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Sommaire
Introduction
terrorisme mondial
Conclusion
Bibliographie
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INTRODUCTION
L’Afrique de l’Ouest est une région terrestre couvrant toute la partie occidentale de l’Afrique
subsaharienne. Elle comprend approximativement les pays côtiers au nord du golfe de
Guinée jusqu’au fleuve Sénégal, les pays couverts par le bassin du fleuve Niger ainsi que les
pays de l’arrière-pays sahélien. Berceau des empires successifs du Ghana, du Mali et Songhaï,
l'Afrique de l’Ouest est un ensemble de pays qui possèdent des influences et un héritage
communs.
durant la première partie du XXe siècle. Aujourd'hui c’est une communauté de peuples, qui
tend à se reconstituer politiquement. Elle occupe une surface de 6 140 000 km2, soit environ
un cinquième du continent africain.
Cinquante années seulement ont passé pour ces jeunes nations qui eurent à affronter les fléaux
du mal-développement, la difficulté d’inscrire l’impératif démocratique dans leur histoire et
les appétits post-coloniaux de firmes et pays étrangers attirés par d’innombrables richesses.
L’objectif visé par ce document est d’éclairer les réalités de cette région peuplée de quelque
300 millions d’habitants (4,6 % de la population mondiale, 43 % de celle de l’Afrique
subsaharienne), encore largement francophone (et accrochée au Franc CFA) et qui constitue
auprès des opinions publiques occidentales un espace géopolitique aux contours encore mal
dessinés (l’économie : les puissances qui occupent la région, sécurité : l’occupation terroriste.
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Chapitre 1 : LES INDICATEURS GEOGRAPHIQUES DE LA SOUS REGION OUEST-
AFRICAINE
1. Présentation de la région
Par ailleurs, le destin de ces deux sous-ensembles est lié, du moins politiquement à la vie
quotidienne de Burkina Faso, du Mali et du Niger, pourtant tous géographiquement bien
rangés dans le Sahel dont la particularité réside dans son inaccessibilité à l'océan et la relative
aridité de son climat. Ce qui prédispose ces trois Etats à une dépendance commerciale vis-à-
vis de leurs paires du Golfe de Guinée et de l'extrême occident, manifestement plus ouverts au
monde, du fait, naturellement de leur potentiel maritime. Les engagements de politique
étrangère pris par le Burkina Faso, le Mali et le Niger pour participer au processus
d'intégration sous-régional semblent expliquer au mieux, leur ambition de positionnement
géostratégique.
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dans la sous-région comme le meilleur producteur des hydrocarbures avec ses deux millions
de barils par jour au sein de l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP).
Les espoirs nés des décombres de la Guerre Froide ont contribué à débarrasser les Etats ouest-
africains de leurs carcans idéologiques qui, quatre décennies durant ont entravé leur réel
décollage économique et social. Bien d'Etats du groupe ont entamé au début des années 1990,
une expérience démocratique non moins reluisante. Jadis distingué par ses tristes records de
coups d'Etats militaires, le Bénin renoue de manière spectaculaire devant le Mali, le Sénégal,
le Ghana, le Cap-Vert et le Nigeria, avec la pratique régulière des libertés individuelles et
collectives. Gage de stabilité sociale et politique, ce processus de démocratisation en cours
dans la sous-région est l'indice de redressement économique escompté et propice par ricochet
à l'investissement privé.
La sous-région est cisaillée par une mosaïque de peuples et ethnies. On y distingue des Ibos,
des Yorubas, des Fons, des Ewés, des Minas, des Bambaras, des Haoussas, des Ouolofs, des
Bétés, des Dioulas, des Krus, des Peules, des Créoles, des Krios, des Temnes, etc…Le
français et l'anglais sont les deux principaux outils linguistiques qui font tourner les
administrations et les services, mais se livrent pourtant à une concurrence ardue. Si l'espace
francophone s'est élargi d'un cran en raison de l'adhésion de la Guinée-Bissau en 1997 à
l'Union Economique et Monétaire ouest-africaine et de la participation de ce pays à
l'Organisation Internationale de la Francophonie, il demeure exposé à la séduction croissante
de la langue anglaise qui s'y impose de par la forte majorité des populations anglophones et la
fluidité des flux migratoires.
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L'Afrique de l'ouest a servi de vitrine à la pénétration étrangère. En période coloniale, le
Sénégal a longtemps été considéré comme étant la capitale des territoires français, du fait des
nombreux avantages géostratégiques de ce pays très favorable au développement des
échanges commerciaux entre l’Afrique et la métropole. Le colonisateur y a développé la traite
des esclaves dont l’historique ville de Gorée demeure une emprunte indélébile sur l’échiquier
socioculturel de la sous-région ouest-africaine. L’Afrique de l’ouest est aujourd’hui convoitée
par les américains qui craignent qu’elle puisse devenir une porte de pénétration du terrorisme.
Washington s’ingénie à y renforcer sa présence pour mieux contrôler les mouvements du
Groupe islamique Armé (GIA) algérien très redouté au Maghreb.
La sous-région est exposée à toutes sortes de criminalités et passe pour être une plateforme
tournante des drogues qui font état de fréquentes saisies au Nigéria, en Guinée-Bissau, au
Sénégal. Les conflits de basse intensité s’y éclosent et y font rave depuis la fin des idéologies
et les situations au Libéria, Sierra-Léone, Guinée-Bissau et en Côte d’Ivoire en font le
principal foyer de violences.
Entre 1950 et 2007, la population ouest-africaine a été multipliée par 4,5, passant de 70 à 315
millions d’habitants. Elle aura encore doublé avant 2050, date où elle atteindra 650 à 700
millions. Le rythme de cette croissance ralentit, bien qu’aujourd’hui seule une minorité de
pays soit réellement engagée dans une baisse de la fécondité. Les crises et conflits, les
politiques économiques et sociales (notamment celles liées à la réduction de la mortalité
infanto-juvénile et à l’éducation des filles), ainsi que l’évolution des grandes pandémies
(paludisme et sida tout particulièrement) sont susceptibles de modifier une telle prévision.
L’Afrique de l’Ouest est, avec le reste de l’Afrique subsaharienne, la région la plus jeune du
monde : 60 % de sa population a moins de 25 ans. Ceci impose de prendre en compte
davantage cette donnée dans les stratégies de développement, notamment au travers des
moyens alloués à l’éducation, à la formation et à la santé.
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La question de l’émigration vers l’Europe au travers des drames à répétition en Méditerranée,
comme au large des côtes ouest-africaines, a fait l’objet d’une large médiatisation. Ces morts
tragiques interpellent responsables ouest africains et européens. Les initiatives politiques se
multiplient, dans un contexte où l’Europe tend, depuis quelques années, à verrouiller
davantage
Qu’est-ce qu’une frontière en général ? Selon le dictionnaire Larousse, « c’est une limite
entre deux Etats ». Friedrich Ratzel qualifiait le territoire comme l’un des attributs essentiels
de l’Etat. Spécifiquement matérialisées ou non, les frontières sont ces lieux géographiques où
finit un Etat et où commence un autre.
La configuration actuelle des frontières des Etats africains a été façonnée pratiquement à la fin
du XIXe siècle. La conquête coloniale a soumis par la force l’ensemble du continent, à
l’exception de l’Ethiopie et du Libéria, à la domination de l’Europe. Le partage du continent a
mis fin dans la plupart des cas à un processus interne de restructuration de l’espace par des
forces sociales et politiques en rapport avec l’histoire du continent sur la longue durée.
Les frontières sont donc le résultat d’une longue histoire qui doit être prise en compte
au-delà de l’accident du partage colonial pour comprendre les logiques internes de
fragmentation et d’unification de ce continent. Pour des raisons pratiques, notre réflexion
portera sur l’Afrique de l’Ouest pour mieux saisir, dans l’espace et le temps, les facteurs de
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déstructuration qui peuvent expliquer les difficultés actuelles de réintégration d’espaces
viables sur le plan géographique, économique et politique.
C’est que la frontière était alors, essentiellement, une zone à la fois de contacts, d’échanges et
de rivalités, dont il convient d’interroger la signification et le concept même. Au XIXe siècle
surtout, la frontière prit le sens d’une zone d’expansion ou de régression culturelle. Ce qui
était nouveau, néanmoins, c’est qu’à partir des années 1890 les frontières coloniales ont été
définitivement adoptées, préjugeant de l’histoire des Etats à venir. Celle-ci débuta
précisément par l’imposition de frontières-lignes dont le concept même était ignoré
auparavant des peuples ou des fragments de peuples ainsi encerclés et partagés. Ces frontières
furent institutionnalisées par la Conférence internationale de Berlin (1884-1885) et
minutieusement révisées et corrigées tout au long de la période coloniale. De ces territoires,
les Etat modernes sont issus, et les nations correspondantes ont émergé à leur tour : car ces
lignes de partage furent reconnues, voire renforcées par les Etats devenus indépendants dans
la charte fondatrice de l’OUA en 1963. (les frontières sont à la base de la création des Etats)
On se trouve, par ailleurs, face à deux visions apparemment contradictoires, mais qui sont en
réalité complémentaires :
– le pouvoir d’Etat, pour lequel la frontière est surtout une ligne à protéger au nom de sa
souveraineté,
– et les communautés locales, pour lesquelles la frontière est un espace, et le plus souvent un
espace utile, qui les fait vivre par son existence même.
Les frontières sont dorénavant gérées selon les intérêts des puissances coloniales au détriment
des populations partagées de part et d’autre par de nouvelles barrières douanières,
linguistiques ou administratives. Ainsi, la création d’enclaves perturbe pour longtemps les
complémentarités écologiques de l’Afrique de l’Ouest dans son ensemble. À cela s’ajoute la
séparation de populations qui appartenaient dans le passé au même ensemble politique.
Désormais, les Ewe sont partagés entre le Togo français et le Ghana anglais, les Yoruba entre
le Nigeria et le Dahomey, tandis que les Hausa sont de part et d’autre de la frontière du
Nigeria et du Niger. Cette fragmentation est encore plus poussée en Sénégambie, en
particulier au sud où les Joola, les Manding et les Peul appartenant à l’ancien Kaabu sont
partagés entre les deux Guinée, la Gambie et le Sénégal. Est encore pire la situation de la
Gambie qui coupe la colonie du Sénégal en deux, créant ainsi entre le sud et le nord de ce
pays
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La configuration actuelle des frontières est un handicap à toute politique véritable de
développement intégré de nos Etats qui se tournent le dos. On assiste en Afrique de l’Ouest à
plusieurs cas de figure qui attestent l’inadéquation des frontières avec les exigences du
développement intégré. Ainsi, la zone occidentale que nous appelons la Grande Sénégambie
est caractérisée par la fragmentation de son espace partagé entre six Etats qui se regroupent
autour du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée-Bissau et d’une partie de la Mauritanie, du
Mali et de la Guinée Conakry. Cette fragmentation se retrouve dans l’espace méridional
regroupant le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Togo et le Bénin. Il y a aussi l’existence de grands
Etats intérieurs comme le Mali, le Niger et le Burkina Faso dont le handicap majeur est
l’absence de débouchés sur la mer et leur ouverture sur le Sahara qui ne mène nulle part.
Le Nigeria, à lui seul, par sa dimension, réunit tous les avantages et les inconvénients des
autres régions, avec le handicap majeur de la désunion qui caractérise cet ensemble écartelé
entre les différentes nationalités du Nord, de l’Est et de l’Ouest. Le Nigeria réunit ainsi
l’éventail des problèmes de l’intégration régionale qui doit prendre en compte l’importance
que revêt la gestion des frontières en relation avec d’autres facteurs culturels, politiques et
économiques.
Le Nigeria, malgré sa taille, a besoin non seulement d’un système fédéral équilibré, mais aussi
d’une plus grande ouverture sur ses voisins pour assurer la fluidité de ses frontières. En fait,
l’absence d’économies complémentaires contribue à créer le problème des frontières qui sont
devenues les pourvoyeuses de marchandises importées d’ailleurs et dont les bénéficiaires
jouent sur la disparité des monnaies et des tarifs douaniers. L’Afrique de l’Ouest a besoin
d’une planification de la mise en valeur de ses ressources pour répondre avant tout aux
besoins des populations dans leur ensemble. Cet objectif ne peut être atteint sans une stratégie
de développement qui dépasse la configuration actuelle des frontières.
Le cas de la Grande Sénégambie est significatif de l’impact négatif des frontières actuelles et
de la myopie des politiques nationales. Dans cet espace, les trois grands fleuves (Sénégal,
Gambie, Niger) qui appartiennent aux six Etats sont largement sous-utilisés, par rapport à
leurs potentialités, pour une véritable intégration régionale. Au contraire, les trois fleuves sont
gérés séparément par trois organisations sous-régionales : par l’OMVS qui regroupe le Mali,
le Sénégal et la Mauritanie ; l’OMVG qui regroupe le Sénégal, la Gambie et les deux Guinée ;
et, enfin, l’autorité du fleuve Niger qui regroupe la Guinée, le Mali, le Niger et le Nigeria.
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Le fleuve Sénégal et le fleuve Gambie prennent leur source dans le massif du Fuuta Jallon en
Guinée pour se jeter dans l’océan. Les deux bassins sont partagés entre six Etats qui se
tournent le dos et sont incapables, de ce fait, d’assurer la complémentarité de ces deux
fleuves, pour répondre à leurs besoins vitaux dans les domaines du transport fluvial, de
l’agriculture, de l’élevage et de la production d’énergie, sans compter les autres secteurs de
l’industrie minière.
Les frontières ont certes leur importance mais elles n’ont rien à voir avec cette autre vision
qui consisterait à les ignorer ou tout simplement à les gommer pour mieux assurer la
réintégration du continent. L’Afrique est le continent le plus fragmenté sur le plan politique et
économique et elle est, par conséquent, vulnérable à toutes les formes de crise dont les
manifestations actuelles ne sont que le prélude à une implosion des Etats dont les populations
sont mal à l’aise à l’intérieur de leurs frontières actuelles.
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Chapitre 2 : LES ORGANISATIONS ECONOMIQUES D’AFRIQUE DE L’OUEST
La mission qui lui était assignée était l’intégration régionale. Mais cette expérience, fut assez
décevante et se termina avec la transformation de l’UMOA en UEMOA, le 10 janvier 1994, à
Dakar…deux jours avant la dévaluation du Franc CFA. Cette transformation avait déjà été
rendue souhaitable par la crise économique qui sévissait depuis les années 1980, engendrée
par deux facteurs : l’effondrement des prix des matières premières qui représentaient une
source majeure de richesse pour les pays de la zone ; par l’appréciation du FCFA et de la
dépréciation mécanique des monnaies des pays voisins hors zone Franc. Le siège de la
commission, organe exécutif de l’organisation se situe à Ouagadougou, tout comme d’ailleurs
sa Cour de Justice.
L’UEMOA, aujourd’hui composée de huit pays (les membres de l’UMOA auxquels s’est
jointe la Guinée Bissau) recouvre une zone qui dispose de certains atouts : une langue
commune, le français, si l’on excepte le dernier venu (la Guinée Bissau) ; une ancienne
métropole : la France, qui dans l’ancienne AOF avait établi des standards et des règles
communes.
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- Une monnaie commune, dans un premier temps rattachée au Franc français, puis à
l’Euro, disposant d’une Banque centrale, la BCEAO (Banque Centrale des Etats de
l’Afrique de l’Ouest), dont le siège est à Dakar, assure une stabilité monétaire à ces
pays. Les avantages majeurs de ce lien entre le FCFA et l’Euro est double : d’une part
il assure la fixité des parités entre les monnaies des sous zones avec la monnaie
européenne quels qu’en soient les montants, ce qui permet d’assurer leur convertibilité
d’une manière inconditionnelle ; d’autre part, la libre transférabilité monétaire à
l’intérieur de la zone Euro est assurée, qu’il s’agisse de transactions courantes ou des
mouvements de capitaux.
- Il y a ensuite des avantages climatiques, dans la mesure où l’on passe du type sahélien
à un climat tropical humide aux forêts denses, ce qui engendre une diversification et
une complémentarité de la production agricole qui est l’activité majeure, avec
l’élevage de la zone prise dans sa globalité. A titre d’exemple, on peut souligner le fait
qu’au Burkina Faso, cette activité fait vivre environ dix millions de personnes et
occupe 84% de la population active. La zone sahélienne est propice aux cultures
céréalières et à l’élevage : le Burkina Faso comptait près de 7.6 millions de bovins, 18
millions d’ovins et de caprins et 32 millions de volailles, alors que les pays situés plus
au Sud ont développé le café, le cacao et l’arachide. Le cas de la Côte d’Ivoire est
symptomatique de la prédominance de ce secteur, et dans une moindre mesure celui
du Sénégal et de pays comme le Burkina Faso qui est devenu le premier producteur
africain de coton.
- Une libre circulation des biens et des personnes, qui devrait favoriser, si elle était
réellement mise en œuvre les échanges à l’intérieur de la zone et contribuerait à créer
des synergies. Mais force est de constater que les vingt dernières années n’ont pas été
conformes aux attentes dans ce domaine et les exemples de manquements à ce
principe sont légion. Le plus récent d’entre eux étant le retour forcé d’immigrée
Burkinabè et aussi Maliens, chassés de Côte d’Ivoire à la fois à cause de l’application
du concept exacerbé d’ « ivoirité » et de la guerre civile qui a opposé le Nord au Sud
du pays.
-
Les désavantages
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Les quelques atouts que nous venons de passer en revue sont malheureusement
contrebalancés par un certain nombre de faiblesses : certaines sont spécifiques, d’autres
peuvent être le revers de la médaille des caractéristiques qui viennent d’être examinées.
- Le fait de bénéficier d’une monnaie commune, dont nous avons vanté les mérites peut
également constituer un frein à l’intégration régionale, car qu’on le veuille ou non, ce lien
indirect entre la France et ses anciennes colonies entraîne pour ces derniers la perte quasi
intégrale de leur souveraineté monétaire. La brusque dévaluation du FCFA du 12 janvier
1994, imposée par la France et qui a tant déstabilisé les pays de la zone en est l’exemple
emblématique. Mais comment en eut-il pu être autrement, puisque la gestion de la monnaie
africaine faisait ipso facto l’objet d’une délégation de compétence au profit des autorités
monétaires françaises.
Le fait que l’Euro fort entraîne dans son sillage une surévaluation du FCFA par rapport aux
monnaies des pays voisins, constitue également un handicap pour les produits d’exportation,
qui bien souvent se négocient en dollars.
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2. La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)
Contrairement à l’UEMOA, qui recoupe grosso modo la zone géographique couverte par
l’ancienne Afrique Occidentale Française, la CEDEAO (Communauté Economique des Etats
de l’Afrique de l’Ouest), qui fut créée par le traité de Lagos le 28 mai 1975, regroupe 16 Etats
francophones, anglophones et lusophones, (15 à cause du retrait de la Mauritanie, survenu en
1999, consécutivement à son litige avec le Sénégal, jusqu’à sa réintégration récente).
Cette structure dont le siège est à Abuja (Nigeria) a été créée dans le but de promouvoir la
coopération et le développement dans les domaines économiques qu’il s’agisse de l’industrie,
des transports, des télécommunications, de l’énergie, de l’agriculture, du commerce, des
questions monétaires et financières et culturelles (Article 2). La CEDEAO a pour ambition :,
- De mettre en place une union douanière par la suppression des barrières tarifaires et par
l’adoption d’un tarif commun vis-à-vis des pays tiers ;
- de créer une banque centrale et une monnaie unique ouest africaine ; de définir une politique
commerciale et fiscale commune ;
Force est de constater qu’après quarante ans d’existence, malgré de timides progrès, la plupart
des objectifs n’ont pas encore été atteints. Par contre, la CEDEAO a joué un rôle politique
majeur, alors qu’il n’était pas expressément prévu par les textes. On citera pour mémoire le
rôle de forum de réconciliation entre chefs d’Etats et d’apaisement des conflits entre les
membres dans des crises. On se souvient de la réconciliation des Présidents ivoirien
Houphouët Boigny et sénégalais Sédar Senghor d’une part et guinéen Sekou Touré scellée en
1978 sous l’égide de la Communauté.
Souvent minée par le nationalisme, écrasée par le poids du Nigeria, déséquilibrée par son
hétérogénéité, la CEDEAO a aussi été par le passé le théâtre de « grandes messes »
incantatoires, sans réelle portée pratique, à l’exception de son volet politique qui a permis de
désamorcer, encore récemment des crises politiques entre ses membres. Par exemple, le
Président burkinabè Blaise Compaoré a pris à bras le corps le problème ivoirien et a joué avec
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efficacité le rôle de « facilitateur » qui a été salué par ses pairs à l’occasion du 35 e Sommet de
l’Organisation tenu dans la capitale nigériane en décembre 2009.
Si pendant de nombreuses années, les progrès de la CEDEAO ont été plutôt modestes, la
conjonction des trois crises qui ont frappé la région alimentaire, augmentation du prix du baril
de pétrole et crise financière a donné une nouvelle impulsion au processus d’intégration
régionale engagé en 1975, en particulier sous la présidence burkinabè dans l’UEMOA et la
CEDEAO. A la fin de son mandat à la Présidence de la CEDEAO, fin décembre 2008, le
Président Blaise Compaoré a dressé un bilan de ses deux années passées à la tête de
l’organisation régionale : « Avant de faire de l’économie, il faut stabiliser les espaces, il faut
faire la paix. Il faut assurer une bonne gouvernance dans la région. Notre première
préoccupation à la présidence en exercice, c’était d’abord de veiller à œuvrer à l’extinction
des conflits… Au delà de la paix, de la stabilité, il fallait aussi s’engager fortement, surtout au
regard de la crise économique, sur les préoccupations essentielles des populations de
l’Afrique de l’Ouest, notamment en matière de sécurité alimentaire, en matière d’énergie
électrique ; et là, il y a des programmes intéressants d’ici à l’horizon 2015 qui ont été arrêtés
et qui vont permettre à la région d’être autosuffisante sur le plan énergétique. Il y a aussi des
programmes et des projets agricoles pour l’ensemble de la région… Mais la région n’est pas
isolée. Il nous faut continuer à avoir un partenariat avec l’Europe. Nous sommes ouverts à
d’autres régions du monde, à l’Asie, à la Chine, à l’Inde, aux pays d’Amérique latine ».
Or, les prévisions de croissance économique sont en nette baisse pour la zone : 5.1 en 2006,
5.6 en 2007, 5.1 en 2008 au lieu des 6.1 prévus avant le cataclysme mondial de septembre, et
seulement 4.7 prévus pour 2009. Les leaders des pays de la zone comprennent que la crise
économique mondiale était susceptible de saper le processus de redressement économique des
pays de la zone à différents égards : en accélérant la baisse des investissements directs
étrangers, celle des transferts d’argent par les travailleurs migrants et la chute des prix des
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matières premières, principales sources de revenus des pays membres. C’est la raison pour
laquelle ils ont lancé un appel pour que soit mise en place une stratégie régionale permettant
d’amortir les effets néfastes de la crise financière et économique mondiale.
Pour répondre aux défis actuels, un audacieux plan d’action commun à la CEDEAO et à
l’UEMOA a été élaboré à l’occasion du 35eme sommet de la CEDEAO en décembre2008
pour donner un nouvel élan à la Communauté et mettre en place des mesures visant à amortir
l’impact de la crise.
Ce plan ne pouvait pas faire l’impasse sur les questions de sécurité alimentaire, surtout depuis
les « émeutes de la faim » qui avaient touché plusieurs pays de la région. Les leaders
politiques des Etats de la zone ont demandé avec insistance que les Etats membres finalisent
l’élaboration de leurs programmes nationaux d’investissement agricole, tout en reconnaissant
que les moyens à mobiliser étaient colossaux. D’autres sujets, comme la lutte contre le trafic
de drogue ou le lancement du plan stratégique quinquennal 2009-2013 de l’Organisation ouest
africaine de la Santé (OOAS) ont également été évoqués. Le volet politique n’a pas été éludé,
puisque la stabilité des pays de la zone est la condition sine qua non aux progrès
économiques.
Enfin, les responsables ont insisté sur l’importance de la signature d’un Accord de Partenariat
Economique (APE) entre l’Afrique de l’Ouest et l’Union Européenne, principal partenaire et
bailleur de fond de la zone, alors que de nombreuses voix se sont élevées en Afrique, pour
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critiquer ce partenariat. Selon ses détracteurs, cet accord se ferait au détriment des pays du
Sud. C’est ainsi que le Sénégal est plutôt réservé sur l’opportunité de signer de tels accords
qui risquent de compromettre le processus d’intégration.
La Présidence de la CEDEAO est désormais assurée par le Sénégal. Cependant, sans volonté
sincère de trouver des solutions africaines aux problèmes des Africains, il y a fort à parier que
l’appel aux contributions financières de la communauté internationale ne suffira pas à faire de
l’Afrique de l’Ouest une zone de paix et de prospérité. :, ;
La croissance économique des pays de la CEDEAO a légèrement reculé passant de 7,0 pour
cent en 2010 à 6,1% pour cent en 2011. Les principaux pays pétroliers en sont les moteurs
avec respectivement 7,4% pour cent en 2011 pour le Nigéria et 14,4% pour le Ghana (FMI).
Si pour ce dernier, la croissance a été portée par le secteur pétrolier, c’est plutôt les secteurs
non pétroliers qui ont tiré la croissance au Nigéria.
Les pays sortant des conflits ont également contribué à cette bonne performance qui aurait pu
être meilleure si la Guinée et le Togo n’avaient pas connu des troubles sociaux d’une part et
surtout si les résultats au sein de la zone UEMOA n’avaient pas été décevants avec 0,8% de
croissance en 2011 d’autre part. Cette année pour l’UEMOA, deux facteurs exogènes majeurs
ont été à l’origine de cette décélération, à savoir la crise politique en Côte d’Ivoire et la
sécheresse au Sahel. Les autorités de l’UEMOA ont réussi à maîtriser le risque de contagion
de la crise ivoirienne, qui a eu de graves répercussions sur le plan financier et a beaucoup
freiné l'intégration régionale.
La sécheresse récente au sahel a durement éprouvé les pays du CILSS notamment Burkina
Faso, le Mali, le Niger et le Sénégal occasionnant une baisse de 7 à 27 %, selon les
estimations, de la production céréalière. La conséquence est une forte prévalence de
l’insécurité alimentaire. Il est déjà estimé qu’entre 8 et 10 millions de personnes en souffrent
et ont besoin d’assistance (FMI). Pour les pays du CILSS, les effets de la sécheresse sur le
PIB se sont fait sentir en 2011.
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croissance de plus de 6% en 2012 notamment le Nigeria avec 6,0% et représentant près de
67% du PIB de la sous région, le Ghana avec 7,1%, le Burkina Faso avec 8,0%, le Niger avec
11,6%, la Sierra Leone avec 18,2%, la Cote d’Ivoire avec 8,6% et le Libéria avec 8,7%. Cette
croissance s’explique par la hausse de la demande extérieure des ressources naturelles
notamment minières, occasionnant ainsi un relèvement des cours mondiaux, et la reprise du
secteur agricole consécutive à la bonne pluviométrie de l’hivernage 2012/2013.
Les investissements prévus dans les secteurs de l’énergie électrique et les mesures de soutien
en faveur de l’agriculture pour pallier les difficultés d’approvisionnement en électricité et
relancer les activités agricoles ont été positifs. Le développement des secteurs des
télécommunications dans la quasi-totalité des pays et les importants investissements engagés
dans les grands travaux de reconstruction ou de développement ont contribué à relancer la
croissance dans la sous-région.
En termes de transformation structurelle, il est à noter la bonne tendance dans certains pays
pétroliers dont les PIB hors pétrole ont mieux fait que le PIB global. Depuis 2010, le taux de
croissance du PIB du Nigéria hors pétrole a été supérieur à celui de l’ensemble de l’économie
s’établissant en 2012 à 7,9% contre 8,8% en 2011. Dans le cas du Ghana, cette situation n’est
apparue qu’en 2012 avec 8,8% alors qu’au Niger, nouveau pays pétrolier, ces secteurs sont
encore à la traine. La reprise en Côte d’Ivoire, où l’économie était déjà bien structurée avant
la crise de 2002, s’est aussi traduite par un taux de croissance du PIB hors pétrole plus
important 8,4% que celui de l’ensemble de l’économie.
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Concernant les pays de l’UEMOA, la zone a souffert des effets de la mauvaise campagne
agricole 2011/2012 dans les pays sahéliens et des crises sociopolitiques au Mali et en Guinée-
Bissau. La fin de la sécheresse en 2012 devrait se traduire par une accentuation de la
croissance dans cette zone qui devrait s’accélérer pour atteindre environ 6,0%, malgré
l’affaiblissement de la conjoncture extérieure. La zone UEMOA, très dépendante de la Côte
d’ivoire qui pèse environ 30 % du PIB, a subi les fluctuations de cette économie. Le
redressement de l’économie ivoirienne en 2012, avec une croissance estimée à 8,6% aura un
impact positif sur les autres pays de la région, notamment les pays enclavés grâce à la reprise
des échanges commerciaux, des envois de fonds et des investissements. Au sein de
l’UEMOA, l’impact de la crise mondiale ne devrait toucher que la Côte d'Ivoire et le Sénégal,
économies les plus exposées. Mais ces pays bénéficieront de sources endogènes de croissance
avec la reprise post-crise en Côte d'Ivoire, les investissements accrus dans les infrastructures
et la fin des pannes d'électricité, surtout au Sénégal. D'autres facteurs endogènes tels que les
nouvelles exploitations pétrolières au Niger, devraient stimuler la croissance régionale avant
de décliner à moyen terme.
Le taux d’investissement dans les pays de la CEDEAO dépasse 20%, niveau satisfaisant pour
s’inscrire sur un chemin de croissance de qualité, ce qui est à l’origine des performances
économiques dans la sous région. Toutefois, la région peut mieux faire car plusieurs pays ont
un taux d’investissement en deçà de cette moyenne parmi lesquels la Côte d’Ivoire dont le
taux d’investissement est resté particulièrement bas pour n’atteindre en 2012 que 12,1%.
Cinq pays, à savoir le Cap Vert, le Niger, la Gambie, le Nigeria et le Sénégal ont maintenu
des taux d’investissement élevés depuis 2008 en raison surtout des infrastructures et des
exploitations minières ou pétrolières. La Guinée et la Sierra Léone ont surtout menés des
efforts ces dernières années depuis 2010, avec l’arrivée d’importants flux d’investissements
étrangers pour les exploitations minières. Dans l’ensemble de l’UEMOA, les efforts du
Sénégal et du Niger n’ont pu compenser les faibles taux d’investissement dans les autres pays
qui sont restés le plus souvent en deçà de 20%. L’Union a été moins performante dans ce
domaine, malgré les 20,5% enregistrés en 2012. L’importance du taux d’investissement dans
la Communauté s’explique surtout par le niveau des investissements publics dans presque
l’ensemble des pays. La mobilisation des investissements privés relève plus du besoin
d’exploitation des ressources naturelles dont la demande extérieure reste encore forte que de
l’amélioration du climat des affaires.
20
2. Impact sur les économies de l’Afrique de l’Ouest
Les performances économiques de la sous région sont largement dépendantes des conditions
économiques des pays avancés malgré une certaine modification des flux d’échanges en
faveur des pays émergents. Malgré la progression des échanges avec ces pays, la zone
CEDEAO dépend à 50,7% de ses exportations des Etats unis et de la zone Euro et à 31,6%
pour les importations selon les données de la CUNCED de 2010. La dépendance est aussi
forte pour les flux de capitaux, les transferts des immigrés et de l’Aide publique au
développement. Le repli de ces variables va directement se faire ressentir sur les
performances économiques. La poursuite de la récession dans les pays avancés commence à
se faire sentir dans les pays émergents et en développement dont certains comme le Brésil
commence à en subir les conséquences. Cette évolution pourrait remettre en cause
l’alternative que ces pays offraient à l’Afrique de l’Ouest.
Les perspectives économiques de la sous région s’inscrivent dans des conditions sécuritaires
très préoccupantes. Un risque majeur pour l’Afrique de l’Ouest est lié aux répercussions de la
criminalité transnationale avec des menaces internationales grandissantes pour la stabilité
dans la sous région et dans la région du Sahel. Il s’agit des trafics d’armes et de drogues, de la
piraterie et des vols à main armée commis en mer, et le terrorisme. Ces menaces contribuent à
affaiblir la gouvernance, le développement social et économique et la stabilité, et compliquent
la fourniture de l’assistance humanitaire, tout en menaçant de réduire à néant les avancées
accomplies dans la région en matière de consolidation de la paix (ONU). Le trafic de cocaïne
transitant par l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale génère environ 900 millions de dollars
par an, selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC),
21
d’être performantes. Cette performance résulte de l’amélioration de la gestion
macroéconomique, de la demande mondiale encore favorable en matière de ressources
naturelles. Cette évolution reste encore très fragile car les bases d’une croissance forte et
durable restent à consolider. La poursuite de la mise en œuvre de politique de qualité, le
renforcement des cadres institutionnels de gestion de l’économie et le renforcement du
processus démocratique sont autant de mesures qui se consolident au profit du développement
économique et social. La pérennisation de ces efforts est nécessaire pour mieux contenir les
problèmes sécuritaires observés çà et là.
L’Afrique de l’Ouest a connu ces dernières années une prolifération de groupes terroristes très
actifs. Le phénomène islamiste a pris une tournure inquiétante dans la région ce qui en fait
une des zones les plus dangereuses du monde. La situation de délitement au nord du Mali a
favorisé l’implantation des groupes islamistes qui y opèrent face à l’impuissance des « pays
du champ ». Mohamed Bazoum, le Ministre des Affaires Etrangères du Niger qualifie la
région de « poudrière ». La zone connait également une recrudescence de trafic en tout genre
et de criminalité. Un rapport du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 26 Janvier 2012
faisait état de l’aggravation de l’insécurité au sahel après la chute de Khadafi. Plus que jamais,
l’Afrique de l’Ouest est devenue un nouvel « el dorado » de groupes terroristes très organisés
et mobiles.
Le Président déchu Amadou Toumani Touré (ATT) évoquait la « fragilité » de la région sur le
plan sécuritaire, les événements récents ont cristallisé cette instabilité. Les groupes islamistes
« cohabitent » avec des mouvements indépendantistes et des narco trafiquants. Le terrorisme
est propice dans des zones frappées particulièrement par l’insécurité et la pauvreté.
Cependant, le phénomène, de plus en plus croissant au niveau de la zone sahélo-saharien, est
amplifié par l’enlisement au nord du Mali qui semble s’inscrire dans la durée ajouté aux
conséquences de la crise libyenne. Ainsi, Al Qaida au Maghreb Islamique (Aqmi),
le Mouvement pour l’unicité du jihad en Afrique de l’ouest (Mujao) et Ansar
Dine profitent de cette situation de confusion dans la région pour renforcer leur présence et
agir en toute liberté. Le Nigéria aussi fait face aux agissements de la secte islamiste Boko
22
Haram qui multiplie les actes terroristes avec une violence inouïe depuis quelques mois.
Cette montée en puissance des groupes islamistes échappe complètement aux pays de la
région.
La bande sahélo saharienne présente un intérêt particulier pour les groupes terroristes du fait
de son immensité. C’est une zone faiblement peuplée avec de grands espaces désertiques et
montagneux. Ce vaste territoire aride de 8 millions de kilomètres carrés présente des
conditions de vie difficiles. Les températures y avoisineraient 1 degré en décembre à 50
degrés durant la période de sécheresse. Une grande partie des populations installées dans le
Sahara sont des nomades qui ont pour principale activité le commerce. La mobilité des ces
populations qui sont retrouvées dans les différents pays rendent le contrôle des frontières
ardu. Ramtane Lamamra, Commissaire à la Paix et à la Sécurité de l’Union Africaine
expliquait l’implantation des groupes terroristes au sahel à travers trois facteurs. « La
recherche de zones refuges caractérisées par un faible maillage sécuritaire et une présence
insuffisante des organes des États; la quête de nouvelles sources de financement ; le besoin
de conquérir de nouveaux espaces de recrutement pour les besoins d’une confrontation
planétaire avec autrui».
23
« économies vulnérables » qui ne peuvent soutenir une réelle action d’envergure face au péril
islamiste. Les écarts démographiques dans les pays du sahel entre les zones urbaines et le
reste du territoire constituent un déséquilibre considérable. A titre d’exemple au Mali, la
capitale Bamako compte plus de 1,5 million d’habitants, soit 12% de la population, tandis que
la moitié nord du pays est très peu peuplée. De même, les trois quarts du Niger sont
désertiques. La capitale politique et démographique, Niamey, avec près de 900 000 habitants,
représente près de 6% de la population du pays, soit une proportion moindre par rapport à
l’armature urbaine de la Mauritanie et du Mali, car la géographie du peuplement met en
évidence un ruban de densité relativement élevée de population le long de la vallée du fleuve
Niger, ce qui signifie, là aussi, une prime méridionale dans le peuplement.
Les groupes terroristes, notamment Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) profitent des
faiblesses structurelles des Etats de l’arc sud-sahélien. La notion d’intangibilité des frontières
s’applique difficilement dans la région pour les populations. La zone est aussi caractérisée par
ce contraste, d’une part nous avons des centres politiques et économiques situés au sud des
territoires et d’autre part, des zones périphériques faiblement peuplées localisées dans les
régions septentrionales. Cette « dichotomie centre/périphérie » se répercute sur les conditions
d’exercice de l’autorité de l’Etat et se traduit par l’absence de visibilité des pouvoirs centraux
dans les espaces éloignés des capitales.
« Ces pouvoirs centraux ne disposent pas ainsi de relais suffisamment denses pour assurer, en
permanence et durablement, les fonctions régaliennes de l’Etat dans les zones périphériques »
Cette situation crée de fait des velléités indépendantistes de populations qui sont
« déconnectés » du pouvoir central et l’instauration de territoire sous leur contrôle.
La percée islamiste en Afrique de l’Ouest a eu lieu au cours de ces dix dernières années. La
préoccupation à l’égard du développement de la menace terroriste dans la région sahélo-
saharienne est devenue au fil des événements une préoccupation internationale. Les
principaux « groupes terroristes » actifs qui menacent la stabilité de la zone ouest africaine
sont Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), le Mouvement pour l’unicité et le djihad en
Afrique de l’Ouest (Mujao) et Boko Haram. Au palmarès des groupes les plus-en vue, ils
jouent les « premiers rôles » et la situation actuelle au nord du Mali a renforcé leurs positions.
24
Al Qaida au Maghreb Islamique est l’appellation actuelle du Groupe Salafiste pour la
Prédication et le Combat (GSPC) né en Algérie en 1998. Il fut crée à la fin d’une décennie de
violence qui a plongé le pays dans la terreur. Ses fondateurs dont Hassan Hattab sont des
anciens du Groupe Islamique Armée (GIA) opposés à la forme de violence perpétrée par
l’organisation contre les populations civiles. Le GSPC s’est donc constitué à partir d’un noyau
de l’ex-GIA de la zone 2, localisé en Kabylie, plus précisément dans la région Boumerdès-
Dellys-Tizi-Ouzou. Hattab en aurait été, pour une courte durée, le premier émir. Des
dissensions vont naitre en 2003 au sein du GSPC sur les objectifs entre le fondateur Hattab et
sa « jeune garde ». Ce nouveau courant sous l’inspiration d’Abdelmalek Droukdal alias Abou
Moussab Abdelwadoud prône une « internalisation » des actions de la mouvance et en prend
les commandes.
Cette volonté d’étendre l’influence du GSPC au delà des frontières algériennes se traduit par
l’attaque de la caserne de Lemgheity en Mauritanie en juin 2005 et l’envoi de combattants
dans le bourbier irakien. Le GSPC cherche à se rapprocher d’Al Qaida qui occupe le devant
de l’actualité mondiale depuis les attentats de New York.
Le Mouvement pour l’unicité du jihad en Afrique de l’ouest (Mujao), une dissidence
d’Aqmi
Le Nigéria est un « géant » d’Afrique avec ses 160 millions d’habitants et sa place de
deuxième économie du continent. Ces derniers mois le pays est secoué par une vague
d’attentats terroristes perpétrée par les islamistes de Boko Haram. La secte nigériane a été
fondée en 2002 à Maïduguri dans le nord du Nigéria par un groupe de fidèles réuni autour du
jeune prêcheur, Mohammed Yusuf. Selon certains analystes, les origines de la mouvance
islamiste remontent à l’année 1995.
26
Photo 3 : Des combattants de la secte islamiste de Boko Haram.
En décembre 2003, Boko Haram s’illustre pour la première fois dans l’Etat de Yobe avec les
attaques de postes de police et des bâtiments publics dans les villes de Geiam et Kanamma.
Les « talibans » de Boko Haram comme ils se définissent eux mêmes sont issus des couches
désœuvrées de la société. Ces jeunes sont séduits par le discours islamiste de Boko Haram. Il
semble difficile de connaitre le nombre précis de combattants mais les chiffres tourneraient
autour de 280 000 personnes dont 300 permanents, répartis entre le nord du Nigéria, le Niger
(Zinder, Maradi et Diffa) et le Tchad.
En 2009, suite aux attaques répétées contre les institutions de l’Etat dans le nord, les forces de
sécurité nigérianes passent à l’offensive. Plus de 700 combattants de Boko Haram seront tués
parmi eux, leur chef Mohammed Yusuf. Il est remplacé par Mallam Umaru Sanni. Au cours
de l’année 2011, un climat de violence permanent s’installe à nouveau dans les Etats du nord
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du pays. Dans l’intervalle, Boko Haram se serait divisé en plusieurs branches. L’ex-numéro
deux du mouvement, l’imam Abubakar Shekau est un des chefs les plus connus actuellement.
La menace terroriste dans l’espace ouest africain a des formes multiples. Aqmi et Mujao ont
sensiblement le même mode opératoire et Boko Haram est plutôt sur le registre de la terreur
avec des attaques d’une extrême violence sur le sol nigérian. Au cours de ces dernières
années, Aqmi a développé différents modes opératoires sur l’ensemble de la région relayés
dans les médias occidentaux. Les deux modes opératoires les plus utilisés ces dernières
années par les réseaux terroristes sont les attentats et l’enlèvement d’otages au sahel.
L’attentat suicide, acte terroriste « par excellence » fut utilisé à plusieurs reprises par la
mouvance algérienne. En Avril 2007, plusieurs attentats suicide ont été commis en Algérie et
au Maroc dans la même période. Aqmi a utilisé le même procédé le 11 décembre 2007 à
Alger contre le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et Programme
des Nations Unies pour le développement (PNUD). L’organisation s’illustre à nouveau avec
le même mode opératoire en aout 2009 en Mauritanie contre l’Ambassade de France.
En Aout 2011, Aqmi a revendiqué le double attentat suicide qui a fait 18 morts à l’Académie
militaire de Cherchell, en Algérie. En effet, Deux kamikazes, dont l’un à moto, se sont fait
exploser à quelques secondes d’intervalle devant l’entrée du mess des officiers de cette école
militaire.
La mouvance islamiste nigériane semble adopter ce même mode opératoire. En effet, Boko
Haram a commis une série d’actes terroristes au nord du Nigéria sous plusieurs formes
(attentats suicide, attaques à main armée, braquages). Il a revendiqué le 3 juin 2012 l’attentat-
suicide contre une église dans le quartier de Yelwa à Bauchi, au nord-est du Nigeria. Le bilan
fut de quinze morts et une quarantaine de blessés. Boko Haram multiplie depuis plusieurs
mois les actes terroristes contre des cibles variées notamment les symboles du pouvoir
(police, armée, hommes politiques) et les églises. En janvier dernier, la secte avait lancé une
série d’attaques coordonnées spectaculaires dans la ville de Kano, visant principalement des
28
commissariats et faisant au moins 185 morts. La mouvance nigériane a toujours pris pour
cible l’Etat et la population nigériane.
Il semblerait que la date 26 Aout 2011 soit un tournant dans la stratégie de Boko Haram. En
choisissant de frapper le bureau de la représentation des Nations unies à Abuja, la mouvance a
voulu « internationaliser » son combat. Avant cette date, la secte ne s’était jamais attaquée à
une cible étrangère. Doit-on pour autant conclure que Boko Haram a franchi un palier et
s’inscrit dans la lignée d’Aqmi avec une perspective régionale ? La secte islamiste n’a pas
récidivé et il semble trop tôt pour tirer des conclusions hâtives. Pour l’heure, Boko Haram
continue d’étendre son action au delà du nord du Nigéria et l’attaque de l’église catholique de
Madalla, près d’Abuja le 24 décembre 2011 en est une parfaite illustration. Cet attentat a fait
au moins 35 morts à la fin de la messe de Noël. A la mi-janvier, Human Rights Watch avait
calculé que Boko Haram avait tué 935 personnes au Nigeria depuis la reprise de ses actions
militaires, en 2009.
L’utilisation de « l’attentat » révèle une volonté de créer un climat d’insécurité chez « le
supposé ennemi » des mouvances islamistes. Dans « cette nouvelle ère du tout
technologique » un attentat est relayé dans les premières minutes dans les médias du monde.
Les attentats du 11 Septembre et surtout les images des avions percutant le World Trade
Center ont laissé une trace indélébile dans la mémoire collective.
« Internet » est devenu un outil de propagande pour les groupes islamistes. Il apparait un
phénomène de « médiatisation » des chefs terroristes qui mettent en scène leur message de
revendication après un attentat. L’ex leader d’Al Qaida Ben Laden avait ouvert la « brèche »
de l’ère médiatique des chefs islamistes pour véhiculer son message.
L’autre procédé très prisé par les groupes islamistes dans la région est l’enlèvement. En 2003
déjà, Aqmi (Ex GSPC) s’était illustré avec l’enlèvement 32 touristes européens dans le sud
algérien. Parmi ces touristes, une allemande perdra la vie durant la détention des suites d’une
insolation. Les derniers otages sont libérés en août 2003 au Mali, où ils avaient été transférés.
En février 2008, Aqmi procède à l’enlèvement de deux touristes autrichiens. Ils seront libérés
le 31 octobre 2008 au Mali. En janvier 2009, quatre touristes européens sont enlevés. Trois
seront libérés au Mali (le 22 avril et le 12 juillet 2009) et la britannique Edwin Dyer sera
exécuté le 31 mai 2009. Le 26 novembre 2009, l’humanitaire français Pierre Camatte est
29
enlevé au Mali, à Ménaka. Il sera libéré le 23 février 2010. Le Mali est devenue pour Aqmi
une zone de captivité pour les otages enlevés au sahel.
AQMI détiendrait actuellement neuf otages européens dont six français, un suédois, un
néerlandais et un britannique. Depuis 2007, il aurait procédé à l’enlèvement de plus de 80
personnes. La mouvance islamiste commencerait à modifier sa stratégie, en s’aventurant en-
dehors de ses lieux habituels vers des régions moins suspectes, plus proches de la frontière
avec le Burkina Faso.
Le Mojao s’est inscrit sur la même trajectoire qu’Aqmi avec l’enlèvement du Consul
d’Algérie et ses six collaborateurs le 5 avril 2012 à Gao. L’enlèvement des sept Algériens a
eu lieu quelques jours après la « chute du Nord du Mali » tombé aux mains de divers groupes
armés dont le Mujao, Ansar Dine, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et le Mouvement
national de libération de l’Azawad. A la différence de Mujao et Aqmi, Boko Haram n’est pas
sur le registre de l’enlèvement d’otages.
L’enlèvement d’otages présente « deux intérêts » pour les groupes islamistes tels que le
Mujao et Aqmi. Il permet de négocier la libération de détenus qui sont actuellement dans les
prisons algériennes mais aussi le paiement de rançons. Ce que Serge Daniel appelle
« l’industrie de l’enlèvement » est devenu aujourd’hui l’activité la plus lucrative pour ces
groupes terroristes. Mujao réclamait à l’Algérie la libération d’islamistes détenus sur son
territoire, en plus d’une rançon de près de 20 million de dollars moyennant la libération du
Consul et ses collaborateurs. Le mouvement avait formulé une demande de rançon de près de
40 millions de dollars et la libération de deux Sahraouis arrêtés par la Mauritanie en échange
d’une espagnole et d’une italienne humanitaires enlevés le 23 octobre 2011 à Tindouf dans
l’Ouest de l’Algérie. En 2011, Aqmi demandait à la France pour la libération de quatre otages
enlevés le 16 septembre 2010 à Arlit sur un site d’extraction d’uranium dans le nord du Niger
la somme faramineuse de 90 millions d’euros. Le paiement des rançons des premiers otages
au sahel par les occidentaux a modifié considérablement le rapport de force. En effet, les
groupes terroristes en n’ont fait un moyen de pression et un outil de propagande.
Selon Serge Daniel, « Les prises d’otages sont une vraie manne financière pour les salafistes.
Il n’y a qu’à voir les montants des rançons : les Espagnols ont versé entre 8 et 15 millions
d’euros pour la libération de leurs ressortissants, l’Italie 3,5 millions, l’Autriche entre 1,5 et
30
3 millions ». Il estime la fortune de la mouvance algérienne aujourd’hui à 200 millions
d’euros.
Cela nous amène à nous poser la question suivante. Que reste t’il de l’idéologie face à des
pratiques qui relèvent plus de la criminalité que du « djihadisme » ? Est-on toujours dans le «
terrorisme idéologique » ou dans une nouvelle forme de « banditisme organisé » ? Il semble
que le quotidien de ces groupes islamistes est plus devenu celui de réseaux criminels portés
sur le rapt, le blanchiment d’argent, le trafic de cigarettes, d’armes légères, d’essence, de
drogue et les filières d’immigration clandestine.
Au regard de la montée islamiste dans l’espace sahélo saharien depuis quelques années, il
convient de s’interroger sur une possible « connexion » voire une « alliance » entre ces
groupes terroristes. L’instabilité politique à Bamako et l’insécurité au Nord du Mali a accéléré
cette « mainmise territoriale » des groupes islamistes au coté du Mouvement National pour la
Libération de l’Azawad (MNLA). Il ne fait aucun doute que l’agenda islamiste d’Ansar Dine
est plus en phase avec celui de Mujao ou d’Aqmi que la revendication indépendantiste du
MNLA [30]. En mai dernier il est fait état d’une rencontre à Tombouctou à laquelle a
participé Aqmi, Mujao et Ansar dine. Elle avait pour but de « consolider » leurs relations et
leur emprise sur la région. L’Algérien Nabil Makloufi, coordinateur des katiba d’Aqmi au
Sahel, Abou Zeid et Mokhtar Belmokhtar ont pris part à cette rencontre au coté du chef du
Mujao. On prête à Aqmi et à son chef Abdelmalek Droukdel, l’ambition d’instituer un « Etat
islamique » dans la région ce qui pourrait rencontrer l’assentiment de Mujao et Ansar Dine.
La relation entre la secte islamiste Boko Haram et les autres mouvances islamistes semble
plus difficile à établir. En effet, Boko Haram a cantonné toutes ses attaques sur le territoire
nigérian. Cependant, les Etats Unis par la voix du Général Carter Ham, le Commandant de la
mission « Africa Command » a révélé que « les liens entre Aqmi et Boko Haram sont très
probablement les plus inquiétants dans la mesure où les informations que nous avons
indiquent qu’ils partageraient des ressources monétaires, s’entraineraient ensemble et
s’échangeraient des matériaux explosifs ce qui peut être très dangereux». Les représentants
de la mission des Nations Unis au sahel ont également fait état de liens entre Boko Haram et
AQMI. Leur rapport indique que certains des membres de la mouvance islamiste basés
31
Nigéria et du Tchad avaient été formés dans les camps de l’AQMI au Mali pendant l’été
2011. « Sept membres de l’organisation auraient été arrêtés au Niger, alors qu’ils se
rendaient au Mali, en possession de documents sur la fabrication d’explosifs, de tracts de
propagande ainsi que de noms et de coordonnées de membres de l’AQMI qu’ils projetaient,
semble-t-il, de rencontrer ». Le Président nigérien Mahamadou Issoufou a même évoqué
l’installation de camps d’entrainement de Boko Haram à Gao.
Boko Haram semble avoir tissé des liens avec Aqmi, ce rapprochement expliquerait le "saut
technique" opéré par ses membres dans l’organisation des récents attentats-suicides. En effet,
la « sophistication » des dernières attaques et les similitudes dans les modes opératoires avec
Aqmi, font penser qu’il y’a eu un « transfert de savoir ». Cependant, irait-on jusqu’à affirmer
que les deux organisations ont noué une alliance alors que les objectifs poursuivis sont
opposés ? Aqmi s’inscrit dans une perspective régionale alors que Boko Haram jusqu’ici a
mène un combat national.
Le professeur James Forest estime plutôt qu’ "Aqmi a longtemps cherché un groupe affilié en
Afrique de l’Ouest, et de préférence au Nigeria. Bien qu’on distingue des tentatives avec
Boko Haram, rien n’indique que cela ait eu du succès. Mais il y a quelques relations
personnelles entre AQMI et Boko Haram qui ont facilité des échanges d’armes et de
renseignements ; ceux-ci ont été accompagnés de quelques déclarations publiques de
coopération au niveau de leurs organisations."
Se dirige t-on vers une « grande alliance du terrorisme djihadiste» en Afrique de l’Ouest? Il
semble difficile de répondre à cette question pour l’heure, il serait plus judicieux de parler de
« mutualisation » des forces. A cet effet, il semblerait que l’enlèvement des deux jeunes
Français à Niamey en 2011 avait été organisé grâce à des renseignements fournis par un
membre de Boko Haram présent dans la capitale nigérienne. Une « alliance djihadiste » en
Afrique de l’ouest serait lourde de danger pour la stabilité d’une région déjà en proie à toutes
les formes de fragilité institutionnelles.
La menace terroriste prend de l’ampleur dans la région et déstabilise surtout des pays comme
le Mali et le Nigéria. Une véritable stratégie pour enrayer le phénomène a tardé à se dessiner
au niveau des pays concernés et sur le plan régional ces dernières années. Le nord du Mali est
32
devenu le « sanctuaire » des groupes islamistes qui y développent leurs activités sous le
regard impuissant des « pays du champ ». La crise libyenne a participé à l’exacerbation de la
situation avec une prolifération d’armes dans la région.
L’autre facteur déstabilisant est le retour au Mali et au Niger des combattants (mercenaires et
anciens touaregs) issus des rangs de l’armée régulière libyenne. La crainte d’une jonction
entre Aqmi et ces combattants lourdement armés venus de Libye pèse sur la région. Mais
l’élément le plus inquiétant est la circulation des armes corroboré par la déclaration du
Ministre algérien Abdelkader Messahel qui affirma que « des pans entiers des arsenaux
libyens ont été transférés vers l’Algérie et les pays de la bande sahélienne». La France dans sa
volonté de faire plier Kadhafi en soutenant le Conseil National de Transition (CNT) avait
procédé au parachutage d’armes à l’Ouest de la Libye. Le constat est indéniable, le sahel est
devenu un « dépôt d’armement à ciel ouvert » et les groupes terroristes pourront se ravitailler
sans aucune difficulté. Le Rapport de la mission d’évaluation des incidences de la crise
libyenne sur la région du Sahel des Nations Unies de 2011 confirme cette inquiétude sur la
présence massive d’armes.
Certaines voix sont montées au créneau pour fustiger le « laxisme » du Gouvernant malien
sur ce qui couvait au nord. La liberté de mouvement des groupes islamistes au nord a soulevé
de nombreuses interrogations sur l’attitude de l’Etat malien. En effet, Il a été reproché au
Président Toumani Touré l’absence d’une véritable volonté politique pour juguler cette
menace. En proie à une rébellion touareg et disposant de moyens limités, pouvait-il se
permettre de faire face à Aqmi. De plus, des officiers maliens auraient été en contact direct
avec les groupes islamistes, leur facilitant les trafics en tout genre dans cette partie du pays.
Selon Ahmadou Ould Abdallah « il n’y aurait pas d’AQMI dans la région sans complicités
avec les services de renseignement et de sécurité, et avec des responsables des douanes. Ces
complicités s’étendraient partout, notamment en Algérie, mais aussi au Mali. A Gao, dans le
nord du pays, un quartier où s’érigeaient de luxueuses villas a été surnommé… "Cocaïne
City" ».
Le tableau du sahel ainsi présenté, il semble difficile de trouver une solution rapide pouvant
mettre fin aux agissements des groupes islamistes. De nombreuses initiatives ont été mises en
place dans la région pour lutter contre la menace terroriste. En 2011, l’Union européenne a
présenté sa stratégie concernant la sécurité et le développement au Sahel. Avec cette
initiative au Sahel, l’UE entend aider des pays comme la Mauritanie à un meilleur contrôle de
33
ses frontières. En outre, la stratégie de l’Union Européenne s’articule sur la bonne
gouvernance, le développement économique et la résolution des conflits. Elle encourage les
Etats partenaires à renforcer leur sécurité et le respect de la loi, tout en luttant contre
l’extrémisme et le radicalisme.
Les « pays du champ » semblent vouloir renforcer leur coopération en matière de lutte contre
le terrorisme mais font face à l’extrême mobilité des mouvements islamistes. Seule une
réponse globale face à la menace peut enregistrer des résultants probants. « Une lutte efficace
contre le terrorisme, passe non seulement par une détermination individuelle de chaque Etat,
mais aussi et surtout, par une politique sécuritaire commune au plan international et sous
régional » affirmait Soumeylou Boubèye Maïga. L’Algérie une puissance régionale, est
fréquemment accusée de fermer les yeux sur les agissements des groupes islamistes issus de
ses « flancs ». L’Algérie s’est refusée jusqu’ici à une intervention militaire au-delà de ses
frontières. Ce manque d’implication d’Alger dans la coopération pour annihiler les actions
des groupes terroristes est déploré par les partenaires. En Novembre 2011, Le chef d’état-
major de l’armée algérienne Gaïd Salah donnait des gages sur l’implication de son pays en
ces termes. « La situation sécuritaire dans la région constitue un défi face auquel il nous
appartient de redoubler d’efforts à travers une coopération plus étroite au sein du Comité
d’état-major opérationnel conjoint afin de juguler tout risque et facteurs d’insécurité et
poursuivre notre dynamique dans le but d’éradiquer le terrorisme et ses connexions ».
34
Dans toute crise ou situation de conflit, intervient le temps de la négociation. La situation au
nord du Mali ne dérogera pas à cette règle. Une intervention militaire n’est pas forcément un
gage de succès tout au plus elle réduira l’influence dans le temps des groupes terroristes. Elle
permettra sans doute à l’Etat malien de reconquérir le nord mais l’éradication du phénomène
islamiste parait plus complexe. Nous sommes en présence de groupuscules répartis dans une
zone immense, ce qui rend plus difficile la confrontation.
Le cas du Nigéria semblait offrir plus de perspectives en termes de résolution du conflit qui
l’oppose à Boko Haram. Le Gouvernement a appelé la secte islamiste à une table des
négociations mais Boko Haram serait fragmenté en plusieurs cellules qui n’obéissent pas une
hiérarchie. Cette situation rend complexe une négociation avec Boko Haram et la fin des
attentats sur le sol nigérian. Les Etats-Unis ont placé le chef de la secte Boko Haram,
Abubakar Muhammad Shekau, et deux autres dirigeants sur leur liste noire antiterroriste [51].
Cependant Boko Haram ne figure pas sur la liste des organisations terroristes des américains.
Cette précision est de tailler car elle permet au Gouvernement nigérian d’avoir comme
interlocuteur le groupe islamiste et d’entrevoir des négociations.
CONCLUSION
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La géopolitique de l’Afrique de l’ouest est un domaine qui change beaucoup et très vite,
nécessitant une mise à jour permanente. Les problèmes endémiques de cette région, sont dus
au fait que la carte des États ne correspond pas à la carte des ethnies. Ainsi, l’unité nationale
n’est pas suffisante. D’ailleurs, il est important de constater que les États à forte identité
nationale sont ceux qui réussissent le mieux aux niveaux économique, politique ou du
développement.
Une question se pose : le nouveau positionnement de l’Afrique, au cœur des intérêts
géostratégiques planétaires, va-t-il lui être bénéfique ? Rien n’est moins sûr. Les places
laissées vacantes par la France et le Royaume-Uni sont chères. On sait que l’affrontement
Chine-États-Unis autour du contrôle du pétrole. L’Afrique occidentale ne constitue qu’un
nouveau point chaud de la lutte des Grands pour la domination.
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages généraux
Antoine Bailly, FERRAS (R), Denise Pumain, 1995, Encyclopédie de Géographie,
Economica.
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Ouvrages spécifiques
TABLE DESMATIERES
INTRODUCTION
1. Présentation de la région
2. La population au cœur des stratégies de développement
3. La question des frontières
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SITUATION ECONOMIQUE ET SOCIALE EN AFRIQUE DE L’OUEST
1. Produit Intérieur Brut (PIB)
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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