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QUESTIONS
d’ÉCONOMIE
e
du XXI siècle
Bertrand Blancheton
4. Les inégalités.
13. L’ubérisation.
# La crainte récurrente
d'une stagnation
Un récent numéro de la Revue Économique intitulé « Fin de monde :
analyses économiques du déclin et de la stagnation (1870-1950) »1
rappelle – fort à propos – que les débats sur la stagnation économique
scandent l’histoire économique. Nous proposons ainsi d’analyser les
thèses de Ricardo sur l’état stationnaire, la vision de Jevons sur les
conséquences de l’épuisement des ressources naturelles, la hantise du
déclin en France durant la longue stagnation des années 1873-1892
et, enfin, les débats de la fin des années 1930 et des années 1940 sur
la stagnation séculaire.
1. Missemer A., « La peur du déclin économique face à l’épuisement des ressources naturelles de W Stanley
Jevons à Herbert S Jevons (1865-1915) », Revue économique, vol. 66, n°5, 2015, pp. 825-842.
1. Voir Breton Y., Broder A., Lutfalla M. (dir), « La longue stagnation en France : l’autre grande dépression
1873-1897 », Paris, Economica, 1997.
Pour
la petite Dans les années 1890, afin de lutter contre la concurrence des
histoire importations allemandes, les autorités britanniques imposent un
label « made in Germany » censé détourner les consommateurs
britanniques… Sans succès ! Ce label signale – au contraire – la
qualité des produits allemands et renforce leur attrait.
1. Voir par exemple Méline J., Le retour à la terre et la surproduction industrielle, Paris, Hachette, 1905.
# Le ralentissement de la croissance,
quelle ampleur ? Quelle réalité ?
16 Les chiffres de PIB montrent une fermeté de la croissance mondiale
mais un fléchissement au sein des économies les plus avancées
(États-Unis, Japon, Europe).
Graphique 1.1 – Taux de croissance du PIB réel mondial entre 1961 et 2018
1. Cet acronyme est utilisé dans les années 2000 pour désigner cinq grands pays émergents : Brésil, Russie,
Inde, Chine et Afrique du Sud.
Graphique 1.2 – Taux de croissance du PIB réel des États-Unis entre 1961 et 2016
# La stagnation japonaise
Le Japon souffre depuis le début des années 1990 d’une stagnation
de sa croissance. Le tassement de l’activité s’est accompagné d’une
déflation rampante que les politiques économiques n’ont pas réussi
à combattre. Si le début des difficultés peut être associé à une crise
financière de grande ampleur (effondrement boursier de 1990-1992,
dégonflement de la bulle immobilière), leur perpétuation apparaît
comme la conséquence de faiblesse structurelle « moderne » comme
l’accélération de la tertiairisation et le vieillissement de la population.
La part des personnes de plus de 65 ans dans la population totale
est passée de 7 % en 1970 à 11,9 % en 1990 et 26,9 % en 2016. Ce
vieillissement rapide de la population freine le potentiel de croissance,
notamment en entraînant un déclin de la population active, mais il
contribue aussi à la détérioration des finances publiques.
Dès les années 1990, les taux d’intérêt sont portés à un très bas niveau
et le pays entre dans une trappe à la liquidité1. La politique budgétaire
prend alors de puissants relais à travers des plans de relance variés
mais qui ne parviennent pas à relancer l’activité. L’épisode montre la 19
très grande difficulté à sortir de la déflation via les outils conjoncturels
traditionnels. Dans les années 2000, les stratégies de dépréciations du
yen ne parviennent pas à dynamiser l’inflation via le renchérissement
du prix des importations. De même, les relances budgétaires qu’elles
soient axées sur l’investissement public ou la consommation à travers
des baisses d’impôts ou des transferts échouent à casser la déflation
et ont pour conséquence un accroissement très spectaculaire de la
dette publique. Le rapport dette/PIB passe ainsi de 70 % en 1992 à
142 % en 2000, 182 % en 2008 et 234 % en 2016.
Graphique 1.4 – Taux de croissance du PIB réel du Japon entre 1961 et 2016
# Le débat contemporain
sur la stagnation séculaire
Paul Krugman et Lawrence Summers mettent en avant des facteurs
qui affaiblissent, selon eux, durablement la demande globale alors
que d’autres économistes comme Tyler Cowen et Robert Gordon2
se concentrent sur les causes de l’affaiblissement de la croissance
potentielle.
1. La trappe à la liquidité désigne un niveau minimal en dessous duquel les taux d’intérêt nominaux ne
peuvent pas descendre.
2. Voir deux contributions « Is US Economic Growth Over ? », NBER Working Papers n°18314, August 2012
et « The Demise of US Economic Growth : Restatement, and Reflections », NBER Working Papers, n°19895
February 2014.
1. Cowen T., The Great Stagnation : How America Ate All the Low-hanging Food of Modern History, Got Sick,
and Will (Eventually) Feel Better, Dutton Adult, 2011.
Ici Gordon convient qu’il n’y a pas de fatalité à ce que les inégalités
freinent durablement la croissance. Des réponses sont possibles à
travers, par exemple, la progressivité des systèmes fiscaux comme
ce fut le cas aux États-Unis des années 1930 aux années 1960.
Pour
la petite Roosevelt porte le taux marginal de l’impôt fédéral sur le revenu
histoire de 25 % en 1932 à 79 % en 1936. Ce taux est porté à 91 % en
1941, il reste à ce niveau jusqu’en 1964.
24
* Le modèle classique
Pour les fondateurs de l’économie classique, les services – qu’il
s’agisse de ceux de l’artiste comédien, du domestique, du médecin… –
ont en commun d’être exclus de la sphère de la production, et
le développement de ces activités qualifiées d’« improductives »
s’inscrit dans le cheminement inéluctable vers l’état stationnaire,
qui constitue à leurs yeux l’aboutissement ultime du processus
d’industrialisation.
avec les débats sur la stagnation séculaire dans les économies les
plus avancées, qui sont aussi les plus tertiarisées, et aussi avec le
contraste entre les deux grandes économies du monde actuel : la
26 Chine, dont le rythme de croissance en pleine phase d’industria-
lisation dépassait les 10 % par an.
* La complémentarité entre
services et industries
Mieux vaut renoncer à toute tentative de mesure que de persister
dans certaines approches manifestement absurdes, comme de
vouloir mesurer la productivité du médecin par le nombre de
patients examinés, celle du chercheur par le nombre d’articles qu’il
publie, celle du professeur par le nombre de diplômes délivrés :
car cela revient implicitement à exclure toute possibilité d’une
authentique progression de la productivité liée au contenu même
de l’activité exercée. Or il serait contraire à toute vraisemblance que
des secteurs aussi évolutifs puissent demeurer en marge du progrès
# Conclusion
La récurrence de craintes infondées quant à la stagnation de la crois-
28 sance en histoire économique ne saurait, aujourd’hui, dispenser d’un
semblable débat dans un contexte largement différent. Aujourd’hui,
un retour vers les faits économiques accrédite, bel et bien, l’idée
d’une stagnation séculaire. La croissance du PIB des économies les
plus avancées (États-Unis, Japon, Europe) tend à ralentir significa-
tivement. Les arguments avancés pour expliquer ce freinage et sa
capacité à s’inscrire sur la longue durée n’ont pas tous la même force.
Un haut niveau de dette est-il une vraie menace pour la croissance ?
Historiquement les phases de désendettement ne sont pas toujours
synonymes de stagnation comme l’illustrent les années 1920 et les
années 1950 où la combinaison d’une inflation soutenue et d’une
croissance dynamique avait permis un amortissement des dettes. Le
vieillissement de la population et les inégalités de revenus peuvent être
combattus par des politiques économiques (immigration, fiscalité).
L’argument d’un tassement de l’innovation est plus complexe, les
entrepreneurs modernes ne manquent sans doute pas d’inspiration.
Les innovations sont nombreuses et changent la vie des gens mais
elles concernent pour l’essentiel le secteur des services (numérique,
ubérisation…) et ont – au final – peu d’effets sur la productivité et
la croissance. À long terme, la principale menace pour la croissance
du PIB réside dans ce phénomène. Néanmoins, sur ces bases, l’épui-
sement de la croissance (la stagnation) ne serait pas synonyme de
fin du progrès humain.
# La contestation de la mondialisation
La contestation de la mondialisation contemporaine ne date pas
d’hier. À la fin des années 1990, déjà, une partie de la société civile
dénonçait une « mondialisation sauvage ». Dans l’ouvrage La grande
désillusion publié en 2002, Joseph Stiglitz dressait un bilan négatif
de stratégies d’ouverture uniformes, axées sur la doctrine libérale
1. Durant les années 1980-1990, le FMI conditionne son aide aux pays en voie de développement à la
mise en œuvre de programmes d’ajustements structurels (PAS) d’inspiration libérale. L’idée consiste à
libéraliser le fonctionnement de ces économies en vue d’accélérer leur insertion dans une mondialisation
perçue alors comme une sorte de paradigme du développement. Les PAS menées par le FMI (et la Banque
Mondiale) ont été résumés en dix points par John Williamson en 1990. Ces faits saillants, partagés
par l’ensemble des autorités économiques américaines (Fed, agences économiques du gouvernement…)
fondent ce que Williamson appelle le consensus de Washington.
– Rigueur budgétaire : recherche de l’équilibre budgétaire à moyen terme afi n de limiter l’endettement
des États.
– Action sur les dépenses publiques à travers une réduction des subventions qui introduisent des
distorsions sur les marchés.
– Promotion d’une politique de stabilité monétaire basée sur la libéralisation des taux d’intérêt.
– Promotion de l’ouverture économique : les exportations doivent devenir un puissant moteur de la
croissance.
– Libéralisation des échanges (libéralisation des échanges commerciaux, démantèlement des instru-
ments de politiques commerciales…)
– Recherche d’une attractivité vis-à-vis des IDE.
– Privatisations afi n de réduire le poids de l’interventionnisme étatique.
– Déréglementation des marchés intérieurs (des capitaux, du travail…)
– Réforme fi scale orientée vers l’élargissement du nombre de contribuables, le développement de la
TVA et la baisse des taux marginaux de l’impôt sur le revenu.
– Renforcement des droits de propriétés.
2. Rodriguez F. et Rodrik D., « Trade policy and economic growth : a skeptic’s guide to the cross-national
evidence », NBER Working Paper, n°7081, 1999.
À la fin des années 1870 tout d’abord, après une période de libéra-
lisation commerciale et de forte ouverture, le monde avait basculé
vers un régime plus protectionniste. Au terme de débats sur les
conséquences de la libéralisation tarifaire des années 1860 et dans
un contexte de stagnation de l’activité, l’Espagne (1877), l’Alle-
magne (1879), la France (en 1881 puis en 1892) et d’autres pays
avaient remonté leurs tarifs douaniers et mis en œuvre des mesures
stratégiques et discriminatoires : pour un même produit le tarif
pouvait être différent selon le pays de provenance. Des nomencla-
tures douanières plus désagrégées permettaient de mieux cibler les
importations à freiner. Mais jusqu’en 1913, ce nouveau protection-
nisme avait, cependant, été assez modéré pour préserver les acquis
de la mondialisation. Le graphique ci-dessous – fondé sur un gros
travail d’histoire économique quantitative de Jules Hugot et Michel
Fouquin – montre que le coefficient d’ouverture d’un échantillon de
17 pays, pour lesquels les données sont disponibles, se stabilise sur
un plateau haut des années 1870 à la Première Guerre mondiale.
Pour
mémoire
Le terme globalisation désigne le même processus mais véhicule
aussi l’idée qu’une homogénéisation des comportements et des
modes de vie serait à l’œuvre à l’échelle globale. La globalisation
renvoie aussi à l’émergence d’enjeux planétaires (réchauffement
climatique, épuisement des ressources naturelles, pandémies…)
qui nécessitent de penser une régulation coopérative à l’échelle
du monde.
* L’ouverture commerciale
Les coefficients d’ouverture (rapports entre les flux exportés et
importés de marchandises et de services) permettent de mesurer
l’intensité et l’évolution de la mondialisation. Les travaux histo-
riques montrent trois temps dans l’histoire de la mondialisation
commerciale : une période d’ouverture croissante jusqu’à la Première
Guerre mondiale, un repli durant l’entre-deux-guerres, accentué
dans les années 1930 et une réouverture des économies dans les
années 1960.
33
Source : Hugot J et Fouquin M, « Back to the future : trade costs and the two globalizations,
1827-2014 », CEPII Working Paper, n°2016-13. L’échantillon de 7 pays prend en compte
l’Australie, les États-Unis, la France, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède.
35
1. Les investissements dits de portefeuille désignent des mouvements internationaux de capitaux (de court
terme) notamment les prises de participations inférieures à 10 % du capital motivée par la réduction
du risque associé à la diversification ou la pure spéculation. Les investissements directs à l’étranger
sont plus stables, il s’agit de flux internationaux de capitaux motivés par l’acquisition d’une entreprise
à l’étranger (rachat d’une structure, création ex-nihilo…) ou une prise de participation dans le capital
supérieure par convention à 10 %.
2. Blancheton B. et Scarabello J., « L’immigration italienne en France entre 1870 et 1914 », Économies et
sociétés Série AF, n°42, 6, 2010, pp. 925-946.
1. Une fi rme multinationale (FMN) est une entreprise qui possède ou contrôle des fi liales ou des actifs
physiques ou fi nanciers dans au moins deux pays. Une fi rme devient multinationale lorsqu’elle réalise
un investissement direct à l’étranger (IDE). Un IDE est un flux international de capital motivé par
l’acquisition d’une entreprise à l’étranger (rachat d’une structure existante ou création ex-nihilo d’un
site de production…) ou une prise de participation dans le capital supérieure par convention à 10 %. Cet
investissement doit présenter en principe un caractère stable et celui qui l’effectue doit prendre part
aux décisions stratégiques de l’entreprise.
Pour
la petite En 2015, certaines multinationales se sont acquittées en France
histoire de très faibles impôts sur les sociétés : 21,6 millions d’euros pour
Microsoft pour un chiff re d’affaires de 493 millions d’euros ; 6,7
38 millions d’euros pour Apple ; 0,1 million seulement pour Facebook ;
5,4 millions pour Google pour un chiff re d’affaires estimé entre
1,25 et 1,4 milliard d’euros.
# Ouverture commerciale
et croissance, l’éclairage
de la théorie économique
Aujourd’hui encore, pour une très large majorité des économistes,
l’ouverture commerciale est génératrice d’un gain net en termes de
bien-être et de croissance. Ces arguments théoriques ne vont pas
l’objet d’une véritable contestation. Mais l’existence de ce gain n’exclut
pas de pouvoir identifier des gagnants et des perdants (au niveau
international et à l’échelle nationale). La légitimité et la pérennité
du processus de mondialisation passe donc par la redistribution de
ce gain net.
1. Gerschenkron A., Economic Backwardness in Historical Perspective, Belknap Press of Harvard University
Press, 1962.
# Mobilité internationale
des capitaux : une croissance
plus soutenue mais plus instable
Les termes des débats académiques sur les conséquences de la mobilité
internationale des capitaux n’ont pas significativement évolué au
cours de la période récente : elle fluidifie la croissance économique
mondiale mais apporte davantage d’instabilité.
# Le trilemme de Rodrik
Le trilemme mis en exergue par l’économiste Dany Rodrik1 illustre
bien les termes des rapports entre actions des gouvernements, aspira-
tions des populations et intensité de la mondialisation. Il rappelle en
creux que l’hyper-mondialisation n’est pas historiquement un état
permanent. Selon le trilemme politique de l’économie mondiale il
est impossible d’avoir simultanément :
◊ une intégration économique poussée, une hyper-mondialisation
(libéralisation des échanges commerciaux, intégration financière…)
◊ des États-nations souverains (frontières, monnaie, impôts)
◊ la démocratie politique.
1. Rodrik D., The Globalization Paradox. Democracy and the Future of the World Economy. W.W Norton &
Company, New York, 2011.
Globalisaon
Économique 47
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États-Naons Compromis de Démocrae
Forts Breon Woods Polique
# Conclusion
La mondialisation n’est ni linéaire, ni irréversible ! Si la baisse des
coûts de transport est appelée à se poursuivre en raison de la perma-
nence des innovations, une reprise en mains politique du processus
est possible comme le suggère le trilemme de Rodrik. Depuis la crise
des subprimes la mondialisation connaît un tassement. Les flux
internationaux de capitaux ont ralenti, les États peuvent s’opposer
à certains IDE au motif de la préservation d’intérêts nationaux. Le
rejet de l’immigration semble grandir, il a joué un rôle clé dans la
sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne. La mondialisation
est soupçonnée, par l’opinion, d’accroître les inégalités de revenus,
de ne profiter qu’à certains.
# Perspective historique
et projection
La population mondiale a connu une explosion depuis la révolution
démographique du XIXe siècle. Jusqu’alors, elle ne progressait que
très lentement en raison d’un quasi-équilibre entre les naissances et
les décès. Pour équilibrer la forte mortalité, infantile notamment, il
fallait une fécondité moyenne élevée, de l’ordre de six enfants par
femme. Dans une perspective malthusienne, toutes choses égales
par ailleurs, la croissance démographique venait buter sur une
insuffisance des subsistances et provoquait une hausse des prix et
une baisse des salaires réels qui la ramenait à son niveau initial (à
travers les conséquences de la malnutrition).
Pour
mémoire
Thomas Malthus (1766-1834) est un économiste et démographe
britannique, rattaché à l’école classique. Dans l’ouvrage Essai sur
le principe de population, publié en 1798, il défend l’idée que
52
la population croît de manière géométrique (1,2,4,8,16…) alors
que la production agricole n’augmente que de façon arithmétique
(1,2,3,4,5…). Aussi, l’espoir d’un bonheur social infini serait-il
chimérique ; la hausse de la population lui semble dangereuse et
devoir être combattue par une réduction du taux de natalité. Le
terme malthusianisme est, depuis, passé dans le langage courant
pour désigner des situations de partage de la pénurie.
Par ailleurs, l’Inde devrait dépasser la Chine en tant que pays le plus
peuplé de la planète d’ici sept ans et le Nigéria pourrait détrôner
les États-Unis au troisième rang mondial d’ici 35 ans. Le rapport
souligne également, avec force, qu’entre 2015 et 2050, la moitié de
la croissance de la population mondiale devrait être l’œuvre de neuf
pays : l’Inde, le Nigéria, le Pakistan, la République Démocratique du
Congo, l’Éthiopie, la Tanzanie, les États-Unis, l’Indonésie et l’Ouganda.
54 12
Afrique
10 Asie
Europe
8
Amérique
Centrale et
6 du Sud
4
Amérique
du Nord
2
Océanie
0
1950
1960
1970
1980
1990
2000
2010
2020
2030
2040
2050
2060
2070
2080
2090
2100
La concentration de la croissance de la population mondiale dans
les pays les plus pauvres présente un ensemble de défis en matière
de développement. Elle rend plus difficile la lutte contre la pauvreté,
l’éradication de la faim et de la malnutrition, et l’amélioration de la
scolarisation et des systèmes de santé, qui sont tous essentiels à la
réussite des nouveaux programmes de développement durable.
Bien que les disparités significatives d’espérance de vie entre les diffé-
rentes zones géographiques et groupes de revenus soient amenées
à perdurer, le rapport indique qu’elles devraient diminuer de façon
significative d’ici 2045-2050.
1. Morioni F., Perez J., « Shanghai et Guangzhou sont les agglomérations urbaines les plus peuplées du
monde », Confins, 30, février 2017, online.
Tableau 3.3 – Part des personnes de plus de 65 ans en 1960 et en 2016 dans
différents pays.
1960 2016
57
Japon 6 27
Italie 9 23
Allemagne 12 21
Portugal 8 21
France 12 19
Royaume-Uni 12 18
États-Unis 9 15
Chine 4 10
Inde 3 6
Monde 5 8,46
# Hausse de la population
et dégradation de l’environnement
60 La hausse prévisible de la population mondiale jusqu’à la fin du
XXIe siècle pose la question du « butoir écologique » du capitalisme
ou de ce que l’on appelle aussi le « développement durable »1. Les
ressources terrestres permettent-elles de faire face à cette hausse ?
Quelles conséquences sur l’épuisement des ressources ? Quelles
conséquences sur le réchauffement climatique, l’accès aux ressources
en eau potable et en alimentation ?
1. Le développement durable (ou soutenable) est défi ni en 1987 par le rapport Brundtland comme « un
développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations
futures à répondre aux leurs ». Ce concept qui prête à l’exégèse et dont la portée normative apparait
quasi inexistante attire, néanmoins utilement l’attention sur les conséquences environnementales de
la croissance économique (émission de gaz à effet de serre, épuisement des ressources naturelles…). La
croissance est-elle compatible avec l’environnement ? Peut-on faire confi ance à l’économie de marché
(ses institutions, ses mécanismes, sa capacité d’innovation…) pour les rendre compatible ou bien faut-il
enclencher un processus plus radical et alternatif de décroissance de l’économie (dans la lignée des
analyses de N Georgescu-Roegen, The Entropy Law and the Economic Process, 1971).
1. Jaff relot Ch., « L’inde à l’horizon 2025 », dans Bouissou J-M., Godement F., Jaff relot C., (dir) Les géants
d’Asie, Arles, Picquier Poche, 2012.
# Conclusion
La croissance de la population mondiale qui devrait se poursuivre
durant tout le XXIe siècle soumet la planète à des défis globaux
cruciaux : lutte contre le réchauffement climatique, optimisation
de l’utilisation des ressources naturelles, partage de l’eau… Elle
soumet ensuite les différentes zones à des défis spécifiques. Pour les
pays émergents et en voie de développement, les questions de lutte
contre la pauvreté, de santé, d’éducation continueront de se poser à
une large échelle. Pour les économies matures, les opportunités de
la silver économie ne peuvent éluder la question du financement du
vieillissement et ses effets défavorables sur la productivité globale
et la croissance potentielle.
Le thème des inégalités s’est imposé dans les débats publics depuis
une dizaine d’années. L’envolée des salaires des très hauts dirigeants
d’entreprise ou encore des sportifs les plus renommés choque une
partie de l’opinion. Ces débats de sociétés appellent des questions
plus globales. Le développement des inégalités freine-t-il la crois-
sance et participe-t-il d’un processus de stagnation séculaire ?
La mondialisation accroît-elle les inégalités ? La légitimité de
la mondialisation passe-t-elle par une meilleure répartition des
richesses ?
# La difficulté à définir
des normes d’équité
En théorie, pour les économistes néoclassiques la répartition des
revenus primaires résulte du « jeu du marché ». Une productivité
marginale du travail plus élevée se traduit par un salaire plus grand.
Un talent rare est récompensé par un haut niveau de rémunération
sur le marché. Dans la réalité, la répartition des revenus primaires
résulte aussi des rapports de forces au sein de la société (pouvoirs des
syndicats, pouvoirs des professions réglementées dans les domaines
juridique et médical en particulier).
ETS Jungle
# La courbe de Kuznets
La courbe de Kuznets met en relation les inégalités de revenus
(indice de Gini) et le niveau de développement (revenu/tête) supposé
croissant dans le temps. Au cours des premiers stades de dévelop-
pement, lorsque l’investissement dans le capital infrastructurel et
dans le capital naturel est le principal mécanisme de croissance, la
progression des inégalités entraîne la croissance en déversant les
ressources vers ceux qui épargnent le plus et investissent le plus.
Par la suite, dans les économies plus avancées, l’accroissement du
capital humain prend la place de l’accroissement du capital physique
comme source de la croissance. Dès lors, les inégalités ralentissent la
croissance économique en limitant le niveau général de l’éducation,
parce que tous les agents ne peuvent directement financer leur montée
en compétences.
Thomas Piketty affirme que le capitalisme, s’il n’est pas régulé, génère
des inégalités grandissantes. Il suggère plusieurs mesures politiques
pour limiter la hausse des inégalités et notamment la création d’un
impôt mondial sur le capital. Il insiste aussi sur la nécessité de mettre
en place des évaluations précises des hauts patrimoines.
# Mondialisation et progression
des inégalités de revenus
Les études convergent pour mettre en avant une progression des
inégalités de revenus depuis le seuil des années 1980. Le livre
Le Capital au XXIe siècle qui étudie les inégalités à une échelle inter-
nationale a eu un retentissement planétaire. Sur la base d’un très
gros travail empirique, Piketty montre l’envolée des inégalités de
revenus depuis les années 1980 surtout ceux du dernier centile (le
1 % dont les revenus sont les plus élevés).
75
Source : OCDE.
Pour les États-Unis, Ph. Aghion a mis au jour un lien de causalité entre
les innovations et les inégalités dites extrêmes, incarnées par les très
hauts revenus (dernier centile, top 1 %). Les revenus de l’innovation,
et pas seulement ceux de la rente foncière ou de la spéculation,
contribuent à la poussée des revenus des très hauts talents. Ceci doit
déboucher sur une fiscalisation adaptée aux sources de revenus afin
de ne pas freiner l’innovation.
Pour
la petite Aujourd’hui selon l’ONG Oxfam, qui se fonde sur le classement
histoire Forbes des fortunes mondiales, huit personnes (dans l’ordre
B. Gates, A. Ortega, W. Buffett, C. Slim, J. Bezos, M. Zuckerberg,
L. Ellison et M. Bloomberg) détiennent autant de richesses que
la moitié la plus pauvre de la population mondiale.
Source : OCDE
1. Cingano F., Trends in income inequality and its impact on economic growth, document de travail 163, OCDE,
2014.
Le graphique 4.3, p. 75, montre que l’indice de Gini est resté stable
de 1985 à 2014 (0,3 contre 0,294) alors qu’il a progressé ailleurs
dans le monde. Le graphique 4.5 montre, quant à lui, que l’indice a
diminué nettement de 1970 à 1998, mais que depuis sa progression
reste limitée.
Graphique 4.5 – Indice de Gini des revenus en France entre 1970 et 2015
Malgré cela, la France est l’un des pays au monde où le taux de pauvreté
est le plus faible. Le graphique 4.8 montre que la France est au même
niveau que la Suisse et la Norvège (8,6 % et 7,8 %), deux pays avec
80 de très hauts niveaux de vie. Le système de redistribution conserve
une efficacité en France (retraites par répartition, aides sociales…).
Source : OCDE
# Conclusion
La mondialisation a eu pour conséquence de permettre à beaucoup
d’économies émergentes – bien insérées dans les échanges interna-
tionaux – de réduire la pauvreté en leur sein. Mais la mondialisation
s’est accompagnée d’une progression des inégalités de revenus qui
semble aujourd’hui freiner la croissance, en particulier dans les
économies les plus avancées. Les éventuelles corrections passent par
des évolutions des politiques fiscales ciblées sur les très hauts revenus.
Dans un contexte de compétition internationale forte, pour attirer
les activités et les talents, ces réformes fiscales posent la question
(toujours un peu naïve) de la capacité des états à coopérer dans le
sens d’une harmonisation des dispositifs de taxation.
1. Voir Bouissou J.-M., Godement F., Jaff relot C., Les géants d’Asie, Arles, Picquier Poche, 2012.
Pays de 3 287 263 km2, l’Inde est un État fédéral, qui comprend 29 États
établis sur des bases essentiellement linguistiques, et sept territoires
créés pour des raisons politiques ou historiques (Delhi, Pondichéry).
82 Le pays est aujourd’hui la plus grande démocratie parlementaire du
monde. La vie politique indienne est marquée depuis les années 1990
par l’alternance de deux grands partis. Le Parti du Congrès, fondé en
1885, qui est la plus ancienne formation politique indienne ; il a dominé
la scène politique indienne au moment de l’indépendance (1947) et
jusque dans les années 1990. Le Bharatiya Janata Party (BJP), fondé
en 1980 représente la droite hindoue conservatrice ; il a remporté les
élections législatives en 1998 puis en 2014. Ces dernières années ont
été marquées par l’émergence de partis régionaux dans les différents
états de l’Inde, entraînant un système de gouvernance par coalition.
À l’issue des élections législatives qui se sont déroulées en mai 2014 le
candidat du BJP, Narendra Modi, a été élu Premier ministre avec deux
priorités : la relance de la croissance et l’amélioration de la politique
de voisinage. La relance de la croissance passe par la dynamisation
des investissements directs étrangers. Par ailleurs, le gouvernement
a mis en place des programmes de développement à forte visibilité,
comme « Make in India » (visant un transfert de technologies et une
fabrication croissante en Inde), « Smart Cities » (restructuration
urbaine et développement propre), « Swachh Bharat » (nettoyage
de l’Inde) ou « Clean Ganga » (assainissement du Gange), « Digital
India » (accès au numérique). Pour accroître les transferts de capitaux
et de technologie vers l’Inde, le gouvernement souhaite s’appuyer
sur l’importante diaspora indienne (2,3 millions de personnes aux
États-Unis, 1,4 million au Royaume Uni, 2,5 millions sur le continent
africain, 7 millions dans les pays du Golfe).
Pays d’une superficie de 9 596 960 km2, c’est-à-dire trois fois supérieure
à celle de l’Inde, la Chine se compose de 22 provinces, 5 régions
autonomes (dont le Tibet), 4 municipalités autonomes (dont Pékin
et Shanghai) et deux régions autonomes (Hong Kong et Macao). Le
parti communiste gouverne la République Populaire de Chine depuis
1949, il est de fait un parti unique (il comptait près de 88 millions
d’adhérents en 2015). La Chine se définit comme une économie
« socialiste de marché ». Une célèbre phrase de Deng Xiaoping traduit
à la fois la complexité et le pragmatisme chinois : « Peu importe que
le chat soit gris ou noir pourvu qu’il attrape les souris ».
84
Si l’on raisonne sur des PIB convertis sur la base de la PPA (colonne 2),
la hiérarchie des puissances se trouve profondément modifiée. Pour les
deux pays les taux de change courants sont largement sous-évalués en
termes réels (par rapport au pouvoir d’achat du yuan et de la roupie
en marchandises et en services). Aussi la Chine apparaît comme
la première puissance avec un PIB de 18 372 milliards (nettement
devant les États-Unis, 16 890 milliards). Le pays est d’ailleurs présenté
parfois comme la nouvelle superpuissance, le nouveau leader sur la
scène mondiale, le successeur des États-Unis.
Le PIB par tête mesure le niveau de vie moyen des populations (colonnes
3 et 4 dans le tableau). Avec un PIB par tête de 7 925 dollars et 1598
dollars, la Chine et l’Inde apparaissent très en retard vis-à-vis des pays
européens et plus encore des États-Unis (55 909 dollars). De ce point
de vue, ils présentent encore les caractéristiques d’économie en voie
de développement. Raisonner sur un PIB par tête corrigé de la PPA
(colonne 4) ne remet pas en cause cette analyse (13 400 dollars pour
la Chine et 5 589 pour l’Inde) et ne fait qu’atténuer l’écart. Les deux
pays doivent encore lutter contre des situations d’extrême pauvreté
dans certaines parties de leur territoire.
Pour
la petite Deng Xiaoping (1904-1997) séjourne en France de 1920 à 1926
histoire dans le cadre d’un programme travail-étude pour apprendre de
l’Occident. Il travaille chez Schneider au Creusot, chez Hutchinson
à Châlette-sur-Loing, chez Renault à Billancourt, puis chez Kléber
à Colombes. Il se forge, en France, des convictions anti-capitalistes
et adhère au communisme.
Enfin plus que d’autres, le pays doit relever un défi écologique dans
le cadre d’un gigantesque développement urbain. La Chine fait face à
une énorme pollution atmosphérique (gaz à effet de serre, dioxyde de
soufre, pluies acides, produits de l’industrie minière). Elle connaît aussi
certaines pénuries d’eau, en particulier dans le nord, des pollutions
aquatiques due à des rejets non traités, une déforestation partielle.
Depuis 1949, on estime une perte d’un cinquième des terres agricoles
en raison l’érosion du sol et au développement économique.
1. Voir Maréchal J.-P. (dir), La Chine face au mur de l’environnement, CNRS Editions, 2017.
2. Peyrefitte A., Quand la Chine s’éveillera…. Le monde tremblera, Paris, Fayard, 1973.
3. Blancheton B., Mythes économiques. En finir avec les idées reçues en économie. Paris, Ellipses, 2017.
# Conclusion
Par leur poids économique, la Chine et l’Inde sont déjà des grandes
puissances économiques du début du XXIe siècle. Ces pays pèsent
dans la gouvernance mondiale et sont appelés à structurer un monde
multipolaire dans les prochaines décennies. Leur voix est incontour-
nable sur des dossiers globaux comme la lutte contre le réchauffement
climatique, la préservation de la biodiversité. Leur forte croissance a
permis de réduire la pauvreté même si de nombreux chantiers restent
ouverts dans les domaines de l’accès à l’eau potable, de la mortalité
infantile… Les inégalités de revenus se sont envolées au sein des deux
1. Gordon R., « Deux siècles de croissance économique : l’Europe à la poursuite des États-Unis », Revue de
l’OFCE, 84, 2003, pp. 9-45.
Tableau 6.2 – PIB global et PIB par habitant en 2015 pour plusieurs zones
* La population
Les États-Unis sont une grande puissance démographique, la
troisième mondiale derrière la Chine et l’Inde. La croissance
démographique américaine est extrêmement forte depuis le début
du XIXe et paraît pouvoir se poursuivre au regard de la faible densité
de population actuellement (environ 32 habitants par km2, soit
dix fois moins qu’au Japon ou en Inde).
Le pays compte :
◊ 9,9 millions d’habitants en 1820,
◊ 40,2 millions en 1870,
◊ 97,2 millions en 1913,
◊ 150 millions en 1950,
◊ 324 millions en 2016.
* L’innovation
Une autre force de l’économie américaine réside depuis le XIXe siècle
dans sa capacité à innover plus que les autres et à avoir engendré
des innovations de rupture, qui ont – par la suite – tiré la crois-
sance mondiale.
# Le statut de monnaie
internationale du dollar
Positionner sa monnaie en tant que monnaie internationale est
l’attribut d’un leader économique. Le statut d’émetteur de la monnaie
mondiale consacre une domination internationale et présente de
grands avantages, susceptibles d’avoir un caractère cumulatif. La lutte
pour le maintien du leadership passe par cette bataille monétaire.
Le mythe de la fin de dollar est ici l’expression fantasmée de la fin
de la puissance américaine.
1. La Banque BNP a été poursuivie pour ne pas avoir respecté l’’international emercency economic powers
act’, loi fédérale de 1977 qui permet aux Président des États-Unis de restreindre les relations avec certains
pays. BNP a été accusée d’avoir facilité des milliards de dollars de transactions avec le Soudan, l’Iran et
Cuba.
Triffin dans l’ouvrage Gold and the Dollar Crisis : the Future of
Convertibility, publié en 1960, signale le dilemme dans lequel le
système de Bretton Woods se trouve enfermé. La forte croissance
mondiale est associée à une demande importante de monnaies
(en devises convertibles) à des fins de transaction internationale.
Chacune de ces monnaies d’échange voit sa valeur garantie par
une banque centrale dont la demande de dollars comme réserve
de change ne peut qu’augmenter avec la croissance mondiale. Les
États-Unis peuvent sans difficulté fournir ces dollars via leurs
déficits extérieurs. Mais comme l’évolution du stock d’or mondial
dépend de facteurs exogènes (découvertes de nouveaux gisements
# Marges de manœuvre
et pragmatisme dans la conduite
des politiques économiques
Le statut de leader économique mondial apporte une crédibilité, un
statut de zone refuge pour les capitaux internationaux qui off rent
aux États-Unis des marges de manœuvres de politiques économiques
supplémentaires. Par ailleurs loin d’être attachés à un libéralisme
doctrinaire en matière de politiques économiques les gouvernements
des États-Unis doivent être considérés comme très pragmatiques.
Cette approche constitue également une force pour faire face aux
perturbations et redonner force à la croissance.
* Politique monétaire
et central banking design
La politique monétaire des États-Unis apparaît très réactive et
innovante. Comparée par exemple à la BCE, la Fed est en mesure
de diminuer davantage ses taux d’intérêt et de les maintenir – si
nécessaire – longtemps à un bas niveau sans redouter les consé-
quences sur le cours du dollar et la capacité du pays à attirer des
capitaux pour financer l’investissement national ou le déficit
budgétaire. La politique monétaire américaine est très tournée
vers le soutien de l’activité économique.
1. Crowe,C., Meade E., « Central Bank Independence and Transparency : Evolution and Effectiveness »,
IMF Working Paper, WP/08/119, 2008.
2. Dincer N., Eichengreen B., « Central Bank Transparency and Independence : Updates and New Measures »,
International Journal of Central Banking, 10 (1), 2014, pp. 189-253.
3. Meltzer A., A History of the Federal Reserve, vol.2 : 1951-1986, The University of Chicago Press, Chicago
and London, 2009.
1. Le sauvetage de grandes entreprises apparait comme une pratique courante aux États-Unis, loin de la
vision d’une faillite salvatrice qui sanctionnerait les erreurs de stratégie et permettrait à des nouveaux
opérateurs de mieux occuper le marché. La liste des sauvetages est longue : compagnie d’aviation
Lockheed Aircraft Corporation en 1971 pour 250 millions de dollars, société de chemin de fer Penn
Central Transportation Company en 1974 pour 676 millions de dollars, constructeur automobile Chrysler
en 1980 pour environ 1,5 milliard de dollars, la CINB en 1984 pour 1,8 milliard.
comme en 1828 avec les tarifs dits des abominations sur les produits
manufacturés qui creusent le fossé entre les marchands de la
Nouvelle Angleterre et l’aristocratie des plantations du Sud. La
victoire du Nord dans la guerre civile de 1861-1865 est, aussi, celle 113
des tenants du protectionnisme industriel. Les tarifs MacKinley
de 1890, qui ne peuvent plus être justifiés par une protection des
industries naissantes, sont curieusement motivés par la volonté
de protéger le haut des salaires dans l’industrie américaine. Le
Dingley Act de 1897 est plus conforme à l’approche stratégique et
discriminatoire qui caractérise alors les politiques commerciales
puisqu’il instaure des droits compensateurs contre les importations
bénéficiant de subventions.
# Conclusion
Malgré une décélération de ses performances de croissance au cours
des dernières décennies, et par-delà les débats sur une stagnation
séculaire, l’économie américaine conserve son leadership. Sa crois-
sance démographique reste soutenue et son niveau de capital humain
élevé. L’Amérique reste attractive aux yeux des populations du monde
entier… qui continuent d’imaginer un rêve américain. Sa capacité
d’innovation reste forte. Elle a profondément structuré la nouvelle
économie numérique (réseaux sociaux, plateformes de service,
big data, marketing digital…). Elle continue d’attirer les meilleurs
chercheurs mondiaux, les capitaux asiatiques sensibles à la stabilité
qu’elle incarne… Le dollar reste la seule monnaie internationale
pleine et offre d’importants bénéfices de seigneuriage. L’économie
américaine conserve sa capacité à résister aux crises les plus violentes
et à trouver des réponses de politiques économiques pragmatiques
et novatrices.
Graphique 7.1 – Taux de croissance du PIB réel du Japon entre 1961 et 2016
# Le toyotisme, grandeur
et déclin d’un modèle
d’organisation industrielle
117
Le toyotisme symbolise la capacité du pays du soleil levant à être
une référence industrielle à l’époque. Dans les années 1950 alors que
Toyota est un petit constructeur automobile sur un marché japonais
de taille réduite un ingénieur de la firme Taiichi Ohno imagine une
organisation nouvelle du travail et de la production qui permet à
l’entreprise d’accroître sa compétitivité. Ce système appelé toyotisme
se diff use aux États-Unis et en Europe dans les années 1980 à la suite
de la crise du modèle taylorien-fordien et propulse le Japon au rang
de modèle industriel à suivre.
1. Le 22 septembre 1985 les ministres des fi nances et les gouverneurs des banques centrales des États-Unis,
du Japon, de la RFA, de la France et du Royaume-Uni, réunis à l’hôtel Plaza de New-York, décident d’inter-
venir de manière concertée sur le marché des changes afi n de mettre fi n au mouvement d’appréciation
du dollar entamé depuis 1980. Pour faire face au creusement de leur déficit commercial les États-Unis
rompent avec la politique du laisser-faire en matière de change et posent les bases d’une coopération
internationale qui se prolonge à travers les Accords du Louvre de février 1987 qui fi xent secrètement
une grille d’intervention pour limiter les évolutions des monnaies des pays membres du G7.
Pour
mémoire
Déflation : la déflation est un concept polysémique. Dans sa
dimension monétaire la déflation désigne une baisse absolue
du niveau général des prix, un taux d’inflation négatif. Une
définition plus large, combinant aspects nominaux et réels, exige
la coexistence d’un recul des prix et de la production.
1. La trappe à la liquidité désigne un niveau minimal du taux d’intérêt nominal en dessous duquel on ne
peut pas descendre, l’arme monétaire devient impuissante ; toutes les liquidités injectées dans l’économie
sont sans effet sur les taux d’intérêt.
Graphique 7.2 – Solde budgétaire brut du Japon entre 1986 et 2016 (en % du PIB)
# Les « Abenomics »
La crise financière mondiale de 2008/2009 a lourdement touché
le Japon (–5,4 % de croissance en 2009), il a subi de plein fouet la
rétractation du commerce mondial (–12 %). Quatre plans de relance
budgétaire ont cherché à contrebalancer la baisse de la demande
externe. Mais la double catastrophe du 11 mars 2011 (tsunami et
accident nucléaire de Fukushima : 22 000 morts et disparus, 150 000
personnes évacuées des zones irradiées) a constitué un autre facteur
1. Les interventions de la Banque du Japon ont été nombreuses au début des années 2000 en particulier en
2003, elles visaient à endiguer l’appréciation du yen. A l’instar de l’action massive du 10 décembre 2003
(vente de 1 284 milliards de yens) ces interventions peuvent ne pas être stérilisées, elles ont alors pour
conséquence mécanique une expansion monétaire qui constitue le principal instrument de la Banque
du Japon. L’efficacité de ces actions est très discutable : elles n’ont pas eu les effets mécaniques attendus
et n’ont pas stoppé la tendance à l’appréciation du yen.
1. Le concept de policy mix doit être entendu au sens large comme l’ensemble des combinaisons possibles
entre politique budgétaire et politique monétaire, il renvoie à un dosage entre ces deux politiques
instruments de politiques conjoncturelles.
124
Une explication clef de cette capacité à avoir porté la dette aussi loin
réside dans le fait que celle-ci soit détenue en quasi-totalité par des
opérateurs nationaux (96 % en 2005 et à 92 % en 2013) en premier
lieu la Banque centrale du Japon. Les taux servis sont faibles mais
les opérateurs japonais (banques, ménages) continuent d’avoir
confiance dans la capacité de l’état à assurer le service de cette dette.
Les épargnants japonais sont attirés par la sécurité de ces titres, et
ont peu d’appétit pour une épargne plus risquée.
Pour
la petite En 2011 Unicharm, le plus gros fabricant japonais de couches,
histoire avait constaté que ses ventes de modèles pour adultes avaient
dépassé celles ciblant les bébés. En 2014, à l’échelle du pays les
ventes de couches pour adultes ont dépassé les ventes de couches
pour enfants.
# Conclusion
L’économie japonaise incarne un laboratoire du futur pour les
économies les plus avancées. Le Japon est installé dans une longue 127
stagnation à caractère défl ationniste depuis le début des années
1990. Les politiques économiques n’ont pas permis de sortir de cette
situation. Le cas japonais rappelle combien il est difficile de sortir de la
déflation à l’aide les politiques conjoncturelles. Des politiques budgé-
taires désordonnées ont provoqué une envolée de la dette publique.
Par ailleurs, le vieillissement de la population freine la croissance
potentielle et pèse sur les finances publiques mais n’entraîne pas
un chômage structurel de masse. La faiblesse de la consommation
interne permet de maintenir une forte épargne des ménages. Ces
ressources financières permettent au Japon de rester créancier net
du reste de monde et de recevoir d’importants revenus : est-ce à dire
qu’un pays à la structure démographique défavorable doit chercher
à faire financer une partie de la charge de son vieillissement par le
reste du monde ?
1. Perroux F., « L’Europe fi n de siècle », Économie Appliquée, vol XL, n°2, 1974.
# L’intégration régionale
et ses étapes
Selon Ernst Haas1, l’étude de l’intégration régionale consiste à
expliquer comment et pourquoi des États cessent d’être pleinement
souverains ; comment et pourquoi ils fusionnent, se fondent ou se
mélangent volontairement avec leurs voisins au point de perdre les
attributs de la souveraineté tout en acquérant de nouvelles techniques
pour résoudre les conflits entre eux.
1. Haas E.B., « The Study of Regional Integration : Reflections on the Joy and Anguish of Pretheorizing »,
International Organization, Vol. 24, No. 4, Regional Integration : Theory and Research, 1970.
Le plan Schuman (il est alors ministre français des Affaires étrangères)
de mai 1950 propose de créer de premières solidarités européennes
en mettant en commun la production dans le domaine de l’industrie
lourde. La France manque à l’époque de charbon pour sa sidérurgie et
souhaite obtenir du charbon allemand en toute sécurité, en créant un
marché libre de la houille et de l’acier entre six pays (Belgique, France,
Italie, Luxembourg, Pays-Bas, République Fédérale Allemande). Ce
projet est négocié par Schuman avec d’autres « pères de l’Europe »
l’allemand Adenauer et l’italien De Gasperi. Le Traité de Paris du
18 avril 1951 établit les institutions de la Communauté Européenne
du Charbon et de l’Acier (CECA).
1. Lorsque dans les années 1950, les États-Unis ont mis en place une législation restreignant les impor-
tations de produits laitiers et n’ont pas donné suite aux demandes d’abrogation formulées par leurs
partenaires, à titre exceptionnel le GATT a autorisé ces mesures à partir de 1955. Cette dérogation n’est
pas étrangère à la pratique des subventions qui s’est par la suite répandue dans le secteur agricole.
Les objectifs initiaux de la PAC ont été dépassés. Dès lors la nécessité
d’une réforme radicale est apparue tant cette politique a fait l’objet
de critiques à la fois internes et externes. Au plan interne les stocks
s’accumulent (500 000 tonnes de beurre, 15 millions de tonnes de
céréales en 1991…), le coût budgétaire du soutien des prix et de la
gestion des stocks est jugé excessif (la politique agricole absorbe
# Le processus : approfondissement
versus élargissement
En 1960, un projet concurrent de coopération économique voit le jour
en Europe : l’Association Européenne de Libre Échange qui rassemble
sept pays (dont le Royaume-Uni, qui avait refusé de participer aux
négociations préparatoires au Traité de Rome). La CEE répond à cette
initiative par l’approfondissement de sa propre intégration. De 1959
à 1968 les tarifs douaniers sont abolis entre les six qui réalisent dès
juillet 1968 l’union douanière soit avec un an et demi d’avance. Un
tarif extérieur commun modéré est mis en place à cette époque. En
1967, la Commission Européenne est créée afin de faire avancer
l’harmonisation des structures des pays membres. L’intensification
des échanges commerciaux est forte au sein de la CEE et y apparaît
comme un puissant facteur de croissance économique.
Pour
la petite Le 30 novembre 1979, interrogée par un journaliste du Guardian
histoire à propos de ses attentes vis-à-vis de l’Europe, Margaret Thatcher
(1925-2013) Première Ministre Britannique répond « I want
my money back ». Elle constate que le Royaume-Uni contribue
plus qu’il ne reçoit de la CEE et rejette le principe de solidarité.
# L’intégration monétaire
pour préserver les acquis
de l’intégration réelle
138
L’acte unique européen, ratifié en 1986, est constitué d’une série
d’amendements et de compléments aux Traités portant création de
la CECA, de la CEE et d’Euratom, il prévoit la mise en place avant
le 31 décembre 1992 d’un espace sans frontière intérieure où les
marchandises, les capitaux et les personnes pourraient circuler
librement. Cette abolition est réalisée le 1er janvier 1993. Cette libéra-
lisation interne qui se double d’un mouvement d’intensification de la
mobilité internationale des capitaux paraît difficilement compatible
avec la préservation de la stabilité monétaire. Les crises de change
de 1992-1993 au sein du SME confirment ces craintes. L’ampleur
de l’attaque spéculative contre certaines monnaies impliquait un
resserrement monétaire dont les coûts internes auraient été trop
difficiles à supporter pour les autorités, d’où des sorties du système
pour la livre et la lire (septembre 1992), d’où l’élargissement des
bornes à +/–15 % début août 1993 à la suite d’une troisième attaque
contre le franc français.
* Le Traité de Maastricht
Ce rapport Delors sert de base au Traité de Maastricht, signé en
février 1992, qui prévoit la création d’une monnaie unique (appelé
139
alors écu mais le sommet de Madrid en décembre 1995 opte
finalement pour le nom euro) et fi xe le 1er janvier 1999 comme
date butoir pour l’Union monétaire… Il définit un calendrier de
l’intégration monétaire. Le Traité retient la date du 1er janvier 1994
pour le passage à la deuxième étape. Il définit cinq critères de
convergence à respecter par les États dans les domaines monétaire
et financier.
Pour Kenen (1969), plus les économies ont des structures de produc-
tions diversifiées, moins elles sont sensibles aux chocs asymétriques
et moins le coût du passage à la monnaie unique est élevé.
# La crise de la dette
À partir de la fin 2008 afin de pallier les conséquences de la crise
économique, les états ont mis en œuvre de manière coordonnée des
politiques budgétaires expansionnistes. Les déficits budgétaires de
2009 et 2010 ont provoqué, en Europe comme ailleurs, une hausse
importante des ratios d’endettement. Des doutes sont apparus chez
les créanciers quant à la capacité des états à assurer le service de leur
dette. Les problèmes se sont concentrés sur des pays de la périphérie
de l’Europe dont la Grèce. Le taux sur les emprunts d’état s’est
élevé, accentuant leurs difficultés financières. La Grèce, en proie à
des problèmes structurels de compétitivité et d’insolvabilité, a été
contrainte d’organiser une forme de défaut de paiement (restructu-
ration, décote) très problématique pour ses créanciers.
Au final, les Européens n’ont pas été capables de résoudre, seuls, cette
crise qui a révélé les insuffisances de la solidarité financière de la
zone et plus largement ses fragilités institutionnelles. Ces carences
146 appelaient une réaction !
# L’Union bancaire
L’Union bancaire a été décidée par le Conseil européen en juin 2012,
sur proposition de la Commission européenne, en réponse à la crise
de la dette. Elle vise à éviter le danger des liens entre crise bancaire
et crise des dettes souveraines, en évitant que la faillite de grandes
banques n’oblige les États – et donc les contribuables – à les secourir
comme en 2008.
# Le Brexit
Le 23 juin 2016, les Britanniques ont voté à 51,9 % en faveur d’un
Brexit (Britain exit), une sortie de leur pays de l’Union européenne. 147
Cet événement marque une lourde défaite pour le Premier ministre
britannique David Cameron, organisateur du référendum qui militait
pourtant pour rester dans l’Union Européenne. Theresa May, qui lui
a succédé au 10 Downing Street, a activé le 30 mars 2017 l’article
50 du traité de Lisbonne, entamant officiellement un processus de
séparation avec les 27 autres pays de l’Union. Londres et Bruxelles
disposent en théorie de deux ans pour boucler ces négociations inédites
de sortie avant d’entamer celles de leur futur partenariat commercial.
# Conclusion
L’histoire de la construction européenne montre les tensions perma-
148 nentes entre élargissement et approfondissement de l’intégration.
À mesure que les frontières se déplacent, les avancées institutionnelles
se complexifient lourdement. L’hétérogénéité croissante des structures
et des intérêts empêche l’affirmation d’une position européenne claire
et rend plus difficile les avancées vers plus d’intégration.
# Spéculation, volatilité
et désalignement
150
* Les taux de change d’équilibre
En régime de change flottant, à l’instant t, le cours observé est
un prix d’équilibre issu d’un rapport de forces entre off res et
demandes exprimées par les opérateurs (banques, fonds…) sur le
Forex (contraction de Foreign Exchange market). Ce prix souvent
très volatil est influencé par un flux continu d’informations
macroéconomiques (indice de prix, d’activité industrielle, immobi-
lière, chiffres d’emploi…), d’indices de confiance, de déclaration
de responsables monétaires et politiques mais aussi de rumeurs.
Ces nouvelles de nature économique servent de catalyseur aux
opérateurs, majoritairement des spéculateurs.
Pour
mémoire
Spéculer signifie, d’après la définition canonique de N. Kaldor,
acheter un actif non pas pour profiter de ses caractéristiques
mais dans le seul but de le revendre plus cher ultérieurement.
1.6
1.5
1.4
1.3
1.2
1.1
1.0
0.9
0.8
1. La cotation au certain consiste à exprimer le nombre d’unité de monnaie étrangère qu’il faut pour
obtenir une unité de monnaie « domestique ». A l’incertain, le raisonnement est inversé, on détermine
le nombre d’unités monétaires domestiques à fournir pour obtenir une unité de monnaie étrangère.
Graphique 9.2 – Cours de change entre le Yuan et le dollar entre 1981 et 2017
8.0000
7.0000
6.0000
5.0000
4.0000
3.0000
2.0000
1.0000
1. Parmi eux citons, Nonjon A. (dir), La guerre des monnaies, Paris, Ellipses, 2011 ; Hongbing S., La Guerre
des monnaies. La Chine et le nouvel ordre mondial, 2013 ; Mistral J., Guerre et paix entre les monnaies, Paris,
Fayard, 2012, ou encore un rapport du CAE « L’euro dans la “guerre des monnaies” », note n°11, 2014.
* La résurgence de la compétition
monétaire après l’effondrement
de « l’ordre de Bretton Woods »
Au sein du système de Bretton Woods les dévaluations étaient
possibles mais effectuées en bon ordre. En cas de déséquilibres
« profonds et prolongés » des fondamentaux macro-économiques
un ajustement par le change est envisageable. Si la dévaluation
reste inférieure à 10 % le pays doit simplement en informer le
Fonds Monétaire International. Si elle est supérieure à 10 %, il
doit obtenir l’accord du Fonds. La période est scandée par des
dévaluations souvent réussies à l’instar de celle du franc français
en août 1969 qui se justifiait par la nécessité d’absorber le choc
des événements de 1968.
Même si elles sont moins efficaces que par le passé les interventions
directes sur le marché peuvent avoir un impact. Les responsables
multiplient les déclarations afin d’influencer les cours à l’instar de
Barack Obama (qui en marge du G7 en juin 2015 déplorait la force
du dollar) et d’Angela Merkel (qui quelques jours après répondait
en déplorant l’appréciation de l’euro).
# Les déséquilibres
des soldes courants
Chaque gouvernement doit prendre en compte la situation de sa
balance des paiements pour éviter d’avoir à affronter une situation
de crise (prendre des mesures drastiques d’urgence pour réduire les
importations et promouvoir les exportations). L’équilibre externe,
qui constitue l’un des grands objectifs de la politique économique,
peut se définir de manière faussement simple comme l’équilibre de
la balance des paiements.
Pour éviter de faire face à cet échec social, le pays doit être attentif
à l’évolution de sa compétitivité commerciale. Mais à l’inverse les
excédents démesurés – comme ceux de l’Allemagne (8,3 % de son
PIB en 2016) – sont aussi condamnables car ils mettent en difficultés
certains partenaires à travers le monde.
# Conclusion
Les questions des déséquilibres des soldes courants et des sur ou
sous-évaluations des cours de change sont, bien entendu, très liées.
Des cours proches de « fair value » sont associés – en principe – à
de faibles déséquilibres des comptes courants comme à l’époque de
Bretton Woods. Dans une situation de flottement, la formation de
cours d’équilibre passe par l’absence d’intervention de toutes natures
par les autorités monétaires et l’existence d’une spéculation stabili-
sante. Ces deux conditions ne seront pas réunies dans les prochaines
années. Aussi les déséquilibres que nous connaissons actuellement
sont-ils appelés à se perpétuer.
1. Goldsmith R., « Comment on Hyman P Minsky’s “The Financial Instability hypothesis : Capitalist
processes and the Behavior of the Economy” » in Kindleberger Ch. et Laffargue J.-P. (eds), Financial
Crises. Theory, History and Policy, Cambridge, Cambridge University Press, 1982. p. 42.
2. Mishkin F., Bordes Ch., Hautcoeur P.-C. et Lacoue-Labarthe D., Monnaie, banque et marchés financiers,
Paris, Pearson Éducation, 7e édition, 2004.
1. Krugman P., Pourquoi les crises financières reviennent toujours. Paris, Seuil, 2012.
# Le modèle de Minsky
Au regard des faits stylisés des crises financières le modèle développé
par Hyman Minsky en 1986, dans l’ouvrage Stabilizing an Unstable
Economy2, constitue une grille de lecture particulièrement adaptée
pour rendre compte des crises. Ce « modèle de Minsky » a été défendu
et illustré historiquement par Charles Kindleberger dans son ouvrage
Manias, Panics and Crashes3.
Pour
mémoire
Le price earning ratio (multiple cours/bénéfice) d’une action
cotée en Bourse représente le rapport entre le cours boursier et le
bénéfice par action. Si ce ratio est égal à 15, on dit sur le marché
168 que l’action se paye 15 fois le bénéfice annuel. Plus le ratio est
grand, plus l’action est « chère » mais cela signifie en réalité que
le marché est optimiste quant aux perspectives de profit de la
société. En août 2017, le PER du S&P 500 américain atteint 30,
soit un niveau équivalent à l’avant crise de 1929.
Paradoxe de la tranquilité
Financement spéculaf
Croissance
Financement couvert
Temps
# Conclusion : à quand
la prochaine crise ?
Au regard de cette mise en perspective empirique et théorique, il 175
apparaît clairement que le capitalisme engendre des crises financières
récurrentes. Au sein d’un système fortement concurrentiel, dérégle-
menté et dérégulé malgré certaines réformes sur les ratios de fonds
propres et la stabilité bancaire, la survenance de crises financières
semble fatale. Les asymétries d’information entre agents concentrés
à l’extrême sur la recherche du profit à court terme, le mimétisme
sont autant de facteurs qui conduisent à surestimer les rentabilités
futures des innovations et des secteurs émergents. Aujourd’hui (été
2017), un foyer de crise potentielle peut être identifié dans le secteur
de l’économie numérique qui fait l’objet d’un engouement sans doute
excessif depuis plusieurs années. Une manifestation de cette euphorie
a été, en 2014, le rachat de Snapchat par Facebook pour 19 milliards
de dollars alors que l’entreprise n’avait qu’un chiff re d’affaires de
quelques millions de dollars. Des plateformes de services comme
Airbnb, Uber, Deliveroo paraissent faire l’objet de valorisations
très incertaines au regard des possibles évolutions réglementaires
de leurs activités (voir le thème de l’ubérisation). Le phénomène ne
concerne pas que les États-Unis : en Asie, les valorisations d’Alibaba
(e-commerce en Chine), Didi (application de réservation de voiture
avec chauffeur en Chine) ou encore Flipkart (e-commerce en Inde)
s’envolent. La chute de l’un de ces acteurs pourrait déclencher une
crise d’envergure, l’éclatement de la bulle numérique.
# Ouverture commerciale
et politique budgétaire
Dans sa dimension conjoncturelle, la politique budgétaire recouvre
l’utilisation des dépenses et des recettes des administrations publiques
pour la régulation du rythme de l’activité économique. Rappelons que
les administrations publiques regroupent trois principales compo-
santes : l’administration centrale, les collectivités territoriales et les
organismes de sécurité sociale.
Pour
mémoire
Le taux de prélèvement obligatoire est le rapport entre la somme
des cotisations sociales et des impôts et le PIB. Il constitue une
mesure du degré d’intervention des administrations au sein de
l’économie.
Au
ton
e
ng
om
ha
ec
ie d
rs d
e la
ou
po
sc
li
de
qu
ité
em
bil
on
Sta
éta
ire
C F
Intégraon financière internaonale parfaite
Dans les faits, le flottement qui s’est généralisé depuis les années
1970 n’a pas tenu ses promesses, les cours de change sont volatils
et surtout des mésalignements importants sont apparus. De facto
le marché des changes est en proie à des bulles spéculatives et à
des comportements mimétiques des opérateurs. Ces phénomènes
ont des répercussions internes difficiles à gérer.
* Le modèle de l’indépendance
de la Banque centrale
Dans un contexte d’internationalisation croissante, la stagflation
des années 1970 accrédite l’idée qu’une inflation forte (à deux
chiff res) peut se retourner contre la croissance. Un différentiel
d’inflation défavorable érode la compétitivité-prix d’une économie
nationale et accroît l’incertitude chez les opérateurs qui ont plus de
difficultés à faire des projections. Dans le même temps, du fait d’une
plus grande ouverture commerciale et d’une plus grande réactivité
des agents économiques, l’efficacité des politiques conjoncturelles
d’inspiration keynésienne devient moindre.
1. Meltzer A., A History of the Federal Reserve, vol.2 : 1951-1986, Chicago and London,The University of
Chicago Press, 2009.
2. Kydland F., Prescott E., « Rules rather than discrétion : the inconsistency of optimal plans ». Journal of
Political Economy, 85 (3), 1977, p.473-492.
3. Barro R., Gordon R., « Rules, discretion, and reputation in a positive model of monetary policy ». Journal
of Monetary Economics, 12, 1983, p.101-121.
4. En théorie économique (en économie de l’assurance, en économie bancaire), l’aléa moral désigne le fait
qu’un contractant (l’agent, l’assuré) ne tienne pas ses engagements, ait un comportement différent de
ce qui était prévu. Ainsi le ménage qui a emprunté auprès de la banque peut utiliser différemment le
crédit, ainsi l’agent qui vient de signer un contrat d’assurance peut prendre plus de risque sachant qu’il
est assuré (laisser sa voiture sur un parking avec les vitres ouvertes).
1. Pour une présentation plus complète de ce modèle de Central Banking voir Blancheton. B., « Central
Bank Independence in Historical Perspective : Myth, Lessons and New Model », Economic Modelling,
vol.52, pp. 101-107, 2016.
# Conclusion
Le maintien probable d’un haut niveau de mondialisation (voir chapitre
2) dans les prochaines années constituera toujours une contrainte forte
pour la conduite des politiques économiques. La mobilité du capital
laisse intact l’arbitrage entre stabilité du change et autonomie de la
politique monétaire et le positionnement des régimes de change dans
les coins du triangle de Mundell. Les autorités pourront continuer
d’utiliser le budget pour stabiliser la conjoncture mais le haut niveau
de dette réduit les marges de manœuvre. Cette dette constituera une
contrainte forte pour les autorités monétaires, elles devront maintenir
des taux d’intérêt réels bas afin de participer à son amortissement.
Il s’agit d’une dette dite consolidée : sont exclus du calcul les éléments
de dette d’une administration vis-à-vis d’une autre. Par ailleurs, les
engagements financiers futurs (notamment les retraites futures
des fonctionnaires ne sont pas intégrées dans ce chiffrage)2. C’est
sur ces bases que la France notifie chaque année aux instances
1. Il y a souvent derrière un chiff re une convention qui lui donne une dimension politique et sociale et un
problème de mesure, plus technique et opérationnel. Voir Desrosières A., La politique des grands nombres :
Histoire de la raison statistique, Paris, La Découverte, 1993.
2. Le rapport Rompre avec la facilité de la dette publique, dit rapport Pébereau, insistait sur le fait que l’appli-
cation des normes comptables privées aboutirait à inclure des engagements fi nanciers supplémentaires
très significatifs (compris à l’époque entre 790 et 1000 milliards d’euros).
Source : Insee
Si, dans le total des dépenses, on exclut les intérêts servis sur la
dette on obtient le solde budgétaire dit primaire. Il exprime le
besoin de financement de l’année indépendamment de l’héritage
lié aux intérêts sur le stock de dette. En 2015, les intérêts de la
dette représentent 43,8 milliards d’euros. Le déficit budgétaire
primaire est, par conséquent, de 32,7 milliards d’euros.
Source : INSEE
En milliards d’euros
État 1722,6
Administration Publiques Locales 192,9
Sécurité Sociale 228,5
ODAC 16,5
Source : INSEE
Dépôts 38,2
Titres négociables 1836,9
Court terme 179,5
Long terme 1657,4
Crédits 285,3
Court terme 12,7
Long terme 272,6
Enfin, l’État peut – plus que les autres agents – influencer le coût
de sa dette (le taux d’intérêt) via la politique monétaire sous
réserve qu’il ait conservé sa souveraineté monétaire. Un État peut
aussi rassurer les créanciers sur sa capacité à rembourser dans les
conditions prévues, sur sa capacité à accroître sa prospérité, sur
l’efficacité de son système de prélèvement, le consentement de sa
population à payer l’impôt.
1. Chesnais F., Les dettes illégitimes. Quand les banques font main basse sur les politiques publiques, Raison
d’Agir Editions, 2011, p.109.
2. Holbecq A.-J. et Derudder Ph., La dette publique, une affaire rentable. À qui profite le système ?, Éditions
Yves Michel, 3e éditions, 2015.
3. ATTAC est une Association pour la Taxation des Transactions fi nancières et pour l’Action Citoyenne,
elle a été fondée en 1988.
Source : INSEE.
1. Le 6 octobre 1973 l’Egypte et la Syrie déclenchent simultanément une offensive militaire surprise contre
Israël dans le but de reprendre les territoires occupés par l’État hébreu depuis la guerre des Six Jours de
1967. Ils ont pris pour date le jour du Yom Kippour la plus grande fête religieuse juive. Quelques jours
plus tard pour accroître la pression sur l’Occident l’OPAEP décide de réduire ses exportations de pétrole
de 5 % par mois jusqu’au retrait d’Israël des territoires palestiniens. L’organisation décrète par ailleurs
un embargo pétrolier envers Israël et les pays considérés comme ses alliés. La tension monte sur les
marchés, les cours du marché libre s’envolent littéralement. En décembre 1973 à Téhéran l’Organisation
des pays exportateurs de pétrole porte le prix du baril de référence à 11,65 dollars.
1. Sargent T., Wallace N., 1981. « Some unpleasant monetarist arithmetic », Federal Reserve Bank of
Minneapolis Quarterly Review, 5, pp. 1-17.
1. Dans un régime budgétaire dit ricardien (les opérateurs pensent que le déficit budgétaire sera compensé
par un excédent équivalent à l’avenir), les ménages peuvent, sous certaines hypothèses, répondre
immédiatement au déficit par le développement d’une épargne supplémentaire, destinée à compenser
une future hausse des impôts. La démonstration de Barro (1974) repose sur des hypothèses particu-
lièrement restrictives : anticipations rationnelles, altruisme intergénérationnel et équilibre initial de
plein emploi (ce qui pose un gros problème de cohérence par rapport à la justification du déficit).
203
Source : INSEE.
# Comparaisons internationales
La France se situe dans la moyenne haute pour la dette mais n’a pas
réussi à réduire son ratio sur la période récente contrairement à d’autres
économies auxquelles elle peut être raisonnablement comparée, en
particulier sa voisine l’Allemagne.
206
* La crise grecque
À la suite de son entrée dans l’euro en 2001, la Grèce a connu un
fort dynamisme, porté par une baisse des taux d’intérêt. Elle avait
l’une des plus fortes croissances au sein de la zone euro : 4,7 %
en moyenne entre 2000 et 2007. Mais le pays a été le premier à
plonger dans la crise de la dette souveraine fin 2009-début 2010.
Que s’est-il passé ?
# La soutenabilité de la dette :
peut-on définir un seuil de danger
en matière de dette publique ?
209
* Le 60 % du Traité de Maastricht
Le Traité de Maastricht, signé en février 1992, définit un calen-
drier de l’intégration monétaire européenne et cinq critères de
convergence à respecter par les États qui souhaitent intégrer l’euro.
Parmi ces critères, deux concernent les finances publiques. Le solde
budgétaire brut des administrations doit être inférieur à 3 % du
PIB. La dette publique ne doit pas être supérieure à 60 % du PIB.
Ce chiff re a dès lors été érigé en totem ! Certains pays ont fait
beaucoup d’efforts, voire de contorsions comptables pour rester
sous ce seuil, en premier lieu la France et l’Allemagne.
Il a été dit très tôt, à juste titre, que le 60 % n’avait pas le moindre
fondement théorique. Dans le contexte de l’époque ce ratio paraissait
raisonnable et accessible aux pays pressentis. Lorsqu’en 1998 il a
été constaté que la Belgique et l’Italie, pays fondateurs de la CEE
ne respectaient ce critère de dette (117 % pour le Belgique, 115 %
pour l’Italie), une logique politique a immédiatement prévalu pour
maintenir ces pays dans le projet de monnaie unique. Le critère
était, de fait, décrédibilisé. En 1999 au moment du passage à l’euro,
au sein de la zone, le ratio atteignait en moyenne 71,8 %. En 2001,
la Grèce a rejoint l’euro avec un ratio de 103,7 %.
* Le 90 % de Reinhart et Rogoff
Dans un article célébré, puis contesté, C. Reinhart et K. Rogoff1
étudient les conséquences de la dette publique sur l’activité pour
un échantillon de 20 pays développés2 entre 1946 et 2009. En deçà
de 90 %, la dette publique n’a aucune influence significative sur
les performances d’inflation et de croissance. Par contre au-delà
de 90 % le taux de croissance médian deviendrait inférieur de 1 %
à ce qu’il est pour un endettement plus faible. Au-delà de 90 %,
1. Reinhart C., Rogoff K., « Growth in a Time of Debt », American Economic Review, 100 (2), 2010, pp. 573-578.
2. Les pays pris en compte sont les suivants, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Danemark, Finlande,
France, Allemagne, Grèce, Irlande, Italie, Japon, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Norvège, Portugal, Espagne,
Suède, Royaume-Uni, États-Unis.
* L’éclairage de l’équation
de soutenabilité de la dette
L’équation de soutenabilité de la dette est établie à partir de
la contrainte budgétaire inter-temporelle des administrations
publiques, c’est-à-dire la nécessité d’assurer la continuité des
paiements. Elle met clairement en exergue les facteurs qui
influencent l’évolution du ratio d’endettement (dette/PIB). Il
dépend de quatre facteurs.
Le fait que le taux d’intérêt nominal moyen servi sur la dette (i)
progresse, accroît le ratio d’endettement. Ici, en régime de basse
inflation, le seuil de 5 % est considéré comme dangereux, il préci-
piterait l’économie vers des difficultés de paiements.
1. Minea A., Parent A., « Is high debt always harmful to economic growth ? Reinhart and Rogoff and some
complexe nonlinearities. », Working Paper, CERDI, 2012.
2. Le calcul du solde budgétaire primaire n’intègre pas les intérêts de la dette dans les dépenses des
administrations publiques (soit environ 40 milliards d’euros pour 2015)
Si l’on pose que le taux d’intérêt réel (r) est égal au taux d’intérêt
nominal moins le taux d’inflation constaté ou anticipé (r =i-p) et
si le solde budgétaire primaire est équilibré, le fait que le taux de
croissance g soit supérieur au taux d’intérêt réel servi sur la dette
amorti celle-ci. Cette condition n’est pas très exigeante, elle est en
tout cas remplie, pour la France, en 2016.
# Voies d’amortissement
de la dette publique
* Qui va payer ?
Les ménages devinent que la dette publique devra être payée…
mais par qui ?
215
Source : Insee.
Graphique 12.7 – Part des intérêts de la dette dans le total des dépenses
des administrations publiques en France entre 1959 et 2015
Source : Insee
# Conclusion
Dans un contexte de ralentissement durable de la croissance, la gestion
de la dette publique va constituer – pour les économies avancées – une 217
contrainte forte durant les prochaines années. Elle est porteuse de
tensions fortes en matière de redistribution de la richesse, entre les
générations et entre les « catégories sociales ». La politique monétaire
des années 2010 à travers des mesures non conventionnelles a abaissé
artificiellement les taux nominaux sur les bons du Trésor. La question
d’un accompagnement monétaire de la dette publique continuera à
se poser soit par le biais de taux nominaux bas, soit par le biais d’une
sortie inflationniste qui réduirait les taux d’intérêt réels sur la dette.
La politique monétaire est en mesure de donner du temps aux États
pour opérer des réformes structurelles visant à équilibrer les soldes
primaires et accroître à long terme la croissance potentielle.
# Le retour en force
du travail non salarié
Le fonctionnement d’un service ubérisé comprend généralement des
éléments communs caractéristiques qui permettent de le distinguer
du reste de l’économie numérique :
◊ existence d’une plateforme numérique de mise en relation entre
client et prestataire de services ;
◊ réactivité maximisée par la mise en relation immédiate du client
et du prestataire en raison d’une proximité des localisations
géographiques ;
1. Coase R., « The Nature of the Firm », Economica, vol.4, 16, 1937, pp. 386-405.
2. Williamson O., Market and Hierarchies. Analysis and Antitrust Implications ; New York, The Free Press,
1975.
# Un salariat déguisé ?
Le conflit entre la plateforme Uber et « ses » chauffeurs français, en
décembre 2016, a montré que le modèle initial d’un revenu d’appoint
avait été détourné dans certains secteurs surtout le transport et
la livraison. Certains individus travaillent à temps plein pour une
plateforme. Une dépendance économique vis-à-vis de l’application
mobile a pu être identifiée. Les chauffeurs apparaissaient engagés
dans une « lutte sociale » très habituelle pour leurs rémunérations
et leurs conditions de travail. Mais le conflit a porté dans le débat
politique des enjeux spécifiques de « l’ubérisation » du travail, liés
à la flexibilité et a permis de mieux caractériser un travailleur de
type Uber. Le conflit a, aussi, mis en lumière les conséquences de
l’ubérisation sur les secteurs traditionnels de l’économie soumis à
une concurrence déloyale par beaucoup d’aspects.
# Vers un déplacement
des frontières de la firme ?
224 Les plateformes de services questionnent incontestablement la
frontière de la firme et permettent d’imaginer une firme qui exter-
naliserait beaucoup plus d’activités non stratégiques à une myriade
de prestataires qui seraient dans son environnement (livraison,
nettoyage, marketing, analyse juridique de base…). La technique
permet d’imaginer une firme plus agile, connectée – à faible coût – à
des réseaux de prestataires.
1. Bonin H., Blancheton B., Crises et batailles boursières en France aux XXe et XXIe siècles, Genève, Droz, 2017.
# Ubérisation et freinage
de la croissance potentielle
des économies
230
L’impact des plateformes sur la croissance potentielle de l’économie
s’inscrit tout d’abord dans des débats plus larges sur les liens entre
tertiarisation et croissance ainsi que sur l’existence d’une stagnation
séculaire. Les activités de services sont régulièrement désignées
comme vecteur d’une forte croissance future. Dans les années 1990
les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication
(NTIC) incarnaient les mêmes promesses d’une nouvelle économie
plus dynamique. Aujourd’hui, l’économie numérique continue d’être
loué pour son caractère innovant source de croissance et de création
d’emplois.
1. Schumpeter J.-A., Business Cycles : A Theoretical, Historical, and Statistical Analysis of the Capitalist Process ;
New York and London, McGraw-Hill Book Company, 1939.
# Conclusion
L’ubérisation va connaître un développement dans les prochaines
années. Nous avons mobilisé la théorie des coûts de transaction de
R. Coase et O. Williamson afin de voir dans quelle mesure les plate-
formes de services pourraient incarner une rupture historique en
matière de frontière du salariat et pourraient déplacer les frontières de
la firme. Nous éclairons aussi le modèle économique des plateformes
à travers les cas de deux entreprises (BlaBlaCar et Didi). L’enjeu est
d’acquérir, le plus vite possible, un grand nombre de prestataires et
d’utilisateurs afin d’accroître l’attractivité de la marque et de tendre
vers un service plus rapide. Cette course à la taille, l’incertitude sur les
profits futurs des plateformes et l’euphorie qui entoure l’ubérisation
font planer la menace d’une crise financière dont les plateformes
seraient l’épicentre. Nous mettons enfin en avant le faible impact
de l’ubérisation sur la croissance potentielle des économies dans la
lignée des travaux de Baumol2 sur la faible productivité des services.
1. Artus P., Virard M.-P., Croissance zéro. Comment éviter le chaos ?, Paris, Fayard, 2015.
2. Baumol W., « Macroeconomics of Unbalanced Growth : The Anatomy of Urban Crisis », The American
Economic Review, vol.57, n°3, 1967, pp. 415-426.
4. Les inégalités
5. La montée en puissance
de la Chine et de l’Inde
7. L’économie japonaise,
laboratoire du futur ?
13. L’ubérisation
1.3. 1 et 2
1.4. 2
1.5. 2
2.3. 1, 3 et 4
2.4. 2
2.5. 3 et 4
3. Population mondiale
et environnement au XXIe siècle
3.1. 3
3.2. 2
3.3. 2
3.4. 1 et 2
3.5. 2
4. Les inégalités
4.1. 2
4.2. 3
4.3. 1 et 3
4.4. 2 et 3
4.5. 2
5. La montée en puissance
de la Chine et de l’Inde
5.1. 2 et 3
248
5.2. 3
5.3. 2 et 3
5.4. 2
5.5. 2 et 3
6.3. 1 et 3
6.4. 4
6.5. 1 et 2
7. L’économie japonaise,
laboratoire du futur ?
7.1. 1, 3 et 4
7.2. 3
7.3. 3
7.4. 2
7.5. 1 et 3
8.3. 1, 2 et 4
8.4. 2
8.5. 1
9.5. 1 et 2
10.3. 2
10.4. 4
10.5. 2
11.3. 2
11.4. 1 et 3
11.5. 2
12.3. 2
12.4. 3
12.5. 1,2 et 3
13. L’ubérisation
13.1. 1, 3 et 4
13.2. 2
13.3. 1
13.4. 2
13.5. 1
Introduction ................................................................................................ 7
# La contestation de la mondialisation................................................ 29
# Les dimensions de la mondialisation................................................ 32
# Ouverture commerciale et croissance,
l’éclairage de la théorie économique ................................................. 38
# Les niches restreintes des justifications théoriques
du protectionnisme ............................................................................... 41
# Mobilité internationale des capitaux : une croissance
plus soutenue mais plus instable ....................................................... 42
# Les forces motrices de la mondialisation .........................................44
# Le trilemme de Rodrik.......................................................................... 46
# Conclusion ............................................................................................... 49
4. Les inégalités................................................................................. 65
5. La montée en puissance
de la Chine et de l’Inde ........................................................ 81
7. L’économie japonaise,
laboratoire du futur ? .........................................................115