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De nos jours, la plupart des pays développés d'Occident s'inscrivent dans une
définition de société capitaliste, fondée par le courant classique au XVIIIème siècle et ses
deux précurseurs anglais, Adam Smith (1723-1790) et David Ricardo (1772-1823). Pour
comprendre les notions abordées par ces deux économistes, il est important de
recontextualiser l’époque dans laquelle l'Angleterre du XVIIIème siècle se développe.
Ainsi, traversée par le siècle des lumières (1715) et sortant de l'obscurantisme, la
Grande-Bretagne évolue d’un état de société primitif vers une société avancée par la
révolution industrielle (1760), avec la revendication des droits privés et l’émergence de 3
différentes classes sociales. La classe ouvrière émerge de la révolution agricole (enclosures),
et les ouvriers louent leur service dans la production de richesses contre un revenu, appelé
salaire. De plus, la terre devenue propriété privée, leurs propriétaires revendiquent un revenu
pour l’utilisation de celles-ci, la rente. Enfin il y a une classe sociale capable d’investir et
d’innover et qui dispose des moyens de productions de richesses par la détention d’un capital,
les capitalistes, dont la richesse accroît par l'accumulation de profits.
La manière de répartir les richesses va avoir un impact direct sur le processus de
croissance, c'est-à-dire qu’une mauvaise répartition des richesses pourra notamment bloquer
cette croissance. Celle-ci est définie par A. Smith et D. Ricardo par un état progressif, un
accroissement des richesses et un progrès économique, qui sont la cause de l’enrichissement
des nations, déterminé par la puissance productive du travail, mais, il y a cependant de
nombreuses contestations à l’extension indéfinie de la croissance.
Alors, si la croissance n’est pas perpétuelle nous nous demanderons quelles sont les
contradictions de la croissance capitaliste et comment remettent elles en cause sa poursuite.
Nous étudierons en deux parties et au travers des analyses de l’économie des
classiques anglais, Adam Smith et David Ricardo, dans un premier temps comment les
contradictions endogènes et exogènes au capitalisme poussent la croissance vers un état
stationnaire puis dans un second temps quelles sont les solutions de cet état stationnaire de la
croissance.
Smith expose que dans cette situation de forte croissance capitaliste, qu’il connaît au travers
de la Révolution industrielle, en Angleterre mais aussi en France d’où il puise une part de son
raisonnement, contribue à de meilleure condition de vie, repousse la mortalité infantile et
augmente de fait la population. Néanmoins, l’augmentation démographique n’inclut pas
selon Smith une augmentation de la demande effective, demande qui à la fois souhaite
acheter un produit et peut se permettre de réaliser cet achat, ainsi naît la crise d’accumulation
du capital développée par Smith. Dans un cas de forte croissance, les capitalistes muent par
leurs propres intérêts, cherchent à s’enrichir et à produire encore plus, seulement si la
demande effective est insuffisante et n’évolue pas proportionnellement, cela traduit une
situation de surproduction, où la demande est inférieure à l’offre. Ainsi, une partie des
marchandises produites ne trouvent pas de débouchés et cela freine la production et l’élan de
recherche qui favorise la croissance. De plus, Smith constate que le prix de marché (prix des
marchandises établies sur le marché) va s’établir à la baisse jusqu’à un prix inférieur au prix
naturel (addition des 3 revenus: Salaires, rente et profit), puisqu' il y aura une insuffisance de
la demande, ce qui va baisser le profit des producteurs, et donc la crise d’accumulation du
capital tend vers l’état stationnaire.
Certes, David Ricardo parle de croissance dans ouvrage majeur publié en 1817
“Principes de l’économie politique et de l’impôt.”, néanmoins il n’exprime pas vraiment
comment cette croissance est stimulée. Ainsi, Ricardo accorde généralement sa vision avec
celle de Smith, il reprend son travail en le critiquant et en apportant ses propres théories, par
exemple il n’est pas d’accord avec la théorie de la crise d’accumulation du capital de Smith.
Toutefois, Ricardo a réellement conscience des crises apportées par la croissance, et analyse
leurs évolution à travers l’exemple du “prix du blé” (prix des marchandises de subsistance :
le blé étant la marchandise nécessaire pour subsister la plus consommée et la plus vendue à
son époque). Tout d’abord, il énonce sa théorie de la répartition des richesses, proche de celle
de Smith mais il démontre que les 3 revenus de la production sont des conséquences de la
valeur, car la valeur est créée au moment de la production et non pas des causes comme chez
son précurseur écossais. Ces 3 revenus sont le capital, les salaires et la rente; il énonce sa
relation inverse entre salaires et profit, selon laquelle l’augmentation des salaires ferait
baisser le profit : la rente étant déjà établie, le capitaliste a tout intérêt à amoindrir les salaires
courants pour les conserver au niveau de subsistance (niveau donc l’unique objectif est de
subvenir aux besoins de l’ouvrier et de sa famille) et maximiser le profit résiduel, c’est à dire
le revenu restant au capitaliste après avoir payé la rente et les salaires. Cependant, il implique
une hypothèse de la “décroissance de la productivité des terres” selon laquelle, les premières
terres sont les plus productives et plus on cultive une terre moins elle sera productive. Ainsi,
avec l’instauration d’une “rente différentielle" telle qu’il la qualifie, basée sur l’inégalité de
la fertilité des terres et la quantité de travail nécessaire à la production qui augmente, le “prix
du blé” augmente en conséquence pour que la culture soit rentable. Donc, si le prix des
marchandises nécessaires pour survivre augmente, les capitalistes n’ont d’autre choix que de
réajuster les salaires de subsistance à la hausse ce qui entraîne une baisse des profits. Les
profits ne sont plus réinvestis dans la croissance ce qui contribue à la “marche naturelle des
sociétés” vers un état stationnaire.
Enfin, David Ricardo s’engagera aussi contre la loi sur les pauvres « Poor laws » , car selon
lui, elles non d’autres effets que de rendre dépendante une jeunesse imprudente et non
prévoyante, en lui offrant une portion des récompenses dues à la prévoyance et à l’industrie.
Elles ne desservent pas l'intérêt des plus pauvres en leur apportant les bienfaits d’un secours
systématique, il explique qu’il faudrait notamment que les plus précaires prennent conscience
qu’ils n’ont d’autre ressource que celle de leur travail.
En les aidant, cela augmente la population et donc oblige à produire plus, en ayant recours
aux terres moins fertiles, ce qui montre une nouvelle fois la tendance de la croissance
capitaliste vers un état stationnaire.
Cependant, bien que la croissance capitaliste possède des crises majeures qui
remettent en cause sa poursuite, selon Adam Smith et David Ricardo, il y aurait bien des
solutions à la tendance de celle-ci vers l’état stationnaire.
Adam Smith et David Ricardo, soutiennent que pour dépasser l’état stationnaire de la
croissance, il faut augmenter les rendements pour directement augmenter les profits des
capitalistes. En effet, l’amélioration des rendements se traduit par une meilleure productivité
des entreprises, à laquelle Smith et Ricardo voient différents moyens d’y parvenir.
Tout d’abord, Smith soutient que la division du travail est essentielle pour améliorer
la quantité de richesses produites, elle se caractérise par la spécialisation de chacun suivant
ses propres intérêts, notion qu’il amène dans son livre “La Richesse des Nations” par le
concept de la “main invisible” qui explique que chaque individu en cherchant à s’enrichir et
en suivant ses propres intérêts, contribue à l’harmonisation des marchés et de la société. La
division du travail peut s’établir selon 3 niveaux : à l’échelle nationale les entreprises se
spécialisent dans le secteur d’activité où elles possèdent le plus d’avantages; à l’échelle
internationale ce sont les pays qui vont se spécialiser dans ce en quoi elles ont le plus
d’avantages par rapport aux pays voisins qui établissent une concurrence; et enfin à l’échelle
d’une entreprise, la spécialisation de chaque travailleur sur une tâche précise permet de
produire plus de biens pour un même temps de travail. A. Smith rapporte dans son ouvrage
que, lors d’une visite d’une manufacture d’épingles en France, en séparant les étapes de
fabrication des épingles, la fabrique voyait ses rendements grandement augmenter. Il dit
notamment que l’ensemble des 10 ouvriers de la fabrique en étant spécialisés sur une tâche
simple produisaient 48 000 épingles par jour, alors même que pour un ouvrier dont la tâche
serait de réaliser une épingle complète à lui seul, il serait difficile pour lui d’en produire
seulement 20 par jour. Alors, ce sont bien là les atouts de la division du travail: éliminer les
temps morts, améliorer le temps de travail, répartir les étapes de production et favoriser la
concentration du travailleur sur un seul savoir-faire. Ce qui a pour conséquence de produire
plus de richesses en améliorant la “force productive du travail” (la productivité), et donc
augmenter les profits perçus par le capitaliste.
Ricardo accordera sa vision avec celle de Smith sur la division du travail, mais
ajoutera que le progrès technique, selon lui, contribue tout autant à augmenter la productivité
et l’accumulation de profits. Le progrès technique consiste à investir ses capitaux dans la
mécanisation et plus généralement dans l’innovation, pour éliminer les emplois les moins
qualifiés en les remplaçant par des machines. En réduisant ainsi le nombre d'employés, le
capitaliste fait croître son profit résiduel puisqu'il paye moins de salaires. Aussi, le progrès
technique peut détruire des emplois mais cela est compensé par une dynamique de création
d’emplois dans de nouveaux secteurs par le développement économique et par la
compétitivité des entreprises (théorie de la compensation). Certes il y a des destructions
d’emplois, mais il y a aussi apparitions de certains autres, notamment dans le secteur de la
fabrication des machines. De plus, la mécanisation est inévitable et il serait dangereux de
l’entraver car cela remettrait en cause le dynamisme de l’économie et risquerait un retard de
développement économique (donc limiterait la croissance).
Pour conclure, chez les classiques anglais (Smith et Ricardo), les contradictions de la
croissance capitaliste limite et freine sa poursuite en privant les capitalistes d’un profit assez
importants pour être utilisé dans l'investissement et l’innovation ce qui remet en cause le
développement et le progrès a de plus grandes échelles et contribue au blocage de la
croissance. C’est donc en ajustant les profits à la hausse, en limitant la hausse des salaires et
de la rente, que la croissance peut s'accroître dans les meilleures conditions. Cependant, c’est
à se demander si le progrès social est compris dans la même définition de la croissance,
puisqu’en favorisant la hausse des profits, cela revient à abaisser les salaires et la rente, et
cela a de grandes répercussions sur les disparités entre les différentes classes sociales
(Ouvriers, Propriétaires terriens et Capitalistes), dont certaines sont encore observable de nos
jours.
Bibliographie :