Vous êtes sur la page 1sur 6

Chapitre 4 : Origine et soutenabilité de la croissance

économique

Depuis Adam Smith et sa richesse des nations, la croissance occupe l’esprit de nombreux
économistes. La croissance est ainsi associée à plusieurs qualificatifs Vertigineuse, molle,
instable, potentielle … Elle constitue également un objectif primordial pour tous les
gouvernements. Les débats économiques et politiques autour de la croissance économique se
focalisent davantage sur les problématiques liées à ses facteurs explicatifs, aux politiques à
mettre en place pour l’augmenter et la manière avec laquelle on peut la rendre durable. Par
ailleurs, dans l’analyse économique, la croissance est différente du développement, la première
a une dimension quantitative, le deuxième a par contre une dimension plus qualitative. Si la
croissance reste une condition nécessaire pour se développer, elle reste, néanmoins,
insuffisante pour garantir un développement économique durable.

Section 1 : D’où vient la croissance économique ?

A/ Commet expliquer la croissance économique ?


1/ Définir et mesurer la croissance économique :
La croissance économique correspond à l'accroissement durable de la production globale d'une
économie. C'est un phénomène quantitatif de longue période.

La croissance économique est l'augmentation soutenue durant une ou plusieurs périodes


longues d'un indicateur de dimension : pour une nation, le produit global brut ou net, en termes
réels.
François
Perroux
On peut parler d’une :
• La croissance extensive qui correspond à̀ une croissance sans hausse de la productivité́
des facteurs de production. C’est une augmentation des facteurs de production suivant
l’hypothèse de rendements constants ou croissants.
• La croissance est intensive qui correspond à une augmentation de la productivité́ des
facteurs de production.
• Croissance potentielle : Croissance maximale qu’un pays peut atteindre en mobilisant
tous ses facteurs de production sans inflation.
• Croissance effective :Croissance réellement obtenue qui dépend des facteurs de la
demande (consommation des ménages, dépenses publiques, investissement, exportation).
On mesure la croissance à l'aide du taux de croissance sur une période donnée.
Taux de croissance annuel :
Le taux de croissance entre l'année n−1 et l'année n est donné par la formule :

Taux de Croissance = [PIB(n) - PIB (n-1)] / PIB(n-1) *100

1
2 .Les phases du cycle de croissance :

Définition du cycle économique


Le cycle économique décrit la croissance puis la décroissance cyclique de la
production de biens et de services d'une économie. Les cycles économiques sont le
plus souvent mesurés en observant les phases de hausse et de baisse du Produit
Intérieur Brut (PIB) d'une économie.
Selon Guitton dans Les mouvements conjoncturels, «un cycle est composé par un ensemble
d’années séparées par des maximum (ou date de la crise) et des minimums (moment de la
reprise).»

Le cycle économique

2
Les différents cycles économiques :
Ø Le cycle de Kitchin, mis au jour dans les années 1920 par l’économiste anglais
Joseph Kitchin, décrit un cycle court de 3 à 4 ans. Il est basé sur la politique de stock
des entreprises et se caractérise par une phase d’expansion d’environ deux ans puis
par une phase de croissance ralentie elle aussi de deux ans environ.
Ø Le cycle de Juglar, théorisé par l’économiste français Clément Juglar en 1862, est
un cycle de 8 à 10 ans. Ce cycle correspondrait à la dynamique de
l’investissement des entreprises qui se caractériserait par une phase
d’investissements soutenus puis, une fois que tous les investissements rentables ont
été réalisés, par un plongeon de l’investissement et donc de la croissance.

Ø Le cycle de Kuznets est dû à l’économiste américain Simon Kuznets qui l’a théorisé
dans les années 1930. Ce cycle est d’une durée de 15 à 25 ans qui serait basé sur
des variations démographiques qui stimuleraient par vagues l’activité économique.

Ø Le cycle de Kondratiev est le plus connu des cycles économiques. Il a été mis en
évidence par l’économiste soviétique Nikolaï Kondratiev dans les années 1920, et a été
étoffé par Joseph Schumpeter à la fin des années 1930. Selon Schumpeter, les
innovations apparaissent par « grappes » qui tirent la croissance pendant 20 à 30
ans. Puis, quand les innovations arrivent à, la croissance se tasse avant que d’autres
innovations relancent à leur tour l’économie.

Selon le cycle de Kondratiev, la forte croissance de l’après-guerre (les fameuses « Trente


glorieuses » de Jean Fourastié) sont suivies d’une trentaine d’années de croissance lente
avant l’amorce d’un nouveau cycle. Selon cette approche, nous aurions dû connaître
une nouvelle vague de croissance au début des années 2000 alors que, dans les
faits, la croissance moyenne a continué à ralentir dans les pays développés.

Selon Schumpeter, un Kondratieff englobe six Juglar, et un Juglar englobe trois Kitchin.

B/ quelles sont les explications de la croissance économique ?


1/ les explications conjoncturelles de la croissance du PIB
a. La contribution des facteurs de production
Ø le facteur travail

3
Dans un premier lieu, l’activité économique apparait liée à la population active. Cette population
active constitue le facteur travail. Depuis toujours, son rôle est apparu comme déterminant et
au XVIème siècle déjà̀ Jean Bodin avait écrit :"il n’y a ni richesse, ni force que d’hommes".
Le facteur travail dépend de la population active occupée, de son niveau de compétence, de la
durée et de la qualité́ du travail. Prenons l’exemple de la France après la seconde guerre
mondiale pour détailler tout cela. Durant les Trente glorieuses, en gros les 30 années après la
seconde guerre mondiale, le baby-boom a pu apparaître comme un facteur positif de la
croissance économique.
Ø Le facteur capital
La croissance économique dépend aussi de l’accumulation du capital.
Si le capital accumulé augmente, cela signifie que les entreprises ont plus de capacité de
production. L’investissement est donc source de croissance par le capital accumulé qui peut
être utilisé pour produire plus. David Ricardo (1772-1823) considérait, comme les autres
économistes classiques, que l’investissement était essentiel à la croissance économique. Les
capitalistes utilisent leur épargne pour investir. La croissance dépend donc de la répartition des
revenus : plus les capitalistes reçoivent une part importante du profit, plus ils investiront, plus
la croissance sera importante. Cependant, selon le principe des rendements décroissants de
David Ricardo, la croissance est limitée par la loi des rendements décroissants. La valeur
ajoutée se répartit entre trois agents : les propriétaires fonciers (rente foncière), salariés (salaire
de subsistance) et le capitaliste (profit). Précisons que le profit des capitalistes est résiduel, c’est-
à-dire qu’il intervient une fois le salaire et la rente foncière payés. Lorsque la population
s’accroît, il convient d’augmenter la production agricole, or les nouvelles terres mises en culture
sont de moins en moins productives. Le coût de production va donc s’élever, entraînant
inévitablement la hausse des salaires et de la rente foncière. Les profits vont se réduire jusqu’au
moment où les capitalistes ne seront plus incités à investir. L’économie atteint la situation d’état
stationnaire. Le déclin de la croissance est inéluctable. Mais il est possible de retarder l’instant
où l’économie se retrouve à l’état stationnaire en ouvrant les frontières et en important du blé.
Comme la quantité de blé disponible dans l’économie anglaise augmente, il devient moins urgent
de mettre de nouvelles terres en culture. Par conséquent, la hausse des prix agricoles et des
salaires ralentit, ce qui permet de ralentir le déclin de l’investissement. Ricardo doit alors
justifier le libre-échange, ce qui l’amènera à formuler la théorie des avantages comparatifs
(cf. théories du commerce international).

b. le rôle de la demande et de l’investissement

• Le multiplicateur keynésien :
Dans son célèbre ouvrage “The general theory of Employment, Interest and Money” (1936), publié
au lendemain de la crise économique et financière de 1929, J.M. Keynes y expose les
mécanismes permettant de relancer la « machine » économique. Selon la théorie du
multiplicateur, l’investissement va permettre une augmentation de la demande agrégée (ie la
demande totale de biens et services des agents économiques au sein d’une économie) et
entraîner une augmentation plus que proportionnelle du revenu par des effets d’enchaînement.
Si on retient de l’analyse keynésienne que les politiques budgétaires expansionnistes peuvent
soutenir la demande, les mesures fiscales et monétaires sont autant d’autres moyens pour y
parvenir. Ainsi, s’il existe un multiplicateur particulier pour chaque type de dépenses ou de
politiques économiques (avec une efficacité différente), leur efficacité est évolutive au cours du
temps (court terme vs long terme).

4
• L’effet accélérateur :

Le principe de l’accélérateur a été mis en évidence par Albert Aftalion en 1909, puis par John
Clark en 1917. Il montre que la demande joue un rôle essentiel dans la décision d’investir des
entreprises, qui vont avoir besoin de produire plus pour répondre à cette demande. Plus
précisément, une augmentation de la demande (ou une diminution) entraîne sous certaines
conditions une variation plus que proportionnelle de l’investissement. I= vΔY où I est
l’investissement, v le coefficient de capital (rapport entre le stock de capital et la production), et
ΔY la variation du revenu global (donc de la demande). Plus v est élevé, c’est-à-dire plus il faut
de capital pour produire, plus l’effet accélérateur est important.

2/ les déterminants sur le long terme de la croissance économique

a : l’effet de la productivité globale des facteurs :


La productivité globale des facteurs (PGF) désigne le rapport entre la production et le volume
total de facteurs utilisé. Autrement dit, la PGF mesure l’accroissement de richesse qui n’est pas
expliqué par l’accroissement des facteurs de production. Elle intervient donc comme un
troisième facteur. Les gains de productivité accompagnent le plus souvent la croissance. A
contrario, le ralentissement de la croissance semble corrélé à des pannes de productivité. Ainsi
que ce soit à travers l’accroissement du facteur travail ou du facteur capital, la productivité
globale des facteurs est un facteur clé de la croissance intensive.

b : la croissance et le progrès technique :


La théorie économique doit à Robert Solow d’avoir mesuré la contribution du progrès technique
à la croissance. Il constate l’existence d’un résidu, c’est-à-dire d’une part inexpliquée de la
croissance, une fois que la croissance liée à l’augmentation des facteurs de production a été
prise en compte.
Cependant, cette prise en compte du progrès technique se fait de manière exogène, elle revient
à l’analyser telle une “manne tombée du ciel” selon les termes de Solow. Le progrès technique
est considéré comme autonome : une partie importante de la croissance provient du progrès
technique, mais on ne sait pas pourquoi.

La croissance exogène et le résidu : selon R. Solow, il y a une partie de la croissance qui n’est
pas expliquée par la variation du capital et du travail, c’est-à-dire que la croissance ne dépend
pas seulement de ces deux éléments endogènes. La croissance dépend aussi d’un élément qu’on

5
ne connaît pas exactement, qu’il appelle le résidu. Il suppose malgré tout que le résidu s’explique
par le progrès technique et l’état de la technologie.

La théorie de la croissance exogène a été aménagée dans les années 80 par des économistes
américains néoclassiques qui vont expliquer l’origine du progrès technique. Les théories
nouvelles de la croissance sont centrées autour de l’idée d’une croissance endogène. Apparue
dans les années 80, la croissance endogène est fondée sur les hypothèses suivantes : les
rendements d’échelle sont croissants, le capital et la connaissance sont endogènes. Les théories
de la croissance endogène considèrent le progrès technique comme déterminant dans la
croissance mais le traitent différemment, d’où̀ l’apparition de trois modèles distincts : le modèle
de Romer , le modèle de Lucas et le modèle de Barro.

Il est basé sur le capital technologique qu’une nation accumule grâce


aux investissements immatériels (recherche et développement (R&D),
Le modèle de brevets,). Le progrès technique résulte donc d’une activité délibérée de
Paul Romer : R&D réalisée par les entreprises et l’Etat. Le capital de connaissance
s’accumule par l’investissement en recherches. Chaque firme, en
le rôle de la
investissant, agit pour son propre intérêt, mais à terme l’innovation
R&D profite à tous. L’analyse de Romer est fondée sur l’investissement
immatériel en tant que déterminant principal de la croissance qui non
seulement permet d’entretenir le progrès technique mais aussi
d’engendrer des externalités positives.

Le capital humain qui correspond à l’ensemble des connaissances et


des compétences de la main d’œuvre et dont dépend sa productivité.
Ce type d’investissement est effectué́ par les familles, les entreprises
et l’Etat dans l’éducation et la formation professionnelle. Selon Lucas,
cette forme de capital peut se transmettre des parents aux enfants et
s’accumuler d’une génération à l’autre. Au niveau des pays, les
Le modèle de Lucas
différences en dotation de capital humain expliquent les différences
: le rôle du capital
humain de croissance. Les nations qui veulent suivre la voie de la croissance
doivent investir dans le capital humain afin d’accroitre la productivité
et devenir compétitives sur la scène internationale. Selon Lucas, le
capital hu- main dégage des externalités positives dans la mesure où
le rendement de la main d’œuvre est d’autant plus fort que le niveau
de la société́ est élevé́, permettant d’avoir la croissance auto-
entretenue.

Barro privilégie le capital public et montre que les investissements


publics ou mixtes (publics / privés) dans les infrastructures (réseaux
routiers, ports, écoles, sécurité, etc...) ont un coût collectif mais sont
facteurs d’externalités positives. A titre d’exemple, la création de
Le modèle de
réseaux de communication efficaces favorise l’activité productive
Robert Barro : le
rôle du capital (gains de temps pour les transports, attractivité́ pour les
public investissements directs étrangers, etc...). Ainsi, la croissance permet
de financer des infrastructures qui la stimulent.

Vous aimerez peut-être aussi