Vous êtes sur la page 1sur 61

Croissance et développement : Histoire, théories et perspectives

ACCROCHE :
Kenneth E. Boulding « Celui qui croit qu’une croissance exponentielle peut continuer
indéfiniment dans un monde fini est soit un fou soit un économiste »
Si l’économiste a longtemps été optimiste quant à la croissance, Boulding pose le caractère
utopique de cette vision endogène de la croissance : elle repose sur des facteurs de production qui
sont en nombre fini (ressources naturelles). Il apparaît alors impossible de penser une croissance
infinie.
DÉFINITIONS :
Croissance (F. Perroux, 1961, L’économie au 20ème siècle) : « une augmentation soutenue
pendant une ou plusieurs longues périodes d’un indicateur de dimension, pour une nation le
produit global net en termes réels ».
- La croissance est un phénomène de LT qui peut connaître des évolutions conjoncturelles.
- La croissance se mesure à travers la variation de volume (en termes réels) et non pas à travers
des agrégats monétaires. RQ : les variations des prix ≠ variation de la croissance (Venezuela
avec l’hyperinflation).
- La croissance est à distinguer de tout phénomène qualitatif (répartition de la VA,
développement…)
CONTEXTUALISATION :
Habermas (La technique et la science comme idéologie, 1973) « le capitalisme est le premier
mode de production dans l’histoire universelle à avoir institutionnalisé la croissance
économique ». La croissance est indissociable du capitalisme.
Angus Maddison (L’économie mondiale : une perspective millénaire, 2001) distingue différentes
périodes de croissance. Si l’économie connait des épisodes de croissance extensive avant le
18ème siècle (en Chine sous la dynastie Song) ce n’est qu’avec la RI qu’apparaît une croissance
intensive.
• 1820-1870 : l’Europe comme locomotive de la croissance mondiale (RI)
• 1870-1913 : Accélération de la croissance mondiale (latecomers s’industrialisent)
• 1913-1950 : ralentissement du taux de croissance (WW1 et 2, crise éco 29 annulent les gains de
productivité de l’OST)
• 1950-1973 : les 30G et l’âge d’or de la croissance avec des TCAM de l’ordre de 5% en France,
10% au Japon, 3,5% aux USA
• 1973-2000 : période de retour à la normale (2-3% de TCAM). La croissance a baissé
comparativement aux 30G mais reste positive.
RQ : la domination économique occidentale est relativement récente à l’échelle de l’histoire
puisqu’en 1000 le revenu/hab en Europe = 400dollars contre 416 en Afrique et 450 en Asie.
PROBLÉMATISATION :
• Est-ce que ce phénomène qu’est la croissance économique (vieux de plus de 200ans)
peut continuer à perdurer?
• Est-ce souhaitable? Quelle est l’utilité sociale de la croissance?
• Pourquoi cherche-t-on absolument à renouer avec la croissance?
• Est-ce que tous les efforts déployés (par les populations, les entreprises et les États) au
nom de la croissance peuvent réellement payer? Est-ce que le jeu de la croissance en
vaut la chandelle?

Page 1 sur 61
I. Modéliser la croissance : quels modèles pour quelles perspectives?
Quelles conclusions peut-on tirer selon les différents modèles de croissance?
A. La croissance chez les classiques :
Remarque : chez les classiques ce ne sont pas des modèles de croissance à proprement parler.
b) Adam Smith et l’étendue des marchés :
Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776. La croissance provient de
la DDT qui augmente la productivité du travail. Or, la DDT est indissociable de l’accumulation du
capital (cercle vertueux). La figure centrale chez Smith est alors cette de l’homme frugal qui
épargne et accumule du capital. « Il n’hésite pas à nommer le dissipateur un fléau public et ou
homme frugal et rangé un bienfaiteur de la société » (J-B Say, Traité d’économie politique, 1803).
A priori, la croissance peut être infinie.
Mais Smith souligne la limite de son propre raisonnement : l’extension de la taille du marché.
« Puisque c’est la faculté d’échange qui donne lieu à la DDT, l’accroissement de cette division doit
être toujours limitée par l’étendue de la faculté d’échanger càd par l’étendue des marchés »1.
Il est également conscient que croissance reposant sur DDT ≠ développement (« un homme qui
passe tout sa vie à remplir une suite d’opérations simples n’a pas l’occasion de développer son
intelligence ».
b) Ricardo : une vision pessimiste de la croissance :
Principes d’économie politique et de l’impôt, 1817.
La croissance provient de l’accumulation du capital càd du réinvestissement du profit (d’où sa
définition de l’économie comme science analysant la répartition des revenus). Toute croissance
est donc limitée par l’évolution du profit, or chez lui, le profit est un revenu résiduel que le
capitaliste obtient après déduction de la rente et des salaires. Comment en arrive-t-il à théoriser
l’état stationnaire?
Il distingue biens économiques (reproductibles) et non économiques. L’individu détendant un bien
non économique peut s’approprier une rente. Or, le fruit de toute production (prix) est reversé à
ceux qui ont contribué à la production par leur travail (salaire), par la mise à disposition de biens
non économiques (rentes) et par le capital (profit). Les travailleurs étant multiples et substituables,
le salaire tend vers son niveau de subsistance (Ferdinand Lassalle) càd qu’il est indexé
exclusivement sur les variations du prix du blé. En partant de la loi des rendements factoriels
(théorisée par A. R Turgot) qui stipule que les terres agricoles sont mises en culture par ordre
décroissant de fertilité il en arrive à montrer que le coût marginal associé à la production de
chaque parcelle de terre supplémentaire est supérieur au précédent. Or, les rentiers n’acceptent
de produire qu’à condition que le prix soit > Cm, et comme tout bien économique le blé doit suivre
la loi du prix unique : son prix va se fixer au niveau du Cm de la dernière terre mise en culture.
Ainsi, le rentier perçoit une rente sur toutes les autres parcelles de terre (prix de vente - coût de
production). Ce revenu n’est pas capté par les capitalistes parce que le rentier dispose d’un bien
non économique càd d’un pouvoir de négociation plus fort ni par les salariés parce qu’ils sont
nombreux et substituables. Ainsi, en cas d’accroissement démographique, la droite de demande
se décale vers la droite ce qui fait augmenter le prix du blé.
Cette augmentation du prix du blé fait mécaniquement augmenter salaires de subsistance et rente.
In fine le seul revenu à baisser est le profit.
À LT on aboutit à une annulation du taux de profit et à un état stationnaire… que l’on peut
repousser moyennant le libre-échange (prix du blé moindre). C’est pour cela que Ricardo enjoint à
abolir les corn laws (1815, loi britannique interdisant l’M de blé quand le prix du blé < 80shillings le
quarter). Elles seront abolies en 1846.
c) Le pessimisme malthusien :
1 il en appelle au libre-échange et s’oppose en cela au mercantilisme
Page 2 sur 61
Essai sur le principe de population, 1798.
La population croit selon une loi géométrique alors que les moyens de subsistance croient selon
une loi arithmétique. À terme, apparaît une surpopulation absolue. La croissance de la population
est limitée par l’évolution des produits de subsistance (régulée par la mortalité), or l’augmentation
des richesses ne pouvait passer à l’époque que par une croissance extensive… le processus de
création de richesse est limité.
Ashraf et Galdor (Dynamism and stagnation in the Malthusian epoch, 2011) modélisent la pensée
de Malthus par deux graphiques. Le premier met en relation le PIB/habitant (Y/L) et le nombre de
travailleurs. Conformément à la loi des rendements factoriels décroissants, l’augmentation de
la population aboutit à un produit/tête toujours plus faible (absence de PT à l’époque). Le second
schéma met en relation le PIB/tête et le taux d’accroissement démographique. L’hypothèse est ici
que plus les gens sont riches, plus ils font d’enfants (puisqu’ils peuvent les nourrir) et ce en
vertu du « préventive check » (avant de concevoir, les individus s’assurent de pouvoir nourrir de
potentiels enfants).
Y’a-t-il une convergence vers le point d’équilibre où le taux d’accroissement démographique est
nul?
On tend nécessairement vers l’équilibre et donc vers un modèle d’état stationnaire
caractérisé par un PIB/habitant fini.
On peut imaginer deux facteurs agissants chacun sur l’un des deux graphiques permettant de
repousser l’état stationnaire :
• La relation PIB/tête et travailleurs : Le PT (augmente la productivité globale des facteurs) nous
permet à un même volume de facteurs de production de produire toujours plus.: le PIB/tête étant
supérieur, on a un accroissement démographique positif et donc une augmentation des
travailleurs qui fait baisser le PIB/tête. Le PT n’a pas d’effet.
• La relation PIB/tête et taux d’accroissement démographique : La restriction morale permet
dans le modèle malthusien de dépasser l’état stationnaire.
d) Marx : une théorie de la croissance fondée sur l’exploitation :
Le capitalisme a pour essence l’accumulation du capital : on investit une somme d’argent A
pour produire une marchandise M afin d’obtenir une somme d’argent A ‘ supérieure à A. (A’ = A +
survaleur). « Accumulez, accumulez, c’est la loi et les prophètes » Marx, Le capital. Il parle même
de fétichisme de la monnaie, on acquiert de la monnaie pour elle-même et non plus pour
acquérir des marchandises maximisent notre utilité. Comment expliquer qu’un capital initial
permette d’obtenir un surplus de valeur? Cela passe par l’exploitation du travailleur càd par
l’appropriation de la survaleur ou de la plus-value(part de la richesse créée par les travailleurs
qui ne leur retourne pas sous forme de richesse). Le capitaliste peut s’approprier la survaleur étant
donné le lien de dépendance qui le lie au travailleur : ce dernier ne possède rien, et a donc besoin
immédiatement du capital. Plus encore, les travailleurs sont substituables (Armée industrielle de
réserve) et ont donc un pouvoir de négociation faible. Il fait du capitaliste un rentier qui profite de
sa relation asymétrique au travailleur. Cette exploitation provoque une aliénation du travailleur
:
• Aliénation de l’objet du travail : le travailleur est dépossédé d’une part de ce qu’il a créée
• Aliénation de l’activité travail : le travailleur ne détermine plus lui-même ses conditions de travail
(OST, chronométrage…)
• Aliénation de l’homme générique : l’homme en puissance est une infinité de possibilités. Il n’a
pas d’essence en soi. Or, le MDP capitaliste enferme le prolétaire dans une seule possibilité.
La croissance repose par ailleurs chez Marx sur une contradiction interne : la loi de la baisse
tendancielle du taux de profit. On aboutit nécessairement à une crise de surproduction ou de
sous-consommation puisque le capitaliste accroit sa production mais ne génère pas une
Page 3 sur 61
répartition des revenus permettant de l’écouler. Apparaissent des phénomènes de
surcapitalisation qui entrainent des faillites en cascade durant les phrases de dépression et donc
une possibilité pour les structures ayant survécu de s’approprier le capital des structures
disparues, ce qui provoque à nouveau une surcapitalisation et ce jusqu’au soulèvement des
prolétaires. (La concentration est-elle la tendance naturelle du capitalisme?)
Hypothèse de cette loi : le taux d’accroissement du taux d’exploitation est inférieur au taux
d’accroissement de la COK (loi des rendements factoriels décroissants). (Article de P. Arthus).
Comment expliquer que le capitalisme n’ai pas encore disparu?
• La concentration n’a pas accru le taux d’exploitation, elle s’est accompagnée d’un régime
d’accumulation fordiste dépassant les contradictions du capitalisme (augmentation salaires)
• Le capitalisme dépasse ses propres limites grâce à l’impérialisme
Puisque le capitalisme dans ses frontières est voué à disparaître, la seule façon de dépasser ses
contradictions est de sans cesse étendre ses frontières en conquérant sans cesse de nouveaux
territoires (V. Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, 1917).
Chez eux, la dynamique de la croissance ne peut s’expliquer que par une analyse de la répartition
des revenus et des mécanismes qui régissent cette répartition. Le moteur de la croissance est
l’accumulation du capital (l’investissement) et on retrouve une forme de pessimisme vis-à-vis de
la croissance y compris chez les classiques a priori optimistes (Smith) parce que le monde est
clos et le désir infini (D. Cohen 2015). Les économistes classiques adhérent à la théorie de la
valeur travail (on inclut Marx) // à la loi de Say (on exclut Marx).
B. La recherche keynésienne d’une croissance équilibrée :
J-M Keynes : La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie. On définit la
croissance comme étant un phénomène de LT alors que l’analyse de Keynes est à CT.« Le
LT est un champ d’analyse peu intéressant puisqu’à LT nous sommes tous morts ». On n’a pas de
modèle de croissance chez Keynes, mais des modèles de croissance d’inspiration keynésienne.
Les post-keynésiens étendent la théorie keynésienne dans le LT et montrent que l’investissement
a un effet sur le revenu mais aussi sur l’offre.
c) Les conditions d’équilibre :
Harrod, An essay in dynamic theory, 1939, Domar, Expansion and employment 1947
Chez eux, l’investissement a un effet capacité (sur la production des entreprises) parce que
l’investissement provoque une variation du stock de capital et donc une variation de la production
et un effet multiplicateur (sur les revenus) puisque la variation de l’investissement entraine une
variation du revenu disponible des individus.
La croissance est équilibrée si l’offre et la demande de biens et services sont égales et si
elle permet de réduire le chômage (équilibre sur le marché des B&S et du travail).
Hypothèse du modèle :
• Le coefficient de capital v = K/Y est fixe (inverse de la PmK). La fonction de production est
rigide : on a toujours la même proportion de K et L.
ΔK
Comme on a v = K / Y et puisque v est fixe on a v = càd Δ K = v ΔY . Ainsi, pour que v reste
ΔY
fixe, il faut que Y et K varient de manière proportionnelle. Donc d’une part, on a ΔK = v ΔY
On part de Y = C + S (revenu disponible = consommation + épargne)
On a par la loi de Say l’égalité entre investissement et épargne, càd Y = C + I.
Par ailleurs S = sY (avec s la propension à épargner des ménages et Y le revenu disponible des
ménages) et l’investissement = variation du stock de K. D’autre part, ΔK = I = S = sY.
Finalement, pour que l’investissement soit égal à l’épargne il faut que sY = v ΔY et en
divisant par Y et par v on a finalement s/v = ΔY /Y

Page 4 sur 61
Pour que la croissance soit équilibrée, il faut que le taux de variation de la production soit égale à
s/v càd à la propension à épargner ramenée au coefficient de capital.
Comment faire pour atteindre le taux de croissance égal à s/v? En investissant, or
l’investissement a :
- Un effet capacité (production) puisque les quantités offertes sont égales à la variation du
capital x la productivité marginale du capital càd que ΔY s (quantités offertes) = I x 1/v.
- Un effet multiplicateur (effet sur les revenus). En économie fermée on a Y = C + S
Y = C + I or C = cY (avec c la propension à consommer, on élimine C0 (les consommations
incompressibles)
Y = cY + I et en factorisant par Y on a finalement Y = I x1/(1-c)
En passant aux variations et en supposant c stable on a finalement
ΔY Y = ΔI x 1/(1-c)
À chaque variation de l’investissement on a une variation plus que proportionnelle du revenu : un
investissement initial génère toute une cascade d’épargne et de consommation.
Or, comme une croissance équilibrée est caractérisée par l’égalité entre offre et demande on a
ΔY s = ΔY d et in fine ΔY /Y = s/v = ΔI /I. Le bon taux de croissance se définit comme étant celui
tel que le PIB croit au même rythme que l’investissement.
b) Un équilibre instable : Sur le marché des biens et services
Est-ce que dans le cas d’un déséquilibre on tend vers l’équilibre? ΔY /Y = taux de
croissance effectif, ΔI /I = taux de croissance garanti. La condition même de l’équilibre est
peu probable parce que la décision d’investir (de faire varier ΔY ) vient de l’entreprise ou de
l’entrepreneur, s dépend de la propension des ménages à épargner et v dépend de l’état
technologique d’une économie. Dans un univers d’incertitude radicale comme c’est le cas chez les
keynésiens, il n’y a aucune raison dans un mode de production décentralisé que cette condition
soit respectée. Plus encore, il n’y a aucun mécanisme permettant la convergence vers cette
condition. « Le terrain autour du taux de croissance garanti contient des forces centrifuges et non
centripètes » Harrod, 1938.
Soit le taux de croissance effectif > taux de croissance garanti : les prévisions des entreprises
ont été dépassées puisque le taux de croissance de l’économie est supérieur à l’accroissement
des investissements prévu par les entreprises. Ces dernières sont incitées à investir encore plus
pour répondre à la hausse de la demande. Or, ce faisant, elles accroissent plus encore l’effet
multiplicateur et donc l’augmentation de la demande. Comment expliquer cela? Parce que
l’investissement génère des revenus aujourd’hui et n’augmente les capacités de production que
demain (décalage temporel). Dans ce cas, on aboutit à une économie inflationniste en
surchauffe.
Soit le taux de croissance effectif < taux de croissance garanti : situation de surproduction et
donc économie déflationniste parce que les entreprises ont trop investi. Elles réduisent alors leur
investissement, ce qui réduit en t les revenus mais ne réduit les investissements qu’en t+1.
L’instabilité du modèle Harrod-Domar provient du fait que l’effet multiplicateur de l’investissement
sur les revenus est plus fort que l’effet capacité sur la production.
c) Les conditions du modèle sur l’emploi : sur le marché du travail
La population active croit au taux de croissance naturel (gn) qui est égal à n (taux
d’accroissement démographique) + a (taux de variation de la productivité du travail) qui dépend du
PT.
Pour qu’une croissance soit équilibrée et permette le PE elle doit réduire le chômage involontaire,
or tant que gn > taux de croissance effectif on a un phénomène de chômage.

Page 5 sur 61
Si le taux de croissance garanti > taux de croissance naturel, la croissance est explosive et permet
de réduire le chômage. À l’inverse, si le taux de croissance garanti est < au taux de croissance
naturel, même à supposer que l’on ait une croissance équilibrée sur le marché des B&S elle
entrainerait une augmentation du chômage.
L’équilibre de la croissance sur le marché des B&S ne garantit pas une croissance de PE. La
condition d’équilibre d’une croissance est donc ΔY /Y= ΔI /I = s/v = n + a.
Cela s’explique par le rôle ambigu de l’investissement sur la croissance et sur l’emploi : un fort
taux d’investissement (càd d’épargne) est bénéfique tant que le taux de croissance garanti < taux
de croissance naturel. Mais dès lors que le taux de croissance garanti > taux de croissance
naturel, l’investissement et donc l’épargne devient un facteur de crise déséquilibrant.
« Si on investit aujourd’hui il faudrait investir demain encore plus (…) tout le problème réside dans
le fait que l’accroissement des revenus est temporaire et se résorbe peu à peu alors que la
capacité a été accrue pour de bon. De sorte que par rapport au chômage, l’investissement est
en même temps un remède contre la maladie et la cause de plus grands troubles pour
l’avenir».
Pourquoi utiliser le modèle?
• Pour montrer que les effets de l’investissement sur la croissance sont ambigus.
• L’équilibre de la croissance sur le marché des B&S ne suffit pas à garantir le PE.
Comment expliquer que l’on puisse dépasser ce modèle? L’hypothèse de rigidité du taux
d’épargne et de v sont trop restrictives.

d) Le modèle de Kaldor : une réponse à l’instabilité harodienne : Alternative theories of


distribution, 1956, Kaldor.
Il cherche à montrer qu’il est possible d’avoir un modèle keynésien de croissance équilibré,
dès lors que l’on supprime l’hypothèse de rigidité du taux d’épargne.
Il commence par distinguer la propension à épargner des capitalistes de celle des salariés :
l’épargne totale dans une économie = propension à épargner des capitalistes x le profit + la
propension à épargner des salariés x salaires. Or dans une économie toute richesse est distribuée
entre profits et salaires donc on a S = sp x profit + sw (Y-profit).
S = profit ( sp - sw) + sw x Y
En divisant le tout par Y, on a S/Y = (sp - sw) x profit/Y + sw.
Or, S/Y renvoie à la propension à épargner s, qui est une fonction croissante de la part des profits
dans l’économie càd de profit/Y. Le taux d’épargne varie en fonction de la répartition des revenus
entre salariés et capitalistes. Ainsi, s devient une variable permettant d’ajuster s/v en cas de
déséquilibres.
Comment la variation du taux d’épargne peut ramener la croissance à l’équilibre?
Si on a s/v > taux de croissance naturel : pénurie de main d’oeuvre, augmentation des salaires,
part des profits diminue, donc s diminue et s/v converge vers gn (v fixe).
Si on a s/v < taux de croissance naturel : chômage, baisse des salaires, augmentation de la
part des profits, augmentation de s et s/v tend vers gn.
En levant l’hypothèse du taux d’épargne, Kaldor montre que les variations de la répartition des
revenus permettent de rééquilibrer le marché de l’emploi.

C. Le modèle de Solow : la recherche d’un équilibre néoclassique par la substituabilité des


facteurs :

Page 6 sur 61
R. Solow, A contribution to the theory of the economic growth, 1956 montre que l’instabilité du
modèle Harrod-Domar provient de leur hypothèse trop restrictive sur la rigidité de la fonction de
production (v fixe). Chez lui, la fonction de production est à facteurs substituables càd que l’on
peut modifier la proportion de capital et de travail dans la fonction de production.
On part d’une fonction de production type Cobb-Douglas : Y = A K α L1−α
a) Les hypothèses du modèle :
• Fonction de production à facteurs substituables
• Les rendements d’échelle sont constants (lorsque l’on augmente le volume de K et de L dans
les mêmes proportions, la production augmente proportionnellement)
• Les rendements factoriels sont marginalement décroissants (si on augmente la quantité de
K sans augmenter la quantité de L, la productivité du K diminue)
• Tout ce qui est épargné est investi. S = I.
• Soit n le taux de croissance démographique, d (taux de dépréciation du capital càd chaque
année la part du K perd de sa valeur ou est détruit), s propension à S (supposée fixe).
• Les conditions d’Inada F(0,0) = 0 càd que sans facteur de travail ou de K la production est
nulle, lim quand le K tend vers 0 de la productivité marginale du K tend vers +∞ idem pour la
limite en 0 du L et réciproquement, on a lim ∞ productivité du capital = 0 et lim ∞ productivité du
L = 0.
b) Le modèle en lui-même :
On part de F(K,L) = Y, on divise le tout par L càd Y/L = F(K/L,1). La production par travailleur est
uniquement fonction du stock de capital par travailleur. Soit K/L = k.
Comment évolue k? Δk = s f(k)
Mais chaque année, une partie du capital est détruite de telle sorte qu’en réalité : (d : taux de
dépréciation du capital)
Δk = s f(k) - (d + n)k. On retire nk parce que Δ (K/L) peut aussi diminuer si L augmente (en effet
avec plus de travailleurs, on a une dilution du capital par travailleur).
Comment représenter le modèle de Solow graphiquement?
On a en abscisse k (K/L) et en ordonnée Y. Tant que l’on n’a pas atteint k*, la création de k
entraine une destruction et dilution de k càd qu’on a une création nette de k.
Dans ce modèle, l’état stationnaire se stabilise à k* et se caractérise donc par un PIB/tête = k*.
Comment peut-on dépasser cet état stationnaire?
Par le PT puisqu’avec un même stock de k* on peut produire davantage.
c) L’ajustement à l’équilibre :
L’état stationnaire correspond à la situation où Δk = 0 càd où sf(k) = (d + n)k
càd quand f(k)/k = (d + n)/s.
Qu’est-ce qui fait que dans le modèle de Solow la croissance s’accompagne d’une
réduction du chômage? L’hypothèse de substitution des facteurs de production :
- Si s/v < n + a le chômage augmente, les salaires baissent donc on substitue du travail au
capital.
- Si s/v > n + a pénurie de main d’œuvre, croissance en surchauffe et économie à tendance
inflationniste donc on substitue du capital au travail.
À retenir : Dans le modèle de Solow le marché du travail s’ajuste par la substituabilité des
facteurs de production. Ce modèle est un modèle néoclassique de croissance puisque
l’équilibre repose sur la flexibilité des prix en particulier celui des facteurs de production.
La combinaison productive garantit-elle une bonne croissance?

d) Les conclusions du modèle :

Page 7 sur 61
• La loi des rendements factoriels décroissants appliquée au capital justifie l’existence d’un état
stationnaire chez Solow. Il ne peut être dépassé que par le PT càd par une hausse globale de
la productivité des facteurs. Il déplace les courbes f(k) et sf(k) et donc repousse l’état
stationnaire temporairement.
• « Le PT est comme une malle tombée du ciel » : ce modèle n’explique pas l’origine du PT.
• En augmentant le travail, il est possible de faire augmenter le PIB, mais le PIB/tête est lui
stationnaire.
• L’épargne est capitale dans son modèle puisque sf(k) est impacté par l’épargne. On peut
distinguer trois phases selon le niveau de développement : investir en capital est très productif
quand on est peu développés, un peu moins en phase 2 et quasi pas en phase 3.
• En économie ouverte, en vertu de la loi des rendements factoriels décroissants, les capitaux
des pays développés ayant atteint la phase 3 devraient se diriger vers les pays sous-
développés en phase 1 où la productivité du capital est très élevée puisqu’à termes, la
productivité du capital est égale au revenu du capital.
Cependant ce dernier point est remis en cause par la paradoxe de Lucas (Why doesn’t capital
flow from rich to poor countries? 1990) qui souligne qu’il y’a une mobilité des capitaux du Nord
vers le Nord et des capitaux du Sud vers le Nord. Cela s’explique par des défaillances
institutionnelles : pour que le capital physique soit productif, il faut que le capital humain soit
productif.
• Les pays sous-développés ne peuvent espérer atteindre le sentier de croissance des pays
développés puisqu’ils ne disposent pas des mêmes paramètres structurels (taux de croissance
démographique n, taux de dépréciation du capital d, même fonction de production f, et même
taux d’épargne s). On parle de convergence conditionnelle et de clubs de convergence pour
désigner le fait que les pays convergent par groupe vers un même état stationnaire.
e) La pertinence empirique du modèle de Solow :
Carré, Dubois et Malinvaud, La croissance française, 1972 essaient d’évaluer les déterminants
de la croissance économique en France pendant les 30G en partant de la fonction Cobb
Douglas. Le taux de croissance annuel moyen entre 1951 et 1969 est de 5% et on ne peut
expliquer que la moitié de cette croissance par le facteur L et K.
L’accumulation du capital joue un rôle substantiel dans la croissance économique mais
relativement faible comparativement au rôle du résidu qui explique la moitié de la croissance
française. L’économétrie renvoie à la façon dont les économistes testent leurs modèles par
rapport aux variables réelles de façon empirique. Le résidu est la part de la variable qui n’est pas
expliquée par le modèle. Il ne renvoie donc pas entièrement au PT. Abramovitz : « l’importance
du résidu peut être prise comme mesure de notre ignorance des causes de la croissance
économique ». On peut s’interroger sur la pertinence d’un modèle n’expliquant que 50% de la
croissance.
À retenir et conseils d’utilisation sur Solow : À caser dans n’importe quel sujet sur la
croissance, puisqu’il est le modèle dont découle tous les autres. On peut l’évoquer même s’il s’agit
plus tard de le critiquer par exemple avec la théorie de la croissance endogène. HEC 2018 :
Pessimisme (Solow) puis optimiste (croissance endogène) par exemple ou encore introduire
rapidement les théories de la croissance endogène par une phrase sur le modèle de Solow (ce
modèle est limité d’où l’apparition des théories de la croissance endogène).

D) Les théories de la croissance endogène :

Page 8 sur 61
Ces théories naissent dans les 80s en réaction au modèle « incomplet » de Solow. Ils vont
chercher à endogénéiser le PT càd à réduire l’ampleur du résidu en ajoutant des variables au
modèle initial. Ils commencent par redéfinir la variable « capital » du modèle de Solow, chez qui il
ne peut être que physique (il parle d’un « stock de machines ». Ils vont montrer que le capital
englobe également le capital humain, technologique, public/infrastructurel.

COMMENT DÉFINIR LE CAPITAL? LA QUERELLE DES DEUX CAMBRIDGE :

Cambridge UK est l’université où se sont installés les post-keynésiens (J. Robinson, P. Sraffa) et
Cambridge US celle où s’installent les néoclassiques devenus néo-keynésiens (Samuelson). En
1940, Robinson et Sraffa demandent à Samuelson une définition du capital (somme d’argent
auquel cas la dichotomie entre sphère financière et sphère réelle est rompue, ou stock de matières
premières auquel cas on n’a pas d’homogénéité). Il n’y a en réalité pas de dénominateur commun
à ce que l’on appelle capital. Samuelson admet qu’il n’y a pas de définition satisfaisante du capital
et enjoint à faire « as if » il existait une homogénéité du capital parce qu’on n’a pas d’autre
solution.
À retenir : dans un sujet, définir le capital comme étant un stock de ressources matérielles,
d’outils productifs permettant de réaliser la production.
a) Le capital physique chez Romer :
P. Romer, Increasing returns and long term growth, 1986 rompt avec la loi des rendements
factoriels décroissants appliquée au capital. Il montre qu’une entreprise investissant dans du
capital physique augmente non seulement ses capacités de production propres, mais aussi celles
des firmes concurrentes. Chaque entreprise génère des externalités positives pour
l’ensemble du secteur (Marshall). Lorsque l’on investit dans de nouvelles machines, on
enclenche un phénomène d’apprentissage par la pratique (learning by doing, K. Arrow) : en se
confrontant au jour le jour au capital physique, les travailleurs acquièrent de nouvelles
compétences et augmentent leur productivité. Comme les travailleurs sont mobiles au sein
d’un secteur et peuvent passer d’une entreprise à une autre, ils vont diffuser leurs compétences
acquises par la pratique. Par ailleurs, en introduisant de nouvelles technologies dans
l’entreprise on augmente notre maîtrise de la production et on est d’autant plus apte à
découvrir de nouvelles technologies (phénomène cumulatif). Ainsi, l’investissement en capital
physique a bien un effet capacité (mis en avant par Solow) mais aussi un effet en termes
d’externalités positives sur le PT en lui-même. Une dynamique vertueuse s’enclenche puisque
les variations du stock de capital (investissement) génèrent des revenus nécessaires à de
nouveaux investissements.
Romer dépasse l’état stationnaire de Solow en dépassant la loi des rendements factoriels
décroissants. La croissance est donc auto-entretenue parce qu’en réalité, la rentabilité privée
de l’investissement (perçue par Solow) est inférieure à sa rentabilité sociale. Il faut inciter les
entrepreneurs à investir pour atteindre l’équilibre social (mise en place de subventions ou de
mécanismes incitatifs).
Romer ne croit pas que l’État doit directement financer une recherche publique, mais qu’il doit
inciter monétairement ou institutionnellement (mise en place de brevets favorables aux
innovateurs) les entreprises privées (ces dernières connaissent mieux leur secteur que l’État).
b) Le capital humain chez Lucas :
R. Lucas, On the mechanics of economic development, 1988 introduit une logique
macroéconomique de croissance à la notion de capital humain. Attention : cette notion de
capital humain n’apparaît pas chez Lucas mais chez G. Becker dès 1964 dans Human Capital. Il
renvoie à l’ensemble des connaissances, des savoirs spécifiques ou non, incorporé par un
Page 9 sur 61
travailleur au cours de sa formation initiale ou au cours de ses expériences personnelles.
Mais G. Becker ne fait qu’une analyse microéconomique du capital humain (qu’est-ce qui incite
les individus à faire une année de plus d’étude?), Lucas lui transpose cela à l’échelle
macroéconomique pour expliquer la croissance. Selon lui, les investissements individuels
(formation) ou collectifs (éducation nationale) dans le capital humain permettent la
croissance. Le capital humain, contrairement au capital physique repose sur des rendements
marginalement croissants (plus on connaît de choses, plus il est facile pour nous d’en connaître
de nouvelles). Le capital humain est un phénomène cumulatif. « La connaissance est notre plus
puissant mode de production (…) si l’économie est vouée aux rendements décroissants, l’homme
est voué aux rendements croissants » A. Marshall, Principes d’économie politique, 1890.
Comment alors inciter les individus à investir dans le capital humain?
c) Le capital public chez Barro :
R. Barro, Government spending in a simple model of endogenous growth, 1990 montre que la
part des dépenses publiques alimentant le financement d’infrastructures permet de générer
des externalités positives pour les entreprises privées (ponts, ports, routes, aéroports…).
Contrairement à Romer, il estime que l’État doit prendre en charge la recherche fondamentale
(théories mathématiques pures) parce qu’aucune entreprise n’est incitée d’elle-même à le faire,
alors qu’elles ont besoin de recherche fondamentale pour appliquer les découvertes au domaine
économique. Mais, Barro (Are government bonds net wealth? 1974) montre que toute relance
budgétaire est vouée à être inefficace parce que la hausse des dépenses publiques est interprétée
par les consommateurs (anticipations rationnelles) comme une hausse future des impôts.
Attention : il s’agit ici de politiques conjoncturelles alors que les dépenses publiques dans la
recherche sont structurelles. Les dépenses conjoncturelles creusent le déficit public et ne seront
remboursées que par des impôts, alors que le surplus de croissance provoqué par les dépenses
structurelles augmente l’assiette fiscale de l’État. Déjà chez Smith (La richesse des Nations, 1776)
est développée l’idée selon laquelle la réussite économique d’un pays dépend de la capacité
de l’État à prendre en charge le financement de certains biens.
La présence d’infrastructure de qualité augmente la productivité des facteurs et la
croissance est auto-entretenue parce que la hausse de la qualité des infrastructures
entraîne des externalités positives.
Le moteur de la croissance reste l’investissement, mais dans des capitaux spécifiques :
• Le capital physique : génère un processus de learning by doing et des externalités positives
(Romer)
• Le capital technologique ou humain qui génèrent un processus cumulatif (Lucas)
• Le capital public/infrastructurel dont la rentabilité sociale est > rentabilité privée (Barro) d’où
l’importance pour l’État d’investir.
L’entreprise n’est pas un être autonome, mais est inscrite dans une société et un cadre
institutionnel prenant en compte l’investissement des États dans des capitaux spécifiques,
ainsi que l’investissement des concurrents.

E. Les modèles schumpéteriens et néo-schumpéteriens :


d) L’impulsion schumpéterienne :
La croissance repose sur le mouvement d’innovation et est à comprendre comme un
phénomène naturellement cyclique mu par un mouvement de destruction créatrice.
« L’impulsion fondamentale qui met et maintient en mouvement la machine capitaliste est
imprimée par les nouveaux objets de la consommation (produit) les nouvelles méthodes de
production (procédés) et de transport (débouchés) les nouveaux marchés, les nouveaux types
d’organisation industrielle (organisationnelle) : tous, éléments créés par l’initiative capitaliste »
Page 10 sur 61
Schumpeter, Théorie de l’évolution économique, 1911. La croissance découle de l’initiative
individuelle de l’entrepreneur innovateur.
5) Synergie et diffusion :
En réalité, l’enjeu est celui de l’interaction entre entrepreneur innovateur et les autres
acteurs économiques (imitateurs, banquiers…). C’est le mouvement d’imitation, de diffusion de
l’innovation qui alimente la croissance économique. Il existe plusieurs degrés d’imitation : après
l’apparition d’une innovation majeure, certains imitateurs imitent avec originalité (innovations
incrémentales). Ex : machine à vapeur et application de la machine à vapeur à la production
textile. Cet ensemble d’innovation constitue une « grappe d’innovations ». Ce processus de
diffusion de l’innovation n’est possible que parce que « un effet de synergie permet aux
innovations majeures d’entrainer dans leur sillage un ensemble d’innovations mineures ». La
phase de croissance n’est autre qu’une phase d’extension de la grappe. Peu à peu diffusées, les
innovations génèrent de moins en moins de productivité et on retourne à un univers concurrentiel
où les profits diminuent, et les investissements consécutivement (retournement du cycle). On parle
de phénomène de destruction créatrice : toute innovation génère la mort d’une partie de
l’ancien monde économique au profit d’un nouveau monde caractérisé par les innovations.
Cette vision de la croissance s’oppose au pessimisme envers le PT, notamment celui des luddites
dits « briseurs de machine ». Le luddisme est un mouvement social ouvrier qui prend place dans
le secteur textile en Angleterre en 1811 parce que les ouvriers se soulèvent contre l’utilisation
croissante de machines automatiques. En réalité, la destruction créatrice existe à l’échelle
macroéconomique mais pas à l’échelle de l’individus parce que le facteur travail étant peu
mobile, la destruction d’emplois dans un secteur se traduit par une hausse d’emploi… mais dans
un autre secteur. La destruction créatrice ne peut s’appliquer à l’échelle d’une économie que si la
mobilité intersectorielle des facteur de production est parfaite (forte place de la formation
continue permettant aux individus de se reconvertir, renouvellement démographique parallèle à la
destruction créatrice). Aujourd’hui on parle de phénomènes de néo-luddisme pour qualifier les
personnes considérant que l’intelligence artificielle forte remet structurellement en cause la place
de l’emploi humain dans le système de production.
La diffusion de l’innovation se fait également entre différentes économies nationales, d’où
l’importance pour certaines économies de mettre en place le libre-échange pour s’approprier les
technologies des économies partenaires. A. Gerschenkron (Economic backwardness in historical
perspective, 1962) en fait l’un des avantages de l’arriération des latecomers : ils peuvent
s’approprier les technologies des first comers qui ont déjà innové. Ex : Quand la GB en 1843 lève
l’interdiction d’exporter des machines industrielles, elle permet le développement du secteur des
filatures en Russie.
2) La figure de l’entrepreneur schumpétérien :
CF. Cours sur l’entreprise.
La dynamique du capitalisme repose sur une classe sociale : la bourgeoisie qui s’oppose à
l’aristocratie (rentiers). La bourgeoisie recherche son enrichissement et parie sur l’innovation pour
en tirer des gains.
3) A LT : le crépuscule des entrepreneurs :
CF. Cours sur l’entreprise
Malgré la vision optimise de Schumpeter sur la croissance (du fait du phénomène de destruction
créatrice), il met en garde dans Capitalisme, sociale et démocratie en 1942 (chapitre 12) sur le
crépuscule de l’entrepreneur. Le phénomène de destruction créatrice ne serait valable que
jusqu’au début du 20ème siècle, mais arrivé à un stade de concentration, le capitalisme n’est
plus à même de faire émerger la destruction créatrice et donc la croissance. Cela provient du
dilemme de l’innovation : à LT, la dynamique du capitalisme transforme l’entrepreneur en rentier.
Page 11 sur 61
La société anonyme « socialise la mentalité bourgeoise, rétrécit progressivement la zone où
peuvent s’exercer les initiatives capitalistes, bien plus elle finira par détruire les racines même de
ce régime ». L’entreprise ne se résume plus qu’à « un paquet d’actions » : on ne cherche plus à
prendre des risques, mais la sécurité.
b) Les modèles néo-schumpéteriens :
1) Aghion et Howitt des incitations pour innover :
Philippe Aghion et Peter Howitt «  A model of growth through creative destruction » 1992
cherchent à modéliser les théories schumpéteriennes. Le PT et donc la croissance repose sur
une différenciation verticale (qualité des produits). Chaque innovation est un nouveau bien
intermédiaire pouvant être utilisé dans la production plus efficace d’un produit fini. La
qualité des produits s’améliorent avec celle des moyens de production. Les nouvelles technologies
de production fondées sur les biens intermédiaires innovants rendent les technologies précédentes
obsolètes (processus de destruction créatrice). Ce processus conduit certaines entreprises à
disparaître mais permet également aux firmes les plus innovantes de s’octroyer une rente
d’innovation temporaire. Cette rente de monopole suscite l'imitation des autres entreprises qui
alimentent la demande en nouveaux biens intermédiaires qui tire la croissance économique. Le
tissu économique se renouvellerait en permanence.
À l’échelle macroéconomique, le taux de croissance dépend de l’intensité de la recherche des
entreprises qui détermine le rythme d’apparition des nouveaux biens intermédiaires et du
degré de concurrence entre les firmes. Dans ce premier modèle, ils pensent que l’innovation est
une fonction croissante du degré de concurrence.
Mais en 2005 (Concurrence et innovation : une relation en U inversée?) ils mettent en exergue le
caractère aléatoire de l’innovation : bien que l’intensité des R&D accroisse la probabilité de
trouver une innovation performante, cette probabilité reste incertaine. Ainsi, il existe plusieurs
équilibres possibles dans leur modèle, dont un équilibre de non croissance (no growth traps)
qui résulte de l’apparition des « self defeating expectations » càd d’anticipations auto-
réalisatrices pessimistes. Or, au plus on est pessimiste et au plus on a de raison de l’être : un
climat peu propice à l’innovation fait baisser l’investissement en R&D et donc la probabilité de
trouvé des innovations, ce qui réduit toujours plus l’incitation à innover. À contrepied, existe un
équilibre optimiste caractérisé par un climat optimiste où l’innovation génère de forts
investissements en R&D et donc de fortes innovations qui alimentent à nouveau l’optimisme.
L’économie peut tendre vers deux trapes différentes. Ce modèle souligne l’importance de
l’intervention étatique pour faire en sorte que l’économie tende vers un équilibre haut càd que se
mette en place un cercle vertueux de croissance plutôt qu’un cercle vicieux. L’innovation des
uns génère des externalités positives pour les autres : le bien-être social > bien-être privé, et
comme l’action des entreprises est non coordonnée parce qu’elles ne se répartissent pas le
financement de la R&D, il est nécessaire que l’État intervienne (BPI, CRI).
P. Aghion, A. Roulet, B. Berner (Repenser l’État pour une sociale démocratie de l’innovation,
2011) montrent qu’il faut transférer la plupart des dépenses de l’État vers le financement de
l’innovation pour financer les emplois de demain. Plutôt que de maintenir les vieux acteurs de
l’économie, il vaut mieux financer les emplois de demain par l’innovation, la formation continue ou
les reconversions.
2) Croissance et concurrence
Cf. cours sur l’entreprise.
La concurrence est facteur d’innovation jusqu’à un certain point au-delà duquel, elle nuit à
l’innovation et donc à la croissance.
3) La distance à la frontière technologique :

Page 12 sur 61
Selon l’avancée des pays dans le processus de développement, ils n’adoptent pas les mêmes
stratégies d’innovation.
Ils définissent la frontière technologique comme étant une frontière déterminée par l’état des
connaissances techniques à un instant t dans une économie. Par convention, la frontière
technologique est ajrd la maîtrise technique des USA. Elle n’est valable que pour une période
donnée, et peut être repoussée chaque jour.
• Pays sur la frontière technologique : la stratégie optimale est de la repousser pour obtenir
de la croissance. Les politiques visent reposent sur la recherche l’innovations majeures et
radicales et passent par le financement des études supérieures.
• Pays loin de la frontière : La priorité est d’apprendre à utiliser les techniques déjà
existantes, et passe par le financement de l’éducation primaire pour permettre la diffusion des
savoirs élémentaires
• Pays proche de la frontière : La priorité est donnée à la recherche d’innovations
incrémentales ce qui passe par le financement de l’éducation secondaire et du premier cycle.
4) La temporalité :
À quel rythme l’innovation se diffuse? Le paradoxe de Solow énoncé en 1987 (« les
ordinateurs sont partout sauf dans les statistiques de productivité ») souligne malgré l’apparition
des NTICS l’absence d’augmentation de la productivité dans les 80s.
En réalité, la productivité repart dès 90s mais Solow met en exergue que les innovations en t
n’ont pas forcément de conséquences en t ou en t+1. Il faut pour que l’innovation se diffuse à
l’ensemble des entreprises qu’elle soit compatible avec le capital humain des travailleurs càd leurs
compétences et habitudes de travail. Ex : le fordisme est théorisé en 1911 mais ne se diffuse
comme une organisation organisationnelle que dans les 50s.
Le temps de transformation de l’innovation en gains de productivité est d’autant plus long que
l’innovation est disruptive, que les réticences sociales sont fortes, et que la population est
vieille. Les effets de l’innovation ne peuvent être bénéfiques à CT, il faut détourner les ressources
jusque là employées dans des secteurs productifs vers les nouveaux secteurs productifs. Il est
possible qu’aujourd’hui, ce qui nous apparaît comme étant une stagnation séculaire soit un
temps de latence.
A. Mc Afee, The second machine age, 2014 : montre que lors de la deuxième révolution
industrielle, le degré de diffusion de l’innovation est lent. En effet, il faut près d’un siècle pour que
les innovations se diffusent réellement. Peut-être sommes-nous aujourd’hui dans le creux de
la vague des technologies digitales (schéma 8).
Chez les néoschumpéteriens, la croissance provient toujours d’un processus d’innovation
contingent des structures institutionnelles mises en place par chaque économie (tributaire des
politiques de l’innovation). Un choc technologique initial peut très bien ralentir emploi et
productivité dans un premier temps avant que ses effets sur la croissance ne se révèlent
réellement.
F. Les inquiétudes contemporaines sur la croissance
a) La finitude du PT :
Si certains économistes classiques émettaient déjà des doutes quant à la croissance (Ricardo,
Malthus) ces inquiétudes sont réactualisées par les thèses de la « stagnation séculaire ».
Larry Summers lors de son discours au FMI le 09/11/2013 considère que nos économies
contemporaines sont tombées dans une trappe à liquidité à l’échelle mondiale. Les taux
d’intérêt seraient tellement bas que la monnaie est principalement demandée au motif de
spéculation (les individus anticipent que le taux d’intérêt est tellement bas qu’il ne peut que
remonter demain). Or, si la monnaie est demandée au motif de spéculation, elle n’est pas

Page 13 sur 61
demandée au motif de transaction ou au motif d’entreprendre. Les individus ne se risquent pas
à des investissements incertains. Pourquoi les taux d’intérêt sont bas? Parce qu’il y’a un excès
d’épargne dans les pays émergents (taux d’épargne chinois est de 50%) et dans le même
temps, les pays développés connaissent un vieillissement démographique induisant une baisse
de la demande de monnaie au motif d’entreprendre. L’offre de monnaie augmente, et la
demande baisse le prix de la monnaie (le taux d’intérêt) baisse mécaniquement.
6) Des innovations sans croissance :
Robert Gordon, The rise and fall of American growth, 2016 considère que les innovations
contemporaines font partie d’un mirage technologique constitué d’innovations « gadgets »
(innovation qui ne se retranscrivent pas en gains de productivité) qu’il oppose aux innovations
majeures du 19ème siècle. La croissance du 20ème siècle ne reposerait que sur les
innovations de la première et deuxième révolution industrielle (une grande part de la
croissance des 30G est tirée par le secteur automobile). Or, aujourd’hui les potentialités de
croissance associées à ces innovations se sont épuisées (parabole de l’arbre fruitier par
laquelle il s’oppose à l’idée d’innovations cumulatives chez les théoriciens de la croissance
endogène). Selon eux, la frontière technologique est chaque fois plus dure à repousser.
Daniel Cohen, Le monde est clos et le désir infini, 2015 : « Bon nombre des profits de la
révolution numérique sont gratuits et ne figurent pas dans les statistiques économiques ». La
révolution numérique augmente le bien-être des individus, mais pas leur productivité et pire
encore, les innovations de la révolution numérique se font sur le principe de la gratuité
(Wikipédia : avancée énorme dans l’utilité sociale qui reste gratuit). Cela s’explique par le fait que
le coût marginal associé à la révolution numérique est nul.
2) Les vents contraires à la croissance :
Les deux tiers de la non-croissance s’expliqueraient par six facteurs :
• La démographie : Le vieillissement démographique, càd l’allongement de l’espérance de vie
risquent d’entrainer un déficit structurel de main d’oeuvre adaptée au système productif pour les
pays développés (comme toute forme de capital, le capital humain se déprécie). Malgré le fort
dynamisme démographique des pays émergents, leurs populations sont vouées à vieillir du fait
de l’allongement structurel de l’espérance de vie. Le ratio de dépendance (rapport entre les
personnes ne produisant pas de VA et les personnes produisant de la VA) s’élève alors.
• L’éducation : Gordon critique un déclin des institutions éducatives des pays développés,
qui ne génèrent plus de capital humain de qualité. Il dénonce notamment la place minime laissée
à la formation continue par les systèmes éducatifs qui favorise la reproduction d’une élite.
• La croissance des inégalités : La recrudescence récente des inégalités, notamment aux USA
dès les années 1980 en France à partir des 90s (taux de pauvreté français est de 14%). De
larges tranches de la population sont paupérisées ce qui induit un faible dynamisme de la
consommation. Ces inégalités entrainent un cercle vicieux en termes de capital humain (point
2).
• La crise de l’Etat providence : (Pierre Rosanvallon, 1981) il subit une triple crise, d’abord
une crise de légitimité, crise d’efficacité, et une crise de financement. La crise de légitimité
provient de la recrudescence des discours néo-libéraux dans les 80s qui assimilent toute
intervention étatique à la spoliation de richesse (impôt) au gaspillage des ressources
(fonctionnement bureaucratique) et à des effets d’éviction. La crise d’efficacité provient du fait
que les États providence ne parviennent plus à atteindre leurs but : càd réduire les inégalités,
lutter contre la pauvreté et dispenser un service public de qualité et universel. Finalement, la
crise de financement provient du surendettement de l’État (en France ratio de surendettement de
100% ajrd) qui provient de la diminution de l’assiette fiscale induite par la baisse de la croissance
et de la multiplication des niches fiscales. Les États providences n’ont plus les moyens de leur
Page 14 sur 61
ambition. Or l’Etat providence est normalement un rempart à la stagnation séculaire : par
exemple dans la loi de la baisse tendancielle du taux de profit, l’État limite la paupérisation
aux prolétaires et a dans une optique keynésienne un troll contra-cyclique pour éviter les
anticipations auto-réalisatrices.
• Les coûts de la mondialisation : La montée en puissance des pays émergents crée une
situation concurrentielle à l’échelle mondiale jamais égalée qui provoque la stagnation voire la
baisse des revenus salariaux (délocalisations…) et la hausse des inégalités entre deux
types de salariés : ceux qui bénéficient de la mondialisation (les manipulateurs de symbole)
et ceux qui en pâtissent (les travailleurs routiniers) qui sont très substituables à l’échelle
mondiale (R. Reich : The work of nations, 1991).
• La contrainte environnementale : La croissance des PD buter sur la finitude des ressources
naturelles et la prise de conscience de l’urgence écologique qui entraine la mise en place de
régulations et de freins à la croissance. Cette prise de conscience écologique permet certes des
investissements dans des énergies vertes augmentant conjoncturellement la croissance… mais
la productivité n’augmente pas.« Ces innovations vertes ne représentent pas une nouvelle
source indépendante de croissance économique, analogue à l’électricité ou aux véhicules à
moteur ».
b) La finitude des ressources naturelles :
Déjà présentes chez Malthus et Ricardo (théorie de la rente différentielle). S. Jevons (Sur le
question du charbon, 1865) s’inquiète de la consommation croissante d’houille des pays
occidentaux (RI). Il développe le paradoxe de Jevons, qui stipule que l’amélioration de l’efficacité
énergétique du capital se traduit par une hausse du volume des matières premières exploitées.
Cette inquiétude apparaît également en plein âge d’or de la croissance : les périodes de forte
croissance sont des périodes d’accroissement de la consommation de ressources naturelles : C.
Bonneuil, C. Pessis, S. Topçu (Une autre histoire des Trente Glorieuses, 2013) essaient de
démolir le mythe des 30G en montrant que malgré les 5% de croissance caractéristiques de la
période, entre 1949 et 1966 la consommation d’électricité s’est accrue de 9,5% par an, celle de
charbon de 7,9% par an et celle de gaz et de pétrole de 10% par an.
Dès la fin des 30G la croissance est remise en cause par les environnementalistes comme le
montre la publication du rapport du Club de Rome (Halte à la croissance en 1972) qui assure qu’il
faut aller vers une croissance zéro pour éviter la surexploitation du capital naturel. L’école
de la décroissance radicalise la chose en prônant la réduction de la production. Georgescu-
Roegen, Enthropy laws and the economic process, 1971 applique la loi de l’entropie en physique
à l’économie en montrant que toute production génère nécessairement une déperdition de matière.
Si dès lors que l’on produit on altère irrémédiablement le capital naturel qui est par nature
fini, il nous faut stopper la croissance et réduire notre niveau de production (lequel nous
permet déjà de satisfaire l’ensemble de nos besoins primaires). Toute production
supplémentaire ne fait que combler des besoins « superficiels ». Selon eux, capital naturel et
technique ne sont pas substituables. La production humaine ne pourra jamais remplacer le capital
naturel. Serges Latouche (Survivre au développement, 2004) « il ne suffit pas de ralentir la
locomotive, de freiner ou même de stopper, il faut descendre et prendre un autre train dans la
direction opposée » càd changer nos modes de production.
Ces théories remettent en question le caractère infini de la croissance : la barrière
environnementale est tout aussi présente que la frontière technologique.
G. L’importance de l’analyse des trajectoires historiques et institutionnelles
Le but est de montrer qu’on ne peut comprendre l’évolution de la croissance économique sans en
définir les conjonctures historiques, religieuses, sociales et institutionnelles.

Page 15 sur 61
g) Histoire, religion et croissance :
M. Weber, L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, 1904 constate que le capitalisme
initialement s’est développé dans des régions ayant été des berceaux de la réforme protestante. Il
essaie de montrer qu’il y’a un rapport de cause à effet entre développement du
protestantisme et développement d’un mode de production capitaliste. Les valeurs
protestantes entrainent un changement dans les façons de penser, de raisonner des individus qui
sont des préalables à la diffusion du capitalisme « au contraire de l’éthique économique du
judaïsme médiéval et moderne, le puritanisme soutenait l’ethos de l’entreprise bourgeoise
rationnelle et de l’organisation rationnelle du travail ».
Qu’est-ce qui dans les dogmes protestants va avec le capitalisme?
• Le dogme de la prédestination (calviniste) : À la naissance, les individus seraient pré-destinés
à aller au paradis ou en enfer. Le protestant est par nature angoissé parce qu’à la recherche
constante de signe d’une potentielle élection divine. Le fait d’entreprendre fait partie de sa
recherche : s’il réussit, il s’assure de l’élection divine.
• Le dogme de la besogne : Le protestantisme repose sur un retour aux écritures dont Les
Évangiles où l’on trouve une sacralisation de la « besogne ». L’homme doit transformer le
monde à l’image de Dieu et l’honorer par son travail.
• Le dogme de l’austérité : Le protestant s’élève contre la luxure de l’Église catholique romaine
et prône la frugalité.
Les protestants ont une propension à épargner élevée et permettent l’accumulation du capital. Il
existe des « affinités électives » entre éthique protestante et esprit du capitalisme (parallèle avec
la parabole du fils de l’homme pauvre chez Smith).
Mais comment comprendre la persistance du capitalisme malgré la faible présence du
protestantisme dans les pays capitalistes?
La métaphore de la cage d’acier : « le puritain voulait être besogneux, et nous sommes
forcés de l’être ». Dans une société avec des individus (même une minorité) besogneux, se
plaçant dans une optique d’accumulation du capital, la seule condition de survie des autres
entreprises est par mimétisme de reproduire leur attitude. L’esprit du capitalisme s’impose aux
comportements des individus. Une fois mis en place, l’esprit du capitalisme entraine la
disparition progressive de l’action traditionnelle au profit de l’action rationnelle en finalité (diffusion
de la recherche de la maximisation du profit) qui s’impose aux individus.
Comment l’utiliser? Oral : On oppose souvent Durkheim (holliste) à Weber (individualisme
méthodologique) or, la sociologie chez Weber repose certes en première instance sur la
compréhension de l’action individuelle, mais elle nous permet de comprendre les structures qui
contraignent les comportements individuels (métaphore de la cage d’acier).
b) L’école de la régulation :
Robert Boyer (1986) Michel Aglietta (1976) font la synthèse entre analyse marxiste et
keynésienne pour souligner l’importance de la prise en compte de l’histoire dans la compréhension
de la croissance. Le terme de régulation est à comprendre dans son sens biologique càd la
manière dont les organes forment un système cohérent et viable. Les contradictions internes du
capitalisme peuvent être régulées, mais jamais dépassées de telle sorte que temporairement on
peut endiguer la LBTTP mais si la régulation est défaillance, les contradictions réapparaissent.
Ils fondent leur théorie sur plusieurs concepts :
- Les formes institutionnelles : Codifications des rapports sociaux fondamentaux. Le régime
monétaire, les formes de la concurrence (concentration des entreprises…), le rapport salarial, la
forme de l’Etat (intervention dans l’économie) et finalement, l’adhésion au régime international.
Mais comment ces institutions permettent ou non d’accumuler efficacement du capital?

Page 16 sur 61
- Les modes de régulation : Façon dont, dans une économie donnée, ces différentes formes
institutionnelles s’articulent pour permettre une accumulation du capital. « Un mode de
régulation est un ensemble de procédures et de comportements individuels et collectifs qui a la
propriété 1) de reproduire les rapports sociaux fondamentaux, 2) de soutenir et de piloter le
régime d’accumulation du capital, 3) d’assurer la comptabilité dynamique d’un ensemble de
décision décentralisées ».
1) Ces conventions permettent aux classes sociales de perdurer, 2) l’accumulation du capital, 3)
coordonner les actions individuelles puisque le MDP capitaliste est décentralisé par nature.
L’histoire du capitalisme aurait vu se succéder différents modes de régulation :
• Un mode de régulation à l’ancienne qui repose sur une société féodale
• Un mode de régulation concurrentiel (repose sur la concurrence et les lois du marché) [fin du
18ème siècle]
• Un mode de régulation hybride [entre deux guerres] parce que la place de l’État croit.
• Un mode de régulation fordiste pendant les 30G
• Un mode de régulation actionnarial à partir de 1976 où la régulation repose sur les lois du
marché internationales et sur une prédominance des marchés financiers.
- Le régime d’accumulation : « L’ensemble des régularités qui assurent une progression
générale et relativement cohérente de l’accumulation du capital, (…) càd permettant de résorber
ou d’étaler dans le temps les distorsions et déséquilibres qui naissent en permanence de ce
processus d’accumulation du capital ».
Comment éviter une croissance explosive sans aboutir à une croissance équilibrée?
Deux éléments définissent un régime d’accumulation : l’origine de l’investissement et de la
formation des salaires.
Décision Tiré par les profits Tiré par la demande
d’investissement/formation des
salaires

Déterminé sur le marché du Régime classique pur Régime classique hybride


travail 1800-1860 1870-1929
Déterminé par l’évolution de la Régime fordiste hybride Régime fordiste pur
productivité 1973-1990 1945-1973

Le mode de régulation est cohérent en régime classique pur et en fordiste pur : le salaire suit
la productivité et les investissements permettent de produire plus. Dans le régime classique pur
les structures sont petites et les travailleurs rémunérés au salaire de subsistance, dans le régime
fordiste pur, les structures sont plus imposantes et les salaires sont indexés sur la productivité.
En revanche, dans un régime classique hybride on mène une stratégie volume alors que les
salaires n’augmentent pas.
c) L’importance des analyses institutionnalistes :
8) L’importance de la sécurité et de la propriété :
A. Smith (Lectures on jurisprudence, 1973) « quand les gens sont ainsi menacés à chaque
instant de se faire voler tout ce qu’ils possèdent, ils n’ont plus aucune raison d’être industrieux ».
Pour que les échanges se développent, le système de droit de propriété doit être efficace et
garanti par une autorité publique assurant une certaine stabilité politique. D. North, Institutions,
1991, renvoie la précocité de l’industrialisation britannique à la stabilité de ses droits de propriété
et commerciaux. Durant la Glorieuse Révolution (1688-1689) le pouvoir de la chambre des
communes est renforcé ce qui donne davantage de poids politique à la bourgeoisie marchande et
commerciale. Les droits de propriété sont bénéfiques à la croissance car :

Page 17 sur 61
- Ils abaissent les coûts de transaction en réduisant l’incertitude liée aux échanges
- Ils abaissent les coûts de production en permettant la mise en place de marchés
concurrentiels sur lesquels les prix des facteurs de production vont pouvoir se fixer plus
librement.
L’État joue un rôle majeur et ambigu dans ce processus d’émergence des droits de
propriété : il doit à la fois être suffisamment puissant pour garantir et défendre le droit de
propriété, mais ne pas l’être assez pour potentiellement remettre en cause les droits de propriété.
Quels sont les biens concernés par le droit de propriété?
• Les objets physiques
• La propriété intellectuelle, d’où l’importance en 1623 du Statute on Monopolies condamnant les
corporations, mais faisant exception des monopoles technologiques.
• La propriété terrienne. En GB, ce droit apparaît de 1727 à 1801 avec le mouvement des
enclosures : avant 1727, les terres agricoles sont des terres communales appartenant à la
propriété commune, or en 1727 il est possible pur les propriétaires terriens de clôturer leurs
terres agricoles, et en 1801 l’Enclosure Act les y oblige. Quelle importance? la gestion d’un
bien commun n’est pas la même qu’un bien privé. M. Bloch parle du développement d’un
individualisme agraire (Les caractères originaux de l’histoire rurale française, 1931). Les
paysans cherchent désormais à accroître la fertilité de leurs terres, parce qu’ils voient en la terre
un facteur de production.
2) Le droit comme facteur d’accumulation du capital :
H. De Soto (Le mystère du capital, 2000).
+ auteurs de la Law and Economics : R. La Porta, A. Shleifer, R. Vishnu et F. Lopez dans
« Légal déterminante of external finance » 1997. Est-ce qu’il existe des déterminants légaux
càd des textes juridiques plus ou moins propices à acquérir des capitaux? Hypothèse : le
développement financier est facilité par l'existence d'une législation protégeant l'investisseur et
l’actionnaire. Ils distinguent deux types de pays : les pays de Common law (primat de l'esprit de la
loi) et les pays de Civil Law (primat du texte du code civil, peu de place à l’interprétation). Or, les
pays de Common Laws se caractérisent par une protection des investisseurs et des
actionnaires accrue parce que les juges ont conscience que les intérêt des
actionnaires/investisseurs coïncident avec les intérêts de la société. En revanche, les pays
de Civil Law eux sont moins favorables en moyenne aux actionnaires et investisseurs parce qu’il
y’a davantage de rigidité juridique. La structure du droit est un facteur déterminant dans les
modalités d’accumulation du capital.
3) L’existence de phénomènes de dépendance au sentier :
J-S Mill parle de dépendance au sentier et renvoie au fait qu’une fois engagé dans une
trajectoire particulière, les pays sont pris dans une force d’inertie faisant que la poursuite
de la trajectoire initiale apparaît comme l’option la moins couteuse. Les sociétés sont
esclaves de leur passé. Ex : Clavier QWERTY (1873) invention technique ayant pour but de palier
une défaillance de la machine à écrire, et bien que des chercheurs aient montré que certains
claviers sont plus efficaces, les coûts de réadaptation sont tels qu’on conserve ces claviers.
Les coûts au changement de sentier apparaissent > aux gains au changement de sentier.
D. Acemoglu, J. Robinson et S. Johnson (The colonial origins of comparative development,
2001) cherchent à montrer que la colonisation a eu des conséquences qui s’étalent jusqu’à
aujourd’hui sur les structures institutionnelles de certains pays, quand bien même ils aient
connu un processus de décolonisation. Ils partent d’un panel de 64 pays dont ils analysent la
structure du droit, et construisent un indice calculant le risque moyen d’expropriation càd la
qualité des droits de propriété. Ils cherchent à mettre en lien cet indice avec le taux de mortalité

Page 18 sur 61
des colons. Ce taux de mortalité leur permet de distinguer colonies de peuplement (Algérie,
USA) et colonies d’extraction (qui se caractérisent par un fort taux de mortalité). Ils observent
que plus le taux de mortalité des colons est fort, plus l’indice d’expropriation moyen est aujourd’hui
élevé. Comment l’expliquer? Dans les territoires de colonies d’extraction, les colons ont mis en
place des institutions extractives (les structures juridiques garantissent avant tout la
reproduction d’une élite minoritaire et l’organisation du pillage du pays). A contrepied, dans les
colonies de peuplement, sont mises en place des institutions inclusives (on a répliqué les
institutions juridiques des pays colonisateurs). Dans les colonies de peuplement apparaitront par la
suite des démocraties, alors que dans les colonies d’extraction, la minorité rentière conserve la
plupart des richesses et continue à mettre en place des institutions extractives visant non plus à
organiser le pillage des richesses au bénéfice des colons, mais au profit d’une oligarchie.
Les économies sont dépendantes de leur histoire et on peut expliquer les problème sue la
croissance des pays sous-développés aujourd’hui par un processus historique.
Ex : si le Nigéria avait bénéficié des institutions juridiques et démocratiques mises en place au
Chili, alors le Nigéria aurait ajrd un PIB 7 fois supérieur à ce qu’il est actuellement (toute chose
étant égale par ailleurs).
Conclusion : Modéliser la croissance est une entreprise par nature complexe puisque la
croissance en elle-même est un processus structurel et multi-dimensionnel alors que le
principe de la modélisation en économie est d’essayer de simplifier le réel pour l’expliquer.
À vouloir simplifier un phénomène aussi complexe que la croissance économique on aboutit à des
modèles de croissance peu pertinents, ce qui nous fait nous interroger nous mêmes sur l’intérêt de
vouloir modéliser la croissance puisque dès qu’on veut le faire, on butte sur des obstacles. La
meilleure façon de comprendre la croissance serait peut-être de refuser la modélisation qui
tente de réduire un phénomène complexe à des rapports simplifiés et se tourner vers une
perspective historique, institutionnaliste et plus largement multi-disciplinaire de la
croissance.
II. Mise en perspective historique : Du take-off à a stagnation séculaire :
Il est possible de dégager des régularités structurelles ou statistiques de la croissance moderne.
N. Kaldor (Un modèle de croissance économique, 1957) énonce alors les cinq faits stylisés de
la croissance :
• Augmentation de la productivité du travail : la croissance est intensive (≠ populationnisme).
• Augmentation de l’intensité capitalistique : (K/L) L ne diminuant pas, augmentation du stock/L.
• Stabilité de K/Y (Harrod-Domar).
• Stabilité de la répartition de la valeur ajoutée (2/3 pour le travail, 1/3 pour le capital).
• Le PIB/habitant est inégale selon les pays (différentes trajectoires de croissance).
A. D’une économie agricole à une économie industrielle : (du 18ème à la fin du 19ème)
i) Qu’est-ce qu’une révolution industrielle?
Les pays ayant connu une forte croissance au 19ème et au 20ème siècle ont fait de la RI un
préalable à l’entrée dans la croissance moderne. A. Blanqui (Histoire de l’économie politique,
1837) la définit comme étant un processus historique faisant basculer une société à
dominante agraire et artisanale vers une société commerciale et industrielle. Elle se
caractérise par une majorité d’emplois industriels, et par une proportion croissante de la VA
générée par l’industrie.
J-P Rioux (La révolution industrielle : 1780-1880) considère qu’elle marque le début d’une
croissance d’un type nouveau. Elle correspond à l’apparition d’innovations techniques.
Attention : ne pas réduire la RI à un simple phénomène technique (évolution des mentalités, de
l’offre, de la demande…).

Page 19 sur 61
On peut distinguer trois grandes révolutions industrielles :
• 1780-1870 : Première révolution industrielle qui se caractérise par une révolution agricole et
démographique conduisant au développement de l’industrie manufacturière, à la diffusion de
la machine à vapeur, et à l’émergence de certains secteurs clés pour l’économie (textile,
métallurgie, transports ferroviaires). Elle repose sur un exode rural, sur le développement du
salariat et l’essor de la logique de marché.
• 1870-1973 : Deuxième RI qui se caractérise par l’apparition de nouvelles sources d’énergie
(électricité, pétrole…) et par de nouveaux secteurs moteurs (chimie, automobile, sidérurgie,
aviation…)
• Troisième révolution industrielle : J. Rifkin estiment que toute fin de révolution industrielle
entraine le commencement d’un autre, on entrerait à la fin des 70s dans une nouvelle RI se
caractérisant par la microélectronique, l’informatique, la nano-technologie…
• Quatrième révolution industrielle en prenant en compte l’importance du développement de l’IA
et des systèmes de traitement des données (K. Shwab, La quatrième révolution industrielle,
2017)
b) La révolution agricole comme préalable à la RI :
La Révolution agricole renvoie à l’ensemble des mutations des techniques agricoles et des
pratiques culturales entrainant l'augmentation des rendements agricoles et des volumes de
production agricole. Existe-t-il un lien de cause à effet entre RA et RI?
10) La révolution agricole implique-t-elle la révolution industrielle?
W.W. Rostow (Les étapes de la croissance, 1960) « des changements révolutionnaires dans la
productivité agricole sont des conditions essentielles pour la réussite du take-off » / « L’agriculture
doit mettre à la disposition du secteur moderne une part importante de ses revenus
excédentaires ». Le lien entre révolution agricole et révolution industrielle passe par trois grands
canaux :
• Le canal du capital humain : La révolution agricole permet un meilleur accès de la population
aux biens de subsistance ce qui permet d’accroitre l’espérance de vie, et la productivité (un
travailleur mieux nourri travaille mieux).
• L’effet de déversement (A. Sauvy). La révolution agricole libère une population active qui va
pouvoir être mise au service du secteur industriel. Elle provoque une hausse de la productivité
agricole, qui provoque d’une part une baisse de la main d’oeuvre dans ce secteur qui
provoque un exode rural et d’autre part une baisse des prix des biens de subsistance càd
une augmentation du pouvoir d’achat des individus (apparition d’une demande de biens
industriels). En somme, apparaît une demande industrielle et une main d’oeuvre libre qui se
redirige alors vers le secteur industriel. (Elle constituera ce que Marx appelle l’AIR).
• L’accumulation primitive du capital. A-M-A’, mais d’où provient A? Selon Marx, d’une
accumulation du capital hors secteur industriel, or la RA en générant des profits > à la normale
alimente le développement du secteur industriel.
Attention : Chez Rostow, la révolution agricole n’est pas le seul préalable au TO. On a également
l’évolution des mentalités (le détachement progressif vis-à-vis des dogmes religieux et
l’apparition d’un esprit d’entreprendre) et l’apparition d’un État stable qui permet de garantir la
stabilité des institutions qui encadrent l’activité économique (notamment les droits de propriété).
P. Bairoch, Sous-développement et révolution industrielle, 1963 :
• Le secteur agricole fournit des débouchés au secteur industriel.
• En augmentant la productivité agricole, la RA modifie la structure de la balance commerciale.
Elle génère un excédent commercial agricole permettant de financer l’importation de biens
d’équipements industriels (machines) ou de matières premières qui ne sont pas disponibles sur
le territoire national. S. Kuznets constate empiriquement qu’avant la RI les pays occidentaux ont
Page 20 sur 61
pour la plupart des excédents commerciaux dans le secteur agricole leur permettant de financer
l’acquisition de biens reproduction auprès des autres pays.
Le modèle d’Akamatsu (1935) du vol d’oie sauvage repose sur ce principe : pour se développer,
un pays commence par générer un excédent commercial dans un secteur à faible valeur ajoutée
pour importer des biens manufacturés et de production. Peu à peu, la structure du commerce
international du pays évolue. Il finit par produire et exporter des biens de capitaux à son tour (de
proche en proche). Ex : Le Japon, la Corée du Sud.
W.W Solow et P. Bairoch montrent en quoi la RA est un préalable à la RI, et en quoi le
développement d’un secteur primaire permet le développement d’un secteur industriel
(AKAMATSU)
2) Les inventions ayant conduit à la RA :
La révolution agricole se caractérise par des changements de pratiques culturales. En GB, est mis
en place en 1720 le système de Norfolk (passage d’une pratique triennale et de la jachère) à une
pratique quadriennale reposant sur la culture des trèfles, des navets fourragers, du blé et de l’orge.
Ce système permet d’en finir avec la jachère en associant à l’agriculture l’élevage (les règles
nourrissent le bétail) les trèfles permettent de nourrir les animaux) et d’augmenter la rentabilité des
terres agricoles, càd d’éviter la sous-exploitation des terres. (En France le système ne sera mis en
place qu'en 1860 parce que la parcellisation des terres y est >).
La RA se caractérise par l’apparition de nouveaux outils, notamment le semoir mécanique
(Jethro Tull, 1731) qui permet d’augmenter les rendements agricoles.
Les institutions elles aussi se développent, notamment avec le mouvement des enclosures (1727-
1801) qui nous permet de libérer la terre de « la tragédie des biens communs ».
3) Des révolutions industrielles sans révolution agricole :
Si la France ne connaît de réelle révolution agricole, parce que l’évolution de la productivité
agricole y est lente et diffuse, elle ne connait pas non plus de réelle RI. L’exemple de la France ne
nous permet pas d’invalider le lien causal.
• En revanche, le Japon nous permet d’invalider ce modèle.
Pour s’industrialiser, le Japon sacrifie son secteur agricole. Durant l’ère Meiji est mis en place une
réforme sur la fiscalité des terres agricoles (1860) qui fixe une taxe foncière à 3% de la valeur
nominale de la terre. Cette taxe étouffe la rentabilité agricole, et accélère le phénomène d’exode
rural, fournissant une main d’oeuvre abondante et bon marché au secteur industriel japonais. Cet
impôt augmente le budget de l’État qui développe abondamment le secteur industriel, notamment
en subventionnant de grands groupes japonais (les zaïbatsus). Entre 1868 et 1912 (ère Meiji) le
TCAM japonais est de 4,2%. Donc, on peut se passer d’une RA et connaître la croissance.
• Par ailleurs, on peut remettre s’interroger sur les transferts intersectoriels (agricole ==>
industriel) en GB :
P. Deane remarque la RA britannique prend place au Sud-Est de la GB; alors que la RI prend
place dans le Nord-Ouest. À en croire la thèse du transfert technique, on devrait observer des
transferts de population entre ces deux régions. Or, empiriquement, on s’aperçoit que c’est le
développement industriel dans le Nord-Ouest qui a généré l’exode rural. F. Crouzet (De la
supériorité de l’Angleterre sur la France, 1985) montre que le secteur industriel a principalement
profité d’une absence de main d’oeuvre (poussé à innover…).
• Concernant les transferts de capitaux, le système financer et bancaire en GB étaient trop peu
développés pour permettre des transferts inter régionaux.
Finalement, si l’exemple de la France (du fait qu’elle n’est pas connu de réelle RI) ne permet pas
d’infirmer le lien entre RA et RI, l’exemple du Japon montre qu’en réalité, on n’est pas forcés
de développer le RA pour connaître une RI (l’ère Meiji sacrifie son secteur agricole). On peut

Page 21 sur 61
remettre en cause la théorie du déversement du fait de l’absence de transfert intersectoriel de
personnes ou de capitaux entre secteur agricole et industriel.
c) Le développement du secteur industriel
11) Un processus progressif plus que révolutionnaire :
F. Mendels, 1972 : on serait en réalité passé progressivement d’un domestic system à un
putting-out system à finalement un factory system. Les changements industriels sont plus
progressifs qu’il n’y parait, et l’accumulation primitive du capital ne provient pas nécessairement
d’un autre secteur (agricole). En 1840, 47% des entrepreneurs industriels sont eux-mêmes fils de
proto-industriels. F. Braudel « il n’y a jamais entre passé -même lointain- et présent de
discontinuité absolue (La dynamique du capital, 1985). La proto-industrialisation se développe
comme une source de revenu indépendante des aléas climatiques pour les populations rurales
paupérisées. E. Jeanin la qualifie de « roue de secours du paupérisme rural ». On n’a pas de
substituabilité entre secteur agricole et proto-industrie mais plutôt une complémentarité.
2) L’importance du facteur démographique dans l’industrialisation :
A. Landry la définit comme le passage d’un régime démographique traditionnel (taux de mortalité
et de natalité forts) à un régime démographique moderne (taux de mortalité et de natalité faibles).
La transition démographique se caractérise par un accroissement démographique qui peut être
vue comme une condition de l’industrialisation.
Comment expliquer le lien entre démographie et industrialisation?
- Thèse marxiste avec l’AIR : sans transition démographique, l’intensité de l’exploitation des
prolétaires par les capitalistes serait plus faible puisqu’au moins les travailleurs sont nombreux
au plus ils ont des capacités de négociation salariale. Mao : « Une bouche en plus c'est aussi
deux bras en plus». Il faut accroître la masse démographique parce qu’elle démultiplie le volume
de facteur travail disponible pour une industrie. La croissance soviétique repose sur la quantité
du facteur travail (croissance extensive) et non pas sur sa productivité (≠ ouvrier Stakhanov).
- Les rares pays ne connaissant pas de transition démographique forte au 18ème et 19ème siècle
sont également les pays qui connaissent la RI la plus lente ou la plus tardive. Ex : la France, qui
connait une transition démographique de moins grande ampleur que la GB, d’où sa RI lente, ou
encore l’Allemagne qui ne connait pas de transition démographique, et devient un latecomer.
- L’accroissement de la population démographique est un préalable à l’extension des marchés
: le dynamisme de la transition démographique est une condition au dynamisme de
l’investissement. M. Levy-Leboyer considère que le retard de l’industrialisation française
s’explique par « l’insuffisante capacité d’absorption du marché intérieur français ». (Ratage
hollandais). Mais attention : il ne suffit pas d’avoir une forte population, il faut également des
réseaux de route, de ports on n’a pas de réel marché national. Le marché intérieur français n’est
unifié qu’à partir du moment où le réseau ferroviaire français se développe au début du 19ème
siècle. Importance des infrastructures.
- L’accroissement démographique peut être considéré comme un facteur de PT chez E.
Boserup (Les conditions de l’expansion agricole, 1965) : une forte pression démographique
incite/stimule l’innovation dans le secteur agricole parce que si la production démographique
s’accroit sans PT dans le secteur agricole, il y’a un risque évident de famine (pression
créatrice). Hölderlin «  Là où croit le péril, s’accroît également ce qui sauve ». Le PT naît d’un
décalage croissant entre besoins de la demande et capacité de l’offre. Si la GB a connu
précocement sa RA, c’est parce qu’elle a été précocement touchée par une transition
démographique rendant nécessaire la RA.

Page 22 sur 61
La transition démographique de la GB se fait de 1750 à 1820, la mortalité passe de 38 pour 1000
à 22 pour 1000, ce qui permet à la population britannique de passer de 6 à 18millions d’habitants.
La population française ne passe elle, que de 25millions à 36millions d’habitants de 1750 à 1850.
d) Les caractéristiques du secteur industriel :
12) L’industrie comme vecteur de croissance :
L’industrie serait un préalable à une croissance auto-entretenue. N. Kaldor en 1966 considère que
« de forts taux de croissance sont presque toujours associés avec de forts taux de croissance du
secteur secondaire, principalement du secteur manufacturier et ceci est une caractéristique d’un
état intermédiaire dans le processus de développement ».
- Le développement du secteur industriel permet une concentration de la main d’oeuvre et
sa meilleure organisation
En faisant l’hypothèse qu’il existe des rendements croissants dans l’industrie, on estime qu’en
accroissant le volume de la main d’oeuvre géré par une même unité industrielle, on accroit ses
capacités d’optimisation en mettant en place une organisation du travail plus rationnelle. D’où
proviennent ces rendements d’échelle? D’une DDT plus efficace que dans l’agriculture (Smith :
l’opulence nait de la DDT). En effet dans le secteur agricole, on est confrontés à la finitude des
terres (biens non reproductibles, non économiques). Dès lors que le capital est reproductible,
on peut dépasser la loi des rendements factoriels décroissants dans l’industrie (on peut faire
augmenter à la fois le travailleurs et le stock de K) alors que dans l’agriculture, on ne peut pas faire
croitre indéfiniment le volume de terre.
- La loi Kaldor-Verdoorn
Elle établit une relation linéaire entre évolution de la productivité du travail dans le secteur
industriel et croissance du PIB (cette relation dépend du coefficient de Verdoorn). Il est estimé en
1949 à 0,5.
- L’innovation
Le secteur industriel est plus propice à l’innovation que le secteur primaire. Dans le secteur
industriel, il y’a des possibilités de différenciation des produits beaucoup plus fortes que dans le
secteur agricole. Le secteur industriel est un secteur dans lequel les entrepreneurs peuvent plus
facilement s’affranchir de la concurrence que dans le secteur agricole.
2) L’importance du secteur moteur :
Secteur moteur : secteur de l’économie se caractérisant par ses effets d’entrainements sur
l’ensemble des autres secteurs (en aval ou en amont). En amont, le secteur moteur peut stimuler
la production de matières premières et en aval, un réseau de distribution particulier. Ex : le secteur
des transports ferroviaires, qui a des effets d’entrainement en amont sur le secteur de la sidérurgie
et des effets en aval sur le transport commercial (des biens agricoles). Le secteur moteur se
caractérise également statistiquement : les taux de croissance doivent y être 20% supérieurs à la
moyenne, et il doit avoir un poids dans la production totale d’au moins 2%. Il existe trois
modalités de diffusion du secteur moteur :
• Par le marché puisque l’essor du secteur moteur agit sur l’offre et la demande globales de
l’économie (dans ce secteur et ceux qui bénéficient d’effets d’entrainement)
• Par les effets technologiques qu’il peut avoir : le dynamisme du secteur moteur peut être un
stimulis pour la création d’une grappe d’innovation autour de ce secteur moteur. Ex : textile
comme secteur moteur à la fin du 18ème siècle, se développe une grappe d’innovation qui
stimule la productivité et donc la croissance
• Par ses conséquences financières : il génère des revenus dont la répartition peut permettre
l’émergence de nouvelles structures financières. Ex : transport ferroviaire, on a dû mettre en
place des innovations financières comme les SA, une forme d’économie mixte où l’Etat finance

Page 23 sur 61
une part du transport ferroviaire et le secteur privé. P. Verley : La révolution industrielle, 1985 : le
concept du secteur moteur est essentiel parce que repose sur l’idée que l’effet multiplicateur
sur l’économie globale n’est pas le même suivant le secteur auquel s’applique
l’investissement. L’État ne doit pas simplement stimuler l’investissement, mais le stimuler
dans des secteurs avec des coefficients multiplicateurs > aux autres càd ceux qui ont des
effets d’entrainement. Ex : BPI.
e) Les inventions majeures de la RI :
1) De la première révolution industrielle
• J. Watt et la machine à vapeur en 1769 :
Elle démultiplie la productivité dans le secteur industriel et a des effets d’entrainement en
amont dans le secteur des extractions de matières premières (charbon de mine). Elle permet le
passage d’une économie organique (où la force productive reposait sur les animaux de trait, la
force musculaire humaine et l’exploitation des forêts) à une économie minérale (utilisation du
charbon de houille comme principale source d’énergie). Cela découle de la nécessité puisqu’au
18ème siècle, la déforestation est massive et le stock de forêts exploitables en Europe a
fortement diminué. Il est d’autant plus important de trouver de nouvelles sources d’énergie que le
paradoxe de Jevons s’applique : l’invention de la machine à vapeur accroit la consommation de
ressources énergétiques. La force motrice britannique passe de 170000 chevaux-vapeurs en 1800
à 10,5millions chevaux-sapeurs en 1900, dans le même temps, la consommation de charbon
britannique explose : en 1800 la GB consomme 15millions de tonnes de charbon/an alors que le
reste de l’Europe n’en consomme que 3millions.
L’introduction de la machine à vapeur dans le tissu industriel nécessite une réorganisation totale
de la forme productive : du fait des importants coûts fixes associés à l’acquisition d’une machine
à vapeur, la concentration devient nécessaire pour gagner en rentabilité (apparition de l’usine).
Selon Marx, la machine à vapeur caractérise le capitalisme moderne parce qu’elle permet la
concentration de la main d’oeuvre et donc l’exploitation des travailleurs.
• La navette volante de J. Kay en 1733
Elle permet de mécaniser le secteur textile britannique et quadruple la productivité du secteur.
• La spinning Jenny de Hargreaves en 1764
Elle permet de multiplier par 20 la productivité du secteur textile.
• E Cartwright en 1785 utilise la machine à vapeur pour alimenter les métiers à tisser
britanniques.
Ces inventions dans le secteur textile ne sont pas le fruit d’ingénieurs mais d’inventeurs
autodidactes (Hargreaves était charpentier, Cartwright pasteur).
Finalement, à la fin du 18ème siècle, un ouvrier travaillant sur une machine à filer alimentée par
une machine à vapeur produit autant que 400 artisans en 1750.
L’effet de ces gains de productivité sur les prix est mécanique : le prix des filés de coton pass
de 36shillings en 1786 à 9shillings en 1801. La rentabilité de l’entreprise augmente, et donc la
capitalisation du capital puisque la baisse des prix est largement inférieurs à l’augmentation de la
productivité. En 1801 le secteur britannique correspond à 8% du PIB contre 1% en 1700.
La hausse de la productivité dans le secteur moteur textile alimente le caractère précurseur
du libéralisme britannique. Si la GB est l’un des premiers pays à s’ouvrir commercialement au
RDM, c’est parce que c’est l’un des premiers pays à avoir besoin de trouver des débouchés
extérieurs sur son marché intérieur (commence par ses colonies, et finit par passer aux accords
bilatéraux).
- A. Darby et la fonte au coke en 1706 :

Page 24 sur 61
Ce procédé permet de décupler le pouvoir calorifique de la houille et permet à la GB de
disposer précocement de ressources énergétiques plus efficaces que le reste du continent. Il se
généralise en 1780. La production de fer en GB est multipliée par 6 entre 1788 et 1815, et la part
de la GB dans la production mondiale de fer passe de 20 à 52% entre 1800 et 1840.
Pourquoi cela se généralise pas sur le continent?
• Les transferts technologiques sont rares au 18ème siècle
• Manque de nécessité puisque l’Europe Continentale est plus boisée que les îles britanniques : la
nécessité d’augmenter le pouvoir calorifique de la houille ne se fait ressentir que plus tard en
Europe (ce procédé est utilisé pour la première fois en France en 1785).
Durant la première révolution industrielle, les quatre grands moteurs industriels que sont le
coton, le charbon, la machine à vapeur, et la production de fer et d’acier se renforcent
mutuellement l’un l’autre. On parle d’effets de synergie entre ces secteurs ce qui permet de
comprendre que des innovations isolées dans chaque secteur entrainent un progrès global de
l’activité économique. C’est ce que B. Gille (Histoire des techniques, 1978) un système
technique càd l’ensemble des innovations qui s’auto-entretiennent.
- Le convertisseur de Bessemer, 1856 :
Il permet de diminuer les coûts de production dans la sidérurgie par 10, ce qui permet de continuer
à alimenter le développement du chemin de fer. Les innovations sidérurgiques facilitent le
développement du secteur ferroviaire, or le chemin de fer est une industrie non seulement
industrialisante (càd qui a des effets d’entrainement sur le secteur industriel) mais aussi
structurante puisque le développement du chemin de fer permet de modifier la structure
économique des territoires nationaux. Le développement des chemins de fer à partir du 18ème
siècle permet l’essor d’une croissance smithienne (qui repose sur l’extension de la taille du
marché et qui est traditionnellement opposée à une croissance schumpéterienne). La possibilité
d’acheminer une production locale à un autre bout du territoire explique que le chemin de fer ait
été un élément déclencheur de la RA : les agriculteurs faisant face à des marchés plus étendus, il
est nécessaire d’augmenter les gains de productivité.
- Les applications de la machine vapeur aux chemins de fer par R. Trevithick en 1804 :
La première ligne régulière sera ouverte en 1830 entre Liverpool et Manchester ; deux villes
industrielles, dont une portuaire. Cela souligne l’importance du chemin de fer dans la
structuration du territoire et dans le développement du commerce lointain.
Entre 1840 et 1846 plus d’1/4 des investissements britanniques sont alloués au financement du
chemin de fer et ce par le financement de SA (par les banquiers mais aussi les petits
commerçants). Le développement d’une nouvelle structure de financement permet une source
d’épargne plus diversifiée et donc une accumulation du capital plus efficace. Ce chemin de
fer permet aussi via un effet de concurrence d’alimenter une forme de croissance
schumpéterienne parce que la mise en concurrence des territoires par leur plus grande inter
connexion entraine une nécessité pour les producteurs de sans cesse améliorer leurs systèmes
productifs pour échapper à la concurrence des autres producteurs. Le monde comptait 8500kms
de chemin de fer en 1840 contre 1million en 1910.
2) Les inventions de la 2ème RI :
La seconde révolution industrielle repose sur l’électricité là où la première reposait sur la
vapeur (tableau de R. Dufy, La fée électricité peint en 1937 représentant les étapes de l’invention
de l’électricité depuis l’antiquité grecque). La première ligne haute tension exploitée est créée en
1883 entre Munich et Misbach et dès la fin du 19ème siècle, l’électricité est utilisée dans la
production industrielle à grand échelle (éclairage, développement du téléphone, permet
d’augmenter la survaleur absolue puisque les usines tournent à temps plein).

Page 25 sur 61
Plus encore, l’électricité permet d’alimenter le deuxième moteur de la 2ème RI : l’automobile
(moteur à explosion, R. Lenoir, 1860) qui repose sur l’exploitation du pétrole. Les premières
usines Ford sont créées en 1863 et permettent de démocratiser l’achat d’automobiles. Aux USA,
Rockefeller et la Standard Oil Company (1870) profitent de l’apparition de cette nouvelle source
d’énergie (pétrole) pour bâtir un empire qui deviendra l’un des premiers trust en instaurant de
partenariats stratégiques avec les centres de raffinement de l’ensemble du territoire américain ce
qui permet l’élimination de la concurrence en faisant baisser les prix du baril de kérosène de 58 à
26 centimes entre 1865 et 1870 (guerres des prix). Malgré son abus de position dominante, la
Standard Oil Company est principalement responsable du dynamisme industriel américain à la fin
du 19ème siècle : la baisse du prix du pétrole permet d’expliquer la croissance industrielle
américaine. Ce dumping se fait au détriment des concurrents mais au bénéfice de
l’économie globale, ce qui explique le fait qu’il ait fallu attendre 1890 pour que soit promulgué le
premier acte de régulation des monopoles et 1914 pour que la SOC soit démantelée.
Finalement, les inventions de la première et de la deuxième révolutions industrielles nous
montre qu’elles ne sont pas isolées, et ne peuvent être comprises de manière autonome. Il faut
prendre en compte la synergie existant entre les différents secteurs afin de les saisir comme un
système. B. Gille parle dans L’Histoire des techniques, 1978 de système technique, mettant en
exergue la nécessité que ces effets de synergie aient lieu dans un contexte socio-économique
favorable notamment en termes de capital humain (suffisamment développé pour assimiler les
innovations) ou de concurrence sur le marché.
Conseils d’utilisation :
- Oraux
- Sujet sur le PT. Expliquer la première RI par les innovations dans le secteur textile.
B. Unicité ou diversité des trajectoires de croissance :
On s’est jusque là intéressés au modèle britannique parce que la GB s’impose comme puissance
hégémonique tant que le plan industriel, commercial que financier (monétaire). En 1860 elle
représente à elle seule 20% de la production industrielle mondiale alors qu’elle ne concentre que
2% de la population (son PIB a augmenté de 600% entre 1700 et 1860) et se caractérise par une
précocité de l’industrialisation de l’emploi puisqu’en 1890 80% de la population active est
employée dans le secteur industriel ou tertiaire.
La trajectoire de croissance britannique est-elle un modèle pour les autres pays?
L’enjeu est de potentiellement appliquer les recettes suivies par la GB aux pays émergents/sous-
développés. Cette question renvoie à un débat entre Rostow est Gerschenkron.
m) Un modèle universel pour Rostow :
Les étapes de la croissance, 1960 : Toute économie doit pour s’industrialiser et se développer
passer par cinq étapes.
- La société traditionnelle : agraire, caractérisée par des mentalités conservatrices, avec une
hostilité au progrès et des structures sociales qui sont rigides (fatalisme de LT).
- Les conditions préalables au TO : Des changements structurels (mentalités, révolution
démographique, technologiques) permettent l’acceptation de l’idée de progrès et l’augmentation
de l’investissement.
- Le TO : le taux d’investissement dépasse les 10-15% (déclenchement d’une dynamique auto-
entretenue d’accumulation du capital), apparition de secteurs moteurs, d’un secteur
institutionnel. « On renverse définitivement les obstacles à la croissance ».
TO GB : 1780-1820 TO France : 1830-1870 TO Allemagne : 1850-1880
- La phase de maturité des économies : période de seconde RI où les secteurs moteurs se
multiplient, et les niveaux de vie s’améliorent. (30G en Europe).
Page 26 sur 61
- L’ère de la consommation de masse : étape ultime à atteindre pour Rostow, historiquement
elle renvoie pour les USA aux 20s (roaring twenties) et les 30G en Europe.
À retenir :
• Ce modèle est fondé sur l’accumulation du capital puisque la phase de retournement est
permise par l’investissement massif durant le TO
• Ce modèle est libéral : Le développement ne peut avoir lieu qu’une fois disparues les
mentalités conservatrices et qu’apparaissent des institutions libérales et des mécanismes
concurrentiels.
b) La diversité des chemins vers le développement :
A. Gerschenkron (Economic backwardness in historical perspective, 1962) reproche à Solow une
ambition universaliste qui lui empêche de prendre en compte la spécificité de certains modes de
développement et de considérer la diversité des stratégies de développement.
Si le modèle de Rostow permet d’expliquer le développement des first comers, il est inapte à
explique le développement des latecomers càd l’existence d’avantages à l’arriération :
• La possibilité de bénéficier de transferts technologiques : il est plus aisé de se rapprocher de la
frontière technologique que de la repousser. Ex : En 1843 la GB lève son interdiction d’X des
machines industrielles et permet à l’Allemagne de bénéficier d’un transfert technologique.
• Meilleure vision sur le développement industriel et les interventions étatiques efficaces : Ex :
Japon avec l’ère Meiji ou encore la Russie qui contracte des emprunts (270millions de roubles)
auprès de pays industrialisés grâce à des obligations d’État qui rassurent (dépassement du
paradoxe de Lucas). Elle atteint un TCAM de 8% au 19ème siècle.
• Mise en place d’un protectionnisme éclairé : F. List (Système national d’économie politique
1841) qui repose sur un protectionnisme modéré et temporaire pour protéger les industries
naissantes qui bénéficient de rendements croissants pour atteindre une taille critique leur
permettant d’affronter la concurrence étrangère (CF. schéma 9). « Le libre échange est notre
but, le protectionnisme est notre voie ». Ex : Allemagne avec la mise en place d’une union
douanière de 1834 à 1919.
C. L’âge d’or de la croissance : de Gatsby le Magnifique aux 30G :
n) L’entre-deux-guerres : entre prospérité et peur de la stagnation
15) Un changement d’hégémonie au détriment de l’Europe
Avant la WWI, l’hégémonie britannique est indiscutable (politique, commerciale, monétaire) mais
en 1914 a lieu un transfert au profit des USA. L’Europe est épuisée par la guerre qui a entrainé
un déficit de main d’oeuvre structurel et une perte de capital physique. Plus encore, le financement
de la WWI provoque un décrochage de l’étalon or et de l’inflation que les pays européens
cherchent à enrayer en menant des politiques déflationnistes (restrictions budgétaires, limitation
de la CM). Apparaissent alors des « pays neufs » qui profitent de l’épuisement de l’Europe : les
USA (qui détienne 2/5 du stock mondial d’or en 1920) l’Australie, le Japon, le Canada…
L’Europe connait un autre déséquilibre monétaire entre 1921 et 1924 sous la république de
Weimer (hyperinflation allemande).
2) Une croissance industrielle généralisée :
• Aux USA :
Entre 1922 et 1929 la production industrielle et le revenu moyen/habitant x2 (grâce aux gains de
productivité découlant de la diffusion du fordisme : la production automobile aux USA passe de
500000voitures en 1914 à 5,5millions en 1929). Entre 1920 et 1922 +22% gains de productivité,
entre 1923 et 1925 +10%. Les USA représentent les 5/6 de la production d’automobiles. Or, le
secteur automobile provoque des effets d’entrainement en amont (essor de la sidérurgie) mais
aussi en aval (développement d’infrastructures routières) : comme l’industrie ferroviaire, elle est à

Page 27 sur 61
la fois industrialisante et structurante puisque l’essor de l’automobile comme mode de transport
individuel permet de déconnecter lieux de vie et de travail de telle sorte qu’appariassent des
banlieues (développement du secteur du BTP dans 20s).
Plus encore, dans les 20s apparaissent des changements dans la structure de consommation
des ménages américains (american way of life) avec l’émergence d’une classe moyenne qui se
caractérise par une consommation de masse et l’essor des taux d’équipement. Cela provient de la
hausse des revenus salariaux qui généré par le fordisme… mais aussi par l’essor du crédit à la
consommation puisque durant les 20s en moyenne, 6 voitures sur 10 sont achetées à crédit
(1929…)
• En Europe :
Malgré les déséquilibres monétaires des 20s, elle connait une croissance industrielle. En France,
entre 1922 et 1929 la production industrielle est x2, ce qui s’explique par une première diffusion du
taylorisme et par le boom du secteur automobile. (La France produit 254000 voitures en 1929
contre 40000 en 1919). La modernisation du tissu industriel français s’observe également par le
recul des secteurs de la 1ère RI dans la part du PIB : l’habillement passe de 16% à 11% du PIB
entre 1913 et 1929 alors que la croissance de l’industrie mécanique passe de 7 à 10%.
Malgré cette modernisation, la consommation n’augmente pas (contrairement aux USA) : 1/3
de la population française reste agricole, or une période de croissance sans développement de la
demande ne peut provoquer qu’une crise.
En Angleterre, les 20s sont synonymes de retard : croissance industrielle faible qui s’explique par
le refus tenace de la GB de dévaluer la livre sterling (Les conséquences économiques de la
politique de Monsieur Churchill, Keynes, 1925).
Cette croissance industrielle des 20s s’accompagne d’une mutation du capitalisme qui n’est plus
concurrentiel, mais qui n’est pas encore fordiste. R. Boyer parle d’un capitalisme hybride : la
concentration des firmes est aboutie et explique la centralisation de la force de travail et d’imposer
des rythmes plus intenses (travail à la chaîne) d’où l’apparition de syndicats. J. Rueff considère
que l’une des causes structurelles de la crise de 1929 est la montée du syndicalisme (les
déséquilibres sur le marché du travail rognent les capacités d’investir… faux puisqu’en réalité,
cette crise est une crise de surproduction).
Après la WWI, les conditions de production de masse sont réunies et profitent principalement aux
profits dont la part dans la VA va augmenter (s’explique par domination es marchés financiers).
À retenir : Dans les 20s la croissance est forte, mais ses bases sont déséquilibrées. Tous les forts
taux de croissance ne sont pas de bons taux de croissance. (paradoxe de la tranquillité de
Minsky).
b) Les 30G
16) Caractéristiques :
Cette expression nous vient de J. Fourrastié (1979). Les 30G sont d’autant plus impressionnantes
qu’elles opèrent un constate radicale avec la période de crise des 30s où les taux de
croissance sont si bas que certains économistes prophétisent la stagnation séculaire (Hansen
en 1938 et Kuznets en 1941). Or, entre 1945 et 1975 le PIB/tête augmente de 3,5% par an en
valeur réelle (5% en France, 8% au Japon, 7% en Allemagne). A. Maddison fait des 30G « l’âge
d’or de la croissance », en Allemagne on parle de « miracle économique ouest-allemand »
(wunder wirtschuft). Fourrastié associe les 30G à la possibilité pour la France de « passer de la
pauvreté millénaire, de la vie végétative traditionnelle au niveau et au genre de vie
contemporains » : le pouvoir d’achat du revenu moyen x3 (progression équivalente à celle entre
1800 et 1930). Il s’agit de mettre en exergue la rupture qu’ont constitué les 30G pour légitimer
les politiques industrielles contemporaines.

Page 28 sur 61
Les USA ne connaissent que des TCAM de « 4% » ce qui permet à l’Europe occidentale de les
rattraper : en 1950 la productivité des pays industriels autre que USA n’était que de 50% celle des
USA, contre 2/3 en 1973.
2) Facteurs explicatifs
Qu’est-ce qui n’explique pas les 30G en France? La quantité du facteur travail puisque la
population active française reste faible, la crise des 30s a altéré les taux de fécondité des pays
occidentaux. La féminisation de l’emploi qui permet d’augmenter la population active n’a lieu que
60s. Le déficit de main d’oeuvre est si important que les pays européens ont un recours massif à
une main d’oeuvre immigrée : entre 1945 et 1975 le solde migratoire net en Europe est de
9millions de personnes.
On retrouve des facteurs explicatifs structurels :
• L’effet de structure : La France achève pendant les 30G son exode rural (modernisation de
l’agriculture et basculement de la main d’ouvre du secteur primaire au secondaire).
• La hausse du capital/tête provenant d’un effort d’investissement puisque sur la période
1947-1973 en moyenne 25% du PIB est alloué à l’investissement (anticipations optimistes des
entrepreneurs sur l’évolution de la demande couplé à la faiblesse des taux d’intérêt càd
politiques monétaires accommodantes et plan Marshall qui permet l’afflux massif de capitaux
des USA vers l’Europe dès 1947). Dès 1947, 5% du PIB/annuel américain est transféré vers
l’Europe, ces capitaux sont réinvestis par l’État dans des investissements de capacité mais
aussi de modernisation (ce qui permet une plus grande efficacité de la main d’oeuvre).
Il existe trois types d’investissements :
- Les investissements de capacité : augmenter le stock de capital pour produire plus
- Les investissements de modernisation
- Les investissements de remplacement : pour faire face à la dépréciation du capital.
Ces investissements peuvent être :
- Matériels
- Immatériels : R&D privée ou publique notamment avec la période de la Guerre Froide où l’on
constate un essor des investissements dans la recherche militaire. Les inventions générées
seront alors appliquées dans l’économie civile. Ex : massification scolaire puisqu’en France en
1946 650000 élèves et étudiants contre 4millions en 1975.
Le rôle de l’État comprend également la réparation des richesses : son poids passant sur la
période des 30G de 10 à 20% du PIB, il peut mettre en place une allocation des revenus plus
propice à la consommation.
D. Le ralentissement de la croissance des trente piteuses à la stagnation séculaire :
q) Mise en garde :
Les 70s-80s sont perçus comme une période de crise alors qu’on n’observe pas de réelle
récession : les TCAM en Europe Occidentale entre 1973 et 1980 ont été de 3%. En réalité, on
compare cette crise relativement à la période précédente : les 30G à tel point que N. Baverez
parlera même des « trente piteuses » en 1998 puisque cette période s’accompagne de
l’explosion des déséquilibres macro-économiques (inflation, chômage, déficit commercial,
endettement public) : somme toute, le carré magique de Kaldor s’élargit.
Plus encore, si l’on juge négativement cette période c’est parce que pour la première fois dans
l’histoire contemporaine apparaissent des concurrents économiques à l’Europe occidentale et aux
USA (Asie Orientale : NPIA) : s’amorce alors un déplacement progressif du centre de gravité
de l’économie mondiale.
b) Expliquer le ralentissement :
• Proximité à la frontière technologique :
Page 29 sur 61
Dans les 80s les pays européens achèvent leur rattrapage, or au plus on se rapproche de la
frontière technologique au plus il est difficile de générer des gains de productivité càd de la
croissance. Le PIB/tête français en 1980 équivaut à 80% du PIB/habitant américain.
• Le choc pétrolier de la guerre de Kippour en 1973 :
Ils altèrent les taux de marge des entreprises réduisant la soutenabilité des forts niveaux de salaire
consentis par les entreprises dans le mode de régulation fordiste pur. Ces hauts niveaux de salaire
acquis dans les 30G sont de plus en plus concurrencés par les niveaux de salaire asiatiques. Cela
explique une part de la montée du chômage à la fin des 70s.
• Retournement des anticipations des entrepreneurs et investisseurs :
Les anticipations sur la demande globale s’altèrent (chômage, choc pétrolier…).
• La stagflation (période de forte inflation et de montée du chômage)
Durant les 30G, le dogme dominant est néo-keynésien (qui raisonnent dans un cadre walrassien
mais restent convaincus que conjoncturellement l’inflation peut réduire le chômage). Cela repose
sur la courbe de Phillips qui représente une relation convexe et décroissante entre taux d’inflation
et taux de chômage. Cette relation se confirme dans les 30G mais est remise en question à partir
des 70s. Les État vont alors chercher à juguler l’inflation en augmentant les taux d’intérêt càd en
restreignant l’accès au crédit.
Dans les 80s les entreprises passent d’une logique d’endettement durant les 30G à une logique de
désendettement ce qui freine spectaculairement l’investissement (dès qu’elles ont du profit, elles
l’utilisent pour rembourser leurs dettes passées et non pas pour investir, alors que dans les 30G
l’investissement était tiré par l’endettement, et les fruits de l’investissement permettent de
continuer à s’endetter)
c) Un nouveau centre de gravité pour la croissance mondiale ?
Entre 1960 et 1990 l’Asie du Sud Est connaît son industrialisation qui est tellement rapide que
certains pays vont rattraper en 30-40ans le niveau de PIB/habitant de l’Europe occidentale et des
USA. Ex : la Corée du Sud, Taïwan, Singapour, Hong-Kong (les dragons) et dans une moindre
mesure, la Malaisie, la Thaïlande… En 1950 le PIB de l’Espagne était trois fois supérieur à celui
de la Corée du Sud, en 1997 elles ont le même PIB, or dans le même temps le PIB/habitant
espagnol a été multiplié par 5,7, donc la Corée du Sud a rattrapé l’Espagne.
Cela s’explique par les stratégies de développement des pays asiatiques qui s’appuient sur
l’importance accordée aux exportations industrielles, par leur pleine insertion dans la
mondialisation et surtout par un fort interventionnisme étatique dans ces pays qui permet d’allouer
les capitaux vers les secteurs les plus porteurs de croissance économique. (Modèle de
développement en vol d’oie sauvage pour montrer comment la Corée du Sud passe d’un
avantage comparatif basé sur le riz à un avantage comparatif sur le développement technologique)
En 1993 la Banque Mondiale parle de miracle asiatique pour qualifier cette industrialisation des
pays asiatiques : or, cela repose sur une forte intervention étatique, et en 1997 a lieu la crise
asiatique.
Enjeu du cours : à chaque période miraculeuse de croissance succède une période
calamiteuse.
Est-ce que le but d’une nation est d’arriver au plus haut PIB ou de faire en sorte que les
individus soient à l’abris de la conjoncture et de l’inégalité générationnelle?
Le développement industriel Chinois, est tardif dans l’industrialisation de l’Asie du Sud-Est parce
que le dynamisme de l’économie chinoise explose principalement à partir de 1978 lorsque l’État
Chinois entre dans une politique de modernisation de son économie avec un choix d’essayer de
concilier un système politique déclaré comme communiste avec un système économique qui
reprend les codes du capitalisme au moins dans certains secteurs économiques et certaines
zones géographiques. On qualifie l’économie chinoise d’économie mixte, parce cette forme de
Page 30 sur 61
« capitalisme » chinois reste largement dominé par le dirigisme de l’État central. Cela passe par
l’ouverture des régions littorales aux capitaux étrangers qui est facilitée par la mise en place de
zones économiques spéciales qui permet une industrialisation du littoral chinois et déclenche un
exode rural sans précédent permettant à la Chine de connaitre un changement de structure radical
en l’espace d’une génération. Cette industrialisation du littoral chinois se construit autour
d’industries exportatrices et manufacturières càd à faible valeur ajoutée par rapport à l’industrie
lourde. On observe alors la multiplication des réseaux de sous-traitance entre FTN qui ont leur
siège dans les PD et les unités industrielles du littoral chinoises. « La chine devient l’atelier du
monde ». Ces réseaux de sous traitance permettent les transferts technologiques parce que le
sous traitant s’empare d’une partie du capital technologie de la firme pour laquelle il sous traite
(modèle OLI : Ownership : quand on fait appel à un sous traitant on doit forcément déléguer une
partie de notre capital technologique). Ex : En 1978 le taux de croissance annuel chinois est de
11,7% avec un pic de croissance en 1984 à 15% puis des taux qui se stabilisent autour de 14% en
1992 et des taux qui vont osciller entre 7 et 10% dans les années 2000.
On aurait à partir des 70s un ralentissement de la croissance les PD par rapport aux miraculeuses
30G et un transfert de la croissance mondiale vers les pays d’Asie du Sud-Est.
Cependant, dans les 90s on voit réapparaître un élan de croissance économique dans certains
pays développés avec un retour de la croissance aux USA, en Finlande et en Irlande qui
dépassent les 4% que l’on explique par l’essor des nouvelles technologies de l’information et de la
communication en apeticulier par l’essor de l’informatique. Dans les 90s au moins les USA
dépassent le paradoxe de Solow qui avait énoncé en 1987 « Les ordinateurs sont partout sauf
dans les statistiques de productivité » et la productivité globale des facteurs aux USA entre 1976
et 2006 son TCAM est de l’orde de 2%. Mais cette forte croissance des années 90s débouchent
sur la crise de 1929.
III. L’instabilité de la croissance économique : des crises et de leur diversité :
Crise économique : « retournement généralement assez brutal de la conjoncture dans un cycle
économique » (dictionnaire de science économique de A. Beitone).
La crise est la remise en cause d’un état de fait et lorsque l’on revient à l’étymologie du mot
cris : crisis en grec, elle est le point culminant dans l’évolution d’une maladie. La crise entraîne un
changement d’état économique, monétaire, technologique et social.
Les crises économiques sont de différentes formes et intensité, on peut distinguer les crises
bancaires, les crises boursières, les crises de change, les crises de la dette, les crises de
surproduction, les crises de sous production…
On peut distinguer les crises comme le fait Marx en fonction de leur caractère conjoncturel ou
structurel. Les crises conjoncturelles ne remettent pas en cause la structure du mode de
production et les crises structurelles soulignent les limites propres à un mode de production et qui
potentiellement peuvent venir altérer durablement les structures économiques et sociales.
Ces crises économiques sont factuelles, mais peuvent être mises en parallèle avec des crises
paradigmatiques dans la pensée économique ; à chaque crise économique, on a une remise en
cause d’un état de l’économie mais aussi de l’économie en tant que science économique. Arès la
crise de 29 on a une première révolution paradigmatique avec l’arrivée du keynésiannisme. Avec
la crise des 70s on a une remise en cause du keynésiannisme au profit des néoclassiques.
Depuis la cris eue 2007 quelles remises en question du courant libéral? T. Kuhn (La
structure des révolutions scientifiques, 1962) s’oppose à la philosophie de K. Popper (un énoncé
scientifique est un énoncé qui est réfutable) càd à une vision de la science comme intangible et
comme quelque chose qui pourrait amener à l’établissement d’une vérité atemporelle. Il considère
que la science est une activité sociale organisée autour de communautés de chercheurs et pour
lui, est scientifique toute théorie qui à un moment donné de l’histoire est reconnue comme
Page 31 sur 61
scientifique par la communauté des scientifiques. Kuhn va définir des périodes de sciences
normales où dans chaque champ théorique on a un paradigme dominant càd un prisme
d’explication de la vérité accepté de façon quasi incontesté par une communauté scientifique. Si le
paradigme dominant peut dominer, c’est qu’il peut expliquer une part substantielle de la réalité
observée.
Cette période de science normale est remise en cause dès lors que les faits observés ne sont plus
expliqués par le paradigme dominant ce qui peut être dû à deux choses :
- Le paradigme dominant n’avait pas prévu l’apparition de certains faits
- Ce qu’avait prévu le paradigme dominant n’est pas réalisé.
Lorsque les fait observés entrent en contradiction avec le paradigme dominant on entre dans une
période de crise pour la science qui ne devient paradigmatique que lorsqu’on a des paradigmes
concurrents qui commencent à émerger et qui proposent des explications alternatives au
paradigme dominant.
Fin 18ème et 19ème : classique
1870 : néoclassique (pas vraiment de crise qui permet d’expliquer le passage de l’un à l’autre à
part la montée du socialisme qui nécessite la création d’un paradigme pouvant lutter contre le
paradigme marxiste)
Remis en cause par la crise de 1929, permet l’hégémonie du paradigme keynésien qui reste
dominant durant toutes les 30G sous la forme du néo-keynésiannisme
Remis en cause par la stagflation et apparition de la NEC, école des anticipations rationnelles qui
sera challengée par la NEK. Ces deux paradigmes sont remis en cause par la crise de 2007, et
depuis, on a un paradigme concurrent qui ré-émerge : les post-keynésiens mais ne devient pas
dominant (particularité de notre période actuelle).
Qu’est-ce qu’un cycle économique? C’est « l’alternance d’une phase d’expansion simultanée de
nombreux secteurs d’activité dans une économie suivie d’une phase de contraction similaire puis
d’une reprise qui débouche sur la phase d’expansion du cycle suivant » (Burns et Mitchell :
Measuring Business cycles, 1946).
On peut distinguer une diversité de cycles économiques :
• Kitchin : durée de 2-4ans
• Juglar : durée de 8-12ans
• Kondratieff : de 40 à 60ans.
A. Crises et cycles avant 1929
b) Des crises d’ancien régime aux crises capitalistes 
Jusqu’à la fin du 18ème siècle et au début du 19ème siècle, les crises que subissent les
économies sont principalement les « crises frumentaires » généralement agricoles càd des
crises déclenchées par de mauvaises récoltes dans les secteurs vivriers et générant un ensemble
de conséquences sociales et économiques négatives notamment marquées par la multiplication
des disettes et des famines. Comment les expliquer? La loi de King qui stipule que la variation
des prix des produits agricoles sur-réagit à l’évolution des quantités produites dans ce secteur. Elle
port initialement sur le secteur agricole, mais on l’applique par extension à tous les secteurs
primaires. Cela s’explique par la faible élasticité prix de la demande dans le secteur agricole en
particulier des matières premières. Quel que soit le prix du blé, la demande de blé est quasi
constante parce que le réel déterminant de la demande de blé est la démographique (schéma 10)
Si on a une mauvaise récolte, l’offre de blé diminue, et si elle diminue, on passe à une seconde
courbe d’offre se décale vers la gauche, une courbe de demande quasiment inégalité génère des
variations de prix très importantes à la moindre variation de la courbe d’offre. La façon dont on
trace nos courbes d’offre et de demande est un parti pris idéologique.

Page 32 sur 61
En rentrant dans des sociétés artisanales voire proto-industrielles ces crises agricoles se
combinent à des effets économiques sur l’artisanat ou la proto-industrie. On parle alors de
crise mixte : une mauvaise récole qui entraine une hausse du prix du blé qui va altérer le pouvoir
d’achat des ménages, va altérer la demande de biens artisanaux et industriels. Dans les sociétés
où le niveau de revenu est proche du niveau de subsistance, la moindre crise agricole se diffuse à
l’ensemble de l’économie au moins par le canal de la demande. Ex de crise mixte : la crise en
1788 et 1789. En Juillet 1788 on a des orages violents qui détruisent une part substantielle des
récoltes françaises avec des forts épisodes de grêle; à l’hiver 1789 on a la multiplication des jours
de gèle (plus de 100jours successifs en France) : le prix du blé bondit de 127% en 1789. La
demande en textile va être stérilisée par hausse des prix salariés.
La crise de 1848 qui commence dès 1845 et 1846 avec des mauvaises récoltes de pommes de
terres en Irlande et en GB + de mauvaises récoltes de blé sur le continent qui se combinent avec
un tissu industriel déjà développé entraine une chute de la demande dans le secteur industriel, un
appauvrissement du pouvoir d’achat des populations et à la fin des années 1840 : le printemps des
peuples (les émeutes de la faim) et remises en cause des régimes aristocratiques en Europe
(inflation dans le secteur agricole mais déflation dans le secteur artisanal et industriel). L’inflation
globale dans une économie ne représente rien, ce qui compte c’est l’évolution des prix relatifs.
Au fur et à mesure que la part de l’agriculture dans les économies diminue apparaissent des crises
d’un genre nouveau qui sont purement industrielles qui se caractérisent par une contraction brutale
de la production industrielle, par la chute brutale des prix dans le secteur industriel par la
multiplication des faillites dans le secteur industriel càd par des phénomènes de déflation
généralisés. Ces crises au 19ème siècle ont pour origine un crack boursier ou bancaire.
Pour les pays pour lesquels on dispose de données statistiques fiables (GB, France, USA,
Allemagne) on compte 12 crises industrielles entre 1816 et 1914 (demander la chronologie des
crises industrielles). Pour qualifier le 19ème siècle on parle de « conjoncture ferroviaire » pour
montrer que la conjoncture économique au 19ème est dépendante des aléas du développement
du secteur des chemins de fer, en particulier ce secteur sera à l’origine des premiers cracks
boursiers modernes industriels à la suite de la railway mania. On a deux vagues de crises : l’une
en 1840 et l’autre en 1846-47.
On a un fort développement du secteur ferroviaire qui est fondé sur l’exploitation de nouvelles
structures de financement notamment de la société par actions. Du fait des forts taux de
rendements des actions ferroviaires au développement de ce secteur, on a un engouement
populaire pour ce secteur qui conduit à la création d’une bulle spéculative. En 1840 20% des
nouvelles entrées en bourse qui concernent les entreprises ferroviaires.
Mais le problème de ce modèle de financement qui repose sur la société anonyme c’est que les
marchés financiers sont par nature instables et même si les rendements des lignes exploitées
reste élevés, ils ne sont pas de nature à pouvoir justifier l’ampleur de l’envolée des cours
boursiers. On a une première vague de panique boursière en GB en 1840 puis recrudescence des
cours boursiers sur les chemins de fer jusqu’en 1846, puis nouveau crack dans le secteur
ferroviaire. Comment ces crises ferroviaires deviennent des crises économiques globales?
• Effet de richesse càd que du fait de la chute du cours des actions, l’ensemble des actionnaires
voient la valeur de leur patrimoine diminuer ce qui réduit la demande, elle génère des
mécanismes de désendettement càd que les actifs sont vendus même dans des secteurs autres
que le ferroviaire.
b) La longue dépression : étude d’une crise particulière :
La longue dépression prend place en Europe Occidentale et aux USA entre 1870 et 1890, elle est
précédée de 20années de forte croissance (la « fête impériale » en France) et suivie d’une période
de forte croissance (La Belle Époque, 1895 et 1913).
Page 33 sur 61
• Cette crise touche toute l’Amérique du Nord, et toute l’Europe Occidentale et par effet de
diffusion elle touche également les colonies occidentales
• Elle se caractérise par une baisse générale des prix (crise déflationniste) qui peut s’expliquer
monétairement puisqu’en 1873 l’argent métal est démonétisé aux USA (coinage act). Le
système américain reposait sur un système bi métallique càd que les $ étaient convertibles en or
et en argent. A partir de 1873 le Congrès Américain abolit la convertibilité argent du demande.
On a alors une hausse de la demande d’or à l’échelle mondiale puisque les USA deviennent un
système monétaire fondé sur l’étalon or, donc hausse du prix de l’or. Étant dans l’étalon or, cela
entraine une baisse du niveau général des prix exprimé en unités monétaires : si le prix de l’or
augmente, le pouvoir d’achat de notre monnaie va augmenter. On a toujours une relation inverse
entre la valeur d’un étalon et le niveau général des prix exprimé dans une unité monétaire. La
déflation est un déséquilibre macroéocnomique qui se traduit par la baisse générale des prix et
par un renchérissement de la valeur de l’unité monétaire.
• En Mai 1873 : effondrement boursier en Allemagne dû à une crise bancaire en Autriche qui est
elle même due à une crise de l’immobilier. La crise boursière allemande va se répandre à
l’ensemble des bourses européennes notamment la bourse de Paris parce qu’on a déjà une
interconnexion des places boursières parce que les M de capitaux sur ces places boursières
sont généralement des familles d’industriels ou de financiers caractérisés par leur européanité et
on a déjà une interconnexion entre les différentes banques européennes
• La France doit réparer les réparations auprès de l’Allemagne, or la Prusse avait un système
monétaire fondé sur un étalon argent, or la France avait un système fondé sur l’étalon or, donc
l’Allemagne nouvellement unifiée se rend compte qu’il vaut mieux demander les réparations de
guerre en or. Elle va profiter de ces réparations de guerre pour passer à un étalon or, cela
augmente la demande d’or à l’échelle mondiale, augmente le prix d’or et augmente le niveau
général des prix
• Du côté de l’économie réelle, on a un choc d’offre négatif qui affecte l’industrie européenne dès
1871 et 1872 on a alors une forte hausse du prix du charbon qui équivaut à un choc pétrolier.
Cette fore évolution est due à la prise de conscience en Europe de la raréfaction des ressources
houillères : dès 1865 Jevons alerte sur la finitude des ressources houillères. L’influence de ce
choc est notamment manifeste sur le secteur de la sidérurgie notamment en France et en
Allemagne parce que la hausse des coûts des matières premières pour la sidérurgie diminue les
taux de marge du secteur et donc la capacité à investir dans ce secteur alors qu’il est un secteur
moteur de la 2ème RI.
Donc déflation généralisée mais croissance qui reste positive sur la période : entre 1873 et 1880
les taux de croissance réels sont < à 2% mais restent non nuls. L’année de 1880 constitue une
embellie pour les pays d‘Europe continentale mais on de nouveau un effondrement des taux de
croissance en 1882 qui est particulièrement dû à une faillite dus secteur bancaire notamment
français avec la faillite de l’Union générale.
À retenir : interconnexion croissante des économies nationales, ce sont à chaque fois des
évènements nationaux qui ont des répercussions internationales. On est déjà dans une première
forme de mondialisation des économies, et d’interconnexion qui a été mise en avant par S. Berger
(Notre première mondialisation : leçons d’un échec oublié, 2003).
Cette première mondialisation implique une cocnurrence croissante entre économies européennes
et américaines et pays neufs qui s’industrialisent à la fin du 19ème, en particulier l’Australie qui
devient un concurrent pour le secteur textile européen avec une laine de meilleur qualité et
produite à moindre coût.
Crise à la fois monétaire, boursière industrielle et bancaire donc entrée dans une crise
moderne,mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de facteurs agricoles qui viennent renchérir
Page 34 sur 61
cette crise, notamment le phylloxera qui apparaît dans les années 1860 en France et ravage les
vignobles.
B. La mise en évidence des cycles et leur explication avant 1929 :
c) Différentes amplitudes de cycle :
En 1848 Marx et Engels sont les premiers à remarquer que les crises se répètent dans le temps
(Manifeste du parti communiste) et donc implicitement l’existence de cycles, mais il faut attendre
1862 avec C. Juglar (Des crises commerciales et de leur retour périodique en France en GB et
aux USA) pour avoir une théorie du cycle. Il exploite les statistiques sur les prix de gros, et sur
l’évolution du crédit pour mettre en évidence l’existence de cycles d’amplitude de 10ans en
partie dus aux dérèglements périodiques de l’octroi de crédit. Les phases d’expansion serait
portée par un octroi de crédit plus important par les banques commerciales et la phase de
retournement serait due à un rationnement du crédit lorsqu’elles tentent d’épurer leurs bilans. Les
mouvements de crédit s’accompagnent de spéculation bancaire : on aurait une tendance au
secteur bancaire en phase d’expansion à financer des activités non solvables à termes, et ce n’est
que quand la non solvabilité des investissements financés à crédit devient manifeste qu’on a un
retournement du cycle. Il explique le cycle par le financement des banques de l’activité
économique, son modèle repose sur donc sur l’importance de l’investissement. Le crédit
bancaire n’est analysé que comme possibilité de financer des investissements. (purges).
• Les cycles Kitchin (Cycles and trends in economic factors, 1923)
Il reprend les travaux de Juglar en considérant qu’au sein d’un cycle Juglar, on peut distinguer des
cycles mineurs dont la cause serait la variation des stocks des entreprises : en période
d’expansion on aurait une expansion des volumes des stock (période de surproduction) alors
qu’en période de récession on aurait un mouvement de déstockage. C’est le comportement de
l’entrepreneur dans ses décisions d’allocation des ressources qui donne son allure cyclique à la
conjoncture économique. Les cycles de Kitchin sont d’une ampleur de 2 à 4ans.
• Les cycles Kondratieff : (1922) « les longues vagues du capitalisme ».
Ils ont une amplitude de 50ans, il les caractérise grâce à l’évolution de la production
industrielle et agricole, par l’évolution des prix (dont les salaires et taux d’intérêt) et par le
niveau du commerce extérieur. Ces trois composantes ont des taux de croissance qui varient
conjointement d’où l’apparition de phase d’expansion des trois facteurs, et des phases de
récession. Donc, il fait des phases d’ascension des phases d’inflation (évolution des prix) mais il
n’explique pas la cyclicité de l’économie.
Schumpeter (Business Cycles, 1939) cherche à expliquer ces cycles par des processus de
destruction créatrice. À chaque cycle de Kondratieff correspondrait une grappe d’innovation
particulière.
Quand on parle d’analyse cyclique, on considère que la croissance est instable mais aussi qu’à
chaque fois que l’on a une phase de récession, l’expansion revient. On peut les voir comme
pessimiste puisque toute période de croissance amène une crise, mais aussi optimiste : toute
période de récession se solde par une période d’expansion (généralement la récession est moins
importante que l’expansion précédente de telle sorte que dans le temps long on a un trend de
croissance positive). Optimiste dans la possibilité d’avoir une croissance, pessimiste compte à la
croissance équilibrée (querelle entre Trotsky et Kondratieff).
b) Les classiques face aux crises :
4) La croyance en l’auto régulation de l’économie :
Tout économiste adhérant à la loi de Say nie de fait la possibilité pour l’économie de sombrer
dans une crise généralisée càd que ce soit dans une crise de sous ou de surproduction. Chez
Say la crise ne peut être que sectorielle càd qu’on ne peut avoir qu’un déséquilibre temporaire sur
un marché, auquel correspond nécessairement un déséquilibre symétrique sur l’ensemble des
Page 35 sur 61
autres marchands : la somme des demandes nettes excédentaires (O-D)est nulle. Mais cette loi
n’est valable que si la monnaie est neutre càd que la monnaie est un bien comme les autres,
demandée que comme intermédiaire des échanges mais jamais pour elle-même. On échange des
produits contre des produits par le vecteur de la monnaie.
D. Ricardo adhère à cette auto régulation des échanges, tout comme les néoclassiques à partir de
la révolution marginaliste avec Jevons, Menger 1871 Walras en 1874. La loi de Say est
particulièrement présente dans le modèle de Walras, bien qu’il insiste sur les conditions restrictives
permettant d’aboutir à la loi de Say : on est dans une économie d’échange pur, càd qu’on n’a pas
de place pour la production. Il n’étudie que les échanges sur un marché où les B&S ont déjà été
produits. On n’a que des offreurs et des demandeurs, sans monnaie et le commissaire priseur
permet l’équilibre sur le marché. L’ambition de Walras est de dégager un modèle d’équilibre
général, il se place dans une économie d’échange pur où il introduit la figure du commissaire
priseur. Les échanges ne s’effectuent qu’à l’équilibre, qui découle d’un mécanisme de prix qui
repose sur l’existence du commissaire priseur.
Attention : Walras n’est pas un libéral pur et dur, il était socialiste. Ainsi, pour les classiques
l’intervention de l’État n’a pas d’intérêt
Pour montrer qu’il peut exister un équilibre, pour défendre absolument un modèle libéral on peut
se référer au modèle de Walras même s’il est peu crédible.
2) La remise en cause de la loi de Say chez les classiques hétérodoxes :
À partir de 1816 avec l’une des dernières grandes crises agricoles qui touche l’Europe (l’année
sans été, d’un point de vue météorologique, les températures sont restées glaciales) de telle sorte
que les récoltes de 1816 sont catastrophiques, et s’en suit un mécanisme de crise (baisse de la
production agricole ==> hausse des prix des biens agricoles ==> baisse des pouvoirs d’achat pour
les ménages ==> baisse de la demande dans le secteurs non agricoles de l’économie ==>
déflation ==> crise : crise des prix en ciseaux). Mais en 1816 cette crise touche toute l’Europe.
Cette crise de 1816 de part son ampleur et sa gravité questionne la pertinence de la loi de Say en
prouvant qu’une crise généralisée peut advenir. D. Ricardo refuse de voir dans cette crise la
remise en cause de la loi de Say en prétextant des facteurs conjoncturels, mais des individus
comme Sismondi ou encore comme Malthus (classiques hétérodoxes) déjà avant la crise de
1816 considèrent que ces crises remettent radicalement en cause la loi de Say.
Leurs analyses reposent sur un même point commun : l’importance accordée à la demande
dans l’explication des crises, ils sont des précurseurs de Keynes.
Ils prennent tous deux en compte le fait que l’offre génère des revenus nécessaires à son propre
écoulement, mais ce n’est pas pour autant que ces revenus vont servir à son propre écoulement. Il
distingue le pouvoir et le vouloir acheter des individus. Ce qui explique la crise selon Malthus
c’est l’insuffisance du vouloir acheter des individus, bien qu’ils aient les moyens de consommer
(puisque la production a généré des revenus). Les crises de surproduction sont des crises de sous
consommation dues à un excès d’épargne des individus, or, tout épargne est censée être investie
(demande de biens de production) mais Malthus n’y croit pas : pour que l’épargne se transforme
en investissement, il faut que les taux de profit existant dans l’économie soient suffisamment
élevés pour sortir les individus de leur fainéantise. Tant que les taux de profit ne suffisent pas à
inciter les individus à investir, l’épargne ne se transforme plus en investissement. Un individu
consomme en tant que subsistance, mais tant que le profit n’est pas suffisant, n’investissent pas
(thésaurisation).
L’importance du pouvoir acheter est mise en avant par J-C Sismondi en 1919 puisque la crise
n’est pas due à un manque de volonté de consommer des individus mais à une mauvaise
répartition des revenus générés par la production qui entraine une sous consommation

Page 36 sur 61
structurelle de biens de consommation courante : chez Sismondi, on a principalement deux
classes d’individu qui sont les capitalistes et les salariés. Le salarié a une consommation
principalement de biens courants (épargne quasi nulle) alors que le capitaliste consomme des
biens courants pour sa subsistance mais surtout des biens de luxe (miroir, étoffes…). Ce qui
intéresse Sismondi c’est qu’au fur et à mesure que l’on accumule du capital dans les secteurs de
biens de consommation courante, on augmente les capacités de production de ce secteur mais
sans augmenter proportionnellement les salaires des ouvriers (qui sont ceux qui consomment). On
a une hausse des revenus qui vont aux capitalistes, sans hausse des salaires ce qui produit une
surproduction dans les biens de consommation courante. Il considère déjà que les salariés sont
exploités par les capitalistes et ne sont rémunérés qu’au salaire de subsistance.
Chez Malthus on a un pouvoir acheter sans vouloir acheter, et chez Sismondi, un vouloir acheter
sans pouvoir acheter.« Le pouvoir de consommer ne s’accroit pas nécessairement avec le pouvoir
de produire ». C’est bien la répartition de la valeur ajoutée qui génère des crises.
L’analyse des crises chez Marx repose sur la loi de la baisse tendancielle du taux de profit.
L’élément qui justifie la crise chez Marx c’est le caractère décentralisé du capitalisme : on n’a
pas de coordination entre les agents économiques càd pas de coordination entre offre et demande
(≠ commissaire priseur) ni entre les offreurs. Puisqu’il n’y a pas de coordination a priori, on risque
d’avoir des déséquilibres entre offre et de demande, et la coordination ne peut se faire qu’a
posteriori par la crise. La crise apparait comme découlant de la non coordination, comme un
réajustement violent suite à l’accumulation de contradictions dans le capitalisme.
Suraccumulation du capital, hausse de la COK, mais on n’augmente pas les salaires : on observe
une hausse de l’offre et une demande en berne. Pour Marx, la crise est la solution violente à ce
déséquilibre « la crise est la solution momentanée et violente des contradictions existantes,
éruption violente qui rétablit pour un moment l’équilibre troublé ». Jusqu’à ce que les
contradictions soient si importantes qu’elles ne soient plus dépassables : crise finale du
capitalisme et révolution des prolétaires. « Il arrive un moment où le marché semble trop étroit
pour la production » : hausse de la production mais pas d’extension du marché parce que pas
d’extension de la demande (Smith). Smith part d’une analyse micro-économie (manufacture
d’épingles) et assure qu’on a à l’échelle de toute ;a société une,DDT qui permet à tous de faire
baisser les coûts de production… Mais il analyse la division technique du travail au sein de la firme
et tire des conclusions sur la division sociale du travail, or on ne peut pas faire ça parce qu’au sein
de l’usine on a une coordination des individus (managers…) alors que dans la société personne ne
coordonne la
La critique majeure faite au capitalisme par Marx est l’absence de coordination. Chez Marx
on a la succession de phases d’expansion du capital, et la crise laisserait à chaque fois place à un
nouvel élan d’accumulation. Mais on a trois caractéristiques des périodes d’après crise chez
Marx :
• La concentration industrielle (faillites…)
• La baisse des taux de salaire parce que l’armée de réserve s’est reconstituée
• La reconstitution des taux de profit qui résulte des deux points précédents.
Les travaux de Marx ne sont portent pas initialement sur les crises, seront réactualisés à la fin du
20ème par P. Boccara (Théorie sur les crises, la suraccumulation et la dévalorisation du capital,
2014) il applique la loi de la baisse tendancielle du taux de profit à l’analyse des cycles longs càd
des cycles Kondratieff. Donc, la phase A des cycles Kondratieff serait le fruit d’une augmentation
de la survaleur et elle serait la phase durant laquelle la hausse du taux d’exploitation est plus
rapide que la hausse de la COK (élévation du taux de profit). Cependant, arrive un moment où le
taux d’accroissement de la COK surpasse le taux d’accroissement du taux d’exploitation parce
qu’on a une baisse de la productivité marginale du capital. Et à partir du moment où la COK est
Page 37 sur 61
supérieure à la hausse du taux d’exploitation, on a mécaniquement une baisse du taux de profit
qui enclenche l’inflexion dans la croissance et le retournement du cycle économique. Durant la
phase B de Kondratieff, on aurait une dévalorisation du capital, baisse du taux de profit, et
Boccara analyse la phase B du Kondratieff comme une phase de purge du capital excédentaire
qui va permettre d’assainir l’économie et d’enclencher la reprise dès que tout le capital
suraccumulé aura été dévalorisé.
Le cycle s’explique par l’évolution de la valeur du capital : quand on investit dans quelque
chose qui n’est pas rentable, la valeur du capital se réduit dans la phase de récession. Les phases
de récession seraient des « purges » pour se débarrasser du capital suraccumulé.
Attention sujets sur les classiques : faire des distinctions, ne pas oublier les classiques
hétérogènes. Deux grands sujets de l’histoire de la pensée économique : sujet sur Keynes, ou un
sujet sur l’héritage classique.
c) L’influence de la monnaie sur les crises du 19ème siècle :
Dès la fin du 19ème siècle, des auteurs s’intéressent aux fluctuations monétaires sur l’économie
notamment le rôle du crédit dans les cycles économiques (déjà mis en avant par Juglar) K.
Wicksell (Interest and prices, 1898) : pensée autrichienne, l’un des premiers à s’intéresser à la
formation du taux d’intérêt et aux conséquences sur l’économie. Chez lui, il existe un taux
d’intérêt naturel (qui égalise l’offre de capital et la demande de capital) càd celui qui doit être égal
à la rentabilité moyenne espérée du capital, càd que le taux d’intérêt est censé être égal à ce que
l’on espère gagner en investissant les sommes que l’on emprunte. Si la rentabilité moyenne du
capital est > au taux d’intérêt, tout le monde a intérêt à s’endetter pour investir car taux de marge,
donc augmentation de la demande qui provoque une augmentation du taux d’intérêt qui converge
vers le taux d’intérêt naturel (recp si le taux d’intérêt > rentabilité moyenne espérée).
Mais dans la réalité, on ne connait pas la rentabilité moyenne espérée du capital, et le taux
d’intérêt n’est pas fixé par le marché mais par les banques elles-mêmes de façon individuelle et
non coordonnée. donc le taux d’intérêt bancaire peut être ≠ du taux d’intérêt naturel (schéma 11).
Que se passe-t-il alors en cas de divergence? augmentation de l’investissement ou baisse de
l’investissement.
On peut expliquer les phases de croissance économique comme des phases durant lesquels le
taux d’intérêt bancaire est en dessous du taux d’intérêt naturel, ce qui entraine un excès
d’investissement qui à termes entraine une hausse du taux d’intérêt bancaire, jusqu’à ce qu’il
devienne > au taux d’intérêt naturel (entrée dans une phase de réduction de l’investissement càd
de la croissance), jusqu’à ce que le taux d’intérêt bancaire repasse en deçà du naturel. C’est
ajustement permanent entre ces deux taux d’intérêt qui entraine l’aspect cyclique de la
croissance.
• On trouve également une importance de la monnaie dans les cycles dans les travaux de
Hawtrey (Trade and credit, 1928)
Il considère que les cycles économiques du 19ème siècle s’expliquent par des fluctuations
monétaires dues à la contrainte de l’étalon or. Il considère que les phases d’expansion de
l’économie sont des phases d’abondance de l’or sur les marchés notamment dues à des phases
de découverte d’or, alors que les phases de contraction, elles au contraire sont dues à une
augmentation structurelle de la demande d’or qui entraine des phases de déflation. Ex : la crise de
la longue dépression des années 1870-1890 par le retournement monétaire et le passage à
l’étalon or des USA et de l’Allemagne. Toutes les phases d’expansion qui sont des phases
d’inflation entrainent mécaniquement une inquiétude des banques centrales ou des
gouvernements sur la stabilité de leur étalon or. L’inflation est un déséquilibre qui se traduit par la
hausse générale des prix, mais qui traduit surtout une perte de valeur de l’unité monétaire. Or, si la

Page 38 sur 61
monnaie perd de la valeur, cela veut dire que la parité or de notre monnaie est remise en cause
dans les phases d’inflation. Selon Hawtrey à chaque fois que l’on a des phases d’inflation, on
aurait eu une remontée des taux d’escompte (taux directeurs) qui est censée ralentir la dynamique
économique pour ralentir l’inflation et éviter de remettre en cause l’étalon or. La croissance au
19ème siècle est stoppée par des politiques de déflation visant à stabiliser l’étalon or. Le taux
d’escompte est le taux d’intérêt appliqué à la BC aux banques commerciales (il détermine le taux
d’intérêt dans une économie). Cette analyse montre l’importance de toutes les formes
institutionnelles de la croissance : chez Aglietta et Boyer on a dans les FI le régime monétaire. Si
on est dans un système de change fixe, la politique monétaire devient déflationniste en phase
d’expansion vient bloquer l’évolution de la croissance économique. Donc, la baisse du cycle
s’explique par la baisse du taux d’escompte, on peut expliquer le déclenchement de la crise de 29
par l’augmentation du taux d’escompte de la GB.
Inflation : chaque livre/dollar achète moins de choses, y compris moins d’or, donc pour conserver
la même parité d’or, il faut augmenter la valeur de la monnaie, donc on augmente le taux
d’escompte pour que l’offre de monnaie diminue et donc que la valeur de la monnaie augmente et
que l’on puisse conserver.
C. La crise de 1929, la récession des 30s et la remise en cause du capitalisme
e) De la crise boursière américaine à la crise globale :
Comment passer d’un évènement boursier (krach de 1929) à une crise de l’économie
réelle? Le krach de 1929 va accentuer la crise économique mais en réalité la crise économique
déclenche elle même le krach boursier : le début de ralentissement de la croissance entraine le
krach boursier, et le krach lui-même entraine la dépression.
6) Le Jeudi Noir :
On donne comme point de départ de la crise de 1929 le Jeudi 24 Octobre de 1929 parce qu’en
une journée 13millions de titres financiers vont être vendus à la bourse de New York ce qui
entraine un effondrement des cours boursiers tel que certains titres financiers ne trouvent même
plus d’acheteurs (malgré un prix quasi nul). Cela n’est que le début d’une phase de baisse des
valeurs boursières qui se prolonge jusqu’en 1932 où l’indice boursier de New York (valeurs de tous
le tires cotés à NewYork) est équivalente à ce qu’elle était en 1921. En 3ans (29-32) on a perdu
tous les gains boursiers réalisés pendant les 20s. La cause exacte du retournement càd du jeudi
Noir en lui même est incertaine : fin Septembre 1929 la GB a ré-augmenté son taux d’escompte, le
passant à 6,5% ce qui provoque une fuite des capitaux des USA vers la GB parce que les capitaux
vont là où la rentabilité est la plus élevée : si le taux d’intérêt augmente en GB, les différentiels de
taux d’intérêt sont un moteur dans la fuite de capitaux. Pourquoi la GB a augmenté son taux
d’escompte? Visible dès 1928 en GB et aux USA pour éviter les fuites d’or vers la France (en
1928 la stabilité de l’étalon or français est assuré par le franc pointcarré).
Ce mouvement de panique à New York est dû à des causes structurels notamment au fait que la
spéculation boursière durant les 20s a atteint des niveaux jusque là inégalés (période de
prospérité industrielle dans 20s) qui a entrainé des mécanismes d’euphorie boursière : le volume
de la production industrielle des sociétés cotées à New York a augmenté de 50% entre 1921 et
1929, sur la même période les cours boursiers de New York ont augmenté de 300% : bulle
spéculative qui est manifeste parce que normalement si on se réfère à la théorie d’Eugène Fama
sur l’efficience des marchés financiers, (Efficient capital markets, 1970) normalement les matchs
financiers sont censés refléter les fondamentaux d’une économie càd que le cours d’une action est
censé refléter la somme des revenus futurs générés par cette action de telle sorte que l’évolution
de la valeur des titres financiers va suivre l’évolution de la profitabilité des entreprises sur
lesquelles ces titres s’adossent. Or, ici on a une hausse de la production de 50% et une hausse
des cours boursiers de 300%.
Page 39 sur 61
Cette bulle spéculative des 20s s’explique principalement par le développement d’une pratique
boursière particulière : les achats à la marge (technique spéculative qui permet à un individu de
placer une part de son revenu dans un patrimoine financier en ne fournissant qu’une partie
seulement des liquidités nécessaires à l’achat du portefeuille financier).
On a un individu qui est le spéculateur qui veut spéculer en bourse parce qu’il observe que depuis
le début des 20s la production augmente, donc les dividendes et le cours des actions augmente
également, il aimerait investir beaucoup, mais il n’a pas suffisamment de liquidités disponibles
immédiatement. Il veut placer 10000 dollars mais n’a que 1000 mais il est persuadé qu’étant sur la
pente ascendante, il pourra revendre à 15000. Cet individu va faire appel à un brokers à qui il
fournit une partie du capital nécessaire à l’achat des actions (10%), le brokers d’endette auprès
d’institutions financières (banques) pour 90% du montant de l’chat : le border reste propriétaire des
actions jusqu’à la vente, il les vend quand elles sont à 15000dollars, le brokers capte une marge
Il fournit 1000 dollars pour que le brokers accepte de
le pouvoir de négociation du spéculateur par rapport à celui des brokers vis-à-vis de la vente est
plus faible, de telle sorte que le spéculateur a besoin du brokers (tous les spéculateurs n’ont pas
accès au marché financier) et le brokers a besoin de plusieurs spéculateurs pour avoir des
liquidités et gagner en pouvoir de négociation face à la banque.
Mais rien n’assure au spéculateur que les cours des actions vont réellement augmenter.
Le problème arrive quand les anticipations haussières du spéculateur et du brokers ne se vérifient
pas : si le cours de l’action ne permet pas de vendre avec une marge nécessaire, le brokers fait un
appel de marge (il demande aux spéculateurs de donner plus de liquidité) s’il refuse, le brokers
vend les actions à perte, mais ces appels de marge auprès du spéculateur est limitée, cela peut
être une solution momentanée mais si le cours de l’action continue à ne pas augmenter voire
diminue, le brokers est obligé de vendre à perte, la banque n’est potentiellement pas remboursée,
le spéculateur a perdu et le brokers n’obtient pas de marge : tout le monde perd. Ces appels de
marge sont la matrice de base d’un phénomène spéculatif des 20s : début octobre 1929 l’encours
totale de prêts aux brokers équivaut à 8,5milliards de dollars. Attention : une part de la classe
moyenne prend part à cette spéculation, mais cela reste majoritairement des entreprises et
des ménages très aisés. Les entreprises vont parier leur excèdent de trésorerie (pour faire face
aux imprévus) sur les marchés financiers. Sur 30millions de familles américaines en 1929 on n’a
qu’un million et demi de familles qui se livrent à des opérations boursières et seule la moitié se
livre à des opérations spéculatives. En réalité, le poids des ménages dans la spéculation des
années 20 est de 750000ménages. Le taux d’escompte de la FED en 1929 est de 5% lorsque la
rentabilité espérée sur les marchés financiers est supérieure à 10 voire à 12% donc les entreprises
ont intérêt à spéculer.
Ce mouvement de spéculation est accentué par l’apparition de nouveaux acteurs sur le marché
financier que sont les fonds de spéculation càd des sociétés financières qui ont une visée
spéculative. Entre 1928 et 1929 les trois quarts des entrées en bourse aux USA sont des sociétés
purement financières càd des sociétés qui ont pour seul but de réaliser des entrées en bourse sur
le marché financier.
Pourquoi les marchés se retournent? La production industrielle en elle-même en 1928 et surtout
au début de 1929 a atteint un pic et commence à stagner voire à diminuer. Si l’on prend la
production d’automobile qui est un secteur porteur dans les 20s, elle atteint son pic aux USA en
Mars 1929 (622000 voitures produites) et d’ici à Octobre 1929 la production d’automobiles
retombe à 416000 unités. Donc avant même le crack on a un ralentissement de la production
industrielle dans l’automobile. Pourquoi est-ce important? Parce qu’autant la hausse de la
production industrielle alimente des mouvements spéculatifs autant le moindre ralentissement

Page 40 sur 61
dans cette production industrielle entraine une phase de retournement sur les marchés financiers,
laquelle est d’autant plus violente que la hausse qui l’a précédée a été fulgurante (*).
La production industrielle entre 1921 et 1929 a augmenté de 50%, sur les marchés financiers, la
hausse est de 50% initialement mais la hausse alimentée par des anticipations mimétiques auto-
entretenues s’emballe et quand on a un écart qui se creuse entre évolution du cours boursier et
évolution de la production industrielle apparait un problème particulièrement quand la production
industrielle arrête d’augmenter voire diminue. Si on o observe une baisse de la production
industrielle il est inconcevable que la hausse des actifs financiers soit justifiée par l’augmentation
de la production industrielle. Tout le monde se met à vendre, violence.
Keynes, (chapitre 12, Théorie générale, 1936) montre le caractère particulier des actifs financiers
et développe la métaphore du concours de beauté. Elle repose sur une analogie avec un jeu
dans les journaux américains, l’idée était de trouver la personne désignée comme étant la plus
belle par l’ensemble des lecteurs du journal on peut être sélectionnés pour gagner un lot.
L’importance n’est pas tant ce que l’on pense nous, mais ce que l’on pense que les autres
pensent. Sur les marchés financières, on veut que l’action que l’on achète soit une action qui
prenne de la valeur dans le futur afin de pouvoir la revendre et de faire une plus value boursière.
La question n’est pas de savoir quelle entreprise est la plus performante, mais celle que l’on pense
que tout le monde pense qu’elle sera la plus performante. Cela introduit le fait que pour Keynes
sur les marchés financiers les anticipations sont auto-référentielles càd qu’elles ne se réfèrent
pas à la valeur fondamentale des entreprises et des titres qui y sont adossés, mais aux autres
anticipations sur le marché financier. Remise en cause de la théorie fondamentaliste des marchés
financiers : on ne se base pas sur les fondamentaux mais sur ce que pensent les autres. Le seul
guide de l’action est autrui puisque chez Keynes l’information est imparfaite et que l’économie est
non probabilisable. Chaque individu considère que les autres individus sont mieux informés que
lui, on prend donc pour base de notre action le comportement d’autrui mais il faut bien que
quelqu’un soit le premier, càd créateur d’une tendance : les fonds d’investissement ou les grandes
entreprises. On achète l’action qui a augmenté hier ==> des gens la demandent ==> elle va
continuer à augmenter.
« Sur les marchés financiers, la hausse appelle la hausse ». La loi de l’offre et de la demande
est inversée d’un point de vue keynésien sur le marché financier. La baisse appelle la baisse.
Les anticipations sont auto-référentielles, mimétiques et donc auto-réalisatrices. Il vaut mieux avoir
tort avec tout le monde qu’avoir raison tout seul.
Les fondamentaux : taux de profit, chiffre d’affaires, volume de production. Réciproquement quand
qqn se met à vendre, tout le monde le fait ce qui s’explique par un comportement mimétique : on a
une mise en doute de l’évolution du cours, donc les comportements sont mimétiques à la baisse. Il
vaut mieux avoir tord avec tout le monde qu’avoir raison tout seul. Mais les fondamentaux ont tout
de même une influence et quand ils baissent, on a un retournement.
• J-K Galbraith : La crise de 1929, 1955 :
Le retournement de la conjoncture en 1929 est également dû à l’écart qui s’est creusé entre
élévation de la productivité du travail industriel et la quasi stagnation des salaires. Quand la
productivité du travail augmente sans augmentation de salaire, le taux de profit augmente. C’est
cette augmentation du taux de profit qui alimente le revenu des plus aisés, qui alimente la
spéculation boursière. Tant que les salaires n’augmentent pas, on est dans une situation de
surproduction latente. Pour Galbraith, cette spéculation boursière est un moteur de
l’investissement dans les 20s parce que la hausse de la valeur des titres sur le marché financier a
permis aux entreprises de disposer de plus de liquidités pour investir, ce qui a alimenté
l’investissement de l’entreprise… Mais l’investissement n’est pas tiré par l’augmentation de la

Page 41 sur 61
demande, mais par l’augmentation des profits. On n’aurait pas dû investir autant parce qu’il n’y
avait pas de hausse de la consommation de telle sorte qu’on débouche sur la surconsommation.
Pour Galbraith un élément explicatif de la crise de 1929 sont les inégalités qui se sont creusés
pendant les 20s puisqu’il remarque qu’en moyenne dans les 20s aux USA 5% de la population
américaine perçoit 1/3 du revenu national c’est ce qu’il appelle « une structure fondamentale
malsaine de la répartition de la VA ». Toute la croissance ne repose que sur des
investissements càd sur la hausse des capacités productives mais pas sur la hausse des
revenus. Suffit-il d’investir pour que la croissance soit optimale?
Dans les 20s insuffisant. Cette période est la période que Krugman qualifie de « Gatsby le
magnifique ».
2) La transmission de la crise de la sphère financière à la sphère réelle :
La crise financière accentue une crise réelle déjà amorcée.
• Un effet d’ordre psychologique avec Keynes. Les pertes sur le marché financier entrainent
des anticipations pessimistes de la part des entrepreneurs sur la demande et réduit donc
l’investissement des entreprises. Chez Keynes l’investissement est en effet avant tout une
fonction de la demande anticipée.
• Un effet de trésorerie : les liquidités excédentaires des entreprises comme des banques ont été
largement placées sur ces marchés financiers. Donc, les pertes en patrimoine financier subies
par les entreprises et par les banques vont entrainer des comportements de désendettement
pour les entreprises càd une réduction de leur investissement, et pour les banques un
phénomène de rationnement du crédit.
• Un effet de richesse : La baisse de la valeur du patrimoine financier des agents diminue leur
demande effective. Peu important puisque seuls 750000 ménage spéculent en bourse.
• La crise financière se transforme en crise bancaire : Les pertes de valeur boursière vont
entrainer des faillites en cascade dans le secteur bancaire d’autant plus impressionnantes que le
secteur bancaire aux USA avant 1929 est très morcelé et concurrentiel : On a au total plus de
24000 banques actives aux USA en 1929. Les banques sont donc fragiles et tributaires de leur
patrimoine financier.
• Face à la baisse de la demande et à la raréfaction des débouchés, les entreprises ont un
comportement déflationniste : elles essaient de vendre à tout prix, sauf que la baisse des prix
nécessite une baisse du volume d’emploi, de l’investissement or, ces baisses entrainent à leur
tour une baisse de la demande : cercle vicieux de la déflation. Ex : entre 1929 et 1933 on a
une baisse de 50% en valeur de la production américaine et de 30% en volume. Les effets sur
l’emploi sont donc considérables puisqu’en 1933 le taux de chômage des USA est estimé à 25%
et l’investissement brut a atteint 5,3% du PIB américain ce qui n’est pas suffisant pour assumer
la détérioration du capital, donc l’investissement net est nul voire négatif.
3) La contagion internationale de la crise :
Elle débute aux USA et se diffuse à l’ensemble du monde industriel ce qui s’explique par le poids
des USA dans la production industrielle mondiale puisqu’en 1929 les USA représentent 45% de la
production industrielle mondiale et les importations américaines représentent 12,5% du total des
importations à l’échelle mondiale. Si les USA subissent une crise on a une réduction de la valeur
des importations américaines qui visaient à alimenter cette production industrielle, ce qui
explique la diffusion au RDM.
Les capitaux américains jouaient un rôle essentiel dans la croissance de nombreux pays
européens, notamment l’Allemagne voire de la France. Dès que l’on a une crise financière,
bancaire et réelle aux USA le premier réflexe des investisseurs américains est de rapatrier ses
capitaux outre Atlantique pour retrouver des liquidités. En retirant leur capitaux des places
boursières européennes, on a une exportation de la crise qui passe également par le canal
Page 42 sur 61
des capitaux. Le rapatriement des capitaux américains des banques allemandes fragilise le
secteur bancaire allemand qui utilisait le dollar comme unité de réserve : si les investisseurs
américains retirent leurs capitaux, les banques allemandes se trouvent dans une situation
d’illiquidités puisque ces capitaux de CT ont servi à financer des investissements de LT.
La transmission de toute crise passe par deux canaux principaux : celui du commerce
international et celui des capitaux.
Cette diffusion à l’Allemagne atteint son apogée en Septembre 1931 quand le Kredit Anstalt à
Viennes fait faillite et se déclare en cessation de paiement, or ce crédit est la plus grande banque
du secteur bancaire autrichien, dont la faillite marque le début d’une crise bancaire dans toute
l’Europe. En Juillet 1931 le secteur bancaire allemand est touché par une « ruée bancaire »
puisqu’on s’aperçoit que les principales banques allemandes ont participé à la spéculation, qui
oblige le gouvernement allemand à fermer les guichets bancaires ce qui entraine un rationnement
radical du crédit càd la contagion de la crise bancaire à l’économie réelle.
b) Des réactions politiques inadaptées jusqu’au changement de paradigme :
À l’époque, la crise est encore principalement vue comme une façon de purger le capitalisme « la
crise est une purge salutaire pour les économies » (C. Juglar) ce qui explique l’attentisme
caractéristique de la post-1929.
7) Les politiques de déflation :
Les gouvernements commence pas mener des politiques de déflation. On considère qu’elles
permettent de conserver la compétitivité de l’économie nationale parce qu’elle permet de renchérir
le pouvoir d’achat de la monnaie nationale. Ex : La politique de déflation menée en Allemagne par
le chancelier Bruning, qui se comprend dans le souvenir de l’hyperinflation, elle passe par des
coupes budgétaires càd des baisses dans le traitement (salaire) des fonctionnaires qui baissent de
10%, baisse de 6% de l’ensemble des salaires, réduction de l'ensemble des prestations sociales
et des allocations chômage et, hausse du taux d’escompte. Le but est d’endiguer l’inflation en
diminuant les revenus salariaux.
La GB menait déjà dans les 20s des politiques de déflation, et elle sera relativement moins
touchée que les autres pays européens par la crise parce que la croissance précédente a été
moins forte. Elle accentue sa politique de déflation, notamment par le vote de l’economy Bill en
1931 qui permet au gouvernement de réduire les dépenses publiques sans avoir à passer par le
gouvernement.
La France va poursuivre ses politiques de déflation jusqu’en 1936, marqués par les décrets de
« famine et de misère » de Juillet 1935 qui actaient une réduction à termes de 10% des dépenses
publiques. Elle a pour volonté de rester attacher à l’étalon or, elle sera le pays central dans le bloc
or qui n’accepteront une dévaluation qu’en 1936.
?????????
2) Politique de dévaluation et guerre des monnaies :
Pour défendre la déflation et la compétitivité de l’économie, on n’arrive pas à restaurer la
compétitivité en maintenant la parité or, on accepte de dévaluer la monnaie pour restaurer la
compétitivité prix à l’échelle internationale. Ces politiques de dévaluation repose sur la croyance
dans une courbe en J càd qu’une baisse initiale du taux de change de la monnaie est censée avoir
deux effets : un effet prix, càd que si on baisse la valeur de notre monnaie, cela veut dire que la
valeur de nos exportations va diminuer et la valeur de nos importations diminuent donc effets
négatifs sur le solde de la balance commercial; mais cela veut également dire que les exportations
sont plus compétitives, donc on a un effet volume : le volume des X doit augmenter et les M qui
coûtent plus cher doivent être moins demandées. Or comme PIB = C+I+G + (X-M) permet de
stimuler la production de notre pays. La première personne qui critique cela c’est J. Robinson qui
parle pour qualifier ces politiques de dévaluation de « beggar they-neighbour policies » càd des
Page 43 sur 61
politiques visant à exporter la crise aux voisins. La politique de dévaluation n’st efficace que si on
est le seul à le faire et elle a des effets négatifs sur l’économie de nos partenaires commerciaux
parce qu’une dévaluation de notre monnaie équivaut à une appréciation des autres monnaies.
Cela n’est vrai que si le théorème des élasticités critiques est vérifié qui stipule que l’effet volume
ne dépasse l’effet prix que si la somme des élasticités prix des importations à l’exportation à la
demande des importations et des exportations est supérieure à 1.
Qu’est-ce qu’une élasticité prix? Une mesure de la sensibilité de la demande par rapport au prix,
que l’on mesure par le taux de variation des quantités demandée d’un bien x sur le taux de
variation des prix. Ici à quel point varie les quantités importées quand les prix des exportations
varient? Dire que cette élasticité est supérieure 1 c’est que les quantités demandées augmentent
plus que proportionnellement à la baisse du prix (théorème Marshall, Lerner, Robinson).

Ces politiques de dévaluation sont non coopératives et peuvent entrainer une « guerre des
monnaies » càd une situation où chacun tente d’exporter la crise économique chez son voisin.
Parce qu’en dévaluant notre monnaie, c’est comme si toute chose étant égale par ailleurs, on avait
réévaluer la monnaie de nos partenaires commerciaux. Or, si chacun adopte le même
raisonnement individuel càd appliquer la courbe en J, les dévaluations successives de chacun
annulent les effets positifs des dévaluations des autres. (Cela peut s’analyser depuis la théorie des
jeux, puisqu’on est ici dans un équilibre de Nash qui débouche sur une situation sous optimale : ce
qui est rationnel à l’échelle individuelle ne l’est pas à l’échelle sociale).
Si tout le monde dévalue, le temps que l’effet volume se manifeste vraiment, notre partenaire
commercial lui aussi dévalue, de telle sorte qu’on ne peut jamais bénéficier de l’effet volume
puisqu’on a des dévaluations en cascade avec un risque que l’effet volume n’ait pas le temps de
surpasser l’effet prix. Le solde commercial se dégrade alors d’une manière perpétuelle (cf. schéma
13). Cette guerre des monnaies a lieu dans les 30s où l’on a des dévaluations successives : le
premier pays à dévaluer sa monnaie est la GB dans la nuit du 19 au 20 septembre 1931, la livre
décroche de l’étalon or. Les conséquences de cette dévaluation sont analysées par A. Sauvy qui
note comme première conséquence
• La répudiation des dettes de guerre inter-alliés càd que la remboursement de la GB n’ont plus de
valeur (plus dans l’étalon or
• Cela va enfoncer l’économie mondiale dans une crise sans précédent parce que la GB gardait
un rôle central dans les échanges internationaux. En 1931, la livre perd réellement son statut de
monnaie dominante au profit du dollar.
• Elle place en porte à faux tous les partenaires commerciaux de la GB qui vont eux aussi devoir
dévaluer leurs monnaies dans les 30s.
À la fin de l’année 1931 (par rapport à l’année 1929), la production industrielle en Allemagne a
baissé de 42%, de 37% aux USA, de 23% en France : seule la GB retrouve un dynamisme
économique puisque sa production industrielle progresse de 10% et le nombre de chômeurs
diminue de 300000. En réalité, la GB étant en déclin relatif dans les 20s par rapport aux autres
pays subira moins violemment les effets de la crise.
Les USA dévaluent en 1933 puis en 1934 et la France qu’en 1936 (elle reste le pays pivot de ce
que l’on a appelé le bloc or càd les pays qui restent attachés à l’étalon or en 1936).
La décision de la GB de dévaluer entraine un éclatement du SMI en trois grandes zones
monétaires : le bloc sterling (GB et pays du Common Wealth qui sortent de l’étalon or dès 1931)
la zone dollar (1933) et le bloc or (à partir de 1936).
3) Un changement de paradigme dans les politiques économiques :
Il s’impose aux dirigeants politiques parce qu’en 1933 les pays industriels compte plus de
30millions de chômeurs : les politiques d’attentisme préconisées après la crise sont inefficaces. Si
Page 44 sur 61
l’on croit dans la loi de Say, quand une crise se déclare, on laisse faire parce qu’on pense que la
figure de l’entrepreneur permet de rééquilibrer les marchés.
Ce n’est qu’à partir de 1933 que sont mises en place des politiques keynésiennes qui s’écartent de
toutes les préconisations classiques et néoclassiques qui se caractérisent par les politiques de
Hoover, qui laissera sa place en 1932 à F.D Roosevelt qui incarne la mise en place de nouvelles
politiques càd d’un nouvel ordre politique qui repose sur des principes keynésiens. Sont mis en
place les New Deals qui ont pour point commun selon Gramsci de proposer une « nouvelle
articulation fonctionnelle entre production de masse et consommation de masse ». Le problème de
la crise de 29 est que l’on a une exposition des capacités productives mais pas de consommation
de masse parce que les salaires stagnent, il s’agit ici de faire en sorte que l’évolution de la
consommation rattrape l’évolution des capacités productives.
Keynes appelle sa théorie « générale » par opposition aux théories particulières (classiques par
exemple qui reposent sur une hypothèse de PE des facteurs de production). Or, l’économie se
caractérise davantage par un sous-emploi des facteurs de production (capitaux et travailleurs non
employés par le système productif) de manière durable. Il est possible que la croissance
potentielle (celle qui résulte du PE des facteurs de production) soit durablement supérieure à la
croissance effective. Chez Keynes, l’offre est avant tout une fonction de la demande
effective qui est le fondement des anticipations des entrepreneurs càd le fondement de la
demande anticipée. On a alors deux contraintes à la croissance économique : les
anticipations de l’entrepreneur et la quantité de facteurs de production qui peuvent réduire la
croissance potentielle. Contrairement aux classiques il ne considère pas que l’épargne est une
contrainte pour l’économie parce qu’il raisonne dans une économie monétaire de production où
l’on peut avoir de la création monétaire.
- Premier New-Deal : Mai-Juin 1933 consiste en une série de quinze lois qui réorganisent les
secteurs bancaire, agricole et industriel. La restructuration du secteur agricole passe par le vote
de l’Agricultural Adjustment Act qui restreint la production agricole aux USA. Cela permet de
lutter contre la chute des cours agricoles càd de limiter le phénomène de déflation dans le
secteur agricole. Les agriculteurs reçoivent des subventions du gouvernement fédéral. Le
National Industry Recovery Act, met entre parenthèse les fondements du Sherman et du
Clayton Act (évolution de la concurrence). Le texte repose sur le fait que les grandes
entreprises seraient plus efficaces que les petites entreprises, notamment pour générer
de l’emploi. Il est donc du devoir du gouvernement fédéral en période de crise de soutenir ces
grandes entreprises, même si cela signifie renier les politiques de la concurrence. Les
différentes branches du secteur industriel sont censées établir en leur sein des codes de
concurrence loyale càd que l’on incite les différents acteurs à se mettre d’accord sur un code de
concurrence loyale définissent des prix minimums de production pour éviter la déflation, des
quantités maximales de production (on coordonne la production pour éviter les situations
de sur ou de sous-production). En contrepartie, les entreprises doivent se mettre d’accord sur
des salaires minimums au sein de la branche et sur une plus grande limitation des horaires de
travail (compromis fordiste). L’article 7-a de cette loi affirme le principe de la négociation
collective càd le principe d’un modèle de négociation qui repose sur l’entente entre
représentant du patronat et syndicats travailleurs. 96% des entreprises adhèrent à l’accord et
signent un code de concurrence loyale.
On a également la mise en place d’une première politique de grands travaux avec la création de la
Civil War Administration qui est une institution publique qui a pour mission d’embaucher les
chômeurs pour les faire travailler sur des projets d’aménagement du territoire (vallée du
Tennessee). En 1934 la CWA emploie 4millions d’anciens chômeurs.

Page 45 sur 61
Quels sont les résultats de ce premier New-Deal? On a une reprise industrielle puisque l’indice
de la production industrielle augmente de plus de 40pts entre Mars et Juin 1933, mais retombe dès
Octobre de 20pts. Le chômage reste élevé aux USA et les travaux de la CWA se heurtent à
l’opposition farouche des libéraux : en mars 1935 la Cour Suprême abroge le NIRA parce qu’il est
jugé anti-constitutionnel. À partir de 1935 le gouvernement doit repenser sa politique de relance…
- Deuxième New-Deal : il repose sur une intensification des politiques de grands travaux et
sur un usage systématique et affirmé des déficits publics pour financer ces grands travaux. On a
un changement dans les modalités des politiques de grands travaux puisque dans le premier
New Deal la CWA payait les chômeurs à un salaire « symbolique » alors que dans le 2nd New
Deal elle embauche les travailleurs à un salaire quasi égal au salaire moyen. Ces hausses de
salaire sont financées par le déficit budgétaire.
En 1935 sont votés les National Labour Relation Act et Fair Labour Standard Act qui posent le
fondement d’un nouveau rapport salarial en affirmant le droit à la négociation collective et en
créant un embryon de sécurité sociale puisque le FLSA prévoit la mise en place d’un système
d’assurance chômage.
Le mode de régulation n’est plus concurrentiel parce que l’État s’immisce dans les rapports
entre parlant et salariat parce que la crise de 29 manifeste l’incohérence d’un système productif
non coordonnée dans lequel le rapport asymétrique entre employeur et employé a conduit à
l’explosion de la production et à la stagnation des capacités d’absorption (càd de la demande). On
a avec le 2ème New Deal une nouvelle répartition de la VA qui repose sur des institutions qui
créent des relations tripartites entre État, salariés, employeurs.
En France : Ce mouvement initié aux USA trouve des prémices en Europe en particulier en
France en 1936 avec l’arrivée au pouvoir du Front Populaire, ou encore les accords de
Matignon qui se traduisent par une hausse des salaires de l’ordre de 7 à 15% selon les branches
de l’économie, et par une affirmation du droit à la négociation collective notamment en créant les
« délégués du personnel » pour les entreprises de plus de 10 salariés ou encore le principe de la
« convention collective » (textes juridiques adaptés à chaque branche de l’économie par les
représentants du patronat et du salariat qui détermine pour chaque profession les conditions
spécifiques de travail par exemple les conditions d’évolution salarial, sécurité, durée de travail…).
Ces accords provoquent l’apparition du congé payé en France.
Quel est le but économique de ces accords? Relancer la demande pour en finir avec une
politique de déflation qui a montré toutes ses limites et son inefficacité. Le Front Populaire revient
sur les traités déflationnistes (Laval-Doumer) et revient sur la réduction de 10% des traitements
des fonctionnaires) met en place un soutien aux prêts agricoles. On passe d’une politique de
déflation à une politique de reflation.
Ces accords sont économiquement peu efficaces puisqu’entre 1936 et 1938 la production
industrielle continue à baisser en France (-7%). Mais ces accords de Matignon constituent un
premier pas vers l’État providence qui n’apparaîtra qu’après 1945 avec les ordonnances Laroque
qui mettront en place la sécurité sociale sur un modèle similaire à celui que l’on connaît ajrd.
Allemagne : La politique de relance industrielle allemande prend une autre forme, et est axé sur
les politiques de grands travaux (financement d’infra structures routières et auto routières) puis
d’une politique de soutien à l’industrie lourde, en particulier l’armement. Ces travaux sont financés
par le déficit budgétaire, tout en ayant un encadrement des prix et des salaires pour éviter le risque
inflationniste (traumatisme de la période d’hyperinflation).
D’un pdv économique, la politique économique allemande est efficace puisque le nombre
de chômeurs chute dramatiquement : il passe de 6millions en 1930 à 1,6millions en 1936 et à
200000 en 1938.

Page 46 sur 61
La crise de 1929 marque un tournant dans l’histoire du capitalisme, dans le rapport salarial et dans
la construction des politiques économiques puisque ce n’est qu’à partir de là que s’impose la
fonction de stabilisation de l’État (répartition, allocation, stabilisation chez Musgrave). On réalise
que la crise n’est pas qu’une purge salutaire, le marché ne revient pas naturellement à l’équilibre,
une crise généralisée est possible et on a besoin de l’État pour revenir à l’équilibre.
D- Penser les crises et les cycles après 1929 :
a) L’importance de l’investissement dans l’instabilité des cycles
8) Le principe de l’accélérateur :
Il est énoncé pour la première fois par Aftalion en 1908 puis en 1913. L’investissement réagirait
aux variations de la demande avec un temps d’ajustement qui génère des déséquilibres.
L’élévation de l’investissement suit l’élévation de la demande, mais il ne génère de nouvelles
capacités productives que dans une période ultérieure. On a une variation de la demande en t qui
provoque le désir de faire varier la production, càd un désir d’investir et donc augmenter les
capacités productives en t+1. Si la demande a continué a augmenté, il faut encore plus investir
demain, mais quand on a une baisse de la demande, le décalage devient problématique parce que
les capacités de production vont continuer à augmenter alors que la demande aura déjà
commencé à baisser. Ce retard de l’investissement sur la demande fait naître à termes une
surcapacité de production par rapport à la demande, dès lors que la demande ne peut pas croitre
de manière indéfinie. La crise pour Aftalion naît du décalage entre la variation des capacités
de la production et les variations de la demande. Il prend la métaphore du poêle à bois, le
temps qu’il génère de la chaleur, on a encore froid donc on ajoute du bois, on a trop chaud d’un
coup donc on va retirer une buche… Le temps que la buche se consume et génère de la chaleur
on a changé notre demande. Le temps que l’investissement génère une capacité de production
supplémentaire, la demande aura changé. On pose le solde de capital en t qui est relié à la
production Yt par un coefficient v = K/Y (inverse de la productivité du capital). Par définition, Kt =
vYt, puisque Kt/Yt x Yt = Kt = vYt.
I = delta K = delta v x Yt = v x delta Y (or on a v > 1) donc l’investissement sur-réagit par
rapport aux variations de la demande.
L’accélérateur simple est I = v delta Y. La crise provient du fait que l’on a une évolution de la
demande qui va finalement commencer à diminuer, et comme v > 1, l’investissement suit
initialement l’évolution de la demande, mais va continuer à augmenter alors que la demande
stagne. Le temps que l’on prenne en compte la baisse relative de la demande, on a déjà le
creusement d’un écart.
2) Le rôle de l’efficacité marginale du capital :
Keynes analyse le rôle de l’efficacité marginale du capital dans les cycles économiques dans le
chapitre 22 de la Théorie Générale puisqu’il considère que l’on peut comprendre toute la théorie
des cycles à partir de l’évolution de l’efficacité marginale du capital : « les prévisions actuelles
relatives aux rendements escomptés ». L’efficacité marginale du capital est en réalité le
rendement anticipé du capital. L’entrée dans une phase de crise s’expliquerait par une chute
soudaine de l’efficacité marginale du capital. La crise vient d’un retournement des anticipations
sur la rentabilité de l’investissement : le raisonnement keynésien se place dans une situation
d’incertitude radicale où rien n’est probabilisable. Les anticipations des individus ne reposent
non pas sur le probable mais sur le conventionnel. La crise économique est précédée d’une
crise des conventions càd d’une remise en cause des croyances jusque là établies selon
lesquelles la progression d’aujourd’hui se poursuivra demain. « Cette convention consiste (…)
dans l’hypothèse que l’état actuel des affaires continuera indéfiniment à moins qu’on ait des
raisons définies d’attendre un changement ». Du fait que les individus sont dans un univers

Page 47 sur 61
d’incertitude radicale, la seule chose à laquelle ils peuvent se raccrocher pour prendre des
décisions est une convention, une croyance collective dans le fait que ce qui se passe ajrd
Les anticipations sont myopes càd qu’ils reproduisent ce qu’ils voient à CT pour l’avenir.
L’incertitude vient du fait que l’on ne peut pas prévoir la mentalité de la foule. Donc la crise vient
d’un retournement des anticipations de l’efficacité marginale du capital.
Si on a un tel retournement, l’investissement chute, or l’investissement et la production
globale sont reliées par la relation du multiplicateur (delta Y = 1/s x delta I). Delta I devenant
négatif, delta Y devient également négatif. La crise s’explique par un retournement dans le
comportement d’investir. Cela se traduit par une demande de plus en plus importante de
liquidités. Les individus n’investissent plus et vont chercher à se désendetter (accroissement de la
demande de liquidité) qui entraine une hausse du taux d’intérêt qui à son tour freine
l’investissement. L’économie peut être en expansion tant que le taux d’intérêt naturel (Wicksell)
est supérieur au taux d’intérêt bancaire, càd tant que l’efficacité marginale du capital est > au taux
d’intérêt dans l’économie. Il suffirait alors que les BC interviennent pour faire baisser les taux
d’intérêt quand la crise menace, or, la chute de l’efficacité marginale du capital est auto-
réalisatrice parce que l’on a initialement un retournement dans la convention, diminution de
l’investissement, diminution de la production (donc demain est vraiment pire qu’ajrd) on entre alors
dans une autre convention : ce qui se passe ajrd se perpétue demain (la baisse d’ajrd se
perpétue demain) donc on entre dans une baisse perpétuelle de l’efficacité marginale du
capital. « Il n’est pas facile de ranimer une efficacité marginale du capital qui est gouvernée par
l’état d’esprit capricieux et déréglé des milieux d’affaires ». Si l’on veut une interprétation des
cycles économiques par Keynes, on pourrait considérer que la durée du cycle conjoncturel est
la durée qu’il faut pour ranimer l’efficacité marginale du K càd que les entrepreneurs
revoient à la hausse leurs anticipations sur l’efficacité.
Est-ce que la reprise est exogène? L’État peut éventuellement intervenir pour raccourcir le cycle
et lisser le cycle en socialisant l’investissement (on a une relevée de delta I pour relever la
production et accélérer la réanimation de l’efficacité marginale du capital).
La période de croissance est la période durant laquelle les anticipations sont à la hausse,
càd l’efficacité marginale du capital augmente, le retournement s’explique à partir du moment
où la convention change, avec diminution de l’efficacité marginale du capital jusqu’au moment où
quelque chose vient réanimer l’efficacité marginale du capital (un mouvement de foule) provenant
de l’action de l’État… On passe d’anticipations optimistes et auto-réalisatrice à des anticipations
pessimistes et auto-réalisatrices. Une fois que les conventions sont réanimées, elles entrent à
nouveau dans une logique auto-entretenue.
Le marché ne se rééquilibre pas de lui-même, pour un néoclassique s’il y’a une chute de
l’investissement, le taux d’intérêt devrait baisser pour rééquilibrer l’offre et la demande sur le
marché des capitaux. Au contraire, chez un keynésien, on prend en compte le désir de liquidité, la
baisse de l’investissement se traduit alors par une augmentation du taux d’intérêt : on introduit des
facteurs psychologiques tel que le motif de précaution de telle sorte que le taux d’intérêt ne permet
pas de rééquilibrer le marché. Pour Keynes, le taux d’intérêt n’est pas tant le prix du capital, que le
prix de renoncement à la liquidité (prime de risque : dans une période de récession pour qu’on
accepte de se défaire de notre liquidité, on doit espérer beaucoup plus). Le taux d’intérêt est un
pont entre le présent et le futur, et au plus on entre dans une période de récession au plus ces
taux d’intérêts seront élevés (puisque les individus vont chercher à se protéger en conservant au
maximum sa liquidité). En entrant en période de crise, le taux d’intérêt augmente ≠
néoclassiques chez qui il devrait diminuer.
3) Les prolongements à l’analyse keynésienne :

Page 48 sur 61
Les néo-keynésiens (auteurs de la synthèse càd qui font une synthèse entre école néoclassique et
pensée keynésienne) comme P-A Samuelson avec son modèle de l’oscillateur qui est un
modèle qui combine l’effet accélérateur et l’effet multiplicateur afin de montrer que l’économie
peut suivre des phases cycliques. Il repose sur trois équations : le PIB (revenu national) = C + I +
G (dépenses de l’État).
La consommation elle-même Ct = c x Yt-1 (le revenu courant à la période t-1)
It = v x (Yt-1 - Yt-2) (càd deltaYt).
Une fois combinées : Yt = cYt-1 + v(Yt-1 - Yt-2) + G
Yt = (c+v) Yt-1 -Yt-2 + G.
En fonction de la valeur de v (coefficient de K), de la valeur de c (la propension moyenne à
consommer) on a différents types de l’évolution économique qui sont possibles.
En particulier, Samuelson distingue 4 cas possibles : Les oscillations amorties qui se stabilisent
à LT (le revenu national converge vers sa valeur d’équilibre que l’on peut noter Y* qui est
déterminée par le multiplicateur d’investissement. Petit à petit, l’effet accélérateur tend à se réduire
et à se compenser avec l’effet multiplicateur. Les oscillations explosives : on s’éloigne toujours
plus de l’équilibre (sur-réaction, ressemble à Harrod Domar). schéma 12.
On comprend pourquoi de manière conjoncturelle on a une production qui s’éloigne de la
production d’équilibre. La combinaison de l’effet accélérateur et multiplicateur nous permet
d’expliquer pourquoi le revenu peut s’éloigner conjoncturellement de son niveau
d’équilibre. Cela s’explique par le fait que les forces de rappel postulées par les classiques, ne
sont pas centripèdes.
À utiliser avec Harrod et Domar : la combinaison de l’accélérateur et le multiplicateur ne produit
pas une croissance équilibrée.

b) Les analyses post-keynésiennes :


9) Le rôle de la répartition des revenus dans la régulation des cycles :
Les post-keynésiens (keynésiens radicaux) refusent la synthèse avec l’école néoclassique et
opèrent une synthèse entre Keynes et les classiques hétérodoxes (Marx). Dans la théorie post-
keynésienne la place de la répartition des revenus, l’évolution historique, le rapport salarial
sont capitaux. R. Goodwin (A growth Cycle, 1967) établit un modèle qui repose sur deux
hypothèses centrales :
• La variation du salaire est une fonction décroissante du taux de chômage : la courbe de Phillips
est vérifiée. Au plus le chômage est élevé, au moins les salariés ont de pouvoir de négociation
parce qu’au plus l’armée de réserve s’accroit : le chômage modifie le rapport de classe.
• Les profits sont épargnés et donc investis alors que les salaire sont intégralement consommés.
Cela renvoie à la loi psychologique fondamentale de Keynes càd que la consommation
augmente avec le revenu, mais moins que proportionnellement et si on fait l’hypothèse que les
profits > salaires, on peut considérer que les capitalistes ont une propension à consommer plus
faibles que les salariés.
Le modèle de Goodwin met en rapport le niveau de chômage avec la part des profits dans
l’économie. NAIRU : Non accelerating inflation rate of unemployment (le taux de chômage qui
n’accélère pas l’inflation, d’équilibre) SCHÉMA 13. Si l’on part d’une situation où le taux de
chômage est > au chromage d’équilibre et que la part des profits > part des profits d’équilibre : on
a beaucoup d’épargne, càd beaucoup d’investissement ce qui permet une hausse de la production
qui permet de résorber le chômage (A).
Si en (B) on a une part des profits > à la part de profit d’équilibre, mais le chômage est faible donc
les salariés gagnent en pouvoir de négociation, réclament des hausses de salaire, ce qui provoque
une baisse de la part des taux de profit.
Page 49 sur 61
On passe à (C) avec un niveau de profit < au niveau d’équilibre, un niveau de chômage faible, la
faiblesse des profits entraine une baisse de l’investissement, une baisse de la production et donc
une augmentation du chômage.
On passe en (D) les chômeurs ont perdu leur pouvoir de négociation, ce qui permet au capitaliste
d’augmenter sa part des profits.
Les cycles s’expliquent par la répartition de la valeur ajoutée (1/3 pour les revenus du capital, et
2/3 pour le travail). Les mouvements du chômage influe sur le niveau de la valeur ajoutée qui
influe sur le niveau de l’investissement ce qui explique que l’économie passe sans cesse d’un
niveau à l’autre de telle sorte que l’équilibre n’est pas statique. A chaque fois que l’on croise des
axes on a un point d’inflexion dans le cercle.
2) La finance comme vecteur de crise :
Chapitre 12 de la Théorie Générale repose sur le caractère mimétique du comportement sur les
marchés financiers, donc sur les marchés financiers, la hausse appelle la hausse et la baisse
appelle la baisse. L’importance croissante des marchés financiers dans le financement de
l’économie génère une instabilité intrinsèque au capitalisme. « Le prix est attribué à celui dont les
préférences s’approchent le plus de la sélection moyenne opérée par l’ensemble des
concurrents » : métaphore du concours de beauté. Cela qui pourra faire la plus grande plus
value sur le marché financier est celui qui se rapproche le pus de la sélection moyenne des
individus sur le marché financier. H. Minsky (Financial instabilité hypothesis, 1982) estime que
du fait de la nature même des agents sur les marchés financiers et du cadre d’incertitude radicale
qui pousse aux comportements mimétiques, les marchés financiers suivraient des cycles qui leur
sont propres. La première phase du cycle financier serait une phase de Hedge Finance càd une
phase de finance couverte dans laquelle le paiement des intérêts et du principal (somme prêtée)
de la dette sont couverts par l’efficacité marginale du capital.
Phase de speculative finance, où l’efficacité marginale du capital ne couvre que le paiement des
intérêts de la dette (qui est sans cesse reconduite car le principal n’est jamais remboursé, on peut
continuer à s’endetter).
Phase de la Ponzi Finance : On ne peut verser le rendement promis que si la pyramide continue
toujours de s’accroître de manière exponentielle. Cela permet de proposer des rémunérations
attractives et fixes (ce que le marché ne peut pas proposer). Cela fonctionne tant que les marchés
continuent à s’étendre. Cette phase se caractérise par le fait que les revenus de l’investissement
ne permettent même plus de couvrir la charge de la dette : les individus ne peuvent même plus
rembourser les intérêts de la dette.
Minsky fait une hypothèse sur le comportement des individus sur le marché financier : il conduirait
à la succession de ces trois phases. Initialement on a un nouveau secteur porteur avec une forte
efficacité marginale du capital qui trie, mais les comportements étant mimétiques, les
comportements vont s’emballer et le cours des actions vont s’envoler, donc les individus vont
s’nette pour obtenir cette action, pas de problème tant que le revenu de l’action nous permet de
rembourser les intérêts, problème quand le rendement de titre < aux taux d’intérêt : la charge de
noter dette ne fait plus que s’accroitre. La Ponzi Finance étant non tenable, elle est forcément
suivie d’une phase de crise. Lorsque le taux d’intérêt est égal à la rentabilité du placement
financier (phase 1), on entre fans la Ponzi Finance lorsque la rentabilité < taux d’intérêt.
C’est la psychologie de la foule sur le marché financier qui explique des mouvements de
sur-réaction de ces marchés financiers aux évolutions de l’économie réelle. Ex : crise de
1929. On a une hausse de la productivité industrielle de l’ordre de 50% alors que les cours ont
augmenté de 300% on a certes un effet réel initial qui justifie l’investissement initial (Hedge
Finance) mais on a ensuite un emballement de la machine.
3) Le rôle des inégalités dans la survenue des crises :
Page 50 sur 61
Les post-keynésiens s’intéressent à l’importance des inégalités dans la conjoncture économique et
remettent en cause un postulat introduit par l’économie classique selon lequel la répartition
de revenus dans l’économie n’influence pas la détermination des revenus économiques. On
passe des classiques (Smith, Ricardo, Marx) l’idée de classe sociale (rentier, travailleur
capitaliste), chez les néoclassiques on a une somme de producteurs et de consommateurs mais
aucune distinction (chez Walras tout le monde est à la fois producteur et consommateur) on a une
négation du social chez les néoclassiques. Ils font l’hypothèse de l’homo economicus en
supposant que les individus ont la même rationalité quel que soit le niveau social. Chez les plus
libéraux, certains pensent que les inégalités sont bénéfiques parce qu’elles permettent de stimuler
le comportement d’entreprendre.
Kuhmof et Rancière (Inequality, Leverage and Crises, 2010) mixe le côté répartition de la valeur
ajoutée et analyse de la sphère financière : en réalité on a une causalité circulaire entre
accroissement des inégalités dans l’économie réelle et hausse de l’endettement sur les
marchés financiers. L’accroissement des inégalités entraine des potentiels de consommation
différents entre les individus, or ils font l’hypothèse que le comportement de consommation des
individus ne dépend pas tant de leur revenu disponible personnel mais du revenu des agents qu’ils
peuvent observer (théorie du revenu relatif, Duesenberry). On ne consomme pas qu’en fonction
de nos moyens mais aussi en fonction de notre désir social. Au plus les inégalités sont grandes,
au plus on a un creusement entre le revenu des plus pauvres et leur désir de consommation social
e non pas individuel, au plus pour suivre cette consommation, les individus s’endettent. En réalité,
la hausse des inégalités entraine la hausse des endettements parce eu les individus ne
consomment pas en fonction de leur revenu personnel mais en fonction de leur désir
social. Or, la hausse de l’endettement accroit également la taille des marchés financiers (la crise
des subprimes : titres financiers adossés à des crédits immobiliers aux classes les plus pauvres).
On a typiquement une hausse des inégalités entre les ménages qui peuvent accéder à un
logement sans s’endetter et ce qui ne peuvent pas, et le désir social d’avoir un logement, provoque
donc de l’endettement, càd l’accroissement de la taille des marchés financiers. Le drame c’est que
l’endettement qui accroit la taille de la sphère financière, accroit les inégalités parce que le
développement de la sphère financière permet l’augmentation des revenus des salariés de la
sphère financière, mais surtout la hausse des revenus du capital ce qui accroit les inégalités.
c) La crise comme élément exogène du capitalisme :
À partir de l’héritage keynésien, la crise est endogène au capitalisme, résulte de la répartition d
cela VA, ou encore de l’investissement… Elle est inscrite dans le fonctionnement même du
capitalisme. Mais il y’a une autre conception de la crise qui se développe à partir des 70s : la crise
résulte d’éléments exogènes au capitalisme. À partir 70s remise en cause des principes
keynésiens parce que la réalité invalide certaines hypothèses néo-keynésiennes (stagflation).
• L’explication des crises par l’intervention de l’État toute crise est due à une intervention néfaste
de l’État. Il n’est pas la solution, mais le problème (Public Choice) Nordhaus explique les
cycles économiques dans Political Business Cycle, 1985 par les cycles politiques. Il considère
qu’en période préélectorale les gouvernements dans le but de se faire ré-élire auraient tendance
à desserrer la contrainte budgétaire, à augmenter les dépenses publiques et donc à soutenir
conjoncturellement la croissance. Cette croissance repose sur des facteurs qui ne sont pas
soutenables, puisqu’elle nécessite notamment la hausse du déficit budgétaire. On aurait un
retournement du cycle en période post-électorale parce que les nouveaux gouvernements
arrivant au pouvoir ou les anciens restant au pouvoir doivent résorber les déséquilibres
alimentés en période pré-électoral. On aurait des périodes pré-électorales favorable à
l’expansion et des périodes post-électorales favorables à la dépression. En réalité, les
intérêts particuliers d’une caste particulière d’individus (les politiques ou les fonctionnaires)
Page 51 sur 61
dérégleraient l’équilibre économique. Buchanan et Tullock (The calculus of consent, 1962)
considèrent l’État non plus comme un bienfaiteur altruiste recherchant le bien-être général, mais
comme une somme d’individus intéressés par leurs propres intérêts. L’État n’est pas un être
abstrait. Le postulat serait que l’économie seule pourrait bien se débrouiller et se réguler.
• L’explication des crises par l’intervention monétaire des BC M. Friedman A. Schwartz (A
monetary history of the US, 1963) considèrent que toutes les crises qu’ont connu les USA depuis
1867 peuvent s’expliquer par une mauvaise gestion de la politique monétaire. En particulier, la
crise de 29 s’explique par des taux d’intérêts qui étaient trop bas pour empêcher la spéculation
et la FED ne remontent ses taux d’intérêts qu’après l’éclatement de la crise càd trop tard pour
eux. Il faut neutraliser la monnaie selon Friedman ou encore Hayek qui explique l’apparition
d’une bulle spéculative par le décalage entre taux d’intérêt naturel et taux d’intérêt de marché.
• La nouvelle école classique, l’école des anticipations rationnelles : Elle s’oppose aux néo-
keynésiens en considérant que les individus ont des anticipations rationnelles, alors ils se
comportent de telle sorte à ce que l’équilibre économique soit toujours atteint. On pourrait penser
qu’il n’y a pas de place pour les cycles pour la NEC, mais Kydland et Prescott (Time to build an
agreagate fluctuation, 1982) théorie des cycles réels : Les agents sont des homo economicus
aux anticipations rationnelles, l’économie est sans cesse à l’équilibre (l’équilibre macro-
économique se résume chez eux à la somme des décisions micro-économiques). Ils expliquent
alors les cycles par des facteurs exogènes tel un choc de productivité qui modifie l’arbitrage
travail loisir des individus : ils changent leur offre de travail, et à partir de là on passe à un nouvel
ensemble d’équilibre économique. Les cycles économiques s’expliqueraient par le passage d’un
équilibre à un autre.
E. La crise de 2008 :
Quels points communs et divergences entre crise de 29 et 2008?
Ce sont toutes les deux des crises d’une ampleur mondiale, ont comme épicentre (point de départ)
New-York, sont initialement des crises financières qui se répercutent à l’économie réelle.
Mais le contexte est radicalement différent et la comparaison n’est pas forcément judicieuse :
depuis les politiques monétaires se sont affranchies de l’étalon or, la plupart des pays occidentaux
ont mis en place des systèmes d’État providence permettant une stabilisation de la conjoncture en
cas de crise (jouant le rôle de stabilisateur automatique càd permettant de soutenir la demande
y compris pendant les périodes de crise, le contexte géopolitique est radicalement différent parce
que l’Europe est « unie » et les organisations internationales plus développées que dans les 20s
(FMI, OMC, Banque Mondiale, OCDE, G20, G7…). On peut espérer une réponse plus
coordonnée à la crise en 2008. En 1929 les stratégies menées par les États sont non
coopératives (guerres des monnaies qui minent le commerce mondial).
Que se passe-t-il entre 1929 et 2008? On observe une multiplication des crises financières dès
les 80s qui sont marquées par un mouvement de dérégulation des marchés financiers (H.
Bourguinat parle des 3D : la déréglementation : les règles de fonctionnement des marchés
financiers sont de plus en plus laxistes, le décloisonnement : unification des marchés financiers
notamment marché des créances à LT et à CT et à l’échelle internationale avec une plis grande
interconnexion entre les grandes places boursières à l’échelle mondiale, la désintermédiation : le
financement de l’économie se passe d’intermédiaires bancaires et se fait directement par l’accès
au marché financier par l’émission de titres que ce soient des actions ou des obligations.
Attention, on remettra en question la désintermédiation pour parler de marchéisation).
Ce mouvement de dérégulation dans les 80s s’accompagne d’une instabilité bancaire et
financière accrue avec des crises localisées sur un marché financier en particulier, des crises
bancaires parfois couplées à des crises de change (crise asiatique en 1997) ou les crises de dette
souveraine (Amérique Latine).
Page 52 sur 61
Mais la crise de 2008 est la première depuis 1929 qui a pour épicentre le coeur de la finance
mondiale (New-York) et qui se répand de manière systémique à l’ensemble des économies des
pays développés.
j) Éléments de contexte :
11) La grande modération :
On qualifie de grande modération la période de 2000(voire 90s)-2008. Les 2000s se
caractérisent par une stabilité macroéconomique remarquable :
• Présence d’une forte croissance mondiale malgré des taux d’inflation faibles, or depuis
1945 les périodes de forte croissance sont associées à des périodes de forte inflation. Entre
1986 et 1996 le TCAM mondiale est de 3,2%, entre 1996 et 2006 3,9% et entre 2004 et 2007 de
5%. On trouve un TCAM proche de celui des 30G. Et pourtant les taux d’inflation sont compris
entre 1 et 2,5% ce qui est négligeable (la croissance sans inflation).
Cela s’explique par la diffusion des gains de productivité liés à « la nouvelle économie » qui
se développe à partir des 90s càd l’économie fondée sur les NTIC. (Rifkin 3ème RI). Par ailleurs,
les politiques monétaires sont de plus en plus crédibles notamment du fait que les BC des PD
sont indépendantes et appliquent des politiques de règle càd qu’elles sont prévisibles par les
agents ce qui permet un meilleur ancrage des anticipations des agents qui permet de limiter les
anticipations inflationnistes qui sont auto-réalisatrices. Les BC européennes depuis 1992 ont pris
l’engagement de s’unir au sein du système européen des banques centrales qui est effectif en
1999 lorsque l’euro sera mis en place, mais mis en circulation qu’en 2002. On passe de 11 BC
différentes à une seule ce qui permet d’assoir la stabilité macroéconomique et la lutte contre
l’inflation parce qu’une banque centrale européenne est plus crédible que 11 nationales. Kydland
et Prescott (Rules rather than discretion, 1977) montrent que pour que la BC soit crédible dans
ses engagements et pour que ses annonces ait l’impact voulu sur les anticipations des agents, il
faut que la BC soit contrainte par des règles à valeurs institutionnelles qui sont le seul moyen
d’assurer les détenteurs de monnaie que la BC tiendra bien ses engagements malgré un potentiel
changement de contexte rendant plus favorable pour elle un reniement de ses engagements.
À retenir : pour assoir la crédibilité il faut que les règles soient contraignantes, sinon les effets
d’annonce de la BC ne sont plus crédibles.
• Changement radial dans la DIPP et la place croissante des pays émergents dans cette DIPP
ce qui provoque une concurrence accrue à l’échelle internationale permettant une pression à la
baisse sur les prix (notamment les prix des produits manufacturés).
Cette croissance sans inflation cache cependant des déséquilibres.
• Si on a une faible inflation sur les B&S, on a une forte inflation sur le prix des actifs càd une
hausse des cours des actifs financiers, laquelle a posteriori peut être qualifiée de bulle
spéculative (ce n’est une bulle spéculative que lorsqu’elle éclate) qui a un effet important à
l’échelle économique : elle permet d’alimenter la croissance économique par plusieurs canaux :
- Des effets de richesse positifs sur les détenteurs d’un patrimoine financier qui peuvent plus
consommer, plus investir.
- La hausse du prix des actifs permet de faciliter l’endettement des entreprises et des ménages :
pour les entreprises, la hausse de leurs cotations boursières leur facilite l’accès à des
financements externes, et pour les ménages parce que la hausse de la valeur de leur patrimoine
financier leur permet d’emprunter des sommes plus importantes.
• Baisse du prix du risque càd une baisse des taux d’intérêt du fait de la réduction de la volatilité
macroéconomique càd la baisse de l’inflation, l’accroissement des déséquilibres commerciaux à
l’échelle internationale qui se manifestent par des excédents commerciaux structurels dans les
pays émergents (X-M>0) et à l’inverse des déficits commerciaux structurels dans les pays

Page 53 sur 61
développés notamment aux USA. Si on a des excédents commerciaux dans les émergents, ils
doivent être placés, un excédent commercial pour un pays est une « hausse de l’épargne » du
pays, ces excédents commerciaux des émergents seront recyclés dans la sphère financière des
PD en particulier sur des titres financiers jugés sûrs (Bons du Trésor : obligations sur la dette
souveraine, en particulier aux USA) or si de plus en plus d’individus demandent des BdT
américain, les prix des BdT augmente, donc les taux d’intérêt baissent, et au plus le cours de
l’action va augmenter : effet balançoire mis en avant par Keynes dans son Traité sur la
monnaie 1930. Au plus on a de demande au plus on peut se financer à un taux d’intérêt qui est
faible.
Le taux d’intérêt représente pour la personne qui se sépare de ses liquidités le prix du risque, il
faut donc qu’il soit rétribué selon le risque. Si l’inflation est davantage contenue, le risque est plus
faible parce que le risque de l’inflation est d’être remboursé demain avec une monnaie plus faible
(qui a perdu de son pouvoir d’achat).
Mais, si on a un faible prix du risque càd un faible taux d’intérêt sur les actifs sûrs (Bons du Trésor)
donc à rentabilité faibles, à l’échelle macro-économique des acteurs insatisfaits de cette faible
rentabilité vont aller chercher des rendements plus élevés sur des titres risqués. Par nature dans
un monde où tout va bien et où le prix du risque est faible, les individus vont accroire leur
spéculation sur des actifs plus risqués. Au plus le cours associé aux obligations d’État est faible au
plus on a un risque d’apparition d’une bulle spéculative sur les actions plus risquées.
• Elle se caractérise également par des politiques monétaires expansionnistes qui s’expliquent par
la peur au début des 2000s que la crise liée à la bulle internet ne se répande et pour éviter que
l’éclatement de la bulle internet ne se transforme en crises systémiques, la FED injecte de la
liquidité. Cela s’explique par un faible taux d’intérêt des banques centrales que l’on va expliquer
plus tard.
Pour illustrer ces politiques monétaires expansionnistes, statistiquement le rapport M1 sur PIB à
l’échelle mondiale. M1 est un agrégat monétaire qui représente la quantité de monnaie sous ses
formes les plus liquides (fiduciaire, les sommes sur les comptes courants : dépôts càd des
sommes que l’on peut mobiliser sans délais et sans coûts pour effectuer des transactions). M1/PIB
est un indicateur de liquidité.
Rapport du CAE de 2008 co-écrit par P. Arthus, sur 6 pays développés( USA, zone euro, Japon,
Chine, GB, Canada) on observe une augmentation colossale des liquidités à l’échelle mondiale
depuis 80s, ce ratio étant en moyenne de l’ordre de 18 à 20% entre 1980 et 2000. En 2002 26%
ce que ‘on peut expliquer par la baisse des taux d’intérêt de la FED, et en 2007 (veille de la crise) il
atteint les 30%.
Comment avoir de l’expansion monétaire sans inflation? elle mesure l’augmentation des
niveaux générales des prix mais uniquement des B&S à la consommation et non pas des B&S
financiers, donc vu que la liquidité ne peut pas être thésaurisée en entier, cela suppose que sans
inflation, les personnes ont gaspillé leurs liquidités en B&S financiers.
Les pays émergents ayant des excédents commerciaux colossaux qui aboutissent à l’explosion
des réserves de change des pays émergents (dans le bilan des BC les liquidités qu’elles
détiennent en monnaie étrangère). En 2009 les émergents détiennent 62% des réserves de
change à l’échelle mondiale contre 38% en 1998. Ex : la Chine à elle seule détient 25% des
réserves de change en 2009. Le gonflement des réserves de change contribue à l’augmentation
des liquidités.
Dans 2000s deux éléments fournissent un risque pour la stabilité économique : les
attentants du 11 septembre et l’éclatement de la bulle internet, crainte que les marchés ne
s’effondrent et donc crise bancaire en 1929 on avait augmenté les taux ce qui a empiré la

Page 54 sur 61
crise, donc ici la FED fait l’inverse, pour éviter une panique sur le secteur bancaire sur le
secteur bancaire.
M1 instabilité parce qu’il y’a plus de risque : la monnaie est plus volatile donc au plus on a
une volatilité dans les placements.
2) L’essor du Shadow Banking :
Le shadow banking est l’ensemble des institutions financières assurant des fonctions
traditionnellement réservées aux banques mais qui ne sont pas des banques (la récolte de
l’épargne, l’octroi de crédits, la transformation des échéances càd financement de projets de LT
grâce à une épargne de CT). Or, la caractéristique d’une banque pour un économiste est son
pouvoir de création monétaire (elle peut créer de la monnaie scripturale) alors qu’un acteur du
shadow banking ne le peut pas. Par ailleurs, les banques sont réglementées par des lois
spécifiques (contrepartie à leur privilège de création monétaire) et parce qu’elles ont une fonction
sociale essentielle qui est la gestion des dépôts des ménages.
• Hedge funds (fonds d’investissement, monétaire, de pension) càd des institutions financières qui
récoltent de l’épargne et la place (rôle d’intermédiaire et de collectivisation).
L’essor du shadow banking provoque une baisse du financement bancaire dans l’ensemble du
financement de l’économie.
Pour se financer une entreprise a plusieurs voies :
- Financement interne (autofinancement : une épargne qui provient des profits, donc il faut qu’une
part du capital profite à l’investissement)
- Financement externe (recherche d’un besoin à capacités de financement) que l’on rencontre
soit de manière
1. Directe (marché financier) par l’intermédiaire d’un tire càd en émettant des actions et en lui
confiant une partie de notre capital, soit un titre de créance (obligations). Mais s’il y’a des
obstacles au marché financier
2. Indirecte ou intercédé : intermédiaire bancaire (financement indirect bancaire/financement
indirect monétaire) ou non monétaire (organismes de crédit sans pouvoir de CM).
A partir des 80s on a une baisse drastique de la part du financement bancaire dans le financement
de l’économie : entre 1980 et 2000 la part des dépôts bancaires dans l’ensemble des actifs
financiers est passée de 50% à 25% : de moins en moins ce rôle de gestion des liquidités.
Le premier Hedge Funds sous sa forme moderne apparaît en 1949 et en 2006 càd à la veille de la
crise on comptait 9462 Hedge Funds, au début des 90s uniquement 610.
Comment expliquer cette croissance fulgurante? Initialement par les contraintes qui pesaient sur le
secteur bancaire amenant à l’apparition de nouveaux acteurs pouvant contourner ces contraintes
(héritées du Glass Steagall Act, 1933 qui vise à réguler le secteur bancaire américain à la suite
de la crise de 1929 avec deux axes majeurs :
• Séparation des banques d’affaire et des banques de dépôts
• Réglementation Q : interdit la rémunération des comptes courants et qui limite la rémunération
des dépôts à termes.
Quel intérêt? Pour le premier éviter que les placements spéculatifs des banques d’affaire
n’atteignent l’épargne des ménages. La Réglementation Q est « microprudentielle » puisqu’elle
vise à faire en sorte que chaque banque au niveau individuel limite sa prise de risque. Si l’on ne
rémunère plus les coptes ouvrants on est moins incités à chercher des rendements élevés sur le
marché parce que les rendements élevés sont synonymes de risque. En nous empêchant de
rémunérer certains dépôts on nous désincite à prendre des risques.
Les placements bancaires deviennent donc peu rentables pour les individus disposant
d’une épargne à placer ce qui explique initialement le développement des fonds de pension.

Page 55 sur 61
Un Hedge Funds permet la diversification des risques (du portefeuille), or les rendements d’échelle
permettent à un Hedge Funds de diversifier plus facilement ses risques.
Le lobby bancaire parvient à faire abolir la réglementation Q en 1980 parce que cela le dessert,
mais une avertie de l’épargne se dirige déjà vers les Hedge Funds et on a toujours une séparation
entre banques de dépôts et banques d’affaire : les banques de dépôts peuvent promettre une
rémunération aux déposants, mais cette rémunération est limitée par le fait que les banques de
dépôts doivent investir dans des actifs sûrs, peu risqués.
La part des Hedge Funds dans la finance internationale s’accroit, le montant des actifs gérés par
ces derniers en 1990 était de 0,1% du PIB de l’OCDE, en 2006 4,9%. Ces Hedge Funds sont à la
recherche d’une rentabilité élevée (attention : ne pas faire figurer dans la définition de l’entreprise
le fait que les entreprises cherchent à faire du profit puisqu’on exclut les entreprises publiques) et
recherchent du profit parce qu’ils sont à buts lucratifs et sont à la recherche d’une rentabilité
accrue. Or 80s recherche d’une rentabilité accrue alors que la stabilité de l’univers
macroéconomique réduit le taux d’intérêt : ces Hedge Funds vont multiplier les positions
spéculatives sur les produits financiers risqués par nature, notamment des « produits dérivés » et
de « produits structurés ». C’est parce que tout allait trop bien (taux d’intérêt faible) que ça a fini
par aller mal (Paradoxe de la tranquillité de Minsky) : c’est dans le périodes d’apparente
stabilité macroéconomiques et d’expansion du PIB que se préparent les plus grandes
crises financières.
• La baisse des taux d’intérêt entraine une recherche sur des actifs spéculatifs et risqués
• Dans les périodes de stabilité macroéocnomique on a une baisse de la garde du régulateur (BC,
régulateurs financiers : Autorité des marchés financiers en France).
En réalité, le Shadow Banking est non seulement un concurrent du secteur bancaire mais aussi un
complément du secteur bancaire : pour avoir un effet de levier plus important le Shadow Banking
s’endette lui-même auprès du secteur bancaire traditionnel, le shadow Banking va également
recycler lui-même une bonne partie des créances émises par les banques (notamment quand les
banques commencent à titriser leurs créances).
Qu’est-ce que l’effet de levier?
Quand la hausse de l’endettement d’une entreprise permet d’augmenter sa rentabilité financière
par des méthodes de rendements d’échelle financiers.
Cela a permis au système bancaire américain de faire abroger le deuxième volet du Glass
Steagall Act en 1999 : les banques d’affaire peuvent être à nouveau des banques de dépôts,
donc dès 2000 on a une vague de fusion acquisition dans le secteur bancaire américain. Il faut
avoir en tête ces fusions des années 2000 pour comprendre le transfert de la crise financière vers
le secteur réel.
3) L’apparition d’innovations financières :
• La titrisation : opération par laquelle une ou plusieurs créances jusqu’alors non négociables
(càd propre à un agent) sont transformées en actifs financiers échangeables sur les marchés
(devient négociable quand on la met sur un titre). Les banques peuvent alors se débarrasser
totalement du risque associé à une créance et d’épurer leurs bilans afin de pouvoir faire de
nouvelles créances. Les banques ne peuvent pas octroyer autant de crédits qu’elles veulent par
des ratios (accords de Bâle : ratio de fonds propres, ratio Cook, ratio Mc Donough) donc les
banques ne peuvent pas dépasser un ratio de fonds propres de 8%, càd que si je veux prêter
1million d’euros il faut que je possède 80000 de fonds propres. L’idée pour les banques est
d’émettre une créance, qui va venir peser sur leur ratio de fonds propres, elles peuvent alors
titriser la créance qu’elle vient de faire pour la sortir de son bilan et augmenter son ratio de fonds
propres et se mettre à faire de nouveaux crédits pour conquérir de nouveaux clients. Ceux que

Page 56 sur 61
l’on a cédé on a déjà eu une marge dessus, le but est de conquérir de nouvelles parts de
marché.
I. Couppey-Soupeyran serait passé d’un modèle « Originate to hold » à un un modèle
« originate to distribute ». Les banques émettaient le crédit alors que lorsque la titrisation se
diffuse. Cela permet aux banques de contourner la réglementation bancaire, les ratios de fonds
propres et donc de démultiplier la création monétaire. La monnaie peut créer de la créance et s’en
débarrasser immédiatement, ce qui contribue à l’explosion du volume de liquidités.
• Apparition de produits structurés : apparaissent dans 90s il s’agit de mélanger plusieurs titres
de créance qui ont des degrés de risqués différents (pool de créances structurées) le produit
structuré est plus liquide que la somme des titres initiaux parce que le tire du chômeur n’est pas
liquide, mais la structuration permet de gagner en liquidité. Le risque est la plus grande opacité
qu’introduit ces titres structurés sur les marchés financiers (asymétrie d’information)
normalement cette opacité est censée être réduite par la présence de certificateurs exogènes qui
sont les agences de notation qui sont normalement indépendantes des grandes banques qui
viennent évaluer la qualité et le degré de risque des titres financiers en particulier des titres
structurés (Standards and poors, Fitch, moody’s). Mais ces agences de notation sont elles-
mêmes cotées en bourse, elles sont donc des entreprises privées qui ont pour but de faire du
profit qui dépend du volume de clients qu’elles ont or, les clients des banques de notation sont
les acteurs financiers qui cherchent à faire noter leurs titres par les agences de notation. PB : si
on veut avoir beaucoup de clients, on est en proie à l’aléa moral parce que rien ne garantit
qu’une agence de notation réalise effectivement le travail de notation qu’elle est censée
effectuer. Ces produits structurés sont les CDO (Colateralized Debt Obligation) différentes
obligations sont adossées les unes sur l’autre. En 2008 les CDO représentent un encours total
de 2000milliards de dollars des USA et 3000milliards à l’échelle mondiale. L’intérêt de ces CDO
est que pour les Hedge Funds, ce sont des titres qui ont une forte rémunération avec un risque
faible parce que « normalement » si le CDO est bien fait, le risque entre les différentes ranches
est décoréllé (indépendance entre les titres). Mais ce que l’on sous-évalue ici c’est le risque
systémique càd qu’il y’ait une forte corrélation avec un retournement de tout un marché tous les
acteurs peuvent faire défaut. Donc les « tranches super senior » censées couvrir les tranches
« super equity » est illusoire.
• Apparition de produits dérivés : C’est un titre financier qui est adossé à un autre actif et qui vise
à décharger ce titre d’une dimension spécifique de son risque. Ex : l’actif financier considéré est
un actif financier, un dollar (risque de change) donc apparaissent des « swap de change » càd
des options de change qui offrent aux détenteurs d’un titre de swap la possibilité de faire valoir
dans une période ultérieure un taux de change convenu en amont. On ne peut avoir un swap de
change que si l’un anticipe une hausse de la valeur du dollar et l’autre une baisse de la
valeur du dollar (schéma 14). Ex : assurances par exemple, on s’acquitte tous les mois d’un
montant, si rien ne se passe l’assureur garde l’argent, sinon il nous assure.
Les plus connus portent sur la prise en compte du risque de change (swap de change), de
fluctuation de taux d’intérêt (swap de taux d’intérêt). Le produit dérivé prend généralement la
forme d’une option.
Il existe également des produits dérivés sur des risques de défaut de créances qui prennent la
forme de CDS (Credit default swap) : on considère qu’il y’a un risque que le débiteur ne nous
rembourse pas, donc on se fait assurer contre son risque de défaut.
En acquérant un produit dérivé sur un titre on se débarrasse du risque associé à ce titre, mais le
risque ne disparaît pas… il est simplement transféré. Au niveau microéconomique cela diminue le
risque, alors qu’au niveau macroéconomique, le risque s’est conservé voire accrus puisque les
individus qui pensent s’être débarrassés du risque se permettent de prendre des risques.
Page 57 sur 61
La titrisation pour une créance nous permet de nous débarrasser de l’intégralité du risque
alors que la dérivation permet de nous débarrasser une partie du risque (risque de liquidité :
on a besoin de l’argent que l’on prêté, risque de défaut : solvabilité risque de taux : risque de prêter
à 2% alors que demain les taux seront à 4%, en EO aussi le risque de change)
b) La montée des déséquilibres macroéconomiques et financiers
12) L’accumulation du risque systémique :
Risque systémique : risque de faillite globale du système financier (les pertes des uns entrainent
les pertes des autres). Il s’accroit depuis 80s parce qu’on a une interdépendance entre système
bancaire traditionnel et le système du shadow banking. Le shadow banking s’endette auprès du
secteur bancaire traditionnel pour bénéficier d’un effet de levier, mais s’il a un risque de solvabilité,
le secteur bancaire traditionnel ne pourra pas être remboursé.
Par ailleurs, les produits dérivés (CDS) sont produits par les anciennes banques d’affaire
devenues banques universelles pour couvrir le risque des acteurs du shadow banking :
potentiellement, à l’échelle macroéconomique on prête de l’argent à quelqu’un et en même
temps on assure cette personne contre le risque qu’elle ne puisse pas nous rembourser (on
perd donc doublement). Le système était si opaque que les Hedge Funds qui détenaient des
produits structurés les font assurer par des banques d’affaire qui sont les mêmes banques qui
prêtent des banques aux Hedge Funds. Dès lors que l’on a un retournement du marché financier,
on a un effondrement conjoint du secteur bancaire traditionnel et du secteur bancaire fantôme.
Là où en 1929 le brokers développé les appels à la marge, dans les 90s on a une triple innovation
financière qui amène à l’apparition d’un risque systémique. Ce risque n’est pas régulé parce que le
shadow banking n’est pas soumis aux
Si l’on s’intéresse au ratio entre encours totaux des actifs financiers sur leurs fonds propres en
arrive à un levier d’endettement de l’ordre de 31 : pour 1million€ de fonds propres, le shadow
banking détient en moyenne 31millions d’actifs. Dans le secteur bancaire traditionnel, ce ratio est
trois fois inférieur.
2) La montée de l’endettement privé aux USA :
Comme dans les 20s on observe que la forte croissance des années 2000 s’accompagne d’une
forte montée de l’endettement privé qui est particulièrement présente dans les pays anglo-saxons.
Aux USA entre 2000 et 2007 le ratio dette des ménages/ revenus disponible des ménages
atteignait 87% en 2000 contre 137% en 2007 et la dette du secteur privé/PIB (y compris
entreprise) on atteint un ratio d’endettement de l’ordre de 300% du PIB. Creusement du déficit
budgétaire américain à partir de 2002 en 2006 on a une année record où le déficit budgétaire
américain atteint 6% du PIB.
Comment expliquer cette montée de l’endettement privé? Par la baisse des taux d’intérêt de la
FED suite à l’éclatement de la bulle internet (6,5% en 2000 contre 1% en 2003). Les capacités
d’octroi de crédit des banques augmentent ce qui explique la montée de l’endettement privé.
Plus encore, le contexte politique visant à favoriser l’accès à la propriété des ménages américains
(en particulier classe moyenne)…
3) La croissance des subprimes :
Subprime : crédit hypothécaire (qui porte sur un bien immobilier) à taux semi-variable (fixes à CT
sur une période de 2ans puis variables après la période de fixité des 2ans). Si on ne rembourse
pas le crédit immobilier, on nous prend la maison. Ces crédits ciblaient particulièrement comme
clientèle le bas de la classe moyenne américaine et très vite la classes « pauvre » et la condition
d’octroi des subprimes étaient si laxistes que tout agent économique pouvait en obtenir un. En
particulier, les agents « ninja » càd des agents avec No Income, No Jobs, No assets (Pas de
revenu, d’emploi ou de patrimoine). Pourquoi la banque prête à des Ninja?
- Les banques sont attirées par la perspective des taux variables
Page 58 sur 61
- Elles peuvent par la suite titriser ces créances, les structurer avec des créances plus sûres et
s’en débarrasser
- Pour la plupart des ménages obtenant des crédits subprimes sont assurés par des GSE
(Government Sponsored entreprise) qui doivent assurer les ménages. Le but politique est ici de
renouer avec le mythe de l’American Dream en favorisant l’accès au logement (pour pallier la
recrudescence des inégalités). Cs entreprises assurent les banques contre le potentiel non
remboursement de leurs créances.
Si on prend l’année 2006 les surprimes représentaient 24% de l’ensemble des nouveaux prêts
octroyés par les banques soit l’équivalent de 600milliards de dollars. En 1996 cela ne représentait
que 70000dollars. Ces crédits seront recyclés par les banques dans les CDO qui deviennent un
moyen pour les banques de recycler leurs créances douteuses. Les subprimes ont alimenté la
croissance américaine des 2000s (marché de l’immobilier a des effet d’entrainement). Mais si on a
une remontée des taux variables sur un ensemble de plus en plus grands de créance, les taux
vont remonter dès 2004 puisqu’ils augmentent de 4% entre 2004-2006 qui provoque une
augmentation des défauts de paiement qui représentent 15% des prêts en 2007, 30% en 2008,
40% des prêts en 2009 : une causalité circulaire s’enclenche parce que si les taux remontent c’est
en partie parce qu’arrivé à échéance certains ménages ne parviennent pas à rembourser. Le
risque augmente donc… les taux variables augmentent… les défauts augmentent parce qu’il est
de plus en plus dur pour les ménages de satisfaire les taux d’intérêt exorbitants des banques.
Caractère procyclique des banques : le comportement des banques ne fait que accentuer le cycle.
Pourquoi la FED ne baisse pas ses taux d’intérêts?
Ils sont déjà très bas à l’époque (1%) + un tel décalage entre les taux d’intérêts directeurs et les
taux d’intérêts des banques commerciales peut s’expliquer par la prise de risque Le taux d’intérêt
de la FED est celle de l’assurance sans risque, donc la prime de risque se mesure comme l’écart
entre le taux de la FED et celui des banques commerciales.
Si on a une hausse des défauts de paiement on a une hausse des saisies immobilières qui entrain
une augmentation de l’offre sur le marché immobilier américain, cela entraine une baisse des prix
sur le marché immobilier américain (toutes choses étant égales par ailleurs). Entre 2009 et 2010
2,9millions de saisie immobilière : les banques saisissent des maisons pour se rembourser, mais
l’hypothèse censé assurer la banque contre une perte de fonds propres n’assure pas son rôle
parce que les maisons ne valent plus rien. Les banques se tournent alors vers les assureurs qui
sont eux-mêmes en faillite… (risque systémique parce que tout le monde est relié à tout le
monde). Les GSE avaient elles mêmes fait appel à des produits dérivés pour sécuriser leur
position. [Certains parviennent toujours à s’enrichir pendant des périodes de crise « C’est lorsque
le sang coule dans les rues qu’il faut investir dans la pierre » E. Rothschild]
c) L’engrenage de la crise :
La crise éclate en Juillet 2007 avec la faillite de deux fonds d’investissement de la banque Bear
Stearns. Ils avaient pris des positions spéculatives massives sur le marché des produits structurés
et en particulier sur le marché des CDO : dès que les taux de défaut augmentent sur les
subprimes, et qu’on se rend compte que ces subprimes étaient contenues dans les CDO, le prix
des CDO va lui-même chuter et ce d’autant plus que l’on se rend compte qu’en réalité les défauts
des subprimes en entrainant une baisse du marché immobilier américain (à la fois la côte Ouest et
la côte Est) alors qu’on avait prévu une décorrélation entre côtes ouest et est, donc les acteurs
solvables au moins par leur hypothèse deviennent insolvables. Certaines personnes pensaient
faire une plus-value en achetant leur maison mais réalisent en réalité une moins-value (les défauts
des uns, entrainent la baisse du patrimoine des autres). Ainsi, l’insolvabilité des super equity

Page 59 sur 61
Quand Bear Stearns connait des pertes colossales suite à des positions sur le marché des CDO
on a une crise de confiance dans le système bancaire américain : (point Minsky) assèchement des
liquidités sur le marché interbancaire plus aucune banque n'accepte de prêter à d’autres banques
parce qu'on ne sait pas qui a pris ou non des actions spéculatives, tout le monde réalise qu’ils ont
investi les CDO, ils vont tous chercher à vendre leurs CDO pour vite se désendetter et assainir leur
bilan, ce qui entraine une chute toujours plus importante du cours des CDO : déflation par la
dette (I. Fisher, 1933) en cherchant à se désendetter, les acteurs ici financiers ne font qu’alourdir
en réalité le poids de leurs dettes puisse ce mouvement de désendettement ne fait qu’alimenter la
baisse de la valeur de leur patrimoine. Crispation du marché interbancaire et tentative de
désendettement, or ce mouvement implique :
- Un arrêt de l’évolution des cours (on ne peut plus s’endetter)
- Alimente la chute des cours
Diffusion de la crise à l’ensemble du secteur bancaire américain puis mondial du fait des
interconnexions entre les différents secteurs bancaires. La dimension internationale de la crise
apparaît en Août2007 avec la faillite des deux banques allemandes IKB et Sachsen LB parce
qu’elles avaient pris des positons spéculatives sur le marché américain en achetant des CDO, ou
encore Northern Rock qui est victime d’une ruée bancaire, donc crise de liquidité ce qui oblige la
banque à liquider ses positions financières avec des moins-values importantes.
C’est la première ruée bancaire que connait la GB depuis le 19ème siècle (1866).
Différence entre 1929 et 2007 : la rapidité, la crise devient internationale en 3ans en 1929 alors
qu’en 2008 uniquement quelques mois.
13) Des subprimes au crédit crunch :
L’accumulation des défauts de paiement amène les banques à adopter des comportements de
restriction de l’octroi de crédit, et les banques vont commencer à thésauriser des liquidités (les
garder sous une forme non rémunérée) parce qu’elles anticipent leur double exposition (vis-à-vis
de leurs positions spéculatives sur les CDO et tous les produits dérivés càd elles mêmes
assureurs qu’elles ont crée du côté de leurs branches d’affaire). On arrive à un crédit crunch :
les banques refusent de prêter sauf à des taux d’intérêts prohibitifs ce qui nécessite l’action
de la BC afin de réalimenter ce marché interbancaire en liquidités.
2) La déstabilisation du secteur bancaire fantôme :
Il est d’autant plus déstabiliser par ce crédit crunch qu’il surfait sur une vague spéculative qui ne
pouvait continuer à s’accroitre que tant qu’il pouvait actionner un levier d’endettement considérable
càd que tant que le shadow banking continuait à s’endetter pour alimenter la hausse des cours
(spéculative finance voire à un mécanisme de Ponzi Finance). L’assèchement des liquidités sur le
marché interbancaire càd le crédit crunch entraine une hausse du taux d’intérêt, et comme il
devient prohibitif, il devient supérieur à la rentabilité des placements opérés par le shadow
banking, l’effet de levier devient un effet de massue. La seule façon de sauver le shadow
banking serait que la BC octroie directement des liquidités, mais en théorie le shadow banking ne
peut pas bénéficier de prêts directs de la BC américain (càd de la fonction de prêteur en dernier
ressort). Mais l’ampleur des pertes financières pour le seul marché américain entre 2007 et 2010
est estimé à 2700milliards de dollars. Les BC ne peuvent pas laisser s’effondrer sans rien faire le
Shadow Banking et vont devoir intervenir.
La première entrave que fait la FED à ce principe est en Mars2008 lorsqu’elle prête 30milliards de
dollars à JP Morgan Chase alors qu’elle n’est pas censée alimenter en liquidités le banques
d’affaire. Si elle le fait c’est pour qu’elle puisse racheter la banque Bear Stearns qui est en situation
de faillite.
3) L’accélération du séisme à l’automne 2008 :

Page 60 sur 61
En quelques jours, le gouvernement américain va devoir nationaliser Fanny Mae et Freddie mac,
parce que les GSE ne peuvent plus remplir leur rôle d’assureur parce qu’ils sont eux mêmes en
impossibilité de paiement. Il organise la quasi nationalisation de AIG en acquérant lui-même une
partie du K d’AIG (premier assurance mondial) 85milliards de dollars sur le budget américain) et le
rachat de Merill Lynch (banque d’affaire) par la Bank of America, tout en abandonnant Lehman
Brothers que le gouvernement américain comme la FED refusent de sauver (faillite le 14
septembre 2008 accroche) avec un actif financier estimé à 600milliards de dollars (1/4 PIB
français) ce refus de sauver va entrainer un vent de panique sur l’ensemble des marchés
financiers mondiaux parce qu’il n’y a pas d’acteurs « too big to fail » et toutes les banques
exposées peuvent effectivement faire faillite et ne pas être sauvé par l’autorité publique.
Les marchés sont tellement affectés dès le 14septembre que le 16septembre la FED assure au
secteur des fonds de pension la garanti des dépôts des épargnants qui est initialement
uniquement réservée aux banques de dépôts parce que le secteur des fonds de pension
représentait 3800milliards de dollars parce qu’on rentre dans une situation d’aléa moral : de fait,
l’État doit garantir des acteurs et crée une situation d’aléa moral parce qu’ils peuvent prendre les
risques qu’ils veulent sans en subir les conséquences.
En Octobre le Congrès Américain vote en urgence le plan Paulson le 3octobre 2008 (Troubled
Asset Relief Programm) : l’État américain doit reprendre lui même les actifs toxiques des banques
pour épurer le bilan des banques et éviter que ne se succède des faillites bancaires. Cela
débloque 700milliards de dollars, initialement ces 700milliards de dollars ont été débloqués pour
que l’État assume les actifs toxiques, mais il va finir par les utiliser non pas pour acheter les actifs
toxiques mais pour recapitaliser directement les banques en contrepartie de l’acquisition par l’État
d’une partie du capital des banques ce qui est largement sous estimé par rapport au montant qu’a
fourni l’État.
Entre septembre et Novembre la bourse américaine perd la moitié de sa valeur en Octobre on a
une faillite de tout le système bancaire irlandais, en Islande également (les trois plus grandes
banques du PIB seront nationalisées) et l’État islandais va demander au FMI une aide d’urgence
parce qu’il est entrainé dans une crise de la dette du fait de ces trois nationalisations. Idem en GB
de RBM, HOBOS et Lloyd. dès Octobre l’ensemble du système bancaire américain et européen
est affecté. On voit se profiler le rôle des États dans le rôle de l’État et le fait que le sauvetage des
banques par les États préparent la crise de la dette souveraine que subit l’Europe en 2010.

Page 61 sur 61

Vous aimerez peut-être aussi