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CÉCILE LAVRARD-MEYER
Économie du développement
4 édition
e
Des mêmes auteurs
Jacques Brasseul
Cécile Lavrard-Meyer
Illustration de couverture : Wassily Kandinsky, Improvisation n°4, 1909, huile sur toile, Nijni-
Novgorod, Galerie d’art © akg-images.
Mise en pages : JOUVE
Sous-développement et
développement
Chapitre 1
Problèmes d’évaluation
Tout d’abord les statistiques sont peu fiables dans les pays pauvres. Dans
le calcul des PNB/hab., non seulement le PNB, mais encore la population,
sont souvent évalués avec imprécision. Les résultats sont donc d’autant
plus aléatoires que le pays est plus pauvre, a moins développé des
instituts statistiques compétents. Les données sont aussi manipulées
dans certains cas, pour des raisons politiques.
À partir des données fictives ci-dessus on voit que l’écart absolu EA est
la différence des revenus, et l’écart relatif ER la différence rapportée au
revenu des pays développés : ER = 20 000 − 2 000/20 000
En supposant une croissance de 10 % pour les PED et de 5 % pour les
pays développés, sur 10 ans, on aura la situation suivante :
Source : Fonds monétaire international, World Economic Outlook Database, Octobre 2014.
Figure 1.4 : Écarts de revenus par tête, par grande région, de l’an 1 à
l’an 2001
Source : Angus Maddison, The World Economy, Historical Statistics, OCDE, 2003.
Quant aux revenus moyens, ils sont assez proches dans tous les
continents, avec une faible dispersion autour de la moyenne, jusqu’en
1820 (cf. figure 1.4). En l’an mille, les inégalités reculent même, du fait
d’un nivellement vers le bas, dans l’appauvrissement général : l’écart-type
passe de 23 en l’an 1 à 19 en l’an 1000. Après la révolution industrielle, les
inégalités se creusent, jusqu’en 1950 (écart-type de 121 en 1500, 284 en
1820, 1569 en 1913, et 2777 en 1950), les pays occidentaux et le Japon se
développant rapidement. Depuis 1950 au contraire, les écarts diminuent
du fait du rattrapage de l’Asie et de l’Amérique latine (écart-type de
1249 en 2001).
Famille 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Revenu 1000 1000 1000 1000 1000 1000 1000 1000 1000 91 000
Quintiles (1) 1 2 3 4 5
Part dans le RN 5% 7% 13 % 22 % 53 %
Source : Chenery-Ahluwalia, dans Gerald Meier, Leading Issues in Development Economics, Oxford,
1988.
t t+1
Croissance et développement
La distinction entre croissance et développement est devenue banale :
la croissance est l’expansion durable des quantités produites, mesurée
par la hausse du PNB. Forte dans le monde après 1945, la croissance
mondiale devient plus heurtée des années 1970 aux années 2000,
avec une crise financière mondiale dévastatrice à la fin des années
2000. Globalement, le taux annuel moyen de variation de la
croissance mondiale est négatif sur la période 1960-2013 (-1 %
p.a.) : la tendance est à une moins forte croissance mondiale depuis
les Trente glorieuses (cf. figure 1.6). Plusieurs types de croissance
sont distingués ci-après.
Indicateurs sociaux
Les principaux d’entre eux sont relatifs à la santé (espérance de vie,
mortalité infantile, nombre d’habitants par médecin, taille moyenne des
individus), à l’instruction (taux de scolarisation, taux d’alphabétisation),
aux conditions de logement (% de ménages ayant accès à l’eau courante,
ayant des installations sanitaires, % de logements précaires, etc.), à
l’urbanisation (% de la population urbanisée), et à la démographie (cf.
figure 1.1).
D’une façon générale les indicateurs sociaux montrent une
amélioration des conditions dans le tiers monde. Si l’écart absolu des
revenus continue à se creuser avec les pays riches (mais pas l’écart
relatif ), les écarts sociaux se sont considérablement réduits. Ainsi
l’écart des espérances de vie entre pays à faible revenu et pays à revenu
élevé a baissé de 26 à 17 ans entre 1960 et 2012, et la durée de vie
moyenne dans les PED a augmenté en une génération autant qu’elle
avait augmenté en un siècle dans les pays développés (cf. figure 1.7).
Figure 1.7 : Espérance de vie à la naissance (années)
Source : UNESCO.
Figure 1.9 : Espérance de vie et progrès éducatifs vs PIB par tête, Pays
en développement*
NB : Verticalement à gauche, le nombre d’années d’éducation reçue par les adultes (> 25 ans) ; à
droite, l’espérance de vie à la naissance, en années.
* Les pays retenus ici sont les suivants : Algérie, Argentine, Bangladesh, Barbade, Bolivie, Brésil,
Cameroun, Chili, Colombie, Costa Rica, Rép. dominicaine, Équateur, El Salvador, Ghana,
Guatemala, Honduras, Inde, Indonésie, Iran, Jamaïque, Kenya, Corée du Sud, Lesotho, Malawi,
Malaisie, Mali, Maurice, Mexique, Mozambique, Népal, Nicaragua, Niger, Pakistan, Panama,
Paraguay, Pérou, Philippines, Sénégal, Afrique du Sud, Sri Lanka, Syrie, Thaïlande, Togo, Trinidad,
Tunisie, Turquie, Ouganda, Uruguay, Venezuela, Zambie et Zimbabwe.
Source : Meier et Rauch, 2005.
L’IDH
Cet indicateur combine trois éléments : l’espérance de vie, le niveau
d’éducation et le revenu moyen. Le premier ne nécessite pas de
transformation, le deuxième prend en compte le taux de scolarisation
(avec une pondération d’1/3) et le niveau d’alphabétisation (2/3), le
troisième utilise le PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat,
corrigé des effets de distorsion liés aux différences extrêmes de revenu
(voir plus bas). L’IDH est compris entre 0 et 1, allant vers des valeurs
plus favorables en croissant. Il est obtenu en faisant la moyenne
arithmétique des indicateurs de chacun de ces 3 critères, calculés
ainsi :
* Indicateur de l’espérance de vie = (Espérance de vie du pays −
minimum)/(max. esp. de vie − minimum)
Exemple : l’espérance de vie en Afrique du Sud en 2003 est de 48,4
ans, le maximum utilisé est de 85 ans, le minimum de 25, l’indicateur
est donc égal à (48,4 − 25)/(85 − 25) = 0,391
* Le taux d’alphabétisation est de 82,4 %, le maximum est de 100, le
minimum de 0, l’indicateur d’alphabétisation de 0,824 ; le taux de
scolarisation est de 0,78, les maximum et minimum de 100 et 0,
l’indicateur de scolarisation de 0,78. L’indicateur d’instruction est
égal à la moyenne pondérée des deux précédents, soit : 2/3 × 0,824 +
1/3 × 0,78 = 0,809
* Enfin, pour l’indicateur de revenu corrigé, à partir du PIB/hab. en
ppa, le principe de correction est le suivant : on diminue les
PIB/hab. des pays riches pour tenir compte du fait que l’utilité
marginale d’un revenu additionnel est beaucoup plus faible que
dans les pays plus pauvres. Ou encore, selon les termes du PNUD, «
parce qu’un revenu illimité n’est pas nécessaire pour atteindre un
développement humain acceptable ». En clair, si vous êtes un cadre
à New York et que vous touchiez un revenu supplémentaire de
100 dollars telle année, cela ne fait pratiquement aucune différence
dans votre train de vie. Si vous êtes un paysan au Mali, cent dollars
en plus par an ont une utilité marginale infiniment plus élevée, cela
peut même correspondre à un doublement de votre revenu annuel…
On va ainsi lisser les revenus des pays riches, en utilisant les
logarithmes des PIB/hab. Les valeurs maximum et minimum étant
40 000 et 100, et le PIB/hab. en Afrique du Sud en ppa étant de
8950, on aura pour ce pays :
Indice du PIB = [log (10 346) − log (100)]/[log (40 000) − log (100)]
= 0,774
On a donc trouvé les trois indicateurs :
• Indicateur d’espérance de vie = 0,391
• Indicateur d’instruction = 0,809
• Indicateur de revenu = 0,774
L’Indicateur du développement humain est la moyenne des trois, soit
0,658. La carte des IDH en 2014 est présentée en Figure 1.10.
On constate que certains pays ont un classement en terme d’IDH
beaucoup moins favorable que leur rang d’après le PIB par tête,
comme la Guinée Équatoriale, le Gabon, l’Irak, le Koweït, l’Afrique
du Sud ou les Émirats. Il s’agit de pays où les bénéfices sociaux ont
suivi avec retard la croissance économique, cas par exemple des
pays pétroliers enrichis rapidement mais où les indicateurs sociaux
ont progressé moins vite. À l’inverse, certains pays ont un
classement en terme d’IDH beaucoup plus favorable que leur rang
en terme de PIB, ce qui indique des efforts sociaux primant sur la
croissance économique, ou encore une vieille tradition d’éducation
et de soins, malgré des échecs au plan économique : la Géorgie, le
Sri Lanka, l’Ukraine ou la Palestine. De nombreux pays socialistes ou
ex-socialistes sont également dans ce cas, comme Madagascar,
Cuba, la Chine, le Vietnam, des pays sociaux-démocrates comme la
Suède.
Cependant, dans l’ensemble, les résultats sont finalement assez peu
différents du revenu par tête, en dehors des exceptions toujours citées
(pays pétroliers comme l’Arabie saoudite ou le Gabon, à faibles
performances sociales mais à revenu par tête élevé, pays socialistes
comme Cuba ou l’Algérie, dans le cas inverse). On peut se demander
si l’espérance de vie ne constituerait pas un indicateur synthétique tout
trouvé (corrélé d’ailleurs avec le revenu par tête et les indicateurs
sociaux), puisqu’il est la résultante, et la finalité, des progrès humains
réalisés dans des domaines variés.
IDH 2014
IDH 2013
Source : PNUD, Rapport sur le développement humain 2014.
Source : S. Bhalla, Imagine There’s No Country: Poverty, Inequality and Growth in the Age of Globalization,
Institute of International Economics, 2002 jusqu’en 1980, puis ONU, Objectifs du Millénaire pour
le développement - Rapport 2015 pour la période 1990-2015 (% de la population mondiale et
nombre de personnes vivant avec moins de 1,25 dollar par jour dans le monde).
La transition démographique
Il est devenu banal d’évoquer le phénomène de l’explosion
démographique depuis la révolution industrielle (implosion dans le tiers
monde, selon Alfred Sauvy, car il se produit à l’intérieur des frontières
des PED). On estime qu’il a fallu dix-sept siècles, à partir du début de
l’ère chrétienne, pour que le chiffre de la population mondiale soit
multiplié par deux. À partir de 1750, quand ce chiffre atteignait
seulement quelque 800 millions, le rythme s’est littéralement emballé. On
voit dans la figure 1.13 que pour augmenter la population mondiale d’un
milliard, après 1800, le temps est à chaque fois réduit : 123 ans, 33, 14, 13,
12 et à nouveau 12, jusqu’à 2011 où le chiffre de sept milliards est atteint.
Dans la deuxième moitié du dernier siècle la population mondiale
doublait environ tous les 40 ans, bien que l’allure ait baissé depuis avec la
transition démographique ; elle atteignait 5 milliards en 1987 et 7,26
vingt-sept ans après, en 2014 (cf. figure 1.13).
L’approche du genre
Le concept de genre constitue une approche nouvelle, liée à la montée
des mouvements féministes, qui distingue les différences biologiques
entre les sexes des différences observables au niveau social et culturel, de
leurs causes et de leurs effets (cf. Ordioni, 2005a). C’est l’étude de ces
différences qui constitue l’analyse en termes de genre, et elle a été
appliquée depuis les travaux pionniers d’Ester Boserup (Woman’s role in
economic development, 1970b) dans les questions du développement.
Les femmes sont le plus souvent dans des situations d’infériorité légale
ou coutumière dans les pays pauvres, surtout en Afrique et au Moyen
Orient, au niveau du mariage précoce, de la polygamie, des mutilations
génitales, de l’accès au droit, de la dot ou de la transmission des terres
(voir Ordioni, 2005b, Coquery-Vidrovitch, 1992). La montée des
intégrismes, notamment du fondamentalisme islamique en Afrique, en
Asie centrale et occidentale ajoute encore aux difficultés des femmes à
s’affirmer en tant que partenaires égales.
Pourtant leur rôle dans le développement est fondamental, diverses
études montrent qu’elles réalisent l’essentiel de la production agricole en
Afrique23, que l’économie fonctionne mieux « quand les femmes sont
impliquées », « qu’un revenu détenu par les femmes a quatre fois plus
d’impact sur l’état de nutrition des enfants, que le même revenu dépensé
par les pères24 ». Heureusement, là aussi les choses changent vite en
Afrique, en Asie et dans le monde musulman, les femmes obtiennent
des pouvoirs croissants, elles deviennent chefs de famille et chefs
d’entreprises, parfois du fait de l’émigration des hommes, elles accèdent
à un mode de vie urbain, avec toutes les libertés qui le caractérisent par
rapport à la vie rurale traditionnelle, la contraception se diffuse, l’âge
moyen du mariage recule, la fécondité aussi, l’accès à la formation,
malgré tous les obstacles, progresse pour les filles, les techniques de
microfinance sont davantage du domaine des femmes, etc. Près des 2/3
des pays situés dans les régions en développement ont atteint la parité
des sexes dans l’éducation primaire (ONU, 2015). Dans les pays du Sud
comme en Occident, même si c’est avec beaucoup de retard, la société
patriarcale « commence à être ébranlée » (Ordioni) et un nouveau
monde se fait jour.
Un classement multicritères
Nous reprenons ici la typologie éclairante de Gérard Grellet qui
distinguait en 1986 trois critères du développement, avec à chaque fois
deux possibilités, et donc huit cas possibles :
• Le PNB/hab. élevé ou faible, selon un seuil fixé à 1 000 dollars US.
• La diversification industrielle, caractérisée par une part supérieure à
20 % du secteur manufacturier dans le PNB.
• La satisfaction des besoins fondamentaux dont l’indice est l’espérance
de vie, et le seuil 60 ans.
Les pays ayant une part de la production manufacturée inférieure à
20 % du PNB seront qualifiés de non structurés, et ceux dont l’espérance
de vie est inférieure à 60 ans seront considérés comme des pays ne
couvrant pas leurs besoins fondamentaux. On peut faire apparaître les
différents cas possibles dans un tableau à deux colonnes (besoins
fondamentaux satisfaits ou non). La surface en gris correspond aux pays
à revenus plus élevés (lignes 1 et 2), les parties en italiques aux pays ayant
une économie non structurée (lignes 1 et 4).
a) Revenus élevés, pays non structurés, ex. b) Revenus élevés, pays non structurés
Ar. saoudite, Émirats, Koweït, Gabon, Libye ex. Congo Brazzaville
e) Revenus faibles, pays structurés f) Revenus faibles, pays structurés, ex. Inde
ex. Chine
g) Revenus faibles, pays non structurés h) Revenus faibles, pays non structurés, ex.
ex. Cuba, Vietnam Afrique noire, Bangladesh, Haïti
* Les économies dépendantes des ressources naturelles sont définies selon trois critères : leurs
ressources naturelles représentent plus de 20 % des exportations, ou bien plus de 20 % des recettes
fiscales, ou encore plus de 10 % du PIB. Les 58 économies qui étaient dépendantes des ressources
naturelles en 1995 selon l'un de ces trois critères sont représentées sur ce graphique.
Source : “Reverse the curse: Maximizing the Potential of Resource-Driven Economies”, McKinsey
Global Institute, 2013.
Facteurs culturels
Une thèse couramment évoquée est que les mentalités, les systèmes de
valeurs, voire les religions et les doctrines philosophiques, s’opposeraient au
économique dans le tiers monde40. On peut la résumer ainsi : le développement
industriel requiert « l’existence d’une économie d’échange monétarisée, de
besoins illimités et l’organisation de la production sur une grande échelle ». Or,
certaines populations ont des besoins limités, les petits producteurs et les
artisans dominent, ils ne sont pas orientés vers l’épargne, le commerce, n’ont
pas la volonté d’accumuler, d’investir, d’accroître leur taille. « La production est
organisée pour la communauté restreinte, et l’échange se réduit au troc entre
voisins », (Elkan, 1976). Cette communauté exerce en outre une pression
sociale sur ceux qui voudraient opérer des changements. Ainsi les travailleurs
immigrés africains qui rentrent au pays avec un petit pécule et des idées
nouvelles, ont les plus grandes difficultés à investir leur avoir et sont souvent
obligés de le dilapider très rapidement41. Le village africain a pu ainsi être
comparé à un « totalitarisme sans État » (Duval, 1986) : « surveillance
constante sur tous les aspects de la vie sociale, soumission d’autant plus
profonde qu’elle est intériorisée, suprématie du chef à l’abri de toute
contestation, contrôle total qui ne rencontrerait aucun obstacle
institutionnel »42. Les conflits fréquents en Afrique ne sont d’ailleurs pas
étrangers à cette situation, les jeunes se sentant exclus par le système
traditionnel peuvent alimenter les rangs des guérillas43. Enfin certains
stéréotypes conditionnent les opportunités des individus : les individus
provenant de groupes défavorisés ont tendance à sous-estimer leurs capacités
et peuvent même faire moins bien dans des situations où on leur rappelle à quel
groupe social ils appartiennent. Ainsi les stéréotypes culturels peuvent-ils
renforcer les différences économiques entre les groupes (cf. figure 2.5).
Lors d’une expérience menée en Inde (Hoff et Pandey, 2006 et 2014), des
garçons appartenant à une caste supérieure et des garçons appartenant à
une caste inférieure, habitant différents villages, ont été répartis
aléatoirement dans des groupes où l’identité de caste était révélée ou pas.
Dans les groupes où les deux castes étaient mélangées, lorsque la caste n’a
pas été révélée, la capacité des garçons des deux castes à résoudre des
puzzles (labyrinthes) était équivalente. En revanche, toujours dans les
groupes où les deux castes étaient mélangées, le fait de révéler l’identité de
caste avant l’exercice a entrainé une chute des résultats des garçons de la
caste inférieure et donc un écart significatif (23 %) entre les castes au
détriment des garçons de la caste inférieure, en tenant compte d’autres
variables. Dévoiler les castes auxquelles ces individus appartenaient les a
renvoyés à leur identité sociale, ce qui a eu une incidence sur leurs
performances. Lors de l’expérience, dans les groupes où l’on révélait aux
participants que les deux castes étaient séparées, les résultats ont été moins
bons à la fois chez les garçons de la caste supérieure et chez ceux de la caste
inférieure (avec les mêmes performances entre les deux groupes), peut-être
parce qu’une moindre compétition de castes diminuait l’enjeu du test.
Shalom H. Schwartz [2004] soutient que parmi les arbitrages ou
incompatibilités (trade-offs) dans le domaine culturel (encastrement de
l’économie dans le social vs autonomie ; hiérarchie vs égalitarisme ; maîtrise
de la nature vs harmonie avec la nature), les sociétés les plus orientées vers
l’autonomie, l’égalitarisme et la maîtrise présentent moins de corruption, un
règne de la loi mieux établi et des institutions plus démocratiques, éléments
favorables au développement économique. De nombreux auteurs, comme
Peyrefitte ou Fukuyama, mettent également la confiance comme élément
principal du développement des affaires, et donc de la réussite économique.
Les pays protestants et le Japon où règne un plus grand degré de confiance
spontanée vis-à-vis des tiers, et donc de facilité de coopération en réduisant
les coûts de transaction, seraient ainsi les mieux placés. Les sociétés à faible
confiance, où les relations étroites entre les gens ne dépassent pas le cercle
familial, ont du mal par exemple à créer des entreprises complexes comme
les firmes multinationales44.
Religion et developpement
On peut voir la religion comme étant influencée par l’évolution économique,
ou au contraire influençant celle-ci. Dans le premier cas, les faits montrent
un recul du sentiment et de la pratique religieuse avec le développement
économique, les pays les plus développés étant les moins croyants et
pratiquants ; les théories ont annoncé et expliqué ce déclin, à travers de
grands auteurs comme Marx ou Freud, qui voyaient les religions comme
des manifestations de l’aliénation, de la contrainte, de la peur ou de
l’ignorance.
Dans le sens inverse, l’effet de telle ou telle religion sur l’économie, on
trouve également de grands auteurs, Max Weber étant le plus connu,
avec son analyse du calvinisme. Ce courant du protestantisme défend
l’idée de prédestination : rien de ce qu’on peut réaliser dans sa vie ne
peut changer le fait qu’on fasse ou non partie des élus. Une telle
doctrine paraît peu favorable à une conduite d’épargne et
d’accumulation, de travail et d’innovation, d’austérité et d’éthique,
menant au développement économique. Les autres religions,
catholicisme, bouddhisme, hindouisme, qui insistent sur les actions
quotidiennes et leur rôle dans l’accès à un monde meilleur (paradis ou
réincarnation positive) paraissent plus aptes à exercer des stimulants de
nature économique. Mais en réalité il n’en est rien, le paradoxe décrit
par Weber, et trouvé dans la pensée même de Jean Calvin, est le
suivant : l’incertitude du croyant le pousse à chercher des signes, lui
permettant de se rassurer, de penser qu’il fait partie des élus, et le signe
le plus tangible est la réussite matérielle. Le succès économique est donc
valorisé, tandis que l’aumône, la charité, sont mal vus, des actes
contraires à la volonté divine, favorisant l’oisiveté. Sauf pour John
Wesley, à l’origine du méthodisme, qui s’oppose à l’idée de
prédestination (la conviction intérieure est suffisante pour le salut), et
pour qui il faut « gagner, épargner, donner, tout ce que vous pouvez »
(« Gain all you can, save all you can, give all you can », « The Use of Money »,
Sermon sur Luc, 1760). Wesley reconnaissait néanmoins avoir été plus
entendu sur les deux premiers points que sur le troisième… La charité
est aussi valorisée dans les autres religions qui incitent à redistribuer, à
partager les richesses, comme dans le cas du bouddhisme, de façon à
assurer la survie de la communauté, en n’excluant personne. L’épargne
et l’accumulation, l’industrie et le travail, sont moins hautement
considérés. En outre, le protestantisme (et dans une moindre mesure le
catholicisme) favorise l’individualisme, chacun étant responsable vis-à-
vis de ses obligations religieuses, alors que l’islam se caractérise par le
respect collectif des lois, ne pouvant être transgressées. Si les pays
musulmans appartiennent tous au tiers monde, certains ont connu un
développement spectaculaire, comme la Tunisie ou la Turquie. Les
émirats du golfe également, dont la croissance rapide est autant due au
pétrole qu’aux institutions (stabilité, sécurité, ouverture). Un pays
musulman comme la Malaisie fait partie des dragons asiatiques, avec
une modernisation rapide, alors qu’un pays voisin comme le Myanmar
(Birmanie), non musulman, se caractérise par une stagnation
économique à long terme. Là aussi les institutions font toute la
différence, et non la religion dominante. La Turquie donne un autre
exemple où le Coran s’allie bien avec le dynamisme économique, un peu
à la manière du calvinisme vu par Weber :
« Laborieuse et pieuse, moderne et conservatrice, l’ancienne Césarée
(Kayseri) est devenue le centre névralgique du « capitalisme vert », un
modèle de développement pour la Turquie, où l’islam voisine avec la
science et la raison. […] « Le Coran dit qu’il faut travailler dur. Le
Prophète aussi était un commerçant. Il faut être riche pour aider les
autres. » […] Même la mondialisation est un ordre divin, « Le Prophète
dit qu’il faut être bienveillant pour le monde entier. » […] Ces hommes
d’affaires religieux pratiquent un capitalisme agressif et leur marché est
mondial. « Nous travaillons, nous partageons, nous sommes honnêtes…
C’est notre croyance. […] Et nous réinvestissons dans l’usine tout ce que
nous gagnons plutôt que de le dépenser bêtement. » Baignés dans une
culture patriarcale et traditionnelle, ces ascètes du capitalisme érigent leur
discipline de vie en modèle, prônant l’exemplarité : « Je ne sors pas, je ne
bois pas. Je n’ai ni villa à Antalya ni montre à 15 000 dollars. ». […] Leur
efficacité et leur rigueur ont valu aux entrepreneurs de Kayseri d’être
qualifiés de « calvinistes de l’islam » […] Le sociologue Hakan Yavuz
ajoute que « la Turquie a vécu une silencieuse réforme islamique » sur le
modèle protestant. […] L’Homo islamicus de Kayseri rappelle parfois le
paternalisme social des patrons catholiques du nord de la France. « Si par
exemple la ville a besoin d’hôpitaux, l’État n’en construit pas. Nous nous
réunissons et nous les finançons ». Écoles, hôpitaux, stades, centres
sociaux ou culturels… Les équipements publics sont financés par les dons
charitables des entrepreneurs, par la zakat, l’un des cinq piliers de l’islam.
À Kayseri, l’eau est potable, les bidonvilles ont quasiment disparu, un
tramway moderne est en projet. Les habitants sont fiers de cette ville
propre et ordonnée dessinée par un urbaniste allemand dans les années
1950. Et grâce aux asevi, des cantines pour les pauvres, 20 000 personnes
sont nourries chaque jour. […] La priorité des « calvinistes islamistes » est
l’éducation. La famille Boydak, la plus puissante de la ville, est une
contributrice généreuse : on ne compte plus les écoles à son nom. Sur le
campus universitaire, chaque bâtiment porte le nom de son mécène. »45
Une étude de Barro et McCleary (2006), portant sur onze
groupes (catholiques, protestants, autres chrétiens (ex. Mormons,
Témoins de Jéhovah, Évangéliques), orthodoxes, musulmans,
hindouistes, bouddhistes, autres religions orientales, juifs, autres
religions, athées) et sur 81 pays permet tout d’abord de constater
qu’environ les trois quarts des gens sont croyants et qu’environ un tiers a
une pratique religieuse régulière. Un tiers des pays retenus ont une
religion d’État. Les catholiques représentent 36 % du total en 2000, les
musulmans 18 %, les protestants 14 %, les orthodoxes 11 %. Ensuite, elle
constate que le niveau de vie a un effet négatif sur la religiosité,
conformément au lien indiqué au départ, avec l’exception notable des
États-Unis (les indicateurs religieux y correspondent aux pays ayant un
PIB/hab. du tiers). La Pologne, l’Irlande et Singapour sont également des
exceptions dans ce sens. Un deuxième résultat est qu’une religion d’État
est positivement reliée à la pratique religieuse, notamment dans les pays
musulmans. Dans l’autre sens, l’effet de la religion sur la croissance
économique, l’étude ne peut arriver à des conclusions statistiques fortes.
Tout au plus peut-on constater que les valeurs favorables à la croissance,
comme l’épargne, l’honnêteté et l’éthique, sont favorisées par les
pratiques religieuses. Plus celles-ci sont fortes, plus ces valeurs seront
présentes, avec des effets positifs sur la croissance. En ce qui concerne les
différentes religions, il n’y a pas de résultat significatif. D’ailleurs il faut
rappeler que Weber lui-même ne voyait son explication que valable pour
le passé, à l’époque de l’ascension de la Grande-Bretagne et des Pays-
Bas, pays calvinistes, il considérait qu’au XIXe siècle et de son temps, ces
différences n’avaient plus d’impact.
Les valeurs et les comportements dans les pays pauvres seraient donc
incompatibles avec l’introduction de techniques et méthodes modernes de
production, les agents économiques ne réagiraient pas de façon rationnelle aux
variations des prix et aux incitations monétaires : ainsi une hausse des prix ne
stimule pas forcément un accroissement de la production, pour maximiser le
profit, si le producteur estime que la hausse des prix lui permet de réduire au
contraire sa production, en maintenant son niveau de revenu... Leur
comportement serait donc anti-économique ou a-économique. Le rôle des
minorités dynamiques serait dans ce cas particulièrement important pour induire
un processus de développement. Ces minorités sont tournées vers l’accumulation,
plutôt que la consommation immédiate. Elles sont prêtes à consentir des efforts
importants pour la formation des enfants, et ont donc une vision à long terme, au
lieu de s’en tenir aux satisfactions présentes. Il s’agit souvent de minorités
commerçantes, mais qui peuvent former le terreau des futurs entrepreneurs. On
peut donner l’exemple des Chinois en Asie du Sud-Est et en Afrique de l’Est, des
Indo-Pakistanais dans l’océan Indien, et des Libanais en Afrique de l’Ouest.
D’autres auteurs insistent sur le rôle des religions primitives (animisme)
qui ont une « vision magique du monde », alors que la croissance
économique exige « une vision scientifique », semblable à celle que l’Europe
des Lumières au XVIIIe siècle tend à adopter, ce qui implique la volonté d’agir
sur la nature, de transformer le milieu, et non d’accepter les choses telles
qu’elles sont, par un comportement fataliste. D’une façon générale, les
succès économiques de pays comme la Corée ou le Japon, seraient dus,
selon certains, aux qualités intrinsèques de leur peuple : discipline,
ponctualité, conscience professionnelle, forte propension à l’effort.
Il est tout à fait hasardeux, cependant, de vouloir établir de manière
systématique quelles sont les qualités respectives de tel ou tel peuple.
L’expérience pratique du tiers monde nous montre en tout cas que la
propension au travail se trouve également partagée entre les pays,
contrairement à certains stéréotypes. Mais il est également vrai que le
développement d’un pays requiert un effort prolongé de l’ensemble de la
population et que les facteurs culturels peuvent constituer des obstacles au
développement.
Le népotisme
Le népotisme est une pratique ancienne puisque le mot vient de la
papauté, et des papes qui plaçaient leurs neveux à des postes
intéressants (neveu, nepos en latin, nipote en italien). Même si le terme «
neveux » était en réalité un aimable euphémisme pour désigner les
propres enfants des papes… La papauté de la fin du Moyen Âge se
caractérisait par « un pouvoir absolu, absolument corrompu ».
Innocent VIII et Alexandre VI, au XVe siècle, favorisaient même leurs
enfants ouvertement et de toutes les manières. Les cas actuels les plus
extrêmes de népotisme se trouvent dans les dictatures africaines et du
Moyen Orient (la famille Bongo au Gabon, Assad en Syrie), mais aussi
dans les dictatures communistes (bien loin des positions très hostiles
de Marx et Engels sur la famille…) : le frère de Fidel Castro prend sa
place en 2006, le fils de Kim il-sung, Kim jong-il, en 1994, et les postes
clés sont réservés à la famille (Kim yong-ju, deuxième fils, vice-président
du pays, etc.). Le népotisme est indissociable de la dictature, car dans
une atmosphère de crainte, les leaders nomment ceux en qui ils peuvent
avoir une confiance relative : la famille proche. En outre, la famille est
la seule institution qui dure, et qui reste quand les autres ont été
détruites ou sont faibles, il n’est donc pas étonnant que les régimes
révolutionnaires et ceux des pays africains (où les notions d’État et
d’administration sont récentes) y aient recours, comme moyen de
renforcer la sécurité et le pouvoir des dirigeants.
Dans les pays du socialisme réel, malgré les idéaux marxistes initiaux,
favorables à une extinction de la famille, accompagnant le
dépérissement de l’État, les deux sont revenus en force. Le ministre
soviétique de l’éducation, Anatoli Lunacharski, annonçait dans les
années 1920 « qu’une liberté de relations entre les époux, les parents,
les enfants règnerait et qu’on ne pourrait plus savoir qui serait relié à qui
et avec quel degré de proximité ». Tous les enfants devaient être élevés de la
même façon, avoir droit à la même éducation. Quelques années après,
les enfants de la Nomenklatura avaient droit à des écoles spéciales, on
les retrouvait tous à des postes clés… Le fils de Staline, Vassili, un
alcoolique, « vivait dans une grande dacha du gouvernement avec un
personnel énorme, une écurie, un chenil, tout ça aux frais de l’État. On
lui donnait des médailles, des rangs de plus en plus élevés, des chevaux,
des voitures, des privilèges, tout… » Souvenirs de Svetlana, fille du
dictateur. Le gendre de Khrouchtchev fut nommé directeur des Izvestia
et membre du Comité central, celui de Brejnev, ministre du commerce
extérieur, il se distingua pour ses folles nuits au Crazy Horse Saloon à
Paris…
Une différence entre les démocraties capitalistes et les régimes
communistes, c’est l’inversion des activités entre générations. Dans
les premières, les parents qui se sont enrichis poussent leurs enfants
vers la politique (ex. des Rockefeller ou des Kennedy), alors que dans
les seconds, les enfants de parents au pouvoir vont vers les affaires et
l’enrichissement (le fils de Deng Xiaoping par exemple, Deng Zhifang,
construit des centres commerciaux à travers toute la Chine, son
gendre, He Ping, dirige une grosse firme d’armements ainsi que des
compagnies d’assurance, un autre, Wu Jian Chang, est aussi dirigeant
d’une firme d’État et de plusieurs sociétés à Hong Kong. Ainsi les
hommes au pouvoir s’assurent une retraite dorée à travers
l’enrichissement de leur progéniture.
Le problème est évidemment que s’il y a des gains particuliers, il y a aussi
en général un appauvrissement de la société dans son ensemble (sans
compter l’aspect injuste et scandaleux du népotisme) : l’entreprise est
freinée partout parce que des petits groupes de privilégiés annexent des
secteurs entiers de l’économie. Une caricature de cette situation est l’État
d’Haïti, entre les mains des Duvalier pendant des décennies (Papa Doc, puis
Baby Doc), bloquant toute possibilité de développement dans un des pays
les plus pauvres de la planète. Aux Philippines, pendant le règne des
Marcos et Aquino, tous pratiquant le népotisme sur une grande échelle, le
pays a stagné et même reculé, au milieu du boom asiatique. Aux Antilles,
les exemples abondent, ainsi Antigua est dirigée par la même famille, les
Bird, depuis cinquante ans. Au Sri Lanka, le président Chandrika
Kumaratunga a établi une sorte de record absolu toutes catégories en
matière de népotisme, en nommant sa mère de 78 ans, Sirima
Bandaranaike, au poste de Premier Ministre… Dans le gouvernement du
Bophuthatswana en Afrique, parmi les 23 ministres, on comptait
essentiellement des parents du Chef d’État, Lucas Mangope. Le clan Al-
Saud en Arabie, est même allé jusqu’à donner son nom au pays, cas
unique, comme si la France avait changé de nom en 1958 pour devenir la
Gaulle… Les ministères sont occupés par les frères, les neveux ou les
cousins du dirigeant. Il faut dire que dans un pays où le chef d’État, Abdul
Aziz, fondateur de la dynastie, avait 22 femmes et 44 enfants, le prince
Sultan 17 garçons et 18 filles, etc., le népotisme offre des débouchés
incontestables. L’Arabie saoudite n’a pas appauvri son pays avec son
népotisme tous azimuts, c’est l’exception à la règle, mais c’est parce que les
revenus proviennent du sous-sol, et que la famille élargie au pouvoir n’a
pas besoin de les tirer d’une ponction sur la population.
L’éducation de masse est aujourd’hui une réalité dans la plupart des pays
en développement : si l’écart de taux d’alphabétisation reste élevé entre les
pays à revenu faible et les pays à revenu élevé (cf. figure 1.1), les progrès sont
indéniables et une convergence lente mais constante est à l’œuvre49.
Mais si le rôle de l’éducation n’est guère contesté dans la croissance, d’où
vient que certains pays l’ont développée avant les autres ? L’éducation reste
surtout confinée au foyer dans l’Antiquité et au Moyen Âge, jusqu’à
l’avènement de la Réforme protestante au XVIe siècle. Des lois imposant
l’école obligatoire apparaissent ensuite dans les États allemands et dans les
colonies britanniques en Amérique, notamment chez les puritains du
Massachusetts50.
Pour les niveaux d’éducation au XIXe siècle, les États allemands viennent
en tête avec 77 % de taux de scolarisation dans le primaire en 1830, suivie
par les pays scandinaves, 66 %, les États-Unis, 56 %, l’Angleterre, 41 %, la
France, 39 %, le Japon, environ 30 %. Des pays comme la Russie, le Brésil,
l’Inde tournaient autour de 4 % à cette époque (Easterlin, 2000). L’Angleterre
rend l’école élémentaire obligatoire en 1870 et l’école secondaire gratuite
pour tous en 1944.
La figure 2.6 montre la précocité des progrès éducatifs primaires dans les
pays protestants, notamment aux États-Unis, mais aussi dans quelques pays
latins comme la France, et également le rattrapage rapide des pays asiatiques
au xxe siècle. En 1948 aux États-Unis, seulement 3 % de la population était
illettrée, ce qui n’était atteint par aucun autre pays de taille comparable. Le
nombre d’étudiants dans des universités américaines égalait tous ceux de
l’ensemble des autres pays du monde occidental.
Le protestantisme est ainsi considéré par des auteurs comme Easterlin
(2000) comme un des premiers facteurs des progrès éducatifs :
« Ces différences des niveaux éducatifs du XIXe sont le produit de
tendances qui remontent au XVIe siècle, bien avant les débuts de la
croissance économique moderne, des tendances liées en partie à la
Réforme protestante et l’insistance sur la nécessité pour chaque
individu d’être capable de lire la Bible lui-même. Martin Luther
préconisa en outre le premier la nécessité d’une intervention des
autorités publiques dans l’éducation, et en particulier la promulgation
de lois imposant la scolarisation. »
Éthiopie 49 366
NB : Les pays ayant atteint un niveau d’éducation élevé sont en gris foncé, ceux n’ayant pas encore
débuté un enseignement primaire sont en gris clair.
Source : Easterlin, 1981.
Le problème de l’engagement
Les institutions sont endogènes pour les institutionnalistes, c’est-à-dire
qu’elles sont déterminées par la société, plus précisément par le pouvoir
politique au sens large, par les choix collectifs dans le groupe. Comme elles
déterminent la répartition des ressources et donc les revenus, des conflits
d’intérêt entre les bénéficiaires sont inévitables. On a la séquence suivante :
Figure 2.8 : PIB par habitant ($) en Corée du Nord et en Corée du Sud,
1980-2014
Les institutions sont définies par North comme les règles, les codes de
conduites, les normes de comportement, mais aussi la manière dont ces
conventions sont appliquées. Ce sont « les comportements réguliers et
codifiés des gens dans une société, ainsi que les idées et les valeurs associées
à ces régularités »56. On peut faire une liste non limitative de ces institutions
adaptées capables de limiter les coûts de transaction. Elle correspond en
partie aux caractéristiques de l’économie de marché : les thèses des
néoinstitutionnalistes sont résolument libérales.
• La garantie des droits de propriété, un statut diversifié des entreprises
• Le bon fonctionnement des mécanismes du marché
• La liberté d’entreprendre, d’initiative, de création
• Un système fiscal transparent, prévisible et équitable
• La mobilité des facteurs de production
• La sécurité des échanges, le respect du droit
• Un système légal fiable, une justice impartiale
• L’autorité de l’État, l’intégrité des administrations
• Les mécanismes de représentation populaire
• La protection des inventeurs
• La mise en place de marchés des denrées, des titres et des devises
(Bourses)
• L’abolition des privilèges, des monopoles, des corporatismes
• Les comportements civiques
• Le degré de confiance, la valorisation du travail, l’éthique57
Il faut distinguer les institutions des organisations. Ces dernières, les
entreprises, les administrations, les groupes de pression, les associations,
etc., sont justement appelées dans le langage courant institutions. Mais pour
les institutionnalistes, les organisations ne sont pas les institutions. Elles ne
sont que les acteurs ou les joueurs, tandis que les institutions sont les règles
du jeu. Celles-ci changent avec le temps, s’adaptent aux nouvelles
techniques, aux modifications des prix relatifs, aux nouvelles idées, de façon
essentiellement continue, progressive, selon des voies tracées par la
structure institutionnelle passée. C’est ce qu’on appelle la dépendance par
rapport au sentier, formule imagée qui implique que le présent est dans une
large mesure conditionné par le passé, et que des tendances lourdes se
maintiennent à cause des forces d’inertie propres aux sociétés et aux
comportements, ce que John Stuart Mill appelait déjà « l’esclavage des
circonstances antérieures ». Le phénomène de « path dependence » explique
qu’il soit difficile de sortir des structures institutionnelles données d’une
société.
Appliqué à l’évolution à long terme, le cadre théorique ainsi posé permet
à North d’affirmer que « l’Essor du monde occidental 58 est l’histoire
d’innovations institutionnelles réussies qui sont venues à bout de la faim et
des famines, des maladies et de la pauvreté, pour produire le monde
développé moderne. » Entre le XVe et le XVIIIe siècle certains pays mettent en
place des institutions favorables au progrès économique (la Hollande et
l’Angleterre), tandis que d’autres échouent à le faire (l’Espagne et la France).
Ces institutions permettent de contenir la montée des coûts de transaction,
d’accroître la productivité de telle façon que la tendance aux rendements
décroissants dans l’agriculture soit contrée, de récompenser les innovateurs,
bref de rassembler finalement les conditions favorables à la révolution
industrielle.
Celle-ci consiste en une spécialisation accrue permise par un
élargissement des marchés, et un changement dans l’organisation
économique pour limiter les coûts de transaction, ce qui a favorisé à son
tour les innovations techniques et la croissance. Ces changements sont ceux
que nous connaissons au XXe siècle, c’est-à-dire l’hyperspécialisation et la
hausse sans précédent des niveaux de vie, et là encore le développement de
tout un secteur tertiaire qui devient dominant et dont le rôle est de
coordonner et de faire fonctionner une société de plus en plus compliquée,
« de permettre des échanges complexes », en réalisant une « adaptation
efficace ». La croissance n’est donc possible que par le jeu d’équilibre entre
les deux types de coûts : les coûts de production qui baissent avec les
changements technologiques, les coûts de transaction qui augmentent avec
la complexification de la société, et les institutions qui s’adaptent pour
limiter cette augmentation. Si cette adaptation n’est pas réussie et si les
coûts de production ne baissent pas suffisamment pour compenser la hausse
des coûts de transaction, la croissance peut être bloquée comme dans
nombre de sociétés à l’Est et au Sud. Le sous-développement persistant en
Afrique, ainsi que les difficultés énormes de la transition en Russie,
s’expliquent par des coûts de transaction exorbitants liés à divers facteurs
institutionnels : faiblesse de l’État, insécurité générale, corruption,
népotisme, forte influence des groupes de pression ou des groupes
ethniques, puissance des mafias, manque d’intégrité des administrations,
mauvais fonctionnement du marché, etc. La seule voie possible du
développement réside donc dans l’élaboration progressive d’institutions
capables de maîtriser ces coûts. L’expérience des pays développés montre
que le marché ne peut fonctionner avec efficacité qu’avec un cadre
institutionnel favorable, un cadre dont l’État ne représente qu’un élément.
Source : Banque mondiale, indice de l’état de droit (“Rule of law”), Worldwide Governance Indicators,
2014.
mais elle recule plus lentement dans les pays sujets à la violence. Un épisode
de trois ans de violences majeures (morts dans des combats ou surnombre
de morts par homicide équivalant à une guerre majeure), l’écart de pauvreté
se creuse de 2,7 points de pourcentage dans le pays touché.
Par contre, le lien entre démocratie et croissance est moins clair. Il existe
à première vue une bonne corrélation entre gouvernance et revenu par tête,
mais si l’on utilise un panel (c’est-à-dire les mêmes pays à plusieurs dates
différentes sur une longue période) pour mesurer cette relation, elle
disparaît complètement (Acemoglu et alii, 2008). Barro suggère une courbe
en U inversé, un effet positif au début pour les pays qui sortent de
dictatures, parce que les droits sont renforcés, puis un effet négatif, après un
certain seuil de progrès démocratiques, parce que la redistribution freine
l’activité. Mais de façon générale, le lien est faible : « e fact is that
democracy is a tricky matter »64. Il y a des dictatures, comme des
démocraties, avec une croissance forte, d’autres avec une croissance faible.
On peut en fait distinguer deux types de dictateurs, ceux qui tendent à
favoriser la croissance, à travers les droits de propriété et l’ordre, comme
Pinochet, Ben Ali ou Lee (Singapour) : si le gâteau augmente, leur part
augmente aussi. D’autres qui ont eu des résultats très mauvais (en Afrique,
Mobutu, Idi Amin Dada, Bokassa, etc. ou en Asie, Marcos ou Mao, en
Amérique latine, Castro, Perón, Videla), et qui étaient plutôt axés sur le
détournement à leur profit, mais au désavantage de l’économie, ou bien dans
de grands schémas catastrophiques (Mao, Castro, Perón).
Chapitre 3
Modèles et théories
de développement
Les critiques qu’on peut porter à cette analyse sont bien connues.
• Tout d’abord les salaires ne sont pas restés au niveau du minimum de
subsistance, ils se sont élevés bien au-delà, du fait en particulier des
luttes sociales. Autant la loi du salaire naturel des classiques, que son
équivalent socialiste, la loi d’airain des salaires (Ferdinand Lassalle),
ont été abandonnées depuis longtemps. Et malgré cette hausse rapide
des salaires, l’état stationnaire n’a pas été atteint, la croissance n’a fait
au contraire que s’accélérer depuis le XVIIIe siècle (1 à 2 % par an au
XIXe, 3 à 4 % au XXe).
• La raison en est bien sûr la sous-estimation du progrès technique par
les classiques, qui s’est envolé au XIXe siècle, et a permis de
contrecarrer les effets de la loi des rendements décroissants.
• Enfin, Malthus s’est largement trompé sur un point crucial du
raisonnement exposé ci-dessus : lorsque les salaires augmentent à long
terme, dépassent le minimum de subsistance, les gens ne font pas plus
d’enfants, mais ils consomment plus et ont moins d’enfants... La théorie
malthusienne a été infirmée par l’évolution des pays développés, et
aussi maintenant par celle du tiers monde.
Un modèle dualiste : le développement
avec une offre illimitée de main-d’œuvre (Lewis65,
1954)
Il s’agit du modèle le plus justement célèbre de l’économie du
développement, qui resitue le mécanisme de la croissance dans une
économie traditionnelle. On parle d’un modèle d’inspiration classique car
on est dans le même cadre que les économies des auteurs classiques, la
Grande-Bretagne ou la France vers 1800-1830, un vaste secteur rural et
un secteur industriel moderne réduit.
Lewis part tout d’abord du principe classique d’accumulation selon
lequel les profits sont à l’origine de l’épargne, de l’investissement et donc
de la croissance : « pratiquement toute l’épargne vient de ceux qui
reçoivent des profits. L’épargne des travailleurs est très faible. Les classes
moyennes épargnent un peu, mais sans grande conséquence sur
l’investissement productif, la plupart de ses membres étant engagés dans
la lutte permanente pour maintenir leur standing (keep up with the
Jones) ». La classe des capitalistes industriels ou agricoles (plantations
modernes) est en outre la seule à investir de façon productive,
contrairement aux classes dominantes des sociétés traditionnelles :
propriétaires terriens absentéistes, commerçants, banquiers, prêtres,
militaires, aristocrates, qui ont d’autres intérêts : palais, monuments, luxe,
plaisirs, temples, fortifications, etc. Ainsi le développement ne peut
survenir que si la répartition des revenus se modifie en faveur des
capitalistes, aussi bien du secteur privé que du secteur public, c’est-à-dire
si la part des profits augmente dans le Revenu national par rapport aux
salaires. On retrouve ici l’idée d’un doublement du taux d’investissement,
atteignant environ 15 % du produit national.
Ensuite, Lewis considère une économie à deux secteurs : le secteur
capitaliste et le secteur de subsistance. Dans celui-ci on trouve bien sûr
l’agriculture traditionnelle, mais aussi toutes les activités informelles en
ville : travailleurs occasionnels, petits marchands, domestiques, gardiens,
porteurs, messagers, etc. La productivité des travailleurs y est très faible,
comme les revenus. Beaucoup, employés ou non, sont en fait
improductifs : par exemple, le travail de la ferme pourrait être fait avec
moins de personnes, nombreux sont oisifs, plusieurs gardiens sont
employés là où un seul suffirait, les ascenseurs ont un liftier, etc. Cela
signifie que la productivité marginale peut être très faible ou même nulle,
inférieure au salaire ou au revenu perçu. Dans la ferme traditionnelle le
revenu moyen correspondra à la production divisée par le nombre des
membres, même si certains ont un produit marginal inférieur.
Il résulte du point précédent que l’économie dispose d’un excédent de
main-d’œuvre correspondant au chômage déguisé du secteur de
subsistance. Cette abondance de main-d’œuvre non qualifiée explique
l’expression « offre illimitée de main-d’œuvre » : le secteur capitaliste
moderne trouve dans le secteur de subsistance des réserves de
travailleurs sans avoir à augmenter le salaire qui reste fixe. Selon les
termes de Lewis : « l’offre de travail est illimitée aussi longtemps que,
pour un salaire donné, elle excède la demande de travail ». Ceci peut
encore s’exprimer par l’idée d’une offre infiniment élastique de main-
d’œuvre (w dans le schéma ci-après). On retrouve ici les conditions
décrites par les classiques au début du XIXe siècle, et c’est en cela que le
modèle abandonne le schéma néoclassique où l’offre de travail est limitée
et le salaire varie en fonction du marché. D’autres facteurs garantissent
l’abondance de la main-d’œuvre : l’entrée progressive des femmes sur le
marché du travail, le chômage technologique et la forte croissance
démographique.
La scène étant mise en place, Lewis met la pièce en mouvement : le
développement, dans une économie dualiste, consiste dans la réduction
progressive du secteur archaïque et le renforcement du secteur moderne.
Celui-ci va progressivement absorber la main-d’œuvre du secteur de
subsistance, grâce à un salaire un peu plus élevé, mais qui reste faible. Il
représente le coût d’opportunité pour le candidat migrant (produit moyen
du secteur traditionnel) + une prime d’environ 30 % permettant d’attirer
les travailleurs. L’embauche dure d’abord tant que la productivité
marginale des travailleurs est supérieure au salaire (cf. figure 3.2). Le profit
réalisé est investi par les capitalistes, ce qui permet d’accroître la
productivité marginale et d’entamer une nouvelle phase d’embauche,
jusqu’à l’égalisation du salaire et de la productivité marginale, et ainsi de
suite.
À la fin du processus, quand toute la main-d’œuvre en excédent est
absorbée par le secteur capitaliste, la modernisation a eu lieu. Les
revenus et les salaires s’élèvent alors dans le secteur de subsistance où la
main-d’œuvre n’est plus abondante, et également dans le secteur
moderne. La réduction des effectifs dans le monde rural permet une
rationalisation de l’activité. Le développement commence à bénéficier
aux salariés, mais les profits voient leur part diminuer progressivement,
l’investissement et la croissance se ralentissent.
Le modèle de Todaro
Ce modèle permet d’expliquer le flux continu de migrants vers les
cités, en Afrique, malgré le sous-emploi croissant qui y règne. Ce flux
est la conséquence d’un écart élevé entre les revenus ruraux et urbains.
La décision de quitter le village vient de la comparaison entre les
revenus attendus en ville et ceux perçus dans le milieu rural. Les
candidats choisissent évidemment l’option qui maximise leurs gains.
Les gains attendus sont la différence entre les revenus urbains et les
revenus ruraux réels, affectée de la probabilité de trouver un emploi.
Si on part de revenus ruraux de 50 000 FCFA par an et urbains de
100 000, avec un sous-emploi chronique en ville et l’existence d’un
vaste secteur informel, et si la probabilité de trouver du travail est
d’une chance sur cinq, on aura un revenu urbain attendu de 20 000
FCFA, à un an d’horizon temporel, et la décision rationnelle sera de
rester. Si la probabilité est de 60 %, le revenu attendu passe à
60 000 et le départ s’impose.
Mais si on imagine un calcul de revenu de long terme, de la part du
migrant potentiel (ce sont les jeunes qui partent, entre 15 et 25 ans,
et donc ils ont du temps), c’est-à-dire à un horizon temporel de plus
d’un an, la probabilité de trouver du travail, faible la première année,
augmente au fil des mois, du fait d’une meilleure connaissance de la
ville et de relations plus étendues. La décision de migrer peut donc
être rationnelle, même avec une probabilité de seulement 10 à 20 %
de trouver du travail la première année. Le jeune rural fait donc en
réalité, selon Todaro, un calcul de revenu permanent qui consiste à
comparer (pas de façon mathématique, mais intuitive) la valeur
actualisée des gains à venir en ville avec les revenus ruraux. Plutôt que le
modèle néoclassique de concurrence où on compare les différences de
revenus à un instant donné, il s’agit d’une comparaison sur la longue
période.
Todaro explique ainsi le paradoxe que de forts taux de chômage en
ville coexistent avec des flux continus de migration vers la ville. Des
arrivées bien supérieures aux emplois disponibles seront « possibles et
rationnelles, et donc probables ». Même si le nombre d’emplois urbains
augmente à la suite d’une politique d’industrialisation réussie, le sous-
emploi peut s’aggraver du fait d’une hausse de la probabilité de
trouver du travail, et de l’abondance de la main-d’œuvre rurale prête
à partir. Comme le remarque Lewis : « il est très difficile de savoir
comment résoudre cet accroissement du chômage urbain. La façon
normale de régler le problème est d’offrir du travail, mais, dans le cas
présent, ce n’est pas une solution. Au contraire, elle ne fait
qu’amplifier le problème, parce que plus on offre d’emplois dans les
villes, plus nombreuse sera la population qui s’y rendra… ».
Selon l’auteur, les solutions résident dans la \réduction de l’écart entre
les revenus urbains et ruraux, par des politiques plus favorables à
l’agriculture, comme par exemple le relèvement des prix payés aux
producteurs de base, ou des programmes d’aide ou de développement
(cf. ch. 7). La création d’emplois urbains, ainsi que les législations
salariales urbaines calquées sur les pays riches, seront contreproductives
en ne faisant qu’accroître le chômage et désorganiser la production
agricole.
Voir le manuel de Todaro (2004) pour une présentation récente d’un
modèle formulé en 1969 : “A Model of Labor Migration and Urban
Unemployment in Less Developed Countries”, American Economic
Review, 59(1).
1 1 1 0,25
2 1 2 0,5
3 1 3 0,75
4 1 4 1
5 1 5 1,25
6 1 6 1,5
7 1 7 1,75
8 1 8 2
4 1 4 1 2,5 0,63
7 1 7 1,75 7 1,75
8 1 8 2 9 2,25
Le blé symbolise les biens de consommation, les autres sont des biens
de production.
• Dans un premier temps le pays exporte du blé et importe les
tracteurs.
• Les exportations de blé stagnant, il ne peut plus importer assez de
tracteurs pour accroître sa production de blé.
• Le pays consacre ses rares devises à acheter les machines (2)
permettant de fabriquer les tracteurs. Mais la production de blé
baisse car on ne peut plus importer autant de tracteurs. Cependant
la production de tracteurs risque d’être limitée du fait qu’on ne
peut importer qu’un nombre limité de machines (2) avec les
recettes d’exportation. Il est donc préférable de les consacrer à
l’installation d’industries lourdes (1) en amont du processus de
façon à produire soi-même les machines (2) et les tracteurs (3), ce
qui implique encore un sacrifice pour la consommation immédiate.
• À long terme cependant, le pays sera devenu indépendant
économiquement, la production nationale de machines et de
tracteurs aura remplacé les importations, et la production de blé
pourra augmenter.
Les critiques qu’on peut faire à ce schéma de développement reposent
sur les points suivants :
• Le sacrifice imposé aux consommateurs risque de se prolonger
assez longtemps, comme l’ont montré les cas de l’URSS et de
l’Inde.
• La plupart des pays du tiers monde n’ont pas une taille suffisante
pour se lancer dans un tel processus de développement intégré (cf.
difficultés de l’Algérie).
Le goulet d’étranglement externe a pu être desserré par de nombreux
pays du tiers monde qui ont développé avec succès leurs exportations en
profitant de l’expansion phénoménale du commerce international
depuis 1950 (cf. ch. 4).
Il faut distinguer entre industries lourdes et industries de biens de
production. Les premières (cimenteries, aciéries, fabriques d’engrais et
autres industries chimiques) sont très capitalistiques, et produisent
des biens intermédiaires et non des biens de capital. Les secondes
peuvent au contraire être des industries de main-d’œuvre à faible
intensité capitalistique (exemple des ustensiles, outils, pompes,
mécanique simple). Un PED pourra donc se spécialiser dans de telles
industries sans avoir besoin de fermer ses frontières et de se lancer
dans un développement de type intégré partant des industries lourdes.
Le développement durable
En 1987, un rapport des Nations unies (Our Common Future), connu
aussi sous le nom de rapport Brundtland73, introduit le concept de
développement durable (ou soutenable74), c’est-à-dire un développement
qui, par ses aspects écologiques, ne remettrait pas en cause les conditions
de vie et les ressources naturelles des générations à venir, tout en
facilitant la réduction de la pauvreté dans le monde présent, autrement
dit, selon les termes même du rapport, « un développement qui répond
aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations
futures de répondre aux leurs ». Le développement durable se situe donc
au confluent du social, de l’économique et de l’écologique, traversant les
générations et la division pays riches/pays pauvres, selon le schéma
suivant :
Note : Les gaz à effet de serre émis sont le CO2, le méthane (CH4), l’oxyde nitreux (N20) et des gaz
qui peuvent contribuer dans une large mesure au réchauffement de la planète (gaz F). Pour qu'il
soit possible de regrouper leurs émissions, ces dernières sont toutes exprimées en équivalent CO2
(CO2e) ; en d'autres termes, les quantités émises sont exprimées, pour tous les gaz, sous la forme
des quantités de CO2 qui provoqueraient le même réchauffement. Les moyennes par habitant
pour les pays à faible revenu et pour les pays à revenu intermédiaire sont calculées dans un
scénario qui fait intervenir un changement d'affectation des terres et dans un scénario qui ne fait
pas intervenir un tel changement. En 2005, les émissions dues à un changement d'affectation des
terres dans les pays à revenu élevé étaient négligeables.
Source : Banque mondiale, Rapport sur le développement dans le monde 2010.
Aspects internationaux
du développement
Chapitre 4
Le commerce international :
interdépendance croissante
Le phénomène de mondialisation de l’économie a commencé à la fin du
Moyen Âge, puis s’est accéléré après la révolution industrielle, et surtout
depuis la dernière guerre mondiale.
Le XIXe siècle
L’histoire du commerce international au XIXe siècle est celle de la
domination britannique, accompagnant un développement rapide des
échanges internationaux (le commerce international est multiplié par
10 en volume entre 1850 et 1913 et progresse deux fois plus vite que la
production : 3 à 4 % par an contre 1 à 2 %). La Grande-Bretagne
représente 38 % des exportations industrielles mondiales en 1885 et
encore 27 % en 1913.
L’extension du phénomène d’industrialisation, d’abord à l’Europe, puis
aux États-Unis et au Japon, explique la domination commerciale de ces
trois ensembles géoéconomiques, contestée aujourd’hui par la montée de
nouveaux pays80. Cette domination entraîne alors l’instauration d’un
premier schéma de la division internationale du travail (DIT) : aux uns
l’industrie, aux autres les produits primaires, agricoles ou miniers. Les
pays de ce que l’on n’appelle pas encore le tiers monde ne participent aux
échanges que de façon très marginale. Ainsi Lewis remarque que la
révolution industrielle au XIXe siècle, s’est faite de façon autonome : les
matières premières (fer, charbon, coton, blé) étaient produites sur place.
Ce n’est qu’à partir du début du xxe siècle, et de la deuxième révolution
industrielle, que les matières premières du monde en développement
vont devenir indispensables (caoutchouc, cuivre, pétrole, bauxite, etc.).
L’entre-deux-guerres
Cette époque est marquée par le recul du commerce
international (passant ainsi de 5,3 milliards de dollars en 1929, à 1,8 en
1933), à la suite de la crise économique des années 1930 et du
protectionnisme généralisé81. D’autres raisons sont avancées comme la fin
d’une période de grandes innovations techniques, la fin de l’expansion
territoriale et les désordres monétaires internationaux : Londres perd son
rôle de place dominante.
Paradoxalement, la crise de 29 va être le catalyseur de
l’industrialisation dans le tiers monde. Ainsi en Amérique latine, elle
entraîne une rupture des échanges avec les pays industrialisés.
Exportatrice de produits primaires et importatrice de produits
manufacturés, celle-ci perd ses débouchés en Europe et aux États-Unis
(exemple du café brûlé dans les locomotives). Les exportations chutant, la
capacité d’importation est considérablement réduite, ce qui a pour effet de
stimuler la production interne. En effet la demande de produits
manufacturés restant élevée, et leur offre ayant baissé, l’augmentation des
prix va avantager la production de remplacement. La dépression est donc
à l’origine du processus d’industrialisation par substitution d’importations
(ISI) en Amérique latine, ou croissance tournée vers l’intérieur (para
dentro), vers la production pour le marché interne, par opposition au
modèle précédent : croissance vers l’extérieur (para fora), par la
production de produits primaires pour l’exportation. Ces produits étant
en nombre limité, et sujets à des fluctuations de prix, l’économie des pays
d’Amérique latine avait un caractère de dépendance marqué justifiant
l’appellation « d’économies reflet ». Les seules industries existantes
(textiles, meubles, alimentation) étaient des industries simples répondant
aux besoins nés de l’urbanisation conséquente au développement du
secteur extérieur.
L’ISI au contraire se développe dans des secteurs plus modernes
puisqu’il s’agit de fournir les biens industriels jusque-là importés. Le
processus s’est poursuivi pendant la guerre, et après, grâce à la mise en
place de barrières protectionnistes. Ainsi, de fortuit au départ, il est
devenu volontariste. Les économistes structuralistes voient dans ce
mécanisme, qui a fait de la rupture des échanges internationaux le point
de départ de l’industrialisation, la confirmation de leur thèse :
l’impossibilité du développement initial dans le libre-échange, et la
nécessité du protectionnisme.
*Cl : commerce international mesuré par la somme des exportations mondiales ; Y : produit
mondial.
Source : T.M. RYBCZYNSKI, The Three Banks Review, 1978 et OMC pour les années 1950 à 2004.
Source : CNUCED.
Source : OMC.
Source : Global Development Finance 2012, International Debt Statistics 2014, Banque mondiale.
Figure 4.10 : Flux nets de capitaux vers les PED, par région
(hors transferts des travailleurs et aide officielle), milliards de $
Source : Global Development Finance 2012, Banque mondiale.
La dette externe
Omniprésente dans toutes les interrogations concernant le
développement depuis le début des années 1980, la dette des pays du Sud
constitue pour beaucoup l’un des obstacles majeurs au développement et
fait l’objet de vives controverses parmi les économistes. Pour les uns, elle
représente la forme moderne du « drainage meurtrier du surplus vers le
centre » (Amin) et elle résulte « d’une pression objective de
l’administration américaine pour faire payer aux peuples du tiers monde
un déficit budgétaire destiné à maintenir un semblant de croissance aux
États-Unis » (Norel). Pour d’autres, au contraire, « les dettes extérieures
du tiers monde ne sont ni le résultat ni le reflet d’une exploitation. Elles
représentent des ressources qui lui ont été fournies » (Bauer) ; ressources
« à fonds probablement perdus… qui équivaudront à des dons, moins le
geste » ajoute Sauvy. « En dix ans ces pays ont reçu beaucoup plus de
capitaux que les propositions les plus osées du plan Marshall pour le tiers
monde n’avaient jamais envisagé » (Jean). « Les difficultés que les
bénéficiaires éprouvent à assumer le service de ces dettes ne découlent ni
d’une exploitation ni de termes de l’échange défavorables. Elles résultent
du gaspillage des capitaux fournis, ou de politiques monétaires et fiscales
malavisées » (Bauer). Entre ces positions extrêmes, il importe de tenter
d’y voir clair en répondant aux questions suivantes : que représente la
dette, quelles en sont les causes, les conséquences, et enfin, quelles sont
les solutions possibles ?
Que représente la dette des pays du Sud ?
Avant tout, il convient de rappeler qu’à ce jour, la dette publique brute
des pays émergents et en développement hors Asie et Amérique latine
par rapport à leur PIB est presque quatre fois moindre que celle des
principaux pays avancés, et est même inférieure à celle des pays avancés
au début des années 1980 (cf. figure 4.11).
Néanmoins, les pays en développement ont connu une progression
rapide de leur dette dans les années 1980, décennie de la crise de
l’endettement, crise progressivement résolue par la suite, les ratios – taux
d’endettement (dette/PIB), taux de service (service de la dette – intérêt +
amortissements de l’année)/exportations de biens, services et revenus –
s’améliorant peu à peu (cf. figure 4.12). La répartition géographique des
principaux pays endettés montre qu’ils sont également les principaux
récipiendaires d’investissements directs étrangers (cf. figures 4.13 et
4.14).
Les différents ratios permettent de mesurer le poids de la dette par
rapport à l’économie des pays concernés. Ils ont évolué selon trois
périodes distinctes : dans les années 1970 et 1980, ils augmentent
fortement, ce qui indique une dégradation rapide de la situation ; dans
les années 1990, ils demeurent à peu près constants ; et enfin, depuis la
fin des années 1990, ils tendent à diminuer. Toutefois ils restent à des
niveaux supérieurs ou égaux à ceux des années 1970 : la dette
représente en 2014 plus de 20 % de leur RNB, et les sorties en devises
exigées par le service de la dette s’établissent à 9 % des exportations.
Source : Estimations des services du FMI. FMI, Perspectives de l’économie mondiale, 2015.
Sources : World Bank Debtor Reporting System, International Debt Statistics 2014; Banque mondiale,
International Debt Statistics 2014.
L’ajustement réalisé par les PED, qui ont redressé leur équilibre
extérieur au cours des années 1980, s’est effectué le plus souvent au prix
d’une crise économique et sociale sans précédent : baisse du revenu par
habitant des pays les plus endettés, baisse des investissements, des
importations, stagnation des exportations et accroissement de la
pauvreté.
Naturellement les chiffres globaux pour les pays en développement
masquent des réalités très différentes. Les pays d’Afrique subsaharienne
sont endettés pour près de la moitié de leur dette auprès du secteur
officiel (contre 2,5 % seulement pour l’Asie de l’Est et le Pacifique en
2012) et bénéficient donc de conditions plus favorables et de taux de
service moins élevés. Par ailleurs, si le volume des flux est très élevé en
Asie de l’Est et Pacifique, la Chine en a absorbé 74 % depuis 2007 et pèse
pour 54 % du stock total de dette de cette région en 2012. Parallèlement,
deux pays (le Nigeria et l’Afrique du Sud) ont absorbé 45 % des flux
d’Afrique subsaharienne en 2012, laissant une portion congrue de cette
vache déjà bien maigre aux autres pays de la région.
Les causes de l’endettement. Pourquoi un pays s’endette-t-il ? La raison
en est simple, l’endettement est toujours la conséquence d’un déficit de la
balance extérieure, plus précisément ce qu’on appelle la balance des
paiements courants (les achats à l’étranger de biens et services sont
supérieurs aux ventes). Ce déficit peut être financé temporairement par
les réserves de changes du pays, ou liquidités internationales (les devises
que le pays détient). Mais naturellement ces réserves sont limitées et
seront vite épuisées, et un déficit répété sur plusieurs années donnera
nécessairement lieu à un endettement externe, puisqu’il devra être
financé par le crédit, les prêts étrangers. Or, la plupart des pays en
développement connaissent depuis longtemps une situation de déficit de
leurs comptes extérieurs. Ils accumulent ainsi une dette externe (cf.
encadré).
Balance commerciale − + + − ou +
NB : La balance des paiements courants est la somme des deux premières, la balance des capitaux
le complément de la balance courante, la balance des paiements la somme des deux. Le signe +
indique un excédent du solde de la balance concernée, le signe – un déficit, 0 indique un équilibre,
toujours constaté pour la balance des paiements dans son ensemble, par construction (la balance
des paiements inclut le solde qui l’équilibre : sortie ou entrée de devises).
La dette du tiers monde a été l’une des questions les plus discutées depuis
les années 1980, mais il ne s’agit pas d’un phénomène nouveau. De nombreux
pays par le passé ont basé leur croissance économique sur l’endettement
externe. Les États-Unis au XIXe siècle avaient une dette considérable vis-à-vis
de l’Angleterre, avec des ratios comparables et même plus élevés que ceux des
pays du Sud à la fin du XXe siècle. Les créances détenues par les prêteurs
européens en 1913 représentaient plus de 3 fois le commerce international
selon Kuznets (1966), contre la moitié au début des années 1990. D’autres
pays comme l’Australie, le Canada, les pays scandinaves, aux alentours de
1900, étaient très endettés ; Hagen (1982) rappelle que 30 % environ de leur
investissement était financé par des capitaux extérieurs, contre 5 à 20 % pour
les PED en 1990. Toutefois, on pourrait lui objecter que ces pays connaissaient
alors une croissance forte, ce qui n’est pas le cas des pays endettés les plus
pauvres aujourd’hui. Beaucoup de ces dettes passées n’ont jamais été payées, à
la suite des bouleversements économiques et politiques, et des guerres. De
nombreux observateurs pensent qu’il en ira de même pour les dettes
actuelles : celles des pays les plus pauvres seront annulées ou iront de report
en report. Comme le disait Alfred Sauvy, « il arrivera ce qui est arrivé maintes
fois dans l’histoire : le prêteur court quelque temps après sa dette, en prêtant
davantage, payant en somme, lui-même, ses propres intérêts, jusqu’au jour où
il renonce et n’est plus payé ! »
Pour les pays émergents, la situation est bien différente, leur balance
courante est devenue largement excédentaire avec la croissance
mondiale, le développement des exportations industrielles, la remontée
des cours des matières premières. Le Brésil, la Chine, l’Inde et bien
d’autres en Amérique latine et en Asie, sans compter les pays du Proche-
Orient producteurs de pétrole, ont rétabli leur situation extérieure et
remboursent aisément leur dette. Ils se sont mis à investir et placer ces
excédents à l’extérieur, comme on le voit avec les investissements chinois
en Afrique et indiens ou du Golfe en Europe. Globalement, depuis
2000 les PED sont devenus excédentaires dans leurs échanges avec les
pays développés, un retournement complet d’une situation qui était bien
établie depuis l’après-guerre. La Chine dispute désormais au Japon le titre
de plus gros détenteur de la dette publique américaine : elle en détient
1 224 milliards de dollars en 2015 (sur plus de 18 000 milliards de
dollars). La créance de la Chine sur l’État américain (7 % de la dette
publique américaine) représente presque le double de sa propre dette
publique ! Il n’en demeure pas moins que la rapidité de l’endettement
chinois peut inquiéter : la dette publique de la Chine représente en
2015 environ la moitié de son PIB, contre moins de 20 % cinq ans plus
tôt. On est loin des 160 % de la Grèce et des 110 % des États-Unis, mais il
s’agit d’une augmentation vertigineuse pour un pays en développement
dont la croissance se tasse. La dette chinoise totale (des secteurs public et
privé) a elle aussi fait un bond, passant d’environ 150 % de son PIB en
2010 à plus de 250 % en 2015. Un ratio comparable à celui des États-Unis,
et plus élevé que celui de la France. La dette des sociétés chinoises atteint
à elle seule en 2015 plus de 16 000 milliards de dollars soit 160 % du PIB :
elle représente le double de la dette des entreprises américaines. Depuis
2000, le rythme de croissance de l’endettement chinois a été trois fois
supérieur au rythme de croissance de son économie. De quoi laisser à
penser que l’on est loin d’en avoir fini avec le problème de la dette dans
les pays en développement.
L’aide, évolution
L’aide publique au développement86, lancée après la Deuxième Guerre
mondiale, a dépassé le montant de 135 milliards de dollars en 2014, mais
son efficacité est sujette à débat : pour les uns elle n’est que la feuille de
vigne de la domination impérialiste et capitaliste, pour d’autres elle
encourage un esprit d’assistance qui freine le développement et ne fait
que financer les dépenses de luxe de gouvernements corrompus et peu
enclins à promouvoir le bien-être de leur peuple ; pour ses défenseurs
enfin, elle reste indispensable, sa poursuite et son accroissement étant
des leviers essentiels de la croissance.
L’aide revêt de multiples formes : bilatérale lorsqu’elle est versée
directement de pays à pays, elle s’oppose à l’aide multilatérale qui passe par
les organisations internationales comme la Banque mondiale ou le Fonds
européen de développement (FED). Cette dernière forme a progressé et
représente actuellement 31 % de l’APD. L’aide peut être liée (sujette à être
dépensée dans le pays donateur) ou libre ; elle peut être spécifique (destinée
à un projet ou un secteur précis) ou générale (utilisée par exemple pour les
dépenses de fonctionnement) ; en nature (aide alimentaire, aide d’urgence)
ou financière, et dans ce cas elle prendra la forme de dons, ou de prêts à
des conditions favorables (« prêts concessionnels »).
L’aide a augmenté en valeur absolue en termes réels, mais décliné en
proportion du PIB mondial (cf. figure 4.16). La CNUCED avait fixé en
1977 un objectif de 0,7 % du PIB des pays donateurs, on est passé de 0,40
% en 1961 à à peine 0,3 % en 2014. La figure 4.16 montre qu’un
décrochage a lieu au début des années 1990, malgré un redressement dans
les années 2000. En contrepartie les flux privés, investissements,
placements, prêts, ont augmenté (cf. figure 4.9). Les États-Unis et le Japon
sont dans les premiers rangs en montants absolus de l’aide, mais plus mal
placés dans le classement de l’aide par rapport au revenu national, où l’on
trouve aux premières places les pays scandinaves (cf. figure 4.17).
Source : OCDE-CAD.
L’aide des pays riches est aussi évaluée par une ONG, le Center for Global
Development87, à l’aide d’un indicateur composite (CDI, pour Commitment to
Development Index) qui classe 27 pays riches selon leurs politiques qui
affectent le plus les 5 millions de personnes vivant dans les pays pauvres. Cet
indicateur intègre d’autres éléments que les dons, comme l’ouverture de leur
marché, l’absence de subventions agricoles, l’importance de l’aide liée, l’aide à
des régimes corrompus, la qualité de l’investissement, les actions pour
l’environnement, l’ouverture aux migrants (rôle des transferts de fonds vers
les pays d’origine), la diffusion des technologies, etc. Les résultats
apparaissent ici (cf. figure 4.18), où l’on voit que les pays nordiques sont
toujours les mieux placés, alors que les États-Unis sont en queue de peloton
et que le Japon se retrouve bon dernier. La France perd des places en raison
de son protectionnisme agricole, propre à l’UE, des ventes d’armes et des
limitations à l’immigration. Le classement du CDG, établi sous l’autorité
d’économistes aussi éminents que Larry Summers, Amartya Sen ou Joseph
Stiglitz, fut cependant contesté, notamment par les autorités françaises88, ce
qui est inévitable étant donné l’abondance des indicateurs utilisés, dont on
peut toujours discuter la pondération.
Le Beijing Consensus
La Chine est devenue l’un des acteurs majeurs en Afrique, avec un
rythme de croissance du commerce entre ces deux partenaires de près
de 50 % par an depuis 1990 (cf. figure 4.19). Les contacts
commerciaux sont anciens, puisqu’ils remontent au XVe siècle avec les
expéditions de l’amiral Zheng He. Il ne faut donc pas s’étonner de leur
reprise actuelle, même si l’on a pris l’habitude, depuis les explorations
européennes et la colonisation, de voir l’Afrique plutôt tournée vers
l’Europe. Dans les années 1960, la Chine de Mao avait déjà envoyé
des milliers de médecins en Afrique, accueilli des étudiants et
construit des infrastructures (chemin de fer Tanzanie-Zambie). Le
commerce entre les deux ensembles a été multiplié par près de 20 en
25 ans, pour s’élever à 210 milliards de dollars en 2013 : matières
premières pour satisfaire les énormes besoins de l’une, produits
manufacturés bon marché pour les consommateurs pauvres de
l’autre.
Note : Les pays de moins de 500 000 habitants ou dont l’aide publique au développement reçue
est de moins de 100 millions de dollars en 2014 sont exclus
Source : Rapport du OCDE-CAD.
Easterly reprend ces critiques, à propos des pays africains dont le taux
de croissance s’est effondré en même temps que l’aide ne faisait que
s’accroître (figure 4.26) : « Les gouvernements des pays du tiers monde, à
travers lesquels l’aide est dirigée, ont souvent peu d’incitation à élever le
potentiel productif des pauvres, surtout quand cela risquerait d’engendrer
une agitation politique menaçante pour les élites en poste » (2003).
L’auteur avance des données selon lesquelles la plupart des pays
nouvellement développés l’ont fait sans aide étrangère massive : l’aide
internationale empêcherait les gens de chercher leurs propres solutions,
corromprait les gouvernements et saperait les institutions locales. À
l’inverse un marché libre et des incitations adaptées permettraient aux gens
de trouver des solutions pour résoudre leurs problèmes. Autrement dit,
Estearly ne croit pas qu’il existe de piège de la pauvreté, de cercle vicieux.
La preuve : beaucoup de pays auparavant pauvres sont aujourd’hui riches.
Et à un niveau plus fondamental, il soutient qu’il faut respecter la liberté
des gens : si une famille estime que son enfant tirera plus de bénéfices à
apprendre son travail de paysan ou d’artisan qu’à aller à l’école, c’est sa
liberté. Certaines voix en Afrique même reprennent ces arguments contre
l’aide : l’économiste Kenyan James Shikwati, 35 ans, soutient que l’aide à
l’Afrique fait plus de mal que de bien, ce partisan convaincu de la
mondialisation s’exprime dans l’hebdomadaire allemand Der Spiegel sur
les effets désastreux de la politique occidentale pour le développement en
Afrique, sur les dirigeants corrompus et la tendance à surestimer le
problème du Sida.
Des critiques plus techniques font état des risques d’une aide massive
sur les taux de change des pays receveurs, réduisant la compétitivité de
leurs industries exportatrices. On constate ainsi que les pays les plus
aidés ont vu leurs industries traditionnelles, textiles, alimentaire, se
développer moins facilement que dans des pays moins aidés. Des flux
massifs peuvent par ailleurs être absorbés difficilement dans une
économie pauvre, avec tous les risques de détournement et d’inefficacité.
Les échecs et ces critiques ne doivent pas cependant faire oublier
que l’aide a eu des effets largement positifs et surtout, qu’en son
absence, de nombreux pays ne pourraient simplement plus fonctionner.
Certes, si l’on regarde les données sur 200 pays, ceux qui ont reçu plus
d’aide extérieure n’ont pas connu de croissance supérieure aux autres.
Mais la situation de certains pays aurait très bien pu être bien pire sans
aide. Pour les pays les plus pauvres en Afrique et en Asie, elle demeure
irremplaçable. Il suffit pour le comprendre d’imaginer, après les baisses
de cours de matières premières, les chocs pétroliers, la hausse des taux
d’intérêt, les catastrophes naturelles, les guerres, ce qui se produirait
dans ces pays si l’aide venait à cesser. Autrement dit, il faut se garder
d’une position extrême qui consisterait à jeter le bébé avec l’eau du
bain, la diversité des situations à travers le monde en développement
interdit de généraliser.
Dans de nombreux cas l’aide externe a permis de faciliter la
croissance. Ainsi, l’ouverture du port d’Abidjan dans les années 1950 est
à l’origine de l’expansion de la Côte d’Ivoire ; l’extension de la culture du
coton en Afrique de l’Ouest a été réalisée par l’assistance étrangère ; le
recul rapide de l’onchocercose (cécité des rivières) est dû à une action
conjuguée d’un programme de l’OMS et du laboratoire Merck ; le
programme Water Aid en Éthiopie a permis d’acheminer de l’eau potable
depuis les hautes terres vers les villages de la vallée du Rift ; le
développement du Ceara (dans le Nordeste du Brésil), depuis 2001, est
le résultat d’un programme mené avec la Banque mondiale (réforme
agraire, électrification, infrastructures, baisse de la mortalité infantile).
Au Mozambique, l’aide, dans les années 2000, change l’intérieur du
pays :
Les IDE
Les Investissements directs étrangers représentent environ la moitié
des flux de capitaux privés vers le tiers monde en 2012 (cf. figure 4.9).
Ils viennent aujourd’hui principalement non pas des pays riches, mais
des pays en développement (notamment des pays émergents) qui
représentent 55 % des entrées nettes et 34,5 % des sorties nettes d’IDE
en 2014. La croissance des investissements Sud/Sud est très rapide, bien
que le stock d’IDE est encore très majoritairement celui des pays
développés – 64,5 % du stock intérieur net et 78 % du stock extérieur
net pour les pays développés – (cf. figure 4.27). Les IDE présentent
l’avantage de ne pas accroître la dette et d’être moins volatils que les
prêts : « même si certains contestent que les IDE soient beaucoup plus
stables que les autres formes d’investissements étrangers, il y a un bon
sens évident qui ne peut que constater qu’un investisseur direct
étranger ne peut facilement déboulonner les machines du rez-de-
chaussée de l’usine pour participer à une panique de créanciers98 »… En
outre, ils apportent des techniques et des compétences, des emplois,
des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail. Les PED
tentent de les attirer pour toutes ces raisons (voir chapitre 8).
Source : UNCTAD.
Source : FMI.
Figure 4.29 : Top 20 des pays receveurs d’IDE en 2014 (en milliards de
dollars)
ou encore :
t t+1
t t+ 1
t t+ 1
Source : CNUCED.
Figure 4.34 : Indice des prix des matières premières, base 100 en 2005
Source : CNUCED.
Figure 4.35 : Évolution des termes de l’échange nets entre les produits
primaires (pétrole exclu) et les produits manufacturés, 1900-1983
À travers les organismes internationaux, les PED ont cherché dans les
années 1970 à promouvoir un nouvel ordre économique international,
plus équitable, et qui permettrait de faciliter leur développement. La
première revendication d’un NOEI date de la conférence des pays non
alignés à Alger en 1973 et a été adoptée par les Nations unies en 1974.
On peut le résumer dans les dix points suivants. Nous reviendrons par
la suite plus en détail sur certains, en examinant successivement le rôle
des grands organismes internationaux.
• Stabiliser le cours des produits primaires exportés.
• Contrôler l’offre des matières premières par des ententes entre
producteurs, sur le modèle de l’OPEP.
• Garantir les recettes d’exportation, comme dans le cas du mécanisme
dit Stabex de l’Union européenne.
• Réduire le protectionnisme des pays développés à l’égard du tiers
monde grâce à un Système Généralisé de Préférence (SGP).
• Réformer le système monétaire international d’étalon dollar.
• Faciliter les transferts de technologie (voir ch. 8).
• Accroître l’aide officielle internationale à 0,7 % du PNB des pays
développés (cf. ch. 4).
• Alléger ou annuler la dette externe (cf. ch. 4).
• Établir un code de bonne conduite pour les firmes multinationales (cf.
ch. 8).
• Promouvoir l’industrialisation du tiers monde, avec l’objectif qu’il
représente 25 % de la production industrielle mondiale à l’an 2000.
Cet objectif a été atteint.
Ces revendications ont coïncidé avec les deux chocs pétroliers et les
succès de l’OPEP. Elles étaient en même temps bien accueillies par une
grande partie de l’opinion en Occident105 et on a pu croire alors qu’une
réforme du système économique international aurait lieu. Cependant les
années 1980 voient le recul de l’OPEP et la chute du prix du pétrole,
l’effondrement des cours des matières premières et les difficultés
économiques croissantes des pays en développement. De ce fait, l’espoir
de voir un nouvel ordre économique se mettre en place recule. En même
temps, la contre-révolution libérale s’employait à le démolir, dans ce que
John Toye appelait ironiquement « la défense de l’ancien ordre
économique international » ! Dans leurs critiques, les libéraux comme
Peter Bauer ou Ian Little se sont attachés à montrer les résultats
indésirables et parfois contraires aux objectifs recherchés qu’aurait
l’application des mesures demandées. Il en va ainsi de l’aide et des
mécanismes de revalorisation des prix des matières premières.
Dans les années 1990-2000, les revendications de changement des
structures ont reculé devant le développement spectaculaire de l’Asie et
la possibilité de plus en plus claire d’un rattrapage, à travers la
mondialisation et l’extraordinaire expansion du commerce international,
sans pratiquement d’interruption depuis les années 1950. Les questions
sociales ont été réaffirmées, ainsi l’ONU a fixé en 2000 des Objectifs du
millénaire et en 2015 des Objectifs de développement durable, visant à
réduire la pauvreté, améliorer la santé, l’éducation et l’environnement, et
passant, comme précédemment, par un accroissement de l’aide aux pays
les plus pauvres.
La recherche d’un nouvel ordre ou la fixation d’objectifs sociaux du
développement s’expliquent non seulement par l’influence des idées
tiers-mondistes puis altermondialistes, mais aussi par la constitution
progressive d’une véritable économie mondiale, faite de
l’interdépendance croissante des économies nationales, à la suite du
développement accéléré des échanges mondiaux, des mouvements de
capitaux, des échanges culturels et des migrations. Cette imbrication
progressive des pays dans un système planétaire fait apparaître plus
crûment les écarts Nord/Sud et aussi la faiblesse d’une gouvernance
mondiale. La mondialisation n’a en effet pas été accompagnée de la
montée parallèle d’un pouvoir supranational assez fort, qui pourrait
jouer le même rôle de régulation et de contrôle au niveau global que
celui de l’État au niveau d’une nation. Ainsi s’impose le besoin d’une
véritable stratégie économique internationale, reflété dans ces
revendications. Bien sûr les organismes internationaux ont progressé et
jouent un rôle croissant, mais il est sans doute encore insuffisant, face
aux désordres de l’économie mondiale. Nous verrons successivement
celui de l’OMC, de l’ONU, des accords de produits, des ententes entre
producteurs, des mécanismes de garantie des recettes d’exportation, du
FMI et de la Banque mondiale, et enfin l’action des organismes non
gouvernementaux (ONG).
L’OMC
L’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, le GATT
(General Agreement on Tariffs and Trade), a été signé en 1948 entre
23 pays, dont la moitié au Sud106. Son objectif était de faciliter le
développement du commerce international par la réduction des droits de
douane, des contingentements, des barrières non tarifaires et des accords
préférentiels, et aussi par l’application de deux principes essentiels : la
réciprocité dans les échanges et la clause de la nation la plus favorisée
(MFN pour Most Favoured Nation107). Le premier principe signifie que
toute concession dans les négociations commerciales doit être
réciproque, et le second qu’aucun pays ne peut recevoir un traitement
plus favorable qu’un autre. La clause MFN est un principe d’égalité, de
non-discrimination, qui signifie que toute réduction de droit de douane,
par exemple, doit être appliquée aux autres partenaires (ce qui entraîne
l’alignement sur le droit de douane le plus faible).
À la suite d’une série de rencontres (rounds), ou Négociations
commerciales multilatérales (NCM), le GATT est parvenu à réduire les
obstacles aux échanges entre pays riches (baisse moyenne des droits de
25 %% en 1950, à 5 % en 1997). Ces réductions successives ont facilité
par la suite l’essor des exportations des nouveaux pays industriels,
comme le Brésil, Taïwan ou la Corée du Sud, bénéficiant de la réduction
tarifaire dans les marchés occidentaux, même si les tensions après
1973 ont entraîné le retour des restrictions protectionnistes, comme la
multiplication des barrières non tarifaires, ou l’Arrangement multifibres
(AMF) qui a fixé des quotas d’importation pour les textiles jusqu’en
2005.
Les PED sont rentrés en force au sein du GATT (dès 1990, 95 pays
représentant les 4/5 du commerce international en faisaient partie, et
30 autres lui étaient associés), tout en bénéficiant d’un statut
préférentiel depuis les années 1960 : la non-réciprocité (ils peuvent
conserver une structure plus protectionniste vis-à-vis des pays
développés, même s’ils bénéficient de réductions de droits de douane,
ou appliquer des subventions aux exportations, interdites aux pays
riches) ; et la non-application de la clause MFN (une réduction de
droit de douane à leur égard par un pays développé, dans le cadre du
SGP (voir plus loin) n’est pas automatiquement applicable aux autres
pays développés). Les pays riches réclament maintenant des pays du
tiers monde les plus industrialisés, qui sont devenus des concurrents
redoutables, qu’ils renoncent à ce statut préférentiel, par un processus
de graduation ou d’intégration, et participent ainsi sur un pied d’égalité
aux échanges internationaux.
Source : OMC.
Source : Données de l’OMC sur le règlement des différends ; Raúl A. Torres, Use of the WTO
Trade Dispute Settlement Mechanism by the Latin American Countries – dispelling myths and
breaking down barriers, document de travail de l’OMC ERSD 2012 03, février 2012.
L’ONU
Un vent de réforme souffle sur l’organisation des bords de l’East River
depuis l’an 2000. Les rapports s’accumulent autour des idées suivantes :
relancer le rôle de l’Assemblée générale à travers des objectifs bien
définis ; créer une Commission de la paix afin de prévenir les risques de
conflit plutôt qu’intervenir après coup ; et surtout élargir le Conseil de
Sécurité à 24 membres (15 actuellement, voir schéma) dont six nouveaux
permanents, mais sans droit de veto. Dans le domaine du
développement, les organes spécialisés des Nations unies sont le PNUD
et la CNUCED. Par ailleurs, les pays membres ont lancé en 2000 un
programme pour le développement, qualifié d’Objectifs du Millénaire
pour le développement (Millennium Development Goals), remplacé en
2015 par les Objectifs de développement durable (Sustainable
Development Goals).
Le PNUD
Le PNUD est à l’origine du fameux Rapport annuel sur le développement
humain, et du non moins fameux indicateur du même nom, l’IDH. Mais
il est aussi un organisme d’aide multilatérale, fondé en 1965 et basé à
New York, recevant et redistribuant les contributions volontaires des
États membres. Il est établi aussi dans tous les pays concernés, et son rôle
essentiel depuis 2000 réside dans l’aide à la réalisation des objectifs du
Millénaire jusqu’en 2015, et des objectifs de développement durable. À
travers des prêts et des conseils, une expertise et des formations, il
intervient dans tous les domaines du développement et de
l’environnement, mais également dans la prévention des crises politiques
ou diplomatiques (voir : www.undp.org).
La CNUCED
La Conférence des Nations unies pour le Commerce et le
Développement (UNCTAD117 en anglais) se réunit tous les 4 ans depuis
1964. Mais il s’agit également d’un organisme siégeant à Genève et
comprenant un secrétariat permanent, un Conseil du commerce et du
développement et des commissions spécialisées (produits de base,
articles manufacturés, transferts de technologie…). La CNUCED
comprend les pays de l’ONU et les PED y ont formé le Groupe des 77
(134 en 2015) pour défendre leurs intérêts118. La Conférence adopte-
habituellement ses positions, puisque les décisions y sont prises à la
majorité des membres. Son objectif est de promouvoir le commerce
international comme moyen de la croissance des pays pauvres, et elle a
proposé de nombreuses réformes (accroissement de l’aide à 0,7 % du PIB
des pays riches, Système Généralisé de Préférence, Programme intégré
des produits de base, etc.). La XIIIe CNUCED s’est réunie en 2012 à
Doha, sans que de grandes propositions aient été faites (l’UNCTAD XIV
se réunit à l’été 2016). Depuis les années 1990, après les premières
décennies de confrontation, les positions ont convergé vers celles du FMI
ou de la Banque mondiale.
Source : Susan Nicolai, Chris Hoy, Tom Berliner and Thomas Aedy, Projecting progress. Reaching the
SDGs by 2030, ODI, 2015.
La protection effective
La protection effective mesure la protection dont bénéficie la valeur
ajoutée d’une industrie par rapport au marché mondial, grâce aux
droits de douane portant à la fois sur les produits finis et les
consommations intermédiaires. Ces droits de douane sont exprimés
en pourcentage de la valeur des produits importés, on les appelle
encore droits ad valorem, ou tarifs nominaux. Ils sont différents sur les
produits finis et sur les consommations intermédiaires, en général
plus élevés dans les pays développés sur les produits finis. La
protection effective est donc plus forte que la protection nominale
(protection apparente), pendant longtemps seule considérée, puisque
la valeur ajoutée est la différence entre la valeur des produits finis et
des consommations intermédiaires.
Exemple : Pour un produit dont le prix P est 100 € sur le marché
mondial, et en supposant un droit à l’importation t = 10 %, tarif
nominal, le prix dans le pays importateur B sera de :
P΄ = 100 (1 + t) = 110 €
Si la valeur ajoutée représente 20 % de ce produit, la valeur ajoutée
unitaire V sera en l’absence de tarif telle que :
V = P − C = 100 − 80 = 20 €
où C représente la consommation intermédiaire par unité du produit
(en supposant une seule consommation intermédiaire).
Avec le tarif, la valeur ajoutée unitaire pourra passer à :
V΄ = P΄ − C = 110 − 80 = 30 €
Ainsi les industries du pays exportateur A où la valeur ajoutée unitaire
est de 20 (en supposant que les mêmes conditions de production
soient réunies), seront en concurrence avec les industries de B où la
valeur ajoutée unitaire aura pu passer à 30, ce qui signifie profits et
donc possibilité d’investissements plus élevés. Si les industries de B
maintiennent leurs prix à 100, elles conservent la même valeur
ajoutée, mais A ne peut les concurrencer.
Le taux de protection effective g mesure la variation relative possible
de la valeur ajoutée due au tarif nominal, soit :
g = V΄ − V/V = (30 − 20)/20 = 50 %
En généralisant, on aura la formule suivante :
g = t − at΄/1 − a
où t : tarif nominal sur les produits finis ;
t’ : tarif nominal sur les inputs ;
a : coefficient technique mesurant le rapport C/P ;
C : consommations intermédiaires unitaires ;
C’ : c.i. après le tarif t’ ;
V, V’, P, P’ voir ci-dessus.
En effet :
g = V΄ − V/V = P(1 + t) − C(1 + t΄) − (P − C)/P − C
soit :
g = Pt − Ct΄/P − C = Pt − aPt΄/P − aP = t − at΄/t − a
g varie dans le même sens que t mais en sens inverse de t’.
Ainsi, un pays qui augmente ses droits de douane sur les produits finis,
accroît la protection effective de ses industries. Mais un pays qui réduit
les droits de douane sur les inputs, accroît également la protection
effective de ses industries, et inversement. Ce qui pourrait donc passer
pour une concession dans les négociations internationales est en fait
un moyen de protection accrue. La protection effective, qui fait
intervenir deux types de protection nominale, est donc une meilleure
mesure de la protection. La mise en place du SGP résulte de la
constatation d’une protection effective dans les pays riches plus élevée
que la protection nominale.
Quand l’offre augmente de O en O’, avec une demande rigide D1, la variation de prix est
beaucoup plus élevée (en P2), à partir du prix d’équilibre Pe, que si la demande était plus élastique
(D2). On obtiendrait le même résultat avec un déplacement de la demande et une offre inélastique
par rapport à une offre élastique.
L’instabilité de l’offre et de la demande, quand toutes les deux sont rigides, entraîne des variations
de prix de beaucoup plus grande amplitude.
Le programme intégré prévoyait également un mécanisme
d’indexation des prix minimaux des matières premières concernées, sur
la hausse des prix moyenne des produits manufacturés. Ce projet a été
abandonné devant l’hostilité des pays industriels et aussi l’impraticabilité
d’un tel système. En effet les prix jouent un rôle évident d’indicateur et
d’allocation sur le marché. Rigidifier les rapports de prix et s’écarter des
prix du marché aboutirait à des risques de surproduction, de mévente,
pousserait davantage au développement de produits synthétiques de
remplacement, et gênerait également les pays en développement
importateurs.
Les accords de produits ou ICA (International Commodity
Agreements) ont aussi pour objectif de stabiliser les cours, d’éviter les
grandes fluctuations caractéristiques des matières premières, néfastes
pour l’économie des pays exportateurs. Ils sont passés entre pays
producteurs et pays consommateurs, qui ont aussi intérêt à cette
stabilisation. Deux mécanismes principaux ont été employés à cet
effet : les stocks régulateurs et les quotas d’exportation. Les stocks
régulateurs, accompagnés d’une fourchette de prix (plancher et
plafond) fonctionnent par des ventes en cas de hausse, et des achats en
cas de baisse, menés par l’organisme gérant le stock. Le système
présente les inconvénients suivants : il est coûteux car il faut des
ressources financières (apportées par les pays producteurs, avec un
tirage possible sur le FMI) pour constituer le stock et l’entretenir ; il
n’est possible que pour les produits stockables ; sa gestion est délicate :
la baisse des cours ne pourra être empêchée après épuisement des
ressources de l’accord et des capacités de stockage.
Le système des quotas d’exportation répartit les quantités maximales
d’exportation entre les différents pays. On évite ainsi les coûts du système
précédent, mais la répartition est souvent difficile et on risque de voir
d’autres producteurs (hors accord) venir augmenter l’offre globale.
Il y a eu cinq accords de produits, pour près de 200 matières
premières, qui ont fonctionné assez mal : cacao, café, caoutchouc, étain,
sucre. Faute de ressources suffisantes et à cause de la concurrence entre
pays producteurs, aucun de ces accords n’a réussi à maintenir les prix
dans les fourchettes prévues pendant la chute des cours de la deuxième
moitié du XXe siècle119. L’accord sur le café, créé en 1962, a cessé de
fonctionner en 1989 ; l’accord sur le cacao a fonctionné de 1981 à 1988 ;
celui sur l’étain entre 1956 et 1985 ; celui sur le caoutchouc naturel a pris
fin en 1999 (après 20 ans de fonctionnement) et enfin celui sur le sucre a
été effectif entre 1954 et 1983.
Les accords de produits ont été critiqués sur différents points :
• Les petits producteurs seraient les premières victimes des quotas
d’exportations (les producteurs d’étain, en Malaisie et en aïlande
par exemple, ont été marginalisés par les quotas officiels et poussés
vers des circuits parallèles.
• La stabilisation des prix peut être défavorable pour les recettes
d’exportations en cas de variations de l’offre. Ainsi, une baisse de
l’offre se traduira par une chute des recettes à prix stables, alors que
les mécanismes du marché (hausse des prix à la suite de la baisse de
l’offre) auraient permis de les stabiliser.
• Enfin, il apparaît que si les ICA peuvent être efficaces à court terme,
ils ne peuvent rien contre une tendance prolongée à la hausse ou à la
baisse des prix, difficilement prévisible. Keynes avait noté dans une
étude de 1942 sur la régulation des cours des produits de base que la
stabilisation à court terme des prix doit être accompagnée par « une
politique à long terme qui permette d’équilibrer l’offre et la demande ».
Dans le contexte actuel des marchés internationaux des produits de
base, réglés par la loi de l’offre et de la demande, une telle politique
serait assurément difficile à mettre en œuvre. Les auteurs libéraux
préconisent de généraliser les interventions des pays producteurs sur
les marchés à terme, où les risques sont encourus par les spéculateurs,
pour se prémunir contre les variations de prix, en lieu et place des
accords de produits.
L’organisation du FMI
Le Fonds est dirigé par un Conseil des gouverneurs, qui se compose d’un
gouverneur et d’un gouverneur suppléant par État membre – émanant
généralement de la Banque centrale ou du ministère des finances –, qui
laisse la gestion courante au Conseil d’administration (le Board). Ce
dernier comprend 24 titulaires, dont 8 permanents (États-Unis, Japon,
Allemagne, France, Grande-Bretagne, Russie, Chine, Arabie Saoudite).
Un directeur général est nommé pour cinq ans, aidé par trois directeurs
adjoints et par une équipe de plus de 2 600 fonctionnaires
internationaux, économistes, statisticiens, experts en finances publiques
et en fiscalité, venant de plus de 140 pays différents.
Les décisions au sein du FMI sont prises en fonction des quotas ou
apports des différents pays correspondant à leur importance
économique, et non, comme à l’ONU, l’OMC ou la CNUCED, à raison
d’une voix par pays. Chaque pays apporte des ressources, sous forme de
quote-part, en devises, selon son poids économique et commercial, et les
voix sont proportionnelles aux apports (un dollar = une voix), selon le
principe payeur/décideur. Ainsi les décisions sont contrôlées par les pays
développés qui détiennent le plus grand nombre de voix (63 %). Les
décisions importantes doivent être prises à une majorité de 85 %, ce qui
confère aux États-Unis (16 % des voix) un droit de veto, ainsi qu’à l’UE
(32 % des voix). Les PED représentés par le « Groupe des 24 »120 ont
réclamé en 1980 un pouvoir accru par l’augmentation de leurs quotas et
donc des voix (en prenant en compte par exemple la population et non le
PNB). Cependant, il est à craindre qu’une telle évolution entraînerait le
déplacement des ressources et des décisions vers d’autres centres
contrôlés par les pays développés, faisant du FMI une coquille vide.
Système de change. Depuis le passage à un système de change
flottant en 1973, entériné par le 2e amendement aux statuts du FMI en
1978, chaque pays choisit son système de change, et les principales
devises flottent entre elles. Mais la plupart des PED ont adopté soit le
rattachement de leur monnaie à une devise clé, comme c’est le cas pour
les pays de la zone franc, soit le cours forcé, où la fixation du taux de
change est le fait de l’État, un contrôle des changes strict est mis en
place et le marché libre des changes n’existe pas.
Les prêts du FMI. Chaque pays apporte sa contribution dans sa
monnaie nationale (75 % du quota) et en devises (dollars, euros, livres,
yens, etc.) ou DTS pour 25 %. En mars 2015, le montant total des
ressources provenant des quotes-parts est de 362 milliards de dollars. Les
quotas sont augmentés régulièrement. Ils constituent les ressources
utilisées par le Fonds pour effectuer les prêts aux pays membres qui ont
des difficultés de balance des paiements et d’endettement externe. Les
pays pauvres vont naturellement emprunter en devises, et non dans les
autres monnaies. Les possibilités d’emprunts seront donc limitées.
Cependant le FMI peut également accroître ses ressources en empruntant
auprès des pays développés ou des pays riches de l’OPEP. Les nouveaux
accords d’emprunts (NAE), principaux compléments aux quotes-parts,
peuvent fournir jusqu’à 515 milliards de dollars de ressources
supplémentaires. En 2012, les pays membres ont également décidé
d’augmenter les ressources du FMI par des accords d’emprunts bilatéraux
(aujourd’hui 370 milliards de dollars en vigueur).
Les emprunts (« achats ») sont exprimés en pourcentage du quota et
sont soumis à des conditions de plus en plus strictes (la conditionnalité) :
• Tranche de réserve (25 % du quota), sans condition.
• Tranche de crédit : la première tranche de 25 % est soumise à « un
effort raisonnable pour redresser l’équilibre de la balance des
paiements ». Les trois tranches suivantes, de 25 % chacune, sont
soumises à des programmes incluant des critères de performance.
Les remboursements (« rachats ») donnent lieu à un échange entre les
devises empruntées et la monnaie nationale versée au moment de
l’emprunt en contrepartie.
Note : L'utilisation du crédit du FMI inclut les achats et les retraits par le biais de la facilité élargie
de crédit, de la facilité de crédit de confirmation, de la facilité de crédit rapide, de l'accord de
confirmation, de la ligne de crédit modulable et du mécanisme élargi de crédit. Les instruments de
prêt du FMI ont changé au cours du temps afin de s'adapter aux situations spécifiques de ses
membres.
Remarque : les données relatives aux opérations du FMI proviennent du service de trésorerie du
FMI et sont converties de droits de tirage spéciaux (DTS) en dollars américains en utilisant les taux
de change de fin de période pour les actions et de taux de change moyen au cours de la période
pour la conversion des flux.
Source : Banque mondiale, International Debt Statistics
Figure 5.11 : Droits de vote au FMI, 35 pays les plus importants, 2015
Source : FMI.
La Banque mondiale
Le groupe de la Banque mondiale comprend la BIRD (Banque
internationale pour la reconstruction et le développement), l’AID
(Association Internationale pour le Développement) spécialisée dans les
prêts à faible taux d’intérêt aux pays les plus pauvres, la SFI (Société
Financière Internationale) qui investit dans le secteur privé des PED,
l’agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA -
Multilateral Investment Guarantee Agency), qui favorise l’investissement
direct à l’étranger dans les pays en développement, et le Centre
international pour le règlement des différends relatifs aux
investissements (CIRDI), qui propose des moyens de conciliation et
d’arbitrage sur les différends relatifs aux investissements. La Banque
mondiale se compose des mêmes membres que le FMI. Son objectif est le
développement des pays du tiers monde par l’utilisation de ressources
financières venant des pays développés. Elle effectue des prêts en devises
de 5 à 25 ans, aux taux d’intérêt du marché, dans divers secteurs :
infrastructures, développement rural et agriculture, investissements
privés, ajustement structurel. Les prêts portant sur des projets précis
représentent environ 90 % des crédits, et les prêts d’ajustement
structurel, introduits en 1980 pour remédier aux difficultés de la balance
des paiements, et conditionnels, comptent pour 10 %. En 2014, la Banque
mondiale (BIRD + AID + SFI + MIGA) a pris des engagements à hauteur
de 61 milliards de dollars, soit 963 nouveaux prêts, dons, opérations
d’investissements en capital et garanties en faveur des pays en
développement sur l’année. Quant au stock de dette (en cours et
décaissée) de la Banque mondiale dans le monde, il est bien supérieur à
celui du FMI : 268 milliards de dollars (contre 98 milliards pour le FMI)
en 2014 simplement pour les prêts de la BIRD et les crédits de l’AID (hors
SFI et MIGA). L’Inde est le premier bénéficiaire de ces prêts et crédits,
avec environ 38 milliards en cours et décaissés (cf. figure 5.14).
La Banque mondiale a les mêmes orientations idéologiques que le FMI,
en particulier en faveur de l’ouverture extérieure, mais, participant souvent
à des projets directement utiles, son action est moins critiquée dans le tiers
monde. Elle met en avant les investissements dans l’éducation, la
sauvegarde de l’environnement, qui passe par des prix plus élevés et des
droits de propriété mieux définis pour les ressources rares, une croissance
régulière, préférable à des à-coups, surtout pour les pauvres, les premiers à
être touchés par les crises, la lutte contre la corruption, qui mine la
croissance et retarde le développement, et enfin la construction
d’institutions adaptées125. La Banque a adopté le credo suivant, résumé par
un de ses dirigeants, Thomas Vinod : « un pays n’a pas que du capital
physique à développer et entretenir, il a aussi du capital humain, du capital
institutionnel et du capital naturel. Dans les PED, les faits montrent un
sous-investissement en capital humain, une attention insuffisante au
capital institutionnel, et une surexploitation du capital naturel, alors que le
capital physique reste lourdement subventionné ». Il s’agit donc, dans ses
politiques, depuis une vingtaine d’années, de porter davantage d’attention
aux institutions, aux hommes et à l’environnement, et moins aux grands
projets d’investissements physiques style barrage, industries lourdes,
infrastructures, etc.
Sources : Creditor Reporting System de l’OCDE et rapports annuels des institutions (base
calendaire ; dernières données disponibles -2013 et 2014-). ODI.
Les ONG
Les ONG internationales sont des organismes bénévoles privés qui
agissent à la fois dans les pays développés pour mobiliser des fonds et
sensibiliser l’opinion publique, et dans les pays pauvres pour participer au
développement économique et social. Elles agissent dans des domaines
très variés comme l’aide d’urgence en cas de famine, guerre, catastrophe
naturelle, ou bien dans la coopération directe sur le terrain : enseignants,
médecins, travailleurs sociaux, techniciens agricoles, etc. Elles s’efforcent
de développer l’autosuffisance et la participation des populations,
l’utilisation de produits et de matériels locaux, par exemple dans
l’alimentation et la construction, grâce à des technologies simples.
Elles comptent des spécialistes extrêmement dévoués et compétents
qui ont une connaissance approfondie du milieu où ils interviennent.
Leur rôle est irremplaçable dans le développement réel et la réalisation
de projets micro-économiques les plus variés. Les ONG sont très
nombreuses (l’OCDE en recensait 1 600 en 1980 et 4 500 en 1990 dans
les pays développés, mais elles seraient encore plus nombreuses dans le
tiers monde où on en dénombrait en 1997 près d’un million en Inde,
210 000 au Brésil et 15 000 en Thaïlande) et très diverses : organisations
confessionnelles, fondations privées, associations de bénévoles,
institutions spécialisées, organismes d’assistance mutuelle, etc. On peut
citer parmi les plus connues : OXFAM, CARE, ENDA, Action contre la
faim, MSF… Les ressources rassemblées par ces multiples ONG
atteignent des montants élevés (plus du dixième de la totalité de l’aide
officielle des pays riches) et en augmentation. Elles collaborent
fréquemment avec la Banque mondiale : elles étaient impliquées dans 6
% des projets financés par la Banque mondiale en 1988, 30 % en 1993,
et plus de la moitié depuis 1995. Mais leur action est surtout
importante dans les multiples contacts et la coopération quotidienne
qui s’établissent avec la population des pays pauvres127. Les plus grandes
ONG et fondations privées internationales sont principalement
américaines, anglaises et suisses : leur budget (entre plusieurs centaines
de millions et plus de deux milliards de dollars pour les plus grosses)
représente l’équivalent de l’aide publique au développement de certains
pays de l’OCDE (Italie, Danemark, Belgique ou Suisse pour les plus
grosses, Autriche, Irlande, Portugal, Grèce ou Nouvelle Zélande pour
les suivantes).
Le commerce équitable
Le marché du commerce équitable est en forte croissance depuis les
années 2000. Les ventes de produits labellisés Fairtrade (le label leader
mondial du commerce équitable) ont atteint 5,9 milliards d’euros en
2014, soit 10 % de plus qu’en 2013, mais elles représentent toujours une
part infime du commerce mondial. Par exemple les ventes de café
équitable (produit le plus emblématique de ce type d’échange) ont plus
que décuplé depuis 2000 (de 12 000 tonnes en 2000 à 123 200 tonnes en
2011), mais représentent moins de 2 % des exportations mondiales de
café. Le nombre de producteurs qui bénéficient du commerce équitable
est estimé à 1,5 million, dont 64 % en Afrique et au Moyen-Orient. La
moitié d’entre eux sont également certifiés « bio ». Les produits phares
du commerce équitable sont le café, le cacao, les bananes, le coton, le thé,
le sucre, et les fleurs. Les principaux marchés du commerce équitable
sont européens (notamment le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Suisse),
mais le marché américain est en forte croissance ainsi que de nouveaux
marchés Sud-Sud, y compris de pays producteurs qui vendent
directement chez eux (Afrique du Sud, Inde, Kenya).
Le commerce équitable consiste notamment à pratiquer des
conditions et des prix plus avantageux pour les producteurs du tiers
monde, destinés à leur permettre de mettre en œuvre des projets de
développement choisis par leurs communautés (services aux
producteurs, renforcement des coopératives…). Il s’agit d’un retour de la
notion de juste prix, un très ancien objet de débat, puisque l’Église au
Moyen Âge s’interrogeait déjà avec Saint omas d’Aquin sur la nécessité
de pratiquer un tel prix, favorisant à la fois les fabricants et les clients.
Les sceptiques du commerce équitable soutiennent que, s’il peut aider
certains producteurs, il ne peut le faire qu’au détriment des autres, et
surtout, s’il était généralisé, il aboutirait à une dégradation des conditions
de l’ensemble des producteurs. L’analyse économique des marchés a
montré depuis les classiques et les néoclassiques, depuis Adam Smith en
fait, que le seul prix « juste » était en réalité le prix d’équilibre du marché,
tout autre aboutissant à une restriction des quantités échangées, et donc
une restriction des productions et des revenus distribués (cf. figure 5.17).
Dans cette optique, le commerce équitable ressemble davantage à un
gadget, permettant de donner bonne conscience aux consommateurs
riches des pays développés, ou bien de favoriser l’image et le marketing
de nombreuses firmes de ces mêmes pays, qu’à un mécanisme efficace
pour le développement des pays pauvres. Le problème vient du fait que le
but du développement n’est pas de donner des satisfactions et de jolis
produits aux « bobos » de pays déjà noyés dans l’abondance, mais bien de
réduire la misère de masse dans les pays du Sud. Une misère que les
pratiques du commerce équitable, si elles étaient généralisées et selon
l’analyse économique, ne pourraient qu’aggraver.
Prix commerce équitable = Prix minimum commerce équitable (ie 140 centimes de $/livre depuis
2011) + Premium commerce équitable (ie 20 centimes de $/livre depuis 2011).
Lorsque le prix du marché de New York est supérieur au prix minimum commerce équitable (soit
supérieur à 140 centimes de $/livre depuis 2011), le prix commerce équitable = Prix du marché de
New York + Premium commerce équitable (ie 20 centimes de $/livre depuis 2011).
Source : Fairtrade foundation ; Raluca Dragusanu, Daniele Giovannucci, et Nathan Nunn, The
Economics of Fair Trade, Journal of Economic Perspectives, Volume 28, n° 3, 2014, pp. 220.
Le microcrédit et la microfinance
Le prix Nobel de la paix, décerné en 2006 au promoteur bangladais du
microcrédit, Muhammad Yunus, après l’année internationale du
microcrédit en 2005, a mis au devant de l’actualité le thème de la
microfinance. Il s’agit d’un cas de technique née au Sud, adaptée aux
besoins des pays pauvres, élargie maintenant au monde entier (y compris
les pays riches) et qui a connu un très grand succès (Yunus, 2008).
Le microcrédit est l’offre de petits crédits à des familles pauvres, sans
salaire régulier, pour des activités productives, qui génèrent des revenus,
le but étant de permettre aux pauvres de monter leurs très petites
entreprises. La microfinance est le microcrédit avec une clientèle plus
large et une gamme de produits plus étendue (plus seulement le crédit,
mais aussi l’épargne, l’assurance ou les transferts d’argent), le but étant
d’englober tous les exclus du système bancaire classique (parce qu’ils
n’ont pas de garanties ou d’emploi salarié) y compris dans les pays
développés.
La Grameen Bank de M. Yunus, « Banque des pauvres », n’est qu’une
des institutions de crédit de ce type : ONG, banques, coopératives,
associations, etc. La plupart des emprunteurs sont des femmes et se
trouvent en Asie du Sud (200 millions de clients de la microfinance dans
le monde en 2015, dont 80 % de femmes). Le paysage est très éclaté : plus
de 10 000 structures font de la microfinance, depuis les institutions de
microfinance (les fameuses IMF, qui sont aussi bien des banques de
microfinance, des ONGs, que des programmes des institutions
internationales) jusqu’aux banques commerciales. Ces dernières peuvent
prendre des participations dans les IMF, ou bien se lancer dans des
activités de microfinance en créant une filiale ou une offre dédiée.
Fleuron de la microfinance, la Grameen Bank (littéralement, la « Banque
des villages ») représente aujourd’hui plus de 8 millions d’emprunteurs
(dont 97 % de femmes), 2500 succursales qui prêtent dans 80 000 villages,
11 milliards de dollars prêtés, avec un taux de recouvrement affiché de
près de 99 %.
Les prêts sont soit des contrats individuels (comme des prêts
classiques, mais sur des petits montants et des délais très courts – de
quelques semaines à quelques mois –, soit des microprêts solidaires,
c’est-à-dire des petits prêts accordés à un groupe de personnes solidaires
pour le remboursement. L’idée est de limiter les défauts de paiement
individuels via la pression du groupe. Les taux d’intérêt sont plus élevés
que dans le système bancaire traditionnel notamment parce que la
gestion de très nombreux petits prêts induit des coûts de suivi et de
traitement élevés.
Les prêts octroyés, d’un montant réduit (quelques centaines d’euros)
sont destinés à lancer des activités variées (commerce, artisanat,
agriculture, services divers). Ils sont assortis de taux d’intérêt plutôt
élevés (30 à 70 % par an), mais destinés à des remboursements rapides et
en tout cas très inférieurs aux taux pratiqués par les usuriers (200 à 1000
% par an…) : « Un taux de 30 % par an pour un prêt de 500 euros sur six
mois, ce n’est jamais que 1,50 euro d’intérêt par semaine. Pour un petit
commerçant ce n’est pas cher payé si le prêt lui ouvre une opportunité.
Son souci premier n’est pas le taux, mais la rapidité d’accès au crédit. »133
La solution a pu sembler miracle car la microfinance s’avère
rentable : les grandes organisations de microcrédit affichent des
rentabilités des capitaux propres de plus de 20 %, ce qui explique
l’intérêt des banques commerciales pour la microfinance. L’introduction
en bourse de Compartamos, une grande IMF mexicaine en 2007,
symbolise le triomphe (controversé) de l’aspect commercial du
microcrédit. Mais en 2006 et en 2010 ont lieu des vagues de suicide
d’emprunteuses dans l’État d’Andhra Pradesh au sud de l’Inde (l’État
dont le taux d’IMF est le plus important au monde), alors que SKS
(l’une des principales IMF en Inde) venait d’être introduite en bourse.
Le gouvernement d’Andhra Pradesh accusa SKS d’avoir poussé ces
agricultrices au suicide par des pratiques de recouvrement agressives, et
imposa fin 2010 que les remboursements se fassent en présence
d’autorités élues, et que ceux pour lesquels le capital emprunté avait été
remboursé soient annulés. Des responsables politiques locaux accusent
notamment SKS et Spandana, les deux principales IMF indiennes, de
pratiquer des taux d’intérêt « usuraires ». Les taux affichés par les IMF
indiennes sont d’environ 2 % par mois (24 % sur l’année), soit dans le
bas de la fourchette des taux pratiqués dans le monde par les IMF. Mais
ils peuvent parfois être en réalité plus proches de 3 à 5 % par mois (36 à
60 %) en comptabilisant les frais d’entrée, de dossiers et d’assurance, soit
proches des taux des prêteurs privés. Cette crise met à jour une dérive à
laquelle la microfinance doit être de plus en plus attentive : le risque de
voir le microcrédit faire office de crédit à la consommation pour les
plus pauvres. L’ensemble des études d’impact s’accorde sur le fait que la
majeure partie des prêts octroyés sert à financer des dépenses de santé,
d’habitat ou d’éducation, et non des investissements productifs : la
population amortit les aléas de la vie et survit alors en passant d’un
crédit à l’autre (auprès d’amis, de prêteurs informels, mais aussi auprès
des IMF), et donc en se surendettant. Les IMF doivent donc apprendre
à leurs clients à maîtriser leur endettement. Pour cela, elles doivent
s’inquiéter de la situation d’endettement du client plus (ou au moins
autant) que de leur propre rentabilité. Il faut une réforme
institutionnelle des IMF, avec des mesures comme la mise en place d’un
fichier central des emprunteurs, mais également encourager les IMF qui
offrent les taux les plus bas.
Mais surtout le credo du microcrédit, qui voit un entrepreneur dans
chaque pauvre, ne correspond pas à la réalité. L’idée selon laquelle, si elle
a accès au crédit, toute personne pauvre peut devenir entrepreneur est
séduisante pour les banquiers, mais aussi pour les responsables
politiques qui y voient une alternative crédible aux politiques
d’assistance. « Une large partie des sommes empruntées est utilisée pour
des dépenses d’urgence de santé, d’alimentation ou d’amélioration de
l’habitat… Le microcrédit fonctionne plus comme un instrument de
survie que de lutte contre la pauvreté ou de création de richesses… Le
discours actuel repose sur un mythe, celui du “pauvre entrepreneur”, et
sur une vision erronée du marché. » (Isabelle Guérin).
D’une utilité limitée pour les uns, essentielle pour les autres134, la
microfinance a en tout cas l’avantage de se substituer à une structure
bancaire souvent défaillante pour les plus pauvres, puisqu’elle touche
environ deux-cent millions de personnes. « Le microcrédit permet
“d’élargir le champ du possible” pour les pauvres en finançant la
diversification de leurs activités, parfois de démarrer des investissements
sur du petit équipement… On observe des effets sur les revenus
familiaux, l’amélioration de l’habitat, la santé, les frais d’éducation… Les
effets peuvent ensuite faire tache d’huile et se traduisent par des
améliorations au niveau de l’économie locale... » (F. Doliguez).
Les théories
du commerce international et du
développement
Analyses dynamiques
Les effets du commerce international sur la croissance économique, au-
delà de l’allocation optimale des ressources, réalisée une fois pour toutes,
ont été analysés dès les débuts de l’école classique. Adam Smith
développe l’idée que le commerce international permet d’employer des
ressources productives, qui sans lui ne le seraient pas. Ainsi on se place
dans l’hypothèse d’un pays qui se situerait en deçà de sa courbe de
possibilités de production (passage de P1 à P2 dans la figure 6.1 de
l’encadré). Le commerce stimule la croissance économique en fournissant
un débouché pour de nouvelles productions : « Le commerce extérieur
entraîne cette part de surplus du produit de la terre et du travail pour
laquelle il n’y a pas de demande interne » (Richesse des Nations, 1776).
C’est la théorie dite du vent for surplus, littéralement du « débouché pour
le surplus », qui correspond au cas de la plupart des activités minières
dans les PED. L’exploitation de ressources exportables précédemment
oisives permet d’accroître la production et l’emploi, de distribuer des
revenus, de générer des investissements supplémentaires et donc une
accumulation de capital.
Figure 6.1
Figure 6.2
En isolement, le pays se trouve en A qui correspond à la courbe
d’indifférence la plus élevée possible (i1). Le pays consomme ce
qu’il produit. On suppose que le pays s’ouvre au commerce
international et que le rapport d’échange international entre Y et X
est exprimé par la droite T. La pente de cette droite dY/dX exprime
combien d’unités de Y s’échangent contre une unité de X. On
suppose que le pays se spécialise davantage en X où il a un
avantage comparatif, et produit maintenant au point B pour
lequel le rapport d’échange de Y en X correspond au rapport
d’échange international (T est tangente à la courbe P en B).
Dès lors la droite T va exprimer ses possibilités de consommation en
échange et le pays va choisir un point de consommation tel que C,
correspondant à la courbe d’indifférence la plus élevée possible (i2).
Grâce à l’échange international il a accru ses consommations de X et
Y par rapport à la situation d’isolement (C par rapport à A). Il se
trouve sur une courbe d’indifférence plus élevée. Le segment DB
représente la production exportée de X en échange d’une importation
DC du bien Y. Le modèle démontre ainsi la supériorité du libre-
échange sur l’isolement moyennant certaines hypothèses dont la
principale est la concurrence et la liberté de prix, qui permet le
déplacement de facteurs de production de Y en X et les modifications
relatives des prix.
• La prise en compte des transformations dues au temps dans le
modèle de statique comparative.
Figure 6.3
On suppose qu’au cours du temps un processus de croissance
économique a permis au pays de remplacer progressivement ses
importations de Y et que sa courbe de possibilités de production P’
soit maintenant plus favorable à la production de ce bien. Le pays
produit au point B’ et consomme au point C’ sur une courbe
d’indifférence plus élevée. Le rapport d’échange entre X et Y est
exprimé par la pente de la droite T’. On constate que le pays exporte
toujours le bien X mais qu’il obtient en contrepartie une quantité plus
élevée de Y (la pente de T’ est supérieure à la pente de T). Autrement
dit ses termes de l’échange se sont améliorés.
• Le cas de la croissance appauvrissante
La croissance appauvrissante correspond à un cas particulier
(présenté par Bhagwati en 1958135) de statique comparative où un
pays développe sa production exportée à tel point que la dégradation
des termes de l’échange qui s’ensuit aboutit à une situation plus
défavorable (les consommations des deux biens sont inférieures après
le phénomène de croissance de la production !). Ceci n’est possible
que pour un pays dont les exportations dominent le marché
international (cas du Brésil et des exportations de café dans les
années 1930).
Le pays part du point de production B et de consommation C, il
exporte DB de X pour obtenir DC de Y. La croissance entraîne un
déplacement de sa courbe de possibilités de production de P en P’. La
production correspond maintenant au point B’, mais ses termes de
l’échange se sont détériorés de telle façon qu’il doit maintenant
exporter la quantité D’B’ de X pour n’obtenir que la quantité D’C’ de
Y. Ses consommations se situent donc en C’, en dessous de C, et sur
une courbe d’indifférence collective i2 inférieure.
Figure 6.4
Le courant de la régulation
On peut rattacher ce courant à l’école structuraliste du développement.
En effet, les régulationnistes partent d’une critique des néoclassiques
mais aussi de l’analyse marxiste orthodoxe, et se réclament d’un
keynésianisme rénové et de l’institutionnalisme. Il s’agit d’expliquer
l’évolution de l’économie mondiale grâce à de nouveaux concepts tels que
régulation monopoliste, fordisme, taylorisme, dépossession,
accumulation intensive.
Le capitalisme est passé d’une régulation concurrentielle au XIXe siècle,
avec accumulation extensive du capital, à une régulation monopoliste au
XXe, où les salaires et les transferts sociaux suivent la productivité et
permettent la consommation de masse en procurant des débouchés à la
production. En même temps, sous l’effet de l’organisation scientifique du
travail (taylorisme), a lieu une accumulation intensive (gains de
productivité plus élevés que dans le mode extensif ) qui s’accompagne
d’une dépossession des capacités techniques et de l’autonomie ouvrières
(tâches répétitives, travail parcellisé). Ainsi, Gramsci notait déjà dans les
années trente que le taylorisme consistait à « développer les
comportements automatiques et mécaniques du travailleur et briser ses
attaches avec les tâches nobles réclamant intelligence, imagination et
initiative. »
La combinaison de ces deux éléments est appelée fordisme qui prend
la forme du « fordisme périphérique » dans le tiers monde. Cependant le
fordisme entre en crise après 1973 pour diverses raisons : baisse de la
productivité liée à l’appauvrissement des tâches, baisse du taux
d’exploitation et donc du taux de profit, saturation des ménages en biens
durables, qualifiés de « fordiens ». Une sortie de crise possible résiderait
dans l’apparition d’un « néofordisme » caractérisé par une nouvelle
organisation du travail plus flexible avec une main-d’œuvre plus qualifiée.
Le courant régulationniste ne propose pas de théorie unique
expliquant l’évolution des échanges. On peut retenir la théorie de la
domination imposée à travers la production de biens d’équipement. Les
nations dominantes dans les échanges seront celles qui produisent et
exportent les biens de production (USA, Allemagne, Japon). Les autres
pays importateurs de ces biens seront dans la dépendance des premiers.
En outre, les biens de capital qui permettent la production des autres
biens, conçus par et pour le Centre, véhiculent avec eux un type de
société qui est imposé au monde entier.
Les auteurs régulationnistes abordent aussi le phénomène
d’industrialisation dans le tiers monde. Celle-ci prend la forme tout
d’abord d’une « taylorisation primitive » ou « sanguinaire » (Lipietz, 1985),
caractérisée par une exploitation forcenée du travail dans des pays comme
les Philippines ou la Thaïlande. Certains pays cependant accèdent à un «
fordisme périphérique » (Corée du Sud, Brésil, Mexique) caractérisé par «
un capitalisme local devenu une force significative… et une classe
moyenne en augmentation accédant à la consommation de presque tous
les biens durables » (ibid.). Hélas, ce fordisme est entré lui aussi en crise
dans les années 1980 avec la montée de l’endettement, les politiques des
pays développés (« le monétarisme central ») et les mesures
protectionnistes, si bien que, selon Lipietz : « s’il y a une extension
mondiale du fordisme, cette extension est celle de la crise du fordisme ».
Apparemment les pays en crise ne se portent pas trop mal, puisqu’ils ont
continué à se développer depuis ces sombres annonces, rejoints d’ailleurs
en cela par deux éléphants, la Chine et l’Inde.
Les remèdes proposés sont beaucoup plus vagues que dans le cas des
autres tendances structuralistes. Ainsi il n’est pas fait référence au
protectionnisme et à la stratégie d’ISI dont les échecs sont dénoncés. On
peut retenir les propositions suivantes :
Les unes assez concrètes de « keynésianisme mondial » ou de plan
Marshall pour le tiers monde, accompagnées d’un renforcement du rôle
des organismes internationaux (FMI, CNUCED, etc.) dans le cadre d’un
nouvel ordre économique international (cf. ch. 5). Une idée essentielle est
que la crise d’après 1973 serait en partie la conséquence de l’interférence
du secteur externe non contrôlé avec la régulation monopoliste
nationale. Il faudrait donc passer à une régulation supranationale, qui
serait orchestrée par des organismes internationaux aux pouvoirs accrus,
pour retrouver la voie de la croissance.
D’autres propositions sont beaucoup plus floues, avec un emploi
fréquent du qualificatif « nouveau » : « inventer un nouveau modèle
d’industrialisation, de nouveaux modes de consommation, de nouvelles
relations sociales… rechercher dans l’égalité et le partenariat des voies
nouvelles permettant une sortie progressiste de la crise du fordisme »
(Lipietz), ou encore « restaurer les capacités techniques autonomes,
montrer une alternative concrète au productivisme ambiant… créer les
cultures vernaculaires capables de nous désengager de l’idéologie de la
rareté » (Norel, 1986).
La critique principale qu’on peut faire à la thèse régulationniste sur le
tiers monde est de concentrer ses attaques sur les PED à économie de
marché, particulièrement ceux où règne la « taylorisation sanguinaire »,
sans voir que celle-ci s’accompagne de croissance et peut être le préalable à
une réduction du chômage et des inégalités, une amélioration des niveaux
de vie et des indicateurs sociaux, comme cela s’est passé en Corée du Sud
ou à Taiwan. Ian Little note ironiquement dans ce sens : « le résultat de la
surexploitation a été pour le prolétariat une hausse rapide de la
consommation, accompagnée de plein-emploi ! »
En revanche peu d’attention est portée aux erreurs des politiques
économiques de nombreux pays socialistes (collectivisation hâtive,
centralisme excessif, refus des investissements étrangers, ponctions sur la
paysannerie, échecs agricoles) qui ont mené tout droit à des situations
catastrophiques et à la plus grande misère pour le peuple (Guinée,
Éthiopie, Birmanie, Madagascar, parmi beaucoup d’autres). Il est vrai que,
comme le reconnaît Lipietz, « les voies de développement qui ont le
mieux “réussi” ne furent pas celles que nous avions espérées »…
Autrement dit : Il faut bien reconnaître que certains pays ont réussi à se
développer (la Corée du Sud, Taiwan), malgré les guillemets, et les voies
que nous avions préconisées ont mené à des impasses.
La théorie de l’impérialisme
On peut définir l’impérialisme avec Bill Warren (1980) comme « la
pénétration et l’extension du système capitaliste dans les régions non
capitalistes, ou à capitalisme primitif, du monde ». La théorie de
l’impérialisme a été élaborée par des auteurs marxistes ou sociaux-
démocrates dans les années 1900 et 1910, comme Rudolf Hilferding,
Rosa Luxemburg, Nicolas Boukharine et Lénine, à partir du livre
fondateur de John Hobson (Imperialism) en 1902. L’impérialisme est lié à
l’évolution du capitalisme : l’exploitation des pays pauvres devient
nécessaire à sa survie. En effet, d’une part le capitalisme a constamment
besoin de nouveaux débouchés extérieurs, d’autre part il peut rétablir à
l’extérieur des profits déclinants.
L’échange inégal
Cette thèse, développée par Arghiri Emmanuel en 1969, a connu un très
grand retentissement et a été reprise, ou contestée, par de nombreux
auteurs. L’échange inégal, à l’origine de l’inégalité croissante entre les
nations, est l’échange de biens qui incorporent des quantités de travail
différentes. Ainsi quand un produit du Centre s’échange contre un
produit de la Périphérie, au même prix (ce qui rend l’échange en
apparence équitable), le premier incorpore une heure de travail, le
second, par exemple, dix, du fait des énormes différences de salaires.
Comme le travail donne sa valeur aux marchandises, le premier bien
s’échange contre un bien qui a plus de valeur que lui. Emmanuel suppose
le capital mobile entre les pays, et donc les taux de profit égaux, alors que
le travail est immobile, ce qui explique les écarts des salaires.
Pour Emmanuel, le transfert de valeur ainsi opéré vers le Centre
bénéficie aux capitalistes sous forme de surprofits, mais aussi à la classe
ouvrière sous forme de sursalaires. Donc celle-ci participe à et bénéficie
de l’exploitation du tiers monde, elle est largement embourgeoisée, et le
tiers monde ne doit rien en attendre pour sa libération. Il n’y a pas
d’internationalisme prolétarien. Cette thèse a été critiquée par des
marxistes comme Bettelheim pour qui l’exploitation a lieu entre classes
dans chaque pays et non pas entre nations. Les écarts de salaires sont
imputables aux écarts de productivité, eux-mêmes dus aux ressources en
capital technique et humain de chaque pays et non à des transferts de
valeur. Amin reprend cette critique et tente de compléter la théorie de
l’échange inégal en introduisant les différences de productivité : « il y a
échange inégal lorsque l’écart des salaires est supérieur à celui des
productivités ».
D’autres critiques ont été faites de la théorie de l’échange inégal :
• Tout d’abord on peut remarquer que les différences de salaires
existent aussi entre pays développés, sans qu’on parle d’échange
inégal.
• Ensuite, l’utilisation du concept marxiste de valeur au lieu des prix
présente des difficultés de mesure, car il y a impossibilité de passage
de l’un à l’autre.
• Paul Samuelson, en reprenant les schémas d’Emmanuel, conclut qu’il
ne s’agit que d’une « reformulation tautologique » de la constatation
bien banale qu’il existe des différences de salaires entre le Nord et le
Sud, et que sa thèse ne remet pas en question les gains de l’échange
dus au commerce international. Ces conclusions sont ainsi résumées
par James Riedel : « les perspectives néomarxistes ne sont ni
empiriques, ni théoriques, mais théologiques… Le commerce entre
pays riches et pays pauvres est exploiteur par définition ».
• Enfin, pour que l’échange cesse d’être inégal, il faudrait supposer que
les salaires soient ramenés au même niveau entre les pays du Nord et
du Sud, ce qui entraînerait la hausse des prix des marchandises
exportées par le Sud. Il est bien évident que ceci provoquerait une
chute massive des quantités exportées et un accroissement
considérable du chômage et de l’inflation dans les PED.
Il est certes injuste que les salaires soient si faibles dans le tiers
monde, mais c’est la conséquence directe du sous-développement et des
faibles productivités. L’augmentation des salaires doit aller de pair avec la
hausse de la production, c’est-à-dire avec le développement. Arthur
Lewis remarquait ainsi que la pauvreté des pays tropicaux était liée à leur
faible productivité, elle-même conséquence d’une moindre accumulation
du capital, et non aux conditions de l’échange : « la cause principale de la
pauvreté de l’Inde ne réside pas dans ses termes de l’échange, mais dans
le fait qu’un fermier indien ne produit qu’un onzième de ce que produit
un fermier américain ».
On peut accepter l’idée que l’échange soit inégal et qu’il y ait
exploitation des travailleurs du tiers monde, puisque les salaires y sont très
bas. Ainsi il est clair que les consommateurs occidentaux bénéficient des
bas prix des marchandises importées du tiers monde et participent de ce
fait à cette exploitation. Cependant cet échange inégal constitue
normalement un avantage concurrentiel pour le tiers monde, sur lequel ce
dernier peut asseoir son développement. L’absence de possibilités
d’échanges et d’emplois pour les PED serait encore bien pire. Marx notait
déjà que l’exploitation des pays pauvres par les pays capitalistes était
compatible avec le fait que les deux parties tirent un gain de l’échange ; idée
reprise par Joan Robinson dans sa formule célèbre : « La misère d’être
exploité par les capitalistes n’est rien comparée à la misère de ne pas être
exploité du tout ».
Politiques de développement
Chapitre 7
L’agriculture et le développement
Source : FAO.
Source : FAO.
La ferme africaine
Ce n’est pas celle de Karen Blixen, mais la ferme typique africaine, vue
dans une publication de la Fondation Rockefeller :
« Prenons le cas typique d’un petit paysan africain, parmi les
180 millions répartis dans la région subsaharienne. Elle (beaucoup
sont des femmes, pratiquement la plupart à la tête d’une famille
individuelle) cultive un hectare de terre, la taille d’un pâté de maison
dans une ville américaine. La ferme est largement une entreprise de
subsistance. Les bonnes années, le faible surplus peut être échangé ou
vendu localement, mais il n’y a probablement pas d’entrepôt ni
d’entreprise alimentaire pour traiter la récolte en excédent, en
prévision d’une vente future, et le transport vers les marchés urbains
sur de mauvaises routes peut être difficile, coûteux, absorbant un
temps précieux, et parfois dangereux. Il n’y a pas d’irrigation et
probablement peu ou pas d’engrais chimiques ; la terre dépend de la
nature pour l’eau et les rendements. Les mauvaises années, dues à une
combinaison de maladies des plantes, d’insectes nuisibles, d’érosion,
de sécheresse, ou d’autres dégâts provoqués par le climat, le
producteur et sa famille auront faim. Cette existence précaire n’est ni
rare ni un cas extrême, selon les normes subsahariennes : 60 % des
Africains travaillent dans le monde rural et les trois cinquièmes de leur
ferme sont petites et destinées surtout à la survie. La moitié de la
population en Afrique noire gagne l’équivalent de 65 cents par jour en
moyenne.
Dans cette ferme typique, les enfants représentent une part essentielle
de la force de travail. S’ils ont de la chance, ils peuvent aller à l’école
quelques heures par jour, mais la plupart des fermes familiales ont
besoin de tous les bras. De longues journées de travail en position
courbée, une nourriture maigre, des maladies rampantes comme la
tuberculose, le paludisme, le SIDA, tout cela fait peser une menace
constante sur l’exploitation, sur la survie du groupe, et explique la
brièveté de la durée de vie. Avec peu de qualification et pas de
d’argent disponible, les jeunes ont peu de chances de pouvoir migrer
vers la ville et d’y trouver un emploi non agricole. S’ils atteignent l’âge
adulte, la plupart devront démarrer une nouvelle exploitation, soit sur
un petit lopin de terre reçu de leur famille, soit en étendant les
cultures sur une terre plus à l’écart, et le plus souvent d’une façon peu
efficace et peu durable.
La principale raison de cette inefficacité est que la grande majorité des
cultures dans les petites fermes ne sont pas des variétés à haut
rendement, à la différence des autres continents. Une petite exploitation
africaine a trois fois moins de chances d’utiliser de telles plantes qu’en
Asie. Ainsi, la seule façon de produire plus et de mieux faire vivre les
familles est de cultiver une surface plus grande. Mais cette nécessité
implacable permet d’entrevoir une opportunité : si de meilleures
semences pouvaient atteindre le paysan, avec les techniques qui vont
avec pour les utiliser, l’inefficacité et le risque de pénuries pourraient être
réduits ou éliminés. Avec le temps, la ferme pourrait passer de la
subsistance au surplus, et l’excédent récolté pourrait devenir disponible
pour la vente, localement ou régionalement. Des rendements encore
supérieurs pourraient provenir de meilleurs engrais, étant donnée la
combinaison correcte de semences, de sol et de fertilisants
supplémentaires. »
Extrait de Africa’s Turn, A New Green Revolution for the 21st Century, The
Rockefeller Foundation, juillet 2006.
L’agriculture de grandes propriétés (latifundios), caractéristique de
l’Amérique latine, et héritée de la colonisation ibérique, correspond au
cliché traditionnel de la grande exploitation employant des salariés
agricoles, où le rendement est faible et le propriétaire absentéiste. La
répartition des terres est très inégale ; la forte concentration à un bout
de l’échelle implique à l’autre extrême un grand nombre de très petites
propriétés, les minifundios, encore moins rentables, et de travailleurs
saisonniers dépourvus de terres. Au Brésil, près de la moitié du domaine
agricole est possédé par seulement 1 % des exploitants (contre 15 % en
France) et plus de 50 % des paysans possèdent moins de 3 % des terres158.
Cette concentration excessive est peu favorable à l’efficacité et explique
la nécessité de redistribuer les terres (cf. infra, réformes agraires). Des
études précises (cf. Ghatak, 1987) ont montré que la taille des
exploitations est en relation inverse avec le rendement. Les petits
exploitants tendent en effet à utiliser le travail de façon plus efficace, sur
une base familiale. Ils sont également plus motivés que les employés
d’une grande exploitation. Enfin, en cas de difficulté, ils commencent
par revendre au grand domaine leurs terres moins fertiles.
Le rôle de l’agriculture
dans le développement économique
Relations entre l’agriculture et les autres secteurs
Kuznets distingue quatre voies par lesquelles l’agriculture concourt au
développement économique : les produits, le marché, les devises et les
facteurs de production.
• Produits : l’agriculture fournit la nourriture permettant d’alimenter tous
les travailleurs des secteurs secondaire et tertiaire, elle produit
également les matières premières qui seront transformées par
l’industrie. Une agriculture productive fournira des produits agricoles
bon marché, et réduira ainsi les coûts salariaux, ce qui permettra de
faciliter l’accumulation du capital dans les autres secteurs. Si au
contraire la productivité agricole stagne, les prix alimentaires vont
s’élever, ce qui entraînera la hausse des salaires nominaux et la baisse des
profits et de l’investissement industriel. Par ailleurs, la croissance rapide
de la production agricole aura un effet déterminant sur la croissance du
PIB, dans la mesure où l’agriculture reste le secteur dominant dans
l’économie.
• Marché : le secteur agricole doit être à l’origine d’une demande de
produits industriels et de services. Là encore la prospérité de
l’agriculture est nécessaire pour fournir des débouchés croissants à
l’industrie. La hausse de la productivité doit permettre l’amélioration
des revenus du monde paysan et donc l’accroissement de sa
consommation.
• Devises : les produits agricoles constituent l’essentiel des exportations
dans les premières phases du développement, et fournissent les
devises nécessaires à l’importation des machines et matières
premières dont l’industrie a besoin. L’agriculture peut également
économiser des devises en produisant des denrées auparavant
importées. Un échange fructueux tripartite se met alors en place :
l’agriculture fournit des devises, lesquelles permettent d’acquérir des
machines pour l’industrie, qui produit alors des biens manufacturés
pour les paysans.
• Facteurs de production : l’agriculture fournit de la main-d’œuvre aux
autres secteurs, dans un premier temps parce qu’il existe un surplus
de main-d’œuvre à faible productivité (cf. ch. 3), et ensuite grâce à
l’amélioration continue de la productivité. Le déplacement de
travailleurs agricoles vers des activités à productivité plus élevée doit
avoir un effet favorable sur la croissance.
D’autre part, l’agriculture génère également une épargne pour le reste
de l’économie. Comme il s’agit du secteur dominant, il est clair que
l’épargne totale proviendra en grande partie de l’agriculture, et que c’est elle
qui permettra les investissements dans les autres activités. Comment cette
épargne sera-t-elle transférée ? Elle peut l’être volontairement si les revenus
des agriculteurs sont suffisants et si les réseaux de collectes le permettent,
ce qui est peu probable. Le plus souvent, il s’agit d’une épargne forcée
imposée par les gouvernements par différentes méthodes : impôts et taxes,
fixation autoritaire des prix aux producteurs à des niveaux faibles, et même
confiscation pure et simple de la production. Ces différents moyens
permettent de transférer le surplus agricole vers les secteurs plus
dynamiques de l’économie. Pour Kuznets, « un des problèmes cruciaux de
la croissance économique moderne est d’arriver à extraire du produit
agricole un surplus pour le financement de l’investissement industriel, sans
briser en même temps la croissance de l’agriculture ». Malheureusement,
certains pays sont allés trop loin dans cette ponction sur l’agriculture, et ils
ont effectivement stoppé la croissance agricole et avec elle celle de
l’économie dans son ensemble.
Source : FAO.
La transformation de l’agriculture
traditionnelle
Ester Boserup (1970) affirme que la pression démographique, et donc la
limitation des terres disponibles, pousse les agriculteurs à modifier leurs
méthodes de production. Ainsi l’agriculture traditionnelle qui pratique
surtout une culture extensive (où, pour augmenter la production, on met
en culture de nouvelles terres sans changer les techniques), doit passer à
une culture intensive (où, sur une même terre, on produit plus grâce à des
techniques améliorées). Giri (1986) explique ainsi très bien, dans le cas du
Sahel, que les paysans africains n’ont pas, jusqu’à maintenant, éprouvé le
besoin de changer leurs techniques, par exemple en adoptant l’araire, ou
la culture attelée, disponible sans doute depuis le Xe siècle grâce aux
contacts avec les Arabes, parce que l’abondance des terres rendait ces
techniques inutiles. Aujourd’hui, cette abondance n’est plus, et l’adoption
de méthodes de culture intensive est nécessaire.
Une théorie voisine soutient que les changements et les innovations
dans le secteur agricole sont provoqués par les variations dans les
rapports de prix des facteurs de production, dépendants de leur rareté
relative. Ainsi, lorsque la terre devient rare par rapport au travail, son
prix relatif s’élève, induisant l’adoption de procédés qui utilisent moins de
terres pour la même production, c’est-à-dire des méthodes plus
productives accroissant les rendements. C’est la théorie du changement
institutionnel induit (sous-entendu par les variations des prix relatifs des
facteurs), développée par Hayami et Ruttan en 1971. Elle peut s’appliquer
à d’autres facteurs de production : Ghatak (1987) donne les exemples de
l’agriculture américaine, qui a substitué des machines au travail, à la suite
de la hausse du coût de la main-d’œuvre, et du Japon, où la rareté de la
terre a entraîné des innovations biologiques. De même, la révolution
verte dans le tiers monde, qui a permis d’accroître les rendements grâce à
de nouvelles variétés de céréales et l’utilisation accrue des engrais, des
machines et de l’irrigation, est la réponse adoptée par de nombreux pays
pour faire face à l’augmentation de la population et la rareté croissante
des terres.
Note : Les États-Unis concentrent, à eux seuls, 70 % des surfaces cultivées en OGM, suivis par
l’Argentine (14 %) et le Canada (10 %). Le soja (huile, farines pour l'alimentation animale) occupe
54 % de ces surfaces, devant le maïs, le colza et le coton.
Source : FAO, Solagral/Unesco.
Asie (sauf Moyen Orient) 2 201 202 7 101 807 70,4 145,7
Source : FAO.
Les VHR ont été adoptées très rapidement, d’autant que leur coût
d’acquisition était faible puisque les pays concernés étaient déjà
importateurs de blé. Il s’agit là d’un exemple de transfert de technologie
quasiment gratuit. Au Pendjab indien, la surface plantée représentait 3,6
% des terres en 1966-67 et 65,6 % en 1969-70 ; au Pakistan, 73 % des
terres à blé étaient ensemencées de variétés mexicaines dès 1970, en
Colombie elles représentaient 10 % des terres en 1966 contre 99 % en
1974, et aux Philippines les nouvelles variétés de riz avaient été adoptées
par 60 % des paysans en 1969 (Ruttan, 1977). Les rendements se sont
accrus rapidement ainsi que la production globale. Par exemple, la
production céréalière a augmenté de 5 % par an en moyenne en
Indonésie et en Corée entre 1971 et 1984, et de 4,5 % aux Philippines et
au Pakistan. L’Inde, dont la population a doublé entre 1960 et 1985 pour
atteindre 765 millions d’habitants, fait face à ses besoins, alors que seule
l’aide américaine lui avait permis d’éviter une famine majeure en 1965-66.
Dans la période récente, la forte augmentation des rendements depuis les
années 2000 dans les pays à faible revenu est concomitante à la forte
réduction de l’extrême pauvreté, tout en ne l’expliquant pas
exclusivement bien entendu (cf. figure 7.12).
Les critiques qui ont été faites à la révolution verte portent sur
trois points :
• Tout d’abord elle entraînerait une dépendance accrue vis-à-vis de
l’extérieur. Les VHR sont produites en laboratoire à l’étranger et
réclament davantage d’engrais et de machines, qui doivent être
importés. Elle serait aussi un moyen pour l’agrobusiness et les FMN des
pays capitalistes de contrôler la production des PED : « ce ne sont pas
les nouvelles semences qui furent miraculeuses, mais l’expansion de
l’agrobusiness… dans le tiers monde » (FAO).
• Ensuite l’utilisation accrue des machines serait un facteur de
chômage, selon Yves Lacoste (1976) : « la “révolution verte”,
magnifique réussite technique,… multiplie les chômeurs… le progrès
leur a fait perdre ce qui était leur gagne-pain ».
• Enfin, la révolution verte accroîtrait les inégalités régionales et
sociales : certaines régions se développent plus vite grâce à des
conditions initiales favorables, d’autres restent en arrière (le Pendjab
face au Bihar en Inde). Elle mènerait à une concentration des
richesses et du pouvoir car l’adoption des nouvelles semences, comme
on l’a vu, implique irrigation et engrais, accessibles seulement aux
fermiers et propriétaires les plus riches : « La révolution verte enrichit
les riches et appauvrit les pauvres » écrivait le directeur de la FAO en
1973.
Les critiques se sont cependant atténuées par la suite et la révolution
verte n’était plus gère contestée dès les années 1980.
• D’abord il est apparu que les effets favorables de l’autosuffisance sur
les balances commerciales compensaient largement la croissance des
importations de matériel et d’engrais. Ensuite elle a entraîné dans son
sillage le développement d’activités connexes, et facilité
l’industrialisation, comme le note Étienne : « l’essor des céréales
soutenu par les progrès de l’irrigation, des semences, de l’engrais…
provoque ou accompagne des réactions en chaîne : construction de
routes en dur, électrification, intensification accrue de l’économie
rurale avec la culture des légumes, l’élevage, la production laitière, de
petites industries, le commerce ». De même une observatrice de la
révolution verte au Pakistan note « qu’un de ses aspects les plus
remarquables a été l’effet d’entraînement de l’agriculture sur la petite
industrie dispersée loin des vieux centres industriels urbains ».
• Ensuite elle a été adoptée aussi bien par les petits que par les gros
fermiers, et, loin de « multiplier les chômeurs », elle a multiplié les
emplois. Une caractéristique reconnue de la révolution verte est
qu’elle est accessible aux grandes comme aux petites exploitations, car
les nouveaux inputs – les semences – sont divisibles à l’infini. En
termes techniques, la nouvelle technologie est neutre relativement à
l’échelle de production. Depuis les années 1970, en Inde, les petits
fermiers ont commencé à adopter rapidement les nouvelles
technologies, « ils ont réalisé les mêmes performances que les gros en
ce qui concerne 1) le pourcentage des fermes utilisant les VHR, 2) la
proportion des terres ensemencées et 3) l’intensité d’engrais employés
par hectare »172. La nouvelle technologie a conduit à une utilisation
accrue de main-d’œuvre même dans les exploitations mécanisées. Il
faut davantage de travailleurs pour « préparer les champs, répartir
l’engrais et les pesticides, sarcler, moissonner et battre le blé » (Elkan,
1976). La mécanisation a progressé en Inde et au Pakistan, où les
tracteurs ont commencé à se répandre dans les années 1960, mais
sans se substituer à la main-d’œuvre. En fait mécanisation et
accroissement de l’emploi sont allés de pair, car les tracteurs, qui
peuvent réaliser des labours profonds en saison sèche, permettent
plusieurs récoltes par an. Les tracteurs, plus efficaces, sont plutôt
concurrents du bétail. Ce dernier présente cependant de nombreux
avantages pour les pays pauvres : il ne tombe pas en panne, ne
consomme pas de carburant ni de précieuses devises, et fournit des
engrais !
• Il est vrai, enfin, que la révolution verte a accru les écarts de revenus
entre les paysans et entre les régions. Il est certain que les gros
propriétaires en ont davantage bénéficié que les petits ou les tenanciers
et les salariés agricoles. Les plus riches ont pu investir davantage, ils ont
eu un meilleur accès au crédit et, mieux éduqués, ils étaient plus
ouverts aux nouvelles méthodes. Cependant le niveau absolu des
revenus s’est amélioré pour tous. Globalement, la demande de main-
d’œuvre s’est accrue dans les zones touchées par la révolution verte, et il
en est résulté une hausse des salaires et des revenus réels. L’emploi s’est
élargi et la pauvreté a reculé. Comme le constate une paysanne, près de
New Delhi : « Les choses ont changé. Il y a 40 ans, il n’y avait pas de
routes dans le village. Il n’y avait pas d’eau potable. Nous utilisions les
bœufs, maintenant nous avons des tracteurs. Les vêtements étaient faits
à la main, maintenant ils viennent de la fabrique. » Un effet favorable
sur la répartition des revenus au niveau national, et non plus au sein du
monde rural seulement, a été la baisse relative des prix des céréales.
L’augmentation rapide de l’offre de riz et de blé a entraîné une hausse
moins forte de leur prix par rapport aux autres denrées, qui a bénéficié
aux consommateurs les plus pauvres. Les schémas inégalitaires n’ont
pas été créés par la révolution verte. Dans les pays caractérisés par une
répartition plus équitable des terres comme en Corée ou à Taïwan, la
nouvelle technologie n’a pas entraîné de renforcement des disparités.
On peut donc penser que des réformes agraires auraient pu enrayer les
aspects négatifs de la révolution verte.
Source : FAO.
Source : FAO.
Note : Sont prises en compte les émissions de la combustion d'énergie fossile pour un usage final
(transport, chauffage...) ou non (production d'électricité, raffinage de pétrole...). Ces données
sont estimées par l'AIE sur la base des bilans énergétiques.
Source : Agence internationale de l’énergie, septembre 2014.
Figure 7.19 : Émissions de CO2 dues à l’énergie par rapport au PIB
dans le monde
L’industrialisation
L'Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI) classe, outre les
« économies industrialisées », les « économies industrielles émergentes et en voie de
développement » en trois sous-catégories :
(1) Pays et économies industriels émergents : Afrique du Sud, Chili, Île Maurice, Pologne, Ukraine,
Arabie saoudite, Chine, Inde, Roumanie, Uruguay, Argentine, Chypre, Kazakhstan, Serbie,
Venezuela, Biélorussie, Colombie, Lettonie, Suriname, Brésil, Costa Rica, Macédoine, Thaïlande,
Brunei, Darussalam, Croatie, Mexique, Tunisie, Bulgarie, Grèce, Oman, Turquie. (2) Autres pays et
économies en développement : Albanie, Rép. démocratique de Corée, Honduras, Mongolie,
République dominicaine, Algérie, Côte d'Ivoire, îles Cook, Monténégro, Réunion, Angola, Cuba,
îles Marshall, Montserrat, Saint-Christophe-et-Niévès, Anguilla, Dominique, Irak, Namibie, Sainte-
Lucie, Antigua-et-Barbuda, Égypte, Rép. islamique d'Iran, Nicaragua, Saint-Vincent-et-les
Grenadines, Arménie, El Salvador, Jamaïque, Nigeria, Seychelles, Azerbaïdjan, Équateur, Jordanie,
Ouzbékistan, Sri Lanka, Bahamas, Fidji, Kenya, Pakistan, Swaziland, Barbade, Gabon, Kirghizstan,
Palau, Tadjikistan, Belize, Géorgie, Liban, Panama, Tonga, État plurinational de Bolivie, Ghana,
Libye, Palestine, Trinité-et-Tobago, Bosnie-Herzégovine, Grenade, Maldives, Papouasie, Nouvelle-
Guinée, Turkménistan, Botswana, Guadeloupe, Maroc, Paraguay, Viet Nam, Cameroun,
Guatemala, Martinique, Pérou, Zimbabwe, Cap-Vert, Guinée équatoriale, Micronésie, États
fédérés de Philippines, Rép. du Congo, Guyane, Rép. de Moldova, République arabe syrienne. (3)
Pays et économies les moins avancés : Afghanistan, Érythrée, Libéria, République centrafricaine,
Tchad, Bangladesh, Éthiopie, Madagascar, Rwanda, Timor-Leste, Bénin, Gambie, Malawi, Samoa,
Togo, Bhoutan, Guinée, Mali, Sao Tomé-et-Principe, Tuvalu, Burkina Faso, Guinée-Bissau,
Mauritanie, Sénégal, Vanuatu, Burundi, Haïti, Mozambique, Sierra Leone, Yémen, Cambodge, îles
Salomon, Myanmar, Somalie, Zambie, Comores, Kiribati, Népal, Soudan du Sud, Rép.
démocratique du Congo, Rép. démocratique populaire Lao, Niger, Soudan, Djibouti, Lesotho,
Ouganda, Tanzanie.
Source : ONUDI.
Source : ONUDI.
Source : ONUDI.
Source : F. Tregenna, Deindustrialisation, Structural Change and Sustainable Economic Growth, Inclusive
and Sustainable Industrial Development Working Paper Series, WP 02/2015. Vienna: United
Nations Industrial Development Organization, 2015 ; ONUDI.
Source : ONUDI.
Avantages de la SE
Ils sont résumés ainsi par Bela Balassa (1989) : « Les politiques de
promotion des exportations conduisent à une allocation des ressources
conforme à l’avantage comparatif, permettent une plus grande utilisation
des capacités de production, l’exploitation d’économies d’échelle,
entraînent des améliorations technologiques face à la concurrence
externe et contribuent à accroître l’emploi ». Revenons plus en détail sur
ces divers effets positifs, et quelques autres :
• Le premier avantage est certainement la diversification des
exportations, gage de stabilité à court terme et d’accroissement à long
terme des recettes en devises.
• Le marché n’est plus limité aux frontières nationales et la croissance
des ventes par celle de la demande intérieure, comme avec l’ISI. Les
entreprises peuvent atteindre la taille minimale pour réaliser des
économies d’échelle. La seule restriction viendrait d’un effondrement
peu probable du commerce international ou de la menace bien réelle
de mesures protectionnistes sévères des pays riches. Les tentations
sont évidentes, comme on le voit en France, certains envisageant une
sorte de repliement dans les frontières nationales ou celles de l’Union
européenne.
• Avantages dus à la concurrence et à l’absence de contrôles
administratifs : « les prix mondiaux ne peuvent pas être administrés,
on ne peut mettre en place des contrôles quantitatifs, et des taux de
change réalistes doivent être pratiqués » (Krueger, 1988).
• La SE a des effets favorables sur l’emploi, et donc sur la répartition des
revenus, car les exportations nouvelles sont plus susceptibles
d’absorber la main-d’œuvre que les investissements dans le
remplacement des importations. Cela est évident pour les pays
asiatiques par exemple qui ont accru les exportations basées sur une
main-d’œuvre bon marché. On peut compter également sur des effets
d’apprentissage favorables.
• Enfin, la stratégie d’exportation a des effets bénéfiques sur la balance
des paiements et l’endettement, en permettant des gains en devises
supérieurs aux économies de devises réalisées par les stratégies d’ISI.
Autrement dit la valeur en devises des exportations réalisées grâce à
un certain montant de ressources nationales, est plus élevée que la
valeur des importations remplacées avec ce même montant, parce que
les exportations utilisent plus les ressources abondantes des pays en
développement, alors que la SI nécessite de façon croissante des
ressources rares comme la main-d’œuvre qualifiée et le capital.
Autrement dit, le coût en ressources domestiques du gain d’une unité
de devises (par l’exportation) est inférieur au coût en ressources de
l’économie d’une unité de devises par la SI. Par exemple, il faudra
dépenser 1 000 unités monétaires en ressources nationales pour
gagner 500 dollars à l’exportation, alors que 2 000 devraient être
engagés pour économiser 500 dollars d’importations.
Résultats des expériences de promotion des exportations
Les performances réalisées sont bien connues : le Brésil, le Chili, la
Corée du Sud, Taïwan, la Malaisie, la Chine, Hong Kong ou Singapour
ont eu des taux de croissance élevés depuis les décennies de mise en
œuvre de cette stratégie, tandis que leurs exportations augmentaient
deux à trois fois plus vite que le PIB chaque année. Diverses études
empiriques tendent à montrer le lien entre, d’une part l’adoption d’une
stratégie orientée vers l’extérieur et la croissance des exportations
industrielles, et d’autre part, entre celles-ci et la croissance du PIB. La
Banque mondiale compare régulièrement les résultats des pays orientés
vers l’extérieur et ceux orientés vers leur marché interne, avec
systématiquement de meilleurs résultats pour les premiers du point de
vue des taux de croissance, des taux d’épargne, de la stabilité des prix
ou du coefficient marginal de capital (qui varie de 4 pour les premiers à
8 pour les seconds). On sait également aujourd’hui que les pays ayant
pratiqué la SE ont connu une importante modernisation technologique
de leur industrie. Entre 1972 et 2012, l’Asie a ainsi augmenté de
10 points de pourcentage la part de la haute technologie dans son
industrie, au détriment de la part de la faible technologie. L’Afrique a,
en 2012, une structure technologique comparable à celle qu’avaient
l’Amérique latine et l’Asie en 1972, et l’Amérique latine a connu peu
d’évolution, avec une légère baisse de la part de la haute technologie
compensée par une augmentation de la part de la moyenne technologie
(cf. figure 8.7, page suivante).
Certains auteurs comme Hans Singer (1989) ont au début contesté ces
résultats : ils avançaient par exemple que la catégorie des pays «
fortement tournés vers l’extérieur » ne comprenait qu’un pays, la Corée
du Sud, et deux villes : Hong Kong et Singapour, et que le succès de la
Corée s’expliquait par bien d’autres facteurs que l’orientation extérieure.
Ou encore que les catégories de pays tournés vers l’intérieur recouvrent
des nations beaucoup plus pauvres (nombreux pays africains), ce qui
explique leurs faibles performances beaucoup mieux que l’orientation
commerciale : « l’analyse de la Banque mondiale nous dit en réalité que
les pays les plus pauvres ont plus de difficulté à progresser… ce qui n’est
rien d’autre que le vieux principe de la causalité cumulative établi par
Myrdal, Nurkse et d’autres “structuralistes” tellement honnis par les
néoclassiques qui semblent dominer la Banque ».
Source : ONUDI.
Note : La densité du réseau routier et ferroviaire de l’Afrique a été calculée en utilisant pour
chaque pays les dernières données disponibles, soit, pour la densité du réseau routier : le nombre
de km de routes par millier de km carrés en Afrique du Sud en 2001, au Nigeria en 2004, au Kenya
et en Algérie en 2011 ; pour la densité du réseau ferroviaires : le nombre de km de lignes
ferroviaires par millier de km carrés, au Kenya en 2006, au Nigeria en 2007, en Afrique du Sud en
2012, en Algérie en 2012. L'équipement en électricité a été calculé à partir de la moyenne non
pondérée du nombre de kw/h par personne dans chaque pays d’Afrique et région BRIC en 2011
Source : Banque mondiale, Indicateurs du développement dans le monde.
Figure 8.10 : Coûts et délais logistiques selon le niveau de revenu
Caractéristiques
Bien que la technologie désigne, en français, l’étude des techniques, qui
sont elles-mêmes « les procédés utilisables dans la production », c’est
l’acception anglo-saxonne du mot technologie qui est habituellement
retenue. Il s’agit « des connaissances, méthodes et procédés pour faire,
utiliser, fabriquer des choses utiles ». La technologie correspond alors
tout simplement à l’ensemble des techniques, mais dans la pratique les
deux termes seront utilisés avec un sens voisin.
On peut définir les transferts de technologie (TT) comme «
l’exportation des moyens de mise en œuvre des techniques186 », ou
encore « la communication, l’adoption et l’utilisation d’un pays à un
autre, de techniques187 ». Les formes en sont variées : de l’installation
d’une centrale énergétique, ou d’un réseau de télécommunications,
ayant un impact sur toute la société, en passant par des procédés
affectant une industrie (nouveau produit ou procédé de fabrication),
jusqu’à la simple innovation concernant un processus de production
particulier. L’adoption d’une technique aura des effets liés et induira
d’autres techniques : par exemple, la production d’un produit nouveau
nécessitera le transfert de machines nouvelles, de savoir-faire importé,
l’adaptation des inputs, de nouveaux marchés et donc des transferts en
marketing, etc.
Les pays développés ont eu, pendant tout le XXe siècle, un monopole
écrasant en matière de technologie vis-à-vis du tiers monde. Selon
l’OCDE, les 112 innovations techniques majeures du siècle ont toutes
été faites dans les pays riches, et 60 % aux États-Unis. Les PED, avec les
trois-quarts de l’humanité, comptaient à la fin du XXe siècle pour
seulement 10 % de tous les brevets déposés dans le monde. Mais
depuis le début du XXIe siècle, la Chine a totalement changé la donne, et
elle est en voie, à elle seule, de déposer autant de demandes de brevets
que le reste du monde ! Pour autant les pays à faible revenu restent
quasi-inexistants dans ce domaine, et les PED hors Chine (y compris
l’Inde) stagnent à un niveau extrêmement bas (cf. figure 8.11). La
situation évolue donc, mais finalement quasi exclusivement du fait de
la Chine.
La révolution numérique
Le raz-de-marée numérique est aujourd’hui conçu comme le
déterminant d’une nouvelle révolution industrielle. Elle a pu être
qualifiée de troisième révolution industrielle par Jeremy Rifkin189, selon
qui cette révolution se base sur la « jonction de la communication par
internet et des énergies renouvelables », ou de quatrième révolution
industrielle lors de la foire de Hanovre (principal salon de la technologie
industrielle) de 2011, qui met en avant des usines intelligentes où
machines et systèmes sont connectés entre eux (dans les sites de
production ou à l’extérieur) mais aussi avec l’extérieur (clients,
partenaires) et sur toute la chaîne de valeur grâce à l’internet des objets,
les systèmes cyber-physiques et l’internet des services.
Les industries des PED sont encore peu armées pour cette nouvelle
révolution : 7 entreprises sur 10 avaient une connexion internet large
bande en 2010-2014 dans les pays à revenu intermédiaire (contre 9 sur
10 dans les pays à revenu élevé de l’OCDE), et seulement 4 sur 10 dans
les pays à faible revenu. Mais le numérique s’est propagé dans les PED
bien plus vite que les innovations technologiques précédentes : de
nombreux pays africains auront mis plus d’un demi-siècle à profiter de
l’électricité, alors que les téléphones portables y ont été introduits en
quelques années seulement, y compris dans des zones reculées.
Aujourd’hui, dans les PED, les ménages qui possèdent un téléphone
portable sont plus nombreux que ceux qui ont accès à l’électricité ou à de
l’eau salubre (cf. figure 8.13).
Huit habitants des PED sur dix en moyenne (contre 98 % des
habitants des pays à revenu élevé) possèdent un téléphone portable en
2015, et cette proportion continue d’augmenter. Même en Afrique
subsaharienne, qui connaît le plus faible taux de pénétration de la
téléphonie mobile, 73 % des habitants ont un téléphone portable. La
téléphonie mobile a pénétré toutes les couches de la population, y
compris les couches défavorisées : dans l’ensemble des PED, 70 % des
personnes dont le revenu est situé dans le quintile inférieur de la
population sont équipées d’un téléphone portable. Mais cet équipement
reste très cher pour les plus pauvres : en Afrique, le propriétaire médian
d’un téléphone portable consacre plus de 13 % de son revenu mensuel à
ses appels téléphoniques et à ses SMS.
L’internet est en revanche considérablement moins répandu dans les
PED (31 % de la population des PED y a accès en 2014) que dans les pays
à revenu élevé, où 80 % de la population a accès à internet (cf. figure
8.14). Cette inégalité d’accès, réelle, est cependant moindre que l’inégalité
des revenus dans le monde, internet se diffusant plus rapidement et plus
équitablement que la richesse mondiale (cf. figure 8.15).
Note : Estimation Banque Mondiale 2016, à partir de données de Research ICT Africa (différentes
années), de l’UIT et d’Eurostat (CE, différentes années)
Source : Banque mondiale.
Le secteur des technologies de l’information et de la communication
occupe une place encore limitée, bien qu’amenée à croître, dans
l’économie : il compte pour environ 6 % du PIB des économies de
l’OCDE en 2011, et beaucoup moins dans les PED. Pourtant, les TIC
peuvent constituer un véritable outil de développement. La Banque
mondiale estime que l’internet favorise le développement de trois
grandes façons : en favorisant l’inclusion ; en favorisant l’efficacité ; et
en favorisant l’innovation (Banque mondiale, Rapport sur le
développement dans le monde 2016). L’exemple type de ces bénéfices
est le développement du commerce en ligne à la chinoise via les «
villages Taobao » gérés par le groupe Alibaba, mais également des
expériences moins médiatiques comme la plateforme d’artisanat Anou
au Maroc190, qui permet à des artisans ruraux de vendre dans le monde
entier. Pour les régions les plus pauvres, qui n’ont pas accès à l’internet,
les bénéfices du téléphone portable sont parfois remarquables : au
Niger, dans les zones rurales, les informations sur les prix agricoles
obtenues grâce aux téléphones portables réduisent les coûts de
recherche de 50 % (Aker et Mbiti, 2010 ; voir également Jensen 2007 au
chap. 7). Au Pérou, toujours dans les régions rurales, on estime que
l’accès aux téléphones portables a augmenté de 11 % la consommation
réelle des ménages entre 2004 et 2009, et réduit la pauvreté de 8 % et
l’extrême pauvreté de 5,4 % (Beuermann, McKelvey et Vakis, 2012). Les
applications liées à l’éducation (notamment les MOOCs) et la santé (m-
santé, ou e-health) sont également prometteuses : au Kenya,
ChildCount+ (système à interface SMS) permet aux visiteurs médicaux
à domicile de transmettre des informations à des centres de soins qui,
en retour, peuvent leur donner des conseils en fonction de l’historique
des patients, en particulier des enfants ; au Ghana, mPedigree permet
aux consommateurs de vérifier l’authenticité de leurs médicaments en
envoyant leur code-barres par SMS et en recevant en retour
confirmation de l’origine des médicaments ; au Mozambique, le
programme national Early Infant Diagnosis permet au personnel de
santé d’utiliser des outils de diagnostic par téléphone mobile (e.g. calcul
du dosage des médicaments) ; en Ouganda, mTrac (interface SMS)
permet au personnel de santé de rapporter régulièrement des données
dans un système d’information pour la surveillance des maladies et des
stocks de médicaments ; toujours en Ouganda, Celtel (opérateur local,
devenu Airtel Uganda) a mené un quiz interactif par SMS à propos du
sida, pour lequel les participants recevait du crédit gratuit en
récompense de leur participation.
Source : Spada P., J. Mellon, T. Peixoto et F. Sjoberg, Effects of the Internet on Participation: Study of a
Policy Referendum in Brazil, Policy Research Working Paper 7204, World Bank, 2015.
Note : Le graphique illustre l’évolution de la répartition des emplois de 1995 à 2012 environ, dans
les pays pour lesquels on dispose d’au moins sept années de données. Les catégories utilisées sont
celles d’Autor (2014). Les emplois hautement qualifiés sont ceux de législateurs, de cadres
supérieurs et de dirigeants, de spécialistes, de techniciens et de professionnels assimilés. Les
emplois semi-qualifiés sont ceux d’employés administratifs, d’artisans et d’ouvriers de métiers de
type artisanal, ainsi que d’opérateurs d’usines et de machines et d’ouvriers de l’assemblage. Les
emplois non qualifiés sont ceux occupés par des employés de services et des vendeurs, ainsi que
dans d’autres métiers de base.
Source : Banque mondiale 2016 ; Autor D., Polanyi’s Paradox and the Shape of Employment Growth,
Draft prepared for the Federal Reserve Bank of Kansas City, 2014.
L’intégration économique
Nous avons vu au chapitre 6 que la recherche d’une plus grande
autonomie collective passait par la création de zones régionales, dans un
processus d’intégration économique. Les avantages à en attendre sont
tout d’abord les gains statiques dus à l’intensification des échanges, tels
qu’ils sont présentés par la théorie du commerce international, mais
surtout les gains dynamiques dont le principal est de surmonter
l’étroitesse des marchés et de favoriser l’industrialisation des pays ainsi
regroupés. L’intégration doit permettre en effet de rationaliser
l’implantation des industries, en évitant par exemple les investissements
parallèles et surdimensionnés, en faisant jouer la complémentarité des
économies, et en regroupant des ressources rares (capitaux et
techniciens) pour mener à bien des projets industriels en commun.
Divers regroupements ont été entrepris dans le tiers monde, mais les
résultats ont été dans l’ensemble décevants.
La théorie de l’intégration
L’intégration économique peut se faire par la libéralisation progressive
des échanges internes à la zone, la mise en place d’un tarif extérieur
commun, et l’harmonisation des politiques, comme dans le cas de
l’Union européenne. À cette intégration « par les marchés » (voir
encadré), on a opposé une intégration « par la production », ou
intégration fonctionnelle, qui serait basée sur le développement de
projets communs : infrastructure, mise en valeur de gisements miniers,
aménagement de réseaux hydrographiques, industries lourdes, projets
environnementaux, etc. Ce type d’intégration se ferait ainsi dans les faits
et non plus seulement sur le papier des traités. Cependant, les deux
démarches ne sont pas incompatibles, et s’il est souhaitable de
développer les activités communes, il est également nécessaire d’abattre
le cloisonnement des marchés.
La théorie néoclassique des unions douanières est statique, elle part
du principe que le libre-échange total est toujours préférable. L’union
douanière ne peut constituer qu’un optimum de second rang. Jacob Viner
distingue les effets favorables de création de commerce qui ont lieu
lorsque la production nationale est remplacée par les importations d’un
pays membre qui produit moins cher, et les effets défavorables de
détournement de commerce qui surviennent quand les importations en
provenance d’un producteur extérieur à l’union sont remplacées par
celles d’un producteur intérieur dont les coûts sont plus élevés (voir
exemple ci-après). L’union sera donc globalement favorable si les
premiers effets l’emportent sur les seconds.
(1) Libre- (2) Tarif de (3) Union (4) Tarif (5) Union
échange 100 % douanière AB de 50 % douanière
Coûts prix en A AB
Création Détournement
d’échange d’échange
Note : Les unions présentées sur cette carte (non exhaustif) sont : CARICOM = Communauté caribéenne ; EC = Eastern
Caribbean Currency Union ; UE = Union Européenne ; EAEU = Eurasian Economic Union ; CEMAC = Communauté
économique et monétaire de l’Afrique centrale ; CEDEAO = Communauté économique des États de l’Afrique de l'Ouest ;
EEA = European Economic Area ; CAN = Comunidad Andina ; EAC = East African Community ; EUCU = European Union
Customs Union ; MERCOSUR = Mercado Común del Sur ; SACU = Southern African Customs Union ; AFTA = ASEAN
Free Trade Area ; CAEU = Council of Arab Economic Unity ; CEFTA = Central European Free Trade Agreement ; CISFTA =
Commonwealth of Independent States Free Trade Area ; COMESA = Common Market for Eastern and Southern Africa ;
EFTA = European Free Trade Association ; GCC = Gulf Cooperation Council ; NAFTA = North American Free Trade
Agreement ; SAFTA = South Asian Free Trade Area ; SICA = Sistema de la Integración Centroamericana.
« Être de façon absolue contre les marchés est presque aussi bizarre
que de s’opposer à la conversation entre les gens. Les libertés
d’échanger des mots, des biens, ou des cadeaux n’ont pas besoin de
justifications en termes de leurs effets favorables, même distants ;
elles font partie de la façon dont les individus en société vivent et
interagissent (sauf s’ils en sont empêchés par des régulations ou la
force). »
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A
Accords de produits 1, 2-4
Aide publique au développement (APD) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Ajustement structurel 1, 2, 3-4, 5
Alphabétisation 1-2, 3, 4, 5
Amin (Samir) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Avantage(s) comparatif(s) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16
B
Balance des paiements 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Balassa (Bela) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Banerjee (Abhijit V.) 1, 2, 3
Banque mondiale 1, 2, 3, 4-7, 8, 9-12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23-25, 26, 27, 28,
29, 30-38, 39-45, 45-48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57-66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74,
75, 76, 77, 78, 79-87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94
Banque(s) Multilatérale(s) de développement 1, 2, 3
Barro (Robert) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Beijing Consensus 1, 2
Besoins fondamentaux 1, 2, 3, 4
Brevet(s) 1, 2, 3-4
C
Capabilité 1, 2
Capital humain 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Capital technique 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9-10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17
Capitalisme 1, 2, 3-4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13-14, 15, 16, 17, 18, 19
Castes 1, 2, 3, 4, 5
Cercle(s) vicieux 1, 2, 3, 4, 5, 6
Choc(s) pétrolier(s) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Climat 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21
Club de Londres 1
Club de Paris 1
CNUCED 1, 2, 3
Coefficient de capital 1-2, 3
Colonialisme 1, 2-3, 4, 5, 6
Commerce équitable 1, 2, 3, 4
Commerce international 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7-8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21-25,
26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43
Consensus de Washington 1, 2
Contrôle(s) des changes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Convention de Lomé 1-2
Corruption 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20
Cours des matières premières 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Coût(s) comparatif(s) 1
Coût(s) de transaction 1, 2-3, 4, 5
Crise argentine 1
Crise de l’endettement 1, 2
Crise(s) financière(s) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Croissance “pro-pauvres” 1, 2
Croissance déséquilibrée 1, 2-3
Croissance endogène 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Croissance équilibrée 1, 2-3, 4
D
Démocratie 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15
Dépendance 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12-14, 15, 16, 17-19, 20, 21
Dette externe 1, 2-7, 8, 9, 10
Dette publique 1, 2, 3, 4
Développement durable 1, 2, 3, 4-5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Diversification 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 7, 9, 10, 11, 12, 13
Division internationale du travail (DIT) 1, 2, 3, 4, 5, 6
Domination 1, 2, 3-4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16
Dotations en facteurs de production 1, 2
Droits de douane 1, 2-3, 4, 5, 6, 7-8, 9, 10, 11, 12, 13
Droits de l’homme 1
Droits de propriété 1, 2, 3-4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Droits de Tirages Spéciaux (DTS) 1, 2, 3
Dualisme 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Duflo (Esther) 1, 2, 3, 4
E
Easterly (William) 1, 2, 3, 4
Échange inégal 1, 2, 3-4, 5
Échange(s) international(aux) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7-8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15
Éducation 1, 2, 3, 4-5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13-14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26,
27, 28, 29, 30, 31, 32
Émissions de CO2 1, 2, 3-4
Engels (Friedrich) 1, 2, 3, 4
Épargne 1, 2, 3-4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12-13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27,
28, 29
Étapes de la croissance 1, 2, 3
État de droit 1-2, 3
F
Famines 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9-10, 11-12, 13, 14, 15, 16
Feldman-Mahalanobis (modèle) 1, 2
Financements compensatoires 1
Firmes multinationales (FMN) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8-14, 15, 16
Flux (nets) de capitaux 1-2, 3, 4, 5, 6
Flux de capitaux 1, 2, 3, 4
FMI 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11-20, 21, 22
Fordisme 1, 2, 3
Friedman (Milton) 1
Furtado (Celso) 1, 2, 3, 4, 5
G
GATT 1, 2, 3-4, 5
Genre 1
H
Harrod-Domar (modèle) 1, 2, 3, 4
Hausmann (Ricardo) 1
Hirschman (Albert) 1, 2, 3-4, 5
I
Impérialisme 1-2, 3, 4, 5-6, 7, 8, 9, 10, 11
Indicateur du développement humain (IDH) 1-3, 4, 5, 6
Industrialisation par substitution d’importations (ISI) 1, 2, 3-7
Industries industrialisantes 1, 2, 3
Inégalités 1, 2, 4, 3, 5, 6, 7, 8, 9-15, 16, 17, 18, 19, 20-29, 30-36, 37-40, 41-44, 45-47, 48, 49,
50, 51, 52-62
Infrastructure(s) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19-27, 28-30, 31, 32-
35, 36, 37, 38
Institution(s) de microfinance (IMF) 1, 2, 3
Institutionnalisme 1, 2, 3, 4-5, 6, 7, 8, 9, 10
Intégration économique 1, 2, 3, 4, 5-9, 10
Internet 1-5, 6, 7
Investissements (directs à l’) étranger (IDE) 1, 2, 3, 4, 5-13, 14-21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29,
30-38, 39, 40
Irrigation 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
J
Juste prix 1, 2
K
Keynes (John) 1, 2, 3, 4, 5
Krueger (Ann) 1, 2, 3, 4, 4
Kuznets (Simon) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
L
Lewis (Arthus) 1, 2, 3-12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23
Libéralisme 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24-27,
28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39-40, 46, 47, 48-55, 56, 57
Liberté économique 1, 2, 3, 4
Libre-échange 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13-17, 18
Logistique 1, 2, 3, 4
M
Malédiction des ressources naturelles 1
Malnutrition 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Malthus (Thomas) 1, 2, 3, 4, 5
Marx (Karl) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Matières premières 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13-23, 24-30, 31-36, 37, 38, 39, 40, 41,
42, 43, 44, 45, 46
Mentalités 1, 2, 3, 4
Microcrédit 1, 2, 3, 4, 5, 6
Microfinance 1, 2, 3-5
Mill (John Stuart) 1, 2, 3, 4, 5
Moratoire 1, 2, 3, 4, 5, 6
N
Nation la plus favorisée (MFN) 1, 2, 3
Nationalisation 1, 2, 3
(Néo) Classique(s) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7-11, 12, 13, 14-20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27-31, 32, 33, 34,
35, 36, 37, 38, 39
(Néo) Keynésianisme 1, 2, 3, 4, 5-6, 7, 8, 9, 10
(Néo) Marxisme 1, 2, 3-7, 8, 9, 10, 11, 12-19, 20-23, 24, 25
Népotisme 1, 2, 3, 4
Nouvelle économie institutionnaliste 1
Numérique 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Nurkse (Ragnar) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
O
Objectifs de développement durable (ODD) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Objectifs du Millénaire 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8-10, 11
Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) 1, 2, 3, 4, 5, 6-8, 9
OMC 1, 2
ONG 1, 2, 3, 4, 5, 6
ONU 1, 2
OPEP 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
P
Paludisme 1, 2, 3, 4
Pauvreté 1, 2, 3, 4, 5-13, 14, 15, 16-19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31-32, 33, 34,
35-36, 37, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47-48, 49, 50, 51, 52-53, 54-55
Pays pauvres très endettés 1
Perroux (François) 1, 2, 3, 4
Pétrole 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10-18, 19, 20-23, 24, 25, 26
PNUD 1, 2, 3, 4
Possibilités de production (courbes et labyrinthe de) 1, 2, 3
Prebisch (Raúl) 1, 2, 3, 4, 5-9, 10-13, 14
Privatisation 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Production agricole 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7-12, 9, 13, 14, 15, 16-20, 21, 22, 23, 24
Production industrielle 1, 2, 3, 4
Productivité 1-4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12-16, 17, 18, 19, 21, 15, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29,
30, 31, 32, 33-38, 39, 40, 41, 42, 44, 45, 46, 47, 48
Promotion des exportations 1-2
Protection effective 1-2
Protectionnisme 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11-16, 17, 18, 19
R
Réduction de la dette 1, 2, 3
Rééchelonnement 1, 2
Réforme(s) agraire(s) 1, 2, 4, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10-13
Régulation 1, 2-5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Religion 1, 2-5, 6, 7
Révolution industrielle 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8-13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26,
27, 28-31
Révolution verte 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Ricardo (David) 1, 2, 3, 4, 5, 6
Round(s) (de l’OMC) 1, 2, 3, 4
S
Sachs (Jeffrey) 1, 2, 3, 4, 5
Sauvy (Alfred) 1, 2, 3, 4, 5, 6
Secteur informel 1, 2, 3
Sécurité 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15
Sen (Amartya) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Service de la dette 1, 2, 3, 4, 5, 6
Smith (Adam) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Solow (Robert) 1, 2, 3, 4, 5
Spécialisation(s) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7-10, 11-13, 14-16, 17, 18, 19, 20, 21, 22
Stabex 1, 2, 3, 4
Structuralisme 1, 2, 3, 4, 5, 6-16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23
Subvention(s) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17
Syndrome hollandais 1
Système Généralisé de Préférences (SGP) 1, 2, 3, 4, 5
T
Taux de change 1, 2, 3, 4, 5, 6-11, 12, 13-16, 17, 18, 19
Technologie 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25,
26, 27, 28, 29, 30-39, 40-46, 47, 48, 49, 50, 51, 52
Termes de l’échange 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7-14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24
Todaro (Michael) 1, 2, 3, 4
Transfert(s) de technologie 1, 3, 305, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Transferts conditionnels 1, 2
Transition démographique 1-4, 5
V
Violence 1, 2, 3, 4
Y
Yunus (Muhammad) 1, 2
Z
Zones franches 1, 2, 3
Tables des matières
Introduction
PREMIÈRE PARTIE
SOUS-DÉVELOPPEMENT ET DÉVELOPPEMENT
Chapitre 1 Les caractéristiques du sous-développement
Les indicateurs statistiques du sous-développement
Traits dominants du sous-développement
Typologie des pays en voie de développement
Chapitre 2 Les causes du sous-développement
Les explications économiques du sous-
développement
Les explications non économiques du sous-
développement
Chapitre 3 Modèles et théories de développement
Les modèles de développement : des classiques
aux keynésiens
Les stratégies de développement
DEUXIÈME PARTIE
ASPECTS INTERNATIONAUX DU DÉVELOPPEMENT
Chapitre 4 Les pays du Sud dans les relations économiques
internationales
Le commerce international : interdépendance croissante
Les mouvements de capitaux : crise de l’endettement,
déclin de l’aide et hausse des capitaux privés
Les termes de l’échange : dégradation ou stabilité à long
terme ?
TROISIÈME PARTIE
POLITIQUES DE DÉVELOPPEMENT