le décès de 1,5 million de mations, notamment les enfants, les per~
bébés par an. Vient ensuite le cas du sonnes ayant peu d'instruction et celles
tabac, ramené d'Amérique au XVIIe siècle. qui lisent peu.
Le tabagisme constitue un problème crois~ Le marché de la publicité représente
sant en Afrique, en Asie, en Amérique aujourd'hui 435 milliards de dollars. Mais
latine et dans les pays arabes, alors même il s'agit là d'une évaluation prudente des
dépenses publicitaires annuelles mon~
diales. Si l'on tient compte de toutes les
formes de marketing, ce chiffre s'approche
ENCADRE 3.8
des 1 000 milliards de dollars. Ces
Tabac: émergence de la crise dans le Sud
dépenses publicitaires, ont été multipliées
L'Organisation mondiale de la santé trois fois plus de risques que les non~ par sept depuis 1950, soit une progression
évalue à 3,5 millions par an le fumeurs de mourir entre 35 et 69 ans. trois fois plus rapide que celle de l'écono~
nombre de décès liés au tabagisme, et Depuis les années soixante-dix, la mie mondiale. Elles restent concentrées en
les pays industrialisés représentenr plupart des pays indwtrialisés mènent Amérique du Nord, en Europe et au
plus de 50 % des cas. Dans les années des campagnes antitabac énergiques : Japon. Mais la croissance est plus rapide
deux mille vingt, alors que le nombre interdiction de la publicité pour le en Asie et en Amérique latine, surtout
des décès devrait atteindre les l 0 mil~ tabac dans les médias, augmentation depuis le milieu des années quatre~vingt
lions par an, 70 % des décès liés au des taxes sur les cigarettes, mention
tabac seront constatés dans les pays sur les paquets des risques encourus et le début des années quatre~vingt~dix.
en développement. pour la santé, incerdiction de la vente Au cours des 10 dernières années, certains
Le tabagisme est la première cause aux mineurs et diffusion de l'infor~ pays de ces régions ont vu leur marché publi,
de cancer du poumon. Il est à l'ori, mation. citaire enregistrer une croissanc.e spectacu~
gine de cardiopathies, d'accidents Dans les pays en développement, laire : plus de 1 000 % pour la Chine,
vasculaires cérébraux, d'emphysèmes en revanche, les campagnes d'infor~ 600 % pour l'Indonésie, plus de 300 %
et d'infections pulmonaires. Les mation sont loin d'atteindre cette pour la Malaisie er la Thaïlande et plus de
enfants exposés au tabagisme passif ampleur tandis que les campagnes de 200 % pour l'Inde, la république de Corée
sont facilement sujets aux maladies marketing et de publicité, elles, se et les Philippines. Comparativement aux
respiracoires. Fumer pendant la gros~ multiplient. Entre le début des années niveaux de PIB, les dépenses publicitaires
sesse augmente le risque de fausse soixante~dix et celui des années
couche, de naissances d'enfants souf~ quatre~vingt~dix, la consommation de
sont particulièrement élevées dans les pays
frant d'insuffisance pondérale et peut cigarettes par habitant a reculé de en développement (tableau 3.4 et enca-
nuire au développemen.t de l'enfant. 10 % dans les pays industrialisés, alors dré 3.9).
Dans nombre de pays, la consom.ma~ qu'eUe augmentait de 64 % dans les La révolution de l'informatique et des
tian de tabac est la principale cause pays en développement. Ainsi, cette télécommunications a bouleversé le pay~
de décès pouvant être évités. Dans les consommation par habitant a plus sage de l'information et intensifié le désé,
pays industrialisés et en développe~ que doublé en Haïti, en Indonésie, au quilibre dans les flux d'information. Un
ment, un fumeur régulier sur deuX" Népal, au Sénégal et en Syrie, et elle village chinois a autant de chances d'accé~
meurt du tabagisme. Les fumeurs ont a triplé au Cameroun et en Chine. der aux films hollywoodiens et à la publi-
cité via la télévision par satellite qu'à un
Sources: OMS 1996, OMS 1998, Khor 1997, Worldwateh Institure, 1997.
autre village, situé à 50 km de distance,

70 RAPPORT MONDIAL SUR LE DtvELOPPEMENT HUMAIN 1998


TABLEAU 3.4
La publicité à "assaut des pays en développement: classement des 10 premiers pays pour la part de la publicité
dans le PIS, 1986 et 1996
1986 1996
Part de la Part de Total des Part de la Part de Total des
publicité en l'éducation en dépenses publicité en l'éducation en dépenses
pourcentage pourcentage publicitaires pourcentage pourcentage publicitaires
Pays du PIB du PIB (milliards de $)~ Pays du PIB du PIB (milliards de $)-

Etats-Unis 1,6 5,0 94,6 Colombie 2,6 3,4 1,4


Australie 1,4 5,4 4,3 Royaume-Uni 1,4 5,5 16,6
Royaume-Uni 1,4 4,9 13,0 Nouvelle-Zélande 1,4 6,4 1,0
Nouvelle-Zélande 1,1 4,4 0,7 Hong-Kong (Chine) 1,4 2,8 2,2
Hon9-Kon9 (Chine) 1,1 2,8 1,1 Corée, Rép. de 1,4 3,7 6,7
Suisse 1,0 5,1 2,7 Venezuela 1,4 5,0 1,0
Colombie 1,0 2,8 0,5 Etats-Unis 1,3 5,4 101,2
Espagne 1,0 3,3 4,2 Taïwan, Chine 1,2 3,4
Venezuela 1,0 5,0 0,6 Brésil 1,2 8,2
Finlande 0,9 5,3 1,0 Australie 1,2 5,4 4,7

a. En dollars de 1996
Sources: Huttan, 1997 et UNESCO, 1997d.

via la route ou le chemin de fer. L'expan· ENCADRE 3.9


sion des médias et des communications Chine: publicité et économie socialiste de marché
mondiales est phénoménale, La Chine
comptait 11 millions d'abonnés à la télé· La publicité constitue un instrument mondiale pour le volume des activi-
vision pat câble en 1990, ct 35 millions de politique commerciale pouvant tés publicitaires.
également être utilisé par les pou· La modernité, mise en valeur par
en 1995 (soit 3 % de sa population). voirs publics et les ONG. En Chine, tant de réclames, constitue l'un des
L'Inde en comptait 7 millions en 1993, et l'Etat y recourt pour engager le pays piliers d'une idéologie nationale
16 millions en 1995. Au Mexique, leur dans l'économie socialiste de mar; véhiculant le progrès économique.
nombre a été multiplié par deux entre ché. L'analyse de 570 publicités parues
1990 et 1995, passant de 610 000 à Pendant la Révolution cuhu· dans des magazines entre 1982 et
1,2 million. Au Brésil, au Chili et en relIe, la publicité avait disparu des t992 a montré- que les trois princi-
république de Corée, les ventes de télévi- journaux. De grandes affiches pales valeurs culturelles mises en
seurs dépassent aujourd'hui les niveaux étaient placardées sur les vitrines avant étaient la modernité, la tech·
observés dans la plupart dcs pays indus; des magasins. Sur les panneaux nologie et la qualité. Les spots dif-
trialisés (environ quatre à six postes pour d'affichage, seuls les slogans poli· fusés à la télévision chinoise met·
tiques étaient autorisés. Aux yeux tent Paccent sur la modernité
100 habitants). Les ventes annuelles de
du Parti, la publicité était un .. ins- (32 'lb), la jeunesse (8 'lb), la famille
micro·ordinateurs se montent aujourd'hui trument du capitalisme '", un .. gas- (7 'lb), la rechnologie (7 'lb) cr la
à 35 pour 1 000 habitants en république pillage pour la société .. , .. n'ajou. tradition (5 %).
de Corée, soit plus qu'cn Norvège (16) et tant aucune valeur aux produits '". Modernité ne signifie pas pour
qu'au Royaume-Uni (19). Pour la Depuis les réformes économiques autant occidentalisation. Avec le
Malaisie, ce chiffre est de 9 pour 1 000, des années soixante·dix, la publicité lancement du programme des
comme pour le Danemark, et supérieur à revient en force. Devenue . .: un .. quatre modernisations _, une ligne
celui de l'Espagne et de la Suède, soit 8 moyen de promouvoir les échanges j de démarcation a été tracée entre
pour 1 000, Il atteint 6 pour 1 000 au d'attirer des devises et d'élargir modernisation et occidentalisàtion.
Brésil, soir plus qu'en Grèce (3) et qu'en l'horizon des masses ., elle constitue S'il loue les technologies et les capa,
officiellement .. le moteur du déve· cités de gestion de l'Occident, ce
Irlande (4). De nombreux autres pays sont
loppement économique de la programme n'en condamne pas
en train de rattraper rapidement leur Chine ... Le 15 mars t979 paraissait moins les modes de vie et les sys·
retard, le nombre de micro-ordinateurs dans le Wenhui Dai!, la première tèmes politiques occidentaux.
ayant doublé au cours des dernières publicité étrangère en Chine depuis Conformément à la législation
années, ou même été multiplié par 10, la Révolution culturelle. Il s'agissait chinoise de t982, la publicité a pour
comme au Ghana, au Pakistan et en d'une réclame pour la montre suisse vocation de .. répondre aux besoins
Roumanie. Rado. Enrre 1981 et 1992. les de la construction socialiste et de
dépenses publicitaires ont enregistré promouvoir les valeurs morales du
L'accès à l'information via les médias une croissance annuelle supérieure à socialisme ... Sont interdites toutes
et la publicité mondiales rivalise 40 %, soit bien plus que la crois· publicités dites .. réactionnaires,
aujourd'hui avec l'accès à l'information sance du PNB. En 1993, la Chine obscènes, superstitieuses ou ineptes
via l'école, les livres et les journaux. En s'est hissée à la quinzième place par leur contenu •.
Hongrie. les enfants des écoles primaires, Source: Zhang, t 997.
par exemple, consacrent quelque 1 000

LA C01"SOMMATION DANS UN VILLAGE MO"DIAL INÉGALITÉS ET DÉSÉQUILIBRES 71


ENCADRE 3.10 ii Les groupements de citoyens sont
Suède: pas de publicités pour enfants à la télévision presque toujours à l'origine des pressions
exercées sur les pouvoirs publics en faveur
Pendant plus de trente aos, la Suède que les adultes, doivent être parti~
de la protection des consommateurs. Mais,
n'a compté que deux chaînes de cuHèrement protégés. L'-action des
télévision publiques. financées par ONG a joué un rôle déterminant par rapport aux 435 milliatds de dollars
la redevance. Tout message publici, dans la décision du Parlement. que pèse la publicité, les actions de la
taire était alors proscrit. Au rnilieu Ainsi, le co.mité suédois de défense société civile seront toujours sous~finan'
des années quatrc,vingt, de plus en des consommateurs a présenté un cées.
plus de ménages ont commencé à rapport étab1i à partir d'un grand S'il était possible de réserver une partie
capter les chaînes par satellite, et nombre d'études internationales sur des dépenses publicitaires à la promotion
par conséquent la publicité, diffusées les enfants et la publicité à la télé, d'une information différente, plus équili,
depuis l'étranger. Le paysage média, vision. Selon ce rapport, ce n~est brée et à visée éducative, le consomma,
tique s'en trouvant modifié, une que vers aouze ans que la plupart des teur aurait tout à y gagner. Cette opéra~
nouvelle réglementation de l'audio, enfants commencent à avoir une
tian serait encore plus efficace si l'on
visuel a autorisé la publicité à la appréhension globale des finalités de
télévision et à la radio en 1991. Une la publicité, approche- indispensable adoptait des incitations pour que le sec~
interdiction a toutefois été mainte· poor se forger un sens critique. teur de la publicité s'auto~contrôle (enca~
nue: elle concerne les messages D'autres pays, comme l'Aus~ dré 5.3).
publicitaires ciblés sur les enfants. tralie, l'Autriche et le Royaume~ Alors même qu'il confère à la consom~
Cette interdiction est inscrite Uni, réglementent aussi la publicité mation des conséquences négatives, l'envi~
dans la loi sur l'audiovisuel. li destinée aux enfants, soit en limi~ ronnement mondial donne aussi des
n'existe donc aucune publicité p.our tant le temps qui lui est imparti, soit opportunités d'y faire face. La révolution
les jouets, les céréales du petit en-l'interdisant pendant les émis~ de la communication facilite le contact et
déjeuner ou tes sucreries. Gette dis~ sio'ns pour enfants. La Norvège a, la création de réseaux entre des groupes
position s'applique à tous les can-aux quant à elle, opté pour une inter·
hertziens mais pas aux chaînes dif, diction pure et simple. disparates dans le monde entier. Ainsi, les
fus'ées depuis l'étranger. la Suède fait pression auprès de populations sont davantage informées sur
Cette restriction reflète le large l'Union européenne pour inciter le les conséquences indirectes de la consom~
consensus public, selon lequel les reste de l'Europe à suivre son mation et les comprennent mieux. Cette
enfants, plus crédules et vulnérables ~ exemple~ révolution favorise également la création
de partenariats équilibrant les pouvoirs
Sources: Bjurstrôm, 1994, Consumers International, 1996. entre les consommateurs, les producteurs
et les pouvoirs publics.

• • •
heures par an à regarder la télévision,
contre 1 100 heures à l'école. Au Japon, Cette mutation des modes de consomma,
ce rapport est de 800 pour 1 300, et de tion dans le village mondial des années
1 300 à 1 400 aux Etats-Unis. Et, si les quatre~vingt~dix fait apparaître des désé~
ventes de téléviseurs dans les pays émer, quilibres croissants dans le développement
gents connaissent une hausse vertigineuse, humain. La croissance de la consomma,
la diffusion des journaux stagne, voire tion ne fait pas automatiquement avancer
recule. Au Brésil, les ventes de téléviseurs ce développement.
ont doublé entte 1990 et 1994, alors que La consommation accélère les progrès
la diffusion des journaux baissait de 8 %. du développement humain, et pourtant,
La société doit essayer de cerner certaines tendances de plus en plus
l'impact puissant de la publicité sur les manifestes de la consommation nuisent
jeunes enfants, pour lesquels toutes les à la santé et à la sécurité du consomma-
informations ont une valeur éducative et teur ainsi qu'au bien~être d'autrui en rai-
formatrice. Les enfants constituent un son de leurs impacts environnementaux
marché important pour les produits de et sociaux. Consommation et développe~
consommation, mais la société a pour res, ment humain ne vont plus de pair
ponsabilité de les éduquer, et non de les lorsque:
exploiter. La Suède a adopté une loi inter~ • L'augmentation de la consommation à
disant la publicité ciblée sur les enfants, l'échelle de la planète ne se fait pas en
et tente de convaincre tous les pays euro~ direction des plus nécessiteux. La consom~
péens de lui emboîter le pas (encadré mation progresse rapidement pour les
3.10). Une telle protection des intérêts du riches, mais plus d'un milliard de per~
consommateur n'est possible que dans un sonnes en sont exclues. Ces personnes
environnement qui encourage la liberté de manquent de ce qui est essentiel au déve~
la presse, le dialogue ouvert et le militan~ loppement humain: eau potable, nourri,
tisme politique. turc apportant suffisamment de calories,

72 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1998


de prote mes et d'oligo~éléments, loge~ libres dans l'information des consomma-
ment, éducation, soins de santé, énergie teurs.
et moyens de transport et de communica- • Les pressions exercées par l'escalade des
tion. Et, malgré l'expansion de la consom- dépenses et de la consommation emblé~
mation d'une grande partie de la popula- matique du statut social persistent, et font
tion des pays pauvres, les disparités apparaître des tendances inquiétantes, la
restent criantes. consommation des produits de luxe aug- Le pouvoir
• La mondialisation se traduit par l'inté~ mentant plus vite que celle des produits de social de la
gration des marchés de la consommation, première nécessité. De plus, le pouvoir
permet d'accéder à une large palette de social de la consommation conduit à consommation
biens de consommation dans le monde l'exclusion plutôt qu'à l'intégration. conduit à
entier et diffuse les normes de consom~ • L'augmentation de la consommation
mation. Cependant, elle marginalise pèse sur l'environnement, et ce sont les l'exclusion
nombre de ceux dont le revenu ne suit pauvres qui en pâtissent le plus. Le cha~
pas, et les risques de voir la consomma~ pitre qui suit étudie les liens entre dégra~
plutôt qu'à
tion nocive se propager s'intensifient car dation de l'environnement et pauvreté, en l'intégration
les normes de sécurité et les campagnes cherchant à comprendre comment se
d'information ne peuvent pas suivre le répartissent les pressions qu'exerce la
rythme de la diffusion des produits. Enfin, consommation sur l'environnement et
la révolution de l'information et des comment interagissent dégradation de
médias ainsi que l'ascension spectaculaire l'environnement et pauvreté, qui forment
de la publicité dans les pays en dévelop- souvent ensemble une spirale descendante
pement suscitent d'importants déséqui~ auto-entretenue.

LA CONSOMMATION DANS UN VILLAGE MONDIAL - INÉGALITÉS ET DÉSÉQUILIBRES 73


CHAPlTRE4

"-
Des inégalités liées a la dégradation
de l'environnement

La dégradation de l'environnement frappe vivre, les individus confrontés à la pau~


presque toujours plus durement ceux qui vreté sont obligés de puiser dans les res~
La dégradation vivent dans la pauvreté. L'immense majo~ sources, au risque de les épuiser, et cette
tité des personnes qui meurent chaque dégradation de l'environnement ne fait
de année à cause de la pollution de l'eau et qu'accroître leur pauvreté.
l' environnement de l'air appartiennent aux populations Lorsque cette spirale descendante et
pauvres des pays en développement. Il en autoentretenue atteint ses limites, les
frappe presque est de même des personnes les plus tou~ pauvres se voient contraints de se dépla~
toujours plus chées par la désertification et il en sera de cer, en nombre croissant, vers des terres
même de celles qui pâtiront le plus des fragiles. A l'échelle mondiale, près de la
durement ceux inondations, des tempêtes et des mau~ moitié des plus pauvres (plus de 500 mil-
qui vivent dans vaises récoltes résultant du réchauffement lions de personnes) sont installés dans des
de la planète. Dans le monde entier, ce zones exposées à des menaces écologiques.
la pauvreté sont les pauvres qui vivent généralement La relation pauvreté~atteintesà l'envi~
le plus près des usines polluantes, des ronnement dans les pays en développe~
routes à fort trafic et des décharges. ment doit également être considérée dans
La situation n'est pas dépourvue d'une le contexte de la croissance démogra~
certaine ironie. En effet, même si ce sont phique. Dans les pays en développement,
les pauvres qui supportent l'essentiel des les pressions pesant sur l'environnement
conséquences des dégradations de l'envi~ s'intensifient chaque jour à mesure que la
ronnement, ils en sont rarement les prin~ population augmente. Selon les projec~
cipaux responsables. Ce sont les riches qui tions des Nations unies, en 2050, la pla~
polluent et contribuent le plus au réchauf~ nète comptera 9,5 milliards d'habitants,
fement de la planète. Ce sont les riches dont 8 milliards dans les pays en dévelop-
qui produisent le plus de déchets et qui pement. A cette date, la population de
font peser les contraintes les plus fortes l'Afrique sera le triple de celle de l'Europe
sur la capacité d'absorption de la nature. et celle de la Chine sera quatre fois supé~
Cependant, certains défis environne~ rieure à celle de l'Amérique du Nord.
mentaux ne proviennent pas de l'accrois~ Pour nourrir correctement ces 9,5 mil~
sement de la richesse, mais de la progres~ liards d'êtres humains, la quantité totale
sion de la pauvreté. En conséquence de la de calories devra être trois fois supérieure
paupérisation et en l'absence d'autres solu~ à celle actuellement consommée, soit
tians, les pauvres et les paysans sans terre l'équivalent d'environ la milliards de
sont de plus en plus nombreux à exercer tonnes de céréales par an. Pour produire
des pressions sans précédent sur les res~ cette quantité, toutes les terres arables que
sources naturelles dans leur lutte pour sur~ la planète possède actuellement devront
vivre. être cultivées et le rendement moyen au
La pauvreté et la dégradation de l'envi~ niveau mondial devra être trois fois supé~
ronnement sont souvent prises dans une rieur au rendement actuel.
spirale descendante. La détérioration des Pourtant, chaque année, près de
ressources dans le passé accroît la pauvreté 7,5 millions d'hectares de terres arides
actuelle. Et cette dernière rend très diffi~ viennent s'ajouter aux 1,6 milliard d'hec~
cile la préservation ou la restauration des tares déjà modérément ou gravement
ressources agricoles, l'élaboration de solu~ désertifiés. Et la croissance démographique
tions de remplacement à la déforestation aggravera encore la dégradation des terres
pour empêcher la désertification, la lutte avec le surpâturage, la surexploitation des
contre l'érosion et la réintroduction d'élé~ forêts et des terres agricoles. On peut donc
ments fertilisants dans le sol. Pour sur~ s'attendre à ce que la situation empire.

J4 RAPPORT MONDIAL SUR LE DËVELOPI'EMENT HUMAIN 1998


La question de la relation pauvreté, ENCADRE 4.1
atteintes à l'environnement est complexe. Relation entre pauvreté et dégradation de l'environnement:
Et tenter de l'expliquer en termes de au..delà de l'aspect financier
niveaux de revenu serait une simplifica'
tion excessive. La propriété des ressources Dans le débat sur la relation entre la sation tout en reflétant un consen~
naturelles, t'accès aux ressources com~ pauvreté et la dégradation de l'envi- sus entre les propriéŒircs manquent.
ronnement, l'appauvrissement est Parallèlement, l'influence des insti-
munes, les forces ou les faiblesses des com~
souvent considéré comme l'unique tutions indigènes anciennes s'est
munautés et institutions locales, le partage déterminant du comportement des érodée.
de l'information concernant les différentes populations pauvres vis~à'vîs de • Risque et incertitude : les décisions
formes de droits des pauvres vis~à~vis des l'environnement. Or, les facteurs qui des individus sont influencées. par la
ressources, la façon dont les individus régissent ce comportement sont façon dont ils réagissent au risque et
gèrent le risque et l'incertitude ainsi que nombreux: certains sont liés à la à l'incertitude. Dans les écosystèmes
la manière dont ils utilisent le peu de situation de pauvreté ou de .richesse, fragiles, les individus essaient plus
temps dont ils disposent constituent des mais d'autres sont [Oralement indé, de limiter les risques que d'augmen~
facteurs importants pour expliquer les pendants du niveau de revenu. tcr la prod:uction, Qu'ils soient
comportements à l'égard de l'environne~ • Mode de pT"opriété : -une grande pauvres ou -riches.
partie des ressources naturelles qui • Temps disponible: le ramassage du
ment (encadré 4.1).
se trouvent dégradées (pâturages, bois de feu et le transport de l'eau
Certains types de dégradation de cours d'eau, lacs et forêts) ne sont sont effectués par des femmes déjà
l'environnement, tels que le réchauffe, pas des propriétés t'rivées, mais col~ surchargées de travail et le temps
ment de la planète et l'appauvrissement de lectives. Cependant, les droits y dont elles disposent pour ces activi-
la couche d'ozone, touchent la Terre afférents sont souvent mal définis, tés est limité. La surexploitation des
parce qu'ils ont été établis à l'ori, sources en bois de feu est donc
entière, D'autres concernent un groupe de gine dans un cont~xte social et poli~ davantage liée au temps dont dispo'
pays: les pluies acides, l'état des mers et tique local qui n'a plus cours. sent les femmes qu'à leur situation
océans, ainsi que des fleuves qui traver- • Insti,tutions : les institutions sus~ de pauvreté. Il y a là une dimension
sent plusieurs pays. D'autres encore sont c-eptibles de gérer les propriétécs sexospécifique, mais pas nécessaire~
plus localisés, même s'ils peuvent se pro, communes et d'en surveiller l'utili- ment financière.
duire partout dans le monde: la pollution
de l'air, de l'eau et la dégradation des sols. SOU1'ce : Bureau du RaPPoT"t mondial SUT" le développement humain.

TABLEAU 4.1
Coûts estimatifs de la dégradation de l'environnement dans différents pays d'Asie
Coût en
Année ou coat annuel pourcentage
Pays période Atteinte à l'environnement (milliards de $) du PIB

Chine 1990 • Baisses de productivité dues à 13,9-26,6 3,B-7,3


l'érosion des sols et à la dégradation
des terres, pénuries d'eau et destruction
de zones humides

• Problèmes de santé et baisses 6,3-9,3 1,7-2,5


de productivité dues à la pollution
de l'environnement dans les villes

Indonésie 1989 • Atteintes à la santé, du fait d'une 2,2 2,0


concentration de plomb et de particules
supérieure aux plafonds fixés par l'OMS
à Jakarta

p'akistan Début • Problèmes de santé dus à la pollution 1,7 3.3


années 90 de l'air et de l'eau, baisses de productivité
dues à la déforestation et à l'érosion des sols

- Philippine"~Début - • Problèm"ês de s'anté"erde productivité 0,3-0.4 0,8-1.0


années 90 dus à la pollution de l'air et de l'eau
autour de Manille

Thaïlande 1989 • Atteintes à la santé, du fait d'une 1,6 2,0


concentration de plomb et de particules
supérieure aux plafonds fixés par l'OMS

Source: Banque asiatique de développement, 1997.

DES INÉGALITÉS LIÉES À LA DÉGRADATION DE L'ENVIRO:--lNEMENT 75


DIAGRAMME 4.1 Et quelle que soit la catégorie dans La dégradation de l'environnement
Accès à l'eau potable et aux laquelle elle se classe, la détérioration de
infrastructures sanitaires de base
au niveau local frappe
dans les pays en développement
l'environnement a des coûts considérables principalement les pauvres
Nombre de personnes, 1996 (milliards)
en termes de bien~être humain
(tableau 4.1). Dans les pays en dévelop- Au niveau local, les questions environne~
3 milliards de personnes pement, moins d'un cinquième des
ont aCtes à l'eau potable mentales, telles que la pollution et la
ménages pauvres disposent de l'eau cou~ contamination de l'eau, la pollution atmo-
3 -----
Pays arabes rante. Les pauvres font donc les frais de sphérique et l'évacuation des déchets, ont
Afrique subsaharienne
la pollution de l'eau. Les pauvres habitant des effets immédiats et directs sur les indi~
en zone rurale sont également touchés car vidus. Les eaux contaminées provoquent
AsIe du Sud·Est et Paofique ils se ttouvent en bas de l'échelle énergé- des maladies tout comme la pollution
tique: sur les 2,7 millions de décès causés atmosphérique et l'évacuation inadaptée
2 _Amérique latine et Caraïbes chaque année par la pollution atmosphé- des déchets. Ces problèmes n'affectent pas
rique, 1,8 million sont dus à la pollution à seulement la santé des individus mais aussi
l'intérieur des locaux en zone rurale, la leurs moyens de subsistance ct leur survie.
Asie de J'Est
plupart des ménages pauvres utilisant des
combustibles traditionnels. En outre, la
détérioration de 1,5 milliard d'hectares de Pollution et contamination de l'eau
1 _
terres dans les pays en développement
compromet la vie et les moyens de subsis- La pollution et la contamination de l'eau
Asie du Sud tance des pauvres. Dans tous ces cas, les touchent des populations dans le monde
dégradations frappent de façon dispropot- entier, mais leur impact sur le bien~être
tionnée les personnes qui sont le moins humain est de loin le plus fort dans les
0--'-- aptes à y faire face, pays en développement, et plus particu~
Ce chapitre analyse les conséquences lièrement dans les plus pauvres d'entre
1.8 milliard de personnes disproportionnées sur les pauvres des eux. Les inquiétudes quant aux effets des
ont accès aux infrastructures dégradations de l'environnement, au minerais et produits chimiques toxiques,
sanitaires de base
niveau local et mondial, en étudiant leurs tels que les pesticides ct le plomb, sur
2···········
différents impacts d'un point de vue géo- l'eau potable dans les pays industrialisés
Pays arabes
graphique. Il présente également un scé~ sont sérieuses et fondées, mais ces effets
Afrique subsaharienne nario de l'évolution de cette détérioration semblent minimes par rapport au nombre
ASie du Sud-Est et Pacifique de l'environnement, en tenant compte de maladies provoquées par la simple
des évolutions favorables, conclut par des contamination par les eaux usées dans les
1 ----- - Amérique latme et Caraïbes points précis de politique économique et pays en développement.
ouvre sur les recommandations du cha~ Ces dernières années, l'accès à l'eau
AsIe de l'Est pitre 5. potable et à des installations sanitaires
appropriées s'est nettement amélioré (dia·
Asie du Sud gramme 4.1). Dans les pays en développe-
0-----
ment, les quinze dernières années ont per·
mis à près de 2 milliards de personnes
Source. Bureau du RtJpport mondial sur le d'accéder à l'eau potable et à 400 millions
df!Ne/oppement humam
d'individus d'utiliser des infrastructures
sanitaires de base. Mais, dans de nom-
breux cas, les pauvres n'ont pas profité de
ces avancées.
TABLEAU 4.2
Par conséquent, près de 30 % de la
Manque d'accès à l'eau potable et aux infrastructures sanitaires de
population des pays en développement
base - profil régional, 1990-96
(en pourcentage) (soit plus de 1,3 milliard de personnes)
Population privée n'ont pas accès à l'eau potable et près de
Population privée d'accés aux 60 % (soit plus de 2,5 milliards) ne dispo-
d'accés à infrastructures sent pas d'infrastructures sanitaires de base
Région l'eau potable sanitaires de base
(tableau 4.2). Les excréments finissent
Pays arabes 21 30 dans les étangs, les cours d'eau, les fossés
Afrique subsaharienne 48 55 ainsi que sur les terrains vagues. Dans les
Asie du Sud·Est et Pacifique 35 45 pays en développement, plus de 90 % des
Amérique latine et Caraïbes 23 29
Asie de l'Est 32 73 eaux usées vont directement dans les cours
Asie de l'Est (sans la Chine) 13 d'eau, les fossés, les fleuves et rivières, les
Asie du Sud 18 64 lacs et les eaux côtières, sans traitement
Pays en développement 29 58 préalable, En moyenne, les cours d'eau
Pays les moins avancés 43 64 asiatiques transportent 50 fois plus de bac#
Source· Bureau du Rapport mondial sur le développement humain. téries provenant des excréments humains

76 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1998


que ceux des pays industrialisés (enca- ENCADRE 4.2
dré 4.2). La pollution de l'eau, mesurée Le Gange: des eaux. pures ou polluées?
par la teneur en polluants organiques et
en solides en suspension, est très grave en Dans la mythologie hindoue, le Gange ces eaux usées y sont déversées sans
est la forme que prit la déesse Ganga craitement préalable. Aux eaux d'égout
Asie er en Afrique (diagramme 4.2).
pour descendre sur terre et purifier non traitées et aux effluents industriels
En raison de cette pollution, les mala; l'âme des 60000 fils du roi Sagara. s'ajoutent les ruissellements de plus de
dies véhiculées par l'eau (diarrhée, dysen- incinérés par un ascète fanatique. Le 6 millions de tonnes d'engrais chi-
terie, vers intestinaux et hépatite) sont grand fleuve est ainsi devenu, pour des miques et de 9 000 tonnes de pesti~
millions d'hindous dans le monde, le cides. Enfin, le Gange est la dernière
fréquentes dans les pays en développe-
symbole de la purification. Dans leur demeure de milliers d'hindous. dom les
ment, en particulier chez les pauvres. La religion, boire l'eau du Gange ou s'y cendres ou les corps à demi consumés
diarrhée et la dysenterie représentent, baigner conduira ~ la mok5ha, au salut sont jetés dans le fleuve, censé leur
selon les estimations, quelque 20 % du de l'âme. apporter la résurrection spirituelle.
total des maladies dans les pays en déve- Si, comme le veut la légende, Le résultat est profondément iro-
loppement. Chaque année, la pollution Ganga a sauvé l'âme des 60 000 fils de nique: le Gange, symbole séculaire de
des eaux provoque près de deux milliards Sagara, la pauvre déesse a aujourd'hui la pureté et de la purification, s'est
charge d'un nombre d'âmes 10000 fois cransformé, sur la plus grande partie de
de cas de diarrhée dans ces pays et les plus élevé. Le long de ses 3 090- km, Je son cours, en un immense égout à ciel
maladies diarrhéiques causent la mort de Gange fait vivre 400 millions de per; ouvert. Lorsqu'au XV· siècle le poète
quelque 5 millions de personnes (dont sonnes; il forme ainsi le bassin fluvial Kabir écrivait: « l'enfer coule dans ce
3 millions d'enfants). Les eaux contami- le plus peuplé du monde, avec environ fleuve, avec ses cadavres humains et
nées sont aussi responsables de 900 mil; 2 500 habitants au kilomètre carré. animaux en décomposition ., qui aurait
lions de cas de vers intestinaux et de Aujourd'hui, sur les rives du Gange pensé que cette complainte irrévéren~
200 millions de cas de schistDsomiase. Si se dressent plus de 29 grandes agglo~ cieuse se révélerait un jour si prophé;
mérations, 70 villes moyennes et des tique? Car en cette fin de XX· siècle1
tout le monde avait accès à l'eau potable milliers de villages, qui dé'versent la sous les pressions conjointes de l'explo-
et à des installations sanitaires de base, quasi-totalité de leurs eaux d'égout sion démographique et de la croissance
deux millions d'enfants pourraient être (plus de 1,3 milliard de litres par jour) fndustrielle, la capacité d'auto-épura~
sauvés chaque année. directement dans le fleuve. A cela tion du Gange s'avère dépassée.
s'ajoutent quelque 260 millions de Aujourd'hui, dans ce bassin où vivent
Les zones de pêche, qui renferment litres d'eaux usées industrielles pro~ un demi,milliard d'âmes, les eaux du
l'une des principales sources d'alimenta~ duites par les centaines d'usines instal- Gange abritent l'alliance contre nature
tion pour les pauvres, et de protéines pour lées le long du fleuve. La majorité de de la purlfication et de la pollurton.
beaucoup d'autres personnes, sont elles
aussi polluées par les eaux usées. On enre~ Source: Sampar, 1996.
gistrc unc forte baisse des prises dans les
cours d'eau aux abords des villes de Chine,
d'Inde, du Sénégal et du Venezuela. Dans DIAGRAMME 4.2
Pollution des eaux
la baie de Manille, très polluée par les
grandes quantités d'eaux usées charriées concentrations d'arsenic, provenant d'une
par deux grands fleuves, les prises ont utilisation intensive d'engrais phosphatés, Demande bIochimique en oxygèr
chuté de près de 40 % au cours des sont apparues dans la nappe phréatique de (milligrammes par litre)
dix dernières années. Or, près de 100 mil- six régions de l'ouest du Bengale, en Inde, o , 234
lions des plus pauvres de la planète vivent, et dans une région du Bangladesh, et ont Asie
exclusivement ou partiellement, de la tué certaines des personnes qui avaient bu
Afnque
pêche. de cette eau.
Amérique , . _
Dans les pays industrialisés, l'utilisa; Dans les pays industrialisés, un tiers des latine ~
tian excessive d'engrais provoque là eaux usées ne subissent aucun traitement. OCDE
encore de graves problèmes de pollution Dans les pays de l'OCDE, les cours d'eau
sont dans l'ensemble de moins en moins Monde
de l'eau. Au fil des ans, les nitrates rra;
versent le sol et atteignent la nappe pollués, mais de graves problèmes demeu-
phréatique. En Europe, près d'un quart des rent en Europe de l'Est et dans l'ex~Union
nappes phréatiques (à l'ouest comme à soviétique. On a constaté que les quatre
(milligrammes par litre)
l'est) présentent des taux de contamina; cinquièmes des échantillons prélevés dans o 200 400 60C
tian supérieurs au plafond admissible de 200 cours d'eau en ex~Union soviétique Asie
l'Union européenne. Dans le même temps, étaient dangereusement pollués et que les
les éléments nutritifs des engrais ruissel- eaux de la Vistule sont trop souillées sur Afrique

lent jusque dans les eaux intérieures et les une grande partie de son cours, même pour Amérique
une utilisation industrielle. latine
mers, provoquant la propagation des
algues toxiques. Les engrais posent moins Dans les pays en développement, les OCDE

de problèmes dans les pays en développe- entreprises publiques des eaux sont sou; Monde
ment, même si l'on a découvert des vent incapables de desservir la population
nitrates dans les réseaux d'adduction d'eau en raison de leur inefficience et des fuites
Source: BAD, 1997
de Sao Paulo et de Buenos Aires. De fortes dans les conduites. En conséquence, dans

DES INÉGALITÉS LIÉES A LA DÉGRADATIOI' DE L'EI'VIRONNEME~T 77


ENCADRE 4.3 Pollution atmosphérique
Améliorer l'accès à l'eau potable: une alliance public-privé en Guinée
Dans les années quatre,vingt, moins concession de 10 ans, la SEEG La pollution atmosphérique provenant des
de 15 % de la population de la ex_ploite et entretient le système à ses émissions des usines, des gaz d'échappe~
Guinée avaient accès à une eau risques et périls; sa rémunération ment et de l'uti! isation domestique de
potable.. En 1996, ce chiffre a été provient des redevances acquittées combustibles, tue plus de 2,7 millions de
multiplié par près de quatre poûr par tes usagers ainsi que des DOU; personnes chaque année, suite à des pro,
atteindre 55 %, En dix ans, la veaux raccordements. La SEEG peut blèmes respiratoires. Elle provoque des
Guinée avait si bien amélioré son augmenter ses bénéfices en amélio, maladies cardio,vasculaires et pulmonaires
réseau d'adduction d'eau, l'un des rant ta perception des redevances et ainsi que des cancers (tableau 4.3). C'est
moins développés d'Afrique subsaha~­ en réduisant les frais d'exploitation là où cet aspect est le plus négligé que le
tienne, qu'eUe pouvait fournîT de et les pertes d'eau.
nombre des victimes est le plus élevé,
l'eau potable à plus de la moitié de La perception des redevances a
sa population. Ce -pays a encore un très fortement augmenté, passant de Même si la pollution de l'air est nor~
long chemin à parcourir., mais les 20à 70 %. et l'efficacité technique malernent considérée comme un problème
progrès déJà réalisés sont impression~ ainsi que le caux_ de couverture se touchant avant tout les pays industriali,
nants, sont améliorés. Les redevances per~ sés, plus de 90 % des décès surviennent
Ces avancées considérables sont çues sont passées de 60 francs gUÎ~ dans les pays en développement. Même si
le résultat d'une alliance entre le- sec, néens par mètre cube avant le l'on pense habituellement qu'elle
teur public et le secteur privé, A par, conttat de concession à 680 francs concerne l'air extérieur, plus de 80 % des
tir de 1989, la Guinée a restructuré guinéens en 1993. EUes devraient cas sont dus à la pollution à l'intérieur des
son secteur de l'eau, transférant la cette année permettre de couvrir bâtiments. Et bien que l'on imagine
responsabilité de l'approvisionne· complètement des dépenses.
qu'elle frappe généralement les villes et
ment, de la plaI).ification Ct des La SONEG a xéussi à augmenter
investissements à une nouvelle entlté de façon-régulière le nombre de ses agglomérations, plus de deux tiers des
autonome, la SONEG. Une société- a cl ients à Conakry et dans les autres décès surviennent en fait en zone rurale.
été créée pour exploiter et entretenir grandes villes. Entre 1989 er 1993, Dans les pays en développement, les
les installations: la SEEG. La SEEG celui--ci s'est accru de 8000-comrats. pauvres, qui se trouvent en bas de
est une entreprise en participation portant le total des abonnés de l'échelle énergétique, doivent brûler du
détenue à 49 % par l'Etat et à 51 % 13 000 à 21 000. Etant donné que la fumier, du bois et des résidus de récoltes à
par un consottium pri.vé étranger. SONEû a la responsabiliré finale du l'intérieur de leur habitation pour cuisiner
La force de cette nouvelle orga~ financement de- ses investissements, et se chauffer, tout spécialement en
rrisation réside dans une définition elle est également motivée pour Afrique subsaharienne, région qui
claire des responsabilités et des inci- rechercher les tarifs les mieux -appro~
regroupe la majorité des pays les moins
tations. Aux termes d'un contrat de priés et investir prudemment.
avancés. Dans la plupart des aurres
Source: Banque mondiale, 1.995a. régions, l'utilisation de combustibles tra,
ditionnels a fortement baissé au cours des
vingt dernières années (diagramme 4.3).
de nombreuses régions des pays en déve, Ces combustibles traditionnels polluent
loppement, le secteur privé et les corn, beaucoup plus que les produits modernes,
DIAGRAMME 4.3 munautés lancent des initiatives pour tels que le fioul, le propane, le biogaz et
Evolution5 dan5l'utili5ation fournir de l'eau potable aux populations l'électricité. Les combustibles tradition~
des combustibles traditionnels
(encadré 4.3). nels remplissent la maison de fumées
Combustibles traditionnels en pourcen- transportant des centaines de substances
tage des utilisations totales de combustible

50 Afrique
subsaharienne
TABLEAU 4,3

40
Un lourd tribut payé par les régions à la pollution de l'air, 1996
(en milliers)

_Asie du Sud-Est Décès dus à la pollution


30 et Pacifique à l'intériew des locaux Décès dus à la pollution
Région extérieure en
ou pays Villes _ Campagnes zone urbaine Total
20 Asie du Sud
Inde 496 93 84 673
Amérique latine
Afrique subsaharienne 490 ;...-;;;.}2_'i-~~~"";'~~"'; ~c·",;,,"",-,,,.26._
et Cara·lbes
la
Chine 320 53 . 70 443
Autres pays d'Asie 363 40 40 443
Asie de l'Est Amérique latine et Caraïbes 180 113 113 406
Pays arabes Pays industrialisés 32 147 179
0!.L .l- _
Pays arabes 57 57
1980 1995
Total 1 849 363 511 2723
Soun::e . Bureau du Rapport mondial sur
le développement humain. Source: OMS, 1997a.

78 RAPPORT MONDiAL SUR LE DËVELOPPEMENT HUMAIN i998


toxiques, qui tuent 2,2 millions de per- Les études montrent que la pollution DIAGRAMME 4.4
de l'air extérieur est responsable de 2 à Emissions de plomb dues à la
sonnes par an, principalement en zone consommation d'essence, 1990
rurale, où sont concentrés les pauvres. 3 % des décès en zone urbaine en
Part de chaque région dans le total
Dans les pays en développement, la pollu- République tchèque, en Pologne et aux
des émissions de plomb
tion de l'air intérieur se conjugue à une Etats-Unis. Selon les estimations, les
mauvaise alimentation pour accroître la minuscules particules présentes dans les Amérique
sensibilité aux infections respiratoires. fumées noires causeraient, à elles seules, du Nord Amérique latin
Près des deux tiers des décès provoqués la mort de 24 000 Britanniques chaque Proche-Orient et Caraibes
par la pollution de l'air à l'intérieur des année et de bien plus d'Américains.
locaux surviennent en Asie. En Amérique Certaines régions d'Europe de l'Est et de
latine, où une grande proportion des plus la CEl sont encore plus touchées. En
pauvres vivent dans les quartiers les plus Hongrie, près de 5 % des décès et 4 % des
misérables des villes, près des deux cin- incapacités sont attribués à la pollution
Europe
quièmes des décès liés à la pollution inté- atmosphérique. Plus de 70 % des décès de l'Ouest
rieure surviennent en zone urbaine. Les causés par la pollution de l'air extérieur se
femmes et les enfants, en particulier les produisent dans les pays en développe- Europe de l'Est
filles, passent le plus clair de leur temps à ment. et CEl
l'intérieur et sont par conséquent plus tou- Bien que peu d'études sur les effets de
Source .' Matthews et Hammond, 1997.
chés que les hommes. la pollution atmosphérique aient été
La pollution de l'air extérieur, autre- menées dans les villes des pays en déve-
fois quasiment entièrement concentrée loppement, on estime qu'à Mexico, les
dans les pays industrialisés, progresse à particules en suspension tuent 6 400 habi-
vive allure dans les pays en développe- tants par an. En Chine, la pollution atmo-
ment. Dans de nombreux pays, l'indus- sphérique a causé plus de 175000 décès
trialisation rapide accroît considérable- prémarurés en 1995 et près de 2 millions
ment la pollution, et la généralisation des de cas de bronchite chronique. Les effets
véhicules à moteur augmente les émissions nocifs de la pollution atmosphérique sur
dans le monde entier. Les gaz d'échappe- la santé et les bâtiments coûteraient
ment, la combustion du charbon et les un milliard de dollars par an à Bangkok.
fumées des usines forment de petites par- Selon les estimations, le coût total, en
ticules dans l'air qui nuisent gravement à termes de santé, de la poil ution due aux
la santé. particules dans les villes des pays en déve-
Le nombre élevé de véhicules est éga- loppement avoisinait les 100 milliards de
lement à l'origine d'engorgements de la dollars en 1995, la bronchire chronique,
circulation, de bruit, d'une augmentation quant à elle, représentait quelque 40 mil-
des accidents et de pertes de temps, Et ces liards de dollars. De nombreuses munici-
désagréments ont un coût significatif palités, depuis Los Angeles aux villes
(tableau 4.4). d'Europe de l'Est et de la CEl, telles que
Le plomb, depuis longtemps ajouté à Katowice en Pologne, mettent en place de
l'essence et rejeté dans les gaz d'échappe- vastes stratégies visant à endiguer la pol-
ment, n'entre plus dans la composition de lution. Certaines villes des pays en déve-
ce carburant dans certains pays de l'OCDE loppement arrivent à maintenir une bonne
et est en voie de suppression dans d'autres. qualiré de l'air (encadré 4.4).
En revanche, on en fait encore largement
usage dans les pays cn développement et
TABLEAU 4.4
dans les pays en transition (dia-
gramme 4.4). Dans ces pays, il continue CoOt estimatif des embouteillages
dans divers pays d'Asie, 1994
de nuire à la santé des êtres humains,
compromettant de façon irrémédiable le (oùt annuel Coût en
développement des enfants. En 1990, 30 à en termes pourcentage
70 000 enfants de Bangkok risquaient de Agglomé- de retards du
ration (millions de $) PNB locale
perdre au moins quatre points de QI en
raison des fortes émissions de plomb. En Bangkok 272 2,1
Amérique latine et aux Caraïbes, où près Kuala Lumpur 6B 1,8
des trois quarts des habitants vivent en Singapour 305 1,6
zone urbaine, près de 15 millions d'enfants Jakarta 68 0,9
Manille 51 0,7
de moins de 2 ans sont particulièrement Hong-Kong 293 0,6
en danger. Les enfants des citadins les plus Séoul 154 0,4
pauvres sont souvent les plus touchés,
a. PNB de la région dans laquelle se trouve
parce qu'ils ont tendance à habiter près l'agglomération.
des routes à fort trafic. Source· WRI, 1996a.

DES I~ÉGALlTÉS LIÉES A LA DÉGRADATION DE L'ENVIRONNEMEl'T 79


ENCADRE 4.4 de dollars en termes de production agri-
Une réussite dans la gestion de la qualité de Pair: le Chili cole, la Pologne 2,7 milliards, l'Italie
1,8 milliard et la Suède 1,5 milliard. Les
La pollution atmosphérique à en place d'un plan qui n'autorise effets néfastes des dommages causés aux
Santiago, capitale du Chili, est le que les modes de transport satisfai- cultures sont particulièrement lourds pour
problème d'environnement le plus sant à -certaines conditions à
les pauvres.
visible de tout le pays. Environ emprunter les artères les plus pas·
5,5 millions de personnes, soit 40 % santes.
de la population du Chili, vivent Pour encourager une utilisation Ordures ménagères
dans "agglomération de Santiago. Le de l'automobile plus r_espectueuse de
réseau de transports ·urbains doit l'environnement, le Plan de pré- Le volume des ordures ménagères ne cesse
effectuer quelque 8,5 millions de vention~ de la pollution et de net·
d'augmenter dans le monde entier, tant en
trajets par jour dans Santiago Ct sa toyage pour la ré-gion métropoli-
péripnérie. l.e parc automobile chi· taine de Santiago propose des valeur absolue que par habitant
lien a doublé entre 1985 et 1996, mesures telles que~des routes à (tableau 4.5). Avec la progression de la
passant de 284 000 à 561000 v'éhi- péage, l'élimination de certains richesse, la composition des déchets
cules. Aujourd'hui, Santiago est l'un par.çs de-stationnement et la modi- change. On passe de matières organiques
des centres urbains les plus pollués _Acation de la structure des tarifs de biodégradables à des plastiques et autres
du monde. stationnement. Le but final de ce matières synthétiques, qui mettent beau-
Depuis peu, toutefois, le gouver~ plan, préparé par la Commission coup plus de temps à se décomposer, si
nement s'est employé, avec un cet- nacionale de l'environnement, est tant est qu'ils le puissent.
tain succès l à combattre le pro- "'"de ramener les émissions de certains Dans les villes des pays en développe-
blème, par l'adoption de nouveHes poUuants à des niveaux acceptables
ment, on estime que 20 à 50 % des ordures
lois et la mise en application des lo~is - d'ici 2011. Les mésutes envisagées
existantes. Les nouveaux textes Jont induent la rénovation des parcs de ménagères ne sont pas ramassées même
fonqés sur la loi cadre sU[ l'environ- vénicutes pri~és et publics, l'u(ilisa~ lorsque la moitié des dépenses récurrentcs
nement, qui fournit une base per~ tion de carburants évolués, la limi~ des collectivités locales sont consacrées à
mettant d'améliorer progressivement tation du développement des villes l'enlèvement des déchets. Dans la plupart
la qualité de l'environnement tout et l'établissement de mécanismes des pays industrialisés, des services muni-
en évitant les conflits entre l'indus.: durables poux la surveillance des cipaux de collecte des déchets desservent
trie, l'Etat et les groupes de pression. émissions atmosphériques de l'ensemble de la population citadine, mais
Auparavant, Santiago se came- J'industrie. ' avec l'accroissement de la consommation,
térisait par des services de transport Grâce à ces efforts. le Chili dis- les villes doivent faire face à des mon·
en commun non- réglementés ~e! par pos'e aujourd'hui de bonnes capaci-
tagnes de détritus toujours plus impo·
une pollution de Pair non c.ontrôlée. tés de gestion de la qualité de l'air,
Pour remédier à cette situation, un qui continuent de s'améHore't, ainsi santes.
système d'appels d'offres a été q!1e d'un excellent ré~eau de sur· Une mauvaise gestion dcs ordures
adopté au début des années quatre· veHfance, d'un véritable inventaire ménagères constitue une sérieuse menace
vingt~dix pour les concessions rou· des émissions, et de structures régIe- pour la santé. Dans les zones ne disposant
tières. Ce système a permis la mise men_tâires et administratives qui se pas d'infrastructures sanitaires, des excré~
ments se mêlent aux tas de détritus, favo-
Source: Larenas. 1997. risant la propagation des maladies infec·
tieuses. Là encore, les pauvres sont les plus
touchés. Ils vivent en effet à proximité des
TABLEAU 4.5 décharges et ce sont leurs enfants qui col-
Production d'ordure. ménagère. - profil régional au début de. lectent les détritus.
année. quatre-vingt-dix L'absence de ramassage des ordures est
Population desservie
la cause la plus fréquente de blocage des
Production annuelle par des services rigoles de drainage dans les villes asia-
d'ordures ménagères d'enlèvement des tiques, accroissant le risque d'inondation
Région par habitant ordures ménagères et de propagation de maladies transmises
ou groupe de pays (kg) (%) par l'eau. Cependant, les pays en déve-
Pays en développement 100-330 50-70 loppement se préoccupent de plus en plus
OCDE 510 96 du traitement des ordures ménagères. Des
Union européenne 414 99 tentatives innovantes sont même menées
Amérique du Nord 720 100 pour transformer les déchets en engrais
Source: CNUEH, 1997 (encadté 4.5).

Déchets industriels dangereux


Outre ses effets néfastes sur la santé de
l'homme, la pollution atmosphérique est Les effluents toxiques émanant des mines,
la cause de pertes économiques directes. des usines de produits chimiques, des
Ainsi, on estime que l'Allemagne perd fabriques de pâtes et papiers et des tanne-
chaque année l'équivalent de 4,7 milliards ries de cuir jouent un rôle croissant dans

80 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1998


la pollution de l'environnement. Les quences sans doute plus subtiles, mais
contaminants les plus répandus sont les aussi plus importantes que dans les pays en
résidus organochlorés, les dioxines, les développement. Il se pourrait que 50 mil.
pesticides, les graisses et huiles, les acides lions d'Américains boivent de l'eau pol~
et les caustiques ainsi que les métaux luée par les pesticides. Selon les estima~
lourds, tels que le cadmium et le plomb. tions du National Research Council
La plupart d'entre eux proviennent des (Conseil national de la recherche) des
pays industrialisés (tableau 4.6). Etats~Unis, jusqu'à 20 000 personnes pour~
Les ouvriers travaillant dans les usines raient mourir chaque année à cause de la
produisant des matières toxiques et les présence de pesticides, pourtant relative~
personnes vivant près des décharges sont men( faible, dans les aliments.
les principales victimes des effets de ces Mais là encore, ce sont les pauvres qui
contaminants. Les mises en décharges il1é~ souffrent des effets les plus graves de ces
gales et une évacuation inadéquate des pesticides. Ces produits constituent en
déchets sont monnaie courante dans de effet un grave danger pour la santé des
nombreux pays en développement. Les agriculteurs et travailleurs agricoles
déchets s'infiltrent alors dans le sol et pauvres, qui sont facilement exposés à des
contaminent les réserves en eau. En niveaux de toxicité dangereux. Ces indi~
moyenne, les cours d'eau d'Asie renfer~ vidus utilisent des pesticides sans avoir
ment 20 fois plus de plomb que ceux des reçu de formation préalable, sans porter de
pays industrialisés. La baie de Jakarta, où vêtements de protection et son( souvent
quelque 30 000 petites usines déversent incapables de lire des instructions, même
des déchets non traités, affiche une forte simples. Jusqu'à 25 millions de travailleurs
concentration de métaux lourds toxiques. agricoles dans les pays en développement,
Au Pérou, 20 000 tonnes de déchets dont Il millions en Afrique, pourraient
miniers contenant du cyanure se sont être empoisonnés chaque année et des
déversés dans le fleuve Pacoy l'an dernier.
Outre les risques liés à la santé, la
contamination de l'eau menace le secteur
de la pêche et des transports maritimes. ENCADRE 4.5

En Chine, la majeure partie des déchets Gestion des déchets solides: l'expérience d'Alexandrie en Egypte
solides toxiques sont évacués avec les Alexandrie, deuxième grande ville programme de valorisation a été for~
ordures ménagères sans traitement préa~ d'Egypte, produit environ 1 700 ton~ tement encouragé par le gou:verne~
lable : ils contaminent les sols et les cours nes de déchets ménagers solides ment.
d'eau en y amenant des métaux lourds tels chaque jour. Avec près de 40 % des Au milieu des années quatre~
que le plomb, l'arsenic et le mercure, et industries du pays, Alexandrie vingt, une usine de compostage a été
menacent ou détruisent la faune et la flore dégage aussi près de 800 tonnes de installée dans le quartier central de
marines. Cependant, des initiatives ont déchets industriels par jour. la ville l Abbis. La technique de trai~
récemment vu le jour pour lutter contre La pan élevée des ordures ména~ ternent employée est la fermentation
les effluents industriels dans les pays en gères dans le total des déchets après mise en andains. Au début de
solides pose des problèmes du fait de son activité, cette usinè fonctjon~
développement, via l'instauration de leur haute teneur en humidité. Elles nait à perte, mais en deux ans, cftc a
taxes, comme cela a été le cas en Malaisie. contaminent ainsi l'eau et polluent commencé à dégager des bénéfices
Les pesticides sont surtout utilisés dans l'environnement, propageant des grâce à l'augmentation des prix de
les pays industrialisés, avec des consé~ maladies et générant des risques vente du compost.
pour la santé. A court terme, les L'usine de compostage d'Abbis
déchets industriels induisent une produit chaque jour 160 tonnes
toxicité par ingestion, inhalation et d'engrais, qu'elle vend environ
TABLEAU 4.6 absorption par la peau, ou corrosi- 8 dollars la tonne·. La demande en
Déchets dangereux dans les régions vi té-. A long terme, ils soulèvent des compost est forte chez les agricul-
industrialisées, début des années. risques carcinogènes, à travers la teurs, qui se sont rendu compte que
quatre-vingt-dix pollution des eaux souterraines et de cet engrais augmentait la producti~
(milliers de tonnes) surface. vité de leurs terres.
Cependant, Alexandrie a trouvé L'usine d'Abbis a permis de
Production un moyen novateur pour traiter ses montrer que les déchets peuvent
Région de déchets déchets solides: les transformer en avoir des utilisations productives. En
ou groupe de pays dangereux engrais organiques, ou compost. Egypte, la demande en compost est
OCDE 258 000 Cette solution résout le problème estimée à 8 millions de tonnes par
Amérique du Nord 220 000 des déchets proprement dits et, par an, de sorte que beaucoup d'experts
Union européenne 27 000 la même occasion, produit un suggèrent de reproduire l'expérience
Pays nordiques 1 300 intrant utile pour l'agriculture. Ce à plus grande: échelle.

Source: Bureau du Rapport mondial sur le


développement humain.
Source; Serageldin, Cohen et Sivaramaktishnan, 1995. ,.

DES INÉGALITÉS LIÉES À LA DÉGRADATION DE L'ENVIRONI'EMENT 81


ENCADRE 4.6 Etats~Unis à l'Inde, de façon à permettre
Solutions de substitution à l'utilisation des pesticides de négocier un dédommagement plus
réduit. Après une longue procédure, les
La lutte in[égrée conrre les ravageurs de soja a permis de diminuer l'utilip victimes auraient reçu une somme ridi p
et la lutte biologique contre les sarion de pesticides de plus de 80 %
ennemis des culturcs se sont révélées cule. La catastrophe de Bhopal n'est pas
en sepc- ans. En Chine, l'usage des
de bonnes solutions de substitution pesticides dans les plantations de simplement un grave accident industriel,
à l'emploi de pesticides. La première coron de la province de Jiangsu a pu c'est également un cas d'injustice envip
méthode fait appel à des techniques être réduit de 90 %, les coûts de la ronnementale.
telles que la rotation des cultures et lutte contre les ennemis des cultures L'augmentation des coûts du traite p
les cultures intercalaires pour réduire ont baissé de près de 85 % et des ment responsable des déchets toxiques
la prolifération des mauvaises herbes, augmentations de rendement ont été (qui atteignent à présent jusqu'à
des parasites et des organismes constatées. L'adoption de la lutte
pathogènes. La lutte biologique 3 000 dollars par tonne) encourage
intégrée contre les ravageurs dans
repose, elle, sur les facteurs de l'Etat indien d'Orissa a fait baisser l'exportation de ces déchets depuis les
contrôle et les équilibres naturels. l'emploi d'insecticides dans une prop pays industrialisés vers les pays en déve p
Pour réduire les populations de rava p porrion de JO à 50 'lb. loppement, où l'on peut les ensevelir sans
geurs, on contrarie leur reproduction La lutte biologique donne, ellc, les traiter pour à peine 5 dollars par
par l'introduction de mâles stériles, de bons résultats en Afrique subp tonne. A la fin des années quatre~vingt,
ou encore on libère des prédateurs saharienne et au Costa Rica. En plusieurs pays africains, ayant un besoin
naturels dans les cultures où ces Afrique, elle a permis de juguler les urgent de devises en raison de la baisse des
ennemis des cuhures sévissent. ravages de la cochenille sur quelque cours des produits de base et de la montée
La luue intégrée contre les rava- 65 millions d'hectares de terres plan p en flèche de leur endettement, seraient
geurs donne de bons résultais au tées de manioc. Au Costa Rica, elle devenus les décharges des pays industria p
Brésil, en Chine et en Inde. Au a entraîné une réduction des popu-
Brésil, son application aux cultures lations de ravageurs du bananier. lisés.
Entre 1984 et 1986, l'Union soviétique
SOUTce : Lean, 1992. s'est ainsi débarrassée de tonnes de
déchets dangereux au Bénin. De la fin des
années quatrepvingt au début des années
centaines de milliers d'entre eux POUTp quatre~vingt~dix, le Paraguay et l'Uruguay
raient en mourir. Ces dernières années, on auraient été la destination des déchets
a toutefois utilisé des solutions de rempla, expédiés d'Europe et des Etats-Unis. Mais
cement aux pesticides afin d'en réduire les au début 1998, lors d'une réunion en
effets néfastes en Afrique et en Asie Malaisie des signataires de la Convention
(encadré 4.6). de Bâle sur l'interdiction des déchets dan-
gereux, plus de 100 pays se sont engagés à
Les pauvres sont également plus vul· interdire ce type d'exportations.
nérables aux accidents et aux rejets liés à
l'activité des usines, car ils vivent à leur
proximité la plus directe. Dans les pays en Dégradation des sols et désertification
développement, la croissance démogra-
phique, la progression de l'urbanisation et
l'exode rural donnent naissance à des La contamination de l'eau, la pollution
bidonvilles étendus: les favelas au Brésil, atmosphérique et une évacuation irra~
les juggias en Inde et les barrios au tionnelle des déchets ont les effets les plus
Venezuela. Les squats représentent plus de directs sur la santé des êtres humains, et
la moitié des logements à Caracas et Dar- ces effets sont relativement faciles à quan p
es-Salaam, plus de 40 % à Karachi et de tiner. Mais, à plus long terme, les consé~
25 à 30 % à Tunis. En Asie, un quart de quences de la dégradation des écosystèmes
la population urbaine vit dans des bidon~ dans le monde sont tout aussi sérieuses,
villes. Ces derniers sont faits à partir de car elles ne font qu'aggraver la pauvreté
cartons et de matériaux de récupération, de centaines de millions de pauvres et
disposent rarement de l'eau courante et sapent les fondements mêmes du dévelop p
d'infrastructures sanitaires et sont pement. Il est aussi beaucoup plus difficile
construits sur des décharges dangereuses. d'y remédier. Il est généralement plus
facile de fournir de l'eau potable et de
En 1984, la catastrophe de Bhopal en nettoyer des décharges de déchets dange-
Inde (un nuage de gaz mortels s'est reux que de réhabiliter un terrain très
échappé de l'usine Union Carbide) a été dégradé, et avec la volonté politique, cela
particulièrement grave parce qu'un bidon p peut être réalisé beaucoup plus vite.
ville était accolé à l'usine. Elle a fait près Près d'un tiers de la population mon-
de 8 000 morts et plus de 50 000 blessés. diale, presque exclusivement des pauvres,
Par la suite, le procès a été transféré des vivent directement de ce qu'ils peuvent

82 RAPPORT MONDIAL SUR LE OËVELOPPEMENT llUMAIN 1998


cultiver, récolter ou attraper. Et si touS les sont consacrées à la monoculture, sou- DIAGRAMME 4.5
êtres humains dépendent en fin de compte Ampleur
vent destinée à l'exportation, reléguant de la dégradation des sols
des écosystèmes, les pauvres sont particu~ les agriculteurs pauvres sur des territoires Surfaces dégradées, Superficie totale
lièrement vulnérables à leur dégradation. encore plus exposés aux menaces écolo· par région, de la Russie
La répartition géographique de la giques. années Quatre-vingt-dix et de
(milhons d'hectares) l'Indonésie
dégradation des sols montre que le pro~ Ce phénomène nlest pas propre aux Amérique du Nord
blème est le plus grave en Asie et en pays en développement. Le continent qui 158
Afrique. où vivent les deux tiers des possède la plus vaste surface de terres Europe
pauvres de la planète (diagramme 4.5). La arides en proie à une désertification 219
croissance démographique est souvent modérée à grave est l'Amérique du Nord AménQue latine
et Caraïbes
considérée comme le principal facteur de (74 %) dépassant tout juste l'Afrique 243
la dégradation des sols. Mais l'accroisse~ (73 %). Dans l'ensemble, plus de
ment de la densité de population ne doit 110 pays sont menacés par ce phéno~ Afrique
5ubsahanenne
pas nécessairement compromettre la péren~ mène. 494 Superficie
nité de l'environnement (encadré 4.7), totale
La sécheresse peut, elle aussi, provo~ de l'Asie
La dégradation des sols a trois types de

.~
quer des catastrophes. Au Butkina Faso et
conséquences sur la vie humaine: au Mali, une personne sur six a dû quitter Asie
• Elle réduit, d'une part, la superficie de une terre qui devenait trop sèche. Dans le 747
terre arable disponible par habitant et, monde l environ 135 millions de personnes
d'autre part, la productivité agricole. Les risquent de devenir des réfugiés écolo~
pressions qui pèsent sur les terres culti~ giques.
vables provenant en partie de la dégrada~ Source: Matthews et Hammond, 1997
tion du sol ont ramené à un dixième
d'hectare la superficie agricole par habi~
ENCADRE 4,7
tant dans les pays en développement, Croissance démographique et viabilité à long terme de l'environnement:
contre un demi~hectare dans les pays le miracle de Machakos
ind ustrialisés.
On pense souvent qu'une croissance Deuxièmement, l'augmentation de la
• Elle réduit la quantité de foutrage dis- démographique rapide est incompatible densité de population a eu des effets
ponible pour le bétail. avec une gestion durable de l'environne~ positifs dans la région de Machakos. La
• Elle transforme les individus en réfugiés ment, Mais j'expérience du district de rare.té - et la valeur - croissante de la
Machakos, au Ken~'a, montre que cela terre a encouragé les investissements,
écologiques en quête de terres plus fertiles. n'est pas forcément vrai. Dans certains que ce soit pour la conservation ou pour
Le problème est pire dans les terres cas, j'augmentation de la densité de l'amélioration des rendements. L'inté-
arides l qui s'étendent sur un tiers de la population est nécessaire à la viabilité à gtation de la production de cultures et
surface de la terre. Là, les sols sont parti~ long terme de l'environnement. de bétail a permis d'améliorer la viabi·
Entre 1932 et 1990, la population de lité du syst~me d'exploitation.
culièrement fragiles, la végétation est rare, Machakos est passée de 240 000 à 1,4 mil· Nombre de facteurs sociaux et insti·
le climat est particulièrement dur et la lion d'habitants. Jusqu'à la fin des années tutionnels (un bon cadre politique, de
dégradation des terres est purement et trente, une dégradation des sols et- une meilleures infrascructures physiques, des
simplement synonyme de désertification. érosion importantes s,'aient été constatées droits fonciers garantis, des techniques
dans ce district, qui, pour sa plus grande locales et de meilleurs systèmes de santé
Des parcelles de terrain abîmé apparais~ pan, est semi~aride et fréquemment sou' et d'instructÎon) ont facilité l'évolution
sent ct se propagent comme une maladie mis au stress hydrique. Il est donc facile de l'agriculture dans le district de
de peau, finissant par se rejoindre et for~ de déduire qu'un accroissement démogra~ Machakos. De plus en plus de femmes
mer des déserts étendus. phique risque d'ennatnel" des dégradations ont pris des rôles de premier plan. Dans
à grande échelle, ce qui étaÎt d'ailleurs la un tel contexte, tes fermiers se sont mon-
La désertification coûte déjà 42 mil~ conclusion des experts des années creote, trés plus réceptifs aux suggestions
liards de dollars par an en pertes de reve- Mai! la relation entre la population et concernant la conservation des sols, la
nus à l'échelle de la planète, dont 9 mil- l'environnement a en réalité eu des effets rétention de l'cau et la plantation
liards de dollars pour la seule Afrique. positifs sur la situation, à: deux égards. d'arbres.
Premihement, les préoccupations Les résultats sont impressionnants.
Mais le coût humain est encore plus face ~ la dégradation du sol et à l'érosion Entre 1930 et 1987, la productivité des
élevé. La vie de quelque 250 millions de Ont débouché sur diverses mesures, dom cultures \'ivri~tes ct de rapport a été mul-
personnes et les moyens de subsistance la culture en terrasses, dans le but de tipliée par plu5 de six. Celle de l'borti~
d'un milliard d'individus sont mis en conserver les sols, Cette activité a été culture a été multipliée par quarorze.
ancrée dans la communauté à travers une L'expérience de Machakos offre une
péril par la forte baisse du rendement des variante des traditionnels groupes de tra~ solution de substitution aux modèles
récoltes. Les pauvres vivant sur les terres ,'ail, la mw~th)'a. Dans les années cin~ malthusiens. Elle montre clairement que
arides des pays en développement figu~ quante, plus de 40 000 hectares de terres même une zone sujette ~ la dégradation
rent parmi les plus marginalisés de la pla- ont été converties en terrasses culth'ées, des terres peut supporter une population
un succès décrit ultérieurement par nombreuse, grâce à une combinaison de
nète : économiquement, politiquement ct l'expression" mirac1e de Machakos ... changements tec.hnologiques endogènes
géographiquement. Extrêmement vulné~ Dans les années quatre-vingt, plus de et exogènes ancrés dans un cadre poli~
rables, ils ont rarement des droits sur 8 500 kilomètres de terrasses étaient réa~ tique encourageant et soutenus par un
leurs terres. Les méthodes traditionnelles lisés chaque année, contre seulement foisonnement d'initiatives locales,
5 000 au maximum auparavant.
de gestion des sols fragiles sont abandon~
nées à mesure que de nouvelles terres SOUTee : Momimare et Tiffen, 1994.

DES INÉGALITÉS LIÉES À LA DÉGRADATlü:-J DE L'E:-JVIROKKE:-.1ENT 83


DIAGRAMME 4.6
Plus de 15 millions d'hectares
de forêts ont disparu Déforestation tière à des fins commerciales pendant les
dans les années quatre-vingt années du régime Marcos. Quelques cen-
Dlmmutlon de la couverture forestière.
taines de familles se sont partagé ce gain
1980-90 (en millions c'hectares) Près d'un tiers des forêts qui recouvraient de 42 milliards de dollars, laissant 18 mil-
la Terre à l'origine ont disparu et envi~ lions d'habitants des forêts dans la pau-
,5 ASie du Sud 0,6 ron deux tiers de celles qui restent ont vreté.
subi de profonds changemenTS (dia-
Les forêts font des merveilles. Elles
Asie du Sud-Est 3,3 gramme 4.6).
retiennent la terre, régulent les eaux, per~
La déforestation entraîne des coûts mettent d'influer sur le climat. Les abattre
humains considérables. Les forêts consti~ perturbe sérieusemenr ces fonctions. Les
tuaient et constituent toujours une impor~ deux cinquièmes de la population mon-
10 tante source de nourriture, de fourrage, diale dépendent de l'eau absorbée par les
Afrique
subsaharienne 4,1 de combustible, de fibres, de bois de forêts des chaînes de montagnes. Mais
construction, de teintures et d'huiles lorsque les arbres ont été abattus, l'cau de
médicinales, Abattre les arbres peut pri· pluie ravine le sol, provoquant d'abord des
ver les pauvres de leurs moyens de sub· inondations, puis la sécheresse. En Inde,
sistance et de leurs médicaments. Dans des dizaines de millions d'hectares sont
5
de nombreuses parties du monde en devenus plus vulnérables aux inondations
Amérique latine développement, des communautés en raison de la déforestation,
et Caraibes 7,4 pauvres qui peuvent tirer au moins la Les effets pervers des incitations éco·
moitié de leur nourriture des produits de nomiques, les raisons politiques et la pré~
la forêt n'ont jamais connu la famine. cariré du régime foncier sont souvent à
Mais cette possibilité diminue à présent. l'origine de la déforestation. Les pauvres
Ainsi, aux Philippines, 50 % des forêts Sont encouragés à abattre les forêts et à
o ont été victimes de l'exploitation fores~
Sourœ. WRI. 1994.
s'établir à l'emplacement ainsi dégagé pour
s'apercevoir en fin de compte que la qua-
lité du sol ne se prête pas à l'agriculture.
ENCADRE 4.8 Cette situation aggrave la déforestation,
Sauvegarde de la forêt à Zanzibar: action communautaire Les populations sont également incitées à
La forêt de )ozani est la plus grande des ont été engagés pour lutter cancre tes établir de nouveaux villages comme une
forêts narurelles encore présentes sur la coupes sauvages. Grâce à la création barrière défensive contre les rebelles et les
grande fie de Zanzibar, en République~ d'ateliers, les villageois ont pu être for~ envahisseurs. La précarité du régime fon~
Unie de Tamanie. les populations des més aux problèmes d'environnement plus cier conduit, elle aussi, à la déforestation,
communaurés qui vivenr aucour de cette vastes, Des vis ires dans des villages dont
forêt assurent principalement leur subsis- Jes- ressources sont fortement dégradées en encourageant l'élevage intensif de
tance en fournissant du bois de feu, du ont permis d'alerter le.s communautés sur bétail.
charbon et du bois de construction au la nécessit~ de préserver les leuTS. Dans les pays industrialisés, les forêts
chef· lieu, Zanzibar. Le développement J02an1 est probablement la forêt la
rapide des communaurés locales, de la plus visitée d'Afrique de l'Est. En 1997. sont à présent généralement replantées, la
,,'iUe et du tourisme provoque une aug- eHe a attiré 18000 tourisres et les doits couverture forestière progressant légère~
mentation généralisée de la demande en d'entrée ont engendré 40000 dollars de ment en Europe, en Australie et en
produits ligneux (poteaux et perches, bois recetres, Le gou,,'ernement, soumis à des Nouvelle-Zélande. Mais de nombreuses
de feu et charbon). L'exploitation accrue pressions pour partager ces revenus avec
qui en résulte menace la durabilité de la les communautés locales, a autorisé le forêts qui présentaient à l'origine une
forêr comme ressource-renouvelable, ainsi prélèvement de JQ % des recettes pour grande diversité d'espèces ont été abattues
que sa capacité à accraitre les recettes du alimenter un fonds de développement et les nouvelles plantations sont habituel~
tourisme. communautaite. Les communautés Ont lement beaucoup moins diversifiées et
Les conflits passés entre le gouverne· choisi d'utiliser cet argent pour subvenir
ment et les communautés, des droits de aux besoins des écoles et des dispen- regroupent, au mieux, quelques espèces. Il
propriété mal définis et une organisation saires, réparer les puits et- améliorer les ne reste plus qu'un pour cent de la forêt
communautaire trop faible ont provoqué routes. Les formes nouvelles de microen- originelle en Europe et ces peuplements
une dégradation -rapide des ressources creprise sont encouragées, tant pour créer anciens continuent d'être abattus. Les
forestières. le plan de sauvegarde de la des Soutces de revenu autres que les pro·
baie de Chwaka~Jozani (Joz.ani Chwaka duits ligneux que pour augmenter la forêts pluviales en zones tempérées sonr
Ba) Conservation Project} a alors été valeur ajoutée des ressources utilisées. donc bien plus menacées que leurs homo~
adopté en 1995 pour réduire la dépen· L'expérience de Jozani est aussi un logues en zone tropicale, dont on parle
dance des communautés envers les pro· exemple d'aUiance efficace entre les pourtant beaucoup plus.
duits de la forêt, améliorer les moyens communautés locales, l'Eru et les orga-
d'existence des populations, développer la nisations internationales. la Commission Cependant, la prise de conscience
gestion conjointe des ressources et créer des ressources naturelles de Zanzibar croissante des dangers de la déforestation
une rone forestière protégée. (CommÎssion for Ndtural ResouT"Cts in
conduit, depuis peu de remps, à de sérieux
Les villages ont formé des comÎtés Zanzibar) et l'organisme CARE Taruania
dont le rOle est d'élaborer des plans de sont partenaires du projet et travaillent efforts de reboisement dans certains pays,
gestion des re~urces forestières de leur activement avec les communaurés villa# Au cours des années quatre-vingt, la
voisinage. Des gardes forestiers locaux geoises installées autour de Jazani. Chine a fait progresser sa couverture fores·
tière de plus de sept millions d'hectares et
Source: Wild, 1998.
l'Inde de plus de six millions d'hectares.

84 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1998


D'autres pays, comme le Brésil, ont édicté survie et leur alimentation risquent d'être
des lois et règlements pour freiner le pro- mises en péril. En outre, les modes de
cessus de déforestation. Les communautés consommation mondiaux encouragent les
jouent également un rôle croissant dans la pays en développement à exporter des pro-
préservation des forêts pour en tirer des duits de base, dont la production provoque
bénéfices économiques et environnemen- des atteintes à l'environnement et la dis-
taux (encadré 4.8). Ces mesures peuvent parition de la biodiversité. Les mouve-
ralentir la déforestation de manière que ments mondiaux des investissements ris-
les forêts puissent reprendre leur fonction quent de conduire vers les pays en
essentielle dans la vie et les moyens de développement les industries très pol-
subsistance des pauvres. luantes et grandes consommatrices de res-
sources ainsi que des activités pouvant
avoir des effets néfastes sur la biodiversité.
Disparition de la biodiversité Prenons, par exemple, l'explosion de la
production de crevettes dans les pays en
Le terme biodiversité désigne la diversité développement et leur exportation en direc-
des espèces vivantes. Elle est importante tion des pays industrialisés. Au cours de la
pour tous. Elle représente un facteur dernière décennie, la production annuelle
essentiel de la préservation des réserves de crevettes géantes tigrées cn Thaïlande
alimentaires de la planète. Les médica- est passée de 900 à 277 000 tonnes. Au
ments élaborés à partir d'espèces sauvages cours de la seule année 1996, la Thaïlande
permettent de sauver un nombre incalcu- a exporté 235 000 tonnes de crevettes, prin-
lable de vies. En outre, chaque année, des cipalement en direction de l'Europe et de
médicaments représentant plus de
100 milliards de dollars sont fabriqués à
partir de plantes et d'animaux vivant dans
les forêts. Les exportations de noix, ENCADRE 4.9
amandes et rotin de palme s'élèvent ainsi Le biopillage
à 2 milliards de dollars par an. des droits de propriété intellectuelle.
Le biopillage est le fait de s'approprier
Plus encore, la biodiversité constitue et de oc piller ... , par la mise en appli- En conséquence, dans de nombreux
le moyen de subsistance et de produc- cation de droits de propriété intellec- cas, il est rout à fait possible de
tion des pauvres qui n'ont pas accès à tuelle de personnalités scientifiques oc piller
)0et de présenter comme éma-
d'autres biens ou ressources productives. et d'entreprises, la valeur intrinsèque nant d'entreprises ou de profession-
Pour l'alimentation et la médecine, pour d'espèces diversifiées ainsi que les nels du monde scientifique les inno-
droits et les innovations communau- vations collectives accumulées par
l'énergie et les fibres, pour les cérémo-
taires des populations indigènes. des millions d'individus sur des mil-
nies et l'artisanat, les pauvres dépen- liers d'années. Cela est possible pour
Le droit de propriété intellec-
dent de la richesse des ressources biolo- tuelle a quatre grandes implications: deux motifs_ Le premier est l'idée que
giques et de leurs connaissances de la l'opposition de droits privés aux la science est uniquement du ressort
diversité de la biosphère. La biodiver- droits communs, la reconnaissance du d'insCÎtutions formelles et que les sys-
sité aide les pauvres à survivre en savoir et de l'innovation uniquement tèmes de connaissances indigènes ne
période de pénurie. lorsqu'ils entratnent un profit et non peuvent être considérés comme scien-
L'érosion de la biodiversité n'a pas seu- lorsqu'ils répondent à des besoins tifiques. Le second est que beaucoup
lement des conséquences sur l'environne- sociaux, "innovation dans un de pays ne reconnaissent pas comme
ment. Elle se traduit également par la des- contexte institutionnel formel plutôt propriété intellectuelle le savoir des
que la concrétisation du savoir local, autres pays.
truction des moyens de subsistance et la
enfin, une perspective internationale Cet biopillage mène inévitable-
non-satisfaction des besoins essentiels
plutôt que des utilisations nationales ment à un appauvrissement intellec-
pour les deux tiers des êtres humains les et locales. Il en découle clairement tuel et culturel puisqu'il nic la possi-
plus pauvres dont la vie repose sur la bio~ que le droit de propriété intellectuelle bilité d'autres formes de savoir,
diversité. Selon les estimations, trois mil- exclut toutes les formes de savoir, d'autres objectifs à la formation de
liards d'individus utilisent principalement d'idées et d'innovations émanant des savoir et d'autres modes de partage
des médicaments traditionnels pour soi- communautés intellectuelles locales des connaissances. Il nic également la
gner leurs maux. (agriculteurs des villages, tribus des créativité, le bien-être collectif et les
Dans le monde d'aujourd'hui, la biodi- forêts ... ). Il exclut tous les secteurs moyens non officiels de création et de
versité s'amenuise pour diverses raisons. qui produisent et innovent autTemenr propagation du savoir. Plus important
Le biopillage s'aggrave (encadré 4.9). que selon le mode industriel d'orga- encore, il rend les pauvres plus
nisation de la production. pauvres du fait Que leurs ressources et
Dans les pays en développement, ce phé- Or, un processus est aujourd'hui leurs connaissances sont accaparées
nomène peut priver les pauvres de leurs engagé pour renforcer l'application par des intérêts privés.
moyens de subsistance, de leurs moyens de
production et de leurs sources d'énergie et
de médicaments. En conséquence, leur SOUTce : Shiva, 1997b.

DES It'ÉGALITÉS LIÉES À LA DÉGRADATION DE L'ENVIRONNEMENT 85


l'Amérique du Nord. Cette production a des des mangroves, qui sont les nourriceries
conséquences graves en termes environne~ de la faune et de la flore aquatiques
mentaux, économiques, sociaux ct poli~ (tableau 4.7). En Thaïlande, 200000 hec-
tiques. tares de mangroves ont été supprimés au
L'impact environnemental le plus nom de l'élevage des crevettes, c'est aussi
grave est le pompage massif d'cau de mer le cas de 120 000 hecrares en Equateur et
pour alimenter les fermes à crevettes, qui près de 70000 hecrares au Vier Nam. Il
provoque la salinisation des étangs. en résulte une érosion de la zone côtière
L'extraction d'importants volumes d'eau et une raréfaction des lieux de refuge et
douce de nappes aquifères souterraines de l'habitat des poissons et autres espèces
pour maîtriser la salinité constitue un aquatiques.
autre problème. Les infiltrations et débor- L'élevage des crevettes a deux effets
dements d'eau saline dans les exploita~ économiques distincts sur les pauvres.
rions agricoles voisines, et dans la nappe Premièrement, dans la plupart des cas, les
phréatique, représentent une troisième fermes à crevettes se sont développées sur
menace. La dégradation des étangs est des terres agricoles productives et les
telle qu'ils sont le plus souvent inutili- activités ont été monopolisées par les
sables pour J'agriculture. Voilà pourquoi riches agriculteurs locaux, de gros expor·
l'élevage des crevettes est qualifié de tateurs et des multinationales. Les
dévastateur. pauvres éprouvent donc des difficultés
Plus grave, encore, l'élevage des cre~ pour produire des denrées de première
vettes est directement lié à la destruction nécessi té pour leur fam ille.
Deuxièmement, la production d'une
tonne de crevettes de qualité industrielle
nécessite dix tonnes de poissons de mer,
ENCADRE 4.10 ce qui limite l'accès des pauvres à une
Invasion de l'environnement des populations indigènes: le cas brésilien source de protéines animales à la fois bon
marché et nutritive.
Aujourd'hui, les indigènes représen~ été constatées dans plus de la moi· L'élevage des crevettes provoque enfin
tent seulement 0,2 % de la popula. tié. des Etats brésiliens. Dans celui
des problèmes socio~politiques. L'occupa~
tian du Brésil et leurs terres environ de Rondônia, 40 % des territoires
12 % du territoire national. Ces der· indigènes ont été le théâtre d'acti· tion de terres pour la production de cre·
nières années, l'existence de ces virés illégales. Dans le Maranhâo, vertes et les actions de lutte contre les
populations est devenue encore plus environ 37 % des territoires ont été vols de ces crustacés ont ainsi provoqué
précaire du fait de l'invasion crois· envahis par les sociétés d'explOita· des conflits locaux et même causé des
san[e de leur territoire à travers la tion forestiète et 33 % des terres morts.
confiscation de terres et l'exploita. indigènes du Par~ et du Mato Grosso Le pillage des ressources et moyens
tian des ressources naturelles. Les ont fait l'objet d'explorations illé· de subsistance des pauvres à l'échelon
<1 envahisseurs ~ sont principale. gales à grande échelle pour la mondial se répète au niveau national,
ment des travailleurs marginaux recherche d'espèces rares de bois notamment à l'encontre des peuples
dépossédés qui se lancent dans des dur.
indigènes (encadré 4.10). Cette situa-
activités illicites en pays indigène, Les cas de dégradations écolo-
exploitant illégalement des mines tion rend les individus extrêmement
giques infligées à des rerres indigènes
d'or ou des bois rares tels que l'aca~ ont été multipliés par huit en 1996. vulnérables.
jou, le merisier et le cèdre. Leur Ils sont principalement causés par
nombre est estimé à 45 000. Un l'exploitation illégale et la dégrada·
autre type d'invasion eSt le fait de tion des ressources naturelles, ainsi
l'Etat lui.même, qui construit des que par l'usurpation de terrains TABLEAU 4.7
autoroutes, des centrales hydroélec. appartenant aux Indiens. Les consé· Relation entre la disparition des
triques et d'autres infrastructures sur quences sont une dévastation de la mangroves et la production de
les terres des Indiens. végétation, une contamination des crevettes
Le nombres des" invasions ~ a produits due aux activités agricoles
presque doublé en 1996 et touche et minières et un accroissement du Zones de
envÎron 43 % de la population indi· nombre des espèces de poissons en mangroves Production
gène. Plus des deux cinquièmes de voie de disparition. De même, en disparues de crevettes
ces invasions ont pour motifs 1996, près de 33 % des maladies jusqu'en 1989 en 1995
{milliers (milliers
l'exploration illégale des forêts et le constatées étaient liées à la dégrada· Pays d'hectares} de tonnes)
vol de bois de construction, princip tian de l'environnement. L'invasion
paiement dans les Etats de des territoires indiens au Brésil Thaïlande 200 280
l'Amazone et de Parâ. Cependant, aggrave les conditions de survie de Equateur 120 90
des activités illégales d'exploitation près du tiers de la population indi· Viet Nam 67 37
du bois en terre indigène ont aussi gène du pays. Inde 35 96
Ban91adesh 9 34
SOUTce : Sodré, 1997. Source: Shiva, 1997a.

B6 RAPPORT ~IOi':llIAL SCR LE llÉVELOPPEMENT HUMA1i': 199B


Les problèmes environnementaux Les pluies acides deviennent également
internationaux constituent un problème majeur dans les pays en déve~
également un fardeau pour les loppement. Les dépôts acides sont parti-
pauvres culièrement importants dans les régions
industrielles, telles que le sud-est de la
Chine, le nord-est de l'Inde, la république
Les problèmes environnementaux inter~ de Corée et la Thaïlande. Leurs effets se
nationaux et véritablement mondiaux, font déjà sentir dans l'agriculture. En
tels que les changements dans l'atmo~ Inde, les récoltes de blé ont été réduites
sphère terrestre, sont les plus difficiles à de moitié dans les zones situées à proxi-
quantifier. En effet, les conséquences, qui mité de sources importantes d'émissions de
se produisent habituellement longtemps dioxyde de soufre.
après la pollution qui en est à l'origine, ne Au fil des années, la plupart des pays
sont pas directement observables: on ne industrialisés ont opéré une réduction dra~
peut que les estimer. Cependant, c'est conienne des émissions de dioxyde de
peut-être là que se trouvent les phéno~ soufre. Ainsi, au Japon, ces émissions sont Les dommages
mènes les plus dévastateurs en termes de
bicn·être humain. A l'échelle d'une vic
passées de près de 5 millions de tonnes en causés par les
1970 à 900000 tonnes en 1993. Le
humaine, il est impossible d'inverser la Canada, la Norvège, la Suède ct le pluies acides
tendance de certains d'entre eux.
Les pluies acides et les feux de forêts
Royaume-Uni ont également téalisé des
progrès notables, bien que les deux der~
sont plus
peuvent avoir leur origine dans un pays niers pays soient partis d'un chiffre moins profonds et
mais provoquer des cffets dans d'autres. élevé. Cependant, les émissions de
L'appauvrissement de la couche d'ozone dioxyde de soufre sont encore importantes
durables
et le réchauffement de la planète tou~ dans certains pays industrialisés. A eux qu'on ne l'a
chent l'ensemble du globe. Tous ces phé- seuls, les Etats-Unis en ont produit
nomènes ont un impact, direct et indirect, 20 millions de tonnes en 1993, contre
tout d'abord
sur le bien~être humain. Même si leurs 38 millions de tonnes pour 20 pays asia- pensé
conséquences ultimes sur les vies tiques.
humaines et les moyens de subsistance ne Certains pays en développement
peuvent pas être précisément quantifiées, essayent, eux aussi, de réduire leurs émis-
on estime qu'ils touchent davantage les sions de dioxyde de soufre. Ainsi, au
pauvres que les riches. Chili, un décret adopté en 1992 vise à
réduire les émissions industrielles de pol~
luants atmosphériques ainsi qu'à faire for~
Pluies acides tement baisser les émissions de dioxyde de
soufre. Les premières estimations font
Le vent transporte l'ait pollué par delà les apparaître un recul de 20 à 30 % des émÎs~
frontières des pays, et les émissions de sions de dioxyde de soufre.
dioxyde de souffre et autres gaz dans un
pays provoquent des pluies acides chez ses
voisins. Seuls 7 % de la pollution duc au Incendies de forêt
souffre en Norvège trouvent leur origine
dans cc pays. En Suède, le chiffre est de Les incendies de forêt constituent égale~
10 %. Les dommages causés par les pluies ment un problème environnemental trans~
acides sur l'environnement (les forêts et national. Ils se déclarent certes dans un
l'agriculture, d'une importance vitale pour pays donné, mais les fumées et la pollution
la subsistance des pauvres) sont plus pro~ atmosphérique qu'ils génèrent se propa~
fonds et durables qu'on ne l'a tout d'abord gent dans d'autres, affectant la santé des
pensé. individus et leur bien~être économique.
Les pluies acides causent des dégâts Les incendies qui se sont produits en
importants dans les pays industrialisés, en Indonésie en 1997 ont dégagé une brume
particulier au Canada, en Pologne et dans sèche causée par la fumée qui s'est dirigée
les pays scandinaves. En Europe, environ vers la Malaisie, les Philippines et
60 % des forêts exploitées à des fins com- Singapour. A la mi~octobre, près de
merciales souffrent de niveaux préjudi~ 1,7 million d'hectares avaient brûlé. Cet
ciables de dépôt de souffre. Sur les incendie n'était pourtant que le cinquième
90000 lacs que compte la Suède, environ en importance de ces vingt dernières
20 000 sont acidifiés, à un degré plus ou années. La mauvaise visibilité due à la
moins important. C'est également le cas fumée a provoqué des accidents graves et
de 48 000 lacs au Canada. laissé les victimes de la sécheresse dans le

DES INÉGALITÉS LIÉES À LA DÉGRADATIOI' DE L'EI'VIR()NNEME~T 81


dénuement. En outre, des milliers de tou- chaussure. L'ozone filtre les rayons ultra-
ristes ont annulé leur voyage dans ceue violets provenant du soleil et, sans lui la
région du monde. Les perces économiques vie sur Terre ne serait pas possible.
ont été estimées à 2 % du PIB dans cer- La petite quantité de rayonnement
tains pays. ultraviolet qui réussit à traverser la stra~
Les incendies en Indonésie ont fait la tosphère nuit à la santé. C'est la princi~
une des journaux du monde entier, mais pale cause des cancers de la peau, qui sont
tous les continents ont connu d'impor~ en progression rapide. L'incidence des
rants incendies. Certains se produisent mélanomes, les plus dangereux, a aug~
tous les ans dans la forêt amazonienne, men té de 80 % aux Etats~Unis au cours
avec une augmentation de près de 30 % en des seules années quatre~vingt. Le rayon-
1997. En Afrique, les sécheresses inhabi- nement ultraviolet est également l'un des
tuelles et la demande pressante des terres principaux responsables des cataractes, qui
ont provoqué de grands incendies au provoquent plus de la moitié des cas de
Le Kenya, au Sénégal et en République-Unie
de Tanzanie. Des incendies ont échappé à
cécité dans le monde (soit 17 millions
d'individus par an). 11 peut également
réchauffement tout contrôle en Australie, en Colombie affaiblir le système immunitaire, ouvrant
et en Papouasie-Nouvellc;Guinée. En la voie à l'apparition et à la propagation
de la planète 1997, dans le monde entier, les incendies des cancers, et accroissant la vulnérabilité
peut être ont ravagé au moins 5 millions d'hectares des individus à des maladies telles que le
de forêts et autres terrains. paludisme.
considéré Ce sont les pauvres qui ont été les plus Même la plus petite atteinte à la
comme touchés par ce fléau, tant au niveau de la couche d'ozone accroîtrait ces effets néga-
santé que de leurs moyens de subsistance. tifs sur la santé humaine. Elle toucherait
l'un des défis L'incendie en Indonésie a causé plus de également les produits alimentaires. Plus
enVlronne~ 1 000 décès et provoqué des troubles res- des deux tiers des espèces cultivables sont
piratoires liés aux fumées chez plus de endommagées par le rayonnement ultra~
mentaux 20 millions d'individus, en majorité des violet qui pénètre également dans la mer,
les plus graves pauvres. Pourtant ceux~ci sont rarement à tuant le plancton dont le rôle est si essen~
l'origine des incendies. Les principaux tiel dans la chaîne alimentaire marine.
coupables sont l'exploitation forestière par Or, aujourd'hui, la couche d'ozone s'est
les multinationales et la déforestation réduite de 10 % environ au-dessus des
visant à accélérer le développement. Les régions tempérées. L'appauvrissement de
effets économiques négatifs se feront sen~ la couche d'ozone constitue peut-être
tir pendant de longues années. Les incen~ l'exception, du moins dans les problèmes
dies de forêt sont parfois le résultat de la mondiaux, à la règle selon laquelle ce sont
tension entre les pauvres habitant dans les pauvres qui souffrent le plus de la
des zones forestières, qui n'ont pas de véri· dégradation de l'environnement. En effet,
tables droits territoriaux, et les multina· ce phénomène touche principalement les
tionales qui reçoivent des concessions zones tempérées et les régions polaires. En
pour l'exploitation forestière. Les petits outre, le rayonnement ultraviolet produit
agriculteurs font brûler les arbres plantés les effets les plus graves sur les individus
par les multinationales qui, à leur tour, à la peau claire. Cependant, dans les pays
brûlent des terres pour chasser les petits industrialisés, les pauvres, qui ont moins
exploitants. d'argent à consacrer à une protection
solaire et sont plus susceptibles de tra~
vailler en plein air, sont peut~être plus
Appauvrissement de la couche d'ozone vulnérables.

L'ozone, molécule d'oxygène composée de


Réchauffemenr de la planète
trois atomes au lieu de deux, constitue un
polluant gênant lorsqu'il se trouve à proxi-
mité de la surface de la Terre, mais il est Le réchauffement de la planète peut être
indispensable à la vie lorsqu'il se situe considéré comme l'un des défis envjron~
beaucoup plus haut. Sa dispersion dans la nementaux des plus graves. Il menace de
stratosphère, c'est-à-dire de 15 à 50 kilo- perturber le climat remarquablement
mètres au~dessus de la Terre, est si faible stable dont la Terre bénéficie depuis le
que s'il était compacté, il formerait une début de l'agriculture sédentarisée, il y a
coquille autour de la planète qui ne serait quelque 10 000 ans, climat qui a permis
pas plus épaisse que la semelle d'une l'expansion de toutes les civilisations et la

88 RAPPORT MO~DIAL SUR LE DËVELOPPEMEI'T HUMAI~ 1998


croissance démographique (de quelques réchauffement de la planète, ferait perdre
millions à près de 6 milliards d'individus). au Bangladesh 17 % de son territoire, bien
Ce réchauffement risque d'exacerber la que ce pays ne produise que 0,3 % des
plupart des autres problèmes environne- émissions mondiales. L'Egypte pourrait
mentaux et pourrait dépasser ce que la quant à elle voir disparaître sous les
planète peut absorber et ce que les socié- vagues 12 % de son territoire, qui abritent
tés humaines peuvent endurer. 7 millions d'individus. L'élévation du
Bien que les pays industrialisés soient niveau des mers menace de rendre inhabi-
responsables de la plupart des émissions tables plusieurs petits pays insulaires, tels
qui aboutissent au réchauffement de la que les Maldives et Tuvalu, et d'inonder
planète, ses effets se feront sentir dans le de vastes zones dans d'autres pays. L'élévation du
monde entier. On s'attend au cours du niveau des
siècle prochain à un changement clima~
tique plus rapide que cc qu'on a connu au Résumé des conséquences humaines mers pourrait
cours des la 000 dernières années, et qui de la dégradation de mettre
provoquera vraisemblablement des dégâts l'environnement
considérables en termes économiques, en péril des
sociaux et environnementaux. Les pays en Cette analyse de l'impact humain de la millions de
développement, notamment la frange la dégradation de l'environnement fait res~
plus pauvre de leur population, devraient sortir trOÎS éléments consternants: vies humaines
être les plus durement touchés par la o Qu'il s'agisse de pollution, de dégrada- dans les pays
diminution des récoltes, l'aggravation des tion ou de déchets, les atteintes à l'envi#
pénuries d'eau et l'élévation du niveau des ronnement ont de graves conséquences en
mers qui accompagneront le réchauffe#
ment de la planète.
pour la santé des individus, leurs moyens développement
de subsistance et leur sécurité. On a essayé
Selon les estimations les plus opti# d'évaluer ces coûts pour l'Inde (enca~
mis tes, les récoltes diminueront légère# drH.II ).
ment dans le monde au XXII: scièclc, cc o La répartition géographique de la
qui risque de faire monter les prix des dégradation de l'environnement montre
denrées alimentaires et d'aggraver la faim. que les riches y contribuent davantage,
Plus important, ces effets seront répartis notamment en ce qui concerne la pollu#
de manière à renforcer en général les tion atmosphérique, le réchauffement de
inégalités existantes ainsi que le tableau la planète, les pluies acides, les ordures
de la pauvreté et de la faim. Certaines ménagères et les produits toxiques. Mais
zones, telles que l'Europe et le Canada, les pauvres paient le tribut le plus lourd
devraient bénéficier de récoltes plus
conséquentes. Mais les rendements
ENCAORE 4.11
devraient baisser en Afrique, en Asie du
Coûts de la dégradation de l'environnement: estimations pour l'Inde
Sud et en Amérique latine, où vivent la
plupart de ceux qui soufrent de la pau- Le développement économique est La dégradation de l'eau entraîne un
vreté et de la faim dans le monde. Selon le mot d'ordre de la marche de coat annuel pour la santé de
une étude récente, les récoltes baisseront l'Inde vers le XXI~ siècle. Mais ce 5,7 milliards de dollars, près des
ainsi de plus de 30 % en Inde et au pays pourrait bien payer un prix trois cinquièmes de la totalité du
Pakistan d'ici 2050. énorme pour cette marche, qui coût écologique. L'érosion des sols
entraîne dans son sillage la dévasta~ touche entre 83 et 163 millions
Il en va de même pour les précipita# tion écologique et d'innombrables d'hectares de terres chaque année.
tions. Dans l'ensemble, les nantis, qui ne problèmes sanitaires. Une estima· La dégradation des sols entraîne des
manquent déjà de rien, devraient en avoir tion relativement basse des atteintes pertes de productivité représentant
encore plus alors que les démunis verront à l'environnement en Inde chiffre ce de 4 à 6,3 % du produit annuel glo-
leur situation se détériorer. Les pénuries prix à plus de 10 milliards de dollars bal de l'agriculture et totalisant
d'eau devraient s'aggraver, particulière- par an, soit 4,5 % du PIB de 1992. 2,4 milliards de dollars. La défores-
ment en Afrique subsaharienne, dans les D'après des estimations plus élevées, tation, qui a évolué à un rythme de
pays arabes, en Asie du Sud et en Europe. le coût total pour l'environnement 0,6 % par an entre 1981 et 1990, se
Les déserts risquent de s'étendre dans serait de 13,8 milliards de dollars, paye par un coût annuel de 214 mil·
soit 6 % du PIB du pays. lions de dollars.
toutes ces régions, à l'exception de Un examen détaillé de la • fac~ Ces estimations n'incluent tou·
l'Europe. ture • la plus basse (10 milliards de tefois pas les coûts écologiques
L'élévation du niveau des mers pour# dollars) montre que la pollution majeurs liés à la perte de biodiver#
rait mettre en péril des millions de vies atmosphérique urbaine coûte à sité ou à la pollution résultant des
humaines dans les pays en développement. l'Jnde 1,3 milliard de dollars par an. déchets dangereux.
Une augmentation d'un mètre du niveau
Source: Agarwal, 1996.
de la mer, provoquée en partie par le

DES I:--lÉGALlTÉS LIÉES À LA DÉGRADATION DE L'ENVIROKKEMENT 89


ENCADRE 4.12 humains. Elle risque d'avoir de graves
Les femmes et la dégradation de l'environnement: conséquences pour les générations
un fardeau disproportionné futures.
Dans les pays en développement, les champs, où elles sont exposées aux
femmes sont doublement victimes produits toxiques dégagés par les
de la dégradation de l'environne· engrais et les pesticides. Dans les L'avenir ne sera pas nécessairement
ment: premièrement à cause de la villes, nombre d'entre elies tra· sombre
pauvreté, deuxièmement parce vaillent dans des exploitations
qu'elles sont femmes. La dégradation industrielles de petite taille, où les
de l'environnement leur impose un produits chimiques toxiques sont Selon différents scénarios, au cours des
fardeau disproportionné, principale· souvent utilisés sans les précautions 20 années à venir, la demande mondiale
ment du fait de leur rôle socio~éco· nécessaires. Une autre source de d'énergie devrait augmenter de 30 à 55 %,
nomique, qui les expose à un plus revenu fréquente chez les femmes les pays en développement représentant
grand nombre de dangers environ~ est le travail à la pièce effectué à les quatre cinquièmes de cette progression.
nementaux. domicile, tel que la confection de Mais avec des mesures d'économie d'éner~
Les femmes effectuent la majeure sandales ou de 'lêtements, qui peut gie. cette augmentation de la demande
partie des tâches ménagères, activi~ impliquer l'utilisation d'adhésifs
pourrait se limiter à 30 %.
tés qui les contraignent à rester la dangereux et d'autres produits
plupart du cemps à l'intérieur de la inflammables ou toxiques. Si l'on se fonde sur les tendances anté-
maison. Etanc donné qu'elles prépa~ Dans les familles pauvres, les rieures, la pollution atmosphérique aug-
rem la nourriture du foyer, elles sont femmes sont chargées d'aller cher· mentera proportionnellement à l'utilisa~
souvent exposées à d'importantes cher le hois de feu et les bouses de tian de l'énergie, de même que ses
émanations de fumée pendant de vaches qui serviront les besoins conséquences néfastes. En Asie, les émis~
longue périodes. Il n'est donc pas énergétiques du foyer. Dans le sions de dioxyde de soufre dépasseront
étonnant que la majorité des contexte d'un environnement dégra- celles des pays industrialisés en 2010, pro-
2,2 millions de décès annuels dus à dé, cette tâche peut impliquer de
la pollution de l'air dans les locaux voquant des dégâts considérables en rai·
longues heures de marche si la
concerne des femmes. Ce sont aussi source de combustible est éloignée. son des pluies acides, en particulier dans
elles qui sont le plus souvent char~ Elle réduit aussi considérablement le le sud de la Chine. En l'espace de 25 ans,
gées d'aller chercher l'cau et de temps que ces femmes pourraient le nombre d'automobiles dans le monde
laver le linge de la famille, activités consacrer à d'autres activités et les (actuellement supérieur à 500 millions)
qui peuvent comporter des risques expose à des risques sanitaires. Dc pourrait bien doubler pour dépasser le mil-
lorsque l'assainissement est plus, les filles aident souvent leur liard. La majorité de cette progression
défaillant, les installations pour le mère à aller chercher l'eau et le s'opérant dans les pays qui utilisent tou~
lavage inadaptées ou l'eau dispo. combustible, ce qui les tient à l'écart jours de l'essence au plomb, principale~
nible polluée. En outre, les femmes de l'instruction.
ment des pays en développement, les
sont généralement celles qui s'occu~ Les facteurs physiologiques
émissions de plomb risquent d'être multi·
pent des enfants malades, ce qui jouent aussi un rôle dans la plus
augmente leur exposition aux orga~ grande vulnérabilité des femmes aux pliées par cinq entre 1990 et 2030.
nismes pathogènes. dangers liés à l'environnement. Les Contribuant au réchauffement de la
Par ailleurs, les types d'emplois risques augmentenr en effet particu~ planète, les émissions de dioxyde de car~
auxquels les femmes ont accès les lièrement durant la grossesse et bone liées à la consommation d'énergie
mettent souvent également en dan~ après l'accouchement. périodes où devraient progresser de 30 à 40 % d'ici
ger. Dans les zones rurales, beaucoup les femmes sont plus vulnérables à 2010 dans des conditions de croissance
d'entre elles travaillent dans les des maladies telles que le paludisme.
modérées. L'essentiel de la progression de
Source; World ReSOUTces rn.HÎtute, 1996a. ce type d'émissions surviendra dans les
pays en développement. Au début des
années quatrc~vingt~dix, on avait même
prévu que les émissions de dioxyde de car~
en termes de décès et de risques sanitaires bone dans les pays de l'OCDE augmente-
liés à la pollution et aux produits raient de quelque 24 % d'ici 2010 par rap-
toxiques, ainsi qu'en termes de moyens de port à leur niveau de 1990. Dans les pays
subsistance perdus à la suite de la dégra· en développement, les émissions annuelles
dation des sols, de la désertification, de devraient plus que doubler, mais à partir
la déforestation et de la réduction de la d'une base beaucoup plus restreinte. Si la
biodiversité. En outre, parmi les pauvres, tendance actuelle se poursuit, les pays en
ce sont les femmes qui sont les plus expo~ développement, où vivent les quatre cin~
sées aux risques, du fait notamment de quièmes de la population mondiale, seront
leur rôle socio~économique (enca- à terme responsables de près de la moitié
dré 4.12). des émissions mondiales annuelles de
dioxyde de carbone, contre un tiers
• La dégradation de l'environnement aujourd'hui. La Chine et l'Inde seront
menace la capacité d'absorption de la quant à elles, à l'origine de plus de la moi·
Terre et la capacité d'endurance des êtres tié du total des pays en développement.

90 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1998


Cependant, il convient de considérer la lité. D'ici la fin de la prochaine décennie,
question des émissions de dioxyde de car~ un milliard de pauvres risquent de vivre
bone dans un contexte historique et dans sur ce type de terres contre 500 millions
la perspective de l'accumulation sur de aujourd'hui. Du fait de la rareté des res~
nombreuses années. sources, des inégalités d'accès aux res~
Les ressources naturelles renouvelables sources naturelles et aux milieux de dissi~
dont nous dépendons tous, surtout les pation, il leur sera difficile d'échapper à
pauvres, vont se raréfier. Aujourd'hui, les une aggravation de leur pauvreté. Cet
moyens de subsistance de près d'un tiers impact mal réparti et continu de la dégra~
de la population mondiale dépendent sou~ dation de l'environnement sera préjudi~
vent directement des ressources renouve~ ciable à leur santé, leur vie et leurs
lables. En 2025, une grande panie des moyens de subsistance.
habitants d'Afrique subsaharienne et L'humanité court~elle à la catastrophe?
d'Asie du Sud s'appuieront vraisemblable~ Oui et non. L'avenir sera sombre si nous
ment encore très fortement sur ces res~ poursuivons dans cette voie. Mais il existe
sources, de même que de nombreux habi~ d'autres solutions en fonction desquelles
Les pauvres
tants des zones rurales d'Amérique latine nous pouvons façonner l'avenir: avec de risquent de
et des Caraïbes, étant donné les disparités grands engagements, de profondes
extrêmes qui existent en termes de revenu réformes des politiques, des institutions et
plus en plus
et de propriété foncière. des valeurs ainsi qu'un sens aigu de la res~ d'être poussés
L'utilisation du bois de feu et d'autres ponsabilité collective. De nouveaux modes
combustibles traditionnels, et de la plu- de consommation, des technologies nova~ vers des terres
part des ressources renouvelables, est tirée
par la croissance démographique. En
trices et une efficience accrue dans l'utili~ écologiquement
sation des ressources peuvent mettre
40 ans, la superficie de terre arable dispo~ celles~ci à disposition des pauvres et mini~ fragiles
nible par personne devrait être divisée par miser l'impact sur l'environnement.
deux par rappon au chiffre actuel, déjà
bien bas, de 0,27 hectare. D'ici 2050, plus Des progrès ont déjà été réalisés dans
de deux milliards d'individus vivront dans la dématérialisation de la production et de
des régions touchées par la pénurie de
terres, sous l'effet d'une désertification ct
d'une dégradation croissante du sol, en ENCADRE 4.13
particulier dans certaines parties de l'Asie Le potentiel de la société du savoir
du Sud et de l'Afrique subsaharienne.
L'a.vènement de la société du savoir partagées sans coût pour celui qui
Dans le monde entier, l'utilisation de
ouvre une voie prometteuse à la les dispense tout en enrichissant
l'eau s'accroît très rapidement: d'ici
dématérialisation, faisant une utLli· celui qui les reçoit. Cependant, sans
2025, elle aura progressé de 40 %. A sation intensive de J'information et certaines restrictions, les motiva~
cette époque, les trois quarts de l'eau des compétences plutôt que des res- tians pour générer de nouvelles
douce de ruissellement de la planète sources naturelles. connaissances peuvent être
pourraient être utilisés contre la moitié Une société fondée sur le savoir absentes. De nouvelles institutions
actuellement. D'ici 2050, le nombre et mettant l'accent sur la créativité sont peut-être nécessaires pour
d'individus soufrant de pénurie d'eau et la diversité peut élargir les choix résoudre ce paradoxe du savoir.
risque de passer de 132 millions à 1 à 2,5 des êtres humains. Bien qu'il soit • Troisièmement, une société du
milliards. Près des deux tiers des habi~ créé par les individus à titre privé, savoir est aussi une société de
tants de la planète se retrouveront dans le savoir constitue un bien public l'information. Une société de
parce qu'il peut être partagé sans l'information demande des infra~
des régions confrontées à une pénurie pour autant être diminué. structures d'information, dont des
d'eau modérée à fone. Nombreux sont Trois points méritent d'être sou~ moyens de télécommunication tels
ceux qui pensent que l'eau deviendra lignés: que le câble et le satellite, et la cou·
une importante cause de guerre et de • Premièrement, une société du verture de la population ,par le
conflit au XXI' siècle. savoir est plus qu'une économie de réseau téléphonique. Une; telle
Si la tendance se poursuit, la produc~ services. Dans une telle société, les société requiert aussi une jnfrastruc~
travailleurs sont généralement hau· wre informatique, incluant des
tian de déchets sur la planète pourrait être tement qualifiés et leurs connais~ micro-ordinateurs et l'accès à
multipliée par cinq d'ici 2025, aggravant sances résident dans leur cerveau et Interner. Enfin, elle demande une
la pollution et les risques sur la santé qui leurs expériences plus que dans les infrastructure sociale, c'est~à~dire une
y sont associés dans les pays en dévelop~ machines qu'ils font fonctionner. population instruite et une société
pement. • Deuxièmement, toute restriction ouverte, qui laisse l'informatton cir~
Les pauvres risquent, en conséquence, au partage du savoir est inefficace, culer librement en son sein et avec
d'être poussés de plus en plus vers des car les connaissances peuvent être le reSte du monde.
terres fragiles du point de vue écologique,
SOUTce : Chichilnisky, 1997b.
ce qui ne fera qu'aggraver leur vulnérabi~

DES INËGALlTÉS L1ËES À LA DÉGRADA TION DE L·ENVIROI\I'EMENT 91


la consommation, clest~à~dire dans la l'utilisation des ressources et décrit des
réduction de la quantité de ressources techniques concrètes pour y parvenir. Au-
naturelles contenue dans une unité de delà des coupes dans la consommation
production ct, partant, de consommation. d'énergie, il existe des possibilités de
Des propositions ont également été avan~ réduire fortement J'utilisation de bois,
Il devient de cées pour que les sociétés du savoir s'effor- d'eau et de minerais tout en augmentant
plus en plus cent d'atteindre un développement le niveau de vie.
durable (encadré 4.13), qui allégera les
évident que la pressions qui pèsent sur les ressources et
Cependant, l'opinion suivante fait de
plus en plus d'adeptes: les pays industria-
transformation réduira la dégradation de l'environnement, lisés doivent aller bien plus loin que cette
deux progrès qui seraient bénéfiques pour dissociation de la croissance et de l'utilisa~
d'effluents en les pauvres. tion des ressources naturelles pour amorcer
produits la dématérialisation de leur économie. La
durabilité et l'équité exigent qu'ils rédui-
commerCIaux Dématérialisation de la production et de la sent leur utilisation de ressources {telles
peut être consommation que les ressources halieutiques et les forêts
naturelles} et qu'ils divisent par plus de dix
rentable pour La croissance économique est directement leurs émissions dans les décennies à venir.
les entreprises liée à une utilisation croissante des res- Cet objectif de durabilité, baptisé « facteur
sources. Si cette relation pouvait être dix .. , a été approuvé par un groupe de
privées affaiblie par la réduction des matériaux ministres appartenant à des pays industria-
nécessaires à la production et par l'utili- lisés et à des pays en développement.
sation plus efficiente des ressources, les Le recyclage peut y contribuer, car il
avantages en seraient nombreux tant pour réduit l'utilisation de nouveaux matériaux.
les pays industrialisés que pour les pays en Si la France multipliait par deux ses acti-
développement. vités de revalorisation et de recyclage des
)IAGRAMME 4.7
)écoupler croissance économique Cette dissociation de la croissance et matériaux non renouvelables, elle rédui-
~t utilisation des ressou rces de l'utilisation des ressources naturelles rait de trois cinquièmes sa consommation
laturelles peut-elle s'appliquer à l'ensemble des de ressources naturelles. Chaque tonne
:roissance économique et pays? C'est déjà le cas, dans une certaine d'acier recyclé permet d'économiser plus
:onsommation par habitant d'une tonne de minerai de fer, 500 kilo-
mesure. L'utilisation de l'énergie ne va
ndice 100 = 1960
, 50 _•.•. 4 •••••••••• _ •••• _
plus forcément de pair avec la croissance grammes de charbon et 9 kilogrammes de
.1'14··
...... -.-- .... -,.- ... -- PIB
économique. Entre 1973 et 1985, le Japon
a réduit de près d'un tiers sa consomma-
calcaire, ainsi que plusieurs tonnes
d'autres matières liées aux activités
Energie tion énergétique nécessaire à la produc- d'exploitation minière et de transforma-
100 tion. Le recyclage peut également écono-
tion d'un dollar (constant) de PNB. Mais
dans la plupart des pays, l'utilisation de miser de l'énergie: celui de l'aluminium
Acier J'énergie continue de progresser car la nécessite seulement 5 % de l'énergie
Ciment
50 -_ ....•. -...••••.•••.••.•..•. consommation augmente plus vite que nécessaire au raffinage et à la fusion de ce
1960 1987 J'efficience. La quantité d'acier, de bois de métal à partir de la bauxite. Dans les pays
200 _ •..•..•.•.••._ ...••_._ ••.•• construction et de cuivre utilisée par per- industrialisés, le taux de recyclage atteint
sonne dans les pays industrialisés s'est en aujourd'hui environ 45 % pour le papier
EIm PIB
et de 50 % pour le verre. Au milieu des
général stabilisée, voire a diminué, en
dépit de la croissance économique, attes- années quatre-vingt, ces chiffres étaient
tant une certaine dissociation de ces deux de 33 et 26 % respectivement. Le recy-
Ciment clage commercial à grande échelle
"""""_.. EnergIe éléments (diagramme 4.7). Cependant,
dans la plupart des cas, les quantités abso- n'occupe pas encore une place significa-
100 ---<K;; .... Acier lues progressent. tive dans les pays en développement.
1960 1987 Il faudra déployer des efforts plus Cependant, le recyclage ne constitue
importants pour éviter que les crises envi- que l'une des options de dématérialisation
PIB ronnementales actuelles ne se reprodui- possibles. La réutilisation des produits,
200 .•.
tillâllELlllli
._ ......_ .•...• sent. Cet objectif est réalisable. La leur réparation et Je proJongement de leur
consommation énergétique peut être durée de vie sont aussi envisageables. De
réduite de moitié dans les installations même qu'une production plus propre: il
industrielles acruelles et de 90 % dans les s'agit de concevoir le processus de pro~
150
installations nouvelles, par le recours à des duction de façon à minimiser l'utilisation
technologies déjà disponibles. Facteur de matières premières et les déchets, pour
_-L (iment quatre, le rapport 1997 adressé au Club de réduire la pollution à la source (enca-
100 Acier Rome, montre comment multiplier la pro- dré 4.14). Il devient de plus en plus mani-
1960 1987 duction par deux en divisant d'autant feste que la transformation d'effluents en

92 RAPPllRT MONDIAL SUR LE DËVELOPPEMENT HUMAI" 1998


produits commerciaux, tels que des ENCADRE 4.14
engrais, peut être rentable pour les entre~ Production moins polluante: « Mieux vaut prévenir que guérir ~
prises privées.
La production moins polluante leurs coGts annuels et, celles qui
De même que la dégradation de l'envi,
illustre une nouvelle approche de réutilisent les produits ont égale~
ronnement limite considérablement le l'intégration de la technologie à la ment généré des recettes supplé,
bien~être des pauvres, les solutions évo- protection de l'environnement. Elle mentaires. Dans beaucoup de cas, le
quées ci-dessus peuvent permettre de reflète le vieil adage: .. Mieux vaut délai de retour sur investissement
l'accroître. Les technologies qui utilisent prévenir que guétir ». est de l'ordre de quelques jours ou de
moins de ressources et génèrent moins de Cette approche vise à éliminer quelques semaines seulement.
pollution emploient en général davantage la pollution à la source età préser' L'Europe de l'Est et les pays de
de personnel. Le recyclage des déchets, par ver les matières premières telles que la CEl commencent aussi à pJ;endre
exemple, crée des emplois, en particulier l'énergie et l'eau au moyen de pro, au sérieux la production moins pol,
pour les femmes (encadré 4.15). De nom- cessus de production efficaces. Elle luante. En Lituanie, dans les années
vise également à réduire les effets soixante, seulement 4 % environ des
breuses études montrent que la réforme de
des produits sur J'environnement entreprises employaient déjà des
la fiscalité dans un sens écologique (en tout au long de leur durée de vie, procédés de production moins pol~
remplaçant une partie des taxes sur depuis l'extraction de la matière luants. Dans les années quatre-
l'emploi et le revenu par des taxes sur première jusqu'à l'élimination du vingt,dix, cette proportion est pas-
l'utilisation des ressources et la pollution) produit usé. Cette approche dyna- sée à 35 %. En République rchèque,
pourrait avoir un effet bénéfique. Une mique et préventive contraste forte- 24 études de cas de productions
étude menée par l'Union européenne ment avec les notions tradition~ moins polluantes ont montré que
indique qu'une telle réforme pourrait créer nelles de lutte contre la pollution et l'émission de déchets industriels
4 millions d'emplois dans les Erars de gestion des déchets, dont l'objet avait été réduite de près de 22 000
membres de l'UE. est d'atténuer les dommages une fois tonnes par an, parmi lesquelles près
qu'ils ont eu lieu. Elle est à la fois de la 000 tonnes de déehers dange·
plus efficace et beaucoup moins reux. Le volume d'eaux usées a, lui,
chère. diminué de 12 000 mètres cubes pat
Le rôle-clé de la technologie Les exemples réussis de mise en an. Les bénéfices économiquc.s de ce
pratique de la production moins pol- processus sont estimés à plus de 2,4
luante abondent, tant dans les pays millions de dollars chaque année.
Cependant, la dématérialisation ne doit industrialisés que dans les pays en Dans les pays en développement,
pas nuire aux technologies nécessaires pour développement. Dans les pays déve~ une entreprise de ciments indoné,
répondre aux besoins des pauvres. Les toppés, le programme WRAP (Wast< sienne économise 350 000 dollars
sources d'énergie renouvelables sont parti, Reduction Always Pays, la réduction par an en employant des techniques
culièrement prometteuses tant pour réduire des déchets est toujours payante), du de production moins polluantes. La
la pauvreté et la pollution à l'intérieur des groupe Dow Chemical, a permis de période d'amortissement est de
bâtiments au bénéfice des pauvres que pour réduire de plus de moitié les émis, moins d'un an. En Chine, des pro~
minimiser l'utilisation par les riches de sions de 58 polluants depuis 1985 et jetS pilotes dans 51 entreprises rele~
formes polluantes d'énergie. continue d'engendrer des réductions vant de Il secteur·s industriels dif~
d'émissions. La pollution occasion~ férents ont permis de montrer que
La technologie constitue l'un des fac~ née par la société 3M dans le monde les techniques de production moins
teurs décisifs de la dissociation de la crois- a quant à elle diminué de 90 %. En polluantes réduÎsent la pollution de
sance économique et de l'utilisation des Nouvelle~ Zélande, les entreprises 15 à 31 % tout en érant cinq fois
ressources naturelles: qui réduisenr leurs déchets écono~ plus efficaces que les techniques tra~
misent ainsi entre 50 et 100 % sur ditionnelles.
• Les processus de production propres doi,
vent être introduits à grande échelle de Source: Hillary, 1997.
manière que l'industrie pollue moins. En
outre, des technologies propres et effi-
cientes dOivent être élaborées pour la ges~
tion des déchets. pauvres auront du mal à sortir du piège de
• Il faut donner aux pays en développe~ la pauvreté.
ment accès aux technologies efficientes de
Les pays en développement sont des
la « nouvelle génération» de manière que
espaces essentiels pour l'innovation et la
leur niveau de pollution ne progresse pas à
réalisation de sauts technologiques. Il
mesure qu'ils s'industrialisent et se déve~
existe un potentiel en la matière tant au
loppent. Ces pays devraient s'orienter vers
niveau des procédés qu'à celui des pro~
de meilleures technologies en sautant des
duits, et souvent une synergie entre les
étapes du développement technologique
deux. Ainsi, dans les villages isolés,
plutôt qu'en avançant progressivement.
l'éclairage se fait principalement à l'aide
• Des technologies bon marché et simples de lampes à huile et de bougies. Le pas-
mais efficientes doivent être développées sage à une ampoule fluocompacte, qui est
pour répondre aux besoins des pauvres. En quatre fois plus efficiente qu'une ampoule
l'absence d'accès à ces technologies, les à incandescence classique, rendrait éco-

DES INÉGALITÉS LIÉES A LA DÉGRADATION IJE L'ENVIRO"l"lEMENT 93


ENCADRE 4.15 coûts de l'assainissement de l'environne#
Recyclage des déchets: le rôle des femmes à Hô Chi Minh~ Ville ment à long terme. tels que la réhabilita~
tion des anciens sites toxiques et des cen#
Au cours des six dernières années, le Les femmes constituent un peu traies électriques au charbon. Ce type de
volume de déchets produit chaque plus de la moitié des commerçants qui technologies minimise les coûts de remise
année à Hô Chi Minh~Ville a qua~ vendent des proouits de récupération.
en état, ainsi que les coûts sanitaires liés à
druplé, de 198 000 à 839 000 Une boutique de taille moyenne
tonnes. Chaque habitant produit achète environ 523 kilogrammes de la pollution et à la dégtadation de l'envi-
750 grammes de détritus par jour. produits de rebut et 115 bouteilles ronnement.
Les déchets non dégradablcs cùmp~ par jour, les plus grandes boutiques Ces technologies ne sont pas de
tent pour environ un tÎers de ce peuvent acheter jusqu'à 30 tonnes par simples idées, elles sont une réalité (enca~
total. Sur ceux#ci, environ 62 tonnes jour de rebut. Ces commerçants ont dté 4.16). Elles sont déjà utilisées dans de
par jour entrent dans la chaîne du un niveau de vie assez élevé. Le nombreux pays, qu'ils soient en dévelop#
recyclage, principalement grâce aux revenu mensuel par boutique est en pernent ou industrialisés.
femmes. moyenne de 3 à 4 millions de dol~
Mais la technologie ne constitue pas à
La chaîne de recyclage des lars vietnamiens (230 à 370 doHars
elle seule la solution. Elle doit s'accompa#
déchets urbains d'Hô Chi Minh· des Etats#Unis), mais peut atteindre
Ville comporte plusieurs maillons la millions de doUars vietnamiens gner de réformes, de dispositions institu~
pour la collecte des produits récupé# (930 dollars des Etaes-Unis). tionnelles et de mutations de la responsa~
rables. leur transformation en objets Les activités de recyclage des bilité collective.
de consommation à bas prix et leur déchets par les femmes à Hô Chi
vente, principalement à des consom~ Minh#Ville procurent trois avan~
m3teurs pauvres. Dans tous ces pro~ tages distincts. Premièrement, elles Questions stratégiques
cessus, les femmes interviennent J soulagent les pouvoirs publics d'une
soit comme acheteuses, soit comme panie de la charge que constitue
commerçantes, soit comme recy# l'important volume de déchets Inverser et minimiser l'impact des dégra-
c1euses. solides. Deuxièmement, elles trans~ dation de l'environnement sur les êtres
Les acheteuses de déchets exer~ forment des détritus en biens de humains, et en particulier sur les pauvres,
cent leur métier en allant de porte consommation que les pauvres peu# et assurer la pérennité de l'environnement
en porte dans des quartiers qu'eHes vent acheter. Troisièmement, eUes soulèvent un certain nombre de questions
ont choisis, où elles connaissent leur créent des emplois et des revenus.
importantes. Celles#ci comprennent l'effi#
clientèle. En moyenne, elles mar# Environ la 000 personnes, pour la
chene 15 kilomètres par jour et col~ plupart des femmes, sont employées cience de l'utilisation des ressources, les
lectent 41 kilogrammes d'objets mis dans ces activités. Plus de 5 000 procédés non polluants, la téduction de la
au rebut, tels que journaux, vieux femmes ont pour occupation d'aller production de déchets, l'accès des pauvres
livres, chaussures, bouteilles, fer acheter des objers au rebut chez les aux ressources naturelles, leurs différents
blanc et aluminium. A ce travail, gens, plus de 500 tiennent une bou~ droits vis~à~vis des biens communs, les
elles gagnent en moyenne 14 000 tique et plus de 40 % des personnes technologies de la « nouvelle génération ..
dollars vietnamiens (l'équivalent de qui travaillent dans les usines de accessibles aux pauvres et la mutation des
1,30 dollar des Etats-Unis) par jour. recyclage sont des femmes. Même si modes de production et de consommation.
Dans la plupart des cas, cela repré# leurs gains ne sont pas énormes, Dans plusieurs domaines, la fourniture de
sente la plus grosse proportÎon du elles contribuent pour une large part
biens et de services aux pauvres par l'Etat
revenu du foyer. aux revenus des ménages.
revêt une importance vitale.
Soura : Ngoc et al., 1994. La gestion de l'environnement consti~
tue un autre aspect majeur. Son renforce#
ment nécessitera la participation des com~
nomique la fourniture d'électricité à par# munautés aux côtés de l'Etat et une
tir d'un panneau solaire de cellules pho# alliance plus étroite entre les cornmunau#
tovoltaïques. Le raccordement à un tés, les institutions de la société civile et
réseau électrique, vraisemblablement les autorités au niveau local. On peut
nécessaire si l'on utilise des ampoules s'inspirer à cet égard de mouvements
inefficientes, deviendra alors inutile, ce locaux de protection de l'environnement
qui entraînera des économies considé# en association avec des groupements de
rables en termes de biens d'équipement. lutte contre la pauvreté et de promotion
Ces économies pourraient par exemple se de la femme.
traduire par une amélioration de l'ensei# Pour traiter efficacement de ces ques#
gnement, de la santé et des moyens de tians, il convient tout d'abord d'écarter
subsistance. La solution qui consiste à cinq idées reçues entourant le débat sur la
utiliser des cellules photovoltaïques et relation pauvreté~environnement.
des ampoules fluocompactes permet
d'éviter de recourir à un système de pro~ Première idée reçue : la subvention des
duction d'électricité étendu et cher. ressources bénéficie toujours aux pauvres.
Un autre avantage des sauts technolo# L'exemple de l'eau ou de l'énergie en est
giques provient de l'économie sur les l'illustration. Dans le monde entier, le

94 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HeMAIN 1998


coût de la fourniture de l'eau aux consom~ ENCADRE 4.16
mateurs est, en général, supérieur au prix Sauts technologiques
facturé à ces derniers. Le prix moyen ne
couvre qu'un tiers des coûts et les sub~ Les pays en développement font de La combustion de bois de feu, de
ventions publiques paient la différence. Le nombreuses tentatives pour créer des bagasse et d'autres résidus agricoles
technologies permettant de sauter pour produire de l'électricité est une
prix de l'eau étant trop bas pour permettre
certaines étapes du processus de technologie qui a fait ses preuves et
de récupérer les frais d'investissement, il développement traditionnel des pays est employée dans de nombreux
n'est pas considéré comme rentable de industrialisés. Parmi ces technolo~ pays. Aux Etats-Unis, quelque
procéder à de nouveaux raccordements et gies figurent l'éthanol, utilisé 8 000 mégawatts d'électricité sont
les pauvres ne sont donc pas desservis. comme combustible, l'électricité produits à partir de la biomasse.
L'énergie bénéficie également d'impor~ produite à partir de la biomasse et Cependant, le rendement de pro~
tantes subventions dans les pays en déve~ les automobiles à émissions zéro. duction est inférieur à 10 %. L'uti~
loppement. Même au début des années Au Brésil, l'éthanol issu du jus fer~ Hsation d'un système combiné à
quatre-vingt~dix, le prix moyen de l'élec~ menté de la canne à sucre est utilisé gazéificateur et turbine à gaz per~
tricité ne représentait que 40 % de son comme substitut à l'essence pour les mettrait de faire passer ce rende~
moteurs d'automobiles. Près de ment à plus de 45 %. Cerre techno~
coût de production. Mais ces subventions
200 000 barils d'éthanol SOnt consom- logie nouvelle a un rendement deux
ne sont pas répercutées sur les pauvres, car més quotidiennement, ce qui réduit fois et demi plus élevé que celui de
ceux~ci ne sont pas raccordés au réseau. de 50 % la quantité d'essence néces- la méthode traditionnelle de pro~
Dans les pays en développement, c'est la saire aux 10 millions d'automobiles du ducrion d'électricité (par turbine à
classe moyenne urbanisée qui bénéficie de pays. Bien que l'éthanol ait un pou~ vapeur) et le coQt de l'électricité
l'accès à ce type d'installations. voir calorifique inférieur à celui de ainsi produite serait de 0,05 dollar
Non seulement les subventions ne pro~ l'essence, c'est un excellent carburant par kilowatt~heure, contre plus de
fitent pas aux pauvres, mais elles incitent pour les moteurs, il possède un indice 0,08 dollar avec le système tradi~
souvent les riches à gaspiller les ressources d'octane de 90 (donc supérieur à celui tionnel.
plutôt qu'à les préserver. de l'essence) et peut être utilisé dans Les automobiles à taux d'émis-
les moteurs à compression élevée. Le sion zéro fonctionneront à l'électri-
développement des moteurs à com- cité. Deux possibilités existent: uti-
Deuxième idée reçue : les pauvres ne peu~ pression élevée au Brésil est d'ailleurs, lisation d'énergie stockée dans des
vent ni ne souhaitent participer aux coûts. en soi, un exemple de saut technolo~ batteries et production d'électricité
Ce préjugé est également faux. La plupart gique. Près de 400 usines de traite~ embarquée, par exemple dans des
des pauvres paient déjà pour les besoins ment ont été créées pour la produc~ piles à combustible utilisant l'hydro-
essentiels. Nombre de familles pauvres qui tion d'éthanol, générant plus de gène et ne générant que de l'eau
n'ont pas l'eau courante doivent acheter 700 000 emplois. La substitution de comme produit dérivé. Les autobus
l'eau à des vendeurs privés, à un prix qui l'éthanol à l'essence permet d'é\'iter seront probablement les premiers
est parfois dix à douze fois plus élevé que près de 10 millions de ronnes d'émis~ véhicules à émissions zéro mis en
sioO$ de dioxyde de carbone par an. circulation (voir encadré 5.7).
ce que paie une famille de la classe
moyenne raccordée au réseau de distribu~ Source: Goldemberg, 1997.
tion. Plus concrètement, les pauvres sont
disposés à consacrer de leur temps et à
déployer des efforts pour améliorer les
réseaux de distribution d'eau et d'assai~ Cependant, leur approche n'est peut~être
nissement de la communauté. Dans les pas la moins onéreuse. Ainsi, en cherchant
régions pauvres d'Haïti ct du N igéria, plus à réduire les émissions, les pouvoirs publics
d'un cinquième des dépenses des ménages imposent souvent des technologies aux
sont consacrées à l'achat de l'eau. entreprises et aux industries, plutôt que de
rechercher les solutions les moins chères.
Troisième idée reçue: les pays en déve~ En outre, les plafonds d'émissions ont été
loppement devraient simplement imiter ce introduits assez tard dans le processus
qu'ont fait les pays industrialisés à l'égard de d'industrialisation, après la réalisation
l'environnement. Les pays en développe~ d'investissements considérables dans des
ment peuvent bien évidemment tirer des procédés polluants. Les pays en développe-
leçons des expériences des pays industria~ ment doivent éviter ces erreurs.
Usés. Mais cela ne signifie pas pour autant
qu'ils doivent adopter les pratiques de ces
derniers sans discernement. Au cours des Quatrième idée reçue: les pays en dé()e~
quinze dernières années, la plupart des pays loppement doivent freiner leur consommation,
de l'OCDE ont réalisé d'assez bonnes avan~ Leur industrialisation et leur développement car
cées dans la réduction des émissions de ces facteurs contribueront à détériorer l' envi~
plomb, de monoxyde de carbone et de ronnement. Les pays en développement se
dioxyde de soufre ainsi que dans l'assainis- trouvent face à un choix déterminant. Ils
sement des lacs et cours d'eau. Ils ont éga~ peuvent imiter les pays industrialisés et pas~
lement étendu leur couverture forestière. ser par une phase de développement carac~

DES INÉGALITÉS LIÉES À LA DÉGRADATION DE L'ENVIRON:-.IEMENT 95


térisée par la saleté et le gaspillage et lais, quatre temps via une taxation différen.
sant un lourd héritage en termes de pollu, ciée, comme l'a fait la Thaïlande. Une
tion. Ou bien ils peuvent sauter certaines solution extrême serait de rendre l'utilisa·
étapes pat lesquelles sont passés les pays tion de ces moteurs obligatoire.
Il faut industrialisés et introduire des technologies
répondre aussi modernes et efficiences dans leur processus • • •
de développement. Les sauts technolo,
rapidement giques leur permettraient d'accélérer leur Tous les aspects liés à l'environnement, en
consommation, leur industrialisation et particulier celui des effets mal répartis de
aux défis leur développement sans causer de dom, la dégradation de l'environnement, qui
écologiques à mages à l'environnement. Leur consomma, pèsent plus lourdement sur les pauvres,
tion est encore si faible qu'il ne convient exigent un examen attentif et urgent. En
moyen et long nullement de l'cntraver, mais plutôt de effet, les retards qu'accuse le système poli.
terme qu'aux rechercher les moyens d'une avancée tech, tique mondial montrent qu'il faut
na logique leur permettant d'accroître cette répondre aussi rapidement aux défis éco·
menaces consommation sans nuire à l'environne~ logiques à moyen et long terme qu'aux
imminentes sur ment. menaces imminentes sur l'environnement.
Les millions de décès provoqués chaque
l'environnement Cinquième idée reçue: les pays en déve- année pat la pollution de l'eau et de l'ait
loppement ont une très faible marge de à l'intérieur des bâtiments demandent
manœutlre pour conduire des politiques anti- d'agir sans plus attendre. Mais la déserti·
pollution bon marché, efficaces et politique- fication et la déforestation doivent égale-
ment acceptables. Cette affirmation est elle ment être combattues dès maintenant afin
aussi inexacte. Il existe de nombreuses d'éviter des catastrophes qui coûteraient
options accessibles aux pays en dévelop- des millions de vies humaines. En outre,
pement à cet égard. Ainsi, pour lutter l'inertie du système climatique mondial est
contre la pollution atmosphérique, les si grande qu'il faut immédiatement
pouvoirs publics peuvent introduire des prendre des mesures pour réduire les émis-
mesures visant à éliminer progressivement sions de gaz à effet de serre si l'on veut
le plomb de l'essence. Ils peuvent égale- éviter une accélération du réchauffement
ment taxer moins fortement l'essence sans de la planète.
plomb pour inciter les automobilistes à Tout cela implique de profonds boule-
Putiliser. Le coût de l'élimination du versements et une rupture avec les pra·
plomb de l'essence est minime et on a tiques actuelles. Ces changements passent
démontré que l'utilisation d'essence sans par une mutation structurelle quant à
plomb n'abîmait pas le moteur, contraire- l'utilisation des ressources naturelles, aux
ment à ce que certains affirmaient. Une modes de production et de consommation
grande partie des émissions dans de nom· des sociétés, aux valeurs et au sens de la
breux pays en développement provient des responsabilité collective. Toutes ces trans·
motocycles et des tricycles à moteur. C'est formations nécessitent la mise en œuvre
pourquoi une autre solution consisterait à de mesures draconiennes. qui seront trai·
encourager l'utilisation de mOteurs à tées au chapitre 5.

96 RAPPORT MO~DIAL SUR LE DÉVELOPPEMEKT HUMAI~ 1998


CHAPITRE 5

Quelles priorités ?•

Le boom de la consommation au XXc ni té. La pauvreté ne serait pas éradiquée, les


inégalités s'accentueraient et l'environne·
siècle a apporté d'immenses bienfaits à
J'humanité. faisant considérablement pro~ ment se verrait encore davantage menacé. Le boom de la
gresser le développement humain. Cependant, tendance nc veut pas dire consommation
Cependant, il a également laissé de côté fatalité, et aucune de ces perspectives
une grande partie des plus pauvres. Les n'est inéluctable. Le défi que devra rele- au XX" siècle
inégalités s'accentuent et les systèmes ver la communauté mondiale au XX le a laissé de côté
naturels doot dépendent [Ous les individus siècle consiste à réorienter la croissance et
sont de plus en plus menacés. les modes de consommation. Pour inver· une grande
ser les tendances actuelles, nous devons partie
nous concentrer sur cinq objectifs:
Les défis à venir • Relever les niveaux de consommation des plus
chez les plus pauvres afin de satisfaire aux pauvres
besoins essentiels, en palliant les insuffi#
Que se passerait-il si les tendances de la sanecs dans les domaines clés du dévelop#
consommation observées depuis 25 ans pernent humain.
devaient sc poursuivre pendant encore
• Passer à des modes et à des niveaux de
50 ans? Quel serait alors l'état du monde
consommation durables et respectueux de
au milieu du XX le siècle!
l'environnement, qui réduisent les dom#
• A l'échelle mondiale, les dépenses de mages causés à l'environnement, amélio·
consommation atteindraient des niveaux rent la maîtrise des ressources et régénè·
quatre à cinq fois supérieurs à ceux de 1995. rent les ressources renouvelables telles que
• Dans les pays industrialisés, les dépenses l'eau, le bois, les sols et les poissons.
de consommation moyennes seraient supé# • Parvenir à un partage international plus
rieures à 55 000 dollars par habitant et par équitable des dépenses nécessaires pour
an, contre 20 000 dollars aujourd'hui. réduire et éliminer les phénomènes qui affec#
• La consommation annuelle du cin~ tent l'environnement à l'échelle mondiale,
quième de la population mondiale vivant tels que le réchauffement de la planète, les
dans les pays les plus pauvres serait encore pluies acides et le recul de la biodiversité.
loin d'atteindre 2 000 dollars, soit moins • Décourager les modes de consommation
de 3 % de la consommation moyenne des qui ont des répercussions négatives sur la
pays riches en 2050 et moins de la % de société et qui accentuent les inégalités et
celle d'aujourd'hui. la pauvreté.
• Les émissions de dioxyde de carbone, de • Protéger et promouvoir les droits des
f1uorocarbures et de nombreux autres consommateurs concernant l'information,
effluents toxiques continueraient d'augmen· la sécurité des produits et l'accès aux biens
ter. Les émissions de carbone, par exemple, et services dont ils ont besoin.
seraient multipliées par plus de deux. Il existe de bons exemptes sur lesquels
• Les ressources halieutiques diminue# s'appuyer pour atteindre ces cinq objectifs.
raient, l'érosion des sols s'accroîtrait, la Pour chaque domaine clé de la consomma#
déforestation se poursuivrait et le pro# tion - énergie, éducation, eau, transport,
blème de la pénurie d'eau deviendrait santé, logement - nous savons comment
beaucoup plus aigu. les modes de consommation peuvent per~
La persistance des tendances actuelles, mettre de renforcer les liens avec le déve#
avec peu de changements dans les modes de loppemenr humain et comment des modes
consommation ou dans les technologies de de consommation nouveaux peuvent se
production, accentuerait donc certains des révéler plus équitables et moins nuisibles
problèmes les plus fondamentaux de l'huma- pour l'environnement (encadré 5.1).

QUELLES PRIORITÉS? 97
ENCADRE 5.1
Vers des schémas de consommation durables et une réduction de la pauvreté
Réduction de la pauvreté Nutrition: pout en finir avec la faim Energie: un lien essentiel entre la pauvreté
et l'environnement
Objectif Objectif
A l'issue du Sommet mondial pour le déve· En finir avec la faim et la malnutrition en Objectif
loppemt;nt social (1995), il a é[é décidé que garantissant des régimes et des modes de vie Garantir à chacun l'accès à des formes d'éner-
chaque pays devait élaborer des stratégies sains, en particulier pour les populations vul- gie propres et m"odernes, indispensables non
visant à abaisser aussi rapidement que pos- nérables. En 1996, le Sommet mondial de l'ali- seulement pour un usage domestique mais
sible le niveau général de la pauvreté, à mentation a défini une première étape sur cette également pour le développement des com-
réduire les inégalités et à éradiquer la pau- voie en fixant comme objectif une réduction de munications, du transport et de la produc-
vreté absolue dans un délai défini par ce pays moitié. d'ici 2015. du nombre des personnes tion.
en fonction de ses spécificités nationales. souffrant de malnutrition. Parallèlement, des
actions doivent être entreprises pour ralentir le
développement de l'obésité, problème en aug- Etat cks lieux
Etat dts lieux Le manque de services de fourniture d'énergie
Dans les pays en développement, 25 % en mentation rapide aussi bien dans les pays en
développement que dans les pays industrialisés. touche les pauvres de trois façons: pollution
moyenne de la population sont touchés par domestique par la fumée (importante cause
la pauvreté humaine. Environ 1,3 milliard d'affections pulmonaires che;: les femmes et
d'individus y vivem avec moins d'un dollar Etat des lieux
Lc~ pays en développement comptent envi- les enfants), carence en énergie pour les acti·
par jour. Entre 1995 et 1997, seulement 21 vités génératrices de revenu et perte de temps
des 124 pays en développement ont enregistré ron 840 millions de personnes souffrant de
malnutrition, soit près d'un cinquième de leut dans la collecte de bois ou de fumier comme
un rythme de croissance par habitant d'au combustible
moins 3 % par an, c'est-à-dire le minimum population. Environ 30 % des enfants de
moins de cinq ans présentent une insuffisance Deux milliards d'individus sont encore
nécessaire ~ une diminution rapide de la pau- totalement tributaires de la biomasse pour la
vreré. La moirié au moins des habitants les pondérale et, en Asie du Sud, cette propor·
tion arteint 50 %. En Afrique subsaharienne, cuisson des aliments, et 1.5 ~ 2 milliards de
plus pauvres de la planète vivent dans des
l'apport. calorique stagne depuis 25 ans. Les personnes n'om pas acrès à l'électrÎcité.
'Zones écologiquement fragiles. Dans les éco-
nomies en transition, J2 % de la population carences en oligo~éléments demeurent graves Les modes actuels d'utilisation de l'éner-
vivent sous le seuil de pauvreté monétaire et touchent plus de 2 milliards d'individus, gie constituent probablement la forme
en particulier les femmes et les enfants. d'exploitation des ressources la plus néfaste
fixé ~ 4 dollars par jour et, dans les pays
pour l'environnement. La consommation
industrialisés, li % des individus disposent
Perspectives . alimentation et soins médicaux mondiale d'énergie a été multipliée par
de moins de 14,40 dollars par jour. Enfin, les
Des politiques doivent être mises en œuvre quatre au cours des 50 dernières années et
pays de l'OCDE comptent 34 millions de
chômeurs. pour accroître la sécurité alimentaire des devrait à nouveau doubler au cours des 50
pauvres tout en réduisant les contraintes sur prochaines. Il est. donc urgent d'associer le
l'environnement. Voici quelques exemples développement énergétique à la protection de
Perspectives . six objectifs prioritaires l'environnement.
d'actions à entreprendre:
Afin de mettre un terme à la pauvreté et de
• Renforcer les systèmes de recherche et de
maintenir le chômage à un niveau bas, une vulgarisation agricoles dans les pays en déve-
stratégie à long terme englobant des actions PersPtctives : nouvelles technologies
loppement, en particulier dans les écosys~ Les technologies exploitant des sources
soutenues en faveur des pauvres et du déve~ tèmes fragiles et en Afrique.
loppement humain sera nécessaire aussi bien d'énergie renouvelables et décentralisées,
• Etablir de façon claire des droits de pro· teUes que l'énergie éolienne et solaire et les
au niveau de la politique macro-économique
priété foncière à long terme et permettre nouvelles technologies liées à la biomasse,
que des programmes sectoriels. Le Rapport l'accès au crédit.
mondial surie diveloppemem h~main 1997 défi- présentent un potentiel considérable. Elles
• Promouvoir une intensification durable de peuvent non seulement garantit à chacun
nissait un programme en six points destiné à l'agriculture et une gestion saine des ressources
réduire (a pauvreté dans le monde: l'accès 111 des formes d'énergie modernes, mais
naturelles, en particulier dans les 'Zones où les sont en outre génératrices d'emplois et
• Donner aux femmes et aux hommes les sols sont fragiles, où les précipitations SOnt
moyens de maîtriser leur propre destinée, en offrent des possibilités de création d'entre-
llmitées et où la pauvreté eSt répandue. prises et de production en milieu ruraL Les
leur permettanr de participer aux décisions • Dé ....elopper des marchés et des réseaux de
qui concernent leur existence et d'exploiter mesures nécessaires pour la promotion de leur
transport à faible coût pour les intrants et la développement sont les suivantes:
leurs forces et leurs ressources. production au niveau local.
• Parvenir à l'égalité sociologique entre les • Une volonté politique de promouvoir un
• Ettendre et améliorer l'aide en matière de accès universel à des services de fourniture
sexes, condition indispensable pour que les développement alimentaire et agricole.
femmes aient la mattrise de leur destinée et d'énergie modernes.
L'amélioration de la nutrition n'est pas
pour éradiquer la pauvreté. • La création, au niveau local, des capacités
seulement une question d'alimentation et de
• Encourager la croissance favorable aux nécessaires à la mise au poinrde technologies
régime appropriés mais également de soins
pauvres, dans touS les pays, et une croissance appropriées et respectueuses de l'environne-
médicaux et de soins aux enfants. Cela
plus soutenue dans la centaine de pays en ment.
implique les acrions suivantes:
développement ou en transition où cette • VeilLet à ce que les services de santé pri- • Le développement et l'introduction systé-
croissance fait aujourd'hui défaut. maires aÎent une plus grande portée et met- matiques de nouvelles technologies plus
• Assurer une gestion prudente de la mon- tent fortement l'accent sur la nutrition, en propres associant énergies fossiles, énergies
dialisation, en prenant davantage en compte particulier sur tes actions prioritaires desti. renouvelables et rendements améliorés.
l'équité à "échelle mondiale. nées 111 mettre un terme à. la malnutrition des • La suppression des subventions perma-
• Créer un environnement politique propice, enfants en bas âge et des femmes. nentes sur les sources d'énergie et' la réper-
permettant de rassembler un large soutien et • Faire de l'encouragement de l'allaitement cussion de leur coût social et environnemen-
de former des alliances autour des mesures er maternel une action prioritaire dans le cadre tal sur leur prix.
des marchés favorables aux pauvres. de la nutrition des nourrissons. • L'octroi d'un nouveau rôle au secteur privé
• Apporter un soutien international particu. • Assurer un soutien familial et communau· dans le cadre d'une concurrence réglementée.
lier aux pays en situation spécifique. afin de taire aux femmes pendant la grossesse, l'allai· • L'implication dans les décisions politiques
réduire plus rapidement la dette des pays les tement et l'éducation des enfants en bas âge. de dépositaires d'enjeux tels que les défen-
plus pauvres, d'accroitre l'aide dont ils béné- • Utiliser le système scolaire pour la promo- seurs de l'environnement et les consomma-
ficient et d'ouvrir les marchés agricoles à tion des priorités en matière de nuttition teurs actuels ou potentiels, notamment les
leurs exportations. (\·oir encadré 5.4). femmes.

98 RAPPORT \10t-:DIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIt-: 1998


Eau et assalOlssement : au cœur des pro- Logement: un droit universel Transports: donner aux pauvres les
blèmes de santé moyens de mieux maîtriser leur destinée
Objectif
Objectif Un toit convenable pour tous. Ce droit uni- Objectif
L'accès à l'eau potable et à l'assainissement versel a été reconnu en 1996 lors de la Garanrir à tous l'accès à des services de trans-
pour tous. Cet objectif de longue date a été Conférence Habitat Il. Mais le droit au loge- port sans danger et peu coOreux, condition
réaffirmé lors des conférences mondiales des ment dépasse le simple droit à disposer d'un essenrielle de l'accès à l'éducation, aux soins
années quatre·vingt-dix. toir. II englobe le droit d'acch à des services médicaux, à l'emploi, aux marchés et à la "'ie
indispensables à un environnement dames· c.ollective.
Etat des lieux tique sain: eau potable et assainissement,
Bien que le pourcentage de la population Etat des lieux
évacuation des déchets, sources d'énergie Le manque de moyens de transport touche
ayant accès à l'eau potable ait plus que dou- modernes, transports et services sociaux à particulièrement les pauvres, y compris dans
blé depuis 1980, environ 1,3 milliard de per- proximité. leur vie quotidienne. Alors que partout dans
sonnes sont encore privées d'une telle possi- le monde, ceux-ci se déplacent moins loin et
bilité, et quelque 2,5 milliards d'individus ne Etat de:s lieux moins fréquemment que les aurres, ce SOnt
disposent pas de conditions sanitaires appro- Dans les pays en développement, plus d'un pourtant eux qui consacrent le plus de temps à
priées. La pollution de l'eau demeure l'une milliard de personnes SOnt privées d'un toit ces déplacements. De plus, leur sécurité n'est
des causes principales des affections diar· convenable. On esrime à 100 millions le pas assurée: un demi-million de personnes
rhéiques. Cette situation est exacerbée par la nombre des sans·abri. les plus touchés sont meurent chaque année sur les routes, parmi
pénurie croissante d'eau, qui touche déjà 132 les enfants, dont beaucoup vivent dans la rue. lesquelles une forte proportion de pauvres et
millions de personnes, dans 10 pays. Et le probl~me des sans-abri gagne du terrain d'enfants. L'éventail des moyens de transport
dans de nombreux pays industrialisés. dOit donc êrre élargi, notamment en dévelop-
Pe1"Specli~es ; des solutions collecli~es pant des moyens rapides et peu coûteux qui
L'accès de tous à l'eau et à l'assainissement Per:spectiue:s ; aide de l'Etat, action locale réduisent la pollution et les encombrements.
n'est pas de la seule responsabilité de l'Etat. A mesure que s'accélèrent l'urbanisation et
En effet, le secteur privé a un rôle clé à jouer la croissance démographique dans les pays en Perspectives' technologie, collectivité et planifi·
dans l'élaboration de solutions à l'échelle des cation
développement, de nouveaux partenariats De nombreux pays, riches ou pau\'res, ont mis
communautés. Cependant, la privatisation sont nécessaires pour garantir le droit au
des services, telle qu'elle s'est déroulée au en œuvre des approches novatrices dont le
logement. Des solutions participatives doi~ reste du monde peut tirer des idées et des
Royaume-Uni, n'est généralement mise en vent être élaborées et l'Etat doit créer les
œuvre qu'une fois que l'Etat a garanti une enseignements :
conditions propices au dheloppement d'ini· • La ville de Curitiba, au Brésil, a démontré
cou\'erture universelle. En effet, même si le datives commerciales, collectives ou indivi·
secteur privé peut prendre en charge une par- les avantages d'un « bus de banlieue .. écono-
due Iles. les meSUTes suivantes devront être mique offrant un moyen de transport rapide
tie de la fourniture et de l'entretien des ser· mises en œuvre: au plus grand nombre (voir encadré 5.5).
vices d'approvisionnement, seul l'Etat peut
• Encouragement de l'utilisation de maté· • Pour permettre aux équipes de promotion
garantir des infrastructures accessibles à tous. de la santé ou de l'agriculture de se déplacer
riaux peu onéreux et de techniques de
Lorsque seuls les riches ont accès aux ser- dans les régions reculées moyennant un coût
construction nécessitant une main-d'œuvre
vices d'adducrion d'eau, les subventions accor- d'investissement et d'exploitation plus
importante.
dées à ces services perpétuent les inégalités. modeste, les véhicules onéreux peuvent être
Premièrement, elles encouragent la consom- • Promotion de la coopération entre les sec~
teurs pubLic et privé afin de faciliter la mise remplacés par un parc de bicyclettes, de
mation excessive d'une ressource rare et, motos et de véhicules peu sophistiqués.
deuxièmement, elles hmitent les investisse- en place de solutions fondées sur les commu·
nautés et la prise en charge individuelle, • les minibus utilisés par le secteur informel
ments dans les infrastructures susceplibles constituent souvent un moyen de transpOrt
d'accroître la couverture et de réduire les fuites. • Promotion des techniques et des modes de efficace et économique à c.ondition qu'une
A l'inverse, une tarifkation reflétant les coOts construction locaux. réglementation garantisse leur sécurité.
réels restreÎnt la consommation domestique • Promotion des techniques respectueuses de • Une planification urbaine novatrice réali·
d'cau et d'énergie ainsi que les besoins de trai- l'environnement pour l'extraction et le trai· sée à un stade précoce peut permettre la c.réa~
tement des eaux usées. Elle augmente par tement des matériaux de construction. tian de voies rapides et sûres pour les piétons
ailleurs les recettes et permet ainsi de déve~ • Planificarion de l'occupation des sols et et (es cyclistes.
lopper une infrastructure accessible à tous. fourniture d'infrastructures en milieu urbain. Ces solutions se révèlent particulièrement
Les politiques doivent s'orienter vers une • Garantie de la sécurité d'occupation des payantes lorsqu'elles sont associées à des
approche participative alliant secteur public et logements. mesures plus radicales et de plus grande ampleur
secteur prh'é et impliquant à la fois les plani- La construction d'abris et de logements visant ta suppression progressive des subven·
ficateurs et les usagers, à commencer par les ainsi que leur amélioration constituent des tions et l'instauration de redevances d'utilisa·
femmes, qui jouent un rôle central dans activités universelles pour lesquelles les popu- tion de l'i.nfrastructure routière ct de taxes à la
l'approvisionnement, la gestion et la préserva· lations du monde entier fom preuve d'ingé- pollution, les recettes budgétaires ainsi obte·
niosité et de créativité. A condition de béné- nues étant consacrées à l'amélioration des
tion des ressources en eau. Ces politiques doi- routes et des transports publics. D'autres retom-
vent être centrées sur (es éléments suivants: ficier de garanties concernant les droits à la
terre et l'occupation des tOf,lements, les indi- bées positives sont à attendre des nouvelles
• La volonté de garantir un accès universel à technologies pennettant le développement de
des services d'approvisionnement en eau vidus sont prêts à investir des efforts considé-
...éhicules plus économes, mieux adaptés aux
potable et d'assainissement, tout particulière· rables dans leur habitation, contribuant par là besoins des uansports publics et limitant à la
ment dans les zones rurales et périurbaines. à l'accroissement de l'épargne et de l'inves- fois la consommation de carburant et la pollu~
• Une tarification reflétant mieux le coût de tissement ainsi qu'à j'amélioration du niveau tian. Cela suppose les mesures suivantes ;
l'eau et réduisant les gaspillages dans l'agri- de vÎe. Ces travaux sont également accessibles • Suppression des subventions sur les com~
culture et l'industrie. aux chômeurs, et le temps qui y est consacré bustibles fossiles, portewes d'effets pervers.
• Des investissements dans des infrastruc- n'empiète pas sur d'autres obligations. Une • Promotion de la conception et de la pro~
tures destinées à réduire les fuites et à étendre f,lrande partie de ces activités peut être réali~ duction de véhicules peu polluants.
la couverture à tous les ménages. sée sans J'aide directe des pouvoirs publics, • Elimination progressive de l'essence au
• Une participation des communautés à l'éla- mais ces derniers, et en particulier ies autori- plomb.
boration de solutions et à la mise en place de tés locales, sont tenus de créer des conditions • Introduction et application de normes
services d'approvisionnement en eau au propices et de fournir plans d'occupation des d'émissions et de consommation de carbu-
niveau local. sols et infrastructures de base. rants et de combustibles.

SaUTees: Hammond, 1998, Nigam et Rasheed, 1998, Pinsrrup-Andersen, Pand~'a-Lorch et Rosegrant, 1997, Rabinovirch et Hook, 1998,
Reddy, Williams et Johansson, 1997, Serageldin, Cohen et Sivaramakrishnan, 1994, ONU, 1995a, 1996c, 1997b, 1997e, 1998, CNUEH,
1996, PNUD, 1997., UNICEF, 199Bb.

QUELLES PRIORITÉS 99
Politique de consommation quelles privé, collectivités locales, Etat et organi#
priorités? sarions internationales.
Pour amener une telle évolution, il est
primordial:
La consommation est parfois considérée
comme un domaine ne se prêtant pas à la • d'améliorer l'information et d'accroître
mise cn œuvre d'une politique. D'aucuns la prise de conscience;
affirment en effet que les choix de • de prendre des mesures pour assurer à
consommation constituent les décisions chacun un niveau de consommation mini#
souveraines des consommateurs dans les~ mum;
quelles on ne doit pas intervenir. • de promouvoir l'innovation technolo-
Cene logique est erronée. Premiè~ gique;
rement, les choix des consommateurs sont • de s'attaquer aux distorsions du marché
souvent entravés par des obstacles sociaux, en supprimant les subventions porteuses
un revenu insuffisant, l'indisponibilité de d'effets pervers et en introduisant des éco#
Les choix tel ou tel produit et le manque de temps taxes i
et d'information. Les consommateurs ne • d'instaurer et de faire respecter des lois
individuels disposent donc pas de toute l'étendue des et des règlements appropriés;
peuvent être choix qui correspondraient à leurs vraies • de renforcer les mécanismes de coopé-
préférences. ration internationale.
légitimes, Deuxièmement, les choix des consom~
abordables et mateurs influent sur autrui. Lorsque
l'information est mensongère, lorsque les Améliorer l'information et accroître la prise
socialement prix ne reflètent pas les coûts environne# de conscience
acceptables, mentaux et lorsque la réglementatïon ne
parvient pas à empêcher des effets secon- Confrontés à une information inadéquate
mais leurs daires indésirables, la consommation peut et n'ayant pas reçu une éducation appro-
conséquences avoir des conséquences négatives. Les priée en la matière, les consommateurs
choix individuels peuvent être légitimes, sont souvent mal armés pour résister aux
cumulées sont abordables et socialement acceptables, assauts de la publicité et de la consomma-
parfois mais leurs conséquences cumulées sont tion à tout va. La liberté et l'élargissement
parfois dévastatrices pour le développe# de leurs choix ont peu de sens si ces choix
dévastatrices ment humain à l'échelle mondiale. Les reposent sur des informations erronées ou
pour le consommateurs se retrouvent alors pri- mensongères. Les signaux de prix consti-
sonniers d'un système irrationnel. tuent un élément d'information impor-
développement Les aspects positifs et négatifs de la tant, mais un étiquetage précis et d'autres
humain consommation ne déboucheront pas for- données sur les produits le sont tout
cément sur un optimum. Les incidences de autant. Or, les informations dont dispo#
la consommation - sur l'individu et sur sent aujourd'hui les consommateurs, et qui
autrui - ne sont pas automatiquement émanent le plus souvent de la publicité
favorables. Pour battre en brèche les com- commerciale, sont fortement déséquili-
portements irrationnels et exploiter toutes brées. D'autres, relatives au contenu et
les possibilités que la consommation offre aux risques induits par les produits, font
en termes de développement humain, il défaut.
faut que les décideurs politiques prêtent Les consommateurs doivent avoir accès
attention au cadre dans lequel s'opèrent à une information correcte et claire, en
les choix de consommation. particulier sur les caractéristiques de base
La politique de la consommation doit des aliments, boissons, médicaments, soins
modifier notre cadre économique, social de santé, appareils ménagers et sur la sécu-
et réglementaire de manière à renouer les rité dans les transports. L'éducation du
liens entre consommation et développe# consommateur est donc essentielle à cet
ment humain. Le passage à des modes de égard, notamment celle dispensée à l'école
consommation plus satisfaisants et sur l'équilibre alimentaire, la forme phy-
durables doit être encouragé par une tari- sique et la santé. Dans ces domaines
fication favorable, concrétisé par une comme dans d'autres, l'Etat a un rôle
réglementation efficace et soutenu par des important à jouer. Il doit fournir une édu-
changements dans les normes et les cation de qualité, lutter contre la publi-
valeurs sociales. Il est nécessaire que cité mensongère, vel1ler à ce que les pro-
toutes les composantes de la société par- duits soient étiquetés de manière
ticipent à ce processus: individus, organi- appropriée et clarifier leurs effets sur la
sations communautaires, ONG, secteur santé et la sécurité.

100 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1998


Renforcer la conscience sociale et la ENCADRE 5,2
responsabilité individuelle chez les jeunes L'achat citoyen
- c'est~à,dire agir sur leurs valeurs et leur
aptitude à se débrouiller dans la vie Un puissant mouveme.nt de consom- anticipé des commandes et des rela·
- constitue une importante priorité. Dans mateurs destiné à promouvoir le tions commerciales à long rerme.
commerce équitable {fair (rade) Mais les avantages qu'en retirent les
toutes les sociétés, il s'agit depuis long,
gagne du terrain en Europe et en producteurs ne s'arrêtent pas là. De
temps d'un des axes majeurs de l'éducation Amérique du NDrd. En 1994, les nombreuses coopératives réinvestis·
des enfants. Les parents et la famille Européens Ont acheté pour plus de sent leurs bénéfices dans des projets
jouent un rôle de premier plan dans ce 300 millions de dDllars de café, de de développement local. Ainsi, en
domaine, mais c'est aussi le cas des êta, thé, de miel, de sucre, d'oléagineux, République,Unie de Tanzanie, la
blissements d'enseignement et des organi' de textiles et d'autres produits coopérative de Kagera, l'un des par·
sations communautaires. Les enfants et tes conformes à cene éthique, et les tenaires de CafeDirect, a investi ses
jeunes doivent développer leurs valeurs, ventes progressent de 10 à 25 % par bénéfices dans la construction et le
an dans ce domaine. Mais qu'est.ce financement d'un établissement
leurs aptitudes, leur prise de conscience que le commerce équitable? C'est d'enseignement secondaire.
d'eux-mêmes, ainsi que le sens de la col· une autre façon d'acheter aux pro· Désormais présent dans l 700
lectivité. A terme, ces éléments influen- ducteurs des pays en développement, supermarchés du Royaume.Uni,
ceront leurs choix de consommation et Des organisations commerciales CafeDirect se place en sixième posi·
leur feront mieux appréhender les effets de parallèles s'approvisionnent directe· tian en termes de ventes, et sa part
ces choix sur autrui. ment auprès de petits groupements de marché atteint 5 %. Il relie ainsi
L'éco,étiquetage et le socio-étiquetage de producteurs en leur payant un des milliers de consommateurs bri·
prix stable qui leur assure un niveau tanniques à près d'un demi·million
constituent des étapes supplémentaires de vie correct. Elles les aident éga- de familles de producteurs réparties
dans la fourniture de l'information néces· Iement dans le préfinancement, le dans les pays en développement. Les
saire aux consommateurs pour évaluer développement des produits, la corn, individus prennent ainsi conscience
l'impact de leurs choix sur autrui. Certains mercialisation et les pratiques que leurs choix de consommation
consommateurs se mettent aujourd'hui à coopératives. Lancé à petite échelle peuvent influer sur la vie de mil,
utiliser le pouvoir de leur porte· monnaie par des organisations religieuses et lions de personnes aux quatre coins
pour défendre les intérêts de leur commu- humanitaires dans les années de la planète et contribuer à l'appa,
soixante et soixante,dix, le corn, rit ion de modes de consommation
nauté, allant parfois jusqu'à étendre leurs
merce équitable est devenu un mou, plus citoyens et plus durables dans
préoccupations aux conditions de vie vement de consommateurs de grande leur propre pays. Le potentiel
d'individus vivant à l'autre bout de la pla, ampleur. Il existe aujourd'hui plus d'extension de ccue prise de
nète. Des études montrent qu'en Europe, d'une centaine d'organisations de ce conscience à d'autres produits est
les consommateurs sont prêts à dépenser type obéissant aux mêmes principes considérable.
entre 5 et 10 % de plus pour des produits fondamentaux, qui commercialisent Depuis quelques années, ce rnou~
dont l'élaboration, l'utilisation ou l'éva· ces produits par le biais de 45 000 vement connaît un élan supplémen.
cuation respectent davantage l'environ· boutiques spécialisées. On estime taire avec l'étiquetage spécifique des
que, dans les pays en développe. produits conformes aux. principes du
nement.
ment, ce commerce contribue au commerce équitable ou du respect
Dans les pays en développement, les revenu de 800 000 ménages, soit 5 de l'environnement. L'étiquetage est
mouvements de consommateurs sont éga· millions d'individus. une étape essentielle du développe.
lement de plus en plus puissants. Ils sont Au Royaume.Uni, un exemple ment du commerce équitable, les
d'abord apparus parmi les populations de réussite particulièrement frappant produits pouvant désormais être
urbaines aisées et étaient alors axés sur les est celui de Cafe Direct, entreprise vendus dans les supermarchés c1as,
informations relatives au rapport qualité, en participation fondée par les orga· siques et donc toucher un public
prix, à la qualité et à la sécurité des pro- nisations commerciales parallèles élargi. L'éco,étiquetage, lancé en
duits. Aujourd'hui, leur champ d'action Equal Exchange, Oxfam Trading, 1977 avec le programme allemand
s'élargit à des priorités liées au dêvelop· Traidcraft et Twinrrading etspécia, symbolisé par un ange bleu, guide
tisée dans le commerce du café. les consommateurs vers les produits
pement. Dans l'Etat indien du Tamil Parmi les produits de base, celui·ci moins polluants et encourage
Nadu, un de ces mouvements a intégré est le plus important après celui du l'industrie à concevoir des produits
cette évolution en modifiant son slogan pétrole. Dans les pays en dévelop. plus respectueux. de l'environne~
pour mettre non plus l'accent sur les pré' pernent, le café fait vivre environ 25 ment. En 1994, ce programme alle·
occupations monétaires (<< value faT millions de personnes, et 60 à BD % mand couvrait 3 500 produits. Le
mone)' ,,) mais sur les aspects humains des plantations de café de la planète programme scandinave d'éco·éti·
(» value [Dr people»). D'autres mouve- sont des exploitations familiales. quetage a été mis en place en 1989,
ments s'allient à des groupes de défense Ces producteurs sont extrêmement et le programme E nvjronmemal
vulnérables à la volatilité des prix et Choice AustTalia a été instauré en
des consommateurs implantés dans des souvent exploités par les intermé, 1991. Plusieurs pays en développe.
pays industrialisés et avec les organismes diaires. Cafe Direct achète directe, ment, dont la Chine, le Costa Rica,
qui travaillent sur les questions cancer, ment auprès des organisations la république de Corée et le Pérou,
nant la pauvreté, les femmes, les popula· d'exploitants en leur garantissant un se joignent aujourd'hui à ce mouve,
tions autochtones, l'environnement et les prix minimum fixe, le paiement ment.
droits de l'homme. Représentant un large
Sources: Association européenne du commerce équitable, 1997, Zadek, Lingayah et
éventail d'informations et d'opinions, ces Mu,phy, 1997.
partenariats constituent un instrument

QUELLES l'RIORITËS ! 101


ENCADRE 5.3 ainsi interdit à la télévision les spots
Etats,Unis : proposition de création d'un fonds pour la vérité en publicité publicitaires qui s'adressent aux enfants et
préconise que tous les pays européens fas~
La télévision est le passe~temps sur le coût de la publicité, et donc à sent de même (voir encadré 3.l0). Une
favori de la population aux Etats~ accroître encore le volume des mes~ telle protection des intérêts des consom,
Unis. Au cours de sa vie, sages publicitaires diffusés.
mateurs fonctionne de manière optimale
l'Américain moyen passe plus de Afin de remédier à ce déséqui~
1 000 heures à regarder de la publi- libre, des groupements de consom- dans un environnement qui encourage la
cité, ce qui représente quelque mateurs américains proposent de liberté de la presse, le dialogue et l'action
150 000 spors au toral. Le dévelop- constituer un fonds destiné au réta- politique.
pement de la télévision en tant que blissement de la vérité concernant Les techniques publicitaires peuvent
moyen de communication permet de les messages diffusés. Il s'agirait de également être utilisées dans le cadre
véhiculer des messages auprès de demander aux entreprises de mettre d'actions menées par des groupes de
millions de personnes, et les entre~ de côté un faible pourcentage citoyens ou dans le cadre de campagnes
prises exploitent pleinement ce (moins de 3 %) de leur abattement
potentiel. En 1997, les entreprises fiscal sur les dépenses de publicité publiques destinées à diffuser des infor-
américaines ont consacré plus de télévisée pour approvisionner cc mations, des opinions et des valeurs qui
100 milliards de dollars à la publi- fonds spécial. Celui~ci servirait à s'écartent du courant général alimenté par
cité télévisée, payant jusqu'à 8 000 financer des producteurs à la fois les entreprises ou la sphère politique.
dollars par seconde de diffusion. Le compétents et autorisés agissant Néanmoins, face aux milliards de dollars
résultat est une forte domination des dans l'intérêt général pour qu'ils réa~ dépensés par le secteur privé, les groupes
informations de nature commerciale, lisent et diffusent des contre~publi. de citoyens et l'action publique manque~
dont l'unique message se résume en cités destinées à fournir un point de ront toujours de moyens financiers. Si une
ces termes: « Achetez plus ... Ceux vue élargi sur les messages et les partie de cet argent pouvait être mise de
qui sont porteurs d'autres messages, idées véhiculés par la publicité.
côté pour servir à exprimer des points de
défendant par exemple des modes de Afin d'inciter les entreprises à
vie dîfférenrs ou le respect de l'envi~ éviter les publicités mensongères,
vue différents (encadré 5.3), les consom-
ronnement, n'ont aucune chance de des exonérations pourraient être mateurs bénéficieraient d'une information
se faire entendre faute de disposer accord~es à celles dont les messages et d'une éducation plus équilibrées.
du sourien financier suffisant. Ce sont fidèles à la réalüé et assurent la
n'est pas tout: aux Etats~Unis, les promotion de produits sains, non
dépenses de publicité sont déduc~ polluants et économes en énergie. Assurer à chacun un niveau de
tibles des impôts. Le taux d'imposi~ Il existe déjà un précédent: en consommation minimum
tian des sociétés se montant en Californie, les producteurs de tabac
moyenne à 30 %, cela revient à sont tenus de participer au fjnance~
accorder une subvention de 30 % ment des campagnes anti~tabagisme. Pour assurer à chacun un niveau de
consommation minimum, l'Etat doit inter~
SOUTee : Ka}' et Henderson, 1997. venir massivement dans plusieurs
domaines, en commençant par instaurer et
préserver un cadre national permettant la
important pour faire mieux connaître et mise en place d'un environnement propice.
comprendre les effets de la consommation, La croissance en faveur des pauvres consti~
tant aux consommateurs qu'aux produc~ tue un élément clé de cette politique
tcurs. publique, de même que les mesures qui
L'intérêt que les consommateurs por- créent des opportunités d'emplois. Des
tent à "amélioration de la qualité de incitations sont également nécessaires pour
l'environnement, aux niveaux local, accroître la production afin de couvrir les
national et mondial, peut influencer de besoins de consommation dans un grand
manière significative la compétitivité des nombre de secteurs (encadrés 5.1 et 5,4).
entreprises. Il existe un vaste potentiel Plusieurs types de consommation
pour continuer de façonner et de canali~ essentiels au développement humain
ser les pressions nées de cette prise de - eau potable, énergie, transports - pro'
conscience, de manière à passer cffective~ viennent de ressources dont la propriété
ment à des modes de consommation est collective ou qui sont fournies par
durables au XXI~ siècle, en particulier via l'Etat. Leur accès fait souvent l'objet de
un environnement plus propre et des fortes distorsions, ce qui crée une discri~
modes de développement plus équitables mination à l'égard des pauvres. Ces inéga~
(encadré 5.2). lités d'accès accentuent la pauvreté et les
La publicité peut servir des objectifs écarts de potentialités, entretenant ainsi
constructifs. Cependant, des contrôles la spirale de la dégradation de l'environ-
sont nécessaires, en ce qui concerne la nement et de la pauvreté.
publicité sur le tabac ou le lait maternisé Dans de nombreux domaines, l'Etat
et, plus généralement, les campagnes doit s'attacher à créer les conditions
ciblant les jeunes enfants. La Suède a nécessaires à la créativité et à l'efficacité

IOZ RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEME:-JT HUMAIN 1998


du secteur privé ou de l'action commu~ ENCADRE 5.4
nautaire. L'Etat doit aussi accompagner ce Repas scolaires: l'apport nutritif en question
processus. Concernant les transports, il lui
faut fournir un cadre de planification et, De nouvelles preuves viennent sans alimentaires extrascolaires : près
souvent, une bonne partie de l'infrastruc~ cesse confirmer l'importance des d'un tiers des élèves partent à l'école
habitudes alimentaires prises pen- le ventre vide, et un tiers se conten-
ture routière, en particulier dans un
dant les premières années de la vie. tent le soir d'un en-cas au lieu d'un
contexte d'urbanisation rapide. Ce cadre
Les repas à l'école constituent une repas pris en famille. Les économies
doit toutefois englober des incitations part importante de l'apprentissage réalisées sur les budgets scolaires om
pour encourager la participation dyna~ parascolaire, et l'éducation en également conduit à une réduction
mique du secteur privé et des communau~ matière de nutrition fai[ parfois par- de l'éducation physique, encoura~
tés, mais aussi fournir les camions et les tie du programme scolaire (mais geant ainsi un mode de vie séden~
autobus, les taxis et les minibus, les bicy~ c'est loin d'être la règle). Dans ce taire. Il n'est donc pas surprenant
clettes et les charrettes à bras qui, domaine, les pratiques varient consi, que l'obésité ait plus que doublé au
ensemble, constituent un système de dérablement d'un pays à l'autre. Royaume~Uni depuis 1981.
transport public approprié (encadré 5.5). En Norvège, il a longtemps été
de tradition pour les élèves d'aroc, Le Kenya constitue encore un
ner des sandwichs à J'école. Le autre cas de figure, puisqu'il y est de
Promouvoir l'innovation technologique Conseil norvégien de la nutrition a tradition pour les écoles de nourrir
récemment fixé comme objectif le les élèves. Cependant, cette cou~
La couverture des besoins essentiels passe doublement de la quantité de fruits turne a souffert de l'accroissement de
par l'innovation technologique. Dans le et de légumes frais consommés par la pauvreté provoqué par une baisse
les enfants d'âge scolaire. Cette du revenu depuis le début des
passé, elle a notamment permis de semer
décision a débouché sur la mise en années quarre-vingt et par la hausse
les graines miraculeuses de la révolution œuvre, par les établissements sco- des frais de scolarité. Le Programme
veue, mais aussi la vaccination, la laires, d'un programme de distribu~ alimentaire mondial, qui participait
construction de pompes à eau pour un tion quotidienne de fruits et de depuis des années à la distribution
coût faible et l'introduction de nouveaux légumes frais aux élèves de 6 à 14 de repas scolaires dans les régions.
modes de transport publics. La simple éla~ ans. Il en coûte aux parents 100 arides et semi-arides en collabora-
boration de nouvelles stratégies peut, elle dollars par enfant et par an, soit tion avec les autorités kenyanes, a
aussi, constituer une forme d'innovation environ 0,5 % du salaire annuel annoncé son intention de se retirer
importante, comme le montrent, par moyen. Par ailleurs, le lait demi~ de ceue activité par manque de
exemple, les solutions bon marché qui écrémé ou écrémé étant générale~ moyens. L'Etat, qui soutenait un
améliorent l'alimentation des mères menr vendu à un prix inférieur à programme de distribution de lait
(encadré 5.6). celui du lait entier, des discussions aux enfants du primaire, n'a plus
sont en cours en vue de réduire les aujourd'hui les moyens d'assurer sa
Il est essentiel d'avancer à grands pas
taxes prélevées sur les aliments mise en œuvre efficace. Dans les
dans le domaine technologique afin que la
nutritifs. Ces mesures ne "'ont tou, zones rurales, où vivent plus de
consommation progresse sans que cela tefois pas aussi loin que celles prises 80 % des écoliers, les élèves rentrent
devienne intolérable pour l'environne, en Finlande, où, conformément à ainsi déjeuner chez eux. Dans cer-
ment. Réduire simultanément les atteintes une législation. de la salade fraîche tains établissements, des associations
à l'environnement et la pauvreté suppose doit être servie quotidiennement de parents tentent de fournir des
de multiplier l'efficience technologique dans les écoles, les camines et tous repas aux enfants avec l'aide de
par plus de dix. La dématérialisation de la les restaurants. l'administration scolaire.
consommation va de pair avec le passage Le Royaume-Uni offre quant à
de produits intensifs en ressources à des lui un contraste saisissant. Après Le Chili constitue un autre
produits intensifs en services et en savoir. avoir veillé pendant des années à la exemple. Au milieu des années
Le potentiel offert par les progrès tech- distribution gratuite de lait et à soixante-dix, quelques nutri[Ïonnistes
nologiques actuels et leurs applications l'équilibre nutritionnel des repas clairvoyants ont fait pression sur les
pour créer des modes de consommation scolaires, le gouvernement a intro~ autorités pour qu'elles concentrent
compatibles avec l'environnement est net~ duit au début des années quatre- les ressources sur un programme ali-
tement sous~exploité. Pourquoi? Le prix vingt des cantines en libre,service mentaire destiné à fournir des repas
et la rentabilité des automobiles économes dans les écoles. Ces cantines à bm aux enfants des familles les plus
en énergie ou des systèmes de transport lucratif reversent une partie de leurs pauvres et ce, tout au long de la sco,
public améliorés ne reflètent ni leurs bénéfices à l'administration scoiaire larité. Grâce à une bonne gestion et
afin d'apporter une petite contribu- à un ciblage efficace, la malnutrition
avantages sur le plan écologique (dom-
tion aux budgets des écoles. qui ont et les taux de mortalité infantile ont
mages environnementaux moindres et
subi des coupes claires. Résultat: le enregistré un recul phénoménal,
embouteillages évités), ni leurs avantages déjeuner de nombreux élèves est même si la proportion de familles
sociaux (santé des générations actuelles et aujourd'hui mal équilibré. trop riche souffrant de pauvreté monéraire a
futures). De la même façon, les ressources en graisses et en sucres. Ce pro~ nettement augmenté au cours des
et l'action publiques ne sont actuellement blème est aggravé par les habitudes années quatre,vingt.
pas en mesure de fournir aux pauvres
l'aide qui leur est nécessaire pour couvrir Source: Bureau du Rappot't mondial SUT te développement humain,
leurs besoins de consommation : maté~

QUELLES PRIORITÉS r 103


riaux de construction bon marché, trans~ investissements décroissent dangereuse~
ports publics. recherche ct vulgarisation ment. Il faut inverser cette tendance. Le
agricoles au profit des environnements secteur privé doit lui aussi progresser sur
écologiquement fragiles. les nouveaux marchés tirés par l'innova~
Nombre des solutions les plus impor· tion, au plan national et international.
tantes n'existent pas encore. Il faut inven~ cette innovation doit par ailleurs être axée
ter ces solutions. et notamment celles qui en priorité sur:
permettraient, au cours du processus de • les pratiques culturales destinées aux
production, de solliciter moins les res~ zones écologiquement fragiles;
sources renouvelables rares (eau potable et • les technologies propres et efficientes,
bois, notamment) ou de générer moins de qui permettent d'économiser l'énergie et
déchets et de pollution. Certaines tech~ de réduire la pollution;
nologies ne sont commercialisées que dans • les équipements ménagers à faible coût
certains pays, d'aunes se tTouvent au stade et les outils à main efficaces qui offrent
expérimental mais pas encore à celui de la des avantages dans toutes les activités
Pour faire production commerciale. D'autres encore informelles et ménagères, à la ville comme
évoluer les restent à l'état de projet. Quelle que soit à la campagne, et notamment ceux qui
la situation, des progrès et des applications allègent le travail des femmes;
modes de technologiques supplémentaires, ainsi • les matériaux de construction bon mar~
consommation qu'un soutien accru des pouvoirs publics,
font grandement besoin. La voiture à
ché, l'eau et les équipements sanitaires,
afin d'améliorer l'habitat dans les zones
actuels, l'une émissions zéro constitue un exemple de rurales et péri urbaines.
des priori tés possibilité à cet égard (encadré 5.7). Même si nombre des technologies
Les techniques antipollution trouvent requises sont disponibles ou en passe de le
majeures de plus en plus de débouchés commer- devenir, le niveau d'utilisation actuel est
ciaux, grâce aux nouvelles opportunités
consiste à qui découlent du renforcement de la régle~
largement inférieur aux besoins, tant dans
les pays industrialisés que dans une bonne
supprimer les mentation, des évolutions dans les incita~ partie des pays les plus pauvres. Remédier
tions par les prix et des changements dans
distorsions qui l'échelle des valeurs des consommateurs.
à cette carence ne sera pas chose facile.
affectent les A l'horizon 2000, le marché planétaire
des biens et des services de protection de
marchés l'environnement pourrait atteindre 500
S' attaquer aux distorsions du marché en
supprimant les subventions porteuses
milliards de dollars par an, soit près de
2 % du PIB mondial.
d'effets pervers et en introduisant des
Bien que ce marché soit actuellement écotaxes
dominé par les pays de l'OCDE, la part des
pays en développement progresse rapide~ Pour faire évoluer les modes de consom~
ment. En Asie de l'Est, en Amérique mation actuels, l'une des priorités
latine et dans les Caraïbes et en Europe majeures consiste à supprimer les distor~
centrale et orientale, la demande croît sions qui affectent les marchés. Ces dis~
rapidement dans le domaine de la lutte torsions sont de grande ampleur et très
contte la pollution de l'air et de l'eau. A répandues à la fois dans le monde indus-
l'horizon 2000, le marché des techniques trialisé et en développement. L'objectif
de dépollution de l'air devrait atteindre consiste à faire en sorte que les consom~
1 milliard de dollars rien qu'en Chine. La mateurs soient confrontés aux coûts et aux
préservation de l'énergie, et notamment conséquences véritables de leurs choix.
les technologies économes en énergie, En théorie, les subventions ont pour
offriront également d'importantes oppor~ objet d'accroître l'offre d'un bien social.
tunités d'investissement. L'agence améri~ Cependant, dans la pratique, les subven~
caine pour le développement internatio~ tions porteuses d'effets pervers - concer~
nal (Agency for International Development) nant l'énergie, l'agriculture, les routes et
estime que ce marché mondial représen~ l'eau - sont néfastes du point de vue envi~
tera 250 milliards de dollars entre 1995 et ronnemental et" social. Elles vont à
2015. Environ la moitié de ce marché l'encontre des intérêts à long terme de la
devrait se situer dans les pays en dévelop~ collectivité en accélérant l'épuisement des
pement. ressources naturelles et en portant atteinte
La promotion de ces technologies à l'environnement. Leur répartition est
nécessite souvent des investissements souvent régressive dans la mesure où ces
publics dans la recherche et le développe- subventions profitent aux plus nantis
ment. Or, dans les pays industrialisés, ces - souvent rassemblés en groupes de pres,

104 R.~PP()RT M()~DIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUM.~eoJ 1998


sion politiques - et épuisent les budgets ENCADRE 5.5
publics. Le système de bus de Curitiba: une innovation réussie
On estime que le coût mondial des dans le domaine du transport urbain
subventions dans ces quatre secteurs Le système de bus mis en place à d'accroître encore la viahilité du système
(énergie, agriculture, routes et caux) Curitiba, capitale de l'Etat de Parana, au de transport. Cene modification du plan
s'échelonne entre 700 et 900 milliards Brésil, démontre que les moyens de d'occupation des sols s'est traduite par
transpon peuvent ailier autonomie une augmentation de 98 % de la popula-
de dollars par an, les pays de l'OCDE financière, qualité de service et tarifs tion le long des couloirs de bus au cours
absorbant environ les deux tiers de ce modestes. Ce projet a nécessité une des cinq ans qui ont suivi la mise en
total et les autres pays le tiers restant. approche intégrée passant par la modifi- place du système, contre 26 % pour
Dans la zone OCDE, l'agriculture est le cation du plan d'occupation des sols, la l'ensemble de l'agglomération. Les auto-
diversification des services de transport rités som donc parvenues à encourager
secteur le plus subventionné (335 mil- publics, la concentration des construc· la concentration des projets immobiliers
liards de dollars), suivi par le transport tions de logements, la création de voies le long des axes desservis.
routier (de 85 à 200 milliards de dollars). réservées, l'introduction d'une nouveauté Une autre inno\'ation a été la mise en
(les., tubes de préembarquement .. ) et le place de .. tubes de préembarquement lO.
Ailleurs, ce sont les secteurs de l'énergie développement de liens particuliers entre L'un des principaux obstacles à l'accélé~
(de 150 à ZOO milliards de dollars) et de les secteurs public et privé. Pour réussir ration des services de bus est en effet le
l'eau (de 42 à 47 milliards de dollars) ce défi, il fallait impliquet directement temps passé à payer, à monter et à des-
(tableau 5.J). Comme l'indique un rapport les différents acreurs locaux dans le pro- cendre du véhicule. De nombreuses études
cessus de planification. récentes montrent que, dans nombre de
du Conseil de la Terre, ~(Le monde A la base du système se trouve un grandes villes, ces opérations contribuent
dépense des centaines de milliards de dol- réseau de transport à trois niveaux. De autant au ralentissement des bus que les
lars chaque année pour subventionner sa nombreux petits bus quadrillent les zones embouteillages. La nécessité de permettre
les moins peuplées, des couloirs réservés des correspondances sans ralentir la mon-
propre destruction »J. assurent un service rapide et de grande tée ni la descente des voyageurs ajoutait
Supprimer ces subventions permettrait capacité le long des principaux axes et une nouvelle donnée au problème. La
d'économiser des ressources budgétaires et ces deux réseaux SOnt complétés par des ville a trouvé la solution avec la construc~
lignes périphériques qui relient les axes tian de tubes de préembarquemenr qui
d'accroître les économies dans le secteur du service express sans passer par le reprennent le principe des stations de
public, tout en réduisant les atteintes à centre~ville. métro moyennant 1 % environ de leur
l'environnement et les inégalités. Même Le plan d'occupation des sols s'arti- coût. Les usagers paient à l'entrée de la
si ces économies n'étaient pas consacrées à cule autOur de ce réseau de rransport. La station tubulaire; une fois à l'intérieur,
construction de logements à forte den- ils peuvent monter à bord du bus par
l'environnement ou à l'amélioration de la sité de popularion est autorisée à proxi- toutes les portes en même temps.
viabilité à long terme, le développement mité du réseau express, et les densités Ces différentes mesures (modification
progresserait tout de même, du fait de la autorisées diminuent à mesure que l'on du plan d'occupation des sols et de la
s'élOigne du réseau de transport. Une loi construction urbaine, attribution de voies
réduction des atteintes à l'environnement sur le logement adoptée en 1990 a auto~ réservées ct construction de stations
et du passage à des activités moins pol# risé sur les terrains suffisamment desser~ tubulaires) ont conduit depuis plus de
luantes. Dans ce cas, tant la production vis par le réseau de bus la construction deux décennies ~ une hausse d'au moins
de bâtiments dépassant de deux étages la 2,4 % par an du nombre des usagers, alors
que la consommation évolueraient vers hauteur autorisée, moyennant une qu1ailleurs dans le monde la tendance est
des modes écologiquement viables. A titre contribution supplémentaire destinée ~ presque partout ~ la baÎsse. De plus, le
d'illustration, la suppression des subven# alimenter l'agence municipale du loge- système est entièrement autofinancé et
tions concernant l'eau en réduirait la ment de Cuririba. Faisant preuve d'une ne bénéficie d'aucune subvention de
vision à long terme, les autorités avaient l'Etat. La viabilité financière de ce sys·
consommation mondiale de 20 à 30 %, déjà procédé au rachat des terrains bor- tème a permÎs à la ville de sous-traÎter
voire de 50 % dans certaines parties de dant les itinéraires des bus afin que cene son exploitation à des opérateurs privés
l'Asie, cc qui permettrait de réaliser des agence puisse y construire 17 000 unités autorisés à réaliser des bénéfices tout en
de logements sociaux d'une densité de garantissant des tarifs bas et un service
économies, de réduire les déchets et population moyenne à élevée, afin suffisant dans les quartiers défavorisés.
d'encourager la préservation de cette res#
source précieuse, Sources: Rabinovitch et Hoehn, 1995, Rabinovitch et Leitmann, 1993.
Depuis quelques années, on observe
avec satisfaction une tendance à la réduc#
tian des subventions porteuses d'effets per~
TABLEAU 5.1
vers, en particulier dans les pays en déve~
Des subventions pour les secteurs qui nuisent à l'environnement
ioppemenr. Dans ces pays, les subventions (totaux estimatifs, en milliards de dollars par an, moyenne annuelle au
à l'énergie sont passées de plus de 300 mil- début des années quatre-vingt-dix)
liards de dollars au début des années
quatre-vingt-dix à environ ISO-ZOO mil- Secteur Pays de l'OCDE Hors OCDE Total
liards de dollars aujourd'hui, Ainsi, en
Agriculture 335 10' 345
Chine, les subventions concernant le Energie 70-80 150-200 220-280
charbon sont passées de 750 millions Transport routier 85-200 15 100-215
de dollars en 1993 à 250 millions de dol- Eau b 42-47' 42-47
lars en 1995, On estime que la suppression Total 490-615 217-272 710-890'
de toutes les subventions à l'énergie dans a. Y tom pris les subventions sur les intrants et les produits alimentaires, mais hors irrigation.
les pays en développement se traduirait b. Pas de chiffres disponibles. les subventions atteindraient en moyenne 30 à 50 % des
par des gains économiques, environne~ couts totaux.
c. y compris les subventions à l'eau potable et à j'assainissement.
mentaux et sociaux représentant 35 mil- d. Chiffres arrondis.
liards de dollars. Source: de Moor et Calamai, 1997.

QUELLES PRIORITÉS! 105


ENCADRE 5.6 Les subventions concernant les pesti~
Gambie: compléter l'apport calorique pour les mères afin de réduire cides (2 milliards de dollars dans le
les insuffisances pondérales à la naissance et la mortalité infantile monde en développement à la fin des
En Gambie, une ex.périence conduite sur A l'échelle de la planète, plus de 24-
années quatre~vingt) sont également en
cinq ans dans 28 villages a montré qu'un millions d'enfants présentent chaque recul. L'exemple le plus notable est
complément de 1 000 calories par jour au année une insuffisance pondérale à la l'Indonésie, où leur montant est tombé de
régime Quotidien des femmes enceintes, naissance, c'est-;\-dire un poids inférieur 128 millions de dollars (soit 82 % du prix
apporté par le biais d'un biscuit hautement à 2,5 kilos. Bien entendu, la proportion de détail) à zéro depuis le début des
énergétique produit au niveau local, pou~ de nouveau-nés souffrant d'insuffisance
vait réduire de 40 % le nombre des enfants pondérale est plus éle\·ée parmi les popu- années quatrc~vingt~dix.
souffrant d'insuffisance pondérale à la lations les plus démunies, souvent en rai- Et qu'en est~il des taxes? Les écotaxes
naissance et de 50 % les taux de mortina~ son de l'alimentation inadéquate de la et autres formes de fiscalité sont particu-
(alité et de mortalité périnatale. Ces bis- mère, qui limite la croissance du fœtus. lièrement efficaces pour internaliser direc~
cuits, confectionnés à partir d'ingrédients De plus, sachant que l'allaitement
locaux et cuits par deux boulangers de la accroit lui aussi les besoins nutritionnels tement les coûts environnementaux dans
région dans des fours traditionnels en de la mère, l'apport calorique doit êtrc les prix des produits et des services qui les
argile, ont coûté environ 10 dollars par augmenté pour les femmes non seule- génèrent. Elles incitent consommateurs et
personne pour une cure de six mois. ment pendant la grossesse, mais égaIe- producteurs à utiliser les ressources de
Outre ces rEsulrats remarquables, ment durant l'allaitement.
cette étude a permis de réfuter l'idée Les programmes destinés à compléter
manière plus efficiente et plus durable
répandue dans cerrains milieux selon l'alimentation maternelle tels que celui (diagramme 5.l). Elles débouchent égaIe-
laquelle l'amélioration du régime des mis en place en Gambie gagneralenr ment sur des recettes supplémentaires, qui
femmes enceintes conduir à une augmen- donc à être étendus à une périodc allant peuvent être utilisées pour financer des
tation des complications obstétricales à la de 6 mois avant la naissance à 12 mois dépenses utiles à l'environnement ou pour
naissance par le biais d'un accroissement après. Le coût total se monterait alors à
de la taille de la tête des nouveau-nés. En environ JO dollars par naissance. A réduire les prélèvements sur le travail, le
réalité, bien que le poids de l'enfant à la J'échelle mondiale, on pourrait ainsi, capital et l'épargne.
naissance soit supérieur chez les femmes moyennant un budget annuel d'environ Des écotaxes peuvent frapper des pro-
nourries avec ce biscuit, la circonférence 700 millions de dollars, améliorer consi- duits ou des polluants. Les taxes sur les
de la tête n'était que Mgèrement supé- dérablement le niveau nutritionnel des
rieure et aucune augmentation des com- nouvcau-nés et même des enfants. produits sont simplement prélevées sur
plications obstétricales n'a été observée. chaque unité du bien produit, ce qui
incite les consommateurs à acheter
SOU"" UNICEF, 1998. d'autres biens meilleur marché et moins
polluants. En revanche, les taxes à la pol~
lution sont assises sur le volume des émis-
ENCADRE 5.7
sions, ce qui a pour avantage d'inciter les
En route pour la voiture à émissions :zéro producteurs à adopter des techniques plus
propres. Cependant, la surveillance néces~
La première génération d'automobiles l'utilisation intensive des sources d'éner- saire rend ces taxes complexes et coû~
présentant un taux d'émissions nul gie renouvelables afin de produire l'élec- teuses à appliquer. Parmi les autres dispo-
répond à une double préoccupation: tricité ou l'hydrogène nécessaires à leur
d'une part, ta volonté de réduire la pol- fonctionnement. Cette filière a reçu une sitifs, on peut mentionner les systèmes de
lution atmosphérique en ville et ses forte impulsion en 1990 avec la décision consigne qui encouragent producteurs et
effets sur la santé et l'environnement et, du Conseil des ressources en air (Ai,.. consommateurs à faire recycler ou évacuer
d'autre part, la nécessité de limiter les Ressources Boa,..d) de l'Etat de Californie leurs déchets dans des décharges contrô~
émissions de dioxyde de carbone et de- d'introduire progressivement des véhi-
gaz nocifs ayant des retombées à J'échelle cules à émissions téro sur le marché cali-
lées. De nombreux pays recourent à de tels
régionale et mondiale. fomien. La législation actuelle prévoit dispositifs pour les piles, les bouteilles, les
Qu'est-ce qu'un véhicule à émissions que d'ici 2003, ces voitures devront boîtes de conserve et les récipients conte~
zéro? C'est d'abord un véhicule fonc- rep~senter 10 % des ventes de \'éhicules nant des pesticides et autres produits chi~
tionnant à t'électricité et non avec une neufs. Le marché californien est as set miques.
énergie fossile. Encore faut-il savoir d'où vaste pour attirer l'attention des grands
vient cene électticité. Si eltc a été pro- constructeurs automobiles, et les voitures Les écotaxes sont surtout répandues en
duite par une centrale au charbon, elle électriques gagnent actuellement du ter- Europe de l'Ouest. Apparues sous la forme
s'accompagnera d'importantes émissions rain. Le Protocole de Kyoto à la de taxes de recouvrement des coûts dans
de diox)·de de carbone, de méthane, de Convention cadre des Nations unies sur les années soixante et soixante-dix, elles
métaux lourds et de nombreux autres les changements climatiques a donné un
polluants. L'électricité doit donc prove- élan planétaire à ce mouvement'. ont été transformées en incitations fiscales
nir d'une source d'énergie renouvelable Les performances et la rentabilité des dans les années quatre-vingt et quatre-
telle qu'une centrale hydroélectrique, voitures électriques SOnt actuellement vingt-dix. Aujourd'hui, elles sont appli-
une éolienne ou un panneau photovol- entravées par l'utilisation de batteries, quées dans le cadre de réformes visant à
t3i'que. Une autre solution consiste à qui en limitent l'autonomie. Les véhi-
produire l'électriciré à bord du véhicule
protéger l'environnement, ou pour rem~
cules équipés de plléS à combustible,
à l'aide de piles à hydrogène dont le seul aujourd'hui considérées commc le mode placer une partie des taxes induisant des
sous-produit est l'eau. de propulsion idéal, en sont au stade du distorsions (prélèvements sur le travail, le
Pour faire des voitures à émissions prototype er-devraient être commerciali- capital, l'épargne) par des taxes induisant
téta une réalité, il faut d'abord créer un sés 8U Japon, en Europe et aux Etats- des corrections (taxes sur l'énergie, la pol~
marché pour ces véhicules et développer Unis d'ici 5 à 10 ans.
lution, les produits chimiques). Les taxes
Source: Abrahamson et Johansson, 1998. sur l'énergie représentent 5,2 % des
recettes fiscales au sein de l'UE, avec une

106 RAPPORT MONDIAL SCR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1998


pointe à 10 % en Grèce et au Portugal. DiAGRAMME 5 1
Quant aux écotaxes ne portant pas sur De l'importance du prix
l'énergie, elles ne constituaient que 1,5 % Pnx de l'essence il la pompe (en dollar par litre) Consommation annuelle par habitant
des recettes fiscales dans rUE en 1993, (kg éqUivalent pétrole)
mais plus de 4 % au Danemark et 5 % aux 1,20 0,90 0.60 D,3D 0 o 300 600 900 l 2ÇlO
Pays-Bas.
En Norvège, depuis 1991, les taxes sur
'
• • • • Etats-Unis
1
F=:iii~;;:=~=l2:~ ••"
l'énergie ont contribué à réduire de plus Canada
de 20 % les émissions de dioxyde de car- 1
Australie
bone dans certaines branches de l'indus;
1
trie et, au Danemark, elles ont aidé à faire Suisse
passer le taux de recyclage et de réutilisa; 1 1
tion des déchets de 35 % en 1985 à 61 % Suède
[
en 1995. En Suède, pays qui tire 10 % de ••••••••• ~ Allemagne ~;;:OE:;a
ses recettes fiscales de taxes sur l'énergie 1 1
et d'écotaxes, une taxe sur les rejets de • • • • • • • • • •~ Autnche FmE~
dioxyde de soufre a contribué à réduire ces
émissions de 80 % entre 1980 et 1994,
• • •_ . . . . .
1
1
Japoo F:.
1
[

avec six ans d'avance sur la date fixée Sources. ONU, 1997b, OCDE, 1995c.
pour atteindre cct objectif. Les taxes sur
les émissions de dioxyde de carbone sont
toutefois moins efficaces (encadré 5.8).
ENCADRE 5.8
Pour sa part, le Royaume~Uni a intro-
Ecotaxes : succès à la suédoise
duit deux mécanismes: le Fossil Fuel Letl)'
(prélèvement obligatoire sur les combus; Les instruments économiques consti~ ment remplacé l'essence au plomb
tibles fossiles) et le Non-FossiL Fuel tuent depuis longtemps un pan de la en 1994. En revanche, la complexité
Obligation (imposant aux entreprises politique environnementale de la de la fiscalité et la volonté de pré-
d'électricité régionales d'acquérir la pro~ Suède, mais ce n'est qu'à la fin des server la compétitivité internatio~
duction des centrales nucléaires), Le pre~ années quatre-vingt qu'ils ont réalisé nale de l'industrie suédoise ont
mier mécanisme, répercuté sur la facture une véritable percée. La Commission empêché les écotaxes sur le dioxyde
des taxes environnementales, créée de carbone d'avoir l'effet désiré.
d'électricité du consommateur final et ser~
en 1987, a présenté des rapports qui En 1995, les recettes publiques
vant à financer le second dispositif, ont débouché sur l'introduction de provenant des taxes liées à l'énergie
revient donc à subventionner doublement nouvelles écotaxes. En 1997, les et à l'environnement se montaient
les énergies renouvelables. En 1996, taxes et les prélèvements liés à à 5,5 milliards de dollars, soit près
145 millions de dollars ont ainsi été col- l'environnement couvraient un cer~ de 3 % du PIB et plu, de 10 % des
lectés auprès des utilisateurs de combus~ tain nombre de secteurs et d'activi~ recettes fiscales de la Suède.
ribles fossiles et la totalité de ces recettes tés de l'économie suédoise, a\'ec Du point de vue de l'environne~
a été consacrée au développement des notamment une taxe sur le dioxyde ment, l'expérience suédoise des éco-
énergies renouvelables. de soufre et une taxe différentielle taxes est largement positive. Les
sur les carburants dans l'énergie et craintes initiales concernant les coûts
L'Allemagne a mis en œuvre un dispo~
les transports, des taxes sur les administratifs liés à ces taxes se sont
sitif semblable pour réduire les émissions engrais et les pesticides dans le sec- révélées sans fondement, Le princi~
des véhicules et encourager l'utilisation teur agricole et diverses écotaxes pal problème posé par les écoraxes
d'essence sans plomb. A partir de 1985, un telles que des taxes différentielles sur concerne la scène internationale. La
écart de taxation de 0,04 deutsche mark la collecte des déchets. Suède ne peut se permettre d'opter
par litre, porté par la suite à 0,10 deutsche En dépit de certaines difficultés, pour des taxes beaucoup plus élevées
mark, a ainsi été appliqué en faveur de les écotaxes constituent une belle sous peine de provoquer l'exode de
l'essence sans plomb dans l'espoir de réussite. Ainsi, alors que le ses entreprises industrielles, et le fort
modifier le comportement des consomma~ Parlement suédois avait fixé comme taux de chômage enregistré dans le
teurs, Le résultat a été probant et, objectif une réduction de quatre cin~ pays rend cette question sensible sur
quièmes des émissions de dioxyde de le plan politique.
aujourd'hui, le sans plomb représente
soufre (principal responsable des Dans le monde actuel, les pro~
90 % des achats d'essence en Allemagne. pluies acides) enrre 1980 et 2000, le blèmes d'environnement ne se limi~
Ce type de taxes existe également dans pays a atteint cet objectif dès 1994. tent plus à la sphère nationale mais
les pays en développement. La Thaïlande, On estime que l'écot3xe sur (es sont d'ampleur régionale, voire
par exemple, a introduit un écart de taxa~ émissions de dioxyde de soufre est à mondiale. Les résultats positifs obte-
tion au début des années quatreivingt~dix l'origine de 30 % de cette baisse nus en Suède par le biais des éco~
pour encourager le passage à l'essence sans entre L989 et 1995. De même, grâce taxes ne pourront donc perdurer que
plomb et réduire ainsi les effets des émis~ à l'instauration en 1986 de taxes dif~ si ces taxes s'inscrivent dans le cadre
sions de plomb. férentielles sur les carburants, d'accords et de programmes interna~
l'essence sans plomb avait totale~ rionaux,
Parmi les taxes sur la pollution appli~
quées dans le monde en développement, Sou,.ct : Bureau du Rappo,-t mondial su,. le développement humain.
la plus ancienne et la plus connue est la

QUELLES PR[OR[TÉS ? [07


taxe sur les effluents introduite en de dollars ses subventions destinées aux
Malaisie il y a plus de 20 ans. Dans ce réseaux ferroviaires de banlieue, après
pays, la loi de 1974 sur la qualité de avoir privatisé l'exploitation des transports
l'environnement oblige toute entreprise urbains.
générant des effluents à payer une redc#
vance pour être autorisée à effectuer des
rejets dans le réseau d'évacuation public. Définir et faire appliquer une
Cette loi a eu des effets spectaculaires. réglementation et une législation appropriées
Malgré une augmentation de 50 % du
nombre d'usines produisant de l'huile de
palme et l'accroissement régulier de cette Le marché seul ne peut pas tout assumer.
production entre 1980 et 1982, la Une législation sur l'environnement, un
plan d'aménagement du territoire, la pro~
demande biochimique en oxygène, qui
mesure les rejets d'effluents dans le réseau motion des droits des consommateurs et la
réglementation de l'utilisation des sub-
d'évacuation public, est cn effet passée de
Le marché seul 222 tonnes par jour en 1978 à 59 tonnes stances nocives sont aussi nécessaires.
en 1980, 18 tonnes en 1982 et 5 tonnes Lorsque ces types de contrôles et de règle-
ne peut pas ments sont conçus de manière avisée, ils
en 1984. Ce résultat est d'autant plus
tout assumer remarquable que la production d'huile de constituent un cadre propice, et non res~
trictif. Cependant, les institutions doivent
une palme brute a été multipliée par plus de
trois sur l'ensemble de cc ne période. La être équitables et exemptes de corruption,
réglementation compétitivité du secteur de l'huile de
notamment en ce qui concerne les droits
palme, en Malaisie, n'a pas été affectée de propriété foncière, la sécurité d'occu~
est aussi par les inefficiences que comporte cette pation des logements et la fourniture
nécessaire mesure novatrice. d'informations exactes et précises sur les
biens de consommation.
Les taxes et droits d'utilisation offrent
également un vaste potentiel dans les Les mesures autoritaires englobent
transports urbains. Ils peuvent en effet amendes, autorisations, plafonds de rejets
contribuer à lutter contre les embou~ et règlements spécifiques destinés à endi~
teillages et la pollution de l'air et générer guer la pollution. La réglementation revêt
des recettes aptes à financer des améliora~ parfois la forme de normes sur la qualité
tions dans les transports publics. A leur de l'air et de l'eau.
tour, ces améliorations devraient élargir la Les Philippines disposent de normes
gamme des solutions de transport, réduire sur la qualité de l'eau et de l'air qui
les embouteillages, faire économiser du s'appliquent à tous les sites industriels et à
temps, abaisser les coûts des transports toutes les centrales électriques. Le Chili a
publics et, bien souvent, améliorer la adopté une loi cadre qui jette les bases
répartition du revenu. Appliqués à grande d'une amélioration graduelle de la qualité
échelle, les taxes et droits d'utilisation ont de l'environnement. En 1976, la
d'ores et déjà donné de très bons résultats Californie a mis en place un Bureau de
à Singapour. Ils sont maintenant écendus à gestion de la qualité de l'air sur la côte sud
d'autres pays. Ainsi, les péages routiers en (South Coast Air Quality Management
Chine et sur certaines voies encombrées à District) chargé de réglementer la qualité
Singapour commencent à réduire les de l'air dans l'agglomération de Los
embouteillages et à améliorer le recouvre~ Angeles.
ment des coûts. Les Pays~Bas, la Norvège En Malaisie, la loi sur la qualité de
et la Suède ont eux aussi introduit ou l'environnement comprend notamment un
envisagent d'introduire des systèmes de plafonnement des effluents industriels.
péage dans de nombreuses villes afin de D'abord non obligatoire et fixé à 5 000 mg
désengorger le trafic et d'obtenir des par litre, le plafond de rejet est ensuite
recettes pour développer les transports devenu contraignant et a été abaissé à
publics. 200 mg, puis à 100 mg. De son côté, la
Depuis le début des années quatre~ Chine dispose d'un système complexe de
vingt-dix, la participation accrue du sec~ contrats de responsabilité environnemen~
teur privé au financement, à la construc~ tale, passés entre les usines et les autori-
tion et à l'exploitation des transports tés locales, fixant des objectifs de réduc~
publics incite encore plus à diminuer les tion de la pollution.
subventions au secteur routier et à Au Brésil, en 1997, une loi sur la
accroître les droits d'utilisation de l'infra~ délinquance environnementale a été adop~
structure routière. Entre 1993 et 1995, tée en vue de protéger les ressources natu~
l'Argentine a ainsi réduit de 25 millions relies, et en particulier la forêt pluviale

108 RAPPORT MONDIAL SCR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1998


amazonienne. Cette loi prévoit des ENCADRE 5.9
amendes allant jusqu'à 44 millions de dol- Après Kyoto, le défi de Buenos Aires
lars ou une peine de prison de quatre ans
en cas de commerce illégal ou d'cxtermi~ Le Protocole de Kyoco à la des pays en développement ne
Convention cadre des Narions unies devraient pas égaler celles des pays de
nation d'animaux sauvages. sur les changements climatiques est l'Annexe 1 avant la deuxième moitié
Une nouvelle approche, qui suscite un une étape clé sur la longue route vers du XXlc siècle. Qui plus est, les émis~
intérêt croissant depuis quelques années, la mise en place d'une des conditions si ons par habitant sont actuellement
est l'auto~régulation, qui passe par la dir de la viabilité à long terme de la pla~ beaucoup plus faibles dans les pays en
fusion, auprès du public, d'informations nète : la stabilisation des gaz à effet de développement que dans les pays
serre dans l'atmosphère à un niveau industrialisés.
sur la pollution industrielle. Cette
empêchant toute interférence anthro-
méthode peut remplacer, à moindre coût, Existe~t~il un moyen de satisfaire
pique dangereuse avec le système cli~
l'application formelle de la réglementa- aux besoins de développement tout en
matique.
tion. Elle constitue, d'une pan, une invi~ réduisant les émissions! La réponse
Le Protocole de Kyoro, adopté en semble être oui, à condition de faire
tation aux changements de comportement décembre 1997 lors de la Troisième appel à de nouvelles technologies, en
et, d'autre part, une référence pour la réunion de la conférence des parties à particulier pOUT permettre une
réglementation à venir. Un exemple bien la convention, a ajouté dans ce texte meilleure maîtrise de l'énergie et le
l'obligation de réduire les émissions de développement des sources d'énergie
connu est celui du répertoire des rejets
dioxyde de carbone, de méthane. renouvelables. Ces technologies
toxiques (Taxie Release Invenwry), aux d'oxyde d'azote et d'autres puissants
Etats~Unis, qui impose aux entreprises de
contribueront à traiter les problèmes
gaz à effet de serre. L'objectif pour la locaux d'ordre social, économique et
divulguer les quantités de matières première période d'engagement (2008~ environnemental, tels que la pollution
toxiques qu'elles rejettent dans l'environ- 12) est une réduction globale de 5 % atmosphérique domestique et urbaine,
nement. Ce dispositif leur permet de com- des émissions annuelles des pays indus~ la pénurie d'emplois, la santé et
trialisés ( .... pays de l'Annexe 1 .. ) par
parer leurs résultats à ceux d'autres entre~ rapport à leur niveau de 1990.
l'emploi du temps des femmes, ainsi
prises. Elles peuvent aussi mettre en avant que d'autres problèmes liés à la four-
Selon l'angle sous lequel on la niture et à la consommation d'énergie.
de bonnes performances dans la lutte considère, cette réduction de 5 % des Pour satisfaire les besoins de dévelop-
contre la pollution et dans la réduction de émissions de gaz à effet de serre peut pement tOUt en réduisant les émis~
celle-ci pour améliorer leur réputation et sembler bien peu de choses en regard siom, l'accent devra être mis sur les
leur position sur le marché. des 60 à 80 % de réduction nécessaires performances des nouvelles technolo-
pour arteindre les objectifs de la gies concernant l'énergie et les émis~
Dans les pays en développement,
convention, ou apparaître au contraire sions. Bien entendu, cela nécessitera
l'exemple le plus connu est le programme comme une nette amélioration par une coopération et des partenariats à
d'information du public en Indonésie. rapport à l'augmentation de 20 à 30 % l'éche-lle internationale.
Face à une croissance annuelle de 10 % prévue d'ici à l'an 2010 si aucune
des activités de transformation, aux insuf~ mesure n'est prise. L'étape suivante sera peut~être
franchie lors de la Quatrième réunion
fisances dans l'application de la régle~ Certes, la conférence de Kyoro n'a
de la conférence des parties à la
mentation formelle et à l'aggravation des guère obtenu d'avancées sur le plan
technique et quantitatif. Mais elle a convention, qui se tiendra en
dommages causés par la pollution, l'agence néanmoins permis un grand pas en novembre 1998 à Buenos Aires.
nationale indonésienne de lutte contre la avant en faisant reconnaître aux par~ L'accord général sur le développement
pollution a mis en place un programme ticipants qu'il est inacceptable de pro~ de technologies et procédés propres,
pour évaluer et rendre publiques les per~ longer le statu quo et qu'il est temps de les échanges de permis d'émissions
prendre des mesures vigoureuses qui entre les pays de l'Annexe 1 et les
formances écologiques des entreprises. politiques de réduction des émissions
Lancé en juin 1995, ce programme transformeront les économies et les
moyens de production au cours du devront être rendus opérationnels, et
consistait à attribuer une note à chaque siècle prochain. des règles et des procédures devront
pollueur à partir d'une évaluation de ses être établies. Les préparatifs en vue
Une réduction des émissions mon~
performances environnementales. Pendant d'une deuxième période d'engagement
diales de 60 à 80 % par rapport au
pourront alors commencer.
la phase pilote, 187 usines ont ainsi été niveau de 1990 ne pourra être obtenue
évaluées. Cinq seulement étaient en sans une limitation et, à terme, une Les pays industrialisés comme les
conformité avec les normes applicables. diminution des émissions des pays en pays en développement doivent recon~
développement. Ces pays risquent naître les avantages économiques et
Toutes ont alors obtenu un délai de
donc de voir les préoccupations inter- environnementaux que présenrc au
six mois pour améliorer leurs résultats nationales relatives à l'environnement niveau local l'adoption de technolo~
avant qu'ils ne soient rendus publics dans venir entraver leur développement. gies combinant maîtrise de l'énergie et
leur intégralité. A l'issue de cette période, Selon les projections, les é,missions sources d'énergie renouvelables. Ils
lorsque la liste des sites en conformité annuelles des pays en développement doivent également reconnaître que ces
avec les normes nationales a été publiée, devraient rattraper celles des pays de problèmes concernent la planète
l'Annexe 1 vers 2010. Néanmoins, entière, puisque les émissions d'un
la moitié des entreprises avaient amélioré compte tenu de l'importance du phé~ seul pays affectent l'ensemble des
leurs performances. Plus intéressant, l'une nomène d'accumulation dans l'appari~ autres. Une volonté politique forte
des entreprises qui avait d'abord obtenu tian des concentrations atmosphé- sera nécessaire pour fournir le cadre
une note élevée a été rétrogradée dans le riques de polluants, la mesure la plus financier et institutionnel indispen~
classement suite aux protestations de la pertinente est celle des émissions sable à la mise en œuvre réussie des
population vivant à proximité. cumulées. Or les émissions cumulées actions envisagées.
L'évaluation préliminaire de ce pro~ Source: Abrahamson ct ]ohansson, 1998.
gramme indique que les pollueurs indus-

QUELLES PRIORITÉS? 109


ENCADRE 5.10 pollution avec les usines situées dans les
Lutte internationale contre le réchauffement de la planète: environs. Deuxièmement, l'information du
faut~il créer une nouvelle institution? public fonctionne comme une incitation
sur le marché, via la réputation des entre~
En 1992, lors du Sommet de la tetre la qualité de l'air est un bien public,
puisqu'elle affecte chacun de nous, prises: les performances médiocres sont
de Rio, 100 pays Ont accepté
d'envisager l'application d'un traité quelle que soit l'origine de la pollu; sanctionnées tandis que les bonnes sont
destiné à faire reculer la menace du tion, elle ne doit pas être traitée ni récompensées.
réchauffement de la planète en négociée comme un bien privé. Les La réglementation et les interventions
ramenant d'ici 2000 les émissions de biens publics étant généralement sur le marché peuvent se renforcer
gaz à effet de serre des pays indus; fournis en quantité insuffisante par mutuellement. Dans certains cas, la régle~
trialisés à leur niveau de 1990. En le marché, cela déboucherait sur une mentation est nécessaire pour prendre des
dépit- de l'intérêt général qu>elles trop faible réduction des gaz à effet
mesures qui, ultérieurement, pourront être
ont suscité, ces intentions tardent à de serre. De plus, les pays en déve;
relayées par des incitations par les prix.
se concrétiser, non seulement du fait loppement pourraient être amenés à
des incertitudes des scientifiques vendre leurs permis à un prix bas, Dans d'autres cas, on peut tOUt d'abord
concernant l'impact des gaz à effet puis à les racheter par la suite à un introduire des incitations par les prix et,
de serre sur l'atmosphère, mais éga~ prix supérieur, voire se trouver dans par la suite, mettre en place une régie;
lement en raison de désaccords t'incapacité de les racheter. Il pour; mentation pour permettre une mise aux
quant aux méthodes à employer rait donc êtr préférable de recourir normes plus étendue, en particulier une
pour p.arvenir à cette réduction. à l'emprunt et au prêt de droits. fois que l'acceptation par le public appa~
Plusieurs solutions sont en effet rait possible.
envisageables:
Vers une banque de l'environne~
Mise en œuvre conjointe ment- ?
Renforcer les mécanismes de coopération
L'une des méthodes proposées est la Afin de garantir l'efficacité des per~ internationale
mise en œuvre conjointe, qui per- mis négociables (non seulement pour
met aux pays soit d'opérer des réduc- tes émissions mais également pour de
tions à l'intérieurâe leurs frontières, nombreux autres biens publics liés à Les effets des phénomènes environne;
soit de payer pour qu'une réduction l'environnement), certains proposent mentaux - pluies acides, réchauffement
équivalente soit réalisée dans un la création d'une banque intematio~ de la planète, trous dans la couche
autre pays. Des expériences de ce nale chargée des règlements envi~ d'ozone, recul de la biodiversité - sur le
type sont en cours au Mexique ct en 'Tonnementaux. Cette banque feraie
Pologne. Cependant, certains pays patrimoine collectif mondial dépassent les
office dt; chambre de compensation frontières nationales et ne peuvent être
en développement estiment que pour le marché mondial de l'envi~
cette solution constitue pour les traités que par des mesures internatio;
ronnement, mettant les parties en
pays industrialisés une faç.on d'évi- contact en vue des échanges, servant nales. Cependant, les mécanismes de ges~
ter les conséquences d'un problème d'intermédiaire pour les prêts et les tion des affaites publiques à j'échelle
dont ils sont en grande panie res, emprunts et assurant l'intégrité des mondiale ne permettent pas actuellement
ponsables. transactions et leur règlement. EUe d'apporter des solutions à ces questions
pourrait fournir un cadre institu; primordiales. De même que les gouver;
Permis négociables tionnel aux prêts et aux emprunts de nants doivent créer un environnement
L'une des méthodes qui recueillent droits d'émissÎons. Elle pourrait uti~ propice au niveau national, il faut agir au
le plus de suffrages consiste à établir liser comme nantissement les res-; niveau international, au moyen de méca~
des permis négociables permettant sources naturelles de la pLanète nismes nouveaux et à effet rapide.
aux pays de vendre ou d'acheter le (forêts, étendues d'eau et atmo~
droit d'émettre du dioxyde de car~ sphère) pour valoriser ces actifs sans Il existe certains signes de progrès. Les
bone. Cet instrument de marché est les détruire. Elle équilibrerait les accords internationaux de protection de
assurément plus souple que la régIe; positions des petits et des grands l'environnement récemment négociés sous
rnentation contraignante et incite à négociants en offrant un terrain l'égide des Nations unies laissent espérer
développer des technologies plus d'échanges neutre et un proce.ssus que le m'onde peut commencer de s'atta-
propres. Cependant, if nlest pas tau' anonyme permettant à plusieurs quer à ces questions. En voici six
jours approprié de sIen remettre aux petits vendeurs de rencontrer de gros exemples:
seules lois du marché. Sachant que acheteurs.
• Le Protocole de Montréal, adopté en
Source; Chichilnisky, 1997. 1987 et auquel adhètent 165 pays, a
imposé aux pays industrialisés de cesser
progressivement, avant fin 1995, d'utiliser
de nombreux produits chimiques respon~
triels répondent à la réglementation par sables de la diminution de la couche
l'information et ce, pour deux raisons. d'ozone. Les pays en développement béné~
Premièrement, l'information du public ficient d'une aide financière pour satisfaire
donne certains pouvoirs à la population à cette obligation après un moratoire de
locale, qui utilisera les évaluations des 10 ans, mais nombre d'entre eux ont
performances certifiées par l'Etat pour d'ores et déjà fortement réduit leur utili;
négocier des accords de lutte contre la sation de ces produits chimiques. Ces

110 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HL;MAIN 1998


mesures permettront à la couche d'ozone ENCADRE 5.11
de se reconstituer peu à peu et pourraient Planifier la viabilité à long terme de l'environnement au Costa Rica
empêcher l'apparition de 2 millions de cas
de cancers de la peau. Depuis le début des années quatre~ convaincre la population qu'un
vingt, le Costa Rica travaille environnement sain est bon en soi,
• A Kyoto, en décembre 1997, les pays d'arrache'pied à la transformation contribue au bien~être de chacun et
du globe ont pris des mesures pour faire de ses modes de consommation afin favorise le tourisme. En réponse à
face au réchauffement de la planète. lis de rationaliser l'utilisation des res, un programme gouvernemental, la
sont parvenus à un accord qui débouchera sources naturelles et de l'environne~ soc..iété civile a mis sur pied 36
sur une réduction de 5,2 % des émissions ment. comités de vigilance en faveur des
de dioxyde de carbone à l'horizon 2012 En 1996, une loi a interdit l'uti~ ressources naturelles, répattis dans
(encadré 5.9). lisation de l'essence au plomb, ce tout le pays. Ces groupes rassem,
qui a permis de réduire de deux tiers blent plus de 3 000 bénévoles char-
• La toute récente Convention sur la
les rejets de ce métaL Tous les véhi, gés d'inspecrer l'utilisation des res,
lutte contre la désertification est déjà rati~ cules sont désormais soumis à un sources naturelles et le respect des
fiée par plus de 100 pays, ce qui fournit contrôle annuel de leurs émissions, lois environnementales.
un nouveau cadre pour s'attaquer à la les voitures neuves impoItées doi~
désertification et à la sécheresse qui tou~ A la fin des années quatrc,vlngt,
vent être équipées de pots cataly~
chent plus d'un milliard et demi de per~ le Costa Rica a abattu en seulement
tiques et l'industrie est tenue de se
une année 10 millions de mètres
sonnes dans le monde. doter de systèmes de traitement des
cubes de forêt pour une valeur esti~
• Lors de la réunion des parties à la polluants qu'elle produit. L'an der~
mée à 422 millions de dollars. En
nier, sous la pression de l'opinion
Convention de Bâle sur l'interdiction des 1988, les Pays~Bas ont racheté pour
publique, le gouvernement a décidé
déchets dangereux, organisée en 1998 à 5 millions de dollars une partie de
de ferme'r la mine d'or à ciel ouvert
Kuala Lumpur, plus de 100 pays se sont la dette extérieure du Costa Rica,
de la Placer Dome Company en rai~
mis d'accord pour interdire les exportations puis l'ont annutée à la condition que
son de nuisances pour l'environne,
de déchets dangereux vers les pays pauvres. le pays consacre au reboisement une
ment et la population locale.
somme équivalente en monnaie
• La Convention sur le commerce inter~ Des incitations négatives sont
locale. En 1989, la Suède a racheté
national des espèces de faune et de flore également employées, telles que des
dans· un but analogue une autre par~
sauvages menacées d'extinction, adoptée taxes à l'importation plus élevées sur
tie (5,5 millions de dollars) de la
en 1973 et ratifiée depuis lors par 135 les véhicules d'occasion non équipés
dette du Costa Rica. Ces conver~
de pots catalytiques ou des amendes
pays, réglemente le commerce des ani~ sions de créances en investissements
pour les bûcherons se livrant à des
maux sauvages et des espèces végétales. Ce écologiques sont certes utiles, mais
coupes illégales. La liste des cent
commerce est interdit pour plus de 600 elles doivent être conduites à une
entreprises les plus propres du Costa
espèces menacées d'extinction et régle~ échelle beaucoup plus importante.
Rica est publiée chaque année.
men té pour plus de 20 000 espèces ani~ D'autre part, un label vert est En procédant à des conversions
males et végétales pour lesquelles le risque décerné aux stations,service ayant le de ce type et en transformant envi~
est moindre. plus œuvré contre la pollution de ron 25 % de son territoire en zones
• La Convention sur la diversité biolo~ l'air et de l'eau et pour le traitement protégées, le Costa Rica, qui compte
des eaux usées, les mauvais élèves se environ 5 % des espèces végétales ct
gique, issue du Sommet de la terre de Rio,
voyant décerner un carton rouge. animales de la planète, joue un rôle
a aujourd'hui été ratifiée par 172 pays. Elle Le gouvernement et la société précurseur dans la défense de la via~
constitue une étape importante vers la pré~ civile recourent également à des bilité à long terroe de l'environne,
servation de la biodiversité, l'utilisation campagnes publicitaires pour ment.
durable de ses composantes et le partage
équitable des avantages résultant de la mise Source: Crodc:er, Camacho et Rometo. 1997.
en œuvre des ressources génétiques.
Un certain nombre de mécanismes de
marché ont été proposés pour garantir la
viabilité à long terme de l'environnement. des mesures nationales pour faire progres~
C'est le cas des permis de polluer négo- ser la consommation dans les pays pauvres.
ciables dont les pays peuvent se servir Les problèmes récemment observés en
pour acheter et vendre des droits de pol~ Asie du Sud~Est le montrent, tous les pays,
luer (encadré 5.10), ou de la conversion qu'ils soient forts ou faibles, sont vulné~
de créances en investissements écolo~ rables aux phénomènes internationaux
giques (encadré 5.11). dans le monde d'aujourd'hui. En grande
La coordination internationale n'est pas partie pour les mêmes raisons, tous profi~
seulement nécessaire pour les questions teront d'une économie mondiale plus
d'environnement. Les problèmes fonda~ stable, plus dynamique et mieux gérée.
mentaux que sont la pauvreté et les inéga~ Eviter les inégalités criantes est une néces~
lités doivent aussi être traités à ce niveau, sité de premier plan pour parvenir à la sta~
par le biais d'un certain nombre de méca~ bilité et à une meilleure gestion - tant
nismes internationaux. L'action interna~ pour des raisons politiques et humanitaires
tionale constitue un complément essentiel qu'économiques.

QUELLES PRIORITÉS' 111


Cela suppose de reconsidérer les ques- Combiner les instruments
tions liées à la gestion internationale des
affaires publiques.
Tous ces instruments peuvent remodeler le
• Des mesures sont nécessaires pour maî- cadre dans lequel s'opèrent les choix de
triser les poussées spéculatives sur les mar- consommation, de manière à améliorer les
chés financiers. effets de ces choix sur les individus et la
• Des actions sont nécessaires pour renfor- société dans son ensemble, en particulier via
cer le pouvoir de négociation des pays l'environnement. Pour atteindre leur effica~
pauvres et faibles, première étape pour cité maximale, ces instruments doivent être
compenser leur marginalisation persistante intégrés à un ensemble cohérent, en recou-
au sein de l'économie mondiale. Il faut éga- rant à une réglementation soutenue par des
lement prendre des mesures pour encoura- incitations par les prix et en éveillant davan~
ger un meilleur flux des capitaux privés en tage les consciences, via des campagnes
direction des pays les plus pauvres. A d'information. Le Costa Rica montre com~
Éviter les l'heure actuelle, seulement 12 pays se par- ment un pays peut combiner les outils dis-
tagent 80 % de ces mouvements de capi- ponibles (encadré 5.11). Même dans le seul
inégalités taux vers le monde en développement. domaine économique, un large éventai 1
criantes est • Il est urgent d'alléger la dette de la cin- d'outils pour la protection de l'environne-
quantaine de pays à faible revenu et for~ ment est actuellement utilisé, dans les pays
une nécessité tement endettés, qui ont besoin d'un sou~ industrialisés comme dans ceux en dévelop~
de premier plan tien beaucoup plus étendu et beaucoup
plus rapide (encadré 5.12).
pement (tableaux 5.2 et 5.3).
Dans un grand nombre de pays indus~
pour parvenir à • Face à la stagnation, voire à la diminu~ trîalîsés, tout le monde s'accorde
la stabilité et à tion des niveaux d'aide, il faut déployer des aujourd'hui à penser que les mesures
efforts beaucoup plus sérieux pour restruc~ visant à réduire les subventions porteuses
une meilleure turer l'aide au profit des pays les plus néces~ d'effets pervers, à augmenter les prélève~
gestion siteux ainsi que les programmes prioritaires ments et à élaborer des systèmes de taxes
au sein de ces pays. L'OCDE a défini une et de droits d'utilisation, doivent être
série d'objectifs pour aider à réduire de combinées en un ensemble cohérent de
moitié, à l'horizon 2015, la proportion des réformes. Ces changements dans la struc~
personnes vivant dans la pauvreté absolue. ture d'incitation du marché donnent
Le programme 20-20 (qui propose que 20 % d'ores et déjà de bons résultats, notam-
des ressources nationales et 20 % de l'aide ment dans l'innovation technologique.
extérieure servent à couvrir les besoins Ainsi, les taxes à la pollution et la sup-
essentiels des individus), que toutes les par~ pression des subventions au secteur de
ties prenantes au Sommet mondial pour le l'énergie amènent, dans de nombreux cas,
développement social (Copenhague, 1995) à adapter des pots catalytiques sur les
ont été encouragées à appliquer, permet~ véhicules afin de lutter contre les émis-
trait d'accroître nettement le soutien aux sions polluantes. Dans certains pays, ces
services sociaux de base pour tous, mais il mesures conduisent également à utiliser
nécessite un accompagnement beaucoup des technologies fondées sur l'énergie
plus résolu. solaire, par exemple dans les soins de
Depuis quelques années, l'environne~ santé primaires. De même, les taxes sur les
ment économique international se carac~ pesticides encouragent la gestion intégrée
térise par un essor de l'activité et par de et la lutte biologique contre les ravageurs
nouvelles initiatives, en particulier dans des cultures, qui remplacent avantageuse-
les échanges, les mouvements de capitaux ment d'autres pratiques agricoles.
et la libéralisation financière. Nombre de La proposition de réforme la plus ambi~
ces changements sont positifs, mais ils tieuse consiste à faire passer, pour partie,
procèdent avant tout des intérêts écono~ le poids de la fiscalité de l'emploi à la pol-
rniques des pays riches et puissants. Bien lution et aux atteintes à l'environnement.
moindre est l'attention portée aux besoins Bien que cette idée en soit encore à ses
des pays pauvres et faibles, dont les inté~ balbutiements, les premières études sont
rêts sont de plus en plus marginalisés. A prometteuses. Ainsi, une étude de l'OCDE
J'échelle mondiale, les inégalités sont pour la Norvège laisse à penser qu'à
devenues encore plus criantes. recettes égales pour l'Etat, une telle évo-
Il est donc nécessaire d'engager une lution pourrait faire reculer le chômage
réflexion de grande ampleur sur les méca~ d'environ un point de pourcentage tout en
nismes de compensation de ces tendances réduisant de manière substantielle les
inégalitaires à l'échelle planétaire. atteintes à l'environnement. Des études

112 RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 1998


menées en Allemagne et au Royaume~Uni ENCADRE 5.12
indiquent que des mesures bien pensées Dette: deux poids, deux mesures
permettraient de créer au moins un demi~
million d1emplois sur 10 ans, et une L'élaboration d'une solution rapide et pays donateurs, la participation de
durable à la dette écrasance de nom- l'Ethiopie au programme HIPC a été
grande enquête réalisée par IIUnion euro~ breux pays pauvres n'a que trop tardé, encore repoussée en raison de désac-
péenne estime que ces mesures se tradui~ car l'endettement est l'un des princi- cords sur tes mesures nécessaires pour
raient par 4,4 millions d1emplois nouveaux paux obstacles à la poursuite du déve- atteindre les objectifs monétaires et
dans ses Etats membres. loppement humain. L'Initiative en budgétaires.
Si ces initiatives novatrices vont dans faveur des pays pauvres fortemem • Elargissement et accélération de l' allé~
la bonne direction, elles ne sont toutefois endettés (Highl'Ylndebred Poor Counrries gemem de la dette. Les taux de viabilité
Initiative: HIPC), lancée en 1996, a de la dette fixés pour pouvoir bénéficier
ni suffisantes ni suffisamment répandues. d'abord suscité optimisme et espoir. Elle d'un allégement sont trop élevés. Le
Même dans les pays nordiques, où sont constituait en effet une formidable rapport entre la dette en valeur actuelle
menées certaines des expériences les plus avancée vers une solution internatio- et les exportations (200~250 %) doit
intéressante SI les taxes à la pollution et les nale aux problèmes d'endettement des être ramené à 100-150 %, et le rapport
péages sur les voies les plus encombrées ne pays à faible revenu. Les créanciers ont entre le service de la dette et les expor-
représentent qu'environ 7 % des recettes reconnu la nécessité d'établir un seuil tations (20-25 %) doit être abaissé à
de viabilité de la dette et se sont mis 10-15 %.
de llEtat. Les inquiétudes quant aux effets • Etablissement d'un lien entre IlaUége~
d'accord sur une approche globale de la
de la fiscalité sur la compétitivlté com- réduction de la dette couvrant toutes ment de la dette et les stratégies de dive~
promettent une utilisation plus intensive les catégories de dettes et de créanciers. loppement humain. L'allégement accordé
de ces formes d1impôt. Cependant 1 combi~ Mais après deux ans d'avancées dans le cadre du progtamme HIPC doit
nées à la suppression des subventions por~ timides, l'espoir a cédé la place à la être lié à des actions portant sur les
te uses d1effets pervers, à la règle de la neu~ déception dans les pays qui ont tenté de priorités sociales et visant à convertir
bénéficier du programme HIPC. le fardeau de la dette en source de
tralité en termes de recettes, à une mise
Malgré dix années de respect scru- financement du développement humain
en œuvre par étapes et à une coordination puleux des conditions fixées par le f1...1l, et de la réduction de la pauvreté.
au sein des pays industrialisés, les écotaxes l'Ouganda a dO patienter encore un an En 1996, les pays membres du
peuvent être plus acceptables et plus faci~ avant que sa candidature soit retenue, Comité d'aide au développement de
lement applicables. et la Bolivie a été confrontée à un pro- l'OCDE ont défini des objectifs de
blème analogue. développement humain pour 2005 et
La plupart des pays ne bénéficieront 2015. Cependant1 d'immenses lacunes<
d'un allégement de leur dette qu'après devront être comblées en termes de
Des alliances pour une vision l'an 2000. La République-Unie de financement pour que ces objectifs ces~
nouvelle Tanzanie, par exemple, ne devrait pas sent d'être seulement l'expression d'un
remplir les conditions requises avant espoir et se transforment en véritables
2002. En attendant 1 la part de son bud- plans de soutien. L'allégement de la
Susciter ces changements ne sera pas get consacrée à la réduction de la dette dette pourrait y contribuer.
chose facile. Cinq grands groupes est trois fois supérieure à celle concer- Le rééchelonnement ne serait ce
d'acteurs devront agir: nant l'enseignement primaire et neuf que d1une petite partie du remboutse~
fois supérieure à ses dépenses de santé ment de la dette poun:ait permettre des
• les individus et les ménages;
primaire. progrès significatifs en termes de déve~
• les communautés et les ONG Il est indispensable d'accélérer le loppement humain. Les créanciers et les
• les producteurs dans le secteur privé; mouvement. Des mesures rapides doi- débiteurs pourraient s'entendre en vue
• les pouvoirs publics (collectivités vent être prises pour intégrer l'allége- d'utiliser l'allégement accéléré de ta
locales, régions et Etat) ; ment de la dette à une stratégie ambi; dette pour fournir un meilleur soutien
tieuse et coordonnée à l'échelle financier au développement de l'éduca-
• les organisations internationales.
internationale en faveur du développe- tion et de la santé, de l'approvisionne~
Chacun de ces groupes participe déjà à ment humain et de la réduction de la ment en eau et de l'assainissement ainsi
un certain nombre d'actions menées dans pauvreté. Les idées concernant la mise que des programmes d'éradication de la
la plupart des pays du monde. Cependant, en œuvre de cette stratégie méritent pauvreté dans les pays bénéficiant d'un
le résultat est souvent nettement en deçà toute notre attention et doivent donner allégement de leur dette.
de ce qui pourrait être obtenu avec une lieu à un débat. Une volonté politique est néces~
• Adoption de critères d'éligibilité pLus saire pour réta"blir la crédibilité du pro~
plus grande synergie entre les acteurs,
souples et de délais plus couru. Dans le gramme HIPC. Les engagements finan-
combinant la dynamique pour le change~ cadre des dispositions actuelles du pro- ciers requis pour ac.célérer sa mise en
ment née des décisions individuelles et gramme HIPe, les pays doivent app1i~ œuvre ne sont pas irréalisables." En
l'action collective engagée par la société quer deux programmes successifs du 1997, les pays du Groupe des sept ont
civile, par les producteurs et par les pou- FMI, ce qui peut prendre six ans. La réagi à la crise asiatique avec une détet;
voirs publics aux niveaux local 1 national réduction du délai d'éligibilité à trois mination extraordinaire, mobilisant en
et international (d iagramme 5.2). ans permettrait aux pays concernés de quelques mois plus de 100 milliards de
réaliser des progrès plus rapides et d'en dollars de prêts. Cette détermination
La capacité de chaque groupe d'acteurs ressentir plus tôt les effets bénéfiques. est ce qui manque aujourd'hui pour
à imposer un changement reflète son La rigidité des critères imposés devient trouver les 7 milliards de dollars qui
avantage comparatif. Les problèmes mon- manifeste dans le cas de l'Ethiopie. En permettraient de mettre en œuvre
diaux - désertification, réchauffement de dépit d'avancées considérables sur le l'Initiative HIPe dan.s plus de 20 pays
la planète et évacuation des déchets plan macro~économique,saluées par tes d'Afrique.
toxiques - appellent un engagement et Sources: Oxfam International, 1997 et à paraître.
une action à lléchelle internationale. Les

QCELLES PRIORITËS ? 113


ENCADRE 5.13 informations relatives aux entreprises
Le Conseil· des consommateurs du Zimbabwe soient disponibles pour un examen appro~
fondi. Dans le même ordre d'idées, la
Le Conseil des consommateurs du tères de qualité pour être autorisés à société civile est naturellement proche de
Zimbabwe (Consumer Co·uncH of faire de la publicité.
Zimba.bwe : CCZ) es.t une ONG f.inan~ Le CCZ est également parvenu à
la collectivité et donc plus efficace
cée en grande partie par l~Etat qui a lancer des actions sur le plan pratique. lorsqu'il s'agit de mener des campagnes
pour vocation de promouvoir une Aux côtés d'Environ ment 2000, il d'éducation et de sensibilisation du public.
consommation durable tant au niveau veilte au bon_ déroulement du ramas~ Conformément au principe « penser
politique que pratique. En unissant ses sage des ordures ménagères en ville, mondial, agir local », l'action la plus
forces avec le mouvement écologiste encourageant le recyclage, lançant des directe qu'un individu puisse entreprendre
par le biais d'une collaboration avec opérations de nettoyage collectives et
une grande ONG locale, Environmcnt encourageant J'élimÎnation adéquate consiste à modifier ses habitudes de
2000, le CCZ eSt parvenu ·à promou~ des déchets dangereux tels que les consommation, en commençant par gas~
voir", le drOit du conso(Umateur à un seringues usagées. En milieu rural, le piller moins d'énergie et d'eau, recycler ses
environnement sain •. CCZ œuvre en collaboration avec les