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La croissance est doublement problématique, tout d’abord parce qu’elle échappe aujourd’hui largement à de nombreux
pays développés (notamment la France) qui la recherchent désespérément, et parce qu’elle interroge de plus en plus sur
les effets qu’elle produit (ce qui pose la question des limites de notre modèle de croissance).
I – Le concept de croissance
a. Quoi ?
Selon la définition de l’économiste François Perroux, la croissance économique correspond à « l'augmentation soutenue
pendant une ou plusieurs longues périodes d’un indicateur de dimension, pour une nation, le produit global net en
termes réels ».
La croissance économique est donc définie comme l’accroissement durable de la production globale d’une économie.
C’est donc un phénomène quantitatif que l’on peut mesurer à travers l’augmentation de l’agrégat PIB (produit intérieur
brut), et cumulatif (auto-entretenu).
Le critère retenu est celui de la territorialité (Produit intérieur Brut), par opposition au RNB qui retient le critère de
nationalité (Revenu National Brut).
Un point d’histoire : Le PIB est une innovation récente. C'est à partir de 1932 seulement, en pleine crise économique et
à la demande du congrès américain, que Simon Kuznets (1901-1985, économiste et statisticien américain d'origine
russe, lauréat du « Prix Nobel » d'économie en 1971) crée une comptabilité nationale aux États-Unis. Le produit
intérieur brut sera inventé en 1934, avec l’objectif de mesurer l'effet de la Grande Dépression qui sévit sur l'économie
depuis le krach boursier d’octobre 1929. On ne disposait pas à cette époque d'indicateur vraiment synthétique. Kuznets
était dès l'origine conscient des lacunes de cet indicateur, et avait mis en garde contre les risques d'utilisation abusive. «
La mesure du revenu national peut difficilement servir à évaluer le bien-être d'une nation », avertissait-il en 1934 devant
le Congrès américain. Ce qui n'a pas empêché, par la suite, de lui faire tout mesurer !
Dans son discours de réception du prix Nobel d'économie en 1971, Simon Kuznets explique que « la croissance
économique d'un pays peut-être définie comme étant une hausse sur longue période de sa capacité d'offrir à sa
population une gamme sans cesse élargie de biens économiques. Cette capacité croissante est fondée sur le progrès
technique et les ajustements institutionnels et idéologiques qu'elle requiert. Les fruits de la croissance s'étendent par
suite aux autres secteurs de l'économie ».
Pour Paul Samuelson (prix Nobel d’économie, 1970) le PIB constitue « sans doute l’une des grandes inventions du 20ème
siècle, un indicateur phare qui aide les décideurs à orienter l’économie vers les principaux objectifs qui lui sont assignés
». En France, le PIB est apparu après la Seconde Guerre mondiale, en même temps que la comptabilité nationale.
b. Quand ?
La croissance est observable depuis quelques décennies seulement. Pendant des siècles, l’état des économies pouvait
être qualifié de stationnaire (David Ricardo) du fait d’un effet de ciseau1 entre la croissance démographique et les
rendements décroissants de la terre. Malthus dans son célèbre "Essai sur la loi de population" en 1798 l'exprime à sa
manière :
"Un homme qui est né dans un monde déjà possédé, s'il ne lui est pas possible d'obtenir de ses parents les subsistances
qu'il peut justement leur demander, et si la société n'a nul besoin de son travail, n'a aucun droit de réclamer la moindre
part de nourriture, et, en réalité, il est de trop. Au grand banquet de la nature, il n'y a point de couvert vacant pour lui ;
elle lui ordonne de s'en aller, et elle ne tardera pas elle-même à mettre son ordre à exécution, s'il ne peut recourir à la
compassion de quelques convives du banquet. Si ceux-ci se serrent pour lui faire place, d'autres intrus se présentent
aussitôt, réclamant les mêmes faveurs. La nouvelle qu'il y a des aliments pour tous ceux qui arrivent remplit la salle de
nombreux postulants. L'ordre et l'harmonie du festin sont troublés, l'abondance qui régnait précédemment se change
en disette, et la joie des convives est anéantie par le spectacle de la misère et de la pénurie qui sévissent a dans toutes
les parties de la salle, et par les clameurs importunes de ceux qui sont, à juste titre, furieux de ne pas trouver les
aliments qu'on leur avait fait espérer."
Thomas Malthus
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Evolution divergente entre 2 phénomènes
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IV - La problématique de la croissance
L’idée de progrès apparait quant à elle en France à la fin du 18ème siècle (Saint Simon2), elle sera traduite en économie
d’abord par la notion de richesse (La richesse des nations, A. Smith, 1776) et prolongée plus tard par celle de croissance
(variation de la richesse). L’accroissement de la richesse s’impose progressivement comme un objectif central des
économies contemporaines à partir de la révolution industrielle. Il a été rendu possible grâce à l'accès à de nouvelles
ressources minérales (mines profondes) et énergétiques (charbon, pétrole, gaz, puis énergie nucléaire...) ainsi qu'au
progrès technique (machine à vapeur, puis électricité…). La croissance est alors largement portée par l’investissement
en capital.
c. Pourquoi ?
On peut tout d’abord voir dans la croissance une matérialisation du génie humain, de son aptitude à inventer et
innover : l’innovation n’est-elle pas le propre de l’homme ? Créer de nouveaux biens (besoins ?) et de nouveaux services
vise en effet à augmenter le bien-être général, et contribue de ce fait à la croissance. A un niveau plus microéconomique
(sans que ces 2 effets ne soient contradictoires), il y a croissance parce qu’il y a volonté d’enrichissement personnel (à
la fois en termes pécuniaires et de notoriété) : « C'est parce que des gens espèrent devenir milliardaires qu'ils prennent
des risques et que certains peuvent innover, investir et créer ainsi de la richesse supplémentaire (Kenneth Rogoff) ».
A un troisième niveau, la croissance peut aussi être recherchée en tant que régulateur de la violence. Croître c’est aussi
augmenter un gâteau qui autorisera un enrichissement et donc des perspectives de bien-être pour le plus grand
nombre, source d’apaisement au niveau de la société. Ce qu’illustre le terme « théorie du ruissellement3 » (trickle down
economics - Bernard de Mandeville/Adam Smith/Simon Kuznets). A l’opposé, l’histoire a souvent montré que les
périodes de crise (années 30) sont marquées par une montée de la de la violence, de la « rivalité mimétique » et la
recherche de boucs émissaires (René Girard). Comme le dit Edgar Morin : « Nos sociétés, singulièrement depuis la fin de
la guerre, en se fondant sur la croissance économique, avaient conçu celle-ci comme un moyen de régulation de
problèmes et de crises qui auraient éclaté sans la croissance. Ainsi par exemple, le problème de l’inflation, de la
monnaie, du niveau de vie, étaient régulés par la croissance. [...] Or on a fondé la régulation (boucle de rétroaction
négative) sur l’élément le plus déséquilibrant qui soit c’est-à-dire le dynamisme qui est le contraire de la régulation : une
croissance exponentielle, la chose qui évidemment tend vers l’infini et vers l’explosion » (boucle de rétroaction
positive). Censée assurer la convergence, la croissance, selon Edgar Morin, produit le contraire : la divergence.
2
Saint Simon (1760-1825) est considéré comme le penseur de la société industrielle française, il voit dans le début de
l'industrialisation le moteur du progrès social.
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Il n’y a cependant pas de trace qu’une telle théorie existe
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IV - La problématique de la croissance
d. Comment ?
Le taux de croissance est déterminé par la variation du PIB sur un an.
Avec PIB = Somme des valeurs ajoutées (V.A) des différents secteurs institutionnels marchands ou non marchands
La croissance peut être alimentée à court terme par différents « moteurs » dont le plus important - pour nos pays - est
la consommation des ménages (environ 60% pour la France, plus de 65% aux USA, et aujourd’hui près de 50% en Chine).
Le PIB qui mesure la croissance est évalué en € constants (en volume), c’est le PIB déflaté, c'est-à-dire corrigé de l'effet
déformant de l'inflation. Il permet de faire des comparaisons du PIB dans le temps.
d. Concepts liés :
- Croissance et développement : La croissance doit être différenciée du développement qui désigne l’ensemble des
transformations techniques, sociales, démographiques et culturelles induites par la croissance de long terme. Le
développement traduit l’aspect structurel et qualitatif de la croissance. Si la croissance apparaît comme une condition
nécessaire du développement, c’est une condition nécessaire mais pas suffisante (on parle ainsi de "malédiction du
pétrole" pour des pays riches en pétrodollars comme l'Algérie ou le Nigéria).
Dans certains pays africains, la prépondérance des revenus pétroliers pose problème car elle est une incitation forte à la
connivence entre les hommes politiques et les hommes d’affaires producteurs d’hydrocarbures. Cette connivence
entretient ainsi l’opacité et la banalisation de la corruption. Au Nigéria, au Congo Brazzaville et en Guinée-Equatoriale,
pour ne citer que ceux-ci, la gestion des revenus pétroliers est une affaire privée entre les compagnies pétrolières et le
Président. Celui-ci supervise personnellement toutes les transactions financières se rapportant à l’exploitation des
hydrocarbures. Au Cameroun les recettes pétrolières n’ont jamais été budgétisées et en Algérie le Fonds de Régulation
des Recettes, dont les ressources sont estimées à plus de 32 milliards de dollars à la fin 2007, n’est pas intégré au
budget. Par ailleurs, il n’est pas rare en Afrique que les ressources pétrolières soient détournées afin de financer les
régimes autoritaires (Nigeria, Tchad), et d’approfondir des tensions ou des conflits armés (Soudan, Angola, Congo
Brazzaville). Le pétrole se transforme donc en « carburant » alimentant la corruption et les conflits armés avec pour
conséquence une pauvreté endémique, d’où la malédiction pétrolière.
Source : Afrik.com
- Croissance et décroissance : « Celui qui croit qu'une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un
monde fini est soit un fou, soit un économiste » Kenneth Boulding (1910 - 1993), économiste.
Ce modèle économique fondé sur la croissance qui pousse l'individu à consommer toujours plus pose cependant
aujourd’hui de plus en plus de questions sur la finalité (sens) et la finitude (limites) de ce système. Une réflexion
s’engage aujourd’hui sur l’émergence d’un modèle alternatif. Pour les « objecteurs de croissance », voire partisans de la
décroissance, ce nouveau modèle doit remettre radicalement en cause ce postulat du « toujours plus » pour l’adoption
d’un mode de vie et de consommation plus frugal (notion de « sobriété heureuse ») et respectueux de notre
environnement (voir III. Les limites de notre modèle de croissance). Le courant de la « collapsologie » (Pablo Servigne)
incarne aujourd’hui ce mouvement.
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FBCF=Formation Brute de Capital Fixe (=investissement)
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IV - La problématique de la croissance
- Croissance et inégalités : En 1955, le lien entre croissance et inégalités a été traité par Simon Kuznets sur la base des
éléments disponibles à l'époque. Dans un premier temps, la croissance économique tend à aggraver les inégalités, mais
au-delà d'un certain seuil, la tendance s'inverse pour aboutir à une meilleure distribution des revenus. Cette évolution
est expliquée par le passage d'une économie rurale à faible productivité à une économie industrielle à forte
productivité. Ces changements dans la structure de l'outil productif sont, dans un premier temps, uniquement
profitables à une faible fraction de la population, d'où des salaires élevés, puis au fur et à mesure de la conversion de
l'outil productif, une fraction croissante de la population voit leurs salaires progresser. On assiste alors à une réduction
des inégalités. On peut donc en tirer deux enseignements :
- l'hypothèse de Kuznets conduit donc à une réduction des inégalités sur le long terme.
- elle n'exclut pas une phase d'inégalités "nécessaires" avant d'aboutir à une société plus égalitaire (théorie du
ruissellement de la richesse).
Assiste-t-on aujourd’hui à une nouvelle phase ascendante de la courbe de Kutznets pour les pays « riches » ? C’est
l’objet d’un des derniers livres de Thomas Piketty (Le capital au 21 ème siècle). C’est aussi le point de vue de beaucoup
d’économistes qui annoncent rien de moins que « la disparition de la classe moyenne ».
- Croissance et bonheur : « Il ne suffit pas d'être heureux. Encore faut-il que les autres soient malheureux » : Pierre
Desproges.
Richard Easterlin (1926, ) est un économiste américain, théoricien de l'économie du bien-être. Il est à l’origine du
paradoxe qui porte son nom (paradoxe d'Easterlin ou paradoxe du bonheur), selon lequel la mesure du développement
de l'économie d'une société par le biais de l'évolution du produit intérieur brut (PIB) n'est pas pertinente. En 1974, il
publie un article dans lequel il montre, entre autres résultats, que malgré l’augmentation des revenus d’environ 60%
entre 1946 et 1970 aux Etats-Unis, les personnes ne sont pas plus heureuses. Plus précisément, Richard Easterlin a mis
en évidence le fait qu'une fois qu'une société a atteint un certain seuil de richesse, la poursuite de son développement
économique est sans influence sur l'évolution du bien-être moyen de sa population. Ou du moins, l'effet n'a cours que
sur une partie seulement de cette population.
L'indicateur du bonheur intérieur net (BIN), institué par le magazine économique français L'Expansion et un think tank
canadien, se veut la traduction statistique des travaux de Richard Easterlin.
En 2010, l'économiste Angus Deaton (prix « Nobel » d’économie 2015) avait également montré que l'argent faisait le
bonheur….. mais pas au-delà de 75 000 dollars par an. « Peut-être que 75 000 dollars est un seuil au-delà duquel des
hausses de revenus n'améliorent plus la capacité des individus à faire ce qui compte le plus pour leur bien-être
émotionnel, comme de passer du temps avec ceux qui leur sont chers, éviter la douleur et la maladie, et profiter de
leurs loisirs ».
Bonheur et croissance économique
Dans la théorie économique traditionnelle, davantage de croissance, c’est davantage de bien-être matériel et donc
davantage de bonheur. Or, les recherches sur la relation entre revenu et bonheur montrent que ce n’est pas forcément
vrai. D’abord, que ce soit entre pays ou à l’intérieur des pays, la relation entre bonheur et revenu paraît curvilinéaire :
l’augmentation du revenu, lorsque le revenu est faible, aide à l’amélioration du bonheur, puis, à partir d’un seuil qui
varie selon les études, l’augmentation du revenu n’a plus d’incidence sur le bonheur. Ensuite, dans les pays riches, la
croissance économique n’a pas permis une augmentation du bonheur.
Pour expliquer ce phénomène, les économistes du bonheur utilisent les arguments de la comparaison sociale et de
l’adaptation. La comparaison sociale est ici le fait de comparer ses revenus aux revenus des autres. L’adaptation est ici le
fait que les augmentations de revenus n’accroissent pas durablement le niveau de bonheur.
1. Les gains de productivité : La productivité mesure l’aptitude d’une organisation à améliorer l’efficacité de ses
facteurs de production, et en particulier le travail.
Le compromis fordien5 : A partir de la seconde révolution industrielle (électricité, moteur à explosion), une partie des
gains de productivité va être progressivement redistribuée aux salariés, donnant ainsi naissance à la société de
consommation, d’abord aux USA dès les années 20, puis en Europe à partir des années 50. L’interaction gains de
productivité – gains de pouvoir d’achat a ainsi alimenté la croissance pendant les « 30 glorieuses ». Si ce compromis
fordien gagne aujourd’hui les pays émergents comme la Chine6 et de nombreux pays émergents (Maroc), les pays les
plus développés s’en sont éloignés. La boucle de rétroaction positive (croissance - gains de pouvoir d’achat - croissance)
a cessé de tirer la croissance dès la fin des années 70, accentuant encore son ralentissement. On attribue ce dernier à un
essoufflement (certains parlent même d’épuisement) des gains de productivité, et ce en dépit des innovations de ces 3
dernières décennies (TIC notamment).
Définition du progrès technique : Il désigne le processus général de perfectionnement des méthodes et des moyens de
production destinés à améliorer la productivité et le bien-être, en réduisant de plus en plus en plus l’effort humain. C’est
donc un cas particulier d’innovation (de procédé). Sans précision supplémentaire, innovation et progrès technique sont
souvent considérés comme synonymes.
La technologie a un sens plus large : C’est un ensemble de connaissances, de méthodes et de techniques autour de
réalisations industrielles formant un tout cohérent.
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Selon l’expression de l’école de la régulation
6
Au risque de favoriser dans certains secteurs des délocalisations et implantations dans des pays voisins (Vietnam, Birmanie ?) ou
de relocalisation (USA pour Foxconn).
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IV - La problématique de la croissance
Longtemps considéré comme un résidu largement inexpliqué (paradoxe de Solow, 1956), le progrès technique s’est
imposé à partir de la seconde moitié du 20ème siècle comme un déterminant essentiel de la croissance, et des
performances de l’économie :
- L’innovation donne en effet naissance à de nouvelles technologies et à de nouveaux produits qui aident à répondre
à de nouveaux besoins en matière par exemple de santé ou d’environnement.
- L’innovation stimule la productivité, crée des emplois et contribue à améliorer la qualité de vie des citoyens.
- L’innovation, de plus en plus immatérielle, jette les bases d’un nouveau capitalisme dit cognitif (économie de la
connaissance).
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Y compris pour les PVD à travers le microcrédit
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IV - La problématique de la croissance
Il est étonnant de constater que cet argument de bon sens est rarement évoqué, pour quelles raisons ?
D’abord parce que « l’addiction » à la croissance fait qu’elle reste l’objectif prioritaire recherché par tous les pays en mal
de croissance. Ensuite parce qu’admettre que nous serions entrés en situation « d’accroissance » durable (stagnation
séculaire) pose implicitement une autre question (éminemment politique), celle des risques de conflits de répartition
liés à cette absence de croissance (cf. Pourquoi la croissance ?).
Le futur premier ministre Li Keqiang, qui vient d'être promu numéro deux du régime, a souligné l'impératif de poursuite
des réformes économiques pour donner plus de place au marché et redistribuer les richesses, ont rapporté vendredi les
médias chinois.
"Il faut donner à la société et au marché ce qui relève de la société et du marché : voilà le sens des réformes", a lancé M.
Li lors d'une conférence réunissant les responsables de 11 provinces et municipalités où de nouvelles réformes doivent
être expérimentées. "Il faut aller de l'avant, il n'est pas possible de battre en retraite", a souligné l'actuel vice-premier
ministre, successeur désigné de M. Wen Jiabao.
Futur chef du gouvernement, M. Li, qui prendra ses fonctions en mars 2013, a mis en avant la nécessité que les
réformes bénéficient à la population, réitérant l'objectif de parvenir en 2020 à une "société de moyenne aisance" arrêté
lors du 18e congrès du Parti communiste chinois (PCC) conclu la semaine dernière.
"Il faut (...) faire évoluer le rôle du gouvernement, bien gérer les relations entre le gouvernement et le marché, pour
donner au second un rôle plus fondamental dans la répartition des ressources", a encore déclaré M. Li. Les entreprises
d'Etat occupent encore un rôle dominant dans de nombreux secteurs-clés de l'économie comme l'industrie lourde, les
transports, l'énergie, les télécommunications ou la finance, mais la plupart des emplois sont créés dans le secteur privé.
M. Li a aussi dénoncé les passe-droits qui caractérisent l'économie chinoise alors que la population se plaint des
privilèges des cadres et d'une corruption endémique.
Indicateur synthétique de confiance des ménages en France : En mai 2020, dans un contexte qui reste marqué par la
crise sanitaire, la confiance des ménages dans la situation économique baisse de nouveau, bien que nettement moins
que le mois précédent : l’indicateur qui la synthétise perd 2 points (après – 8 points en avril). À 93, il reste en-dessous de
sa moyenne de longue période (100).
Au-delà des enquêtes d’opinion, la confiance fait également l’objet de travaux de la part d’universitaires. G. Akerlof (prix
Nobel 2001 avec J. Stiglitz) propose de l’introduire comme facteur de production à part entière à côté du capital
humain. Dans la lignée de Keynes, Akerlof considère que l’investissement est un pari sur l’avenir, un état d’esprit par
lequel l’investisseur affiche sa foi dans son destin et dans l’avenir. De même, F. Fukuyama (1994) a avancé la thèse selon
laquelle la confiance entre acteurs économiques est un facteur fondamental de performance. Il considère que la France
est un pays à faible confiance et l’Allemagne un pays à forte confiance. De même, Kenneth Arrow ("Nobel" 1972) a écrit
en 1992 : "Tout échange, toute activité économique nécessite une relation de confiance de telle sorte que l'ensemble
du retard économique d'un pays peut s'expliquer par les relations de défiance".
2
Relation 1 : La richesse créée (croissance) dépend certes de la variable démographique (« Il n’est de richesses que
d’hommes » pour reprendre l’expression de Jean Bodin), mais quelle est la nature de la relation (boucle positive ou
négative) ? On peut penser intuitivement que la croissance économique est d’autant plus forte que la population croît.
Mais il existe de nombreux contrexemples : Si la croissance démographique est trop forte et durablement supérieure à
la croissance économique, le pays s’appauvrit (cas de nombreux pays en développement). De même, le vieillissement
démographique peut influencer positivement la croissance économique à court terme (augmentation du PIB/tête),
même si c’est beaucoup moins vrai sur le long terme (cas du Japon).
Relation 2 : L’évolution de la population (sur les plans quantitatif et qualitatif) dépend également de la croissance
accumulée. Il n’est cependant pas certain que plus de croissance se traduise nécessairement par une augmentation de
la population. L’élévation du niveau de vie conduit généralement à une urbanisation des sociétés, un meilleur accès à
l’éducation (notamment pour les filles) et à une baisse de la fécondité (cf. transition démographique).
La relation démographie-croissance est donc plus complexe qu’il n’y parait.
La priorité que l’on donne à l’interaction croissance démographique - croissance économique continue d’opposer
aujourd’hui populationnistes et malthusiens.
Pour Malthus, l’accroissement excessif de la population peut avoir un impact négatif sur la croissance à terme, car il se
heurte aux rendements décroissants (les nouvelles terres sont généralement moins fertiles), il doit être découragé.
Rappel de la loi de Malthus : La croissance démographique suit une progression géométrique (1, 2, 4, 8, 16, etc.) alors
que les ressources progressent selon une progression seulement arithmétique (1, 2, 3, 4, 5, etc.).
Dans les années 60, face à l’explosion démographique du tiers-monde, de nombreux PVD ont mis en place des
politiques anti-natalistes dites malthusiennes (Chine, Inde, Afrique subsaharienne notamment) : Planning familial,
politique de l’enfant unique, etc. Ce qui a permis de lutter contre la divergence naturelle du système (le + entraîne le +).
A contrario, comme l’illustre aujourd’hui la situation en Chine, la divergence peut également jouer dans l’autre sens (le
– entraîne le -), au point que certains économistes prédisent que le" pays risque d’être vieux avant d’être riche" !
Cette thèse a été largement contestée dès le 19ème siècle : « Le seul homme excédentaire sur terre, c’est Malthus lui-
même » (Pierre-Joseph Proudhon), ainsi que pendant l’entre deux guerres avec la crise démographique en Europe.
Enfin sur longue période, on a constaté que la forte croissance de la population mondiale depuis le 19 ème siècle n’a pas
empêché une croissance également forte de la richesse créée (Ex : 5% de croissance économique en moyenne en 2008
pour une population de 6,5 milliards d’habitants). Mieux, elle l’a nourrie. La croissance démographique peut donc bien
Tous les pays ne sont cependant pas encore concernés par cette transition démographique, et selon le rapport de l’ONU
de 2005, la population mondiale devrait continuer à croître à un rythme soutenu, en particulier pour les pays pauvres
(pour lesquels la population devrait passer de 5,3 à 7,8 milliards d'habitants d'ici à 2050). Dans les années 1990, l’ONU
annonçait un chiffre encore supérieur : entre 11 et 15 milliards d’habitants à l’horizon 2100.
A l’inverse, certains pays sont menacés par le vieillissement de leur population : Russie, Europe (Allemagne, Italie
notamment), Chine, et plus encore Japon. Dans ce cas, l’immigration peut également être un levier pour augmenter la
population (notamment active), en cas de pénurie de main d’œuvre dans certains secteurs économiques. Pour faire face
à cette pénurie dans certains secteurs clefs de l’économie, Berlin a récemment décidé d'alléger les démarches
administratives pour certains travailleurs étrangers (secteur des machines-outils, ingénieurs en automobile, électriciens
Se pose aujourd’hui également la question de la prise en compte de nouvelles activités liées à la nouvelle économie et à
l’Ubérisation de la société. Ce néologisme est généralement utilisé pour désigner le phénomène par lequel une start-up
ou un nouveau modèle économique lié à l'économie digitale (application à partir d’un smartphone) peut créer de
nouvelles sources de valeur, mais aussi remettre en cause les modèles traditionnels de l'économie. On parle dans ce cas
d’économie collaborative, ou de partage (BlablaCar). Ces nouvelles activités échappent en partie aux outils de mesure
de la comptabilité nationale, conduisant sans doute à une sous-estimation de la richesse créée.
Quelle prise en compte des services publics ? En France, le PIB non marchand est presque exclusivement le fait des
administrations publiques (sécurité, justice, santé, enseignement). La question de savoir quelle est la valeur créée par
les services publics est délicate, car à la différence d’une entreprise, la création de valeur par une administration
publique ne se retrouvera ni à son bilan ni à son compte d’exploitation. Pour surmonter cette difficulté d'évaluation et
par convention, le PIB non marchand est pris en compte (seulement depuis 1976) à son coût de production (c’est-à-dire
- A l’opposé, les tenants de la "soutenabilité forte" adoptent une approche beaucoup plus prudente vis-à-vis de la
technologie. Selon ses partisans (Nicholas Georgescu-Roegen, René Passet ou Serge Latouche en France) l’approche de
la soutenabilité forte considère que le capital environnemental est constitué d’éléments fondamentaux qui ne sauraient
faire l’objet d’une substitution technologique satisfaisante. L’eau que nous buvons, l’air que nous respirons, les grands
équilibres naturels, biogéochimiques et climatiques, tous ces biens communs de l’humanité ne peuvent être remplacés
car ils conditionnent largement les conditions de survie des générations présentes et futures. Ils doivent donc être
préservés. C’est au système économique de s’adapter, et de remettre en cause son propre modèle de croissance,
insoutenable sur le long terme. Les défenseurs de la soutenabilité forte considèrent qu’il est urgent de réduire notre
empreinte écologique et notre dette écologique par des changements radicaux dans nos comportements individuels et
collectifs : consommer moins (et mieux), éviter les gaspillages, refuser le superflu, recycler (économie circulaire),
mutualiser les services (économie de la fonctionnalité, économie collaborative ou de partage), favoriser les
productions de proximité et la relocalisation, etc.
Culture économique – M1 – Jaunet Philippe – octobre 2020 Page 16
IV - La problématique de la croissance
À partir de ce samedi 22 août, l'humanité aura consommé plus de ressources naturelles que la Terre peut renouveler en
12 mois. C'est le symbolique "jour du dépassement", qui recule pour une fois cette année, sous l'effet de la pandémie de
Covid-19. Un temps gagné qui n'est pas pour autant synonyme de bonne nouvelle, avertissent ses promoteurs.
Chaque année, l'humanité creuse un peu plus sa dette écologique. Elle aura pour date en 2020 le 22 août. Ce "jour du
dépassement", ou "overshoot day" en anglais, est calculé depuis 2003 par l'ONG américaine Global Footprint
Network. Il a pour but d'illustrer la consommation toujours plus rapide d'une population humaine en expansion sur
une planète limitée. Pour le dire de façon imagée, il faudrait cette année 1,6 Terre pour subvenir aux besoins de la
population mondiale de façon durable.
La date est calculée en croisant l'empreinte écologique des activités humaines (surfaces terrestre et maritime
nécessaires pour produire les ressources consommées et pour absorber les déchets de la population) et la
"biocapacité" de la Terre (capacité des écosystèmes à se régénérer et à absorber les déchets produits par l'Homme,
notamment la séquestration du CO2).
Les comportements que le "jour du dépassement" met en cause et leurs conséquences sont de fait largement
documentés par les scientifiques, du dérèglement climatique à la disparition catastrophique des espèces et des
écosystèmes. Quant au cas particulier de la France, la branche française de l'ONG WWF avait indiqué dans un rapport
en 2018 que le "jour du dépassement" français calculé par Global Fooprint Network tombait cette année-là le 5 mai.
Autrement dit, il faudrait 2,9 Terre si toute l'humanité vivait comme les Français. « Depuis 1961, la France aurait
accumulé l'équivalent de plus de 33 années de dette écologique sans avoir réussi encore à marquer de progression
majeure et à la hauteur dans sa transition pour améliorer la date du Jour de dépassement et sa dette écologique »,
peut-on lire dans le document qui n'a pas été mis à jour depuis.
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IV - La problématique de la croissance
Les derniers rapports des experts de l'ONU identifient clairement les directions à suivre : réduction des émissions de
gaz à effet de serre, sortie des énergies fossiles, changement drastique du modèle de production agro -alimentaire...
Car pour tenir les objectifs de l'accord de Paris de 2015 et maintenir l'élévation globale de la
température « nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, et si possible à 1,5°C, les
émissions de gaz à effet de serre devraient baisser de 7,6% annuellement », selon l'ONU.
Or, selon une étude publiée début août par la revue Nature Climate Change, la chute sans précédent des émissions
de gaz à effet de serre pendant les confinements dus au Covid-19 (qui pourrait atteindre 8% selon cette étude, plus
de 10% selon Global Footprint) ne servira à « rien » pour ralentir le réchauffement climatique, en l'absence d'un
changement systémique en matière d'énergie et d'alimentation. Global Footprint Network insiste sur ce point,
notamment via la campagne #movethedate (faire reculer la date), assurant que réduire de 50% les émissions de CO2
issues de la combustion d'énergies fossiles permettrait de repousser le dépassement de plus de 90 jours, ou diviser
par deux la consommation de protéines animales de 15 jours.
Marco Lambertini directeur général du WWF, partenaire de l'événement depuis 2007, veut espérer qu'après le Covid-
19, et les réflexions qu'il a déclenché sur les modèles de société, les humains sauront « tirer des leçons de ce que
cette pandémie a mis en lumière : la relation non-soutenable, de gaspillage et destructrice que nous entretenons avec
la nature, la planète ».
Décroissance choisie : Les conclusions pessimistes du club de Rome (rapport Meadows, 1972) s'appuient largement sur
les travaux de N. Georgescu-Roegen sur la décroissance (La loi de l'entropie et le processus économique, 1971). Pour
cet économiste disciple de J. Schumpeter, le développement des sociétés humaines ne peut être dissocié des lois de la
nature (notion de bioéconomie), il reprend à son compte la loi d’entropie de Clausius (loi de la dégradation), et conçoit
le processus économique comme un système ouvert en interaction forte avec son environnement. Le dogme de la
société industrielle occidentale d'une croissance illimitée est un mythe (« il n’y a pas de croissance infinie dans un
monde fini ») à la source de la crise écologique actuelle. Pour N. Georgescu-Roegen, il faut donc entreprendre une
refonte radicale de notre conception de la croissance économique, afin d'intégrer le "métabolisme global" de l'humanité
dans l'environnement limité de notre planète Terre. L'économiste américain Herman Daly (né en 1938, ancien élève de
Georgescu-Roegen) va plus loin que son maître, en plaidant pour un retour à "l'état stationnaire" comme alternative à
la croissance. C’est aussi le point de vue défendu par les collapsologues.
Décroissance subie : Selon l’économiste Larry Summers, les économies développées sont tombées, après la Grande
Récession de 2008-2010, dans une phase de stagnation séculaire (Alvin Hansen, 1938). La moindre croissance
démographique, la baisse rapide du prix des biens des nouvelles technologies, l’essoufflement du progrès technique et
l’absence d’innovations majeures sont souvent évoqués pour justifier une moindre accumulation de capital. À cela
s’ajoute une demande structurellement faible, en raison notamment du vieillissement, de l’accroissement des inégalités
de revenus et d’une tendance croissante des entreprises à investir moins que ce que leurs profits ne le permettraient.
Cette thèse de la stagnation séculaire se prolonge dans la baisse notable des taux d’intérêt à long terme, qui traduit une
tendance à la baisse des anticipations de croissance future des investisseurs.
Ces propos sont confirmés par l’économiste américain Robert J. Gordon. En identifiant six « vents contraires » qui
amoindriraient considérablement les effets du progrès technique (plafond atteint par les gains en éducation,
vieillissement des populations, crises énergétique et environnementale, hausse de l’endettement des ménages et des
États, hausse des inégalités), l’auteur estime que la croissance devrait ralentir à un rythme annuel de 0,2 % d’ici l’an
2100.
« La deuxième révolution technologique a, de loin, été celle qui a permis les plus importants gains de productivité en plus
de 80 ans. Mais plusieurs de ces innovations ne pouvaient se produire qu’une fois, telles que l’urbanisation, l’accélération
des transports et la libération des femmes de la corvée d’aller chercher l’eau. En dépit de ce qu’on se plaît à croire, les
retombées de la troisième révolution – celle de l’informatique et des technologies de l’information – ont été beaucoup
plus modestes et semblent devoir le rester ».
Si cette thèse selon laquelle la crise de l’innovation est à l’origine du déclin économique des pays occidentaux est
également partagée par le prix Nobel d’économie 2006 Edmund Phelps, elle ne fait cependant pas l’unanimité parmi les
économistes.
Le contre G7 qui se tient ces jours-ci à Hendaye propose de remettre en cause notre course effrénée à la croissance
économique et même d’en finir avec le capitalisme. Ce thème de la décroissance revient régulièrement dans le débat
public mais qu’est-ce cela veut dire ? Quelles seraient les conséquences concrètes sur notre mode de vie ?
Le monde est-il à l’aube d’une récession durable ? Depuis quelques semaines, les principales bourses mondiales
pâlissent, la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine bat son plein et l’Europe voit son marché unique
ébranlé par un Brexit qui n’en finit plus, une Italie en panne et une Allemagne qui interroge. Les spécialistes présagent
de mauvais temps pour la croissance...
Mais la question de la croissance économique ne se pose pas uniquement à court terme, sous l’effet d’une conjoncture
capricieuse. Des économistes alertent sur l’affaissement durable de la croissance, et ce, bien avant l’arrivée de Trump
ou du référendum sur le Brexit. Le charbon, l’électricité ou la reconstruction post-guerre avaient créé un boom
économique. La révolution numérique tant annoncée peine à jouer le même rôle que l’électricité ou le charbon.